Skip to main content

Full text of "Le Cosmos revue des sciences et de leurs applications ser 4 v 67 1912"

See other formats


EXCHANGE 


sjes: 
ist ut 


i 
AUA 

















ST, AIN ESS = 





APPAREILLAGE ÉLECTRIQUE GRIVOLAS 


Société Anonyme au Capital de 2.000.000 trancs | 
SIÈGE SOCIAL : 16, rue Montgolfier — PARIS | | 


PARIS 1900, St-LOUIS 1904, Médailles d'Or ; LIÈGE 1905, Gr. Prix : MILAN 1006, 2 Gr. Prix 
LONDRES1908 — MEMBRE DU JURY — HORS CONCOURS 
>» BRUXELLES 1910, Grand Prix; TURIN 1911, Hors Concours, Membre du Jury 


SUPPORTS - INTERRUPTEURS - COUPE-CIRCUITS 
_ RÉDUCTEURS et DISJONCTEURS — PRISES DE COURANT 
Accessoires pour l'Automobile et le Théâtre 


MOULURES POUR L'ÉLECTRICITÉ 
CATALOGUE ILLUSTRÉ SUR DEMANDE 
SR SZ 


| 
_—… mm" um = EE 


DÉCOLLETAGE ET TOURNAGE EN TOUS GENRES 
CATALOGUE SPÉCIAL FRANCO SUR DEMANDE 





Moules pour le Caoutchouc, le Celluloïd, etc. 
es moulées en alliage et en alumini 















PR ap $ Télé : 
| TÉLÉPHONE 1030-55 Pièces isolantes moulées pour l'Electricité PR Serie els Er) 
z i R 


— 1038-58 En Ebénite (bois durci) noir brillant. — Eu Electroïne, toutes nuances 





+ 
_ 


x CHATEAU PÈRE & Fizs (1884-1902). ANCIENNE MAISON PE RES m # 
Et.CHATEAU, Ing'ies Arts et Man res 
x & CHATEAU FRÈRES : C° Successeurs! Cyp.CHATEAU lig" de] Ecole Polytechnique A 
125, Bouli de Grenelle, Le (15°). — Ci-devant : 118. Rue Montmartre. 
FER ANSE PARIS 1900 HORLOGERIE MONUMENTALE M 


mapa a Notre-Dame, la Trinité, St-Augustin, x 
iais des Machines et de l Industrie, ce, D 
Remises à l'heure de Paris, Roubaix. Ne Sorbonue, 
Télèphone OCHOROWICZ 
TÉLÉPHONES ET MICROPHONES yí 
_Agréés ur les réseaux de l'Etat. 
streurs, Tourniquets, ~ 
tres pour grands cadrans. 








. CONTRÔLEURS COLLIN 
x A'E A atomai pe i annert, prang. 6.D.6. 
S de TALET 

et de Biociethe, Pa 


ARMENGAUD Jeune. — Brevets d'invention — PARIS, 23, Boul. de STRASBOURG 








2| APPAREILS PHOTOGRAPHIQUES |% 


DE HAUTE PRÉCISION 


Etablissements Philippe TIRANTY 


TÈLÈPHONE 3, Rue de | Entrepôt, 3 TÉLÉGRAMME 


436-12 i P A R I S | Photophile-Paris 


Demander le Catalogue 1912 


qui vient de Paraître (Franco aux lecteurs du Cosmos) 


SPÉCIALITÉS : 


APPAREILS NETTEL., THORNTON-PICKARD, PRODUITS REEB, 
AGRANDISSEURS GUILLON, APPAREILS REFLEX, APPAREILS DE 
PHOTOGRAPHIE A GRANDE DISTANCE “TÉLÉPHOTE" ErTCc., ETC. 








JE: 
x > 


TPS Tes 


r? 


COSMOS 


REVUE DES SCIENCES 


ET DE 


LEURS APPLICATIONS 


SOIXANTE ET UNIÈME ANNÉE 
1912 


(Deuxième Semestre.) 


NOUVELLE SÉRIE 


TOME LXVII 


PARIS, 5, RUE BAYARD, (Ville ARR.) 


COSMOS - t 


REVUE DES SCIENCES 


ET DE LEURS APPLICATIONS 


France . . . . Unan 20 francs Union postale. . Unan 25 francs 
— Six mois 42 » — Six mois 145 » 


PRIX DU NUMÉRO : 90 centimes. 


— re TZ RM 


Les années depuis 1885 sont en vente aux bureaux du journal, 


se 4.08 rue ue Paris, VIII’ arr 


Cette o série commence avec février 1885 


. 
TERTRE neer 
cu 
se » + ọọ 


et chaque volume ad en 1897 contient quatre mois. 
LE VOLUME: 8 francs. 


A partir de 1897 l'année en 2 volumes, 12 francs chacun. 





SOMMAIRE DU NUMÉRO DU 4 JUILLET :912 


Tour du monde. — Le chanoine Mémain. Les suites possibles de la dernière éruption du Taal en janvier 
1911. La plus grande profondeur de la mer. Une ile de soufre. Les poussières de Pair. L’ « impérialite », 
nouvel explosif de sûreté. Répétition de l’expérience du pendule de Foucault à Fourvière. L’automobi- 
lisme en Amérique. Les écrasés. L'altitude en aéroplane, p. 3. 


Les rayons X au service du sport, GRAnENwITz, p. 7. — La toilette et le truquage des fruits, BLAN- 
CHON, p. 8. — Le chemin de fer maritime de Key-West, Boxnarré, p. 10. — Le nouveau laboratoire 
aérodynamique de M. Eiffel, Fouanienr, p. 13. — La lumière cendrée de la Lune, Nobox, p. 15. — 
Les frigorifiques agricoles, SANTOLYNE, p. 17. — Dés spéciaux pour le tirage des loteries, F. T., 
p. 18. — Un point d’histoire de la sismologie : Alexis Perrey, be Monressus DE BALLORE, p. 22. — 
Sociétés savantes : Académie des sciences, p. 24. — Bibliographie, p. 26. 








TOUR DU MONDE 


NÉCROLOGIE 


Le chanoine Mémain. — Nous avons appris 
avec un vif regret la mort du chanoine Mémain, 
survenue au commencement de juin. Il avait 
honoré, à différentes reprises, le Cosmos de sa 
collaboration. 

Cet excellent prêtre, dont la belle vie sacerdotale 
est toute de surnaturel, ne se désintéressait pas 
des sciences, auxquelles il consacrait les quelques 
loisirs que lui laissaient les œuvres multiples dont 


T. LXVII. N° 1432. 


il avait pris la charge. On peut citer de lui les 
ouvrages suivants : 

Il avait publié, en 1879, un opuscule intitulé : 
Notice sur l'ancien calendrier hébraïque. Il donna, 
en 1886, son beau volume sur la Connaissance 
des temps évangéliques; en 1895, son Mémoire 
sur l'accession des Orientaux au calendrier gré- 
gorien; en 1896, sa Notice sur le calendrier pascal; 
en 1898, son Znterprétation de l'Apocalypse et de 
Daniel ; en 1901, sa Réforme du calendrier julien 
chez les Gréco-Russes; en 1902, la /’rophélie de 


279050 


- i X 
i . . š 
.` e 
E ett ete b ` 
a 

r. e € á na (i r - . 


‘ e 
ae * e o ‘e* . eo do 


Daniel; en 1907, le Calendrier hébraïque avant 
la ruine de Jérusalem; en 1908, Darius le Mede. 

Les notes qu'il a données dans le Cosmos se rap- 
portent toutes à ses travaux sur les calendriers et 
sur le comput, une de ses études favorites, comme 
l'indiquent les titres des ouvrages ci-dessus cités. 

Homme de tradition, ami d'études sérieuses et 
développées, cœur d'apòtre inlassable, M. le cha- 
noine Mémain a laissé dans le diocèse de Sens, où 
il était aimé, et parmi tous ceux qui l'ont connu, 
un souvenir qui ne périra pas. 


PHYSIQUE DU GLOBE 


Les suites possibles de la dernière éruption 
du Taal (Philippines) en janvier 1911. — 
L’éruption du Taal de 1911 a été l'occasion de nom- 
breuses observalions et d'études très sérieuses. 
Nous en donnions récemment un exemple dù aux 
travaux du R. P. Saderra Maso (n° 1430, p. 673). 

M. Dean Worcester, secrétaire de l'Intérieur aux 
Philippines, vient à son tour de donner ses obser- 
vations dans le Vational Geographic Mayazine 
d'Avril. 

Son étude est accompagnée d’une magnifique 
collection de photographies, dont quelques-unes 
ont été prises non sans quelque risque pour Îles 
opérateurs, et qui donnent une idée très vive du 
calaclysme. Aujourd'hui encore, il n'est pas sans 
danger de s'aventurer dans le voisinage du volcan. 

Depuis l’éruption, les eaux du lac Bombon se 
sont écoulées dans le cratère, et il en résulte que 
l'on peut regarder comme probable que dans un 
délai plus ou moins long toute la région de la 
province de Batanga subira une transformation 
soudaine par suite d’une explosion terrible. 

Alors, en Europe et en Amérique, on pourra 
encore observer ces ciels rouges qui suivirent l'ex- 
płosion du Krakatoa en 1883. 

Le Cosmos a donné une note sur léruption du 
Taal de la fin de janvier 49414, dans le tome LXIV, 
n° 4366, p. 338, 1° avril 1911. 


La plus grande profondeur de la mer. — 
Le navire allemand Planet, qui fait une campagne 
d'explorations océanographiques, aurait, au cours 
de son dernier voyage à partir de l’Asie orientale, 
dans la direction de l'océan Pacifique, trouvé, à une 
distance de quarante lieues marines de la partie 
septentrionale de l'ile Mindanao (Philippines), la 
plus grande profondeur que l’on ait mesurée jus- 
qu'ici, 9780 mètres. 


Une 1le de soufre. — On annonce de Sydney 
au Mining Journal, à la date du 23 avril, qu’un 
Syndicat comprenant des capitaux australiens, 
britanniques, canadiens et autres, vient d'acheter 
l'ile White, dans la baie de Plenty (Nounvelle- 
Zélande), dans le but d'y exploiter des gisements 


COSMOS 


A JUILLET 1912 


de soufre. Celte ile constitue le sommet d’un volcan 
éteint émergeant d’une grande profondeur. Elle se 
trouve sur l'une des lignes de fracture qui coupent 
transversalement l'ile Nord à travers le district 
des Lacs Chauds et la zone des pierres ponces. 
L'activité volcanique a trouvé un exutoire dans ce 
qui est actuellement l'ile White. On y rencontre 
un lac fortement minéralisé, alimenté par des 
geysers et autres sources chaudes, et qui constitue 
le cratère de l'ancien volcan. Les nouveaux pro- 
priétaires ont certainement l'intention d'exploiter 
sérieusement cette mine qu'on assure, pour la 
majeure parlie, ètre composée de soufre pur, beau- 
coup plus pur que celui que l’on peut rencontrer 
dans n'importe quelle autre partie du monde, et 
l'ancien propriétaire assure que l’on estime qu'il v 
a là 750 000 tonnes de soufre, c'est-à-dire le plus 
important dépot de ce genre qu'il y ait au sud de 
l'Equateur. (Écho des Mines.) 


MÉTÉOROLOGIE 


Les poussières de L'air. — Elles ont les ori- 
gines les plus variées. Ainsi, en 4901, il se pro- 
duisit, du 8 au 10 mars, de violentes tempètes de 
poussières dans le sud de l'Algérie qui, emportées 
par les vents, retomtèrent, soit sèches, soit avec la 
pluie, d'abord en Algérie et Tunisie, puis le 40 mars 
en ftalie et en Sicile, mirent leur teinte sur les 
neiges des Alpes orientales dans la nuit du 10 mars; 
on les trouva le 11 dans l'Allemagne du Nord, et 
leurs dernières traces tombèrent le 42 sur le 
Danemark, la Russie et l'Angleterre. Certaines 
poussières avaient donc parcouru un trajet de 
4000 kilomètres. Les deux météorologistes alle- 
mands, Hellmann et Meinardus, ont estimé que 
l'Europe a reçu à celte occasion 4 800 000 tonnes 
de poussières, dont les deux tiers se déposèrent 
au sud des Alpes; si on compte tout ce qui a été 
emporté depuis le sud de l'Algérie et qui a pu 
tomber, soit sur l'Afrique du Nord, soit sur la 
Méditerranée, on arrive à une estimation de 
450 millions de tonnes. Le transport de pareilles 
masses ne peut-il point avoir un retentissement 
sur la position même de l'axe terrestre ? (Scientific 
American, À° juin.) 

Les poussières du Sahara retombent souvent en 
brouillards secs sur l’Atlantique, entre les Canaries 
et les iles du Cap Vert, surlout dans les quatre 
premiers mois de l’année. 

Les « pluies de sang » d'Homère, des Romains 
et de notre époque, sont dues à des sables fins ei 
colorés qui retombent avec la pluie. Les « pluies 
de soufre » sont des chutes de pollen de diverses 
plantes. 

Signalons les poussières ferrugineuses d'origine 
extra-terrestre qui se retrouvent sur la neige des 
hauts sommets, sur les champs de glaces des 


r mg Rte OU à en 


N° 41432 


régions polaires, et qui proviennent des météores 
<aptés par la Terre (étoiles filantes). Faut-il rap- 
peler les éruptions volcaniques qui lancent parfois 
jusqu’à 80 kilomètres de hauteur des poussières? 


Le brouillard sec de 1783, qui couvrit toute l’Eu- 


rope durant trois mois, venait probablement des 
volcans d'Islande; l’éruption formidable du Kra- 
katoa, en 1883, a envoyé dans l'atmosphère des 
poussières qui y demeurèrent en suspension durant 
deux ans. 

Laissons de côté les fumées industrielles. Mais 
les fumées des grands incendies de forèts, de 
marais tourbeux ou de villes ont parfois des con- 
séquences extraordinaires; exemples : les journées 
sombres, noires, jaunes, survenues en Amérique le 
49 mai 1780 (incendies de forts du lac Champlain), 
de 6 septembre 1881 (incendie des tourbières du 
Labrador). 

D'après Aitken, l'air, à la surface des océans et 
sur les montagnes, contient des centaines de pous- 
sières par centimètre cube; mais en certaines 
villes industrielles, le chiffre dépasse 3 millions. 
L'air d'une chambre, près du plafond, tient en 
suspension 5 millions de particules par centimètre 
cube. Un fumeur qui envoie les volutes de fumée 
dans l'air y répand à chaque bouffée 4 milliards de 
particules ultra-microscopiques. 


CHIMIE 


L’« Impérialite », nouvel explosif de sûreté. 
— Le Scientific American du 4“ juin rapporte les 
essais effectués avec un nouvel explosif sur l'empla- 
tement du nouveau réservoir, près de Valhalla, 
N.-Y. L'impérialite, ainsi dénommée du nom de 
l'inventeur, le marquis Roberto Imperiali, consiste 
essentiellement en un mélange de : 


Nitrate d'ammonium..... 80 parties en poids 
Nitrate de potassium .... 5 — 
Poudre d’aluminium..... 15 — 


avec un liant approprié, tel le mélange de mono- 
nitrotoluol, glycérine et collodion, avec un peu de 
permanganate de potassium. 

L'impérialite ne craint aucunement les chocs ni 
les hautes températures : chauffée à 480° C., elle 
se sublime partiellement sans exploser. En outre, 
elle est très bon marché. 

Aux essais, on en a fait exploser 45 grammes 
dans une cavité forée en un cylindre de plomb et 
fermée par un tampon de métal; le volume de la 
cavité, qui était originairement de 67 cm, a été 
agrandi par l’explosion jusqu’à 780 cm, et 862 cm’ 
dans un autre essai. Dans les mêmes conditions, 
l'acide picrique (mélinite) a seulement produit 
une cavité de 620 cm?. 

L'explosif a des propriétés brisantes remarquables 
et mème excessives, qu’il n’est nullement question 
d'employer en artillerie. 


COSMOS 5 


PHYSIQUE 


Répétition de l’expérience du pendule de 
Foucault à Fourvière. — Dimanche 46 juin, a 
été répétée à Lyon, à l’Observatoire de Fourvière, 
la célèbre expérience de Foucault pour montrer, 
par le pendule, la rotation de la Terre. 

On sait qu’un pendule oscillant librement à la 
surface de la Terre se déplace graduellement, en 
se transportant vers l'Ouest. En réalité, suivant 
la remarque de L. Foucault, le pendule tend à 
osciller dans un plan fixe; c'est la Terre qui, en 
son mouvement diurne de rotation de l'Ouest vers 
l'Est, se déplace graduellement par rapport au 
plan d’oscillation du pendule. Au pôle, le plan 
d'oscillation du pendule décrirait, par ses positions 
successives, le tour entier de l'horizon en un jour 
sidéral. A l’équateur, il resterait fixe indéfiniment. 
À Paris, il fait un tour entier en 32 heures. 

L'expérience de Foucault avait été reprise 
en grand apparat en 4902, au Panthéon, par 
M. C. Flammarion; c'est le mème pendule qui 
servit alors qui a été aussi employé à Fourvière. 
Ce pendule est historique. Il a été construit sur 
les indications mêmes de Foucault, par son ami 
Maumené, ancien rédacteur du Cosmos, ancien 
professeur de chimie aux Facultés catholiques de 
Lyon, qui le laissa à son élève et ami M. Limb, de 
l'Observatoire de Fourvière. Lorsqu’en 1902, on 
voulut répéter solennellement l'expérience de 
Foucault au Panthéon, le gouvernement ne crut 
pas devoir tirer du musée des Arts et Métiers le 
pendule qui avait servi cinquante et un ans aupa- 
ravant à Foucault. On songea alors à la copie faite 
par Maumené, et M. Limb prèta à M. Flammarion 
le pendule qu'il avait reçu en héritage et qu'il a 
donné généreusement à l’Observatoire. La masse 
sphérique, en plomb, est de 22 kilogrammes; le 
fil de suspension mesure 27,5 m de longueur, d'où 
une période d’oscillation complète (aller et retour) 
de 40,5 secondes. 

L'expérience, qui a été conduite par M. C. Limb 
et M. l'abbé Nanty, a eu lieu dans la tour du ca- 
rillon de la basilique de Fourvière. Au voisinage 
des positions extrêmes occupées par le pendule, 
on avait, comme dans la disposition classique, 
disposé de petits tas de sable, que la pointe du 
pendule échancrait de 0,75 mm à chaque oscil- 
lation. 


AUTOMOBILISME 


L’automobilisme en Amérique. — Il est 
curieux de constater le développement pris par 
l'industrie automobile dans les États-Unis d'Amé- 
rique. On s'en rend compte en voyant ce quelle 
est devenue en peu d'années dans la région de 
Détroit. On y compte plus de 100 usines fabri- 
quant l’automobile. Dans la seule ville de Détroit, il 


6 COSMOS 


existe plus de 50 usines fabriquant des automobiles 
ou des accessoires pour automobiles. Un grand 
nombre de Sociétés nouvelles se sont constituées 
ces dernières années ou sont en voie de formation. 
Beaucoup de Sociétés ont augmenté leur capital. 
On cite, par exemple, le cas d'une Société qui a 
débuté en 1904 au capilal de 3 millions de francs, 
qui agrandit chaque année ses usines et est établie 
aujourd’hui au capital de 50 millions. Avant 1908, 
le nombre d'employés et ouvriers au service de ces 
Sociétés était de 8 430, pour une production de 
48000 voitures d'une valeur de 118 millions de 
francs; en 1909, il était de 14 000 ; la production 
s'élève à 45 000 voitures évaluées à 270 millions. 
On estime que, en 1910, les usines de Détroit ont 
livré 120 000 voitures d’une valeur de 650 millions. 
Ces usines ont un travail intensif; les neuf dixièmes 
travaillent la nuit et quelques-unes même le 


& JUILLET 1919 


dimanche! La plupurt construisent de nouveaux 
ateliers de fabrication pour faire face aux com- 
mandes. Les ouvriers mécaniciens y sont fort 
recherchés. 

Détroit est le centre le plus important de l'indus- 
trie automobile et dépasse de beaucoup Michigan, 
qu il faut mettre au second rang. On estime qu’en 
Amérique il y a actuellement en service 250 000 voi- 
tures. Sur les 500000 habitants de la ville de 
Détroit, il y en a 100 000 occupés à l'industrie 
automobile. Les rues de Détroit sont constamment 
parcourues par des chargements de marchandises 
et matières premières qui manifestent leur évi- 
dente destination. 

Une promenade dans la ville montre l'importance 
des usines. Voici une liste des principales Sociétés 
indiquant la surface de leurs ateliers et le nombre 
du personnel employé dans chacune d'elles. 


Surface converte par Nombre Production. 
les bâtiments. d'emploves. 

Usines Packafd is iudisie nant se 8 hectares 5 600 hommes 2 900 voitures par an. 
Moteur Chalimers....................... 12  — 1200 — 500 à 1 000 voilures par mais. 
Moteurs d'automobiles Cadillac......... 4 — 4000 — 30 000 voitures par an. 
Runabout Brush........................ 15 — 960 — 10 000 voitures par an. 
Moteur d'automobile Metzger....,...... 1,5 — 750 
Moléur-Repals is usées ess 830 — 6 000 voitures par an. 
Moteur Forde ns diese ca 2000 — 22 000 voitures par an. 
DOI EL Ps sun aus Plusieurs milliers 123 voitures par Jour. 
Moteur Hudson: situent 8 — 4 200 — 10 000 voitures par an. 
Automobiles Demot..................... i — 300 — 3 000 voitures par an. 
Moteur KriIl usines as 4 250 voitures par an. 
Wagon automobile Grabowsky.......... 4500 — 3 000 voitures par an. 
Moteur Abbol essaia tie eti bi s00  — 4 000 voitures par an. 
Moteur Hupp........................... 7 500 voitures par an. 
Moteur Paige-Détroit.................... 150 
Moteur Anhut............ Rd 400 4 500 voitures par an. 


Les immenses usines de la Société Lozier, Buicke, 
Van Dyck, Hudson, sont en construction et donne- 
ront du travail à plus de 5 000 hommes. 

Les quelques chiffres cités montrent avec quelle 
ardeur les Américains se jettent dans l'industrie 
nouvelle de l’autornobilisme, et font craindre une 
concurrence acharnée et prochaine dès que la 
clientèle américaine sera saturée. N. LALLIÉ. 


_ Les écrasés. — Le Globe signale qu'en 1911, 
dans les rues de Londres, il a été tué 410 personnes 
et 14254 ont été blessées. Sur ce nombre de décès, 
288 ont été causés par des automobiles, alors que 
les victimes de ceux-ci n'étaient qu'au nombre de 
161 en 1909. 

Les autobus et tramways sont responsables de 
133 morts et les autres automobiles de 155. 

Dans toute la Grande-Bretagne, le nombre des 


victimes des automobiles est passé de 672 en 1910 
à 873 en 1911. 

Cette belle progression ne peut que continuer. 
Nous avons le regret de ne pas posséder les élé- 
ments nécessaires pour établir semblable statis- 
tique pour la France; mais nous ne devons avoir 
rien à envier à nos voisins. o 


AVIATION 


L’altitude en aéroplane. — Pendant le con- 
cours d'aviation qui vient de se tenir à Vienne, le 
lieutenant aviateur autrichien Blas Ohke, qui pilo- 
tait un monoplan Blériot avec passager, s’est élevé 
à l'altitude de 4260 mètres. Le précédent record 
appartenait à Garros, qui avait atteint 3910 mètres 
de hauteur, mais seul à bord. 


N° 1432 


COSMOS 7 


Les rayons X au service du sport. 


Les opinions au sujet des effets des exercices 


sportifs sur l'organisme, surtout le cœur, sont, 
même parmi les spécialistes, des plus divergentes. 
Tandis que certains médecins n’admettent qu’un 
effet bienfaisant, d’autres prétendent que les exer- 


cices un peu violents peuvent produire des affec- 
tions fort fâcheuses, surtout des dilatalions du 
cœur. 

Or, tandis qu'on ne saurait nier l'existence d'un 
certain énervement dù à la tension mentale qu'im- 


nana De 


CRUE ELU TOI | 





L'APPAREIL ROTAX POUR LA RADIOSCOPIE DU CŒUR. 


pliquent les exercices violents, il semble bien que, 
sauf les cas extrêmes, ces appréhensions sont 
peu fondées. C'est que l’emploi des rayons X a 
permis d’observer le fonctionnement du cœur à des 
intervalles très rapprochés, pendant les exercices 
sportifs continus. Les récentes courses de six jours 
qui ont eu lieu au Palais des Sports, à Berlin, ont 
donné une excellente occasion de mettre cette 
méthode à l'épreuve de la pratique. 


Pendant que les cyclistes parcouraient à toute 
vitesse la piste circulaire du vélodrome, les savants, 
installés dans un laboratoire provisoire au sous-sol 
du bâtiment, étaient occupés à résoudre un pro- 
blème depuis si longtemps discuté. Un appareil 
radiographique « Rotax » permettait, sous une 
tension de 200 000 volts, d'obtenir une radiogra- 
phie instantanée (pose, un centième de seconde). 
Grâce à un nouveau procédé dù à MM, Strauss et 


6 COSMOS 


Vogt, la forme du cœur pouvait aussi être repro- 
duite sur l’écran fluorescent et dessinée avec ses 
dimensions exactes en dix à douze secondes. 

En vue des résullats si intéressants et si précieux 
qu'on attendait de ces expériences, les concurrents 
acceptèrent volontiers de se rendre, après chaque 
course, au laboratoire du sous-sol pour y faire 
radiographier leur cœur. 


& JUILLET 1912 


Bien que les détails de ces expériences n'aient 
pas encore été publiés, on peut, d'ores et déjà, 
affirmer qu'on n'a pas observé d'effet préjudiciable 
sur le cœur des sujets. | 

D'autre part, cette nouvelle méthode rendra 
d'excellents services, avec ou sans le concours du 
stéthoscope, pour examiner le cœur des malades. 

Dr A. GRADENWITZ. 





La toilette et le truquage des fruits. 


Lequel de nos lecteurs ne s'est-il point arrèlé 
devant la vitrine de nos grands marchands de 
comestibles, émerveillé par la splendeur des fruits 
qui y étaient exposés? Pareilles productions sont 
obtenues grâce aux soins incessants dont les horti- 
culteurs savent entourer leurs espaliers, à la taille, 
aux pincements savants, aux éclaircissements, aux 
engrais et insecticides judicieusement employés. 
Nous n'essayerons point de décrire ces pratiques, 
il faudrait un véritable traité d'horticulture, qui, 
d’ailleurs, ne pourrait suppléer à l’expérience indis- 
pensable pour réussir; nous nous bornerons à 
donner quelques détails sur la toilette des fruits 
et leur truquage. 

Indiquons pourtant un procédé assez facile d'ob- 
tenir ces poires, ces pommes immenses, véritables 
monstruosités qui étonnent toujours le grand 
public. Lorsque les fruits commencent à être bien 
formés, on en choisit sur une branche un, deux 
ou trois au plus et on enlève les autres. Chaque 
fruit est introduit dans un bocal en verre blanc, 
maintenu à bonne hauteur, soit à l’aide d'un 
piquet, soit par une ligature contre une des lattes 
de l’espalier. On verse au fond du bocal une petite 
quantité d'eau et on bouche l'entrée à l'aide d'un 
tampon peu serré de mousse ou de papier. Durant 
toute la croissance du fruit, il faut veiller à ce 
qu'il reste toujours au fond du bocal une petite 
couche d’eau ; lorsqu'elle est épuisée, on y verse à 
nouveau une petite quantité. Le fruit, sous l'in- 
fluence de la chaleur produite par cette sorte de 
mise sous cloche, absorbant leau contenue dans le 
bocal, grossit démesurément. Sa saveur laissera 
fort à désirer, mais il fait si bien dans une corbeille! 

L'aspect extérieur du fruit a une si grande 
importance que l’horticulteur est obligé de soigner 
son teint avec autant de précautions Jalouses que 
la plus coquette des élégantes. Pour ètre digne de 
paraitre sur les tables luxueuses, il faut surtout que 
le fruit « ait del’œil»,comme on dit au marché, que la 
finesse de sa peau, la transparence de sa pulpe le 
rapprochent plutôt d'un fruit modelé à la cire que 
d'un fruit naturel, mais il faut en mème temps 
qu'un coloris frais vienne relever cette blancheur. 

Autrefois, les horticulteurs s'évertuaient à ra- 
mener durant la belle saison d'étéles feuilles voisines 


pour couvrir le plus possible les pommes, jusqu’au 
milieu de septembre, puis ils tournaient le fruit 
sur lui-même et ramenaient en avant la face supé- 
rieure et la soumeltaient à l’effeuillage; le soleil 
alors provoque un ravissant incarnat sur le blanc 
virginal de l'épiderme du fruit. Mais quels soins 
incessants exigeaient chaque pomme et chaque 
poire. On a bien simplifié actuellement cette 
méthode en pratiquant l'ensachage, qui consiste à 
placer le fruit dès qu'il atteint la grosseur d'une 
noix dans un petit sac en papier glacé qui le proté- 
gera contre la tavelure aux marques désastreuses, 
qui le mettra à l'abri des choes, des piqûres de 
guëpes, et qui conservera à son épiderme une frai- 
cheur absolue. On évite ainsi les fruits roussis par 
les coups de soleil de juillet et d’août, et leur épi- 
derme reste d'une finesse exceptionnelle; il suffit, 
vers la mi-septembre, ou mème une quinzaine de 
jours avant la cueillette des fruits, de déchirer le fond 
des sacs, puis, quelques jours après, quand l'épi- 
derme s'est un peu endurci par le contact direct de 
l'air, onle met ànuen déchirant les parties restantes 
du sac et l'on exécute cette opération en plusieurs 
fois si le temps l'exige, en finissant par découvrir 
totalement le fruit. Mais tout ce travail est subor- 
donné au temps; celui-ci est-il couvert, il facilitera 
l'opération; est-il ensoleillé et les rayons solaires 
sont-ils trop vifs, il faut agir avec la plus grande 
circonspection, sans trop se presser de mettre le 
fruit à jour, autrement l'insolation ne tarderait 
pas à frapper le fruit avec une rapidité foudroyante 
et à le perdre. Mais si l’horticulteur sait opérer 
avec discernement, l'épiderme, jusqu'alors d'un 
blanc verdâtre, prendra, soit une nuance rosée déli- 
cale, soit une teinte dorée fondante. 

Poussant plus loin l'art de tirer parti de cette 
sorte de plaque sensible que devient, pour les rayons. 
solaires, l'épiderme d'un fruit, les horticulteurs 
arrivent à éllustrer les fruits. Ils prennent un 
cliché photographique sur pellicule, et, au moment 
où ils enlévent le sac de papier, ils collent ce cliché 
sur la partie la plus lisse du fruit (4). Grâce à l'ac- 


(1) La bave d’escargot est, paraît-il, la meilleure 
colle pour fixer la pellicule sur le fruit, car il faut que 
le produit employé n'ait pas d'action sur l'épiderme. 


CP PP en ee —— 
RP nn en a 


er 


N° 1432 


tion de la lumière, on obtient sur les pommes, les 
poires, une épreuve positive, la peau du fruit jouant 
dans ce cas le rôle de papier sensible. Pour avoir 
des fruits aux initiales du consommateur, il suffit 
de remplacer la pellicule sensible par une vignette 
en papier noir dans laquelle sont découpées (dans 
une position renversée) lesdites initiales. 

Le fruit dûment coloré ou illustré par le soleil, on 
arrive encore à augmenter son brillant en lui don- 
nant du poli par de rapides frictions avec un mor- 
ceau de laine douce, ou mieux avec un foulard 
usagé. Cet astiquage complète la toilette. Il ne 
reste plus qu'à présenter le fruit moelleusement 
couché sur un lit d'ouate et il fera certainement 
bonne figure dans une vitrine luxueuse. 

Ceci est loin d'être du truquage, c'est du luxe, 
de la coquetterie, du savoir-faire; un simple moyen 
de flatter œil du consommateur; le vrai truquage 
est bien différent; il comporte une assez grosse 
part de tromperie. Nous ne parlerons pas du tru- 
quage qui se pratique couramment sur les fruits 
desséchés, les pruneaux de Californie, en particu- 
lier, et qui consiste à les immerger deux minutes 
dans une solution chaude d'alun, de glycérine 
et de glucose avec addition de matières colo- 
rantes. Quand on retire le fruit de ce bain, on a 
un joli pruneau très coloré, très gonflé. Cette petite 
opéralion est d'autant plus avantageuse qu'on 
vend les pruneaux au poids et que l'augmentation 
de ce chef varie de 7 à 140 pour 100. 

Nous laisserons de còté ces manipulations abso- 
lument frauduleuses pour nous occuper d'un tru- 
quage plus innocent qui consiste à modifier le goùt 
et le parfum -de certains fruits, à donner un goùt 
et un parfum à ceux qui n’en ont pas, et cela sans 
changer leur chair, ni leur peau, ni leur aspect. 
Certains essais sont entrepris dans ce but, mais 
il est évident que les truqueurs conservent précieu- 
sement leurs recelles, il ne nous est donc pas pos- 
sible de les indiquer; nous nous bornerons à 
résumer certaines expériences faites dans ce sens, 
celles de M. Tricaud particulièrement, qui indique- 
ront la voie à suivre par ceux de nos lecteurs qui 
voudraient tenter des essais analogues. 

On sait que le fruit ne meurt pas quand il est 
cueilli; il continue de vivre, de respirer jusqu'au 
jour où il entre en décomposition. La poire d'hiver, 
détachée de l'arbre en octobre, est encore vivante 
quand on la mange au mois de mars; comme une 
plante dont les racines seraient encore en terre, 
elle n’a pas cessé dans l'obscurité d'absorber de 
l'oxygène et d'exhaler de acide carbonique et à 
la lumière d'absorber de l'acide carbonique et de 
rejeter de l'oxygène; elle a donc puisé dans Pair 

ambiant l'élément indispensable à sa vie. Si l’on 
répand dans cet air des parfums subtils, on com- 
prend qu'ils n’atteindront pas seulement l’enve- 
loppte extérieure du fruit mais qu'ils pénétreront 


COSMOS 9 


dans son intérieur, absorbés, assimilés comme 
l'oxygène et l'acide carbonique; en outre, ce n’est 
pas par la respiration seulement que le fruit peut 
s'imprégner des essences volatiles, mais comme 
tout être vivant il peut aussi les absorber par sa 
peau. 

Dans la pratique, le problème est plus complexe, 
car il est évident que tous les fruits n'absorbent 
pas de la même façon le parfum ambiant; le 
grain de la chair, l'épaisseur de l'épiderme et son 
coloris peuvent jouer un ròle important dans la 
plus ou moins grande facilité d'absorption. 

Les observations sur ce sujet sont peu nom- 
breuses, ou du moins ne sont pas divulguées; la 
plus intéressante est celle de M. Tricaud, que nous 
reproduisons en entier : 

« À l'automne dernier, j'ai cueilli dans mon 
jardin quelques variétés de poires que j'ai dispo- 
sées sur des rayons dans un très petit local ser- 
vant de garde-robe. La pièce, bien close, est 
éclairée par une fenċlre sans contrevent qui prend 
le jour au Midi; en raison de sa destination, des 
boules de naphtaline avaient été laissées dans 
cette pièce. Après quelques semaines, un certain 
nombre de fruits sont venus à maturité, notam- 
ment les Duchesse d'Angouléme et les Beurre- 
Bachelier. Le parfum et le gout des Duchesse 
n'avaient rien de bien anormal et il aurait fallu 
être un fin dégustateur pour distinguer une pointe 
d'arome étrange. Les Beurre, au contraire, avaient 
un parfum très caractérisé de mielet un goùt ana- 
logue qui ne se rencontraient pas seulement dans 
les parties voisines de la peau, mais jusqu’au cœur 
mème du fruit. Revenant alors aux Duchesse, j'ai 
pu constater un goùt identique, mais beaucoup 
plus discret, à peine sensible. Les mois suivants, 
les Bergamotte, les Suzette de Bavay, les Saint- 
Germain d'hiver et les Belle de Noël étaient à 
point. Je fus frappé de l'odeur qu’elles exhalaient; 


cette fois, on ne pouvait s’y tromper, c'était 


l'odeur de la naphtaline. Elles étaient restées plus 
longtemps exposées aux vapeurs de naphte et s’en 
étaient fortement imprégnées. Je les retirai du 
local où elles avaient séjourné; je les frottai et les 
mis au grand air. iles conservèrent jusqu'à la fin 
le parfum acquis et leur puissance d'exhalaison. Je 
remarquai que toutes ces espèces ne s'étaient pas 
approprié l'odeur ambiante dans les mèmes pro- 
portions et que le goùt des Beryamofte était plus 
complètement modifié que celui des Susette. 

» Ne croyez pas que mes poires d'hiver fussent 
devenues meilleures et plus agréables. Elles rese 
tèrent mangeables, voilà tout. Mais quel parfum 
et quelle saveur bizarres! Les personnes qui en ont 
goùüté n'ont pu les définir, ont été étonnées, ont 
cru qu'on leur présentait une espèce nouvelle, ne 
se sont pas doutées que cet arome inconnu avait 
été contracté et était factice. » 


10 COSMOS 


Phocas conseillait autrefois, dans le Petit Jardin, 
un procédé basé sur les mêmes propriétés d’ab- 
sorption des fruits pour donner aux pommes le 
goùt de l'ananas : Choisir des reinettes blanches, 
très saines et à peau bien lisse, les essuyer avec 
un linge fin en évitant de les froisser et les strati- 
fier dans des boîtes en sapin avec des fleurs de 
sureau, en formant le premier et le dernier lit avec 
ces fleurs de sureau, dont on remplit également 
les vides existant entre les pommes, qui ne 
doivent pas se toucher. La boite remplie, on la 
ferme et on colle du papier sur tous les joints 
pour que l'air n'y puisse pénétrer. Au bout d'un 
mois à peu près, les pommes ont le gout de 


4 juizrer 4919 


l'ananas et on peut les conserver très longtemps. 
Ce sont là de simples faits, des ébauches d’expé- 
riences, mais il y aurait intérêt à les poursuivre 
plus complèlement. Nous avons, en effet, des 
variétés de fruits qui se conservent longtemps, 
mais plusieurs de ceux-ci, quoique beaux et juteux, 
sont d'une fadeur telle qu’on les dédaigne. Si, en 
les laissant séjourner dans des locaux contenant 
des produits odorants bien appropriés, on parve- 
nait à leur donner le parfum et le goût qui leur 
manquent, ce serait une découverte aussi appré- 
ciable que la création d'une espèce nouvelle. 


H.-L.-ALPHONSE BLANCHON. 





Le chemin de fer maritime de Key West. 


Les lecteurs du Cosmos ont déjà entendu parler 
de la ligne des Keys (1), que les Américains ont 
entrepris de construire à travers les quarante-deux 
iles qui forment comme un chapelet de récifs entre 
la côte sud-orientale de la Floride et le Gibraltar 
yankee, sentinelle avancée à plus de 200 kilomètres 
en pleine mer, le grand arsenal de Key West. 

Ce tour de force, dont nous avons relaté la pre- 
mière étape, vient d'être réalisé. Depuis le 22 jan- 
vier dernier, celte ligne unique au monde, et dont 
les ingénieurs qui l’ont conçue ont bien le droit 
d’être fiers, est ouverte au trafic. Sur une série de 
ponts, de viaducs et d'ouvrages d'art, s’allongeant 
à perte de vue les uns à la suite des autres, Îles 
express franchissent maintenant toute l’enfilade 
des cayos ou keys, entre lesquels n'avaient jusqu'à 
présent passé que les flots impétueux du Gulf 
Stream ou les terribles ouragans des tropiques. 

C'est en 1883 que M. Henry Flagler, un busi- 
nessman dans toute la force du terme, naguère 
associé de M. Rockefeller, le roi du pétrole, eut l'idée 
de développer les possibilités — comme l'on dit 
aux États-Unis — de la Floride, dont il rêvait de 
faire une sorte de Riviera américaine. La végétation 
luxuriante, le merveilleux climat de ce pays justi- 
fiaient, d'ailleurs, ses espérances. Après avoir 
fondé différents hôtels le long de la côte atlantique, 
à Saint-Augustine notamment, un des coins les 
plus pittoresques du littoral, il se lança résolument 
dans la construction d'une voie ferrée qui, partant 
de Jacksonville, sur la rivière Saint-John, relia 
bientôt toutes les plages, Ormond, Titusville, Palm 
Beaeh et Miami, qui s'échelonnent du nord au sud 
de la péninsule floridienne, en face des iles Bahama. 

Miami, appelée là-bas la cité magique, se trouve 
à 366 milles de Jacksonville. Pendant huit ans, de 
1896 à 1904, elle demeura le terminus extrème de 


(1) Voir le Cosmos;t. LVIIT, p. 199, du 22 février 1908. 


la Florida East Coast Railway Companv. En peu de 
temps, sa population tripla; un chenal fut établi 
jusqu’à l'océan pour faciliter le trafic maritime 
déjà très important avec les autres ports de la 
région; autour de la ville se sont construites de 
nombreuses fermes pour l'exploitation agricole 
d'un sol particulièrement fertile; et, dans les ma- 
gnifiques palaces, orgueil de la Nice nouvelle, près 
de 150000 Américains viennent chaque année, 
durant la belle saison, respirer la senteur balsa- 
mique des palmiers avec l'air vivifiant de la mer. 

En 1903, le 48 novembre, fut signée entre les 
États-Unis et la République de Panama la fameuse 
convention par laquelle le canal de Panama, ses 
deux ports d’aboutissement et tout le territoire tra- 
versé passaient aux mains des Yankees. Ce jour-là 
mème, M. Flagler, alors président du Florida East 
Coast Railway, manda son directeur général, 
M. Joseph Parrott, et tous deux discutèrent longue- 
ment la question de savoir s'il était possible de 
pousser plus avant la ligne en exploitation, de 
franchir les kilomètres de marécages et de jungles 
séparant Miami de Everglade, et finalement de 
s'engager sur la crête des récifs, en plein océan, 
pour aboutir à Key West. De la conférence, qui se 
renouvela d'ailleurs à quelque temps de là, en 
janvier 1904, avec le concours, cette fois, de 
M. J. Carroll Meredith, un ingénieur des plus qua- 
lifiés, sortit cette triple conclusion: 40 que le 
chemin de fer à construire présentait des difficultés 
énormes d'exécution; 2° qwil était exécutable, 
grâce aux progrès de la science et du génie civil 
moderne; 3° qu’il y avait un intérêt capital à le 
faire, à raison des relations chaque jour plus 
étroites avec Cuba, et à raison de l'ouverture 
prochaine du canal de Panama. 

M. Meredith jeta les premiers plans de cette 
entreprise colossale, qui fut commencée en juil- 
let 1904, et qu'il n’eut pas la joie de voir achevée, 


N° 1432 


la mort l’ayant emporté, presque subitement, cinq 
ans plus tard. A M. W.-J. Krome, son successeur, 
et comme lui un technicien hors de pair, revient 
l'honneur d'avoir terminé le premier chemin de fer 





LE VIADUC DE LONG KEY : CINQ KILOMÈTRES EN PLEINE MER. 


maritime du monde, lequel fut inauguré en jan- 
vier 1942 par le président Taft, entouré des repré- 
sentants des principales puissances du Nouveau et 
de l’Ancien Continent, dont quelques-unes avaient 
mème envoyé des navires de guerre dans le port 
de Key West pour mieux marquer 
l'importance qu’elles attachaient à 
cet événement d'ordre international. 

La nouvelle ligne, en effet, outre 
la hardiesse de sa conception et de 
sa réalisation — nous allons, du 
reste, y revenir, — en plaçant défi- 
nitivement la grande île cubaine 
sous la main de l’oncle Sam, et en 
la faisant servir comme de trait- 
d'union entre le canal de Panama 
et la grande République fédérale, 
assure la prépondérance de celte 
dernière à la fois dans la mer des 
Antilles et sur toutes les républiques 
qui s’échelonnent du Mexique au 
Brésil. C’est le pan-américanisme 
rèvé par Monroë, mais mis en œuvre 
au seul profit des États-Unis. 

Venons-en, à présent, aux difficultés inouies 
qu'ont eu à surmonter les ingénieurs pour mener 
à bonne fin l'exécution des 205 kilomètres de voies 
qui relient aujourd'hui Miami à Key West. 


COSMOS 11 


De Miami à Homestead, une trentaine de kilo- 
mètres, rien de particulier; mais à partir de ce 
dernier point, la ligne s'engage à travers une 
région de swamps, ou de marécages, plus ou moins 
couvertsde broussailles, pour lesquels 
il fallut construire des dragueuses 
spéciales, à très faible tirant d'eau, 
qui creusèrent, jusqu’au rocher sous- 
jacent, un double chenal de 9 mètres 
de large. C’est sur le roc que furent 
établies les fondations de la voie dans 
celle région, ainsi, d’ailleurs, que 
sur toute la longueur de la ligne, 
dont les assises portent directement 
sur ce que les géologues appellent le 
coral-rock. 

28 kilomètres après avoir quitté 
Homestead, le Florida East Coast 
Railway abandonne le continent pour 
pénétrer, au-dessus de la mer, sur le 
premier viaduc en acier d’une dizaine 
d’arches seulement, qui conduit la 
ligne au centre à peu près de Key 
Largo, la plus grande des iles flori- 
diennes. Elle s’allonge, du Nord-Est 
au Sud-Ouest, presque parallèlement 
au littoral américain, sur une distance 
de 43 kilomètres. 

Puis, c’est la succession des récifs 
et des îles, constituant la chaine 
ininterrompue des keys: Long Island, Windly’s 
Island, Upper Matecumbe Key, Indian Key, Lower 
Matecumbe Key, Long Key, Grassy Key, Key Vaca, 
Knight’s Key, Pigeon Key, Little Duck Key, Bahia 
Honda Key, Summerland Key, Big Pine Key, Torch 





LE GIGANTESQUE PONT TOURNANT DE MOSER CHANNEL. 


Key, Cudjoe Key, Sugar Loaf Key, Rockland Key, 
Boca Chica, et finalement Key West, le dernier 
chainon, à 90 milles de La Havane. 

Reliant chacun de ces ilots, c'est aussi toute une 


12 COSMOS 


série de ponts, de viaducs, de passerelles, où la 
science de l'ingénieur semble avoir épuisé ses for- 
mules les plus diverses: piles en maçonnerie, 
pylônes métalliques, ponts suspendus, ponts tour- 
nants, ponts en bow-string, ponts cantilever, 
ponts basculants et maints autres encore. 

Après Long Key, commencent les ouvrages d'art 
les plus remarquables. Le viaduc de Long Key, lui- 
mème, d’un développement de 5 kilomètres, est 
considéré comme une merveille de hardiesse. Ici, 
la voie, entièrement dégagée à droite et à gauche, 
est à 10 mètres au-dessus du niveau des hautes 
marées d’équinoxe. Les arches, de 25 mètres d'ou- 
verture, sont en granit de Clinton et reposent sur 
des massifs de béton armé. Il y a ainsi 480 arches, 
qui, dans leur puissante structure, donnent l’appa- 
rence d'un aqueduc romain. C'est l’ouvrage le plus 
coûteux de toute la ligne maritime des Keys. 

Le plus long est, sans contredit, le pont de Knight’s 
Key, mettant en communication l'ile ainsi appelée 
et sa voisine, Little Duck Key. Il n'a pas moins de 
11,5 kilomètres. Sa longueur est telle qu’il a fallu 
le couper de plusieurs ponts tournants, notamment 
le Moser Channel Bridge, pour ne pas entraver la 
navigation assez active en ce point, où la profon- 
deur de l’eau atteint 10 mètres. Aussi les fonda- 
tions, établies grâce à un système de caissons et de 
cofferdams perfectionnés, ont-elles présenté sur 
tout ce parcours des difficullés presque insurmon- 
tables, compliquées encore qu’elles étaient par la 
violence des courants locaux. 

Un peu plus loin, voici le pont à claire-voie de 
Bahia Honda, encore un tour de force au point de 
vue technique. Il n’a que 1600 mètres de long, 
mais l'écartement de ses piles — toujours en vue 
de faciliter la navigation — et la disposition spé- 
ciale adoptée pour la protection du tablier contre 
les vagues des grandes marées font, parait-il, lad- 
miration des ingénieurs du Nouveau Monde, peu 
faciles à étonner, pourtant, dans cet ordre d'idées. 

Enlin, franchissant l'ile de Boca Chica, le railway, 
après un dernier viaduc de 3 kilomètres, pénètre 
à Key West, terminus de la gigantesque voie ferrée 
maritime. 

Key West — en espagnol Cayo Hueso — fut 
fondée en 1820 par les Espagnols. Le grand arsenal 
des États-Unis, le Gibraltar américain, dont s’enor- 
gueillit l'impérialisme yankee, compte à l'heure 
qu'il est près de 25000 âmes. Outre le port de 
guerre, on y trouve un port de commerce auquel 
l'East Coast Florida Railway donne déjà une acti- 
vité considérable. Une grande cale sèche, des docks, 
dix bassins de 250 mètres de long sur 60 de large, 
des jetées couvertes, des magasins sont parmi les 
récentes améliorations apportées aux aménage- 
ments maritimes de Key West. Actuellement, les 
bassins peuvent recevoir quarante steamers de fort 
tonnage, avec un tirant d’eau maximum de12 mètres. 


& JUILLET 1919 


Détail peu connu : après Tampa, Key West est 
la ville du monde qui produit le plus de cigares. 
C'est aussi, dans la mer des Antilles et le golfe du 
Mexique, le centre de l'industrie des éponges. 
Enfin, les pècheries s’y développent depuis peu 
d'une façon remarquable, grâce à l’abondance du 
poisson et à l'initiative des armateurs. 

Le nouveau chemin de fer a mis Key West à 
quarante-six heures seulement de Washington. La 
capitale fédérale des États-Unis n’est plus, par cette 
voie, qu'à 1350 milles de La Havane, capitale de 
l'ile cubaine. Des ferry-boats sont en achèvement, 
qui transporteront les trains entiers, voyageurs, 
malériel et bagages, à travers le bras de mer qui 
sépare Key West de La Havane. Ce voyage pitto- 
resque, de 90 milles, s'effectuera en quatre heures. 
Quelle cervelle américaine eùt osé, il y a dix ans, 
concevoir le rêve d'aller en wagon, sans aucun 
transbordement en cours de route, de New-York à 
Cuba? 

Pour terminer, nous voudrions ajouter quelques 
détails inédits sur les conditions toutes particu- 
lières dans lesquelles la ligne des Keys a été con- 
struite. 

Et d'abord, disons que, pendant la durée des 


travaux, trois ouragans formidables — en 1906, 
4909, 14910 — ont failli mettre en péril l’œuvre 


gigantesque de M. Flagler. En 1909 notamment, de 
nombreux ouvrages d'art avaient été emportés par 
la tempète; le vent, à cerlains moments, attei- 
gnait une vitesse de 200 kilomètres par heure, et 
les vagues déchainées dépassaient la hauteur de 
10 mètres. Les ingénieurs décidèrent donc de con- 
solider les fondations des piles, et, pour cela, eurent 
l'idée d'utiliser la marne maritime, très abondante 
dans la région. Celte roche, qui contient 92 pour 100 
de carbonate de chaux, a l'aspect d'une masse plas- 
tique assez dense, d'un blanc éblouissant, qui non 
seulement a l'avantage de durcir considérablement 
à Pair, mais aussi de présenter une surface aussi 
polie que celle du verre. 

Tous les ouvrages de maçonnerie furent revètus 
de ce cuirassement plastique, dont la courbe ma- 
thématiquement calculée vint amortir l'élan furieux 
des vagues. Celles-ci, d'ailleurs, ne dépassent pas, 
en temps normal, la hauteur de 6 à 7 mètres. On 
convint d'établir le tablier des ponts et viaducs à 
une altitude moyenne de 10 mètres, ce qui permit, 
contrairement au projet primitif, de laisser la 
ligne se développer en plein air, sans avoir à la 
protéger de chaque côté par un dispositif qui eût 
beaucoup nui à l’élégance des ouvrages d’art et à 
l'agrément du voyage au-dessus de la mer. 

Néanmoins, comme il faut tout prévoir, et comme, 
d'août à octobre, sous les tropiques, on n’est jamais 
sûr de ne pas être surpris par quelque tornade, les 
viaducs et ponts principaux ont été munis d'ané- 
momètres enregistreurs de la vitesse du vent. Ces 


N° 1432 


appareils, reliés au poste de block-system de la 
voie, ferment automatiquement les signaux de la 
voie dès que le vent dépasse 65 kilomètres par heure. 
En outre, comme mesure de précaution générale, 
la traversée du Long Key Viaduct et du Knight’s 
Key Bridge ne doit être faite, mème par les express, 
qu’à l'allure réduite de 28 à 30 km par heure. Enfin, 
la Compagnie est en communication constante avec 
le Bureau central météorologique de Washinglon, 
lequel télégraphie d'heure en heure, à chaque sec- 
tion de ligne, les prévisions atmosphériques et 
létat général du temps, aussi bien sur l’océan que 
dans le golfe mexicain. 


COSMOS 13 


4 000 ouvriers, nègres, Américains du Nord, 
Gubains et Espagnols, ont été presque constamment 
occupés sur le railway des Keys. La plupart des 
travaux ayant été effectués en mer, il a fallu mo- 
biliser une vaste flotte à ce dessein, entre autres: 
27 chaloupes à vapeur, 412 dragues, 6 grues flottantes, 
10 excavateurs, 3 remorqueurs, 410 grands steamers 
pour le transport des ouvriers et 150 chalands. 

Le prix de revient ressort à 470 000 francs par 
kilomètre, ce qui fait, pour l’ensemble de la ligne 
maritime floridienne, le coquet total de 100 millions 
de francs en chiffres ronds. 

ÉvouaRD BONNAFFÉ. 





Le nouveau laboratoire aérodynamique de M. Eiffel. 


M. Eiffel, le grand ingénieur qui a émerveillė le 
monde entier par la colossale tour métallique de 
300 mètres qu'il construisit au Champ de Mars 
pour l'Exposition de 41889, s’est donné ensuite à 
l'aviation. Déjà, en 1903, alors que l'aviation était 
encore une utopie pcur un grand nombre de 
savants, M. Eifel avait établi à la tour un appa- 
reil de chute destiné à mesurer la résistance que 
des surfaces opposent à lair lorsque cet air les 
frappe orthogonalement. Il a ainsi reconnu que 
la valeur de cette résistance est de 80 g: m? 
pour les surfaces usuelles d'au moins un mètre 
carré animées d'une vitesse de un mètre par seconde. 
Ce laboratoire à l'air libre (les surfaces tombaient 
du haut de la seconde plate-forme de la tour) fonc- 
tionna jusqu’en 1906. 

A cette époque, l’avialion commençait à se déve- 
lopper et l'appareil ne se prêtait plus aux recherches 
que ce développement exigeait. Le savant ingénieur 
résolut alors d'installer au Champ de Mars un 
laboratoire d'aérodynamique dans lequel le prin- 
cipe des essais était tout différent (1). Comme ce 
principe doit se retrouver dans le nouveau labora- 
toire d'Auteuil, nous allons en dire quelques mots. 

Dans un hangar assez vaste avait été installé un 
ventilateur aspirant, d'une puissance de 50 che- 


vaux. Ce ventilateur permettait de faire passer 


dans une chambre d'expériences parfaitement 
close une colonne d'air de 1,3 m de diamètre avec 
une vitesse que l’on pouvait faire varier entre 
ö et 48 mètres par seconde. Dès que l'on voulait 
expérimenter une surface, on la plaçait dans le 
courant d'air et on la reliait à une balance spéciale 
donnant l'effort en grandeur, en direction et son 
point d'application. La vitesse de l’air était mesurée 
par un tube spécial relié à un manomètre très sen- 
sible. On déterminait également la répartition 
des pressions sur la surface en perçant celle-ci de 


(1) Cosmos, t. LXII, p. 685. 


trous très fins reliés chacun à un micro-manomètre. 
On étudiait donc les surfaces en utilisant deux 
méthodes différentes, et toujours les résultats 
obtenus avec l’une et l’autre méthode concordaient. 

Pendant deux années (août 1909 à août 1941), 
on a fait près de cinq mille expériences qui 
touchent, non seulement aux données générales 
qui forment le fondement de l'aérodynamique, 
mais encore aux Connaissances pratiques qu’exige 
actuellement l'aviation. C’est ainsi que la détermi- 
nation de l'effort de l’air en grandeur, direction et 
position, a été faite pour tous les angles d’attaque 
sur plus de trente ailes de profils usuels et de 
nombreux modèles d'appareils. M. Eiffel a éga- 
lement commencé à étudier les hélices et il a 
constaté que les résultats qu’il obtenait concordaient 
avec ceux qu'avait obtenus le commandant Dorand, 
à Chalais-Meudon, sur un chariot-laboratoire. 

Le laboratoire du Champ de Mars est devenu 
insuflisamment outillé dès que les progrès de l'avia- 
tioneurent franchi une certaine limite.La vitesse des 
appareils actuels, en effet, est bien supérieure à la 
vitesse de 18 mètres par seconde, soit 63 kilo- 
mètres par heure, que l’on ne pouvait dépasser. 
C'est pourquoi M. Eilfel résolut, à la fin de l’année 
dernière, de construire à Auteuil un nouveau 
laboratoire aérodynamique répondant mieux aux 
besoins de la nouvelle science. 

Dans le hangar, qui mesure 30 mètres de lon- 
gueur, 43 mètres de largeur et 10 mètres de hau- 
teur, on a réservé une place à l’ancienne installa- 
tion du Champ de Mars, mais la partie principale 
est occupée par l'énorme tube qui permet d'aspirer 
Pair à une vitesse de 40 mètres par seconde, soil 
444 kilomètres par heure. Le rendement industriel 
de l’ancienne installation a été également aug- 
menté; avecunedynamo de 50 chevaux, le cylindre 
d'air ayant un diamètre de 2 mètres, on peul 
obtenir une vitesse maximum de 32 mètres par 
seconde, soit 115 kilomètres par heure. 


14 COSMOS 


La construction de ce laboratoire est très origi- 
nale, et l'une de nos figures en donne une idée 
exacte. On voit que le hangar est occupé presque 
sur toute sa longueur par un énorme tube conique 
(le tube plus petit de l’ancienne installation est 
placé à côté de celui que montre notre figure). A 
l’une des extrémités se trouve un puissant ventila- 
teur aspirant l'air du laboratoire par un énorme 
entonnoir de 4 mètres d'ouverture. Ce tube est 
interrompu pour la traversée de la chambre d'ex- 
périences. L'air aspiré par l'entonnoir se rassemble 
en une sorle de faisceau cylindrique, qui traverse 
cette chambre comme une trombe et s’engouffre 
dans la longue partie conique, appelé par le 
ventilateur qui termine cette dernière. Cet air 
est donc pris à l’intérieur du hangar; il y fait 
retour par l'extrémité opposée à son entrée 
et circule dans le hangar en sens inverse de la 
direction qu'il prend dans le tube. | 


Å JUILLET 1912 


Lorsque les ventilateurs sont en marche, il se 
produit à l’intérieur de la salle d'expériences une 
dépression suffisante pour briser parfois les vitres 
des fenêtres. C’est en mesurant cette dépression, à 
l'aide d’un manomètre spécial, que l’on connait la 
vitesse du courant d'air. 

Dans la salle d'expériences est installé un bâti 
mobile sur des galets. Ce bâti est agencé pour rece- 
voir des surfaces dans une position quelconque et 
les placer en plein dans la colonne d'air formée 
par le tube. Au-dessus, et abritée de cette colonne 
d'air, est placée une grande balance sensible au 
décigramme. Cette balance est reliée avec la sur- 
face en essai et « pèse » à chaque instant les pous- 
sées de l’air sur cette surface. 

Le cône collecteur du tube ou entonnoir qui 
puise l'air à l'avant de la salle d'expériences a 
4 mètres de diamètre à son extrémité libre et 
2 mètres à son extrémité qui débouche dans la 


a au 


COR TEE À 
po N°7 EST LE 
e DEA K H. 
J 


T 
E 
i 
| 
| 


EPA re: SRE 


D RL dE gja Mae DB 
EEST Tv NE 
ʻ x y 





COUPE LONGITUDINALE DU NOUVEAU LABORATOIRE AÉRODYNAMIQUE DE M. EIFFEL. 


chambre d'expériences; sa longueur est de 3,3 m. 
La seconde partie du tube, que lon nomme le dif- 
fuseur, a 9 mètres de longueur ; il aboutit à la cou- 
ronne du ventilateur, qui a 4 mètres de diamètre. 
La colonne d'air qui traverse la chambre d’expé- 
riences a donc 2 mètres de diamètre. 

Le second tube, semblable au précédent mais 
plus petit, donne une colonne d'air de un mètre 
de diamètre seulement, mais comme son ventila- 
teur est actionné, comme le premier, par un mo- 
teur électrique de 50 chevaux, la vitesse de la 
colonne d’air y atteint 40 mètres par seconde. 
L'effet utile obtenu au nouveau laboratoire d'Au- 
teuil est cinq fois supérieur à celui du Champ de 
Mars. Ajoutons enfin que le courant d'air artificiel 
de cette installation est le plus puissant de tous 
ceux utilisés jusqu'à ce jour dans tous les labora- 
toires d’aérodynamique. 

Le nouveau laboratoire d'Auteuil a déjà effectué 
une série d'expériences remarquables en ce sens 


qu’elles détruisent une légende qui s'était créée au 
début de l'aviation. On n’admettait pas, en effet, 
que les mesures obtenues dans un laboratoire, sur 
des aéroplanes réduits, fussent aussi exactes que 
celles que pouvait donner un de nos grands oiseaux 
artificiels voyageant dans l'air calme. 

Or, le commandant Dorand, du laboratoire aéro- 
nautique militaire de Chalais-Meudon, a construit 
un aéroplane avec lequel il a réalisé plusieurs vols 
d'étude en ligne droite par vent nul. Cet aéroplane 
était muni d'appareils de mesure enregistreurs 
qui opéraient directement. Le pilote avait donc 
simultanément tous les éléments du vol: la poussée 
du propulseur, la vitesse de rotation de l'arbre de 
l'hélice et du moteur, la vitesse relative de l’aéro- 
plane par rapport à l'air supposé immobile, l'angle 
d'attaque de l’appareil. Enfin, le poids de l’appa- 
reil était déterminé au départ. 

M. Eiffel fut vivement frappé de la précision des 
résultats obtenus; il demanda au commandant 


Ne 1432 


Dorand de lui établir un modèle réduit de cet aéro- 
plane pour le soumettre à des essais comparatifs 
dans son laboratoire. Ce modèle fut construit à 
l'échelle de 1 : 14,5. Les essais commencèrent aus- 
sitôt en communiquant à la colonne d'air des 
vitesses voisines de celle du vol du grand aéro- 
plane. On reconnut que les résultats obtenus dans 
le laboratoire étaient, à un centième près, sem- 


M | 


e 


7 
Le à 
E 
F 

$ 

4 

4 

A 





COSMOS 15 


blables à ceux qu'avait recueillis le comman- 
dant Dorand. La preuve expérimentale était faite 
que les travaux de laboratoire sont aussi sérieux 
que ceux que l’on peut effectuer dans l’atmo- 
sphère. 

M. Eiffel, qui a bien voulu nous faire les hon- 
neurs de son beau laboratoire, va se mettre à 
l'étude des conditions de stabilité des aéroplanes 


VUE PRISE A L'INTÉRIEUR DE LA SALLE D'EXPÉRIENCES. 


E, entrée du diffuseur; E’, extrémité du petit diffuseur; S, surface soumise aux essais; PP", portes pouvant fermer le diffuseur; 
CC", portes pouvant fermer le collecteur; G, grillage régularisant l'entrée de l'air. 


qui n'ont pas encore élé abordées par lui, et sur- 
tout à l'étude des hélices, déjà commencée au 





Champ de Mars, et au sujet desquelles on connait 
encore très peu de chose. 


LUCIEN FOURNIER. 


La lumière cendrée de la Lune. 


La surface du globe lunaire se trouve parfois 
soustraite à l’action directe des radiations solaires, 
par suite de la position qu'elle occupe par rapport 
à la Terre, et l’on constate que cette surface con- 
tinue à émettre une faible luminosité qu'on a dési- 
gnée sous le nom de lumière cendrée. 

La cause réelle de cette luminosité particulière 
est encore hypothétique; les anciens l’attribuaient 
à une émission lumineuse propre à la Lune elle- 
même. Aujourd'hui, on admet généralement 
qu'elle est due à la réflexion de la lumière solaire 


sur la Terre, ou à la réfraction des radiations 
solaires à travers l’atmosphère terrestre, lors des 
éclipses lunaires. 

On observe des variations assez inexplicables 
dans l'éclat el la coloration de cette luminosité. 
Parfois, la surface de la Lune reste absolument 


invisible pendant la durée d'une éclipse, ou bien 
lorsque notre satellite est dans sa nouvelle phase. 
D’autres fois, aucontraire,cette luminosité devient 


si intense que l’on pourrait presque douter que la 
Lune soit éclipsée. 


16 COSMOS 


Il parait bien difficile d'admettre que de telles 
variations dans l'intensité de la lumière cendrée 
puissent être produites par des phénomènes de 
réflexion ou de réfraction terrestre. 

En effet, pendant la nouvelle Lune, les seules 
causes qui puissent faire varier la quantité de 
lumière réfléchie par la Terre sont l'étendue de 
la surface continentale, de la surface nuageuse, et 
la transparence variable de l’atmosphère. 

Or, si l’état atmosphérique varie souvent d'un 
point à un autre de la Terre, il ne saurait en 
être de mème pour l’ensemble du globe, où la 
quantité moyenne de nuages et l'état général de 
l'atmosphère restent sensiblement constants. 

Peut-on admettre que la lumière réfléchie soit 
très faible quand la surface maritime du Pacifique 
est tournée vers la Lune, tandis qu’elle devient très 
grande lorsque c'est, au contraire, ia surface con- 
tinentale qui réfléchit sa luminosité vers l’espace! 

I est possible que les effets précédents entrent 
pour une certaine part dans les variations de la 
lumière cendrée, mais il parait bien improbable 
qu'ils soient suflisants pour provoquer les énormes 
variations que l’on constate dans l'éclat de celte 
luminosité. Dans le cas des éclipses lunaires, 
l'explication devient encore plus difficile. 

Peut-on réellement admettre que la réfraction 
de la lumiere solaire à travers le mince filet atmo- 
sphérique entourant le globe terrestre, puisse 
s'étendre assez loin dans l'espace pour atteindre 
le globe lunaire et l'éclairer! 

Est-il admissible que la transparence générale 
de ce filet gazeux puisse varier dans de telles pro- 
portions que la lumière réfractée devienne sensi- 
blement nulle à certains moments, et qu'elle soit, 
au contraire, considérable à d'autres époques? Il 
suffit d'examiner les apparences présentées par 
l'atmosphère qui entoure Vénus ou Mars, pour 
comprendre combien une telle conjecture est 
improbable! 

En troisième licu, si la luminosité de la Lune 
était réellement provoquée par la réflexion ou par 
la réfraclion de la lumière solaire par la Terre, 
cette luminosité devrait èlre plus intense dans la 
partie centrale du disque lunaire que sur ses bords, 
puisque, par suite de la forme sphérique de la 
Lune, les bords ne peuvent recevoir qu'une partie 
très faible de la lumière réfléchie par la Terre. 

Tout au contraire, si la luminosité lunaire était 
propre à cet astre et qu'elle ne fùt nullement 
empruntée à la Terre, on devrait constater une 
luminosité plus faible dans la partie centrale du 
disque que sur les bords, puisque, sous une inci- 
dence de plus en plus rasante, les radiations 
lumineuses propres à l'astre lui-mème additionne- 
raient leur action du centre vers la circonférence. 

Or, c'est précisément ce dernier fait que l'obser- 
valion confirme. 


h JUILLET 4912 


Pendant les éclipses totales ou partielles, pen- 
dant la nouvelle Lune, pendant le premier ou le 
dernier quartier, les bords lunaires sont toujours 
beaucoup plus lumineux que le centre. 

Comme c'est de la surface solide de l'astre et 
non de son atmosphère absente, que cette luminosité 
peut provenir, on doit logiquement en conclure 
que la Lune possède une véritable lumière qui lui 
est propre. 

Nous voici doncrevenus aux hypothèses anciennes 
par la logique mème des faits! Mais les récentes 
découvertes sur la phosphorescence, la fluorescence, 
la radio-activité et l'ionisation, vont toutefois 
nous permettre de chercher une explication plau- 
sible à ce phénomène. 

La Lune nest, en définitive, qu’une sphère 
rocheuse, hérissée d'aspérités. 

Ces masses rocheuses doivent présenter une 
composition fort semblable à celle de Ja Terre, 
et tout ce que nous connaissons sur nos roches 
terrestres doit vraisemblablement s'appliquer 
aux roches lunaires. 

Nos roches renferment le plus souvent des fluo- 
rures et des phosphures alcalino-terreux; elles 
contiennent également des quantités appréciables 
de composés radio-actifs. Si l'on soumet un frag- 
ment de roche à l'action suilisamment prolongée 
d'un puissant arc électrique, riche par conséquent 
en radiations ultra-violettes, puis, si on le plonge 
dans l'obscurité complète, on constate qu'il continue 
à briller d’un faible éclat, provenant d'une phos- 
phorescence superlicielle qui se prolonge souvent 
pendant un temps assez long. 

Cetle phosphorescence est provoquée par une 
action particulière des radiations ultra-violettes 
de lare sur Îles fliorures, les phosphures de 
calcium, de magnésium, d'aluminium, ainsi que 
par les etfets de désagréuation moléculaire et d'io- 
nisation de composés radio-actifs à base d'ura- 
nium, de thorium, de radium, ete. 

On peut donc concevoir que si les roches lunaires 
restent soumises pendant un mois entier à l’action 
des puissantes radiations ultra-violettes émises par 
le Soleil, au sein mème du vide interplanétaire, 
elles soient susceptibles d'émettre une phospho- 
rescence extrêmement vive, qui apparait dès qu'elles 
viennent à être soustrailes à l'action solaire. 

La forte charge électrique qui parait également 
exister sur la Lune est probablement d'origine so- 
laire, et celtecharge peut aussi contribuer à des effets 
d’ionisation et de radio-activilé, ainsi que nous avons 
pu, du reste, le constater dans des recherches de 
laboratoire, en soumelltant une substance quel- 
conque à la double influence d'une charge négative 
et des radiations ultra-violettes (1). 


(L) Cosmos, 44 avril 1908, n° 12114. — Recherches sur 
Ja radio-activité temporaire. 


N° 4432 


Il paraît également probable que, sous l’action 
combinée de brusques variations de température, et 
sous l’action ionisante des radiations ultra-violettes 
solaires et des charges électriques, les masses 
rocheuses de la Lune se désagrègent rapidement 
et sont soumises à une pulvérisation à travers 
l'espace (1). 

Les variations importantes que parait subir 
l'activité solaire à certaines époques pourraient 





COSMOS 17 


suffire pour expliquer des variations correspon- 
dantes dans les effets de phosphorescence, de 
radio-activité et de charge électrique de la surface 
lunaire. 

Une étude plus serrée des faits permettra, sans 
doute, de déterminer avec plus de précision les 
relations qui existent entre la luminosité propre 
à la Lune et l’activité solaire. 

A. NODON. 


me 


Les frigorifiques agricoles, 


Le froid est l'agent idéal pour garder aux 
denrées alimentaires toutes leurs qualités natu- 
relles et faciliter leur écoulement sur les marchés. 

Grâce à une conservation plus ou moins pro- 
longée, le producteur n’est plus à la merci de Pin- 
stabilité des cours qui résulte, le plus souvent, de 
l'abondance ou de la rareté de la marchandise. 

Les agriculteurs peuvent mème ainsi mieux 
lutter contre des accaparements à bon marché que 
cherchent à faire certains spéculateurs en s'aidant 
aussi de la conservation par le froid. Par le simple 
jeu des emmagasinements et des sorties des frigo- 
rifiques, ces derniers créent des hausses et des 
baisses fictives. Nous dirons à ce sujet qu'aux 
États-Unis, où la conservation des denrées par le 
froid est très développée, on a été forcé, parait-il, 
de limiter la durée du séjour dans le frigorifique, 
et on a obligé les négociants à déclarer aux con- 
sommateurs la date de la mise en chambre froide 
de certains produits. 

En bonne règle, ces derniers ne devraient être 
mis ainsi en réserve que pour y subir une attente 
provisoire, une ou deux semaines par exemple, 
pour empêcher l'effondrement des cours. 

En régularisant les apports sur les lieux de vente, 
la conservation par le froid peut contribuer égale- 
ment à abaisser les prix trop élevés. En somme, 
l'entrepôt frigorifique peut être considéré comme 
le volant de la consommation. 

Le froid peut permettre encore aux producteurs 
de mieux traverser les périodes difficiles qui 
résultent des grèves du personnel des entreprises 
et transports. L'inverse est possible, et alors le 
ravitaillement est assuré par les stocks des entre- 
pòts. 

Ce ne serait qu’exceptionnellement pour certains 
produits comme les œufs, le beurre, par exemple, 
que l’on pourrait chercher aux époques de grande 


production à faire des réserves pour les périodes . 


où ces denrées, étant plus rares, se vendent aussi 


(1) Rapport du deuxième Congrès international de 
chimie appliquée, à Paris, 1897. La photographie du 
spectre infra-rouge et étude des rayons de Rœntgen, 
par A. Nopox, p. 265. 


bien plus cher. Il faut cependant remarquer que 
dans ces longs mois d'attente le capital reste 
improductif, et qu’il y a toujours des pertes et des 
déchets de la denrée. 

Malheureusement, l'achat, l'installation et le 
fonctionnement d’une machine à froid ne sont pas 
sans présenter à la ferme des difficultés d'ordre 
pécuniaire ou matériel. En particulier, il n'est pas 
toujours commode d'assurer le fonctionnement 
des appareils pendant la nuit. Malgré tout, bien 
que l’aménagement, l'isolation d’une chambre 
quelconque soient assez faciles à réaliser une fois 
pour toutes, on ne rencontre guère dans Îles grandes 
exploitations agricoles que des installations som- 
maires, ou plutòt des armoires frigorifiques pour 
garder quelques kilogrammes de beurre, quelques 
douzaines d'œufs, etc. Ce qu'il faudrait, ce sont 
des chambres froides de grande capacité où l'on 
pourrait emmagasiner à la fois de fortes quantités 
de produits pour abaisser le plus possible les frais 
de premier établissement et oblenir une juste 
rémunéralion des sacrifices imposés. 

Si les petits producteurs isolés ne peuvent songer 
à faire une telle dépense, ils savent que, s'ils se 
groupent en Syndicats et en Coopératives, ils sur- 
monteront mieux les difficultés et ils jouiront des 
facilités qui sont accordées (Caisse de crédit agri- 
cole, part contributive de l'État, etc.). À défaut de 
frigorifique coopératif comme celui de Condrieu, 
le seul qui existe encore, croyons-nous, les cultiva- 
teurs ont intérêt à recourir aux frigorifiques 
privés quand ils le peuvent, comme ceux de Châ- 
teaurenard, d'Avignon. 

Une chose à remarquer, c'est que, s'il existe pas 
mal de ces installations, soit publiques, soit privées, 
dans les grandes villes, il n’y en a qu'exceptionnel- 
lement dans leslieux de production agricole intense. 
Nous avons cité Condrieu, Avignon et Château- 
renard. Mais les régions d’Hvères, des Alpes- 
Maritimes, des Mées et Oraison (Basses-Alpes), des 
Pyrénées-Orientales, de la vallée de la Garonne, 
etbien d'autres, réputées pour leurs primeurs, fruits 
et légumes, leurs produits de basse-cour ou leurs 
fleurs, ne devraient-elles pas avoir de ces entrepôts 


18 COSMOS 


frigorifiques au voisinage des gares ou ailleurs, 
pour les raisons que nous avons énumérées au 
début de cet article? 

Le bel exemple donné par les agriculteurs de 
Condrieu et Ampuis, dans le Rhône, et les résul- 
tats obtenus dans leur frigorifique d'essai méritent 
que lon étudie sérieusement celte question. (l 
appartient aux Syndicats agricoles de provoquer 
des groupements de producteurs et d’expéditeurs, 
lorsqu'ils pourront bénéficier des prèts consentis 
par l’État au moyen de Caisses mutuelles agricoles. 
Par exemple, avec une somme de 415 000 francs 
souscrite par les intéressés, la Société peut dis- 
poser de 60 000 francs; la chose est à considérer. 

Nous terminerons en disant que les producteurs 
de Condrieu s'organisent pour la construction d'un 
frigorifique dont le coût s'élèvera à environ 75 000 
à 80 000 francs. D’après un devis prévu, chaque 
chambre d’un établissement de ce prix peut con- 
tenir 25 000 kilogrammes de produits, soit, pour 


%k JUILLET 191% 


les quatre chambres, 100 000 kilogrammes. Cette 
quantité peut se renouveler dix fois pendant la 
saison (il s’agit surtout ici de fruits). Au total, on 
peut donc traiter un million de kilogrammes. 

La redevance a été fixée, en principe, à 0,40 fr 
par 100 kilogrammes et par jour, soit une recette de 
40 000 francs pour le poids ci-dessus. C'est suffisant 
pour assurer les frais d'exploitation du frigori- 
fique et le service des intérêts (amortissement 
compris). 

A lusine centrale de Wiesbaden (Allemagne), de 
la maison Linde, on est d’avis qu’en ce qui con- 
cerne les fruits et légumes, il faut en emmagasiner 
de grandes quantités pour que l’exploitation soit 
rémunératrice. Cela semble expliquer pourquoi 
jusqu'ici, en Europe, la conservation des fruits et 
légumes n'est encore, pour ainsi dire, qu'un acces- 
soire de la conservation des autres substances 
alimentaires. 

P. SANTOLYNE. 





Dés spéciaux pour le tirage des loteries. 


On utilise quelquefois les dés dans le tirage des 
loteries, et c'est tout naturel: la loterie n'est-elle 
pas aléatoire au premier chef? 

Avouons pourlant que ces petits dieux d'ivoire, 
reliques d’un autre âge, ne se prêlent à cette opé- 
ration qu'avec une répugnance manifeste. Il faut 
les mettre à la torture, les secouer, les renverser 
une trentaine de fois pour leur arracher une ré- 
ponse; et quelle réponse! Presque toujours, vous 
constaterez, en y regardant de près, que les chances 
de gagner ont été mal réparties et les porteurs de 
billets volés comme au coin d'un bois. 

Un de mes amis, professeur dans un collège ca- 
nadien, a voulu mettre un terme à ce brigandage. 
Interdire les dés était chose impossible, leur nom 
arabe, azsahr, les sacrant pour toujours inter- 
prètes officiels du hasard: mais les rajeunir, en 
favorisant l’éclosion d'espèces nouvelles mieux 
adaptées aux besoins de l’époque, n’était-ce pas 
praticable? Le professeur, qui a sa manière à lui 
de comprendre Lamarck, n'en doutait pas. 

« Quelle est la transformation qu exige le mi- 
lieu? » se demanda-t-il. Et tout un système s’éla- 
bora dans son esprit. En voici le principe : 

Pour tirer une loterie, il faut un dé, un seul, 
muis fait expressement pour elle; car il doit 
avoir autant de faces qu'on a émis de billets, 
chaque face correspondant à un de ces billets et 
portant son numéro. 

Il est clair qu'une telle pièce ferait un tirage 
Juste et rapide. En effet, ce dé, capable de montrer 
tous et chacun des numéros vendus et n'ayant d'in- 
clination particulière pour aucun, proclamerait 


sans faiblesse les décisions du sort; et, d'autre 
part, un seul renversement du cornet suffirait pour 
disposer du gros lot. Mais qui fera cette merveille, 
si la loterie est un peu considérable ? 

Qui ?..... Vous-même, cher lecteur, si vous avez 
la patience de me lire jusqu’au bout; car l’inven- 
teur me permet de vider sous vos yeux le joli cof- 
fret d’un décimètre cube qui contient tout son ou- 
tillage, et cet outillage est si simple qu'un amateur 
le reproduira en s'amusant, si perfectionné que le 
premier venu, en moins d'une minute, combinera 
le dé requis pour un tirage donné, füt-il d’un 
milliard de numéros. 

Quelques termes nouveaux m'aideront à dissiper 
le mystère. 

Un dé simple est un polyèdre qui peut s'arrêter 
sur l’une ou l’autre de ses faces sans préférence 
pour aucune. | 

Les faces d'un dé sont les divers nombres de 
points inscrits sur ses faces géométriques. 

Un dé est régulier quand ses faces présentent 
la suite des nombres naturels 0, 41, 2..... de sorte 
que, s'il a n faces, sa plus grande est (n — 1). 

Un dé composé est l'ensemble de plusieurs dés 
simples destinés à former un tout et dont les indi- 
calions s'additionnent. 

Ses faces sont les divers nombres qu'il peut four- 
nir d’un coup. Ainsi, quand deux dés simples joués 
ensemble marquent respectivement 8 et 5 points, 
on dit que le dé composé a montré sa face 13. 

Le dé composé sera régulier si ses faces forment 
la suile 0, 1, 2... ( n — 1), sans omission ni répé- 
tition. 


N° 1432 


Maintenant, commençons l'inventaire. 

Le plateau supérieur de l’écrin contient neuf dés 
réguliers. Le premier n’a que deux faces, le 
deuxième en a trois, le troisième quatre, et ainsi 
de suite jusqu’au neuvième qui en a dix. 

Chacun d’eux porte comme désignation le nombre 
correspondant à sa plus grande face, écrit entre 
parenthèses. Ainsi, quand vous lirez (6), il faudra 
comprendre : le dé régulier à 7 faces dont la plus 
grande est 6. 

Ce premier plateau permettrait déjà à un homme 
adroit de faire un dé régulier d'un nombre de 
faces à peu près quelconque. Trois exemples feront 
comprendre le procédé : 

a) On veut un dé à 48 faces numérotées de 
0 à 47. 

Solution : 48 se décompose en facteurs plus 
petits que 41; les facteurs 6 et 8 conviennent. Ils 
indiquent les dés à choisir : un premier à 6 faces 
(5), un second à 8 faces (7). 

Ces dés peuvent tomber ensemble de quarante- 
huit manières différentes; car chacune des 6 faces 
du premier peut former 8 combinaisons distinctes 
avec les faces du second. Mais le dé résultant 
sera-t-il régulier ? 

— Oui, si l’on sait compter ses points. 

(š) fournira un premier chiffre, (7) un second, 
et le nombre de deux chiffres ainsi formé sera lu 
d’après le système de numération à base 8 (nombre 
des faces du second dé). 

Cela revient à dire : sur (5), chaque point en 
vaut 8, et (7) marque des unités. 

Cette convention enlève aux dés la possibilité de 
fournir un même nombre de deux manières diffé- 
rentes et les rend capables d'amener tout nombre 
de 0 à 47 inclusivement. C’est bien là ce que nous 
voulions. 

Si les dés (5) et (7) marquaient respectivement 
3 et 6 points, le coup vaudrait : 

36 bas 8 = 3 X 8 + 6 = 30 base 10. 

Le maximum possible est : 57 bass = 47 base 10. 

b) Faire un dé régulier à 945 faces. 

Solution : 945 = 9 X TX 5 X 3. 

On jouera successivement les dés (8), (6), (4) 
et (2). 

Les points de (8) seront multipliés par 105 
(= TX 5 X 3); ceux de (6) par 45 (= 5 X 3); 
ceux de (4) par 3, et (2) marquera des unités. 

La règle est facile à retenir : les points marqués 
par un dé simple sont multipliés par le nombre 
des faces du dé (simple ou composé) qui le suit 
dans la combinaison, et par 4, s’il est le dernier. 
La somme de tous les produits est la valeur du 
coup. 

c) Tirer une loterie de 5 000 billets. 

Solution : 5000 = 5 X 10 X 10 X 10. 

Nous voilà dans la numération vulgaire. 

Jouons (4) une fois, (9) trois fois, et écrivons 


COSMOS 19 


les chiffres à mesure qu'ils arrivent. Si l’on sup- 
pose que les dés tournent à la suite 0, 0, 5, 4, le 
porteur du numéro 51 décroche la timbale. 

Les calculs précédents sont laborieux, n'est-ce 
pas? Aussi mon ami n’oblige personne à les répéter. 
Ce que j'en ai dit n'avait qu'un but : faire com- 
prendre le fonctionnement de la machine qu'il me 
reste à décrire. 

Elle est automatique, précise comme une balance 
de laboratoire, et n'importe qui peut la mettre en 
marche. Ses pièces se réduisent à une quarantaine 
de dés dont chacun porte, gravée sur sa face 
blanche, une lettre qui lui sert de nom. Cette lettre 
est répétée sur le bord de la case qu'il occupe; de 
sorte qu'il est aussi facile de retrouver dans l'écrin 
un dé déterminé que la France sur une carte de 
l'Europe. 

Tous ont pour faces les termes d’une progression 
arithmétique commençant par 0. 

Une courte instruction est jointe à l’assortiment. 
Elle se termine par un tableau qu'un enfant com- 
prendrait. Il est à deux colonnes; la première est 
formée de tous les nombres de 2 à 4 000, et la 
seconde de lettres et de chiffres qui n'ont rien de 
mystérieux. 

Ilustrons par deux exemples le maniement de 
l'appareil ainsi ajusté. 

Je reviens au cas de la loterie de 48 billets nu- 
mérotés de 0 à 47. 

47, dernier numéro, est cherché dans le tableau. 
À sa droite, je lis dans la seconde colonne : R, (7). 
Cela veut dire de jouer sans commentaire le dë R 
et le dé (7) décrit précédemment et de prendre 
leurs points tels quels pour la valeur du coup. 
Voici les faces des dés en question : 

KR: 0, 8, 16, 24, 32, 40. 
(7):0,4, 2, 3, 4, 5, 6, 7. 

N suffit d’additionner chaque face du premier 
avec toutes celles du second, prises successivement, 
pour se convaincre que chacun des nombres natu- 
rels de 0 à 47 a une chance, et une seule, d’appa- 
railre. 

Autre exemple. Le dernier numéro est 16 784; 
que faire ? 

Le tableau s’arrêtant à 4 000, cherchons-y 167 
(trois premiers chiffres du nombre). 

La solution prescrite est : Z, N, (6). 

On jette ces dés en avertissant qu'on tire pour 
les centaines du nombre heureux. Les dizaines et 
unités seront trouvées ensuite au moyen de (9) 
joué deux fois; car l'instruction exige qu'on prenne 
le dé (9) et pas un autre pour compléter un nombre 
dont le commencement est déjà tiré. Cette pres- 
cription, l'opérateur novice s'y soumettra à l'aveu- 
glette, le lecteur du Cosmos, lui, comprend tout de 
suite qu’on n'a pas droit de dire qu'un dé marque 
des dizaines, des centaines ou des mille si l’on n'a 


20 COSMOS 


pas l'intention de le faire suivre d'uu autre dé à 
10, 100 ou 4 000 faces (1). 
Voici les faces de Z, N, (6). 
Z : 0, 42, 84, 120. 
N:0, 7, 14, 21, 28, 35. 
(6, : 0, 1, 2, 3, &, 5, ©. 

Le maximum qu'ils peuvent marquer est 167, ct 
9) peut donner jusqu'à 99; de sorte que le total 
possible est 16 799. 

Quelle différence y a-t-il entre ce dé composé et 
un dé simple de 16 800 faces? — Une seule : n'im- 
porte qui peut aisément faire le premier, et le 
second ne sera jamais taillé par personne. 

Le professeur — dont je reproduis les paroles 
aussi fidèlement qu'il m'est possible — en était là 
dans son exposé, quand une objection se présenta 
à mon esprit. 

— Si je comprends bien, lui dis-je, vous pouvez 
faire un dé composé d’un nombre donné de faces, 
pourvu que ce nombre soit décomposable en fac- 
teurs plus petits que 11. Mais si ce n'est pas Île 
cas? si une loterie avait émis 103 billets, par 
exemple, comment pourriez-vous la tirer ? 

— Je consulterais le tableau !...… Mais votre re- 
marque est sensée et mérite une réponse plus civile. 
Pour un tirage de 103 billets, on prend un dé à 
105 faces (7 X 5 X 3). Cela introduit dans lurne 
deux numéros qui n'appartiennent à personne, 
mais n'empêche pas les numéros vendus d’avoir 
tous chance égale de sortir. Donc, pas d’injustice. 
Seulement, si l'un des surnuméraires avait l'im- 
pudence d'émerger, il faudrait reprendre le tirage. 

Vous verrez, en examinant le tableau, que la 
probabilité de cet évènement est de 4/412 quand la 
loterie a 41 ou 2? billets; dans tous les autres cas, 
elle est intérieure à 1/13 et souvent nulle. D'ail- 
leurs, le tirage est si rapide qu’une répétitionna 
rien de fatigant. 

Une objection qu'on m'a faite plus souvent est 
celle-ci: « Les spectateurs, ne saisissant pas bien 
le mécanisme du lirage, douteront de son équité. » 

Mais quel est le tireur de loterie qui n'exige pas 
comme un droit la confiance du public ? 

Vous assislez, je suppose, au tirage d'une grande 
loterie moderne, et, au moment où la roue de verre 
commence à tourner, un assistant s'écrie; « Je 
veux savoir si mon numéro a été mis dans la ma- 


chine. — Mais oui, dirait le directeur, c’est abso- 
lument sùr. Nos ofliciers lPaffirment sur leur hon- 
neur. — Alors, qu’on me le montre! » 


Entendez-vous d'ici l'immense éclat de rire qui 
accueillerait sa naïveté? 
Les choses se passeraient autrement chez moi. 


(1) Le maladroit qui emploierait (8) et (4) pour ter- 
miner son tirage dans le cas ci-dessus composerait 
un dé à 7 560 (= 168 X 9 X ï) faces seulement, c'est- 
à-dire qu'il ferait perdre à plus de ia moitié des nu- 
méros toute chance de gagner. 


4 JUILLET 1949 


Supposons qu'il s'agisse du tirage des 16 785 nu- 
méros dont vous parliez tantôt. 

— Vous voulez savoir si votre numéro est là ? 
dirais-je au scrupuleux. Très bien ! quel est-il?..... 
4 001, dites-vous ? 

Alors, il faut que les trois dés que nous jouerons 
d'abord marquent 10; voyons s'ils le peuvent. (Je 
tourne Z à 0; N à 7 et (6) à 3.) Est-ce bien 40? 
Les dés ont-ils quelque répugnance à prendre cette 
position? 

Il faut de plus, pour votre bonheur, que le der- 
nier dé, que nous jetterons deux fois, marque 0 
d'abord et 4 ensuite. Examinez-le et assurez-vous 
s'il peut tourner ces chiffres. 

Il le constate. Il a vu son numéro dans la roue, 
et sa confiance est basée sur quelque chose de 
mieux qu'une simple affirmation. 

Que les faveurs du hasard restent capricieuses, 
il n'en peut ètre autrement; mais que le dé, com 
posé d'après les indications précédentes, puisse 
ètre un loyal interprète de ses fantaisies, le lecteur 
doit, tout comme moi, en ètre persuadé. 

Il me reste à décrire les formes géométriques 
qui ont permis à l'inventeur de réaliser ses concep- 
tions. L'amateur peut les copier sans crainte: l'in- 
venteur ne prend pas de brevet, 

Dé à 2? faces. — Une pièce de monnaie peut en 
tenir lieu; celui que j'ai sous les yeux est une 
petite tablette carrée à tranches arrondies. 

Dé à 3 faces. — Cube dont les faces portent 
respectivement 0, 0, 4, 4, 2 et 2 points. On a bien 
là l'équivalent d’un dé à trois faces, puisque, pour 

fı 


2> s 4 


F1G. 1. — DÉ A 5 FACES. 


chacun des nombres, 0, 4 et 2, la probabilité d'ap- 
paraitre est de 2/6 = 141/3. 

Dé à 4 faces. — Prisme carré dont les bases 
sont remplacées par des pyramides. 

Dé à 5 faces. — Prisme pentagonal terminé par 
deux pyramides. Ce solide montrera toujours 
2 faces séparées par une arète. Il faut écrire sur 
ses faces géométriques : 0, 0, 4, 2, 2, et on lira, 
suivant l’arète qui formera sommet, les sommes : 
0, 1,3, 4, 2 (fig. 1). 

Dés à Get à 8 faces.— Cube et octaèdre réguliers. 

Dé à 7 faces. — Ce dé a en réalité 44 faces. 
C'est un cube qui a commencé sa transformation 
en octaèdre régulier et qui s’est arrèté en chemin. 


Ne 1532 


Voici comment on peut le faire en partant d'un 
cube de 25 millimètres d’arèête (fig. 2). 

Sur toutes les artes, marquez des points c à 
9,3 mm des sommets. Réunissez ces points deux à 
deux par des droites, comme le montre la figure. 
Enlevez les angles du cube suivant les lignes cc. 
Le dé résultant aura 6 faces carrées et 8 faces 
triangulaires à angles coupés (fig. 2 bis). 

Avant de le numéroter, essayez-le en le faisant 
rouler 140 fois. S'il montre 80 triangles et 60 carrés, 
vous pourrez le terminer en toute confiance. Sinon, 





FiG. 2 BIS. 


faites une marque de crayon sur les faces trop 
faibles, enlevez cette marque d’un coup de lime et 
recommencez l'essai. Le numérotage est douhlé 
comme sur le dé à 3 faces. 

Dé à 9 faces. — Dé composé de 2 dés simples à 
3 faces, ces faces portant les nombres: 0, 3, 6 sur 
un dé et 0, 14, 2 sur l’autre. 

Dé à 10 faces. — On pourrait composer ce dé 
en donnant au dé régulier à 5 faces précédemment 
décrit un compagnon à 2 faces (0 et 5); mais le dé 
à 10 faces est si souvent requis qu’on a préféré le 
faire d’une seule pièce. On peut le décrire : 2 pyra- 
mides pentagonales juxtaposées par leurs bases et 
dont l’une a tourné de 36 degrés autour de sa 
hauteur. 

Celui que j'ai sous les yeux a été taillé comme 
suil: un prisme, ayant pour base un carré de 25 mil- 
limètres de côté et une hauteur de 52 millimètres, 
a reçu sur ses 4 faces A, B, C, D, les dessins repré- 
sentés par la figure 3. Occupons-nous de la face A 
dont les autres ne sont que la reproduction. 

Sur l’arête supérieure, on marque les points a 
et b à 20 millimètres des bouts. On mène la per- 
pendiculaire ao, puis la droite oc sur laquelle on 
marque le point Æ à 25 millimètres de o ; on trace 
ensuite b k p. 

Quand cette figure a été répétée sur les 3 autres 
faces, on s'assure, au moyen d’un compas, si les 


COSMOS 2t 


distances /k et 1 sont égales; de même les distances 
ak, lu, ri, bj. Si elles sont' plus petites, l’angle 
aoc et ses égaux sont trop grands ; dans le cas con- 
traire, ils sont trop petits. L'égalité de ces distances 





étant obtenue, on sciera le prisme suivant les lignes. 
pb-bm, lr-rm, iu-uo et ja-ao. Il ne reste plus qu'à 
enlever au ciseau les deux coins compris entre les. 





F1G. 4. 


lignes ok et of d’un côté, #1 et my de l'autre, pour 
finir le dé. 

La figure 4 montre comment 4 faces du dé coin- 
cident avec les pans du prisme. 


Abbé F. T., 
Sainte-Anne-de-la-Pocatière (Canada). 


© 
bO 


COSMOS 


& JUILLET 1949 


| ALEXIS PERREY 
On point d'histoire de la sismoloëgie. 


Quatre noms dominent toute l'histoire de la sis- 
mologie au milieu du xix° siècle, et ce sont, dans 
l'ordre de ce qu’on pourrait appeler le centre de 
gravité chronologique de leurs travaux respectifs, 
ceux de Perrey, Mallet, Suess et de Rossi. Alexis 
Perrey a créé l’histoire sismologique, et les frères 
Mallet ont introduit les méthodes de mesure dans 
l’étude des tremblements de terre; Suess a mis en 
intime relation les mouvements brusques du sol 
de certains pays avec leur tectonique, et de Rossi 
a fondé les méthodes d’observation des plus petites 
vibrations du sol. Sans doute, les uns et les autres 
ont eu des précurseurs, mais à des titres divers ils 
sont les véritables fondateurs de la sismologie 
actuelle dont tous les plus récents progrès ne sont 
qu'un développement de leurs travaux. 

Du rôle des deux derniers, nous ne dirons rien 
ici; nous voulons seulement établir un parallèle 
entre les mérites de Perrey et ceux des Mallet, 
parce que ces derniers ne sont pas seulement con- 
aus par leurs recherches de mécanique sismolo- 
gique et leur description devenue classique du 
grand tremblement de terre des Pouilles du 16 dé- 
cembre 1857, mais aussi par leur catalogue général 
des tremblements de terre publié de 1852 à 1858 
par la célèbre Association britannique pour l'avan- 
cement des sciences; tandis que Perrey, plus limité 
dans ses travaux, n’a à son actif que ses nombreux 
catalogues régionaux de tremblements de terre 
embrassant le monde entier et ses listes annuelles 
de 1843 à 1872. Son ròle apparait donc à première 
vue comme très inférieur à celui des Mallet, au 
moins quant à la diversité de ses recherches. 

Perrey a passé toute sa vie professeur de mathé- 
maliques à la Facullé des sciences de Dijon. 
Comme tel, il était un peu astronome, et croyant, 
ainsi que tout le monde de son temps, au feu cen- 
tral, il voulut faire des tremblements de terre des 
effets de marées de ce milieu terrestre interne 
plus ou moins visqueux soumis à l'attraction de la 
Lune et du Soleil. Sa tentative n’a point abouti, 
mais il nous a laissé la base de ses calculs, ses 
admirables catalogues régionaux et ses immenses 
distes annuelles, continuées sans interruption pen- 
dant trente années consécutives, un double travail 
vraiment gigantesque dont quelques erreurs éparses 
ne suffisent pas à déparer la grandeur. 

Quel que soit le pays dont on veuille étudier 
Thistoire ou la géographie sismologique, le pre- 
mier fonds de recherches est obligatoirement 
TPæuvre de Perrey. Il faut cependant faire quelques 
exceptions. Les unes se rapportent à des pays où, 
comme en Italie Baratta, les savants ont repris 


son travail pour le compléter à laide des docu- 
ments régionaux trouvés sur place. C’est qu’en 
effet, surtout il y a quelques années, les grandes 
bibliothèques publiques comprenaient partout un 
même stock à peu près commun de chroniques, 
d'histoires, de voyages et de mémoiresscientifiques. 

Dans un quelconque des grands centres univer- 
sitaires d'Europe, on pourrait donc entreprendre 
de décrire les tremblements de terre d’un pays 
donné sans que le résultat final en soit très diffé- 
rent, qu'il soit exécuté à Rome ou à Londres, à Paris 
ou à Berlin. Mais pour descendre dans le tréfonds 
des sources originales et inédites qui permettent 
d'entrer dans les détails, il faut vivre dans le pays 
même. On peut dire que Perrey a épuisé le pre- 
mier stade de ces catalogues sismiques régionaux, 
et, depuis lui, peu de pays ont réussi à atteindre le 
second. Les autres exceptions, plus haut indiquées, 
sont relatives à la Chine et à l'Inde. Les raisons 
qui leur ont donné lieu sont connues. En ce qui 


-concerne la Chine, Perrey n'aurait pu que rééditer 


purement et simplement le catalogue publié par 
Biot en 1841, et qui a été complètement ignoré des 
Mallet. Quant à l'Inde, il ne put accéder aux col- 
lections de l'Agialic Society, ce qui fut bien facile à 
ses rivaux d'Angleterre. L'histoire du catalogue sis- 
mique moderne des tremblements de terre chinois 
est trop touchante pour que nous n’ouvrions pas une 
parenthèse en sa faveur. Le savant Jésuite Hoang, 
bien connu des sinologues par l'immense labeur 
que lui avait coûté sa Chronologie chinoise, avait 
atteint soixante-dix-sept ans en 1906 quand ses 
frères de l'Observatoire de Zi-Ka-Weï lui deman- 
dèrent d'en extraire les tremblements de terre de 
la Chine rencontrés par lui dans les immenses 
chroniques qu’il avait scrutées toute sa vie. Sans 
la moindre hésitation il se mit à l’œuvre, et le 
8 octobre 1909, veille de sa mort, il en remettait 
le manuscrit publié dans les Variétés sinologiques. 
Il en résultait près de six mille faits authentiques 
répartis sur trente-sept siècles. 

Les catalogues de Perrey sont régionaux, par- 
tant commodes à consulter; celui des Mallet, au 
contraire, est chronologique pour le monde entier 
et à peu près inutilisable, sauf en de très rares cir- 
constances, défaut qui se retrouve dans les listes 
annuelles de Perrey, mais y était inévitable. Il se 
retrouve aussi dans les catalogues annuels de l’As- 
sociation internationale de sismologie, malgré 
qu'il ait été fait de vigoureuses objections à cette 
forme de publication. C’est encore cette forme 
chronologique générale qui a été adoptée par 
Lersch, médecin d’Aix-la-Chapelle, dont le cata: 


Ne 1432 


logue manuscrit a été présenté en 1903 à la même 
Association en vue de sa publication. Ce projet n’a 
pas eu de suite faute de fonds, a-t-on dit, mais 
plus vraisemblablement parce que ce meùût été que 
rééditer en grande partie les catalogues de Perrey, 
de Mallet et de Fuchs. 

Quoi qu’il en soit de ce dernier point de détail, 
le regretté savant que fut Lancaster nous écrivait 
ce qui suit en date du 20 décembre 1907, c'est- 
à-dire deux mois seulement avant sa mort: 

Esri Et involontairement je pensais à mon 
vieil ami Perrey — je devrais plutòt dire vénéré 
maitre, — qui ne se doutait certes pas même dans 
ses derniers jours de la révolution qui allait s’opé- 
rer dans le domaine de ses études favorites. Le sou- 
venir de Perrey me fait songer que dans une cir- 
constance importante on fut bien injuste à son 
égard. C’est à propos du fameux catalogue de Mallet, 
qui n'est en réalité qu’une sorte de plagiat de 
l’œuvre tout entière du savant français. Mallet 
s'est borné à mettre en tableaux et à résumer 
toutes les données que contenaient les nombreux 
catalogues de Perrey. Il n’a absolument rien ajouté 
de son cru, et sa liste s'arrête à 1843, alors qu'elle 
a été publiée en 1855, par la bonne raison qu’à ce 
moment Perrey n’était arrivé dans son travail qu'à 
l'année 1843. Mallet avait bien d’autres cordes 
à son arc, et Perrey souffrit beaucoup de voir le 
savant anglais porté aux nues, alors qu'on faisait 
le silence sur l’ensemble imposant des matériaux 
qu'il avait si patiemment réunis. Perrey s’en plai- 
gait à Mallet, et celui-ci répondit d’une façon très 
embarrassée. J'eus un jour l’occasion de lire sa 
réponse. » 

Admirateur des Mallet aussi bien que de Perrey, 
nous avons voulu nous rendre compte du plus ou 
moins de bien fondé du sévère jugement de Lan- 
caster et de sa nette affirmation. Seule, la statis- 
tique comparée permettait de résoudre la question. 
Ea voici les résultats. 

Si l’on prend, par exemple, le catalogue de Per- 
rey relatif à la France, à la Hollande et à la Bel- 
gique et publié en 1844, on trouve par un pointage 
minutieux que le catalogue général des Mallet 
comprend un résumé de tous les tremblements de 
terre que renferme celui-là et aucun autre: à 
peine de-ci, de-là, quelques retouches aux réfé- 
rences bibliographiques, et c'est tout. Les Mallet 
ont donc simplement noyé le catalogue régional 
de Perrey dans un catalogue chronologique général. 

On pourrait à la rigueur penser que les sismo- 
logues anglais ont supposé que, pour ces pays, il 
leur serait impossible de glaner fructueusement 
après Perrey, qui, habitant la France, était plus 
à portée des sources qu'eux-mêmes. Cette excuse 
ne lient pas; en effet, le résultat de la comparai- 
son reste identiquement le même pour le catalogue 
de Perrey relatif à la péninsule turco-hellénique 


COSMOS 23 


et à la Syrie, publié en 1848. Les Mallet n'ont donc 
exécuté aucun travail personnel quant à ces der- 
niers pays que n'habitaient ni eux ni leur rival. 

On pouvait espérer que les tremblements de 
terre des Iles Britanniques auraient été l’objet de 
fructueuses récoltes personnelles de la part des 
Mallet relativement au catalogue de Perrey publié 
en 1849. Un pointage minutieux démontre que si 
les Mallet ont inséré dans leur travail tous les. 
234 tremblements de terre de Perrey, ils n'y ont. 
ajouté qu'une cinquantaine de faits tirés soit dw 
Gentleman's Magazine, soit surtout du catalogue- 
de David Milne, le père, croyons-nous, du savant 
et célèbre sismologue moderne. Il est très digne de 
remarque que précisément Perrey, dans la pré- 
face de son catalogue des tremblements de terre- 
d'Angleterre, s’excuse de n’avoir pu se procurer le- 
travail de D. Milne. 

Nous avons reculé devant la tâche fastidieuse, 
quoique instructive, d'étendre cette comparaison 
à tous les catalogues de Perrey, bien certain d’ail- 
leurs que le résultat en serait le même ; nous nous 
sommes contenté de chercher ce qu’il en était 
quant aux catalogues régionaux publiés par Per- 
rey postérieurement à l'impression du catalogue 
des Mallet. L'examen de ceux des Moluques et des- 
Philippines démontre que pour ces pays les Mallet 
n'ont connu que les tremblements de terre peu 
nombreux relevés antérieurement par Von Hoff, et 
dont le catalogue général avait été publié en 1840 
par le fameux géographe allemand Berghaus. Là 
encore le travail personnel des Mallet a été fon- 
cièrement nul. 

En terminant leur catalogue, les Mallet annoncent 
que, projeté pour se conclure à l’année 4850, ils le- 
limitent cependant à l’année 1842, Perrey ayant 
commencé en 1843 ses listes annuelles; mais ils. 
ajoutent qu'ils en étudieront les conséquences sta- 
tistiques jusqu’à l’année 1850. Cette promesse n'a 
pas été tenue, et ils ont préféré reproduire identi- 
quement dans le mémoire explicatif publié en 
4858 les tableaux de répartition mensuelle dont 
Perrey faisait suivre chacun de ses catalogues. 
régionaux. A la vérité, pour quelques-uns, les Mal- 
let en font explicitement l’aveu; mais pour d'autres 
ils disent, par exemple: nous allons procéder 
maintenant....., donnant ainsi à entendre qu'il va 
s'agir de leurs propres calculs étendus jusqu'a 1850, 
alors qu'ils rééditent les chiffres de Perrey limités 
à l'année 1843. 

L’assertion de Lancaster ne saurait être plus 
clairement et péremptoirement démontrée et les 
catalogues des Mallet ne sont qu'un démarquage 
de ceux de Perrey, démarquage déguisé par la 
transformation en un catalogue chronologique 
général. Combien différente a été l'attitude de 
O'Reilly, un autre Anglais, qui, en 1885, publia un 
catalogue sismique de l'ancien monde, alphabé- 


2% COSMOS 


tique celui-ci, dans le but d'appliquer aux tremble- 
ments de terre la théorie du réseau pentagonal 
d'Élie de Beaumont, tentative sans résultat d'ail- 
Jeurs. O’Reilly n’hésite point à dire qu’il a pure- 
ment et simplement utilisé les catalogues de Per- 
rey, de Mallet et de Fuchs. 

Au reste, on doit considérer comme close l'ère 
des catalogues généraux tels que les ont exécutés 
Perrey dans secs listes annuelles de 1843 à 1872 et 
Fuchs dans les siennes jusqu’à 1885. Le dévelop- 
pement des informations reçues de toute la surface 
du globe en fait une œuvre actuellement impos- 
sible, et l'Association internationale de sismologie 
est déjà obligée de se limiter. Ce que l'on doit cher- 
cher maintenant, c’est l'établissement des cata- 
logues régionaux au moyen des documents locaux 
jusqu’à l’époque où dans chacun d'eux s'est institué 
un service permanent d'observations sismologiques. 
C'est ce que nous avons actuellement entrepris 
pour le Chili. 

Si nous avons voulu fixer une fois pour toutes le 
point d'histoire de la sismologie signalé par Lan- 
caster, c'est que Perrey n’a vraiment pas été heu- 
reux dans sa carrière scientifique et qu'il est mort 
presque inconnu en dedans des frontières de son 
propre pays. Il a eu beaucoup de diflicultés à 
publier ses immenses et si utiles travaux, et si 
trois institutions scientifiques françaises l'ont aidé 


& JUILLET 1919 


dans la mesure de leurs moyens limités, l’Acadé- 
mie de Dijon, la Société d'émulation des Vosges 
et la Société impériale d'agriculture et arts utiles 
de Lyon, c'est grâce à l'Académie royale des 
sciences de Belgique, sous l'impulsion intelligente 
de Quételet, que nous pouvons utiliser — et on le 
fera longtemps encore — la majeure partie de son 
œuvre considérable. Nul n’est prophète dans son 
pays, et c'est aussi à l'étranger, à Naples, qu'il faut 
aller consulter sa précieuse bibliothèque sismolo- 
gique dont le catalogue, publié en 1855 et en 1863, 
contenait 3376 articles dont beaucoup sont à peu 
près introuvables ailleurs. Nul doute qu'elle ne se 
soit notablement augmentée jusqu’à 1875, époque, 
croyons-nous, de sa mort. 

Nos propres recherches de géographie sismolo- 
gique n'auraient guère été possibles sans les tra- 
vaux de Perrey, ou du moins elles auraient été 
beaucoup plus incomplètes, aussi lui devions-nous 
bien cette revendication posthume provoquée par 
son ami Lancaster; mais si l’œuvre des frères Mal- 
let apparait nulle quant à leur catalogue sism olo- 
gique, ils restent, du moins, avec la gloire d'a voir 
introduit les méthodes de mesure dans l'étude des 
tremblements de terre, suffisant titre à n'être pas 
oubliés de longtemps. 

C DE MONTES<US DE BALLORE. 


Santiago, 15 mars 1912. 





SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 
Séance du 17 juin 1912. 


PRÉSIDENCE DE M. LIPPMANN. 


Nécrologie. — M. le Secrétaire perpétuel annonce 
à l’Académie la perte qu’elle vient de faire en la 
personne de M. Ferdinand Zirkel, Correspondant 
pour la section de Minéralogie, Professeur à l'Univer- 
sité de Bonn, décédé à l'âge de 7# ans. 


Sur la longueur d’onde des radiations 
actives dans la synthèse photochimique des 
composés ternaires. — Parmi les processus de 
restauration d'énergie chimique, le plus important 
dans la nature est celui par lequel les plantes vertes 
au soleil refont synthétiquement les hydrates de car- 
bone aux dépens de la vapeur d'eau et du gaz carbo- 
nique. L'insuccès répélé des tentatives faites pour 
réaliser ce processus en dehors des êtres vivants avait 
amené des savants tels que Joule, Lord Kelvin, 
Helmholtz, à penser que le principe de Carnot n'était 
pas applicable aux Ctres vivants et que ceux-ci pou- 
vaient, non seulement ralentir la dégradation de 
l'énergie, mais même la restaurer. 

MM. D. Benrurcor et H. Gaupecuox ont cependant 
réalisé, il y a deux ans, les réactions fondamentales 


de la synthèse chlorophyllienne grâce aux rayons 
ultra-violets. C'est donc bien la lumière qui est l'agent 
de restauration de l'énergie chimique, et il n’y a pas 
là une action propre à la vie, mais un simple proces- 
sus physico-chimique. 

Toute la différence, c'est que dans les plantes ce pro- 
cessus a déjà lieu sous l'influence de vibrations 
visibles jaune orangé, c'est-à-dire relativement lentes, 
tandis que les auteurs ne le réalisent qu'avec les 
vibrations ultra-violettes les plus rapides des lampes 
à vapeur de mercure; l'ultra-violet solaire ne produit 
pas la synthèse de l'aldéhyde formique à dose appré- 
ciable, mûême en une année. 


Sur le gaz des boues des fosses septiques. 


— Les boues des fosses septiques, dans le traitement 


biologique des eaux d'égout, sont embarrassantes, et 
leur accumulation dans les usines d'épuration pré- 
sente, au point de vue de l'hygiène, de sérieux incon- 
vénients qu'on doit éviter. 

En distillant des boues provenant des fosses sep- 
tiques du Mont-Mesly, M. L. Cavez a obtenu un gaz 
qui présente un certain intérèt. 

Sa composition permet de prévoir qu’il est capable 
de fournir 300 calories environ par mètre cube, 
énergie calorilique qui lui ferait trouver un emploi 
avantageux dans les usines d'épuration, en l’utilisant 
comme force motrice. 


ns 


— — 1 [a Á c M mMm 


N° 1432 


Une usine d’une moyenne importance peut fournir 
plusieurs tonnes de boues sèches par vingt-quatre 
heures (300 grammes par mètre cube d'eau traitée). 
100 grammes de boues sèches donnent 4,23 } de gaz, 
soit 42,8 m° par tonne. 

Le gaz des boues est peu éclairant, et il n’y aurait 
pas avantage à le consommer directement pour l'éclai- 
rage. Si l'on voulait l'utiliser dans ce but, il pourrait 
servir à porter des manchons à l’incandescence. 


Sur l’injection intra-veineuse du vibrion 
cholérique vivant. -— L'inoculation de microbes 
vivants confère une immunité comparable à celle qui 
suit la maladie naturelle. La haute efficacité des 
méthodes de vaccinations pasteuriennes (charbon, 
rage, etc.) tient à ce que l’atténuation de la virulence 
des microbes laisse intacte leur vitalité. MM. Cu. Ni- 
cCoLLE, A. Coxor et E. CoxnseiL se sont proposé de traiter 
préventivement le choléra par cette méthode. 

Il est à remarquer que, dans le choléra, l'agent 
pathogène reste localisé dans l'intestin, sans passer 
dans le sang. En injectant les vibrions cholériques 
dans les veines, les auteurs assurent très rapidement 
leur destruction par les phagocytes présents dans le 
sang. Au reste, ils ne déversent dans le torrent circu- 
latoire qu'une émulsion très étendue de microbes, en 
séparant ceux-ci à l'état d'individus isolés. Une goutte 
(1: 35 cm) de cette émulsion représente environ 
400 000 vibrions vivants. La méthode comporte deux 
inoculations, à dix ou quinze jours d'intervalle : la pre- 
mière d'une goutte, la seconde de six gouttes de cette 
préparation, qu'on dilue chaque fois dans 50 centi- 
mètres cubes d’eau salée à 8 pour 1 000. 

La méthode a été essayée sur 36 sujets de bonne 
volonté à Tunis; non seulement les personnes ainsi 
traittes ne contractent pas le choléra, mais on ne 
constate jamais le passage des vibrions dans leurs 
selles. Trois sujets vaccinés ont, au bout de 10 à 
12 jours, ingéré impunément des vibrions toxiques. 

Elle a été aussi appliquée à la dysenterie. 


Désinfection des mains par la teinture 
d'iode et décoloration par le bisulfite en chi- 
rurgie courante et d'urgence. — L'emploi de la 
teinture d’iode pour la désinfection des mains du chi- 
rurgien n'est guère répandu en raison de la coloration 
de la peau, difficile à faire disparaître. 

M. TaP#ANEL propose de décolorer les mains ainsi 
traitées par une solution étendue de bisulfite de 
soude. 

Cette aclion da bisulfite est bien connue, mais elle 
n’est guère utilisée jusqu'à présent en chirurgie. La 
solution de bisulfite fait déjà partie de l'arsenal chi- 
rurgical. Les résultats obtenus instantanément sont 
parfails. 4° La peau est décolorée; 2’ l’action antisep- 
tique du bisulfite s'ajoute à celle de l’iode; 3° la sécré- 
tion sudorale (qui d'ordinaire nécessite des lavages 
au cours de l'opération) est suspendue pendant un 
temps variant de une heure à une heure et demie. 


Influence des fortes chaleurs sur certains 
insectes parasites de végétaux. — Les variations 
atmosphériques peuvent avoir une grande influence 
sur le développement des insectes; mais, parmi les 
facteurs susceptibles d'exercer une action sur ces 
êtres, un de ceux qui se font sentir k plus brusque- 


COSMOS | 25 


ment, et peut-être le plus radicalement, est certaine- 
ment la chaleur. 

Nombreux ont été les auteurs qui, en 41911, ont 
signalé l'avortement de la génération d'été de la 
Cochylis. On a discuté pour établir sur quelle généra- 
tion les fortes chaleurs de 1911 avaient plus particu- 
lièrement fait sentir leur action. Sans intervenir dans 
łe débat, M. Caaixe, qui a fait d'importantes observa- 
tions à ce sujet, retient ce fait que les fortes tempéra- 
tures de juin et juillet 4911, concordant avec une 
période prolongée de sécheresse, ont détruit un très 
grand nombre de larves et de chrysalides de cochylis, 
au point que la deuxième génération a été à peu près 
complètement annihilée. 


Sur la constance probable de l'activité sis- 
mique mondiale. — Le catalogue général des trem- 
blements de terre destructeurs, ou mégasismes, que 
vient de publier J. Miine, et qui débute avec l'ère 
chrétienne, permet d'aborder pour la première fois la 
question de savoir si l'activité sismique mondiale est 
constante ou non, en admettant qu'elle soit mesurée 
par le nombre annuel des mégasismes. 

M. F. DE MonTEssus ne BaLLore observe que depuis 
1850 le nombre annuel des mégasismes apparait con- 
stant : 31 en moyenne. 

En a-t-il été de même antérieurement? À cet égard, 
le catalogue de Milne ne permet pas une affirmation 
catégorique, car dans les premiers siècles de notre 
ère, les annales historiques n'ont vraisemblablement 
enregistré qu'un très petit nombre des tremblements 
de terre. Au Japon, depuis sept siċcles, la sismicité 
est constante; il en est sans doute de même pour le 
monde entier depuis de longs siècles, si l’on parle de 
la fréquence des mégasismes. 


Contrôle de la nouvelle méthode de dcsage du fluor. 
Caractéristique des plus faibles traces de ce corps. 
Note de MM. Ansanp Gautier et Paru CLAUSMANN. — 
Inversions stéréoscopiques provoquées et subies par 
les images rétiniennes de simples points dans l’espace. 
Note de M. A. Cnauveau. — Étude de la raic D en 
unités absolues et application à la physique solaire. 
Note de M. Gouy. — Sur le cyclohexanol : Étude cryo- 
scopique, chaleur de dissolution, de fusion, de volati- 
lisation. Note de M. pe Forcrax»o. — Hydrogénation 
directe des diphényléthanes : préparation des dicy- 
clohexyléthanes. Note de MM. Pace SaBaTien et M. MURAT. 
— Sur la résorption de glycose dans les tubuli du rein. 
Note de MM. R. LÉPixE et Bouztb. — L’orbite du hui- 
tième satellite de Jupiter. Note de M. J. TROUSSET. — 
M. BeLoT expose une expérience qui reproduit les 
spires des nébuleuses spirałes, et qui donne des résul- 
tats conformes à sa propre théorie; dans l'expérience 
présentée, M. Belot a reproduit la nébuleuse des Chiens 
de chasse. — Sur les équations aux dérivées partielles 
définissant des surfaces susceptibles de passer par un 
contour fermé. Note de M. À. Buaz. — Sur certaines 
équations aux dérivées partielles du type parabolique. 
Note de M. Maurice GEvVREY. — Sur les plaques cireu- 
laires épaisses. Note de M. Mexxactn. — Sur le mou- 
vement des électrons dans un champ électromasné- 
tique donné. Note de M. Tu. De Doxnen. — Sur les défor- 
mations élastiques sans efforts tangentiels. Note de 
M. U. Cisorri. — Inversion du phénomène de Hall dans 


26 | COSMOS 


le bismuth. Superposition de deux effets galvanoma- 
unéliques de sens opposés. Note de M. JEAN BECQUEREL. 
Sur la mesure de pelits étalons industriels à faces 
planes par une méthode interférentielle. Note de 
M. À. PÉRanv. — Sur l'existence de quatre acides tar- 
triques inactifs et sur la loi de l'action de masse. Note 
de M. ALBERT Corson. — Sur la stabilité des hypoio- 
dites. Note de M. V. Arser. — Sur l'anhydride ura- 
nique et ses hydrates. Note de M. PauL Lesrau. — Sur 
les éthers glycidiques de la 3-naphtanone, l'aldéhyde 
naphtanoïque et la méthvinaphtanylcétone. Note de 
MM. G. Dauzexs et H. LEnoux. — Nouveaux colorants 
azoïques de l'oxvde de dyphénylène-amine. Note de 
M. A. Maite. — Sur la distribution des bases miné- 
rales chez l'orge, au cours de l'évolution de ce végé- 
tal. Note de M. G. ANbRÉ. — Sur la production d’urée 
par hydrolyse des albuminoïdes. Note de M. R. Fosse, 
— Les maladies des animaux préhistoriques. La spon- 





k JUILLET 19412 


dylite déformante chez l'ours des cavernes (Ursus 
spelæus BI. J.). Note de M. Marcer, BaupouiN, qui, par 
cette étude,démontre que la pathologie osseuse a désor- 
mais une histoire qui atteint presque la fin de l’époque 
tertiaire! — Sur quelques propriétés biochimiques du 
Bacillus aminophilus intestinalis. Note de MM. ALBERT 
BerTHELOT et D.-M. BERTRAND. — Immunisation anti- 
typhique de l'homme par voie intestinale. Note de 
MM. Juies Couruonr et A. Rocuaix. — Une source 
abondante de virus agalaxique pur. Note de M. H. Carré. 
— Hypotension externe et hypertension interne. Réper- 
cussion de l'action hypotensive de la d'’Arsonvalisation 
appliquée localement à l'hypertension interne. Note 
de M. A. Mocrier, — Contribution à l'étude expérimen- 
tale de la sexualité chez Dinophilus. Note de M. PauL 
pe BEatrcusur. — Sur l'âge des schistes d'Athènes. 
Note de M. Pu. NéGnris. — Les récentes découvertes 
paléontologiques en Indo-Chine. Note de M. H. Maxsuy. 





BIBLIOGRAPHIE 


La pression osmotique et le mécanisme de 
l’osmose, par PIERRE GiRARD. Format 24 X 15, 
18 pages. Publication de la Société de chimie- 
physique (4 fr). A. Hermann, 6, rue de la Sor- 
bonne, Paris, 1912. 


D'abord, un bref rappel des théories élaborées 
successivement par Pfeffer, Hugo de Vries et Van’t 
Hoff, aboutissant à l'assimilation étroite de la pres- 
sion osmotique avec la pression gazeuse; théories 
complétées par Arrhénius en ce qui concerne les 
électrolvtes, L'auteur se hâte d’arriver au point 
qui fait l’objet de ses études personnelles. Hei- 
denhain et d’autres à sa suite ont montré que, dans 
les organismes vivants, les seules différences de 
pressions osmotiques ne suflisent pas à rendre 
compile du sens et de la valeur des échanges; 
ceux-ci se font parfois à l'encontre de ce qu'on 
attendrait si losmose seule était en jeu. M. Girard 
montre que celte anomalie ne tient pas « à une 
activité propre des cellules ». On peut réaliser de 
tels échanges in vitro, et ils sont condilionnés 
dans ce cas par des forces électriques qui s'ajoutent 
aux forces osimotiques proprement dites; il en est 
vraisemblablement de même in vivo. 

Encore un phénomène biologique qui est sous- 
irait du domaine de la soi-disant « force vitale » 
pour ètre soumis au déterminisme physico-chi- 
mique. C'est du moins un postulat nécessaire à la 
science que les phénomènes physiques et chimiques 
ne s'accomplissent point autrement dans l'être 
vivant que dans la nature inanimée. En ressort-il 
que la vie soit la simple « résultante de milliers 
de processus physiques et chimiques, qui se che- 
vauchent, s'opposent et s’enchevètrent », comme 
s'exprime M. Girard ? Nullement. La vie n'en n'est 
point la résultante, mais bien la directrice. Elle 


les fait converger visiblement vers un but, qui est 
la conservation du vivant, individu et espèce. Cette 
finalité qui caractérise la vie n’est du ressort ni de 
la physique ni de la chimie; elle n'est pas de la 
méme nature que l’osmose ou l'électricité. Qu'on 
se redise bien : ce n'est pas expliquer la vie que 
de nier la vie. 


L'art d'être un homme. Traité de « Self-Éduca- 
tion » à l'usage des jeunes gens à partir de 
seise ans, par H. MocouiLzon. Un vol. in-8° écu 
de 468 pages (5 fr). Bloud et Ci, éditeurs, 
1, place Saint-Sulpice, Paris. 


Voici la fin de l’année scolaire toute prochaine, 
mais voici du même coup les préoccupations qui 
hantent les foyers au sujet de l'avenir des jeunes 
gens parvenus au terme de leurs études. Vers 
quelles carrières les diriger, et comment les pré- 
parer et les engager à s'y préparer eux-mêmes? 
L'ouvrage de M. l'abbé Mocquillon répond aux 
parents et aux enfants. Deux parties le constituent : 
l'une consacrée à examiner les divers états ou 
situations qui peuvent solliciter un jeune homme : 
fonctionnarisme, commerce et industries en France, 
aux colonies où à l'étranger, carrières militaire, 
artistique, ecclésiastique. La seconde partie s'at- 
tache à la formation du caractère et des qualités 
qui permettent à celui qui veut ne pas se contenter 
d'être quelque chose de devenir quelqu'un; les 
vertus familiales, l'amour de la patrie, la foi et les 
pratiques religieuses seront les leviers de cette 
ascension morale. 

Malheureusement, l'ouvrage ne porte nulle part 
l'émprimatur exigé par la qualité de son auteur. 
De plus, il contient, sur la vocation ecclésiastique, 
un chapitre rempli d’articulations et d'insinuations 


N° 1432 


inexactes sur le droit canonique actuel et l’admi- 
nistration ecclésiastique, chapitre qui semble avoir 
pour but de détourner du sacerdoce. C'est plus que 
fâcheux. 


La théorie du point. Géométrie rectiligne et cur- 
viligne, par le lieutenant-colonel MonræiL. Édi- 
tion nouvelle considérablement simplifiée. In-4° 
raisin de 442 pages, avec 80 figures et une 
planche hors texte (6 fr). H. Dunod et E. Pinat, 
éditeurs, quai des Grands-Augustins, Paris. 


Cet ouvrage est le résumé des travaux et des 
idées du colonel Monteil, l’exposé d'une méthode 
nouvelle, ce qu’il nomme la géométrie naturelle, 
qui, suivant ses affirmations, non seulement faci- 
lite enseignement de cette science, mais permet 
de résoudre certains problèmes regardés comme 
insolubles jusqu’à présent: la quadrature du cercle, 
la trisection de l'angle. Nous ne nous permettrons 
pas de discuter les arguments du savant officier, et 
il serait impossible, en une courte note bibliogra- 
phique, d'en donner une idée exacte; nous ne pou- 
vons qu'engager les géomèrres que ces questions 
intéressent àse reporter à l’ouvrage que nous signa- 
lons. 


La Crise française. Faits, causes, solutions, par 
ANDRÉ CHÉRADAME. Un fort volume de 700 pages. 
(Prix, 3,50 fr.) Librairie Plon-Nourrit et Cte, 


Le malaise qui règne en France se complique de 
difficultés extérieures incessantes. La plupart des 
Français ont bien le sentiment des dangers de 
lheure actuelle; mais, absorbés par leurs occupa- 
tions journalières, ils ne peuvent en posséder qu'une 
intuition assez confuse, car ils manquent de temps 
pour se livrer à une analyse méthodique et com- 
plète de la situation présente. 

M. A. Chéradame a réalisé cet effort considérable, 
et son livre expose tous les éléments de la crise 
française avec une netteté, une précision et une 
documentation qui ne laissent rien à désirer. Grâce 
à la disposition de la table et aux indications mar- 
ginales, le lecteur se renseigne aisément sur le 
point qui l’intéresse varticulièrement. 

Toutes les questions essentielles sociales, mili- 
taires, politiques intérieure et extérieure, les 
diverses hypothèses de guerre sont envisagées avec 
soin en se plaçant toujours au point de vue le plus 
réaliste, et en faisant un constant appel aux con- 
sidérations de bon sens. 

Cet ouvrage, d’une forme toute nouvelle, à la 
fois livre d'actualité et livre d'histoire, est absolu- 
ment dégagé de tout esprit de parti; il nous ren- 


COSMOS 27 


seigne à la fois sur nos lacunes et sur nos res- 
sources immenses qui forment les réserves des 
forces nationales. 

La publication de ce livre vient tout à fait à son 
heure puisqu’elle coïncide exactement avec le réveil 
évident des sentiments patriotiques en l'rance. 

L. F. 


Historia sismica de los Andes meridionales, 
por el Conde FERNANDO DE MoNTEssUs DE BALLORE, 
director del Servicio sismolojico de Chile. Pri- 
mera parte. Un vol. in-8° de 346 pages. Imprenta 
Cervantes, Santiago du Chili, 1941. 


L'Association sismologique internationale a ex- 
primé le vœu que toutes les observations anciennes 
des tremblements de terre soient recueillies et 
publiées : travail préliminaire indispensable pour 
dresser la carte sismologique détaillée et utile de 
chaque pays. M. de Montessus de Ballore a exécuté 
ce travail pour le Chili et les régions voisines, et 
il présente ici le relevé de 10940 tremblements de 
terre, résultant de 441 462 observations effectuées 
dans la période 1810-1905. Les secousses impor- 
tantes sont soulignées et feront l'objet d’un travail 
plus détaillé. D'ailleurs, le volume présent n'est 
que le premier d’une série de six. 

En fait, durant tout le xix° siècle, les observations 
sismologiques, sur les deux versants des Andes 
méridionales, ont été plus nombreuses et plus ré- ` 
gulières qu'on n’aurait pu croire au premier abord. 


Sites et personnages, par Ebmoxb PiLox, préface 
de ANDRÉ HaALLays. In-18, 3,50 fr. B. Grasset, 
61, rue des Saints-Pères, Paris. 


M. Edmond Pilon, qui est un des ciceroni les 
plus fins du tourisme littéraire, nous promène à 
travers des sites célèbres et y évoque, avec un art 
séduisant, les personnages de l'histoire arlistique 
et littéraire qui y séjournèrent: Poussin, aux 
Andelys; Rousseau, à Ermenonville; Gérard de 
Nerval, dans le Valois; Guérin, à Lunéville, etc. 

M. Pilon a l’admiration trop libérale et trop 
indulgente, et nous voudrions ajouter bien des 
ombres à ses portraits; mais on ne saurait mettre 
au service d'une érudition diverse et sùre une ima- 
gination plus fraiche et plus tendre. 


Contribution à la pratique de l’héliothérapie 
laryngée, par le D" ALEXANDRE, du sanatorium 
d'Hauteville (Ain). 

Le docteur décrit le dispositif qu'il a imaginé 
pour le traitement des tuberculeux par la cure 
solaire. 


28 COSMOS 


& JUILLET 1919 


FORMULAIRE 


La conservation du beurre et de la marga- 
rine. — On sait les nombreuses recherches dont 
ce problème a été l'objet. On a préconisé pendant 
quelque temps l'usage de certains produits chi- 
miques. Des règlements en ont interdit l'emploi 
en France, même dans les plus petites propor- 
tions, et cette décision n’a pas élé sans causer 
quelque émotion et des protestations dans le com- 
merce. 

Or, voici que de nombreuses expériences, pour- 
suivies en Allemagne par MM. K. Fischer et O. Grue- 
nert, tendent à démontrer quen somme le meil- 
leur préservatif que l'on puisse employer pour la 
conservation du beurre et de la margarine est, tout 
simplement, le vulgaire sel de cuisine, le chlorure 
de sodium. 

Des échantillons contenant 3 pour 400 de ce sel 
furent reconnus propres à la consommation après 
un délai de trois mois, tandis que les échantillons 
témoins, traités avec l'acide benzoïque, l'acide sali- 
cylique, l'acide borique, etc., devenaient rances 
très rapidement. Avec le sel, la décomposition de 
la crème et de la caséine était à peu près empêchée, 
tandis que les autres préservatifs ne donnaient pas 
le résultat désiré, mème quand (dans le cas du 
beurre tout au moins) on y ajoutait jusqu'à 
4 pour 100 du produit. Ces constatations sont faites 


pour consoler de l'interdiction qui frappe l'usage 
de ces produits en France. 


Contre les moustiques. — Nous avons dit ici 
mème (n° 4337, 40 sept. 1910, p. 298) que le meil- 
leur remède contre les piqüres de moustiques est 
de les badigeonner avec de la teinture d'iode. Mais 
il serait plus avantageux d'éviter les piqüres. 

Notre confrère Omnia dit qu'un moyen très effi- 
cace est de se couvrir le visage d'une couche de gou- 
dron. Procédé héroïque qu'il conseille de remplacer 
par une deécoction de bois de Quassia amara. On en 
fait bouillir une petite poignée pendant dix minutes 
dans un litre d'eau, on filtre et on met le liquide 
dans une bouteille pour s'en servir, c'est-à-dire 
pour se laver la figure, la nuque cet les mains, sans 
s'essuyer. Le liquide, en séchant, dépose ses prin- 
cipes amers sur la peau, de sorte que les insectes 
et surtout les moustiques, en tàlant le terrain, 
s'enfuient au plus vite sans piquer. 


Destruction de l’herbe dans les allées — Le 
Journal d Agriculture pratique recommande dans 
ce but d'employer le crud ammoniac à la dose de 
3000 à 4000 kilogrammes par hectare. Il faut 
cependant agir avec précaution, s'il y a des arbres 
en bordure des allées, car le crud peut corroder les 
racines ct faire périr les arbres. 





PETITE CORRESPONDANCE 


F. G. E., à B. — Vous trouverez traité ce problème 
(partage des acides et des bases dans les mélanges de 
sels) dans la deuxième partie de l'Etude générale des 
sels, par ALFRED DiTTE, leçons professćes à la Faculté 
des sciences de Paris (2 volumes: prix, 10 francs et 
42,50 fr), 1906, Dunod et Pinat, éditeurs, 49, quai des 


Grands-Augustins. — Le Dictionnaire de chimie de 
Wcurz a été édité par la librairie Hachette, 79, boule- 
vard Saint-Germain. — Revues de chimie: Moniteur 


scientifigue du D° Quesneville, 25 francs par an, 
42, rue de Buci, Paris (haute chimie industrielle), et 
Revue générale de Chimie pure et appliquée (30 fr), 
librairie Gauthier-Villars, 55, quai des Grands-Augus- 
tins, Paris. 

M. H. C., à V. — Vous trouverez ces objets en 
castine à la Compagnie internationale de la Galalith 
(Hoff et C°), 31, rue Cavé, à Levallois-Perret (Seine). 

M. E. L., 5}, P. — Métallisation du plåtre: Plastic- 
métal, métallisation par l'électricité, 28, rue de Riche- 
lieu. — Caussinus, 35 quater, rue des Saints-Pères. 

M. l'abbé V., à A. — Nous vous remercions de votre 
communication; la Maison de la Bonne Presse possède 
un appareil semblable, le Duplicateur, qui donne toute 
satisfaction ; d'ailleurs, ces appareils ne peuvent servir 
pour les travaux auxquels vous faites allusion. 

M. V. F., à la R. — Les livres à l'Index sont men- 
tionnés dans l'Zndex librorum prohibitorum (5 fr) que 


vous pourrez vous procurer à la librairie Lethielleux, 
10, rue Cassette, à Paris. 

M. P. H., à Q. — Volions générales sur la télégra- 
phie sans fil et la téléphonie sans fil, par R. pe VAL- 
BREUZE (12 fr), librairie de la Lumière électrique, 
4142, rue de Rennes. Cet ouvrage vous donnera les 
notions théoriques. Les renseignements pratiques se 
trouvent dans le Précis de télégraphie sans fil, par 
J. Zexxecx (12fr), librairie Gauthier-Villars, 55, quai des 
Grands-Augustins, Paris. — À cette mème librairie, 
vous trouverez un récent ouvrage de M°° Curie, sur le 
traitement des substances radio-aclives. — Nous ne 
pouvons vous renseigner pour la question pechblende; 
mais adressez-vous à la maison Poulenc, 122, boule- 
vard Saint-Germain, qui doit en posséder. 

M, H. M., à M. — L'{t{/as général Vipaz-LABLACHE 
(30 fr}, librairie Colin, 5, rue de Mézières, qui a beau- 
coup de bonnes cartes, mais peu de texte. — Ou 
mieux, le Cours complet de géographie de ScuraneR et. 
GaLLocévec (6 fr), librairie Hachette, 79, boulevard 
Saint-Germain. 

D' M., à C. — Il a paru des notes à ce sujet de 
divers côtés, mais nous ne croyons pas qu'il y ait 
encore de compte rendu officiel sur les nouvelles 


fouilles de Pompéi. 
PE 


Imprimerie P. F«roN-Vrau, 8 ot 6, roe Bayard. Paris, VII? 
Le gérant: KE. PETITEENRT, 


No 41433 — 11 JUILLET 1912 


COSMOS | 29 


SOMMAIRE 


Tour du monde. — Une nouvelle unité. La trombe du 30 juin 1912, à Regina (Canada). La radio-activité et les 
tumeurs. Influence des radiations ultra-violettes sur les animaux. La lutte contre les sauterelles dans 
l'Amérique du Sud. La transparence des métaux aux hautes températures. Le rendement des lampes 
à incandescence. Le secret des dépèches en télégraphie sans fil. Réceplion des radiotélégrammes par les 
abonnés du téléphone. La téléphonie automatique. Emploi des piles par l'administration allemande des 
télégraphes. La torpille-canon, système Davis. La sécurité à bord des paquebots. Encore un progrès! 


Huile de foie de requin, p. 29. 


Le filtre-presse continu Berrigan, Dani BELLET, p. 34. — Les quatre planètes transneptuniennes, 
O, P,Q,R, F. vs Roy, p. 36. — Les grands réssaux de distribution d'électricité. Leur dévelop- 
pement aux États-Unis, leurs avantages, H. Mancuaxn, p. 37. — Les pensées et leur culture, 
À. AcLoQuE, p. 39. — Le forçage des plantes; les rosiers, J. Boyer, p. 42. — Le repeuplement des 
chasses par le système de l’adoption, A. BLANcHoN, p. #4. — Un nouveau système de télégraphie 
automatique, L. Fournier, p. #6. — Le cinématographe pour tous, H. C., p. #8. — L’océanographie 
dans l’antiquité, J. Taourer, p. 49. — Sociétés savantes : Académie des sciences, p. 52.— Bibliogra- 


phie, p. 54. 








TOUR DU MONDE 


ASTRONOMIE 


Une nouvelle unité. — Cette unité, mesure de 
distance en astronomie, est peu connue, et nous 
n’hésitons pas à avouer que nous l'ignorions. C’est 
le siriomètre, qui est, par définition, égal à un mil- 
lion de fois la distance de la Terre au Soleil. Nous 
ne savons ce qui a pu faire choisir ce terme. Il 
semble qu’on a voulu prendre comme unité la 
distance de Sirius au Soleil. Mais, d'après nos 
connaissances actuelles, Sirius est à 92 trillions de 
kilomètres de notre système et la Terre à 150 mil- 
lions de kilomètres du Soleil; la distance de Sirius 
au Soleil serait donc seulement de 643 300 fois la 
distance de la Terre au Soleil, Il est vrai qu’en ces 
mesures on peut arrondir les chiffres sans ihcon- 
vénient, et le siriomètre étant fait égal à un mil- 
lion de fois la distance de la Terre au Soleil, les 
calculs en seront facilités. 

Cette nouvelle mesure est due aux travaux du 
professeur Charlier sur le nombre et la distance 
des étoiles, travaux fort difficiles, car les éléments 
font bien défaut encore. D’après lui, la distance 
‘mite de notre système stellaire dans la direction 
uu plan de la Voie lactée doit être estimée entre 
600 et 1 400 siriomètres, ce qui ne laisse pas que 
de présenter une certaine marge. 


MÉTÉOROLOGIE 


La trombe du 30 juin à Regina (Canada). 
— Une trombe des plus violentes a passé le 
dimanche 30 juin, à 5 heures de l'après-midi, sur la 
ville de Regina, capitale de la province de Saskat- 
chewan (Canada), y causant les plus grands dégâts 
et faisant périr trente personnes. C’est l'orage le 
plus formidable que l'on ait vu, de mémoire 
d'homme, dans l’ouest du Canada. Le passage de 
la trombe sur la ville, ne dura que trois minutes, 


T. LXVII. N° 1433. 


et elle y ouvrit une tranchée de 100 mètres de 
large. Arrivant du Sud, elle détruisit nombre de 
monuments, entra dans la cité, où plus de 100 mai- 
sons furent ruinées; elle atteignit le Canadian 
Pacific Railway, où elle renversa une demi-dou- 
zaine de ces grands élévateurs de grains, si employés 
dans celte région, et continuant sa route vers le 
Nord, détruisit encore de nombreux édifices. C'est 
un désastre épouvantable, car tous les habitants 
furent surpris avant d'avoir pris la moindre pré- 
caution. On croyait à un orage violent, mais rien 
n’annoncait un pareil cataclysine. 


SCIENCES MÉDICALES 


La radio-activité et les tumeurs. — M. W. S. 
Lazarus-Barlow (Proceedings of the Royal Su- 
ciety, B. 578) pense que certaines tumeurs, ma- 
lignes ou non, contiennent nalurellement une 
petite quantité de substance radio-active. Ces tissus, 
traités par l’acétone ou l'éther, puis par leau, et 
ensuite introduits dans un électroscope chargé. 
accélèrent la perte naturelle d'électricité de la 
feuille d'or. 

L'auteur s'est assuré que les réactifs employés 
ne contenaient aucune substance radio-active et 
que les tumeurs n'avaient pas été traitées par le 
radium pendant la vie des malades. 

Comme on avait émis l'objection que peut-ètre 
l'effet mesuré, qui est ordinairement assez faible, 
provenait simplement de variations dans la capa- 
cité électrostatique de l'électromètre. l'auteur 
a repris ses expériences en opérant sur des tissus 
desséchés et pulvérisés, ainsi que sur les gaz 
extraits par ébullition des substances aprés qu'elles 
ont digéré quatre semaines dans l'aide chlor- 
hydrique. Il a retrouvé constamment les mèmes 
résultats. 


30 COSMOS 


PHYSIOLOGIE 


Influence des radiations ultra-violettes sur 
les animaux. — M. L. Raybaud a soumis à l'ac- 
tion des radiations ultra-violettes des escargots, 
des tètards de grenouille, des mouches, des saute- 
relles, des scarabées, des araignées et des souris; 
ces divers animaux étaient placés au-dessous d'un 
arc à vapeur de mercure à enveloppe de quartz et 
à 1,50 m de celui-ci. 

Dans ces conditions, une courte irradiation des 
escargots, le corps de ceux-ci hors de la coquille, 
provoquait leur mort en moins de vingt-quatre 
heures. Les tètards de grenouille tombaient dans 
une sorte :le torpeur après trois heures d'exposition 
et mouraient deux heures après (C. R. Soc. de 
Biologie, 26 avril 1910). 

Les mouches, malgré leur enveloppe chitineuse, 
étaient tuées tout aussi rapidement que les tétards, 
mais elles manifestaient de l'inquiétude dès qu’elles 
subissaient l’action des radiations ultra-violettes. 
Les jeunes sauterelles grises périssaient au bout de 
deux ou trois jours d'irradiation, tandis que les 
adultes supportaient celles-ci pendant une semaine 
sans paraitre incommodées. 

Les scarabées.sacrés, diverses araignées, parmi 
esquelles l'£peira diadema, se mouvaient dans 
les cages grillagées, sous le rayonnement de l'arc 
au mercure, avec la même activité que des témoins 
el cela pendant une quinzaine jours. Enfin, huit 
jours d'irradiation déterminaient une forte inflam- 
mation des paupières des souris blanches, mais ne 
paraissaient pas altérer leur état général. 

Alb. B. (Revue scientifique.) 


BIOLOGIE — SCIENCES AGRICOLES 


La lutte contre les sauterelles dans PAmé- 
rique du Sud. — Les sauterelles sont un terrible 
fléau pour les pays du Sud-Amérique lels que 
l'Argentine, le Paraguay, la Bolivie, le Brésil et 
Uruguay. Les espèces les plus communes sont 
Schistocerea paranensis Burn et Schistocerca 
australis Seud. L'abondance des insectes est telle 
parfois que les Jocomotives patinent sur les rails 
lubriiiés par leurs cadavres et les trains restent en 
détresse. 

Dans une note sur agriculture en Uruguay (Bull. 
de la Soc. nat. d'agriculture, mai), M. Paul Serre 
indique quelles armes on a essayé d'opposer aux 
acridiens envahisseurs et destructeurs. 

Les agriculteurs déroulent en pleine campagne 
des griliages mélalliques qui offrent un obstacle 
momentaneé à l’armée des locustes sauteurs; on va 
aussi porter l'attaque dans leur patrie d'origine, 
en lançant par l'air comprimé des jets d'huile de 
uaphte enflammiée sur les jeunes insectes, qui sont 
incinérés dans les lieux mèmes d'éclosion. 

Le service argentin de défense agricole se fait 


11 JuiLLET 19492 


le propagateur d'un procédé scientifique nouveau 
qui a donné des résultats dans le Yucatan (Mexique) 
et dans l'Argentine : on infecte quelques saule- 
relles au moyen d'une culture d'un coccobacille 
fourni par l'Institut Pasteur; les insectes malades 
contaminent leurs congénères par contagion natu- 
relle, et les sauterelles atteintes par l'épizootie 
meurent au bout d’un ou deux jours. (Cf. Cosmos, 
t. LXIV, p. 613, ett. LXVI, p. 304.) 

En Argentine, on va dans cinq stations ento- 
mologiques convenablement situées élever une 
mouche du genre Sarcophaga dont la larve est 
un terrible parasite de la sauterelle; la mouche 
est inoffensive pour les animaux domestiques et 
les plantes. Des pupes de ces mouches ont été déjà 
envoyées au Laboratoire agronomique de Mon- 
tevideo. 


PHYSIQUE 


La transparence des métaux aux hautes tem- 
pératures. — A froid, les feuilles d'or de 0,0001 mm 
d'épaisseur laissent déjà passer la lumière verte, 
complémentaire de celle qu'elles réfléchissent. 

]l y a cinquante ans, Faraday avait montré que 
les feuilles d'or ou d'argent chauffées deviennent 
transparentes; la question a été reprise par 
M. Beilby, puis par le professeur Turner (Cf. Cosmos, 
t. LX, p. 28). 

A la température de 550°, une feuille d'or de 
4 : 12000 mm d'épaisseur laisse passer la lumière 
blanche. 

Une lame de verre recouverte d'une couche d'ar- 
gent extrèmement mince devient presque complè- 
tement transparente quand on la chauffe: la trans- 
parence commence à se faire sentir à 240°, elle est 
nettement appréciable à 355°, presque complète à 
370° et tolale à 390°. Le professeur Turner a mon- 
tré que ce phénomène ne se produit qu'en présence 
d'oxygène; il n’a lieu ni dans le vide, ni dans l'hy- 
drogéne, nidans toute autre atmosphère réductrice ; 
comme il n'y a pas accroissement de poids, on a 
supposé qu'il se produisait une combinaison tem- 
poraire d'oxygène et d'argent qui était détruite 
ensuite. Si, la couche métallique étant devenue 
transparente par chauffage, on écrit dessus avec un 
stylet d'ugate, les caractères sont dessinés en 
argent brillant. 

Des feuilles minces de cuivre chauffées en pré- 
sence d'oxygène deviennent transparentes en émet- 
tant une couleur vert émeraude qui devient de 
plus en plus foncée au fur et à mesure de l'absorp- 
tion d'oxygène. 

L'aluminium ne devient transparent ni dans l'air 
ni dans l'hydrogène. 

Le rendement des lampes à incandescence. 
— Le filament incandescent rayonne de l'énergie, 
dont une parlie seulement est capable d'impres- 
sionner l'œil. M. W. E. Forsythe (Physical Review, 


N° 1433 


mai) a évalué le rendement lumineux, c'est-à-dire 
le rapport de l'énergie lumineuse utile L à 
l'énergie totale rayonnée R; il a aussi déterminé 
la température des filaments (lampes au tungstène, 
au tantale et au carbone). Nous donnons ci-après 
quelques-uns des chiffres obtenus. 

Les ingénieurs électriciens préfèrent évaluer le 
rendement lumineux des lampes, non d'après 
l'énergie rayonnée par le filament, mais d'après 
l'énergie électrique qui lui a été fournie, et ils 
expriment ce rendement en « bougies par watt ». 
Les deux évaluations peuvent différer légèrement, 
puisque l’une des méthodes tient compte de 
l'énergie qui se dissipe dans les attaches du fila- 
ment, tandis que l’autre en fait abstraction. - 


RENDEMENT LUNINEUX 








LAMPE TEMPERATURE | mumm o uam 

L: R Bougies par watt. 
Tungstène 2032C 0,052 0,890 
Tantale 1945°C 0,043 0,655 
Carbone 1845°C 0,025 0,368 


TÉLÉGRAPHIE, TÉLÉPHONIE 


Pour lo secret des dépêches en télégraphie. 


sans fil. — Aucune méthode de corréspondance 
secrète n’est indéchiffrable : les experts-déchiffreurs 
de profession, les cryptophotes, comme on les 
appelle dans les ministères, ont bien la prétention 
de percer le secret des dépèches dont ils ne pos- 
sédent pas la clé. Si la clé choisie par les deux 
correspondants n'est pas trop ingénieuse, et qu'il 
ne s'agisse que d'une simple substitution de signes, 
quand mème les mots ne seraient pas séparés, on 
arrive à déchiffrer le cryplogramme, en s'aidant 
de certaines remarques, et spécialement de celle 
qui concerne l’ordre de fréquence des lettres : dans 
la langue française, cet ordre est le suivant : 


easintrulodcpmvaqfgbhjxyzk vw. 


Mais, quoiqu'il ne soit jamais absolu, le secret 
des dépèches peut être assez bien assuré par cer- 
taines méthodes. Łe professeur docteur L. Zehnder 
(Prometheus, 4 177) rappelle qu'il a indiqué, il y 
a trente ans, une méthode qui est usitée en diplo- 
matie et qui peut recevoir des applications pour les 
radiotélégrammes dont on veut assurer le secret. 

On écrit sur une bande de carton l'alphabet 
ordinaire ; puis, sur un autre papier, on répète 
plusieurs fois l'alphabet entier, mais en changeant 
à chaque ligne l’ordre des caractères, cel ordre 
étant d'ailleurs quelconque : | 

abcdefqghijklm..... 
xqzwvkj]jypflog..... 
mdbcharienstu..... 
bdmgolfputsne. 


COSMOS 31 


Pour traduire un texte clair en dépèche chiffrée, 
on fait correspondre, lettre à lettre, à l'alphabet 
normal l'un des aulres alphabets. Si tout au long de 
la dépèche on n’a employé que l’un des alphabets 
conventionnels, ce sera un jeu de percer le secret; 
celui-ci sera mieux assuré si, à chaque ligne, on 
a passé à un nouvel alphabet; mieux encore, si le 
changement d'alphabet a élé fait à chaque mot: 
dans ce cas, un déchiffreur trouvera en effet que, 
dans la dépèche, les divers caractères de l'alphabet 
se représentent à peu près avec la même fré- 
quence. 

Les machines à écrire où les caractères sont 
portés par un cylindre tournant se prêtent com- 
modément à la préparation des dépéches chiffrées. 
Sans rien changer au clavier, on peut s'arranger 
pour que, à chaque ligne, l'alphabet conventionnel 
se trouve transposé d’une lettre, par exemple : 


mdbcharien..... 
db chariens..... 
bcharïienst..... 


Le changement d'alphabel peut tout aussi bien 
se faire automatiquement à chaque mot, quand 
l'opérateur appuie sur la touche des espaces. 


Réception des radiotélégrammes par les 
abonnés du téléphone. — M. E. Leimer, de 
Nancy, a fait connaitre à la Société francaise de 
physique que, se trouvant en communication télé- 
phonique avec un autre abonné, il a nettement 
entendu les signaux télégraphiques que le poste le 
la tour Filfel transmet le matin à partir de 10 "40" 
(signaux horaires el télégramime metéorologique). 
Nul besoin d'antenne spéciale ni de détecteur; la 
ligne et l'écouteur téléphoniques ont parfaitement 
recueilli les signaux. M. Leimer percevait en méme 
temps le son aigu du poste musical de Norddeich. 

La ligne téléphonique qui servait à cetle obser- 
valion inattendue est, dans sa partie aérienne, 
longue de 4500 mètres et se prolonge jusqu'a 
Central par un càäble souterrain de 4 000 mètres. 
D'autre part, le poste de M. Leimer est relié au 
mème Central par une ligne aérienne de 210 mètres 
quise continue parun càble souterrain de 500 mètres. 


La téléphonie automatique ( Electricien 
22 juin). — Il existe actuellement, aux Etats-Unis, 
1431 bureaux téléphoniques centraux automatiques, 
dont 30 seulement desservent moins de 100 abon-, 
nés. Le plus grand réseau automatique est celui de 
Chicago, qui compte aujourd'hui 30 000 abonnés et 
qui recrute chaque jour de 75 à 100 nouveaux abon- 
nés: on pent prévoir que ce réseau, prévu pour 
200000 abonnés, atteindra, dans un avenir peu élni- 
gné, l'effectif qu'il est appelé à desservir, A noter 
que les nombreux Chinois habitant Chicago se font 
rattacher de préférence au réseau automaliqie, 
étant donné qu'ils éprouvent, sur les réseaux à ser 


32 COSMOS 


vice manuel, de la difficullé à énoncer les numéros 
des correspondants par eux demandés. On leur 
donne des disques spéciaux, portant les chiffres 
ordinaires et les chiffres chinois, pour former les 
numéros de leurs correspondants, ainsi qu'un 
annuaire particulier, imprimé spécialement pour 
eux. Les plus grands réseaux automatiques des 
Etats-Unis, après celui de Chicago, sont ceux de Los 
Angeles (24000 abonnés), San Francisco (16 000), 
Columbus (14000), Portland (12 000), Grand Rapids 
(11 000) et Oakland (8 000). 

Dans l'Europe continentale, on ne rencontre 
encore qu’un nombre relativement minime de 
bureaux centraux automatiques. Ces bureaux sont, 
en Allemagne, ceux de Munich-Schwabing, Hil- 
desheim. Altenburg, Dallgow, Kaeren, Dornap, Neu- 
dietendorf et Dürrheim; on installe actuellement 
le service automatique aux bureaux centraux de 
Posen et Jde Dresde pour 40000 et 100000 abonnés 
respectivement; toutefois, ces derniers bureaux 
n'auront d'abord qu'un service semi-automatique 
aménagé pour 4000 et 17000 abonnés respecti- 
veiment. 

En Autriche, on trouve des bureaux automa- 
tiques à Graz el à Cracovie; à Vienne, on se pro- 
pose d'aménager un bureau semi-automatique. 

La Hollande possède un bureau semi-automa- 
tique, celui d'Amsterdam. 

L'Angleterre installe actuellement deux réseaux 
automatiques à Epsom et à Caterham, à titre 
d'essai, 


Emploi des piles par l’adm'nistration alle- 
mande des télégraphes (/ndustrie électrique, 
29 juin). — L'administration allemande des télé- 
graphes ulilise dé moins en moins les éléments 
primaires; eile les remplace par des accumulateurs. 
Les piles ne sont plus employees que dans les 
petites stations et pour les circuits des microphones 
des postes téléphoniques des abonnes. 

Connie elémenis à liquide. on n'utilise plus que 
cclui de Mecidinger au sulfate de cuivre; il y en 
avait 122400 à la fin de 1910. Les éléments 
Leclanché à liquide ont été remplacés par des éi- 
ments secs (c'est-à-dire à liquide immobilisé). Qa 
a essavé d'autres éléments à liquide, mais ils n’ont 
pas donné de résultats satisfaisante, 

Les piles sèches ont donné de bons résultats, 
.particulitrement dans les circuits de microphones. 
À la fin ‘de 1910, il y avait 4 453 600 éléments secs 
en service, dont 1 206900 chez les abonnés et 
08 200 dans ‘les circuits télégraphiques avec télé- 
phonie simuitanie. Comine les éléments secs durent 
en movenne 2, à 3,0 ans et ne coùtent pas plus 
de 1,88 fr,ils sont très économiques. L'adininistra- 
tion a essayé en tout 186 types d'éléments secs, 
mais elle n'en a retenu qu'un très petit nombre 
qui lui aient donné satisfaction. 


11 JuiLcer 1919 


MARINE 


La torpille-canon, système Davis. — Jusqu'à 
ces derniers temps, la puissance destructrice de la 
torpille automobile a toujours été réalisée par 
l'explosion d’une charge de fulmicoton située dans 
l'avant de l’engin. Bien que le poidsde cette charge 
ait subi de fortes augmentations depuis une dizaine 
d'années, les torpilles ainsi comprises se sont 
montrées relativement peu efficaces gontre les 
navires munis d'un blindage dans les fonds, comme 
l'a prouvé lexemple du Cesarevitch pendant la 
guerre russo-japonaise. 

C'est pourquoi le capitaine de frégate Davis, de 
la marine des États-Unis, a étudié dans ces der- 
nières années une torpille automobile dont la puis- 
sance destructrice est assurée par un procédé dif- 
férent. 

La torpille automobile ordinaire, système Whi- 
tehead, est essentiellement un sous-marin en 
miniature dont la partie avant, remplie de fulmi- 
coton, explose au contact extérieur de la coque du 
navire attaqué. 

La torpille Davis est un sous-marin en minia- 
ture armé à l'avant d'un canon qui, au contact du 
navire ennemi, fait feu et décharge à bout portant 
un obus. Celui-ci, animé d'une grande vitesse ini- 
tiale, perfore la coque et va exploser au milieu du 
navire. (Génie civil, 8 juin.) 

Les premiers essais ont été faits avec une tor- 
pille Whitehead transformée en torpille-canon; on 
en a porté la longueur de 3,55 m à 5 mètres pour lui 
donner la flottabilité nécessaire. Le canon est en 
acier au vanadium, et les parois ont une épaisseur 
de 42,7 mm; une charge de 4 kilogrammes de 
poudre sans fumée, enflammée au moment conve- 
nable par le recul d’une tige, lance le projectile 
avec une vitesse initiale de 265 mètres par seconde. 
Le projectile pèse 97 kilogrammes et contient une 
charge de 16 kilogrammes d’explosif brisant. 

Aux essais, la Lorpille-canon a coulé un caisson 
blindé à 7) millimètres d'acier spécial. Jusqu'ici, 
sur les navires, l'épaisseur des cloisons blindées 
situtes sous la flotlaison n'a jamais dépassé 44 mil- 
limètres. | 

La sécurité à bord des paquebots. — Le 
frénie civil analyse des articles parus dans l'Engi- 
neering Magazine et inspirés par la catastrophe 
du Titanic. 

Après avoir exposé dans un premier article que la 
double coque de ces grands navires devrait exister 
jusqu’à la flottaison, comme sur les navires de 
guerre, sur le (reat Eastern et sur quelques 
paquebots (Voir Cosmos n° 1425, p. 535), et ne pas 
occuper seulement le fond de la carène, comme 
sur le Zitanic, l'auteur, M. Hobson, ajoute : 

« Il n'y a aucune raison pour cesser d’accroitre 
les dimensions et la vitesse des paquebots, mais 


No 1433 


les différents gouvernements intéressés devraient 
s'entendre pour organiser une police de l'océan, 
afin que les paquebots suivent, par exemple, cer- 
lains itinéraires, réduisent leur vitesse et fassent 
certains signaux en cas de pluie, de neige, de 
brouillard, emploient tous la télégraphie sans fil 
en cas de danger, interdisent l'usage des boissons 
alcooliques aux officiers et hommes d'équipage, et 
enfin les obligent à faire des exercices réguliers 
de sauvetage, de fermeture de portes étanches, de 
mise à l’eau de canots de sauvetage, etc. » 

Dans un deuxième article, M. A. Soper insiste 
plus particulièrement sur la nécessité d'une orga- 
nisation internationale de la navigation maritime. 
Seule une conférence maritime internationale, 
analogue à celle qui s’est réunie, en 1889, aux 
Etats-Unis sans aboutir à des résultats bien tan- 
gibles, pourrait résoudre, dit-il, les difficultés très 
grandes que soulève la création d’une police inter- 
pationale des mers. 

Nous ne saurions dire combien nous sommes 
heureux de voir enfin triompher les idées du vail- 
lant commandant Riondel, soutenues avec tant 
d'énergie, et dont le Cosmos a été l’organe pendant 
nombre d'années. Nous ne pouvons que rappeler 
cette héroïque campagne, trop longue [pour être 
analysée ici, mais dont nos très anciens lecteurs 
ont certainement gardé le souvenir. Elle a, en son 
temps, soulevé des tempêtes; elle s'est heurtée 
aux résistances, bien plus, aux colères administra- 
tives, commerciales, aux arguments techniques. 
Devant de si nombreux ennemis, nous dümes 
battre en retraite, mais non sans honneur. Aujour- 
d'hui, la campagne est reprise de tous cotés, et 
c’est une bien légitime satisfaction pour les ouvriers 
de la première heure. Z zaa. ES 
W Rappelons que le programme du commandant 
Riondel avait pour points principaux : Routes 
maritimes à imposer, réglementation de la vitesse 
dans certains cas, enfin organisation internationale 
de la justice maritime et d’une police interna- 
tionale des mers. N'est-ce pas dans les lignes prin- 
cipales les desiderata de tous aujourd'hui, comme 
l'indique la note citée plus haut?) s4 


Encore un progrès! — Nous lisons dans le 
Bulletin de l'Association amicale des anciens 
nf ficiers de vaisseau l’intéressant entrefiletsuivant: 

On va maintenant compter les heures de O à 24. 

Dans le même ordre d'idées, la rose des vents ne 
tardera pas à être modifiée. A limitation de nos 
voisins de l'entente cordiale, nous compterons 
bientot les relèvements de 0° à 360° dans le sens des 
aiguilles d'une montre. 

L'application 'de cette mesure en Angleterre a 
commencé le 1°" janvier de cette année, et on espère 
arriver à son usage général, non seulement dans la 
marine anglaise, mais dans toutes les marines du 
globe. 


COSMOS 33 


Certes, la nouvelle rose des vents offrira une 
précision plus grande que l'ancienne division par 
quadrants et par quarts, d'autant que le quart, 
huitième de quadrant, élait bien mal nommé: avec 
les vitesses actuelles des navires, plus d’exactitude 
semble nécessaire. Mais on était fait aux anciennes 
formules : elles parlaient à l'esprit, et la situation 
se peignait dans l'esprit du navigateur: en sera- 
t-il de même avec des formules en degrés? Il fau- 
dra pour les interpréter un travail de l'esprit plus 
ou moins compliqué, mais toujours trop long quand 
il faut manœuvrer instantanément, par une sorte 
d'opération réflexe. 

Le Bulletin que nous avons cité ajoute : 

« Quand l'adoption sera définitive, quand nous 
en serons là, nous lirons avec ahurissement sur les 
journaux de bord des phrases dans le genre de 
celle-ci : 

» À 2147", aperçu à 315° de la route le feu 
d'un vapeur, venu de 335° pour sen rappro- 
cher. » 

Traduction: à 9"147" du soir, aperçu à # quarts 
par bâbord ie feu d'un navire, venu de 2 quarts 
sur båbord pour s'en rapprocher. 

Par le fait, nous croyons que nos bons capitaines 
au cabotage, excellents marins, n’y comprendront 
rien ; quant aux officiers brevetés, nous supposons 
qu'avec un crayon ils arriveront à une traduction 
exacte, mais elle leur demandera du temps à des 
moments où il faut agir subitement, sans le moindre 
retard, par instinct. 

O progrès! dit le Bulletin des anciens offers 
de vaisseu. | 


VARIA 


Huile de foie de requin. — Un sait combien 
l'huile de foie de morue est appréciée pour remonter 
les constitutions affaiblies. Voici qu'on lui a trouvé 
un succédané, l'huile de foie de requin, qui, se 
vend sous le nom d'huile de foie de morue, sa véri- 
table origine n’élant pas pour séduire les consom- 
mateurs, en raison de la mauvaise réputation que 
se sont faite les squales. 

C'est la Malaisie qui envoie ce produit à l'Europe. 
Au mois d'octobre, les requins se réunissent dans 
les atolls, franchissent les récifs et s'établissent 
dans les lagunes pour s'apparier. Emprisornés 
dans ces eaux calmes, ils sont de capture facile et 
les pècheurs en font un grand massacre. (es ani- 
maux sont de différentes espèces et mesurent de 
2,5 m à 4,5 m; le tour du corps est exactement 
égal à sa longueur. Le foie d'un requin de la grosse 
espèce donne environ 22 à 23 litres d'huile qui 
vaut 325 francs la tonne. Extiraite sur place, cette 
huile est envoyée en Europe, où elle est ratlinée et 
où elle change d'état civil: c'est désormais de 
l'huile de foie de morue. 

Les requins, malgré leur mauvaise réputation, 


34 COSMOS 


donnent un bel exemple de leur esprit de famille; 
dans les lagunes on les rencontre par paires, mâle 
et femelle ensemble; les pêcheurs tAchent toujours 
de harponner le mâle d’abord parce qu'après sa 
prise ils sont sûrs de capturer la femelle, celle-ci 
n'abandonnant jamais son compagnon; toujours 





A1 suizzer 1919 


l'admirable dévouement féminin! Il y a cependant 
une ombre à ce tableau : à la naissance des enfants, 
la mère, comme le père, font tout ce ‘qu'ils peuvent 
pour les dévorer, sans doute pour leur épargner 
les soucis de l'existence vagabonde et affamée, lot 
de tous les squales. 


a _- — 


Le filtre-presse continu Berrigan. 


Nous n’avons guère besoin de rappeler que les 
filtres, en particulier les filtres-presses, sont 
employés dans un très grand nombre d'industries. 
lls rendent des services aussi bien dans la fabrica- 
tion des vins et des boissons diverses, dans celle 
des sirops, des huiles, que dans l’industrie minière, 
particulièrement pour recueillir les précipités d'or 
et d'argent là où l'on recourt au traitement par 
thloruration ou par cyanuration. On en tire égale- 
ment parti, dans certains cas au moins, pour 
recueillir les graisses et les matières fertilisantes 
dans les effluents résultant du traitement des 





DIAGRAMME MONTRANT LE MODE D'ACTION 
DES AUGETS DE LA PRESSE. 


eaux d’égouts. Le principe du filtre-presse, c’est de 
aire arriver le liquide à filtrer, c’est-à-dire dont on 
veut isoler la partie liquide, en gardant comme 
résidu les substances solides en suspension, sur un 
issu épais, résistant, suffisamment serré pour 
arrèler ces malières solides; une pression plus ou 
moins énergique élant exercée pour exprimer tout 
le liquide que l’on veut isoler. 

D'une façon générale, le filtrage par pression est 
une opération intermittente. On dispose des couches 
successives de la malière à presser; ces couches 
sont enfermées dans une éloffe de filtrage, et toute 
la masse est alors soumise à la pression, grâce, 
soit à un dispositif à vis, soit à une presse hydrau- 
lique, ce qui vaut mieux. Le liquide à exprimer 
doit donc, pour s'échapper, traverser la tranche, 
pour ainsi dire, des couches successives de 
matières à filtrer. Dans le fillre-presse continu 
Berrigan, ce sont de minces couches de matière 


qui sont pressées séparément. Comme conséquence, 
il suffit d'une pression assez faible pour arriver au 
résultat désiré. L'inventeur estime que l'avantage 
de son dispositif est d'utiliser un poids beaucoup 
plus faible d’étoffe à filtrer, puisque cette étoffe 
est supportée partout par des plaques de métal 
perforé. 

La photographie d'ensemble que nous donnons 
permet de se rendre compte de l'apparence géné- 
rale, et même des dispositions essentielles du filtre- 
presse Berrigan. Le filtrage et la pression se font 
dans des augets de section demi- circulaire, formant 
par suile comme un demi-cylindre creux; ces 
augets sont montés sur une chaine sans fin qui 
passe alternativement sur ou sous cinq paires de 
roues, montées dans un châssis horizontal. Les 
maillons de la chaine viennent porter à la péri- 
phérie de ces roues par l'intermédiaire d’une sorte 
de pivot métallique; parmi ces roues, celle qui est 
motrice comporte de véritables dents rappelant 
les dents de chaines des bicyclettes ou des automo- 
biles; c'est entre ces dents que se logent les pivots 
dont nous venons de parler. Les augets, quand 
ils passent au sommet d’une roue (nous disons 
sommet par rapport à la verticale), se trouvent 
beaucoup plus loin les uns des autres que si la 
chaine se déplaçait suivant une ligne droite, parce 
qu'ils se disposent radialement sur la roue. Au con- 
traire, quand ils passent au-dessous d’une roue, 
ils se rapprochent autant qu'il est possible les uns 
des autres. 

Chaque chainon de la chaine porte, non pas 
seulement un auget, mais aussi un bloc de pres- 
sion: ce bloc peut venir s'adapter exactement 
dans l’auget adjacent au moment où la chaine, 
l’auget et le bloc passent au point le plus bas de 
la roue; par conséquent, le bloc viendra presser 
sur la matière contenue dans cet auget. 

La substance dont il faut faire le filtrage par 
pression est jetée dans les augets au moment où 
ils passent au sommet de ia première roue, grâce 
à une trémie et à un tambour. Ce tambour com- 
porte, dans son fond, une ouverture longitudinale 
à travers laquelle la matière peut couler ; la charge 
est mesurée automatiquement, grâce à la révolu- 
tion de l'arbre disposé longitudinalement à l'inté- 
rieur du tambour. Au moment où cette charge se 





j TS he nt on 
F43RAR ` 
FF « A‘ - 

` of The 


| PERS 
G OF 


N ho 


l'existence des cinq roues, la pression se renoivé@MlE OR 


N° 1433 COSMOS 


fait, les blocs de pression sont suffisamment 


éloignés des augets pour que la matière à filtrer 
ait accès facile dans ceux-ci. Comme de juste, 
l'intérieur des augetsest garni d’un tissu de filtrage 
qui court d’un auget à l’autre, ainsi qu'on le voit 
très bien dans la photographie. Les augets sont 
faits de tôle d'acier perforée; si bien que le liquide 
s’écoulera à travers le tissu au moment où le bloc 
de pression viendra jouer son rôle; ce liquide, 
quand la chaine passe en-dessous de la roue sui- 
vante, pourra s'échapper à travers les perforations 
dans un récipient à bords très peu hauts. Grâce à 


lorsque la chaine, avec ses augets, a passé sous la 
seconde roue, puis monte sur la troisième pour 
passer enfin sous la quatrième. Il faut remarquer 
que, au moment du passage sur la troisième roue, 
le Mouvement relatif des augets les uns par rapport 
aux autres cause un déplacement de l'étoffe de 
filtrage. Cela assure le retournement ou tout au 
moins l’émiettement des gâteaux de matière solide, 
et les met dans les meilleures conditions pour 
qu'ils subissent la seconde pression. Comme la 
chaine à augets estcontinue, quandelle a passé par- 





gr 


VUE D'ENSEMBLE D'UN FILTRE-PRESSE BERRIGAN. 


dessus la cinquième roue, elle retourne par-dessous 
la machine; les gâteaux de matière solide sont 
renversés, projetés au dehors, et on peut les 
recueillir pour les utiliser comme résidus. L’étoffe 
mème servant au filtrage sort des augets, tout en 
demeurant maintenue par des tôles; ce issu se 
débarrasse automatiquement, pour ainsi dire, des 
matières solides qui pourraient y rester adhé- 
rentes. | 

Ajoutons encore que, parmi les blocs de pression, 
il n’y en a qu’un sur six qui soit massif; les autres 
ont pu être faits en forme de coquille semi-cylin- 
drique; mais les blocs massifs sont nécessaires 


pour augmenter le poids de la chaine à augets et 
assurer sa bonne adhérence. Le brin de retour 
de la chaine passant en-dessous des roues et à la 
partie inférieure du cadre de la machine comprend 
30 augets et présente un poids d'environ trois 
tonnes; ce poids sert à assurer la tension voulue 
dans l'ensemble de la chaine. On remarquera, du 
reste, que ce brin de retour offre du mou, ainsi 
que cela se fait pour presque toutes les chaines 
employées pour les cycles, les automobiles, etc.; 
cette disposition a été particulièrement adoptee 
pour que la machine ne puisse pas subir d’avarie 
‘au cas où, accidentellement, un objet en métal et 


36 COSMOS 


particulièrement résistant se trouverait dans un 
des augets; en pareil cas, la chaine perd un peu 
de son mou dans sa partie inférieure, tandis qu'elle 
est moins adhérente aux roues dans la partie supé- 
rieure. ll est à remarquer que, quand Îles augets 
sont pleins d'une matière relativement très dure, 
le brin de retour s'élève très sensiblement; et du 
fait que le mou diminue, la tension dans la chaine 
augmente; si bien que la pression est réglée auto- 
matiquement, suivant la compressibilité de la 
matière mème qui se trouve dans les augets. 

La machine peut ètre mise en marche à l’aide 
d’une manivelle à bras. par la vapeur ou un moteur 
électrique. D'une façon générale, cette machine ne 
réclame pas une très grande puissance, quand elle 
tourne à allure lente, on peut parfaitement la com- 
manderà la main. Il va de soi que le rendement 


11 suiLLer 1919 


de l'appareil n’est limité que par la vitesse à 
laquelle on peut le faire tourner sans imposer 
à ses organes une trop grande fatigue. Un de nos 
confrères de la presse américaine, qui a suivi son 
fonctionnement pendant un certain temps, estime 
qu'elle peut marcher dans de très bonnes condi- 
ditions à raison de 12 augets par minute, étant 
donné qu'il y a 54 augets en tout montés sur 
la chaine. Chaque auget, avec une longueur de 
90 centimètres, peut contenir un sixième d’hecto- 
litre. Dans ces conditions, on traile à peu près 
2 hectolitres par minute. 

Il faut évidemment voir cette machine subir des 
essais dansdiverses circonstances et diverses indus- 
tries pour en juger pleinement; mais son principe 
est tout à fait curieux et méritait d’être connu de 
nos lecteurs. DANIEL BRLLET. 





Les quatre planètes transneptuniennes, 0, P, Q et R. 


M. W. H. Pickering. professeur d'astronomie à 
la célèbre Université américaine d'Harvard (Massa- 
chusetts), vient de publier dans les annales de 
l'Observatoire rattaché à ce centre de hautes 
études (vol. LXI, IHl partie) une statistique des 
orbites cométaires qui constitue probablement 
l’etude raisonnée la plus complète avant jamais 
été publiée sur cetle intéressante question. Elle 
comporte plus de deux cents pages in-4° et discute 
tous les éléments de comètes connus avec quelque 
certitude depuis l'époque chinoise jusqu à la fin de 
4909. Le but de cette étude est principalement la 
discussion de la répartition des aphélies des 
comètes ‘en longitude comme en latitude) et leur 
distance movenne du Soleil, discussion entreprise 
dans l'espoir qu'elle conduirait à prouver l'existence 
d'une planète transneplunienne à laquelle M. Pic- 
kering 4x consacré déjà de nombrenx et intéressants 
travaux, 

Un parie communément en asironomie des co- 
métes de la famille jovienne. c'est-à-dire des 
astres de ce genre dont laphrlie. Je point de 
eur orbite le plus éloigné du Soleil, à l'opposite du 
perihelie, s2 trouve dans le voisinage de l'orbite 
moyenne le 'a planète Jupiter. De mème, ilya 
deux comtes saturniennes, ‘deux comètes ura- 
ninnes et six comètes neptiniennes. On croit 
conmmunenent que ces différentes cométes se mou- 
vaieni auntrelois dans des orbites très peu sem- 
blables à celles qu'elles décrivent effectivement, 
ou mème quelles n'étaient pas associées au sort 
de notre ‘Soleil, et que, passant à certain moment 
assez près de Pune des planètes supérieures à partir 
de Jupiter, elles ont élé iztrorduites par l'attraction 
de celle-ci dans le système solaire. NSi lon indique 
weintenant sur un graphique, dans Pordre de leur 


distance moyenne, les aphélies des comètes pério- 
diques, on trouve que lesdits aphélies seconcentrent, 
non pas seulement aux environs des orbites des pla- 
nèles principales, mais encore en d'autres points 
qui marquent peut-être la distance moyenne de pla- 
nètes disparues ou inconnues. C’est dans cet ordre 
d'idées que, dès 1878, le professeur anglais Forbes 
prédit l'existence et mème la position approxima- 
tive d’une planète transneptunienne, c'est-à-dire 
d'un corps situé au delà de l'orbite de la planète 
de Leverrier, qui marque aujourd’hui la limite 
de nolre système. 

L étude de M. Pickering est toutefois infiniment 
plus complète, car elle ne comprend pas seulement 
toutes les comètes périodiques, mais encore toutes 
celles pour lesquelles des orbites paraboliques (de 
beaucoup les plus nombreuses) ou hyperboliques ont 
eté calculées. Fabry et Fayet en France, Strömgren 
en Suède, avaient déjà montré, en tenant compte 
seulement des planèles connues, que toutes les 
cometes connues décrivaient à l’origine des orbites 
elliptiques. M. Pickering démontre maintenant 
qu'une grosse planète transneptunienne pourrait 
fort bien, par son attraction, convertir l'orbite 
elliptique d’une comète en une orbite hyperbo- 
lique au moment où elle s’apnrocherait du Soleil, 
c'est-à-dire pendant l'intervalle ou on peut l’observer, 
et transformer de nouveau sa course en une courbe 
fermée lorsqu'elle se serait de nouveau éloignce 
de lastre central. 

Le savant américain conclut finalement qu'outre 
la planète transneptunienne (inconnue) dont il a 
cherché à démontrer l'existence par l'analyse des 
mouvements d'Uranus et de Neptune, et qu'il a 
appelée « planèle Q », il existe encore trois autres 
planètes appartenant à notre svstème, situées 


N° 1433 


encore plus loin et qu'il dénomme « planètes P, 
QetR ». ' 

Les éléments de ces planètes inconnues sont 
véritablement « vertigineux ». C’est ainsi que la 
planète Q, dont l'existence serait la mieux assurée, 
aurait une masse égale à 6 centièmes de celle du 
Soleil (Jupiter, la plus grosse des planètes connues, 
a une masse mille fois plus petite que.le Soleil, 
dont la masse vaut 333 000 fois celle de la 
Terre!), soit 20000 fois celle de la Terre, une 
distance moyenne égale à 875 rayons de l'orbite 
terrestre et une période de 26 000 ans. Son 
éclat, eu égard à son grand volume, serait de la 
grandeur 15,4, et son diamètre angulaire de 1,6. 
Théoriquement, il serait sans doute possible de 
retrouver cette planète par la photographie, mais 
une telle recherche présenterait d'énormes diffi- 
cultés à cause du nombre fantastique d'étoiles de 
45° grandeur et de la petitesse du mouvement 
apparent de l'astre. | 

La masse de la planète R ne serait que de 
Pordre de la moitié de celle de Q, sa période de 
500 000 années (!) et son éclat de la 26° grandeur. 
Le télescope le plus puissant du monde, celui de 
Observatoire du mont Wilson, dont le miroir 
mesure 4,50 m de diamètre, ne donnant que de 
faibles images des étoiles de la grandeur 21, et cela 


COSMOS 37 


avec quatre heures de pose encore, il est certaine- 
ment impossible en ce moment de vérifier l'existence 
de cet astre. Il faudrait pour le moins un télescope 
de 3 mètres d’ouverlure, et encore la recherche 
serait-elle fantastique! 

Quant à la planète P, sa période de révolution 
ne serait que de 1 400 ans, avec une distance de 
423 unités astronomiques (4 fois la distance de 
Neptune), mais sa masse et son éclat ne sont pas 
indiqués. Sans doute sont-ils trop incertains. 

Dans l’état actuel de la technique astronomique, 
seul, croyons-nous, un heureux hasard pourrait 
conduire à la découverte des planètes transneptu- 
niennes, si elles existent. La meilleure preuve de 
notre assertion, c’est qu'on a recherché photogra- 
phiquement et tout à fait systématiquement la 
planète O; or, quoique 300000 images d'étoiles 
aient élé examinées, on ne l'a pas trouvée. Le 
calcul ici est mis en défaut par la grandeur des 
influences mises en jeu et l'incertitude qui s'attache 
à leur évaluation. 

Cet insuccès, qui résulte directement de l'énorme 
difficulté du problème, n'enlève rien aux grands 
mérites du professeur Pickering, qui, espérons-le, 
sera peut-ètre récompensé quelque jour de sa per- 
sévérance par la gloire qui s'attache à juste titre 
au nom d'un Adams ou d’un Leverrier. F. pg R. 





Les grands réseaux de distribution d'électricité. 


Leur développement aux États-Unis. — Leurs avantages. 


Des divers problèmes aujourd’hui posés à lin- 
dustrie électrotechnique, l’un des plus intéressants 
est celui relatif à l’alimentation en électricité des 
régions peu ou modérément habitées et où les 
débouchés pour la vente de l'énergie électrique 
sont par conséquent disséminés sur une étendue 
relativement grande. 

Jl y a quelques années encore, on pouvait croire 
que les usages de l'électricité pour l'éclairage et 
pour la force resteraient confinés aux aggloméra- 
tions et que l'on ne parviendrait point à en mettre 
les avantages précieux à la portée des habitants 
des districts ruraux ou même suburbains. 

Cependant, on commence à se convaincre qu'il 
est possible de desservir dans de bonnes conditions 
les régions les moins habitées en organisant con- 
venablement les systèmes de transmission et de 
distribution et en unifiant les réseaux de façon à 
englober un nombre plus ou moins considérable 
de localités avec leurs faubourgs. 

Il va de soi que la réalisation de ce système est 
chose compliquée. On comprend facilement que si 
l'organisation d’un réseau urbain dans une agglo- 
nération homogène ou à peu près homogène est 


- 


relativement simple, il n'en est pas de mème pour 
ce qui est d’un système s'étendant à toute une 
région: une telle entreprise ne peut être fructueuse 
qu'à la condition d'avoir été extrémement bien 
étudiée et d'être entre les mains d'administrateurs 
qui sachent lui donner une direction uniforme tout 
en respectant les conditions locales propres à 
chaque partie du territoire englobé. 

Mais, cette difliculté mise à part, l'unification a 
généralement un intérèt capital parce qu’elle 
permet ordinairement de pousser la centralisation 
plus loin qu'il ne serait possible de le faire à défaut 
de cette fusion, et parce qu'elle substitue à des 
installations isolées, incapables de se seconder, des 
centrales pouvant s'assister mutuellement ct fournir 
à moins de frais un service plus sur et plus ré- 


gulier. 


Examinons d’abord les résultats de la centralisa- 
tion. D'une facon générale, la concentration de la 
production dans une grande centrale, suhstituée à 
des installations indépendantes, a des avantages 
très sérieux qui peuvent se résumer briéverment 
ainsi qu il suit : 

4. Réduction de l’équipement générateur nsces- 


2N COSMOS 


saire. gràce à : aò l'amélioration du facteur de diver- 
site: b) la diminution du matériel de réserve; 

2. Economie des frais d'installation par kilowatt 
de machine installé; ` 

3. Réduction des frais de production de l'énergie, 
rapportés au kilowatt-heure, par suite: a) de 
l'emploi de plus grosses machines, ayant un 
meilleur rendement : b) de l’amélioration du fac- 
teur de charge; c) de la réduction des frais géné- 
raux. 

La plupart de ces avantages peuvent être con- 
sidérés comme résultant principalement de laug- 
mentation de la diversité de la clientèle qui se 
produit à mesure que la sphère de distribution de 
l'usine génératrice devient plus grande. 

C'est cette diversité qui se traduit par l'améliora- 
tion du facteur de diversité, du facteur de charge 
et du facteur d'utilisation et qui rend ainsi le fonc- 
tionnement de l'usine plus lucratif. 

On appelle facteur de diversité, dans le langage 
électrotechnique, le rapport entre le total des 
charges maxima de différentes installations et la 
charge maximum totale simultanée de ces mêmes 
installations. 

Ainsi, considérons, par exemple, quatre installa- 
tions fournissant des charges maxima de 2 000, 
1500, 4 000 et 500 kilowatts; ces installations fonc- 
iionnent séparément, dans des conditions distinctes; 
les pointes de charge ne se produisent pas en 
méme temps pour toutes; lorsque l'on totalise les 
charges se produisant à chaque instant, d’un bout 
à l'autre de l'année, on observe, par exemple, 
que la charge globale maximum est de, disons 
4000 kilowatts. 

Dans ce cas, le facteur de diversité est de 
5000 : 4000 = 1,25; plus le facteur est grand, 
plus l'avantage de la centralisation est marqué: si 
les installations sont distinctes, il leur faut à 
chacune des équipements proportionnés à leur 
maximum; si elles sont fusionnces, l'équipement 
ne doit plus répondre quà la puissance totale 
maximum. 

Comme nous l'avons dit, l'amélioration du fac- 
teur de diversité diminue donc le coùt des instal- 
lations. 

Quant au facteur de charge, c'est le rapport 
entre la charge movenne et la charge maxima ou 
pointe de charge. 

Que l'accroissement de la variété de la clientèle 
ait pour résultat de l'augmenter, cela est aisé 
également à saisir. plus la clientèle est variċe, 
plus il y a de chance que les demandes de puis- 
sance se complètent et étalent la charge moyenne. 

Si le facteur de charge est bon, si la pointe de 
charge ne dépasse pas sensiblement la charge 
moyenne, les conditions de fonctionnement sont 


, favorables, un équipement minimum pouvant faire 


lace à la demande. 


11 suizzer 1942 


Enfin, le facteur d'utilisation, qui est le rapport 
entre la production annuelle réelle et la produc- 
tion annuelle possible, se relève du moment que 
le réseau embrasse une clientèle plus diverse, et 
son relèvement contribue à la diminution des 
dépenses de production. 

Celles-ci comprennent, en effet, les frais de pro- 
duction proprement dits, proportionnels à la pro- 
duction, et des frais fixes portant sur la totalité de 
l'énergie engendrée. 

Ces derniers sont d'autant moindres, rapportés 
à l'unité de puissance électrique, que la production 
annuelle est plus grande. | 
_ Pour ce qui est des frais d'installation respectifs 
des grandes et des petites usines, il est à peine 
besoin de faire voir combien ils sont, dans les 
grandes centrales, plus bas que dans les installa- 
tions de modeste importance : c'est un fait généra- 
lement reconnu et admis. 

La différence du coût par kilowatt installé pour 
les deux sortes d'usines s’est particulièrement 
marquée depuis que l’on emploie dans les grandes 
centrales des turbines à vapeur. 

Les installations américaines les plus récentes 
ne couùtent pas plus de 450 francs par kilowatt 
installé, tous frais de terrain, de bâtiment et de 
matériel compris; des évaluations ont mème fait 
voir que dans de très grandes centrales les dépenses 
pourraient ètre réduiles à 350 francs, alors que les 
anciennes usines revenaient à des prix variant 
entre 550 et 850 francs. 

La diminution des frais d'installation influe 
nécessairement sur le prix de revient de l'énergie. 

Celui-ci est encore influencé favorablement, dans 
le cas des centrales, par augmentation de rende- 
ment que l’on réalise couramment grâce à ce que 
le materiel est utilisé plus complètement et fonc- 
lionne plus souvent et plus longuement au voisi- 
nage de la pleine charge. 

Voilà pour la centralisation. 

Quant à l'unification des réseaux, avec la con- 
servation de centrales distinctes, elle permet une 
centralisation plus grande et elle améliore beau- 
coup la sécurité du fonctionnement possible avec 
des équipements de puissance donnée. 

Elle met en effet les différentes usines en situation 
de se seconder mutuellement et d'intervenir dans 
la production pour s'assister Pune lautre lorsque 
l'une d'elles vient à faire défaut ou se trouve dans 
l'impossibilité de fournir tout ce qui lui est 
demandé. 

En regard des avantages que nous venons de 
voir, il y a lieu de mettre deux inconvénients 
graves: 

4. Nécessité de l'établissement de lignes de trans- 
mission coùteuses; 

2. Pertes d'ċnergie dans les transformateurs et 
dans les lignes. 


N° 1433 


Un examen approfondi de chaque cas en parti- 
culier peut seul permettre de reconnaitre si les 
avantages prémentionnés l'emportent ou non sur 
les inconvénients indiqués; mais l'expérience 
acquise autorise à dire que, d'une façon générale, 
ceux-ci sont négligeables comparativement à ceux- 
là; il n'est pas douteux que la création des grands 
réseaux puisse seul résoudre le problème de la dis- 
tribution économique de l'énergie électrique. 
` Au surplus, les grands réseaux de distribution 
de l'électricité sont dès à présent très répandus 
dans la plupart des pays, tant en Europe qu'en 
Amérique. TE 


C'est, néanmoins, en Amérique que les grands 


réseaux unifiés sont le plus nombreux; sans parler 
des réseaux hydro-électriques, il y a plusieurs Com- 
pagnies de génération d'électricité alimentant avec 
des usines à vapeur des réseaux d’une grande 
étendue. 

Pour les centrales hydro-électriques, il va de soi 
que la création d’un vaste réseau de distribution 
est, pour ainsi dire, obligatoire, bien qu’il y en ait 
beaucoup qui n'aient d'autre rôle que d'alimenter 
par une transmission unique le réseau d'une, de 
deux ou de quelques grandes villes. 

Parmi les réseaux les plus vastes, se place en 
premier lieu celui qui dessert la région de Sacra- 
mento et de San-Francisco et appartenant à la 
Pacific Gas and Electric Company; il couvre un 
territoire de plus de 31 000 kilomètres carrés, com- 
prenant 1450 villes et villages et dont les points 
extrêmes sont distants l’un de l’autre de 321 kilo- 
mètres; la Southern California Edison Company 


COSMOS 39 


étend son action à un territoire de 2 500 kilomètres 
carrés; dans le Michigan la Commonwealth Power 
Company et la Grand Rapids Muskeyon Power 
Company fournissent l'énergie électrique à 25 loca- 
lités dont 42 ont moins de 1250 habitants; la 
population variant pour l’ensemble entre 90 000 et 
442 000; la Janesville Electric Company, de 
Wisconsin, réunit quatre usines hydro-électriques 
pour fournir lénergie à différentes localités ; 
l’Hudson River Electric Power Company dessert 
43 villes ou villages et un grand nombre de lignes 
de traction. 

Comme installations alimentées par des usines 
à vapeur, un bel exemple est le système créé par 
la North Electric Company, qui s'étend sur une 
superficie de 3100 kilomètres carrés; il fournit du 
courant à 60 villes voisines de Chicago et qui 
comptent de 100 à 27 000 habitants; 19 de ces 
localités ont moins de 1 000 habitants; il est pro- 
bable que les deux tiers au moins de ces villes 
seraient restées privées de distribution d'électricité 
si elles avaient dù attendre la création d'usines 
individuelles; l Eastern Michigan Edison Com- 
pany, qui couvre un territoire de 2 334 kilomètres 
carrés, à l'est et au nord-est de Détroit, dessert 
49 localités ayant de 150 à 19 000 habitants; 8 seule- 
ment de ces localités ont plus de 1 200 habitants; 
l'Edison Electric IUluminatingCompany,de Boston, 
dessert un territoire de plus de 1 600 kilomètres 
carrés, dans lequel se trouvent, indépendamment de 
Boston, avec 670 000 habitants, 35 localités ayant 
de 800 à 77 000 habitants. 

H. MARCHAND. 





Les pensées et leur culture. 


Le genre Violette (Viola) renferme un assez 
grand nombre de plantes au feuillage élégant et 
aux fleurs délicates, et qui à cause de leur mérite 
décoratif ont été jugées dignes des soins horticul- 
turaux; mais deux espèces surtout, en raison de 
leur rusticité et de la facilité de leur culture, ont 
depuis longtemps été accueillies dans les jardins 
et continuent à jouir de l’estime des amateurs: la 
violette odorante, dont le type sauvage s’est si 
complaisamment prêté à l'amélioration, et la vio- 
lette pensée, aux innombrables variétés. 

La culture de la pensée est assez aisée pour 
tenter quiconque possède un jardin ; cependant, si 
l’on veut que cette gracieuse plante revête tout 
Pattrait ornementa!l dont elle est susceptible, il faut 
lui accorder certains soins dont on lira peut-être 
avec intérêt l'indication rapide. 

La pensée de nos jardins (vulgairement pensée 
vivace, pensée anglaise, herbe de la Trinité) est 
une espèce en quelque sorte domestiquée, dont 


l'origine sauvage n'est pas connue avec précision. 
Suivant une opinion qui n'est pas invraisemblable, 
ses diverses races dériveraient par voie de variation 
indéfinie de la petite Viola tricolor L. de nos 
moissons, herbe annuelle qui produit spontané- 
ment des fleurs tantôt jaunes, tantôt violettes, et 
dont la racine devient vivace dans les dunes, 
milieu où ses fleurs revêtent aussi les nuances les 
plus variées du jaune et du violet. 

Toutefois, une autre opinion voit dans la penste 
cultivée le produit de plusieurs types sauvages, 
croisés entre eux ou ayant donné chacun des séries 
de variétés particulières. C’est là un problème très 
intéressant au point de vue botanique, mais dont 
la solution, d'ailleurs diflicile, importe peu au point 
de vue horticultural. 

L'élément sur lequel porte principalement Ia 
variation dans la pensée est le coloris de la Ieur; 
ce coloris dérive toujours de Pune ou de Fautre 
des deux nuances spontanées de la petite pensée 


40 COSMOS 


sauvage, à savoir le jaune et le violet. La culture 
la d'ailleurs modifié à linfini et en a tiré des 
variétés unicolores, soit dans ła gamme du jaune 
depuis le blanc pur, soit, dans la gamme du violet, 
du rose au noir intense, en passant par le lilas, le 
bleu de ciel, le bleu foncé, ou des variétés présen- 





F1G. 1. — TOUFFE DE PENSÉE A GRANDES MACULES 
(réduite). 


tant sur un fond dérivant d'une des couleurs ini- 
tiales des taches nettes ou fondues très diverse- 
ment disposées panachées, flammées, zonées, 
striées, ocellées. Les variétés roses et cuivrées 
échappent ordinairement au reproche qui est fait 
aux pensées d’être inodores, et répandent un 
parfum agréable assez prononcé. 

En raison du grand nombre des variétés de la 
pensée, les amateurs ont dù peu à peu adopter une 
sorte d'échelle pour mesurer leur mérite et établir 
sur certains caractères la hiérarchie de leur dignité 
esthétique. Les plus élevées dans cette hiérarchie 
sont celles dont la fleur est très grande et possède 
un contour aussi arrondi que possible, de telle 
manière que la réunion des cinq pétales dessine 
un cercle; en outre, chacun de ces pétales doit 
porter une tache plus foncée que la bordure. 

Les formes qui offrent cette disposition se 
rangent dans la variété & grandes macules, qui 
est celle dont le perfectionnement est plus parti- 
culièrement l'objet des soins des horticulteurs. Il 
est évident qu’à côté de cette hiérarchie officielle 
tout amateur peut en admettre une autre d'après 
son goût personnel et accorder sa faveur aux 
variélés qui, sans être à grandes macules, lui 
plaisent par l'originalité de leur forme ou de leur 
coloris, l'aspect pittoresque de leur masque, lop- 
position tranchée de leurs nuances. 

Les catalogues des marchands comportent tou- 
jours un assortiment de variétés fixées et de repro- 
duction assez fidèle, suffisant pour satisfaire tous 
les gouts, et dans lequel les amateurs peuvent faire 
leur choix suivant le but qu’ils se proposent; il est 
évident, en effet, que les mêmes formes ne con- 


41 JUILLET 1912 


viennent pas pour la décoration des plates-bandes, 
pour l'ornement des fenêtres, et pour la culture 
en vue de la vente de bouquets. 

Normalement la pensée est une plante monocar- 
pienne, c’est-à-dire annuelle ou bisannuelle, mais 
mourant après une seule floraison: c’est ainsi 
qu'elle se comporte généralement dans les cultures 
en pleine terre et si l'on ne prend pas les soins 
qui peuvent artificiellement prolonger sa durée. 

Elle est très rustique et s'accommode de tous 
les terrains et de toutes les expositions, à l’exclu- 
sion cependant d’un excès d’ombrage ou d'humi- 
dité. Toutefois elle ne végète dans toute sa beauté 
que si on lui fournit un sol très meuble et riche 
en aliments; les variétés les plus estimées pour 
l'ampleur de leurs fleurs sont à ce point de vue les 
plus exigeantes, et les types à grandes macules, 
comme la Parisienne, réclament, en outre d'une 
exposition bien aérée et bien éclairée, un sol formé 
de terreau pur ou tout au moins d'une terre fertile 
recouverte d'un terreautage ou d’un bon paillis. 

On a noté que, dans une mème variété de pensée, 
les fleurs les plus belles par leur développement, 
la netteté du dessin et la vivacité du coloris sont 
celles quif paraissent les premières et qui s'épa- 





F1G. 2. — PENSÉE A GRANDES MACULES 4 LA PARISIENNE ». 


nouissent au printemps avant les chaleurs sur de 
jeunes pieds nés de semis, et ayant été mis en 
place soit avant l’hiver, soit très tôt dans l’année, 
vers la fin de la mauvaise saison, 

C'est donc au printemps que l'amateur peut jouir 
de la beauté des pensées. A mesure que la saison 


Ne 1433 


s'avance, les touffes prennent plus d'extension, et 
sur le mème pied le nombre des fleurs s’accroit, 
au détriment de leurs dimensions et de leurs cou- 
leurs, qui peuvent devenir bien différentes de celles 
des premières fleurs. 

Aussi est-il indiqué, pour se conformer aux lois 
de l'hérédité, de ne récolter les graines des variétés 
dont on souhaite la perpétuation que sur les fruits 
provenant des fleurs de printemps, à l'exclusion 
des autres. 

La diminution de la beauté des fleurs à mesure 
que la saison s'avance peut être entravée dans une 
large mesure par la pratique du pincement, en ne 
laissant subsister à partir de la racine qu'un petit 
nombre des tiges principales et en supprimant 
l'extrémité des ramifications: la plante est ainsi 


Dra 


E: 


Žr ` 


Eie 
SAA E 5 
Y: « ‘1 





F1G. 3. — PENSÉE STRIÉE-PANACHÉE. 


ramenée artificiellement aux conditions de floraison 
restreinte, et par conséquent plus énergique, que 
réalise sa végétation normale au printemps. 

Il est utile, en outre, d'entretenir sa vigueur en 
fournissant de temps en temps au sol où elle croit 
des aliments de rapide assimilation, par exemple 


par des arrosages d'eau où du fumier aura été mis, 


à macérer pendant quelques jours. Enfin, pour 
permettre à la floraison de se prolonger sans trop 
perdre de sa beauté, il est encore indiqué de sup- 
primer toutes les fleurs qui commencent à se flétrir 
afin d'empêcher la maturation des fruits, qui fa- 
tigue la plante. En ce cas, les graines pour le semis 
sont prélevées sur quelques pieds où on laisse 
fructifier les fleurs de printemps sans se préoc- 
cuper de la beauté de la floraison ultérieure. 


COSMOS | nl 


La multiplication de la pensée, comme en général 
celle des plantes annuelles, se fait presque exclu- 
sivement par le semis. 

Cette opération peut s'exécuter à trois époques 
différentes : 

Ou bien au printemps, soit en place, soit en 
pépinière; mais dans ce cas la floraison, hâtée par 
les chaleurs survenant avant que les plants aient. 
eu le temps de taller et de se consolider, se fait 
avec une abondance qui nuit considérablement à 
la beauté des fleurs ; ; 

Ou bien de juillet à septembre, en pépinière, en 
planche bien exposée et sur terre légère et sub- 
stantielle; en ce cas, dès que le plant a quelques 
feuilles, on repique encore en pépinière, à la même 
exposition et sur le même sol, en espaçant conve- 
nablement, et l'on met en place, suivant la force 
des petites plantes, le climat et le terrain, soit à 
l'automne, soit au printemps; l'espacement dans 
cette mise en place doit être calculé (de 20 à 40 cm) 
selon que l'effet de Ia plantation doit cesser au 
printemps ou se prolonger dans la belle saison, et 
par conséquent selon l'extension que l'on se pro- 
pose de laisser prendre à chaque pied: 

Ou bien en septembre, en place. 

De ces trois modes, le deuxième est celui qui 
donne les meilleurs résultats et les plus belles 
fleurs de printemps. L'expérience a démontré que 
si desgraines d'un mème pied de pensée sont semées 
les unes en août, les autres au printemps, les pro- 
duits des unes et des autres donnent une floraison 
si différente que leur commune origine ne se soup- 
connerait pas si l’on n’en était directement informé. 

Parfois les plantes provenant des semis de juillet 
el août commencent à fleurir avant l'hiver; pour 
sauvegarder la végétation du printemps, il est utile 
de supprimer cette floraison prématurée. Si l’on 
désire obtenir en octobre des fleurs aussi belles 
que celles du printemps, on sèmera en juin en 
pépinière demi-ombragée. 

La pensée peut être artificiellement rendue 
vivace, soit en repiquant les drageons munis de 
racines qui se forment à la base des gros pieds, 
soit par le bouturage pratiqué au printemps ou à 
l'automne, Mais ces modes de multiplication exigent 
des soins spéciaux et ordinairement un abri en 
hiver. 

On réussit encore à conserver d'année en annee 
les variétés exceptionnelles en les cullivant dans 
des pots placés l'hiver sous chissis bien exposés 
au soleil. Cette culture réclame comme sol un 
terreau de fumier pur, quelques arrosages modérés, 
beaucoup d'air et un judicieux pincement des 
rameaux. 


A ACLOUUE: 


42 COSMOS 


11 quizzer 19192 


LE FORÇAGE DES PLANTES 


Les rosiers. 


Les Romains connaissaient déjà l’art de produire 
les fleurs, les légumes et les fruits à contre-saison. 
Certains jardiniers de la Ville ‘Éternelle savaient 
aussi bien forcer la rose qu’alimenter de primeurs 
les tables de leurs sybarites contemporains. Au 
plus fort de l'hiver, l'empereur Tibère mangeait 
quotidiennement des concombres qu'il aimait avec 
passion, et son successeur, Gallien, servait égale- 
ment à la même époque de l’année des melons et 
des figues vertes à ses invités. Sénèque eut beau 
stigmatiser le sensualisme de ceux qui, « par une 
fomentation d’eau chaude et de chaleur artificielle, 
faisaient éclore les fleurs du printemps au milieu 
des frimas », lesriches patriciens nen continuèrent 
pas moins à édifier des vergers ciliciens, sortes 
d'orangeries chauffées au moyen d’un calorifère et 
qui abritaient principalement des arbres exotiques 
ou des couches portatives{(horti pensiles), destinées 
à la culture des asperges, des melons, des arti- 
chauts, des cardons ou autres primeurs appréciées 
des Lucullus de la Péninsule. Autant qu’on en peut 
juger par les descriptions incomplètes des auteurs 
latins, ces dernières étaient des caisses montées 
sur roues qu'on exposait au soleil pendant la 





F1G. 1. 


— MISE EN JAUGE 
DES ROSIERS DESTINÉS AU FORÇAGE. 


journée et qu'on rentrait la nuit dans un endroit 
clos. Comme les vergers ciliciens, des vitrages en 
mica, albâtre ou autres pierres transparentes pro- 


tégeaient du froid ces châssis. Toutefois, de riches 
amateurs pouvaient seuls s'offrir un tel luxe. 
Au moyen âge, les méthodes de culture forcée 





— APPAREIL DE CHAUFFAGE 
D'UNE SERRE DE LA FORCERIE. 


furent à peu près délaissées. On ne rencontre, en 
effet, qu'un chroniqueur, Jean de Béka, chanoine 
d'Utrecht, qui y fasse allusion. Dans un passage de 
la vie d'Albert le Grand, cet auteur raconte que 
l'illustre Dominicain donna à Cologne, le 6 janvier 
1249, un grand banquet à Guillaume de Hollande, 
et le biographe ajoute que, par un art véritable- 
ment magique, on voyait dans la salle du festin 
des arbres chargés de fruits et des rosiers fleuris. 

Dès cette époque, les Arabes, plus avancés en 
jardinage que les Occidentaux, avaient imaginé 
les couches de fumier pour favoriser la croissance 
de leurs cucurbitacées, tandis que les maraichers 


N° 1433 


français inventèrent seulement vers la Renaissance 
ce procédé économique consistant à produire de 
la chaleur grâce à la fermentation du fumier frais. 
En 1600, Olivier de Serres indique l’emploi des 
<loches de verre pour cultiver les melons; puis, un 
demi-siècle plus tard, André Mollet préconisa le 
premier celui des châssis vitrés qui conservent la 
chaleur et abritent les plantes sans intercepter la 
lumière indispensable à leur développement. Les 
primeurs ne tardèrent pas alors à apparaitre à 
Paris, et, si nous en croyons M. Georges Gibault, 
elles coùûtaient des sommes exorbitantes. Les pre- 
miers « litrons » (1) de petits pois arrivés sur le 
marché de la capitale de la France se payaient 
150 francs chacun, et, le 14 mai 1657, un plat de 


COSMOS 43 


fraises se vendit cent écus, soit plus de 600 francs 
de notre monnaie actuelle! 

Le célèbre jardinier de Louis XIV, La Quintinie, 
avait mis le forçage à la mode. En décembre, il 
envoyait à son maitre des asperges du potager de 
Versailles que le Grand Roi savourait en fin gastro- 
nome. Au mois de janvier, c'était le tour des 
laitues et des radis; puis les choux-fleurs arrivaient 
en mars; les fraises au commencement d'avril; les 
pois en mai, les melons à la fin de juin, et Sa 
Majesté aimait tant ces succulents végétaux que 
ses pauvres médecins, Fagon et Daquin, ne comp- 
taient plus les embarras gastriques de leur auguste 
client! 

Louis XIV ne dédaignait pas non plus de voir sa 





F1G. 3. — CUEILLETTE DES ROSES FORCÉES. 


salle à manger ou ses salons ornés de fleurs forcées, 
tels les jacinthes, les anémones, les narcisses ou 
les tulipes que les horticulteurs contemporains 
faisaient pousser dès le commencement de l’année. 

Au cours du xvin? siècle, les Anglais et les Fla- 
mands apportent d'importants perfectionnements 
à la culture intensive des arbres fruitiers. lls ima- 
ginent les bâches à fourneaux et les couches de 
tan, tandis qu’un peu partout en Europe s'élèvent 
de nouvelles serres. Témoin celles construites sur 
les indications de Frédéric le Grand en 1752 et 
qu'on voit encore à Potsdam. De même, les tou- 


(1) Le litron, ancienne mesure, valait environ 8 dé- 
cilitres. 


ristes visitant la Grande-Bretagne connaissent le 
fameux cep de vigne qui, planté il y a plus de 
cent ans, se développe maintenant sur 250 mètres 
carrés dans son abri vitré de Hampton-Court. 

Quelques maraichers français, Debille, Ebrard, 
Fournier et Vallette entre autres, commencèrent 
ensuite à vendre les primeurs sur une assez vaste 
échelle vers 1780. Huit ans plus tard, Decouflé 
forçait les haricots et les pois, Les frères Quentin 
et Marie chauffaient les asperges vers 1800 ; Besnard, 
de son côté, se faisait une spécialité des choux- 
fleurs avant saison. Enfin, l'invention du thermo- 
siphon par Bonnemain et son application au chauf- 
fage des serres par Gautier donnèrent, dès 1830, 
l'essor à cette curieuse industrie, 


n4 COSMOS 


Toutefois, l'exploitation commerciale des « for- 
ceries», jardins féeriques où les tleurs s'épanouissent 
en même temps que mùürissent les fruits, ne 
remonte guère en France au delà d'une quin- 
zaine d'années. Les établissements les plus impor- 
tants de ce genre se fondèrent d'abord dans les dé- 


partements de l’ Aisne et du Nord, et, beaucoup plus 


récemment, on en a créé de nouveaux dans la 


banlieue de Paris et ailleurs. Visitons d'abord l’une: 


de ces « couveuses végélales » où l'on martyrise la 
reine des fleurs. 

Parmi les innombrables variélés de rosiers les 
plus avantageuses pour cette destination, on cultive 
entre autres le « Souvenir de la reine d'Angleterre», 
la « Baronne Prévot », « Madame de Diesbach », 
le « Charles Margottin » (rose clair), « Madame 
Falcot » et « Madame Boll » (rouge carmin). 

Le premier soin du rosiériste est de se procurer 
des églantiers, dont la torture commence sans 
tarder. [1 les met d'abord en jauge (tig.1) dans une 
réserve située en plein air. Cette opération consiste 
simplement à les enterrer, côte à côte, dans des 
sillons et à les recouvrir de terre. Au bout d’une 
quinzaine de jours, au fur et à mesure de ses besoins. 
il les plante au milieu des champs, puis il les greffe. 

Dès la deuxième année, il les taille presque au 
ras du sol. I] les dispose ensuite à l'endroit voulu 
pour le forçage. 

Cela fait, il édifie des serres démontables sur 
l'emplacement où se trouvent les rosiers. Il établit 
à pronimité une chaufferie (fig. 2), pose les cana- 
lisations d'eau chaude sur le sol, entre les pieds. 
Ainsi se maintient nuit et jour, dans cette véritable 
« usine » culturale, une température de 20° environ. 
La distribution de leau est modérée en hiver. plus 
Cupivuse en mars, aün de donner à la plante Pillu- 
sion de recevoir une ondée naturelle. 

Une fois plantés, les rosiers réclament des soins 
assidus, il faut biner la terre atin de l'ameublir et 
empêcher ies mauvaises herbes de pousser. Le 
rosivristée doil également veiller à ce que les mala- 
dies crvplogamiques ne se développent pas dans 
ses cultures. Un champignon microscopique, proche 
parent de l'oidium de la vigue, le Spherotheca 
pannesa, attaque en particulier les rosiers. Cette 
alfection se manifeste par la présence sur les 


11 juiLLET 1942 


feuilles d’un duvet cotonneux blanchâtre parsemé 


de points grisâtres, puis les feuilles se recroque-. 


villent, les jeunes pousses s'étiolent et la floraison 
avorle. Les forceurs combattent le « blanc du 
rosier » (ainsi nomment-ils cette maladie) par des 
pulvérisatious de sulfate de cuivre ou des soufrages 
préventifs. Quant aux pucerons et autres insectes 
nuisibles qui vivent sur les tiges et épuisent la plante 
par leurs piqüres muitipliées, ils les détruisent: 
au moyen de lavages répétés au jus de tabac. 

Dans cette atmosphère attiédie et humide, les 
rosiers poussent rapidement et sont en pleine 
végélation au bout d’un mois. Quelques jours plus 
lard, on commence la cueillette (tig. 3), et, sitôt que 
les derniers boutons sont éclos et récoltés, l'horti- 
culteur démonte la serre qui les abrite pour la 
transporter un peu plus loin. On abandonne les 
rosiers qui ont fleuri jusqu'à l'hiver prochain. On 
les taille à nouveau et on les force encore une fois. 
Immédiatement après cette seconde récolte, les 
pauvres rosiers n'ont plus qu’à mourir : leur vie 
factice les a épuisés. Les forceurs les arrachent, 
brisent leurs tiges et les brülent. 

Les serres sont montées et démontées alternati- 
vement depuis le mois de novembre jusqu’au mois 
d'avril dans la région parisienne. A partir de la 
fin d'avril ou du commencement de mai, on con- 
tinue la culture en plein air. Quant à la cueillette 
quotidienne des roses, elle s'effectue vers la 
tombée de la nuit. Le jardinier tranche au sécateur 
les tiges fleuries, et, sitôt qu'il en a une brassée, 
il la porte dans des cuves d’eau disposées dans 
une cave fraiche, en attendant que des femmes 
s'en emparent pour les « parer » avant de les 
expédier. Elles assortissent les roses par douzaine, 
les lient avec du raphia et les entassent soigneu- 
sement dans des paniers capilonnés. Quelques 
heures plus lard, le chemin de fer ou des voi- 
tures de livraison les emportent vers les halles de 
Paris. Là, des cominissionnaires les achèteront 
pour les expédier aux fleuristes des grandes villes. 

Les roses forcées se vendent en gros 10 à 
{2 franes la douzaine en plein hiver, et mème de 
Jolies variétés, comme les « Niel » ou les « Néron », 
atteignent 30 francs au mois de février. 

JaAcatEs BOYER. 


—— —— -— a — 


La repeuplement des chasses 


On cilesouvent comme cxemple d'amourimaternel 
la perdrix fuyant, trainant l'aile, comme grave- 
ment blessée, pour attirer sur elle ct le détourner 
de ses jeunes le chien qui vient de découvrir la 
nichée : mais aucun des auteurs qui rapportent ce 
fait ne nous dit si c'est la mère ou le père qui fait 
preuve de pareil dévonement. 


par le syslème de l'adoption. 


Chez la perdrix grise, les sentiments de famille 
sont peut-êtie plus développés chez le mâle que 
chez la femelle. et les chasseurs — les sporismen 
sont terribles — ont su mettre à profit ces senti- 
ments intimes pour assurer le repeuplement de 
leurs chasses et se préparer de nouvelles victimes. 

Repeupler une chasse en perdrix parait la chose 


N° 1:33 


la plus simple du monde. En théorie, il suffit de se 
procurer — et les dénicheurs abondent malheureu- 
sement — des œufs de perdrix, de les mettre en 
incubation sous une poule, de faire élever les jeunes 
qui en éclosent par la même poule, en leur four- 
nissant une nourriture convenable, œufs de four- 
mis, pâtées aux œufs durs, etc., puis de les lâcher 
dans la plaine lorsqu'ils sont en âge de se passer 
de leur mère. Malheureusement, ces jeunes oiseaux 
présentent un grand défaut; entourés de soins 
assidus dès leur naissance, ils ne craignent ni 
l’homme ni les autres ennemis qu’ils ne connaissent 
point, aussi succombent-ils en masse, traqués par 
les renards, les putois, les fouines et les oiseaux 
de proie; ils ignorent les ruses et les moyens de 
défense de leurs pères habitués à la vie libre, ils 
ne savent se raser, se dissimuler, s’effacer derrière 
une feuille, un brin d'herbe, et s'ils échappent 
à tous ces dangers jusqu’au moment de l'ouverture, 
la poursuite d’un chien les prend au dépourvu, 
l'approche d'un chasseur leur suggère plutòt le désir 
de se porter à son approche, de se percher sur son 
épaule et même sur le canon de son fusil plutòt 
que de fuir. Ils sont tout le contraire des oiseaux 
de sport que le chasseur désirait. 

Il leur manque cette éducation, cet apprentissage 
de la vie libre que seuls peuvent leur donner des 
oiseaux sauvages. 

Les chasseurs ont d’abord essayé de faire couver 
ia mère dans leurs parquets et de lui confier l’édu- 
cation des jeunes, mais la mère, tant qu'elle est 
dans une prison étroite, se dérobe à tous ses devoirs 
de maternité. 

On a tourné la difficulté en faisant adopter par 
des sujets sauvages les jeunes perdreaux éclos sous 
une poule, et, fait très curieux,c’est le mâle qui se 
prête à cette combinaison. 

Les sujets dont on veut faire des parents adoptifs 
sont repris avec l’aide d’une mue avant la pariade 
et conservés captifs jusqu’au moment où l’on veut 
s'en servir. 

Lorsqu'on donne des jeunes à une femelle, 
celle-ci en fait peu de cas, et si on les lâche 
ensemble, elle les abandonnera presque tout de 
suite, pour rechercher un époux disponible et créer 
encore, malgré la saison avancée, une famille véri- 
tablement à elle. Le mâle, au contraire — peut- 
ètre parce qu’il ignore les peines et les joies de 
l'incubation, —une fois qu’il accepte les jeunes, ne 
les abandonne point et les considère à tous les 
points de vue comme ses propres enfants. 

Nous disons: une fois qu'il a accepté les jeunes, 
car l’affection paternelle ne s’éveille pas de suite 
chez le mâle, ce n’est souvent qu'un jour ou deux 
ou même trois après avoir vu, contemplé les jeunes 
qu'on lui destine qu’il se décide à les appeler à lui; 
jusqu’à ce moment il est intraitable, et de violents, 
mortels même, coups de bec arrêteraient les impru- 


COSMOS 45 


dents qui viendraient auprès de lui; aussi doit-on 
prendre quelques précautions dans les débuts. 

Voici comment il convient d'opérer. Dès que les 
jeunes, éclos sous une poule de la basse-cour, sont 
séchés, on dispose la boite d'adoption; cette boite 
se compose de trois compartiments ou plus exacte- 
ment de trois petites caisses accolées, ayant un 
couvercle à charnière, et les parois séparatives 
des compartiments sont à claire-voie avec barreaux 
assez rapprochés pour empècher la poule ou le 
màle perdrix de sortir tout en laissant passer les 
jeunes. 

Dans le premier compartiment on introduit la 
poule et ses petits, dans le troisième le måle per- 
drix; le compartiment du milieu, dont le couvercle 
reste ouvert afin qu’il y règne la pleine lumière, 
servira de cour aux ébats et de réfectoire pour les 
jeunes perdreaux. Le panneau à claire-voie du com- 
partiment du måle perdrix est doublé momentané- 
ment par un panneau grillagé qui empèche les 
jeunes de le rejoindre. 

Le måle, donc prisonnier dans cet étroit réduit 
et dans une demi-obscurité, n’a pour toute distrac- 
tion que la vue de ces petits perdreaux qui courent 
et mangent dans le compartiment du milieu; que 
se passe-t-il dans son cœur? nous ne le savons, 
mais au bout de peu de temps il les rappelle. On 
enlève le panneau grillagé, et bientôt les jeunes le 
rejoignent, il saccoure, fait entendre des glousse- 
ments, et les petits se glissent sous ses ailes. 
L'adoption est faite, et la poule aura beau les 
appeler à son tour, les ingrats, ils ne répondront 
plus à ses appels. préférant un père de leur race; on 
pourra donc supprimer la poule devenue inutile. 

Il s'agit maintenant de lâcher le måle et sa 
famille adoptive dans ja plaine, et cela le plus tòt 
possible, car l'éleveur n’aura plus à s'occuper des 
jeunes et le père commencera leur éducation de la 
vie libre tout en leur faisant trouver dans les 
champs leur nourriture; mais il faut, pour effectuer 
ce lâcher, opérer avec prudence, car si à ce moment 
le mâle était effrayé il prendrait son vol, laissant 
les jeunes qui ne pourraient le suivre, et tout serait 
perdu. 

Voici comment on opère généralement. De bon 
matin, le garde emporte la boite contenant le coq- 
perdrix et les petits et l'installe auprès d’un bon 
couvert, céréale ou prairie artificielle, situé loin 
des routes et des chemins, en ayant soin d'orienter 
le coté à ouvrir vers le couvert. Le panneau plein 
de la boite a été remplacé par un cadre garni de 
grillage métallique assez fin et glissant aussi dou- 
cement que possible dans les rainures pratiquées 
sur les cotés de la boite; à ce cadre est attaché un 
long cordeau de 20 à 25 mètres qui permet de le 
soulever à distance. Le garde se place aussi loin 
que possible, el cela derrière un buisson, une haie, 
de manière à se dissimuler autant que faire se 


AG COSMOS 


peut, et sans bruit il soulève doucement le panneau 
grillagé: dès qu'il y existe une ouverture suffisante, 
les jeunes, attirés par l'espoir de la liberté, sortent; 
puis le coq, lorsque la trappe est suffisamment sou- 
levée — souvent il aide lui-mème à la hausser, — 
sort à son tour, et la famille disparait. 

Si, par malheur, le coq aperçoit le garde mal dis- 
simulé derrière son abri, il s’effraye et prend son 
vol, laissant les jeunes, qu’on ne retrouve plus tard 
qu'avec les plus grandes difficultés; pour éviter 
pareil inconvénient, on a inventé un système de 
déclanchement automatique permettant de soulever 
graduellement et sans secousses la trappe gril- 
lagée, conditions essentielles de succès. Ce système 
employé par la plupart des gardes est, d'ailleurs, 
d’une simplicité exceptionnelle : sur un pieu terminé 
en forme de fourche on installe une branche hori- 
zontale qui servira de bras de levier. A l'une des 
extrémités de ce bras de levier se trouve suspendue 
une pierre d'un poids suflisant pour soulever la 
trappe, l’autre extrémité portera un seau plein d’eau 
de capacité suffisante pour faire équilibre à la 
pierre dont il est question, une ficelle, attachée vers 
le milieu de la longueur de cette dernière moitié 
du bras de levier et fixée à la porte-trappe de la 
boite, soulèvera celle-ci lorsque ce bras de levier 
s'élèvera, entrainé par le poids de la pierre. A cet 
effet, le seau est percé au fond d'un très petit trou 
par lequel l'eau peut s'échapper lentement. Le tout 
ayant été mis en place, le garde débouche le petit 
trou du fond du seau et s'éloigne; le seau se vide 
peu à peu, et par suite de sa diminution de poids, 
sous l’action de la pierre suspendue à l’autre extré- 


A1 jquiccer 1919 


mité, la trappe s'élève graduellement, lentement et 
sans secousses, au bout d'un certain temps, les 
jeunes sont libérés, puis le coq, et cela sans que 
la présence du garde, capable de causer une panique 
dans le troupeau, soit nécessaire. , 

Ce n'est évidemment qu'un résumé très succinct 
de l'art de l'adoption et du lâcher des perdreaux 
que nous venons de donner; les personnes qui dési- 
reraient de plus amples détails sur la façon de pro- 
céder trouveront des détails circonstanciés dans 
les ouvrages spéciaux, et particulièrement dans 
l'excellent volume de M. Leroy : {a Culture du 
gibier à plume. Notre intention n’a pas élé de 
faire aux lecteurs du Cosmos un cours de repeuple- 
ment de chasse, mais de leur signaler le fait assez 
bizarre du développement de l'amour paternel chez 
le coq-perdrix plutôt que chez la femelle. Et, autre 
point assez curieux, l'adoption ne réussit que très 
rarement avec les coqs-perdrix au caractère doux 
et familier, particulièrement avec ceux élevés en 
volière ; il faut des mâles ayant vécu à l’état libre, 
aussi sauvages que possible; le contact des hommes 
affaiblirait-il l'instinct de famille même chez le 
coq-perdrix où on ne croyait pas le trouver aussi 
développé ? | 

Ajoutons en terminant que l'adoption des faisan- 
deaux peut aussi se pratiquer, mais avec la poule 
faisane seulement — à l'inverse de la perdrix, la 
faisane accepte fort bien les jeunes qu'on lui offre 
dans des conditions identiques, tandis que le faisan 
mâle n’en a cure, — il est vrai que celui-ci est 
polygame tandis que les perdrix sont monogames. 

H.-L. A. BLANCHON. 





Un nouveau système de télégraphie automatique. 


La transmission automatique des télégrammes 
n'a jamais été en faveur en France. On lui préfère 
les divers systèmes manuels, surtout ceux de 
MM. Hughes el Bau-lot, dont l'usage se répand de 
plus en plus. A l'étranger, particulièrement en 
Angleterre, et surtout chez les Compagnies privées, 
les systèmes automatiques sont, au contraire, trés 
répandus, et on n'hésile pas & adopter toutes les 
améliorations de materiel, quelque lég'ies qu'elles 
soient. 

Rappelons que la transmission autonialique des 
dépèches nécessite la préparation préalable de la 
bande transimeltrice (perforation) et la traduction, 
à l'arrivée, des signaux Morse, lesquels se pré- 
sentent soit sous l'aspect de groupes de points et 
de traits on sous celui d'une ligne sinueuse, Le 
type le plus répandu de ces appareils est le vieux 
système Wheatstone auquel un inventeur, M. Creed, 
vient d'apporter une importante moditication. 

Dans tous les appareils de ce genre, la perfora- 


tion de la bande transmettrice peut ètre effectuée 
très rapidement par les machines à clavier, comme 
celles employées dans les systèmes Pollak-Virag et 
Siemens et Halske, que nous avons décrits ici même. 
Maisles autres opérations télégraphiques demeurent 
longues et pénibles. La principale réside dans la 
traduction, à l'arrivée, pour l'envoi du télégramme 
au destinataire ou pour la retransmission à un 
poste correspondant. M. Creed est parvenu à con- 
stituer un système récepteur imprimeur permet- 
tant de coiler purement et simplement la bande 
réceptrice sur la formule. De plus, pendant que 
s'effectue cette impression, un perforateur auto- 
matique, actionné par Îles courants de la ligne, 
agit sur une autre bande de papier, la perfore sui- 
vant une combinaison différente de celle qui est 
utilisée pour la transmission. Cette seconde bande 
constitue, d'ailleurs, toute l'originalité du système. 
C'est par son intermédiaire, en effet, que s'effectue 
l'impression des télégramines et qu'un organe 


N° 1433 


automatique perfore une nouvelle bande de trans- 
mission destinée à réexpédier automatiquement la 
dépêche à un autre poste si cette dépêche ne doit 
que transiter par le bureau. 

Nous allons expliquer sommairement comment 
fonctionne l'organe principal, le récepteur-perfo- 
rateur. 


Les courants de réception, alternativement de i 


l’un et l'autre sens, sont reçus dans un groupe 
d'électro-aimants polarisés dont l’armature, arti- 
culée en son milieu O, est prolongée par une tigeT, 
laquelle par conséquent effectue un rapide mouve- 
ment de va-et-vient, mouvement dont l'amplitude 
atteint son maximum à l'extrémité libre de la tige. 
Les oscillations sont ulilisées pour effectuer la 
commande d'un petit tiroir distributeur C destiné 
à diriger un courant d'air amené dans l'appareil 
par la tuyauterie A sur l’une ou l’autre face d’un 
piston P. 

Le piston est muni, de part et d'autre, d’une 
tige BB’ reliée à un système de leviers LL’ com- 
mandant les tiges DD’ convenablement guidées et 
frappant sur les perforateurs SS’. Un seul perfora- 
teur peut être abaissé par la réception d’un courant. 
Dans la position indiquée par notre schéma, le 
piston P, étant chassé vers la gauche par l’entrée 
de l’air sur sa face droite, a obligé le levier D’ 
à s'abaisser et à frapper sur la tige S’. Mais le 
levier D tombe dans le vide à còté de S. Il sera 
amené au-dessus de cette tige lorsqu'un second 
courant, chassant la lame T vers la gauche, provo- 
quera l'envoi d'un courant d'air sur fa face gauche 
du piston P. Les leviers B et L agiront sur D pour 
le pousser au-dessus de S. L et L’ sont des ressorts 
ramenant D et D’ dans leur position de repos, 
c'est-à-dire de non-utilisation. On remarque que 
les leviers D et D’ se terminent en réalité par deux 
branches. La branche supplémentaire appuie sur 
une tige régulatrice HH’ dont l'extrémité libre s’en- 
gage dans une roue dentée RR’ afin de régulariser 
l'arrèt de la bande de papier pendant la perfora- 
tion. Cette bande F est entrainée par une petite 
roue montée sur le même axe que les roues RR’, 
portant de légères pointes qui s'engagent dans le 
pointillé central du papier. L'arrêt s'effectue par 
l'intermédiaire des tiges régulatrices qui s'abaissent 
en même temps que les perforateurs et immobi- 
lisent l'axe et les roues. Un moteur électrique 
entraine cet axe par l'intermédiaire d’un équipage 
rectangulaire GG sollicité par un ressort. Les deux 
extrémités du rectangle appuient sur un disque | 
qui se trouve entrainé par friction; l'arrêt imprimé 
au moment de la perforation n'a donc aucune 
influence sur le moteur. 

Ajoutons enfin que le système d’électro-récep- 
teurs est commandé par un relais qui envoie le 
courant d’une pile locale dans les électros, ce cou- 
rant accomplissant le parcours dans un sens ou 


COSMOS 47 


dans l’autre, selon le sens du courant transmis sur 
la ligne. | 

Ce syslème est déjà employé depuis quelque 
temps par l'administration anglaise et par plusieurs 
Compagnies privées; son rendement est de 150 mots 
par minute, soit, par heure, environ 500 télé- 
grammes en simple et 800 en duplex. 

Il nous reste à examiner brièvement le système 
imprimeur. 

Cette impression s'effectue par l'intermédiaire de 
la bande réceptrice perforée qui est entrainée par 
un disque à pointes actionné par une crémaillère. La 
bande passe devant deux groupes de dix aiguilles 


` soumises à l’action de légers ressorts qui les pressent 


contre le papier et les obligent à pénétrer dans les 
perforations. Les aiguilles sont commandées par 
dix obturateurs, légères plaques minces percées de 
trous et capables de glisser à l’intérieur d’un 





SYSTÈME RÉCEPTEUR 
ACTIONNÉ PAR L'INTERMÉDIAIRE D'UN RELAIS. 


organe dit boite à cylindres. Chaque lame ou 
plaque peut prendre deux positions différentes de 
telle sorte que le déplacement des aiguilles, réglé 
par les perforalions du papier, peut déterminer 
une combinaison des lames. La boite à cylindres 
recoit par deux entrées différentes de l’air sous 
pression. Elle est percée de trous capables de cor- 
respondre avec ceux des lames lorsqu'une combi- 
naison a été effectuée. L'air suit alors ce chemin 
et se précipile dans l’un des cylindres de la boite. 
Là il rencontre un piston solidaire d'une tige ver- 
ticale relié au mécanisme frappeur d'une lettre. Ce 
mécanisme entre en action, et le caractère vient, 
comme celui d'une machine à écrire, frapper sur 
un ruban encreur sous lequel passe la banue du 
papier récepteur. Cette bande est entrainée ensuile 
entre deux cylindres actionnés par le mécanisme 
général de l'appareil pourvu d'un moteur élec- 


48 COSMOS 


trique. Nous n'insisterons pas sur les particularités 
relatives aux mouvements combinés des aiguilles 
sélectrices et des lames-valves; cette technique est, 
en effet, très compliquée. Ajoutons seulement, pour 
compléter l'étude sommaire de ce système télé- 
graphique, que la bande réceptrice perforée n'est 


pas utilisée directement pour la retransmission des , 


télégrammes lorsque ceux-ci doivent seulement 
transiter par le bureau. Elle permet seulement de 
confectionner automatiquement une nouvelle bande 
transmettrice semblable à celle qui a servi au 
poste de départ. Ce travail s'effectue dans le trans- 
lateur. On évite ainsi une nouvelle perforation 


11 JuiLLET 1912 


manuelle, toujours plus longue que la perforation 
mécanique et qui, de plus, nécessite l’immobilisa- 
tion d'un agent. 

Ce système télégraphique, qui ne sera certaine- 
ment jamais introduit sur les réseaux français, 
rend de bons services dans les administrations 
étrangères où le personnel est familiarisé avec la 
transmission automatique. Cependant l'emploi de 
l'air comprimé, qui est une nouveauté dans un 
appareil télégraphique, pourrait donner lieu à des 
mécomptes, cet agent étant d’une docilité relative. 


LUCIEN FOURNIER, 


Á © — © —— 


Le cinématographe pour tous. 


Les projections cinématographiques, toujours 
plus goütées des spectateurs, présentent cependant 
un grave inconvénient : les prises de vues sont des 
opérations trop difficiles et trop coûteuses pour pou- 
voir être effectuées par des amateurs; elles restent 
centralisées dans quelques puissantes Sociétés, 
qui ont les installations nécessaires : théâtres, ma- 
tériel spécial pour la prise du négatif, son déve- 
loppement, le tirage de la bande positive, etc. On 
en est donc réduit à acheter les bandes positives 
toutes prêtes. 

Or, dans beaucoup de cas, on aimerait à pouvoir 





F1G. 1. — L'APPAREIL OLIKOS. 


enregistrer soi-même des scènes animées qui lais- 
seraient d’agréables souvenirs ou fourniraient une 
précieuse documentation; il faudrait un cinéma- 
tographe transportable, qui puisse suivre l'amateur 
dans tous ses déplacements. 


L'appareil « Olikos » (fig. 4) a été construit spé- 
cialement dans ce but. C'est, en somme, un appa- 
reil photographique ordinaire, contenant un ma- 
gasin de 18 plaques, 6,5 X 9 cm?, et muni d’un 
dispositif spécial à manivelle. 

Pour prendre une vue animée, on dispose l'appa- 
reil sur un pied solide, et on tourne la manivelle 
d’un mouvement régulier. Un mécanisme intérieur 
met en marche, d'une part, l’obturateur quidécouvre 
etmasquealternativement l'objectif, et, d'autre part, 
déplace automatiquement la plaque négative après 
chaque prise de vue. Au fur et à mesure que l'opé- 
rateur actionne la manivelle, les vues s'inscrivent 
d’abord au haut de la plaque sensible, se rangeant 
à côté les unes des autres, sous la forme de petits 
rectangles de 8 millimètres de large et 7 millimètres 
de haut, au nombre de 7 pour la première rangée; 
la plaque se déplace alors automatiquement de bas 
en haut pour l'inscription d'une seconde rangée de 
7 vues, la huitième vue immédiatement au-dessous 
de la septième, et ainsi de suite jusqu'à la douzième 
et dernière rangée de ladite plaque qui contient un 
total de 84 petits rectangles reproduisant chacun 
un instantané de la scène animée qui se déroule 
dans le champ de l'objectif (fig. 2). 

La première plaque complètement impressionnée 
est alors escamotée et remplacée par une seconde 
sans qu'il se produise la moindre interruption dans 
la prise des vues. On peut ainsi employer sans 
interruption les 18 plaques du magasin, ce qui 
donnera une vue animée composée de 1512 petits 
clichés; naturellement, rien n'empêche de s'arrêter 
et de conserver pour un autre sujet les plaques 
non impressionnées. Le photographe sait toujours 
où il en est, grâce à un compteur qui lui indique 
le nombre de plaques déjà utilisées. 

Les sujets une fois pris, on passe au développe- 
ment des clichés. Cette opération se fait comme 
d'habitude, avec le matériel couramment employé 
et que possède tout photographe. llestbon, toutefois, 


Ne 1433 


de développer en mème temps les plaques relatives 
à un même sujet, pour éviter qu'elles aient des 
intensités différentes. Au moment du développe- 
ment, la seule précaution que devra prendre l’opé- 
rateur sera de numéroter les plaques de 4 à 18, 
dans l’ordre où il aura retiré celles-ci de l’appa- 
reil, en inscrivant les numéros dans un des angles 
de chaque plaque. Cette précaution prise, l’ama- 
teur n'aura plus qu'à développer les dix-huit néga- 
tifs, comme nous venons de le dire. 

Le tirage des positifs deslinés à la projection ne 
présente rien de particulier. Il s’opère au châssis- 
presse, comme lorsqu'il s’agit d'obtenir une épreuve 
ordinaire sur verre ou sur papier. 

La projection animée des plaques positives est 
très facile à réaliser, car l'appareil qui a servi à la 
prise des négatifs sert également à projeter les 
positifs. il suffit de placer ceux-ci dans le magasin, 
dans l'ordre voulu, qui est indiqué par les numéros 
inscrits sur chaque plaque. On met derrière l'appa- 
reil une lanterne de projection, éclairée à l'alcool 
ou à l'électricité. 

La projection des vues s'opère sur un écran de 
1,20 m environ de côté, placé contre le mur, à 
4 mètres de l'appareil. Comme pour la prise de 
vues, l'opérateur n'aura qu’à tourner la manivelle 
de l’appareil du même mouvement régulier et con- 
tinu pour voir se reproduire sur l'écran, en un 
tableau lumineux, la scène animée qu'il aura pho- 
tographiée. 

Comme on le voit, toutes les manipulations sont 
excessivement simples, et tout le monde peut 
devenir un habile opérateur cinématographiste 
avec |’ « Olikos ». Ce n'est pas le seul avantage de 
cet appareil. 

Non seulement les plaques, incombustibles par 
leur nature même, donnent plus de sécurité que 
les bandes de celluloid, si dangereuses; elles sont 
de plus très économiques. Les 1512 vues que 
donnent 18 plaques 6,5 X 9 cm° reviennent, tout 
compte fait, à 4 francs; elles sont l'équivalent de 
90 mètres de pellicule dont le prix (négatif et positif} 
dépasse de beaucoup 50 francs, Une disproportion 
semblable existe entre les prix des vues qu'on 
trouve tout impressionnées dans le commerce. 





COSMOS 19 


Enfin les films, peu solides, se détériorent faci- 
lement, alors que la durée des plaques, sans acci- 
dent, est indéfinie. 

Évidemment, cet appareil d’amateur n’a pas la 
prétention de lutter contre les grands cinémaio- 
graphes capables de dérouler des milliers de mètres 


CAE RA 
Kaa Lot E 

a LA Ss es 
um, T rs Eu em, fg 


Kat, Ka LS trs + “x 
7 A eo LL ak Í 


=- 


ASS A 


Gi 
LE 





F1G. 2, — UN POSITIF OBTENU AVEC L'APPAREIL OLIKOS 


de bandes pour un même sujel. Tel qu'il est cepen- 
dant, il peut intéresser les personnes désireuses de 
conserver des souvenirs de famille « vivants », pour 
ainsi dire: les voyageurs qui veulent rapporter 
des documents intéressants, les conférenciers qui 
peuvent ainsi accroitre l'intérêt de leur récit, les 
professeurs, dont l’enseignement est plus profitable 
lorsqu'il est accompagné par l’image. C'est bien le 
cinématographe mis à la portée de tous, la diffu- 
sion d’un appareil qui présente de multiples avan- 
tages sur la photographie ordinaire. H. C. 


L’océanographie pendant l'antiquité 


Quand on se met en route, la première condition 
est de bien savoir où l’on va. De même, lorsqu'on 
se propose de traiter un sujet, ce que j'ai à faire 
en ce moment, la première condition est encore 


(4) Conférence faite à l’Institut maritime, le 25 no- 
vembre 1911, par M. J. Thoulet, professeur à la Faculté 
des sciences de Nancy (Ligue maritime, supplément 
d'avril 1912). 


de savoir exactement où l’on va soi-même et où 
l'on prétend conduire l'auditoire qui vous fait 
l'honneur de vous prêter son attention. Or, Je vais 
entreprendre avec vous un grand voyage à travers 
le temps, depuis l'antiquité la plus reculée jusqu'à 
l'époque actuelle, et comme nous vivons en un 
siècle où les choses se voient, se sentent, s'ap- 
prennent et quelquefois même s'oublient vite, vite, 


50 COSMOS 


vite, sans cesse plus vite, il est indispensable de 
condenser, de raconter beaucoup en peu de mots 
et, s’il est possible, de tout résumer sous la forme 
d’une sorte de thèse, d’une formule aisée à garder 
dans la mémoire. | 

Voici où je voudrais vous conduire. 

D'abord, vous prouver que l'océanographie, que 
l'on croit être une science nouvelle, est, en réalité, 
très ancienne. 

Ensuite, que les Français, que nos compatriotes 
ont pris une part considérable — j'allais dire ont 
pris la part la plus considérable — au développe- 
ment des connaissances relatives à la mer; plus 
qu'aucun autre peuple, ils ont contribué à en faire 
une véritable science complètement digne de son 
nom. Le P. Fournier, Marsigli, Buache, de Bory, 
Lavoisier, Aimé, de Roujoux, Delesse, pour ne 
citer que les principaux d’entre eux, ont exécuté 
de magnifiques travaux, accompli d’admirables 
découvertes. Malheureusement, trop parmi eux 
sont morts à la tâche sans recevoir la récompense 
à laquelle ils avaient droit, une humble parcelle, 
je n'ose dire de gloire, mais seulement de cette 
notoriété, de cetle reconnaissance publique qu'ils 
avaient pourtant achetée assez cher. C'est avec un 
sentiment de douloureuse émotion que nous 
sommes forcés de constater la profonde ignorance 
où nous sommes, nous Français, de ce qui a été 
fait par des Français. Hélas! je l’avoue, moi qui 
m'occupe d’océanographie depuis plus d'un quart 
de siècle et qui ai dû apprendre seul le peu que je 
sais, j'ai été trop souvent chercher les renseigne- 
ments dont j'avais besoin chez les Anglais, les 
Allemands, les Norvégiens ou les Américains, à 
droite, à gauche, partout, et c'est seulement très 
tard, petit à petit et comme par hasard, que j'ai 
appris que les découvertes que j’admirais sous des 
norus étrangers élaient en réalité françaises, bien 
françaises, tout ce qu’il y a de plus françaises. Je 
n'incrimine personne... que nous, car enfin Île 
monde es! nn vasle champ de bataille, et plus on 
ailirme le progrès, l'approche de l’âge d'or, plus la 
bataille devient äâpre et féroce. Chacun pour soi, 
et tant pis pour les timides, les faibles et les 
indifférents. On a trouvé que ce qui était bon à 
prendre pouvait et devait s’annexer, d'autant 
mieux qu'on ne le défendait pas; alors on a 
annexé. Le pis est que nous nous sommes rendus 
complites de ce déni de justice dans l'ignorance où 
nous resiions de ce qu'avaient accompli, au prix 
de tant de misères et de labeurs, nos pauvres 
grands hommes de compatriotes. Eh bien! dans 
cette breve esquisse du développement de l'océa- 
nographie à travers les âges, sujet que malgré 
mes efforts il me sera impossible d'achever en 
moins de trois ou quatre conférences, je vais 
chercher à détruire en vous l'ignorance de ce qui 
a été fait en France pour l’océanographie, En y 


11 JuiILLET 1949 


mettant toutes mes forces, toute ma bonne foi, 
mon entière conviction, je veux vous conduire à 
un acte d'équité, à la connaissance des œuvres de 
nos compatriotes, à celle de leur histoire, quelque- 
fois aussi triste qu'un martyrologe, au respect de 
la mémoire de ceux qui trop souvent ont été à la 
peine sans avoir été à l'honneur; en un mot, à la 
glorification de nos océanographes de France. 
Commençons par le commencement. Sans 
remonter au déluge, ce qu’à la rigueur je pourrais 
faire et peut-ètre mème, en y réfléchissant, vous 
en dirai-je un mot, je serai bien obligé de vous 
parler de ce qui, sans être de l’océanographie, 
a conduit à l’océanographie, c'est-à-dire de navi- 
gation et de géographie. Avant de vous citer des 
Français, il me faudra, comme le Petit-Jean de 
Racine, vous entretenir « des Serpents et des Babi- 
boniens » qui vivaient avant les Français. Rassurez- 
vous, je serai bref; seulement, laissez-moi en 
appeler à votre bienveillance: il n'est pas très 
facile, je vous assure, de raconter ce qu'était 
l'océanographie à l'époque où locéanographie 
n'existait pas. E a 
 N'existait pas..... Jai tort de me servir de ce 
mot; le jour existe aussitôt que l'aurore commence 
à poindre, et, dès l’antiquité, nous voyons se 
lever l’aube de l’océanographie. Depuis le moment 
où, sur son radeau de branches d'arbres liées 
ensemble, le plus grossier des bateaux, l'homme a 
réussi à flotter et àse diriger tant bien que malsur les 
eaux, il a bien été forcé de regarder ce qui se pas- 
sait surla mer autour de lui. Quand il avait besoin 
d'aller de la terre à l'ile voisine pour y chercher des 
coquillages plus abondants ou des œufs d'oiseaux 
destinés à apaiser sa faim, ou bien afin d'y mettre 
en sùreté sa famille et ses misérables richesses en 
cas de danger, et qu'à leur hauteur, mesurée de 
l'œil, À reconnaissait que les vagues étaient dan- 
gereuses pour son frèle esquif, il remettait son 
voyage au lendemain. Pour aborder au rivage et 
choisir la plage la moins abrupte ou bien le coin 
de rocher le plus accore, il enfonça dans la mer la 
perche qui lui servait d'aviron, apprécia la profon- 
deur de l’eau et fit son premicr sondage. Plus tard, 
devenu plus audacieux, il s'éloigna davantage. et 
quand, surpris par la nuit, il perdit sa route, il 
regarda le ciel, s'orienta par les étoiles et fit de 
l'astronomie nautique; lorsque la brume, l’envelop- 
pant soudainement, le rendit incapable de se 
diriger, s’il était près de terre, il hurla un appel à 
ses compagnons restés sur le rivage et fit ainsi des 
signaux phoniques; ou bien, se sachant trop loin 
pour être entendu dans des parages inconnus, il 
apprit à lâcher des oiseaux et à les suivre tandis 
qu'ils fuyaient à tire d'aile vers la terre. Ainsi 
naviguèrent les Scandinaves et, avant les Scandi- 
naves, les Phéniciens, le vieux Noé — vous voyez 
que j'en arrive au délnge. Je m'en tiens là et je me 


No 1435 


garderai de vous énumérer, d'après le P. Fournier, 
les dimensions exactes de l’arche avec ses disposi- 
tions intérieures et extérieures. D'ailleurs, ce serait 
de l’architecture navale, qui n’entre pas dans mon 
sujet. Au total, les hommes ont fait de l'océanogra- 
phie de tout temps, par nécessité, sans s’en douter, 
comme M. Jourdain faisait de la prose. 

Cessant maintenant de considérer les hommes 
isolés pour nous occuper des peuples, il est évident 
que c’est parmi ceux qui, pour vivre, furent obligés 
de naviguer que nous constaterons l'apparition 
des premiers rudiments de l'océanographie. Les 
naturels des iles du Pacifique, lorsque Cook décou- 
vrit leur existence, étaient de hardis et habiles 
marins. Nous n'irons pas évidemment chercher 
chez les Helvètes les plus anciens océanographes. 
Il s'agit d’autrefois, d'il y a très longtemps, car 
aujourd'hui les conditions ont changé, et la preuve, 
c’est que l’un des savants qui ont le plus rendu de 
services à l’'océanographie, le D' A. Forel, l'auteur 
de la belle monographie du lac Léman, est un 
Suisse, un Helvète. Mais n’allons pas trop vite et 
restons dans l’antiquité. 

Les peuples des régions maritimes, consciemment 
ou inconsciemment, ont été les premiers océano- 
graphes : les Phéniciens, les Grecs; au moyen àge, 
les Scandinaves, les Portugais; après eux, les 
Espagnols, les Génois, les Vénitiens ; plus tard, les 
Hollandais, les Anglais. Plus tard encore, la poli- 
tique aidant, on voit s'occuper des choses de la 
mer et s’y montrer mailresses des races habitant 
des pays touchant à peine l'océan, comme l'Alle- 
magne. On trouverait déjà, mème dans l'antiquité, 
des exemples de cette anomalie apparente: les 
Égyptiens, les Assyriens, les Juifs, peu ou beaucoup, 
n'ont pas pu rester absolument indifférents à 
locéanographie. L'histoire faite à coups d hommes, 
lesquels restent toujours les mêmes tout ens’agitant 
continuellement, demeure toujours aussi essentiel- 
lement la même et suit des lois fatales aussi inexo- 
rables que celles de la chimie, de la physique ou 
de la mécanique. C’est pourquoi elle ne cesse de se 
répéter avec de simples variantes, donnant souvent 
lieu à des phénomènes en apparence diamétrale- 
ment opposés et qui sont cependant la plus frap- 
pante confirmation de la règle. Une pierre qui 
tombe et un ballon qui monte verlicalement à 
travers l’atmosphère n'obéissent-ils pas tous deux 
aux lois de la pesanteur? 

Dans une contrée découpée, où la mer pénètre 
par mille passages, comme en Grèce ou en Norvège, 
aux rivages hérissés de golľes, de caps, de fjords, 
d'iles, serait-il possible que les habitants n'aient 
pas été dans l'impérieuse nécessité de naviguer, et, 
la navigation étant alors difficile, pénible, dange- 
reuse, comment admettre qu'ils n'aient pas eu l'idée 
de tenter, de vaincre ces diflicultés, sinon d'en 
diminuer la gravité, en regardant attentivement 


COSMOS 51 


ce qui se passait autour du navire qui les portait : 
le ciel au-dessus d'eux, les vagues et les courants 
à la surface, la profondeur de la mer au-dessous 
d’eux, c'est-à-dire en faisant de l’océanographie en 
même temps que de la navigation? 

Un mouvement n'est le plus souvent que la résul- 
tante d'un ensemble de causes. Tout en ce monde 
est une addition algébrique, un mélange de signes 
additifs et soustractifs dont le fait final est la 
somme. Îl se produisit un balancement, une com- 
pensation des diverses causes. Les Grecs sont navi- 
gateurs parce que leurs côtes sont découpées, et les 
Phéniciens parce que les leurs sont rectilignes, 
presque sans havres ni criques, et des ports qui 
sont à peine des creux de rochers. La Grèce pos- 
sède de vastes forêts pour la construction des 
vaisseaux, et la Phénicie et le Liban, mais les 
Égyptiens, les Assyriens, les Juifs n'ont rien, et 
quand il leur faut aller sur les eaux, ils sont forcés 
de se servir des Grecs et plus encore des Phéni- 
ciens. Tout s'en mèle, jusqu’à la politique, que nous 
ne parvenons pas à éviter, même en océanogra- 
phie. Phéniciens, Grecs, Scandinaves ct d'autres 
encore sont portés à courir les mers tantôt parce 
que leur pays est trop pauvre ou trop petit pour 
les nourtir, tantôt parce qu'il est gouverné par 
une main puissante, tantôt parce que leur état 
social est presque de l'anarchie. Luttes continuelles 
de peuple à peuple, de clan à clan, d'homme à 
homme, population toujours partagée en deux 
camps, vainqueurs féroces auxquels tout est per- 
mis, vaincus qui n'ont d'autre salut que la fuite 
à travers les eaux. Elissa, sœur de Pyæmalion, est 
forcée de s'éloigner de Tyr et va fonder Carthage 
parce que son frère a assassiné son mari Sichée. 
Les Grecs font de l’essaimage, de la colonisation 
pour les mêmes motifs qui conduisent encore les 
Norvégiens au delà des mers, les obligent à décou- 
vrir tout le nord-ouest de l’Europe, l'Islande, le 
Groenland, l'Amérique, 500 ans avant Christophe 
Colomb. Une circonstance minéralogique vient 
contribuer à ces exodes réitérés: la Norvège, qui 
ne manque pas de bois pour construire ses navires, 
n’a pas de pierres pour bâtir des forteresses, car 
son sol n’est que roche compacte, dure, massive, 
dont les misérables marteaux de bronze sont 
impuissants à détacher des fragments ; 
châteaux forts, n'ayant pour s'abriter que des 
huttes petites ou grandes, mais rien que des huttes 
de bois que quelques flèches enflatnmces sutlisent 
à incendier; point de feodalité durable, personne 
ne reste longtemps le maitre, et chacun à son tour 
est obligé de prendre la « route des cygnes ». Au 
contraire, les Portugais du moven àge seront 
redevables de leurs conquêtes maritimes À ia dlirer- 
tion unique, ferme et durable d'une volonté prin- 
cière, celle d'Henri le Navigateur. 


Sadiis 


(.{ suivre). J. TuicULET. 


52 | COSMOS 


11 sunrrr 1919 


SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADEMIE DES SCIENCES 


Séance du 1°" juillet 19172. 


PRÉSIDENCE DE M. LIPPMANN. 


Sur le spectre continu des vapeurs métal- 
liques et la photosphère solaire. — M. Gory a 
montré que les flammes chargées de sodium produisent 
un spectre continu assez intense, qui n'exige pas du 
reste une densité de vapeur métallique considérable, 
pourvu que la vapeur occupe une épaisseur suffisante. 

Il estime que le spectre continu de la photosphère 
peut s'expliquer bien aisément, et sans faire intervenir 
de densités de vapeur considérables. Ainsi, une couche 
de 1 000 kilomètres d'épaisseur. opaque à un millième 
près pour tout le spectre, contiendrait, de chacun des 
métaux qui fournissent le rayonnement, une quantité 
qui serait de l'ordre de un kilogramme par kilomètre 
eubc: c’est la densité de la matière dans des tubes de 
Crookes. 

Il est done vraisemblable que les parties du Soleil 
qui nous envoient des radiations. et sont ainsi acces- 
sibles à notre vue, ne contiennent des vapeurs métal- 
liques qu’à un degré de raréfaction extrème. 


Les mouvements verticaux de la tour Eiffel. 
— Les oscillations de la tour Eiffel dans le sens hori- 
zontal ont été déterminées avec grande exactitude par 
le Service gtographique; sous leffort du vent, elles 
atteignent un décimètre au sommet: sous l'action du 
ravonnement solaire. ces déplacements atteignent le 
double. | 

M. GuiLrauuE a entrepris de déterminer les mouve- 
ments verticaux de l'édifice. Ses observations ont eu 
pour objet Ja distance de la seconde plate-forme au 
sol (116 m). 11 ÿ à employé un fil invar, fixé en bas à 
un piquet, et en haut à l'extrémité d’un levier dont 
Vautre branche, chars te d’un poids tendeur, inscrivait 
les moindres mouvements sur un tambour. 

Avec une certaine tension, le coeficient de dilata- 
tion du fil pent ètre considéré comme nul. Les résul- 
tats sont done ceux dus aux déplacements de la 
plate-forme par ła température; ils atirisnent de 
2 à » centimeétres. Mais un autre élément intervient, 
c'est la courbure du fil sous l'effort du vent, courbure 
toujours notable, si faible que soit le déplaccment de 
l'air. On constate que cette courbure varie continuelle- 
ment et à intervalles très rapprochés. Un shuple caleul 
permei de reconnaitre que le vent courbe le fil et 
diminue la distance rectiligne de ses extrémités. pro- 
poitionneiiement au carré de la fleche, laquelle est, 
elle-imûme, proportionnelle au carré de la vitesse du 
vent. Ces variations de la distance des extrémités 
donnent le parametre de la parabole ainsi formée, ve 
qui permet de calculer les éléments, flèche et vitesse 
du vent. L'appareil est donc, en méme temps qu'un 
thermographe, un anémographe d'une grande puis- 
sance. 


Influence des variations brusques de tem- 
pérature sar la respiration des plantes. — 
L'action des variations brusques de température sur 
la respiration des plantes produirait, d'après Palla- 
dine, une excitation de l'intensité respiratoire, et cette 
conclusion, devenue classique, n'a soulevé, jusqu’à 
présent, aucune contradiction. M. L. BLaxc estime que 
l'étude critique des expériences du savant physiolo- 
giste permet de faire à ses procédés expérimentaux 
de graves objections; il à repris une série d'exp“- 
riences qui l’ont conduit à la conclusion suivante! 
Les variations brusques de température ne déter- 
minent aucune excitation de la respiration. Entre 
l'activité respiratoire correspondant à une tempéra- 
ture donnée et celle correspondant à une température 
différente, le passage se fait graduellement en com- 
portant toutes les aclivités respiratoires intermédiaires 
entre celles des températures extrèmes. 


Effet électrolytique du courant électrique 
continu sur les cellules des plantes vivantes. 
— Les études de l'influence de l'électricité sur les 
plantes continuent à se poursuivre activement. 
M. Faaxçois Koœvessi leur apporte une nouvelle contri- 
bution. Ses expériences ont décelé les faits suivants : 

1° Le courant électrique continu a non seulement 
une influence indirecte, mais aussi une influence 
directe sur les plantes vivantes; 2? l'influence directe 
de l'électricité sur les plantes vivantes se base sur les 
phénomènes électrolvtiques; 3° la membrane proto- 
plasmique, sous l'influence de l'électricité, perd sa 
nature semi-perméable et laisse échapper les électro- 
lytes des cellules; #° sous l'action de l’électricité, les 
matières albuminoïdes de la cellule se comportent à 
la facon des électrolytes; leurs ions s'échappent de la 
cellule et se dirigent vers les électrodes positive ou 
négative, conformément à leur nature électrolytique. 


Sur un nouveau microscope stéréoscopique 
à un seul objectif. — M. A. Quinor présente le 
microscope binoculaire stéréoscopique que vient de 
construire Ja maison Nachet. L'instrument donne un 
relief saisissant des obiets avec un grossissement de 
19 à #00 diumctres, alors que les loupes et micro- 
scopes binoculaires à deux objectifs ne peuvent dé 
passer 80 diamètres. Il a sur ces instruments le double 
avantage de permettre l'emploi d'objectifs à distance 
frontale très faible, et par conséquent puissants, et 
d'utiliser les objectifs du mi:roscope ordinaire. 

Le faisceau lumineux fourni par l'objectif est par- 
tagé, par deux prismes, en deux parties symétriques 
qui sont envoyées chacune à un des deux oculaires, 
dont la distance s'ajuste à la distance des yeux de 
l'observateur. 


Immunisation vaccinale passive et séro- 
thérapie. — Les propriétés immunisantes du sérum 
des animaux guéris d'infection pouvant parfois donner 
des résultats favorables dans le traitement des ma- 
ladies humaines similaires, on a essayé depuis long- 
temps d'instituer une thérapeutique de la variole, au 


N° 1133 


moyen du sérum des animaux vaccinés, mais les 
résultats ont été négatifs ou peu encourageants. 

M. L. Cauus ayant cherché, par des expériences 
sur le lapin, à élucider la cause des insuccès, aboutit 
à la conclusion que, employée préventivement, la 
sérothérapie antivariolique peut se montrer efficace; 
nais, après le début de l'infection, son influence de- 
vient douteuse, et plus on avance dans la phase d'in- 
cubation, plus faibles sont les chances de succès; 
passé cette phase, elle devient sans effet sur l'éruption. 


Sur la présence du manganèse dans la 
série animale. — MM. Gasriez BErnTranD et F. Meur- 
GRECEANU, qui ont déjà montré que le manganèse existe 
normalement, au moins à l’état de traces, dans le sang 
et les organes de l’homme et des animaux supérieurs: 
mammifères, oiseaux et poissons, ont entrepris des 
recherches pour savoir si la présence de ce corps est 
générale chez tous les animaux, et ils l'ont recherché 
et mème dosé dans une série d'espèces appartenant 
aux divers groupes zoologiques, jusques et y compris 
les échinodermes. Ils donnent les résultats de leurs 
expériences qui sont affirmatives. 

Ils ont observé, au milieu d’autres faits, que les 
mollusques gastéropodes et lamellibranches sont parmi 
les animaux les plus abondamment pourvus de man- 
ganèse. Chez le vignot, la lymnée, le peigne Saint- 
Jacques, ils ont dosé plusieurs milligrammes de métal 
pour 100 grammes d'animal extrait de la coquille. 


L’encéphale de l’homme fossile de La 
Quina. — Il a été étudié par M. KR. Axruoxy. Il se 
rattache étroitement au type de celui de l’homme de 
La Chapelle-aux-Saints. Les ditlérences susceptibles 
d’être relevées entre les moulages endocräniens de ces 
néanderthaloïdes paraissent être ou purement indivi- 
duelles ou en rapport avecla différence de sexe. Alors, 
en elfet, que M. M. Boule considère le squelette de 
La Chapelle comme étant de sexe masculin, M. Henri 
Martin attribue, non sans beaucoup de vraisemblance, 
celui de La Quina à une femme. Dans toutes ses 
dimensions, l’encéphale de l'homme de La Quina est 
sensiblement plus réduit que celui de l’homme de La 
Chapelle. 

Au point de vue du développement relatif du lobe 
frontal, l’homme de La Quina est, comme celui de La 
Chapelle, nettement intermédiaire aux hommes actuels 
et aux anthropoides. Ce développement, exprimé en 
centièmes du cerveau total, est représenté par les 
chiffres suivants: 


Homme actuel, moyenne............. 43,30 
Crâne de La Chapelle................ 35.75 
Cräne de La Quina................... 35,10 
Anthropoides, moyenne.......,..,... 32,20 


La moyenne, pour les anthropoides, a été prise sur 
8 animaux: 2 gibbons, 3 gorilles, 2 chimpanzés, 
i orang. 

Chez le chimpanzé, les chiffres extrèmes sont : 
35,90 et 30,50, Chez l’homme actuel, les chiffres extrèmes 
sont: 45,40 (Allemand du Sud) et 41,10 (Australiens). 


Fonds Bonaparte. — Le Comité chargé de pro- 
poser la répartition du Fonds Bonaparte pour 1912, 
fonds que le prince a généreusement élevé à 50 000 francs 


COSMOS DJ 


pour chaque annuité, donne ses conclusions et pro- 
pose les attributions suivantes : 


MISSION SCIENTIFIQUE DU MAROC 


1. M. GENTIL ................. 3 000 francs. 
2. M. PALLARY.......,... ..... 3000 — 
de M PITAND erana reparera 3 000 — 
t. M. Baceuiz................ 3000 — 
öö. M. LE MARTONNE........... 3000 — 
DIVERS 

6. M. Dunoyen..,............. 3 000  — 
7. M. HauET................. 3000 — 
8. M. Boxzen...,..,.....,.... 2500 — 
JMS BALDIT.204 55 menus 2500 — 
10: M. PASCALE: uen 2500 — 
11: M:-SCHÉEGÉL: Luis 2500 — 
12. M. SauvaGEau ............. 2000 — 
13. M. WezscH................ 2000 — 
14. M. BiEnnv................. 2000 — 
15. M. Mawas....,............ 2000 — 
16. M. Gauvez......,....,... .. 2000 — 


Pourquoi les équations différeutielles de la Méca- 
nique sont du second ordre, plutôt que du premier, 
ou, en d’autres termes, déterminent les accélérations 
des points matériels et non leurs vitesses. Note de 
M. J. BoussiNesc9. — Vitesse de décomposition de l’eau 
oxygénée sous l'influence de la chaleur. Note de 
M. Georges Lesoixe. — Restitution, aux points domi- 
nés, de leurs propriétés stéréoscopiques naturelles 
inverties sous l’action des points dominateurs, dans 
les stéréogrammes de cages pyramidales. Conclusions 
sur le déterminisme de l'inversion. Note de M. A. CHau- 
VEAU. — Sur la généralisation du théorème de Parseval. 
Note de M. W.-H. Youxc. — Sur la détente de la vapeur 
d'eau saturante, Note de M. A. Levee. — Sur les 
propriétés électriques des alliages Gu-5n. Note de 
M. R. Lepoux. — Phénomènes photo-électriques et 
absorption de la lumière. Note de M. G. ResouL. — 
Synthèse de l'acide x-phényl-14-diméthylhydrocinna- 
mique. Note de M°° Rauart-Lucas, — Hydrogénatiou 
catalytique de la benzylidéne-acétophénone: diphi- 
nylpropane et dicyclohexylpropane symétriques. Noto 
de M. FrëzovLs. — Méthode de synthèse de nitriles 
daus la série cyclanique. Note de MM. V. Gricnarn et 
L, BELLET. — Synthèses au moyen des dérivés organo- 
métalliques mixtes du zinc. Cétones halogénées a. 
Note de M. E.-E. BLase. — Sur les éthers ortho- ei 
para-méthoxybenzoyiglyoxyliques. Note de M. A. WauL 


et M. Dol. — Action de l'hydrazine sur les amino- 
cétones éthyléniques B-substituées. Note de M. Eure 
Axveé. — Sur les roches éruptives basiques asso“irs 


au granite de la Haya (pays basque). Note de 
M. Jacoues DE Lapparent. — M. C. Gerger étuilic ie latex 
du figuier, suc pancréatique vésétal à diastase pro- 
téolytique prédominante: entre autres proportions, le 
latex du figuier est cent fois plus présurant que le 
latex du mürier à papier. Fait remarquable : aiors 
qu'on serait porté à admettre, étant donnés les sacri- 
lives auxquels se livraient les anciens, que la premiero 
présure employée ait été celle de l'estomac des ani- 
maux, c'est le latex du figuier, qui, à l'époque bien 
lointaine de l’//iade et de Odyssee, ċtait seul utilisé 
pour la préparation des fromages. — Sur un cas de 
xénie chez le haricot. Note de M. Jeax Dassie. — 


5" COSMOS 


L'arcroissement inégal à l'époque de la puberté et les 
états pathologiques qu'il peut déterminer. Note de 
M. Pauz Gonix. — Excitabilité des nerfs itératifs, théo- 
rie de leur fonctionnement. Note de M. Louis LaPique. 
— L'arcade de Corti et ses connexions avec l’épithé- 
lium sensoriel. Note de M. E. Vasricar. — De l'action 


des sérums de primates sur les trypanosomes humains 


11 quizLET 191% 


d'Afrique. Note de MM. F. MEesxiz et J. RINGENBACH. — 
Synthèse de gluosides d’alcools à l'aide de l'émul- 
sine : méthylglucoside 4, éthylglucoside $ et propyl- 
glucoside 8. Note de MM. E. BourqueLor et M. Brivez. 
— Les Rhynchonelles portlandiennes, néocomiennes 
et mésocrétaciques du sud-est de la France. Note de 
MM. Cuanzes Jacos et Pau FaLLOT. 





BIBLIOGRAPHIE 


Réception des signaux horaires radiotélégra- 
phiques transmis par la tour Eiffel. Brochure 
in-8° (23 X 14) de iv-56 pages avec 21 figures, 
rédigée par le BUREAU pes LoxXGiTubes (1,75 fr). 
Librairie Gauthier-Villars. Paris, 1912. 


Depuis deux ans, des signaux horaires sont 
transmis deux fois par jour par la station radio- 
télégraphique militaire de la tour Eiffel. Ces signaux, 
destinés en principe à donner l’heure aux navires, 
n'ont pas tardé à être utilisés par les services 
publics et les particuliers qui ont besoin d'une 
heure précise tant en France que dans les pays 
voisins, et nombreuses sont déjà les installations 
uniquement destinées à leur réception. Le Bureau 
des longitudes, qui avait pris l'initiative de provo- 
quer leur envoi, se devait à lui-même d'aider à aug- 
menter encore leur diffusion en vulgarisant les 
divers modes d'installation des appareils de récep- 
tion à employer suivant les cas (grandeur et dispo- 
sition de l'antenne, prise de terre, détecteur élec- 
trolytique, détecteur à cristaux avec récepteur 
téléphonique) ainsi que la contexture des signaux. 
C'est L'objet des deux premiers chapitres de cette 
notice, ei nous savons beaucoup de nos lecteurs 
qui y trouveront un vii intéret. 

Le troisième chapitre concerne surtout les géo- 
désiens et les astronomes. Ils y trouveront exposée 
en détail la méthode pour la comparaison à dis- 
tance à moins de 0,0! seconde de pendules ou de 
chronomvcires par Fobservalion des coincidences 
de leurs battements avec les signaux rythmés émis 
spécialement par le poste de la tour Eiffel, méthode 
qui a élé mise au point sous les auspices du Bureau 
des longitudes et expérimentée avec un succès 
complet au cours des déterminations coniparatives 
de la différence de longitude Paris-Bizerte. 


Fortschritte der naturwissenschaftlich?n For- 
sepunæ, heransgescben von Prof. D° EE, Auper- 
HALON. Ink (25 XxX 18). Librairie Urban und 
Sehwarzenberg, 1. Maximilianstrasse, Vienne. 
Pewee [Y. Un vol. de 300 pages avec 440 figures. 
Piix 17 marks = 20 corone 40 hellen. 1912. 
Teme V. Un vol. de 320 pages avec [2 fizures, 1942. 


Eyi <= 


L'intéressante colle-lion des Progrés des sciences 
nafureiles s'enrichit assez régulicremert de deux 
volumes par an. 


. 

Voici les monographies que contiennent les deux 
volumes de 1912 : 

Tome IV. E. S. Loxvox, de Saint-Pétersbourg, 
Évolution des méthodes chirurgicales (procédé 
des fistules stomacales, etc.) pour l'étude de la 
digestion et de l'absorption (44 pages). — Haxs 
ZiCKENLRANT, de Basel, les Erpériences d'aérody- 
namique (58 pages). — F. /scHokke, de Basel, la 
Faune glaciaire ‘46 pages). — K. HEILBRONNER, 
d'Utrecht, /a Question de l'aphasie, avec examen 
des troubles des facultés intellectuelles et des 
fonctions motrices (74 pages). — WoLFrGANG PAUL, 
de Vienne, Chimie colloïdale des albuminoides 
(50 pages). — (Guvsrav EichHonx, de Zurich, la 
Téléphonie automatique (27 pages). 

Tome V. Pauz KauwErer, de Vienne, Origine 
des caractères sexuels, mémoire important de 
240 pages où l'auteur, après avoir apporté les don- 
nées des observations statistiques et autres, expose 
les théories explicatives et les met en regard des 
résultats obtenus par la castration chez les ani- 
maux et les végétaux, par les expériences de régé- 
nération des caractères sexuels et de transplanta- 
tion des glandes. — G. Ficnnonx, le Télégraphone 
de Poulsen (5 pages). — RoserT TIGERSTEDT, de 
Helsingfors, le Iteyime alimentaire de Uhomme 
adulte (54 pages). — G. AxnAUsEX, de Berlin, la 
Greffe et la transplantation des tissus et des 
organes (20 pages). 


Le vol sans battement, ouvrage posthume inédit 
de L.-P. MovriLann, reconstitué et précédé d'une 
Etude sur œuvre tynorée de L.-P. Mouillard. 
par ANDRÉ HENRY-COUANNIER. Un vol. de 480 pages 
avec une planche hors texte. Prix (10 fr). Librai- 
rie Aéronaulique, 40, rue de Seine, Paris. 1912. 


Après quarante années d'`observalions patientes 
du monde des oiseaux, Louis Mouillard, le plus 
intuitif précurseur du vol mécanique, celui dont 
l'influence est la plus profonde, est arrivé à expri- 
mer les principes fondamentaux de la locomotion 
rérienue. H lesdéveloppeen pages lyriqnes qu'éclaire 
une vision géniale de lavenir et qu'emporte un 
enthousiasme vibrant. 

IH faut lire le récit captivant de l'enquête qui 
permit à M. André Henrv-Couannier de reconsti- 
tuer cette uvre magistrale du père de l'aviation, 


N° 1433 


oubliée après sa mort, pendant quatorze années, 
dans les caves du consulat de France au Caire. Il 
yest mis en lumière à la suite de quelles circon- 
stances Louis Mouillard inventa, il y a plus de 
vingt ans, le « gauchissement » des ailes et la com- 
binaison du gauchissement et du gouvernail de 
direction; comment il communiqua sa découverte 
à l'ingénieur Octave Chanute, qui fut le maitre des 
deux frères Wright. 

L'auteur de l'Empire de l'air et du Vol sans 
battement est mort pauvre et ignoré au Caire le 
20 septembre 1897, mais ayant l'intuition que le 
vol mécanique allait être tout prochainement 
réalisé sur les bases qu'il avait imaginées et 
décrites. | 


La science des philosophes et l’art des thau- 
maturges dans l’antiquité, par le colonel 
À. DE Rocnas. Seconde édition augmentée de 
documents inédits. Un vol. in-8& jésus de 252 pages 
avec 24 planches hors texte (8 fr). Dorbon-Ainé, 
49, boulevard Haussmann, Paris. 


L'étude des sciences anciennes préoccupe aujour- 
d'hui tous ceux qui ne se bornent plus à envisager 
l'histoire comme une simple énumération de 
batailles ou de changements de régimes politiques, 
mais qui cherchent à déterminer la marche qu'a 
suivie l'esprit humain dans son évolulion. Une 
Société s’est même fondée dans ce but sous la pré- 
sidence du comte Vincenti (Piobb). 

Un de ceux qui ont apporté une très large contri- 
bution à ce genre d'études est le colonel de Rochas, 
qui, familier avec la langue technique des ingé- 
nieurs grecs, a traduit pour la première fois en 
français un grand nombre de leurs traités connus 
seulement auparavant par de mauvaises traduc- 
tions lalines dues à des érudits complètement 
étrangers aux sujets dont il était question. 

Il a débuté, en 41872, par la traduction, avec 
commentaires, des traités relatifs à l’attaque et à 
la défense des places, ouvrage qui fut honoré d'une 
médaille d’or par la Société pour l’encouragement 
des études grecques. 

Quelques années plus tard, il traduisit les traités 
de Héron et de Philon sur les Pneumatiques, c'est- 
à-dire sur les machines mues par le ressort de 
l'air comprimé. Il est à remarquer que les machines 
données pour exemple sont, presque toutes, de 
simples trucs employés dans les temples égypliens 
pour frapper l'imagination des foules en simulant 
des miracles. Telle est celle où il suffisait d'in- 
troduire une pièce de monnaie pour faire fluer 
l'eau lustrale, ou bien encore l'autel sur lequel, en 
allumant le feu du sacrifice, on provoquait l’écou- 


COSMOS DD 


lement de lait et de vin versés par les statues d’Isis 
et d’Osiris érigées de chaque côté de l'autel. 

Cet ouvrage, les Pneumatiques de Héron et de 
Philon, était devenu presque introuvable, et les 
quelques exemplaires qui se trouvaient d'oc- 
casion atteignaient 50 francs et même davan- 
tage. Aussi la librairie Dorbon-Ainé crut-elle bon 
de donner une nouvelle édition de ces traités pré- 
cédés d’une très importante notice sur l'Origine 
et le développement des sciences physiques dans 
l'antiquité grecque et suivis des divers fragments 
caractéristiques empruntés, soit à l'Optique et à la 
Catoptrique d'Euclide, soil au traité peu connu des 
Philosophoumena sur les pratiques employées par 
les mages babyloniens. 


Traitement mental et culture spirituelle (La 
santé et l'harmonie dans la vie humaine), par 
ALBERT L. CaiLier, ingénieur civil. Un vol. in-18 
de 400 pages (4 fr). Vigot frères, éditeurs, 
93, place de l'École de Médecine, Paris, 1912. 


Le traitement mental préconisé relève du mes- 
mérisme (dénommé, par une confusion très regret- 
table de mots, magnélisme), de l'hypnotisme, de 
la suggestion; l’auteur se réclame de la philoso- 
phie hiadoue, celle spécialement du yogi Rama- 
charaka, et de principes qui sont tout aux anti- 
podes de nos doctrines chrétiennes. Si nous signa 
lons ici un pareil livre, qu'on pourrait qualifier 
« le code médical de lilluminisme », ce n'est qu'à 
titre documentaire, à l'intention de ceux qui 
veulent connaitre la psychologie des « guérisseurs » 
et des sertes comme celles des Christian Scientists 
qui imaginent de guérir leurs maux tout simple- 
ment en niant Iès maux qu'ils éprouvent! 


Annuaireastronomique del'Observatoireroyal 
de Belgique, publié sous la direction de G. Ler- 
COINTE, directeur scientifique du service astrono- 
mique. Annee 1913. Un vol. de 516 pages avec 
planches pholographiques hors texte. Hayez, 
Bruxelles, 1912. 


Parmi les notices d'intérêt général insérées dans 
l'Annuaire, nous devons signaler la description d'un 
abaque construit sur les indications de M. Van 
Biesbroeck pour faciliter les calculs des posilions 
apparentes des éloiles; puis le précieux travail de 
M. Stroobant sur Les Progrés rerents de luxlrono- 
mie (année 1910). 


Cinéma. Annuaire de la projection fice et ani- 
mée. Deuxième édition (3,75 fr). Charles Mendel, 
J18, rue d'Assas, Paris, 1912. 


56 COSMOS 


A1 JUILLET 4912 


FORMULAIRE 


Conservation des bois. — M. E. Pinoy, ayant 
élé amené à faire des recherches sur la préserva- 
tion des bois contre les attaques du Merulius lacri- 
mans, champignon qui envahit les bois et les 
détruit rapidement, a fait connaitre à l'Académie 
des sciences le résultat de ses recherches. Il a songé 
à utiliser pour la conservation des bois les bichro- 
mates et la propriété qu'ils ont d’insolubiliser les 
gommes et la gélatine après exposition à la lumière. 
Il lui a été facile de constater que des fragments de 
bois, mis à tremper jusqu’à imprégnation complète 
dans une solution contenant 2 pour 100 de bichro- 
mate el 1 pour 100 de fluorure de sodium, deviennent, 
après séchage et exposition à la lumière, complè- 
tement indestruclibles par les moisissures. Si l’on 
recouvre alors le bois d’une solution contenant : 
gélatine S$ pour 100, bichromate de potasse 2 pour 
100, fluorure de sodium 0,5 pour 100, et qu'on 
l'expose de nouveau à la lumière, après séchage, 
on lui communique, en même temps qu'un vernis 
brillant très solide, une couleur brun acajou imi- 
tant le vieux bois. 

On sait les ravages que sont susceptibles de 


causer les champignons qui envahissent le bois. 

On peut aussi employer la gélatine bichromatée 
pour rendre aux bois attaqués une dureté suffisante. 
Dans ce cas, il est nécessaire, pour éviter la dissé- 
mination du champignon, de désinfecter les bois 
sur place avant tout traitement. 

Le meilleur désinfectant est celui qui pénétrera 
le mieux. Un mélange d’alcool dénaturé et de 
xylol contenant 4 pour 100 de sublimé donne les 
meilleurs résultats. 

Ce procédé de traitement des bois aura également 
son application contre leur envahissement par 
des insectes quelconques, notamment contre les 
yrillettes. 

La Vature indique contre ces insectes un auire 
procédé: on met les meubles attaqués dans une 
pièce calfeutrée, on allume sur un plateau de zinc 
un mélange du poids de 45 de soufre et 4 de sal- 
pètre (4600 grammes pour une pièce de 50 mètres 
cubes); on laisse ainsi pendant deux ou trois jours. 
Ce procédé n’est applicable qu'aux meubles ordi- 
naires, pour lesquels l'acide sulfureux n'a pas 


d'inconvénient. 





PETITE CORRESPONDANCE 


Adresses des appareils décrits : 

Le filtre-presse continu Berrigan est construit par la 
Société The Berrigan Filtering processes, à Orange, 
Etat de New-Jersey, États-Unis de l'Amérique du Nord. 

Le cinématographe pour tous, appareil Olikos, Société 
des cintuä-piaques, 34, rue de l'Échiquier, Paris. 

M. B. G. S., à S. — Bascules : Chaweroy et Penot, 
147,rue d'Allemagne,à l'aris.— Verres perforés etautres, 
Apypert frères, 30, rue Notre-Dame de Nazareth, à Paris. 


M. J. S., à P. — L'exposition des auiwaux reproduc- 
tcurs cst fermée depuis plusieurs jours, et nous 
serions emiuarrasoćs dé vous donner une adresse en 
France; mais le tuicux nous parait de s'adresser au 
pays d'origine, à Leeuwarden, capitale de la Frise, à 
adresse Vereeniying het Friesch Rundvee Stambachk, 
qui s'occupe de l'exportation du bétail de la Frise pour 
la reproduction. 

M. P, M., à S. — Nous sommes heureux yue les in- 
dications antérivures aient été mises si his1icment à 
profit. — Tous les signaux de T. S. F. sont bien transmis 
en Morse. La lecture au son est abordabie aux « pro- 
fanes », a moins que les opérateurs ne cherchentaàa éta- 
blir des records de vitesse. Voici comment il cor vient de 
débuter: sur un papier, inscrivez matériellement à la 
suite, suivant une ligne horizontale, des points et des 
traits d'aprèsies signaux brefs et longs entendus dans 
le téléphone; après réception, vous ferez à loisir la 
{traduction en lettres de l'alphabet. — Voyez ce qui a 
êté dit (Cosmos, t. LXV, n? 1500, p. 40!) sur le radio- 
télégramme météorologique quotidien de la tour 
Liiel. À noter que l'opérateur débute tous les ruatins 


à 10°40" par lrois appels, suivis de l'avertissement : 
« Paris Observatoire et B © M — Voici signaux horaires 
et télégrammes météorologiques F LF L». 

M. J. C., à L. — Nous ne connaissons pas les nom- 
breuses formules des marchands, toutes tenues 
secrètes. Mais on emploie avec succès l'encre au noir 
d'aniline: noir d’aniline, 4 g ; alcool, 24 g; acide 
chlorhydrique, 60 gouttes. Après solution, on ajoute 
100 g d'eau dans laquelle on a fait dissoudre 6 g de 
gomme arabique; pour le stylographe, diminuerplutôt 
qu'ajouter à la quantité de gomme. 


M. J. R., à D. — Les postes de T. S. F. se sont tel- 
lement multipliés qu'il est impossible de suivre leurs 
évolutions; nous ne saurions vous dire tous ceux qui 
signalent l'heure, ni leur mode d'action. Nous ne con- 
naissons pas non plus les signes par lesquels chacun 
se fait reconnaitre, Si un de nos amis peut nous ren- 
seigner, nous nous empresserons de vous communi- 
quer ce que l'on nous aura appris. 

M. C., à H. de F. — La bauxite sert surtout indus- 
triellement à la labrication de l'aluminium. Les dépôts 
abondent en certaines parties de la France. Les usines 
qui s'occupent de la fabrication de l'aluminium sont, 
en France, dans les Alpes. On exporte aussi la bauxite 
par t'es ports de Marseille, Toulon et Saint-Rapbail. 
Mais 5a valeur a bien diminué depuis que les Améri- 
cains ont découvert les gisements d'un autre minerai 
d'aluminium, le corindon, mis en œuvre aux usines 
du Niagara. 





Imprimerie P,. F£RoN-VRaU, 8 et 6, rue Bayard, Paris, VIII®. 
Le gérant: E. Parrrassar. 


No 143% — 148 JUILLET 1912 


COSMOS 5 


a 
`~} 


SOMMAIRE 


Tour du monde. — La température de la lave; les suites d'une éruption. Le vin, le cidre et la goutte. 
A propos de l'organisation sanitaire du corps d'expédition italien en Tripolitaine. Perlurbation des lignes 
électriques à courants faibles par les courants alternatifs industriels. Les grands travaux du port de 
Londres. Réservoir d'eau d'incendie de l’Université Berkeley (Californie, E.-U). Scie à disque sans dents pour 
le coupage des métaux. Le bois des crayons. Un curieux emploi du moteur à pétrole comme auxiliaire du 
cheval. L'équilibre de l’aéroplane dans le vent, p. 57. 


Correspondance. — Conservation du beurre, PIERRE ForTIx, p. 61. 


Le goudronnage des routes et la nouvelle auto goudronneuse, L. Founnier, p. 62. — La flore du bord 
de la mer, Henni Covurix, p. 64. — Puériculture électrique, Francis Manne, p. 65. — La pompe Pfeiffer 

à mercure et la mesure des vides élevés, A. Benruier, p. 66. — Machines à fabriquer les bou- 
teilles, H. BERGÈRE, p. 69. — La cure spécifique antituberculaire : VII‘ Congrès international de 

la tuberculose, D' P. Goccia, p. 72. — La turbine Tesla à disques parallèles sans aubes, NonsEnT LALLié, 

_p. 75. — L’océanographie pendant l’antiquité (suite), J. THouLET, p. 77. — Sociétés savantes : Aca- 


démie des sciences, p. 80. — Bibliographie, p. 8i. 








TOUR DU MONDE 


PHYSIQUE DU GLOBE 


La température de la lave; les suites d’une 
éruption. — Les mesures de la température des 
laves sont fort rares et laissent encore beaucoup 
d'incertitudes. Il est d'autant plus intéressant de 
signaler les études du professeur G. Platania, faites 
en septembre dernier, lors de l'éruption de l'Etna. 

Les observations furent faites avec un radio-py- 
romètre de Fery, sur un courant de lave s’échap- 
pant du cratère inférieur d’une ligne d’éruption, 
et quelques jours avant que celte éruption n'ait 
pris fin. Sur les points où la lave était encore rouge, 
cette température était d’au moins 795° et s'élevait 
en certains endroits jusqu'à un maximum de 
940 C. 

Au sujet de cette éruption qui commença le 
40 septembre 1911, on constata ce fait peu ordi- 
naire, quen dépit de la violence des premières 
explosions, le calme devint subitement complet 
treize jours après les premières manifestations. 

Il] est bon ajouter cependant que l'activité sou- 
terraine se poursuivit sous une autre forme. Le pro- 
fesseur Rieco estime que le tremblement de terre 
du 45 octobre 19141 à Fondo Macchia, celui de Malte 
le 30 septembre, et que la série de mouvements 
sismiques constatés à Mineo, du 17 octobre à la 
fin de décembre, sont des suites de l’éruption. 

Parmi ces manifestations sismiques, la plus 
intéressante est celle de Fondo Macchia, à 
Test de l'Etna. Quoique son aire ait été peu étendue, 
#3 kilomètres de long sur 18 de large, il a produit 
de sérieux dégâts sur une étroite bande de 6,5 km 
de longueur et de seulement 500 mètres de lar- 
geur. II y eut 12 personnes tuées. 

Coincidence remarquable, ce district fut le théâtre 
de faits analogues le 19 juillet 1865, tremblement 
de terre qui coûta la vie à 74 habitants. Ce 


T. LXVII. N° 1434. 


sisme s'était produit quatre-vingt-huit jours après 
la fin d'une violente éruption de l'Etna, tandis que 
le dernier a eu lieu vingt-deux jours seulement 
après la cessation de la dernière éruption du 
volcan. 


SCIENCES MÉDICALES 


Le vin, le cidre et la goutte. — Le D" Motais, 
d'Angers, a présenté à l'Académie de médecine 
(2 juillet) une communication d'un grand intérèl 
parce qu'elle met en cause une maladie fort com- 
mune, la goutte, et deux de nos produits nationaux, 
le vin et le cidre. 

Il est de tradition médicale que, dans les contrées 
cidricoies, la goutte est rare. A cette opinion un 
peu vague, M. Motais apporte l'appui d'observations 
précises. 

La première, particulièrement intéressante, con- 
cerne un médecin, membre de l'Académie. Très 
gravement goutteux pendant dix ans, malgré une 
alimentation rationnelle et l’exercice, mais avec 
usage — modéré pourtant — de vin de Bordeaux, 
il prend en 14907 comme boisson exclusive du cidre 
léger. La goutte disparait rapidement. En cinq 
ans, quatre voyages pendant lesquels il boit du vin 
de Bordeaux ou de Bourgogne. Chacun des voyages 
est suivi d’un accès. Dans les intervalles, pendant 
l'usage exclusif du cidre, aucun soupron de gonfle. 
Les autres observations sont aussi franpañtes et 
confirment absolument l'action réelle et bienfai- 
sante du cidre. 

Conclusion : le vin, à dose modérée, ne donne 
pas la goutte aux sujets sains; chez les prédisposés 
à la goutte et, à plus forte raison, chez les malades, 
il est nuisible. 

Le cidre, fabriqué et conservé dans de bonnes 
conditions, préserve de la goutte et diminne ou 
même supprime les accès, On doit donc, avec Dieu- 


05 COSMOS 


lalov el Marcel Labbé, prescrire l'usage du cidre 
aix goult{eux. 


A propos de l’organisation sanitaire du 
corps d'expédition italien en Tripolitaine. — 
Le médecia-major Orticoni (Gasette des Hôpitaux, 
11 juillet) loue les efforts prévoyants et habiles 
que les Italiens ont déployés pour prévenir et pour 
combattre le choléra parmi les troupes de Tripoli- 
taine. 

Au moment où l'expédition fut décidée, toute la 
péninsule italique était ravagée par une épidémie 
de choléra qui atteignit surtout certaines villes du 
littoral, en particulier Gênes, Livourne, Naples, 
Palerme, etc. Dans la seule ville de Palerme, il y 
eut pendant l'été 1911, d'après les statistiques ofti- 
cielles, 4 540 cas de choléra avec 536 décès. Pour 
éviter que le corps expéditionnaire n'emportât avec 
lui les germes du choiéra, soit par des malades 
atteints de diarrhée en apparence banale, soit par 
des porteurs sains, le service de santé italien orga- 
nisa la prophylaxie anticholérique sur des bases 
vraiment scientifiques, avec l’aide d’une équipe de 
médecins exercés aux expertises bactériologiques. 

Ces précaulions n’ont malheureusement pas em- 
pêché le corps expéditionnaire d'être contaminé 
peu après son arrivée. Mais il est à peu près cer- 
tain que l'épidémie cholérique fut communiquée 
aux troupes par les indigènes de Tripoli, qui vivaient 
à ce moment dans un état de malpropreté impos- 
sible à décrire. 

L'épidémie sévit pendant près de deux mois, du 
milieu d'octobre à la fin de décembre, ayant fait 
1 0$8 atteintes sur lesquelles on compta 332 décès. 

Les causes problables de contamination furent 
les dattes souillées par les mouches qui passaient 
des matières fécales des cholériques aux fruits 
tombés à terre. Des expériences très intéressantes 
furent faites sur place par les D'° d'Ormea et Riz- 
zuti, qui étaient chargés du laboratoire de bactério- 
logie dìde campagne installé dans l'oasis auprès de 
l'hépitak-ambulance des cholériques. Ils trouvèrent 
le vibrion choiérique sur jes dattes achetées dans 
la ville de Tripoli et uémonirerent l'infection pos- 
sible de ces dattes par des mouches caplurées dans 
le lazaret militaire. Des mouches furent mises on 
contact direct sous des cloches en verre avec des 
fèces de cholériques, puis avec des dattes non infu::- 
tées. La contamination fut obtenue avec une fari- 
lité extrème. 

La contamination des eaux des puits, dans les- 
quelles on mit en évidence le vibrion cholérique, 
contribua également à propager le fléau. On peut 
dire que seuls furent atteints les hommes ayant bu 
de l'eau infectée ou ayant mangé des dattes souil- 
lées. Les officiers furent en général épargnés. Les 
inesures prises pour arréter l'épidémie consistérent 
dans la défense faite aux hommes de boire de l'eau 
uon bouillie et de manger des dattes. Dès qu'elles 


18 gjuiLcer 1912 


furent appliquées, ces mesures amenèrent une 
diminution très brusque du nombre des malades et 
la cessation rapide de l'épidémie, un mois et demi 
environ après l'apparition des premiers cas. 

Quand le laboratoire eut montré que la presque 
totalité des eaux de Tripoli étaient contaminées 
par la présence du vibrion cholérique, on songea 
immédiatement à prescrire l’ébullition des eaux 
de boisson distribuées aux troupes. El en attendant 
la construction et l'installation de grands appareils 
pour l’ébullition de l'eau, on fit venir l'eau de 
Naples par des bateaux qui apportaient chaque 
jour 3000 à 4 000 tonnes d'eau. 


ÉLECTRICITÉ 


Perturbations des lignes électriques à cou- 
rants faibles par les courants alternatifs in- 
dustriels. — Les lignes à courant alternatif pro- 
duisent par induction des courants ou des tensions 
gènantes dans les lignes voisines servant au télé- 
graphe, au téléphone ou à la transmission des 
signaux. 

Dans le cas des lignes télégraphiques, qui sont 
ordinairement à un seul fil, les troubles sont dus 
aux phénomènes d’'induction électro-magnétique. 
Si l’on imagine une ligne de traction par courant 
alternatif simple, à la fréquence de 25 périodes 
par seconde, avec retour par la terre, l'intensité 
en ligne étant de 400 ampères, une ligne télégra- 
phique de 10 kilomètres de longueur, courant 
parallèlement, et à une distance de 10 mètres de 
l’autre ligne, sera, par induction, le siège d'une 
force électromotrice de 47 volts, créant une gêne 
considérable dans les communications télégra- 
phiques. De tels troubles ont été constatés dans les 
Alpes-Maritimes (ligne à 6 600 volts, fréquence 23, 
des Chemins de fer du sud de la France) et dans 
les Pyrénées-Orientales (ligne d'expérience de 
traction à courant alternatif des Chemins de fer 
du Midi, à 12 500 volts, fréquence 16,66, de Prades 
à Villefranche). 

Les circuits téléphoniques, qui sont à deux fils, 
sont moins troublés, car les forces électromotrices 
égales induites dans les deux fils se compensent 
exactement. Cela est vrai en théorie; mais si ces 
fils téléphoniques sont mal isolés, la force électro- 
motrice induite engendre un courant entre l'un 
des fils et la terre, l'équilibre est détruit; et les 
courants anormaux qui prennent ainsi naissance 
peuvent avoir une intensité de quelques milliam- 
pères, mille fois plus grande que celle des courants 
téléphoniques, qui est de l'ordre du microampère. 

autres troubles sont dus à une dérivation 
directe du courant à haute tension vers la ligne 
à courant faible, si l’une et l’autre sont mal iso- 
lées : c'est ce qui se produit quand il pleut sur la 
ligne à 5 000 volts d’OUrlu à Toulouse. 


N° 143% 


Les secousses musculaires ressenties en touchant 
les lignes télégraphiques et téléphoniques, voisines 
de lignes à haute tension, sont dues à l'induction 
électrostatique : M. Girousse a mesuré un potentiel 
de 80 volts en temps normal sur une ligne télé- 
graphique longeant à une distance moyenne de 
4 mètres la ligne alternative (6600 volts, fré- 
quence 25) de Nice à Saint-Martin-Vésubie; la ligne 
téléphonique qui longe à 1 mètre de distance la 
ligne à haute tension des Chemins de fer du sud de 
la France (12 500 volts, fréquence 16,66), de Prades 
à Villefranche, est même chargée par influence à 
1 200 volts. Les secousses ressenties sont en général 
plus désagréables que dangereuses, mais il peut 
arriver que les ouvriers se tuent en tombant. 
Lorsque les lignes sont mal isolées, par la pluie, 
les charges statiques s'écoulent au sol et les ou- 
vriers n’ont plus à craindre de secousses. 

M. Girousse a indiqué à la Société internationale 
des électriciens {séance du 5 juin) les dispositifs 
qu'on peut adapter soit aux ligues, soit aux appa- 
rei:s récepteurs pour remédier aux perturbations. 


GÉNIE CIVIL 


Les grands travaux du port de Londres. — 
Une réforme complète a été apportée assez récem- 
ment dans l’administralion du port de Londres, qui 
ne se trouvait plus à la hauteur des besoins du 
commerce moderne. Il fallait créer une nouvelle 
autorité pour meltre à exécution des plans très 
vastes devant répondre à ces besoins. Nous pou- 
vons signaler les travaux les plus immédiats qui 
vont être exécutés pour permettre aux grands 
navires de remonter jusqu’à Londres mème, d'y 
manœæuvrer et de s’y décharger dans les meilleures 
conditions possibles; quoique ce port ne soit point 
destiné à voir des bateaux comme les derniers 
transatlantiques mis sur chantiers, il semble inté- 
ressant de constater les dimensions énormes qu'on 
va donner à ses bassins et à ses écluses. 

C’est ainsi que l’on a décidé la construction d'un 
bassin qui portera le nom de South Albert dock et 
dont la dépense d'établissement approchera de 
59 millions de francs. Ce dock aura 1400 mètres 
de long sur 183 de large et une profondeur d’eau 
de 11,58 m; on y pénétrera par une écluse de 
243 mètres de longueur utile; la largeur de cette 
écluse sera de 30,50 m, et sa profondeur d’eau de 
43,74 m. On voit donc qu’une large part est faite 
pour l'avenir et pour l'accroissement du tirant 
d’eau des navires actuels. Cela va suffire très long- 
temps sans doute aux besoins du port, bien qu’on 
ait l'intention d'approfondir considérablement la 
Tamise pour permeltre aux très grands bateaux 
d'arriver aussi facilement que possible à Londres. 
Du reste, une seconde partie du projet comportera 
l'exécution d’un nouveau dock, North Albert dork. 


COSMOS = D9 


Il ne coùtera pas moins de 402 millions et aura 
une longueur de 2255 mètres pour une largeur 
variable de 283 à 305 mètres; la profondeur d’eau 
que l’on y trouvera normalement sera de 13,74 m; 
quant à l’écluse qui y donnera accès, elle aura 
305 mètres de long pour 36,60 m de large et une 
profondeur d'eau de 15,90 m sur le seuil. Un bassin 
de carénage aux proportions énormes sera prévu 
pour les bateaux fréquentant ce bassin. D. B. 


Réservoir d’eau d'incendie, servant de pis- 
cine, de l’Université de Berkeley (Californie, 
É.-U.). — L'Université de Californie vient de con- 
struire à Berkeley un réservoir de 2500 mètres 
cubes de capacité, destiné à servir de piscine aux 
étudiants et de réservoir de charge pour l’alimen- 
tation des conduites d'incendie. 

Ce réservoir a une profondeur variant de 1 à 
3 mètres. Les parois sont en béton massif et sont 
munies de joints de dilatation tous les 9 mètres. 
Le radier a 7,5 cm d'épaisseur et est armé de 
métal déployé, dans le but d'éviter les lissures. Il 
vient s’encastrer dans les parois, et l'étanchéité du 


joint est assurée par un enduit en asphalte appli- 


qué sur le nu du mur et qui se raccorde à l’enduit 
en ciment du radier. 

L'eau d'alimentation du réservoir provient des 
collines environnantes et est purifiée pur son pas- 
sage à travers un filtre lent à sable. L'eau est dis- 
tribuée à une extrémité du réservoir par un tuvau 
perforé en fer galvanisé; l'écoulement se fait par 
une série de huit déversoirs en fonte de 30 centi- 
mètres de longueur, disposés à l'extrémité opposée. 
On assure ainsi l'évacuation des impuretés qui se 
rassemblent à la surface. 

La conduite d'eau en charge part du point le 
plus profond du réservoir; elle peut être utilisée 
comme conduite de vidange. Le prix de ce réservoir 
s'est élevé à 78 000 francs. (Génie civil.) 


INDUSTRIE 


Scie à disque sans dents pour le coupage 
des métaux. — Le sciage des métaux par des 
disques sans dents proprement dites et striés gros- 
sièrement par des coups de burin, mais tournant 
à de grandes vitesses périphériques — jusqu à 
150 mètres par seconde, — est une vieille histoire, 
car, dés le 3 février 1823, l'Américain Daggott 
écrivait à l'American Journal of Science and Arts 
qu'il était parvenu à couper des aciers el à aflüter 
des scies en se servant d’un simple disque en tôle 
découpé dans un tuyau de pole. (CF. Cosmos t. LV, 
p. 30 et p. 226.) 

C'est vers 1874 seulement que M. J. Reese, dẹ 
Philadelphie, en rendit l'usage industricilement 
pratique, par l'emploi de grands appareils de 1.4 m 
de diamètre et 5 millimeétres d'épaisseur, animes 
d'une vitesse périphérique de 70 mètres par seconde 


60 | COSMOS 


La scie de Reese se répandit aussilot dans les acié- 
ries et les fabriques d'armes pour le coupage des 
canons de fusils. Le type de machine livrée actuel- 
lement par les ateliers de M. Ryerson, de Chicago, 
comporte un moteur électrique de 52 chevaux, 
actionnant un disque dont la périphérie est consti- 
tuée par un bourrelet entaillé à coups de burin; le 
disque, qui a de 1,40 m à 1,32 m de diamètre, tourne 
dans une enveloppe à l'intérieur de laquelle il est 
constamment arrosé d'eau. Les scies durent de 
deux à trois mois, moyennant quelques retaillages 
au burin qui se font en un quart d'heure. La scie 
de 1,32 m, animée d'une vitesse angulaire de 
2 000 tours par minute par un moteur de 100 che- 
vaux, coupe un fer à T de 610 millimètres en 
seize secondes. 

Par quel effet cette scie parvient-elle à couperle 
métal? On à imaginé des théories singulières; on 
prétendait que la scie ne touchait mème pas le 
métal, et que la coupe s’effecluait par la fusion de 
l'acier sous la chaleur que dégageait la projection 
du courant d'air centrifuge entrainé par la scie. La 
vérité est que cette fusion de l'acier, accompagnée 
d’arrachement, est produite par le travail intense 
de frottement localisé au point de contact. Quant 
au faible échauffement de la scie, il s'explique par 
ce que chacun de ses points ne reste en contact 
avec la coupe que pendant un instant, le reste de 
la rotation s'effectuant dans l'air et sous un arro- 
sage d'eau. 


Le bois des crayons. — Le crayon est formé 
d’une mine enfermée dans un bâtonnet de bois: 
tout le monde sait cela; mais le bon crayon, le 
crayon de luxe, doit ètre formé d’un bätonnet de 
bois de cèdre rouge contenant de la plombagine. 
Or, le bois de cèdre rouge d'Amérique, genévrier 
rouge, a élé si bien exploité pour cette industrie 
qu'il est devenu rare et qu'on ne peut s’en procurer 
qu'à des prix fous. (Voir Cosmos, t. LAU, p. 6, 
n° { 321.) 

On a nalurellemeni cherché des succédanés à ce 
bois devenu si précieux, mais on ne les a pas encore 
trouvés, et on s'est livré à des recherches pour 
découvrir de nouveaux gisements. Or, on en 
exploite en ce moment de bien inattendus. On a 
reconnu que dans le Tennessee nombre de vieilles 
maisons ont leur charpente en cèdre rouge; les 
fabricants de crayons n’hésitèrent pas: on acheta 
ces maisons pour les démolir, quitte à les recon- 
struire avec des matériaux moins précieux. 

Nous avons vu un fait analogue en France, lors 
de la découverte des phosphates dans le nord du 
département de la Somme. Les prospecteurs ayant 
reconnu que l'on avait jadis employé ‘ces phos- 
phates comme mortier dans la construction des 
maisons, on acheta des villages entiers pour les 
démolir. 

Aux Etats-Unis, après s'être emparé des char- 


18 suizzer 191% 


pentes des habitations, on s'est occupé d'exploiter 
les barrières et les enclos formés jadis du bois pré- 
cieux, et il parait que l’on en a trouvé en quantité: 
on le paye un bon prix cependant, et on cite des 
fermes où le prix du bois de clôture représente une 
valeur plus grande que celle dela ferme elle-même 
tout entière. L'année dernière, dans un seul district, 
la section de Murfreesboro, la Compagnie améri- 
caine de fabrication des crayons a acheté pour 
les besoins de son industrie pour plus d’un million 
de francs de ces vieilles clôtures en cèdre rouge. 


Un curieux emploi du moteur à pétrole 
comme auxiliaire du cheval. — En Amé- 
rique, on trouve des applications particulièrement 
curieuses du moteur à pétrole, par exemple à la 
moissonneuse. Lorsque le temps de la moisson est 
pluvieux, l'emploi de la moissonneuse devient 
presque impossible à raison du trop grand effort 
qu'elle réclame des animaux attelés. Ona imaginé 
de placer un moteur à pétrole d'un type léger sur 
le chässis de la moissonneuse de telle sorte que re 
moteur fait mouvoir le mécanisme méme de lappa- 
reil. Ainsi le travail des chevaux se trouve réduit 
de moitié, il ne reste plus pour eux qu’à fournir le 
travail de traction. Les constructeurs ont élé ainsi 
amenés à construire ces moteurs qui, après avoir 
servi à la moisson, sont facilement transportables 
et peuvent être utilisés pour les autres opérations 
de la ferme. N. LALLIÉ. 


AVIATION 


L'équilibre de l’aéroplane dans le vent. — 
M. Robert Esnault-Pelterie, donnant à la Société 
des ingénieurs civils (Bulletin d’avril) « quelques 
renseignements pratiques sur l'aviation », a parlé 
de la traitrise des vents et des remous qui sur- 
prennent l’aviateur sans aucun avertissement. 

Ceux qui n'ont jamais navigué dans l'air ne 
peuvent se rendre compte de la violence de cer- 
tains remous que l'on rencontre même dans des 
régions d'assez grande altitude et en dehors de 
toute cause visible. 

I arrive fréquemment, lorsque l’on se trouve 
planer en ballon au-dessus de la mer de nuage, de 
voir subitement une colonne de brouillard surgir 
d'un point quelconque de cette immensité blanche 
qui parait si calme et s'élever en quelques secondes 
à 50 ou 100 mètres au-dessus du niveau général, 
crevant comme une immense bulle qui aurait été 
souffiċe par-dessous. 

Encore, dans ce cas, peut-on se douter facilement 
qu’au voisinage du niveau de séparation de deux 
couches d'air qui sont dans des états très différents, 
puisque l’une est sursaturée de vapeur d'eau et 
l'autre quelquefois très sèche, des actions réci- 
proques peuvent avoir lieu qui, de la part d'aussi 
grandes masses, sont loin d’être négligeables. 


N° 4434 


Mais l’un des phénomènes qui ont le plus surpris 
les aviateurs, au début, est celui de s’être trouvés 
horriblement secoués par un jour de calme plat, 
généralement, il est vrai, dans le voisinage d'un 
orage, mais quelquefois mème sans le moindre 
nuage à l'horizon. 

Ces perturbations, par temps calme, sont dues 
à ce fait qu'aucun mouvement ne brassant les 
masses d'air, il s'établit des courants verticaux 
ascendants et descendants. Au-dessus d'une plaine 
aride, par exemple, le sol, réverbérant la chaleur 
solaire, provoque l’apparition d’un courant ascen- 
dant au-dessus de lui, tandis que dans la région 
voisine un bois provoque un courant descendant. 

Du reste, tousles aéronautes savent parfaitement 
combien un simple ballon libre est sensible au 
passage au-dessus d'une plaine, qui dilate le gaz et 
le fait monter, ou au-dessus d'un bois, qui le fait 
contracter et descendre, et surtout à la traversée 
de la vallée des rivières, qui, dans certains cas, et 
si on se trouve les traverser un peu en longueur, 
peuvent forcer le pilote, à son grand désespoir, 
à dépenser beaucoup de lest. 

Sans reparler de la sensibilité du moteur, par sa 
carburation, à toutes ces influences, l'aéroplane en 
lui-même n’y est point soustrait. 

Observons, en effet, que les ailes qui le portent 
se soutiennent en s'appuyant sur l'air à une inci- 
dence très faible qui, en général, est voisine de 
40 pour 400, mais que pourtant certains construc- 
tenrs, surtout pour leurs appareils de course, 
diminuent sensiblement. 

Supposons donc que cette surface, se mouvant 
à la vitesse de 25 mètres par seconde, ce qui est 
une moyenne assez normale, vienne à rencontrer 
brusquement sur son chemin un courant d'air des- 
cendant à la vitesse de 2,5 mètres par seconde: les 
ailes vontsubitement recevoir l'air par leur tranche, 
et l’aviateur aura la sensation de tomber dans un 
trou. C'est ce qu'ils expriment par l'expression un 
peu spéciale : « Aujourd'hui, il ne fait pas bon 
voler, il y a des trous dans l'air! » 

Il est évident que l’empennage pénétrera dans la 
colonne d’air descendante, un cinquième de seconde 
environ après les ailes, et tendra immédiatement 
à corriger ce défaut. Néanmoins, l’aviateur aura 
éprouvé la sensation très désagréable de tomber 
dans le vide pendant quelques instants. 

Si même le courant descendant se meut à une 
vitesse encore plus grande, ce qui est loin d’être 
impossible, il peut, pendant un court instant, 
prendre les ailes par-dessus et soumettre l'appareil 
à une accélération verticale de haut en bas, le for- 
çant ainsi à descendre plus vite que sous l’effet de 
la pesanteur seule : le pilote a alors la désagréable 
sensation que son appareil fuit sous lui, et il est 
obligé de se cramponner pour ne pas être décollé 
et rester en lair. 


COSMOS 61 


CORRESPONDANCE 


Conservation du beurre. 


Je lis la note sur la conservation du beurre et de 
la margarine dans le numéro 1432 du 4 juillet, 
p. 28. 

Les expérimentateurs allemands ont probable- 
ment opéré sur des beurres de laiterie, parfaite- 
ment préparés, parfaitement lavés, parfaitement 
emballés, salés avec un selde premier choix exempt 
de magnésie, etc. Avec toutes ces précautions, les 
Danois, Suédois, Finlandais, etc., arrivent couram- 
ment aux résultats indiqués, mais il s’agit de beurre 
salé, et la plus grande partie des consommateurs 
veut du beurre exempt de goùt de sel. 

Les expérimentateurs qui n'ont pas obtenu une 
bonne conservation avec les antiseptiques feront 
sourire tout homme ayant quelque expérience en 
la matière. 

Voici un fait qui m'a été rapporté, il y a quelques 
jours, par Mr" Buguet, à La Chapelle-Montligcon. 
Il l'avait entendu raconter quelques jours aupara- 
vant par M!" Augouard. 

Un jour, on découvre une caisse de beurre Fortin 
dans le fond de la case du P. Mauger, mort depnis 
près de trois ans. Cette caisse de beurre, envoyée 
par moi à mon camarade, le P. Mauger, n'avait 
pas été ouverte. Par acquis de conscience, on 
l'ouvre, on prend une boite, on déguste le beurre, 
et quelle n'est pas la stupéfaction des témoins de 
constater que le beurre paraissait aussi frais que 
du beurre pris à la ferme. Après trois années lc 
séjour au Congo! 

Or, ce beurre, parfait comme préparation, était 
conservé avec un gramme de fluorure de sodium 
par kilogramme de beurre. 

Le fluorure de sodium est un sel qu'on retrouve 
dans nos os, sel souvent administré pour combattre 
les fermentations intestinales et notamment la fer- 
mentation butyrique. 

La prohibition des agents chimiques de conser- 
vation peut se défendre; elle est à ordre du jour, 
mais rien ne dit que dans quelques années la 
science médicale ne préférera pas, aux fermenta- 
tions butyriques ou autres, l’addition d'une dose 
inoffensive de sels conservateurs autres que le sel 
ordinaire. Depuis de longues années, l'Angleterre, 
pays très avancé en fait d'hygiène, admet les con- 
servateurs chimiques. PIERRE FORTIN, 

ancien exportateur de beurre. 


Neuville-Vire, juillet. 


P.-S. — Pour nos troupes du Maroc et des colonies, 
dans tous les pays chauds où l'alimentation est basée 
sur les conserves, généralement très salécs, le beurre 
frais fluoré semblerait plus avantageux que le bourre 
fortement salé. 


G2 COSMOS 


18 JUILLET 1912 


Le goudronnage des routes et la nouvelle auto goudronneuse. 


Les chaleurs anormales que nous avons suppor- 
tées au mois de mai, pendant quelques jours, ont 
montré combien il est urgent de procéder au gou- 
dronnage des grandes routes et des chaussées pari- 
siennes dès que la belle saison s'annonce. Les pous- 
sières s'étaient élevées ainsi qu'aux journées les 
plus chaudes de l'été et, par l’arrosage, se trans- 
formaient en une vilaine boue que les autos parais- 
saient heureuses de projeter sur les passants. 

Dès le printemps, les voies de communication 
doivent prendre leur parure d'été. Malheureuse- 
ment, cette parure est un cache-poussière dont la 
teinte noire ne réjouit pas précisément la vue. Elle 
ne tarde guère, cependant, à se mettre à la mode 
else grisaille en quelques jours; on la devine alors 
plus qu’on ne la voit. Les piétons, les riverains, sont 
heureux de reconnaitre la présence de ce revite- 
ment de goudron si discret et si efficace. 

Le goudron, tel qu'il sort des usines à gaz, est 
actuellement le seul produit qui soit capable de 
supprimer économiquement la production de la 
poussière sur Îles routes. Toutes les expériences 
effectuées, il y a une dizaine d'années déjà, avec 
des produits savants à base de goudron n'ont donné 
que des résultats insuffisants et, de plus, trop couù- 
teux. Le goudron, répandu à la température d'en- 
viron 70° sur les routes préalablement balavées 
avec soin, présente encore un autre avantage aussi 
intéressant que le premier: il diminue les frais 
d'entretien. M. Arnaud, ingénieur des ponts ct 
chaussées, dans un rapport déjà ancien sur divers 
essais, signalait, entre autres, l'avenue de la Tou- 
relié, à Salil-Mandé, qui est livrée à une circula- 
tion intense — 000 automobiles dans une journée. 
Cette avenue, disait M. Arnaud, présente l'aspect 
d'une chaussée nouvellement cylindrée alors qu'elle 
n'a pas été rechargée pendant trois années consé- 
eulives, mais seulement goudronnée tous les ans. 
L'économie réaliste par le goudronnage est actuel- 
lement évalute à 39 à 50 pour 100 sur le coùt de 
l'entretien normal. 

Nous insislons sur le fait que, pour ètre réelle- 
mcnt efficace, le goudronnage doit ètre précédé 
d'un balayage très complet, la poussivre s'opposant 
à la pénétration des huiles et des essences conte- 
nues dans le produit. Ces éléments inipregnent la 
cnhrussée jusqu'à une profondeur de 3 à 5 centi- 
mètres et agglomerent les matériaux. Le brai, qui 
est la partie lourde, se solidifie ensuite en une mince 
pellicule protectrice contre les infiltrations d’eau. 
L'eau est, en citet, l'agent destructeur le plus actif 
des chaussées parce que, lorsqu'elles sont détrem- 
pées, elles perdent de leur consistance et cèdent 
sous Île passage des véhicules qui creusent des 
trous, voire même des ornières constituant d'excel- 


lentes citernes pour les eaux de pluie. Le goudron- 
nage est donc appelé à remettre petit à petit nos 
routes en bon état, puisque l'on a constaté qu’au 
bout de cinq. ans, à la suite de goudronnages 
annuels, elles deviennent aussi dures que si elles 
étaient faites en béton ou en ciment. 

On peut répandre le goudron à la main ou à 
laide de machines. Le premier procédé n’est pra- 
ticable que pour les petites surfaces: les canton- 
niers versent sur la chaussée, & l’aide d’arrosoirs, 
le goudron préalablement chauffé et l'étendent 
avec des balais. On a employé jusqu'ici les ma- 
chines hippomobiles sur les routes aussi bien que 
sur les chaussées parisiennes, et c’est grâce à elles 
que d'importantes voies ont pu être débarrassées 
de leurs poussières. Mais ces voitures nécessitaient 
la présence de dépôts de goudron à proximité du 
chantier, causant ainsi une gène pour la circula- 
tion. C’est la raison pour laquelle la Ville de Paris 
vient d'accepter les services d’une automobile spé- 
ciale emportant sa réserve de liquide et circulant 
à une vitesse telle qu'en peu de minutes l'opéralion 
est terminée. 

La machine est une automobile à vapeur. Dans 
cette circonstance spéciale, il était préférable d'em- 
ployer la vapeur comme force motrice parce qu'elle 
peut être utilisée, après avoir joué son rôle d'agent 
moteur, pour le chauffage du produit. Le gou- 
dron doit, en elfet, être porté à la température 
moyenne de 70° si l'on veut obtenir un excellent 
résultat, D'ailleurs l'automobile, qui appartient au 
système Purrey-l.-H. Exhaw et Ci, de Bordeaux, 
fonctionne à la perfection. La partie motrice étant 
connue, nous la passerons sous silence pour étudier 
exclusivement les organes qui interviennent dans 
le goudronnage. : 

La tonne à goudron, d'une contenance de 5 mètres 
cubes, est montec sur le châssis. À l’avant se trouve 
le siège du conducteur, et à l'arrière une plate- 
forme est occupée par l'ouvrier goudronneur qui dis- 
pose de deux leviers pour embrayer les deux distri- 
buteurs envoyant le goudron aux pulvérisateurs. Le 
liquide est chauffé par un jet de vapeur détendue 
dont la température, à sa source, est d'environ 
200". La distribution s'effectue à l’aide de deux 
pompes à alvéoles indépendantes l’une de l’autre 
et actionnées chacune par une des roues du véhi- 
cule: le débit est donc constant puisqu'il est fonc- 
tion de la vitesse du véhicule. La rotation entraine 
le goudron contenu dans les alvéoles à la partie 
arrière des pompes et le refoule dans une conduite 
alimentant les pulvérisateurs doubles. 

Ces pulvérisateurs laissent échapper le goudron 
en deux nappes divergentes. La première nappe a 
pour fonction, au moment où elle atteint le sol, de 


N° 143% 


soulever toutes les matières non adhérentes à la 
chaussée que le balayage préalable aurait respec- 
tées; la nappe est dirigée obliquement vers l'avant 
et chasse donc tous les éléments libres qu’elle ren- 
contre. On dépose sur la chaussée la moitié de la 
quantité du goudron nécessaire. La seconde nappe 
prend une direction oblique inverse; elle atteint le 
sol à 35 centimètres en arrière de la première et 
y verse la seconde moitié de la quantité de liquide 
déterminée. Il existe deux pulvérisateurs capables 
de fonctionner séparément. Cette partie du méca- 
nisme est enveloppée par une toile tombant jusque 
sur le sol afin d'éviter les éclaboussures. 





COSMOS | 6:3 


Le débit des pulvérisateurs est variable et dépend 
de létat de la chaussée; on projette en moyenne 
1,5 kg de goudron par mètre carré. Le véhicule 
marche généralement à la vilesse de 7 kilomètres 
par heure en ordre de travail; à cette allure, on gou- 
dronne, dans les conditions normales, 3 500 mètres 
carrés eu dix-huit minutes. Ajoutons enfin que le 
goudron subit une pression de 1,2 à 2,7 kg par cm? 
au moment où il atteint le sol. 

Dans ces conditions, le goudronnage des routes 
revient à un prix extrêmement réduit: de 41 à 42 cen- 
times par mètre carré, c’est-à-dire qu'il se trouve 
abaissé de 30 pour 100 par l'emploi de la machine 


Ge 
m e sa 5 
2 


-> 
F 


- 


K 
y 
: 
Gi 

A 

ž 


A 


LA NOUVELLE MACHINE A GOUDRONNER LES ROUTES, VUE DE L'ARRIÈRE. 


automobile dont nous venons de parler et qui est 
due à la collaboration de MM. Voisembert et Héde- 
line. A Paris, cette dépense est entièrement sup- 
portée par la municipalité; mais sur les routes 
nationales, l'Etat, les communes et les riverains se 
partagent les frais du goudronnage. L'Etat, consi- 
dérant qu’il rend service à ses riverains, ne parti- 
cipe généralement que pour un tiers dans la dépense 
totale. Les communes et les habitants ont ensuite 
conclu une sorte d'arrangement assez ingénieux 
et, dans tous les cas, fort logique, aux termes duquel 
chaque riverain s'engage à verser 0,50 fr par mètre 
linéaire de façade pour le goudronnage. C'est assu- 


rément peu de chose si l’on considère le bien-être 
qui doit en résulter. 

A côté de ce progrès économique donnant toute 
satisfaction au public lésé par les conséquences de 
la vitesse des nouveaux moyens de locomotion, 
on procède encore à l'étude de différents procédés 
imaginés dans le but d'augmenter la durée des 
chaussées. Les recherches visent l'aggloméran!, 
constitué actuellement par l’eau et le sable, que 
l’on remplacerait par un liant chimique vraisem- 
blablement à base de goudron ayant subi une dis- 
tillation spéciale. D'autres chercheurs ont préconisé 
l'emploi du bilume et de l’asphalte, mais le prix 


64 COSMOS 


de revient de ces malières esl assez élevé. 

L'an prochain, les Anglais se proposent de mon- 
trer, au Congrès de la route, un champ d'expé- 
riences de 40 kilomètres de longueur sur lequel 
ont été groupés tous les procédés préconisés par 
les divers inventeurs. Cette route aura subi, à cette 
époque, un essai de deux années, il sera donc pos- 
sible d'apprécier exactement la valeur de chaque 
procédé. En France, des expériences du même 
genre ont élé faites dans les départements de 
Seine-et-Oise, de Seine-et-Marne, et par la Ville de 
Paris elle-même. 


18 JUILLET 1919 


En somme, les Etats, comme les municipalités 
importantes, cherchent à établir leur balance d'in- 
térėt, c'est-à-dire à déterminer s’il est plus écono- 
mique d'adopter un procédé de rechargement coù- 
teux, mais de longue durée, ou, au contraire, s'il 
est préférable de s’astreindre à des rechargements 
fréquents et d'un prix de revient assez faible. Nous 
serons certainement fixés d'ici peu, et les routes 
pourront alors être construites en vue de l'exploi- 
tation intense qu'elles subissent et pour laquelle 
elles n'étaient pas faites. 

LUCIEN FOURNIER. 





La flore du bord de la mer. 


Le bord de la mer offre aux plantes des condi- 
tions d'existence toutes particulières, autant par la 
force du vent et la salure des embruns que par 
la nature du sol, qui est tantòt rocheux, tantòt 
sableux, tantòt argileux, mais toujours riche en 
sel marin. Il n’est donc pas étonnant que la flore 
n’y soit bien particulière, flore qui, d'ailleurs, ne 
s'étend que sur une bande de terre généralement 
assez peu large; le baigneur, en quelques jours 
passés au bord de la mer, a tout le temps de l'étudier. 

La flore la plus riche se montre dans ces vastes 
espaces glaiseux que lon appelle des marais 
salants, marais souvent modifiés par la main de 
l'homme pour y faciliter l’évaporation de la mer et 
la récolte du sel. La cueillette des plantes qui y 
croissent n’y est même pas toujours facile : le ter- 
rain est extrèmement mou, collant, humide, et l’on 
s’y enlise vite. Il ne faut s’y aventurer qu'avec pré- 
caution, et le plus simple est encore de n'en par- 
courir le bord que là où le soleil a desséché la 
croûte superficielle du limon. A la fin de l'herborisa- 
tion, on n’est pas peu élonné de voir que toutes les 
plantes ou presque présentent ce caractère commun 
d'être grasses, c'est-à-dire gargies de sucs, et d'avoir 
des tiges ef surlout des feuilles d'une épaisseur 
inaccouluiméc. On a toutes les peines du monde à 
les faire sérher pour les mettre en herbier, et là 
elles font même assez triste mine. 

Cest notamment dans les marais salants que 
croissent les soudes (en lalin Suwda) et les sali- 
cornes, ces dernières se présentant sous forme de 
petils cierges verts, rarement ramiliés, un peu 
noueux, où les fleurs sont tellement insignifiantes 
qu'on ne les voit pas. Aulrelľois, on révoitait ces 
plantes et on les incinérail pour obtenir la soude 
(carbonate de sodium), mais aujourd'hui on pre- 
pare industriellementcettesubstance. Lessalicornes 
et aulres herbes marines nous servent néanmoins 
indirectement: broutées par les moutons, elles 
communiquent à la chair de ceux-ci une grande 
finesse, que l’on apprécie surtout dans les got 
de prés salrs. 


Dans les mêmes parages, on trouve des asters 
aux fleurs bleues, des stalicés aux fleurs violettes, 
mélangés à de nombreux joncs et laiches, tandis 
que des armoises, des plantains, des betteraves 
sauvages, des inules se font remarquer par leurs 
feuilles grasses. 

Toutes ces plantes vivent dans un milieu très 
humide; à haute mer, elles sont mème — surtout 
aux grandes marées — largement humectées, mais 


Jamais entièrement immergées. Il n’y a guère 


qu'une espèce qui s'avance loin dans la mer, au 
point d'y être presque constamment sous l'eau : ce 
sont les zostères, qui forment de vertes prairies 
sous-marines. À marée basse, cependant, en rele- 
vant son pantalon ou sa jupe, on peut les parcourir 
et mème y faire de larges récolles de crevettes ou 
autres animaux intéressants. Tout le monde, d'ail- 
leurs, connait les zostères pour les avoir vues rejetées 
par les flols en paquels énormes de longues feuilles 
vertes à surface brillante. Les jours où ces zostères 
rejetées sont abondantes, on les récolte sous le nom 
de goëmon pour en faire de l'engrais. Il est bon 
de dire que, dans le goémon, avec les zostères, on 
trouve généralement des Fucus, reconnaissables à 
leurs extrémités grosses et gélatineuses. Souvent 
même le goémon n'est formé que de Fucus. Mais 
il ne faut pas les confondre : les zostères sont des 
plantes voisines des graminées, c'est-à-dire des 
plantes à fleurs, tandis que les Fucus sont des 
algues, des plantes sans fleurs, des cryptogames, 
comine le disent les botanistes dans leur langue 
barbare. | 

La tlore des sables n'est pas moins intéressante. 
On x trouve en abondance des graminées dont 
les pieds sont réunis à leur base par de longs 
« rhizomes » qui courent dans le sol. Ces rhizomes, 
par leur ensemble, forment de larges mailles qui 
maintiennent le sable en place et l'empèchent d'être 
entrainé par le vent. Autrefois, les dunes « mou- 
vantes » étaient plus abondantes qu'aujourd'hui : 
presque partout on y a semé les graminées dont je 
viens de parler (/’samma, etc.), ainsi que des 


N° 1434 


laiches (carex des sables, etc.) qui les ont immobi- 
lisées. 

Au milieu des touffes de graminées, à l’aspect un 
peu rébarbatif, on peut cueillir presque toujours 
— la flore des sables est presque partout la même 
— d'admirables liserons rampants (Convolrulus 
soldanella) aux tleurs très grandes, des crucifères 
roses (Cakile), des sortes de coquelicots jaunes 
(Glaucium maritimum) aux fruits démesurément 
longs, des papilionacées aux fleurs rouges (Ononis), 
des linaires, plusieurs espèces d’euphorbes, des im- 
mortelles et des diotis, tous couverts de poils blancs 
laineux, et surtout une plante piquante, l Eryn- 
gium maritimum, d'une teinte bleutée délicieuse 
et d'un effet décoratif remarquable: admirez-la, 
cueillez-la même, dessinez-la surtout.e..., mais ne 
vous asseyez pas dessus! 

Il n'est pas rare non plus d'y trouver un petit 
arbrisseau, aux feuilles à peine distinctes (ce qui 
lui donne l'air vaporeux et élégant) jet aux fleurs 
petites, rosées, réunies en épis serrés. Très souvent 
ces tamaris sont cultivés dans les villas où ils 
servent à constituer des bosquets et des abris contre 
le vent. Leur teinte verte est bien spéciale et les 
fait reconnaitre de loin. 

Quant à la flore des rochers et des falaises, le 
nombre des espèces y est bien plus considérable, 
parce qu'elle n’est pas exclusivement maritime et 


GOSMOS 65 


passe insensiblement à celle de l'intérieur des terres. 
Elle varie, d’ailleurs, suivant les plantes. J'y cite- 
rai cependant comme très fréquente une ombelli- 
fère aux fleurs jaunâtres, presque vertes, aux 
feuilles très grasses. C'est le Crithmum maritimum, 
plus connu sous les noms vulgaires de perce-pierre, 
de casse-pierre, de criste marine, noms qui font allu- 
sion à son existence dans les anfractuosités des 
rochers les plus abrupts. Les feuilles de cette plante 
peuvent être conservées comme les cornichons 
dans du vinaigre et, sous cette forme, constituent 
un excellent condiment. 

La criste marine est accompagnée de jolis œillets 
(par exemple, à Granville et au Mont Saint-Michel), 
de staticés si communs parfois que les miséreux 
vont les chercher pour en faire des bouquets; de 
lľarmerie maritime ou jonc marin, aux fleurs roses, 
qui se trouve aussi dans les marais salants et les 
jardins, où elle est très fréquemment cultivée; de 
Composées aux fleurs jaunes et au feuillage blan- 
châtre, cotonneux, et de bien d’autres plantes qui 
tentent d'autant plus les botanistes qu'elles poussent 
dans un endroit plus inaccessible. 

On trouve encore au bord de la mer beaucoup 
d'algues, mais nous n'y insislterons pas parce 
qu'elles mériteraient à elles seules une étude par- 
ticulière. 

HENRI COUPIN. 





Puériculture électrique. 


Il y a de cela un peu plus d’un an, les journaux 
ont fait grand bruit au sujet des intéressantes 
expériences poursuivies par un savant suédois bien 
connu, le professeur Swante Arrhenius, dans le but 
de fixer jusqu’à quel degré l'électricité peut exercer 
une influence quelconque sur la croissance des 
enfants. Opérant sur cent écoliers de même âge, 
de même sexe, de même poids, de mème taille, 
tous en parfait état de santé et provenant tous des 
mêmes milieux sociaux, il les avait divisés en deux 
groupes égaux: tandis que les uns servaient de 
a témoins », les autres furent soumis à un véri- 
table bain électromagnétique permanent, grâce 
à un agencement convenable des diverses salles 
qui leur furent assignées comme résidence. Bien 
entendu, tous reçurent mème alimentation, et leur 
genre de vie à tous fut rigoureusement uniforme, 

Après six mois d'expérience, les enfants du 
groupe électrisé avaient accusé en moyenne une 
augmentation de taille de 51 millimètres, alors 
que ceux du groupe témoin n'avaient grandi que 
de 32 millimètres. La différence était sensible et ne 
pouvait être évidemment rapportée qu’à l'effet 
bienfaisant des effluves électromagnétiques. C’est 


ce que les journaux n’ont pas manqué de faire res- 
sortir, en constatant les effets bienfaisants de cette 
méthode et en réclamant, comme il convient, son 
adoption systématique chez nous. 

lnmédiatement, Swante Arrhenius se demanda 
si les facultés intellectuelles ne subissent pas la 
mème influence bienfaisante que subit l'organisme 
chez les sujets soumis à l’effluvation permanente. 
Une revue allemande, Zeitschrift für Schwach- 
stromterhnik, rapporte à ce sujet que des expé- 
riences analogues aux premières ont élé faites, 
à la suite desquelles on a pris pour terme de com- 
paraison les meilleurs travaux scolaires des élèves 
les plus avancés: attribuant à ces travaux la 
cote 20, on a coté ceux de tous les enfants, eitluvés 
et non eflluvés. Dans la classe électrisée, 15 éco-. 
liers sur 50 ont obtenu ce maximum, et la note 
moyenne de l’ensemble a été 148,4. Dans la classe 
témoin, au contraire, 9 élèves seulement ont mé- 
rité la note 20, et la moyenne des 50 notes données 
n'a pas dépassé 15. Par conséquent, l'écart consiaté 
est sensible et nettement en faveur du régime élec- 
tromagnétique. 

Notre excellent confrère allemand ajoute que ces 


66 COSMOS 


recherches intéressantes sont appelées sans nul 
doute à avoir, dans un avenir prochain, des consé- 
quences inattendues, et que bien certainement 
l'éminent physicien Swante Arrhenius n'a pas 
encore dit son dernier mot sur ce sujet passionnant 
qui contient en germe toute une science pédago- 
gique nouvelle. 


e 
e a 


Or, M. Swante Arrhenius vient de se prononcer, 
et son opinion sur la matière est très intéressante 
à connaitre. [l a écrit de Stockholm la lettre sui- 
vante qui ouvre sur la question des horizons vrai- 
ment nouveaux. 

Je n'ai pas lu moi-même, écrit lillustre savant, 
les articles dont vous me parlez, mais je crois 
biencomprendre qu'il s'agit d'une communication 


18 JuiLLET 1912 


venue d'Amérique et d'après laquelle j'aurais 
fait des expériences au sujet de l'influence de 
courants ou de tensions électriques sur la santé 
et l'intelligence des écoliers. 

Rien de tout cela n'est vrai, et je n'ai pas écrit 
une ligne sur cette question... 


s 
£ + 


Nos lecteurs voudront certainement porter désor- 
mais un intérèt très approximatif à ce qu'ils pour- 
ront lire dans les journaux sur cette admirable 
méthode suédoise de puériculture électrique qui 
possède tous les avantages, mais est en même temps 
inexistante. Ainsi, la fameuse jument de Roland 
avait toutes les qualilés et un seul défaut, celui 


d'ètre morte... 
Francis MARRE. 





La pompe Pfeiffer à mercure et la mesure des vides élevés. 


1° Pompe Pfeiffer. 


Les applications scientifiques et industrielles du 
vide élevé ont incité de nombreux constructeurs 
à élablir des pompes susceptibles de travailler 
rapidement et de donner des raréfactions de plus 
en plus complètes. 

Le Cosmos a signalé récemment plusieurs modèles 
qui semblent donner des résultats satisfaisants. 
Constatons que les dispositifs adoptés ulilisent 
exclusivement les pompes à mercure. Les seules 
matières premières qui puissent être employées 
dans la construction de ces appareils sont le fer ou 
l'ucier, ou le verre et la porcelaine : les autres 
matières sont, ou trop couteuses, ou attaquées par 
le mercure. 

On a tenté d'utiliser la fonte pour construire des 
turbines de forme compliquée ; malheureusement, 
la texture poreuse de cetle matière a obligé à 
J'abandonner. 

La substilution de la porcelaine à la fonte a 
permis d'éviter le grave inconvénient de la poro- 
sité; par contre, la fragilité de la per:elaine en 
rend l'application industrielle très délicate, Aussi 
M. Arthur Pfeiffer, de Wetzlar, a-t-il donné la pré- 
férence à l'acier: sa pompe à mercure est toute en 
acier, ce qui est une garantie de solidité et d'élan- 
chéité. De plus, les parties qui se trouvent dans le 
vide élevé sont émaillées. 

L'intérieur de la pompe peut donc ètre nettoyé 
avec des liquides corresifs, comme on Île fait pour 
les pompes en porcelaine. IYailleurs, la pompe est 
ètablie de manière à rejeter d'elle-même, hors de 
la chambre à vide élevé, les impuretés qui auraient 
pu s’y introduire. 

Les figures 1 et 2 représentent la vue exttrieure 


de la pompe Pfeiffer. Un tambour aspirateur en 
tôle d'acier soudée à la soudure autogène chasse 
Pair provenant, gràce au tube A, de la partie cylin- 
drique —la chambre de vide élevé — de la pompe. 
Cet air, pendant la rotation du tambour, est con- 
duit dans une pompe auxiliaire, préparatoire pour 
ainsi dire, qui l'aspire par le tube B. A chaque tour, 
le tambour balaye la surfəce du mercure de la 
chambre à vide élevé et enlève ainsi les impuretés 
qu'il peut contenir : poussières, oxydes, etc. 

L'appareil Pfeiffer se compose donc, en somme, 
de deux pompes réunies sur un seul bâti: la pompe 
à vide élevé (corps cylindrique) et la pompe prépa- 
raloire (corps hémisphérique), En général, une troi- 
sième pompe est encore nécessaire pour obtenir un 
vide rapide. On associe donc à la pompe Pfeiffer 
une trompe à eau ou une pompe rotative ordi- 
naire. Dans ce cas, le tube 3 est fermé. Le réci- 
pient 2 sert à recevoir de l'acide phosphorique 
destiné à absorber l'humidité. La pompe Pfeiffer 
se construit en deux grandeurs: pour 3,50 litres 
de mercure et l'autre pour 4,75 litre. 


2° Mesure des vides élevés. 


Les applications du vide élevé étant assez nom- 
breuses (lampes à incandescence, tube de Ræntgen, 
de Moore, etc.), on a été conduit à créer des appa- 
yeils permettant sa mesure d'une façon simple et 
rapide. 

Diverses méthodes ont été proposées à cet effet; 
dans les unes, l'indicateur de vide est relié direc- 
tement avec le récipient dans lequel existe le vide 
élevé; dans les autres, c’est-à-dire lorsqu'il s'agit 
de iubes, de vases hermétiquement clos, il est 
nécessaire d'avoir recours à un procédé électrique. 


Ne 143% 


Les indicateurs de vide à compression appar- 
tiennent à deux types principaux : le type vertical 
(jauge Mac Leod), assez encombrant, et le type 
réduit (système Reif). 

La figure 3 donne le schéma de la jauge Mac 
Leod ; la figure 4, celui d’une variante (indicateur 
de Wol). Un tube vertical S, de 80 centimètres de 
longueur environ, est en relation d’une part, à l’aide 
d’un tube de caoutchouc, avec un vase de verre G, 
et, d'autre part, avec le mesureur DC. Ce dernier 
porte une tubulure qui permet de mettre l’appareil 





ST sr" 


Er ne i 


F1G. 1. — POMPE A MERCURE PFEIFFER. 


en communication avec la pompe à vide ou l’espace 
dans lequel règne le vide que l’on veut mesurer. On 
verse dans le vase G du mercure qui s'écoule à la 
partie inférieure et remplit le bas du tube S et le 
tuyau de caoutchouc. L'appareil étant mis en rela- 
tion avec l’espace dans lequel on fait le vide, le 
mercure monte dans le tube à une hauteur corres- 
pondant à la hauteur barométrique au moment de 
l'opération (dans S, jusqu'à une hauteur voisine du 
point Z; en ce point, le tube se partage en trois 
ramifications : 2 tubes D et un tube central C fermé 
à sa partie supérieure et muni d’une boule K). 
Pour effectuer une mesure, on soulève le vase G, 


COSMOS 67 


qui passe de la position B à la position A; le mercure 
monte dans les tubes D et dans le renflement K 
du tube C. Lorsque le mercure a franchi le point Z, 
il enferme dans K et C l'air résiduel de volume 
K + Cet à la pression x et le comprime dans le 
tube C gradué de manière à indiquer la propor- 
tion existant entre le volume actuel et le volume 
primitif de l'air résiduel. La pression à laquelle 
s'effectue cette compression est donnée par la dif- 
férence des hauteurs des colonnes de mercure en 
C et D. On connait donc ainsi le volume et la pres- 





FıG. 2. — POMPE PFEIFFER. 


sion de l’air résiduel. Le produit pv étant constant, 
la pression cherchée est x fois plus petite que celle 
que lon mesure en C et D, le second volume étant 
æ fois plus petit que le premier. 

On mesure ainsi des vides de 4 à 0,0001 mm ou 
même 0,000001 mm. L'appareil qui vient d'être 
décrit est évidemment peu commode, par suite de 
ses dimensions exagérées (1,50 m environ); aussi 
l'a-t-on modifié pour le rendre plus maniable. 

L’'indicateur de vide de M. H. J. Reif, construit 
par Arthur Pfeiffer, à Wetzlar, est de: dimensions 
beaucoup pigs modestes. 

La figure, 5 donne le schéma de Fappareil: le 


68 COSMOS 


vase B est fermé, ce qui permet de raccourcir le 
tube S de près de moitié. Il ne mesure plus que 
0,50 m. 

Les figures 6 et 7 repré- 
sentent l'instrument com- 
plet. 

Tout récemment, le con- 
structeur Pfeiffer, de Wetz- 
lar, a modifié indicateur de 
Reiff de manière à en sup- 
primer les inconvénients. 
Dans cette nouvelle variante 

























18 JuIiLLET 1912 


(fig. 8 et 9), ie mercure n'esi en contact qu'avec du 
verre, tant pendant l'évacuation que pendant la 
mesure. On supprime donc ainsi tout risque 
de salir le mercure avec du caoutchouc et toutes 
les difficultés que l’on rencontrait pour assurer 
l'étanchéité, surtout avec les vieux tuyaux. 

Le nouvel instrument n’a que 0,30 m environ de 
hauteur et de largeur. Un appareil mesureur à 
compression C communique par l'intermédiaire 
d'un robinet H avec un tube B et un réservoir 
à mercure A. La boule A et le tube B sont remplis 
de mercure jusqu'au robinet H, et l'instrument, qui 
peut tourner autour d’un axe S, est placé de ma- 
nière que le dispositif mesureur CDF soit hori- 
zontal. Cela fait, on expulse l'air en E, en même 
temps que l'on ouvre H. 

Pour mesurer le vide obtenu, on amène le dispo- 
sitif mesureur de la position horizontale à la posi- 
tion verticale. 

Le mercure pénètre alors de A, par le tube B, 
dans le mesureur CDF. 









| -A La partie ABF agit alors exactement comme un 
' baromètre tronqué, et on peut y lire des raréfac- 
' tions de 41 à 180 millimètres de mercure. Le sys- 
| 
D K 
! 
L8 (Ea 

| RI B 

F1G.3.— INDICATEUR MAC LEOD. FIG. 4. — INDICATEUR WOHL. F16. 5. 


2 m. 3 GTA TUR 


Pl 357 MES 
rt EEN 





F1G. 6 ET 2. — TUBE DE REIFFe 


tème C mesure les vides élevés. En effet, le mercure 
qui pénètre à l'intérieur de ce système comprime 
une certaine quantité d’air dont le volume peut 
être lu sur un tube capillaire C, ainsi que la pres- 
sion de l'air comprimé en C. Ces deux indications 
donnent immédiatement le degré de vide obtenu. 





F1G. 8 ET 9. — INDICATEUR REIFF-PFEIFFER. 


N° 41434 


Le robinet H sert à les contrôler lorsqu'i s'agit 
de mesures très exactes. L'instrument permet de 
mesurer tous les vides de 0,0001 mm jusqu’à 
180 millimètres de mercure. 

On voit donc que, pour mesurer les raréfactions 
ordinaires, aimsi que les plus élevées, ïl suffit de 


COSMOS 69 


faire tourner l'appareil de %°. L'instrument étant 
complèlement en verre, le mercure n’est exposé 
à aucune perte ni à aucune impureté (lerobinet H 


“est rendu étanche par du mercure). Ajoutons que 


le prix de l’appareil est peu élevé. 
A. BERTHIER. 


Machines à fabriquer les bouteilles. 


Le travail du verre demande une grande habi- 
leté professionnelle, lorsqu'il est exécuté avec les 
procédés qui ont été employés pendant tout le 
siècle dernier et qui tendent seulement à dispa- 
raitre. 

L'apprentissage de l’ouvrier souffleur, qui était 
un des plus pénibles entre tous ceux qu exigeaient 
l'industrie, était aussi un des plus longs : il devait 
être commencé de très bonne heure pour que Îe 
gamin, devenu souffleur, pût rester à l'usine un 
nombre d’années suffisant, avant d'ètre obligé de 
s'arrêter, épuisé par la chaleur des fours, usé par 
le travail de ses poumons, souvent sans avoir 
dépassé la quarantaine. | 

Et c'est cependant une des rares industries pour 
lesquelles les législateurs, qui depuis une vingtaine 
d'années s'efforcent d'assurer l'hygiène des ateliers 
et de réglementer le travail des enfants, ont été 
contraints d'admettre des exceptions, devant l'im- 
possibilité de les supprimer sans provoquer une 
faillite générale de la verrerie. Aussi l'opinion 
publique réclamait-elle depuis longtemps pour le 
travail du verre une transformation analogue à 
tant d’autres déjà obtenues dans des industries 
aussi dangereuses : la substitution du travail mé- 
canique au travail humain, l'invention de ma- 
chines puissantes, épargnant des milliers de vies. 

Ces machines existent maintenant, et l'évolution 
souhaitée se fait peu à peu : l’ancienne usine, avec 
ses halles rouges de feu, avec son atmosphère 
embrasée par le rayonnement des fours, avec ses 
ouvriers demi-nus et haletants, agitant des blocs 
incandescents au bout de longues cuillers, tend à 
se transformer pour prendre l'aspect de l'atelier 
moderne, bien aéré, très calme, où l'on n'entend 
plus que les ronflements des moteurs, les respira- 
tions régulières des pistons, où l'on ne voit plus 
que des masses de fonte et d'acier travaillant sans 
relâche dans la douce lumière du jour, avec des 
gestes précis, formidables ou délicats tour à tour, 
sous la surveillance de quelques mécaniciens qui, 
circulant dans les allées, règlent un organe, serrent 
un écrou, vident une burette d'huile. 

Nous parlerons seulement aujourd'hui d'une des 
branches les plus importantes de l'industrie du 
verre, la fabrication des, bouteilles, et pour faire 


voir à nos lecteurs l’évolution dont nous venons 
de parler, nous allons leur présenter deux des 
machines les plus employées actuellement : l'une 
française, qui, perfectionnée plusieurs fois par son 
inventeur lui-mème, caractérise l’évolution dont 
nous avons parlé plus haut, et qui a permis de 
réduire progressivement la main-d'œuvre; l’autre 
américaine, qui a fourni brusquement, trop brus- 
quement peut-être, le moyen de supprimer les diffi- 
cultés du travail humain. 

Le soufflage était l'opération qu'il fallait cher- 
cher à rendre mécanique le plus vite possible : des 
inventeurs résolurent le problème vers 1890 par 
l'utilisation d'un courant d'air comprimé. Le prin- 
cipe de la machine Boucher date de cette époque. 

La figure 4 nous montre que les dimensions de 
cette machine, comparées à celles de l’objet qu'elle 
fabrique, sont très raisonnables. Elle porte deux 
moules, l’un, ébaucheur A: l'autre, finisseur B : 
chacun d'eux se compose de deux moitiés reliées 
par une charnière et pouvant s'écarter ou se rap- 
procher sous l’action des manettes que commande 
l’ouvrier. Celui-ci peut aussi faire avancer succes- 
sivement chacun des moules de manière à le 
placer au-dessus de l'axe C. La photographie est 
prise à l'instant où les deux moules se sont ouverts 
et rapprochés de leurs supports pour dégager la 
bouteille terminée. 

La bagne qui termine le col de la bouteille est 
faite par un petit moule D qui peut s'ouvrir aussi 
en deux parties. 

L'air comprimé est amené, soit à haute pression, 
par la tige creuse E, portée par la console tour- 
nante F, soit à basse pression, par l'arbre creux dn 
volant G et par la tige creuse H. Le volant G per:act 
de faire tourner tout ensemble A H D etle baian- 
cier K qui le supporte autour de l'axe horizontal 
porté par la console. 

Les opérations se suecédeal dans l'ordre suivant 
à partir do la position actuelle, une fois que la 
bouteille précélente a été enlevée : 

1° On fuit tourner le volant de 480° de manière 
à renverser le moule d'ébauche et le mouic de 
bague, ce dernier se trouvant ainsi à la partie 
inférieure, et étant bouché par un mandrin qui 
ménage la place du col. 


70 COSMOS 


90 Par le fond du moule ébaucheur, on verse le 
verre fondu, et au moyen de la console tournante 
F, on fait arriver un courant d'air à haute pres- 
sion : le bloc de verre prend forme et commence 
à se solidifier extérieurement. 

3° On tourne alors le volant de 180° pour 





FıG. 1. — MACHINE A BOUTEILLES BOUCHER. 


ramener le tout dans la position initiale : ouvrier 
ouvre le moule ébaucheur, le lire en arrière et 
lui substitue le moule finisseur, pendant qu'il 
soulient l’ébauche au moyen du fond mobile L. 
En mème temps, le moule de bague est dégagé 
de son mandrin, un courant d'air à basse pression 
pénètre dans le col et souffle la bouteille. 

4° On ouvre les moules, on fait descendre le 
fond mobile, et la bouteille terminée est mise à 
refroidir. 

La machine que nous venons de décrire n'est 
pas entièrement automatique, puisque la bouteille 
qu’elle fabrique doit être suivie dans toutes ses 
transformations par un ouvrier intelligent el 
expérimenté, qui commande à la main tous les 
organes à mettre en jeu au moment vouiu : il 
mesure et coupe le verre fondu qu’on lui apporte, 
manœuvre les manettes et le volant, agit sur les 
pédales pour lancer ou arrêter le courant d'air 
comprimé. La substance mème est fournie au 
mouleur par un ouvrier cueilleur qui, au moyen 
d'un foret, puise le verre en fusion dans le bassin 


18 ouizzer 1912 


d'un four, spécialement aménagé pour éviter le 
rayonnement. 

Les conditions d'hygiène se trouvent ainsi suffi- 
samment remplies, le travail des ouvriers est rendu 
beaucoup moins pénible, et ces machines sont 
assez robustes et assez simples pour donner une 
bonne production, avec peu de frais d'entretien : 
un ouvrier exercé arrive à mouler par heure 
120 bouteilles d'une forme quelconque, d'aspect 
très régulier et de capacité constante. 

La machine Owens, dont la figure 3 donne une 
idée d'ensemble, supprime complètement l'inter- 
vention de l’homme au cours de la fabrication; il 
faut, pour la conduire, non plus des ouvriers verriers 
de métier, mais des mécaniciens qui connaissent 
à fond tous les organes de ce grand automate. 

Elle se compose en réalité de six mécanismes 

dentiques, répartis sur la circonférence d'un 
immense barillet de revolver, tournant autour 
d'un axe vertical : la photographie nous présente 
de face le mécanisme n° 6, comme l'indique la 
plaque de fonte qu'il porte. Faisant donc abstrac- 
tion des cinq autres, nous allons décrire celui-là 
seulement. . 

Nous voyons qu'il porte trois moules, analogue, 
à ceux de la machine Boucher : 

L'un a, à la partie supérieure, qui sert à former 
la bague et qui est actuellement fermé; 

Le second bb", au-dessous, qui finit la bouteilles 
el qui se trouve ouvert en deux moitiés ; 

Le troisième cc', à parois très épaisses, qui 
ébauche l'objet, et qui, entr'ouvert, est rabattu 
vers le bas. | 

Les divers mouvements de ces moules sont pro- 





FıG. 2. — PHASES DE LA FABRICATION D'UNE BOUTEILLE 
PAR LA MACHINE OWENS. 


duits au moment el à l'endroit voulus, par l'inter- 
médiaire de leviers articulés, commandés par des 
cames immobiles, concentriques au grand axe 
vertical de la machine; c'est aussi par des cames 
que sont manœuvrées les soupapes mettant les 
moules en communication, tantôt avec une con- 


N° 143% 


duite d’aspiration, tantôt avec une conduite d'air 
comprimé. Ces canalisations partent toutes du 
sommet de la machine, où arrivent les deux gros 
tuyaux d'aspiration et de compression qui des- 
cendent du plafond. | 
Enfin, l’ouvrier cueilleur est supprimé parce que 
le four de fusion, dont on aperçoit une partie sur 
la droite de la photographie, se trouve placé tout 
près de la machine, et que celle-ci cueille elle- 
même le verre dans la cuve, en prenant juste la 
quantité nécessaire. En effei, tout le bâli, chaque 
fois qu’il a tourné d’un sixième de tour, s’abaisse, 
puis se relève : à ce moment, le moule ébaucheur 


COSMOS 71 


du mécanisme qui passe devant le four se trouve 
fermé et appliqué contre le moule de bague; sa 
partie inférieure, sans fond, plonge dans la cuve 
de fusion, tandis qu’une aspiration produite dans 
la bague fait monter le verre (fig. 2, 4). Un 
poinçon ménage le col de la bouteille, l’ébauche 
se forme. Au moment où le båti remonte, un cou- 
teau c (fig. 2, 2) vient raser le bas du moule, de 
manière à séparer l’excès de matière. 

La fabrication s'achève pendant que la machine 
continue sa rotation. Le poinçon sort du col de la 
bouteille, les deux moitiés du moule d'ébauche 
s'écartent (fig. 2, 3), et la masse de verre reste 





F1G. 3. — LA MACHINE OWENS A FABRIQUER LES BOUTEILLES. 


suspendue par la bague, sous forme d’un bloc 
allongé, incandescent. Le moule finisseur se sou- 
lève aussitôt et l'enveloppe, tandis qu'un fond 
mobile achève d’enfermer la masse (fig. 2, 4). 
L'aspiration a cessé : elle fait place à un courant 
d'air comprimé qui souffle la bouteille (fig. 2, 5). 
Tous les moules s'ouvrent alors (fig. 2, 6) et 
laissent tomber l’objet, la tête la première, dans 
un entonnoir sous lequel tourne un réservoir por- 
tant des logements où les bouteilles viennent se 
placer. Une légère fusion fait disparaitre les irré- 
gularités de l'embouchure. La bouteille terminée 
passe dans un four à refroidissement rapide. 


Pour diminuer l'usure et éviter la rupture du 
verre, il faut réchauffer les organes du moulage 
quand ils viennent en contact avec le verre fondu 
et les refroidir progressivement aussitót qu'ils 
l’abandonnent : toutes les parties soumises à des 
variations de température sont munies de con- 
duites et de robinets qui laissent circuler un cou- 
rant d'air chaud ou froid suivant le besoin. Le 
refroidissement doit être énergique surtout pour 
le moule d'ébauche, qui, plongeant dans la cuve 
de fusion, est soumise à une très haute température. 

Par contre, pour éviter un empâtement dans le 
bain de verre à l’endroit où les moules d'ébauche 


72 COSMOS 


froids viennent tremper successivement, le bassin 
repose sur une plate-forme en fer, qui, montée sur 
galets, tourne sous une voùte de four chauffée 
par un mélange de gaz et d'air. 

Le constructeur a prévu les bris de bouteilles 
au cours de la fabrication, et pour éviter des acci- 
dents aux mécanismes dus à la présence de verre 
durci entre les parties mobiles, les liaisons des 
organes de commande sont munies de ressorts qui 
cèdent sous les résistances anormales. 

Ainsi que dans la machine Boucher, les moules 
peuvent ètre changès rapidement pour permettre 
de fabriquer d’autres genres de bouteilles : comme 
la hauteur des moules d'ébauche au-dessus de la 
cuve de fusion change avec leur grandeur, il est 
nécessaire de pouvoir régler cette distance : on le 
fait au moyen du volant qui apparait au premier 
plan sur la figure 2. 

La machine Owens fabrique donc six bouteilles 
par révolution sur elle-méine, ce qui lui permet 
d'en produire 44 000 à 32000 en vingt-quatre heures, 
suivant la grandeur et la forme. Sa masse propre 
étant assez importante, elle consomme une certaine 
puissance et coùte très cher. En outre, elle exige 
un certain nombre d'appareils accessoires qui 
élèvent considérablement les frais d'installation : 
four à bassin rotatif, appareil à border, soufflerie, 
pompes; et aux 7 chevaux de puissance que son 
mouvement propre absorbe, il faut ajouter au 
moins 50 chevaux pour faire marcher tous ces 


18 JUILLET 1912 


accessoires indispensables. Il faut adjoindre à 
l'usine un atelier important de réparations. Le 
personnel total des équipes pour exploiter une 
machine pendant vingt-quatre heures s'élève à 
15 ouvriers dont $ÿ mécaniciens. 

C'est pourquoi l'installation Owens ne s’est 
montrée avantageuse jusqu'ici que pour de grandes 
entreprises, établies depuis cette invention. Les 
anciennes verreries pour lesquelles le prix de la 
main-d'œuvre n’est pas encore excessif refusent 
de risquer une transformation très coùteuse et 
peut-être dangereuse. car elle entrainerait une 
surproduction à laquelle les débouchés actuels ne 
suffiraient plus. 

Une centaine de ces machines fonctionnent actuel- 
lement en Amérique: il n’y en a encore qu'une 
douzaine en Europe. L'Angleterre et l'Allemagne 
les ont essayées, et une Société de Berlin a acca- 
paré l'exploitation des brevets Owens en Europe. 
C'est une des raisons pour lesquelles les industriels 
français ont jusqu'ici refusé de s'en servir; mais 
ils prétendent aussi qu'ils ne gagneraient peut-ètre 
pas au changement : les machines Boucher 
marchent bien, ne sont pas encombrantes et per- 
mettent de faire varier la production proportion- 
nellement à la vente en réduisant les frais au 
minimum ; enfin, la machine Owens ne sait pas 
fabriquer le type bouteille de champagne, à cause 
de la haute piqüre du fond, et c’est un gros défaut 
pour les usines françaises. HENRI BERGÈRE. 





La cure spécifique antituberculaire. 


VII Congrès international de la tuberculose. 


La séance d'inauguration du VIIe Congrès inter- 
national contre la tuberculose a été tenue à Rome, 
dans la giande salle du Capitole, le 44 avril, et 
Les travaux du Congrès ont été poursuivis jusqu'au 
20 avril. 

Etaient officiellement représentés : L'Allemagne. 
par M. De Leuve; l'Angleterre, par M. Nathan 
Raw; l'Autriche, par M. Wechselbaum; la Bel- 
gique, par M. Putzevs: le Brésil, par M. De Rocha; 
la Bulgarie. par M. Ivanoff: le Canada. par M. La- 
chapelle; le Chili, par M. Sierra; ia Chine par 
M. Syahi; la Colombie, par M. Arcangeli; le Dane- 
mark, par M. Motzen; FEspagne, par M. Erpina; 
les L'ats-Unis, par M. Stelia; la France, par 
M. Landonzy; la Hongrie, par M. Te Toth; le 
Japon, par M. 5iuga; le Luxembourg. par M. Ra- 
jeth; le Mexique, par M. Prunédo: la principauté 
de Monaro, par M. Pontremoli; le Portugal, par 
M. D’Ahnida; la Suisse, par M. Carrière. 

les questions relatives A la tuberculose, au triple 
point de vue scientifique, thérapeutique et social, 


ont acquis une si haute importance qu'elles ne pour- 
raient être suffisamment discutées dans les grands 
Congrès internalionaux de médecine générale. Si 
l'on songe que la tuberculose est sans contredit la 
plus meurtrière des maladies infectieuses, celle 
dont les sources de contagion paraissent le plus 
difficilement Cvitables, on ne peut que se féliciter 
de Fardenr avec laquelle les nations civilisées 
s'efforcent de se mettre d'accord sur les remèdes 
à opposer au flean. 

M. Iüiggs, de New-York, en homme pratique, 
a traduit fort spirituellement en dollars les dom- 
mages causés aux États-Unis par la tuberculose. 
En évaluant à 1500 dollars la valeur moyenne de 
la vie humaine, à l'âge où l’on meurt le plus 
souvent de tuberculose, et en multipliant ce chiffre 
par 450000, nombre annuel des décès causés par 
la tuberculose aux États-Unis, on trouve que cette 
maladie cause une perte annuelle de 225 millions 
de dollars. En ajoutant la perte d'un dollar par 


jour et par malade pour l'incapacité au travail, et 


N° 14314 


une dépense égale pour frais de maladie, c'est-à-dire 
105 millions de dollars par an, on arrive au chiffre 
total et bien significatif de 330 millions de dollars 
que les États-Unis payent chaque année comme 
impôt à la tuberculose ! s 

Toutes les questions d'ordre scientifique, écono- 
mique et social relatives à la terrible maladie, qui 
fait encore en France 150 000 victimes par an, et 
près de 100 000 en Italie, ont été approfondies au 
Congrès de Rome. Il serait diflicile d’en donner ici 
un court et intéressant résumé. Nous désirons sim- 
plement attirer l'attention des lecteurs du Cosmos 
sur trois sujets qui ont été particulièrement dis- 
cutés par les congressistes : la question de la thé- 
rapeutique spécifique de la tuberculose, celle de la 
cure chirurgicale de la phtisie et celle de la vacci- 
pation antituberculaire. 

On sait que la thérapeutique spécifique de la 
tuberculose, fondée sur les phénomènes biolo- 
giques desquels dépend la guérison spontanée des 
maladies infectieuses, utilise presque exclusive- 
ment deux séries de remèdes organiques : les dif- 
férentes tuberculines et les différents sérums anti- 
tuberculaires, au moyen desquels on se propose le 
mème but, c'est-à-dire la guérison par les moyens 
naturels de défense de l'organisme. 

Les tuberculines, solutions ou émulsions des 
principes toxiques bacillaires, injectées à très 
petites doses aux malades dont l'organisme est 
encore capable de réagir contre les poisons tuber- 
culaires, excitent la production d’antitoxines, d'an- 
ticorps bacillaires, c'est-à-dire de substances pré- 
servatrices et curatives élaborées par les cellules 
et contenues dans le sang, en mème temps qu'elles 
déterminent au niveau des foyers tuberculeux cer- 
taines réactions locales, bienfaisantes tant quelles 
ne sont pas trop accentuées. 

Avec les sérums antituberculaires prélevés sur des 
animaux vaccinés au moyen des susdites tubercu- 
lines, on se propose d'introduire dans l'organisme 
des malades une certaine quantité de substances 
défensives antitoxiques, qui s'opposent aux perni- 
cieux effets des produits toxiques fabriqués par les 
bacilles, et agissant soit localement sur les pou- 
mons, soit sur l'organisme en général. 

Avec les sérums antibacillaires ou bactérioly- 
sines, prélevés sur des animaux vaccinés avec des 
cultures mortes ou atténuées de bacilles de Koch, on 
se propose d'introduire dans l'organisme des ma- 
lades les substances bactéricides que fabriquent 
normalement les tissus lorsqu'ils sont envahis par 
les bacilles : ces substances ne sont pas simplement 
antitoxiques, car elles attaquent la vitalité même 
du bacille, dont elles provoquent la mort, la dis- 
solution, la bactériolyse. 

Tout cela semble bien simple en théorie : 
c'est tout le contraire en pratique. Ce qui ne doit 
étonner personne, si l'on considère la complexité 


COSNOS 73 


du problème de la lutte de l'organisme contre les 
bacilles et leurs poisons, les différentes manières 
de réagir de l'organisme envers la tuberculose, la 
difficulté d'employer des produits artificiels pareils 
à ceux qui sont fabriqués dans l'organisme par les 
bacilles, d'une part, et les cellules des tissus, de 
l'autre. Vingt-deux ans de pratique de la tubercu- 
linothérapie, dix-sept ans de pratique de la séro- 
thérapie antituberculaire n'ont pas encore mis 
d'accord les savants et les praticiens sur la valeur 
réelle de ces deux méthodes curatives. Aucune propo- 
sition énoncée dans les Congrès n'a réuni l’unani- 
mité des suffrages. Doit-on pour cela proclamer la 
faillite du traitement antituberculaire par les 
tuberlines et les sérums? 

Nous ne le croyons pas, car, s’il est certain, 
aujourd’hui, qu'aucune tuberculine n’équivaut, pour 
les effets, au vaccin antirabique; s'il est reconnu 
qu'aucun sérum antituberculaire ne peut ètre mis 
de pair avec les sérums antidiphtériques, d'autre 
part, nous savons, et cela a été dit et redit au 
Congrès de Rome comme dans les Congrès pré- 
cédents, que la tuberculinothérapie et la sérothé- 
rapie antituberculaire reposent sur des bases sé- 
rieuses : la constatation expérimentale que cer- 
tains nouveaux procédés de laboratoire — sur 
lesquels nous reviendrons peut-être un jour — ont 
permis de faire de la présence de substances anti- 
tuberculaires dans le sang de l'homme et des ani- 
maux atteints de tuberculose ou traités soit par 
les tuberculines, soit par les sérums. Voici, du 
reste, comment M. Maragliano a cru pourvoir ré- 
summer nos connaissances à ce propos en quelques 
simples propositions : 

1° Les bacilles vivants de la tuberculose, les 
cadavres des bacilles, les poisons bacillaires, ino- 
cules expérimentalement aux animaux, provoquent 
la formation dans leur organisme de substances 
défensives spécifiques, c'est-à-dire de substances 
antitoxiques, bactériolytiques, agglutinantes, qui 
sont démontrables et mème approximativement 
dosables par des procédés spéciaux de laboratoire. 

2° Les substances antituberculaires qu'on obtient 
expérimentalement avec les inoculations de diffé- 
rents matériaux bacillaires dérivent toujours du 
mème processus de défense, c'est-à-dire sont des 
produits de la défense organique contre l'agression 
bacillaire. 

3° Pour produire dans l'animai des substances 
antituberculaires applicables à la thérapeutique 
humaine, il convient autant que possible d'éviter 
l’usage de bacilles vivants, car, dans le cas con- 
traire, les produits thérapeutiques pourraient être 
à bon droit objet de méfiance. 

4 Les substances antituberculaires se trouvent 
dans les éléments cellulaires des issus. duns les 
leucocytes, dans le sérum du gang, dans le lait des 
animaux soumis au {traitement immunisant antitu- 


7% COSMOS 


berculaire au moyen d'inoculations de produits 
tuberculeux. L’'aphorisme de Wassermann et 
Citron, que « chaque cellule qui est en état 
de fixer la matière infectieuse peut produire des 
anticorps », est donc parfailement applicable à la 
tuberculose. 
ÿ° L'infection tuberculaire chez l’homme déter- 
mine la production de substances spécifiques de 
défense, analogues à celles qu'on obtient expéri- 
mentalement chez les animaux. 
6° Les tuberculines et les poisons tuberculaires 
en général peuvent, chez l’homme atteint de tuber- 
culose, déterminer la production de substances 
spécifiques de défense, à condition, bien entendu, 
que l'organisme du malade soit encore capable 
de réagir convenablement à l'inoculation de ces 
poisons. | 
7° Les substances antituberculaires contenues 
dans le milieu organique des animaux immunisés 
peuvent être transportées dans l'organisme de 
Phomme sain ou malade. 

8° On peut pratiquer une thérapie spécifique de 
la tuberculose soit avec les tuberculines et les poi- 
sons tuberculaires en général, soit avec les sub- 
stances antituberculaires produites dans lorga- 
nisme des animaux. 

% On peut donc affirmer aujourd’hui qu'il existe 
véritablement une thérapeulique spécifique de la 
tuberculose humaine; mais, d'autre part, il est 
absurde d'attendre d'elle des résultats favorables 
si l'on ne s'adresse pas à des malades qui se 
trouvent encore en de bonnes conditions de dé- 
fense : ce qui équivaut à dire qu'on ne peut forcer 
la nature : on ne peut que l'aider. 

10° IT est possible de créer dans l'organisme de 
l'homme sain un état de particulière résistance 
envers l'infection tuberculaire au moyen d'un trai- 
tement analogue à celui qui sert à immuniser les 
animaux producteurs du sérum antituberculaire. 

M. Neumann, de Vienne, a exposé d'une façon 
très claire au Congrès de Rome son opinion, qui 
est celle généralement acceptée, sur la tuberculi- 
nothérapie. Il faut retenir, a-t-il dit, comme règle 
fondamentale, que les quantités de tuberculine à 
eimplover doivent être d'autant plus faibles que le 
processus tuberculeux est plus actif. Ce traitement 
n’est praticable que sur des malades en de bonnes 
conditions générales et sans fièvre. Il faut toujours 
commencer à injecter des doses minimes de tuber- 
culine. La dose initiale la plus favorable parait 
étre celle un peu inférieure à la dose capable de 
provoquer une réaction générale. Les résultats de 
celie thérapeutique spécifique active sont souvent 
éclatants, mais on irait trop loin en affirmant 
que la tuberculine peut guérir définitivement les 
tuberculeux. Lorsque les malades ont de la fièvre, 
la tuberculinothérapie, au lieu d’être utile, peut 
accélérer l’évolution de la maladie. 


18 JUILLET 1912 


La question de la sérothérapie antituberculaire, 
ou cure spécifique passive de la tuberculose, a été 
mise au point par MM. Teissier et Arloing, qui ont 
rappelé les premiers essais de sérothérapie, exposés 
au Congrès de Bordeaux en 189% par le professeur 
Maragliano, de Gênes, qui avait obtenu du cheval 
un sérum essentiellement antitoxique. Les sérums 
de M. Marmorek, de M. S. Arloing, de MM. Lanne- 
longue et Achard, de M. Rappin, de M. Vallée, de 
M. Jousset, etc., sont, eux aussi, des sérums presque 
exclusivement antitoxiques, qui exercent leur action 
sur la fièvre, les sueurs, la dyspepsie, les troubles 
de la circulation et de la nutrition, à condition 
que ces symptòmes dépendent seulement de l'in- 
toxication tuberculaire, et non pas des intoxica- 
tions provoquées par les différents germes micro- 
biens associés au bacille de Koch, qu'on rencontre 
dans les cas avancés de phtisie. Mais nous disposons 
aussi, maintenant, contre la tuberculose comme 
pour la diphtérie, de sérums anticorps, de sérums 
qui agissent sur le bacille, et qu’on prélève sur des 
animaux inoculés prudemment, non pas seulement 
avec les tuberculines, mais avec des bacilles morts 
ou atténués. Les sérums antibacillaires ou « bacté- 
riolysines », parmi lesquels il faut citer celui de 
M. Maragliano, ont été étudiés par MM. Teissier et 
Arloing. Ils produisent la mort et la dissolution 
des bacilles, mais, par conséquent aussi, la mise en 
liberté des endotoxines bacillaires et une plus forte 
intoxication de l'organisme s'ils sont utilisés d'une 
façon trop intensive. C'est là un phénomène que 
nous avions mis nous-mêmes en évidence dans 
notre thèse de 41903, et qui ne pouvait échapper 
à l'attention des observateurs compétents. Les 
sérums bactériolyliques produisent des modifica- 
tions très manifestes el souvent rapides dans les 
foyers tuberculeux. Ils permettent d'attaquer les 
bacilles, soit directement, soit indirectement, au 
moyen de la phagocytose. 

Enfin le Congrès s’est occupé aussi de la possi- 
bilité d'un traitement spécifique ne nécessitant pas 
le recours aux injections de sérums ou de tubercu- 
lines, qui sont suivies quelquefois par des accidents 
d'anäphylaxie, c'est-à-dire par des perturbations 
locales et générales témoignant d’une dangereuse 
sensibilité des tissus, et particulièrement du sys- 
tème nerveux, à l’action des poisons tuberculaires 
et des sérums antituberculeux. I] parait que la voie 
gastrique et intestinale permet l'introduction des 
substances curatives spécifiques, sans présenter 
les dangers des inoculations sous-cutanées. C'est 
là une constatation importante, dont nous sommes 
redevables à M. Calmette, d’une part, à M. Mara- 
gliano, de l'autre, et qui relèvera la confiance des 
malades et des médecins dans la médication spéci- 
fique antiluberculaire. 


Ainsi, le VIIe Congrès de la tuberculose a sou- 
ligné de nouveau l'importance de la tuberculino- 


N° 113% 


thérapie et de la sérothérapie antituberculaire, 
dont les bases scientifiques paraissent solidement 
élablies, en même temps qu'il a mis en garde le 
public contre certaines exagéralions sur l'efficacité 
de ces traitements qui, comme l'ont fait observer 
si judicieusement MM. Teissier et Arloing, doivent 
être encore sérieusement étudiés dans le but de 





COSMOS 75 


déterminer exactement « à quelles catégories de 
malades ils peuvent ètre appliqués utilement ». 
Les recherches dirigées en ce sens nous expli- 
queront sans doute les divergences d'opinion qui 
existent encore sur la valeur pratique des médica- 
tions spécifiques antituberculaires. 
Dr P. GOGGIA. 


La turbine Tesla à disques parallèles sans aubes. 


La turbine à vapeur est aujourd’hui d'un usage 
courant à bord des grands vapeurs, par suite de la 
qualité qu’elle a de pouvoir produire une grande 
puissance sous un faible encombrement. Elle est un 
des plus intéressants producteurs d'énergie par la 
façon dont elle agit. La vapeur comprimée, au 
lieu de venir se détendre dans un cylindre ou 
espace fermé par une cloison mobile, utilise sa 
détente en communiquant une vitesse considérable 
à sa propre masse. Ses molécules, avec des vitesses 
comparables à celle des projectiles des armes à feu, 
épuisent leur énergie cinétique en venant frapper 





F1G. 1. — TURBINE TESLA, A DISQUES SANS AUBES. 


et rebondir sur les aubes d'une roue mobile. La 


turbine élémentaire, la turbine de Laval, par 


exemple, collecte ainsi sur ses aubes la force vive 
de la vapeur que la chaleur a préalablement 
engendrée. Dans les turbines plus nouvelles et 
capables de fournir un rendement beaucoup plus 
élevé, la vapeur agit par une série de détentes ou 
cascades successives sur une suite de turbines élé- 
mentaires fixées sur un axe commun. Chemin fai- 
sant, la vitesse de la vapeur diminue tandis que 
son volume augmente, mais ce qui caractérise 
surtout ce mode de fonctionnement, c'est la mul- 
tiplicité des chocs des molécules contre des sur- 
faces résistantes pour la production d’une force 
motrice (4). 


(1) Sur les turbines à vapeur, voir l’article de A. BEr- 
THIER, Cosmos, t. LV, p. 597 et p. 6314. 


Tesla, le savant électricien, bien connu pour ses 
remarquables appareils à courants alternatifs de 
grande fréquence et de haute tension, vient d'ima- 
giner un autre mode d'emploi de la vapeur dans 
une turbine d'un {ype fort original, absolument 
différent de tous les types connus, que nous venons 
de rappeler. 

Les revues scientifiques américaines et anglaises, 
telles que Scientific American et World's Work, 
ont décrit la curicuse invention, qui mérite: d’être 
signalée et donne à réfléchir à tous les construc- 
teurs actuels de turbines à vapeur. 

Tesla, dans sa turbine, met en jeu les proprié- 
tés d’adhérence et de viscosité, communes à des 
degrés divers à tous les fluides, eau, gaz, vapeur. 





F1G. 2. — PRINCIPE DE LA TURBINE A AUBES 
GENRE TURBINE DE LAVAL. 


On sait, en effet, que l’eau a une tendance mar- 
quée à adhérer à une surface solide. La goulte 
d'eau, sous la forme sphérique, peut résister à la 
force de la pesanteur, si agissante cependant, tan- 
dis que la viscosité s'oppose à la séparation de ses 
molécules (1). On retrouve l’adhérence et la visco- 
silé, à un degré moindre, il est vrai, mais encore 
très marquée dans la vapeur d’eau un peu aqueuse 
et dans les gaz, l'air, par exemple. 

Comment accroitre l'adhérence? Évidemment, 


(1) L'adhérence de l’eau aux corps solides a été 
ingénieusement mise en œuvre pour puiser dans un 
puits avec un élévateur composé uniquement d'une 
courroie sans fin qui est déplacée rapidement en 
ligne verticale sur deux poulies, et dont la partie 
inférieure, avant de s'élever, est constamment mouillée 
au fond du puits. 


16 COSMOS 


en augmentant l'étendue des surfaces sur laquelle 
le fluide doit déterminer un frottement. Tesla 
fabrique sa turbine de la manière la plus simple 
suivant ces principes. Il prend des disques circu- 
laires constitués par des lames d'acier minces et 
rigides, et les fixe parallèlement les uns contre les 
autres. Ainsi, ils peuvent être supportés par un 
arbre qui les traverse en leur centre. Un très 
faible espace de quelques millimètres au plus les 
sépare. Le fluide sous pression, vapeur ou gaz, 
amené par un ajutage à la périphérie de la roue 
formée de cette façon, est projeté suivant la direc- 
tion tangentielle dans les espaces vides laissés 
entre les disques. On conçoit, dès lors, que ce lami- 
nage entre de larges surfaces planes a pour effet 
d’accroitre considérablement l'effet de friction pro- 
venant de l'adhérence. Les disques sont donc 
entrainés par le courant gazeux. 

Ces disques sont renfermés dans une enveloppe 
el évidés au centre. La vapeur pénètre dans len- 
veloppe, comme on le voit figure 1, et suit une 
direction sensiblement tangentielle qui s’infléchit 
en décrivant une spirale vers le centre, où elle 
trouve des orifices de sortie à l'extérieur. Au com- 
mencement du mouvement des disques, la vapeur 
se rend bientôt au centre, d’où elle s'échappe; mais, 
à mesure que la rotation s'accélère, le chemin que 
parcourt la vapeur s’allonge de plus en plus avant 
l'échsppement, si bien qu’à la plus grande vitesse, 
il peut arriver que la vapeur fasse plusieurs tours 
à l'intérieur de l'enveloppe, tout en restant cons- 
tamment en contact avec les disques et en exer- 
cant sur eux, d'une maniére continue, son effet 
d'entrainement. 

Av dire de l'inventeur Tesla, le nouveau moteur 
aurait une grande supériorité sur tous les autres 
moteurs à piston et à turbine. Le rendement 
serait de beaucoup meilleur (1). Tesla donne 
sur ce point des raisons qui sont sérieuses el 
logiques : « Dans la turbine ordinaire, dit-il, la 
vapeur agit uniquement sur la périphérie des 
disques el la pariie centrale reste inactive. Dans 
le moteur de mon invention, la vapeur agit sur la 
surface entière du disque. Aucune portion de cette 
surface ne reste inutilisée. En outre, tous les méca- 
niciens savent que, quand un tluide est employé 
comme vehicule d'énergie, pour obtenir le rende- 
ment maximum il est nécessaire de réduire au 
minimum les changements successifs dans la 
vitesse et dans la direction du mouvement du 
fluide. Dans les diverses espèces de turbines inven- 
tées jusqu’à présent, la vapeur subit toujours des 
variations pius ou moins brusques de vitesse et de 
direction, inconvénient qui est évité dans mon 
type. » On peut, en outre, remarquer qu'à mesure 

(1) Engineeriny montre cependant que le rendement 


théorique maximum est inférieur à 50 pour 100, en ap- 
puyantcelte affirmation sur les lois de la mécanique. 


A8 JUILLET 4912 


que la vitesse de la vapeur diminue entre les 
disques, elle décrit des courbes de plus faible 
rayon; elle achève sa détente précisément dans les 
régions centrales de la turbine où la vitesse linéaire 
des surfaces est beaucoup moindre. 

La turbine Tesla présente une simplicité de con- 
struction tout à fait remarquable quand on la 
compare à la turbine ordinaire, où il faut compter 
avec la fixation de milliers d'aubes sur le stator et 
le rotor, avec un ajustage qui fait penser aux tra- 
vaux d’horlogerie, avec des accidents qui ont pour 
conséquences de véritables « salades d’aubes » 
extrêmement coûteuses à réparer. Ainsi les quatre 
turbines Parsons, qui produisent 40 000 chevaux 
dans le transatlantique France, ont un nombre 
total d'ailettes qui dépasse 600 000. Le montage des 
coussinets de l'arbre moteur de la turbine Tesla 
réclame seul beaucoup de soins. Il n’y a, par contre, 
aucun organe délicat et susceptible d'être endom- 
magé dans cette machine. On y substitue aisé- 
ment un disque nouveau à un disque usé. La roue 
à disques tourne indifféremment dans un sens ou 
dans l’autre; elle est réversible immédiatement 
par le jeu d'un simple robinet à deux voies, qui 
dirige la vapeur d'un côté ou de l’autre de l'enve- 
loppe. 

Une qualité qui a aussi son importance, ce sont 
les petites dimensions et le faible poids. « Les 
moteurs les plus parfaits, actuellement en usage, 
pèsent environ un kilogramme par cheval-vapeur 
produit. Dans les modèles très imparfaits de mon 
moteur que j'ai fait construire, dit Tesla, pour les 
essais, j'ai déjà réussi à obtenir le cheval-vapeur 
avec un moindre poids. D'après mes calculs, je 
pense pouvoir arriver à construire des moteurs ne 
pesant que 50 grammes par cheval. » 

M. Tesla en est venu à la période des expériences 
vraiment intéressantes. Un type de 110 chevaux 
est extérieurement de la grosseur d’un chapeau de 
feutre. Il tourne à 7 000 tours par minute. Un 
second type est en fonctionnement pour essai à la 
Edison Waterside Station de New-York; il déve- 
ioppe 200 chevaux et pèse une centaine de kilo- 
gramimes. Le rotor est composé de 25 disques en 
acier trempé d'un diamètre de 45 centimètres. 
L'épaisseur totale du rotor est de 85 millimètres; 
chaque disque a une épaisseur de 0,8 mm, Un espace 
de 2,1 mm est laissé entre chaque disque. La vitesse 
du rotor est de 9000 tours par minute. ME 

Un troisième tvpe de 330 chevaux a un rotor de 
60 centimètres de diamètre, formé de 23 disques 
épais de un millimètre. 

Le moteur Tesla peut fonctionner aussi bien au 
gaz qu'à la vapeur. Avec de légères modifications, 
on le transforme en pompe à eau ou à air. Un 
petit modèle de pompe mi par un moteur élec- 
trique d'un demi-cheval débite 18 litres d’eau par 
minute. On peut se demander pourquoi M. Tesla ne 


N° 143% 


parait pas avoir encore essayé son appareil comme 
turbine à eau sous forte pression. Cette applica- 
tion semble ètre tout naturellement indiquée. 

I] faut reprocher à la turbine Tesla le défaut 
commun à toutes les turbines, la trop grande 
vitesse de rotation. Il n’en saurait ètre autrement, 
puisque la vitesse périphérique de la turbine pour 
le meilleur rendement est approximativement la 
moitié de celle du jet de vapeur, et que, d’ailleurs, 
ce jet a déjà à la pression de 12 atmosphères une 
vitesse d'échappement à air libre de près de 
1 000 mètres par seconde. Il n’est pas impossible 
de réduire les vitesses dans des proportions con- 
venables. La turbine Tesla, moins que toute autre, 
d'ailleurs, à raison de son mode de construction, 
doit souffrir de ces grandes vitesses, et avec des dis- 
positifs nouveaux rien nempèche de lui donner 
un grand diamètre, 

M. Tesla, en faisant l'application d'un système 
moteur tout à fait nouveau, ouvre un vaste champ 
aux recherches. La turbine à disques, née d'hier, 
est susceptible, sans doute, de se transformer, de 
progresser el, grâce à des dispositions spéciales, 
d'affirmer peut-être sa supériorité sur la turbine à 
aubes actuelle. Et si on veut bien y réfléchir, la 


COSMOS 


ne 


17 


turbine à aubes et la turbine à disques ne sont- 
elles pas, malgré les apparences, de la même 
famille? La surface plane des disques est rugueuse 
en réalité par rapport aux petites dimensions des 
molécules des divers fluides, et chacune des rugo- 
silés est comparable à une aube minuscule. La 
turbine Tesla ainsi considérée est une turbine 
à aubes extrêmement multipliées. 

Ceux qui trouvent la turbine Tesla curieuse 
peuvent la construire eux-mêmes sans peine et 
sans frais. Une épingle ou un mince bout de fil de 
fer sert d’axe sur lequel on enfile une dizaine de 
rondelles de carton mince (carte de visite, par 
exemple), d’un diamètre de 3 à 4 centimètres, 


entre lesquelles on intercale au centre des petits 


morceaux de carton de façon à laisser à l'air, 
entre les rondelles, un passage libre de un milli- 
mètre environ. Une bande de carton ployée est le 
soutien de l'axe. On soullle avec un tube à petit 
orifice, et l'on est tout surpris de la vitesse que 
prend aussilôt la turbine aussi bien que de la puis- 
sance relative qu'elle développe. Nous serions fort 
étonnés de ne pas voir sans tarder la turbine 
Tesla accouplée à quelque machine-jouet à vapeur. 
NORBERT LALLIÉ. 


L’océanographie pendant l'antiquité" 


Commençons par les Phéniciens. On sait qu'ils 
découvrirent la manière de s'orienter par l'étoile 
polaire, qui reçut le nom d'étoile phénicienne. 
Avant eux, on se servait de la constellation 
de la Grande-Ourse, moins fixe au firmament. 
Mais ce peuple de navigateurs pouvait-il ne 
pas avoir des connaissances très étendues sur 
tout ce qui concernait la mer? Venus du golfe 
Persique. ïls avaient suivi la côte d'Arabie.” 
remonté la mer Rouge, franchi le désert, et ils 
s'étaient élablis au pays de Chanaan sur cette 
étroite bande de terrain qui s'étend entre la Médi- 
terranée et les montagnes. Comme le pays était 
incapable de nourrir son abondante population, ils 
ne trouvaient de ressources qu’au dehors, par 
l'industrie et le commerce. Dans leurs maisons à 
sept ou huit étages, ils manufacturaient les 
matières que leurs navires avaient été chercher au 
loin. La Méditerranée était couverte de leurs colo- 
nies, principalement dans les régions de mines, et 
ils allaient se fournir de métaux partout où ils en 
soupçonnaient l'existence, en Crète, à Samothrace, 
en Sicile, en Sardaigne, en Espagne, aux iles Cas- 
sitérides et, prétend-on, jusqu'au détroit de la 
Sonde. Avec le cuivre et l'étain, ils fabriquaient 
toutes sortes de choses fort laides. car ils n'étaient 


(d) Suite, voir p. t9. 


guère artistes, mais d'un bon débit. [ls tenaient 
assortiments de bijoux, de marinites et surtout de 
divinités, marchandises courantes. On a voulu m'en 
vendre à Gibraltar, où ches sont assez fréquemment 
rencontrées dans les vieilles exploitations puniques 
de lAndalousie. Il est aussi possible qu’elles aient 
élé tout simplement fabriquées en Angleterre, en 
même temps que les innombrables bouddhas les- 
tinés aux Indous. dont le commerce est prospère. 

Les nombreuses colonies phéniciennes de la Médi- 
terranée jalonnent l'ilinéraire fabuleux de Mel- 
carth, l'Hercule tyrien, aussi féroce que son col- 
lôgue. l'Hercule grec, est bon et humain. Ceiui-ci 
dessèche des marais, extermine des géants malfai- 
sanis, tue des oiseaux de proie, nettoie des écuries 
malpropres, étouffe des serpents, massacre des 
bètes sauvages; Melcarth s'installe au hord üe I 
mer, fonde non pas une colonie, mais un simple 
comptoir pour y vendre, y acheter, s’y livrer à la 
troque comme le feront après lui les Fortugais, et 
nulle part il ne sera aimé. En habiles et rusés 
commerçants, Pnéniciens ou Carthaginois garde- 
ront le silence ou ne parleront que pour épouvarter 
la concurrence qni serait tentée de les épier: les 
Sargasses seront transformés per eux en terribles 
serpents de mer dont ils olfrent prrfais l'apprrence 
lorsqu'on les voit de loin se balancer sur les 
vagues: ils raconteront des histoires de sombres 


78 COSMOS 


vapeurs qui se dégagent d’océans boueux remplis 
d'herbes et de monstres marins, de griffons, de 
harpies; si, par hasard, ils rencontrent un bateau 
étranger du côté des pays qu'ils fréquentent, s'ils 
sont les plus forts, ils le coulent sans pitié; s'ils 
sont les plus faibles, ils se coulent eux-mêmes 
pour ne pas lui montrer la route. 

Contre honnète bénéfice, ils acceptent tous les 
métiers et servent bien qui les paye bien. A la 
solde du roi Salomon dont leurs architectes et 
leurs ouvriers construisent le temple, leurs marins 
partant d’Hésiongaber, au fond du golfe Élani- 
tique, sur la mer Rouge, s'en vont à Tharsis, à 
Ophir chercher de l'or, des parfums, des pierres 
précieuses, de riches étoffes, des paons, des singes 
— sans compter la reine de Saba. En Égypte, le 
pharaon Néchao les envoie faire le périple de 
l'Afrique, qu'ils mettent trois ans à accomplir, de 
la mer Rouge à la Méditerranée, bien avant Barthé- 
lemy Diaz et Vasco de Gama, voyant, pendant la 
seconde partie de leur voyage, se lever à leur 
droite le Soleil qu’ils avaient vu d’abord se lever à 
leur gauche. lls se battent même les uns contre les 
autres lorsque les Assyriens envoient les Phéniciens 
de Tyr chasser, des grandes iles de Rhodes et de 
Crète, leurs compatriotes, les Phéniciens de Sidon, 
qui s’y étaient installés. Les cupitaines de leurs 
navires tiennent des livres de bord très soignés 
qu'à l’arrivée ils remettent aux magistrats, lesquels 
se gardent bien d'en donner connaissance, mais 
les conservent jalousement pour leur propre usage 
dans des édifices spéciaux. Mais lorsque, par la 
guerre, ces édilices sont brülés, toute trace de 
leurs voyages disparait. Ils exécutent de gigan- 
tesques captditions commerciales. Leur amiral, 
Hannon, à la tètc de GO vaisseaux portant chacun 
DUD hommes et fenunes, pousse jusqu'à Pile 
Gargades (Sierra Leone) sur la cote occidentale 
d'Afrique pour y fonder une colonie, et pendant ce 
temps, leur autre amiral, Hamilcon, commandant 
une folie presque aussi considérable, va explorer, 
dans les mers du Nord-Ouest, les Açores, la France, 
lcs iles Cassitérides. Pour aller si loin, pour accom- 
plir tant de voyages, à travers des mers sì diffé- 
rentes, ces Sémites devaient posséder des connais- 
sances extrémement étendues en navigation et 
en océanographie. 


Peu à dire des Assyriens. Leur situation géogra- 
phique les empèchait d'ètre des navigateurs. Lors- 
qu'als furent amenés par leurs conquèles à lutter 
contre des peuples riverains de la mer, sur les 
bords du golfe Persique où de la Méditerranée, ils 
s assurcrent les services des Phéniciens, qui com- 
battirent contre qui lon voulut — moyennant 
rétribution, bien entendu. En revanche, par les 
progrès qu'ils firent accomplir à l'astronomie, dont 
l'atinosphère pure et le firmament de leur pays 
leur facilitaient merveilleusement l'étude, ils appor- 


18 suiLLeT 1912 


tèrent une précieuse collaboration au perfectionne- 
ment de l'art de la navigation. 

Les Hébreux n'avaient pas de meilleurs motifs 
géographiques pour devenir des marins. Ils ne le 
furent jamais. Parvenus à l'apogée de leur puis- 
sance, sous le règne de Salomon, ils prirent à leur 
service des flottes phéniciennes bien plutôt des- 
tinées au commerce qu'à la guerre. Mais leur puis- 
sance diminua et s’éteignit aussi rapidement qu'elle 
avait grandi, et les Phéniciens, probablement 
impayés au moment du schisme qui survint immé- 
diatement après la mort de Salomon, se hâtèrent 
de rentrer chez eux. D'ailleurs, aucune science ne 
fut cultivée par les Hébreux, et l’on ne trouve rien, 
dans la Bible, qui touche de près ou de loin à 
l'océanographie, sauf cependant dans le livre apo- 
cryphe d'Esdras, l'affirmation que la mer recouvre 
la septième partie de la terre. Cette phrase n'offre 
aucun caractère scientifique; c’est de la poésie, de la 
kabbale, une simple fleur de rhétorique orientale : 
sept était le nombre sacré: les sept planètes, les 
sept branches du chandelier d'or, les sept mer- 
veilles du monde, les sept Sages, les sept cordes de 
la lyre, et le reste. 


En revanche, ce qui élait bien sincère chez les 
Hébreux, c'est le terrible effroi qu'ils avaient de la 
mer. Chaque fois qu’elle est citée dans la Bible — 
et elle l’est souvent, — elle est accolte à une épi- 
thète exacte, précise et en même temps pleine 
d'une respectueuse épouvante, de celte mème ter- 
reur sacrée qu éprouvaient les Romains et plus 
encore nos ancêtres les Gaulois sous l'ombre épaisse 
des vastes forûts. Les Juifs connaissaient la mer; 
quoiqu'ils n'en fussent nulle part riverains, elle 
n'était pas hors de la portée de leur vue. Puis, 
duns leurs guerres continuelles et en général 
malheureuses avec leurs voisins, surtout les Phi- 
lisiins, c'est-à-dire les Phéniciens, beaucoup, sans 


“doute, avaient dù être faits prisonniers, emmenés 


en caplivité et embarqués pour servir de rameurs 
sur les bâtiments. Plus d’un certainement, au 
retour de ces expéditions faites dans des condi- 
tions particulièrement pénibles, a réussi à s'enfuir 
et à revenir parmi ses compatriotes. Que devaient 
ètre alors les conversations de ces esclaves, navi- 
gateurs forcés, de ces échappés redevenus pasteurs 
lorsque le soir, gardant leurs troupeaux, couchés 
sur le sol avec leurs compagnons autour d'un feu 
d'herbes sèches envoyant sa fumée droite vers les 
éloiles, au milieu du calme de la nuit, ils décri- 
vaient les dangers qu'ils avaient courus, les spec- 
tacles grandioses et terribles que leurs yeux avaient 
vus, le mugissement des vents et des flots, le 
fracas des tempètes que leurs oreilles avaient 
entendu alors qu'enchainés à leur banc ils tiraient 
sur l'aviron, baignés par l’eau des vagues, les 
épaules ensanglantées par les coups de fouet du 
comite, récits qu'exagérait encore leur imagina- 





Ne 153% 


tion de Sémites! Et combien devaient être crues 
ces affirmations, lorsqu'au matin, du sommet de 
leurs montagnes, ils apercevaient la mer loin- 
taine, l’objet de tant d'effroi, étalant sur l'immense 
horizon sa mince ligne bleue étincelante des pre- 
miers feux du jour! | 

Les Egyptiens, eux aussi, eurent peur de la mer, 
et les rois, par politique, essayèrent, quoique vai- 
nement, de lulter contre ce sentiment instinctif. 
Quand, dans un but militaire, il fallut des marins 
et des navires à ce pays qui n'avait pas même de 
forêts pour en construire, les Phéniciens vendirent 
encore leurs services jusqu’au moment où, sous le 
pharaon Psammétique, les « hommes d'airain », 
les Grecs, vinrent leur faire concurrence. Néan- 
moins, sous le roi Néchao II, fils de Psammétique, 
ce furent des Phéniciens qui, envoyés par lui, 
accomplirent en trois années le périple de l’Afrique. 
Partis par la mer Rouge, ils revinrent par la Médi- 
terranée, et, pendant leur voyage, ils avaient vu se 
lever à leur droite le Soleil qui, au début de la tra- 
versée, se levait à leur gauche, remarque qui, 
aujourd'hui, est la garantie même de leur véracité. 

Enfin, nous arrivons aux Grecs, essentiellement 
navigateurs, par leurs qualités comme par leurs 
défauts, par ce qu'ils étaient et ce qu'ils n'étaient 
pas, par leur amour pour les aventures et leur 
amour du lucre, par les nécessités de leur com- 
merce, le besoin où ils étaient de vendre certains 
de leurs produits et d’en acheter certains autres 
qu'ils ne possédaient point chez eux, par la configu- 
ration géographique de leur pays et par leur 
misérable esprit politique, haineux, jaloux, mal- 
faisant, ne connaissant dans leurs éternelles discus- 
sions que deux alternatives: êlre au pouvoir et 
faire subir aux autres une dure tyrannie, ou n’y 
plus être et devenir victimes des mêmes violences 
— plus encore, des mêmes taquineries — que celles 
que la veille encore ils employaient à l'égard de 
leurs vaincus. Un seul parli à prendre : celui de la 
fuite ; une seule ronte vers le salut : la mer. Ainsi 
s'explique la fondation de bien des colonies 
grecques, essaims détachés de gré quelquefois, 
plus souvent de force, de la métropole, et, ce qui 
est très humain, une fois en süreté et en liberté, 
les exilés oubliaient les torts de la terre natale, 
se souvenaient d'elle avec douceur et, de loin, 
renouaient souvent avec elle des liens que la vio- 
lence avait autrefois brisés. 

Au début, on naviguait pour exercer la piraterie, 
comme les Touareg dans le Sahara, sur le dos de 
leurs méharis — vaisseaux de mer et vaisseaux de 
désert, — pour piller et faire des esclaves. La loi 
du plus fort est depuis longtemps en usage et le 
restera probablement encore pendant longtemps. 
Les Grecs pillaient les Phéniciens, qui le leur ren- 
daient bien. En Grèce, et même partout en Orient, 
on retrouve les restes de cet état social dans ces 


COSMOS 79 


petites villes si pittoresques, aux maisons blanches, 
groupées serrées autour de leur château construit 
sur une éminence et toujours à une certaine di- 
stance de la mer, sur les bords de laquelle était le 
port, la marine. Là on habitait quand on était 
tranquille; mais, à la première apparition de voiles 
suspectes à l'horizon, chacun quittait Le Pirée et 
courait se meltre à l'abri dans l'Acropole. Le 
danger passé, on revenait. Aussi bien dans l'Hel- 
lade qu'en Asie Mineure et dans les iles, sur tout 
le littoral de la mer Egée et de la Méditerranée, le 
pays était semé d’une multitude de petites thalas- 
socraties, chacune faisant son métier, se battant 
entre elles, parlant beaucoup, remplies de poètes, 
d'artistes, de politiciens de haut et de bas étage, 
discourant, écrivant, créant des chefs-d'œuvre, 
menant une vie délicieuse pour ceux qui étaient du 
bon côté du pouvoir, baignés par cette atmosphère 
radieuse, près de cette mer d'azur, contemplant la 
beauté de la terre, des flots et du ciel, des choses 
de la nature, de l'intelligence, de l’art. Quand on 
n'était pas le plus fort, on s'en allait l'être ailleurs 
et y jouir de l'existence aux dépens d’autres 
hommes. C'était la joie de vivre, car alors le 
monde était vaste, la place ne manquait pas — la 
place, la première condition du bonheur pour les 
plantes, les bêtes, les hommes et les nations. 

Quel voyage que celui des Argonautes au 
x siècle! Cette troupe de voleurs de grandes 
routes maritimes qui, à l'époque où Josué prenait 
possession de la Terre Promise, mirent à la voile 
d'Iolcos, en Thessalie, sous la conduite de Jason, 
dans le dessein de s'emparer d'une toison d'or, en 
Colchide, au bord du Phase, au fond du Pont- 
Euxin. En termes plus simples, ils sen allaient 
flibuster, cherchant de lor ou tout autre objet pré- 
cieux, comme plus tard, en Amérique, Pizarre, 
Cortès, de Soto et les autres conquistadores. Ils 
sont en bande. Il y a Hercule, le Porthos de l'anti- 
quité; Orphée, qui se chargera de la partie musi- 
cale et qui joue de la lyre comme maintenant les 
marins grecs, qui ont leur accordéon et qui 
chantent toujours, à moins qu'ils ne s'insullent ou 
se battent entre eux. Histoire d'hier, histoire d'au- 
jourd’hui, histoire de demain, de ce qui se passait 
il y a trois mille ans el se passera dans trois mille 
ans. Tout sera changé : les aoms. les costumes, la 
forme des bateaux, les lÿres et les accordéons, 
tout, sauf l’histoire, qui reste éternellement ła 
même. 


Pour l'aller, on va tout droit. Là-bas, à défaut 
de la toison d'or, qui a été mise en sureté, ils 
enlèvent une femme, Médée, la fille du roi, et 
alors les affaires se gåtent; il faut s'enfuir, et le 
roman se change en tragédie. Médée tue ses 
enfants, et les Argonautes suivent une roule tout 
à fait fantastique. Le navire .{ry" vazne au milieu 
des terres, ensuite dans la mer Meéntide, traverse 


SO COSMOS 


le Mare Cronium ou mer Hyperboréenne; on 
aborde au pays des Macrobiens, qui vivent cent 
tois mille ans dans nne félicité parfaite, Eldorado 
et la fontaine de Jouvence qu'on a cherchée en 
Floride et qu’on n’y a pas trouvée. Argo, le båti- 
ment, se met, lui aussi, à parler et indique la 
façon d'éviter les dangers de l'ile lernis; on par- 
vient au détroit de Gibraltar, on entre en Mėditer- 
ranée, peut-être passe-t-on par la mer Érythrée et 
le lac Tritonis. L'océanographie, qui n'est encore 
que de la géographie, débute par un joli roman. 

il y en eut un autre, environ deux siècles plus 
tard, celui du héros Ulysse qu'écrivit Homère. Un 
auteur moderne, avec beaucoup de talent et beau- 
coup d'imagination, a écrit à son tour, sur le 
mème sujet, un livre extrêmement savant, extrè- 
mement ingénieux et extrômement amusant. 
D'après lui, l'Odyssée serait en réalité un livre de 
bord ou une collection de livres de bord grecs et 
phéniciens, mis en vers... et quels vers! Si les 
capitaines de nos navires suivaient cet exemple, 
quelles délices pour les âmes poétiques! Reste 
cependant à savoir si les océanographes y auraient 
autant leur compte. L'anteur a refait le voyage et 


18 JUILLET 1919 


il a tout retrouvé: rien n’a changé depuis Homère : 
l'ile de Calypso, qui est située sur le détroit de 
Gibraltar, près du Maroc. s’appelle Peregil: l'ile du 
Persil, vilain nom pour cette terre de poésie, pour 
ce paysage « créé pour le plaisir des yeux », aux 
prairies « émaillées d'aches et de violettes » que 
le divin Fénelon, notre divin Homère, faisait 
fouler aux pieds du jeune Télémaque, du sage 
Mentor et de l'adorable — trop adorable — nymphe 
Eucharis. On a photographié l'ile, on a photogra- 
phié la grotte de la déesse, et des clichés, dont Ja 
véracité nest pas discutable, montrent — hélas! 
— que, si la déesse elle-mème n’est pas morte, 
puisque c'était une immortelle, elle a srirement 
été s'installer ailleurs. Tout a été retrouvé: le pays 
du cyclope Polyphème, l'ile de Circé, la ville et le 
port des Phéaciens, le marais où l'iysse naufragé 
s'est caché dans les roseaux, la fontaine où la 
blanche Nausicaa lavait son linge, l'endroit mème 
où elle jouait à la balle avec ses gracieuses com- 
pagnes. Quels souvenirs charmants, si charmants 
qu'ils n'ont pas besoin d’être vrais, el certes. de 
cela, ils ne s’en font pas faute. 


(A suivre.) J. THorLFT. 


u c- ee — — — =-—— 


SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 


Séance du 8 juillet 1912. 
PRÉSIDENCE DE M. LIPPMANN. 


Nserologie, — Le Président annonce à l’Académie 
la perte quelle vient de faire en la personne de 
M. Joannes Chalin, membre de la Section d'Anatomie 
et Zoologie, décédé à l'age de 6+ ans et demi. 


Élection. — M. Avozrx ENGLER, directeur de l'Ins- 
titut botanique de l’Université de Berlin, est élu Cor- 
respondant pour la Section de Botaniaue par 29 suf- 
fraues sur 43 exprimés, en remplacement de M. Treub, 
décédé. 


Sur la vaccination contre la fièvre typhoïde. 
— Après avoir démontré par des expériences sur des 
chimypanzis que l'immunité certaine contre la fièvre 
typhoiïide ne peut ètre obtenue qu'avec des virus 
vivants, MM. E. Mercnxikorr et A. Besrepka ont mis 
en évidence par la mème voie que les bacilles typhiques 
sensibilisés vivants, injectés sous la peau en trés 
grande quantité, ne passent pas dans la circulation 
et ne se retrouvent point dans les excréla. Les ani- 
manx ainsi vaccinés ne deviennent donc pas des por- 
teurs de bacilies tvphiques. 

lis ont alors appliqué la vaccination à l'homme, 
ont fait ! 586 inoculalions réparties sur 745 personnes. 
La méthode ne présente pas de danger. 


La loi d'action de masse, — La ioi d'action de 
macse est considérée comme rigoureuse par la plu- 


part des auteurs de manuels de chimie physique. 
Cependant, quelques savants ont discuté cette opinion, 
et M. P.-A. Grye apporte aujourd'hui le résultat de ses 
études sur la question; elles l'ont conduit aux con- 
clusions suivantes : 1° la loi d'action de masse, sous 
la forme usuelle, ne s'applique théoriquement, en 
toute rigueur, qu'à des systèmes dont toutes les sub- 
stances parlicipant à la réaction suivent les lois de 
Mariotte et d'Avogadro; 2° les relations certainement 
plus compliquées régissant les équilibres dont toutes 
les substances ne satisfont pas à cette double condi- 
lion, tels les systèmes condensés formés par des 
liquides concentrés, doivent cependant conduire à des 
résultats numériquement trés voisins de ceux donnés 
par la formule usuelle de la loi d'action de masse, 
ainsi que le prouve l'expérience. 


Sur une nouvelle détermination du poids 
atomique de l'uranium. — Par une méthode 
spécialement sûre, M. P. Leprau retombe sgur la 
valeur 238,5, déjà admise par la Commission interna- 
tionale des poids atomiques. 


Augmentation du nombre des globules 
rouges du sang sous l'action de certains dé- 
rivés de la cholestérine. — Divers auteurs ont 
montré que l'introduction de petites quantités de 
sang dans l'organisme d’un animal a pour elfet 
d'élever la teneur en globules rouges du sang de cet 
animal, que l'introduction ait lieu par voie sous- 
cutanée ou intra-veineuse. M. P. Tuomas et M'™ MADE- 
LEINE LERENT montrent que cet effet doit être attribué 
aux éthers de la cholestérine, qui existent toujours en 


N° 1434 


une certaine quantité dans les hématies et qui restent 
tellement adhérents à l'hémoglobine qu’il n’en peuvent 
ètre séparés mème par des cristallisations répétées. 

Chez un lapin, la richesse globulaire, évaluée nor- 
malement à 3200 000 hématies par millimètre cube 
de sang, s’est élevée, deux jours après injection 
sous-cutanée d'oléate de cholestérine, à 3 808000. 
Après une seconde injection, elle s’est maintenue sept 
semaines à 3 800 000; c’est-à-dire que l'augmentation 
a été de {7 pour 100. Chez un lapin témoin, soumis 
au mème régime alimentaire, mais non injecté, la 
richesse globulaire a varié, mais de 2,5 pour 100 
seulement. 


Des erreurs, parfois importantes au point de vue 
théorique, qu'entraînent les notions particulitres 
d'expériences, simplificatrices, adjointes aux lois 
générales de la mécanique pour pouvoir arriver à des 
résultats saisissables. Note de M. J. Bouxsixesg. — Sur 
l'envoi de l'heure par signaux électriques, et sur un 
moyen de faire donner ces signaux par une horloge. 
Note de M. G. Bicourvax. — Sur la détermination des 
poids atomiques par la méthode du D' Gustavus 
Hiurichs. Note 'de M. HENRY LE CHATELIER. — Sur la 
pression existant à la surface du Soleil. Note de 
M. Gory. Les considérations cinétiques s'accordent 
avec les données spectroscopiques pour nous 
apprendre que les parties visibles du Soleil sont 
formées de gaz et de vapeurs dans un état de raré- 
faction extrême. — Sur le système : eau cyclohexanol. 
Note de M. R. ve Forchanr. — Sur les extensions de 
la formule de Stokes. Note de M. A. Buuz. — Sur les 
facteurs de convergence dans les séries doubles et sur 
la série double de Fourier. Note de M. Cu.-N. Moone. 
— Sur le problème généralisé d’Abel el ses applica- 
tions. Note de M. Paruicx Bnowne. — Sur la limitation 
du degré des coefficients des équations différentielles 
algébriques à points critiques fixes. Note de M. JEAN 
Cuazy. — Sur l'absolue convergence des séries trigo- 
nométriļues. Note de M. ArNacbo Dexjoy, — Sur la 
représentation des intégrales des équations irréduc- 
tibles du second ordre à points critiques fixes au 
moyen de la théorie des équations linéaires, Note de 
M. Rexé GARNIER. — Expression de la force qui s'exerce 
entre deux conducteurs électrisés. Sphère et plan. 
Note de MM. A. Guizer et M. Auserr. — Variations 


COSMOS 81 


du rayonnement de la lampe en quartz à vapeur de 
mercure avec le régime et la durée de fonctionne- 
ment. Note de M. À. Tiax. — Sur la conductibilité de 
la vapeur de sodium. Note de M. L. Dixoyer. — Con- 
tribution à l’étude des décharges osvcillantes. Note de 
M. G. Mirocnau. — Densité et compressibilité du 
chlorure de nitrosyle. Note de M. Euuëxe WocnrTzrr. 
— Sur la viscosité des solutions. Note de M. C. Cné- 
NEVEAU. — Sur les alliages du platine avec l'aluminium. 
Note de M. CuocriGuiNe: la préparation de ces alliages 


est bien dificile à cause du grand dégagement de 


chaleur qui se produit en fondant simultanément 
ces deux métaux ensemble, et de l'oxydation de lalu- 
minium, lequel se couvre facilement d'une couche 
Al0O3, ce qui empèche la réaction. M. Chouriguine dit 
par quels artificesil a vaincu ces diflicultés et comment 
il a étudié les alliages obtenus. 

Sur l'acide chloreux. Note de M. LasÈGrEe. — Sur les 
gaz de l'aluminium. Note de MM. Mancez Gricuanv et 
PitruEe-RoGEr Jourbaix. — Sur le dosage électrolytique 
du manganèse et sa séparation avec le fer. Note de 
M. Hexn: Gouszuu et M'° HÉLÈNE GUNTHER. — Prépara- 
tion catalytique par voie humide des éthérs-sels issus 
des cyclanols et des acides organiques. Note de 
MM. J.-B. SENDEuENS et J. AnouLENC. — Action de l'eau 
oxygénée sur l'acétothiénone et l'acide a-thiophénique. 
Note de M. Maurice LaxFay. — Sur la constitution des 
aloïnes de l’aloès du Natal. Note de M. E. Lien. — 
À propos du Diplopsalis lentivula Bergh. Note de 
M. J. lP'avicrann. — Observations sur quelques moisis- 
sures nouvelles provenant de la côte d'ivoire. Note 
de M. A. EckLey LECHMERE, — Toxicité comparée de 
quelques champignons vénéneux parmi les amanites 
et les volvaires. Note de MM. M. Rapais et A. SARTORY. 
— Variations expérimentales du foie et des reins chez 
les canards en fonction du régime alimentaire. Note 
de M. A. MAGNAN. — Sur une immense quantité de 
Desoria glarialis à la surface d'un glacier. Note de 
M. J. Valor. — [nfluence de la matière azotée sur la 
production d'acétate d’éthyle dans la fermentation 
alcoolique. Note de M. E. Kayser. — Intluence du zinc 
sur la consommation par l’Aspergillus nigrr de ses 
aliments hydrocarbonés, azotés et minéraux. Note de 
M. M. Javier. — Sur l'action de divers sels acides sur 
le développement de Ll'A{speryillus niyer. Note de 
M. À. KiEsEL. 





BIBLIOGRAPHIE 


Leçons sur les hypothèses cosmogoniques 
professeées à la Sorbonne, par M. H. PoixcaRé, 
membre de l’Académie française et de l’Académie 
des sciences, rédigées par HENRI VERGNE, ingé- 
nieur des arts et manufactures, docteurès-sciences 
mathématiques. Un vol. in-8° (25 X 16) de xxvi- 
294 pages (12 fr). Librairie scientifique A. Her- 
mann, 6, rue de la Sorbonne, Paris. 14941. 

« Le problème de l’origine du Monde a, de tout 
temps, préoccupé tous les hommes qui réfléchissent ; 

il est impossible de contempler le spectacle de 


l'Univers étoilé sans se demander comment il s'est 
formé... 

» On pourrait penser que l'Univers a toujours été 
ce qu’il est aujourd'hui, que les tres minuscules 
qui rampent à la surface des astres sont périssables. 
mais que les aslres eux-mêmes ne changent pas, 
et qu'ils poursuivent glorieusement leur vie éter- 
nelle sans se soucier de leurs misérables et éphe- 
mères parasites. Mais il y a deux raisons de rejeter 
celte manière de voir. 

» Le système solaire nous présente le spectacle 


82 COSMOS 


d'une parfaite harmonie; les orbites des planètes 
sont toutes presque circulaires, toutes à peu près 
dans un même plan, toutes parcourues dans le 
mème sens. Ce ne peut être l'effet du hasard; on 
pourrait supposer qu'une intelligence infinie a 
établi cet ordre au début une fois pour toutes et 
pour toujours, et tout le monde se serait contenté 
autrefois de cette explication; aujourd'hui on ne 
se satisfait plus à si bon marché; certes, il y a 


encore bien des gens qui tiennent un Dieu créateur 


pour une hvpothèse nécessaire, mais ils ne con- 
çoivent plus l’intervention divine comme le faisaient 
leurs devanciers; leur Dieu est moins architecte et 
plus mécanicien, et il reste alors à expliquer par 
quel mécanisme il a tiré l'ordre du chaos. Si 
l'ordre que nous constatons n’est pas dù au hasard, 
et si on renonce à l'attribuer à quelque décret 
divin immédiatement exécutoire, il faut qu’il ait 
succédé au chaos, il faut donc que les astres aient 
changé. Et c'est bien ainsi qu'a raisonné Laplace. 

» D'autre part, le second principe de la thermo- 
dynamique, le principe de Carnot, nous apprend 
que le Monde tend vers un état final: l'énergie «se 
» dissipe », c’est-à-dire que le frottement tend con- 
stamment à transformer le mouvement en chaleur 
et que la température tend partout à s’uniformiser. 
L'état final du Monde est donc un état d’unifor- 
mité; cet état, qu'il doit atteindre, n’est pas atteint 
encore: donc le Monde change et mème il a tou- 
jours changé. 

» Et voilà le champ ouvert aux hypothèses ». 

Ces hypothèses cosmogoniques, M. Poincaré les 
expose en abrégé, puis les discute à la lumière des 
principes de la mécanique et de la thermodyna- 
mique, depuis la Théorie du ciel de Kant (1755) en 
passant par les hypothèses de Laplace, H. Faye, 
du Ligondès, Sec, G.-H. Darwin, jusqu'au récent 
Essai de cosmogonie tourbillonnaire de E. Belot, 
dont le f'osmos a donné à plusieurs reprises une 
ile sommaire. 

Kant est le premier à avoir attribué une com- 
mune origine au Soleil et à toutes les planètes; la 
nébuleuse qu'il imagine eslun chaos primilivemer:: 
en repos qui, en dépit des lois de la mécanique, se 
imet ensuite en rotation. 

Laplace, lui, se borne à considérer la nébuleuse 
d'ou est sorti le système solaire, ceile nébuleuse 
de Laplace est une véritable atmosphòre gazeuse 
animée dès l’origine d'une rotation d'ensemble uni- 
forme; en se contractant, cette atmosphère, qui 
est un Soleil en formation, abandonne à sa partic 
extérieure une série d'anneaux successifs doù nai- 
tront les piaučtes, L'hypothèse de Laplace a été 
soumise au caleul par E. Roche. Elle a vieilli 
aujourd'hui, et clle rencontre bien des contradic- 
tions et se trouve en face de bien des difficultés : 
pourtant M. Poincaré lui trouve une vieillesse vi- 
goureuse : pour son àge, cile n'a pas trüp de rides. 


18 JUILLET 191% 


Dans la théorie de H. Faye, les anneaux généra- 
teurs de planètes se sont formés, non à l'extérieur 
de la nébuleuse, mais à l'intérieur. Son hypothèse, 
au jugement de M. Poincaré, ne présente point 
d'avantages bien sérieux, comparée à celle de 
Laplace. 

L'auteur s’arrète avec un visible intérèt à la 
théorie de M. du Ligondès, fort originale et très 
bien étudiée au point de vue mécanique. Celui-ci 
ne fait point d'hypothèse particulière sur le chaos 
primitif : à l'origine, l'Univers se réduisait à un 
chaos général extrêmement rare, formé d'éléments 
divers mus en tous sens et soumis à leurs attrac- 
tions mutuelles. M. du Ligondès, précisément à 
l’occasion du livre de M. Poincaré, a redit dans le 
Cosmos (n° 4 446) pourquoi l'hypothèse de Laplace 
lui parait décidément caduque et a de nouveau 
justifié (n° 4 418) les points caractéristiques de sa 
propre théorie. 

D'Amérique nous est venue une théorie toute 
différente de la formation des planètes. Pour 
M. J. See, les planètes sont des corps tout à fait 
étrangers qui, venant à passer dans le voisinage 
du Soleil, ont été ralentis par le frottement de son 
atmosphère et captés par lui. De mème, la Lune 
a été captée par la Terre. 

Par contre, pour Sir G.-H. Darwin, qui a patiem- 
ment étudié l'influence des marées, la Lune, con- 
fondue au début avec la Terre en un seul astre, 
s’est séparée de la Terre, soit par l'effel des marées 
dues au Soleil, soit à cause de la déformation pro- 
gressive de l'astre primitivement ellipsoidal, qui 
en est venu, par le refroidissement, à s'étrangler 
et à se rompre: alors la Lune, détachée de la 
Terre, aurait décrit autour d'elle une orbite de 
rayon d'abord très petit qui s'est allongé graduel- 
lement par suite du frottement des marées. 

Sur l'origine de la chaleur solaire et de la cha- 
leur terrestre et sur l'âge probable de la Terre, la 
discussion reste ouverte : les évaluations de Helm- 
holtz et de lord Kelvin n'ont pas satisfait les géo- 
logues. Sir N. Lockyer, M. Nordmann et M. Schuster 
ont élargi le problème et cherché à classer les 
étoiles d'après leurs températures. 

Très suggestives sont les vucs de Svante Arrhe- 
nius qui fait, gràce à la pression de radiation, 
voyager d'un astre à l'autre, non seulement l’éner- 
gie, mais encore Ja matière et même la matière 
vivante; mais, à notre avis, lui-même s'échappe 
très facilement de la science positive dans la rèverie 
quand il imagine un Univers infini dans l’espace, 
Cternel dans le temps, et qui subit une éternelle 
renaissance. Malgré ses efforts, Arrhenius ne par- 
vient pas à échapper aux conséquences du principe 
de Carnot, qui veut que dans toute transformation 
réelle l'énerzie aille en se dégradant : de toutes 
manières, dit M. Poincaré, nous devons renoncer 
au ròve du « retour éternel »; le Monde tend vers 


N° 1434 


la Wærmetod de Clausius, la « mort calorifique ». 

A la fin de son exposé, M. Poincaré s’abstient de 
faire un choix entre ces théories. Chacune d'elles 
est séduisante par certains côtés, mais aucune n'est 
vraiment satisfaisante. Il lui faut terminer modes- 
tement par un point d'interrogation. 


Volcans et tremblements de terre, par A. DE 
LAPPARENT, secrétaire perpétuel de l’Académie 
des sciences. Un vol. in-8 de 377 pages avec 
16 illustrations (5 fr). Bloud et Ci, 7, place 
Saint-Sulpice, Paris. 4912. 


Ces articles de l’éminent et regretté savant catho- 
lique cnt paru de 1887 à 1906 dans diverses revues; 
le talent d'exposition de l’auteur et sa compétence 
scientifique ont assuré à ces pages de circonstance 
un intérêt qui se maintient. 

Ce n’est pas que le temps ne les ait marquées de 
son empreinte; au début, A. de Lapparent en tient, 
comme la plupart des hommes de science d’alors, 
pour une étroite liaison entre les manifestations 
des volcans et celles des tremblements de terre; 
bientôt son opinion se modifie et il se fait le pro- 
tagoniste en France de l'indépendance entre la 
sismicité et le volcanisme, adoptant pleinement les 
conclusions formulées sur ce point par M. de Mon- 
tessus de Ballore. En parcourant ce recueil d’ar- 
ticles, le lecteur revit donc une phase instructive 
de l’histoire des sciences, et, pour avoir quelques 
instants tâtonné sur le terrain des hypothèses, il 
apprend à mieux connaitre la position actuellement 
occupée par la vulcanologie et la sismologie. 


Résumé du Catalogue des tremblements de 
terre signalés en Chine. In-4°, 176 pages. 
Appendice au bulletin de l'Observatoire de Zi-ka- 
wei. Imprimerie de T’ou-sé-wè, près Changhaiï. 
Le R. P. H. Gauthier, S. J., présente aux savants 

cet ouvrage commencé sur sa demande en 1906 

par le sinologue réputé, le P. Hoang. Les 3300 trem- 

blements de terre, rapportés chacun à sa date et 

à son lieu, s'étendent sur trente-sept siècles d’his- 

toire chinoise, depuis l’année 1767 avant l'ère chré- 

tienne jusqu’à l’année 1896 de notre ère. 
L'exécution typographique d'une pareille œuvre 
scientifique, en Chine, dans une période de troubles, 
fait grand honneur à la persévérance de nos 
missionnaires et à l’habileté des imprimeurs de 
T'ou-sé-wè. 


Le problème religieux et moral, par le chanoine 
WiLagLM M8YERr, professeur de théologie, adapté 
de l'allemand par M. l'abbé P. Douanico. Un vol. 
in-16 de vir-140 pages (3 fr). Aubanel frères, 
éditeurs, Avignon. 

Cet opuscule s'adresse aux étudiants : il se pro- 
pose de répondre aux objeclions qui trop souvent 
mettent en péril la foi et les mœurs des jeunes 
gens, dont les croyances sont décontenancées par 


COSMOS 83 


les aflirmations de la fausse science s'appuyant sur 
les hypothèses évolutionnistes. L'auteur montre 
à merveille le mal fondé de ces affirmations; mais 
la démonstration de la foi n’estici que résumée, et 
ce manuel ne saurait dispenser de recourir à des 
ouvrages plus développés. L'adaptation de M. l'abbé 
Douadicq aurait aussi gagné, selon nous, à se déga- 
ger de comparaisons qui ne sont pas conformes au 
gout français, telle celle-ci: « Le principe de cau- 
salité, voilà le vapeur sur lequel le globe-trotter de 
l'esprit — que dis-je ? — l'humanité entière voyage 
dans le royaume du transcendant et de la méta- 
physique. » 


L'outillage technique et pratique du dessina- 
teur industriel. Instruments et méthodes pour 
l'exécution des dessins industriels, par JEAN 
Escarbn, ingénieur civil. Un vol. in-4° de 168 pages, 
avec 372 figures (8 fr). Librairie Dunod et Pinat, 
éditeurs, quai des Grands-Augustins, Paris. 


Le dessin linéaire est enseigné dans les écoles 
primaires, dans les écoles commerciales, dans les 
écoles préparatoires, les règles générales de cet art 
sont donc connues; mais, ce qui l’est moins, c'est 
la connaissance des instruments utiles ou même 
indispensables aux dessinateurs qui leur permettent 
de faire œuvre valable et de faciliter leur tâche; en 
effet, dans les études élémentaires, on n’emploie 
que les instruments primitifs et souvent rudimen- 
taires. 

Malheureusement, jusqu'à présent, aucun ensei- 
gnement général sur l'outillage du dessinateur 
n'a été donné dans nos écoles spéciales et bien peu 
d'industriels possèdent une installation leur per- 
mettant de rendre le travail du dessinateur à la 
fois agréable et facile. 

M. Escard a entrepris de combler cette lacune 
en publiant le livre, nous allions dire l'album, que 
nous signalons. Clairement écrit, enrichi de nom- 
breuses gravures explicatives, il rendra les plus 
grands services, non seulement aux néophytes, 
mais aux ingénieurs et mème aux dessinateurs 
professionnels, qui y trouveront la description 
d'appareils que beaucoup ignorent, d'autant que 
plusieurs de ces instruments, inventés à l'étranger, 
ne sont pas connus en France. On ne saurait trop 
recommander cet ouvrage aux jeunes gens qui se 
destinent aux carrières où le dessin industriel est 
nécessaire : dessinateurs industriels d'abord natu- 
rellement, ingénieurs, gévinètres, architectes, elc. 


Manuel de théologie mystique ou les yräces 
extraordinaires de la vie surnaturelle expli- 
quées. par le R. P. ARTHUR DEVINE. Ouvrage tra- 
duit de l'anglais par l'abbé Ca. Maizzer. Un beau 
vol. in-16 jésus de xxiv-734 pages (broché, 5 fr; 
relié pleine percaline, tranche jaspie, 6,50 fr). 
Aubanel frères, éditeurs, imprimeurs de Notre 
Saint-Père le Pape. Avignon, 1912. 


oo 
Amn 


COSMOS 


18 suiLzer 194% 


FORMULAIRE 


L'acide sulfurique contreles crucifères para- 
sites.— L'agriculture s’enhardit.Des produits salins, 
elle passe à l'acide le plus fort : l'acide sulfurique. 

Depuis 1896 au moins, les sels de cuivre et le sul- 
fate de fer étaient employés en pulvérisation contre 
les sanves el ravenelles dans les céréales d'automne. 
Les feuilles velues de la crucifère retiennent le 
liquide qui glisse sur la céréale. 

Les solutions renfermaient, ou 4 pour 100 de sul- 
fate de cuivre, ou 3 pour 100 de nitrate de cuivre, 
ou bien encore 15 pour 100 de sulfate de fer. 

L'acide sulfurique vient de conquérir droit de 
cité en Lot-et-Garonne. L’acide sulfurique a permis 


de détruire non seulement les crucifères, mais le 
coquelicot, les vesces, la renoncule et le bleuet, si 
appréciés pourtant... des artistes. 

Le traitement a lieu en janvier-février. 

Les doses varient de 6 à 10 litres d'acide à 66"B 
versé lentement dans un hectolitre d'eau. Les légu- 
mineuses sont les plus difficiles à détruire. 

Le récipient du pulvérisateur est en plomb, en 
verre ou en bois. 

On emploie par hectare 40 hectolitres d’acide. 
Avec un appareil à dos d'homme, la surface traitée 
serait de un demi-hectare par jour et le prix de 
revient de 25 francs par hectare. (Rer. scientif.) 





PETITE CORRESPONDANCE 


Adresses des appareils signalés : 

Scie à disque sans dents pour le coupage des métaux: 
machines-oulils, A. Schutte, 20, rue des Petits-Hôtels, 
Paris, 

M. J. B. R., à St-D. de G. — Outillage pour la fabri- 
cation des bois de galoches et sabots: Guilliet et fils, à 
Auxerre (Yonne), et à Paris, 2, boulevard de Magenta. 


M. A. R., à C. — Veuillez vous adresser directement 
à M. le D" Repin, à l'Institut Pasteur, à Paris (rue Dutot). 

M. E. M., à O. — Ce que nous connaissons de plus 
complet comme représentation du Saint Suaire de 
Turin sè trouve dans l'ouvrage du D' Vignon: « Le 
linceul du Christ, étude scientifique »; un volume 
avec 9 planches hors texte ct 38 figures dans le texte 
(15 fr.) Librairie Masson, 120, boulevard Saint-Ger- 
ain. En ce qui concerne la critique artistique des 
diverses images, nous nous déclarons incompétents. 

M.J.M., à D. — Nous ne connaissons pas la formule qui 
vuus donnerait satisfaction, d'autant que nous ignorons 
ce owon entend par le goùt anglais en ces matières. 
Vous trouveriez sans doute ce renseignement dans le 
Vinaiyrier des Manuels Roret (3,30 fr). Librairie Mulo, 
12, rue Hautefeuille. Nous nous élonnons de l'emploi 
des copeaux de fréne en cette occasion; dans les 
manipulations qui ont pour objet le vinaigre, on utilise, 
généralement, les copeaux de hitre. 

M. P. M., à S. — Un de nos abonuëx nous signale 
aimablement que lavertissément dé la tour Eiffel 
« pour les signaux horaires et télegraimimes météorolo- 
giques » n'est pas suivi par les lettres Ff, mais par 
le signal attente donné quatre fois. Ces quatre signaux 
sont émis en deux groupes de deux: le premier groupe 
par le sapeur de service au poste de la tour, le second 
groupe par un autre opérateur situé à l'Observatoire 
astronomique, qui entre alors en fonction. 

M.J. R., à D. — Voici, comme réponse à la demande 
poste dans le dernier numéro, les détails fournis par 
un de n°5 aLonaés, spécialeruent compétent en T.S.F. 
— L'heure par T. S. F. est cnvovée ofliciellement par 
le poste de la tour Eitfel et par le poste allemand de 
Norddeich. En cutre, un poste inconnu à grande lon- 
gueur d'onde envoie l'heure, mais sans exactitude 
rigoureuse, toutes les demi-heures, jour et nuit, aux 


heures et aux demies. — Le code d'envoi de l'heure 
par la tour Eitfel est bien connu de nos lecteurs; inu- 
tile de le répéter. Voici celui du poste allemand : 

Norddeich signale par le commencement d'un trait 
11*58*46° et chacune des quatre secondes suivantes. 
De mème pour 11°58°56° et pour 11*59*6°. Trois nou- 
velles séries de cinq traits commencent respectivement 
à 1159736", à 11°59°46° el à 411"59"56”. Les mèmes 
signaux sont envoyés aux heures correspondantes de 
la nuit. 

Le poste inconnu envoie à 23°30", par exemple, le 
télégramme suivant: JOFUBOJOFUBO 23 30 ? 2330 ? 7». 
— Ces trois envois d'heure sont faits d’après le temps 
moven de Greenwich. — Rio de Janeiro enfin doit 
prochainement envoyer un long signal de 15 secondes, 
commencant à 57*+5" et finissant à 5870°; un second 
signal de 58°50* à 00" 0°, et un troisième de 59755" à 
070". — Les indicatifs où lettres caractéristiques des 
différents postes de T. S.F. sont publiés par les soins 
d'un Bureau international siégeant à Berne. Les plus 
intéressants à connaître sont ceux des postes côtiers 
qui correspondent tous les soirs, à partir de 20°, avec 
la tour Eitfel. Les voici, dans l’ordre où ils sont ordi- 
nairement appelés: Dunkerque TD, Cherbourg TC, 
Brest TQ, Escadre du Nord HS, Lorient TL, Roche- 
tort TK, Escadre de la Méditerranée HM, Ajaccio TA, 
Toulon TN, Bizerte TZ, Fez FZ, Taourirt TRT, Oran TO. 
— À noter aussi quelques postes puissants que l'on 
peul entendre ayec une antenne suffisamment déve- 
loppée (supportée par un cerf-volant, par exemple) : 
Madrid MD, Gibraltar GIB, Coltano CTO, Norddeich KND,.. 
Poldhu ZZ, Clifden CDN... et son correspondant ordi- 
naire au Canada: Glace-Bay GB. — Un autre de nos 
rédacteurs pense que les renseignements demandés 
au sujet des postes de T. 3. F. se trouvent dans les 
Livres des phares édités par le service hydrographique, 
13, rue de l'Université, a Paris; mais, étant en ce 
moment absent de Paris, il ne peut vérifier immédia- 
tement, 


M. P. C., à V. — Remerciements. — Vous voyez 
que vos indications précises et précieuses ont été les 
bienvenues. oo 





imprimerie P. Fenon-Vrau. 3 et 5, rue Bayard, Paris, VII. 
Le gérant: K. PETTTRENRT. 


No 1435 — 25 JUILLET 1919 


COSMOS 85 


SOMMAIRE 


Tour du monde. — Le télescope de l'Observatoire de Cordoba. Les frémissements du sol. 


L'érosion des 


côtes anglaises. Les lacs comme régulateurs de la température. Importance économique des glaciers. 
La propriété lilliputienne. La couronne des lignes électriques à hautes tensions. Télégramme faisant le 
tour de la Terre. La marine de guerre au Japon. Propositions contre l’exagération dans les dimensions 
des navires. Etude cinématographique des phénomènes balistiques. p. 85. 


Henri Poincaré, p. 89. — Station radiotélégraphique et radiotéléphonique de Seattle, H. MarcnAxp, 
p. 90. — Pendule entretenu électriquement, G. Dary, p. 92. — Les moteurs tonnants dans la 
marine de guerre, D. B., p. 94. — Les peintures et la stratigraphie paléolithiques en Espagne, 
À. STIEGELMANN, p. 95. — Le ciment armé dans la protection des côtes et rivages, D" A. GRADENWITZ, 
p. 98. — La thérapeutique chirurgicale de la phtisie : VII Congrès international de la tuber- 
culose, D" P. Goccia, p. 100. — Notes pratiques de chimie, Juces Gançon, p. 102. — Le relevage des 
épaves et des sous-marins, Nonsent LaLLié, p. 104. '— L’océanographie dans l’antiquité (suite), 
J. TuouLer, p. 107. — Sociétés savantes: Académie des sciences, p. 108. — Bibliographie, p. 109. 








TOUR DU MONDE 


ASTRONOMIE 


Le télescope de l’Observatoire de Cordoba 
(République Argentine). — Le centre astrono- 
mique de Cordoba va s'enrichir d’un télescope 
muni d'un miroir de 1,725 m de diamètre. Les 
fonds nécessaires ont été accordés par le Congrès, 
à la demande du ministère de l'Instruction publique. 

Ce puissant instrument sera établi dans les mon- 
tagnes, à l'Ouest et près de Cordoba, en un lieu que 
des observations météorologiques prolongées ont 
fait reconnaitre parfaitement propice. 

On se propose d'utiliser cette nouvelle installa- 
tion astronomique à la photographie des nébuleuses 
et des amas d'étoiles de l'hémisphère Sud, étude 
menée déjà si loin pour l'hémisphère Nord. On 
y poursuivra aussi l'observation photographique 
des comètes, des petites planètes. puis la détermi- 
nation des parallaxes d'étoiles, et les études spec- 
trographiques sur le mouvement radial de ces 
astres. 





PHYSIQUE DU GLOBE 


Les frémissements du sol. — A force d'étudier 
les tremblements de terre proches ou éloignés avec 
des appareils de plus en plus sensibles, les sismo- 
logues en sont venus à trouver que le sol n’est 
presque jamais au repos. Certains d’entre eux se 
sont presque désintéressés des secousses désas- 
treuses de tremblements de terre pour se cantonner 
dans l'observation et l'explication des microsismes. 

Ces frémissements minimes du sol, sensibles aux 
seuls instruments, sont de diverses sortes. (Scien- 
tific American, 22 juin.) | 

L'un des types de microsismes est caractérisé par 
une période d'une trentaine de secondes. On l’attri- 
bue au frottement du vent contre la surface de la 


T. LXVIL Ne 1435. 


terre. En d’autres termes, tout comme le vent sus- 
cite la houle dans l'océan, de même il crée de 
longues vagues terrestres à la surface du continent 
Mais celles-ci ne se voient pas à l'œil nu. 

Un autre type de microsismes est caractérisé par 
une période allant de cinq à dix secondes. Il parait 
que ces vibrations du continent sont dues au choc 
des vagues de la mer contre les côtes. Les grandes 
tempèêtes de l'Atlantique s’enregistrent directement 
sur les microsismogrammes de Hambourg, Stras- 
bourg, Vienne ; l’amplitude des tracés est en raison 
inverse de la distance de ces villes à l'océan. 

Les Allemands ont, en plein Pacifique, à Apia 
(iles Samoa), un Observatoire géophysique dont 
nous avons eu l’occasion de parler déjà et qui est 
dédié à des études de ce genre ; l’ancien directeur, 
le D” Linke, a montré que là-bas les microsismo- 
graphes enregistrent directement les chocs du 
ressac. 


L’érosion sur les côtes anglaises. — En 1904, 
à la session de l'Association britannique pour l'avan- 
cement des sciences tenue à York, M. Mathews éva- 
luait à près de 2 millions de tonnes le poids des 
matériaux enlevés chaque année par la mer au soł 
de l'Angleterre et jetait un eri d'alarme. L’émotion 
fut considérable. Pour beaucoup, les jours de lile 
étaient comptés : l'Angleterre disparaissait, Vani- 
shing England! Pour calmer l'opinion publique, 
une ordonnance royale du 9 juillet 4906 chargeait 
treize personnalités, ingénieurs ou officiers de 
marine, de procéder à une vaste enquête. La Com- 
mission se mit courageusement au travail et a élevé 
un véritable monument scientifique. 

Un premier volume, paru en 4908, montra l'ina- 
pité de ces terreurs et comment l'Angleterre, malgré 
l'érosion des falaises, augmentait superficiellement 
au lieu de diminuer. Le second volume de la Com- 


86 COSMOS 


mission est venu depuis confirmer le fait (I. Assada, 
la Géographie, 43 juillet): 

Des gains importants de la terre sur la mer 
s'effectuent dans les estuaires; les dépòts de galets 
et de sable qui s’y forment proviennent presque 
entièrement de la destruction de la côte. 

Le colonel Hellard a établi la balance des gains 
et des pertes le long des côtes par la comparaison 
des cartes anciennes du service géodésique avec les 
cartes actuelles. En trente-cinq ans, l'Angleterre 
proprement dite aurait perdu 2656 hectares, mais 
par contre en aurait gagné 19200. L’Ecosse aurait 
perdu 326 hectares contre 4 882 gagnés. En Irlande, 
453 hectares auraient été perdus, 2688 gagnés aux 
dépens de la mer. Somme toute, les gains seraient 
sensiblement supérieurs aux pertes, contrairement 
à ce que croyait l'opinion publique, et, en défini- 
tive, au cours des trente-cinq années, le territoire 
anglais se serait accru de 20 000 hectares. 

Il est malaisé d'établir une comparaison entre 
la valeur d'utilisation des terrains gagnés et celle 
des terrains perdus. Beaucoup des terres perdues 
étaient cultivées et mème habitées. Les nouvelles 
terres acquises sont ou du sable infertile, ou de 
Ja vase qui ne pourra être utilisée avant longtemps. 


MÉTÉOROLOGIE 


Les lacs comme régulateurs de 1a tempéra- 
ture. — Si l'évaluation de la quantité de chaleur 
solaire absorbée par le sol présente quelque diffi- 
culté, à raison de l'incertitude qui règne sur la 
chaleur spécifique des divers terrains et sur la 
distribution des températures, il n’en est pas de 
mème pour les lacs fermés, puisqu'on peut admettre 
qu'une élévation de température d'un degré cor- 
respond à l'absorption d'une calorie parkilogramme 
d'eau. Ainsi, la quantité de chaleur emmagasinée 
par le lacs'obtiendra en addilionnant les produits 
des températures moyennes de chaque couche à peu 
près isothcrime par son volume, En faisant cette esti- 
mation à deux dates différentes, on aura par diffé- 
rence la quantité de chaleur absorbée ou perdue 
dans l'intervalle. 

Des observations faites de 1898 à 1905 (et dont 
l'Annuaire de la Société météorologique de 
France de mars nous fournit les résultats) ont 
ainsi permis à M.F. Vercelli d'évaluer à 43 000 mil- 
liards de calories la quantité de chaleur absorbée 
par Îe lac de Côme entre l’époque du minimum de 
température, vers le 20 février, et l’époque du 
maximum, vers le 20 août. L'absorption journalière 
s'élève à 259 milliards de calories : elle correspond 
à la combustion de 34 000 tonnes de charbon. 

Cette remarque souligne l'importance d'un lac 
comme réservoir de chaleur et montre quel puis- 
sant facteur de la régularisation du climat idimi- 
nution de l'amplitude thermique) constitue un 


95 JUILLET 41919 


bassin fermé. Le lac de Côme a une superficie de 
436 kilomètres carrés; sa profondeur moyenne est 
de 190 mètres, et sa profondeur maximum de 
410 mètres. La température ne varie d’ailleurs pas 
au delà d'une profondeur de 100 mètres, c'est- 
à-dire que la plus grande partie de la quantité de 
chaleur reste dans les couches supérieures du lac. 


Importance économique des glaciers. — 
Longtemps les glaciers n'ont été considérés que 
comme des objets de curiosité pour les savants ou 
pour les amateurs des beautés de la nature; seule- 
ment à une date toute récente, l'attention a été 
attirée sur l’importance de leur role économique, 
sans que toutefois les géographes se soient beau- 
coup préoccupés de cette constatalion féconde. 

Les glaciers sont des réservoirs d'eau, dont 
les écoulements sont réglés par la température de 
Pair ambiant. Aussi bien, est-ce en été que les 
torrents qui en sont issus ont leur plus gros débit. 
Plus la température s'élève, plus la fusion devient 
active et plus les niveaux montent. Il est mème 
parfois arrivé dans des vallées des Alpes que la 
chaleur a eu cette conséquence paradoxale d'en- 
gendrer des inondalions. 

Donc, précisément pendant la saison où dans les 
plaines et dans les régions dépourvues de glaciation 
les rivières sont à l’étiage el même à sec, il ya 
abondance, parfois mème surabondance d'eau dans 
les massifs assez élevés pour porter des glaciers. 
Par suite, dans ces districts privilégiés, l'irrigation 
peut être pratiquée et l'industrie trouver les forces 
hydrauliques nécessaires àla marche de nombreuses 
usines. 

ll y a quelques années déjà, l’'éminent hydrauli- 
cien italien, l'ingénieur Gaudenzio Fantoli, a mis 
en évidence le role économique des glaciers. Il a 
montré notamment que dans le bassin du lac 
Majeur, pendant les périodes de sécheresse, la part 
de beaucoup la plus importante dans l’alimenta- 
tion des cours d’eau revient à ces appareils. Dans 
ce bassin hydrographique, lesglaciers, quin'occupent 
que 40S kilomètres carrés, soit 1,74 pour 100 de la 
surface totale (6 200 km’), fournissent en été plus 
d’eau que le reste du bassin. Ainsi, du 15 au 
25 aoùt 1393, alors que les sources n’ont débité que 
10 litres par seconde et par kilomètre carré, les 
glaciers en ont donné 657. 

À ce sujet, M. Ch. Rabot (la Géographie, 
45 juin) relate les nouvelles constatations faites 
pendant l'été sec et chaud de l’année dernière, par 
M. J. Maurer, directeur de l'Observatoire météo- 
rologique central suisse. 

Pendant les journées chaudes d'août 41911, un 
glacier d é'endue movenne, tel que le Morterasch, 
déversail 27 à 40 mètres cubes d’eau par seconde, 
débit égal à celui du Neckar à l’époque de l’étiage 
minimum minimorum. Ainsi, un massif glacé de 
25 kilomètres carrés à peine déverse en été autant 


Nc 1435 


d'eau qu’un bassin hydrographique 560 fois plus 
grand, comme celui du Neckar (14 000 km). 

Et ce n’est pas là un cas exceptionnel. Par plu- 
sieurs autres mesures de débits effectuées en 
août 1911, M. Maurer montre bien que, pendant 
les périodes de sécheresse persistante et de forte 
insolation, alimentation des grands fleuves de l’Eu- 
rope est sous l’étroite dépendance de la fusion des 
glaciers. 


AGRICULTURE 


La propriété lilliputienne. — Des champs 
minuscules, d'une superficie de quelques mètres 
carrés! Cette forme extravagante de la propriété 
se rencontre, sinon dans la France continentale, 
du moins dans nos iles de l’océan. Le phénomène 
relèverait plutôt de l’anecdote s’il n’avait un cer- 
tain intérêt agricole par la façon curieuse dont les 
populations sont parvenues à tirer parti de ces 
infimes parcelles en leur appliquant, pour la cul- 
ture, le régime de la communauté. 

Cette situation de la propriété à l’état de pous- 
sière se rencontre dans desiles de langue française 
comme celle de Ré et dans celles de souche bre- 
tonne comme Houat et Hoëdic. 

Dans les iles de Ré et d'Oléron, une grande partie 
de la surface est composée de marais salants dont 
les réservoirs sont enclos de digues appelées bosses, 
offrant d'étroits espaces d'une terre remarquable- 
ment fertile, où les habitants, sauniers en grand 
nombre, obtiennent des légumes, du blé, voire du 
vin. L’'étendue d'ensemble de ces bosses est mé- 
diocre; or, la population est extrèmement dense, 
on se dispute donc le sol arable, on le garde avec 
un soin jaloux; lors des partages entre parents, 
chacun exige sa fraction. Ce régime remonte fort 
loin; et, on est arrivé ainsi à l’émiettement actuel. 

M. Ardouin-Dumazet affirme (dans le Journal 
d'Agriculture pratique, 21 juin) avoir rencontré 
dans l'ile de Ré des champs ayant au plus deux 
mètres carrés. Pour mettre en culture ces domaines, 
d'une si invraisemblable exiguité, on voit parfois 
les propriétaires venir d’une partie très éloignée de 
l'ile, 20 ou 25 kilomètres. 

Et l’on ne se borne pas à planter quelques choux 
ou quelques oignons, on fait bien réellement de la 
culture proprement dite; voici du blé ou de l'avoine, 
de la luzerne, du trèfle, de la vigne, des pommes 
de terre. Et cela produit l'effet le plus extraordi- 
naire, c'est une véritable marqueterie végétale. 

L'ile entière est ainsi partagée; on ne s'en aper- 
çoit guère que sur les bosses; dans les régions trop 
élevées pour que l’on ait pu établir des marais 
salants, et elles occupent les cinq sixièmes de l'ile, 
la vigne domine; les rangées de pampres se pour- 
suivent sans laisser deviner l’infinité des parcelles. 
D'ailleurs, chaque famille a un nombre parfois 
considérable de ces champs. | 


COSMOS 87 


En beaucoup de parties de l'ile de Ré, faute de 
places libres, on établit l'aire à battre le blé sur 
les routes macadamisées. Au nord de l'ile, dans la 
région des marais salants, les transports sur les 
bosses ne peuvent se faire qu à dos d'âne; il est 
vrai qu'un seul suffit souvent à porter la récolte 
d'un champ. Ils ont tous les jambes entourées de 
vieux pantalons multicolores apportés du continent 
par les fripiers et destinés à les préserver des 
moustiques et des taons. 

Dans les iles bretonnes : Houat, Hoëdic, les iles 
du Morbihan, Groix, Ouessant, les parcelles sont 
moins exiguës; la base de la propriété estle sillon, 
bande de terre de 2 pieds (65 cm) de large et 
40 mètres de long. Trop petites pour ètre cultivées 
isolément avec avantage, elles forment souvent 
une possession indivise entre plusieurs membres 
d’une famille: chacun à son tour a droit à la 
récolte d’une année. 

Ou bien la mise en valeur est assurée par le 
régime communautaire que les recteurs ou curés ont 
imaginé pour réglementer la vie sur cesterres aux 
ressources si faibles. Plusieurs familles participent 
aux labours et aux semailles de leurs sillons, tous 
réunis en un champ assez vaste; ensemble elles 
récoltent, et le produit est partagé au prorata du 
nombre des sillons. Les femmes seules travaillent 
la terre. Dans l’ile de Groix, un seul homme ne se 
livre pas à la pèche et se voue à la culture; 
M. Ardouin-Dumazet dit : « On me le désigna avec 
un accent de profond mépris comme le paysan. » 


ÉLECTRICITÉ 


La couronne des lignes électriques à haute 
tension. — Il existe des transmissions d'énergie 
électrique à 140 000 volts: c’est un retour aux ori- 
gines de la science électrique, car les machines 
statiques à frottement ou à influence produisaient 
des différences de potentiel de cet ordre de gran- 
deur. La pile de Volta a fait tomber les différences 
de potentiel couramment usitées à un volt ou à 
quelques volts; mais l’électrotechnique est en train 
de gravir à nouveau toute l’échelle des tensions ct 
elle compte maintenant par centaines de kilovolts. 

L'écoulement de l'électricité par les pointes, le 
« vent électrique », bien connus dès les premiers 
temps de l'électricité, se retrouvent maintenant, 
dans les transmissions à haute tension, sous la 
forme de la « couronne » lumineuse qui auréole 
parfois les lignes. Il est remarquable que les nou- 
velles lignes, à leur mise en charge, présentent, 
pendant la première demi-heure de service, une 
déperdition plus forte que dans la suite, en vertu 
de ce phénomène de couronne: vraisrmblablement 
les poussières qui se sont déposées sur le fil forment 
autant de pointes déperditrices. Mais le « vent 
électrique » a assez vite fait de les détacher. 


85 COSMOS 


Voila en perspective un emploi nouveau de 
l'électricité : le nettoyage à distance. Mais il ne 
s’agit pas encore de concurrencer les systèmes de 
nettoyage par le vide. 


Télégrammes faisant le tour de la Terre. — 
L'Elektrotechnisrher Anzeiger rapporte que le 
Times de New-York s'est adressé à lui-même, 
voilà quelque temps, un télégramme de neuf mots 
qui devait revenir au point de départ après avoir 
fait le tour du globe: ce télégramme a effectué le 
parcours en seize minutes et demie, franchissant 
seize étapes. Lors de l’ouverture du câble transpa- 
cifique, voilà onze ans, on avait également lancé 
autour de la Terre un télégramme qui avait accompli 
le trajet en seulement neuf minutes et demie, mais 
on avait eu soin de prendre d'avance toutes les 
précautions nécessaires pour assurer une trans- 
mission aussi rapide que possible: par contre, le 
télégramme de 1912 a été traité, lui, comme une 
dépèche ordinaire. Le même télégramme de 1912 
a passé partout au nord de l'Équateur : par Hono- 
lulu, Manille, Hongkong, Singapore, Bombay, Suez, 
Gibraltar et Fayal. — G. (Électricien.) 


MARINE 


La marino de guerre au Japon. — En ce 
temps d'armement à outrance et de navires de 
guerre monstrueux, tandis que les Anglais et les 
Allemands ont entrepris une lutte formidable pour 
s'emparer de l’empire des mers, les Japonais, les 
derniers venus dans la lice, encouragés par des 
succès bien inattendus, aspirent aussi, sinon au 
premier rang, du moins à une puissance maritime 
capable de leur permettre, non seulement de 
résister aux États-Unis, leur ennemi de l'avenir, 
mais même à une époque plus ou moins lointaine, 
de les attaquer chez eux; rêve sans issue, sans 
doute, car les Etats-Unis ont une sauvegarde 
invincible dans l'étendue de leur territoire. Mais quel 
que soit l'espoir dont se flattent quelques esprits 
au Japon, il faut reconnaitre les efforts miraculeux 
ce ces néophytes dans ce que nous appelons le 
progrès de la civilisation occidentale. 

Par le fait, ce sont les Japonais qui vont posséder 
le croiseur-cuirassé le plus puissant de toutes les 
marines du monde. Il s'agit du Kongo, construit 
pour eux et qui vient d'ètre lancé au chantier Vic- 
kers, en Angleterre. 

Ce croiseur est un véritable bâtiment de ligne 
par la puissance de son armement et par ses 
qualités de vitesse : il filera 28 nœuds (52 kilo- 
mètres par heure); il est armé de huit canons de 
343 mm et a en batterie seize canons de 147 mm. 

Il a 214.75 m de longueur, 28 mètres de bau et 
déplace 27 500 tonnes. Il embarquera 4 000 tonnes 
de charbon et 1 000 de combustible liquide, ce qui 
lui donnera un énorme rayon d'action. 


25 JUILLET 1912 


Propositions contre l’exagération dans les 
dimensions des navires. — Au Congrès interna- 
tional de navigation, M. Grunsby demande que 
des restrictions soient imposées aux Compagnies 
de navigation par une convention internationale, 
de façon à empêcher l’exagération dans les dimen- 
sions des bâtiments de mer. Comme sanction à la 
décision demandée, il devrait être résolu qu'aucune 
subvention gouvernementale ne serait accordée aux 
navires ayant un tirant d'eau de plus de 9,8 m. 
M. Grunsby propose de fixer les dimensions maxima 
à admettre : longueur totale, 274,5 m; plus grande 
largeur, 32 mètres; tirant d'eau, 9,8 m. 

Nous sommes peu partisans des navires im- 
menses; mais, dans le cas actuel, il s'agit évidem- 
ment bien plus de l'intérèt des constructeurs de 
canaux interocéaniques que de celui desnavigateurs. 


VARIA 


Étude cinématographique des phénomènes 
balistiques. — Le cinématographe ordinaire ana- 
lyse et découpe le mouvement en tranches à peu 
près instantanées et successives, à raison d'une 
quinzaine de vues par seconde. Mais certains phé- 
nomènes rapides ne peuvent être utilement décom- 
posés puis reconstitués qu’à la condition qu’on en 
prenne des photographies beaucoup plus rappro- 
chées dans le temps : des centaines ou des milliers 
par seconde. C’est le cas du mouvement des balles 
de fusil, du vol des insectes, de la chute d’une 
goutte d'eau, etc. 

C'est ainsi que, à l’Institut Marey, Lucien Bull 
cinématographiait les objets en mouvement à rai- 
son de 2000 vues par seconde en les éclairant au 
moyen des étincelles d'une bobine de Ruhmkorff. 
Un Allemand, M. C. Cranz, dansson cinématographe 
balistique, était, par la suite, arrivé à prendre 
800 vues en moins d'un cinquième de seconde, ce 
qui correspondait à une fréquence de 5000 vues 
par seconde. 

Le même auteur, en collaboration avec M. B. Glat- 
zel (Société allemande de physique, avril), a créé 
un dispositif perfectionné qui permet d'atteindre 
une fréquence de 100000 vues par seconde. Un 
courant alternatif à haute fréquence, tel que ceux 
qu'on emploie couramment en télégraphie sans fil, 
se décharge entre les deux électrodes en cuivre 
d'un éclateur soufflé par un fort courant d'air. A 
chaque étincelle, l’objet éclairé se photographie 
sur une pellicule qui est portée par un tambour de 
89 centimètres de circonférence tournant à une 
vitesse maximum de 9 000 tours par minute. 

Signalons parmi les applications l'étude du fonc- 
tionnement d'un pistolet à chargement automa- 
tique faite à des fréquences variées allant de 
6 400 à 92 000 vues par seconde; celle de l'entrée 
d'une balle dans un tube de plomb rempli d'eau, 
faite à une fréquence de 8 400 vues par seconde. 


N° 1435 


COSMOS 8y 


HENRI POINCARE 


L'illustre savant a été soudainement emporté 
par une embolie, le 47 juillet, quelques jours après 
avoir subi une opération chirurgicale. Ses obsèques 
religieuses ont eu lieu le surlendemain, à Paris, 
à l'église Saint-Jacques du Haut-Pas. 

Fils de médecin, né à Nancy le 29 avril 4854, il fut 
élève de l'École polytechnique (1873), puis de l’École 
nationale supérieure des' mines (1875), docteur ès 
sciences mathématiques 
(Paris, 1879). D'abord 
chargé du cours d'ana- 
lyse mathématique à la 
Faculté des sciences de 
Caen, il inaugurait à 
vingt-quatre ans la série 
de ses innombrables pu- 
blications sur les pro- 
blèmes les plus difficiles 
et les plus nouveaux des 
mathématiques par ses 
découvertes des fonc- 
tions fuchsiennes. En 
1881, il passa à la Sor- 
bonne, qu’il n'a pas 
quittée depuis, et où il 
professa successivement 
avec une égale aisance 
inventive l'analyse, la 
physique mathéma- 
tique, le calcul des 
probabilités et la méca- 
nique céleste. Les hon- 
neurs le poursuivirent, 
sans émouvoir sa mo- 
destie et sans le distraire 
de la recherche unique 
de la science: il fut élu 
membre de l'Académie 
des sciences, dans la sec- 
tion de géométrie, à 
32ans,eten 1908 membre 
de l’Académie française, en remplacement du poète- 
philosophe Sully-Prudhomme,et c’est à bon droit,car 
Poincaré, mathématicien et physicien, fut en même 
temps un philosophe de la science et un bel écrivain; 
sa langueétait nerveuse, pittoresque, d'uneconcision 
et d’une clarté bien françaises. Il était associé, 
membre ou correspondant de plus de quarante 
Académies et Sociétés savantes, docteur honoraire 
de sept Universités, membre du Bureau des Longi- 
tudes, etc., commandeur de la Légion d'honneur. 

Le public l’a surtout connu par ses ouvrages de 
critique des sciences: la Science et l'hypothèse, 
la Valeur de La science, Science et méthode : les 
idées qu'il y expose sur les principes de la science ne 





sont d’ailleurs pas nouvelles. Poincaré ne fait que 
renouer la saine tradition des savants de Tanti- 
quité et du moyen âge, comme ile faisait remar- 
quer ici, dans nos colonnes, M. Bouasse parlant 
des travaux de cet autre éminent savant français, 
M. Duhem. Mais ces idées saines avaient été 
momentanément oubliées et éclipsées par les 
déclamations et les discours d'hommes comme 
Hæckel en Allemagne, 
Berthelot en France, 
pour qui la « certitude 
scientifique » suffisait à 
fonder la loi morale sur 
les ruines de toute reli- 
gion, de toute croyance, 
de toute métaphysique. 
Poincaré eut le mérite de 
réagir contre celte naïve 
prétention de quelques 
savants, fourvoyés, sans 
le savoir, dans la méta- 
physique : il rappela que 
ce que nous appelons 
« la science » n’est qu'une 
construction provisoire, 
toujours soumise à des 
remaniements et perfec- 
tionnements incessants, 
qu'elle est constamment 
limitée en sesréalisations 
et dans ses aspirations 
vers la vérité, que les 
enseignements de « la 
science » n’épuisent pas 
la capacité de connais- 
sance de l’homme, et, 
que par delà les pro- 
blèmes qu’elle résout 
victorieusement, il en 
surgit encore et toujours 
de nouveaux auxquels 
l'esprit humain veut une réponse. Et quandil disait : 
« La recherche de la vérité doit être le but de notre 
activité; c'est la seule fin qui soit digne d'elle », 
il parlait d’une vérité belle et grande qui dépasse 
immensément celle des savants myopes qui s'ar- 
rêtent à la matière, à la chimie, à la mécanique et 
qui se vantent d'arriver demain aux extrémités 
du monde et de la connaissance humaine. 
Présidant, le 26 février dernier, à la Société 
astronomique de France, le jubilé scientifique de 
M. C. Flammarion, il exposait finement quelle est 
la vraie grandeur de la vocation et du labeur 
scientifiques, et ce qu'il disait de l'astronomie, il 
l'aurait volontiers appliqué aux autres sciences. 


00 ` COSMOS 


« Est-il vrai que l’astronomie soit une science 
rébarbalive, hérissée d’intégrales terrifiantes, un 
désert aride où l’œil ne peut se reposer sur aucune 
verdure? Est-il vrai que le travail de l’astronome 
soit ingrat et déprimant, qu'il consiste uniquement 
à déplacer un fil en tournant une vis tout douce- 
ment, tout doucement, à lire un chiffre sur une 
échelle, à l'écrire sur son carnet, et puis à recom- 
mencer la même mesure indéfiniment? 

Le vrai savant sait que sa peine « sera payée 
au centuple, et que devant le spectacle des cieux 
immenses et radieux, harmonieux et vivants, nous 
ne la regretterons pas plus que l’alpiniste, arrivé 


25 JUILLET 1912 


au sommet et contempiant le sublime panorama 
des glaciers éternels, ne se souvient des fatigues 
de l’ascension...…. 

» Certes, aucun astronome ne l'ignore tout à 
fait; sans cela, pourquoi s’astreindrait-il à une 
besogne fatigante et fastidieuse, à des veilles pro- 
longées dans des conditions absolument dépourvues 
de confort... Non, s’il travaille sans se plaindre, 
c'est pour contribuer à une œuvre grandiose, qui 
doit exalter l’âme humaine, la rendre plus voisine 
de Dieu et en même temps plus fière d'elle-même, 
et quoiqu'il ne doive souvent voir lui-même qu'un 
coin des cieux, il se sent cependant grandi.» B.L. 





Station radiotélégraphique et 


Une grande station radiotélégraphique vient 
d’être établie à Seattle, dans l'État de Washington 





F1G. 1. — TOUR PORTE-ANTENNE 
DE LA STATION DUBILIER A SEATTLE. 


par la Commercial wireless telephone and tele- 
graph C°; cette station, qui travaille par les pro- 


radiotéléphonique de Seattle. 


cédés d’un jeune inventeur, M. William Dubilier, 
de Seattle, est destinée à des expériences de télé- 
graphie et de téléphonie sans fil à grande distance 
et a été tout spécialement étudiée au point de vue 
des moyens d'action à mettre en œuvre. 

Le choix de l’emplacement de la station a 
notamment fait l’objet d’études préliminaires très 
sérieuses; la station est située à 5 kilomètres à peu 
près de Seattle, à 450 mètres environ d'altitude; 
plusieurs autres stations radiotélégraphiques se 
trouvent dans la même région; la plus proche est 
celle du chantier naval de Bremerton, près de 
Seattle; puis vient une station à Tacoma et deux 
autres plus éloignées, à Victoria et Tatcoah ; toutes 
ces stations reçoivent régulièrement les communi- 
cations téléphoniques du nouveau poste, et un ser- 
vice commercial doit même être établi entre 
celui-ci et Tacoma; la distance de Tatcoah à la 
station Dubilier de Seattle est de 140 milles, soit 
224 kilomètres; mais entre les deux postes, le sol 
est fortement accidenté et relevé par les monts 
Olympiens, ce qui augmente beaucoup la difficulté 
d'établir les relations; Tatcoah ne parvenait pas 
autrefois à se maintenir en communication avec la 
stalion navale de Bremerton, même en employant 
une puissance de 25 chevaux. | 

Après expérience des différentes formes d’an- 
tenne, il fut décidé que la station d’essai serait 
pourvue d’une antenne en ombrelle, cette disposi- 
tion paraissant la mieux appropriée à surmonter 
les obstacles résultant de ce que presque de tous 
côtés existent autour de la station des montagnes 
s'élevant à 4500 mètres de hauteur ou plus; le 
Puget Sound, sur lequel se trouve la station — 
comme celles de Bremerton, de Tacoma, de Vic- 
toria el de Tatcoah, — et qui a jusqu’à 3 kilomètres 
de largeur. est la seule voie d’eau existante. 

L’antenne s'élève, comme le montre la figure 1, 
au milieu de la forèt, où l’on a procédé à laba- 
tage nécessaire. Son support est constitué par un 
grand mât de 96 mètres de hauteur; ce mât a été 


LL a Ce 


N° 1435 


conçu et construit de manière à posséder la plus 
grande flexibilité possible, les vents auxquels il est 
exposé étant généralement fréquents et violents; 
il est établi sur un massif en béton de 2,4 m de 
profondeur et 2,1 m de côté; dans ce massif sont 
prises quatre tiges d'acier auxquelles sont boulon- 
nées les poutres de bois qui forment le mât pro- 
prement dit. 

Il y a, dès la base, deux poutres de 20 X 23 cen- 
timètres pour chaque face, et ces poutres sont de 
longueur croissante, la première mesurant 1,5 m, 
la seconde 3,0 m, la troisième 4,5 m, et ainsi de 


7 
y 


COSMOS 





OF IH 
UNIVERSITY 


: CALIFORNIA 
suite; sur ces poutres sont fixées bout 
à bout les poutres de hauteur qui ont uniformément 
12 mètres de longueur; elles sont toutes réunies 
par des poutrelles en fer I, renforcées par des 
plaques d'angle; des armatures sont placées de 
3 mètres en 3 mètres; à 24 mètres de hauteur, 
puis à 21, 18, 15 et 12 mètres de distance succes- 
sivement sont placées des armatures spécialesser- 
vant à l'attache des haubans. Le montage s’est 
effectué au moyen d’un petit treuil à vapeur; il n’a 
pas rencontré de difficulté ; les poutres sont fixées 






91 





Tune à l’autre par des plaques de fer et des bou. 





F1G. 2. — VUE DU POSTE RADIOTÉLÉPHONIQUE. 


lons. Les ancrages des haubans sont constitués par 
des fers I de 30 centimètres de côté et 3 mètres de 
longueur, enfouis à 3 mètres de profondeur dans 
des massifs de béton; dans des poutrelles sont 
accrochées des tiges d'acier auxquelles sont fixés 
les haubans; ceux-ci sont coupés de distance en 
distance par des isolateurs; ils ont 2,5 cm de dia- 
mètre à la base et 1,25 cm au sommet ; chacun des 
haubans comprend six sections; ils sont placés à 
90° l’un de l’autre. 

La figure 1, qui donne une vue d'ensemble de 
l’antenne, permet de se rendre compte de la dis- 


position du support et de ses haubans. Elle montre 
également la forme de l’antenne. 

L'ombrelle est divisée en huit sections, compo- 
sées chacune de huit fils et reliées à de petits mâts 
de 36 mètres de hauteur placés à 150 mètres de 
distance de la base de la tour principale; les fils 
sont en bronze phosphoreux; ils sont connectés de 
telle façon que l’on puisse employer à volonté et 
à chaque moment soit l’ensemble des conducteurs, 
soit une partie seulement. 

Au pied de la tour se trouve, comme on le voit 
à la figure 1, un petit bâtiment contenant les appa- 


92 COSMOS 


reils du poste; à còté de ce bâtiment, dans un 
autre complètement distinct, est placée l’installa- 
tion génératrice; le bâtiment des appareils est 
divisé en deux parties occupées respectivement par 
le poste de télégraphie et par celui de téléphonie. 

Le poste téléphonique comprend un équipement 
complet de réception et de transmission pour 
l'application de la nouvelle méthode de travail 
imaginée par M. Dubilier, et que celui-ci appelle la 
méthode de l'arc étouffé parce qu’elle tient à la fois 
de la méthode de l’arc Poulsen et de celle à étin- 
celles étouffées, procédés qui sont à présent les 
plus intéressants et les plus importants. 

Elle comporte l'emploi d’un nouveau transmet- 
teur; un interrupteur bipolaire permet de rendre 
le couplage de l'oscillateur à l’antenne lâche ou 
serré selon le cas; un second, placé sur la partie 
supérieure de la boite contenant les instruments, 
sert à passer de la transmission à la réception, et 
réciproquement; enfin, un troisième interrupteur, 
également monté sur la boite, permet de faire 
fonctionner le système avec un transmetteur à 
étincelle; l’organe essentiel de celui-ci est un 
interrupteur actionné par un moteur électrique, et 
la fréquence des étincelles est modifiée simplement 
en agissant sur ce moteur. 

Différents transmetteurs téléphoniques ont été 
expérimentés : de hons résultats ont notamment 
été obtenus au moyen de six appareils du type 
Berliner bien connu, employés en parallèle et 
montés sur la mème embouchure; ce transmetteur 
est montré à la figure 2; mais, dans ces derniers 
temps, les essais ont principalement porté sur un 
nouveau type de répétiteur téléphonique, capable 
d'amplifier les variations de courant produites 
dans le circuit primaire par un transmetteur. 

L'utilisation d'un répétiteur téléphonique pour 
les transmissions radiotéléphoniques est certaine- 
ment l’un des procédés les plus intéressants que 
l'on puisse expérimenter, bien que cette méthode 
ait rencontré jusqu'ici certains obstacles dus à 
l'imperfection des appareils répétiteurs; M. Fes- 


ne 





25 jJuiLer 1912 


senden avait signalé autrefois qu’il était arrivé à 
de bons résultats avec ce procédé, mais il n’a plus 
été question, depuis, de ses essais; M. Dubilier 
m'écrit que, de son côté aussi, les essais n'ont pas 
été infructueux, il a déposé pour son amplificateur 
une demande de brevet qui est en instance. Cet 
instrument est visible à la figure 2 sur la droite. 

Le transmetteur avec lequel il s'emploie se eom- 
pose de deux électro-aimants à enroulements de 
2 ohms placés de part et d'autre du diaphragme 
et de la coupelle à granules de charbon; le dia- 
phragme a approximativement 42,5 cm de dia- 


mètre et un millimètre d'épaisseur; il est fixé sur 


un disque d’ébonite percé de trous; il est en outre 
pourvu d’anneaux en platine, concentriques, et 
dont la circonférence est percée de trous permet- 
tant de produire une circulation d'air; les anneaux 
servent à donner le contact avec les granules de 
charbon; ceux-ci sont retenus dans la chambre 
par un disque de mica. 

Le poste de réception est caractérisé par l'emploi 
de différents instruments de construction spéciale; 
on travaille au moyen d'un récepteur à quatre 
détecteurs de types différents (un perikon, un dé- 
tecteur à silicium, un détecteur à pyrite de fer et 
un détecteur à galène); ces dispositifs peuvent 
être employés à volonté à tour de rôle par le seul 
déplacement d’un commutateur rotatif. 

D'après les essais effectués jusqu'ici, la disposi- 
tion la plus avantageuse serait formée d'une 
aiguille d'acier s'appuyant sur un morceau de car- 
borundum flottant dans le mercure; ce dispositif 
est stable et très durable, il a donné le maximum 
de clarté dans l'articulation pour la téléphonie. 

La puissance que peut fournir le poste généra- 
teur est de 33 chevaux environ; elle est suffisante 
pour permettre à la station de communiquer à 
grande distance par la radiotélégraphie, et l’on 
établit en ce moment dans l'Alaska un second 
poste identique à celui de Seattle et avec lequel 
l'on compte organiser un service régulier. 

H. Marc&ano. 


——— 


Pendule entretenu électriquement. 


Longtemps on a cherché le moyen pratique d'ap- 
pliquer l'électricité 4 l'horlogerie en faisant direc- 
lement intervenir le courant comme agent moteur 
du système de minuterie. C'est de ce cûté que se 
sont portes les premiers efforts, et depuis l'essa 
qu'en fit Steinheil en 1838, d’autres électriciens 
tels que Verite. Froment, Hipp, Houdin, ete., ont 
tenté de suivre la mème voie, mais sans résultats 
bien réels. loutes ces horloges avaient de graves 
delauts; leur égalité de mouvement était loin 
detre assurte, Car les contacts se produisaient 


toutes les secondes, les pièces s’oxydaient rapide- 
ment par suite des étincelles de rupture, le circuit 
se trouvait alors interrompu au bout de très peu de 
temps et l'horloge s'arrètait. De plus, le mouvement 
était en relation directe avec la source électrique 
employée, et les contacts n'avaient pas toujours la 
méme durée; il y avait donc nécessairement des 
retards ou des avances qu'il était bien difficile de 
corriger. Aussi a-t-on abandonné cette utopie pour 
demander seulement à l'électricité les deux trans- 
formations suivantes : 


Ne 1435 


4° Le courant agit sur le ressort moteur auto- 
matiquement et à intervalles réguliers, tandis que 
la mesure du temps s'effectue toujours à l’aide des 
échappements ordinaires. Ce sont les horloges à 
remontage électrique ; | 

20 Une horloge-type, régulatrice, ou bien transmet 
l'heure électriquement à des cadrans compteurs 
ou bien règle, par avance ou retard, des distribu- 
teurs, des centres horaires qui peuvent à leur tour 
régler un nombre indéfini d’horloges. Cest la 
remise à l'heure obtenue électriquement, c’est la 
synchronisation électrique des horloges. 

Sans nous attarder à cette question de la distri- 
bution électrique de l'heure qui fonctionne dans la 
plupart des grandes villes et qui est à peu près 
accomplie, nous voulons parler aujourd'hui d'un sys- 
tème qui résout, pour ainsi dire, les deux problèmes 
énoncés ci-dessus d'une manière éminemment 
simple et élégante et peut constituer le principe, soit 
d’une horloge électrique indépendante, soit d’une 
horloge-type régulatrice, et même devenir le point 
de départ d'une foule de signaux périodiques lumi- 
neux ou acoustiques. C’est encore à un Genevois, 
M. H. Campiche, que nous devons ce perfectionne- 
ment, car la Suisse, cette mère-patrie des horlo- 
gers, a donné naissance aux Hipp, Favarger, Cuenot, 
Thury, et à bien d’autres encore qui, tantôt mécani- 
ciens, tantôt électriciens, ont su le mieux faire 
accorder ces deux sciences et réaliser des merveilles. 

Nous savons qu’entretenir un pendule, c’est lui 
restituer, au fur et à mesure qu’il la perd, l'énergie 
absorbée par les frottements dans l’air et les résis- 
tances de la suspension, de manière à maintenir 
constante l'amplitude des oscillations. Entretenir 
électriquement un pendule, c’est donc demander à 
une source électrique l'énergie complémentaire 
qui est nécessaire à l’accomplissement de ce travail. 

Il existe deux moyens principaux pour entretenir 
électriquement le mouvement d’un pendule : 

Ou bien le pendule lui-même est soumis directe- 
ment à l'influence de l'énergie électrique, et alors 
il est muni, soit d’une armature en fer doux, soit 
d’une bobine de fil isolé qui, oscillant avec lui, est, 
en certains points de sa course, soumise aux attrac- 
tions ou aux répulsions d'organes magnétiques. 
Dans ce cas, ce sont des horloges électriques dites 
à réactions directes. 

Ou bien l'énergie électrique a pour fonction de 
soulever à intervalles réguliers, souvent à chaque 
oscillation du pendule, de petits poids ou des res- 
sorts, qu'elle abandonne ensuite à eux-mêmes, et 
cela à un moment où ceux-ci, en s'appuyant sur 
des bras fixés au pendule, peuvent restituer à ce 
dernier la portion de force vive qu’il a perdue pen- 
dant l’oscillation. Ces horloges sont dites à réactions 
indirectes. 

Le procédé employé par M. H. Campiche rentre 
plutôt dans cette deuxième catégorie, mais en 


COSMOS 93 


comportant d’utiles modifications. En effet, pour 
restituer à un pendule la force vive qu’il a perdue 
dans le travail effectué, il importe d'adopter une 
méthode qui ait le moins possible d'influence per- 
turbatrice sur la loi de son mouvement et dont 
l'action soit indépendante de l'intensité du courant 
employé ainsi que de ses variations. Or, le système 
à réactions indirectes a le grand avantage de 
rendre la marche du pendule indépendante de ces 
variations puisque les impulsions qui lui sont com- 
muniquées sont dues à une force constamment 
égale à elle-même. Mais comme, le plus souvent, 





>” 


F1G. 1, — RÉGULATEUR CAMPICHE. 


les fermetures du circuit ont lieu à chaque oscilla- 
tion du pendule, la consommation du courant est 
très grande, sans compter tous les inconvénients 
qui en dérivent. En outre, ces impulsions sont tou- 
jours accompagnées de chocs brusques plus ou 
moins accentués qui comprometltent au plus haut 
degré la régularité de marche des organes et 
rendent alors illusoire la constance de la force appli- 
quée à l'entretien du pendule. M. Campiche a évité 
soigneusement tous ces inconvénients, et, comme 
on peut s’en convaincre en examinant la figure ci- 
dessus, il a construit un régulateur d'une simplicilé 
et d’une précision absolument remarquables. 


94 COSMOS 


Sur le bâti a sont fixées les trois pièces princi- 
pales du régulateur : les rouages c, le pendule b et 
l'organe électro-mécanique À x. Le pendule b qui 
bat la seconde est muni d’une lamelle d’acier d 
terminée par une ancre et dont la position est 
déterminée à volonté et réglée par l'intermédiaire 
d'un coulisseau et d'une vis de pression. À chaque 
oscillation du pendule vers la roue c, cette tige à 
ancre la fait avancer d'une dent, et comme il y en 
a soixante, la révolution totale de la roue s'effectue 
exactement en une minute. 

Or, cette roue c porte à lextrémité d'un de ses 
rayons une mince goupille en platine qui, une 
fois par tour, vient toucher pendant 0,8 seconde 
les deux contacts également en platine g disposés 
de part et d'autre de la roue. Le circuit de la 
source électrique affectée à l'entretien du pendule 
se trouve alors fermé pendant cette courte période 
sur l’électro-aimant A. 

Une petite molette bien équilibrée et placée à la 
partie inférieure de la roue dentée c remplit le 
rôle desautoiret maintient cetterouesansla charger. 

Quant aux deux autres contacts e et f, ils peuvent 
être affectés à une distribution de l'héure à des 
lignes de cadrans secondaires. 

L’électro À attire et fait basculer son arma- 
ture & m, et par l'intermédiaire de pièces mobiles 
articulées o g, la lame flexible v r vient repousser 
le balancier et accentuer, s'il en est besoin, son 
mouvement pendant 0,8 seconde. La lame revient 


25 JUILLET 419412 


immédiatement dans sa première position sous 
l'influence du ressort p dont la tension est réglée 
à volonté. Le point où le poussoir flexible v x 
vient donner une nouvelle impulsion au balancier 
n'est pas indiqué sur la figure; d’ailleurs, il varie 
à volonté, car, au moyen de la vis g, on peut faire 
descendre ou monter la lame flexible. De mème, le 
balancier est pourvu en un endroit convenable 
d’un petit coulisseau carré tenu en place par une 
vis de pression, et sa surface plane, du côté de la 
lame flexible est garnie d'une matière lisse et bien 
polie, de manière que l'impulsion s'effectue norma- 
lement et sans chocs. 

Voilà donc tout le mécanisme très simple, comme 
on le voit, du régulateur électrique Campiche. Le 
travail que l’on demande au pendule est extrême- 
ment léger, et comme il est toujours constant et 
que la poussée électro-mécanique de la lame 
flexible est toujours de mème intensité malgré les 
variations de courant qui peuvent survenir du fait 
de la source d'énergie, il est évident que la plus 
grande précision est nécessairement obtenue. 

La synchronisation de plusieurs régulateurs ne 
présente plus aucune difficulté, puisque l’on pourra 
en brancher un nombre aussi grand que l'on 
voudra sur le mème circuit. Tous les poussoirs 
électro- mécaniques agiront exactement ensemble 
et viendront donner leurs impulsions aux balan- 
ciers qui battront rigoureusement lu seconde tous 
ensemble. GEORGES DARY. 





Les moteurs tonnants dans la marine de guerre. 


On parle de plus en plus de recourir aux 
moteurs tonnants pour les bateaux de guerre tout 
comme pour les bateaux marchands. Il est bien 
sûr, d'ailleurs, que les premières applications 
de ce moteur tonnant, ou du moteur à combustion 
interne, à la flotte de guerre, se feront sur de petites 
unités et probablement à bord de contre-torpil- 
leurs: les risques financiers et méme stratégiques 
à courir avec un essai de ce genre sont autrement 
moins graves que s'il s'agissait d'un cuirassé ou 
d'un grand croiseur. Des renseignements intéres- 
sants et qui semblent très exacts ont élé fournis 
récemment devant la Société des Naval Architects 
de New-York. L'auteur du mémoire lu devant cette 
Société est M. G. T. Dalison. Il affirme que les 
données sur lesqueiles il s'appuie correspondent 
exactement à celles d'un moteur à combustion 
interne qui est actuellement en construction pour 
une grande puissance maritime. Il s'est servi de 
ces données pour établir des comparaisons fort 
intéressantes entre l'application de la puissance 
motrice par moleur à combustion et la puissance 


motrice classique fournie par une machine à 
vapeur. Le bateau où les deux installations sont 
supposées exister est un contre-torpilleur américain 
réellement existant et construit en 1900, le Paul 
Jones. Ce bateau n’est pas une toute petite unité : 
il à 76,19 m de long pour 7,16 m de large, et son 
tirant d’eau est de 2,13 m pour un déplacement de 
410) tonnes en plein armement. 

Ce torpilleur est actuellement doté de machines 
à vapeur du type alternatif, bien entendu à triple 
expansion et à quatre cylindres verticaux. Chacune 
des machines peut développer environ 4 000 che- 
vaux; elles sont alimentées de vapeur par quatre 
chaudières Thornycroft à tubes d’eau. Dans la 
combinaison avec moteurs tonnants, telle que l'a 
étudiée M. Dalison, il sagirait de monter d'abord 
deux moteurs à huit cylindres chacun, fonctionnant 
suivant le cycle à deux temps du type Nuremberg. 
Les moteurs, installés dans le compartiment actuel 
avant des machines, comprendraient chacun un 
arbre de couche latéral et une hélice latérale elle- 
mème. Un troisième moteur commanderait l'arbre 


N° 13435 


central, si bien que le navire serait alors à trois 
hélices. Les réservoirs de pétrole seraient placés le 
long des flancs des chambres des machines. Chaque 
cylindre aurait un diamètre de 467 millimètres et 
490 millimètres d’alésage; on compte que chaque 
engin développerait une puissance de 2 500 chevaux 
au frein, à la vitesse de 350 tours par minute. Disons 
tout de suite que cette machinerie à moteur tonnant 
occuperait environ 42 mètres de moins, dans la 
Jongueur du bateau, que ne le fait l'installation 
à vapeur actuelle. On a d’ailleurs la possibilité de 
n’employer que l’hélice centrale et le moteur cen- 
tral quand on voudrait marcher à vitesse de croi- 
sière, C'est-à-dire à une allure de 16 nœuds, ce qui 
entrainerait des économies précieuses. 

C'est un des principaux résultats de la compa- 
raison qui a été faite par M. Dalison entre l’instal- 
lation à vapeur et l'installation à moteur tonnant. 
La machinerie à vapeur, qui correspond à une 
puissance indiquée de 7 700 chevaux, représente un 
poids de 203 100 kilogrammes; au contraire, avec 
les 8300 chevaux indiqués et les 7200 chevaux à 
l'arbre de l'installation motrice à moteur tonnant, 
ce poids ne dépasserait guère 148 000 kilogrammes. 
Cela correspond donc, dans ce dernier cas, à moins 
de 20 kilogrammes par cheval au lieu de 29 kilo- 
grammes quand on recourt à la machinerie à 
vapeur. À une allure de croisière de 16 nœuds, la 


COSMOS 95 


consommation de combustible par cheval-vapeur- 
heure est de 230 grammes de pétrole, tandis qu’elle 
est de 14360 grammes de charbon, ce qui donne 
dans le premier cas un rayon de croisière de 
10 000 milles marins, au lieu de 1 700 avec la ma- 
chinerie actuelle. Si l’on veut marcher à une 
allure de 28 nœuds, comme les consommations sont 
respectivement de 225 grammes et de 4 060 grammes, 
toujours par cheval-vapeur-heure, on arrive à ce 
que le rayon de croisière est de 2 950 milles dans 
le premier cas et 630 seulement dans le second. 
Nous pouvons ajouter à cela que, avec la machi- 
nerie actuelle, il faut 54 hommes dans les chambres 
de chauffe et de machines, tandis qu’il wen fau- 
drait que 24 avec la machinerie à moteurs tonnants; 
cela se traduit par une économie de plus de 
30 pour 100 sur la dépense en personnel. 

On devrait naturellement prévoir des installa- 
tions auxiliaires pour le chauffage, l'éclairage, la 
manœuvre desancres, lecharbonnage, la manœuvre 
du gouvernail; on pourrait pour cela recourir à 
une petite chaudière à vapeur, dite petit-cheval, 
utilisant pour son chauffage du combustible liquide, 
ou, au contraire, avoir des moteurs électriques 
commandant ces machines auxiliaires, moteurs 
électriques qui seraient actionnés par deux petits 
moteurs tonnants de 100 chevaux chacun. 

D. B. 





Les peintures et la stratigraphie paléolithiques en Espagne. 


Tout le monde connait les peintures paléoli- 
thiques, c’est-à-dire de l’époque de la pierre taillée, 
qui, pendant les dernières trente années, ont été 
découvertes sur les parois intérieures des grottes 
françaises, réparties dans deux régions: la Dor- 
dogne et le versant septentrional des Pyrénées (1). 
Sur le versant méridional et espagnol des Pyrénées, 
la région de Santander a également livré quelques 
grottes ornées, surtout celle d’Altamira (2), qui fut 
la première connue et dont les peintures poly- 
chromes représentent l'apogée de lart quater- 
naire. 

Les lecteurs de cette revue connaissent les mani- 
festations artistiques d'Altamira. Cequi, par contre, 
est très peu connu du public en général, ce sont 
les peintures se trouvant, non à l'intérieur, mais à 
ciel ouvert, qui ont été constatées ces dernières 
années sur le sol de la péninsule ibérique, et qui, 
jusqu’à présent, n’ont été trouvées dans aucun 
autre pays. Cette nouvelle catégorie de peintures 


(i) Voir mon article: l'Art pariétal des grottes 
pyrénéennes (Cosmos, t. LXIV, p. 300, 1911). 

(2, Les lecteurs au courant de l'allemand pourront 
consulter mon opuscule : Altamira, avec 10 planches 
dont 5 en couleurs. Godesberg, 1910 (1,25 fr). 


est d'autant plus intéressante qu'elle nous fournit 
les premières représentations humaines dignes de 
ce nom — fait très remarquable, — car les dessins 
figurant des hommes, relevés jusqu'ici dans les 
grottes, ue sont que de grotesques et misérables 
caricatures de la forme humaine. 

I. — Ces peintures pariétales à ciel ouvert se ren- 
contrent surtout dans l'Espagne orientale. Elles 
sont exécutées sur des rochers situés au-dessus des 
vallées et représentent, de même que l'art pariélal 
des cavernes, des animaux ayant servi de nourri- 
ture aux hommes primitifs. Ce sont principalement 
des cerfs peints en couleur rouge, comme en a 
livré Cogul dans le bassin inférieur de l'Ebre (fiz. 1, 
cerf entouré de biches, 75 centimètres de longueur); 
puis on a trouvé au mème endroit des bo'nfs sau- 
vages et des bouquetins (fig. 2, 80 centimètres de 
longueur), et un beau bouquetin peint en noir 
(fig. 4, 20 centimètres de longueur). A Alpera, à 
mi-chemin entre Valencia et Alicante, on a décou- 
vert récemment 160 figures, dont 70 hommes, 
30 chèvres et bouquetins, 26 cerfs, 7 
4 bœufs, 4 élan et 4 cheval. Ces hommes d'Alpera 
sont peints en couleur rouge foncé et représentent 
des chasseurs nus portant quelquefois des orne- 


cauides, 


96 COSMOS 


ments sur la tète et des espèces d'anneaux aux 
jambes. 16 de ces hommes tirent de l'arc sur 
des animaux (des cerfs) (fig. #4, 63 centimètres de 


longueur), d’autres portent leurs arcs sous le bras 


(fig. 5). Des peintures de Cogul (fig. 6) donnent 
même une idée de ce que devait être le costume des 
femmes de l’époque paléolithique, dont les seins 
pendants, la tête (avec capuchon?) et les jambes 





F1G. 1. — CERF ET BICHES PKINTS EN ROUGE. 


Cogul, bassin inférieur de l'Ebre. 


figurées détachées du tronc, sont caractéristiques. 

Selon l'abbé Breuil, les peintures d’Alpera et de 
Cogul remontent à l'époque magdalénienne et sont 
probablement un peu plus récentes que les fresques 
polychromes d’Altamira. 

Appartiennent à l'époque azilienne qui forme la 
transition du paléo- au néolithique les figures 
schématiques découvertes dans les régions méri- 
dionales de l'Espagne (Andalousie et Murcie) 


F10.2. - BŒUrS SAUVAGES ET BOUQUETINS PEIN1S EN ROUGE 


Cogul. 


(fig. 7, de Fuencaliente, et fig. 8, de Cueva de Los 
Letteros, peintes en rouge). Ces étranges stylisa- 
tions du corps humain en forme de triangles et 
de croix ont un certain rapport avec les figures 
relevées sur les galets coloriés de la grotte du Mas 
d'Azil (Ariège) qui a donné son nom à l'époque 
azilienne. La schématisation et le symbolisme sont 
caracléristiques de l'époque néolithique. 


25 JUILLET 41942 


II. — La stratigraphie, c'est-à-dire description 
des niveaux quaternaires, a fait de grands progrès 
en Espagne, dus surtout aux fouilles de l'Institut 
de paléontologie humaine, opérées ces dernières 
années dans trois grottes de la province de San- 
tander dont il a déjà été question au début de cet 
article. 

Dans la grotte de Valle, on a découvert trois 
couches archéologiques, dont la plus élevée conte- 





F1G. 3. — BOUQUETIN PRINT EN NOIR. 
Cogul. 


nait beaucoup de cerfs, avec le cheval, le chamois, 
le chevreuil, le bæuf et le sanglier, et de nombreux 
vestiges de l’industrie azilienne, qui, jusqu'à pré- 
sent, était entièrement inconnue en Espagne. Dans 
ce niveau, on a trouvé huit beaux harpons plats en 
bois de cerf, spéciaux à cette époque. En dessous de 












CL EE CE me 
QC A SKR 50 
Les er. CAD 
AR DS LRO A Er 
CR) LA) fÀ Los f 






F1G. #. — CHASSEURS TIRANT DE L’ARC SUR DES CERFS. 


Alpera. 


cette assise, on a relevé un niveau magdalénien 
avec la même faune que la précédente, sauf le 
sanglier, et avec des traces du renne. 

Hornos de la Peña a fourni de bas en haut des 
couches à industries moustérienne, aurignacienne, 
solutréenne (silex taillés en feuille de laurier) 
el magdalénienne ; dans la dernière, on a 
recucilli des bois de cervidés décorés de motifs 


N° 1435 


analogues à ceux de Lourdes et Arudy (Basses- 
Pyrénées). e 

Enfin, la grotte de Castillo (Puente Viesgo), 
fouillée par l'abbé Breuil et le D" Obermaier, a 
donné de fort intéressants résullats, car on y 
a constaté dix niveaux archéologiques, allant du 





F1G. 5. — CHASSEURS A L’ARC. 
Alpera. 


moustérien au néolithique. Recouvert d’une épaisse 
couche stalagmilique, un niveau azilien a livré des 
harpons plats, pareils à ceux de Valle. L’assise 
du magdalénien supérieur sous-jacente a fourni 
de beaux harpons et vingt sagaies en bois de cerf. 
Au-dessous de cetle couche venait une énorme 
assise de magdalénien ancien, contenant des 
quantités immenses d’ossements de cerf, cheval, 
bison, chamois, et beaucoup d'os travaillés et des 


Aa Aa 





F1G. 6. — FEMMES 
DE L'ÉPOQUE PALÉOLITHIQUE. 


Cogul. 


gravures sur os figurant des biches, pareilles 
à celles d’Altamira. 
En fouillant 5 mètres au-dessous de ce niveau, 


COSMOS 





97 


on a traversé successivement un foyer solutréen 
(outillage taillé en feuille de laurier); trois niveaux 
aurignaciens et deux moustériens, séparés les uns 
des autres par des couches d'argile. Dans les niveaux 
les plus bas, on a trouvé plusieurs molaires de 
rhinocéros avec beaucoup d'ossements de l'ours 
des cavernes. 

Quant au qualernaire ancien, il est également 
fort bien représenté en Espagne dans la station de 
Torralba, située sur la ligne de Madrid à Saragosse. 
On y a mis à jour des ossements d’£/ephas meri- 
dionalis, le plus ancien des éléphants, dont un 
squelette presque complet et une douzaine de belles 
défenses, longues de 3 mètres, ont été recueillis. 
Dans le même niveau à Æ. meridionalis, on a 
découvert des haches en silex, grossièrement 
taillées, du type de celles de Chelles. Ces très 
importantes trouvailles ont été déposées au Musée 
de Madrid. | 

Il est fort intéressant de remarquer combien la 
stratigraphie quaternaire de l'Espagne, avec ses 
faunes et industries caractéristiques, concorde 
avec celle de la France et d'autres pays. 

Ainsi que l’on voit, l'Espagne, aussi bien que la 
France, a été habitée à une époque très ancienne 
par les ancètres de notre race. Ils y ont laissé des 
vestiges palpables de leur existence, sous la forme 
non seulement de leurs industries, mais même de 
leur art, qui présentent des ressemblances frap- 


F16. 7. — PERSONNAGES HUMAINS STYLISÉS. 


Fuencaliente. 





F1G. 8. — PERSONNAGES HUMAINS STYLISÉS. 


Cueva de los Letteros. 


pantes avec les manifestations analogues de 
Phomme paléolithique sur le sol de la Franee. 
AD. STIEGELMANN. 


98 COSMOS 


25 JUILLET 1912 


Le ciment armé dans la protection des côtes et rivages. 


Les grands progrès des constructions en ciment 
armé devaient engager les ingénieurs à tenter 
l'emploi de ce matériau pour la protection des 
rivages. Comme toutefois les revêtements en ciment 
ne résistaient pas à l'action du froid ou d'une 
grande chaleur, les tentatives jusqu’ici faites 
n’avaient guère de lendemain. 

Dans les pays qui, comme la Hollande, ont des 
côtes étendues à défendre contre l’invasion de la 
mer, ce problème prend évidemment une impor- 





tance énorme. Aussi un ingénieur hollandais, 
M. de Muralt, lui a-t-il donné une attention parti- 
culière ; son nouveau procédé pour faire les revê- 
tements et les digues en ciment, employé avec 
d'excellents résultats dans son pays, vient d’être 
adopté même à l'étranger. 

Abstraction faite de leur grande simplicité et de 
leur coût peu élevé, les revêtements de Muralt se 
distinguent par une résistance mécanique remar- 
quable. Etant subdivisés en un grand nombre de 


TALUS À REVÊTEMENT EN BÉTON ARMÉ, A LANGENDJIK (ILE DE SCHOUWEN). 


petites sections, ils ne sont aucunement affectés 
par les déplacements du sol dus à la chaleur ou au 
froid. Les plaques constituant les revêtements sont 
maintenues en place par un cadre de bois. Le 
pilonnage du ciment se fait sur ces fondations. 

Les revétements de Muralt se font d'après le 
procédé suivant : après avoir aplani le terrain, on 
y installe un cadre en bois servant de moule au 
ciment. L'armature des plaques est constituée par 
du métal déployé. 

Les poutres longitudinales du cadre servant de 
moule sont dentelées de facon à former des marches 
d'escalier. On remplit de béton successivement 
chacune de ces marches, en commençant par le 


bas, et, après l'avoir aplanie, on la recouvre d’une 
planche. 

Lorsqu'on travaille au sec, on peut retirer le 
moule peu de minutes après le bétonnage. Lors- 
qu'au contraire l'installation se trouve au bord de 
la mer, où la marée haute risquerait d'inonder Îles 
plaques, il convient d'attendre vingt-quatre heures 
avant de dégager le moule. Chaque plaque de 
ciment à 7,5 à 12,5 cm d'épaisseur. 

Après avoir préparé et fait durcir plusieurs 
plaques, on creuse autour d'elles des fosses de 15 
à 20 centimètres de profondeur, où l’on insère des 
barres de fer et quelquefois aussi du métal déployé 
pour servir d’armature aux poutres en ciment. 


No 1435 


Comme l’armalure de toutes ces poutres se tient, 
le cadre ainsi constitué forme un ensemble indépen- 
dant des plaques. Ces dernières sont par conséquent 
séparées l’une de l'autre et du cadre. Grâce à la 
solidarité de l’armature des poutres, les plaques 
conservent leur position, tandis qu’en relevant un 
point du cadre, on peut déplacer toutes les poutres 
du système. Ces poutres comportent du reste, à 
environ 3 mètres d'intervalle, des joints de dilata- 
tion pour le libre jeu des pièces sous l’action de la 
chaleur et du froid. 

Ce procédé a été employé avec succès pour le 


COSMOS’ 99 


reyètement des digues, dunes et talus de rivage, 
ainsi que pour la construction des digues et des 
mòles. Il s'applique aussi avec avantage à la suré- 
lévation des digues. 

Une digue au voisinage de Zierikzee, en Hollande, 
ayant par exemple cédé à l'impulsion des flots, 
qui avaient enlevé plusieurs parties du talus du 
côté de la terre, il fallait la surélever. Or, comme 
sa crête n'était que d'un mètre de largeur, il 
s agissait d’abord de l’élargir du côté de la mer ou 
de la terre. Cet élargissement, fait du côté de la 
mer, eût été très coûteux, puisqu’après avoir enlevé 





SURÉLÉVATION D’UNE DIGUE, PRÈS DE BROUWERSHAVEN (ILE DE SCHOUWEN), AU MOYEN DU CIMENT ARMÉ. 


une couche de basalte on aurait dû changer de 
place le sentier couvert de gravier et procéder 
à l’expropriation des terrains. C’est pourquoi l’on 
préféra une construction en ciment armé sur la 
crête et à côté d'elle. Cette surélévation se compose 
d’un système de plaques verticales entre lesquelles 
se trouvent des poutres intermédiaires en ciment 
armé. La partie verticale du barrage repose sur 
une plaque en partie horizontale, mais qui, du côté 
de la mer, épouse l’inclinaison du talus. 

Cette construction en ciment présente sur les 
autres projets l’avantage d'une économie d'environ 
20 pour 100, mais qui, dans d’autres cas, pourra 
même être plus considérable. 


Cette mème méthode se prête à la construction 
des mòles en ciment armé. Le premier projet d'un 
môle pareil a été réalisé lors de la surélévation 
d’un môle existant, le Ossenhoofd (Tête de bœuf), 
à la côte septentrionale de lile de Schouwen, près 
de Brouwershaven, dont une partie avait été 
endommagée lors d'une tempête; comme le bar- 
rage avait été abaissé par les travaux de réparation, 
le mòle était de plus en plus compromis. Après 
avoir voulu le surélever en basalte, on ne tarda pas 
à se convaincre que l'emploi du ciment armé per- 
meéttrait de réaliser une économie de 50 pour 100 
et donnerait une plus grande résistance. 

Dr A. GRADENWITZ, 


100 


COSMOS 


25 JUILLET 1912 


La thérapeutique chirurgicale de la phtisie. 


VII Congrès international de la tuberculose. 


La médecine et la chirurgie, jadis complètement 
séparées l’une de l'autre, tendent aujourd’hui de 
plus en plus à s'unir sur le terrain thérapeutique. 
On ne peut désormais concevoir un bon chirurgien 
qui ne soit, en même lemps qu'un habile opérateur, 
un parfait clinicien, rompu aux subtils raisonne- 
ments de la clinique des maladies internes; de 
même, il est souvent impossible au médecin de ne 
pas recourir au bistouri de son collègue, le chirur- 
gien, lorsque l'indication pour une intervention 
chirurgicale se présente au cours de nimporte quelle 
maladie interne. 

L'appendicite, par exemple, après avoir été dia- 
gnostiquée par le médecin, ne peut être guérie 
radicalement sans danger de rechute que par le 
chirurgien. Il en est de mème pour le cancer de 
l'estomac et de l'intestin, pour les tumeurs céré- 
brales, pour nombre de péritonites et de pleurésies 
purulentes, etc. | 

La tuberculose du poumon, malgré les difficultés 
qui s'opposent à une intervention sanglante sur les 
organes thoraciques, n’est plus, depuis quelques 
années, de compétence exclusivement médicale. 


Nous dirons mûme que, malgré quelques échecs: 


regrettables, la thérapeutique chirurgicale de la 
phtisie, dont il a été parlé au dernier Congrès de 
la tuberculose à Rome, est celle qui captive le plus, 
avec la sérothérapie et la tuberculinothérapie, 
l’attention du monde médical. Nous verrons dans 
cette note comment la chirurgie du poumon tuber- 
culeux a pu être simplifiée au moyen de la méthode 
du pneumothorax artificiel, largement appliquée 
par M. Forlanini. | 

On sait que les bacilles de Koch, introduits dans 
l'organisme, se localisent avec une singulière fré- 
quence au sommet du poumon. C'est là que certains 
poisons bacillaires, Îcs poisons à action locale, 
agissent sur les tissus en provoquant le développe- 
ment des tubercules, les processus de caséification, 
de ramollissement et de sclérose dans une portion 
généralement limitée du poumon, devenue le siège 
d'un « foyer tuberculeux circonserit initial ». En 
même temps, d'autres poisons tuberculaires, les 
toxines diffusibles, se répandent du foyer initial 
dans tout l'organisme, sur lequel ils exercent len- 
tement, progressivement, fatalement leur influence 
délétère. 

Infection localisée, empoisonnement général: tel 
est, synthéètiquement, l'aboutissant de toute infec- 
tion tuberculaire chronique. 

Il était donc logique de se deinander si l’on ne 
pourrait essayer d'extirper complètement le foyer 
tuberculeux initial, ce qui constituerait la cure la 


plus radicale de la tuberculose pulmonaire, de 
même que l'extirpation du rein malade représente 
l'opération de choix pour la cure chirurgicale et 
radicale de ja tuberculose rénale. Aussi, plusieurs 
spécialistes ont-ils conseillé ou pratiqué eux-mêmes 
sur des tuberculeux l'opération de la pneumectomie, 
c'est-à-dire la résection, l’extirpation du foyer 
tuberculeux, de la même façon qu'on extirpe une 
tumeur maligne. 

Les résultats cependant, hâtons-nous de le dire, 
n'ont pas été encourageants. Quoique MM. Tuffier 
et Martin se déclarent favorables à de plus fré- 
quents essais, il est indéniable que l'opération de 
la pneumectomie n’est pas chose simple et sans 
danger. On ne saurait la conseiller sans hésitation 
à des malades — les seuls vraiment bénéficiables du 
traitement, — lesquels, à cause du peu d'étendue 
de leurs lésions, sont susceptibles de guérison au 
moyen d’une simple cure hygiénique et diététique. 
En outre, malgré le secours de la radioscopie, qui 
permet de scruter l'état des parties les plus pro- 
fondes du poumon, on ne peut jamais être sûr 
d’avoirextirpé tous les tissus contenant des bacilles. 
C’est pourquoi, malgré certains courants optimistes, 
nous hésitons à croire à l'avenir d’une méthode 
curative qui, théoriquement rationnelle, offre, sur 
le terrain pratique, trop de chances d'insuccès et 
de dangers immédiats. 

Il en est de même pour les interventions chirur- 
gicales qui, sans exiger, comme la pneumectomie, 
une véritable amputation de poumon, se proposent 
la destruction in situ, soit par le fer, soit par le 
feu, soit par les moyens chimiques, des foyers 
tuberculeux. Ces opérations sont toujours dange- 
reuses, soit à cause de la nature spéciale du tissu 
pulmonaire, si riche en vaisseaux sanguins, soit 


` à cause du danger de la dissémination des bacilles 


tuberculeux dans le sang, durant les manœuvres 
sanglantes indispensables pour atteindre les foyers 
tuberculeux. On sait que les bacilles introduits en 
grande quantité dans les vaisseaux sont transportés 
par le courant sanguin, qui les dépose un peu par- 
tout dans l'organisme: la tuberculose miliaire 
aiguë, c'est-a-dire la tuberculose généralisée et 
rapidement mortelle, est la fatale conséquence de 
cette dissémination bacillaire. 

On a essayé de traiter les cavernes du poumon 
des phlisiques comme on traite n'importe quel 
abcès, par l'incision, l'évacuation, le drainage. Les 
résultats ont été tout à fait décourageants; ce qui 
ne doit élonner personne, car les malades caver- 
neux présentent loujours, en même temps que des 
cavernes, des foyers tuberculeux en pleine activité, 


N° 1435 


que l'opération de la pneumotomie, c’est-à-dire l'in- 
cision descavernes, ne peutmodifier en aucune façon. 

Aussi, il n’y a pas lieu de s'étonner que de telles 
interventions sanglantes sur le poumon tubercu- 
leux n’aient guère intéressé les médecins réunis 
à Rome pour le Congrès de la tuberculose; mais il 
y a lieu de rappeler l'attention des lecteurs du 
Cosmos sur le sympathique intérêt que ces mêmes 
médecins ont témoigné à une nouvelle méthode de 
traitement de la tuberculose qui, chirurgicale sous 
certains rapports, respecte cependant l'intégrité du 
tissu pulmonaire, pour n'agir sur lui que d’une 
façon mécanique et continue au moyen de la com- 
pression: la méthode du pneumothorax artificiel 
de M. Forlanini, ou collapsothérapie. 

Et d’abord, rappelons qu’en pathologie, onappelle 
pneumothorax la pénétration accidentelle de l'air 
atmosphérique dans l'espace virtuel existant nor- 
malement entre la paroi thoracique et le poumon 
et qui est tapissé dune membrane séreuse: la 
plèvre. C’est un accident habituellement grave, 
soit parce que le poumon, revenant à cause de son 
élasticité sur lui-même, perd brusquement sa 
capacité fonctionnelle, soit parce que la pénétra- 
tion de germes microbiens dans la plèvre avec 
l'air atmosphérique provoque facilement des com- 
plications infectieuses. 

Cependant, il y a des cas dans lesquels le pneu- 
mothorax spontané, lorsqu'il se produit, par 
exemple, à la suite d'une érosion pulmonaire met- 
tant en communication une bronche avecla plèvre, 
exerce, au contraire, une salutaire influence sur le 
processus de tuberculose pulmonaire, à condition 
que ce processus soit localisé du côté du pneumo- 
thorax. Il s’agit là d’une observation déjà bien 
ancienne. On cite, par exemple, le cas de certain 
gentilhomme qui, frappé pendant un duel d’un 
coup d'épée au côté, se trouva bientôt guéri, à la 
suite du pneumothorax consécutif à la blessure, de 
la phtisie dont il était atteint depuis longtemps. 

C’est pourquoi l’idée est venue en 1882 au pro- 
fesseur Forlanini (de Pavie) d'appliquer le pneu- 
mothorax artificiel à la cure de la tuberculose 
pulmonaire. Les travaux du savant italien n'ont 
été cependant publiés qu'en 1894, lorsque déjà le 
professeur Potain avait essayé de remplacer le 
liquide pleural des pleurétiques tuberculeux par 
de l’air stérilisé et de l'azote, pour laisser le pou- 
mon malade dans le repos et l’inertie et favoriser 
ensuite sa cicatrisation et sa guérison définitive. 

Tel est aussi le but que s’est proposé M. Forla- 
nini : obtenir le collapsus, c’est-à-dire la rétraction 
élastique du poumon sur lui-même, et par consé- 
quent faciliter la cicatrisation des cavernes pulmo- 
naires, favoriser par le repos fonctionnel de l'or- 
gane la guérison des foyers tuberculeux en acti- 
vité, empêcher l’envahissement par les bacilles des 
parties saines du poumon, prévenir les hémoptysies. 


COSMOS 


a 401 

Le meilleur gaz à injecter dans la plèvre est 
l'azote, gaz inerte, inoffensif, qui n’est résorbé que 
lentement par la plèvre. M. Forlanini se sert pour 
l'opération d’un tube en U dont les branches ver- 
ticales sont dilatées et dont la branche horizontale 
est mince et droite. Chacune des branches a une 
capacité de 500 centimètres cubes. Une des branches 
renferme de l’azote; l’autre contient de l’eau sté- 
rilisée et est munie d’un manomètre. La branche 
à azole est en communication par un tube de caout- 
chouc avec l'aiguille à injection. La branche à eau 
est reliée à une soufflerie, comme celle du thermo- 
cautère. 

Le D" Jeunet (d'Amiens) a réalisé un appareil 
très simple pour pratiquer le pneumothorax artifi- 
ciel. [] se sert de deux vieilles ampoules à sérum de 
500 grammes qu'il réunit à leur parlie inférieure 
par un tube de caoutchouc. Les extrémités supé- 
rieures des ampoules s'adaptent lune à une souf- 
flerie de thermocautère, lautre à un tube muni 
d’une aiguille à injection. 

Les détails de la technique du pneumothorax 
artificiel intéresseraient médiocrement la plupart 
des lecteurs du Cosmos. Quil nous suffise de dire 
que la principale difficulté à surmonter est celle 
de ne point blesser le poumon. C’est pourquoi 
l'aiguille à injection doit être introduite avec pré- 
caution dans un espace intercostal, pendant que le 
gaz de l'appareil est maintenu sous une pression 
faible, pour éviter qu'il ne sorte de l’aiguille, ne 
s'infiltre dans les tissus et ne cause, en pénétrant 
dans les veines, l’embolie gazeuse. Aussitôt que la 
pointe de l'aiguille pénètre dans l’espace pleural, 
où il y a, physiologiquement, une pression néga- 
tive, la chute du manomètre indique le moment 
d'augmenter la pression du gaz. Celui-ci pénètre 
alors dans la plèvre, tandis que le poumon s’'affaisse, 
se rétracte et cesse de fonctionner. On arrête 
l'opération lorsqu'on a injecté 200-400 centimètres 
cubes d'azote, sauf à la recommencer tous les deux 
ou quatre jours, jusqu'à ce que l'écran radiosco- 
pique révèle l’affaissement complet du poumon. Il 
faut ensuite surveiller de très près le malade pour 
éviter la disparition du gaz de la plèvre moyennant 
le renouvellement plus ou moins fréquent de la 
provision de gaz. La durée du traitement est tou- 
jours longue. Il faut compter, dit M. Rénon, des 
mois et même des années. Quelques-uns des opérés 
de M. Forlanini gardent leur pneumothorax pen- 
dant un temps presque indéfini. 

Si le Congrès de la tuberculose à Rome s’est 
vivement intéressé à la question de la thérapeu- 
tique antituberculaire au moyen du pneumothorax 
artificiel, c'est que la méthode de M. Forlanini 
s'adresse non pas aux cas de tuberculose bénigne, 
circonscrite, sans lésions destructives, qui gue- 
rissent souvent sans aucune intervention médicale, 
mais à des casde phtisie avancée, avec des cavernes 


102... 


pulmonaires et des foyers tuberculeux très étendus, 
dont les produits toxiques ont déjà exercé une 
action cachectisante sur l’organisme tout entier. 
C'est aux malades habituellement voués à une fin 
peu éloignée que M. Forlanini conseille particuliè- 
rement le pneumothorax artificiel. Les résultats 
sont des plus remarquables. Les signes physiques 
des cavernes disparaissent complètement. La toux 
augmente d’abord pour ne plus exister ou dimi- 
nuer. L’expectoration se tarit d'une manière con- 
sidérable. Les bacilles et les fibres élastiques ne 
se voient plus dans les crachats. Ceux-ci sont mu- 
queux et non purulents. L'hémoptysie disparait. 
L'état général s'améliore. La fièvre tombe, les 
forces reviennent, le poids augmente. Un grand 
nombre de malades peuvent reprendre leur vie 
ordinaire. 

Une condition cependant s’impose pour le succès: 
l’unilatéralité des lésions, car on conçoit facilement 
que, lorsqu'il existe des cavernes bilatérales, au 
repos fonctionnel d’un poumon correspond une 
suractivité, un surmenage dangereux de l'autre 
poumon. Cependant, en cas de lésions caverneuses 
d'un còté avec des lésions limitées, légères et inac- 
tives de l'autre, le traitement est encore possible. 

Le pneumothorax artificiel dans la phtisie est 
une des plus importantes nouveautés thérapeu- 
tiques: elle a réconcilié les médecins spécialistes 
de la tuberculose avec la cure chirurgicale de cette 
maladie. Nous savions déjà qu'on est vivement 
impressionné par la logique du traitement et par 
les résultats notés de divers côtés dans l’applica- 
tion de cette méthode, qui, selon M. Dumarest, 
fait obtenir de véritables résurrections. Le Congrès 
de la tuberculose a confirmé ces résultats surpre- 
nants. 


COSMOS 


25 JUILLET 41912 


M. Scharl a obtenu la guérison ou l'amélioration 
de certains casde tuberculose trèsavancée.M.Franch 
observe que la méthode est indiquée dans un 
nombre limité de cas, mais il est persuadé de son 
efficacité. M. Dumarest souhaite que le pneumo- 
thorax artificiel soit plus largement appliqué dans 
la thérapeutique de la tuberculose, malgré quelques 
inconvénients signalés. M. Saugmann a montré 
aux congressistes une fort intéressante collection 
de radiographies, dont plusieurs témoignent de 
l'efficacité de la cure Forlanini, même lorsqu'un 
poumon est presque entièrement infiltré par le 
processus tuberculeux. M. Oliveira de Botelho 
a introduit en Espagne la méthode Forlanini, qu’il 
définit, à la suite de ses expériences, une grande 
conquête scientifique. M. Brauns est allé plus loin 
dans son enthousiasme: il a crié bien fort en 
pleine séance du Congrès: « Viva Forlanini! » 

Nous n’avons qu’une expérience personnelle fort 
limitée, quoique assez favorable, de la coflapsothé- 
rapie de la tuberculose. Mais ce qui frappe parti- 
culièrement notre attention, cest l'assentiment 
presque unanime qu'a recueilli la méthode Forla- 
nini au Congrès de Rome : l'importance du pneu- 
mothorax artificiel avait échappé aux médecins 
italiens — nemo propheta in patria — tandis 
qu'elle a reçu un accueil chaleureux à l'étranger, 
où il ne pouvait être question d’amour-propre 
national. 

Aussine peut-on qu'approuver la délibération prise 
parle Vile Congrès international de la tuberculose, 
d’après la proposition du professeur Saugmann, 
de constituer un Comité international pour l’étude 
scientifique du pneumothorax artificiel thérapeu- 
tique. 

D' P. Gocc1a. 





NOTES PRATIQUES DE CHIMIE 
par M. JULES GARÇON 


A travers les applications de la chimie : LES FONCTIONS AZOTÉES; 4" LA FONCTION AZO. — LA CONDUITE 
DE L'ÉCLAIRAGE AU GAZ. — SUR LES DENTIFRICES À L'EAU OXYGÉNÉE. — LA FABRICATION RATIONNELLE DES 
CONFITURES ENVISAGÉE AU POINT DE VUE DU CHIMISTE. — LA LUTTE CONTRE LES MOUSTIQUES AU POINT DR VUE 


DU CHIMISTE, 


Les fonctions asotées: 41 fonction azo. — je 
me bornerai à dire que la fonction azoïque, ou 
abréviativement azo, est caractérisée par le grou- 
pement fonctionnel — N — ou — N = N —. Les 
composés azoiques ont pris une importance hors 
ligne dans les industries tinctoriales. Un grand 
nombre jouissent de la propriéié de teindre direc- 
tement, en bain de sel, les fibres végétales. Un 
grand nombre également peuvent être produits 
directement sur la fibre, au grand avantage de 
leur solidité. Un grand nombre, enfin, possèdent 


la propriété de pouvoir être diazotés à nouveau et 
de pouvoir s unir aux divers phénols, amines, etc., 
et à la variété innombrable de leurs dérivés, pour 
donner à leur tour de nouveaux produits colorants, 
dont plusieurs sont très précieux. 

Quelques composes azoiques reçoivent une appli- 
cation dans la fabrication des explosifs ou comme 
agents thérapeutiques. 


La conduite de l'éclairage au gaz. — On ne 
peut trop insister sur les précautions à prendre, 


N° 1535 


dans l'éclairage au gaz, tant pour assurer l'hygiène 
que pour maintenir l'économie. Voici les recom- 
mandations que notre confrère, la Revue des Éclai- 
rages, donne dans son numéro d’avril, pour le 
réglage des becs à incandescence. 

Un bec de gaz à incandescence ne fonctionne 
bien et ne donne le maximum de lumière que 
lorsque le manchon est bon comme forme et 
comme qualité, et lorsque les verres sont clairs. 
Il faut, d'autre part, que l’ajutage débite la quan- 
tité de gaz juste — ni trop grande ni trop petite 
— correspondant au manchon employé, que la 
quantité d'air soit bien réglée, et que le bec soit 
propre et en bon état. 

Pour permettre de régler le débit du gaz, il est 
bon de faire usage d’ajutages réglables, qui peuvent 
toujours déterminer le débit du gaz, de telle sorte 
que toute la masse du manchon soit incandes- 
cente, sans que son sommet noircisse. Si ce der- 
nier phénomène se produisait, ou si l’on consta- 
tait une augmentation de la quantité de lumière 
émise, lorsqu'on ferme le robinet en partie, cela 
indiquerait que l'ajutage débite trop de gaz. 
Lorsque le bec fait du bruit en brülant, lorsqu'il 
a une tendance prononcée à refouler, ou lorsque 
le manchon n'éclaire que par le bas, l'ajutage a, 
au contraire, un débit trop faible. 

L'ajutage et la toile métallique du bec doivent 
être netltoyés par soufflage et par brossage, de 
façon à les débarrasser de la poussière, des oxydes 
et des insectes qui auraient pu y tomber. 


Sur les dentifrices å l'eau oxygénée. — L'eau 
oxygénée entre dans la composition de plusieurs 
eaux dentifrices, par suite de son action blanchis- 
sante sur les dents. Mais les dentifrices renferment 
toujours une huile essentielle, et il y a lieu de se 
demander quelles sont celles de ces essences qui 
restent à l’abri de l’action oxydante de l'eau oxy- 
génée. La maison Sachsse, de Leipzig, qui, avec la 
maison Schimmel ou Fritzsche, tient pour l’Alle- 
magne le premier rang dans la fabrication des par- 
fums synthétiques, a fait cette étude, dont lApo- 
theker Zeitung (p. 49 de 1912) nous offre l'exposé. 
Les expériences ont été menées en opérant sur des 
mélanges renfermant 40 grammes d’alcool à 900, 
30 grammes d'eau, 25 grammes de peroxyde 
d'hydrogène à 12 pour 100 et 5 centigrammes de 
l'essence examinée, et d'autres mélanges iden- 
tiques, sauf l’absence de peroxyde d'hydrogène. Ces 
mélanges sont comparés au bout de deux mois. 
Les expériences ont montré que l'eau oxygénée 
altère, dans une mesure prononcée, le menthol, 
le géraniol, l'essence de menthe poivrée, l’acétate 
de menthyle et l’aldéhyde cinnamique, qu’elle 
altèére dans une mesure restreinte l’eugénol, le 
terpinéol, le carvacrol, les essences de géranium 
et de girofle, enfin qu'elle est sans action sur l'eu- 


COSMOS 103 


calyptol, l'anéthol, le thymol, les essences d'euca- 
lyptus, d'anis, de badiane, d'aiguilles de pin, 
Pacétate de bornyle. 


La fabrication rationnelle des confitures envi- 
sagée au point de vue du chimiste. — Les con- 
fitures se conserveront si l’on détruit tout germe 
susceptible de causer quelque altération et si 
l'on évite, au cours de leur fabrication et surtout 
de leur mise en bocaux, d'introduire quelque 
germe néfaste. Les personnes qui ne prennent 
pas les précautions voulues arrivent à des résul- 
tats plus ou moins satisfaisants en prolongeant la 
cuisson et en forçant la dose de sucre. Mais si l’on 
mène la préparation des confitures comme on pré- 
pare des solutions aseptiques, par exemple celles 
destinées aux injections hypodermiques, on obtient 
des confitures qui se conservent indéfiniment, 
même avec une dose limitée de sucre, même après 
une cuisson relativement courte. 

En prenant les précautions que je vais indiquer, 
il suffit d'employer en sucre le quart du poids du 
jus de fruits, et de donner un bouillon d'une 
vingtaine de minutes. 

La préparation des confitures aseptiques à con- 
servation indéfinie nécessite la propreté la plus 
minutieuse de la personne qui les prépare et des 
vases qui les renferment. Tout objet mis en contact 
avec le jus stérilisé par la cuisson doit étre éga- 
lement stérilisé. En suivant ce principe, on est 
assuré d’avoir des confitures à conservation indé- 
finie; mais il faut pour cela que le principe soit 
observé de la facon la plus absolue. 

Voici les précautions à prendre dans la pratique 
pour y arriver. 

La personne qui prépare les confitures doit être 
d'une propreté méticuleuse. Elle doit avoir les 
mains nettes, savonnées et brossées sous les ongles 
au moment mème; elle doit porter un long tablier 
blanchi à neuf; e/le ne touchera ni aux pots ni au 
papier; elle les maniera å laide d'une pince sté- 
rilisée. Klle ne sera pas malade. 

On disposera d'une bassine remplie d'eau tiède 
et d'une bassine d’eau toujours bouillante. Les 
vases, neltoyés de la façon la plus parfaite à l’eau 
de cristaux, puis rincés à grande eau, sont mis 
dans leau tiède, puis de là plongés dans l'eau 
bouillante qui les stérilise. L'opérateur ne les reti- 
rera pas directement, mais il se servira d'une 
pince qui, entre chaque reprise de vase, sera de 
son côté stérilisée dans l'eau bouillante. 

Le vase stérilisé une fois retiré, on le remplit 
aussitôt de la confiture. On prend celle-ci à l'aide 
d’une louche stérilisée, elle aussi, à l'eau bouil- 
lante. Le vase une fois rempli, on le recouvre 
aussitôt d’une première feuille de papier, lui aussi 
stérilisé. Pour cela, des feuilles de papier parche- 
min, découpées à l'avance à la grandeur voulue, 


10% 


de façon à bien couvrir toute la confiture, sont 
stérilisées dans une bassine d’eau toujours bouil- 
lante, et. on les en retire au moyen de la pince sté- 
rilisée, et on les dispose sur la confiture au moyen 
de la même pince. 

Ces précaulions prises pour mettre la confiture 
à l’abri de toute contamination possible, on peut 
recouvrir le vase d’une feuille de papier ordinaire 
qu’il reste à ficeler. 


La lutte contre les moustiques au point de vue 
du chimiste. — L'an dernier, vers la mème époque, 
ces notes de chimie ont préconisé contre les piqûres 
de moustiques, pour calmer l'irritation causée par 
la piqüre de ces mauvaises bestioles, l'emploi de la 
teinture d'iode. Une étude développée des divers 
moyens employés pour calmer cette irritation, 
pour prévenir Ja piquüre, pour chasser les mous- 
tiques, pour prévenir leur éclosion, a été publiée 
par M. L.-0. Howard, chef du bureau d’entomo- 
logie, à Washington; on en trouvera une traduc- 
tion dans le Bulletin de l’Oflice de renseignements 
agricoles de Paris. 

Lun des moyens à employer pour calmer 
les piqüres consisterait simplement à mouiller 
l’extrémité d’un morceau de savon de toilette et 
à frotter le siège de la piqüre avec ce morceau. On 
sait qu'on a recommandé aussi, pour faire dispa- 
raitre l’irritation, l’'ammoniaque, l'alcool, la tein- 
ture d’iode ou l’application d'une surface chaude, 
comme le verre d'une lampe. 


COSMOS 


95 JUILLET 1912 


Pour éloignerles moustiques, l'odeur du camphre, 
de l’essence de menthe, de l'essence de citronnelle, 
les fumées de poudre de pyrèthre pure et fraiche 
sont très efficaces. 

Par exemple, on emploiera un mélange formé 
de : essence de citronnelle 2, camphre 2, huile de 
cèdre 4; avec un peu de vaseline ou de lanoline 
qui retarde l’évaporation. On peut asperger les 
moustiquaires de ce mélange. 

Pour empêcher l’éclosion des moustiques, on ne 
peut trop faire la guerre à tous les creux suscep- 
tibles de conserver de l'eau. Une demi-bouteille 
d'eau peut être le berceau de milliers de mous- 
tiques. 

Aussi surveillera-t-on avec grand soin, autour 
des maisons, les pots, bouteilles, boites de 
bois ou d’étain, les auges des basses-cours, l’auget 
des meules à repasser; de mème, les urnes des 
cimetières, les empreintes des pieds des animaux 
sur la terre humide, les tessons de bouteilles pla- 
cés sur les murailles, les pots à fleurs, les pots à 
eau des chambres non occupées, les vieux puits, 
les fosses d'aisances, les fontaines et bassins, etc., 
ainsi que les décharges publiques. Tous ces centres 
possibles d'éclosion seront observés et recouverts 
d'une couche légère de pétrole ordinaire. C'est 
grâce à ce moyen facile et économique que les 
Américains sont parvenus à restreindre et presque 
à annihiler, à Cuba et à Panama, les ravages de la 
fièvre jaune, qui, comme on le sait, est transmise 
par la piqure d'un moustique. 





Le relevage des épaves et des sous-marins. 


Des catastrophes récentes ont montré quels sont 
les dangers courus par les équipages des sous- 
marins. La question du sauvetage est assurément 
des plus difficiles à résoudre. Est-elle insoluble? 
Récemment, le ministre de la Marine, par un 
arrèté du 7 décembre 4910, ouvrait un concours 
d’ « appareils de sauvetage d'équipages de sous- 
marins ». Un prix de 100 000 francs, offert par un 
généreux donateur, devait stimuler l'ingéniosité 
des inventeurs. Plusieurs centaines de projets 
répondirent à cel alléchant appel et furent soumis 
à l'examen d'une Commission technique. Le prix, 
cependant, n’a pas encore été décerné, N'y avait-il 
donc point un seul projet intéressant dans la foule 
des appareils imaginés? Il y en avait un au moins 
qui méritait mieux que le simple rejet. et on verra 
comment l'expérience l'a démontré de façon indis- 
culable. 

Posonsd'abordle problémet héorique aussisimple- 
ment que possible, en le limitant au relevage d'une 
épave. Pour arracher l'épave du fond, il faut 
exercer sur elle une traction égale à son poids : 


4° Cette traction peut être produite par des 
chaines ou câbles, attachés à l'épave par des sca- 
phandriers. Les chaines sont halées de l’extérieur 
au moyen de treuils nécessairement établis sur 
un navire, placé au-dessus de l’épave. Ce procédé, 
simple en apparence, se heurte à des difficultés 
pratiques insurmontables, quand on songe qu'il 
s'agit, en relevant un sous-marin, de vaincre une 
résistance supérieure à 300 tonnes. Il faut prévoir 
des chaines extrèmement puissantes et par suite 
extrèmement lourdes qui majorent de façon 
fâcheuse les poids à soulever. Et comment égaliser 
les tensions qu'il faut répartir entre plusieurs 
points de l'épave? On doit remarquer, en outre, 
que le navire chargé du relevage est soumis à des 
oscillations brusques plus ou moins étendues pro- 
venant des vagues de la mer, et qui déterminent 
sur les chaines de relevage des efforts d'une telle 
brutalité que souvent leur rupture s'ensuit. 

2° En Allemagne et en France, on a construit 
récemment des pontons ou docks flottants spéciale- 
ment aménagés pour le relevage des épaves et 


Ne 1435 


des sous-marins. Ces appareils ont un très grand 
volume et sont difficiles à déplacer et à remorquer, 
avec une mer houleuse. Le dock peut être en partie 
immergé en remplissant ses caisses à eau; on raidit 
les amarres fixées sur l’épave, puis on vide les 
caisses. On augmente les effets de soulèvement en 
accomplissant l'opération à basse mer. Le ponton 
fait fonction de flotteur et enlève avec lui l'épave. 
Il est bon d'ajouter que le dock flottant, en raison 
de son instabilité, sauf quand la mer est parfaite- 
ment calme, n'est à l'abri d'aucune des critiques 
que nous venons de formuler. Il laisse donc fort à 
désirer, et on constate que, dans la pratique, il 
donne lieu à bien des déboires. 

3° On conçoit enfin la possibilité d'immerger un 
flotteur ou des flotteurs multipliés autant que cela 
estnécessaire, et de les attacher directement à l'épave 
à soulever. Leur pouvoir ascensionnel total produit 
le résultat attendu. On a proposé jadis dans cet 
ordre d'idées d’immerger des cylindres creux 
accompagnés chacun d’une masse pesante suffisante 
pour produire l’enfoncement. Dès que le cylindre 
est fixé à l'épave, on en détache ła masse pesante, 
que l’on remonte pour s’en servir à nouveau. La 


E 
RARES 
XP 
og ) i G: i 4 


e 
Q 





FIG. 1. 


pression exercée par leau sur la surface du réci- 
pient est ici un sérieux inconvénient, car elle oblige 
à donner aux parois métalliques de l'appareil une 
épaisseur qui l'alourdit inutilement. 

Un système qui a le mérite d’une très grande 
simplicité consiste à descendre au fond de la mer 
un ballon formé d’une étoffe ou toile souple et 
imperméable, très maniable, facile à attacher à 
l'épave tandis qu’il est vide et que l'on gonfle alors 
d’air ou de gaz. Ce système consiste donc à consti- 
tuer le flotteur après sa mise en place. 

Personne n'ignore l'expérience classique du 
ludion, qui a une force ascensionnelle égale à la 
différence entre son propre poids et le poids du 
volume d’eau correspondant au volume de Pair 
plus ou moins comprimé dans l’ampoule de verre. 
C’est l'application directe du principe d’Archimède, 
en vertu duquel tout corps plongé dans un liquide 
est soumis à une poussée verticale de bas en haut 
équivalente au poids du liquide déplacé. On voit 
comment par cee moyen on peut aisément déve- 
lopper des forces ascensionnelles considérables, 
puisqu'un ballon rempli d'air est capable de sou- 
lever dans l’eau environ 4000 kilogrammes par 
mètre eube d’air contenu dans son enveloppe. 


COSMOS 


105 


On trouve l'application de ces principes dans les 
ingénieux dispositifs imaginés par MM. Amand 
Viau et Louis Pouty de Nantes et qui ont fait 
Pobjet de leur projet soumis (le 28 février 49414) au 
concours ouvert par le ministère de la Marine (4). 
Ces dispositifs représentés dans les figures ci-jointes 
sont faciles à comprendre. 

L'appareil fondamental (fig. 1) est constitué par 





une enveloppe d’un tissu souple et imperméable, 
qui, gonflée, prend la forme d’un sac allongé ou 
ballon cylindrique. On conçoit immédiatement 
l’avantage de la forme cylindrique sur la forme 
sphérique, car elle permet de donner au ballon un 
grand volume avec un faible diamètre vertical, 
évidemment préférable pour le relèvement de 
l'épave aussi près que possible de la surface de 
l’eau. 

L'enveloppe du ballon est maintenue par des 
sangles ou des colliers sur une poutre longitudi- 
nale, métallique ou non, qui assure la rigidité. Un 
filet sert à conserver la forme et à consolider l’en- 
veloppe. Cette enveloppe est, en effet, soumise à 
des efforts qu'il est intéressant d'analyser. L'air 
envoyé de l’extérieur pénètre dans le ballon par le 





F16. 3. 


tuyau T dès que sa pression égale celle de l'eau 
ambiante. Il n’en faudrait cependant pas conclure 
que toutes les parties de l'enveloppe sont en équi- 


(1) Les dessins ou modèles des appareils avaient été 
à une date antérieure régulièrement déposés au Con- 
seil des prud'hommes par MM. Viau et Pouty, confor- 
mément à la loi du 14 juillet 1909. 


106 


libre entre les poussées intérieure de l'air et exté- 
rieure de l’eau. 

Le ballon a une certaine hauteur verticale; il 
s'ensuit que la pression exercée par l’eau est plus 
forte sur la partie inférieure du ballon. L'accrois- 
sement de pression est précisément égal au poids 
d’une colonne d’eau qui a pour hauteur la hauteur 
de ce ballon. Il est évident que le régime de pres- 
sion est uniforme dans toute la masse d'air con- 
tenue dans l'enveloppe. Il en résulte que la partie 
supérieure de l'enveloppe du ballon subit une 
poussée égale à celle du ballon supposé plein d’eau, 
résultat que l’on peut d’ailleurs prévoir en obser- 
vant tout simplement que le ballon, quelle que 
soit la profondeur de l'immersion, a une force 
ascensionnelle, en vertu du principe d’Archimède, 
égale au poids de l’eau déplacée. 

Une manche M assure la sortie du trop-plein 
d'air. Elle empèche la compression de l'air dans le 
ballon de s'élever au-dessus de la pression néces- 
saire pour équilibrer la pression extérieure de l’eau, 


B b 


Pie | | y 


F1G. 4. 


compression qui pourrait déterminer l’éclatement. 
Cet échappement d'air doit, d’ailleurs, être libre et 
automatique, puisqu'à mesure que le relevage 
s'opère, la pression de lair diminue dans le ballon 
et par suite son volume augmente. 

Pour l'application, on immerge le nombre néces- 
saire d'appareils dégonflés, que des scaphandriers 
atlachent à l'épave ou au sous-marin à retirer au 
moyen de crochets et des anneaux A, C, etc. Des 
pompes foulantes à air raccordées au tuyau T 
remplissent de l'extérieur les ballons, qui soulèvent 
l'épave. Ce soulèvement est immédiatement indiqué 
au manomètre, qui marque un affaiblissement de 
la pression de l’air refoulé. L’épave, soutenue entre 
deux eaux, est remorquée jusqu’au port, sans que 
l'on ait à craindre comme avec le dock flottant des 
ruptures d'amarre, chaque ballon faisant fonction 
d'une attache mobile. 

Si l’on craint une déchirure de ballon, il est 
facile de parer à ce danger en sectionnant le ballon 
cylindrique par plusieurs cloisons verticales, cha- 


COSMOS 


25 JUILLET 1912 


cune des sections étant remplie d'air par une déri 
vation du tube T. 

La figure 2 montre le mode d'emploi des ballons 
gonflés d’air pour le soulèvement d’un navire échoué 
sur une roche. 

MM. Viau et Pouty ont adapté leur système au 
sauvetage des sous-marins, qu’ils avaient particu- 
lièrement en vue, en permettant au sous-marin de 





FıG. 5. 


remonter de lui-mème à la surface et de surnager 
sans aucune aide extérieure. 

Dans ce cas, des ballonnets sont fixés à demeure 
dans toute leur longueur à des parties solides du 
navire qui remplacent la quille rigide. Les ballon- 
nets sont disposés symétriquement, plusieurs sur 
chaque flanc, de façon à pouvoir en toutes circon- 


. stances conserver ou rétablir l'équilibre. L’enve- 


loppe de chaque ballonnet est pliée dans un 
compartiment B (fig. 3) ménagé à l'intérieur de 
chacun des bords du navire. Ce compartiment 
fermé par un panneau se confond avec le pont ou 
les plats-bords de façon à n'offrir aucune résistance 
à la marche. Un levier L permet avec une seule 
manœuvre de produire le dégagement du panneau 
mobile et du ballonnet et en même temps l’admis- 
sion d'air comprimé venant des réservoirs d'air 


E 


s i 


—} 
R 


E 






FIG. 6. 


comprimé du sous-marin. Les ballonnets sont ainsi 
très rapidement gonflés pour le renflouage. Une 
fois gonflés, ils prennent les positions indiquées 
fig. 4 et 5. Comme la remontée peut ne pas s’opérer 
jusqu'à la surface, le sous-marin y aspire l'air 
d'alimentation au moyen d’une bouée porte-tuyau 
d'une construction spéciale (fig. 6). Le flotteur S 
soulève le tuyau au-dessus de la surface tandis que 


N° 1435 


le contrepoids maintient la position verticale. Un 
second flotteur D assure la fermeture de l’extré- 
mité du tuyau en O tant que la bouée est immergée 
et par contre l'ouverture de ce tuyau dès qu’elle 
émerge. 

Pour un sous-marin de 400 tonnes, l’effort de 
relevage est d'environ 300 tonnes. Six ballonnets 
sont suffisants; leur multiplicité a pour avantage 
de diviser l’effort, de maintenir l'équilibre et la 
stabilité, de donner une plus grande sécurité, tous 
les appareils ne pouvant être mis en même temps 
hors de service. Les six compartiments ont chacun 
une longueur de 10 mètres sur 60 centimètres de 
largeur et 15 centimètres de profondeur. Le volume 
des appareils pliés serait de 5 mètres cubes environ, 
du poids total de 3 tonnes, soit une surcharge de 
moins d’un centième pour le navire. 

On peut même se dispenser de l'emploi d’une 
pompe de compression d'air. Au lieu de remplir 
les ballons d’air comprimé, on peut les remplir 
d’un gaz produit par une combinaison chimique de 
matières appropriées mises en contact avec l’eau : 
carbure de calcium, bicarbonate de soude et acide 
tartrique. Les agents chimiques devant engendrer 
le gaz sont contenus dans un récipient fermé, par 
exemple, dans une boîte, munie intérieurement d'un 
ressort tendu dont l'ouverture est déterminée 
à volonté du dehors au moyen d'un électro-aimant 
actionné par un courant électrique amené par un 
câble à double fil. La pression du gaz par ce pro- 
cédé s’élève automatiquement, ce qui rend possible 
le relevage d’épaves accrochées avec des ancres 
à des profondeurs très supérieures aux trente et 


COSMOS 


107 


quelques mètres que les scaphandriers peuvent 
atteindre. L’effort vertical exercé sur l’enveloppe 
du ballonnet ne change pas avec l'augmentation 
des pressions opposées de l’eau et du gaz. 

Un nouvel appareil de M. Piatti dal Pozzo, récem- 
ment expérimenté aux bassins de La Pallice, à La 
Rochelle, et qui permet, avec l’aide de bras méca- 
niques, de faire des accrochages à de grandes pro- 
fondeurs, faciliterait l'emploi des appareils de 
MM. Viau et Pouty. 

Tout récemment, dans les premiers jours d’avril 
de la présente année, une série d'essais officiels 
(les derniers sous la direction de M. Simonot, 
ingénieur en chef) pour le relevage des épaves ont 
été effectués à Cherbourg, à la demande de M. Sur- 
couf, directeur d'une Société de construction d'aé- 
rostats. Grâce à l’emploi de ballons immergés et 
ensuite gonflés d'air comprimé, des épaves figurées 
par une vieille chaudière chargée de 25 tonnes de 
gueuses ont été relevées sans peine à des profon- 
deurs de 10 et 30 mètres et remorquées. Le ministre 
de la Marine a été si favorablement impres- 
sionné par les résultats obtenus, qu’il aurait décidé 
d'acquérir au nom de l'Etat les droits au brevet 
de M. Surcouf. 

jusqu’à preuve du contraire, MM. Viau et Pouty 
semblent avoir des droits incontestables à faire 
valoir pour l'antériorité de leur invention par le 
seul fait du dépòt de leur dossier au concours du 
ministère de la Marine. Il est facile d'éclaircir 
cette question avec des documents et des dates. 


NORBERT LALLIÉ. 





Locéapośraphie pendaņt ľantiquité 


Vous savez que nous sommes censés parler océano- 
graphie. Il y en a pourtant un peu dans Homère. 
La terre est un large disque aux bords relevés 
soulenant la voûte du xořoçs (creux), c'est-à-dire 
du ciel; l’océan est un fleuve à courants rapides et 
à limites inconnues, son nom vient de l’hébreu 0g, 
qui exprime un cercle, une circonférence, d’où 
wxsavés que, parait-il, les Grecs prononçaient 
oghen: la mer Égée et ses îles sont au centre du 
disque. On dirige alors les vaisseaux par les con- 
stellations; on oriente la voilure pour profiter des 
vents demi-favorables; Ménélas met cinq jours 
pour se rendre de Crète en Égypte, ce qui prouve 
qu’on n'était effrayé ni des longues traversées ni 
de la haute mer. 

Que n'ai-je plus de temps pour suivre avec vous 
pas à pas le développement très lent, quoique très 
réel, de la science des phénomènes de la mer. Petit 


(1) Suite, voir p. 77. 


à petit on les remarque, et, ce qui est spécial au 
génie grec, on les explique par l’anthropomor- 
phisme. Elle ouvre ses grandes outres et les vents 
soufllent, Neptune en courroux frappe les vagues 
de son trident et soulève ainsi les tempêtes, Vénus 
nait de l'écume des flots, les troupeaux du vieux 
Nérée paissent les prairies sous-marines, et, sur la 
mer paisible, trainé par des dauphins, glisse le 
char d’'Amphitrite escorté de tritons et de nymphes. 
On devient ensuite plus difficile et l’on a besoin de 
raisons plus sérieuses. Hérodote parle de profon- 
deurs marines: il indique la facon de s'approcher de 
la cote basse et peu visible de l'Égypte en s'aidant 
de sondages combinés à un examen des échantil- 
lons de sol ramenés par le plomb de sonde. Comnie 
les voyages par mer se multiplient, que la piraterie 
cesse forcément d'exister pour faire place an com- 
merce, qu’on découvre de nouvelles contrées, on a 
besoin de classer les connaissances géographiques 
acquises et devenues plus nombreuses, et l'on s'ef- 


108 


force d'en figurer l’image. Le Grec Anaximandre 
(entre 610 et 547 av. J.-C.) trace les premières 
cartes qui devaient ressembler aux dessins qu'un 
navigateur polaire anglais du siècle dernier fai- 
sait exécuter par des Esquimaux, documents ap- 
portant une idée beaucoup moins grossière qu'on 
ne le croirait du contour de régions bien connues 
de ceux qui les tracent, mais informes pour des 
pays mal connus. Les perfectionnements de l’as- 
tronomie viennent préciser ces premiers essais. 
Hécatée de Milet, qui a beaucoup voyagé et beau- 
coup vu, dresse une nouvelle carte de la terre. 
Pythagore, l'inventeur de l'harmonie des nombres, 
l'un des premiers philosophes-poètes, l'un des 
Michelet de l'antiquité, aflirme que la terre, qu'on 
supposait ronde depuis longtemps, l'est certaine- 
ment, parce que la sphère est la forme la plus 
parfaite des corps. Socrate et Platon, en 469, ne 
doutent pas de cette rotondité. et le second imagine 
l'histoire de l’Atlantide, dont certains géologues 
admeltent encore l'antique existence à laquelle, 
pour ma part, je ne crois pas, parce que rien 
ne l'indique, pas plus le modelé du bassin de 
l'Atlantique tel qu'il apparait sur les cartes bathy- 
métriques qu'un examen auquel je me suis livré 
moi-même aux iles du Cap-Vert, c’est-à-dire presque 
sur place. Hérodote mesure les distances à la mer 
par orgyes on brasses, cherche par une compa- 
raison et une discussion critique des récits des 
navigateurs ainsi que par ses propres observa- 
tions à se rendre compte de la dimension relative 
des diverses mers, parle du fleuve Océan, qualifi- 
cation beaucoup plus exacte qu'on ne le croit, 
rapporte le périple des Phéniciens autour de 
l'Afrique qui doit, par conséquent, ètre considérée 
comme une presqu ile et n'ignore pas l'existence de 
marées dans le golfe Persique. 

Entre 326 et 296, Dicéarque applique aux cartes 
la géométrie et, par l'introduction dans leur con- 


COSMOS 


25 JUILLET 4912 


struction de la mathématique, rend désormais 
précise la représentation de la terre. Il a l’idée de 
couper le monde habité par deux lignes droites, 
l’une horizontale, le diaphragme, passant par l'ile 
de Rhodes et les colonnes d'Hercule, l'autre per- 
pendiculaire à la première et par conséquent ver- 
ticale à l'ile de Rhodes, et il rapporte la position 
des divers lieux à ces deux droites prises comme 
axes de coordonnées. La précision augmente avec 
Eratosthėne (276-496), qui évalue la dimension du 
globe en mesurant directement l'arc de méridien 
compris entre Alexandrie et Méroé et divise les 
carles par des parallèles et des méridiens recti- 
lignes qu'Hipparque (162-125) remplace par des 
distances angulaires mesurées astronomiquement 
dans les diverses localités terrestres. Viendront 
ensuite Cratès de Malle (450 av. J.-C.), qui construit 
le premier globe, les géographes Strabon et Pom- 
ponius Mela (18 et 43 ap. J.-C.), et enfin (150 ap. 
J.-C.) l'astronome Ptolémée, qui rédige un cata- 
logue de 8000 localités dont la position est fixée 
par une latitude et une longitude. 

A l’époque d'Alexandre (300 av. J.-C.) environ 
s'accomplit un grand événement intellectuel pro- 
voqué par trois faits capitaux : en premier lieu, une 
série de reconnaissances pratiques des côtes de 
l'Inde et du golfe Persique, des bouches de l’Indus 
et de la Méditerranée provoquées par les cam- 
pagnes mèmes d'Alexandre et exécutées par Scylax 
de Caryande, Néarque, amiral de la flotte macédo- 
nienne, et Onésicrite, chef des pilotes d Alexandrie. 
En second lieu, l'application par Aristote des 
méthodes de la philosophie pure à l'étude des 
sciences en général, et en particulier de l’océano- 
graphie. En troisième lieu, les deux magnifiques 
expéditions maritimes du Marseillais, c’est-à-dire 
du Français Pythéas. 


(4 suivre.) J. THOULET. 





SOCIETES SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 


Séance du mardi 16 juillet 1912. 
PRÉSIDENCE DE M. ARMAND GAUTIER. 


Sur quelques mélanges gazeux naturels 
particulierement riches en hélium. Gise- 
meuts d'hélium.— Lescinq gaz rares : hélium, néon. 
argon, krypton, xénon, sont constamment presents 
dans les mélanges gazeux qui se dégagent aur grif- 
fons des sources thermales (gaz spontanés). Ce fait est 
établi, dans toute sa généralité, par de nombreuses 
expériences. 

Examinant Îles quantités considérables de gaz et 


notamment d'hélium données par certaines sources, 
MM. Mouneu et Lerpape en concluent qu'il existe de 
véritables gisements d'hélium. L’hélium étant l’un des 
produits de la désintégration des substances radio- 
actives uriversellement diffusées au sein de la terre, 
il se produit de l’hélium d'une façon continue, et ve 
gaz s accumule dans les roches ou s’en dégage depuis 
l'époque de leur formation. 

L'hélium des sources peut être de l’hélium jeune, 
qui se dégage au fur et à mesure qu'il se produit, ou 
de l'hélium fossile, qui n'est libéré qu'après une accu- 
mulation très longue dans les minéraux. 

Dans l'hypothèse de l’hélium jeune, il ne faudrait 
pas moins de 91 tonnes de radiumet de 500 millions de 
tonnes de pechblende ou de thorianite pour produire 


N° 1435 


chaque année la quantité d'hélium fournie par la 
source Carnot, de Santenay, par exemple. 

L'énormité du nombre suffit à exclure la première 
hypothèse, l’hélium jeune. Quant à celle de l’hélium 
fossile, si elle n'est pas entièrement vraie, on peut 
affirmer qu’elle l’est au moins partiellement. 


Sur la culture nouvelle, à partir de la 
spore, de la léploteélevée («Leplota procera » 
Scop.). — On sait combien jusqu’à ce jour est restée 
courte la liste des espèces de basidiomycètes charnus 
dont on ait pu obtenir le complet développement, 
c'est-à-dire qu’on ait réussi à cultiver à partir de la 
spore jusqu’à la production de nouveaux chapeaux 
sporifères. 

Il y a donc tout d'abord un réel intérêt théorique 
à signaler les résultats positifs auxquels M. Lovis 
MatrtcuoT est arrivé dans la culture de la grande 
lépiote ou coulemelle. 

Ces résultats acquiėrent un grand intérèt pratique 
du fait qu'ils’agit d’une espèce comestible très recher- 


chée, susceptible de pouvoir fructifier toute l'année. 


M. Matruchot expose les procédés de culture qu'il 
a employés, soit sur de la tannée, soit sur du fumier ; 
ces essais ont surtout réussi dans la culture en cave. 


De la valeur de l’immunité vaccinale pas- 
sive. — M. L. Cauus a montré que l'injection de sérum 
virulicide à la dose de 10 centimètres cubes par kilo- 
gramme d'animal (lapin) produit du premier coup une 
immunisation partielle, mais n'arrête point l'infection 
déjà déclarée. Pour obtenir l’immunisation absolue, il 
faudrait injecter des doses très fortes d’un coup, 
37 centimètres cubes par kilogramme, c'est-à-dire qu'à 
un homme adulte il faudrait injecter 2,5 litres de 
sérum. Le sang total avec ses globules n’est pas plus 
aclif que le sérum seul. 

De toutes ses recherches, l’auteur estime qu’un fait 
important ressort: à savoir qu’il ne faut compter que 
sur la vaccination préventive pour combattre sûre- 
ment la variole. 


COSMOS 


109 


Sur l'indétermination des fonctions analytiques au 
voisinage d’un point singulier essentiel. Note de 
M. Énice Bone. — Sur la mesure des frottements. 
Note de M. Juces ANDRADE. — Éclateur électrométrique. 
Note de MM. À. Guizeer et M. Auserr. — Densités de 
quelques gaz et vapeurs. Note de M. A. Leouc. — Sur 
les radiations efficaces dans la synthèse photochimique 
des composés quaternaires, dans la polymérisation de 
divers gaz et dans la photolyse de l’acétone. Note de 
MM. DaxıeL BenrueLor et HENRY GauoEecHoON. — Sur les 
nitrates anhydres d’uranyle et de zinc. Note de 
M. Marxkétos, — Sur le rendement de la réaction de 
Grignard. Note de M. Pierne Jouisois. — Oxydation du 
parathymol. Sur le déhydrodiparathymol. Note de 
MM. H. Cousin et H. Hérissey. — Leucobases et colo- 
rants du diphényléthylène; préparation de deux bases 
cyclohexylidéniques. Note de P. Lewourr. — Sur les 
taches de sel des peaux et des cuirs. Note de M. GEORGES 
ABT; l'auteur a constaté que ces taches d'aspect divers 
proviennent bien du sel employé quand celui-ci con - 
tient du sulfate ou du phosphate de calcium, mais 
l'action de ces sels reste inexpliquée. — Isomorphisme 
des chlorosels alcalins de l'iridium et du rhodium. 
Note de A. Durrour. — Une expérience sur la nature 
du chromotropisme chez les Némertes. Note de 
M. Ro{uarb Mixkiecwicz. — Excitation prolongée du 
nerf sensitif et son influence sur le fonclionnement du 
système nerveux central. Note de M. Wevexsk«y. — 
Sur le mécanisme de l’hémolyse par l’arachnolysine. 
Note de M. RoserT Lévy. — Sur le mécanisme de l'in- 
version de la loi polaire de Pflüger. Note de MM. Hexny 
Canvor et Henri Lauren. — Le magot animal réactif 
du trachôme. Filtrabilité du virus. Pouvoir infectant 
des larmes. Note de MM. Chances Nicocze, L. BLarsor 
et A. Cuénor. — Pathogénie des hémarthroses du 
genou. Note de MM. Pierre DELBET et PIERRE CARTIER. — 
Influence des sels d’urane sur les ferments alcooliques. 
Note de M. E. Kayser. — Sur la présence normale du 
bore chez les animaux. Note de MM. Gasri&L BERTRAND 
et H. AGULHON. 





BIBLIOGRAPHIE 


Forme, puissance et stabilité des poissons, 
par Frépéric HoussAy, professeur à la Faculté des 
sciences de l'Université de Paris. Un vol. gr. in-8° 
de 372 pages avec 117 figures, de la Collection 
de morphologie dynamique (12,50 fr). Paris. 
A. Hermann, 6, rue de la Sorbonne. Janvier 1942. 


Le corps et les organes des poissons sont admi- 
rablement adaptés à la vie aquatique. Personne 
n’en doute. Mais encore, combien d’esprits seraient 
capables de raisonner et de justifier pareille con- 
viction, dont la fermeté n’a d'égale, généralement, 
que son imprécision? M. F. Houssay ne doutait 
point non plus, mais il a tenu à examiner, à cri- 
tiquer, à se rendre compte par le moyen des véri- 
fications expérimentales. Chemin faisant, il a ren- 
contré des faits inattendus. 


Chez les poissons, le propulseur est constitué 
par la queue, ou mieux par la masse même du 
corps flexible. Les nageoires étaient autrefois con- 
sidérées comme des rames propulsives; elles ne 
jouent ce ròle qu'aux très petites vitesses; le ròle 
primordial et essentiel de toutes les nageoires, 
paires et impaires, est un ròle stabilisateur; aucun 
zoologiste avant M. Houssay n'avait pensé que la 
stabilisation füt un problème capital au sujet d'un 
organisme se déplaçant à grande vitesse dans un 
milieu résistant, 800 fois plus résistant que l'air 
où nous nous mouvons et où se déplacent nos 
aéronats artificiels, qui n'ont pu, eux aussi, glisser 
avec sécurité au sein de l’atmosphtre qu'après 
que Renard les eut dotés de l'empennage stabilisa- 
teur. L'auteur a surabondamment vérifié ce rôle 
au moyen de ses modèles munis de nageoires 


110 


artificielles et remorqués dans l’eau à des vitesses 
variables. 

Autre fait curieux : le poisson est lesté dorsale- 
ment, son centre de gravité ‘est au-dessus de son 
centre de poussée; livré aux seuls effets de sa flot- 
tabilité, il tendrait à se retourner, le ventre en 
l'air. Cette particularité joue un rôle important 
dans la morphologie ainsi que dans la stabilisation 
du poisson aux grandes vitesses. 

Très attaché aux idées de Lamarck, M. Houssay 
a choisi les êtres aquatiques pour montrer sur un 
exemple net la façon dont le milieu extérieur a pu 
modeler une forme animale donnée. Au surplus, 
les cétacés, mammifères qui se sont adaptés à la 
vie aquatique, ne se sont-ils point modelés à leur 
tour à la ressemblance des poissons? 

LEuvre de science pure et d'inspiration exclusi- 
vement biologique, il se trouve que le travail de 
M. Houssay est capable de suggérer des idées pour 
certaines modifications à introduire dans la carène 
des navires à grande vitesse, pour assurer la sta- 
bilité encore précaire des ballons dirigeables et 
des sous-marins, et plus généralement pour étudier 
par des méthodes nouvelles les conditions aéro- 
dynamiques du vol des engins aériens. 


Calcul et construction des alternateurs mono- 
et polyphasés, par HEeNRt Birven, ingénieur, 
professeur à la Gewerbe Akademie de Berlin. 
Traduit de l'allemand par P. Durorr, ingénieur- 
électricien. Un vol. in-8° de 1v-179 pages avec 
126 figures, de la Bibliothèque technologique 
(cartonné, 6 fr). Gauthier-Villars, Paris, 1914. 


Ce volume traite de la TAéorie des alternateurs 
et de leur conduite dans les divers cas de leur 
emploi. L'important chapitre sur les enroulements, 
qui a recu un assez large développement, est 
illustré par des schémas des enroulements usuels. 

Le premier chapitre contient un exposé concis 
des plus importantes notions sur la théorie des 
courants allernatifs, exposé dans lequel on a évité 
autant que possible l'emploi des hautes mathé- 
matiques. 

La deuxième partie du livre traite des details 
de construclion et du montage des aliernaleurs. 
Des croquis de détails et des figures d'ensemble 
rendent cette description aussi claire que possible. 

L'auteur a donné une grande valeur à la der- 
nière parlie du volume. Cette parlie traite d'une 
facon complète le calrul des machines d’aboïd en 
général, puis en l'apjliquant à des eremyles. Les 
débutants trouveront un sujet d'étude instructif 
dans ces calculs de contròle de machines achevées. 
L'ouvrage se termine par un certain nombre de 
Tables de construction de générateurs existants. 


Fruits des pays chauds., 7. 2e", Étude yénérale des 
fruits, par PAUL HusEenr, ingénieur colonial. In-$° 


COSMOS 


25 JUILLET 419412 


143 X 20 de 730 pages, avec 227 figures (cartonné, 
45 fr). Librairie Dunod et Pinat, quai des Grands- 
Augustins, Paris. 


Voici un ouvrage instructif, utile, intéressant et, 
ajoutons, en outre, amusant; il présente tout l'intérêt 
d'un récit de voyages, et pour peu que l'on ait fré- 
quenté les pays chauds, il rappelle aombre de sou- 
venirs. Ceux qui n’y sont pas allés, mais qui auront 
à les visiter, soit pour leur plaisir, soit par devoir, 
ne devront pas sembarquer sans se munir et se 
pénétrer de ce guide. La lecture de l'ouvrage est 
rendue attrayante par les anecdotes vécues dont 
M. P. Hubert émaille son sujet, et le lecteur suit 
sans fatigue l’enchainement des faits qui tour à 
tour appartiennent au voyage, à la botanique, au 
commerce, à l'industrie; on y apprendra en mème 
temps le parti que l’on peut tirer, dans la maison, 
de ces productions si nombreuses et si peu con- 
nues en France. 

L'auteur, qui a déjà donné plusieurs ouvrages 
très appréciés, termine sa préface par ces mots : 
« Que ce volume écrit en Amérique centrale et aux 
Antilles, parmi les plaines fleuries et ensoleillées, 
…… les sols jonchés de fruits, ..…. dans le grand 
silence des forêts, ..... le brouhaha des cités, ..... 
malgré les troubles sismiques et politiques! ..... 
soit accueilli avec la même faveur que les précé- 
dents..... » 

Nous ne doutons pas que ce væu ne soit large- 
ment réalisé. 


Pour avoir une marine de guerre, par HENRI 
BERNAY (2 fr). Librairie Roger, 54, rue Jacob. 


L'auteur est de ceux qui ont conservé cette belle 
flamme de patriotisme qui a fait la France; dans 
l'ouvrage que nous signalons, il démontre d'abord, 
après beaucoup d'autres, qu’une nation ne peut 
exister aujourd’hui si elle ne possède pas une ma- 
rine puissante et bien organisée. Il ajoute que cela 
ne peut s’obtenir que si le peuple tout entier se 
rend compte, non seulement de cette nécessité, 
mais aussi de ce que doit ètre une marine de 
guerre. Dans ce métier si attachant, mais si pénible 
aussi, où le dévouement doit être de tous les in- 
stants, où les études doivent être continuelles, ceux 
qui sy consacrent doivent trouver un encourage- 
nent dans la confiance que leur inspirera l'esprit 
publie, dans les moyens d'agir et dans la sympathie 
qu ils méritent. Il faut reconnaitre qu'en France, et 
hélas! en France seulement, on ignore la marine, 
et si on s'en occupe quelquefois, c'est presque tou- 
jours pour émettre des critiques qui font foi dans 
ies masses, quoiqu'elles soient émises par les gens 
les plus incompétents, fussent-ils députés, pour 
jeter la pierre à ceux qui portent le fardeau qu'im- 
posent ses multiples devoirs. On entoure, il est 
vrai, ces critiques de quelques phrases creuses : 
dévouement sublime, courage indomptable de 


Ne 1435 


nos marins, patriotisme ardent, etc. Mots qui 
n’éblouissent personne et les marins moins que 
tous autres. 

M. Bernay entreprend, après bien d’autres, de 
faire connaitre la marine : homme du métier et 
aimant son métier, il en parle ex professo. Il exa- 
mine tout ce qui constitue cette partie si complexe 
de notre armée. Il traite successivement du maté- 
riel, du personnel, de leur utilisation, de l'admi- 
nistration et de l’organisation de cet ensemble. 

M. Bernay est un penseur et il a naturellement 
certaines idées personnelles; quelques-unes seront 
discutées, sans doute, mais tous rendront justice 
à la loyauté de l'auteur, à son patriotisme et à 
l'excellent esprit qui a inspiré son ouvrage. Nous 
lui soubailons beaucoup de lecteurs en France et 
quelques imitateurs dans les rangs de nos officiers 
de marine où l’on compte tant d'hommes distingués. 


La Suisse au xx° siècle. Éfudes économique et 
sociale, par P. CLERGET, professeur à l’École 
supérieure de commerce de Lyon. 

Deuxième édition, revue, mise à jour et augmentée. 
Un vol. in-18 jésus de 306 pages, avec 6 cartes et 
graphiques (3,50 fr). Armand Colin, 5, rue de 
Mézières, Paris. 


OEuvre très nourrie, très objective, très claire, 
très instructive, qui forme.véritablement un tout. 
La Suisse, ce laboratoire d’expériences politiques 
et sociales sans cesse renouvelées, gagne à être 
étudiée par nous de très près. L'auteur l’a com- 
pris. C’est ainsi qu’il analyse tout spécialement les 
lois récentes sur les assurances ouvrières, sur la 
nouvelle organisation militaire, la rédaction du 
Code civil, les conventions du Gothard et du Sim- 
plon. il enregistre les résultats de la nationalisation 
des chemins de fer et ceux de la Banque nationale 
d'émission. Dans un chapitre très actuel, il insiste 
sur les relations franr:o-suisses, au quadruple point 
de vue intellectuel, économique, social et financier. 
Voici un aperçu de la table des matières : Popula- 
tion. — Organisation politique et impôts. — Mon- 
naie, crédit et prévoyance. — Essor agricole et 
industriel. — Conditions du travail. — Voies de 
communication. — Développement du commerce 
extérieur. — Rôle international de la Suisse. — Les 
Français en Suisse. 


Trois villes saintes : Ars-en-Dombes, Saint- 
Jacques-de-Compostelle, le Mont-Saint- 
Michel, par Émize BAUMANN. In-18 jésus, 3,50 fr. 
Bernard Grasset, 61, rue des Saints-Pères, Paris. 


Ces trois récits de pèlerinages effectués par un 
arliste à la fois mystique et réaliste font songer, 
comme écriture, à la manière de Huysmans; mais 
M. Baumann est un disciple de forte personnalité 
et qui garde un accent bien à lui. Son premier 


COSMOS 


111 


récit met dans son jour exact la figure rustique et 
sublime de l'abbé Vianney, associée au pays 
d’Ars-en-Dombes qui porte encore son empreinte. 
Le deuxième décrit une ville longtemps fameuse, 
trop oubliée aujourd'hui, Saint-Jacques-de-C'om- 
postelle, avec ses paysages singuliers, l’histoire 
peu connue de ses pèlerinages et ses aspects actuels 
restés tout monastiques. Le troisième expose les 
impressions d’un lyrique chrétien devant l’abbaye 
et les sites du Hont-Saint-Michel. 

Ces trois chapitres forment comme les trois 
panneaux d'une fresque pleine de vie et de pro- 
fondeur. 


La Société marocaine, par le D' Maurac. Un vol. 
broché in-18 raisin, abondamment illustré (5 fr). 
Paulin et Ci°, rue Hautefeuille, Paris. 


La récente proclamation de notre protectorat 
sur le Maroc, les événements qui s’y déroulent con- 
fèrent à cet ouvrage un intérêt particulier. Par 
lui-même, du reste, il possėde un vif attrait. Méde- 
cin du gouvernement à Rabat, appelé à ce titre au 
sein des grandes familles marocaines, spectateur 
averti de l’existence quotidienne de l’indigène, le 
D' Maurau a pu observer beaucoup de choses avec 
profit. Les tableautins sont instructifs sans cesser 
d'être pittoresques. Nous assistons avec lui à la vie 
du marchand, de l'artisan, de l’esclave, du puissant 
feudataire. Nous contemplons les cérémonies reli- 
gieuses. À noter spécialement une foule de très 
judicieuses réflexions, notamment celles qui ont 
trait au péril israélite. 

Il serait dommage que notre protectorat ne pro- 
fitât qu'aux Juifs. M. Maurau nous met en garde 
contre ce danger. R. T. 


Observatoire de Madagascar: observations mé- 
téorologiques faites à Tananarive, par le 
R. P. Couix. 22° volume, année 1910. Imprimerie 
de la mission catholique, Tananarive. 


Résultats des observations météorologiques 
faites à l'Observatoire central de l’Indo- 
Chine: le climat du delta du Tonkin, par 
G. Le Caper, directeur de l'Observatoire. Extrait 
du Bulletin économique de UIndo-Ghine (sept.- 
oct. 1941141). Imprimerie d'Extrème-Orient, Hanoi. 


Vocabulaire de laviateur-constructeur. Un 
vol. de 444 pages avec gravures (0,95 fr). Librai- 
rie Vivien, 48, rue des Ecoles, Paris. 


Cet ouvrage donne par ordre alphabétique les 
termes employés le plus généralement en aéronau- 
tique avec des explications détaillées; il comporte 
en plus la description de nombreux appareils, mo- 
teurs, aéroplanes. De nombreux schèmas facilitent 
la lecture de cet ouvrage qui rendra service à ceux 
qui s'intéressent à la locomotion aérienne, 


112 


GOSMOS 


25 JUILLET 41912 


FORMULAIRE 


Procédé pour rendre stable l’eau oxygénée. 
— Les agents employés pour rendre stable leau 
oxygénée sans changement de titre sont extrême- 
ment nombreux ; on cite lacide phosphorique, le 
chlorure de sodium, l'empois d'amidon, la géla- 
tine, le tannin, l'acide urique, la naphtaline, l’acide 
oxalique, l’éther. L'alcool jouirait des mêmes pro- 
priétés. On doitl’emplover à la dose de 100 grammes 
par litre pour les cas courants, et porter cette 
quantité à 200 et 400 grammes lorsque l’eau 
oxygénée contient des substances favorisant la 
décomposition. (Photo-Rerue.) 


Destruction des blattes. — Pour détruire les 
blattes dans les maisons d'habitation, on peut user 
du procédé des pièges ou bien des gaz asphyxiants, 
mais il est toujours utile d'examiner en même 
temps s'il n'y a pas lieu de procéder à une réfec- 
tion de murs dont les plâtres seraient en mauvais 
état, ou bien à un meilleur jointoiement de plinthes, 
qui, par suite du léger espace existant parfois entre 
elles et le mur ou le parquet, offrent un excellent 
refuge aux insectes. Examiner de même l'intérieur 
des placards et le dos des meubles. 

Les pièges dont on fera usage seront constitués 
par des pots vernissés à l'intérieur. On versera 
dedans de la bière, ou bien on y mettra de la farine, 
puis on les entourera d’un chiffon affleurant aux 
bords de manière à en faciliter l'accès aux insectes. 

De vieux torchons humides, abandonnés sur le 
carrelage ou le parquet, pourront également servir 


de pièges et permettront de recueillir une certaine 
quantité de cafards. 

Si la disposition des lieux s’y prête et qu'une 
obturation hermétique des ouvertures puisse être 
obtenue, brûler du soufre dans les pièces infestées 
et laisser les vapeurs de gaz sulfureux séjourner 
dans ces pièces pendant vingt-quatre heures au 
moins. 

On se trouvera bien également de usage de la 
poudre de pyrèthre et des lavages copieux à l’eau 
alunée bien bouillante, que l'on projettera dans 
les coins suspects. 


(Journal d'Agriculture pratique.) P. L. 


Pour régénérer les électrodes négatives des 
accumulateurs en plomb, M. E.-H.Taylor (brevet 
français 427 316) indique le procédé suivant : 

On fait complètement sécher les électrodes 
défectueuses, par exemple en les chauffant, et on 
les brosse pour enlever la matière adhérente. Elles 
sont alors plongées dans un bain liquide ou de 
vapeur de protochlorure de soufre S'Cl?, qui est 
énergiquement absorbé par la matière active avec 
dégagement de chaleur. Les électrodes sont alors 
soumises à la chaleur dans un four dont la tempé- 
rature peut être réglée de manière à rester en 
dessous du point de fusion des électrodes. La ma- 
tière active est ensuite réduite électrolytiquement 
dans un bain d'acide sulfurique dilué. Les plaques, 
lavées à l’eau, peuvent ensuite être formées de la 
facon ordinaire. 





PETITE CORRESPONDANCE 


M. À. F., à M. — Machines agricoles françaises : 
« La France », 50-52, quai Jemmapes, Paris ; Puzenat, 
à Bourbon-Lancy (Saône-et-Loire). — Béliers hydrau- 
liques : E. Bollée, au Mans (Sarthe); Beaume, 
66, avenue de la Reine, à Boulogne (Seine). 

M. P. M., à S. — C'est par une erreur typographique 
qu'on a mis le numéro que vous signalez. ll faut lire 
n° 4390 (t. LXV, p. 309). Si vous ne l'avez pas, veuillez 
le demander directement à l'administration. — Le 
signal attente est forimmé, dans le code Morse, de 
4 point, À trait, 3 points. 

M. A. D., au M. — Petits moteurs à huile lourde ou 
a pétrole lampant: Dan, 10, rue de Laborde, Paris; 
Brouhot, à Vicrzon (Cher); moteur Capitaine, Herlicq, 
59, rue de Flandre, Paris. 

F. U., à P. — 4° Existe-t-il des procédés particuliers 
pour extraire l'or des boues qui se forment dans l'affi- 
nage du cuivre? Les cuvrages généraux comme l'n- 
dustrie aurifere, par D. LEVAT, 1905, librairie Dunod 
et Pinat, fourniraicnt vrzieemblablement la réponse 
pratique à votre question. — 2 Traité pratique elec- 
trorhimie, par R. Lorr\7, refondu d'aprés l'allemand 
par G. fosreser (9 fr}, 1905. Librairie Gauthier-Villars: 
Traité théorique et pralique d'électrorhimie, par 


A. Mixer (18 fr). Librairie IT. Desforges, 29, quai des 
Grands-Augustins, Paris. 


M°° G., au M. — Nous donnerons quelques receites 
dans le prochain numéro. Ces formules seraient un 
peu longues ici. : 


R. P.J. H., à N. — Sous cette forme, le problème 
ect insoluble : Une batterie d'accumulateurs de 10 kilo- 
grammes ne donnerait qu'une puissance de 40 watts, 
soit un vingtième de cheval, pendant une durée de 
trois à cinq heures. Aucune bicyclette ne pourrait 
accepter la surcharge nécessaire. Le seul procédé 
serait l'emploi d'une motocyclette à essence si vous 
pouvez vous procurer cet hydrocarbure. Les raisons 
données ci-dessus disent pourquoi la motocyclette 
électrique n'existe pas. 

M. J. A., à M. — Il existe bien des systèmes de 
reproduction de l’ecriture à distance, en commençant 
par le plus ancien, le pendule Castelli. L’un, le Telau- 
tographe d'Elisha Gray-Ritchie, est en usage aux 
Etats-Unis, {Voir Cosmos, t. XXV, n° 436, p. 301, et 
t. XLIV, n° $53, p. 679.) 





Imprimerie P, Fenox-Vaau. 8 et 6, rue Bayard, Paris, VIII’. 
Le gérant: E. Porirazxart. 


No 4436 — 1° aour 1912 


COSMOS 


113 


SOMMAIRE 


Tour du monde. — Le radium dans la chromosphère du Soleil. Les masses des étoiles ‘doubles. La trajec- 
toire rectiligne des trombes. Le mécanisme du mimétisme. Des mouches qui vivent dans le formol. Les 
explosions du radium. La nouvelle station radiotélégraphique de Nauen. L'examen du charbon par les 
rayons X. La conservation du charbon. Une nouvelle étoffe pour enveloppes de ballons. Suez et Panama. 
Un jugement sur la baguette des sourciers. Un musée en plein air, p. 118. 

Correspondance. — À propos du bois des crayons, C. DE KiRwaN, p. 417. 

La filtration des eaux du Nil dans l’isthme de Suez, J. Boyer, p. 118. — Le transformisme, ses varia- 
tions et l’eau de mer, C. be Kirwan, p. 120. — Les vermifuges dans la thérapeutique moderne, 
ACLOQuE, p. 123. — Les difficultés de pose des conduites sous l’eau, BELLET, p. 126. — La vaccina- 
tion antituberculaire, D' Goucta, p. 129. — Sur la forme probable de la partie immergée de 
quelques icebergs, C. JAner, p. 131. — L'océanographie pendant l’antiquité (fin), J. THouLeT, p. 133. 
— Sociétés savantes: Académie des sciences, p. 435. — Bibliographie, p. 136. 








TOUR DU MONDE 


ASTRONOMIE 


Le radium dans la chromosphère du Soleil. 
— La présence probable du radium, de l'uranium 
et de l'émanation dans le spectre de la nouvelle 
étoile desGémeaux, découverte par l’astro-physicien 
Küstner de Bonn et que nous avons signalée ici 
mème (Cosmos, n° 4 428, p. 618), semble avoir 
été accueillie avec quelque scepticisme par beau- 
coup d’astronomes, notamment en Angleterre. 
M. H. P. Hollis, par exemple, qui appartient à 
l'état-major de l'Observatoire de Greenwich, a 
exprimé à ce sujet (English Mechanic, n° 2 468, 
p. X561) les doutes les plus sérieux. 

Or, par une singulière ironie, M. F. W. Dyson, 
le savant directeur de l'Observatoire de Greenwich 
lui-même, s’est trouvé amené à comparer tout 
dernièrement le spectre du radium et de l'émana- 
tion avec des mesures de photographies du spectre 
de la chromosphère obtenues par lui-même pour 
les éclipses de 1900, 4901 et 1905, et par Lockyer 
pour l'éclipse de 1898. Et, chose remarquable, il 
trouve que six des lignes principales de ce spectre 
peuvent être identifiées avec des raies du radium. 
« Il] y a, dit-il, un accord général avec le spectre 
du radium en ce qui concerne les intensités, et 
l'accord pour les longueurs d’onde est tout à fait 
satisfaisant. » Plusieurs raies chromosphériques 
sont, en outre, voisines de celles de émanation. 
Quant au spectre de l’uranium, il est d’un carac- 
tère tel qu'on ne peut s'attendre à le retrouver 
dans celui de la chromosphère. 

Ces résultats nouveaux sont des pilus remar- 
quables. Ils montrent que les corps radio-actifs, si 
rares à la surface de notre globe, sont peut-être 
beaucoup plus communs dans l'univers qu'on ne le 
croit habituellement et qu'ils y jouent certaine- 
ment un grand rôle. Il est fort probable maintenant 


T. LXVII. N° 1436. 


que lattention est attirée sur ce fait qu'on ne tar- 


dera pas à retrouver leur spectre dans certaines 


étoiles, particulièrement dans les plus jeunes. 


Les masses des étoiles doubles. — Un très 
grand nombre des étoiles qui, vues à l’œil nu ou 
dans une faible lunette, paraissent se réduire à un 
simple point lumineux sont, en réalité, des sys- 
tèmes de deux étoiles et parfois davantage; leurs 
composantes qui sont assez souvent de masses et 
d'éclats comparables, gravitent l'une autour de 
Pautre en une période de quelques jours (c'est le 
cas de beaucoup d'étoiles doubles spectroscopiques), 
de quelques années ou de quelques dizaines ou cen- 
taines d'années. 

Si Pon connait la dimension des orbites parcou- 
rues par les composantes de l'étoile double et la 
durće de la période de révolution, on peut mesurer 
la masse du système. Le Dr Doberck (Astrono- 
mische Nachrichten, n° 4583) a fait le calcul pour 
un certain nombre d'étoiles doubles connues; la 
masse de notre Soleil est prise comme unité. 


Nom de l'étoile, Période de révolution. Nasse du système, 
Annees, Masse solaire == 1, 
r, Cassiopée 328 0,87 
40 o Eridan 180 0,4. 
Sirius 49 3,26 
Castor 387 22419 
2-3 121 J+ 311,9 
y Vierge 19% 8,09 
a Centaure Si 1,99 
z Hercule 39 0,13 
u Hercule 45 1,11 
70 Ophiucus S8 2,5% 
$5 Pégase 26 5,07 


Laissons de cûté Castor, dont l'orbite est mal 
connue, et l'étoile © 3121 à parallaxe très faible et 
dont la distance est très grande et difficile à pré- 


114 


ciser à notre système. Pour les neuf autres étoiles 
doubles, on trouve 2,46 comme masse moyenne du 
système des deux composantes. Ainsi, en moyenne, 
la masse de chacune des deux composantes des 
éloiles doubles calculées se trouve être du même 
ordre de grandeur que notre Soleil. 


MÉTÉOROLOGIE 


La trajectoire rectiligne des trombes. — 
Dans le bulletin de juin de la Commission météo- 
rologique du Calvados, rédigé par M. G. Guilbert, 
M. Marie, professeur de sciences à Vire, signale les 
particularités d'une trombe qui a étendu ses 
ravages, le 4 juin 4912, sur une distance de 7 kilo- 
mètres, entre Agneauxet Villiers-Fossard (Manche). 

Le tourbillon tournait ensensinverse des aiguilles 
d'une montre. La direction moyenne du parcours 
va du Sud-Ouest au Nord-Est; la trajectoire se 
décompose en deux lignes rigoureusement droites: 
la première ligne est longue de 2,7 km; la seconde 
partie de la trajectoire s’infléchit ensuite d’une 
vingtaine de degrés. À ce point de vue, on peut rap- 
procher la trombe du 4 juin de celle du 4 mars 1912 
dans le Calvados (Cf. Cosmos, t. LXVI, n° 1426, p. 578). 

Comme en d’autres cas, on remarque que la 
trombe d'Agneaux a produit des ravages par inter- 
mittences, le long de son parcours : elle procède 
par bonds, n'atteint point le fond de la vallée où 
coule la Vire, passe sans le toucher au-dessus du 
bois de Montcoq, pour revenir au sol 600 mètres 
plus loin. Des arbres sont coupés à 5 ou 6 mètres 
de hauteur et leurs têtes transportées à une distance 
de 350 mètres. 

La trombe, large de 70 mètres pendant le pre- 
mier tiers de son parcours, s'étale ensuite, et vers 
la fin, la bande dévastée a 200-250 mètres de lar- 
geur. Les dégâts sont plus forts sur les deux lisières 
que dans la ligne médiane, où des arbres et des 
toits ont été épargnés. Ces lisières sont, par 
endroits, marquées avec une précision extraordi- 
naire : Jes cimes d'arbres sont tranchées nettement 
suivant un pian verlicai, une partie des branches 
a été emportée, lautre partie restant intacte. 


PHYSIOLOGIE 


Le mécanisme du mimétisme. — Il y a 
quelques mois, un auteur américain, Sumner, a 
publié dans le Journal of experimental Zoology 
un travail intéressant sur l'adaptation de certains 
poissons plats au fond sur lequel ils vivent. 

Ces faits d'Aomochromie sont connus depuis long- 
temps: une sole, un turbot, sur un fond de sabie 
ou de gravier, prennent exactement la coloration 
du fond, au point qu'ii est difficile de les distinguer 
aussi longtemps qu'ils restent immobiles. C'est 
mme un des exemples classiques de l'adaptation 
en vue de la conservation de l'espèce. 


COSMOS 


åer aouT 1912 


Précisant les observations de ses devanciers, 
Sumner a montré que non seulement la peau du 
poisson reproduit fidèlement la teinte générale du 
fond, mais qu'elle est susceptible mème de répéter 
des dessins assez compliqués. Lorsqu'on a dessiné, 
sur le fond de l’aquarium où se trouvent les tur- 
bots, des ronds ou des carrés, ou des bandes alter- 
nativement blanches et noires, on voit se dessiner 
de mème, sur la peau du poisson, des ronds, des 
carrés ou des bandes. Les dessins de la peau ne sont 
évidemment pas, vu les dispositions anatomiques, 
de forme absolument géométrique, mais l'aspect 
général est une reproduction assez fidèle des des- 
sins du fond. Ainsi les taches de la peau sont plus 
petites quand les carrés du fond ont un millimètre 
de côté, que quand ils ont un centimètre. 

On doit à Pouchet d’avoir reconnu que l’adapta- 
tion au fond disparait irrémédiablement quand on 
détruit les yeux du poisson, ou quand on empèche 
la formation des images rétiniennes en provoquant 
des troubles dans les milieux réfringents de l'œil. 
Elle disparait aussi quand, laissant intacts l'œil et 
la rétine, on sectionne les nerfs qui relient les 
yeux au cerveau. Il en est encore de même si, lais- 
sant les impressions visuelles parvenir régulière- 
ment jusqu’aux centres optiques du cerveau, on se 
contente de sectionner les nerfs sympathiques, qui 
se rendent aux cellules pigmentaires de la peau. 
Loeb s'est intéressé à ses faits, qui permettront 
sans doute d'élucider un peu le mécanisme du 
mimétisme et celui de la vision (Rev. scient., 
43 juillet). 

Ainsi, les réactions mimétiques, dans le cas du 
turbot ou de la sole, ne proviennent point d'une 
action immédiate que le fond coloré produirait 
directement sur la peau du poisson à la façon d’une 
photographie en couleurs; cette action ne se 
transinet que par l'intermédiaire terriblement com- 
pliqué de la vision rétinienne, puis des fibres ner- 
veuses centripètes, et enfin des fibres nerveuses 
centrifuges du système sympathique. 


BIOLOGIE 


Des mouches qui vivent dans le formol. — 
M. Schultze avait reçu, de l'Afrique orientale alle- 
mande, des bocaux renfermant des pièces d'ana- 
tomie conservées dans du formol : des têtes de Hot- 
tentots et de Herreros. Or, en dépit du formol, qui 
tue rapidement les tissus vivants, les bocaux con- 
tenaient un grand nombre d'individus vivants de 
Drosophila rubrostriata à divers stades de déve- 
loppement: larve, pupe, imago. Pour empècher 
les insectes de détériorer les pièces anatomiques, 
on versa du formol pur, mais les larves de Droso- 
phila ne furent pas encore tuées. (Zoologischer 
Anceiyer et Revue scientifique, 20 juillet.) 

Outre les mouches du genre Drosophila, d'autres 


N° 41436 


insectes font preuve d'une vitalité extraordinaire. 
Les vapeurs d'acide cyanhydrique tuent les papil- 
lons : les zygènes pourtant vivent dans ce milieu. 
Dans le suc que renferment les urnes des Yepen- 
thès, suc qui attaque et digère les insectes, vivent 
cependant impunément, d’après une récente com- 
munication de Jensen, trois culicides qui seraient 
protégés contre l’action digestive de ce ferment 
par un antiferment qu'ils sécrètent. Le professeur 
Korschelt a vu des larves de la mouche domes- 
tique, conservées dans une solution d'acide chro- 
mique à 2 pour 400, se transformer en pupes et 
donner des insectes ailés. 


CHIMIE 


Les explosions de radium. — M. B. Jost rap- 
porte (dans Chemiker-Zeilung, n° 15, 1912) la mé- 
saventure qui lui est survenue à plusieurs reprises 
en manipulant du bromure de radium. 

L'auteur confectionne des spinthariscopes, c’est- 
à-dire des appareils en forme de petites loupes 
munies d’un écran fluorescent qu'on voits’illuminer 
par places et par intermittences chaque fois qu’une 
parcelle radio-active, logée à quelque distance 
devant l'écran vient bombarder celui-ci par une 
particule a. Le corps radio-actif dont il se sert est 
du bromure de radium très pur, préparé depuis 
assez longtemps; comme il suffit d’une très minime 
quantité, il en prélève un granule à l’aide d’une fine 
aiguille faiblement humectée à la pointe. 

Or, plusieurs fois, au moment où M. Jost appro- 
chait le granule du spinthariscope, celui-ci se désa- 
grègea avec un crépitement sensible, envoyant de 
tous côtes les poussières très fines de sel radio- 
actif: durant un instant, l'écran fluorescent res- 
semblait à un ciel parsemé d'étoiles faiblement 
lumineuses. Le spectacle est joli; mais la première 
fois que M. Jost en a été gratifié, quelques pous- 
sières radio-actives lui entrèrent dans l'œil gauche 
en y provoquant une inflammation assez violente 
qui laissa après elle une diminution d’acuité visuelle. 

M. Jost émet cette hypothèse: le sel solide de 
radium, déjà ancien, s'est empli à l’intérieur d’une 
certaine quantité d'émanation gazeuse (le niton 
de W. Ramsay, gaz radio-actif issu de la désagré- 
gation atomique du radium); au moment où la fine 
gouttelette d'eau portée par la pointe de l'aiguille 
vient en dissoudre partiellement les parois, ce 
minuscule réservoir de gaz comprimé fait explosion. 

Un accident analogue et d'importance plus grande 
était survenu en 1906 à M. Precht : un tube scellé 
en verre, de 2 millimètres de diamètre intérieur, 
contenant 25 milligrammes de bromure de radium 
pulvérisé, fit explosion (Cf. Cosmos, t. LIV, p. 224) : 
l’émanation qui s'était dégagée du sel radio-actif 
et amassée pendant l’espace de onze mois dans le 
tube avait dù en soumettre les parois à une pres- 
sion d’une vingtaine d’atmosphères. 


COSMOS 


115 


TÉLÉGRAPHIE 


La nouvelle station radiotélégraphique de 
Nauen. — On a édifié une tour provisoire en bois 
à Nauen, lisons-nous dans l'Electrotechnische 
Zeitschrift, en attendant la reconstruction de la 


Station radiotélégraphique de cette localité. La 


nouvelle construction définitive en fer ne sera 
pas achevée avant quelques mois; elle mesurera 
250 mètres de hauteur et présentera une bien plus 
grande solidité que la précédente. Une fois qu'elle 
sera achevée, on y entreprendra des expériences 
sur la transmission des ondes électriques au tra- 
vers du sol: à cet effet, on fera pénétrer les fils 
jusqu’à une profondeur de 100 mètres dans la 
terre. — G. (Électricien.) 


LA HOUILLE 


_ L'examen du charbon par les rayons X. — 
Suivant l'Écho des mines (24 juin), on a appliqué 
la radiographie à mettre en lumière la loi de dis- 
tribution des cendres dans le charbon, et, par 
suite, à reconnaitre si un charbon à haute teneur 
en cendres est convenable pour le lavage. De nom- 
breux essais ont montré que, bien que la véritable 
substance charbonneuse soit presque transparente 
aux rayons X, il y a cependant des différences 
notables entre les différentes houilles et même 
entre les différentes parties d’un mème petit échan- 
tillon; de sorte que cette méthode pourrait servir 
à l'étude de la structure et de l'origine des ditfé- 
rentes houilles. 

Il y a deux ou trois espèces de cendres dans le 
charbon; d’abord, la matière étrangère apporiée 
par le vent ou la pluie sur les bois de forêts qui 
donnèrent naissance à la houille: ceci peut être 
appelé la variété « poussière » de la cendre. Ensuite 
il y a la matière minérale qui formait partie des 
plantes vivantes : la teneur et la nature de cette 
matière varieraient suivant l’abondance relative 
des différentes espèces de plantes, et cette matière 
pourrait être appelée la cendre « native ». Enfin, 
il y a généralement plus ou moins de matière miné- 
rale due à la formation de nouveaux composés par 
la décomposition et reconstitution des cendres, 
« poussières » et « natives ». L'examen du charbon 
aux rayons X conduira probableuwent à une distinc- 
tion possible entre ces trois formes de cendres, et 


contribuera ainsi à éclairer la formation des veines. 


La conservation du charbon (Bull, Soc. Ing. 


civils, mars). — Il est généralement admis que, 


lorsqu'on met du charbon en tas à l'air, il perd 
peu à peu de sa valeur calorifique sous l'intluence 
de l'oxygène atmosphérique. C'est pour cetie rai- 
son qu'on a essayé de le conserver sous l'eau, et 
nous avons eu occasion de parler de ces essais 
dans nos colonnes. Le charbon, placé dans ces 


116 


conditions, conserve ses propriétés, sa valeur calo- 
rifique et sa richesse en gaz, mais la nécessité de 
le sécher avant emploi amène une dépense qui 
n’est quelquefois pas sans importance. 

On a proposé récemment d'employer, au lieu 
d'eau, une enveloppe de gaz inertes, c'est-à-dire 
privés d'oxygène, tels qu’acide carbonique, acide 
sulfureux ou gaz provenant de la combustion. Dans 
ce but, on a placé des charbons de diverses natures 
dans des vases de verre bien bouchéset contenant, 
en outre, chacun un des trois gaz dont il vient 
d'être question et on a analysé le charbon au bout 
de différentes périodes, quinze jours, trois semaines 
et six mois après la mise en vases. 

On a constaté qu'avec les houilles maigres le 
combustible contenait 2 pour 100 de plus de car- 
bone que gardé à l'air et 1,0 à 0,5 pour 100 de plus 
que conservé sous l’eau. Avec les charbons de 
forges, il n'y avait pas de différence, et des expé- 
riences ultérieures ont indiqué que ces houilles 
pouvaient rester six mois à l'air libre ou sous l’eau 
sans subir aucune détérioration. 

Avec les houilles grasses, on a constaté que la 
conservation, en présence de gaz inertes, faisait 
perdre 4 pour 100 de carbone en six mois, tandis 
qu'à l'air libre ou sous l’eau la perte était moindre. 
Pour les houilles à gaz, la perte en carbone était 
sensiblement la même et très faible avec le con- 
tact de l’eau ou des gaz, tandis qu’elle atteignait 
2,9 pour 100 au contact de l'air. 

On peut conclure de ces expériences que, pour 
les houilles grasses et de forges, il est inutile de 
prendre des précautions spéciales pour les con- 
server, parce qu'elles n'éprouvent pas de détério- 
ration sensible au contact de l'air. 

Quant aux houilles grasses et aux houilles à gaz, 
il y a quelque intérèt à les conserver sous l’eau ou 
en présence de gaz inertes, mais il semble que la 
protection donnée par une toiture au-dessus du tas 
aurait un cffet sulfisant et que, dès lors, la dépense 
à faire pour la conservation du charbon sous l’eau 
ou au contact des gaz inertes n’est pas justifiée. 

Il faut dire que ce qui a donné lieu à l'idée géné- 
ralement admise que le charbon exposé à l’air se 
détériore est que les expériences dont on est parti 
avaient été faites, d'une part, sur des charbons 
sortant de la mine, et de l'autre, sur des houilles 
longtemps exposées à lair. Or, le charbon frais 
a une valeur calorifique supérieure à celle du char- 
bon conservé, mais la perte a lieu, pour la plus 
grande partie, dans la semaine qui suit l'extraction, 
de sorte que les comparaisons faites entre les deux 
échantillons de la mème houille n'ont aucune 
valeur. I] fallait comparer deux charbons gardés, 
l'un quelques jours, et l’autre plusieurs mois, on 
n'aurait trouvé qu'une différence insignifiante. En 
pratique, on n’emploie jamais le charbon au sortir 
de la mine. 


COSMOS 


Aer aouT 1912 


Il est bien certain qu’en conservant la houille 
sous l’eau ou en présence de gaz inertes on évite 
tout risque de combustion spontanée, mais cela ne 
suffit pas à justifier les dépenses qu'entrainerait ce 
mode de conservation. On pourrait, dans le cas de 
charbons présentant des risques sérieux de ce 
genre de combustion, le mettre dans des espèces 
de silos, avec accès à différentes hauteurs, pour 
pouvoir enlever le combustible si la température 
venait à s'élever de manière dangereuse. 


VARIA 


Une nouvelle étoffe pour enveloppes de 
ballons. — M. Wilhelm Ræder, de Senftenberg, 
vient de breveter une étoffe pour ballons constituée 
de manière, sinon à supprimer, du moins à ralentir 
et à diminuer les variations de température du 
gaz. On sait que les dilatations et contractions du 
gaz du ballon obligent à des manœuvres fréquentes, 
ouvertures de la soupape du gaz ou jets de lest, 
qui, outre l'attention et l'ennui qu'elles imposent 
au pilote, réduisent le parcours et la durée pendant 
laquelle le ballon peut tenir en l'air. 

L'inventeur a donc fabriqué une étoffe isolante, 
grâce à une couche de poussière de liège collée à 
l'intérieur de l'étoffe caoutchoutée et que la vulca- 
nisation fixe solidement au tissu. Il revendique du 
même coup, pour son étoffe spéciale, d'autres avan- 
tages sérieux: imperméabilité plus parfaite au 
gaz et susceptibilité moins grande vis-à-vis des 
impuretés du gaz qui ont vite fait de détériorer les 
étoffes ordinaires des ballons. 


Suez et Panama. — Les recettes du canal de 
Suez, pour l’année se terminant au 1°" juin dernier, 
ont été de 138 810 000 francs en augmentation de 
4 330 000 sur l’année précédente. 

En conséquence, la Compagnie annonce une nou- 
velle réduction sur les droits de passage à partir du 
4er janvier 1913. 

En Amérique, quelques journaux supposent que 
cette réduction est inspirée par la crainte de la 
concurrence du canal de Panama qui sera bientôt 
ouvert. Cest une erreur; cette réduction est im- 
posée par les traités qui lient la Compagnie de 
Suez el doit avoir lieu dès que les recettes dépassent 
un certain chiffre. 


Un jugement sur la baguette des sourciers. 
— Le Geological Survey des États-Unis publie une 
série de notes très appréciées relatives à l'hydro- 
logie. Dans une de ces notes (n° 225, intitulée : 
Underground waters for farm use), M. L. Fuller 
exprime en passant le jugement qu'il s’est fait sur la 
baguette des sourciers à la suite de ses propres essais. 
Il parle de la baguette fourchue en coudrier dont 
on tient les deux branches en mains. Voici, d'après 
Anouledye (avril),comment il s'exprime à ce sujet : 

« Dans ses cssais avec une baguette de ce type, 
l'auteur a trouvé qu’à certains endroits l’appareil 





N° 1436 


semblait s'abaisser indépendamment de sa volonté; 
mais des expériences plus complètes ont montré 
que cette rotation résultait d’une action musculaire 
légère et, du moins avani un attentif examen, 
inconsciente, dont l'effet se transmettait, par les 
bras et les poignets, jusqu’à la baguette. On n’a pu 
découvrir aucun mouvement de la baguette qui 
serait attribuable à des causes étrangères au corps... 
» L’inutilité de la baguette des sourciers ressort 
des faits suivants : elle peut être mue à la volonté 
de l'opérateur; elle est en défaut quand il s’agit 
de découvrir les forts courants d’eau des tunnels 
et autres conduites artificielles qui ne trahissent 
l’eau par aucune indication superficielle; dans les 
régions calcaires, où l’eau coule en veines bien 
définies, les succès de la baguette ne dépassent pas 
ceux de la simple conjecture. En fait, les « sour- 
ciers » ne réussissent avec leur baguette que dans 
les régions où leau git en nappe définie dans une 
couche poreuse ou dans des dépòts plus ou moins 
argileux..... On n’a encore trouvé aucun système 
mécanique ou électrique pour découvrir l'eau en 
des endroits où le simple sens commun n’en aurait 
pas indiqué tout aussi bien la présence. Le seul avan- 
tage qu'on a à recourir à la baguette des sourciers... 
tient à ce qu'on se procure parfois de la sorte un 
service habile, puisque les spécialistes auxquels on 
s'adresse, pour peu qu'ils aient une perspicacité 
native, arrivent forcément parleurexpérience même 
à découvrir la présence et la direction des eaux 
souterraines mieux que les gens non préparés. » 


Un musée en plein air. — Un simple maitre 
d'école d'une petite paroisse au nord de l'ile de 
Gothland, dans la Baltique, a eu l’heureuse pensée 
d'établir en plein air une sorte de musée rappelant 
la vie et les coutumes des ancêtres, et il a eu la 
persévérance de mener son œuvre à bonne fin. 

Au milieu de la prairie, où il a organisé cette 
exposition, se trouve une ferme du xvrre siècle qui 
est le centre de la collection rassemblée en ce 
lieu. Dans la cour, on a exposé les instruments 
d'agriculture du passé, et dans des annexes tout 
autour, l'outillage d'industries éleintes aujourd'hui. 
Un terrain est consacré à la collection des tom- 
beaux de différentes époques et aux formes d'inhu- 
mation en usage dans la région depuis un siècle 
avant Jésus-Christ. Une de ces tombes estun monu- 
ment en pierre, représentant une barque de Wikings. 
Ailleurs, des cercles de pierre, si nombreux dans 
ce pays. L'un d’eux entoure un petit monticule, 
tribune de l’orateur dans les assemblées du peuple. 

Cette façon d'apprendre aux enfants et même 
aux adultes l'histoire de leurs ancêtres mérite tous 
les éloges; constituer une exposition de ce genre 
vaut mieux, à coup sûr, que de faire de la politique, 
etce magister suédois donne un excellent exemple 
à nos instituteurs. Le malheur, c'est qu'ils n’en 
profiteront pas. 


GOSMOS 


117 
CORRESPONDANCE 


A propos du bois à crayons. 


L'insuffisance ou plutôt l’épuisement de l'essence 
forestière appelée improprement cèdre rouge (car 
c'est un genévrier), pour la fabrication des crayons 
de luxe, aurait, parait-il, donné une valeur extraor- 
dinaire aux vieilles charpentes faites de ce bois, 
aux barrières des enclos. Si bien qu’aux États-Unis, 
vieilles barrières et vieilles charpentes vaudraient 
plus que les maisons et les propriétés nanties de 
ce bois précieux; on les achèterait pour l’en extraire. 

C'est ce que nous apprend M. N. Lallié dans le 
Cosmos, n° 1 434, du 18 juillet. 

Il s'agirait de savoir exactement à quelle variété 
de genévrier (Juniperus Linn.) appartiendrait ce 
fameux « cèdre rouge »; on pourrait alors songer 
à le planter et à le multiplier. 

Nombreuses sont les espèces de genre. Carrière, 
dans son classique Traité général des Conifères, 
n’en compte pas moins de quarante. On lit, dans 
le Dictionnaire de la culture des arbres de Bosc 
et Baudrillart, vieux d'une centaine d'années, que 
le « cèdre (genévrier) rouge » fournit un bois léger 
et tendre qui passe pour incorruptible. On en fait 
des seaux, des baquets, du bardeau, de la charpente. 
La couleur est rougeâtre et son odeur suave..... 

Toutefois, il ne parait pas que ce genévrier ou 
cèdre, qualifié de rouge par Bosc et Baudrillart, 
soit le vrai « cèdre rouge » dont parle M. Lallié, 
car les auteurs ajoutent aussilôt: « C’est lui qui 
supplée au genévrier des Bermudes, aujourd'hui 
très rare par la grande consommation qui en a été 
faite pour le revêtissement des crayons de plomba- 
gine ou mine de plomb. Aucun insecte ne l'attaque. » 

Ainsi le vrai cèdre rouge des crayons de luxe, 
celui dont le bois de charpente vaut plus que les 
maisons mêmes où il entre comme charpente, ne 
serait autre que le Juniperus bermudiana Linn. 
Sur ce dernier, les données sont peu nombreuses. 
Carrière ne lui consacre que quelques lignes. Il 
note que cet arbre « habite les iles Bermudes, où 
il est très rare, se trouve aussi, assure-t-on, dans 
les Canories et les Burbades. 

Mais il parait bien que ledit genévrier rouge a dù 
être jadis abondant sur le continent new-américain, 
sous les latitudes chaudes, puisqu'il y était employé 
communément aux usages les plus vulgaires : char- 
pente, barrières, enclos. 

D'autre part, le genévrier de Virginie (Juniperus 
virginiana Linn.), appelé improprement aussi 
« cèdre rouge », possède, en un degré moindre 
probablement, les qualités de celui des Burbades. 
Indigène en Amérique à partir du golfe du Mexique 
jusqu'au 50° parallèle (limite septenirionale des 
Etats-Unis) et dans les Grandes Antilles, il est, 
sinon très abondant, moins rare du moins que son 


118 


congénère. Il se rencontre fréquemment, en France, 
dans les parcs et jardins paysagers, offre un tem- 
pérament rustique, croit dans tous les sols, bien 
qu’il préfère les terrains secs et siliceux, et à toutes 
les expositions; il ne requiert pas, nécessairement, 
comme le bermudiana, un climat chaud, puisque 


COSMOS 


4er AOUT 1949 


la limite Nord de son indigénat est le 50° degré. 
Il serait intéressant de rechercher et constater 
dans quelle mesure son bois serait inférieur à 
celui de son congénère des Bermudes, et d'examiner 
s’il n'y aurait pas avantage à le propager en vue 
de la fabrication des crayons. C. DE KIRWAN. 





La filtration des eaux du Nil dans l'isthme de Suez. 


Comme il pleut rarement en Égypte, le Nil 
y pourvoit presque seul à l’arrosement du sol, et 





depuis de longs siècles, ce coin privilégié de l'Afrique 
lui doit sa richesse. Ce fleuve célèbre a permis 


F1G. 1. — INSTALLATION FILTRANTE DU CANAL LE SUEZ A PORT-SAïb. 


notamment à de Lesseps de percer l’isthme de 
Suez. Sans le creusement du canal Ismailieh, qui 
en dérive et qui vint apporter sur les chantiers 
l'eau indispensable à l’alimentation des travailleurs, 
le grand Français n'aurait pu mener à bien cette 
colossale entreprise. Mais si le limon que charrient 
les eaux du Nil fertilise les terres, il faut le sup- 
primer par une filtration préalable pour quon 
puisse les utiliser comme boisson. 

Jadis, on construisit done au Caire, à Alexandrie 
et dans quelques autres villes égypliennes, des 
filtres à sable malheureusement trop primitifs 
pour résoudre le problème. Aussi la ville d’Alexan- 


drie décida, il y a quelques années, de s'adresser 
aux méthodes de filtrage américaines. Plus récem- 
ment, la Compagnie universelle du Canal maritime 
de Suez, afin de lutler contre le paludisme, réalisa 
des installations d'eaux potables système Puech- 
Chabald’abord à Ismailia. Cette ville, anciennement 
si insalubre, ne tarda pas à devenir indemne de la 
fièvre. Devant de tels résultats, on appliqua le 
même procédé d'épuration à Suez et à Port-Saïd, 
l'alimentation en eau pure des villes situées sur le 
canal et des navires qui transitent présentant une 
importance capitale au point de vue de la protec- 
tion sanitaire mondiale. 





N° 1436 


Parmi ces installations filtrantes édifiées sous la 
direction de M. Perrier, ingénieur en chef de la 
Compagnie du Canal, la plus importante est celle 
de Port-Saiïd (fig. 4), mise en service au commence- 
ment de 1910 et capable de filtrer quotidiennement 
plus de 15000 mètres cubes d'eau nécessaires aux 
besoins de la navigation ou de la population 
urbaine. 

L'eau douce du Nil arrive par une rigole, qui se 
détache à Ismaiïilia du canal Ismailieh et, à son 
entrée à Port-Saïd, passe, grâce à un tunnel-siphon 
en ciment armé, au-dessus d'un chenal maritime 
aboutissant à un bassin de commerce intérieur. 


COSMOS 119 


Cette conduite débouche à l'usine de filtrage, où 
une série de pompes élévatoires permet de 
relever les eaux brutes. Afin d’assurer un débit 
aussi régulier que possible, on a établi un réservoir 
régulateur d’une capacité de 200 mètres cubes, en 
surélévation au-dessus des filtres. 

L'installation de Port-Said comporte les trois 
stades (dégrossissage, filtration rapide, filtration 
lente) qui caractérisent le système Puech-Chabal. 
Le dégrossissage consiste à faire passer l’eau à fil- 
trer sur une succession de lits de graviers de plus 
en plus fins avec des vitesses filtrantes de plus en 
plus faibles. De la sorte, l'élimination des substances 


rex 

A f- gm 2 4 TRE 
C oo ET 
A ar e 


p 





F1G. 2. — RÉSERVOIR SURÉLEVÉ DE 3% M DE L'INSTALLATION FILTRANTE DE PORT-SAÏD. 


en suspension dans l'eau se poursuit méthodique- 
ment. Les particules grossières s'arrêtent dans le 
premier bassin, celles plus fines dans le second, et 
ainsi de suite. À Port-Saïd, les filtres dégrossisseurs 
comprennent quatre jeux semblables de deux com- 
partiments chacun et offrent une surface utile 
totale de 600 mètres carrés. Pour effectuer le net- 


toyage d’un de ces bassins, il suflit de le vider 


jusqu’à la surface des graviers et d'envoyer simul- 


tanément de bas en haut un courant d’eau et d’air 
sous pression à travers la masse limoneuse. Aussitôt, 
une vive agitation se produit (fig. 3), la plus grosse 
partie des boues en suspension s'écoule facilement 


par l'orifice de vidange, tandis que des ouvriers 
munis de pelles et de ringards facilitent et achèvent 
l'opération. 

La préfiltration succède au dégrossissage et le 
complète. On amène l'eau dégrossie au-dessus 
d'une couche de gros sable reposant sur un drai- 
nage en briques spéciales perforées établi de 
manière à ménager une circulation uniforme à tra- 
vers la masse sablonneuse. L'installation de Port- 
Saïd comporte seize préfiltres offrant une surface 
totale de 4 000 mètres carrés; l’eau en sort limpide 
et à un état d'épuration avancée. En mème temps 
qu'une clarification parfaite, les deux opérations 


120 


précédentes réalisent une épuration bactériologique 
susceptible de dépasser 95 pour 100. 

La purification s'achève dans des filtres à sable 
terminaux au fond desquels on a disposé une 


Biel UN 
LE. © cer 


F EE Nt N S 


Mar aF AN 


pa an 





F1G, 3. — NETTOYAGE D'UN BASSIN 
PAR UN COURANT D'AIR SOUS PRESSION. 


épaisseur de un mètre de sable (provenant des 
dunes d'ismailia) qui repose elle-même sur une 
couche drainante d’une construction spéciale. L'eau 
préliltrée traverse verticalement et de haut en bas 


COSMOS 


Aer aouT 1912 


la couche sablonneuse pour se rendre ensuite dans 
un vaste réservoir d’eau filtrée. 

D'autre part, un bassin découvert de 8 000 mètres 
cubes de capacité, qui précède l'installation filtrante, 
sert de réserve en cas d'accident ou de longues 
réparations sur la conduite d'’amenée, C’est là que 
s'effectue en outre la coagulation préliminaire 
des argiles fines. L'eau du Nil renferme effective- 
ment des particules argileuses très ténues qui s’y 
trouvent en suspension à l’état colloïdal et qu’on 
précipite complètement au moyen de permanga- 
nate de potasse à la dose d’un millionième (4 kilo- 
gramme pour {000 mètres cubes). L'’'addition s'opère 
dans une petite bâche disposée à l'entrée du bassin 
de réserve; l’eau arrive contre un voie vertical 
qui brise le courant, et, à sa sortie, plusieurs appa- 
reils de prise en surface la puisent pour la faire 
écouler par gravité jusqu'aux dégrossisseurs. 

Finalement, l’eau filtrée, dont le nombre de bac- 
téries ne dépasse pas normalement 10 par centimètre 
cube, est amenée à trois réservoirs qu'on aperçoit 
sur la figure 2. La surélévation de ces réservoirs 
à 34 mètres de hauteur donne la pression voulue 
pour distribuer l’eau dans toute la ville de Port- 
Saïd. De plus, la Compagnie a annexé à l’usine de 
filtrage un laboratoire où un personnel spécial 
exerce une surveillance bactériologique continue 
sur le fonctionnement des installations. L'eau sor- 
tant d’un filtre nouvellement nettoyé n'est livrée à 
la consommation qu'après une analyse complète, 
et, grâce à ces sages mesures, l’état sanitaire se 
maintient excellent dans l’isthme de Suez. Les épi- 
démies d’origine hydrique, si fréquentes autrefois, 
ne s'y observent que rarement et proviennent 
presque toujours des villes d'Égypte dépourvues 
d’eau potable. 

Jacques Boyer. 





Le transformisme, ses variations et l’eau de mer. 


En rendant compte d’un ouvrage de M. Étienne 
Rabaud intitulé : Le transformisme et l'expérience, 
le Cosmos du 6 juin dernier fait très judicieuse- 
ment observer, à l’encontre du parti pris antifina- 
liste de l'auteur, ceci : personne ne conteste que 
les instincts des animaux, simples ou complexes, 
ne soient conditionnés par les circonstances am- 
biantes, par les phénomènes d'ordre physique ou 
chimique dont ils subissent l'influence. Or, c'est 
cela et cela seul que démontrent les DUREE 
expériences décrites par M. Rabaud. 

Mais ici se retrouve, au fond, l'éternelle con- 
fusion sur quoi s'appuie l'école à laquelle il 
appartient, et qui consiste à prendre les condi- 
tions nécessaires à la formation des phénomènes 
pour la cause elficiente de ces mêmes phénomènes, 


De la segmentation de l'œuf protoplasmique en 
plusieurs blastomères qui se subdivisent à leur 
tour en préparation des différents organes de l'être 
en formation, le savant maître de conférences à 
la Sorbonne conclut que tout se passe comme si 
leur cause intrinsèque résidait dans la matière 
protoplasmique elle-même, et que, par conséquent, 
ladite matière se segmente, se transforme et se 
développe, évolue par sa propre vertu. 

Le raisonnement ne laisse pas que d'être boi- 
teux. 

Newton disait aussi, en énonçant la grande loi 
de la gravitation universelle, que « tout se passe 
comme si les corps s’attiraient en raison directe 
de leurs masses et inverse du carré de leurs dis- 
lances »; mais il avait grand soin d'ajouter, avec 


N° 1436 


une sévérité d’ailleurs peut-être excessive, qu'il 
regardait comme indigne d’un philosophe de con- 
sidérer cette attraction apparente comme une 
réalité. Pour lui, comme encore aujourd’hui pour 
la plupart des astrophysiciens, le grand phénomène 
de la gravitation universelle reste encore inexpli- 
qué, bien que « tout se passe comme si, etc. » La 
cause en serait ailleurs. 

De même pour la segmentation protoplasmique: 
tout peut bien se passer, quand d'un ovule fécondé 
se forme et se développe peu à peu un organisme 
plus ou moins compliqué, comme si ce développe- 
ment et cette organisation avaient leur principe et 
leur cause dans cet œuf lui-même. Mais cela ne 
prouve rien et n'empêche point de constater, 
comme le fait remarquer en toute évidence le 
compte rendu du Cosmos, qu'il y a dans l'individu 
vivant, dans l'espèce vivante, et surtout dans les 
instincts de telle ou telle espèce animale, quelque 
chose de transcendant à la matière, quelque chose 
que n'atteignent point les expériences physico- 
chimiques et à quoi se heurte vainement la com- 
pétence de l’expérimentateur. 

Comme l'indique le titre de son livre, M. Rabaud 
en tient toujours pour l’évolution transformiste; 
il semble ignorer que cette théorie, qui suscita 
naguère de si ardentes polémiques, subit en ce 
moment une crise dont on ignore quand elle sortira. 
Lui-même, cependant, y joue un ròle en contestant 
absolument les vues de Hugo de Vries sur les muta- 
tions brusques, et soutenant exclusivement les 
variations imperceptiblement lentes. M. Le Dantec 
lui-même, l'un des plus violents champions de la 
thèse antifinaliste, autrement dit des harmonies 
sans plan préalable mais purement fortuites et, 
par suite, de l’évolutionnisme absolu, a écrit tout 
un livre sur la crise du transformisme (4). M. le pro- 
fesseur Quinton, lui, ne nie pas, il est vrai, lévo- 
lution; mais il refuse de lui accorder la portée 
scientifique que ses partisans lui attribuent (2). La 
Revue de Philosophie a, dans le courant de l’année 
1910, publié toute une série d'articles sur les 
diverses théories transformistes, les objections 
qu'elles soulèvent, les faits et considérations plau- 
sibles qu’elles peuvent invoquer (3). Et la conclu- 
sion d'ensemble qui parait se dégager de ces 
nombreux et si divers travaux, c’est que si quelques 


(1) La crise du transformisme, 1909; Paris, Alcan. 

(2) Cf. D’ Lavrano, Sur la crise du transformisme. 

(3) Driescu, Biologie scientifique et transformisme. 

A. GExeci, Dariwinisme et vitalisme. 

A. Briot, le Problème de origine de la vie. 

C. Towgnp, le Transformisme dans les derniers 
échelons du règne végétal. 

E. WasMaxn, la Vie psychique des animaurr. 

H. Coun, la Mutation. 

R. DE SinéTy, Mimélisme et darwinisme. 

M. KozLuaxx, les Facteurs de l'évolution. 

J. Manrraix, le Néovitalisme et le darwinisme. 


COSMOS 


121 


faits en paléontologie requièrent certaines transfor- 
mations d'espèces les unes dans les autres, il n'y 
aurait pas là de loi générale dûment constatée et 
applicable à tous les organismes sans distinction. 

D'autre part, M. le D" Lavrand, professeur à la 
Faculté libre de médecine de Lille, a publié plus 
récemment un petit volume (1), dans lequel, pas- 
sant en revue les divers systèmes transformistes, 
il démontre avec une clarté parfaite l'illogisme et 
l'inanité d’un évolutionnisme sans cause première 


‚et sans finalité, tandis que l’évolutionnisme ration- 


nel et vraiment philosophique est une hypothèse 
scientifique plausible et vraisemblable si l’on veut 
et tant que l’on voudra, mais rien de plus. 

En présence d’un tel état de choses, sur un point 
qui suscite des controverses si nombreuses et si 
variées, il faut, reconnaissons-le, une certaine 
outrecuidance pour affirmer sans sourciller que 
« l'expérience apporte à l’évolution (telle que la 
comprend M. Rabaud)une éclatante confirmation »: 
qu'elle est « nécessairement le résultat des interac- 
tions permanentes de l'organisme et du milieu », 
et qu'enfin « l'expérience ne laisse rien subsister 
du créationnisme », lequel n'est, suivant l’au- 
teur, qu'un ensemble d’affirmations peu fondées, 
a cachant sous un verbalisme compliqué le renon- 
cement à comprendre », attendu, prétend-il, que 
« la recherche cesse au moment même où elle devrait 
commencer. » (2) 

Un aveu, utile à noter, node du reste ces 
affirmations tranchées: 

« Si nous renoncons à trouver dans le milieu la 
source des transformations, nous sortons néces- 
sairement (?) du transformisme pour entrer dans 
le créationnisme et son cortège téléologique. » 

Observons, d'abord, qu’on ne sort pas nécessai- 
rement du transformisme en entrant dans le « créa- 
tionnisme », attendu que la donnée d’une création 
originaire, in fieri, est la seule qui rende logique- 
ment et rationnellement admissible toute théorie 
transformiste. Oui, du transformisme sans cause 
première; des « variations préexistantes »; d'une 
« substance vivante se ramenant à un agrégat de 
caractères venant successivement au jour », le 
tout par la seule force inhérente à une matière 
existante par elle-même; de ce transformisme-là, il 
est clair que l’on ne peut sortir que pour «entrer 
dans le créationnisme et son cortège téléologique ». 
Mais, en mème temps, l'on sort de l'illogisme et du 
rationnellement absurde, pour rentrer dans le 
domaine de la raison et du bon sens. 

Il est vrai que, dès qu'on entre dans le « créa- 
tionnisme » et le téléologisme, on ouvre la porte 
toute grande à la providence d'un Dieu personnel, 
infini, créateur..... Et c'est là, pour certaine école, 


(1) Sur la crise du transformisme. Paris, Léthielleux, 
(2) CF, le Transformisme et l'erpérience, par ÉTIENNE 
Rasaup, p. 309 et s. 


122 : 


22 COSMOS 


une extrémité qu'il faut éviter à tout prix. 

Ce en quoi nos savants ne font plus de la science, 
mais bien, quoiqu’ils en aient, de la métaphysique, 
une métaphysique négative et ruineuse, mais enfin 
une métaphysique étrangère à la science. Le rôle de 
cette dernière est d'observer et de constater les phé- 
nomènes, d'en dégager les lois, non d’en rechercher 
la cause première. Cette recherche est du domaine 
de la philosophie (laquelle est, elle aussi, une 
science, d’un ordre différent, il est vrai, mais une 
science dans l'acception plénière du terme qui 
signifie Le savoir’), et de cette partie de la philosophie 
qui a nom ontologie ou métaphysique générale. 

Dire que l'expérience apporte à l’évolution (for- 
tuite et sans cause) une éclatante confirmation, 
c’est se payer de mots. Vous pouvez bien constater 
l’enchainement des phénomènes, les transforma- 
tions d'organes simples en organes plus compliqués, 
ou mème (chose beaucoup plusdélicateet discutable) 
d'espèces en d’autres espèces; vous ne pouvez pas 
établir scientifiquement que ces phénomènes ou 
séries de phénomènes ne dépendent pas à l’origine 
d'une cause première et directrice qui préside à 
leur marche. En le niant, vous faites, sous prétexte 
et à propos de science, une mauvaise métaphysique; 
vous ne faites plus de la science proprement dite. 

Oser affirmer que ce qu’on appelle « le création- 
nisme », c'est-à-dire l’œuvre de la création, « n'est 
qu'un ensemble d’affirmations peu fondées, cachant 
sous un verbalisme compliqué le renoncement à 
comprendre », prouve qu'on est dans l'ignorance 
absolue de ce dont on parle, et que, pour vouloir 
passer du rôle de naturaliste émérite et d'observa- 
teur sagace à celui d'ontologiste et de théologien, 
on s'expose à prendre le Pirée pour un homme. 


Le paralogisme constant, sur lequel se fondent 
toutes les dissertations extrascientifiques ayant 
pour but d'attribuer l’origine de la vie à un mou- 
vement propre et inné de la matière évoluant 
d'elle-même et par elle-mème, est toujours la con- 
fusion, comme nous le disionsau commencement, 
entre les conditions indispensables à l'exercice de 
la vie organique et le principe, la cause originelle 
de cette même vie. 

Considérons celle-ci, par exemple, dans l'homme 
et les animaux terrestres. Trois conditions, entre 
autres, lui sont absolument nécessaires: une 
atmosphère respirable, une certaine dose de cha- 
leur comprise en des limites assez restreintes et 
l'alimentation. La preuve que ces conditions sont 
inéluctables, c'est que la suppression d’une seule 
amène soit immédiatement, soit à bref délai, 
l'extinction de la vie. 

Dirons-nous pour cela que température modérée, 
air respirable et saine alimentation sont les causes 
de la vie? Non, assurément, car, si elles l'étaient, 


der AOUT 1912 


ni hommes ni animaux, ces conditions subsistant, 
ne vieilliraient ni ne s’éteindraient de mort natu- 
relle. La vie est donc conditionnée, mais non 
causée par elles, ce qui est essentiellement diffé- 
rent. 

Il faut croire que cette nuance fondamentale est 
difficile à saisir, car de bons esprits eux-mêmes se 
laissent prendre à cette confusion. 

Nous avons fait observer plus haut que M. Quin- 
ton dénie à l’évolution une portée qu’elle ne saurait 
revendiquer scientifiquement. Il nie notamment 
les variations indéfinies dont Darwin, généralisant 
à l'excès, avait fait, par l’évolution, la grande loi 
de la biologie, le rythme universel de la vie. Il 
établit, au contraire, la loi de la constance de la 
vie; mais, à part cela, il n’en reste pas moins attaché 
au principe du transformisme. 

Par des analyses et une étude approfondies et 
comparées du sang et de l’eau de mer puisée à une 
profondeur et un éloignement suffisant du rivage 
pour l'obtenir à son état de pureté normale, le 
savant professeur est arrivé à établir qu'il y a 
similitude parfaite entre cette eau et le « milieu 
interne ou vital » de l’homme et des animaux: ce 
milieu intérieur est à distinguer soigneusement du 
milieu extérieur qui est celui dans lequel vient se 
développer et agir l'être vivant, lequel change ou 
a pu changer plus ou moins dans la suite des 
âges, le milieu intérieur ou vital n'ayant jamais 
varié. 

Un grand nombre d'expériences, des plus signi- 
ficatives, ont pleinement confirmé les conséquences 
que le savant observateur avait déduites de ses 
analvses. « L’eau de mer, à la concentration iso- 
tonique, dit le D" Hellion, étant regardée comme 
le milieu vital ou intérieur des organismes supé- 
rieurs, il devait en résulter que ce liquide, injecté 
dans ces organismes, devait s’y montrer inoffen- 
sif. » (1) C'est ce qu'ont pleinement confirmé les 
experiences suivantes. 

Il fut injecté à des chiens un poids d’eau de mer 
égal ou supérieur au poids du corps de chacun 
d'eux, sans que les animaux en aient été sensible- 
ment incommodés. 

Mieux encore. Un chien est saigné à blanc et 
reste étendu inerte sur la table d’expérience; le 
D: Quinton lui injecte, en place, une quantité d'eau 
de mer égale à celle du sang retiré. « Le chien se 
ranime, sort vite de son abattement, trotte dès le 
lendemain, se rétablit rapidement et présente 
mème quelques jours plus tard une remarquable 
vilalité. » Ainsi l'eau de mer substituée au sang 
en avait exaclement rempli les fonctions. 

D'autre part, des globules blancs du sang ont pu 
étre conservés vivants dans l'eau de mer, in vitro, 
durant un temps assez long, tandis qu’ils meurent 


(1) D' HELLION, Revue pratique de biologie appliquée. 


N° 1436 


promptement dans tout autre milieu artificiel (4). 

Nous n'avons pas à indiquer ici les ressources 
nouvelles que peut procurer à la thérapeutique la 
découverte géniale du D° Quinton. Notre but, ici, 
est différent. 

L'ingénieux observateur veut tirer, de cette iden- 
tité par lui constatée entre le sang organique et 
l'eau de mer, la conclusion à notre sens excessive 
que la vie animale tout entière a pris naissance dans 
la mer ; que toutes les cellules animales aujourd’hui 
vivantes (et sans doute aussi celles des espèces 
disparues), soit isolées, soit groupées en organismes 
plus ou moins complexes, « ont eu pour ancêtres 
des cellules qui ont vécu baignées directement 
dans le milieu marin » (2). En sorte que tous les 
animaux existant ou ayant existé sur la terre pro- 
céderaient — par voie de modifications succes- 
sives dans la disposition des organes et par adap- 
tation graduelle à des milieux très différents, 
d’accommodement à des conditions très diverses — 
d'une souche primitive issue du milieu marin. Les 
cellules, cependant, différemment groupées suivant 
l’accroissement, le développement et la transfor- 
mation des organes, se seraient conservées à leur 
état primitif. De sorte que, en dépit des change- 
ments de milieu extérieur subis par les organismes, 
les cellules elles-mêmes n’ont pas cessé de vivre 
dans un milieu marin. 

De là toute une théorie évolutionniste appuyée 
sur des considérations différentes de celles de 
Darwin et de son école. 

Mais la conclusion est contestable. 

Il n’y a pas nécessairement relation de cause à 
effet entre la composition de l'eau de mer et la 
similitude de composition du sanganimal. Expliquer 
cette similitude ou, si l’on veut, cette identité, par 
la formation originelle de la vie animale au sein 
des mers, est une hypothèse; mais ce n’est qu’une 
hypothèse, ce n’est pas une preuve. On pourrait 
trouver d’autres explications aussi probantes. 

D'ailleurs, il y a longtemps que le fait de la pro- 


COSMOS. 


123 


portion considérable de l’eau dans les tissus et 
liquides organiques est connue. Ce qui est nouveau, 
c'est la constatation de la composition saline, ou 
plutôt marine, du sang. Il suffit donc que les 
mêmes éléments chimiques que ceux de l'eau de 
mer y aient été surajoutés pour réaliser la simili- 
tude constatée par M. Quinton. Et cela a pu ètre 
accompli sans immersion dansles mers des primitifs 
germes vitaux. 

Il y a läun fait acquis, parait-il, et pouvant avoir 
en médecine et en chirurgie des applications pré- 
cieuses, mais qui est encore inexpliqué. Ft il faut 
bien qu’il y ait sur ce point, comme en tant d'autres 
dans les arcanes de la science, quelque chose de 
mystérieux, s’il est vrai qu'après concentration par 
la chaleur et retour par dilution au titre primitif, 
l'eau de mer perd ses propriétés régénératrices. 
Des œufs d’oursins fécondés se développent déposés 
dans un cristallisoir rempli d’eau de mer normale; 
celle-ci, ayant été traitée comme il vient d’être dit, 
devient impropre à l’éclosion des œufs. Pourtant, 
rien n'indique que par un simple chauffage cette 
eau n'ait rien perdu de sa composition et des élé- 
ments chimiques qui la constituent... (1) Pourquoi 
donc n'a-t-elle plus la même vertu qu'auparavant? 

Concluons donc que plus on avance dans les 
découvertes scientifiques, plus se révèlent de nou- 
veaux faits précédemment insoupçonnés, mais dont 
tout d'abord l'explication nous échappe. De nou- 
veaux progrès, de nouvelles découvertes nous en 
donneront sans doute, à nous ou à nos descendants, 
l'explication certaine quelque jour. Mais à vouloir 
trop promptement prendre pour une loi ou une 
donnée acquise la première hypothèse qui se pré- 
sente à l'esprit, on risque de se lancer dans l'arbi- 
traire. 

Saluons la merveilleuse découverte de M. Quin- 
ton, mais ne nous hâtons pas d’en faire la base 
d'une nouvelle théorie transformiste s'ajoutant à 
tant d’autres, depuis celles de Lamarck et de 
Darwin. C. DE KIRWAN. 





Les vermifuges dans la thérapeutique moderne. 


Les substances anthelminthiques, c'est-à-dire 
propres à être employées comme médicaments 
pour débarrasser le tube digestif des vers qui s’y 
établissent en parasites, sont assez nombreuses. 
On ne les utilise cependant pas indistinctement, 
parce que chacune d'elles offre des avantages et 
des inconvénients particuliers qui la rendent, sui- 
vant les cas, efficace ou dangereuse. 

L'étude de ces propriétés a conduit la thérapeu- 


(1) Loc. cit. 
(2) Loc. cit. 


tique à faire parmi elles une sélection et à en 
régler l'emploi suivant la nature du parasite à 
éliminer et aussi suivant le degré de résistance de 
l'organisme du patient. Il ne faut pas oublier, en 
effet, que les anthelminthiques sont des poisons, 
et que, si à ce titre ils tuent le ver ou le mettent 
en infériorité vitale, ils ne sont pas sans danger 
pour le tube digestif humain qui les reçoit mo- 
mentanément. 

Voici, pour chacune des principales espèces de 


(1) Revue pratique de biologie appliquée. 


121 


vers intestinaux dont nous avons à appréhender 
l'invasion, la liste des médicaments que prescrit 
le plus volontiers la médecine actuelle, et qui sont 
ceux dont l'emploi a paru comporter le maximum 
d'efficacité avec le moins d’inconvénients. 

Contre l’oxyure vermiculaire, petit ver assez 
fréquent, et qui vit en familles dans le rectum, les 
substances absorbées par la bouche restent inac- 
tives, parce qu’elles sont digérées avant d'atteindre 
le point où siège le parasite : il faut donc inter- 
venir localement. 

On a le choix entre l'introduction d’une mèche 
de gaze imbibée d’onguent gris, ou les lavements 
d'eau salée, d'eau sulfureuse, d'huile de foie de 
morue et de glycérine, celles-ci soit séparément, 
soit associées. Un traitement souvent couronné de 
succès comporte l’administration en lavements du 
mélange suivant, dont la formule est due au 





RAMEAU FLEURI DE « BRAYERA ANTHELMINTHICA » (KOUSSO). 


Dr Scheffer : teinture d’eucalyptus, 5 grammes; 
teinture de myrrhe, 2 grammes; borate de soude, 
3 grammes; eau, 500 grammes. 

Contre ce mème parasite on a quelquefois con- 
seillé la naphtaline à la dose de 4 à 5 grammes 
par jour pour les adultes, et de 0,5 à 4 g pour les 
enfants, avec adjonction d’huile de ricin. 

Mais cette méthode est dangereuse, l'huile agis- 
sant comme dissolvant de la naphtaline et favo- 
risant son absorption par l'organisme; tout récem- 
ment. les journaux médicaux ont eu à enregistrer 
un cas d’empoisonnement mortel survenu dans ces 
conditions chez un enfant de six ans. 

Pour obtenir l'expulsion de l’ascaride lombri- 
coide, deux médicaments surtout, parmi quatre 
ou cinq, sont recommandés : le semen-contra (ou 
son principe actif la santonine) et la mousse de 
Corse (gigartina helminthochorton). 


COSMOS 


A" aout 1942 


La santonine est de préférence administrée aux 
adultes; elle s'emploie alors à la dose de 0,05 à 
0,20 g. Ses propriétés sont plutôt vermifuges que 
vermicides, c'est-à-dire qu’elle engourdit le para- 
site sans le tuer: son action doit être par suite 
corroborée par celle d’un purgatif, provoquant 
l'expulsion du ver mis en état d’infériorité vitale. 

C'est un médicament toxique, suffisamment 
toléré en général à la dose utile, mais qui chez 
certains individus particulièrement susceptibles 
peut provoquer des accidents graves. 

Elle agit sur le système nerveux central, et on 
a constaté à la suite de son emploi une passagère 
xanthopsie (c’est-à-dire la vision en jaune des 
objets), causée probablement par une paralysie 
des éléments nerveux de la rétine sensibles au 
violet. 

Au-dessus de 0,5 g la dose devient dangereuse 
et peut occasionner la mort par inhibition des 
centres respiratoires. 

De plus, il ne faut pas oublier que, même à 
petites doses espacées, la santonine s’élimine très 
lentement de l'organisme, et laisse toujours sub- 
sister la crainte d'une accumulation provoquant 
l’empoisonnement comme le ferait une dose mas- 
sive. D'où la nécessité de choisir avec soin le pur- 
gatif qui doit lui être associé, et d'employer pour 
ce but un sel à l’exclusion de l’huile de ricin, dans 
laquelle elle est très soluble. 

Chez l'enfant, plus sensible que l'adulte aux 
médicaments, la santonine ne doit être que rare- 
ment prescrite, et il est préférable d'employer la 
poudre de semen-contra, à la dose de 1,5 g, bien 
mèlée à de la confiture ou à du miel. 

S'il y avait quelque raison d'employer la santo- 
nine, il faudrait le faire avec prudence, et chez les 
enfants de moins de trois ans ne pas dépasser la 
dose de 0,05 g. 

Enfin, il y a des enfants particulièrement faibles 
(convalescents, anémiques) auxquels ne conviennent 
ni la santonine ni le semen-contra. Dans ces cas 
on pourra avoir recours, avec chances de succès, 
au mélange d'algues connu sous le nom de mousse 
de Corse (où domine le gigartina ou gracilaria 
helminthochorton). On en fait une infusion dans 
du lait bouillant, à la dose de 1 à 1,5 g par 
annte d'âge de l'enfant; on administre le liquide 
d'infusion après l'avoir passé et édulcoré, 

Contre l’ankylostome duodénal, parasite qui 
n'est fréquent que dans certaines conditions spé- 
ciales de résidence ou de profession, et qui cause 
la dangereuse affection connue sous le nom 
d'anémie des mineurs, le vermifuge de choix, du 
consentement unanime des médecins, est l'extrait 
éthéré de fougère mâle, à la dose de 2 à 8 grammes 
en plusieurs fois. 

On peut remplacer l’extrait par la poudre, au 
taux de 6 à 42 grammes dans 200 grammes d’eau. 


N° 1436 


Ce médicament exige le concours d’un purgatif, 
de préférence drastique (calomel, scammonée) qui 
se donne deux heures après l’administration de la 
substance vermifuge. 

Ces trois vers, oxyure, ascaride, ankylostome, 
appartiennent au groupe des nématodes, ou vers 
ronds. Ils sont encore justiciables, outre les 
remèdes spécifiques qui viennent d'être indiqués, 
du thymol, pris en cachets à la dose de 4 à 
4 grammes, dose fragmentée de telle manière que 
- le médicament soit absorbé par petites quantités 
en plusieurs fois et que le traitement dure trois 
jours. 

L'emploi du thymol exige l'abstention absolue 
de toute boisson alcoolique; s’il donnait lieu à des 
douleurs gastriques, il faudrait donc se garder 
d’avoir recours pour les calmer à l’eau chlorofor- 
mée ou à l’éther, et prendre seulement de l’eau 
pure, de l’eau de fleurs d'oranger ou de la glace. 

Parmi les cestodes ou vers plats, trois espèces 
surtout sont à redouter par l’homme : le bothrio- 
céphale, le ténia inerme et le ténia solium ou ver 
solitaire proprement dit. Leur expulsion exige des 
substances très actives, dont l'action doit être 
aidée d'un purgatif et préparée par une diète lactée 
de la deuxième moitié du jour précédant le trai- 
tement. 

Le bothriocéphale est très sensible à l'extrait 
éthéré de fougère måle, dont le mode d'emploi et 
les proportions viennent d'être indiqués, et au 
kamala, qui parait constituer contre le redou- 
table cestode le remède le plus convenable. 

Le kamala est une poudre rouge obtenue. en 
brossant les capsules d'une euphorbiacée tincto- 
riale des Indes orientales et de l’Australie tropi- 
cale, le Rottlera tinctoria. 

Cette poudre se prescrit à la dose de 10 à 
12 grammes, à prendre en deux fois; le kamala 
s’administre également en teinture. Cet anthelmin- 
thique offre l'avantage de ne pas nécessiter la 
coopération d’un purgatif, et suffit à lui seul à 
provoquer la mort et l'expulsion du parasite. 

Pour avoir raison du ténia inerme, il faut un 
agent énergique. Celui qui donne les résultats les 
plus satisfaisants est un alcaloide extrait de 
l'écorce de la racine du grenadier, la pelletiérine, 
qui s’administre sous forme de sulfate. 

Les propriétés vermifuges et ténicides de l'écorce 
du grenadier sont connues et utilisées depuis long- 
temps; son emploi à ce titre était déjà vulgaire 
du temps de Caton le Censeur. Cependant il semble 
bien que l'écorce soit moins active que son alca- 
loïde : d’après Béranger-Féraud, la proportion des 


COSMOS 


125 


succès avec l'écorce ne serait que de 45 pour 
400 et atteindrait 90 pour 100 avec la pelletiérine. 

L'énergie du sulfate de pelletiérine se renforce 
par l’addition de tannin, substance qui existe 
spontanément dans l’écorce; on conseille la for- 
mule suivante : sulfate de pelletiérine, 0,4 g; 
tannin, 1,2 g; eau, 100 grammes; cette dose à 
prendre en deux fois. 

À la suite de l'absorption de la pelletiérine, un 
purgatif s'impose; le meilleur est l’huile de ricin, 
prise une demi-heure après le médicament. Celui- 
ci occasionnant du vertige, le patient devra, après 
l'avoir absorbé, demeurer étendu une demi-heure. 

La pelletiérine est toxique et produit sur le sys- 
tème nerveux des effets qui peuvent se rapprocher 
de ceux du curare. De là l'obligation du purgatif 
adjuvant et la nécessité de restreindre à la plus 
courte durée possible la diète lactée préalable. 

Quoique les enfants soient moins sensibles que 
les adultes aux propriétés nuisibles de la pelletié- 
rine, cependant une substance aussi énergique ne 
convient guère à des organismes jeunes et fragiles; 
il faudra en tout cas ne la leur administrer qu'avec 
la plus extrême prudence, et ne pas dépasser la 
dose de 0,2 g, c’est-à-dire la moitié de la quantité 
convenable pour l'adulte. 

Contre le ver solitaire proprement dit (Tænia 
solium), la thérapeutique peut employer avec 
toutes chances de succès le kousso, remède formé 
des fleurs d'une rosacée indigène en Abyssinie, le 
Brayera anthelminthica. 

Le kousso est à la fois ténifuge et ténicide; par 
suite, il ne nécessite l’adjonction d’un purgatif (en 
ce cas, un sel) que s’il n’a pas provoqué l'expulsion 
du parasite dans l'heure qui suit son absorption. 
Il s'emploie à la dose de 15 à 30 grammes pour les 
adultes, et de 45 grammes pour les enfants. 

Tel est l’arsenal anthelminthique auquel la méde- 
cine moderne a le plus volontiers recours, à raison 
de la constatation qui a été faite de son efficacité. 
Toutefois, l’indication qui vient d’être donnée ne 
saurait être considérée comme limitative, parce 
qu’il faut toujours tenir compte, en thérapeutique, 
du tempérament propre du patient, qui peut le 
rendre réfractaire aux médicaments d’une action 
sûre et constante dans la généralité des cas. En 
présence d'un insuccès dû à cette exceptionnelle 
résistance de l’organisme, c’est au médecin à in- 
stituer un autre traitement. Dans le cas particulier 
des vermifuges, cette substitution peut se faire 
aisément, car les remèdes ne manquent pas. 


A. ACLOQUE. 


126 COSMOS er aouT 1912 


Les difficultés de pose des conduites sous l’eau. 


Dans bien des circonstances, on se trouve dans tement sous l’eau et sans creuser de tunnels, en 
la nécessité de poser au travers d’une rivière, direc- siphon le plus ordinairement, des conduites métal- 








LA CONDUITE AU SEC SUR LA PLAGE: 


liques d'un diamètre assez gros; c'est soit pour Nous pourrions citer d'assez nombreux exemples 
donner passage à des eaux d'alimentation, soit,de de travaux de ce genre; on y trouve toujours des 
plus souvent, pour faire circuler des eaux d’égout enseignements; d'autant que fréquemment les con- | 
el les envoyer au loin, vers des champs d'épandage,  duites placées de la sorte ont besoin de réparations, 
des usines de traitement, etc. et que ces réparations sont particulièrement diffi- 


N° 1436 COSMOS 127 


ciles, plus difficiles même que la pose. Comme 
conduite de très grosses dimensions, nous signale- 
rons celle qui fait partie du réseau d'alimentation 
de Jersey-City, dans la région de New-York. Cette 
conduite, immergée au fond de la rivière Hacken- 
sack, est en tôle d'acier rivé, de 17,5 mm d’épais- 
seur, et son diamètre est de 141,83 m; elle est 
immergée sous une profondeur d’eau de 9,75 m. Elle 
a été fournie en bouts de 8,54 m environ de lon- 


gueur; ces bouts étaient assemblés sur la berge de 
la rivière et sur un échafaudage ; puis, l'assemblage 
une fois fait, on enveloppait la conduite d’anneaux 
de béton, façonnés préalablement dans des moules, 
et constituant à cette conduite un revêtement con- 
tinu. On avait dragué au préalable une tranchée 
dans le lit de la rivière, et la conduite, formée 
comme nous venons de le dire, était chargée sur 
des bateaux, puis descendue lentement dans cette 





LA CONDUITE FLOTTANT ET SA REMORQUE. 


tranchée. Il a fallu immerger de la sorte une lon- 
gueur de 256 mètres. Le tuyau pesait 200 kilo- 
grammes par mètre courant, et la partie immergée 
‘était rigide, sans joints articulés, avec des courbes 
dans le plan vertical correspondant au profil du 
lit. Comme d’ailleurs le revêtement en béton avait 
un diamètre extérieur de 2,35 m, on arrivait à ce 
que le poids total par mètre courant de conduite 
revêtue était de 3 375 kilogrammes à peu près. 

A la vérité, le procédé de mise en place employé 


dans ces circonstances n'avait pas une originalité 
très grande. On a procédé de façon nettement dif- 
férente pour le siphon de Suresnes, qui a eu pour 
objet de faire traverser la Seine aux eaux du col- 
lecteur de la rive droite du fleuve, pour les réunir 
à celles du collecteur de la rive gauche, et les con- 
duire toutes à l’usine élévatoire de Suresnes. La 
partie immergée dans le lit même du fleuve est 
longue de 164 mètres; elle comporte un tronçon 
horizontal de 130 mètres, placé au fond du fleuve 


128 


et raccordé par des coudes avec des branches 
inclinées en forme d'S et disposées sous les berges. 
Pour mettre en place ce siphon dans la traversée 
de la Seine, on l’avait construit sur la berge même, 
puis on l'a lancé d'une seule pièce dans le fleuve : 
bien entendu, après avoir fermé ses extrémités 
pour assurer sa flottaison. On l’a ensuite remorqué 
jusqu’à l’aplomb de son emplacement définitif, et 
on l’a descendu, en le surchargeant, dans une 
tranchée qui avait été creusée au préalable à travers 
le lit du fleuve. La conduite est formée de tuyaux 
en tôle d'acier d'une épaisseur de 43 millimètres : 
cette grande épaisseur avait été adoptée pour 
répondre aux fatigues que subit le métal dans 
l'opération même du lancement et de l’échouage, 
et non pas lors du fonctionnement normal du 
siphon. Le mode de lancement adopté était assez 
curieux: on plaçait les tuyaux sur des longrines 
transversales surplombant le fleuve, et que l'on 
pouvait ensuite faire basculer en leur donnant une 
inclinaison telle que le tuyau glissait naturelle- 
ment à l’eau. Ces longrines, qui étaient en chêne, 
avaient une longueur de 12 mètres, et oscillaient 
sur des semelles en chène également, taillées de 
façon convenable. Le siphon fut échoué sur toute 
sa longueur, y compris même les tronçons en 
forme d’S dont nous avons parlé, l’assemblage de 
ces tronçons avec les extrémités de la partie flot- 
tante du siphon se faisant gràce à des palées en 
bois construites sur chaque rive. De la sorte, on 
évitait l'établissement de bâtardeauxeton n'arrêtait 
pas la navigation. Lorsque le siphon fut mis à l’eau, 
on vint amarrer de chaque côté des bateaux, au 
nombre de trois, jumelés par des poutres suppor- 
tant les platcs-lormes de manœuvre. Pour la 
dés-ente, on lesta le tuyau au moyen de paquets 
de rails; une fois le tuyau rempli d’eau, on put 
enlever ces paquets à l’aide d’une grue et d’un sca- 
phandre. On coula ensuite du béton de manière à 
noyer complètement ia conduite. 

Get échoucment d'une seule pièce, mème pour 
les conduites de grande longueur, semble bien 
supérieur à l'échouement séparé de sections dont on 
formerait ensuite les joints sous l'eau par l'inter- 
médiaire de scaphandriers. Cela n'empèche du reste 
que les onérations d'échouement ne soient chose 
assez délicate; les joints des tuyauxsontexposés à des 
efforts considérables, si l’on ne prend pas des pré- 
cautions pour que l'entrée de leau se fasse égale- 
inent et pour que la descente se produise aussi 
horizontale que possible. Un accident retentissant 
sest produit lors de léchouage d’un siphon à 


COSMOS 


Aer AOUT 1912 


Dresde, une rupture brusque de joint s'étant faite 
au milieu de la canalisation que l’on était en train 
d'immerger. Dans certaines circonstances, par 
exemple quand il s’agit de couler une de ces con- 
duites dans une rivière à marée, le lancement de 
la conduite est grandement facilité, sa mise à l’eau 
s'effectuant presque automatiquement. Nous pou- 
vons donner de ce cas deux photographies que 
nous devons à une grande fabrique spéciale, la 
British Welding Company, dont les ateliers de 


. Motherwell se sont fait une spécialité de la con- 


struction des grosses conduites en acier soudé. Il 
n'y a pas très longtemps, cette maison a eu à 
fournir à la petite ville anglaise de Dunoon toute 
une série de canalisations métalliques, destinées à 
faire passer les eaux d’égout sous des petites baies 
dépendant de l’agglomération; certaines de ces cana- 
lisations offraient une grande longueur etun très gros 
diamètre. L'une avait 440 mètres de long, et l’autre 
183 mètres; la première présentait un diamètre de 
69 centimètres, tandis que l’autre, la plus longue, 
n'avait comme diamètre que 38 centimètres. Ainsi 
qu'on le voit très nettement sur les photographies 
ici reproduites, les conduites avaient été montées 
sur la plage, et furent descendues assez facilement 
au moyen de rails et de rouleaux jusqu'à la portion 
de la plage qui se trouvait émerger à marée basse, 
mais qui devait être recouverte par l’eau à marée 
haute. Si, d’ailleurs, on examine une de nos pho- 
tographies, on s’apercevera facilement que la 
grosse conduite notamment est munie de cornières 
de place en place, lui permettant, une fois descen- 
due sous l’eau, de prendre appui solidement sur 
des massifs de maçonnerie constitués à l'avance, 
où on l'a boulonnée de façon qu'elle ne puisse 
se déplacer sous l'influence des vagues de fond. Un 
détail assez intéressant à une époque où l'automo- 
bilisme prend un tel développement : les nouvelles 
conduites ont été amenées sur place, une fois 
qu’elles ont été lancées et qu’elles ont flotté, par 
des petits bateaux automobiles, qui n'ont pas eu 
de peine à les trainer. Bien entendu, et comme 
toujours, les extrémités des conduites avaient été 
fermées par des parois provisoires assurant leur 
flottabilité. On avait naturellement choisi un temps 
particulièrement calme pour le remorquage de ces 
conduites. L'opération s’est bien passée, et c'était 
un spectacle peu ordinaire et très pittoresque, que 
de voir un pelit bateau automobile attelé en avant 
de cet énorme tuyau flottant semi-immergé. 
DANIEL BELLET, 
prof. à l'École des sciences politiques. 


N° 1436 


COSMOS 


129 


La vaccination antituberculaire. 


VIle Congrès international de la tuberculose. 


La prophylaxie, c'est-à-dire la partie de la méde- 
cine qui a pour objet les précautions propres à con- 
server la santé, s'efforce de combattre la diffusion 
des maladies infectieuses, soit en isolant et en 
réduisant à l’impuissance les sources de contagion, 
soit en modifiant le terrain organique de l'homme, 
de façon à le rendre plus ou moins réfractaire à 
l’action des microbes pathogènes. 

La vaccination antivariolique, empiriquement 
appliquée depuis le xvin® siècle et devenue obliga- 
toire dans les nations où l'hygiène publique est 
bien organisée, a presque fait disparaître le fléau 
de la variole dans les pays civilisés. Va-t-il en être 
de même pour la vaccination antituberculaire, 
destinée à mettre l'organisme humain à l'abri de 
l’action pernicieuse des bacilles de Koch, dont la 
dissémination dans le milieu où nous vivons ne 
saurait être complètement empèchée? Cette ques- 
tion a été posée de nouveau au VII* Congrès inter- 
national de la tuberculose à Rome : le Congrès n’a 
pu que prendre acte des essais effectués et des 
résultats obtenus par les différents expérimenta- 
teurs. Quoiqu'il ne se soit pas prononcé sur la valeur 
prophylactique de la vaccination antituberculaire, 
il est intéressant d'examiner l’état actuel de cette 
question. 

Existe-t-il une vaccination naturelle, une auto- 
vaccination antituberculaire, créant dans l’orga- 
nisme un état réfractaire à la tuberculose pareil 
à celui qui, dans le cas, par exemple, de la 
variole, se produit à la suite d'une première 
attaque heureusement surmontée? 

Ce que nous savons aujourd’hui de l'évolution de 
la tuberculose, des propriétés pathogènes du bacille 
tuberculeux et de ses poisons adhérents ou diffu- 
sibles, semblerait indiquer que, contrairement à 
nombre de processus infectieux, la tuberculose, loin 
de vacciner, sensibilise, au contraire, pour d’autres 
manifestations tuberculeuses. Cependant, il n'en 
est pas toujours ainsi, et si quelques sujets, une fois 
atteints par la tuberculose, demeurent ensuite, 
même après guérison, particulièrement sensibles à 
l’action infectante et toxique des bacilles et de 
leurs poisons, il en est d’autres, au contraire, qui 
paraissent doués d’une plus haute résistance après 
avoir été touchés par la tuberculose. C’est le cas 
particulièrement des malades guéris d'une tubercu- 
lose de la peau, des articulations ou des os; c'est 
le cas des sujets porteurs d’adénopathies cervicales 
chroniques, de nature tuberculaire, qui, comme l'a 
fait remarquer M. Marfan, ne contractent presque 
jamais la tuberculose pulmonaire. En général, 
l'étude du sang de ces sujets témoigne que leurs 
tissussont largementimprégnés de substances défen- 


sives spécifiques antituberculaires, dont quelques- 
unes, les opsonines, paraisssent douées de la pro- 
priété d'activer les processus de phagocytose, si 
importants dans la lutte de l'organisme contre la 
tuberculose. Il semblerait donc logique d'admettre 
que la création de l’état d’anaphylaxie tuberculaire 
à la suite d’une première infection n’est pas de 
règle, surtout lorsque l'organisme est demeuré 
vainqueur de la tuberculose par ses propres forces, 
par une exaltation, conséquence d'une réaction 
salutaire, des pouvoirs naturels antibacillaires et 
antitoxiques des humeurs et des cellules des tissus. 

Un foyer tuberculeux limité, bien guéri, sponta- 
nément guéri, peut donc conférer à l’homme un 
certain degré d'immunité antituberculaire. Ce degré 
peut être plus ou moins élevé et durable: au reste, 
il n’y a que des immunités relatives, il n'y en a 
pas d’absolues. 

D'autre part, expérimentation de laboratoire a 
réussi à démontrer qu’il est possible de créer chez 
les animaux un état particulier de résistance 
envers les bacilles tuberculeux et leurs poisons, 
moyennant traitement par les injections sous- 
cutanées ou intra-veineuses de produits tubercu- 
leux, en commençant par de petites doses pour 
arriver progressivement à des doses très élevées. 
En se servant, comme a fait M. Calmette, des 
voies digestives pour l'introduction des substances 
employées comme vaccin antituberculeux, on arrive 
aux mêmes résultats. Les animaux ainsi traités 
possèdent dans leurs humeurs et leurs tissus une 
grande quantité de principes antituberculaires, 
dont on démontre la présence dans le sérum 
recucilli dans le but de l’employer pour le traite- 
ment de la tuberculose humaine. Ces animaux 
peuvent quelquefois résister à l'inoculation intra- 
veineuse de cultures vivantes de bacilles tubercu- 
leux, pourvu que les doses employées ne soient 
pas trop élevées. C'est dire que, à côté de l'auto- 
vaccination antituberculaire de l'homme, il existe 
aussi une vaccination expérimentale des animaux, 
au moyen des bacilles et de leurs produits toxiques. 

Nous n'avons parlé, jusqu’à présent, que de la 
vaccination active, celle qui est la conséquence de 
la mise en suractivité des énergies délfensives de 
l'organisme stimulées pur l'introduction dans les 
tissus de substances actives de nature tuberculaire, 
fonctionnant comme antigènes. Il existe aussi une 
vaccination passive, celle qui est conférée par les 
sérums antituberculeux. Tout animal sain, inoculé 
avec le sérum antituberculaire, devient plus résis- 
tant envers les poisons tuberculaires et mème 
envers les bacilles vivants. Cependant, on est géné- 
ralement d'accord sur ce point. Il pe peut y avoir 


150 


de vaccination antituberculaire de quelque durée 
et de quelque efficacité sans le concours de la réac- 
tion des cellules des tissus stimulées par les pro- 
duits tuberculeux. 

Serait-il possible d'appliquer à l’homme sain le 
fruit des observations sur la vaccination spontanée 
et celui des expériences de vaccination active et 
passive entreprises sur les animaux? 

L’auto-vaccination consécutive à la guérison 
spontanée d'un foyer tuberculeux est une immunité 
antituberculaire conférée par les bacilles vivants: 
la vaccination expérimentale la plus efficace parait 
celle — lorsqu'elle réussit, c’est-à-dire lorsqu'elle 
n'est pas suivie d'infection générale et progressive 
— conférée au moyen des injections dans les tissus 
et dans les veines, ou bien de l'introduction, 
par les voies digestives, d’un matériel vaccinant, 
s’approchant le plus possible des bacilles vivants. 
Ceux-ci, en petites quantités, donnent les immuni- 
sations les plus solides lorsqu'ils sont tolérés. 
Pareille immunisation, comme on voit, s'approche 
beaucoup de l’immunisation naturelle par auto- 
vaccination. 

Malheureusement, nous ne possédons pas encore 
ce vaccin idéal qui, tout en ayant les propriétés 
vaccinantes des bacilles vivants, n’en présenterait 
pas les dangers d'infection. M. Behring a cherché 
des vaccins « jennériens », c’est-à-dire qu'il a 
essayé de vacciner une espèce (bovidés) avec un 
virus prélevé sur une autre espèce (homnre). On a 
fait déjà une foule d'expériences sur la bovovacci- 
nation, elles prouvent tout au moins — observe le 
D" Burnet — qu'on peut créer un certain degré 
d'inimunité contre la tuberculose. Mais, même 
pour l'espèce bovine, la méthode n'est pas encore 
apte à entrer dans la pratique. Il en est de mème 
pour toutes les autres méthodes d’immunisation 
au moyen de bacilles de la tuberculose des ani- 
maux à sang froid, de bacilles de la tuberculose 
aviaire, de baciles introduits par les voies diges- 
tives, ete. 

Ces résultats, en partie négatifs, en partie sim- 
plement encourageants, témoignent qu'il est pour 
le moment impossible de songer à une vaccination 
aniituberculaire de l'homme au moyen des bacilles 
vivants ou simplement atténués. Mais devons-nous 
renoncer pour cela à l'étude des moyens propres à 
élever, mème d'une faible quantité, le degré de 
résistance de l'homme à l'infection tuberculaire! 

M. Maragliano, qui s'occupe activement de toutes 
les questions relatives à l’immunité antitubercu- 
laire, s'est exprimé au Congrès de Rome en termes 
favorables aux méthodes de vaccination humaine 
fondées sur l'inoculation de produits tuberculeux 
incapables de produire l'infection. Ge n'est point la 
vaccination théorique, idéale, avec des bacilles 
vivants, mais elle confère à l'homme un certain 
degré de résistance, qui pourrait être suffisant. 


COSMOS 


Aer AOUT 191% 


En effet, M. Maragliano, qui a donné au Congrès 
de Rome une conférence sur la vaccination antitu- 
berculaire, observe que l'infection bacillaire spon- 
tanée de l’homme se produit en des conditions 
bien différentes de celles qui se vérifient lors des 
inoculations expérimentales de bacilles aux ani- 
maux. L'homme devient habitueliement tubercu- 
leux à la suite de la pénétration, soit récente, soit 
ancienne, d'un nombre minime de bacilles dans 
ses tissus. En outre, les bacilles que nous inhalons 
si facilement avec les poussières sont en grande 
partie des bacilles morts. Les infections tubercu- 
laires de l’homme aboutissent dans la majorité 
des cas à la guérison, comme le démontrent les 
autopsies : c’est mème sur la fréquence des infec- 
tions tuberculaires de l'enfance, victorieusement 
surmontées, que M. Behring a fondé sa théorie de 
l’immunité naturelle plus ou moins évidente de 
certains sujets envers la tuberculose. Ainsi le pro- 
blème de la vaccination humaine contre le terrible 
fléau pourrait trouver sa solution dans une méthode 
capable simplement d'élever quelque peu le taux 
de la résistance organique antituberculaire. Il ne 
s’agit pas de trouver une méthode d’immunisation 
active absolue, car il ne viendrait à l'esprit de per- 
sonne de vouloir soumettre les sujets vaccinés à 
l'épreuve de contrôle de l’inoculation intra-veineuse 
de bacilles tuberculeux vivants. 

M. Maragliano a expérimenté deux sortes de 
vaccin. L'un est composé de bacilles tués à la cha- 
leur et émulsionnés dans la glycérine; l’autre est 
obtenu en inoculant sous la peau des animaux une 
certaine quantité de bacilles atténués, en recueil- 
lant, après quelques jours, le pus qui s’est formé 
au siège de l'inoculation, et en le réinoculant à un 
autre animal; en procédant de la sorte plusieurs 
fois de suite, on obtient un matériel vaccinant qui 
ne contient plus de bacilles vivants, mais seulement 
des fragments de bacilles plus ou moins modifiés 
dans leurs propriétés biologiques par les humeurs 
du sang, par les ferments cellulaires, par la pha- 
gocytose. 


Les vaccins du professeur Maragliano ont été 
inoculés, selon la technique de la vaccination anti- 
variolique, à un grand nombre de sujets sains et 
de sujetsquiavaient déjà supporté quelques atteintes 
du mal. Il a été essayé sur les enfants issus de 
parents tuberculeux.A près soixante ou quatre-vingts 
jours, en examinant le sang, on trouve qu'il est 
riche en substances antituberculaires, comme le 
sang des animaux séro-producteurs. Cette richesse 
en substan:es défensives spécifiques témoigne d’un 
certain degré d'immunisation. Nous ignorons la 
durée exacte de cette période d’immunité relative. 
M. Maragiiano s’est borné, dans sa conférence, à 
nous informer qu'il a pu suivre de près, pendant 
ces dernières annces, 465 enfants vaccinés, vivant 
dans des condilions hygiéniques défavorables, qui 


N° 1436 


tous sont vivants et bien portants. Il faudrait, 
a-t-il dit, poursuivre plus largement ces expériences, 
ce qui parait être l'unique moyen pour nous rendre 
compte de leur efficacité. | 
Si l’on accepte le principe théorique de la vacci- 
nalion antituberculaire, lequel, en somme, comme 
nous l'avons vu, est d'une simplicité frappante, il 
faut admettre la possibilité de trouver des moyens 
propres à enrayer la marche de la tuberculose 


COSMOS 


131 


autres que ceux d'ordre hygiénique. La vaccination 
antituberculaire agirait malgré les sources si abon- 
dantes de l'infection bacillaire. Ainsi peut-être le 
Congrès de Rome a-t-il pu se persuader encore 
une fois de l'importance que peut avoir dans la 
lutte contre la tuberculose le fameux principe 
énoncé par Trousseau : « Semez sur le roc, vous 
n'aurez point de récolte; semez sur le terreau, et 
vous en aurez une abondante. » D" P. Gocara. 





SUR LA FORME PROBABLE 


de la partie immergée de quelques icebergs.” 


Sur tout le pourtour de la calotte de glace 
antarctique, la glace s'écoule vers la mer et forme 
une banquise qui se termine par une falaise ayant 
généralement de 50 à 60 mètres de hauteur, et 
parfois davantage. Cette banquise flotte sur la mer, 
jusqu’à une grande distance, avant de se détacher. 
Dans le cas où elle émerge de 60 mètres, elle doit 
avoir plus de 500 mètres d'épaisseur totale. En se 
disloquant, elle fournit des icebergs immenses. On 
en cite un, qui a été vu et signalé par une vingtaine 
de navires, qui avait 400 kilomètres de longueur 
sur 64 kilomètres de largeur. Il émergeait d'une 
centaine de mètres, c’est-à-dire d’une hauteur 
égale à celle des plus hautes falaises des environs 
de Dieppe, et avait, par conséquent, une épaisseur 
totale d'environ 900 mètres. 

Dans la région arctique, on ne trouve pas de 
banquise ayant une importance comparable à celle 
de la grande banquise qui entoure la région 
antarctique. 

Les grandes calottes de glace boréales, l’inlandsis 
groenlandais, par exemple, au lieu d'arriver directe- 
ment à la mer, s'y déversent surtout par la voie de 
glaciers qui peuvent avoir une vingtaine de kilo- 
mètres de largeur. 

Le front de ces glaciers ne s'étale pas au loin, 
sur la mer, comme le fait la banquise australe ; 
mais il se disloque à très peu de distance du 
rivage. La dislocation se fait par gradins relative- 
ment petits lorsque la pente du glacier est assez 
forte, et par morceaux beaucoup plus gros lorsque 
le glacier est en pente très douce et livre à la mer 
une glace compacte, très épaisse et peu fissurée. 


(1) Cette note est la reproduction presque intégrale 
d'une brochure de M. Janet, qu’il nous a gracieuse- 
ment autorisée à reproduire. Son sujet sort un peu 
du cadre des études ordinaires de l’auteur, qui onten 
général pour objet la physiologie animale et végétale, 
et qu'il a publiées, soit séparément, soit dans de 
nombreuses communications à l’Académie des 
sciences. On voit ici avec quel succès il sait aborder 
des questions d'une toute autre nature. 


D'après Helland, il y a, au Groenland, des gla- 
ciers dont la vitesse d'écoulement atteint 49 mètres 
par jour. 

De l’autre còté de l'Amérique septentrionale, en 
Alaska, le glacier de Muir, qui, d'après F. Wright, 
a en certains points une vitesse d'écoulement de 
21 mètres par vingt-quatre heures, déverse dans la 
mer jusqu'à 6 millions de mètres cubes de glace 
par jour. 

La quantité totale de glaces flottantes livrées 
annuellement à la mer par les glaciers boréaux est 
évaluée à une trentaine de milliards de mètres 
cubes. 

Les icebergs du nord de l'océan Atlantique pro- 
viennent, en majeure partie, des glaciers par 
lesquels la calotte de glace qui recouvre le Groen- 
land s’écoule vers la mer. 

Ces icebergs, entrainés vers le Sud, soit par le 
courant qui longe le Labrador, soit par des cou- 
rants de retour du Gulf Stream, peuvent arriver 
jusque dans les eaux de ce dernier et y achever 
leur fusion. 

Le volume de la partie émergée de certains de 
ces icebergs est parfois très considérable, Comme, 






parte de le me 


„° pive da giace Badire i namos 





Uaa aaa aa Saa 


— 
L'un mm. mm m mimi m me. ee = ne es mm + >: 


FIG. 1. — COUPE LONGITUDINALE SCHÉMATIQUE DE L'EXTRÉ- 
MITÉ INFÉRIEURE D'UN GLACIER GROENLANDAIS, À FAIBLE 
PENTE, MONTRANT LA LIBÉRATION DE GROS PRISMES DE 
GLACE QUI FORMERONT DES ICEBERGS. 


d'autre part, le volume total dun iceberg est à peu 
près égal à 9 fois le volume de sa partie tmergte, 
et que la plupart des icebergs ont déjà atteint un 
état de fusion plus ou moins avance au moment où 
on les observe, on peut en conclure que parmi les 
blocs livrés à la mer par les fronts de certains gla- 


132 


ciers boréaux, il y en a qui atteignent un volume 
très considérable. 

Ces blocs peuvent avoir une forme sensiblement 
prismatique, comprise entre deux faces horizon- 
tales (fig. 4). En effet, leur face supérieure est un 
élément de la surface libre du glacier, face qui, 
aux crevasses et rugosités près, est sensiblement 
plane. Leur face inférieure est, elle aussi, sensible- 
ment plane, parce qu'elle a glissé sur le fond raboté 
du lit du glacier. Quant aux faces latérales, elles 
résultent de cassures irrégulières qui sont généra- 
lement perpendiculaires aux faces supérieure et 
inférieure du bloc et sont, par conséquent, verti- 
cales lorsque l'iceberg flotte librement. 

L'iceberg qui vient de se libérer peut donc avoir, 
approximativement, la forme d'un prisme vertical, 
tabulaire, dont les deux faces supérieure et infé- 
rieure sont horizontales et ont un contour irrégu- 
lier qui provient des cassures de libération. Les 
faces supérieureet inférieure présentent, en général, 
une forme allongée, notablement plus grande dans 
le sens parallèle au front du glacier que dans le 
sens parallèle à la direction de l'écoulement de la 
glace. Lorsqu'un iceberg présente cette forme pris- 
matique, la hauteur de sa partie immergée est 
d'environ 8 fois celle de sa partie émergée, c'est- 
à-dire 4.9 de son épaisseur totale. 

Le mouvement d'un iceberg est la résultante des 
courants de diverses profondeurs de leau dans 
laquelle il flotte et de l'action du vent sur sa partie 
émergée. 

Parmi les formes très variées qu'un tel iceberg, 
primitivementprismatique et compact, peut prendre 
sous l'action des causes destructrices auxquelles il 
se trouve soumis. il en cst une qui se présente pro- 
bablement assez fréquemment et sur laquelle il est 
utile d'appeler l'attention. 

La face supérieure de l'iceberg fond lentement 
et asse7 nniformément sous l'action de Pair. IHl s’y 
forme Je netites flaques ei des petits sillons d'écou- 
lement d'eau. Une pertie de ses rugosités s’effacent 
tandis que ses crevasses s’agrandissent. 

Les parois verticales émergées fondent aussi sous 
l'action de l'air. Les parties rentrantes de ces 
parois verticales sont souvent moins attaquées que 
les parties saillantes, parce qu'elles livrent passage 
à l'air refroidi par la fusion de la surface supé- 
rieure. Quant aux parties saillantes, elles sont 
attaques plus rapidement, parce qu’elles se trouvent 
dans l'air plus chaud. Elles tendent ainsi à s’eflacer, 
et il peut en résulter une certaine régularisation 
de la forme, primitivement très irrégulière, du con- 
tour latéral. 

Dès que l'eau qui l'entoure est à une tempéra- 
ture suflisante, l'iceberg entre en fusion sur toute 
sa surface immergée, c'est-à-dire sur sa face infé- 
rieure et sur ses faces latérales, 

Le résultat de la fusion de la glace est de diluer 


COSMOS 


Aer aAOUT 1919 


l’eau de mer ambiante et de la refroidir. La dilu- 
tion résulte de ce que la glace fournit 4 kilogramme 
d'eau douce à 80 kilogrammes d’eau de mer pour 
un abaissement de un degré de la température de 
ces 80 kilogrammes. 

Cette dilution produit une diminution, tandis 
que le refroidissement produit une augmentation 
de la densité de l’eau. Cette diminution et cette 
augmentation ne marchent pas parallèlement l’une 
à l’autre, la diminution de densité de 80 kilo- 
grammes d’eau de mer étant sensiblement con- 
stante pour la fusion de 4 kilogramme de glace, 
tandis que l'accroissement de densité dů au refroi- 
dissement correspondant de ces 80 kilogrammes 
d’eau est très variable. 

Cet accroissement de densité est, en effet, d’en- 
virun : 


0,00020 lorsque l’eau se refroidit de 20° à 19°; 
0,00010 lorsque l'eau se refroidit de 420 à 11°; 


0 


0,00005 lorsque l’eau se refroidit de 8° à 7°; 










ia 
Mo den ‘ 
mia es 1 


il 


la 
vea 


kki 


il EE 
aut, . 
= ane Er 

Pl; 
ph n | 


R] 


ER 
A 


F1G. 2. — DÉBUT DE LA FUSION DE L'ICEBERG DANS LE CAS 
OÙ C'EST SUR SON POURTOUR, IMMÉDIATEMENT AU-DESSOUS 
DE LA SURFACE DE LA MER, QUE LA FUSION MARCHE LE 
PLUS RAPIDEMENT. 


et il devient à peu près nul lorsque l’eau passe de 
5° à 4°. 

Bien qu'il n’y ait jamais compensation exacte 
entre ces deux actions contraires, le résultat de la 
fusion de l'iceberg ne produit qu'une variation 
assez faible de la densité de l’eau de mer. Il en 
résulte que, cette dernière ne tendant ni à s'élever 
ni à s'enfoncer rapidement, toute la partie immer- 
gée de l'iccberg reste constamment entourée d'un 
revêtement d'eau refroidie, et que sa fusion a lieu 
assez régulièrement et assez lentement. 

Mais cela n'est vrai que pour la face inférieure 
et pour les parties des parois latérales qui sont 
assez profondément immergées. 

Les parties des parois latérales qui se trouvent 
inimédiatement au-dessous de la surface de la mer 
subissent, le plus souvent, une fusion plus intense 
que les autres parties (fig. 2). Cela résulte d'un 
renouvellement plus rapide de l’eau refroidie, 
renouvellement qui est produit par l'agitation due 


N° 1436 


aux vagues et par le courant de surface de la mer, 
courant qui peut être assez notablement différent 
du mouvement de translation de l'iceberg. 

Il y a, dans ce cas, creusage, sur le pourtour de 







Ig 
fo 
ul 


| 


put 


l; NT 
Lu 


| 


qi 


F1G. 3. — ÉTAT PLUS AVANCÉ QUE CELUI REPRÉSENTÉ PAR 
LA FIGURE 2 A MESURE QUE LES PARTIES SUPÉRIEURES 
DISPARAISSENT, PAR FUSION ET DÉMOLITION, LA FACE 
INFÉRLEURE DR L'ICBBERG SE RAPPROCHE DE LA SURFACE 
DE LA MER. 


l’iceberg, immédiatement au-dessous du niveau de 
la mer, d'une gorge périphérique, et il en résulte 
un surplomb des parties qui ne sont soumises qu’à 


COSMOS 


133 


Enfin, la figure 5, qui représente un état où la 
hauteur de la partie émergée est à peu près égale à 
celle de la partie immergée, montre à quel point 
certains icebergs peuvent devenir dangereux pour 
la navigation. 

Le simple frôlement contre la partie immergée 
d'un tel iceberg peut, presque sans choc, produire 
de longues déchirures sur les coques relatirement 
si minces des grands navires. , 

La perte du Tilanic est peut-êlre due à un acci- 
dent de cette catégorie. 

Il est certain que dans un iceberg flottant libre- 
ment, le volume de la partie émergée est à peu près 
égal au huitième du volume de la partie immergée 





l'action de la fusion aérienne. Ces parties étant mal 
soutenues ne tardent pas à s'effondrer. 


“age 







AU 


{il 


ET 
LS 


| 
. 
hahh 


tit 
Lit} 


-F1G. 4. — PAR SUITR DU PROGRÈS DE LA FUSION ET DE LA 
DÉMOLITION DE LA PARTIE SUPÉRIEURE DR L'ICEBERG, SA 
PARTIE INFÉRIEURE S'EST CONSIDÉRABLEMENT AMINCIE. 


La continuation du processus qui vient d'être 
exposé conduit à des états successifs tels que ceux 
représentés par les figures 3 et 4 qui ne nécessitent 
pas de plus amples explications. 


F1G. 5. — LA PARTIE ÉMERGÉE DE L'ICEBERG A UNE HAU- 
TEUR PRESQUE ÉGALE À CELLE DE LA PARTIE IMMERGÉE. 
SA RUINE PROCHAINE SERA SUIVIE D'UNE ÉMERSION DE 
PARTIES ACTUELLEMENT IMMERGÉES. L'ICEBERG PRÉSENTE, 


A CET ÉTAT, UNE FORME TRÈS DANGEREUSE POUR LA NAVI- 
GATION. 


(Steenstrup). Mais cette partie immergée, n'a pas 
toujours la forme d’un cylindre ayant à peu près 
la même largeur que la partie émergée car, dans 
le cas où cette dernière est haute et étroite, l’ice- 
berg aurait nécessairement une forme très allongée 
dans le sens vertical, et la situation de son centre 
de gravité le ferait chavirer de manière à le cou- 
cher à peu près horizontalement. 

Il faut donc en conclure que la partie immergée 
d'un iceberg peut présenter une forme plus ou 
moins étalée, sous la surface de la mer, toutes les 


fois que sa partie émergée est relativement haute 
et étroite. 


C. JANET. 





L’océanoéraphie pendant l'antiquité 


Deux mots seulement sur Aristote et sur l'in- 
fluence néfaste exercée par lui sur le développe- 
ment de la science. Que penser, en effet, de celui 
qui espéra faire de la science non avec des faits, 
mais avec des raisonnements, c'est-à-dire avec des 
mots, qui pour découvrir la vérité matérielle ne 
se servit que des élucubrations de son cerveau au 


(1} Suite, voir p. 107. 


lieu d'y employer ses yeux, ses oreilles, ses jambes, 
ses mains, tout son corps avec son simple bon 
sens. La science n'a besoin de rien de plus. Aris- 
tote a parlé de tout, mème d'océanographie, el il 
a accumulé les absurdités. En faut-il des exemples? 
Dans sa météorologie, il prétend que la pluie 
amenée par certains vents est pius salée que celle 
amenée par certains autres. Que nest-il sorli de 
sa chambre, au premier jour de mauvais temps, 


132 


et que n'a-t-il porté à sa bouche le coin de son 
manteau mouillé, il aurait aisément reconnu 
qu'aucune pluie n’était salée, et il s’en serait tenu 
là. Ailleurs, il affirme qu'un vase vide bouché avec 
de la cire, descendu dans la mer, ne tarde pas à 
se remplir d'eau douce. Que n'est-il monté dans 
une barque avec deux bateliers, un vase tel qu’il 
le décrivait et une corde; que n’a-t-il fait l'expé- 
rience, il aurait reconnu que rien n’était plus faux 
que son affirmation, car, dans ces conditions, si 
le vase est insuffisamment bouché, il se remplit 


d’eau salée; s’il est trop bien bouché, il se brise. 


L'expérience ne nécessitait pas les ressources d'un 
riche laboratoire. Si quelque curieux de la nature, 
cherchant l'explication d’un phénomène naturel 
qui, dans l'état où se trouve la science à son époque, 
échappe encore à toute vérification directe; si, 
tenant absolument à en découvrir l’explication et 
incapable de reconnaitre son impuissance, il 
s’obstine, se contente de motifs philosophiques et 
énonce une sottise, la postérité peut lui être clé- 
mente. Mais si, n'ayant en quelque sorte qu'à 
étendre la main pour constater avant toutes choses 
l'existence même du fait, il se borne à affirmer et 
à philosopher, s’il ose tirer des conséquences d'un 
fait qu'il devait commencer par vérifier, qu'il pou- 
vait vérifier et qu'il n’a pas vérifié, s'il n’a pas le 
bon sens de comprendre que toute sa spéculation 
bâtie sur du vent n’est elle-même que du vent, il 
manque à la plus élémentaire probité, et la posté- 
rité Jui doit être inexorable. On est excusable de 
mal. regarder; on est coupable en ne regardant 
pas. La philosophie d’Aristote, soutenue par l'im- 
mense réputation du maitre, a comme empoisonné 
toui le moyen âge et y a arrété tout progrès scien- 
titique. Combien de bouches indépendantes, ingé- 
nieuses, remplies de vérités n'ont-elles pas été 
bäillonnées, combien d'yeux n'ont-ils pas été 
aveuglés en son nom”? Cette histoire de la trans- 
formation de leau salée en eau douce par filtra- 
tion, qui est absolument fausse, est répétée par 
Pline après quatre siècles, par Klien après six 
siècles, par Solin, par le P. Fournier après dix- 
neuf siècles, par Marsigli qui fut un homme de 
génie et dont l'esprit fut écrasé par la majesté 
d'Aristote, puis au xvm? siècle, après vingt et un 
siècles, plus de 2000 ans, par Philippe d'Achery, 
devant l'Académie des sciences de Paris où elle 
donne lieu à de longues discussions auxquelles 
prennent part M. de Cossigay et l'illustre Réaumur, 
Elle n'est pas encore norte aujourd'hui. Aristote 
mériie peut-être fous Jes respects comme grand 


philosophe, grand littérateur, grand politique, 


mais, nen déplaise à ses adniirateurs, il n’en 
mérite aucun comme savant. 


Nous en arrivons maintenant à Pythéas de Mas- 
silia, un Marseillais et par conséquent un Grec qui 
était un Français ou, si on le préfère, un Français 


COSMOS 


4er aouT 1912 


qui était Grec et qui commence la série glorieuse 
des océanographes de France. \ 

On se souvient de la poétique légende de la fon- 
dation de Marseille par le Grec phocéen Euxène, 
débarquant au moment même où la belle Gyptis, 
la fille de Nann, chef des Celto-Ligures habitant 
le pays, devait faire choix d’un époux en offrant 
aux hôtes de son père, invités à un grand festin, 
une coupe remplie de vin. Elle tendit la coupe à 
l'étranger qui l'accepta, épousa la jeune fille et 
reçut en dot l'emplacement même où il se trouvait. 
Il s’y installa et fonda Marseille. La ville, après 
bien des péripéties, se développa par le commerce 
et devint une grande et riche cité recevant de tous 
còtés, par terre, par le Rhòne et par la mer, des 
marchandises qu’elle réexpédiait aussitôt. Or, à 
l’époque mème d'Alexandre et d’Aristote, les négo- 
ciants massaliotes eurent la pensée de chercher à 
connaitre les véritables lieux d’origine d’un métal, 
l’étain, encore plus précieux pendant l’antiquité 
qu’à notre époque parce qu'alors on en fabriquait 
le bronze, la matière première de toutes les armes 
et de tous les outils, dont il se faisait, par consé- 
quent, une énorme consommation. Il était apporté 
du nord de la Gaule, à dos de bètes de somme, et 


ensuite par le Rhône. On le tirait, disait-on, des 


iles Cassitérides; mais où donc étaient ces iles? 
Et même étaient-elles des iles ou seulement des 
localités situées au bord de la mer? Dans ce cas, 
ne serait-il pas plus simple et plus économique 
d'aller chercher directement l’étain par mer au 
lieu de recourir à des intermédiaires? Pour lac- 
complissement de leurs projets, les marchands 
s'adressèrent à l’un de leurs compatriotes, Pythéas. 


On sait peu de chose sur Pythéas, sinon qu'il 
était pauvre, à ce que dit Polybe. C'était certai- 
nement un marin et un habile savant. A l'aide du 
plus simple des instruments, le gnomon, tige 
plantée verticalement et dont on mesurait l’ombre 
ainsi que la longueur, il avait réussi à mesurer la 
latitude de Marseille à quinze minutes près de sa 
véritable valeur, telle qu’elle est aujourd'hui 
obtenue par nos astronomes ayant à leur service 
toutes les ressources théoriques et pratiques appor- 
tées par plus de 3 000 ans de travail humain. Il 
avait aussi établi que les marées, dont il connaissait 
l'existence, étaient dues à l'influence de la Lune. 
Ja tâche qu'on lui offrait était lourde, et néanmoins 
il l’accepta. Non seulement il fallait se rendre 
dans le Nord, dans des contrées lointaines dont on 
ignorait tout, sauf leurs dangers réels ou imagi- 
naires, tels que les décrivaient de terrifiants récits, 
mais la route à suivre commençait par longer la 
côte d'Espagne, jalonnée de comptoirs ennemis; 
on devait franchir les colonnes d'Hercule, passer 
devant Gadès, le grand emporium phénicien, et 
ces Sémites n'étaient tendres pour personne, ni 
pour eux ni pour les autres, ni surtout pour qui- 


N° 1436 


conque cherchait à leur faire concurrence, ce qui 
était le cas de Pythéas. Au delà de Gadès s’éten- 
dait l'inconnu. | | 

Un navire fut équipé. A cette époque, les båti- 
ments étaient beaucoup plus solides à la mer qu'on 
ne l'aurait cru, et certainement plus marins que les 
caravelles sur lesquelles Colomb devait découvrir 
l'Amérique. Ils jaugeaient 400 à 500 tonneaux, 
leur longueur était de 45 à 50 mètres, ils portaient 
trois mâts, l’un gréé avec des veiles carrées et 
triangulaires, les deux autres plus petits avec des 
voiles latines. Leur manœuvre était facilitée par 


l'emploi d’avirons ayant jusqu'à 43 pieds de long, 


dont les rameurs, au nombre de 174 sur les grandes 
trirèmes, avaient leurs mouvements réglés aux 
sons des flütes qui marquaient le rythme. Deux 
larges avirons indépendants l'un de l’autre fai- 
saient fonction de gouvernail. Un pareil navire 
devait, par jour, avoir une marche moyenne de 
1 300 stades environ, c'est-à-dire 130 milles marins, 
un peu plus de 5 nœuds. 

On partit. Que ne puis-je raconter ce voyage 
avec plus de détails, décrire les précautions que 
prit Pythéas pour dresser son équipage et passer 
sans être aperçu des Phéniciens! Après Gadès, on 
n'avait plus à lutter que contre la nature; le chef 
était plus tranquille. On suivit la côte du Portugal, 
celle du nord de l'Espagne, le golfe de Gascogne 
que nos navires à vapeur actuels ne traversent 
qu’à demi rassurés; on doubla Ouessant, on entra 
en Manche et l’on cotoya la Gaule sans la perdre 
de vue, sur un navire à voiles, sans carte, dans 
des parages criblés d’iles comme dans le golfe de 
Saint-Malo, hérissés d’écueils, sillonnés de courants 
formidables changeant avec la marée. Pythéas 
passa, franchit le Cotentin, dépassa l'embouchure 
de la Seine et alors aperçut vers le Nord, pour 
la première fois, les blanches falaises du pays 
d'Albion. L’'Angleterre était découverte. Il continua 
néanmoins à suivre encore la terre du Sud jus- 
qu'au Pas-de-Calais, et alors traversa le détroit et 
s'arrêta en face, en un endroit qu'il appela Cantion, 
au cap North-Foreland. 

Comme l’on ignorait où l’on était, il devenait 
indispensable de connaitre à quelle latitude l'on 
s'était élevé. Or, avec le gnomon, dans l’état où 
étaient encore les connaissances astronomiques, 
l'opération ne pouvait s’effectuer qu’à l’époque du 
solstice dont on était alors éloigné. Pythéas n'hésita 
pas: il mit son navire en sûreté, chargea ses offi- 
ciers de mesurer la latitude lorsque le moment en 
serait venu, et pour lui, comme il avait tout lieu 
de supposer que cette terre s'étendait vers l'Ouest, 
il partit seul pour le vérifier, Il marcha longtemps 
et péniblement à travers une contrée difficile 
coupée de marécages dont les habitants le reçurent 
amicalement et lui indiquèrent les gisements de 
l'étain en Cornouailles, au pays de Bélérion, ainsi 


COSMOS 


133 


que le grand entrepôt du métal, l'ile d’Ictis, où il 
était transporté par des barques. Le but de l'expé- 
dition était atteint. En outre, Pythéas avait observé 
les mæurs des naturels : ils buvaient une certaine 
boisson, la bière, dont ils lui apprirent la fabrica- 
tion. Quant à lui, il enseigna à ses hôtes l'usage 
de la monnaie. 

Toutes ces informations prises, il retourna sur 
ses pas, d'Ouest en Est, retrouva son navire à 
Cantion, connut la latitude, et comme il voyait la 
mer s'étendre vers le Nord, il voulut s’avancer 
autant qu'il lui serait possible dans cette direction. 
Il remonta ainsi jusqu'aux Shetland, qu'il dépassa 
même quelque peu, mais là il fut arrêté en pleine 
mer par le « poumon marin », ce quelque chose 
qui n’est ni de la terre, ni de l’eau, ni de lair, et 
qui est probablement ce mélange de glace molle et 
d’eau qu’on nomme l’icebrei, recouvert d’un épais 
brouillard. Il prit alors définitivement le chemin 
du retour et, malgré tant de dangers, revint à Mar- 
seille où il put raconter son voyage à ses compa- 
triotes et leur fournir les renseignements qu'ils 
avaient tant désirés. 

Pythéas fit un second voyage : il allait étudier 
les gisements de l’ambre, autre matière très 
appréciée des anciens. De même que la première 
fois, il arriva au Pas-de-Calais. Là, au lieu de 
s'élever au Nord, il continua à suivre la côte méri- 
dionale, longea la Belgique, la Hollande et s’avança 
jusqu’au golfe de Mentonomon, à l'embouchure 
d'un fleuve qu'il nomma le Tanais du Nord et 
qu'on n'a pas identitié, car les uns le supposent 
ètre l'Elbe, d'autres la Vistule et peut-ètre même 
la Duna; à coup sur, il atteignit une région où 
lon recueillait et où l'on recueille encore l'ambre 
au milieu des sables du rivage. Sa nouvelle tâche 
heureusement accomplie, ilrevint encore à Marseille. 

Pythéas commence la série — noire — de 
beaucoup de ceux qui, en France, se sont occupés 
d'étudier la mer. Il écrivit le récit de ses deux 
voyages, et son œuvre est maintenant perdue. 
Comme il avait réussi, son succès lui suscita des 
envieux qui s’efforcèrent de ternir sa glcire. Il fut 
traité de « menteur grossier » par les géographes 
littéraires, Strabon, Polybe et Dicéarque, l'élève 
d'Aristote dont les ouvrages nous ont été conservés, 
tandis qu’au contrâire il fut défendu par les mariss, 
les découvreurs, les hommes pratiques, Eratos- 
thène, Hipparque, Evhémère le Messinien, dont 
il n'existe plus rivn. Son histoire ne nous est donc 
connue que par ses ennemis seuls, et ces mêmes 
preuves que ceux-ci prétendaient faire servir à 
démontrer sa mauvaise foi sont précisement celles 
qui nous prouvent aujourd'hui son talent, son 
énergie et surtout sa véracité. Les Marseiliais ont 
élevé une statue à leur concitoren ainsi qu'à un 
autre d'entre eux, Euthymenés, qui evécuta au Sud, 
sur la côte occidentale d'Afrique et du Sénégal, la 


130 
contre-partie du voyage de Pythéas vers le Nord, et 
dont il ne subsiste plus aucun document. Ces deux 
statues sont de chaque côté de la Bourse, en pleine 
Cannebière. Elles sont tout près du port, de ce 
vieux port de Lacydon d'où les vaillants explora- 
teurs déployèrent leurs voiles. Je les voudrais voir 


COSMOS 


der aouT 1912 


plus près encore de la mer, sur le port mème, 
montrant la route à suivre, toujours plus loin, à 
travers les dangers quels qu’ils soient, pour le 
plus grande avantage et la plus grande gloire de 
la France. 

J. THOULET. 





SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 
Séance du 22 juillet 1912. 


PRÉSIDENCE DE M. LIPPMANN. 


La carte du Maroc occidental. — Le général 
Bassor expose les travaux des officiers du service 
géographique au Maroc. Ces travaux se divisent 
en deux périodes: ceux du début qui n'ont été pour 
ainsi dire qu’une reconnaissance militaire, et ceux 
qui, venus après, ont été poursuivis avec grande pré- 
cision. 

La triangulation actuelle s'appuie sur une base de 
8 663,15 m mesurée près de Casablanca avec deux fils 
invar, et dont quatre mesures ont donné une erreur 
moyenne de 15,8 mm. 

La triangulation a un développement total de 
280 kilomètres; l'erreur de fermeture n'est que de 
0”,2 en latitude, 0”,6 en longitude et 1,70 m pour la dif- 
férence d'altitude. Les opérations seront continuées 
après les grandes chaleurs, en octobre. 


La dégradation des engrais phosphatés au 
cours d'un assolement. — Il résulte d'essais pour- 
suivis par MM. Munrz el GAULECHON que, en trois ans, 
le phosphore dans ic so! perd ses qualités fertilisantes. 
[ne faut donc jamais donrer au sol les engrais phos- 
phatés trés assimilables à doses massives, en pensant 
qu'ils seront profitables pendant plusieurs années aux 
récoltes successives que l’assolement comporte; mais, 
au contraire, ces engrais doivent ètre fournis au 
sol chaque année et à mesure des besoins, ainsi qu'on 
a coutuine de le faire, en particulier pour les engrais 
potassiques et azolts à action rapide. 

Cinématographe à images très rapides. — 
M. Buil a créé un appareil qui, au moyen de l'étin- 
celle électrique, donne 2000 images cinématogra- 
phiques par seconde; en ralentissant 300 fois le mou- 
vement, il a pu, en projetant les images, arriver à la 
synthèse du vol des insectes. | 

Mais l'appareil n’est applicable qu'aux mouvements 
de petite étendue. 

M. Nostès à imaginé un appareil permettant des 
applications plus générales.Cenouveaucinématographe 
donne i59 images par seconde. 

En projetant, au moyen d'un cinématographe norinal, 
Jes vues prises avec cet appareil, il a pu faire la syn- 
thèse ralentie de certains mouvements comme la 
course, le saut, le yol du pigeon, ete., dont il est dif- 
ficile de se faire une idée parfaite lorsqu'on les ana- 
lyse dans les conditions ordinaires. On peut, sans 
nuire à la continuité du mouvement, ralentir jusqu'à 


vingt fois le phénomène photographié et l’observer 
ainsi avec une grande facilité. 


Un toximètre à gaz oxyde de carbone. — 
La détermination d’une quantité quelconque de gaz 
répandu dans l'air s'effectue rigoureusement par l'ana- 
lyse chimique, procédé de laboratoire; mais ce pro- 
cédé ne saurait prévenir les accidents dans les atmo- 
sphères confinées, où l’oxyde de carbone se dégage 
inopinément. Après beaucoup d'autres, M. Grasco a 
cherché l'appareil avertisseur qui permettrait d'éviter 
ce danger. 

A cet effet, il a utilisé le dispositif du thermomètre 
différentiel de Leslie, avec cette différence caractéris- 
tique que ce dispositif ne doit, en aucun cas, con- 
trairement au Leslie, accuser d'autres variations de 
température que celles produites par la condensation 
des gaz dans le platine. 

Il est constitué par un tube en U surmonté de deux 
ampoules dont une seule en platine. Le tube en U 
reste visible, mais les deux ampoules sont herméti- 
quement enfermées dans une enveloppe qui les isole 
du contact de l’atmosphère, enveloppe dans laquelle 
le gaz pénètre par endosmose au travers d’une cloison 
poreuse. 

Le tube en U extérieur à l'enveloppe; resté visible, 
est garni, sur le tiers environ de sa hauteur, d'un 
liquide coloré qui permet de constater la moindre 
dénivellation des niveaux. í 

La dénivellation des niveaux dans le tube en U de 
l'appareil est de 6,5 mm par colonne, soit de 13 mil- 
limètres avec la proportion de 1/1000 d'oxyde de 
carbone. . 

La sensibilité du toximètre à l’oxyde de carbone a 
pour point de départ visible un mélange inférieur à 
1 :10 000. 

Si, dans le tube en U, on remplace le liquide coloré 
par du mercure en fixant un contact en platine à hau- 
teur déterminée, on a le modèle avertisseur qui fera 
marcher toute sonnerie d'avertissement. 


Sur la présence de l’arsenic dans quelques 
plantes parasites et parasitées. — MM. RKF. Janin 
et À. AsTruc, continuant leurs études sur l’arsenic 
dans les divers végétaux, ont reconnu que: 

4° Les plantes parasites, comme les végétaux crois- 
sant directement dans le «ol, contiennent normalement 
une certaine quantité d'arsenic; 

2° Une méme espèce végétale (le gui}, quoique vivant 
en des régions et sur des arbres très différents, con- 
tient néanmoins une quantité d'arsenic à peu près 
identique, bien que celle trouvée pour les supports 
présente des variations très appréciables: 


N° 1436 


3° Il est impossible d'établir une proportion quel- 
conque entre la teneur en arsenic du parasite et celle 
du parasité; 

4° Par analogie, il semble que la richesse du sol en 
arsenic ne parait pas avoir une influence prépondé- 
rante sur la teneur des végétaux en cet élément, et 
que la plante doit prendre du métalloiïide dans les 
proportions qui lui sont nécessaires, indépendamment 
de la richesse du milieu. A ce point de vue, les résul- 
tats obtenus pour le gui paraissent démonstratifs. 

Assimilation de l’azote et du phosphore nu- 
cléique par les algues inférieures. — Les études 
de M. Teonoresco l’amènent à conclure que certaines 
algues inférieures sont capables de désintégrer la 
molécule de l'acide nucléique et de minéraliser le 
phosphore organique de cet acide; il y a tout lieu de 
penser que le dédoublement est dù à la nucléase, 
ferment spécifique des nucléines. D'autre part, l'azote 
et le phosphore nucléiques peuvent servir d’aliments 
à ces algues: d’après ces expériences, il semble même 
que l'azote et le phosphore nucléiques sont, pendant 
les premiers temps, très favorables à un développe- 
ment rapide et abondant, plus favorables même que 
le phosphore et l’azote offerts directement sous forme 
minérale. 


Mécanisme de l’action fertilisante du soufre. 
— MM. BouLLancer et DrcarniN ont montré que le 
soufre en fleur, ajouté à très faible dose à la terre de 
diverses cultures en pots, exerce une action très favo- 
rable sur la végétation et augmente notablement les 
rendements de ces cultures et que cette action devient 
très faible si la terre est au préalable stérilisés. 

Le soufre n’agirait donc qu'indirectement en acti- 
vant, sans doute, le travail des microbes utiles: les 
auteurs ont procédé à de nouvelles expériences pour 
élucider la question. 

Leurs observations ont établi qu’en effet le rôle 
fertilisant du soufre en fleur est dù à l'influence acti- 
vante qu'il exerce sur les bactéries qui dégradent les 
matières azotées complexes à l'état d’ammoniaque et 
aussi sur les ferments nitrificateurs. La plante trouve, 
en présence du soufre, de plus grandes quantités de 
sels ammoniacaux directement assimilables, et cette 
modification favorable de l'alimentation azotée se tra- 
duit par d'importantes augmentations de rendement, 
analogues à celles qu'on obtient par l’emploi du sul- 
fate d’ammoniaque. I] importe toutefois de remarquer 
que l’ammoniaque ainsi formée par les bactéries am- 
monisantes provient exclusivement de la matière 
azotée du sol et que l'addition d'engrais organiques 
azotés est nécessaire pour contre-balancer l'exportation 
plus abondante d'azote par les plantes. 


Évolution de la peste chez la marmotte 
pendant l’hibernation. — On n’a pas oublié les 
divers rapports, souvent inquiétants, signalant en 
Transbaïkalie et en Mongolie un ancien et important 
foyer pestilentiel toujours renaissant. Les marmottes 
ou tarbagans (Arctomys bobac, Schreb.), qui vivent en 
grand nombre dans ces régions montagneuses, trans- 
mettent aux chasseurs qui les recherchent pour leur 
chair et leur fourrure une affection spéciale dénommée 
maladie des tarbagans et qui n’est autre que la peste. 

De mème que le rat et d'autres rongeurs (spermo- 
phile, groundsquirrel de Californie, etc.), la marmotte 


COSMOS 


437 


semble donc constituer, dans ces foyers endémiques, 
le réservoir du virus pesteux, virus fragile se conser- 
vant mal dans la nature en dehors de l'organisme 
vivant. 

MM. Dusaron-Brauusrz et E. Mosxv ont cherché 
pourquoi les marmottes ont ce privilège de conserver 
le virus à l’état latent. Leurs premières expériences 
montrent combien est lente l’évolution du virus pes- 
teux chez la marmotte pendant le sommeil hivernal. 
Une d'elles a survécu, en effet, pendant près de quatre 
mois, malgré les conditions défavorables d’hibernation 
qu'on peut reproduire dans un laboratoire. 


Sur la préparation catalytique des oxydes phéno- 
liques et diphényléniques: oxydes mixtes. Note de 
MM. PauL SaBaTIER et ALPHA. MAILHE. — M.M. Ayanx donne 
l'observation de l’éclipse de Soleil des 16 et 17 avril 
1912 à l'Observatoire d'Aoste (Italie). — M. Ace 
donne une note sur la photométrie de l’éclipse de 
Soleil du 17 avril 1912, à l’aide du sélénium et d'un 
galvanomètre photographique. — Sur la décharge 
disruptive à travers la vapeur de sodium pure. Note 
de M. Louis DuNoyer. — Sur les raies ultimes et de 
grande sensibilité du chrome, du manganèse, du fer, 
du nickel et du cobalt. Note de M. A. DE GRAMONT. — 
Équilibre chimique du système :gaz ammoniac et 
chlorhydrate d'éthylène-diamine. Note de M. FÉrix 
Biver. — Sur la solubilité des résinates colorés soumis 
à l’action de la lumière. Note de M. J. LARGUIER DES 
Bancezs. — Sur les dérivés hydrogénés de l’apohar- 
mine. Note de M. V. HASENFRATZ. — Hydrogénation 
catalytique des cétones. Note de M. G. Vavox.— Action 
de l’amidure de sodium sur le dibenzoylbutane-1.4. 
Note de M. Épouarn Barer. — Variations de la pro- 
portion de nicotine dans les divers organes de la 


plante de tabac au cours de la végétation. Note de 


MM. E. Cauanpet R. MeLLeT. — Possibilité et fréquence 
de l’autofécondation chez la vigne cultivée. Note de 
M. Garb. 

M. Tovryors a établi que pour des conditions de tem- 
pérature analogues, la floraison du chanvre et du 
houblon japonais est d'autant plus précoce que lcs 
plantes reçoivent une quantité de lumière plus faible 


à partir de leur germination. — Sur la loi du mini- 


mum. Note de M. I. Poucrr et D. CHoucaax. — Sur 
l’ablation du pancréas chez l’aigle pygargue (Haliælus 
albicilla). Note de M. J. Giasa. — Sur la charge élec- 
trique des globules rouges du sang. Note de M. PIERRE 
GıranD. — Toxicité des sels minéraux dans le liquide 


. céphalo-rachidien. Note de M. JEAN Camus. — Sur la 


non-existence des lécithines libres ou combinées dans 
le jaune d'œuf et dans les structures biologiques. 
Note de M. N.-A. Barbieri. — Variation du pouvoirs 
abiotique des rayons ultraviolets avec leur icngucur 
d'onde. Note de M°° et M. Vicron HexnI. — Mécinisme 
de l’arrèt des diastases par filtration. Note de M. Mau- 
RICE HoLDERER. — La réversibilité des actions fermen- 
taires. Influence de la dilution de l'alcool éthylique 
sur l'action synthétisante de l’émulsine dans ce véhi- 
cule. Note de MM. Em. BourouELoT et Marc Bainer. — 
Les échinodermes de la mission Charcet. Note de 
M. KosuLen, qui constate que la collection d'échino- 
dermes recueillis par le D° Gharcot au cours de la 
campagne du Pourquoi-Pas? est certainement la plus 
riche qui ait été rapportée des mers antarctiques. Le 


138 


total des espèces d’astéries, ophiures et échinides que 
renferme cette collection s'élève à 54, parmi lesquelles 
25 sont nouvelles. — Le fonctionnement de la glande 
génitale chez l'Ostrea edulis (L.) et le Gryphæa angu- 
data (Lam.). La protection des bancs naturels. Note de 
M. J.-L. Daxran. Dans cette communication, l’auteur 
nous fait ressortir l'incurie de nos pècheurs et de 


COSMOS 


ler aouT 1919 


l'administration, qui conduit à la destruction des 
bancs naturels, et qui a fait disparaître de nos côtes 
des centres de production de telle sorte qu'aujour- 
d'hui nous sommes tributaires de l'Angleterre. — 
L'absorption comparée, entre le Mont Blanc et Cha- 
monix, des radiations chimiques et calorifiques du 
Soleil. Note de M. J. VaLcor. 





BIBLIOGRAPHIE 


La longévité à travers les âges, par M. le 
D' M.-A. LEGRAND, lauréat de l’Académie de mé- 
decine et de l'Institut. Un vol. in-18 de 307 pages 
(3,50 fr). Flammarion, éditeur, 26, rue Racine, 
Paris. 


L'homme ne possède point toutes les supériorités. 
S'il est, par sa raison, le roi de la nature, son exis- 
tence, hélas! n'atteint point la durée de l'olivier 
de Platon ou du platane d’Hippocrate qui déploient 
encore aux environs d'Athènes ou dans l'ile du 
Cos leur existence plus de deux fois millénaire; 
il ne peut atteindre les trois cents ans que vivent 
les crocodiles ou les carpes; sa vie est brève. Il 
faut constater pourtant que, depuis une cinquan- 
taine d’années, la moyenne s'en est accrue au delà 
de ce que l’on pouvait attendre : elle n'était que de 
trente-sept ans vers 1850, et voici qu'elle atteint, à 
cette heure, quarante-six ans. Ne pourrait-on la 
prolonger encore, et remédier ainsi, en quelque 
chose tout au moins, à l’effrayante diminution de 
la natalité? Pourquoi pas? puisque le passé est là 
qui nous sollicite à l'espérance. 

Pour atteindre ce but, le moyen est d'étudier les 
longévitės, c'est-à-dire ceux qui ont atteint ou 
dépassé les quatre-vingts ans, de se rendrecompte de 
leur genre de vie, de leur profession. Ainsi parvien- 
dra-t-on à dégager de ces enquêtes des conclusions 
pratiques. M. le D' Legrand a mené ces enquîtes, 
qrii résume à la fin de son livre fort intéressant, 
en ncuf tableaux, qui nous révèlent, par exemple, 
une Jongévilé plus accusée chez les savants, les 
homes de letires ct d'église, que chez les souve- 
rains. L'auteur, dans son ouvrage, fait assez fré- 
quemment appel à la Bible, mais, s'il la traite avec 
respect, il la considère comme un livre humain. A 
noter encore que M. Legrand emprunte une for- 
mule à Luther pour combattre et condamner le 
célibat dans l'Église (p. 446). 


Organisme économique et désordre social, par 
C. CoLsax, membre de l’Institut. Un vol. broché 
in-18, de la Bibliothique de philosophie seien- 
Lifique {3,50 fr). Paris, Ernest Flammarion, 
265, rue Racine. 


Tout le monde le reconnäit : il y a quelque chose 
de pourri dans notre socitté. Cet aveu ne sau- 


rait être, pour les esprits sérieux, qu’un achemine- 
ment vers les remèdes. Quels sont ces derniers, 
d'après M. Colson? Après avoir exposé, dans un 
premier livre, les traits essentiels des diverses 
conceptions économiques, il décrit l'agencement 
spontané des forces productrices par le mécanisme 
des prix. Le livre III, consacré à la famille, 
démontre quelles erreurs nos législateurs com- 
mettent en ébranlant la solidarité naturelle fondée 
sur les liens du foyer et de la parenté. De même, 
le livre IV, qui traite des associations, s'attache à 
prouver que ces dernières, et notamment la plus 
puissante d’entre elles, l'État, souffrent de maux 
profonds et de désorganisations essentielles : muti- 
neries de fonctionnaires, pseudo-conscience sociale, 
tyrannie des grèves et des Syndicats. L'ouvrage se 
termine par un vigoureux coup de boutoir lancé 
contre l'humanitarisme encore prédominant qui 
favorise la pitié au détriment de la justice. 


Les lampes électriques à arc, à incandescence 
et à luminescence : applications à l'éclairage 
industriel, essai et étalonnement, montage, con- 
sommation spécifique, emplois spéciaux, par 
J. EscaRD, ingénieur civil. In-8° de xvr1-426 pages 
avec 307 figures (broché, 45 fr; cartonné 16,50 fr). 
H. Dunod et E. Pinat, éditeurs, 47, 49, quai des 
Grands-Augustins, Paris, VIe, 


L'éclairage électrique a fait beaucoup de progrès 
dans ces derniers temps. Les découvertes récentes 
sur les propriétés des filaments metalliques incan- 
descents ont refoulé dans l’ombre le vieux filament 
de carbone qui, à son tour, a cherché à revivre 
d'une nouvelle vie par une utilisation plus ration- 
nelle de son rayonnement. 

Les lampes å arc se sont aussi beaucoup perfec- 
tionnċes. L'introduction, dans la påte des charbons, 
de matières susceptibles d'augmenter à la fois le 
rendement et l'éclat de la lumière a permis de 
mieux les approprier à leur but, qui est avant tout 
de fournir un éclairage intensif et puissant. Leur 
empioi est ainsi devenu plus économique et par 
cela même digne de plus larges applications. 

Cependant, les lampes å luminescence (lampes 
à vapeur de mercure, à gaz raréfiés, tubes Moore, 
tubes au néon) tendent à se substituer à elles, sur- 


N° 1436 


tout dans les cas où on a besoin d’éclairement à la 
fois intense et diffus. M. Escard traile aussi des 
lampes en quartz à rayonnement ultra-violet. 

ll semble que, plus que tout autre, l'éclairage 
électrique peut surmonter toutes les difficultés 
d'ordre théorique ou pratique et se plier à tous les 
besoins, pourvu qu'on sache réserver à telle caté- 
gorie d'industrie le genre d'illuminant qui parait 
le plus en harmonie avec sa nature et avec son 
importance. 

Ainsi qu'on s'en rendra compte à la lecture de cet 
ouvrage, le but principal de M. Escard est de faire 
connaitre aux industriels les meilleures conditions 
de fonctionnement, d'emploi et de rendement des 
différentes sources de lumière électrique actuelle- 
ment utilisées. Il pourra ainsi être utilement con- 
sulté par les constructeurs d'appareils d'éclairage 
et les entrepreneurs qui s'occupent de leur instal- 
lation, de leur entretien ou de leur vérification. Il 
rendra également service aux particuliers et à tous 
les chefs d'industries, petites ou grandes, qui sont 
limités quant à leur choix par la question du prix 
de revient ou qui demeurent indécis sur la quantité 
de lumière nécessaire pour assurer le fonctionne- 
ment normal et la réussite de leur entreprise. 


Étude critique du développement lent, par 
E. Prrois. Une brochure de la Bibliothèque de 
Photo-Revue, avec six planches hors texte en 
similigravure (0,60 fr). Paris, Charles Mendel, 
éditeur. 


Le développement lent a été beaucoup critiqué, 
mème par ceux qui s’en servent journellement, et 
de nombreuses formules ont été données, qui ont 
toutes leurs partisans. 

M. Pitois, qui a sérieusement étudié la question, 
propose à son tour, à ceux qui n'ont pas de parti 
pris dans la question, une méthode de développe- 
ment lent qui lui donne de bons résultats, et qui 
s'appuie sur une base scientifique. D'abord, il 
réclame, pour chaque photographie, un temps de 
pose exact. Beaucoup se préoccupent peu de ce 
point, pensant que le développement corrigera les 
écarts de pose. C’est demander trop à cette opéra- 
tion; c'est peut-être la raison de tant de demi- 
succès. Avec un temps de pose exact et un bain 
soigneusement préparé suivant ses indications, 
l’auteur estime que chacun pourra obtenir les 
meilleurs résultats avec le développement lent. 


Pour devenir aviateur: considérations sur la 
conduite des aéroplanes, par P. CLavENaAD, lieu- 
tenant au 3° chasseurs à pied, officier aviateur. 
Préface de M. H. Lavedan. Un vol. in-12 de 
44 pages (1 fr). Librairie aéronautique, 40, rue 
de Seine, Paris. 


Ce livre n’a pas seulement le mérite de donner 
des notions sur les aptitudes physiques nécessaires 


COSMOS 


139 


pour être pilote d’aéroplane, sur l'utilité d'amé- 
liorer les commandes actuelles des appareils, sur 
l'éducation et les méthodes d'instruction qu'il serait 
désirable de réaliser actuellement; c'est en plus et 
surtout un plaidoyer émouvant pour le développe- 
ment de l’aviation militaire en France. C'est lui 
qui a été le point de départ du magnifique élan 
patriotique d'où est sortie la souscription natio- 
nale et qui va permettre de doter l’armée d'une 
véritable flotte aérienne. Cette flotte, très nom- 
breuse et montée par nos ofliciers pilotes sans 
cesse entrainés, nous donnera pour longtemps la 


suprématie de lair. 


M. Clavenad peut être fier du splendide résultat 
par lui obtenu. 


Bulletin du Comité technique contre lincendie 
et les accidents, 45, avenue Trudaine. 


On connait les travaux persévérants de ce Comité 
spécial pour arriver à prévenir les incendies, les 
accidents et leurs conséquences. 

Il publie aujourd’hui deux fascicules : 

4° Code de la sécurité des expositions, par 
MM. F. Micuorre et J.-M. Cazaza (1 fr), où sont 
exposées les précautions indispensables à prendre 
dans les constructions éphémères des expositions, 
et où l'utilité en est démontrée par de nombreux 
exemples d'accidents et de catastrophes dues 
presque toujours à la négligence des organisateurs. 

2 Code de la sécurité au village, par F. Mr 
CHOTTE (1 fr). On y trouve ce que l’on doit faire 
dans la construction des bâtiments de culture, ce 
que les municipalités devraient exiger dans les 
agglomérations qu’elles adininistrent, et après les 
moyens préventifs à employer, ceux qui sont les 
plus propres à arrèter tout commencement d'in- 
cendie. 

Malheureusement, ces conseils se heurteront 
à des habitudes, à des coutumes et souvent à des 
nécessités locales, dont l'auteur ne semble pas 
soupçonner l'importance. 


Quelques réflexions sur l'emploi de l’énergie 
électrique pour la mise en action des en- 
gins mécaniques dans les parcs, dépôts, les 
ateliers, etc., par M. SarTiaux. (Extrait de la 
Revue générale des chemins de fer, mai 1912.) 
Librairie Dunod et Pinat. 

Dans ce fascicule, l'ingénieur démontre les avan- 
tages multiples de l'électricité comme force motrice 
dans tous les travaux de manutention dans les 
chemins de fer. 


La graine au vent, par JEAN Nesmy (3,50 fr). 
Librairie Bernard Grasset, 61, rue des Saints- 
Pères. 

Ce livre, recueil de récits charmants, et entre 
autres de nombreux contes de Noel déiicats el tou- 
chants, sera lu par tous avec bonheur et profit. 


140 


COSMOS 


4er AOUT 19192 


FORMULAIRE 


Moulage de médaillons en plâtre. — On peut 
les obtenir avec le plâtre; mais la matière étant 


poreuse, il faut d'abord l’'imperméabiliser avec un 


corps gras. 

Le médaillon étant alors entouré d’une mince 
feuille de carton, de facon à former une cuvette, 
on prend, dit Keignart, du plâtre à modeler, fin et 
bien tamisé; dans un vase contenant une suffisante 
quantité d’eau, on projette assez de plâtre pour 
former une bouillie claire. Pendant une bonne 
minute, on laisse au plâtre le temps de s’imbiber, 
puis on gâche avec une spatule pendant une autre 
minute, et on l'emploie sans tarder. Avec un pin- 
ceau, on en prend une petite quantité dont on bar- 
bouille avec soin la pièce, pour éviter que des 
bulles d'air ne restent emprisonnées à la surface, 
et principalement dans les creux; puis on verse le 
reste sur cette première couche, afin d’avoir une 
épaisseur en rapport avec la grandeur du moule. 
On laisse reposer pendant à peu près un quart 
d'heure, pendant lequel le plâtre s’échauffe, se 
durcit et se prend en masse. 

Au bout de ce temps, on enlève la collerette de 
carton, on gratte avec un couteau les bavures qui 
ont pu couler sous la pièce, et on détache avec 
précaulion le gâteau de plâtre qui ne doit pas 
adhèrer au modèle. 

On peut encore employer le moulage à l'alliage 
Darcet, qui est fusible à 85°: 


Plomb... 2e tireurs 5 parties. 
Didi is misent anne 3 — 
DiSUilt ses cnusess is 8 — 


auquel on peut ajouter un peu de mercure, ce qui 
abuisse encore le poiut de fusion. L’alliage étant 
préparé, on en place quelques fragments sur 
l'objet à mouler, entouré de la feuille de carton, 
puis on chauffe en dessous, jusqu'à fusion de 
l'ailiage. 

Le moulage à la cire ou à la stéarine est plus 


simple encore. La pièce doit être légèrement huilée; 
sil s'agit de plâtre, on la trempe d'abord dans 
l’eau de savon chaude. Cire ou stéarine ne doivent 
être employées qu'au moment où elles vont se 
figer. La première couche doit être étendue au 
pinceau pour chasser les bulles d'air. 

Le moulage à la gélatine est assez délicat. Celui 
à la gutta-percha est relativement facile ; ramollie 
dans un bain à 60° ou 700 et formée en boule, elle 
est placée sur l’objet et soumise à l'action d'une 
presse (presse à copier). Il est précieux dans le 
cas où l’objet à mouler présente des creux con- 
tournés qui empècheraient le démoulage d'une 
malière non élastique. 


Enlèvement de la rouille par un courant 
électrique. — MM. Jacob et Kaesbohrer, chimistes 
allemands, indiquent une nouvelle méthode pour 
l'enlèvement de la rouille sur le fer ou l'acier. La 
pièce de fer ou d'acier est placée à la cathode 
d'une solution aqueuse de sulfate de soude, dans 
la proportion de 0,25 à 5 pour 100. Une plaque de 
charbon forme l’anode. L'hydrogène produit à la 
cathode réduit la rouille, qui disparait complète- 
ment ou peut être enlevée par un coup de brosse. 
Un faible courant électrique suffit, mais il est bon 
de prolonger son action pendant vingt-quatre heures 
environ suivant le degré de rouille. N. L. 


Bronzage d’objets en fonte. — Pour bronzer 
de la fonte, il faut d’abord cuivrer l'objet, ce qui se 
fait en le plongeant dans un mélange d'acide chlor- 
hydrique, 40 parties; acide nitrique, 3 parties; 
chlorhvdrate de cuivre, 6 parties; ensuite le frotter 
avec la solution suivante: sel ammoniac, 4 par- 
lies, acide oxalique, 4 partie; eau distillée, 25 par- 
ties; une fois la solution achevée, frotter, avec un 
vieux linge trempé dans cette solution, l'objet à 
bronzer, et répéter cette opération jusqu’à la teinte 
désirée. (Courrier du Livre.) 





PETITE 


M. J. V.,à E. — La Société zénérale d’études et de 
travaux topographiques a son siċge 105, rue de Gre- 
nelle, à Paris. 

M. des P., à la C. — Le choix de cette petite émi- 
nenee vst évidemment judicieux. Vous n'avez besoin 
que d'un fil unique, partant du sommet de la colline 
et aboutissant à votre habitation. Dans ces conditions, 
votre antenne aura 250 mètres, ce qui semble très suf- 
fisant. Le Gül de fer peut sufire, mais il vaudrait beau- 
coup mieux emplaver du fil de cuivre. — Bien taire 
attention à l'orientation de l'antenne qui deit ctre 
dens la direction du lieu d'habitation à Paris, et non 
perpendiculaire à cette direction. 

M. H. H., à A. — Nous pensons que vous trouverez 


CORRESPONDANCE 


ce genre de compresseurs à la maison Wenger et Gan- 
gloil, 27, ruc d'Enghien, Lyon. — Nous transmettons 
votre demande de numéros à l'administration. 


M. A. J. F. — Nou: ne connaissons pas de machine 
à rentraire ou à stopper, ce travail est fait habituelle- 
ment à la main par d'habiles artisans. — Le stoppage 
ataétirain évite les difficultés de la tåche, mais n'est 
guère parfait; if consiste à appliquer sur l’envers de 
l'étotte au tissu collant que l'on y fixe par le fer chaud. 
Ces tissus collants se trouvent chez M. Cosson, 3, rue 
des Haudriettes, Paris. 





lmprimerie P., Ferox-Yrau. 3 et 5, ruo Bayard, Paris, VII”, 
Le gérant: E. Perrrunnar. 


Ne 1437 — X aout 1919 


COSMOS 


141 


SOMMAIRE 


Tour du Monde. — Déplacement du Soleil dans l'espace. Uae explication des deux courants d'étoiles. Grandes 
pluies en France. Le géo-coronium. L’Asama-Yama. Un pays instable. Le désert en marche. Migration 
d'une algue méridionale sur łe littoral français et anglais. Le cinématographe à l'abattoir. Le danger des 
mouches. Le chien parlant. Le chemin de fer pan-américain, p. 144. 

Grillades et fourneaux monstres chauffés aux gaz, Boyer, p. 146. — Électricité industrielle : les 


limiteurs de courant, Brrruieu, p. 148. — La combustion incandescente sans flamme, LaLLié, 
p. 149. — L’humidité des beurres, Fnaxcis Mann, p. 153. — Le dragage électrique dans l'exploi- 


tation des gisements aurifères, MARCHAND, p. 


153. = Une contribution possible à l’industrie du 


papier en France, Nuuize, p. 156. — Prévision des orages et dispositifs paragrôles, Manuon, 
p. 159. — Les lois de la vapeur surchauffée, F. M., p. 153. — Sociétés savantes: Académie des 


sciences, p. 164. — Bibliographie, p. 16:. 








TOUR DU MONDE 


ASTRONOMIE 


Déplacement du Soleil dans l’espace. — 
Le professeur Boss, au cours d’une recherche pu- 
bliée dans le numéro 614 de Astronomical Jour- 
nal, indique pour la vitesse du Soleil dans l’espace 
le chiffre de 24 kilomètres par seconde. Il estime que 
la valeur de 49,9 km: sec trouvée précédemment 
d'après des observations spectroscopiques est trop 
faible, et sujette à une erreur systématique. 

(Société astronomique.) 


Une explication des deux courants d'étoiles. 
— Le ciel est en perpétuelle transformation. Notre 
Soleil court à travers les éloiles à une vitesse d’une 
vingtaine de kilomètres par seconde. Les étoiles 
paraissaient aux anciens « fixes » sur la voûte du 
ciel; en réalité, toutes se déplacent en des direc- 
tions variées; l'observation précise et prolongée 
a permis de reconnaitre, pour beaucoup d'entre 
elles, la direction apparente de leur mouvement. 

Chose curieuse: les mouvements des étoiles 
s'effectuent surtout dans deux directions privilé- 
giées. Elles ont lair de converger vers deux points 
déterminés de la voüte céleste, deux apex stel- 
laires; ce fait a été parfaitement mis en évidence 
par les astronomes, notamment par Kapteyn et 
Eddington. 

Ona expliqué tout d’abord celte convergence appa- 
rente des mouvements d'étoiles par un phénomène 
de perspective. Les étoiles suivraient dans l’espace 
des routes parallèles : elles ont l'air de converger 
vers un point de la sphère céleste, tout comme 
les rails d'un chemin de fer rectiligne semblent se 
rejoindre à Phorizon, ou — pour prendre une com- 
+ paraison astronomique — tout comme les étoiles 
filantes d'un même essaim semblent rayonner d’un 
même point du ciel. I] existerait deux courants 


T. LXVII. Ne 1437. 


distincts d'étoiles. Ces deux courants se compéné- 
treraient intimement. La distance moyenne des 
étoiles à leurs voisines est tellement grande que 
les deux courants d'étoiles peuvent s’'emmèler sans 
qu'il se produise de collisions (la Dualité de notre 
univers, Cosmos, t. LVILI, p. 378, et t. LIX, p. 1). 

Le professeur Turner publie dans The Monthly 
Notices de mars et d'avril une explication plus 
naturelle de l'existence des deux courants d'étoiles : 
nous en empruntons le résumé à M. Crommelin 
(Knowledge, juillet). 

M. Turner dit que la convergence des étoiles 
vers deux points déterminés du ciel pent bien 
n'être pas un pur effet de perspeclive, mais une 
réalité physique : une partie des étoiles courrait 
vers un point déterminé de l’espace et l’autre 
partie s’en éloignerait. C’est ce que }’on doit con- 
stater si les étoiles parcourent des orbites très 
allongées autour du centre du système sidéral, car, 
dans ce cas, on peut répartir à chaque instant les 
étoiles grosso modo en deux groupes : le groupe 
de celles qui se rapprochent du centre et le groupe 
de celles qui s’en éloignent. Les comètes qui gra- 
vitent autour du Soleil nous fournissent une ana- 
logie de ce qui se passe pour Îles étoiles ; si nous 
pouvions apercevoir constamment les comètes tout 
au long de leurs trajectoires elliptiques, nous ver- 
rions que, pratiquement, à chaque instani. les unes 
s'approchent đu Soleil et les autres s'en éloignent; 
au périhélie et à l’aphélie, elles restent quelque 
temps à une distance constante du Soleil, mais 
cette durée est relativement peu considérable. 

Si les étoiles étaient distribuées uniformément 
dans l'espace en formant un amas sphérique, elics 
décriraient alors toutes, dans le mème teimns, ds 
trajectoires elliptiques aulour du cen're de l'amas. 
Il est probable que le système des étsiies n'est pas 
sphérique, mais plutòt allongé en ellipsoïde et que 


[42 


la densité stellaire n’est pas parlout uniforme: 
dans ce cas, les orbites décrites par les étoiles 
autour du centre ne sont pas exactement ellip- 
tiques, et leurs révolutions s'effectuent en des 
périodes diverses; mais les conclusions susdites 
de M. Turner peuvent néanmoins s'appliquer. 

Ce savant fixe le centre du système sidéral en 
une région de la sphère céleste dont les coorden- 
nées sont approximativement : ascension droite, 
94°; déclinaison, + 42°, c’est-à-dire dans la Voie 
lactée, au centre des constellations des Gémeaux, 
d'Orion et du Petit-Chien. 

Notre Soleil aurait été voisin de ce centre du 
monde il y a un million d’années, et il mettrait, 
pour parcourir son orbite entière aulour de ce 
centre, 400 millions d'années. 


MÉTÉOROLOGIE 


Grandes pluies en France. — On cite souvent 
les formidables chutes de pluie que l'on relève 
quelquefois dans les pays intertropicaux. Certaines 
régions de notre pays n'ont rien à leur céder en 
pareille matière, et atteignent souvent un record 
peu enviable en ces phénomènes. 

Nous lisons dans le Bulletin de la Société astro- 
nomique que la Commission météorologique du 
département de la Lozère publie, dans le Bulletin 
de la Société d'ayriculture de ce département 
(4° trimestre 1914), les observations de l’année 
4940. L'ensemble des stations est de 37. On relève 
dans ce travail des chutes de pluie (en 1940) qui 
ne paraissent pas avoir encore été atleintes en 
France, savoir : 3303 millimètres à la Baraque 
(versant du Tarn à 141400 mètres d'altitude); 
2151 millunètres à Villefort (597 mètres, versant 
du Chassezac); 2610 millimètres à Pont-de-Mont- 
vert (901 mètres, Tarn); 2741 millimètres à Cham- 
plessy (1080 mètres, Tarn); 2538 millimètres à 
Aire-de-Côte (1110 mètres, Tarn), 2501 millimètres, 
è Vialas (022 mâtres, Cèze). Il v a eu 188 jours de 
pluie à Mercoire (4 222 mètres, bassin de l'Allier). 
Villefort a receu 707 millimètres en octobre et 
160 millimètres en décembre: la Baraque, 669 mil- 
limètres en octobre. La movenne pour le départe- 
ment entier est de 4 796 millimètres. La compa- 
raison avec la moyenne de la période 1871-1900 
montre qu'au Mal’ieu il y eut, en 4919, 263 milli- 
mètres en plus (39 pour 100), et à Villefort 
1252 millimètres en plus ‘73 pour 100). Il ya 
en 36 jours de chute de neige à Mercoire. 

Rappeions qu'à Paris la movenne annuelle des 
plues est de 57 millimelres fmovenne de la période 
comprise entre {573 ei 1909). 


Le géo-coronium. — Une intéressan'e confé- 
rence a été donnée par le D'A. Wegener, de l'Uni- 
versité de Marbourg, sur les couches ele la haute 
atmosphère de la Terre. 


COSMOS 


8 AoUT 1912 


Il rappelle les observations et les découvertes 
faites depuis quelques années dans la haute 
atmosphère au iuoyen de cerfs-volants et de 
ballons libres, observations qui ont complètement 
modifié les idées admises sur ka nature de ces mi- 
lieux. Autrefois, on croyait que la décroissance de 
la température avec l'altitude se continuait 
jusqu'aux limites de l’atmosphère. Or, les nou- 
velles observations ont démontré que cette chute 
de la température cesse vers 44 kilomètres d'alti- 
tude, et que des températures plus élevées se ren- 
contrent à de plus grandes altitudes. Mais les 
études du D" Wegener ne se bornent pas à ces 
parlies de notre atmosphère proches encore relati- 
vement de la surface de la terre; il s'occupe aussi 
des régions dans lesquelles on observe souvent des 
phénomènes lumineux, qui donnent la preuve qu'à 
des altitudes de 200 et peut-être mème de 500 kilo- 
mètres, il existe encore une atmosphère d'une 
densité appréciable. {(L'atmosphère d'hydrogène de 
la Terre, Cosmos, t. LXIV, h° 1376, p. 617.) 

M. Wegener croit pouvoir conclure de ses études 
que dans les régions les plus élevées de latmo- 
sphère se trouve, joint à l'hydrogène, un gaz 
encore plus léger, mais inconnu jusqu'à présent. 

Il propose pour ce gaz hypothétique le nom de 
geo-coronium, en raison de sa ressemblance pro- 
bable avec le coronium, non moins inconnu, de 
l'atmosphère solaire. 


PHYSIQUE DU GLOBE 


L’'Asama-Yama. — À la requête du gouverne- 
ment japonais, le professeur Omori vient de faire 
une étude très complète du volcan Asama-\Yama, 
situé au centre de l'ile Nippon, et qui peut être 
regardé comme l'un des plus actifs des volcans du 
Japon. 

La montagne s'élève à 2480 mètres au-dessus 
du niveau de la mer, et à 1300 mètres au-dessus 
des terres voisines. Le cratère actuel a environ 
120 mètres de profondeur et 400 mètres de dia- 
metre. 

La première éruption dont on ait gardé le sou- 
venir a eu lieu en l'année 685 de notre ère, la plus 
grande en 1783. Depuis cette époque, le volcan 
était reslé dans un calme relatif jusqu'il y a 
quelques années. Depuis décembre 1909, les explo- 
sions y out eté très fréquentes; plus de soixante 
se sont produites depuis deux ans. Le fond du 
cratère s'est considérablement élevé depuis vingt 
ans, et 12 professeur Omori croit que ce phéno- 
mône annonce l'approche d'une nouvelle grande 
activité du volean, d'ici à une vingtaine d'années 
probablement. 

es stations sismographiques ont été établies à 
des hauteurs différentes sur les pentes de la mon- 
tagne, où les mouvements du sol sont fréquents. 


N° 1437 


Ceux-ci sont de deux sortes : les uns consistent en 
chocs isolés et très courts: dans les seconds, le 
phénomène s'accuse par de lents mouvements 
oscillatoires suivis, après quelques secondes, par de 
rapides vibralions. Les secousses du premier type 
ne sont accompagnées d'aucune manifestation du 
volcan; celles du second type sont invariablement 
le résultat d’explosions de l’Asama-Yama. 

Les détonations volcaniques sont entendus sou- 
vent à 290 kilomètres de distance dans l'Est et le 
Sud-Est, et, chose bizarre, à très peu de distance 
vers l'Ouest. Il y a des exceptions cependant à 
cette règle; les cendres, sauf de rares exceptions, 
se dirigent dans le secteur entre l'Est-Nord-Est et 
l’Est-Sud-Est; ellessont transportées avec une vitesse 
de 60 à 125 kilomètres par heure, bien supérieure 
à celle du vent à la surface du sol, mais corres- 
pondant sans doule, d’après M. Omori, à la vitesse 
duvent dans les hautes couches de l'atmosphère, 
à 8000 ou 9700 mètres, hauteur atleinte générale- 
ment par les colonnes de fumée issues du volcan. 


Un pays instable. — L'ile de Zante est, suivant 
toute apparence, le point du globe le plus cruelle- 
ment éprouvé par les tremblements de terre. 
M. Bonavia, agent de la Compagnie orientale des 
télégraphes, qui réside daas l'ile, a relevé l’histo- 
rique de ces phénomènes et l’a communiqué à la 
Société sismologique italienne, qui a publié sa note 
dans son Bulletin (vol. XVI, 4912, p. 59-67). 

Depuis l'occupation de l'ile par les Vénitiens au 
xve siècle, on y a constaté dix-neuf secousses désas- 
treuses; les deux dernières se sont produites le 
24 et le 25 janvier dernier. 

L'épicentre de ces tremblements de terre, et 
probablement de ceux qui les ont précédés, était 
sous-marin entre Zante et Céphalonie, plus près 
sans doute de celte dernière ile, si on en juge par 
les désastres plus considérables qu'elle a éprouvés. 

Jusqu’à la fin d'avril 4912, les deux terribles sc- 
cousses de janvier ont élé suivies de nombreux 
chocs d'importance moindre, que M. Bonavia 
classe ainsi : douze fortes secousses, treize mo- 
dérées et quarante-huil légères. 

Zante a dù, dans ces conditions, conslituer une 
station hivernale des plus pittoresques. 


« Le désert en marche ». — Une dépêche du 
général russe Mitschenko, qui se trouve à Novo- 
Tcher-Kask, chef-lieu militaire du commandement 
des Cosaques du Don, signale Île grand danger 
causé par l'invasion des sables qui menace la région 
où il exerce son commandement. Les autorités 
locales ont déjà volé un crédit de 1200000 francs 
pour arrêter la montagne envahissante. 600000 kilo- 
mètres carrés auraient élé recouverts, depuis peu, 
par l’inondation sablonneuse. 

Dès 1892, Vladimir Solovief, le grand penseur 
russe, écrivait: 


COSMOS 


143 


« L'ennemi nous vient d'Orient. H est plus dange- 
reux pour nous que les hordes dévastatrices des 
Mongols, car c'est le désert d'Asie lui-même qui, 
poussé par le vent d'Est, étend son linceul de sable 
sur la terre d'où il a fait disparaitre les arbres. Il 
marche vers nous, amenant sa poussière mortelle 
jusqu'aux porles de Kiev. » 

Il est, chez les Cosaques du Don, une peuplade 
qui, par quatre fois déjà depuis un demi-siècle, 
a dù reculer devant l'invasion des sables qui la 
pourchassent : on l'appelle là-bas d'un nom triste- 
ment significatif : la ferme errante. La dune con- 
tinue sa marche impitoyable, amenant avec elle le 
châtiment de ces populations inconsidérées qui 
ont détruit leurs forêts sans songer que ces rideaux. 
d'arbres étaient une digue contre la marée de 
sable et une protection pour leurs sources d’eau. 
Chaque année, ce sont des surfaces de terre fertile 
de 1500 kilomètres carrés dans le gouvernement 
du Don et de 4000 dans le gouvernement d’Astra- 
kan qui disparaissent sous cette invasion jaune, la 
plus menaçante de toutes. Près de 500000 kilo- 
mètres carrés ont été ainsi à jamais perdus pour 
l’agricullure en l’espace d'un demi-siècle. Cette 
année, la surface de terres stérilisées par le fléau 
est plus importante que jamais. 

Les forestiers russes, MM. Kovalef et Krukof, 
ont, il y a plus d'un an, poussé un premier cri 
d'alarme. Ils estiment qu’un reboisement auquel 
on consacrerait annuellement 25 francs par hec- 
tare, établi en grand, arrêterait la marche du fléau. 
Une dépense de 350 000 francs par an conjurerait, 
disent-ils, une perte annuelle de 3 millions et demi 
de francs. ~- | | 

Pour la première fois ilsemble qu'on prète l'oreille 
à leur appel. Il est grand temps qu’on se préoccupe 
d'un problème dont l'Occident tout entier a le 
devoir de ne pas se désintéresser. Josepx MoLcer. 


BOTANIQUE 


Migration d’une algue méridionale sur le 
littoral français et anglais. — Les géologues ct 
les géographes pensent que les migrations des ani- 
maux et des végétaux ont joué un rôle prépondé- 
rant, à la fois dans l’évolution des espèces vivantes 
et dans le peuplement du globe tel que nous le 
constatons aujourd'hui. 

Aussi Mme Paul Lemoine a été bien inspirée de 
noter (dans la Géographie, 45 juillet) un intéres- 
sant phénomène de migration qui, depuis six ans, 
a été étudié grâce aux efforts collectifs de plusieurs 
observateurs. 

L'espèce dont il s'agit est le Colpomenia sinuosa. 
Cette algue marine est originaire des pays chauds 
et tempérés; elle vivait dans la Meédilerrance, la 
mer Rouge et l'océan Indien, en ce qui concerne 
l'Atlantique, on l’y trouvait au Brésil et au Mexique, 


114 


mais en Europe, elle s’arrètait à la latitude de 
Cadix. Or, elle a envahi dans les six dernières 
années les côtes de l’Angleterre et de la France, et 
son avancement de localité en localité a élé d’au- 
tant plus remarqué qu’elle a causé dès le début des 
dégâts importants dans les parcs d’huitres où elle 
s’établissait : en effet, elle affecte la forme de 
ballons de la grosseur d’un œuf de poule, gonflés 
d'air, qui flottent à marée montante et qui entrainent 
hors des pares les huitres auxquelles elles se sont 
fixées (Cosmos, t. LIV, p. 666). 

On se serait attendu à voir cette algue méridio- 
niale gagner progressivement du Sud au Nord 
depuis Cadix, en s’acclimatant d'abord sur les 
côtes du Portugal, pour monter peu à peu jusqu'en 
France. Et pourtant l'adaptation s’est faite tout 
autrement : elle a débuté en plein dans la Manche 
et en Bretagne vers 1905 ; au printemps 1906, l’algue 
est signalée sur les côtes Sud d'Angleterre; en 1907, 
à Wimereux et au Croisic; en 1909, on la signale 
à Marennes (Charente-Inférieure), et c'est après 
qu'elle redescend le long des côtes atlantiques de 
France jusqu’au golfe de Gascogne, où elle est 
observée en mars 1941 par M. Sauvageau. 

Au sud de l'Angleterre, elle est actuellement 
l'algue dominante. Chose curieuse pour une algue 
venue du Midi: en Angleterre, sa fructification 
s'opère non pas à la saison chaude, mais en hiver. 

En quelques localités restreintes, par exemple 
dans le golfe du Morbihan, l’algue, momentané- 
ment très abondante, a, au bout de deux ans, com- 
plètement disparu, étouffée par la multiplication 
d’une conferve qui s’est abondamment développée 
dans l’été de 1907. Ailleurs, elle continue de gagner 
du terrain. 


HYGIÈNE 


Le cinématographe à l’abattoir. — A l'abat- 
toir de Berlin, depuis quelque temps déjà, òn 
emploie le cinématographe au lieu du microscope, 
pour examen sanitaire des viandes. Le morceau 
de viande soumis à l'examen est placé devant 
l'objectif d’un appareil cinématographique et 
l’image agrandie est projetée sur une toile. Si la 
viande est malsaine, on voit les microorganismes 
qui s’agitent et se montrent immédiatement aux 
yeux des consommateurs. Cette application du 
cinématographe à l'examen sanitaire des viandes 
par les inspecteurs vétérinaires est fort curieuse 
et pratiquement plus utile que les exhibitions 
traquées généralement données en spectacle au 
public. Ne: Le 


Le danger des mouches. — La mouche femelle 
ordinaire, qui envahit nos habitations, a trois occu- 
pations principales: se nourrir, se nettoyer et 
trouver un endroit opportun pour déposer ses 
œufs. Sa vie est courte. En cinq semaines environ 
elle doit remplir sa destinée. La femelle pond ses 


COSMOS 


8 aouT 1912 


œufs de préférence dans quelque fissure d’un tas 
de fumier ou d’erdures humides et chaudes, de 
100 à 150 œufs à la fois. Si elle n’a pas été détruite 
par un ennemi quelconque, elle répète cette opé- 
ration cinq ou six fois au cours d'un été. Elle 
devient ainsibientôtgrand'mère, arrière-grand mère 
par les rapides éclosions. On estime que dans une 
saison une mouche peut compter de deux à trois 
millions de descendants. 

En l’espace de vingt-quatre heures et mème de 
huit heures, si l'œuf est dans un endroit chaud, la 
chrysalide se forme et, au bout d’une semaine, 
éclòt. La chrysalide se nourrit d’abord des ordures, 





NOTRE ENNEMIE LA MOUCHE. 


(Gravure du Scientific American.) 


change de peau, prend une teinte brune et, trois 
jours pius tard, est un insecte parfait prêt à jouer 
son ròle dans le monde si l'œuf et la larve sont 
placés dans de bonnes conditions; l'histoire de sa 
vie jusqu'au complet développement ne dure que 
huit jours; elle est alors un animal merveilleux, 
admirable, mais qui porte sur les ailes et dans les 
poils de ses pattes et sur sa petite personne abon- 
dance de germes de maladies et de mort. 
Onatrouvé,nousdit Pearsone's Magazine, jusqu'à 
6 600 000 germes sur une seule mouche. L'examen 
de 414 mouches a donné, comme nombre moyen 
de germes par chaque mouche, le nombre formi- 


Ne 1437 


dable de 1 222 570 germes. Il a suffi qu’une mouche 
vienne se poser sur de la gélatine pour y détermi- 
ner une culture de germes typhiques; la mouche 
avait laissé sur ses traces 30000 bactéries dont 
quelques-unes auraient pu être une cause de 
mort. 

On comprend donc comment un grand nombre 
de médecins sont si favorables à la croisade contre 
les mouches. 

Les enfants de Weir (Kansar) et d’autres villes 
d’Amériques'emploient à la destruction desmouches. 
À Weir, les enfants partagèrent la ville en districts 
où chaque brigade devait opérer. On les vit, au 
jour fixé et convenu avec les autorités, faire de 
considérables hécatombes de mouches, systémati- 
quement entreprises et bien dirigées. N. L. 


Quand on détruit les mouches, on peut estimer 
que pour chaque insecte-mis à mort on a débar- 
rassé l'humanité d'un million de ces vermines. On 
ne saurait donc trop encourager les personnes qui 
leur tendent des pièges ou qui les empoisonnent. 
Dans une cuisine, à la campagne, nous avons vu 
retirer d'une de ces carafes employées pour prendre 
les mouches jusqu'à 300 cadavres en quelques 
heures. C’est un moyen bien simple pour entraver 
la multiplication exagérée de l'espèce, et on devrait 
accorder des primes aux ménagères qui lemploient 
avec perséverance. 


VARIA 


Le chien parlant. — Après que les gazeites se 


sont amusées tout à leur aise au sujet de Don, le 
chien qui parle, les graves professeurs allemands 
ont mis leurs lunettes pour examiner de plus près 
le phénomène ; il n'est pas inutile d'avoir mainte- 
nant les résultats de leurs constatations. 

: Rappelonsque Don est un chien de sept ans, appar- 
tenant au garde-chasse royal Ebers, à Theerhutte 
(Gardelegen, Saxe). Il a un vocabulaire de huit 
mots, qu’il prononce quand on lui donne à manger 
et qu'on l’interroge : 

Was heisst du? — Don. 

Was hast du? — Hunger. 

Was willst du? — Haben haben. 

Was ist das? — Kuchen. 

Was bittest du dir aus ? — Ruhe. 

C'est-à-dire : 

Comment t'appelles-tu? — Don. 

Qu'est-ce que tu as? — Faim. 

Que veux-tu? — Avoir avoir. 

Qu'est ceci? — Gdteau. 

Que réclames-tu? — La paix. 

li répond, en outre, catégoriquement par Ja et 
Nein (Dui et Non) et prononce aussi parfois le 
nom Haberland. 

M. Oskar Pfungst, de l’Institut psychologique de 
l'Université de Berlin (qui a précédemment exa- 


COSMOS, 


115 


miné le cas du cheval savant Der Kluge Hans), a 
étudié Don et enregistré ses réponses au phono- 
graphe (Science, 40 mai). 

Il note, en premier lieu, que le chien n’a en 
aucune manière l'intelligence des questions et des 
réponses : celles-ci viennent dans un ordre inva- 
riable, depuis Don jusqu'à Ruhe, et si on varie 
l'ordre des questions, Don répond qu’il se nomme 
Kuchen et qu'il veut Hunger, ete. Les trois réponses 
supplémentaires viennent d’ailleurs absolument au 
hasard. Il faut encore tenir compte de l'articula- 
tion. Don n’a qu'une voyelle, dont le son, incertain 
et variable, est intermédiaire entre o et ou français; 
il n’a jamais prononcé ni a ni.é. Il émet une con- 
sonne gutturale qui est à peu près le ch allemand, 
qui lui sert de Æ et de A; la nasale qu'il prononce 
et qui est intermédiaire entre n et ng lui tient lieu 
de d quand elle est un peu allongée. Aussi le mot 
Hunger n'est-il guère que l'interprétation accom- 
modante, par les auditeurs allemands, d'un son 
plutòt voisin de Kunguo. 

Devant le phonographe, à la simple question, 
uniformément répétée, Was? l'animal répondait 
comme d'ordinaire par la série : Don, Hunger, etc.; 
mais sur seize mots, il n’y en a guère que deux qui 
fussent intelligibles. Des auditeurs absolument 
désintéressés arrivaient bien rarement à distinguer 
le Hunger du Haben, le Ruhe du Kuchen ; 
quelques-uns entendaient parfois tout aussi bien 
Engelhopf, Halleluia,'Huhn (poule), Honig (miel)! 

Inutile d'insister. 


Le chemin de fer pan-américain. — On a 
beaucoup parlé d’une ligne dite pan-américaine 
devant relier New-York et Buenos-Ayres. L’expres- 
sion parait très exagérée en ce que cette ligne se 
composerait d’une série de chemins de fer locaux, 
n'ayant même pas le même écartement de voie et 
ne présentant nullement les caractères d’une 
grande artère commerciale de transit. E 

Quoi qu’il en soit, il parait intéressant de donner, 
d'après le South Pacific Mail, la liste des tronçons 
qui composent ce chemin de fer, avec l'indication 
des parties achevées. 





New-York à Mexico (fait)................ 4 871 km 
Mexico à la frontière du Guatemala (fait) 1 357 
Guatemala à la gare dn canal de Panama 

(81848)... disait 1 744 
Zone du canal de Panama à Puno (Pérou, 

(873 FAILS} esse eo > 413 
Puno à Guaqui (Bolivie) par eau......... 164 
Guaqui à Quiaca (Argentine) (584 faits et 

269 en construvction)................., 853 
Quiaca à Buenos-Aires (faits).....,....... 1 707 

LOFALL uses ruine {5 {09 
Partie faite............ 10 +3 
Partie à faire.......... 5 466 


(Société des Ingénieurs civils.) 


116 COSMOS 


8 aour 191412 


Grillades et fourneaux monstres chauffés au gaz. 


Le gaz tròne maintenant dans toutes les cuisines 
urbaines. Les plus modestes ménagères s'en servent 
aussi bien que les cuisinières de la bourgeoisie et 
les Vatel des princes. Mais, jusqu’à présent, on ne 
l’'employait qu'occasionnellement dans les hôtels, 
collèges, hôpilaux et autres grands établissements 
oùondoit nourrir quotidiennement un grand nombre 
de personnes. Aujourd'hui, c'est chose faile, grâce à 
d'ingénieux appareilsqui, tout ensimplifiant la main- 


d'œuvre et en rendant moins pénible le dur labeur 
des cuisiniers, constituent un progrès hygiénique 
sans augmentation du prix de revient. Nous nous 
contenterons de décrire aujourd'hui les remar- 
quables grillades et fourneaux å friture installés 
récemment par M. Ch. Pelletier dans les nouveaux 
bâtiments de la Samaritaine. 

La grillade-salamandre représentée ci-dessous 
(fig. 1) mesure 5 mètres de largeur sur 0,9 m de 





F1G. 1. — NOUVELLE GRILLADE MONSTRE CHAUFFÉE AU GAZ : 700 BEEFSTEAKS EN 6 MINUTES. 


profondeur et 2 mèlres dẹ hauteur. Elle se divise 
en deux comparliments symétriques munis de six 
grils basculants en acier capables de cuire 650 à 
700 biftecks ou côtelettes en six à sept minutes. 
cbeque compartiment porte un plafond en terre 
réfractaire et se chauffe au moyen d'une rampe de 
rüleurs. Des becs veilleuses brûlant en perma- 
nence permettent d'opérer l'allumage au moment 
voulu. 

Les grils supportant les viandes à cuire sont 
doubles. Formés de deux parties que constituent 
des barreaux encadrés sur les còlés et que réu- 
nissent des charnières, ils s'ouvrent et se referment 


l’un sur l'autre comme les feuillets d'un livre. Pour 
garnir un gril de viande, le cuisinier le place sur 
une table, louvre puis y dispose les morceaux et 
le referme en sorte que les viandes se trouvent 
maintenues par les deux faces. Après quoi, aidé 
d'un de ses compagnons, il l’enfourne très aisé- 
ment, les supports du gril pouvant être amenés en 
avant à l’aide de ghssières. Quelques minutes plus 
tard, la viande est cuite d’un côté, le cuisinier exé- 
culte alors une manœuvre identique, retourne le 
gril et le repousse à l’intérieur du four de façon 
à cuire l’autre face. 

L'opération se poursuit ainsi d’une manière 


N° 1437 


méthodique et peut se continuer sans interruption. 
De plus, la consommalion du gaz est minime: 
environ 6 à 7 mètres cubes par gril pour 140 à 
120 côtelettes ou biflecks. La cuisson d’une pièce 
n'atteint donc pas même un demi-centime! En 
outre, l’expérience a permis de conslater que ce 
système apporte une amélioration notable à la 
préparation des mels. Les viandes sont saisies 
entre la nappe de feu des brûleurs et le plafond 
incandescent, une croûte se forme à la surface, et 
les sucs nutritifs, portés à ébullition dans l'inté- 
rieur, viennent perler en belles goutteleltes rouges, 
une fois l'opération terminée. Enfin, les viandes 


COSMOS 


147 


grillées au gaz perdent 20 pour 100 de moins 
qu'avec un autre combustible. 

Passons aux fourneaux à friture chauffés au 
gaz. Celui des cuisines de la Samaritaine (fig. 2) 
possède trois récipients dont on aperçoit les deux 
premiers sur notre gravure. Chacune de ces vastes 
« poêles à frire » peut contenir 300 kilogrammes 
de graisse qu'une batterie de 102 brûleurs Bunsen 
portent à lébullition en une demi-heure, et qui 
suffisent pour assurer la cuisson de 100 kilogrammes 
de pommes de terre en deux immersions d'une 
durée totale de quinze minutes environ. La con- 
sommalion de gaz pour une de ces opéralions ne 





F1G. 2. — FOURNEAU MONSTRE SUR LEQUEL ON PEUT FRIRE 100 KG DE POMMES DE TERRE EN UN QUART D'’HEURE. 


dépasse pas 18 mètres cubes, car le cuisinier peut 
régler le débit une fois la température de 150° 
(ébullition de lu graisse) atteinte, la batterie étant 
sectionnée au tiers et aux deux liers. 

Le fourneau, qui a une longueur totale de 5,5 m 
et une profondeur de 1,3 m, se trouve placé sous 
une hotte destinée à l'évacuation des buées et 
vapeurs. Quant aux produits de la combustion, ils 
circulent autour des bassines et une cheminée les 
conduit au dehors. Comme le montre l'illustration 
ci-jointe, on met les pommes de terre dans des 
paniers métalliques qu’on plonge dans la graisse et 
qu’on en relire au moyen de chaines passant sur 


des palans. En détachant les chaines d’un côté, on 
les fait basculer de manière à déverser leur con- 
tenu dans des récipients que des tables à roulettes 
emportent rapidement vers l'endroit où des ser- 
veurs préparent les portions. 

Grâce à ces grillales-salamandres et à ces four- 
neaux à friture dignes de la cuisine de Gargantua, 
on assure, en trois services, échelonnés de onze 
heures à une heure de l'après-midi, la cuisson de 
3 600 à 4000 biflecks ou côteleltes et des 
4 200 kilogrammes de pommes de terre nécessaires 
à certains jours pour le déjeuner du personnel de 
la Samaritaine. JACQUES BOYER. 


148 


COSMOS 


8 AOÛT 1949 


ÉLECTRICITÉ INDUSTRIELLE 
Les limiteurs de courant. 


La distribution à forfait du courant électrique, 
qui fut appliquée au début par toutes les entre- 
prises produisant l'énergie électrique, présente cer- 
tains inconvénients dans les cas des petits abonnés. 
Aussi a-t-elle été remplacée par la distribution au 
compteur. Malheureusement le prix de cet appa- 





Fio. 1. — LINMITEUR DE COURANT OMLINGER. 


reil est élevé, ce qui a incité à le remplacer 
par un dispositif simple et peu coûteux: le limi- 
teur de courant. Cet appareil permet d'appliquer 
le tarif forfaitaire avec moins d2 risques pour 
l'usine qui fournit le courant. L'usine productrice 
convient avec le consommateur d’une intensité 






CAOUT 


T1G. 2. — SCHÉMA DU LIMITEUR POUR COURANT TRIPIHASÉ. 


maximum de courant ou e'un nombre de lampes 
déterminé en se basant sur un certain prix sans 
qu'il soit peritais à l'abonrié de dépasser l'intensité 
convenue. À cet effet. un limiteur de courant est 
placé en série sur la canalisation, à la place du 
compteur, pour empecher l'abonné de prélever 
sur le réseau plus de courant qu'il n’a été convenu. 


Cette combinaison présente l'avantage, pour 
l'usine, de simplifier considérablement la compta- 
bilité et de supprimer de la main-d'œuvre {écono- 
mies dans l'administration); elle permet d'exiger 
le payement à l'avance. Pour l'abonné, elle sup- 
prime la lourde charge de la location du compteur 
et l'inquiétude relative à son fonctionnement nor- 
mal. Ajoutons que compteur et limiteur peuvent 
d'ailleurs être utilisés simultanément, de manière 
à empêcher l’abonné de dépasser un certain débit. 
Cette combinaison permet d'employer un compteur 
d’une intensité tout juste égale à celle que pourrait 
absorber l'installation et le fait fonctionner dans 
la partie supérieure de son échelle de mésure où 
ses indications sont les plus exactes. On évite ainsi 
en même temps les trop fortes charges à l'usine. 





Fia. 3. 


— APPAREIL SIMPLIFIÉ 
POUR PETITES INSTALLATIONS. 


Il existe déjà un assez grand nombre de limiteurs. 
Parmi ceux qui paraissent le plus judicieusement 
ctablis, on peut citer le limiteur Ohlinger dont, 
parait-il, plus de 50 000 exemplaires fonctionnent 
actuellement. H se fait en deux types différents: l’un 
pour les faibles intensités de 1 à 3 ampères; l’autre 
pour les intensités supérieures à 3 ampères. Sa 
construction est représentée par la figure i. Le 
courant de consommation parcourt le solénoide B 
dont le novau de fer doux A produit un champ 
magnétique intense. L’urmature C, mobile sur un 
ressort feuillard K, est reliée rigidement à un tube 
de verre possédant deux godets remplis de mercure. 
Le courant circule dans le tube en passant par G 
et H. Pour empèclier toute oxydation, on a rempli 
ce tube avec un gaz inerte et on l’a fermé hermé- 
tiquemoant à la lampe. Le solénoïde, le tube de 
rupture el Îles appareils de consommation sont 


No 1437 


montés en série. Le nombre d’ampère-tours de la 
bobine est fixé à un minimum et dimensionné de 
sorte que l’armature est attirée lorsque l'intensité 
du courant dépasse de 10 pour 406 l'intensité 
maximum convenue. Quand l’armature est attirée, 
le tube de rapture se trouve légèrement incliné et 
le mercure se sépare en coupant le courant en H. 
Le tlux de force magnétique disparait aussitôt et 
l'armature retombe en rétablissant Île circuit. 
L’armature se trouvera donc de nouveau attirée, 
coupant encore le circuit. Cette manœuvre se pour- 
suivra tant que l'intensité pour laquelle le limiteur 
est réglé sera dépassée. L'abonné sera donc obligé 
de rester dans les limites de consommation conve- 
nue avec l'usine. 

La consommation propre de ce limiteur n'est 
que de un ou deux watts. Le réglage pour l'’inten- 
sité ou le nombre de lampes demandé s'effectue 
à l'aide du ressort K, solidaire de l'armature C 
dont il modifie la distance au noyau magnétique A. 

Pour les courants continu, monophasé et diphasé, 
l'appareil est bipolaire pour le courant triphasé, 
il est tripolaire (fig. 2). Ces derniers limiteurs pos- 
sédent trois bobines d’excitation et deux tubes de 
rupture : le circuit de l'installation est coupé dès 
que la charge de l’une des phases dépasse l'intensité 
prévue au contrat, 


COSMOS 


149 


Pour les petits abonnés, le limiteur précédent est 
remplacé par un petit appareil très simple et très 
bon marché (il ne coùte qu'une dizaine de francs). 
Comme l'indique le schéma (lig. 3), le limiteur de 
courant de 1 à 3 ampères comprend une bobine 
d'électro-aimant o parcourue par le courant de 
consommation. Cette bobine agit sur une armature 
légère, formée d'une petite tige de fer b qui, au 
repos, appuie sur deux petits godets à mercure d 
enfermés dans un tube hermétique c rempli d’un 
gaz inerte. Dans cette posilion, la tige b ferme le 
circuit. Dès que l'intensité du courant atieint la 
valeur fixée d'avance, la tige est attirée et le cir- 
cuit est coupé déterminant des interruptions dans 
le fonctionnement des appareils : le consommateur, 
privé de lumière fixe, doit donc éteindre les lampes 


* qui sont de trop ou les remplacer par des lampes 


d'intensité moindre. 

L'appareil est réglable comme le précédent : il 
suflit, en effet, de desserrer la vis f et de déplacer 
l'électro-aimant, On conçoit que, selon les distances 
qui séparent la tige de fer b du noyau o, l'attraction 
s'exerce pour des intensités variables. Le réglage 
s'effectue d’ailleurs par les soias de l'usine, et, pour 
protéger les appareils contre les détériorations et 
la fraude, ils sont munis d'un couvercle à plombage. 

A. BERTHIER. 





La combustion incandescente sans flamme. 


On constate que la présence d’un corps chaud de 
grande surface dans une enceinte renfermant un 
mélange gazeux accélère la combinaison des gaz. 
La combinaison s'opère d’une manière particuliè- 
rement active dans les couches gazeuses immé- 
diatement en contact avec la surface chaude. Depuis 
longtemps, cependant, on considérait comme un 
phénomène étrange la combustion de l’hydrogène 
en présence du platine très divisé à l’état poreux. 
Et, dans les applications industrielles, on ne jugeait 
point avantageux pour la combustion le contact de 
la flamme avec des surfaces solides. Suivant l'opi- 
nion de Frédéric Siemens, les surfaces chaudes 
déterminaient une dissociation des gaz qui contra- 
riait la combustion. Or, la compétence et la haute 
autorité dont jouissait Siemens ne permettaient 
guère de contester ses jugements. 

L'influence qu'ont les surfaces chaudes sur la 
combustion à basse température a attiré latten- 
tion de chimistes distingués: Dulong, Thenard, 
Dobereiner, en France; Davy, Henry, Graham, 
Faraday et de La Rive,en Angleterre. L'étude en a 
été reprise d’une façon approfondie par M. W. Bone, 
professeur à l’Université de Leeds, en Angleterre. 
[i y fut amené en constatant l'influence exercée 
par un grand nombre de surfaces chaudes sur la 
combinaison de l'oxygène et de l'hydrogène au- 


dessous de leur point d'inflaimmation. L'expérience 
démontre que le pouvoir d'accélérer les combus- 
tions gazeuses appartient à toutes les surfaces, 
même à des températures au-dessous du point 
d'inflammation, mais à des degrés variables dépen- 
dant de leurs caractères chimiques et de leur con- 
texture physique. L'activité d’une surface peut être 
accrue ou diminuée dans certaines conditions. Dans 
le cas de la combinaison de l’hydrogène ou de 
l'oxyde de carbone avec l'oxygène à basse tempé- 
rature en contact avec un métal non oxydable ou 
un oxyde non réductible, l’activité de la surface 
est exallée par le contact préalable avec l’oxygène. 
La surface a donc une propriété spéciale de conden- 
sation, d'absorption, peut-être d’ionisation, assez 
difficile à définir, mais incontestable. Ainsi la pré- 
sence de la vapeur d'eau, qui facilite la combustion 
de l’oxyde de carbone dans les conditions usuelles, 
la retarde, au contraire, par le contact avec une 
surface de terre réfractaire. On peut citer encore 
l'exemple du méthane qui, dans les flammes ordi- 
naires, a une plus grande affinité pour loxygène 
que l'hydrogène ou l'oxyde de carbone, el qui, en 
contact avec une surface chaude, a des propriétés 
opposées. Ce sont là des faits d'un véritable intérèt, 
ne serait-ce qu'en montrant combien sont com- 
plexes les phénomènes de la combustion, 


150 


Si des corps chauds accélèrent la combustion des 
gaz à des températures au-dessous du degré d'in- 
flammation, il est logique d'admettre que des corps 
très chauds posséderont davantage la même pro- 
priété. M. Bone considère que l'influence de sur- 
face s’accroit rapidement avec la température selon 
la nature des corps chauds, mais qu'elle est prali- 
quement égale pour tous les corps portés à lin- 
candescence. Si un mélange de gaz explosifs est 
comprimé au travers d’une matière réfractaire 
incandescente poreuse, la combustion est très 
rapide et, par suite, extrêmement vive dans les 
premières couches très voisines de la surface de 
pénétration. M. Bone réalise ainsi une combustion 
de surface incandescente sans flamme; l'énergie 


du gaz est immédiatement transformée en chaleur 


rayonnante. 
Quels sont les avantages du nouveau procédé? 





F1G. 1. — DIAPHRAGME CHAUFFEUR. 


4® La combustion est rendue beaucoup plus rapide 
par la surface incandescente et, par suite, peut 
être concentrée à l’endroit précis où la chaleur est 
nécessaire; 20 Ja combustion est complète avec une 
quantité d'air comburant réduite au minimum; 
3° la production de températures très élevées est 
possible sans aucun système de récupération de 
chaleur, et 4, à raison du grand dévelappement de 
chaleur rayonnante, les échanges caloriliques sont 
rapides avec l'objet à chauffer. 

Divers dispositifs imaginés par M. Bone montrent 
quelques applications de la combustion sans 
flamme. Un mélange de gaz combustibles s'écoule 
sousune légère pression au travers d'un diaphragme 
de matière granuleuse réfractaire, dont la porosité 
varie suivant la nature du gaz à brüler. Avec le 
gaz d'éclairage et le gaz à l'eau carburé, une pres- 
sion correspondant à une colonne d’eau de 5 à 


COSMOS 


8 aour 1912 


1 centimètres est suffisante pour déterminer le 
mouvement du courant gazeux. Le mélange com- 
bustible est introduit dans une chambre ou espace 
ménagé derrière le diaphragme. Le gaz et lair 
sont fournis séparément sous pression pour se 
réunir dans la branche d’un tube en V, ou bien le 
gaz sous pression arrive par un injecteur qui pro- 
duit un entrainement d'air en proportion conve- 
nable pour une combustion complète. Au début, le 
gaz est insufflé seul et enflammé à sa sortie sur la 
surface extérieure; l’air est alors introduit gra- 
duellement jusqu’à ce que la proportion désirable 
soit atteinte. La flamme cesse bientôt d'être lumi- 
neuse et diminue de volume, puis se retire dans 
l'épaisseur du diaphragme, qui prend un aspect 
bleuâtre et rougit enfin sur toute sa surface. Toute 
trace de flamme disparait, et la chaleurrayonne vive- 
ment au dehors. Cette combustion présente plusieurs 
phénomènes curieux. La combustion se localise im- 
médiatement au-dessous de la surface extérieure 
formant une zone de faible épaisseur (3 à 6 mm), 
et aucune chaleur ne se développe en arrière du 
diaphragme, si bien que lon peut sans crainte 
poser la main sur la chambre d'arrivée du mélange 
gazeux. La combustion, bien que produite dans un 
espace très limité, est complète, de telle sorte 
qu'après le réglage du mélange, aucune partie de 
gaz non brùlé ne s'échappe. En outre, la tempéra- 
ture à la surface peut être instantanément modifiée 
en agissant sur la quantité du mélange, ce qui 
permet de régler très exactement la produclion de 
chaleur utilisable. 

Avec du gaz d'éclairage et de l'air, le diaphragme 
peut être aisément maintenu à une température de 
850°C. Ce système se prête parfaitement à l'emploi 
des combustibles gazeux les plus variés: gaz 
d'éclairage, gaz de four à coke (dilué ou non avec 
du gaz à l’eau), gaz nalurel, gaz d'air carburé, gaz 
à l’eau carburé, gaz Mond (gaz pauvre à 4 360 calo- 
ries par mètre cube). On peut se servir de dia- 
phragmes de 60 X 60 cm*, qui résistent à un long 
usage sans altération de leur pouvoir rayonnant. 
On songe aussitôt à leur emploi pour le rôlissage 
ou le grillage. La facilité de donner au diaphragme 
toute position désirable permet de l'utiliser hori- 
zontalement à très faible distance de la surface 
d'un liquide pour l'évaporer ou le concentrer. Ainsi 
on évapore dans un plat une solution de silicate de 
soude, opération difficile quand le chauffage a lieu 
par-dessous. Avec le nouveau procédé, les couches 
supérieures du liquide, immédiatement chauffées 
par la chaleur radiante, sont vaporisées. Il se 
forme bientot une croûte superficielle de silicate 
de soude que l'on’enlève par intervalles. 

Dans les applications industrielles, le diaphragme 
est remplacé par un lit de matières réfractaires 
granuleuses qui enveloppent le corps à chauffer. 
Ces matières sont portées à l’incandescence par un 


Ne 1437 


courant de mélange explosif, formé d'une vapeur 
combustible ou d'un gaz et d'air, qui viennent 
brüler dans les interstices laissés dans la masse. 
On voit dans la figure 2 l'application à un four 
à creuset. Le dispositif serait le même dans un 
four à moufle. Le mélange gazeux pénètre dans le 
four par un étroit orifice avec une vitesse plus 
grande que la vitesse avec laquelle se propage l'in- 


D 


H 


CL 


[2 
SIN 


r 
N 
r 























X 


vb 


TA 
77772 


TT + 


RS 
LE 















V KR 


| 


FıG. 2. — FOUR A CREUSET. 


flammation. Ce mélange, en rencontrant les ma- 
tières incandescentes à la base du foyer, y brûle 
complètement sans flamme en y développant une 
très haute température. Les gaz brülés sur leur 
parcours entretiennent l'état incandescent. 

Par ce moyen, qu'il est possible d'adapter aux 
fourneaux de formés variées, on atteint sans récu- 
pération des températures beaucoup plus élevées 
que par la combustion avec flammes. En réalité, 
avec des gaz d'une valeur calorifique élevée, tels 
que le gaz d'éclairage, la température praticable 
est limitée plutòt par la nature des réfractaires 
composant le fourneau que par le degré de com- 
bustion possible. Ainsi, au gaz de ville, M. Bone 
a fondu complètement dans un creuset un còne de 
Seger, n° 39, ce qui correspondait à une tempéra- 
ture voisine de 2000°C. On pourrait de même 
fondre le platine, ce qui montre la supériorité du 
nouveau procédé par rapport au chauffage au gaz 
ordinaire. Il faut évidemment choisir, pour bourrer 
le fourneau, des matières réfractaires qui n’aient 
pas d’action sur les parois. Jusqu'à 1 200, on peut 
employer la brique réfractaire, broyée et tamisée, 
à une grosseur convenable. A de plus hautes tem- 
pératures, le lit est formé de fragments de'ma- 
gnésite ou autres réfractaires tels que le carbo- 
rundum broyé et tamisé. L'allumage du fourneau 
se fait d'abord sur le gaz seul auquel on mélange 
l'air en proportion voulue; la quantité du mélange 


COSMOS 


151 


est réglée de façon que toute la région inférieure 
du fourneau soit portée à l’incandescence. 

Avec les gaz riches, tels que le gaz d'éclairage, 
on atteint des températures de 2 000°C, et, avec du 
gaz Mond ou gaz pauvre, 1 500° environ sans récu- 
pération, et la récupération, généralement appli- 
cable, élève dé beaucoup ces limites. 

Voici les résultats d’essais faits dans un four à 
moufle de 238 millimètres de longueur, 132 milli- 
mètres de largeur, 81 millimètres de hauteur, 
chauffé au gaz d'éciairage d'un pouvoir de 4 820 calo- 
ries par mètre cube : 


Temperature Consummation de gaz Temp `rature des #3 
au centre du mouie. en Litres par heure. à la sortie. 
815°C 592 540°C 
1 424°C 2 221 1 085°C 


Aux plus hautes .empératures, pas de trace de 
flamme au sommet du fourneau. Ce qui est parti- 
culièrement remarquable, c'est l’économie de con- 
sommalion de gaz par comparaison avec un four 
à flammes. Pour une température de 4 055°C, la con- 
sommalion est, dans le premier cas, de 1212 litres 
par heure et, dans le second, de 2961, soit dans la 
proportion de 1 à 2,4. 

Au nombre des applications tout indiquées, se 
trouvent le chauffage des chaudières à vapeur et la 
fusion des métaux. La chaudière de section cylin- 
drique est traversée par une série de tubes d'acier 
de 91 centimètres de longueur et 7,5 cm de dia- 
mètre intérieur. Ces tubes sont remplis de frag- 
ments réfractaires concassés. A l'entrée de chaque 


HS 


gi DS ef". 
LA NIET 





F1G. 3. — APPLICATION DE LA COMBUSTION SANS FLAMME 
AU CHAUFFAGE D'UNE CHAUDIÈRE. 


tube est enfoncé un tampon de terre réfractaire 
percé d’un trou de 19 millimètres de diamètre, ser- 
vant à la fois à empêcher l'échauffement du tube 


en ce point et à déterminer une vitesse du courant! 
gazeux plus grande que celle de la propagalion de 
la flamme. Le mélange pénètre par compression 


ou aspiration dans les tubes. La combustion qui 
commence immédiatement est complète à 15 cen- 


152 


limètres de l'entrée du tube. Le noyau est main- 
tenu à une température extrêmement élevée, tandis 
que les parois du tube, rapidement refroidies par le 
transport de la chaleur dans l’eau de la chaudière, 
n’atlteignent jamais la température du rouge. Les 
gaz brülés, en traversant les produits réfractaires 
dans le reste du tube, y disséminent leur chaleur, 
si bien que leur température, à la sortie des tubes, 
n'est supérieure que de 70 degrés à celle de l’eau de la 
chaudière, c'est-à-dire à une température beaucoup 
plus basse que celles des produits de la combustion 
à la sortie d’une chaudière multitubulaire du type 
ordinaire. Du reste, pour recueillir mieux encore 
la chaleur, les gaz traversent un réchauffeur tubu- 
laire d'eau d’alimentation, qui est construit d’après 
les mutmes principes que la nouvelle chaudière. 
Dans chaque tube, l'alimentation de mélange 
gazeux est, par heure, d'environ 4,5 m? de gaz 
d'éclairage accompagnés de G volumes d'air, soit 
au total 24,5 m°’ de mélange. Le passage du gaz 
dans les tubes est donc très rapide. 

Dans des expériences exécutées récemment à 
Leeds avec une chaudière ayant dix tubes, vapori- 
sant à une pression de 7 kg par cm*, les gaz brrilés 
sortaient des tubes de la chaudière à une tempéra- 
ture de 229°, puis finalement à 95°C après leur 
passage dans un réchauffeur d’eau d'alimentation. 
Le rendement calorifique, c'est-à-dire entre les 
calories fournies par le gaz et celles absorbées par 
la chaudière, était de 0,943. 

Déjà on peut signaler une application industrielle 
du système dans le Yorkshire, où des gaz, sous- 
produits d'une usine métallurgique, chauffent une 
chaudière de 110 tubes qui donnent un rendement 
caluritique dé 90 pour 100. 

Ces rendements tout à fait remarquables du 
système de combustion sans flamme ne sont pas 
inexplicables. On en découvre finalement la raison 
d'être. La combustion s'opère avec une proportion 


COSMOS 


R AOUT 19192 


d'air additionnel presque théorique, le volume des 
gaz brülés est, par suite, aussi réduit que possible. 
Grâce à la rapidité extrême des réactions chimiques 
qui résultent de la combustion, avec le nouveau 
dispositif, il devient possible d'accumuler une 
quantité considérable de chaleur dans un petit 
espace et d'obtenir une vaporisation tout à fait 
intense. D'ailleurs, la vaporisation est graduelle : 
10 pour 100 sont produits par le premier tiers de 
la longueur du tube, 22 pour 400 dans le second 
tiers, et 8 pour 100 seulement dans le troisième 
liers. L’évaporation moyenne peut être évaluée à 
97 kilogrammes d'eau par mètre carré de surface 
tubulaire et par heure, soit deux fois plus que 
‘dans une chaudière de locomotive où la combus- 
tion est singulièrement poussée, comme on sail. 

Avec un dispositif tubulaire du même genre, on 
pourrait facilement chauffer des liquides à concen- 
trer ou à distiller, chauffer de l'air, fondre des 
alliages on des métaux tels que le plomb, l'étain, 
le zinc, etc. 

On entrevoit des applications nombreuses de la 
combustion sans flammes, d'autres encore insoup- 
çonnées se feront jour assurément. 

Avec la combustion sans flamme, on aura une 
utilisation beaucoup plus avantageuse et plus 
étendue des gaz pauvres produits par les gazogènes, 
des gaz de hauts fourneaux et de fours à coke ; 
dans les pays où le pétrole est employé, comme 
en Amérique, au chauffage des chaudières, on par- 
viendra sans doute à appliquer le principe de la 
combustion sans flamme à la combustion du gaz 
d'huile. Les applications essayées par M. Bone 
sont déjà fort intéressantes par elles-mêmes, tant 
au point de vue théorique que pratique; elles ont 
un caractère de nouveauté qui mérite d'attirer 
l’attention de tous les esprits curieux de suivre le 
pragrès scientifique et industriel. 

NORRERT LALLÉ. 


Lhumidité des beurres. 


Quel que soit le soin apporté à sa fabrication, 
le beurre garde toujours dans sa masse nne rer- 
taine quantité d'eau : celle-ci varie, en général, 
dans des limites assez étroites, de 14 à 18 pour 100 
en moyenne, mais elle les dépasse quelquefois, au 
dvtriment du consommateur qui se trouve, en der- 
nière analyse, avoir acheté et payé de [lean au 
prix du beurre. 

(Cest là une pratique qui peut prèter à des 
fraudes rémunératrices : aussi, depuis longtemps, 
les spécialistes et les commerçants honnîtes ont-ils 
demandé aux pouvoirs publics une sévère régle- 
mentation du taux d'humidité qui caractérise les 


beurres normaux (1). Sous le prétexte que les 
petits producleurs, ignorants ou mal outillés, 
peuvent laisser involontairement un excès d’eau 
Le délaitage dans leurs produits, on a reculé jusqu'ici 
devant la seule mesure raisonnable qui s'impose 
à ce point de vue, et qui consiste à fixer une limite 


(1) I v a dix ans, cette importante question fut sou- 
levée en Angleterre; et à cette époque, nos grands 
conimercants en beurre, M. P. Fortin par exemple, 
profitant de l'émotion causée par les faits révélés, 
réclamérent vivement contre les procédés de la juris- 
prudence francaise, qui semblait favorisertousles abus. 
{Voir Cosmos, t, XLV, p. t#8, n° 872.) 


N° 1497 


supérieure à la quantité d’eau pouvant être léga- 
lement contenue dans les beurres, limite au-dessus 
de laquelle commencerait, sinon la fraude carac- 
térisée, du moins le délit de mise en vente d'un 
produit « non marchand ». Forts de cette absence 
de réglementation, quelques fabricants, admirable- 
ment outillés et pourvus de malaxeursdontils savent 
se servir avec habileté, incorporent de l’eau à leurs 
beurres, les « mouillent » pour employer le terme 
adopté par les juridictions répressives; trop sou- 
vent, les tribunaux acquittent, à raison de l’impos- 
sibilité matérielle qui existe de discerner où com- 
mence la fraude, où finit la maladresse opératoire. 

M. Collerd-Bovy, étudiant cette importante ques- 
tion au dernier Congrès belge de l'alimentation 
(Liége, 1941), a signalé que, dans un magasin de 
vente, il a trouvé un beurre titrant 37,5 pour 100 
d'eau, qui était affiché au prix de 3,15 fr le kilo- 
gramme, au lieu de 3,40 fr et 3,50 fr le kilogramme, 
qui étaient les cours normaux à cette époque. 
Alléchée par l’économie qu'elle croit réaliser, la 
clientèle de fortune modeste donne ses préférences 
à de semblables beurres. En tenant compte de la 
lactine, de la caséine et des matières minérales, 
ce produit humide à 37 pour 100 ne renfermait en 
réalité que 61 pour 100 de matière grasse, en 
sorte que son prix exact ressortissait à 5,46 fr le 
kilogramme ; au contraire, dans le beurre normal, 
mis en vente au prix de 3,50 fr le kilogramme, et 
contenant environ 84 pour 400 de matière grasse, 
celle-ci ne coùtait que 4,26 fr le kilogramme. En 
réalité, le beurre mouillé à 37 pour 100 aurait du 
par conséquent ètre vendu 2,60 fr le kilogramme 


COSMOS 


153 


seulement : les 55 centimes de différence avec le 
beurre normal représentaient le prix de l’eau. Il 
n'est évidemment possible d’opposer à de pareils 
chiffres aucun raisonnement plausible. ls sont l'in- 
dice patent d'une honteuse exploitation dont les 
consommateurs, les commerçants de bonne foi et 
les producteurs soigneux sont directement victimes. 

Une réglementation s'impose donc; elle présente 
même un caractère urgent, si on ne veut pas laisser 
sans défense ceux qui s'efforcent à une production 
impeccable. Si on s'en tient aux nombreuses ana- 
lyses qui ont été faites, le chiffre de 48 pour 100 
— avec une tolérance en plus de 2 pour 100 — 
parait être suffisamment élevé pour ne jamais 
motiver de condamnations injustes. 

Dans la très grande majorité des cas, les beurres 
bien fabriqués renferment entre 44 et 16 pour 100 
d'eau, en sorte que les producteurs qui ne savent 
obtenir que des beurres ayant uh taux d'humidité 
supérieur doivent, ou apprendre leur métier; ce 
qui sera excellent pour eux, ou renoncer à une 
fabrication défectueuse, ce qui sera excellent pour 
tout le monde. 

ll serait, en effet, profondément illogique de 
continuer à protéger les malfaçons au détriment 
de la fabrication rationnelle et plus encore au 
détriment du public. 

On ne peut donc qu'applaudir au vœu émis par 
le Congrès belge de l'alimentation, et aux termes 
duquel devrait être désormais interdite la vente de 
beurre, de margarine ou de graisse alimentaire ne 
renfermant pas au moins 82 pour 100 de matière 
grasse pure. Francis MARRE. 





Le dragage électrique dans l'exploitation des gisements aurifères. 


Le dragage doit ètre considéré comme étant 
actuellement le procédé le plus avantageux pour 
exploitation de beaucoup de gisements aurifères ; 
l'épuisement des dépôts que l’on pouvait mettre 


en valeur par des méthodes anciennes nécessite . 


un système de travail nouveau; l'extraction des 
sables et des: graviers dans les gisements submer- 
gés, dans les eaux profondes, dans les courants 
rapides, présentait de grandes difficultés; c’est 
avec le dragage que l’on est parvenu à surmonter 
les obstacles : le dragage retourne liltéralement 
le sol de fond en comble, il ramène à la surface les 
couches profondes jusqu'à 42 ou 415 mètres; Fin- 
térèt de ce procédé est bien mis en évidence par le 
développement qu’il a rapidement acquis; ainsi en 
Californie, bien que la mise en service du premier 
dragueur pour l'exploitation des gisements auri- 
fères ne remonte pas à plus de dix ans, on peut 
évaluer qu’à présent le quart au moins de l'or pro- 
duit par cette région est extrait par voie de dra- 


gage; le dragage constitue donc une phase très 
importante de l’histoire des procédés miniers; il 
fournit une solution très élégante d’un problème 
que les méthodes antérieures ne résolvaient qu'in- 
complètement; il a permis de remettre en exploi- 
tatron des gisements abandonnés, des gisements 
très riches cependant, que l’on avait attaqués jus- 
qu’au niveau de l’eau, mais qu’il avait fallu dé- 
laisser ensuite malgré tous les elforts faits pour 
en poursuivre l’utilisation. 

La méthode du dragage est originaire de la 
Nouvelle-Zélande. Comme elle donna de bons 
résultats, on chercha presque aussitôt à la mettre 
en usage un peu partout; mais dans la hâte que 
l'on eut à en tirer parti. on ne procéda pas avec 
toute la prudence qu'il eùt fallu raisonnablement ; 
l'exploitation d'un gisement ne peut ire prohitable 
qu’à la condition que la teneur cn or y soil sufti- 
sante, et pour le bon fonctionneinent uu dragage il 
faut autant que possible que le métal précieux soit 


154 COSMOS 


distribué d’une façon uniforme; on ne s’en rendit 
pas compte tout de suite, et des exploitants furent 
déçus dans les espoirs inconsidérés qu'ils s'étaient 


8 aouT 1912 


forgés. Dans la suite, on a montré plus de sagesse; 
on ne songe plus à entreprendre l'exploitation 
d'un gisement qu'après avoir procédé à des son- 





F1G, 1. — DRAGUE ÉLECTRIQUE ÉQUIPÉE PAR LA « GENERAL ELECTRIC COMPANY ». 


dages convenables; on faisait autrefois ces son- 
dages à la main; on les exécute maintet ant à 
l’aide de perforatrices; avec ces machines, les 
opérations préliminaires ne coùlent pas trop cher, 
et l’on n'entreprend plus aucune exploitation de 
gisement sans être certain des résultats; on tra- 
vaille par le dragage non seulement dans les cours 
d’eau, mais même dans les placers secs, en y 
faisant arriver suffisamment d’eau pour assurer la 
flottaison du dragueur, qui creuse le sol et y pro- 
gresse à mesure que “elui-ci est désagrégé. 
L'outillage du dragage a d’ailleurs été sensible- 
inent aviċlioré, et les derniers types de dragueurs 





F1G. 2. — VUE DE LA CHAINE À GODETS. 


sont tous différents de ceux que l'on employait au 
début: ils sont beaucoup plus dégagés que les 
autres; ces derniers étaient lourds, massifs : les 


nouveaux ne sont que robustes et, en joutre, leur 
efficacité est sensiblement meilleure. 

Les premiers dragueurs fonctionnaient avec des 
godels de trois à quatre pieds cubes, soit d’une 
centaine de litres de capacité, et ils étaient 
alionnés par une machine à vapeur d'une cin- 
quantaine de chevaux; ce mode d’actionnement a 





FiG. 3. — MOTEUR ACTIONNANT LA CHAINE À GODETS. 


été conservé pour la généralité des cas, mais la 
construction du mécanisme, de même que la ma- 
chinerie, cest beaucoup meilleure qu'auparavant. 





N° 1437 


Comme les quantités de matières que l'on doit 
traiter sont énormes, les dépenses d'énergie pour 
l’actionnement du dragueur ont rapidement une 
importance considérable dans les frais d'exploita- 
tion, on est amené à les réduire autant que pos- 
sible; pour cela, il faut disposer de machines 
ayant le maximum de rendement. 

D'un autre côté, le charbon est généralement 
rare dans les régions qui possèdent des gisements 
aurifères, tandis que les forces hydrauliques sont 
ordinairement nombreuses; on devait naturelle- 
ment songer à recourir à l'emploi de l'électricité, 
c'est ce que l'on a fait, et l'adoption de la com- 
mande électrique a constitué une nouvelle amélio- 
ration dans les procédés de travail, une améliora- 
tion d’une grande utilité économique, bien qu'il 
fallüt réaliser pour cet usage des moteurs spéciaux. 
Le fontionnement n’a pas tardé à être apprécié de 


Fr 


COSMOS 


155 


tous ceux qu’il pouvait intéresser, et l’on en tire 
déjà parti chaque fois que la chose est possible. 

Le type de dragueur le plus employé aujour- 
d'hui est le dragueur à chaine continue avec godets 
aussi rapprochés que possible lun de l'autre ; ces 
godets ont une contenance de 100 à 400 litres. 

La construction ne diffère pas sensiblement de 
celle des autres machines du même genre em- 
ployées dans d’autres domaines, si ce n’est qu’elle 
est généralement renforcée parce que les godets 
ont souvent à attaquer des terrains très durs; 
d’ailleurs, la machinerie comporte tout un ensemble 
d'appareils spéciaux, el notamment les tables, les 
tamis, les boites, les pompes, l’amalgamateur, etc. 

Dans les installations électriques, la commande 
s'effectue séparément pour les différentes parties ; 
on emploie le plus souvent des moteurs à courant 
alternatif triphasé du type à induction; on agit 





F1G, 4, — VUE DES TREMBLEURS ET DES TRIEURS. 


sur la vitesse à l’aide d’un rhéostat pour ceux de 
ces appareils qui demandent ce genre de réglage. 

Le moteur de la chaine à godets doit être parti- 
culièrement robuste, car il fonctionne constam- 
ment et la mise en marche est rude. On fait le 
démarrage en trois ou quatre phases, le couple 
normal doit être obtenu à demi-vitesse. 

Un moteur du même genre est employé pour la 
commande du treuil au moyen duquel on main- 
tient le dragueur en place; le combinateur doit 
permettre à ce moteur de marcher en permanence 
à toutes vitesses comprises entre la demi-vitesse 
et la vitesse normale; l’expérience a fait voir qu'il 
est bon de munir cet appareil de freins à solénoïde, 
permettant l'obtention d'un arrêt pour ainsi dire 
instantané et combiné de manière que le moteur 
arrêté puisse être remis directement en marche. 

Les pompes employées sur le dragueur sont de 


deux catégories : la pompe à sable, qui a pour but 
de prévenir l’enlisement du dragueur, et les pompes 
à eau, fournissant l’eau aux tables de lavage. 

La pompe à sable doit faire face à une charge 
relativement forte, mais elle n’est employée qu’en 
cas d’absolue nécessité; les pompes à eau sont 
ordinairement des pompes centrifuges à grande 
vitesse. 

Les tamis ont pour objet de séparer le gravier 
de l'argile et de permettre aux fines particules 
contenant l’or de passer aux tables et aux sluices, 
où elles sont réunies; on en emploie de deux 
catégories, les tamis rotatifs et les trembleurs; les 
uns et les autres sont actionnés par un moieur à 
vitesse constante. 

Les fragments de rocher à rejeter après le triage 
sont repris par un transporteur à courroie et 
rejetés derrière le dragueur; ce convoyeur est 


150 


. également actionné par un moteur à vitesse con- 
stiante. 

Les installations de dragage en usage ont géné- 
ralement une capacité d'un millier de tonnes par 
jour; la plus grande qui ait été réalisée est vrai- 
semblablement celle de la Natomas Consolidated 
Company, sur le Mississipi, elle peut traiter 
2 000 tonnes par jour; une telle installation coùte 
800 000 francs, la puissance de l'équipement élec- 
trique doit être de 1 500 à 2000 chevaux; l’équipe- 
ment des dragueurs de 4 000 tonnes, comme celui 
qu'emploie la Compagnie susnommée, correspond 
à une puissance de 1 000 chevaux. 

Les dragueurs reçoivent communément l'énergie 
électrique d'une grande Compagnie hydro-élec- 
rique, qui amène le courant jusqu'à une sous- 
station spécialement établie sur les lieux; de 


COSMOS 


8 AOUT 1912 


cette sous-station, l'énergie est transmise au 
dragueur sous une tension variant entre 2000 et 
6 000 volts, par l'intermédiaire d'un câble armé 
placé sur des pontons; la canalisation aboutit à 
un interrupteur principal et de là au tableau de 
distribution, à l'aide duquel s'effectue la com- 
mande des différents appareils. 

Il est facile de comprendre que la commande 
électrique est non seulement plus économique que 
l'actionnement à la vapeur, mais encore qu’elle 
permet de réaliser des appareils beaucoup plus 
simples ; il va de soi qu'il n’y a pas de comparaison 
possible à cet égard entre les dragueurs où les 
mouvements sont fournis par des machines à 
vapeur et ceux où il est fait usage dans ce but de 
moteurs électriques. 

H. MARCHAND. 


—— mo MM 


Une contribution possible à Pindustrie du papier en France. 


Le papier estun objet que la civilisation a rendu 
indispensable. Sa consommation est en progression 
constante, cependant que, depuis longtemps déjà, 
les matières premières servant à sa fabrication 
tendent à se rarėfier. | 

Le papier provient du feutrage de la cellulose 
des plantes à issus fibreux, mise en état d'emploi 
. par des préparations diverses, correspondant aux 
différents usages auxquels on le destine. 

Le papier brut, dans l’état précédant toute con- 
fection, est désigné sous le nom de pâte à papier. 
C'est l’objet de cette notice. | 

La ceiluluse (C*H!°0:*)t3 est une substance for- 
manl l'enveloppe des cellules végétales se présen- 
tant sous l'aspect d'une membrane rigide, élastique 
et perméable, qui empèche toute manifestation 
extérieure du mouvement protoplasmique. Elle 
forme un tissu sur lequel se trouvent déposés les 
éérnents balsamiques et chimiques dont la nature 
et la proporlion constituent les différentes espèces 
de plantes. Un enduit maintient le tout sous l'aspect 
caractéristique de chaque variété. 

La cellulose se transforme par cutinisation, géli- 
fication, subérification et lignilivalion. Elle subit 
la minéralisalien par addition de substances étran- 
gores. 

Le vieux lunge, le coton, la pile å papier, sont 
de ia cellulose presque pure. 

Pour la pile à papier, origine végétale est directe 
quand il £'agit de papier provenant de vésitaux 
(bots, alja) traités speciulement. Elle est indirecte 
quand il sag't de débris d'arlicles manufecturés 
servant à cette fabricalion (chilfons, vieux papiers). 

L'on sait que les Chinsis connaissaient le papier 
depuis l'antiquité, car, en 723 avant Jésus-Christ, 
Tsai-Lun définit la fabrication des papiers de mûrier 


et de bambou. Ce n’est qu'au x° siècle de notre ère 
que l'on commença à le substituer au parchemin et 
au vélin (1). La découverte de l'imprimerie provo- 
qua un grand besoin de papier et la consommation 
en augmenta sans cesse pour subir un nouveau 
bond à la fin du xvin* siècle, à cause de la diffusion 
des gazettes. Depuis cette époque, le mouvement 
ascensionnel ne cesse de se manifester. Les jour- 
naux, les livres, la publicité, le commerce et l'ad- 
ministration emploient des quantités fantastiques 
de papier, et l’industrie l'utilise de plus en plus, 
soit pour la fabrication d'articles nouveaux, soit 
pour le substiluer à d’autres matières premières. 

Mème à l’époque où le chiffon était seul employé 
pour la fabrication du papier, on commença, voilà 
plus de cent cinquante ans, à chercher s’il était 
possible d'utiliser autre chose que cet article, déjà 
difficile à réunir en quantité correspondant aux 
demandes des fabriques. On essaya de traiter des 
fucus, des algues, de la filasse, des orties, la partie 
lizneuse des asperges, les résidus de canne à sucre, 
le pavot, le tabac, les écorces. En 1772, on édita 
un livre, dont un exemplaire se trouve au Museum 
de Londres et qui fut imprimé sur 72 échantillons 
de japiers provenant de 72 substances différentes. 

En 1771, on avait essayé, pour la première fois, 
à Bruxelles, d'obtenir de la pâte de bois. La paille 
ne servit pendant longtemps qu'à confectionner 
des papiers d'emballage. Récemment, la nécessité 
amena les fournisseurs des grands quotidiens à 
blanchir cette pâte au chlore et à l’employer à 
Pimpression des journaux. 

(D L'historien Acard dit que, jusqu’au xve siècle. on 
écrivail en Scandinavie sur des copeaux et des écorces 
de bouleau. La tradition a conservé, parmi les paysans, 
le souvenir d'arrèts écrits sur dés écorces. 


Ne 1437 


La pâte de bois représente aujourd’hui la majeure 
partie de la consommation. Elle provient surtout 
de Scandinavie, des États-Unis, du Canada et 
d'Allemagne. Or, il est patent que le déboisement 
de ces pays diminuera leur production en pâte à 
papier. En Scandinavie, on n’a pas replanté régu- 
lièrement les espaces dénudés. Fn Amérique, on a 
défriché d'immenses zones forestières pour installer 
à leur place des cultures, des usines et des agglo- 
mérations. Îl en résulte que l’industrie française 
aurait le plus grand intérêt à rechercher le moyen 
de ne plus payer à l'étranger un tribut que des 
hausses immanquables augmenteront sans doute. 

ici se place l'avis que M. Ribas, ingénieur, 
ex-élève de l’École polytechnique, directeur de 
papeteries, émet dans la préface de sa traduction 
du livre de M. Max Schubert : Fabrication de la 
cellulose. Parlant des pays précités il dit : 

dits. la France, beaucoup moins riche en forèts 
et en essences appropriées à ce genre de travail, 
n’a pu prendre qu'une faible part à l'exploitation 
de ces nouvelles découvertes (traitement du bois 
par iessives chaudes) et a dù suppléer par une large 
importation à l'insuffisance de sa production 
propre. » 

lì résulte de ces diverses raisons que : 

4° La pâte de bois représente la plus grande 
partie de la production générale du papier (de 
70 à 75 pour 100); 

2° Que la France ne peut, ar/uellement, tirer 
d'elle-même les éléments de sa consommation de 
papier; 

3° Que le tribut payé de ce chef à l'étranger, se 
chiffrant déjà par dizaines de millions, ne peut 
qu'augmenter. 

Or, cette pâte de bois, ne permettant que la con- 
fection de papiers secondaires, peut ètre remplacée 
par une pâte équivalant à celle des chiffons, et ce 
produit, d’origine entièrement française, s'obtient 
par un procédé à froid, faisant l’objet d'une com- 
munication à l’Académie des sciences. 

La fabrication de la pâte de bois nécessite un 
ensemble d'opérations dont voici le détail simplifié : 

1° Abattage et transport; 

2° Ecorçage; 

30 Tronçonnage; 

4 Lessives chaudes à la soude pour dégager là 
cellulose des matières incrustées: 

d0 Passage à la pile : 

6° Lavage; 

7° Récupération de la soude des lessives noires, 
plus, éventuellement, blanchiment de la pâte. 

Ils’ensuit la nécessité d’uneinstallation mécanique 
très coûteuse et la consommation d’une grande 
quantité de combustible. 

Le traitement à froid, avec, dans la plupart des 
cas, blanchiment simultané, comportera les opéra- 
tions suivantes : 


COSMOS 


1° Récolie et transport; 

2 Défibrage mécanique : 

3° Passage en pile au bain: 

4 Lavage ; 

5° Récupération d’un magma, en plus, préparation 
d'un bain chimique à froid. 

En traitant ainsi certains végétaux plus abon- 
dants que le bois et dont le renouvellement n'exige 
que quelques mois, au lieu des années indispen- 
sables à la reconstitution d’une région forestière, 
on obtiendra un papier de qualité très supérieure, 
très bon marché et qui se conservera. On connait 
l'inquiétude, très fondée, des archivistes et des 
bibliophiles lorsqu'ils songent à la destruction cer- 
taine et prompte de tant de livres et de journaux 


. imprimés sur de mauvais papiers. 


Enfin, au lieu de perdre les matières incrustées 
dans la cellulose, comme c'est le cas dans le trai- 
tement du bois, on les conservera sous forme d’un 
magma pouvant servir d'engrais où de matière 
première pour produits chimiques. 

Nous prendrons comme types des végétaux à 
employer à cet usage, les graminées, les joncacées, 
les Musa et les algues. 

Pratiquement, tous les végétaux se composent 
de quatre parties : 

La cellule et la cellulose: 

Les matières incrustées et La chlorophylle : 

L'eau; 

L'enduit. 

L'enduit, l'eau et la chlorophylle disparaissent 
d'abord, soit par le traitement des végétaux, soit 
par la dessiccation. La cellulose et les matières in- 
crustées sont extraites ou absorbées, selon que le 
végétal est employé ou qu'il est abandonné sur le 
sol, où sa décomposition contribue principalement 
à former l’humus. 

Les plantes les plus intéressantes pour l'industrie 
du papier sont les plantes à tissus longs, fibreux, 
telles que les graminées, les joncacées, les Musa 
et certaines algues. 

Le tissu des plantes est l'ensemble des cellules 
de mème forme. Elles se développent par cloison- 
nement dans les conifères, dont les sujets sont le 
plus employés pour l'extraction de la cellulose. Ce 
tissu est formé, dans les graminées, par les fibres 
libériennes, qui consistent en un tube plus ou 
moins régulier dont la paroi forte et épaisse cst 
faite de cellulose pure, ce qui lui donne la flexibi- 
lité et la ténacité. Les propriétés physiques des 
fibres libériennes en font des matières textiles de 
premier ordre. Or, le plus beau papier étant le 
papier de chiffon, il est conséquent de dire quete 
papier provenant directement du feutrage des fibres 
libériennes sera d'une qualité très appréciable. 

Dans les Joncarres, l'envelcppe est riche en 
tibres. 

L'emploi actuel des ûbres de graminées et de 


158 


joncacées est précédé du rouissage et du battage, 
opérations routinières équivalant aux lessives pour 
la préparation des fibres de bois. Le tout a pour 
but l'élimination des matières incrustées. Des 
défibreuses mécaniques effectuent aujourd'hui une 
opération analogue. 

D’après Van Tieghem, les Musa offrent la carac- 
téristique du tissu vasculaire, et leur cellulose, 
d'un blanchiment extrèmement aisé, est de toute 
première qualité. Elle vaut les pâtes de mürier. 

L'alfa, qui rentre dans la catégorie des grami- 
nées, est récolté en Algérie sur $ millions d'hec- 
tares. Il sert de fourrage; on l'utilise à la fabri- 
cation de sparleries et on l'exporte pour la pape- 
terie. Récolté sur une terre française par des 
Kabyles, pour le compte d'entrepreneurs espagnols, 
il est exporté en Angleterre. On en fait là un 
superbe papier. 

Il existe, parfois en trop grande abondance, des 
herbes présentant la même structure et les mèmes 
propriétés de tissus que l'alfa: andropogon, sor- 
gho, santeveria, gaolian, etc., qui croissent sur des 
espaces immenses, y repoussant deux fois l'an, et 
souvent sont incendiées, soit pour défricher le sol, 
soit pour l’amender. 

Parmi les algues, les phéosporées et les fucacées 
(varechs, goémons, fucus, laminuires) sont à 
employer. Il en existe d’inépuisables quantités sur 
les littoraux accessibles. 

A part l’alfa, l’on n'utilise guère les graminées 
spontanées que comme fourrage (en très pelite 
parlie) ou comme engrais par incinération. Beau- 
coup de ces graminées sont des parasites, le fléau 
des plantations coloniales. Leur incinération pro- 
voque la perle de la cellulose pour obtenir les 
engrais que peut contenir la plante. Ce même pro- 
cédé est employé à l'égard des végétaux marins 
dont les cendres sont traitées aussi pour l’extrac- 
tion de la soude et de l’iode. Ft le besoin de ces 
cendres pour notre industrie est si réel, que nos 
tarifs donanisrs admettent l'entrée en franchise 
des cendres végélales. 

D'après Lowes et Gilbert, dont les études sur les 
cendres végétales font si justement autorité, linci- 
nération détruit une partie des matières incorpo- 
rées dans les tissus végétaux. Donc, on perd une 
partie du contenu exact des plantes ainsi gaspillées. 

Les cendres contiennent de la potasse, de la 
chaux, du manganèse, de l'oxyide de fer, de l'oxyde 
de manganèse, etc., et, dans l’ordre marin, de la 
soude et des iodures fbromures, etc.). 

Si Fincinération est un procédé fâcheux, mème 

au point de vue de la recherche des engrais ou des 
produits chimiques qu'elle a pour objet de libérer, 
elle provoque la perte de la cellulose utilisable. 
L'algue, qui contient moins de cellulose que les 
graminées, permet l'évaluation suivante: 100 kilo- 
grammes d’algues incinérées donnent : 


COSMOS 


8 AOUT 1912 


Cendres: 4,5 à 6,5 kg; 

lode : 0,008 à 0,122 kg. 

En déduisant le poids de l'eau et de la diloro: 
phylle, on peut évaluer à 35 kilogrammes le poids 
de la cellulose détruite. A un prix très modéré de 
46 francs par 100 kilogrammes, c'est une somme 
de 5,5 fr qui s'est dissipée en fumée, et qui cor- 
respond à une somme égale de pâte à papier 
achetée à l'étranger. De plus, le magma retiré 
d’une opération de dissociation chimique est une 
substance plus facile à recueillir et à travailler 
que les cendres. 

Et le procédé auquel nous faisons allusion a pour 
objet cette dissociation de la cellulose et des ma- 
tières qui forment avec elle le corps de la plante. 
Résultat du plus grand intérêt pour l'industrie 
nationale, car si les industries du papier sont tri- 
butaires de l'étranger, nos fabriques de produits 
chimiques el notre agriculture ne le sont pas moins. 

Un végétal supérieurement intéressant pour 
l’industrie papetière est le bananier. Cette précieuse 
plante, se reproduisant par drageons: avec une 
telle abondance qu'il est extrèmement difficile d'en 
débarrasser les terrains que l’on veut affecter à un 
autre usage, met de neuf à dix mois pour produire 
son régime. Un hectare planté en bananiers peut 
donner 200 tonnes métriques de substances alimen- 
taires. Son fruit se prête à la distillation, et l'alcool 
ainsi oblenu serait moins nocif que les affreux 
alcools de traite avec lesquels on intoxique les 
populations de nos colonies. Cet alcool, dénaturé, 
pourrait être substitué au pétrole importé pour 
l'éclairage local ou la production de force motrice. 

Pour une même surface cultivée, le produit du 
bananier est, en poids, de 433 à 1 relativement au 
froment, et de 44 à 1 relativement à la pomme de 
terre. Les troncs de bananiers, dépouillés des tron- 
çons de feuilles, donnent une pâte à papier d’une 
finesse extrême et dune blancheur irréprochable, 
une pàle de tout premier ordre. 

M. Schubert calcule que le produit annuel de 
l'hectare de sapin en forèt replantée à coupes de 
soixante ans est de 1166 kilogrammes de pâte. 
Avec la production exubérante du bananier, la 
produclion pourrait être évaluće à raison de 
» tonnes de pâte par hectare. 

On voit donc combien la substitution de ces 
végétaux au bois est chose intéressante pour 
l'industrie nationale. Nos vastes territoires colo- 
niaux et nos mers nous permeltent de produire les 
quantités requises par notre industrie dans des 
qualités en plusieurs cas supérieures, et d'autres 
industries peuvent bénéficier de cet emploi de nos 
ressources, Quoi qu'il en soit, il est intéressant de 
noter que si l'industrie du papier doit bénéficier 
d'une innovation, elle en sera redevable à des 
recherches françaises. 

L. G. NUMILE. 


N° 1437 


COSMOS 


159 


Prévision des orages et dispositifs paragrêles. 


Les progrès de la T. S. F. ont permis de solu- 
tionner un..problème qui présente en agriculture, 
en pariiculier, un très grand intérêt pratique ; c'est 
celui de l'annonce des orages. On sait que les 
orages sont souvent accompagnés de chute de grèle, 
et que cette grêle produit fréquemment dans les 





F1G. 1. — PRINCIPE DU DISPOSITIF ENREGISTREUR D'ORAGES 
DE M. TURPAIN AVEC LE TUBE A LIMAILLE. 


A, antenne; C, cohéreur à limailles; E, électro-aimant ; 
F, frappeur; T, cylindre tournant enregistreur. 


campagnes de‘ véritablés désastres. Il est alors 
utile de chercher à prévoir la chute possible de la 
grêle, précisément pour l'empêcher. M. Turpain, 
professeur à la Faculté des sciences de Poitiers, a 
été l'un des premiers à se préoccuper de celte 
question; il a pu arriver à des résultats fort inté- 
ressants, que nous nous proposons de résumer 
brièvement ici. 

M. Turpain a remarqué que les décharges élec- 
triques qui se produisent dans notre atmosphère 
par un temps orageux impressionnent les détec- 
teurs d’ondes électriques et en parliculier le 
cohéreur; il en résulte qu'avec un cohéreur on 
pourra observer à distance les orages. Voici le 
principe du dispositif employé par lui pour lob- 
servation des orages : 

A une antenne, long fil métallique isolé dressé 
verlicalement, on relie Pune des extrémités du 
cohéreur, l’autre extrémité étant mise en commu- 
nication avec le sol. D'autre part, ce cohéreur est 
disposé dans le circuit d'une pile, avec un électro- 
aimant, dont l’armature est constituée par un 
levier qui, à lune de ses extrémités, porte un 
frappeur, susceptible de venir choquer le cohé- 
reur, tandis que l'extrémité opposée porte une 
plume d’enregistreur, qui appuie sur un cylindre 
que fait tourner un mouvement d'horlogerie. Le 
tout est disposé comme l'indique la figure 1. La 
grande résistance qu'oppose la limaille du cohéreur 
au passage du courant de la pile empêche, en temps 
ordinaire, le frappeur d’entrer en action. 


Si, maintenant, par l'antenne arrivent agir sur 
le système précédent des ondes électriques ou si, 
encore, il se produit, même au loin, une décharge 
éleetrique orageuse dans l'atmosphère, la résis- 
tance du cohéreur diminue, et alors le courant de 
la pile vient passer à travers l’électro-aimant : on 
dit alors que le cohéreur est cohéré. En même 
temps, le courant met en action le frappeur, dont 
le marteau, venant choquer brusquement le tube 
à limaille, ramène celui-ci à sa résistance primitive. 
Au moment du choc du tube à limaille par le 
marteau, la plume d’enregistreur, située à l’extré- 
milé du prolongement du levier frappeur, se 
déplacera sur le papier, et la décharge orageuse 
se trouvera ainsi enregistrée par l’appareil lui- 
même. 

Ce ne sont pas là seulement des vues théoriques, 
car, dès 1902, M. Turpain avait pu installer, d'après 
ces principes, au domaine de Pavie, à Saint- 
Emilion, dans la Gironde, un poste qui permit 
d'observer et de prévoir les orages. La figure 2 
représente le schéma de ce poste. On voit que, dans 
le circuit du tube à limaille, l’on a intercalé le 
relais qui actionne le frappeur et en même temps un 
second relais polarisé, qui commande une sonne- 
rie électrique placée à 200 mètres. C'est que 


éonnuue 





F1G. 2. — SCHÉMA DES CONNEXIONS DU POSTE AVERTISSEUR 


D'ORAGES DE M. TURPAIN A CHATEAU-PAVIE (SAINT- 
EMILION). 
L A, antenne ; C, cobhéreur à limaille; 
F, frappeur; E, enregistreur; R, relais polarisé. 
l'antenne était placée sur une hauteur qui domi- 
nait le domaine, et la sonnerie, placée dans le 


logement du régisseur, était destinée à avertir 
celui-ci que la cohération du tube à limaille s'était 
produite, c'est-à-dire qu'il y avait eu quelque part, à 
une distance plus ou moins grande, une décharge ora- 


160 


geuse dans l'atmosphère. C'est ainsi, par exemple, 
que le 19 juin 4902, alors que le ciel était pur et 
ne présentait aucun nuage à l'horizon, à 4141*30™ 
du matin, la sonnerie du poste entrait en fonction, 
indiquant la formation lointaine de l'orage; ce 
n’est qu'à 13 heures environ que le premier coup 
de tonnerre se fit entendre, et à 16 heures l'orage 


IIL It 


a 





7? 


F1G. 4 — COHÉREUR A AIGUILLES CROISÉES. 


éclatait sur Pavie. La mise en marche de la 
sonnerie, par lintermédiaire du tube à limaille, 
avait ainsi annoncé l'arrivée de l'orage quatre 
heures et demie d'avance. 

Depuis cette époque, M. Turpain a considérable- 
ment perfectionné ses premiers appareils. C'est 
ainsi qu'après avoir remarqué que les cohéreurs 
à limaille ne sont pas comparables entre eux et 
mème que chaque cohéreur présente des irrégula- 
rités de fonctionnementindividuelles, qui font qu'un 


même cohéreur ne se trouve jamais semblable à. 


lui-même, M. Turpain a remplacé le cohéreur à 
limaille par le cohéreur à aiguilles à coudre dis- 
posées en croix, comme l'a indiqué le P. Fényi. 
Voici le dispositif qui a été adopté pour l'appareil 
construit par la maison J. Richard, sur les indica- 
lions du savant professeur : 

On emploie sept aiguilles a, b (fig. 3), croisées de 
facon à donner six contacts en série ; les trois 
aiguilles æ, a, a, sont posées perpendiculairement 
aux qualre autres b, b, b, b; elles sont garnies, à 
leurs deux extrémités, de petites masses de cuivre mn, 
qui servent à graduer la pression des aiguilles a 
sur les aiguilles 4. De petits boutons auxiliaires, 
fixés à la planchette horizontale qui porte lap- 
pareil, servent à maintenir en place les aiguilles, 
sans les immobiliser d'une façon absolue. 

La figure 4 représente un dispositif de ce genre, 
installé en vue de l'inscription graphique et associé 
à un baromètre enregistreur Richard. On voit sur 
la planchette horizontale les sept aiguilles croisées, 
donnant six contacts, placés entre l'antenne et le 
sol. Le circuit de la pile, composée d'un élément 
Leclanché, comprend le cohéreur à aiguilles et un 
frappeur, acltionné par un électro-aimant, comme 
celui de la figure 4. L’extrémité opposée du levier 
frappeur porle une plume qui enregistre les 
décharges sur le cylindre tournant du baromètre, 
de telle sorte que, sur la feuille d'inscription, on 
a à la fois le tracé de la pression atmosphérique 
et l'inscription des décharges orageuses. 


COSMOS 


8 AOUT 1912 


Pour ce qui regarde l'enregistrement du phéno- 
mène, si l’on a recours à troiscylindres interchan- 
geables, dont l’un accomplit sa révolution complète 
en une semaine, le second en un jour, le troisième 
en une heure, on peut, à l'aide de ces trois cylindres, 
observer commodément et enregistrer d’une façon 
détaillée toutes les particularités intéressantes des 
orages. En temps ordinaire, l’on emploie le cylindre 
hebdomadaire; quand l'annonce d'un temps ora- 
geux se produira, on le remplacera par le cylindre 


journalier, et, enfin, quand l'orage approchera du 


lieu même d'observation, on lui substituera le 
cylindre horaire. 

Ce dispositif a été réalisé pour servir dans les 
petites stations météorologiques; il peut, d’ailleurs, 
être suspendu à l’aide d’un fort bracelet de caout- 
chouc, de façon à être soustrait complètement aux 
perturbations dues aux vibrations mécaniques. 

On a pu observer ainsi d'une façon complète un 
très grand nombre d'orages. M. Turpain a remarqué 
que les meilleures conditions dans lesquelles on 
peut se servir des contacts d'aiguilles sur aiguilles, 
utilisés comme cohéreurs, correspondent à une 
différence de potentiel de 0,23 volt par contact. Un 
élément Leclanché, une pile sèche Delafond, du 
type des téléphones, conviennent parfaitement et 
suffisent, tant pour produire la décohération que 
pour assurer l'inscription. 

L'appareil enregistreur d’orages, disposé de la 
manière indiquée plus haut, ne nous donne d'indi- 
cations qu'au moment de la décharge dans latmo- 
sphère. Mais en associant au cohéreur à aiguilles 
un milliampèremètre enregistreur, M. Turpain a pu 
réaliser un dispositif qui permet d’être renseigné, 
d'une façon précise et continue, sur l'approche des 


| 
Ye 
0 
| 


i 


: 
P. 
S 
L por 


di 


# 
"t 
: Ter 
à 
P 
41 
si 
> 
r 


mii- 





F1G. #. — COHÉREUR A AIGUILLES 
ASSOCIÉ A UN BAROMÈTRE ENREGISTREUR. 


orages. On a représenté dans la figure 5 l'un de 
ces appareils. L'introduction dans le circuit du 
cohéreur d’un milliampèremètre enregistreur per- 
met de suivre fidèlement l’état de cohération des 
aiguilles à coudre et de saisir d’une façon très 
nette les mouvements des orages, car l'on juge de 
l'approche ou de l'éloignement d'un orage par 


No 1437 


l'augmentation ou la diminution de l'intensité du 
courant qui passe dans le cohéreur. C’est ainsi 
qu'à la Faculté des sciences de Poitiers, à La 
Rochelle, où ont été installés de ces nouveaux 
appareils construits par M. Richard, M. Turpain 
a pu journellement, avec eux, prévoir des orages 
deux, trois et même quatre heures d'avance. Des 
appareils de ce genre, installés à l'Observatoire 
du puy de Dôme, ont aussi toujours donné d'excel- 
lents résultats. 

L'enregistreur d'orages, associé à un milliampè- 
remètre, peut être placé tout entier dans la cage du 
milliampèremètre, de telle sorte qu’il n'y ait que 
la pile à se trouver en dehors de l'appareil. Un 
petit voltmètre, gradué de 0 à 3 volts, indique, par 
ailleurs, par la simple pression d’un bouton de 
contact, si la pile n’est pas polarisée et donne bien 
la tension (1, volt) nécessaire aux six contacts 
des aiguilles. Comme précédemment, on suspendra 
cet appareil à milliampèremètre enregistreur à 
l’aide de gros bracelets de caoutchouc pour le 
mettre ainsi complètement à l'abri des vibrations 
mécaniques. 

Il faut encore arrivèr à le soustraire à l'influence 
des ondes électriques voisines. On parvient à an- 
tiinducter tout l'appareil et même au besoin une 
certaine partie de l'antenne, tout simplement en 
garnissant d'étain toute la cage de l'appareil et en 
constituant la partie de l'antenne que l’on veut 
protéger par un fil sous plomb, dont l'armature 
métallique extérieure communique avec la garni- 
ture d'étain. 

[l arrive aussi parfois que les ondes parasites 
qui agissent sur le cohéreur ne proviennent pas de 
la manœuvre d'interrupteurs ou d’autres appareils 
électriques puissants placés dans le voisinage, mais 
sont dus à un poste de télégraphie sans fil. C'est 
ce qui se produit à Paris : les antennes des appa- 
reils enregistreurs d'orages installés à Paris et en 
particulier au poste d’observation de la Nation, 
où fonctionnent les dispositifs avertisseurs de 
M. Turpain, recueillent les ondes puissantes 
émises par la station de la tour Eiffel. Dans ce cas 
particulier, on arrive très bien à séparer l’inscrip- 
tion des ondes d’origine atmosphérique des ondes 
parasites de la télégraphie sans fil, par un simple 
réglage de la pression des contacts. Ainsi, au 
poste de Paris-la-Nation, les signaux de l'heure et 
les autres émissions de la tour Eiffel sont caracté- 
risés par 0,5 milliampère l'après-midi et le soir, 
et par 1 milliampère le matin, au lever du Soleil; 
c'est là un fait que l’on a pu constater journelle- 
ment. Comme la décohération ne se produit qu'avec 
40 milliampères, on peut très facilement séparer 
les décharges de télégraphie sans fil des décharges 
atmosphériques. 

L'un des appareils de M. Turpain, installé depuis 
le 15 mars 1911 à la Nation, a permis d'enregistrer 


COSMOS 


p: OF fr: \ 

UNIV RE y 
Re \A 

déjà un certain nombre d'o rec, um En particu- 

lier, qui a éclaté à 50 kilomètres à l'ouest de 

Paris, et un autre à Crépy-en-Valois. 

La sensibilité du cohéreur à aiguilles se règle, 
comme il a été dit plus haut, à l'aide des petites 
masses m, qui produisent une pression plus ou 
moins grande des aiguilles æ sur les aiguilles 4. 
Pour empècher l’action de l'humidité d’altérer la 
valeur cohérante des divers contacts, aiguille sur 
aiguille, on a soin de placer un corps desséchant 





FIG. 5. 
AVEC MILLIAMPÈREMÈTRE ENREGISTREUR. 


— DISPOSITIF D'OBSERVATION D'ORAGES 


dans la cage de l'appareil: on dispose, dans ce but, 
une petite nacelle contenant du chlorure de cal- 
cium que l’on peut renouveler facilement. 

Lorsque l'orage est lointain, si les inscriptions des 
décharges se font trop nombreuses, il est facile de 
réduire momentanément la sensibilité du cohé- 
reur, en surchargeant de quelques petites masses 
supplémentaires m les aiguilles & (lig. 3). On peut 
employer dans ce but des bouts de til fusible de 
plomb, que l’on disposera très facilement au moyen 
d'une pince brucelle et qui réalisent très bien ce 


162 


réglage supplémentaire. On peut encore shunter 
le milliampèremètre, afin de ne pas dépasser ses 
limites d'intensité. Enfin, lorsque l'on est averli de 
l'approche d’un orage que l’on veut observer, on 
remplacera le cylindre journalier par un cylindre 
horaire, comme il a été dit plus haut. 

Ces dispositifs d'enregistreurs d’orages à mil- 
liampèremètres conviennent parfaitement à toutes 
les stations météorologiques, puisqu'il suffit, pour 
s’en servir, desavoir disposer les feuilles d’inscrip- 
tion sur les cylindres enregistreurs. Cependant, 
M. Turpain ne s’en est pas contenté. C'est que, 
malgré la supériorité des cohéreurs à aiguilles du 
P. Fényi sur les cohéreurs à limaille, parce 
qu'ils agissent par un nombre constant de contacts 
bien définis, ces cohéreurs à aiguilles ne restent 
pas, quand même, rigoureusement semblables 





INSCRIPTEUR DB 


DISPOSITIF BOLOMÉTRIQUE 
M. TURPAIN ET ÉLECTRO-AIMANT WEISS PRÊTS A FONC- 
TIONNER. 


F1G. 6. — 


à eux-mêmes, Or, le bolomètre, au contraire, qui 
utilise l'échauffement d'un fil de platine pur, 
demeure rigoureusement semblable à lui-même au 
début de la réception de chacune des ondes qui 
viennent successivement l’impressionner. M. Tur- 
ors eu l'idée de substituer un dispositif 


° 1 
"11 `» E . 
pain d 4! 


bolomé!rique au cohéreur à aiguilles pour la pré- 
vision des orages, parce qu'alors les carrés des 
déviations du galvanomètre placé sur le pont du 


dispositif bolométrique sont absolument propor- 
tionneis aux intensités des décharges atmosphé- 
riques perçues par l'antenne. Les indications 
données par les décharges successives sont alors 
comparables, et l’on peut, en toute certitude, par 
l'observation de leurs valeurs respectives, en tirer 
des renseignements exacts et précis sur la marche 
même de chaque orage. Si l'on dispose plusieurs 


de ces appareils en des stations différentes, 


COSMOS 


8 AOUT 19192 


les indications de ces divers appareils, concernant 
un même orage, seront comparables entre elles, 
ce qui n’a pas lieu même avec les cohéreurs à 
aiguilles. On a donc ainsi des appareils qui enre- 
gistrent les orages avec une rigueur scientifique 
absolue: leur seul inconvénient, c’est qu'ils ne 
peuvent être utilisés que dans des Observatoires, 
où se trouve un personnel rompu à la pratique 
des mesures physiques délicates. 

Sans entrer dans les détails de la description des 
dispositifs bolométriques, qui sont d’un ordre scien- 
tifique un peu élevé, nous pouvons donner une 
idée des résultats qu’ils permettent d'atteindre. La 
difficulté principale consistait à pouvoir réaliser 
l'inscription graphique des courants bolométriques 
d'origine atmosphérique, car l'intensité de ces 
courants est rarement d’un milliampère ; elle varie, 
le plus souvent, entre 10 et 100 micro-ampères. 
M. Turpain a pu arriver à associer à ses dispositifs 
bolométriques un micro-ampèremètre qui peut 
enregistrer, au moyen d’une plume garnie d’encre, 
un courant de 40 milliampères par un trait d'une 
longueur de 1400 millimètres : un millimètre équi- 
vaut ainsi à 100 micro-ampères, et si l’on admet 
qu’un œil exercé puisse apprécier le cinquième de 
millimètre, on voit que la plume peut inscrire une 
variation de 20 micro-ampères. Le cadre du 
système mobile ne comporte qu'un circuit d'une 
résistance de 3 ohms; ce cadre est placé entre les 
pièces polaires d’un électro Weiss, dans lequel il 
suffit d'envoyer un courant de 3 ampères. La 
figure 6 nous montre le dispositif bolométrique 
enregistreur ainsi constitué, 


Si nous insistons sur ces nouveaux appareils 
bolométriques délicats de M. Turpain, c’est que leur 
utilité dans l’étude méthodique et dans l’enregistre- 
ment rigoureux des orages est considérable, parce 
que ces appareils inscripteurs restent toujours 
semblables à eux-mêmes. Dès que l’on aura pu 
rassembler sur les orages un nombre suffisant de 
documents aussi sûrs que sont les feuilles d’appa- 
reils enregistreurs bien réglés, on pourra très cer- 
tainement en déduire des conséquences impor- 
lantes sur l'histoire de ces météores, conséquences 
analogues, par exemple, à celles que l’enregistre- 
ment de la pression atmosphérique a permis de 
formuler pour la construction des lignes isobares. 
Jusqu'ici, les observateurs d'orages notent sur 
leurs feuilles les éclairs, les coups de tonnerre ; ces 
observations sont tout à fait rudimentaires, et des 
documents de celte nature, dus à des personnes 
différentes, ne peuvent pas être comparables. Au 
contraire, avec les appareils de M. Turpain, enre- 
gistrant automatiquement en dehors de l’observa- 
teur les coups de tonnerre, on a un graphique qui 
permet de suivre l’évolution d’un orage et de 
comparer l'énergie même des différentes décharges 
qui se suivent. 


N° 1437 


Dès que ces appareils enregistreurs d’orages se 
seront multipliés, l’étude des feuilles d'inscription, 
obtenues soit avec l’inscripteur à milliampèremètre, 
soit, de préférence, avec l’enregistreur à bolomètre, 
permettra d'obtenir avec précision la carte des 
orages de toute une région ; on aura, en tout cas, 
sur chaque météore en particulier, sur sa marche, 
des renseignemen{s précis qui seront avant tout 
comparables. 

Pour en indiquer, en passant, une application 
pratique, ces appareils peuvent servir à se rendre 
compte d’une façon scientifique si les dispositifs 
paragrèles ont ou non une influence efficace. Or, 
en 1902, lorsque fut installé le poste d'observation 
de Château-Pavie, avec les dispositifs préviseurs 
d'orages de M. Turpain, cette installation avait 
pour but de prévenir les viticulteurs de Saint- 
Emilion de l’approche des orages, la région se 
trouvant, à cette époque, munie de canons para- 
grèles. On a d’ailleurs remarqué, en se servant de 
ces canons ou en employant les fusées paragrèles 
qui sont venues à la suite, que l'efficacité du pro- 
cédé semblait dépendre du moment de l'attaque 
du nuage orageux, qui doit se produire assez tòt, 
et aussi de la direction dans laquelle se fait cette 
attaque. 

Depuis cette époque, on a préconisé d’autres 
dispositifs paragrêles automatiques qui ont pour 


COSMOS 


163 


but de décharger les nuages orageux et de suppri- 
mer la chute de la grêle en empêchant la forma- 
tion même des nuages. Ces dispositifs sont d’ail- 
leurs assez coûteux. Si l’on peut étudier au moyen 
des appareils enregistreurs précédents les orages 
qui se produisent dans une région avant l'intro- 
duction des dispositifs paragrèles automatiques, 
puis après leur usage, l’on pourra juger avec une 
certitude toute scientifique si ces paragrèles ont 
une efficacité réelle, alors que, dans l’état actuel 
de nos connaissances, on n'en peut rien savoir; on 
en est réduit à des conjectures où chacun peut se 
fabriquer l'opinion qu’il voudra, puisque la base 
d'appréciation fait défaut. 

Il est donc à souhaiter, aussi bien au point de 
vue des progrès de la science pure et de l'extension 
de nos connaissances en météorologie électrique 
qu'au point de vue pralique du contrôle des divers 
appareils paragrèles, que les dispositifs de M. Tur- 
pain se répandent dans nos Observatoires el dans 
nos campagnes. Si ces dispositifs sont encore sus- 
ceptibles d'ètre perfectionnés, on peut dire que 
dans leur état acluel ils sont capables d'être appli- 
qués avec succès dans la pratique des observations 
pour nous renseigner sur le point de départ et la 
progression des orages. C’est ce que nous avons 
tenu à signaler ici. 

MARMOR. 





Les lois de la vapeur surchauffée. 


ll est universellement admis aujourd’hui que 
l'emploi de la vapeur surchauffée constitue un 
grand progrès en physique industrielle. De plus en 
plus son utilisation se généralise, encore que ses 
propriétés soient mal connues et qu’on en soit 
réduit, en ce qui concerne ses applications usuelles, 
à des formules dans lesquelles l’empirisme l’em- 
porte sur la rigueur scientifique, éminemment 
souhaitable en pareille matière. Dans les investi- 
galions susceptibles de conduire à l’établissement 
des lois concernant la vapeur surchauffée, le point 
le plus délicat à élucider consiste peut-être dans la 
mesure exacte des températures, car les pressions, 
même très élevées, peuvènt être déterminées avec 
rigueur. Or, il est toujours à craindre que le ther- 
momètre à mercure plongeant dans l’huile d’une 
cavité et qui constitue l'appareil dont on se sert 
communément pour prendre la température de la 
vapeur surchauflée n'ait pas une précision suffi- 
sante pour que ses indications puissent scientifi- 
quement être prises en considération. Le fait vient 
d'être établi par les recherches de M. A. Duchesne 
qui a fait de ses travaux sur cette matière le sujet 
d'une thèse pour le doctorat, récemment soutenue 
à l'Université de Paris. 


Il est parli de ce principe que, pour prendre avec 
exactitude la température de la vapeur surchaulffée, 
il faut disposer d’un thermomètre de masse négli- 
geable et d’une sensibilité telle qu'à tous moments 
et en tous points il s'équilibre instantanément à la 
température du milieu qui l'entoure; dès lors, il 
a imaginé un couple thermo-électrique platine- 


argent qu’il appelle l’'hyperthermomètre et qui est 


formé d’un réseau de fils dont le diamètre est un 
peu inférieur à 3 centièmes de millimètre. L’ex- 
trème finesse de ces fils leur vaut d'être portés 
instantanément à la température du milieu qui les 
baigne. L'ensemble est engainé dans un cylindre 
pour lequel un espace mort a élé prévu en vue de 
soumettre l'hyperthermomètre à la fois au rayon- 
nement des parois métalliques du récipient où se 
trouve la vapeur et aux pressions que celle-ci sup- 
porte parfois pendant une assez longue durée. 
Réunis à leur sortie du cylindre en un seul gros fil 
par nature de mélal, c'est-à-dire tous les fils fins 
d'argent en un gros fil d'argent et tous ceux de 
platine en un gros fil de platine, on réalise ainsi 
un véritable pyromètre qu'il suffit de relier à un 
galvanomètre balistique tarè pour déduire, d'après 
la déviation, la température du milieu durant le 


10t 


passage du courant. À leur sortie du cylindre, les 
lils traversent des bourrages faits d'une matière 
isolante et vont plonger par leurs extrémités dans 
de la glace fondante, ce qui permet d'avoir tou- 
jours des indications de température au-dessus du 
zéro Celsius. Grâce à la chute d’un poids suspendu 
à un électro-aimant et dont la hauteur de chute 
a été soigneusement établie, de façon à corres- 
pondre rigoureusement à un dixième de seconde, 
la mise en circuit du galvanomètre n'existe que 
durant des périodes d'un dixième de seconde; à 
cet effet, une machine faisant trente tours par 
minute et dont la crosse interrompt le courant 
dans lélectro-aimant provoque la chute du poids 
à chaque vingtième de tour; on obtient ainsi 
20 prises de température pour une durée d’un 
dixième de seconde, d'où l’on déduit la tempéra- 
ture moyenne pour ce dixième de seconde. 

M. Duchesne a pu ainsi établir par comparaison 
que le thermomètre à mercure donne des indica- 
tions erronées, parfois très inférieures à la tempé- 
rature réelle, ce qui expliquerait qu'on ait pu 
jusqu'ici constater la décomposition des lubrifiants 
par la vapeur surchautflée, à des températures 
inférieures à celles qui seules peuvent la prove- 
quer. De même les calculs de rendements, basés 


mn 


COSMOS 


8 aouT 1912 
sur les indications de ce thermomètre, étaient 
fatalement dénués de valeur. 

L'emploi de l'hyperthermomètre thermo-élec- 
trique a permis de faire quelques constatations 
intéressantes sur Jes propriétés de la vapeur sur- 
chauffée. Aux pressions élevées, la température de 
surchauffe, d'abord très éloignée du point de satu- 
ration, suit la loi de Gay-Lussac; mais, à mesure 
que croit la pression, l'écart entre les températures 
de surchauffe et de saturation tend à devenir con- 
stant. A la condition que sa température soit sul- 
fisamment éloignée du point de saluration, la 
vapeur surchauffée se conduit comme un gaz par- 
fait, et ceci d'autant mieux que la pression sera, 
elle aussi, plus élevée. A pression constante, la 
capacité calorifique croit avec la température, 
mais moins vite que celle-ci, et tend vers une 
constante. 

A température constante, mais voisine de la 
température de saturation, cette capacité calori- 
fique diminue avec la pression, tandis qu’elle 
devient indépendante de celle-ci aux hautes tem- 
pératures de surchauffe. 

Il est hors de doute que ces lois vont fournir 
aux ingénieurs des notions utiles au point de vue 
de la pratique industrielle. F. M. 





SOCIETES SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 
Séance du 29 juillet 1912. 


PRÉSIDENCE DE M. F. GUYON. 


Contribution expérimentale à Pétude de la 
formation des cratères lanaires. — Ce qui 
caractérise la plupart des cratères de la Lune (que 
l'on ne saurait, à aucun point de vue, comparer à 
ceux des volcans terrestres actuels), c'est non seule- 
ment leur grand développement en diamètre et en 
profondeur et leurs parois généralement à pic, mais 
aussi la présence de bourrelets de faible saillie, épais, 
et que M. Puiseux considère comme formés aux 
dépens de compartiments voisins par suite de l'exis- 
tence d'un déversement peu rapide vers l'extérieur. 
M. JEAN EscanD a reproduit expérimentalement l'aspect 
de ces cratères au moyen de matières semi-fluides 
vers leur point de fusion (bitume, etc.}), dans des con- 
Jitions qui semblent conformes à celles qui ont pré- 
sidé à leur formation sur notre satellite. 

JT fait fondre une de ces matières avec un peu d’eau. 
Après la fusion complète, on voit la vapeur d’eau se 
faire jour à travers la masse päteuse sus-jacente, puis 
donner naissance à des ouvertures cratériformes très 
nettes. Les Lords de ces cratères s’affaissent presque 
immédiatement pour former les bourrelets dont il 
vient d’être question. 

Conformément à ce qui parait démontré actuelle- 


ment quant à la destinée du globe terrestre, la Lune 
a dû absorber, en effet, peu à peu son eau superfi- 
cielle. Et, avant mème que toute force éruptive ait 
disparu de sa matière, cette eau occluse, poussée par 
un dernier reste de chaleur interne, a cherché à se 
faire jour à travers ses couches superficielles : elle a 
ainsi donné naissance à ces nombreux cratères qui 
sont sans doute les dernières manifestations et comme 
les seuls témoins visibles de son ancienne activité. 


Traitement de l’hypertension artérielle par 
l’électrisation de l’abdomen et de la région 
rénale, — Depuis 1906, M. E. DoumEr a remarqué 
que la voltaïsation intense de l'abdomen faite par voie 
percutanée exerce une action manifeste sur la circu- 
lation périphérique. 

Cette action se traduit objectivement par un abais- 
sement de la tension artérielle (mesurée à la radiale) 
chez les hypertendus et subjectivement par une diminu- 
tion, voire une disparition complète des phénomènes 
qui accompagent l'hypertension, tels que bourdonne- 
ments, froid aux pieds et aux mains, vertiges, etc. 

L'auteur pense que cette action est due à une ëlec- 
tnisation des capsules surrénales. 


Da rôle de la caféine dans l’action cardiaque 
du café. — Les expériences de MM. Busquer et Tir- 
FENEAU les ont conduits aux conclusions suivantes : 

Sur le cœur isolé de lapin, la caféine et les divers 
cafés exercent une action manifestement toxique. Ce 
fait, énoncé simplement à titre documentaire, ne per- 


N° 1337 


met aucune conclusion sur l’action cardiaque de ces 
produits dans les conditions où ils sont consommés 
par l'homme. 

In vivo, chez le chien, la caféine accélère notable- 
ment les battements du cœur, et c’est là, d’ailleurs, la 
seule particularité vraiment nette de l’action cardiaque 
de cette substance. Cette influence accélératrice 8e 
retrouve intégralement après l'injection de café ordi- 
naire. Elle fait totalement défaut avec le café déca- 
féiné. 


Action de certains éthers de la giycérine 
„sur le baciile de la tuberculose. — M. A.-T. Sa- 
LIMBENI a trouvé que la trichlorhydrine dissout éner- 
giquement et la matière grasse et la substance 
cireuse des bacilles de la tuberculose. Sous son action, 
les microbes perdent, en quelques minutes, leur 
acido-résistance, deviennent granuleux et se laissent 
facilement colorer par le bleu. 

Les trois éthers de la glycérine formés par l'acide 
chlorhydrique exercent une action bactéricide très 
énergique vis-à-vis du bacille de la tubercalose, dont 
on connaît la grande résistance aux antiseptiques les 
plus actifs, aux bases et même aux solutions relati- 
vement assez fortes des acides minéraux. Le temps 
strictement nécessaire pour assurer le mélange glycé- 
rides et microbes (quelques secondes, pourrait-on dire) 
est suffisant pour les tuer. 


Périodes de Brückner et tremblements de 
terre destructeurs. — On persiste à croire, même 
dans une partie, à la vérité restreinte, des milieux sis- 
mologiques, que les tremblements de terre sont en 
relation avec les saisons, et, le plus souvent, cette opi- 
nion résulte de ce qu’on attribue des mouvements 
sismiques à des éboulements intérieurs à l'écorce 
terrestre que provoqueraient les précipitations atmo- 
sphériques et, per suite, la circulation des eaux souter- 
raines. Cependant, de nombreuses statistiques ont 
montré qu’une telle relation n'existe pas et, d'autre 
part, des sismes de cette origine ne sauraient ètre ni 
nombreux ni violents. 


COSMOS 


165 


Ces prétendues périodicités devraient se retrouver 
plus commodément dans les statistiques roulant sur 
les longues périodes pluvieuses et périodes sèches de 
Brückner. Le Catalogue des mégasismes de Milne a 
permis à M. ne MonrTessus pe Balone de faire cette 
statistique depuis l’an 1020 : il semble bien, d’après 
ces relevés, qu'il n'existe aucune relation entre les 
périodes de Brückner et les nombres de sismes. 


Sur la polarisation des électrodes. Note de M. Axpur. 
BrocueT. — Démonstration élémentaire de la loi d'ac- 
tion de masse. Note de M. A. BErraauD. — Synthèse 
du gaz chlorure de nitrosyle et le poids atomique du 
chlore. Note de M. EucÈxe WourrzeL ; l’auteur donne 
35,460 comme poids atomique du chlore. — Équilibre 
du sulfate de lithium et des sulfates alcalins en pré- 
sence de leur solution mixte. Note de M'" Cécile 
SPIELREIN, — Sur les propriétés électriques des.alliages 
Cu-Zn. Note de M. Luier Nonsa. — La dilatation ther- 
mique des alliages d'aluminium et de zinc. Note de 
M. Wziaoimin SminNorr. — Sur la formule du dérivé 
organo-magnésien et sur l'hydrure de magnésium. 
Note de M. Pierre JoztBois. — Leucohases et colorants 
du diphényléthylène; oxydation par le bioxyde de 
plomb de la base cyclohexylidénique tétraméthylée. 
Note de M. P. Lemourr. — Contribution à l'étude 
de la toxicité de la B-imidazoléthylamine. Note de 
MM. ALserr BerrtneLoT et D.-M. Bertrano. — Parthé- 
nogenèse dégénérative chez l’Ascaris megalocephala. 
Note de M. E. Fauré-FnémiET. — Sur la vaccination 
anticlaveleuse par virus sensibilisé. Titrage du vaccin. 
Mélanges virus-sérum titrés. Note de MM. J. Brioré et 
A. Boquer. — Sur l’âge des formations cristallines du 
Péloponèse. Note de M. PH. NéGris. — Sur la radio- 
activité des eaux thermo-minérales d'Usson (Ariège). 
Note de M. G. Massoz. — Détermination de la profon- 
deur du foyer d'un tremblement de terre et de la 
vitesse de propagation des ondes sismiques dans les 
couches superficielles de l'écorce terrestre. Note de 
M. le prince B. GALITZINE. 





BIBLIOGRAPHIE 


Traitement des neurasthéniques, par le 
D' P. HartENserG6. In-16 de 346 pages (3,50 fr). 
Félix Alcan, Paris, 1912. 


Qu'est-ce qu’un neurasthénique? Pourquoi de- 
vient-on neurasthénique ? Comment distinguer les 
neurasthéniques des autres névropathes? Telles 
sont les questions essentielles, souvent mal réso- 
lues, auxquelles M. Hartenberg répond d'abord 
avec son expérience de quinze années d'études de 
ces maladies. La neurasthénie peut être considérée 
comme l’exagération d’une propriété normale du 
système nerveux : la fatigabilité. L'état neurasthé- 
nique, exagérant à son tour toutes les tendances 
morbides du caractère, peut s'accompagner de 
troubles psychiques variés: phobies, obsessions, 
autosuggestions. 


Maïs, la neurasthénie étant connue, comment la 
soigner ? Minutieusement, dans tous ses détails. 
M. Hartenberg expose toutes les ressources théra- 
peutiques dont nous disposons pour combattre les 
causes, les symptômes, les complications de la 
névrose, indique la meilleure ligne de conduite à 
suivre pour atteindre la guérison. Et les résultats 
obtenus démontrent l'excellence de la méthode. 

Comme d'autres livres de médecine, celui-ci. 
à raison de la crudité des descriptions. n'est pas 
à mettre sous tous les yeux. Quand il touche les 
questions connexes à la morale, l'auteur ‘lonne 
bien souvent des solutions qui sont pour le moins 
amorales. Ainsi, quand, pour consoler certain 
neurasthénique accablé par la perie d'ètres chers. 
il conseille de « faire appel aux sentiments reli- 


166 COSMOS 


gieux, aux espoirs de vie future, de réunion dans 
l’au-delà, ou, s’il est capable de s’y intéresser, aux 
doctrines du spiritisme. Qu'importent les illusions, 
ajoute-t-il, pourvu qu'elles soient consolatrices et 
aident à supporter la vie? » 


L’acide formique ou méthanoïque, par ANDRÉ 
Dusosc, ingénieur-chimiste, ancien ingénieur à 
la Société Maletra, ingénieur à la Société « le 
Camphre ». In-8° de 364 pages (broché, 45 fr; 
cartonné, 16,50 fr). Dunod et Pinat, Paris, 1912. 


Bien que la synthèse en ait été réalisée, il y a 
près de cinquante ans, par Berthelot, l'acide for- 
mique, dont l'importance va chaque jour grandis- 
sant, n'a été l'objet d'aucun travail d'ensemble. 

Les travaux à son propos sont fort nombreux, et 
l'intérèt en est très grand, mais ils sont essaimés 
au cours de cent publications scientifiques. 

D'autre part, l'intérêt que présente l'acide for- 
mique, aussi bien comme substitut de l'acide acé- 
tique qu’à raison de ses propriétés particulières, 
a attiré sur lui l'attention du monde industriel et 
des milieux scientifiques. 

Au cours d'une longue carrière industrielle, il 
a été donné à M. Dubosc, non seulement d'étudier 
les multiples propriétés de l'acide formique, mais 
aussi d’en déterminer les applications à de très 
diverses industries et d’en assurer la production 
par les méthodes les plus variées. 

Le présent ouvrage a pour but de réunir l'en- 
semble des connaissances actuelles sur l’acide for- 
mique, non seulement au point de vue purement 
spéculatif, mais aussi et surtout au point de vue 
technique, au point de vue industriel. 

Après un bref exposé historique, l’auteur étudie 
la formation naturelle du méthanoïque dans les 
trois règnes et expose ses innombrables modes de 
formation. 

L'analyse des procédés de préparation (aussi 
bien par voie chimique que par voie synthétique), 
la description des divers procédés brevetés, leur 
outillage, leurs rendements, a été très poussée, et 
elle comprend tout ce qui a parn jusqu’à ce jour 
sur le sujet. 

La seconde partie est consacrée à l'étude des 
propriétés physiques, chimiquesetthermochimiques 
de l’acide formique, et elle comprend de nombreuses 
tables et formules de calcul. ; 

L'ouvrage est complété par l’examen des divers 
anhydrides mixtes et des acides dérivés du métha- 
noïque, et par un exposé complet des diverses 
méthodes d'analyses qui ont été présentées. 


Les merveilles de la vie végétale, par 
A. ACLOQUE. Un vol. in-4° (0,76 X 0,17) de 
104 pages (1 fr). Maison de la Bonne Presse, 
Paris. 

Pas n'est ici besoin de faire ressortir la clarté 
d'exposition, la sobre élégance du style de cette 


8 aouT 1912 


publication. M. Acloque est assez connu des lec- 
teurs du Cosmos pour que de telles indications 
soient superflues. Nous avons ici, sous forme pitto- 
resque et avec force gravures dans le texte ou hors 
texte à l'appui, un véritable traité de physiologie 
végétale. 

L'ouvrage commence par un tableau d’ enseible 
de la vie des plantes dans ses représentants infé- 
rieurs (zoophyte, champignon, cuscute, éponge), 
continue par la description et le ròle de la cellule, 
le mode de nutrition et d'alimentation de la plante, 
ses moyens de défense. La fleur, sa composition, 
son évolution en fruits et graines pour la perpé- 
tuation de l'espèce, font suite à la défense. 

Sans pousser plus loin cette analyse, signalons, 
dans la suite, deux chapitres plus particulièrement 
dignes d'attention, l’un sur la « sensibilité végé- 
tale », expliquée en donnant au mot sensibilité 
une définition appropriée au règne végétal et ne 
permettant pas de la confondre avec la sensibilité 
animale. Un autre chapitre est à noter, par lequel 
se termine le volume, sur la variabilité végétale; 
laquelle s'étend, gràce à l’action de Phomme, dans 
d’assez larges limites, sans qu'on puisse en inférer 
la transformation des espèceschères aux Lamarck, 
aux Darwin, aux Hugo de Vries. M. Acloque léta- 
blit par une argumentation solide appuyée sur de 
nombreux faits. 


La Révolution française et la psychologie des 
révolutions, par Gustave Le Bon (Bibliothèque 
de philosophie positive). Un vol. broché (3,50 "A 
E. Flammarion, 26, rue Racine, Paris. 


Un ouvrage du D" Le Bon intéresse toujours, 
même quand il est, comme celui-ci, écrit hâtive- 
ment et pensé à la galopade. Personne ne s’éton- 
nera de voir l’auteur aussi antirévolutionnaire que 
possible. Aussi bien, qui donc s’aviserait à notre 
époque de soutenir les principes de 1789 et les 
hommes, surtout, qui tentèrent de les appliquer ? 
En tout cas, le D" Le Bon a voulu vérifier in anima 
vili et in concreto ses théories personnelles d'ordre 
psychologique. Ce volume est un appendice en 
quelque sorte expérimental à la Psychologie des 
foules, à la Psychologie politique ainsi qu’au livre 
Les opinions et les croyances. On y verra le faible 
ròle joué par la « raison » dans la plus grave de 
nos crises nationales et la prépondérance des élé- 
ments affectifs chez ses principaux acteurs. 

Les idées bien connues de l’auteur requièrent les 
réserves d'usage. C'est ainsi qu’il considère avec 
terreur l’imprévoyance du gouvernement actuel 
qui laisse trop de liberté aux catholiques! D'autre 
part, son point de vue positif, sinon positiviste, 
l'induit à considérer les événements sous un angle 
en somme strictement matérialiste. L'œuvre n’en 
reste pas moins originale, souvent sensée, toujours 
sérieuse. 


Ne 1437 


Dieu et science: Essai de psychologie des 
sciences, par ELt& DE CYon. Un vol. in-8° de la 
Bibliothèque de philosophie contemporaine avec 
deux planches hors texte et le portrait de l'au- 
teur par J. Chaplain. Deuxième édition revue et 
augmentée (7,50 fr). Paris, Alcan, 108, boulevard 
Saint-Germain. 


Nous avons consacré à la première édition de 
cet ouvrage un article dans le Cosmos où nous en 
disions tout le bien qu'on en peut penser et aussi 
les quelques réserves qu’il appelle. En dehors de 
sa valeur scientifique particulière qui est considé- 
rable, le travail de M. de Cyon fournira à l’apolo- 
gétique de précieux renseignements. On y voit 
notamment comment — et pourquoi — seuls des 
savants « de second ordre » sacrifient à l’athéisme., 
Cette seconde édition contient d'assez importantes 
additions sur la décadence présente du darwinisme, 
voire de l'évolutionnisme. L'enquête sur les opi- 
nions philosophiques et religieuses des grands 
naturalistes s'augmente de plusieurs documents 
de grande valeur, notamment de cinq lettres de 
Berzélius. Enfin, le chapitre vi, consacré au positi- 
visme, contient de nouveaux détails sur la folie et 
l'absence de tout sens moral chez Auguste Comte. 


L'Etat moderne et l’organisation internatio- 
nale, par D.-J. Hilt, ancien ambassadeur des 
Elats-Unis à Berlin. (Trad. franç. de M™° E. Bovu- 
TROUX.) Un vol. in-48 broché de la Bibliothèque 
de philosophie scientifique (3,30 fr). Flamma- 
rion, 26, rue Racine, Paris. 


Philosophe, historien, économiste et diplomate, 
M. Hill est bien placé pour parler de l'Etat moderne. 
Il en parle si bien et avec tant d'amour qu'il lui 
accorde peut-être trop. En tout cas, le but principal 
de M. Hill parait être de démontrer que le monde 
politique international est constitué aujourd'hui 
par une société d'Etats auxquels il serait désirable 
de conférer des droits et des garanties analogues 
à ceux dont jouissent les particuliers de chaque 
nation civiligée. 

Nous reconnaissons ici le délégué à la Conférence 
de La Haye (1907)! Sans doute, M. Hill ne se dissi- 
mule pas les difficultés de son idéal, mais il croit 
que la conscience des nations parviendra à réaliser 
d’une façon concrète la sanction internationale 
sans laquelle son rêve s'écroule. 


La Russie et ses richesses, par E. Taris, ancien 
élève de l'Ecole polytechnique. Un vol. broché 
in-8° écu avec 24 photogravures hors texte et 
1 carte {4 fr). Paris, Pierre Roger et Ci, 54, rue 
Jacob. 


M. Taris parait être préoccupé du maigre résultat 
économique atteint par l'alliance franco-russe. De 


COSMOS- 


167 


fait, les échanges commerciaux des deux pays sont 
faibles, trop faibles. C’est pourquoi tout volume 
capable d'ouvrir les yeux à nos capitalistes, à nos 
hommes d’affaires, à nos industriels sur le champ 
immense d'activité que leur réserve la Russie sera 
le bienvenu. Tel est le cas de celui-ci. En une suite 
logique de tableaux évocateurs, M. Taris nous fait 
visiter la Pologne, la Grande-Russie avec Péters- 
bourg et Moscou; nous descendons ensuite le Volga 
jusqu’à Astrakhan pour gagner la Petite-Russie et 
cette côte d'Azur qui est la Crimée, après avoir 
traversé les grandes plaines de céréales du Sud. 
Puis c’est la Caspienne et ses pétroles. La Finlande 
a son chapitre à part. L'auteur conclut par une 
échappée sur l'avenir et les mystérieuses et gigan- 
tesques ressources de l'Asie russe. 


Le guide pratique de l’instituteur construc- 
teur et collectionneur, par Léonce CARLIER, 
instituteur. Un vol. in-46 de 140 pages avec gra- 
vures (4 fr), chez l'auteur, 20, rue du Molinel, 
Halluin, Nord. 


On a constaté depuis longtemps que pour donner 
aux'énfants des notions scientifiques durables, il 
est nécessaire de les faire assister à des expériences. 
D'ailleurs, cette manière de faire est recommandée 
dans les programmes des écoles normales. 

Mais les instituteurs n’ont pas souvent les res- 
sources nécessaires pour donner cet enseignement 
expérimental. Aussi faut-il leur signaler le curieux 
ouvrage de M. Carlier, qui explique la façon de con- 
struire soi-même, avec des outils usuels et des ma- 
tériaux simples, faciles à se procurer partout, plus 
de 300 appareils pour l’enseignement expérimental 
de toutes les matières du programme et, en parti- 
culier, des sciences physiques, du calcul et de la 
lecture. 

Il donne, en outre, une foule de précieux rensei- 
gnements pour la décoration économique des 
classes et la constitulion des musées scolaires 
(récolte, arrangement en collections, conservation 
d'échantillons des trois règnes, etc.). 

Cet ouvrage, qui prouve une grande ingéniosilé 
de la part de l’auteur, rendra beaucoup de services 
aux instituteurs qui pourront ainsi instruire leurs 
élèves tout en les intéressant vivement. 


L'autre vio, par M8" ELIE Ménic, prélat de la mai- 
son du Pape, docteur en philosophie et iettres, 
docteur en théologie, professeur à la Sorbonne. 

. Treisième édition. Deux vol. (18 X 12) de x-337 
et 400 pages. (Chaque volume, 6 fr.) P. Téqui, 
82, rue Bonaparte, Paris, 1912. 

Cet ouvrage bien connu traite la question de 
l'immortalité de l'âme, puis celle du lendemain de 
la mort, d'abord à la lueur de la raison et ensuile 
à la lumière des enseignements de la foi catholique. 


168 COSMOS 


R aont 194194 


FORMULAIRE 


Nettoyage des flacons et ustensiles de ver- 
rerie. — Les flacons qui ont contenu des corps 
gras peuvent étre aisément nettoyés à l'aide d’une 
solution de permanganate de potasse à 10 pour 400; 
il se forme un peroxyde de manganèse; on ajoute 
une petite quantité d'acide chlorhydrique, et il se 
produit un dégagement de chlore, qui décompose 
les matières organiques. Il faut ensuite rincer plu- 
sieurs fois à l'eau claire. 

Pour netloyer les flacons ayant contenu des 
matières résineuses, il faut les laver avec une les- 
sive caustique, les rincer à l'alcool et plusieurs fois 
à l'eau. 

Pour les flacons ayant contenu des essences, on 
emploie une solution de 10 à 25 pour 100 d'acide 
sulfurique, puis on passe à leau claire. 

On nettoie très rapidement les flacons ayant con- 
tenu des révélateurs avec une solution diluée d'acide 


sulfurique ou d'acide chlorhydrique et rinçages à 
l’eau claire. 


(Bulletin du Photo-Club du Haut-Jura.) 


Pour la conservation des reliures de livres. 
— Les bibliophiles ont intérèt à attacher une 
attention exceptionnelle aux reliures. La Société 
des arts de Londres vient de leur adresser à cet 
égard un salutaire avertissement en les invitant à 
veiller sur les dégâts que peuvent causer les insectes 
qui attaquent les peaux. Celles-ci sont plus ou 
moins sujettes à leurs ravages. Le maroquin, le 
porc, le vrai parchemin sont encore ce qu'il y a de 
moins sujet à leurs attaques. Le veau et le cuir de 
Russie n’abritent pas sérieusement le livre. Quant 
à la toile et au simple cartonnage, ils doivent être 
bannis de toutes les bibliothèques. 

(La hevue.) 





PETITE CORRESPONDANCE 


Erratum. — Daus l'article sur les Dés speciaux 
pour le tirage des loteries (n` 1432), à la page 21, en 
haut de la deuxième colonne, au Tieu de lire : « On 
s'assure... si lés distances /k et ¿j sont égales: de 
mème les distances ak, lu, ri, bj », il faut lire : « On 
s'assure... si les distances /k et ¿j sont égales aux 
distances af, lu, ri, bj. » 
` Adresses des appareiłs décrits : 

Les limiteurs de courarts Ohlinger se trouvent chez 
M. Ohlinger, 65, rue du Faubourg-Saint-Denis, Paris. 


M. F. P., à M. — Les moteurs fixes, ayant en général 
un régime lent, ne donneraient pas aux magnétos 
ordinaires une vitesse de rotation suffisante pour 
fournir une bonne étincelle. On emploie en ce cas un 
mécanisme qui fait osciller rapidement l'induit de la 
magnéto. — Depuis quelques années, en etřet, on 
soude les rails bout à bout, au lieu de mettre des 
éclisses boulonnées. De cette facon, on n'a pas à res- 
serrer les boulons, que les trépidations finissent par 
dévisser. Il n’y à pas d'ailleurs utilité à conserver 
l'espace entre les bouts des rails pour la dilatation, 
car les rails de tramways étant enterrés subissent de 
bien moins grandes variations de température que 
ceux des chemins de fer, qui sont au-dessus du sol. 


M. de B., à D. — Remerciements: nous avons un 
certain nombre d'abonnés en Allemagne. 

M. A. M..à H. — Un brevet francais qui n’a pas été 
pris dans d'autres pays n'a aucune valeur à l'étranger. 
L'achoteur possible peut exploiter l'objet de l’inven- 
tion sens rien d‘hourser. — Nous ne saurions vous 
dire combien il existe de métiers à tisser en France ni 
où l'on peut trouver ce renseignement. 

M. A. L., à G. — Il n'existe pas d'ouvrage traitant 
spécialement de la fabrication du blanc d'Espagne, fa- 
bricalion fort simple: la craie est débarrassée du sable 
qu'elle contient; pour cela, on la pulvérise ct on la 


délaye dans l'eau. où le sable se dépose. On décante 
le liquide qui tient la craie en suspension; on le 
laisse donner un dépot que l’on fait sécher et que l’on 
moule sous forme de cylindres. Toutes les craies no 
donnent pas le bon blanc d'Espagne, cependant les 
dépôts en sont nombreux. 


M. P. P., à P. — Il n'y a‘aucun doute : vous pouvez 
tenir à la main une bicyclette, la nuit, sans avoir de 
lanterne allumée. Cependant, il y a parfois des procès- 
verbaux dans ce cas, et, quand il y a condamnation, 
c'est que le juge suppose que le cycliste est descenda 
à l'approche du gendarme. Il faudrait donc que celui- 
ci fút contraint d'assurer que le cycliste a été vu sur 
sa machine, pour qu'il y ait lieu à condamnation. 


M. H. K.,à C. — Une bonne prise de terre d'un 
paratonnerre peut également servir en T. S. F. — 
Nous envoyons votre carte à la Compagnie générale 
radiotélégraphique, 63, boulevard Haussmann, Paris. 


M. M. D., à R. — Il est très difficile, avec les données 
de votre lettre, de vous donner une réponse süre. 
Vous pourriez consulter un ancien article du Cosmos 
sur cette question, « Une lunette astronomique pour 
5 francs » (t. XLVII, n° 934, p. 778, 20 décembre 1902). 
En tous cas, il nous semble difficile que vous obteniez 
une portée et un grossissement tels que vous les 
désirez, et qu'on trouve rarement parmi tes instru. 
ments construits chez les opticiens. Pour redresser 
l'image, il faut un autre système de lentilles placé 
près de l'oculaire de la lunette. Vous en trouverez la 
description dans n'importe quel traité de physique. 


M. l'abbé J.-H. V., à T. — Nous vous remercions 
de votre communication. Nous restons convaincus 
que l'infiltration des pluies a une part prépondérante 
dans les éboulements du cap de la Hève. 





Imprimerie P. FeroN-Vrau. $ et 6, rue Bayæerd, Peris, VIII‘. 
Le gérant : E. PETITEENRT. 


No 1438 — 15 aout 1919 


COSMOS 


169 


SOMMAIRE 


Tour du Monde. — Le tremblement de terre de la Marmara. Contre les morsures de vipères : un procédé 
de garde-chasse. Fixation de l’azole aérien par catalyse. Horloge électrique sans fil. Le gaspiliage de 
l'énergie dans la production de la lumière artificielle. Les navires de plus en plus grands et leurs installa- 
tions. Propulsion électrique des navires. Une curiosité arboricole. Le bouvreuil, p. 169. 


Les nouvelles automotrices électriques des chemins de fer de l'Etat, H. C., p. 174. — La synthèse 
du caoutchouc, F. Charles, p. 176. — Les tigridies décoratives, AcLoque, p. 177. — Accumulateur 
alcalin Paul Gouin, BERTHIER, p. 179.— La fabrication des grosses conduites d’acier, BELLET, p. 181. 
— L’évolution des nébuleuses spirales, A. Ste, p. 184. — Les chemins de fer français aussitôt 
après la guerre, A. ne SApoRTA, p. 439. — Sociétés savantes : Académie des sciences, p.192. — Biblio- 


graphie, p. 193. 








TOUR DU MONDE 


PHYSIQUE DU GLOBE 


Le tremblement de terre de la Marmara. — 
Un tremblement de terre est survenu en Turquie 
d'Europe dans la nuit du jeudi 8 au vendredi 
9 août. Les Observaloires sismiques européens l'ont 
enregistré comme d'ordinaire et ont mème aussitôt 
fixé, rien que d'après la forme et la longueur des 
diagrammes, la position de l'aire épicentrale. A 
Pola (Autriche), l'amplitude maximum, sur les dia- 
grammes, a atteint 444 millimètres, correspondant 
à une amplitude de 1 millimètre pour le mouve- 
ment réel du sol. A l'Observatoire allemand de 
Krietern, les ondes ont débuté à 2:32" et n'étaient 
pas encore éteintes à 8 heures; les aiguilles du sis- 
mographe se sont détachées sous la violence des 
secousses. L'Observatoire royal de Belgique a enre- 
gistré ie début à 1:33"4{6et, d’après le diagramme, 
a pronostiqué « un violent tremblement de terre 
dont le foyer paraissait se trouver à 2150 kilo- 
mètres d'Uccle, dans la direction Est-Sud-Est, c’est- 
à-dire en Turquie, aux environs de la mer de 
Marmara ». 

C’est bien cette région qui a été frappée. L'ile de 
Marmara, la côte européenne de la mer de Mar- 
mara et toute la région depuis Gallipoli jusqu’à 
Andrinople, y compris ces deux villes, ont été 
ravagées, mosquées, églises, écoles, magasins, 
maisons écroulées, des centaines de personnes 
tuées, des milliers de personnes blessées ou man- 
quant d’abri; à Rodosto, sur la Marmara, il n’y a 
pas une maison qui n'ait souffert. En bien des 
endroits, l'incendie a achevé l’œuvre des secousses 
sismiques. Deux sources d'eaux minérales se sont 
taries à Dédéagatch. Le lendemain, sur la côte de 
la Marmara, la mer rejetait un grand nombre de 
poissons, sans doute écrasés par la brusque secousse 
dans l'eau incompressible. 


T. LXVII. N° 1438. 


A Constanlinople, trois fortes secousses avaient 
été ressenties au mème moment vers 330", heure 
locale, occasionnant quelques dégâts. 

M. de Montessus de Ballore note, dans sa Geogra- 
phie séismologique, que les désastres causés par 
les secousses à la ville d'Andrinople sont le plus 
souvent associés à de graves tremblements de 
terre des grandes villes du voisinage telles que 
Constantinople et Gallipoli. I n’est d’ailleurs point 


possible de fixer avec plus de précision les épi- 


centres des secousses qui frappent cette région. 


SCIENCES MÉDICALES 


Contre les morsures de vipères. Un procédé 
de garde-chasse. — Les morsures des vipères ne 
sont heureusement pas toujours mortelles: cela 
dépend de bien des circonstances telles que la race 
de la vipère, l'endroit de la morsure, la plus ou 
moins grande quantité de venin que le reptile se 
trouvait avoir à ce moment dans ses glandes, etc. 
Cependant, il ne faut pas oublier que Rollinger a 
observé 50 morts sur 6410 cas de morsures, et Viaud 
Grandmarais 62 sur 321 cas. On peut compter une 
moyenne de 40 à 15 cas mortels sur 100, ce qui est 
infiniment trop. 

Nous allons très rapidement passer en revue les 
divers moyens de neutraliser les effets dangereux 
du venin et terminer en exposant un procede fort 
curieux, très simple et, parait-il, dune eflicacité 
absolue, emplové dans une région où les vipères se 
montrent en très grand nombre. 

Il faut laisser de coté tout d'abord les remèdes 
en usage chez les anciens et même chez nos 
ancètres, remèdes sortis sans doute de l'antre des 
sorcières et qui font plus honneur à leur imagination 
qu’à leurs connaissances médicales. 

Est-on mordu par une vipère? Il importe tout 


170 


d'abord d'empècher l'introduction du venin dans le 
torrent circulatoire. Pour cela, il faut pratiquer une 
ligature aussi serrée que possible, avec un mouchoir 
de poche ou tout autre objet propice, un peu au- 
dessus de la blessure, entre celle-ci et le tronc du 
corps, car le plus généralement Îles reptiles s’at- 
laquent aux membres, surtout aux membres infé- 
rieurs, les plus immédialement à leur portée. Il 
faut ensuite débrider assez largement la plaie en 
opérant une incision profonde de un centimètre, 
longue de deux ou irois, passant par la blessure et 
dans le sens de la longueur du membre atteint. 
Puis faire saigner abondamment et, mieux encore, 
sucer fortement la plaie pour aspirer le venin, à la 
condition formelle de n'avoir dans la bouche aucune 
lésion capable de permettre son introduction. 

Ces opérations étant elfectuées aussi vile que 
possible, car de leur rapidité dépend pour une 
bonne part leur succès, on doit s'occuper d'atté- 
nuer et de neutraliser les elfets du venin dont il 
aura été impossible d'empêcher l'absorption. 

A cet égard, les plus heureux résultats, mime 
lorsqu'il s’agit de cas en apparence désesperés, 
sont obtenus par les injections du sérum antiveni- 
meux de M. le D? A. Calmette, directeur de lln- 
stitut Pasteur de Lille, dont on connait les remar- 
quables travaux sur les venins des serpents et le 
traitement de leurs effets sur l'organisme humain. 

Toutes les fois que la chose est possible, et dans 
le plus bref délai, il ne faut donc pas hésiter à faire 
des in ections de ce précieux sérum. Le malheur 
est que l'on n’en a pas toujours à sa disposition en 
cas de besoin. Il faut alors re’ourir à certains pro- 
duits chimiques qui peuvent rendre de grands ser- 
vives, el à l'action curative desquels, quoiqu'elle 
ne soit pas aussi cerlaine que celle du sérum anti- 
venimeux, on doil recourir si on a la chance de les 
avoir sous la main. Les plus elticaces sont l'hypo- 
chlorite de chaux, le chlorure d'or, le permanga- 
nate de potasse, l'acide chromique. 

D fant employer de préférence l'hypochlorile de 
chaux où bien le chlorure d'or. L'hvpochlorite de 
chaux s'utilise en solutions à 2 pour 100; les solu- 
tions doivent ètre faites depuis peu. Les solutions 
de chlorure d'or doivent ètre au titre de { pour { 000. 
Soil avec les unes, soil avec les aulres, on com- 
mence par laver très largement la plaie faite par 
l'incision; il est bon de faire avec ces solntions des 
injections hypodermiques ou bien des injections 
intramusculaires profondes aulour de la plaie. 

On a préconisé certains autres trailemenis : injec- 
Gonsde morphine, d'anmmontaque.de strvehuine,ete. 
Rien de sérieux ne Îles justifie, et il semble bien 
qu'elles sont non sculement inutiles, mais mème 
contre-indiquées. | 

Il n'en est pas de même de l'absorption de café, 
le the et mème d'alcool à doses modérées. L'orga- 
nisiwe a besoin alors d'ètre stimulé, et lingestion 


COSMOS ` 


15 aour 1912 


de ces excitants peut produire les meilleurs résul- 
tats par leur action sur létat général du patient. 

Ainsi donc, voilà les meilleurs moyens que la 
science met à notre disposilion pour remédier 
aux funestes suites des morsures de serpents veni- 
meux. La principale difficulté qui s'oppose à leur 
application est que, le plus souvent, on ne les a pas 
en temps utile à sa disposilion. Assez rares sont les 
pharmaciens qui détiennent du sérum antiveni- 
meux. D'autre part, on ne peut guère se promener, 
à moins que l’on ne se trouve dans une région lit- 
téralement infestée par des reptiles dangereux, 
avant constamment dans sa poche une trousse avec 
bistouri, seringue de Pravaz, solutions de chlorure 
d'or ou d'hvpochlorite de chaux. 

Il peut donc être intéressant de connaitre et 
d'appliquer, à l'occasion et faute de mieux, un 
procédé qui serait, parait-il, infaillible, mais que 
nous ne donnons néanmoins qu'avec loules les 
réserves possibles. [l nous a été donné par un de 
nos amis dont les gardes-chasse s'en servent assez 
couramment, car ils ont à circuler dans un centre 
où les vipères sont excessivement communes, 
quelque soin que l'on prenne de les détruire. 

Ii suffit d'avoir, en cas de besoin, une petite ron- 
delle d'amadou d'un diamètre un peu inférieur à 
celui d’une pièce de cinquante centimes, et une allu- 
mette. Le matériel n'est donc guère complique : il 
se trouve en tout cas très portatif. 

En cas de morsure par une vipère, on dégage 
vivement la partie qui a élé mordue; sur les traces 
laissées par les crochets du reptile, on place la ron- 
delle d'amadou à laquelle on met le feu. La brù- 
lure ainsi produite ne tarde pas à occasionner une 
phlyctène dans laquelle viendrait, parait-il, saecu- 
muler tout le venin inséré dans la blessure: On 
n'a plus ensuile qu'à la percer et à la débarrasser 
de tout le liquide qui s y trouve. 

Sans doute, ce procédé curatif doit ètre fort 
douloureux, et il faut ètre vraiment stoique pour 
supporter paliemment la brülure de lamadou. 
Mais enfin, quand il s'agit de vie ou de mort, on 
peut, semble-t-il, supporter quelques moments de 
souffrance. 

Dans le pays en question, on a couramment sur 
soi de petites rondelles d'amadou si l’on a l'occa- 
sion de se promener dans les endroits rendus dan- 
gereux par là présence des vipères. 

Sans vouloir préconiser de façon absolue ce truc 
de garde-chasse, il semble que les gens en excur- 
sion dans des contrées à vipères pourraient avoir 
sur eux un peu d'amadou en cas de besoin : ils ne 
s ecncombreraient pas beaucoup et seraient peut- 
èlre henreux de lui devoir la vie. Louis NERVE. 


CHIMIE 


Fixation de l’azote aérien par catalyse. — 
D'une part la masse énorme d’azote combiné, 


Nc 1438 


employé dans les arts chimiques et pour la fertili- 
sation agricole, d'autre part la quantité pratique- 
ment illimitée d’azote libre contenu dans l’atmo- 
sphère : ces raisons provoquèrent les efforts d’un 
grand nombre de chercheurs dans le but de fixer 
chimiquement l'azote aérien. On sait le brillant 
succès des tentatives failes ainsi pour fabriquer le 
nitrate de chaux et la cyanamide calcique. Or, 
voici qu'à peine éclose, l'industrie nouvelle voit 
poindre une concurrente qui sans doute sera 
bientôt redoutable. 

On a fait depuis quelques années en Allemagne 
des essais fort intéressants pour fabriquer de 
l'ammoniaque en faisant passer un mélange forte- 
ment comprimé et chaud d'azote et d'hydrogène 
sur des composés du rhodium ou de l'uranium. 
Comme tous ces catalyseurs agissent sans perdre 
de leur masse et peuvent ainsi transformer 
d'énormes quantités de matière, le procédé est 
fort économique. L’ammoniaque ne coite guère 
que par le prix de l'azote, extrait maintenant de 
l'air par les procédés Claude à un bon marché 
dérisoire, et de l'hydrogène qu'on sait aussi produire 
à bon compte depuis que les dirigeables en con- 
somment d'énormes quantités. 

Mais tous ces procédés catalytiques sont très 
délicats. On sait que l'acide sulfurique au platine 
ne put guère ètre préparé en grand qu'après 
presque un siècle de tâtonnements et de recherches. 
La matière active s’empoisonne peu à peu et perd 
son pouvoir dès qu'elle est souillée d'un peu de 
poussières; le rendement est inégal, la régénération 
du catalyseur amène des pertes, et le prix du pro- 
duit lui-même immobilise un certain capital. Ceci 
explique la difficulté de mise au point de la syn- 
thèse de l'ammoniaque en partant de l'azote aérien. 

Le procédé semble toutefois maintenant très 
pres de passer dans la phase pratique. M. Auziès, 
qui l'étudie dans la /?evue yénérale de Chimie, 
décrit, en effet, un ensemble de perfcclionnements 
rendant la méthode tout à fait industrielle. Le 
mélange azote-hydrogène est d'abord épuré physi- 
quement par filtration, et chimiquement par bar- 
botage dans un bain de sulfate chromeux, qui 
retient toute trace nuisible d'oxygène. On procède 
ensuite à la catalyse non plus avec un produit 
rare et coûteux, mais avec un mélange de nickel 
et de bore ou d'aluminium. Ji semble y avoir dans 
ces conditions formation d’hydrure de nickel et 
d'azotine de bore ou d'aluminium, puis finalement 
la réaction produit l'ammoniaque. On fixe l'alcali 
par lavage et on remet en circulation le mélange 
des gaz non combinés. 

D'après les calculs peut-être d'ailleurs trop opti- 
mistes de l’auteur, l’azote ainsi fixé coùterait moins 
de 0,5 fr par kilogramme. Si on compare ce prix à 
celui Je l'azote des engrais nitrés ou amimonicaux, 
on voit l'énorme profit que laisse espérer la nou- 


COSMOS 


velle fabrication aussi bien pour industriel que 


pour l'agriculteur. I. R. 
ÉLECTRICITÉ 
Horloge électrique sans fil. — On connait 


depuis longtemps les horloges électriques reliées 
par un fil à une horloge centrale, et dont tout le 
mécanisme consisle en un simple électro-aimant 
placé en face d’une armature. Une nouvelle, 
propre à révolutionner cette industrie, nous vient 
de Munich. On esl parvenu à actionner, dans un 
assez large rayon, des horloges électriques en 
nombre indéfini au moyen des ondes herlziennes 
sans fil. 

L'indication de l'heure exacte se fait déjà assez 
facilement à de très grandes distances toutes les 
douze ou vingt-quatre heures. On peut citer des 
fabriques d'horlogerie, en Suisse, qui reçoivent 
chaque jour de la tour Eiffel l'heure exacte, mais 
la communication minute par minute de lheure 
à de nombreuses horloges par les ondes élec- 
triques est un fait entièrement nouveau et inat- 
tendu. [l s'agissait de donner à londe électrique 
une puissance suffisante pour permettre une aclion 
précise, de construire des horloges réceptrices de 
manière que l'aiguille ne fasse quun mouvement 
en avant dans un temps donné, d'empêcher l'in- 
tervention disturbante de toute source étrangère 
d'électricité, enfin de neutraliser l’action des ondes 
hertziennes ne provenant pas de l'appareil expédi- 
teur. Toutes ces difficultés sont surmontées dans 
le système de M!" Cerebotani, de Munich, connu 
par ses travaux électrotechniques (1). Une relation 
des Wrinrhener Neueste Nachrichter, en date du 
2 janvier 1912, en fait loi. 

L'expérience parait fort simple. Sur une table 
se monte une horloge .ordinaire à secondes, en 
communication avec un relais et une batterie sèche 
actionnant un appareil émetteur d'ondes élce- 
triques hertziennes. Sur une table voisine se trouve 
une antenne réceptrice reliée à une horloge qui, 
au licu d'un mouvement d'horlogerie, contient un 
électro-aimantet un relais de construction spéciale. 
Aussitôt que l'aiguille des secondes de la première 
horloge a fait un tour de cadran, l'antenne lance 
une onde qui actionne l'aiguille des minutes de 
l'horloge réceptrice ou de plusieurs de ces hor- 
loges, la faisant avancer d’une unité. La seule dif- 
férence avec les horloges électriques actuelles con- 
siste en l'absence de lil. 

Une horloge expéditrice plicée dans une position 
centrale quelconque, au sommet d'une tour, par 
exemple, et munie d'une antenne semblable à 
celles de la télégraphie sans fil, peut donc exp- 
dier l'heure exacte à un grand nombre d horloges 
publiques placées sur les places, dans les restau- 
rants, les bureaux, ete. 


(1) Le Cosmos a eu souvent occasion de les signaler, 


172 COSMOS 


lait digne de remarque : les nouvelles horloges 
réceptrices ne reviennent pas à plus de 45 francs, 
d'après Mer Cerebotani. Celui-ci se propose de faire, 
dans plusieurs villes d'Europe, des conférences 
pour permettre aux spécialistes de juger de l'in- 
vention. (Société des ingénieurs civils.) 


Le gaspillage de l’énergie dans la produc- 
duction de la lumière artificielle. — Le rende- 
ment des meilleures sources lumineuses, malgré les 
perfectionnements considérables de ces dernières 
années, est encore déplorablement mauvais. 

Voici quels sont les chiffres que donne Science 
Progress : | 

kenlement Iuminetr. 


Proportion ie le GPL totaļe 
Sonreet luminenses. irao farmee en emire. 


Pétrole sont: M es .…. 0,25 p. 400 
Gaz-manchonincandescentdroit. 0,46 — 
Gaz-manchon incandescent ren- 
0,51 — 
Lampe électrique incandescente : 

filament de carbone........., 2,01 — 
Lampe électrique incandescente : 


tantale...,...... PT tS — 
Lampe électrique incandescente : 

IUNCSIUNÉ er arms means ses a3 — 
Lampe à arc: renfermcée..... 1,16 — 
Lampe à arc: à air libre........ 96 — 
Lampe à arc: à flamme jaune... 15,2 — 


Quelques chiffres méritent d'être signalés. Il y 
a un progrès considérable réalisé par la lampe à 
incandescence à filaments métalliques et par la 
lampe à arc à flamme colorée au moyen des char- 
bons minéralisés. Dans la majorité des cas, le 
rendement des sources lumineuses est inférieur à 
pour 100. Et ce rendement devrait même ètre 
évalué beaucoup plus faible si on faisait entrer 
en ligne de compte toutes les pertes d'énergie pour 
la transformation de la houille en gaz d'éclairage 


ou en électricité. Le modeste ver luisant a un 


rendement lumineux incomparablement supérieur 
et qu'il faut donner en exemple, mais il est l’œuvre 
du Créateur de toute lumière. N: l; 


MARINE 


Les navires de plus en plus grands et leurs 
installations. — M. Richard a traité cette question 
devant la Société d'encouragement, et nous crovons 
intéressant de citer quelques lignes de sa commu- 
nication: 

« H v a quelques jours à peine, le plus grand 
paquebot du monde était le célebre Titawic, perdu 
dans le plus grand naufrage du mende: il ne res- 
tait de cette taille que son compagnon TOlympie. 
également de la Compagnie américaine WhiteStar, 
qui, plus heureux que le Zitanic, ne subit, lors de 
sa rencontre avec un croiseur anglais dans les 
eaux de l'ile de Wight, qu'une blessure grave, mais 
pas mortelle. Acluellement, ces deux monstrueux 
navires sont dépassés. 


15 aouT 1919 


» Cest d'abord un paquebot allemand, l/mpe- 
rator, de la ligne Hamburg-A merica, construit aux 
chantiers Vulcan, de Stettin, et lancé le 23 mai 
dernier. Il a 268,22 m de long, 29,87 m de largeur 
maxima, 10,82 m de creux. Tonnage brut, 50 000 ton- 
neaux. Poids au lancement, 26 500 tonnes. Vitesse, 
22 nœuds. Nombre de passagers, 5 100, dont 700 de 
première classe, 600 de seconde, 940 de troisième 
el 4 750 de quatrième classe, sur lesquels 4 000 en 
cabines et { 100 hommes d'équipage. Pour les pre- 
mières classes : luxe extraordinaire des salons et 
salles à manger, avec piscine de 20 m X 14 m, 
jardin d'hiver, café, véranda, sans compter les 
appartements comprenant chacun : salon, salle à 
manger, deux chambres à coucher, deux salles de 
bain, avec peut-être des meubles de la collection 
Doucet, Antiroulis, Frahm. La coque est, d’un bout 
à l'autre du navire, à double fond de 12 mètres de 
haut, avec 11 étages de ponts divers, 35 comparti- 
ments étanches à portes en nombre aussi réduit 
que possible et commandées hydrauliquement. 
L'état de fermeture ou d'ouverture de chacune de 
ces portes est indiqué au poste du capitaine, et elles 
peuvent, de ce poste, se commander séparément 
ou simultanément. Il y a 400 canaux de sauvetage, 
et chaque passager possède une ceinture et une 
bouée de sauvetage, de sorte qu'ils ont, en cas d'une 
immersion suflisammient lente du navire, quelque 
chance d'échapper si le temps s’y prête et s'ils ne 
perdent pas la tète. En cas d'incendie, des aver- 
tisseurs automatiques signalent immédiatement le 
compartiment du navire où le feu s’est déclaré, et 
on peut l’y éteindre aussitôt par des jets de vapeur. 
De nombreuses portes ignilugées empèchent la pro- 
pasaltion du feu d'un compartiment à l'autre. La 
ventilation est assurée par 80 ventilateurs d’une 
capacité totale de 19 000 mètres cubes, et l'on fait, 
de temps en temps, circuler de l'ozone pour revi- 
vifier lair. 

» L'installation électrique comporte 40000 lampes 
alimentées par à turbo-dynamos d’une puissance 
totale de S50 chevaux: en cas d'accident à cette 
installation, une dynamo de secours installée sur 
le pont supérieur fournirait l'éclairage nécessaire 
aux parties principales du navire. Les quatre 
ascenseurs pour passagers fonctionnent à l'électri- 
cité, ainsi que de nombreux appareils de levage et 
de manutention pour les bagages et les canots. 


» La propulsion est faite par quatre hélices à 
quatre ailes de 5 mètres de diamètre, à 125 L: min, 
commandées par 6 turbines d’une puissance totale 
de 70 000 chevaux, dont deux de basse pression sur 
les arbres extérieurs et, sur chaque arbre intérieur, 
une turbine de haute pression et une de moyenne 
pression. Chacun des arbres de ces turbines peut 
se commander indépendamment, et elles sont com- 
plétées par des turbines de renversement ou de 
changement de marche, dont deux de haute pres- 


N° 1138 


sion et deux de basse pression, ces dernières sur 
les arbres extérieurs. L’enveloppe des turbines de 
basse pression a 7,50 m de long et un diamètre 
maximum de 5,50 m. 

» Aussitôt en marche, ce gigantesque /mperator 
sera dépassé par l'un des nouveaux navires de la 
ligne « Cunard », l’ Aquitania. Longueur 270 mètres, 
largeur maxima 29, tonnage 55 000. La force mo- 
trice sera fournie par quatre turbines Parsons sur 
quatre arbres d’hélices. 

» On voit que l'ère de la construction des im- 
menses navires est loin d'être close; quant aux 
moyens de sécurité et de sauvetage, il faut espérer 
qu'on s'efforcera de les perfectionner de plus en 
plus, quitte à augmenter le prix de la construc- 
tion du navire et à rogner un peu sur les installa- 
tions purement somptueuses. On considérait le 
Titanic comme insubmersible, et l'expérience a 
surabondamment démontré sur le Titanic que le 
double fond n'élait pas, comme sur les cuirassés et 
même sur le vieux Great Eastern de 1858, pro- 
longé, le long de la coque, jusqu'au niveau au 
moins de la flottaison. 

» En ce qui concerne les canots de sauvetage, ils 
auront beau être en nombre suffisant pour con- 
tenir tous les passagers, il est très probable qu'ils 
n’en pourront jamais sauver qu’une faible partie 
si le naufrage a lieu, non pas très lentement et en 
beau temps, mais vite et en temps simplement 
houleux, où la descente des canots,et surtout leur 
accès, ne sont pas bien commodes. Aussi a-t-on 
cherché autre chose, mais, jusqu'à présent, sans 
grand succès. On peut signaler néanmoins, parmi 
les solutions proposées, celle qui aurait, d’après le 
Scientific American du 11 mai dernier, obtenu un 
prix au concours Pollak, pour les appareils et 
moyens de sauvetage, et dont le principe consiste 
à disposer la partie supérieure du navire de ma- 
nière que sa superstructure puisse s’en détacher 
comme un immense radeau sur lequel on aurait 
peut-être le temps de rassembler tous les passagers 
de la ville flottante en perdition. Tout irait alors 
pour le mieux si ce radeau, de construction assez 
solide pour bien tenir la mer, voulait bien se déta- 
cher à temps du navire, tout en y restant, en temps 
normal suffisamment attaché, et filer en mer sans 
ètre culbuté. Ce n’est pas très facile, mais peut-être 
pas impossible, et il semble que, sous cette réserve, 
le principe même de cet appareil mérite d'attirer 
l'attention. » 


Propulsion électrique des navires. — Sui- 
vant le Times Engineering Supplement, on va 
essayer aux États-Unis, à bord d'un navire char- 
bonnier, le Jupiter, que fait actuellement con- 
struire la marine de guerre, un système spécial de 
propulsion électrique. On se propose d'installer 
sur le navire en question une turbo-génératrice, 
ayant une vitesse maximum d'environ 2 000 tours 


COSMOS 173 


par minute, qui produira du courant sous 2 300 
volts, et deux moteurs à induction montés sur deux 
arbres propulseurs. Dans le dispositif employé, 
l'énergie sera transmise électriquement, de la tur- 
bine aux arbres propulseurs, avec une réduction 
de vitesse de 18 à 1. On espère oblenir, avec cette 
combinaison, un rendement de transmission d’en- 
viron 91 pour 100. 


VARIA 


Une curiosité arboricole. — M. le D' Vérou- 
dart veut bien nous adresser la photographie d'une 
curiosité arboricole. 

C'est une vue, prise à 8 mètres, d'un platane âgé 
d'environ soixante ans, et planté devant le nu- 
méro 69 du boulevard Charmalin, à Noyon (Aisne): 





UN PLATANE ENROBANT UNE BORNE. 


Cet arbre a presque entièrement enveloppé une 
borne de grès, de forme tronconique, mesurant 
0,60 m de haut et 1,20 m de circonférence moyenne. 
Il ne reste plus de visible que 0,23 m de cette cir 
conférence. 

Le reste est pris dans l’aubier de larbre, de 
même qu'une barre de fer de trois centimètres 
decôté, complètement recouverte sur0,20 m environ 
de longueur. 


Le bouvreuil. — Les utilitaires sont terribles; 
peu à peu, ils condamnent tous les êtres de la 
nature. Les créatures ont toutes quelques défauts; 
ces savants ne voient que le mauvais côté, el sans 
hésitation, ils condamnent à mort tous les êtres 
animés; si on jugeait la race humaine avec cette 





17% 


sévérité, il ne resterait bientôt plus sur le globe 
que l'exécuteur de la dernière viclime. 

M. W. E. Collinge, ayant reçu de nombreux jar- 
diniers, de propriétaires de vergers des plaintes 
contre les bouvreuils, a voulu s'assurer de la valeur 
de ces lamentations; sans hésiter, il a fait analyser le 
contenu de l'estomac d'un certain nombre de ces 
oiseaux. (Pleurez, àmes sensibles: cette investiga- 
tion fit 308 victimes!) Hélas! on a trouvé des 
preuves indiscutables de l'amour déréglé des bou- 


COSMOS 


15 aourt 4912 


vreuils pour les fruits. Aussilôt on a déclaré nui- 
sibles ces charmants oiseaux et on a proposé leur 
extermination. Il faut dire que l’enquète a révélé 
non seulement la déprédation des fruits, mais aussi 
la destruction des jeunes bourgeons; évidemment, 
les bouvreuils exagèrent; mais la mort pour de 
tels méfaits n'est-clle pas aussi un peu exagérée ? 
M. Collinge le reconnait implicitement : il se borne 
à demander qu'il ne soit pas permis à l’espèce de 
se multiplier sans contrôle. 





Les nouvelles automotrices électriques 


des chemins de fer de l'Etat. 


Les Compagnies de chemins de fer se heurtent 
de nos jours à une grosse difliculté: le transport 
en temps utile des voyageurs de banlieue. En 
effet, l'augmentation constante du prix des loyers, 
la vie sans cesse plus chère poussent de plus en 
plus les ouvriers et les employés qui ont leurs 
occupations quotidiennes à Paris à demeurer 
dans les environs imimédiats de la capitale. Les 
trains du matin ct du soir sont continuellement 
bondés de voyageurs, et il n'est pas possible, en 
l'état actuel deschoses, d'augmenter, soit le nombre, 
soit La longueur des trains. 

Les Compagnies seront donc obligées, d'ici peu, 
d'envisager un moyen pratique d'augmenter la 
capacité de trafic de leurs lignes. 

Les chemins de fer de l'État, qui desservent une 
région particulièrement étendue et hahitée, ont 
repris les études faites en ce sens par l'ancienne 
Compagnie de l'Ouest. Il a semblé que la seule 
solution acceptable était d'établir un service de 
trains légers et rapides, à départs fréquents, se 
rapprochant le plus possible d'un service de tram- 
vaiys où du Mélropolitain. Ce dernier, en particu- 
lier, devail servir de modèle, puisque ses lignes 
permettent de {transporter journellement plus d'un 
million de voyageurs, sur de petites distances, 
il est vrai. 

On a donc adopté le principe de la traction 
électrique sur les lignes de banliene, c! les travaux 
d'aménagement, quidemanderont plusi-urs années, 
sout déjà décidés où en cours d'exécution sur les 
voies partant de la gare Saint-Lazare ‘direction de 
Versailles rive droite, Saint-Germain, ete.) et de la 
gare Montparnasse {direction de Versailles rive 
ganche) (f). 

Mais la Compagnie de Etat na pas voulu 
attendre la fin des travaux pour essayer le nouveau 


(H Pour plus de détails sur ce point, se reporter à 
l'article du Cosmos (t. LXV, n? 1396, 28 ovtobre 1911). 


mode de transport. Des automotrices genre Métro- 
politain ont été commandées à l'usine d'Ivrr, et 
elles vont prochainement entrer en service sur la 
ligne électrique des Invalides à Versailles rive 
gauche (1). 

Ces voitures, dont nous donnons une photogra- 
phie, sont toutes automotrices. Elles ont 22,5 m 
de longueur, sont montées sur bogies et pèsent 
61 tonnes. Au milieu est placé le compartiment de 
première classe; puis, de chaque côté, viennent un 
compartiment de seconde classe, un emplacement 
pour les bagages, et, à chaque extrémité, la cabine 
du wattman avec les appareils de commande. 
La partie motrice se compose de deux moteurs de 
250 chevaux chacun pour courant continu de 
600 volls. Dans le cas où plusieurs automotrices 
sont couplées, tous les moteurs fonctionnent à la 
fois sous le controle d’un seul watliman, comme cela 
a lieu d'ailleurs sur le Métropolitain. 

Dans toute la longueur de la parlie réservée aux 
voyageurs, se trouve un couloir central; on y 
accède par trois portes à glissières qui seront 
manæuvrées par un employé se trouvant dans 
chaque voilure. Le nombre des places est ainsi 
réparti : 

17 elasse 16 places assises 40 strapontins. 

2- classe 48 — 26 — 
soit 6£ places assises et 36 strapontlins. Il est pos- 
sible, cnoutre, aux moments d’affluence, d'admettre 
100 voyageurs debout, ce qui donne à chaque 
automotrice une capacité de transport de 200 per- 
sonnes au maximum. 

Un grand perfectionnement apporté au nouveau 
matériel a été l'adoption de l’attelage automatique. 
Celle innovation aura un grand avantage au point 
de vue de l'accélération du service. En effet, à 
certaines heures de la journée, trois voitures 


(i) Cette ligne a été décrite dans le Cosmos, t. XLV, 
p. 401 et 485 (octobre 1901). 


N° 1438 


couplées seront nécessaires pour transporter les 
voyageurs; à certaines autres, une seule suffira 
amplement. Selon les besoins du service, on 
pourra facilement, et sans manœuvres longues el 
compliquées, ajouter ou retrancher le nombre 
convenable de voitures. Il ne pourra d’ailleurs pas 
y avoir plus de trois automotrices couplées, la 
longueur des quais ne le permettant pas. 

L'aménagement intérieur est très luxueux. Cela 
changera les voyageurs qui étaient habilués à voir 
rouler sur les lignes de banlieue les wagons du 
plus ancien modèle. 

Mais peut-être seront-ils amenés, par la suile, 


COSMOS 


175 


à regretter leur vicux matériel. En effet, les auto- 
motrices ne sont pas encore en service que déjà 
les récriminations se font entendre. D'abord, cer- 
lains trouvent inadmissibles les places debout; ils 
considèrent, avec raison, que la Compagnie doit 
les transporter assis et ne pas les entasser comme 
il arrive trop souvent au Métropolitain. Ensuite, le 
manque de séparation entre les classes fera sans 
doute abandonner les premières, surtout si l’on 
doit voyager debout. Mais une critique bien plus 
importante a été faite par certains ingénieurs de 
la Compagnie: le nouveau matériel ne remplirait 
pas complètement le but pour lequel il a été créé. 





LA NOUVELLE AUTOMOTRICE ÉLECTRIQUE DES CHEMINS DE FER DE L'TÉAT. 


En effet, s’il est avantageux dans les moments 
peu chargés de la journée, il est nettement infé- 
rieur aux heures d'encombrement. Actuellement, 
il est possible de mettre en marche tous les quarts 
d'heure une rame de dix wagons où peuvent 
prendre place, en se serrant, 800 voyageurs, ce 
qui représente 3200 personnes transportées par 
heure. En supposant même que les automotrices 
partent toutes les cinq minutes, soit douze départs 
par heure, le nombre des voyageurs transportés 
pendant ce temps n’est que de 2 400. Or, il est peu 
probable qu'on puisse arriver à une telle intensité 
de trafic sur des voies où circulent normalement 
des trains de grandes lignes et des convois de 
marchandises. Il faudrait, en outre, renforcer 


l'installation électrique qui n'a pas été prévue 
pour ce genre d’exploitalion. 

Quoi qu'il en soit, le service va être organisé 
d'ici peu, à litre d'expérience, entre la gare des 
Invalides et la station de Meudon-Vali-Fleury, où 
une voie a été aménagée dans ce but. Les auto- 
motrices desserviront toules les gares du parcours, 
ce qui permettra aux trains de Paris à Versailles 
d'aller sans arrét jusqu'à Meudon, soit à peu près 
la moitié du parcours. Suivant que les résultats 
constatés seront bons ou mauvais, de nouvelies 
automotrices semblables seront commandées, ou 
les ingénieurs se verront contrairts de modilier 
leurs projets dans un autre sens. 

H. C. 


176 COSMOS 


15 aouT 41912 


La synthèse du caoutchouc. 


Les nouvelles relatives à l'aboutissement des 
efforts pour Pobtention du caoutchouc artificiel se 
font plus aflirmatives. 

On lit dans The Chemical trade journal and 
Chemical Engineer du 29 juin 1912 : 

« Nous avons assisté mardi passé à une démon- 
stration dans les laboratoires de MM. Strange et 
Graham Ltd, à Londres, promoteurs du groupe qui 
fait les frais d’études des plus récents perfection- 
nements de ce travail. Notre opinion est qu'ils ont 
un procédé permettant réellement d'obtenir un 
caoutchouc en tous points identique au caoutchouc 
naturel sur une échelle industrielle. 

» Les points importants que les inventeurs ont 
dů établir pour arriver à fabriquer sont: la décou- 
verte dun moyen économique de production des 
huiles empyreumatiques (/usel oils), qui sont la 
meilleure matière première de l’isoprène, et celle 
d’un procédé de transformation prompt et efficace 
de l’isoprène en caoutchouc. 

» L'huile de fusel se produit en très petite quan- 
tité dans la distillation de l’alcool éthylique obtenu 
par fermentation de la fécule ou d’autres matières 
amylacées, mais le rendement en est si faible que le 
prix de cette huile (353,5 fr par 400 kilogrammes) 
obligeait à chercher une source différente de ce pro- 


duit. C’est là qu’ils firent leur principale découverte, 


savoir celle d'une bactérie si récente, qu’elle n’a 
mème point encore été dénommée, qui transforme 
à 30° la pulpe de pomme de terre et permet d'en 
relirer par distillation 43 pour 400 de son poids 
sec, d'un mélange de deux parties de fusel oil et 
une partie d’acétone. La séparation de ces sub- 
stances par rectification est relativement facile, et 
quoique la fusel oil soit le produit nécessaire à 
l'obtention de l'isoprène et subséquemment du 
caoutchouc, l'acétone devient un sous-produit très 
avantageux, car elle est obtenue à si bas prix qu'il 
en peut résulter une révolution dans l'industrie de 
l’acétone. 

» Les opérations ultérieures sont : 

» a) Transformation à l’aide d'acide chlorhy- 
drique gazeux des fusel oils en hydrocarbures 
monochlorés ; 

» b) Transformation de ces hydrocarbures mono- 
chlorés en composés dichlorés par l'action du 
chlore dans un appareil inventé par M. C. A. Pimm ; 

» c) Transformation des composés dichlorés en 
butanediène et isoprène; par le traitement sur la 
chaux vive portée au rouge dans un tube métallique ; 

» d) Polymérisation du butanediène et de liso- 
prène par le contact d'un peu de sodium métallique. 

» La température est un facteur important de 
la durée de la polymérisation; celle-ci est accélérée 


par une élévation modérée de la première. L'action 
du sodium est considérée comme catalytique, en 
ce sens qu’on ne constale aucune perte. Cette partie 
du procédé appartient au D" F. E. Matthews, de 
la Sociétė Strange et Graham Ltd. Le professeur 
Carl Harries, de Kiel, a fait, indépendamment de 
lui, la même découverte quelques mois plus tard. 
» Quoique le groupe anglo-français qui a fait la 
démonstration du procédé n'ait pas encore fait 
plus de quelques kilogrammes de caoutchouc syn- 
thétique, ses efforts se sont surtout portés sur 
l'amélioration des rendements aux diverses phases 
du procédé. Ces rendements sont actuellement : 


100 parties de pulpe sèche de pomme de terre. 


43 parties fusel oil et acéttone. 


29 fusel oil. 14 acétone (sous-produit). 


22,5 isoprène, 
22 caoutchouc. 


» Les essais les plus soigneux montrent que la 
matière est réellement du caoutchouc, qu'elle sc 
vulcanise par les procédés à chaud et à froid, 
qu'elle se comporte comme le caoutchouc naturel 
en présence des dissolvants, des précipitants et 
des autres réactifs chimiques. 

» La part que le sodium métallique, l'acide chlor- 
hydrique et le chlore sont destinés à prendre dans 
cette fabrication rend celle-ci très intéressante 
pour l’industrie de la soude, et l’auteur exprime 
l'espoir qu'il va en résulter une industrie nouvelle 
pour l'Angleterre, permettant d'employer un très 
grand nombre d'ouvriers pour une branche qui 
n'en a point utilisé jusqu'ici. » 

La fabrication du caoutchouc synthétique suivant 
les principes énoncés plus haut n'est pas une nou- 
veauté, Elle repose sur les propriétés de l'isoprène 
exposées en premier lieu par Bouchardat et sur la 
polymérisation de ce corps par le sodium. Carl 
Harries en revendiquela prernière observation, Mat- 
thews la lui conteste, et Kondakof prétend l'avoir 
faite dix ans avant eux. Ce qui est nouveau et 
d'importance capitale est la découverte de la 
bactérie qui transforme en alcools supérieurs la 
presque totalité de la fécule de la pomme de terre, 
bactérie découverte par le D' Fernbach, de l'Institut 
Pasteur. 

Un procédé qui donne 22 kilogrammes de caout- 
chou: en partant de 100 kilogrammes de pulpe 
sèche est, me semble-t-il, un peu trop beau! La 
pomme de terre renferme 26 pour 100 de matières 


No 1438 


sèches dont 20 de fécule, supposons 25 pour 100 ou 
un quart en nombre rond: 400 kilogrammes de 
pommes de terre fraiches suffiraient pour donner 
ees 22 kilogrammes de caoutchouc parla transfor- 
mation de 40 kilogrammes environ des alcools 
supérieurs! 

Le rapport sur cette invention n'était que 
amorce d'une Société en formation. Il a précédé 
de très peu l’émission des actions de la Synthetic 
Products Company (Limited). Les prospectus 
n'ayant pas été palronés par les Banques n'ont 





COSMOS 


i77 


amené qu'un nombre insuffisant de souscriptions 
et l’affaire est tombée dans l'eau. Mais toutes les 
valeurs de plantations de caoutchouc ont subi une 
dépréciation momentanée qui a permis aux initiés 
de réaliser plus de bénéfices par la chute de la 
Société en formation que celle-ci n'en euüt donné de 
longtemps à ses actionnaires. 

Néanmoins, je crois que la réalisation de la syn- 
thèse du caoutchouc est prochaine, et j'ai pensé que 
les lecteurs du Cosmos seraient intéressés par ces 
renseignements. F. CHARLES. 


Les tigridies décoratives. 


La famille botanique des Iridées renferme en 
général des espèces qui, par l'élégance sobre de 
leur feuillage et la beauté de leurs fleurs, ont 
mérité d'être admises dans les jardins et en font 
l'ornement. Parmi celles qui présentent au plus 
haut degré ce mérite décoratif, il faut citer en bon 
rang les tigridies américaines, qui au point de 
vue esthétique pourraient soutenir sans désavan- 
tage la comparaison avec bien des orchidées de 
bonne réputation. 

Le genre Tigridia renferme des plantes her- 
-bacées bulbeuses, dont les traits caractéristiques 
peuvent s’énoncer ainsi: feuilles planes en forme 
de glaive; fleurs très remarquables, mais aussi 
— et malheureusement — très éphémères, à six 
divisions, les trois extérieures plus grandes, les 
trois internes plus petites, en forme de violon; 
trois étamines à filaments soudés en un tube d'où 
émerge le style, terminé par trois stigmates 
bilides. Dans l'espèce type, les fleurs sont orangées 
et abondamment marquées de taches très nettes, 
d’où le nom de « fleur-tigre » donné à ces plantes. 

Cette espèce type, qui est celle que l’on cultive 
le plus communément dans les jardins, est le 
Tigridia pavonia; elle est originaire d'Amérique, 
et croit indigène dans les environs de Mexico. 

Il est assez logique de penser que cette fleur 
superbe atlira de bonne heure l'attention des 
Européens venus dans ces régions en explorateurs 
ou en colons. En 1576, le célèbre botaniste fla- 
mand Mathias de Lobel (Lobelius) en publia une 
vignette sur bois, d’après un dessin colorié exécuté 
sur les lieux et envoyé de Mexico par un certain 
Jean de Brancion. 

Les horticulteurs, qui ne se piquent pas de pré- 
cision scientifique, désignent volontiers la tigridie 
par les termes vulgaires de « queue-de-paon », 
« œil-de-paon », qui font allusion aux taches dont 
est parsemé le centre de la fleur. 

La tigridie est une plante assez robuste, à végé- 
lation énergique et résistante, dont le bulbe, qui 
est difforme et roussâtre, muni à la fois de racines 


fibreuses grèles et de cordons charnus, émet de 
une à six tiges dressées, pouvant atteindre un 
demi-mètre de hauteur. 

Ces tiges sont entourées par les gaines de longues 
feuilles en forme d'épée, pointues, régulièrement 
plissées en long, et d'un beau vert clair. Elles se 
terminent au sommet par une spathe d'où sortent 





F1G. 1. — TIGRIDIA PAVONIA. 


Port, très réduit. 


successivement de une à quatre fleurs d'une somp- 
tueuse élégance, mais qui ont le défaut de ne durer 
chacune que quelques heures. 

Ces fleurs atteignent en largeur jusqu'à 453 centi- 
mètres; les six divisions qui composent leur 
périanthe, alternativement plus grandes et plus 
petites, sont réunies à la base et y dessinent la 
concavité d'une coupe. 


178 


Les trois externes, plus grandes, ont la base 
voiletle marquée de zones jaunes sur lesquelles se 
détachent des mouchetures purpurines; toute leur 
extrémité est d'un beau rouge éclatant, uniforme. 
Les trois divisions internes, plus petites et étran- 





F1G. 2. — TIGRIDIA PAVONIA. 
Fleur, 1/3 grand. natur. 


glées au milieu comme un violon, sont jaunes, 
avec des macules purpurines. Du centre de la coupe 
émerge un long tube, formé par les filets soudés 
des élamines et couronné par les stigmates qui 
sont d'un rouge purpurin. 

Cette forme a donné dans les jardins quelques 
variétés, plus belles que le type, mais un peu moins 
rustiques et moins florifères: entre autres la 
speciosa, race magnifique à fleurs plus amples et 
d’un coloris plus éclatant, et lajWAheelerii, à fleurs 
de 45 à 18 centimètres de diamètre, brillantes, et 
où l'abondance du rouge tranche sur les parties 
jaunes jusqu'à les effacer. 

Sous le nom de Tiyridia conchiflora, on a séparé 
une forme particulière qui, aux yeux de certains 
botanistes, ne serait peut-ître qu'une variété de la 
précédente. Originaire également du Mexique, elle 
se caractérise par ses fleurs d'un jaune uniforme, 
à coupe centrale plus profonde, tigrée de macules 
purpurines. Elle a donné une race horticole grandi- 


COSMOS 


15 aour 41912 


flora, qui n'en diffère que par les dimensions plus 
grandes de ses fleurs, et qui tend à la supplanter 
dans l'estime des amateurs. Cette race et son type 
sont moins rusliques que la pavonia; leurs bulbes, 
plus sensibles au froid, demandent à être relevés 
chaque année, mème dans les régions où la pavo- 
nia supporte impunément l'hiver. 

Malgré leur valeur décorative, les tigridies ne 
sont pas très fréquentes dans les jardins. Cela 
tient d'abord au caractère éphémère de leurs 
fleurs qui, épanouies dans la matinée, se ferment 
après quelques heures pour ne plus se rouvrir, et, 
en second lieu, à la réputation erronée de fragilité 
qui leur est faile en général parmi les horticul- 
teurs. Celle réputation inexacte provient peut-être 
de ce que les espèces du Mexique se montrent 
d'ordinaire peu rustiques sous notre climat. 





F1G. 3. — TIGRIDIA VIOLACEA,. 
Inflorescence, grand. natur. 


Le reproche de ne durer que peu de temps fait 
aux fleurs de la tigridie est réel; mais il est pos- 
sible de le corriger en mettant à profit l'aptitude 
accordée à la plante d’épanouir dans un court délai 
ses fleurs successives. 


N° 1438 


Chacune ne dure qu'un jour, mais est remplacée 
le lendemain par une autre sortant de la même 
spathe. Pour tirer de cette succession de fleurs 
différentes l'illusion d'une seule fleur de durée 
plus longue, l’horticulteur ingénieux n'aura donc 
qu'à cultiver les tigridies en touffes, en plaçant 
dans un espace resireint un grand nombre de 
bulbes. 

En employant judicieusement ce moyen, il est 
possible d'obtenir de ces belles plantes une florai- 
son continue depuis juillet jusqu’en septembre. 

Quant à leur rusticité, elle est assez grande pour 
leur permettre de supporter l'hiver en plein air, 
dans le Centre et dans l'Ouest, pourvu que leurs 
bulbes soient assez profondément enterrés, en sol 
très fertile ou en exposition convenablement abritée. 
Plus au Nord et sous le climat de Paris, il est 
recommandé de les protéger pendant les froids et 
les grandes pluies, en recouvrant la terre d'une 
couche de feuilles mortes ou de litière. 

Toutefois, dans les régions où de fortes gelées 
sont à craindre, une autre précaution, plus sûre, 
s'impose : celle de relever les bulbes d'année en 
année. Pour cela, deux méthodes peuvent être 
employées. 

Ou bien on arrache les bulbes aux premiers fri- 
mas, on en enlève les feuilles, et après qu'ils ont 
été ressuyés, on les place sur des tablettes dans un 
local sain, abrité et obscur (cave, cellier), la 
replantation devant être effectuée en février ou 
mars. 

Ou bien les bulbes, protégés contre les premières 
gelées par une épaisse couche de feuilles ou de 
terre, sont arrachés seulement en décembre (ce 
plus long délai leur permettant de mürir) et placés 
tels quels, après avoir été simplement débarrassés 
de leurs feuilles, dans une caisse ou un panier que 





COSMOS 


179 


l’on abrite dans une cave. Par cette méthode, les 
bulbes ne se dessèchent pas et ne perdent pas de 
leur volume. 

Les Tigridia peuvent se contenter d'une expo- 
silion semi-ombragée ; cependant, elles n'épa- 
nouissent leurs magnifiques fleurs dans toute leur 
beauté qu'en plein air et en plein soleil; leur végé- 
tation réclame pour s'accomplir à l'aise que les 
rayons solaires parviennent librement jusqu’à la 
base de leurs tiges. 

Le sol qui leur convient le mieux est un terrain 
léger, sain et poreux: par exemple, une terre 
argilo-sableuse, mélangée par moitié de terreau de 
feuilles, de la terre de bruyère pure ou même, 
tout simplement, du terreau de vieilles couches. 
En cas d'humidité excessive, il faudrait drainer. 

Les soins culturaux à fournir pendant Ia végéla- 
tion sont peu importants : il suffira de recouvrir 
le sol d'une couche de fumier frais pour entraver 
l’action desséchante des chaleurs et d’arroser pen- 
dant toute la période de la floraison. 

La multiplication s'opère couramment par la 
séparation des caïieux ou petits bulbes que l'on 
plante en pépinière jusqu’à ce qu'ils soient de force 
à fleurir et aptes à être mis en place. 

A côté de la magnifique Tigridia pavonia, 
reine du genre, je signalerai encore comme pou- 
vant séduire les amateurs une autre espèce plus 
petite, plus grèle, et qui est en quelque sorte par 
l'aspect une miniature de sa brillante parente. 
C'estla Tiyridia violacea Schiede, originaire aussi 
du Mexique; ses fleurs sont d’un violet lilas, avec 
la coupe d'un blanc jaunâtre, mouchetée de 
macules d'un lilas foncé. Elle est assez délicate et 
exige dans notre climat la culture sous châssis 
froid. 

A. ACLOQUE, 


Accumulateur alcalin Paul Gouin. 


C'est le 5 février 4901 qu'Edison fil breveter le 
principe de son accumulateur alcalin. Le chimiste 
suédois W. Jungner l'avait précédé de plusieurs 
mois, puisqu’en mai 4900 son brevet fut acheté par 
une maison suédoise qui fit des essais assez salis- 
faisants avec des batteries légères destinées à la 
traction. Depuis lors, un très grand nombre de 
brevets ont été pris dans tous les pays, mais les 
seuls éléments construits qui semblent avoir donné 
des résultats intéressants sont ceux d’Edison. Tout 
récemment, M. Paul Gouin, qui étudiait la question 
depuis fort longtemps, a mis sur le marché un 
accumulateur alcalin analogue à celui d'Edison 
au fer-nickel. D’après les essais qui viennent d’être 
faits, ce nouveau couple à électrolyte invariable 
donnerait des résultats absolument remarquables. 


Rappelons que les éléments des types Edison, 
Jungner, Gouin sont caractérisés par ce fait qu'ils 
ne renferment aucune électrode soluble. D'après la 
théorie proposée par Edison, l'électrolvte demeure 
invariable; il ne sert qu'au transport de l'oxygène. 

Les électrodes étant le fer et l'oxyde de nickel, 
ona: NiO? et Fe après la charge et 

NiO et FeO après la décharge. 

L’électrolyte (KOH + 12H70) ne prend pas part 
à la réaction : il ne fait que servir d'intermédiaire 
à l'ion O passant de NiO? à Fe (réduction de NiD? 
en NiO ou peut-ċtre en un oxyde moins oxygėné 
et oxydation de Fe en FeO ou peut-ètre en un 
oxvde moins oxygéné). 

Pour l'élément P. Gouin, l'électrolyte est une 
dissolution de polasse à 22 pour 400 pour les élé- 


180 COSMOS 


ments de traction, et à 20 pour 4100 pour les élé- 
ments à poste fixe. 

L'électrode positive est formée de tubes perforés 
en nickel pur, frettés par deux fils de même métal 
préalablement torsadés et oxydés par un procédé 
spécial. La matière active, composée d'un mélange 
d'hvdroxydes de nickel et de graphite en poudre, 
est comprimée dans ces tubes de manière à obte- 
nir une porosité suflisante et un contact parfaits. 
Le tube, ayant été rempli avec le mélange pré- 
cédent, est fermé à chaque extrémilé par un 
bouchon en ébonile. Les plaques positives sont 
formées par la réunion de 33 tubes. Ces derniers 
sont engagés horizontalement entre deux cornières 
verticales en nickel, en forme d’U, et ils sont main- 
tenus par des rivets en nickel pur. Les deux cor- 
nières verticales sont en outre réunies à leur partie 
supérieure par une traverse de nickel, munie d'une 
lame permettant d'établir les connexions. 

L'électrode négative est d'un type très différent 
du précédent. Elle rappelle certaines électrodes 
des accumulateurs au plomb (navette Blot, par 
exemple). File est constituée, en effet, par une 
tresse métallique plate en fil de fer, formant une 
sorte de ruban plat de #4 millimètres d'épaisseur, 
suspendu à une traverse horizontale par sa partie 
supérieure. Cette électrode est à formation auto- 
gène; elle ne contient pas de malire active rap- 
portée : le protoxyde de fer étant formé direc- 
tement à la surface du métal. 

Le poidsde lélectrode positive est de 400 grammes 
(300 grammes de matière active); celui de lélec- 
trode négative de 345 grammes. 

Un élément, type traclion, de 42 plaques posi- 
tives et 11 plaques négatives pèse (vase, couvercle, 
électrolyte, etc.) 13 kilogrammes environ. Ses 
dimensions sont : 200 X 124 X 330 (bornes com- 
prises), le volume total est : 8 184 cm. 

Au régime de décharge le plus favorable 
(25 ampéres), la différence de potentiel moyenne 
étant de 1,24 volt, la capacité utile totale est de 
330 ampères-heure el la puissance utile totale de 
430 watts-heure, ce qui donne 26,7 ampères-heure 
et 33 watts-heure par kilogramme de poids total, 
Au regime de décharge de 130 a, la différence de 
potentiel moyenne étant de 4,0) v, la capacité 
tombe à 2K6 a-h, soit 22 a-h par kg de poids total, 

La durée de la charge normale est de deux À 
trois heures pour les batteries de traction, et de 
trois à cinq heures pour les batteries fixes. La 
difference de potentiel du courant de charge est 
de 4,7 volt dans le premier cas et de 1,75 dans le 
second. Celle de la décharge oscille entre 1,24 et 
1,00 volt. 

Le rendement en quantité des batteries est d'en- 
viron 70 à 80 pour 100; le rendement en énergie 
de 50 à 70 pour 100; celui des batteries station- 
naires est plus élevé que celui des batteries de trac- 


15 aouT 1912 


tion (15 à 20 pour 100). Le prix des éléments 
varie de 26 à 35 centimes par watt-heure de capa- 
cité utile. 

Les contacts et les bornes, en nickel, ne sont pas 
exposés à se détériorer comme dans les accumula- 
teurs au plomb. L'électrolvte étant invariable, il 
ne se produit pas de dégagement gazeux; le foi- 
sonnement, la déformation des électrodes, la chute 
de matière active est pratiquement nulle. Les élé- 
ments étant tous établis à l’aide de plaques uni- 
formes d’un seul tvpe, le montage est des plus 
faciles. Cette disposition présente encore lavan- 
tage de permettre une fabrication économique. 
Les bacs des éléments sont, soit en ébonite armée, 
soit en acier nickelé; ils sont résistants et légers. 

A còté des avantages déjà énumérés, rappelons 
que les accumulateurs alcalins fer-nickel jouissent 
de la propriété très spéciale de supporter sans 
danger les décharges très rapides et même la 
mise en court-circuit, et qu'ils peuvent demearer 
déchargés sans risquer de se détériorer. 

Les inconvénients de l’accumulateur Gouin sont 
ceux de tous les couples secondaires et ceux des 
couples fer-nickel en particulier: rendement en 
énergie faible — inférieur méme à celui de l’accu- 
mulateur au plomb, — carbonatation de la potasse 
par le contact à l'air, ce qui oblige à un lavage 
tous les trois ou six mois. Dans une variante ré- 
cente, la carbonatation et les lavages sont évités. 

Entin. détérioration lente des plaques, des élec- 
trodes positives surtout. Celles des batteries de 
traction ne peuvent guère supporter que 400 à 
500 décharges. Ce résultat est déjà merveilleux si 
on le compare à celui que donnent les batteries 
au plomb, mais il est loin d’être parfait en soi. 
Dans ces conditions, une voiture automobile élec- 
trique, chargée tous les matins, devrait renou- 
veler ses électrodes positives ou bout d’un an ou 
d'un an et demi. Une batterie de 300 ampères- 
heure environ doit coûter de 1000 à 1 500 francs 
pour les faibles puissances et de 2 500 à 3 000 francs 
pour les puissances plus élevées. On conçoit donc 
que son remplacement puisse devenir onéreux. 

D'une discussion assez vive qui vient d’avoir 
lieu entre M. Montpellier, le rédacteur en chef de 
V Electricien, et M. Sharp, ingénieur américain de 
l'usine Edison (Edison Storage Battery C°), il 
semble résulter que l'accumulateur Gouin est plus 
robuste que l'accumulateur Edison, que sa capacité 
est au moins égale, sinon un peu supérieure 
(2S watts-heure contre 24 watts-heure). M. Mont- 
pellier engageait la Société Edison à soumettre 
aux essais les deux accumulateurs Edison et Gouin 
dans un laboratoire indépendant {National Phy- 
sical Laboratory anglais, Société internationale 
les électriciens, etc.). C’est là évidemment le 
moven le plus correct d'éviter toute discussion 
oiseuse. A. BERTHIER. 


N° 1438 


COSMOS 


181 


La fabrication des grosses conduites d'acier. 


Il ne s’agit pas de la fabrication des tuyaux sans 
soudure, mais bien des grosses conduites servant 
principalement au transport de l'eau ou des eaux 
d'égout, faites de tôles d'acier soudées, qui se 
substituent de plus en plus au vieux type classique 
des conduites en fonte. Ces conduites d'acier sont 
beaucoup plus légères que les autres, et le coût du 
transport à pied d'œuvre en est diminué, ainsi que 
la difficulté des manipulations. Cette légèreté 


es 
LS 





permet d'employer des éléments beaucoup plus 
longs, ce qui réduit d'autant le nombre des joints 
nécessaires, les dépenses de confection de ces joints 
et les fuites qui ont chance de se produire par là. 
On peut ajouter encore en faveur de ces grosses 
conduites que leur surface est beaucoup plus unie 
et diminue considérablement les pertes par frotte- 
ment, les pertes de charge, et aussi les dépôts que 
les rugosités de la surface peuvent plus facilement 


L D 
ED. % 
ed r A i . 


g Re "LE 
E EE E SE PRES 


F1G. 1. — L'EMSEMBLE DE LA MACHINE A COURBER ET DRESSER LES TOLES. 


entrainer dans les conduites de fonte. Enfin, ces 
conduites d'acier sont certainement beaucoup plus 
robustes, beaucoup moins fragiles, et elles ne sont 
guère susceptibles de se rompre sous l'influence 
des mouvements du sol, comme cela n'arrive que 
trop souvent avec les conduites de fonte. 

Pour fabriquer ces grosses conduites de tôle 
d'acier, il faut un matériel absolument spécial, des 
tours de main même; et c'est pour cela que nous 
avons visité avec un grand intérêt une usine qui, 
en Angleterre, s’est fait une spécialité de ces 
tuyaux soudés. Ce sont les ateliers de la British 


Welding Company, de Motherwell. Disons en pas- 
sant que tout, dans ces usines, est commandé soit 
électriquement, soit hydrauliquement. On y dis- 
pose, en outre, d'une station de compression d'air. 
Pour la soudure des tôles et des tuyaux, on emploie 
le gaz à l’eau, fourni par une installation suscep- 
tible den produire par heure 1 400 mètres cubes. 
Au moyen de scrubbers spéciaux, on peut obtenir 
un gaz très pur, servant à la soudure des tuyaux. 
Un générateur de gaz spécial est installé près dès 
fours de chauffage et de recuit des tôles, pour 
fournir le gaz nécessaire comme calorique à ces 


182 


fours. Ces usines peuvent trailer des conduites 
soudées en acier d’un diamètre compris entre 
355 millimètres et 1,83 m, les bouts de tuyaux 
ainsi fabriqués d’un seul morceau ayant une lon- 
gueur courante de 7,92 m. 

Les tôles sont d’abord passées sur une machine 
spéciale qui en prépare les bords longitudinaux, 
ceux qui vont servir à former la ligne de soudure; 
cette machine taille sur ces rebords un biseau. 
Cela assure une excellente soudure et un recouvre- 
ment parfait. Il faut ensuite traiter les plaques 
pour leur donner la courbure voulue, suivant le 
rayon de la conduite à fabriquer. Cette courbure 


COSMOS 


15 aour 1912 


s'exécute au moyen de rouleaux que l'on voit dans 
une de nos photographies (fig. 1); jusqu'à 13 mil- 
limètres d'épaisseur, les plaques peuvent èlre 
courbées à froid; au-dessus, il faut les chauffer 
dans un des fours à gaz dont nous avons parlé tout 
à l'heure. Des transporteurs électriques permettent 
la manutention facile de ces lèles, sans perte de 
temps, soit avant le chauffage, soit après; des com- 
binaisons fort ingénieuses et intéressantes de voies 
sont installées dans ce but à travers lusine. 
Ajoutons que c'est la machine servant à la cour- 
bure des tòles qui les vérifie et dresse les conduites 
après soudure. Cette machine, à commande élec- 





F1G. 2. — LA MACH:NE A SOUDER LES TUBES. 


trique directe, comporte quatre cylindres. Le con- 
trôle de la pression sur ces cylindres est effectué 
au moyen de l’eau comprimée. Le cylindre supé- 
rieur peut se soulever à une des extrémités, ce qui 
facilite la mise en place et l'enlèvement des con- 
duites; la portée dans laquelle tourne cette extré- 


mité est disposée dans un logement articulé. Ce 
logement est commandé par un engrenage hydrau- 
lique, de manière à pouvoir prendre une oscillation 


de haut en bas, ce qui donne la possibilité de sou- 
lever le cylindre et laisse un passage libre pour 
mettre la conduite en position. A l'autre extrémité 
du cylindre mobile se trouve un dispositif permet- 
tant d'assurer son mouvement de levée. L’extré- 


mité du cylindre se continue dans ce but par une 
sorte de broche, terminée elle-même par une 
partie sphérique, grâce à laquelle le cylindre, en 
dépit de son mouvement de bas en haut ou de 
haut en bas, demeure toujours pris dans sa portée 
extrème. Toutes les opérations se font avec une 
grande facilité, grâce à la commande hydraulique 
et à une série de leviers que le contremaitre, 
directeur de l’opération, a sous la main. 

Lorsque le cintrage a été terminé, la conduite, 
qui prend déjà forme, est retirée du cylindre; on 
la fait glisser dans un chemin à rouleaux qui se 
trouve dans le prolongement de la machine à cintrer 
et le long mème d’un des fours de chauffage; de 


N° 1438 


la sorte, elle est transportée automaliquement, 
pour ainsi dire, jusqu'à la machine à souder. Après 
cette opération, elle sera ramenée par le même 
chemin, d’abord au four pour y subir l'opération 
du recuit, ensuite à la machine à cintrer, qui ser- 
vira à la vérifier et à la rectifier au besoin. 
Examinons maintenant une des machines à souder 
employées dans ces ateliers. La conduite qui doit 
ètre soudée est montée sur des rouleaux, sur un 


COSMOS 


183 


chariot dont l'avancement est assuré à la main; 
bien entendu, la hauteur de ce chariot est variable, 
on la règle suivant le diamètre des tubes sur les- 
quels on veut opérer. De toute manière, l'endroit 
de ła soudure est amené à tre de niveau avec ce 
qu'on peut appeler l'enclume, montée elle-même 
sur un bras équilibré. Ce bras porte un chalumeau 
à gaz et peut passer à l'intérieur du tuyau à souder. 
A l'extérieur, un second chalumeau peut, à l’aide 





F1G. 3. — LE TOUR A GROSSES CONDUITES. 


d'un treuil, ètre élevé, abaissé et amené au point 
voulu. Quand la température de soudure est 
atteinte, on ferme l'arrivée du gaz, on éteint les 
deux chalumeaux, le chalumeau extérieur est relevé 
pour ne pas embarrasser le passage, et le tuyau 
peut être alors ramené en arrière jusqu'à ce que 
la portion de métal qui vient d'être chauffée se 
trouve en dessous du marteau à souder. Celui-ci 
est du type pneumatique à commande par courroie; 
il court au-dessus du puits dans lequel le tuyau se 
déplace sur son chariot. Quand Ja soudure est 
complète, on examine soigneusement les joints, 
on les essaye à l'huile. Les tuyaux sont alors 
recuits, comme nous le disions, et portés à la 
machine à rectifier. Il ne reste plus alors qu’à 


former l'élargissement destiné à l’emboitement 
des éléments successifs d'une conduite, ou encore 
à souder une bride rapportée à l'extrémité de 
chaque tuyau, si l'assemblage doit se faire par 
brides. 

Nous passerons très rapidement sur les tours 
qui ont été imaginés par la maison Holroyd pour 
cette fabrication spéciale, et qui peuvent travailler 
les plus grosses conduites (fig. 3). Ces tours sont 
employés particulièrement à dresser les extrémités 
des éléments de conduites et à préparer le joint. 
Mais il faut ensuite faire l'extension destinée 
à l’emboitement dont nous parlions tout à l'heure: 
nous donnons un dessin qui rend parfaitement 
compte de la disposition adoptée pour assurer cet 


184 COSMOS 


emboitement. Vu en section, il présente une 
double courbe assez compliquée en apparence, 
mais dont le ròle est minutieusement étudié. On 
peut voir que le tuyau qui pénètre dans un autre 
trouve, dans la dernière courbe de la partie élargie, 
un point d'appui qui le centre par rapport à cet 
autre élément de conduite. De plus, le contact en 
ce point des deux éléments empêche l’étoupe 
bourrée dans l'emboitement de pouvoir pénétrer 
dans la conduite mème. Enfin un logement très 
bien étudié est ménagé pour le plomb que l'on 
coule et chasse à l’entrée de l’emboitement, afin 
d'assurer une élanchéité absolue. Une machine 
toute particulière a été étudiée pour la formation 
de cette expansion d’un des bouts de la conduite. 
L'extrémité du tuyau métallique qui va ainsi être 
élargie vient porter et tourner librement sur des 
rouleaux, tandis que le bout mème du tuyau 
subit l'action de quatre chalumeaux dont la posi- 
tion peut ètre modifiée et réglée suivant le diamètre 
des tuyaux à traiter. Pendant tout le chauffage, 
la conduite est tournée régulièrement de manière 
que l’effet caloritique soit uniforme. Et quand la 
température voulue est ainsi obtenue, on pousse 
brusquement la conduite en contact avec une série 
de rouleaux faconneurs, qui donnent la courbe que 
nous venons de voir pour l'emboitement. Il y a dans 
tout cela un ensemble de dispositions mécaniques 
des plus curieuses, sur lesquelles malheureusement 
nous ne pouvons insister davantage. 

Quand il s'agit de munir les bouts des conduites 
de brides, tout se fait à la main. On commence 
par chauffer les extrémités de chaque élément de 
conduite avec les chalumeaux dont nous avons 
parlé, puis on ouvre légèrement, on élargit les 


15 AOUT 191% 


extrémités de la conduite, et l'on vient y loger une 
bride préparée à l’avance et présentant un biseau 
à l'extrémité de sa partie horizontale, qui va se 
loger dans le bout de la conduite. On chauffe de 
nouveau avec un chalumeau et, à l’aide du marteau 
mécanique, on termine une solide soudure. Nous 
pourrions ajouter que les brides ainsi posées, une 
fois la conduite terminée, et lors même que cette 
conduite est un élément courbe pour jonction spé- 
ciale, sont confiées à une machine automatique, 
qui non seulement dresse les faces de ces brides 
pour que le joint se fasse dans de bonnes condi- 





F1G. b. — COUPE MONTRANT LA JONCTION DE DEUX TUBES. 


tions, mais encore perce automatiquement, grâce 
à un dispositif diviseur automatique lui-même, les 
trous des boulons qui assureront la jonction entre 
elles des brides de deux éléments de conduite 
voisins. 

Après achèvement, les conduites sont soumises 
à une épreuve à la presse hydraulique, à une 
inspection minutieuse; on les enduit ensuite de 
coaltar; on les chauffe finalement, et on passe 
à leur surface une composition préservatrice du 
système Angus Smith. Quelquefois même on 
entoure mécaniquement les éléments de conduite 
de torons de chanvre serrés les uns contre les 
autres el trempés dans le goudron. 

DANIEL BELLET, 
prof. à l'École des sciences politiques. 





L'évolution des nébuleuses spirales. 


Les nébuleuses spirales sont trop nombreuses 
pour qu'on puisse y voir une disposilion fortuite 
explicable par des causes accidentelles; on est 
porté à penser qu'elles sont un stade logique de 
l’évolution des mondes. 

Le mécanisme de leur formation n'est pas élu- 
cidé. Diverses explications en ont été proposées; 
sans entrer dans leur détail, il est permis de remar- 
quer qu'elles ont recours à l'hypothèse de ren- 
contres, collisions, projections éruptives, et qu'elles 
ont par là un caractère un peu accidentel qui les 
fait rester isolées; elles ne trouvent pas leur place 
logique dans les théories cosmogoniques générales, 
el c'est là une lacune de ces théories. Comme l'a 
fait remarquer I. Poincaré (1), « la forme spirale 
se rencontre beaucoup trop souvent pour qu'on 

(1) H. PoixcarE, Leçons sur les hypothèses cosmogo- 
dtques, priface. 


puisse penser qu'elle est due au hasard. On com- 
prend combien est incomplète toute théorie cos- 
mogonique qui en fait abstraction. Or, aucune 
d'elles n'en rend compte d'une manière satisfai- 
sante ». 

Nous voyons dans le ciel des objets très divers 
dont la photographie nous révèle les aspects avec 
précision : nébuleuses sans forme définie, nébu- 
leuses spirales, nébulcuses annulaires, étoiles nébu- 
leuses, étoiles simples ou multiples, amas d'étoiles. 

Quel que soit le mode d'évolution des systèmes 
cosmiques, on peut penser que des exemples de ses 
divers stades sont sous nos yeux dans le ciel, et 
qu'il n'y a qu'à rechercher le lien logique qui les 
rattache et les fait se déduire les uns des autres. 
Toutefois, rien ne prouve qu'un seul et même mode 
d'évolution engendre tous les aspects connus, et il 
est, au contraire, probable que l'évolution se pour- 


No 1438 


suit, suivant les cas, daus des sens différents, pro- 
duisant chacun une série de formes et d’aspects 
caractéristiques. 

Peut-on considérer les nébuleuses spirales comme 
un stade de l'évolution? S'il en est ainsi, nous 
devons trouver dans le ciel des exemples du stade 





F1G. 1. — NÉBULEUSE DU SAGITTAIRE. 


antérieur, à moins cependant que la nébuleuse 
spirale ne soit elle-même l’état inilial, hypothèse 
que nous examinerons ultérieurement. 

Ce stade antérieur, s'il existe, ne semble pou- 
voir être représenté que par les nébuleuses sans 
forme définie qu'on pourrait appeler nébuleuses 
amorphes. On sait, grâce au spectroscope, que les 
nébuleuses amorphes sont composées de gaz raré- 
fiés, tandis que les nébuleuses spirales ont un 
spectre stellaire dénotant une condensation plus 
avancée; on peut donc penser qu'elles sont plus 
âgées, plus évoluées que les premières. 

La photographie nous montre que les nébuleuses 
amorphes comprennent généralement un groupe 
de lambeaux séparés et très irréguliers de forme. 
Telle est la belle nébuleuse du Sagittaire (fig. 1), où 
on peut distinguer au moins cinq masses princi- 
pales distinctes, séparées par des sillons vides très 
nets; de même la grande nébuleuse d'Orion (fig. 2) 
comprenant trois masses séparées; plusieurs autres 
nébuleuses dans Orion, présentant un caractère 
analogue, notamment celles cataloguées H.V 28, 
H.V 30, M. 78; celle du Cygne, qui semble com- 
posée de filaments épars; celle de l’Écu de Sobieski, 
dont l’aspect déchiqueté est caractéristique; celle 
du Sagittaire (M. 17), qu'on a comparée à la lettre 
grecque oméga, et bien d'autres. C'est de ces formes 


COSMOS 


185 


que nous allons partir. Qu'on nous permette d'in- 
sister sur ce point : nous ne cherchons pas à ima- 
giner hypothétiquement à priori un état initial, 
comme l'ont fait notamment Laplace et Faye; 
nous ne partons ni d’une lentille régulière, ni d’un 
ellipsoïde, ni d'un chaos soumis aux lois du hasard ; 
nous partons des nébuleuses existantes, connues, 
photographiées. Pour fixer les idées, nous prendrons 
comme exemple la nébuleuse du Sagittaire (fig. 1). 

La déformation apparente de beaucoup de nébu- 
leuses qui se présentent obliquement et même tout 
à fait par la tranche nous permet de penser qu'elles 
sont en général plates comme un disque. 

Quel est leur mouvement? Ici nous ne pouvons 
nous dispenser de recourir aux hypothèses. Nous 
supposons, conformément à la plupart des hypo- 
thèses existantes, conformément aussi à l'observa- 
tion des systèmes cosmiques les mieux connus, 
qu'elles ont un mouvement général de rotation 
autour d'un axe perpendiculaire à leur plan, mou- 
vement auquel peuvent se superposer des agita- 
tions locales. 

Rien ne nous permet de penser que ces nébu- 
leuses soient le siège de mouvements centripètes 





F1G. 2. — LA GRANDE NÉBULEUSE D'ORION. 


ou centrifuges importants; nous les supposons sen- 
siblement en équilibre; il en résulte que chaque 
élément, dans son mouvement moyen de rotation, 
doit avoir une vitesse déterminée par la loi de 
Newton, de manière que la force centrifuge fasse 
équilibre à l'attraction, cette vilesse pouvant, du 


186 COSMOS 


reste, varier légèrement si la trajectoire n’est pas 
parfaitement circulaire. 

Tel est notre point de départ. Nous devons faire 
remarquer qu'il est beaucoup plus général que 
celui de Laplace. La principale différence avec 
celui de Laplace consiste en ce que nous suppo- 


TEPOS 


F1G. 3. 


sons des vitesses de rolalion déterminées par la 
loi de Newton, tandis que Laplace suppose les 
vitesses uniformisées par le frottement, hypothèse 
qui nous parait plus particulière que la nôtre. 

Laplace admet comme nous que la nébuleuse est 
aplatie et tourne autour d'un axe perpendiculaire 
à son plan. Enfin, il admet qu'elle présente une 
forme de révolution et une forte condensation cen- 
trale, tandis que nous ne faisons aucune hypothèse 
de ce genre et que nous nous bornons à observer 
les diverses formes existantes en réalité. 

Quelle évolution va suivre un pareil système? 

Chaque lambeau est soumis à deux influences 
principales : d’une part, à cause de son attraction 
interne et à cause du rayonnement, il se contracte 
et se condense en un ou plusieurs globes stellaires; 
d'aulre part, les vitesses de rotation de ses divers 
éléments peuvent engendrer des déformations, 





FIG. 4. — NÉBULEUSE DES CHIENS DE CHASSE. 


Deux cas peuvent se présenter, suivant que la 
nébuleuse possédera ou non une prépondérance 
centrale importante. 

Supposons d'abord qu'il y ait une aggloméra- 
tion centrale importante, autrement dit que la den- 
sité aille, d’une manière générale, en décroissant 


15 aour 1949 


du centre à la périphérie. Tel est le cas de la nébu- 
leuse du Sagittaire, où les parties centrales, visi- 
blement plus nourries, sont entourées de lambeaux 
de plus en plus ténus. Nous ne supposons pas qu'il 
y ait au centire un véritable noyau, mais simple- 
ment une densité moyenne plus forte dans les 
régions voisines du centre. 
Dans ces conditions, d'après 
la loi de Newton, les vitesses 
de rotation desdivers éléments 
de la nébuleuse iront en dé- 
croissant du centre à la péri- 
phérie, et elles seront d'’au- 
tant plus inégales que la 
prépondérance centrale sera plus forte. Les lam- 
beaux distincts dont se compose la nébuleuse 
auront donc tendance à se déformer, la partie la 
plus extérieure restant en retard, la partie la plus 
voisine du centre tournant plus rapidement et pre- 
nant de l'avance. Le lambeau ainsi tiraillé va 
s'allonger, s'étirer, s’enrouler en quelque sorte 
autour du centre en prenant une forme spiraloïde, 
La figure 3 montre la déformation progressive 
d'un lambeau soumis à une telle influence, sans 
que la distance des divers points au centre varie. 
Une masse de forme absolument quelconque prend 
peu à peu, par suite de l'allongement, un aspect 
spiraloïde plus ou moins net, la forme initiale du 
lambeau finissant par disparaitre complètement. 
On ne pourrait songer à calculer l'équation de la 
spirale que si on savait exprimer par une formule 
la loi d'attraction en chaque point. Comme exemple 





F1G. 5. — NÉBULEUSE DU TRIANGLE. 


schématique simple, on peut prendre le cas parti- 
culier, envisagé par Faye, d'un point matériel 
central entouré d’une sphère homogène; la loi 
d'attraction en fonction du rayon serait de la 


forme ar + a En écrivant qu'il y a équilibre entre 


N: 1438 


l'attraction el la force centrifuge, on trouve qu'une 
droite radiale se déforme suivant la famille de 
spirales w? r° = constante, Mais, encore une fois, 
ce n'est là qu'un exemple schématique qui n’a pas 
la prétention de correspondre à la réalité; les spi- 
rales n'auront en général pas une équation simple. 

Les branches de spirales, en nombre absolument 
quelconque, produites par les différents lambeaux 





F1G. 6. — CE QUE DEVIENDRA LA NÉBULEUSE DU SAGITTAIRE 


de la nébuleuse, s'enroulent sans se croiser, mais 
elles peuvent empiéter les unes sur les autres. 

Telle est la nébuleuse des Chiens de Chasse (M.51), 
la plus belle du ciel (fig. 4); mais toutes n’ont pas 
celle netteté. Dans la nébuleuse M. 33 du Triangle, 
reproduite figure 5, l enroulement est moins avancé; 
on y assiste au commencement de la déformation 
des fragments cosmiques. 

La figure 6, rapprochée de la figure 4, fait bien 
comprendre l'évolution. La figure 1 représente la 
nébuleuse du Sagittaire d’après les photographies 
actuelles. La figure 6 montre ce que deviendrait 
cette nébuleuse suivant notre hypothèse; nous 
avons appliqué la déformation résultant de Ja for- 
mule précédente. On retrouve d'une façon frap- 
pante l'aspect caractéristique des nébuleuses 
spirales. 

Nous supposons, au début, les nébuleuses for- 
mées de fragments séparés, parce que l’observation 
nous en montre beaucoup de ce genre. Une seule 
masse très déchiquetée ou simplement très allongée 
conviendrait aussi. Mais tous les degrés peuvent 
exister, et il pourra arriver, comme cas particulier, 


COSMOS 


187 


qu’une nébuleuse soit formée d’une seule masse 
relativement régulière, rappelant la lentille de 
Laplace; dans ce cas, les rotalions de vitesses 
angulaires différentes ne changeront guère l'as- 
pect de l’ensemble et il ne se formera pas de 
branches spiraloïdes distinctes. Mais cette régula- 
rité est rare; on ne peut pas dans une cosmogonie 
négliger l’irrégularité, le morcellement des lam- 
beaux, car c'est le point de départ et la clé des 
aspects futurs. 

L'enroulement en spirale continuant, vers quel 
aspect évolue la nébuleuse? Les spires se multi- 
plient, se resserrent et tendent vers la forme cir- 
culaire; elles finissent par se confondre en un 
anneau qui parait fermé. La belle nébuleuse d'An- 
dromède, représentée immédiatement ci-dessous, 
(fig. 7) nous montre de la façon la plus nette ce 
stade de l'évolution ; peut-être la nébuleuse 





F1G. 7. — LA GRANDE NÉBULEUSE D'ANDROMÉDE. 


H. IV 27 de l'Hydre et la nébuleuse H. I 84 de la 
Chevelure de Bérénice se rattachent-elles à ce type. 

Les anneaux provenant des divers lambeaux 
empiéteront souvent les uns sur les autres; ils 
seront plus ou moins distincts suivant les condi- 
tions initiales. 

Voilà donc les ‘anneaux formés sans le secours 
de l'hypothèse de Laplace; ils ne sont pas des 


188 


parties détachées de la lentille à la suite de la con- 
traction: ils sont le résultat de la déformation des 
lambeaux cosmiques précxistants par suite de l'iné- 
galité des vitesses de rotation. 

La question ne se pose pas de savoir si les an- 
neaux formés les premiers sont ceux de l'extérieur 
ou ceux du centre; ils se sont formés ensemble. 

Sous le nom d'anneau, nous n'enlendons pas, 
au sens de Laplace, une couronne gazeuse, mais 
simplement le résultat d'une répartition matérielle 
régulière dans toutes les dirertions du plan. res- 
semblant plutôt, comme nous allons le voir, à un 
collier d'astéroïdes qui finissent par s'affranchir de 
toute nébulosité. L’anneau peut n'avoir pas de vide 
central; les amas d'étoiles à répartition bien sy mé- 
trique peuvent ètre considérés comme des anneaux. 

Sous quel état est la matière dans les spirales et 
dans les anneaux? En général, elle est déjà con- 
densée en astéroides. Aucune nébuleuse spirale 
n'est gazeuse; les lambeaux se résolvent dès le 
début de leur évolution en trainées de petits astres, 
trainees qui se déforment ensuite en spirales par- 
semées de points brillants. Cet aspect est des plus 
nels dans la nébuleuse M. 33 du Triangle (fig. 5), 
dans celle des Chiens de Chasse ‘fig. 4, dans les 
nébuleuses M. 74 des Poissons, HV. 44 du Droma- 
daire, M. 99 de la Chevelure de Bérénice, M. 10! 
de la Grande Ourse, 

L'anneau, une fois formé, se compose de tous 
ces astéroides, en nombre généralement très grand; 
parfois ce sont des corpuscules infimes, une véri- 
table poussière d'astres; tel est l'anneau de Saturne. 
Les amas d'étoiles à répartition bien symétrique, 
comme ceux du Centaure, du Toucan, d'Hercule, 
qui paraissent contenir des milliers d’astres, ont 
sans doule une origine de ce genre, et il est pro- 
bable que c'est la l’état final des nébuleuses spi- 
rales, état qui peut subsister un temps presque 
indéfini avec tendance à un resserrement central 
par suite des chocs, frottements ou marées. 

Le mode d'évolution que nous venons d'étudier 
n'est pas le scul qui puisse se produire, car il nous 
reste à envisager le second cas, celui où la nébu- 
leuse n’a pas d'agglomération centrale suffisante 
pour différencier notablement les vitesses de rota- 
tion des particules d'un lambeau. Celui-ci, qui tend 
à se contracter et à se condenser en astres, n'est 
pas sollicité à s'étirer en spirale; il reste groupé, 
poursuit sen évolution à peu près comme s'il était 
seul, el se résout en un système planétaire plus ou 
moins complexe. ll peut former une planète unique 
ou escorlée de satellites, et même cette planète 
peut donner lieu en petit autour d'elle à des phé- 
nomènes spiraloiïides secondaires. Le mécanisme 
que nous avons decrit s'applique aussi bien à de 
petitesagelomérations qu'à d'immenses nthuleuses. 

Futre les deux cas que nous avons envisagés se 
place un cas intermédiaire, celui d'une néhuleuse 


COSMOS 


15 aour 1919 


où, parmi les différents lambeaux, les uns suivent 
l'évolution spiraloïde, les autres l'évolution plané- 
taire. Sollicités à se déformer par l’agglomération 
centrale, mais aussi tendant à se contracter et à 
rester groupés, chez les uns la première tendance 
l'emportera, chez les autres la seconde; cela dépen- 
dra de leurs dimensions, de leur forme, de leur 
densité, de leur distance au centre, de la vitesse 
de rotation de l'ensemble, de l'importance de 
l'agglomération centrale. 

Reprenons maintenant, d’un coup d'eil d'en- 
semble, la genèse d’une nébuleuse et son évolution. 
La nébuleuse, en l'état initial, ne saurait ètre, 
sauf dans des cas très particuliers, la lentille 
régulière de l'hypothèse de Laplace; l'observation 
nous montre, au contraire, que c’est une masse 
irrégulière et fragmentée. Rien n'autorise à sup- 
poser qu'elle se régularise et que ses agitations 
locales se calment pendant la période gazeuse, 
sous l'influence des frottements intérieurs; on peut, 
au contraire, calculer que le temps nécessaire pour 
que les agitations locales se calment est d'un ordre 
de grandeur immensément supérieur au temps 
nécessaire pour que la nébuleuse perde sa chaleur 
par ravonnement et se condense (f:. 

Suivant la répartition initiale, la dimension des 
lambeaux, les vitesses de rotation, les lambeaux 
produiront soit des planètes escortées ou non de 
satellites, soit des spirales engendrant des anneaux 
d'astéroïdes ou des amas. 

Il pourra mème arriver qu'un lambeau se décom- 
pose à la fois en une planète principale et un 
anneau. 

Nous retrouvons tous ces cas dans le système 
solaire. Dans le groupe de Saturne, la partie la 
plus centrale a donné un anneau, les autres ont 
donné des satellites. Il existe un autre anneau 
dans le système solaire : ce sant les petites pla- 
netes entre Mars et Jupiter; on en connait 800, il 
y en a peut-être plusieurs milliers. 

On connait quatre petites planètes, nommées 
Achille, Patrocle, Nestor et Hector, qui circulent 
à peu près à [a mème distance que Jupiter. Elles 
sont si nettement séparées du groupe des autres, 
quon peut se demander si elles ne sont pas les 
vestiges d'un anneau distinct issu du lambeau de 
Jupiter. Mais l'énorme masse de Jupiter ne va-t-elle 
pas finir par les capter? Bornons-nous, sans con- 
clure, à remarquer que les trois derniers satellites 
de Jupiter pourraient peut-être provenir de sem- 
blables captations. IHs se distinguent des cinq pre- 
miers satellites par des inclinaisons tellement 
grandes sur l'équateur de la planète (31°, 30° et 


(o D'après H. Poincaré (Hypothèses rosmogoniques, 
pe 29), le temps nécessaire pour réduire seulement 
de moitié par le frottement les agitations locales, 
dans une masse gazeuse grande comme l'orbite de 
Neptune, est de 100 sextilions d'années. 


N° 1438 


446) qu'il est difficile de leur attribuer une origine 
commune. 

Peut-ètre en est-il de même pour les trois der- 
niers satellites de Saturne, qui, eux aussi, se sin- 
gularisent par des inclinaisons de 144°, 414° et 148°. 
Nous n'’insistons du reste pas autrement sur cette 
hypothèse. 

Contraction en un système planétaire, ou disper- 
sion en un anneau de corpuscules, tels sont donc 
les deux grands modes d’évolution bien distincts 
du lambeau cosmique primordial, modes d’évolu- 
tion qui relient d'une façon satisfaisante la plu- 
part des objets observés dans le ciel et peuvent 
être considérés comme constiluant une hypothèse 
cosmogonique générale. E 

Faisons remarquer que notre explication des 
spirales n’est ni centrifuge ni centripète; chaque 
point reste à une distance sensiblement constante 
du centre et il en résulte la possibilité d’un état 
d'équilibre qui peut durer un temps trèslong pendant 
lequel les spires se multiplient progressivement, 
la déformation provenant, non pas des vilesses 
absolues de rotation, mais seulement des différences 
de ces vitesses. Dans les hypothèses centrifuges ou 
centripètes, la forme doit, au contraire, se perdre 
rapidement, chaque particule devant soit retomber 
au centre, soit s’en éloigner indéfiniment. Or, étant 
donné le nombre très considérable des nébuleuses 
spirales, il est difficile de supposer une disposition 
susceptible d'être rapidement détruite. 

Il reste à se demander d'où provient la nébu- 
leuse gazeuse morcelée qui nous sert de point de 
départ, car on ne voit pas quels sont les objets 
connus qu’on pourrait considérer comme un état 
antérieur logique de cette nébuleuse. Provient-elle 
d'une cause accidentelle, collision stellaire ou 
explosion? Les Novæ acquièrent généralement, 
après leur période de vif éclat, un spectre nébu- 
laire. Ce sont elles, sans doute, qui nous donneront 
la solution du problème. 


COSMOS 


189 


La présente théorie des nébuleuses spirales 
prête à une objection dont nous n’ignorons pas la 
gravité : elle n'explique pas la présence fréquente 
de deux branches principales symétriques, donnant 
l'idée de deux jets éruptifs diamétralement opposés. 
Il est certain qu'un grand nombre de spirales pré- 
sentent cette particularité, les unes très nettement, 
les autres moins. Mais il y a aussi des cas où il est 
impossible de reconnaitre cette forme. Ainsi les 
nébuleuses H. I 56 du Lion et H. IV 76 de Céphée 
ont chacune au moins quatre branches. Quant aux 
nébuleuses M. 66 du Lion, M. 88 de la Chevelure 
de Bérénice et M. 63 des Chiens de Chasse, elles 
ressemblent plutôt à de fines stratifications spira- 
loïdes faisant penser à une chevelure. 

Or, rien n'oblige à penser que toutes les nébu- 
leuses spirales proviennent d’un mème processus 
évolutif. Un certain nombre peuvent provenir de 
nébuleuses amorphes fragmentées. D'autres, celles 
qui présentent deux branches, peuvent se former 
sans être précédées d'un autre stade nébulaire, 
soit qu'elles proviennent de phénomènes éruptifs 
dans un astre, suivant l hypothèse de M. Puiseux (1), 
soit qu'elles résultent d'une collision non centrale 
de deux astres, suivant l'hypothèse d’Arrhénius <2). 
Il y aurait ainsi différents modes de genèse des 
nébuleuses spirales. 

Certains objets célestes ne peuvent s’apparenter 
à aucun des modes mentionnés ci-dessus, par 
exemple, les nébuleuses annulaires à condensation 
centrale nulle ou très faible, comme M. 57 de la 
Lyre et H. [V 13 du Cygne. Par leur spectre gazeux, 
elles se séparent nettement des anneaux d'origine 
spirale, et leur formation nécessiterait une autre 
explication, que nous n'aborderons pas ici. 

Telle qu'elle est, la théorie qui précède nous 
parait relier d'une facon satisfaisante, avec un 
minimum de part faite à l'hypothèse, la plupart 
des formes cosmiques observées. 

ALEXANDRE SÉE. 





Les chemins de fer français aussitôt après la guerre. 


Au moment où la troupe des excursionnistes 
d'été s’ébranle déjà pour circuler à grande vitesse, 
accomplissant pour des prix modiques des trajets 
directs ou peu compliqués, dans des voitures con- 
fortables, escortées de wagons-restaurants, il est 
intéressant de jeter un coup d'œil en arrière, à 
l'intervalle de quarante ans dans le passé, et 
d'examiner dans quelles conditions les vieillards 
contemporains se déplaçaient au temps de leur 
jeunesse sur le réseau français, que la guerre de 
4870 venait tout récemment de mutiler. Nous 
insisterons peu sur les conditions actuelles connues 
de tous : le contraste éclatera tout seul. 


Ligne du Nord. 


Ont seules des express les voies reliant Paris à 
Lille, à Bruxelles, à Calais, plus lartère transver- 
sale Lille-Iazcbrouck-Calais, et encore impose- 
t-on au voyageur se rendant sur Londres des 
arrèts à Creil, Abbeville, Montreuil, Boulogne, sans 
parler d'Amiens, où aucun train ne perd moins de 
dix à douze minutes. Nul des convois rapides n'a 
de troisièmes ni même de secondes classes, sauf 


(1) P, Puiseux, les Nébuleuses spirales (Recue scien- 


tifique, 6 avril 1912). 
(2) S. AnnuËnics, l'Evolution des mondes. 


190 COSMOS 


ceux se dirigeant vers l'Angleterre. De nos jours, 
les trains sur Bruxelles volent d’une traile de 
Paris à Saint-Quentin. A cette époque, ils station- 
naient à Creil, Compiègne, Noyon et gaspillaient 
dix minutes au moins à Tergnier. 


Ligne de Est, 


Le tronçon Paris-Avricourt, résidu de l'ampula- 
tion de la belle ligne de Strasbourg, est sillonné 
par quatre trains dans chaque sens qui, négligeant 
quelques gares, sont qualifiés d’ « express », et le 
moins lent dépense neuf heures pour épuiser les 
410 kilomètres qui séparent de Paris la nouvelle 
frontière en stoppant quinze fois! Les arrèts, il 
convient de le dire, sont assez courts, sauf pour 
les trains de jour, qui permettent aux voyageurs 
de profiter au repas de l'excellent buffet d'Épernay. 
Nous ne parlons pas du Paris-Belfort, réduit à une 
voie unique sur la majeure section de son dévelop- 
pement. La Compagnie de l'Est, à la suite des 


épreuves qu'elle venait de subir, ne pouvait alors 


en faire davantage. 


Ligne de l'Ouest. 


L'Oucst conserve ses heures traditionnelles: 
ainsi les trains 11 et {5, dont lilinéraire, depuis 
de longues années, n’a pas varié, quittent respecti- 
vement la gare Saint-Lazare à 8 heures du matin 
et à 6"30" du soir, pour parvenir au Havre, à des- 
lination, non sans dix ou douze arrèts et une 
attente assez longue à Rouen. Longueur approxi- 
mative du trajet : 230 kilomètres. 

Un seul express fonctionne et de jour, de Paris 
à Cherbourg; il arrive péniblement à esquiver 
quelques gares, mais il s'arrċte presque partout 
de Mantes à Caen. Durée du trajet : huit heures et 
demie pour 310 kilomètres; haltes prolongées à 
Serquigny et à Caen. 

Longue de 620 kilomètres, la ligne Paris-Brest 
est très favorisée jusqu’au Mans, puis passable- 
ment desservie jusqu'a Rennes. A la suite d’un 
long stationnement dans cette gare, tous les trains, 
pour les deux cinquièmes du parcours restant à 
accomplir, se ralentissent et deviennent omnibus. 
On quitte Paris-Montparnasse à 7"30" du malin; 
on perd dix minutes à Chartres, trente à Rennes; 
on déjeune au Mans vers midi et l'on soupe à 
Saint-Brieuc vers 7 heures. Ce n'est que sur les 
minuit, après un trajet de seize heures, que le 
voyageur débarque au terminus. 


Reseau d'Orléans, 


La grande voie Paris-Bordcaux semble bien does- 
servie avec bon nombre de convois express ct 
directs, et ne prèle le flanc à la critique qu'à 
raison des rebroussements d'Orléans et de Tours 
dont les inconvénients, bien qu'imparfaitement 


15 aoùT 19192 


corrigés par les raccords, n'ont pas élé radicale- 
ment supprimés à l’heure actuelle. Les arrèts obli- 
gatoires se prolongent longuement dans les grandes 
gares, sauf pour les express de nuit, mais s'ap- 
pliquent aussi à quantité de stations infimes et dé- 
pourvues d'embranchement, comme Sainte-Maure, 
Luxé, Chalais, Montmoreau, La Roche-Chalais. 
Quoi qu’il en soit, Pintervalle Paris-Austerlitz-Bor- 
deaux-Saint-Jean se dévore en onze heures si on 
part le soir en première classe, et en près de douze 
heures si on utilise l’express du matin qui ne 
marche pas moins vite en pleine voie, mais qui 
stationne à Angoulême pour le souper et débouche 
à Bordeaux-Bastide. 

Paris-Limoges-Toulouse n'existe pas encore, et 
celte ligne, la première du réseau Paris-Orléans 
au point de vue du développement kilométrique, 
est remplacée par Paris-Limoges-Périgueux-Agen, 
dont les 650 kilomètres ne jouissent pas tous, à 
beaucoup près, des avantages de la voie double. 
Un train, uniquement composé de voilures de pre- 
mière classe, quitte Paris tous les soirs, à 745" et 
arrive à Agen le lendemain matin, à 40 heures et 
demie, ce qui représente une vitesse moyenne de 
43 kilomètres par heure, permettant au voyageur 
d'admirer, de jour, bien à loisir, les jolis sites qui 
s'offrent au midi de Périgueux. 

Les 400 kilomètres de la ligne de Paris à Nantes 
vid Chartres, Le Mans el Angers se divisent entre 
l'Ouest et l'Orléans. Trajet se prolongeant, suivant 
les trains, de huit heures et demie à neuf heures. 


Réseau du Midi. 


C'estle plus petit des six réseaux principaux; iln'a 
ras eu directement à souffrir de la guerre comme 
les autres lignes que nous avons énumérées, mais 
il ne se présente pas à cette époque sous un jour 
bien brillant. L’embarcadère de Bordeaux-Saint- 
Jean, tète de ligne, se réduisait en 1872 à une 
hideuse baraque en bois de laquelle s'échappaient 
quotidiennement trois trains à destination de 
Cette. Le premier, partant à 630™ du matin, 
arrivait à destinalion en pleine nuit après arrèt à 
toutes les gares de la ligne, moins cinq ou six. 
L'express, moins matinal, mais réservé aux pre- 
mières classes, s'ébranlait à 8"15", dépassait, il est 
vrai, l'omnibus près d'Agen, mais ne conservaitune 
allure un peu prompte que jusqu’à Narbonne; après 
quoi il stationnait partout (trajet total: sept heures 
quinze minutes). Un voyageur trop peu dégourdi 
pour profiter du premier train, trop pauvre pour 
adopter le second, devait passer toute la journée à 
Bordeaux et attendre jusqu'à 9 heures du soir un 
train direct aux trois classes qui, grâce à sa faible 
vitesse, à ses stationnements nombreux et pro- 
longés, n’arrivait pas à Cette avant 920" du matin. 
Pas même 40 kilomètres par heure! 


De Bordeaux à Bayonne et Irun circule un seul 





No 1438 


express, spécial aux premières classes et en cor- 
respondance avec le train Paris-Bordeaux. Il 
franchit les 200 kilomètres Bordeaux-Bayonne en 
échange de quatre heures de trajet de 8 heures du 
matin à 42:30", retardé, il est vrai, par le déjeuner 
à Morcenx, dont le train de retour n'a pas à se 
préoccuper. Une bonne partie de la ligne se réduit 
à une voie unique, mais ce n’est pas l'encombrement 
des convois qui gène la circulation, car beaucoup 
de gares des Landes ne sont desservies que par 
deux trains journaliers dans chaque sens et les 
plus favorisées par trois. 

La grande ligne Toulouse-Bayonne ne comporte 
aucun train direct. Onze bonnes heures sont néces- 
saires pour venir à bout du trajet; on a le temps 
d'étudier bien à l'aise les étançonnages du légen- 
daire tunnel de Sarrouilles, d'admirer la raideur 





16" fe Pris 
1 À 
4 


loè, 


+ Modene 


t 1n des fosse 
 S Gerr nan des o A- e Ans 


7,40 se Paris 


Lyon 


F1G. 1. — LIGNES DESSERVIES PAR DES TRAINS EXPRESS 


EN 1822. 


de la rampe de Capvern, de contempler les humbles 
cabanes en bois qui servent de haltes, ou les 
embarcadères provisoires en planches qui des- 
servent les villes de Tarbes, Lourdes, Pau, de 
noter labsence de buffet dans les stalions impor- 
tantes de Puyoò et Bayonne. Heureusement que 
si le voyageur n’est pas trop pressé, l’agrément du 
paysage, pendant la belle saison du moins, le con- 
sole un peu du temps gaspillé. 


Réseau du P.-L.-M. 


Le rapide Paris-Marseille, créé sous l’Empire, 
d'abord dans le sens descendant seulement, puis 
ultérieurement dans le sens montant, n'existe plus 
depuis la guerre. Le trajet intégral, en express, 
absorbe de dix-neuf à vingt heures, et, en direct, 
pour ceux qui n’ont pas les moyens de s'offrir les 
premières, consomme vingl-qualre heures précises. 


COSMOS 


191 


Aujourd'hui, les convois les plus pratiques bon- 
dissent d'une seule traleine de Paris à Laroche et 
de Laroche à Dijon. À cette époque, le train 1 
(14 heures du matin de Paris) et le train 5 


-o 
c 
l 
je 
La Possonierg. k Tours 
p ngers, 
v. SfMzaire TNantes ii 


dCholet. 


..bPressuire 


“La Roche sur lon 
\ 
Les Sok 5 \ n 
i Poitiers® 
à 


1 Nior 
l; grehui /le 


La Rochelle | 
J Rochefort 


Q 
N 


vezn 
Ve 


A Angoulême s 


-~ Bordeaux 


Réseau P.O 
en 1872 





Lignes principales 
Lignes secondaires 


Réseau des Charentes - — - — — —-— 
Réseau de ha Vendée ......... abat 


F1G. 2. — L'EMBRYON DU RÉSEAU ACTUEL DE L'ÉTAT EN 1872. 
(8 heures du soir) stoppaient à Melun, Montereau, 
Sens, Joigny, Tonnerre, Nuits ou Montbard, Dar- 
cey, Blaisy-Bas. La gare de Tonnerre jouissait 
alors d’une grande importance; son dépôt de ma- 
chines, bâtiment à demi ruiné qu'on distingue 
encore au passage, fonctionnait avec activité pour 
le relayage des locomotives d'express: et, pour ne 
parier que des trains impairs. les convois directs 
25 et 27 y stationnaient pour ies repas du maltin 
et du soir. 

« Lyon-Perrache! trente minutes d'arrèt! » 
Telle était la durée minimum de la halte imposée 
aux voyageurs allant vers le Midi ou remontaut 
vers le Nord. Elle semblerait interminable aujour- 
d'hui. Mais, à cette perte de temps dont l'utilité 
après tout se concevait, venait s'ajouter, au mo- 
ment d'entrer en gare, un petit arrèt pour le con- 
trole des billets, arrèl qui se répélait à Marseille 


192 COSMOS 


el au retour, pour les trains pairs avant l'arrivée 
à Paris. Mais ce n'était pas suffisant pour calmer 
l'ardeur du voyageur qui se voyait si près du but. 
On ralentissait à 20 kilometres à l'heure aux 
approches de Perrache (côté Sud), de Nimes vers 
Tarascon, des gares terminus de Paris et Marseille. 
A une époque où les trams à chevaux ou, pour 
mieux dire, les omnibus ne circulaient guère dans 
les grandes villes au delà des limites des octrois, 
les habitants de ces villes devaient prendre le 


chemin de fer pour passer le dimanche en ban- . 


lieue. Au départ, tout allait bien; mais, au retour, 
le dimanche soir, quand nos citadins se voyaient 
immobilisés à quelques centaines de mètres de 
leur point d'arrivée, sans pouvoir quitter le train, 
quelles tempêtes de récriminations! Parmi les plus 
ardents se signalaient ceux dont le domicile se 
trouvait précisément en face des points de ralentis- 
sement et de controle, en avant des gares terminus. 

Pendant les années qui suivirent la guerre, 
l'encombrement des voies ferrées fut tel (1) qu'on 
pensa renoncer au système des réseaux régionaux 
et rationnels pour essayer du système anglo-amé- 
ricain de la concurrence illimitée. Les journaux de 
l'époque et les archives parlementaires nous ont 
conservé le souvenir de la demande en concession 
d'une ligne de Calais à Marseille, par Paris et 
Lyon, indépendante du Nord et du P.-L.-M.; elle 
côtoyait l’ancien tracé dont elle ne s’écartait sensi- 
blement que pour s'intléchir vers le Morvan en 
négligeant Dijon. | 

La future Compagnie promettait monts et mer- 
veilles: voyages rapides dans des wagons ultra- 
confortables, à des tarifs inouis de bon marché. 
Cet argument ne toucha pas les membres de 
l’Assemblée nationale chargés du rapport, et, de 
fait, les amélirations invoquées ont été peu à peu 
réalisées dans la suite, grâce au matériel en usage 
aujourd’hui, grâce aux voies de dérivation et grâce 
enfin à l'abaissement des anciens tarifs, sans 
rompre pour cela avec les anciens errements en 
matière de chemin de fer. 





15 AOUT 1919 


Il faut dire qu'au lendemain de nos désastres, 
les transports à grande vitesse, grevés d'impôts, 
cotitaient fort cher. On dépensait pour se rendre 
de Paris à Marseille, chiffres ronds, 106 francs, 
80 francs, 56 francs au lieu de 95, 65 et 42 francs, 


taux actuels. Les billets d’aller et retour existaient 


bien, mais avec une durée de validité très réduite, 
une extension très limitée, contrariée encore par 
une fréquente absence de réciprocité. Il est juste 
d'ajouter que le taux de réduction, loin de s'uni- 
formiser comme aujourd'hui, variait suivant les 
zones et finissait par avantager beaucoup le public 
dans cerlains cas spéciaux. Ainsi, au nord de 
Montpellier, les jours de marché et à certaines 
heures, il n’en cottait pas plus cher de prendre 
un aller-retour pour la ville qu'un billet simple 
ordinaire! 

Le livret Chaix, dans lequel nous avons puisé la 
meilleure partie des renseignements ci-dessus, 
complétés par nos souvenirs personnels, énumère, 
à la suite de l'Orléans et du Midi, deux bien mo- 
destes embryons de réseaux : l’un, celui des Cha- 
rentes, se réduit à trois lignes, dont deux non 
soudées entre elles : La Roche-sur-Yon à La Ro- 
chelle, Rochefort à \ngoulème avec embranche- 
ment de Saintes à Montendre; l'autre, celui de la 
Vendée, relie Bressuire aux Sables par La Roche- 
sur-Yon. Ces petits tronçons, un peu développés, à 
la vérité, plus tard, servirent d'amorce à ce gigan- 
tesque réseau actuel de l'État qui, de Bordeaux à 
Rouen, englobe à ce jour une grosse fraction de 
nos voies ferrées nationales. L'infime rameau est 
devenu un tronc immense à branches multiples, 
et comme Îles grands effets proviennent souvent 
des petiles causes, l’origine première de cette puis- 
sante organisation se rattache à un défaut d'en- 
tente concernant la base de rachat de quelques 
titres dépréciés. A chacun, suivant ses opinions 
économiques, d'en tirer les conclusions qu'il lui 
plaira. 


ANTOINE DE SAPORTA. 





SOCIETES SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 


Séance du 5 août 1912. 


PRÉSIDENCE DE M. F. GUYON. 


Sur Fapplication de énergie lumineuse à 
l'étude de quelques questions de l’analvse 
chimique.— Les expériences faites par de nombreux 
savants, au cours de ces dernières années, ont montré 
que la lumiċre ultra-violette est capable de produire 
la transformation profonde des différents corps chi- 





il) Notamment «ur la ligne de Tarascon à Cette, à 
ta suite d’une magnifrque récolte de vins en Lan- 
guedoc. 


miques. M. Marc Laxnavu a pensé qu'il serait important 
de chercher si l’action chimique des rayons ultra-vio- 
lets ne pouvait être appliquée à l'analyse chimique. 
Deux propriétés connues de la lumière paraissent être 
utilisables à ce point de vue: l'effet polymérisant et 
l'action oxydante. 

On sait que l'énergie lumineuse transforme les car- 
bures d'hydrogène non saturés, comme l'éthylène et 
l'acétylène, en polymères liquides et solides dont la 
nature chimique exacte n’a pu ètre établie. 

D'autre part, l'énergie lumineuse étant capable de 
transformer, en présence d'oxygène, un corps conte- 
nant le carbone et l'hydrogène en anhydride carbo- 
uique et en eau, peut ċtre appliquée à l'analyse chi- 


N° 1438 


mique, du moins quelquefois, de la mème manière 
que l’énergie de la chaleur est employée dans l'ana- 
lyse organique ordinaire, et l'énergie de l'étincelle 
électrique dans l'analyse eudiométrique. 

Partant de ces considérations, M. Marc Landau a 
institué une série d'expériences qui lont conduit aux 
conclusions suivantes : 

La lumière ultra-violette peut ètre appliquée à l'étude 
de l'analyse chimique. On peut analyser, par exemple, 
un mélange de CH‘, CH, H? sans employer une 
autre forme d'énergie que celle des rayons ultra-vio- 
lets: on commence par la photopolymérisation du 
carbure non saturé, l’action de la lumière sur les 
autres gaz étant nulle en l'absence d'oxygène. Cette 
réaction très lente terminée, on mesure la contraction 
de volume, on ajoute de l’oxygène et l'on procède à la 
photocombustion. Il est curieux que la combustion 
par l’étincelle ne peut pas résoudre ce cas fréquent de 
l'analyse des gaz, le mélange C'H‘ + II? étant iso- 
mère avec CH". L'auteur poursuit ces recherches et il 
étudie actuellement, avec M. Victor Henri, les spectres 
d'absorption des carbures d'hydrogène dans l'ultra- 
violet. M. Landau a constaté que ces gaz, contraire- 
ment à l’oxyde de carbone et à l'anhydride carbo- 
nique, absorbent fortement les radiations ultra-vio- 
lettes. 


Le mode de formation du pigment dans la 
racine de la carotte. — On sait, depuis les re- 
cherches de W. Schimper, A. Meyer et Courchet 
que les pigments rouges (carotine) ou jaune (xantho- 
phylle) qui se forment dans les fleurs, les fruits et 
certaines racines sont toujours le produit de l'activité 
d'organites désignés sous le nom de chromoplastes. 
Ces chromoplastes ont, comme origines, soit un leuco- 
plaste qui élabore directement à son intérieur le 
pigment, soit le plus souvent un chloroplaste dont la 
chlorophylle se résorbe peu à peu et se trouve rem- 
placée par de la carotine ou de la xanthophylle. 
M. Guicuieamonxv s’est livré à des recherches sur le 
pigment de la racine de la carotte: il est arrivé à 
reconnaitre qu’il s’élabore en deux phases successives. 

1° Dans une premitre, les mitochondries se ditié- 
renvient en leucoplastes, qui élaborent chacun aux 
dépens de leur substance un grain d'amidon composé: 

2 Dans une seconde phase, la partie subsistante 
de leuconlaste se régénère et forme bientôt en son 
intérieur un élément pigmenté à forme plus ou moins 
nettement cristalline, pendant que les grains d'amidon 
composés se résorbent. Puis, plus tard, le chromo- 
plaste semble disparaitre à peu près intégralement. 


COSMOS 


193 


Quelques déterminations quantitatives du 
manganèse dans le règne végétal, — Les 
études de MM. F. Japin et A. Astruc les ont amenés 
à conclure : 

4° La présence du manganèse est constante dans le 
règne végétal; 

> La teneur en manganèse des aliments d'origine 
végétale sert à expliquer, tout au moins en partie, 
l'origine de ce corps dans l'organisine animal; 

3’ La comparaison des quantités de manganèse con- 
tenues dans les parties aériennes et souterraines d'un 
mème végétal paraît montrer que les organes chloro- 
phylliens sont les plus riches; 

& Dans une même plante riche en chlorophylle, 
comme le gui, la teneur en manganèse varie cepen- 
dant dans des proportions notables. 


Un nouveau genre de palmiers de Mada- 
gascar. — Le nombre des espèces de palmiers mal- 
gaches est assez grand, mais celui des genres est 
relativement restreint. MM. H. Jiweke et H. PERRIER 
DE LA Baruie en signalent un nouveau, auquel les 
indigènes donnent le nom do lakamarefo et qu'ils 
proposent d'appeler Louvelia madagyaseariensis. On le 
trouve dans la forèt vers 800 mètres d'altitude. Son 
bois est très dur et d'un brun noirätre uniforme. 


Préparation des quatre dicyclohexylpropanes. Note 
de MM. Pauk Sauatien et M. McnaT. — Sur les courbes 
invariantes par une transformation réciproque, ponc- 
tuelle ou par contact, mémoire de M. ParLz Sucnan. — 
Réalisation du mouvement circulaire uniforme par 
action périodique synchronisante. Note de M. À. Gur.LET. 
— Sur les changements qu’éprouvent les tourbillons 
cellulaires lorsque la température s'élève. Note de 
M. C. Daczëre. — À propos de la note de M. P.-T. Muller 
et M'° V. Guerdjikoit « Sur la réfraction et la rotation 
magnétique des mélanges ». Note de M. F. SCHWER. 
— Photolyse des sucres à fonction cétonique par la 
lumicre solaire et par la lumicre ultra-violette. Note 


de MM. Daxtez BEuTuELor et HENuY GAUDECHON. — La 
présure du latex de Calotropis procera RBr. Ncte 
de MM. C. Gerrek et P. FErocrexss. — Excitabilité des 


organismes par les rayons ultra-violets. Temps de 
latence. Loi de l'indépendance thermique. Phénomenes 
de fatigue et de réparation. Note de Mme et M. VICTOR 
Hexu. — Etude sur la coagulation de l'albumine par 
la chaleur et sur sa précipitation par l'iodomercurate 
de potassium. Conséquences au point de vue de son 
dosage pondéral et de son dosage voluimétrique. Note 
de M. LUCIEN VALLERY. 





BIBLIOGRAPHIE 


La genèse des instincts, par M. P. Hacuer- 
SouPLET, directeur de l’Institut de Psychologie 
zoologique. Un vol. in-18 de 324 pages (3,50 fr). 
(Bibliothèque de Philosophie scientifique.) 
Flammarion, 26, rue Racine, Paris. 


La théorie en faveur chez les maitres ou les dis- 
ciples de l'Ecole purement expérimentale est que 


— la formule est de M. Ribot — « l'instinct est 
une somme d'habitudes héréditaires ». Mais pour 
ètre rendue acceptable, cette hypothèse doit ètre 
vérifiée. C'est à cette vériticalion que ece volume 
est consacré. M. Hachet-Souplet croit avoir tronvé, 
à travers les expériences de l'Institut de Psy“ho- 
logie zoologique, la loi qui préside à la genèse dv 
l'instinct : ce serait la doi de recitrrence assor«t- 


19% COSMOS 


fire en verlu de laquelle, par exemple, « dans les 
exhibitions d'animaux dressés, un sujet A devant 
« travailler » après un sujet B, finit par ne plus 
attendre l’ordre du maitre et descend de son esca- 
beau, dès que B a terminé son « travail ». On ne 
saurait contester l’existence de celle loi dans le 
dressage et dans quantités d’habitudes des ani- 
maux. Mais peut-on conclure des habitudes à l'ins- 
tinct ? Non, si l'on veut appliquer une rigoureuse 
logique qui ne permet de conclure que du même 
au même. Et si lon assimile, à l'avance, habitudes 
et instinct, on suppose la solulion qu'il s'agit de 
prouver. 

Au fond, le grand argument qui nous semble 
ètre à la base de tous les autres, dans ce livre, 
c'est celui de l'évolution, dont M. Hachet-Souplet 
est un adeple convaincu. Et son explicalion est 
apportée pour éliminer, avec d’autres théories, 
lilée d’une intervention créatrice de Dieu, car 
l'auteur n'admet qu'une « création naturelle ». 


La philosophie de M. Henri Bergson, par 
M. RENÉ GizLouix. Un vol. in-16 de 194 pages 
(3,90 fr). Bernard Grasset, éditeur, 61, rue des 
Saints-Pères, Paris. 

La méthode de M. Bergson, les résultats obtenus 
par l'application de ce procédé sur le triple terrain 
de la liberté, des rapports de l'âme avec le corps 
et de la vie, ce que lon peut augurer de celle 
méthode et de ces solutions pour les problèmes 
ultérieurs de l'esthétique et de Ia morale, tels sont 
les points principaux abordés par M. Gillouin dans 
son étude. Celle-ci est inspirée par une admiration 
profonde pour M. Bergson, qu'il n'hésite pas à 
placer parmi « les très grands philosophes de tous 
les pays et de tous les temps. » 

Lelte formule apparaitra bien exagérée à qui- 
conque voudra se livrer à une critique faite de 
calme et d'impartialité. La méthode de M. Bergson, 
appuyée sur l'instinct, qu'il place au-dessus de 
l'intelligence, indüment détrônée de sa supériorité 
sur l'instinct, n'est pas encore près de supplanter 
la vicille logique. D'antre part, la conception qui 
est l'idée fondamentale de la doctrine bergso- 
nienne, celle de l'universalité de la vie, n’est 
qu'une hypothèse non vérifiée et contre laquelle 
se dressent bien des objections. C'est une hypothèse 
semblable à celle de l'universalité de la douleur 
dans Bouddha ou de la volonté dans Schopenhauer. 
Combien plus belle et plus conforme à la vérité 
des faits la synthèse catholique, si souvent exposée 
par les philosophes chrétiens, nous montrant Dieu, 
unique source de vie et d'ètre, les répandant en 
degrés successifs depuis l'ange et l'âme humaines, 
jusqu'au minéral inorganique, en passant par 
Panimal et la plante! 


Dieu, l’âme immortelle et la religion natu- 
relle, par Me" ALseRT Faroes. Un vol. in-8° de 


15 aour 1912 


272 pages (3 fr). Berche et Tralin, éditeurs, 
69, rue de Rennes, Paris. 


Le public instruit connait le grand ouvrage que, 
sous le nom d'Études philosophiques, Më Farges 
a publié en neuf volumes, dont plusieurs ont été, 
ici mème, l’objet de comptes rendus élogienx, 
comme il convenait. L'auteur de celte apologt- 
tique a eu la bonne pensée de résumer dans un 
volume de petites dimensions les parties les plus 
importantes de son travail : Dieu, l'âme immor- 
telle et la religion naturelle. Ge résumé constitue 
un traité solide, dont un juge autorisé et des plus 
compétents, M8f Douai, évèque de Beauvais, a fait 
un éloge auquel il serait messéant de rien ajouter. 


Géométrie rationnelle. 7raité élémentaire de 
la science de l'espace, par GE0RGE Bruce HALSTEL. 
Traduction française par PauL BARBARIN, agrégé 
de l'Université, professeur au lycée Henri IV, 
avec une préface de C.-A. Laisant. In-8° (23 N 14) 
de 1v-29 pages, aves 184 figures (broché, 6,50 fr; 
cartonné, 7,50 fr). Gauthier-Villars, Paris, 1911. 


M. Halsted s'est altaché à propager les vues de 
Hilbert, de manière à les rendre facilement saisis- 
sables et à leur donner une forme pour ainsi dire 
élémentaire. Abandonnant résolument l'exposé 
classique de la géométrie, il met en évidence « Îles 
axiomes qui sont nécessaires et suffisants pour 
é lifer cette science sur une base solide ». 

Par exemple, il expose la théorie des proportions 
sans employer aucun axiome de continuité. I 
écarte le compas comme instrument de résolution 
des problèmes. Toutes les mesures de volume se 
déduisent de la formule à deux termes du prisma- 
toide. Parvenu à la « sphérique pure », il montre 
qu'une grande partie de la géométrie plane est 
valable en tant que géométrie sphérique, si l'on 
remplace le plan et la droite par la surface de la 
sphère et par la ligne géodésique ou recte. Crtte 
sphérique pure se déduit d'une suite d'axiomes 
d'où sont exclues les parallèles et les figures sem- 
blables; on obtient ainsi une géométrie non eucli- 
dienne à deux dimensions, dont les résultats font 
d'ailleurs partie de la géométrie euclidienne à trois 
dimensions. 


Précis d’agriculture. Agriculture théorique et 
pratique. Chimie et comptabilité agricoles, par 
A. PETIT, ingénieur agronome, professeur à 
l'École nationale d'horticulture de Versailles, 
chef du Laboratoire des recherches horticoles. 
Un vol. in-18, avec 256 figures dans le texte 
(3 francs). Librairie Alcan, 108, boulevard Saint- 
Germain, Paris. 


L'agriculteur qui veut tirer de son exploitation 
le maximum de rendement doil se tenir au cou- 
rant des investigations méthodiques et des re- 
cherches scientifiques. 


No 1138 


En consultant ce précis, le petit propriélaire, 
l'agriculteur y trouveront ce qu'ils ne peuvent ni 
ne doivent ignorer. 

L'ouvrage est divisé en quatre parties : la pre- 
mière traite de l’agriculture générale : le sol (sa 
constitution, son amélioration par l’aménagement 
des eaux, les engrais, elc.), les phénomènes météo- 
rologiques. 


Viennent ensuite les cultures spéciales, la viti- 


culture, la cidrerie, la sylviculture, l’arboriculture. 

Dans unce troisième partie sont étudiés le petit 
et le gros bétail, les animaux de basse-cour, l'api- 
culture, la sériciculture, la législation concernant 
les animaux domestiques. 

L'ouvrage se termine par des aperçus écono- 
miques sur les lois, Sociétés de crédits, et une 
comptabilité agricole. 


Sur la route, par le D" Bommier. Un vol. in-8° de 
270 pages, avec gravures {de la Bibliothèque du 
chauffeur). Relié cuir souple (6 francs). Librairie 
Dunod et Pinat, Paris, 1912. 


Le D" Bommier n'est certes pas un inconnu pour 
les lecteurs qui s'occupent d'automobilisme; un de 
ses ouvrages antérieurs, le Bréviaire du chauf- 
feur, a obtenu un très légitime succès. 

Ce nouvel ouvrage est particulièrement pralique, 
il a pour but d'enseigner aux automobilistes l'art 
de bien conduire. Très complet et clairement écrit, 
il rendra de réels services aux nouveaux venus à 
la locomotion nouvelle; il peut apprendre aussi 
pas mal de choses aux vieux routiers, qui auront 
souvent profit à le consulter. 

Nous avons eu plaisir à voir que l’auteur s'élève 
contre la mode actuelle de l'avance fixe de Yallu- 
mage, mème avec les magnélos. [l réclame l'avance 
variable commandée ou automatique. Les con- 
structeurs finiront-ils par se plier à ce désir, 
absolument légitime ? 

Ajoutons que le livre se termine par la repro- 
duction des textes en vigueur, lois, ordonnances, 
règlements de police, qui sont ignorés, des chauf- 
feurs parfois, plus souvent encore des agents de la 
force publique, chargés de leur exécution. Munis 
de cet ouvrage, les automobilistes pourront ré- 
soudre tous les problèmes qui pourraient se poser 
à eux sur la roule. 


Études techniques sur l'aviation (2 vol.) 
(3,50 fr). Librairie des Sciences aéronautiques, 
48, rue des Ecoles, Paris. 


Cet ouvrage se compose des fascicules d'avril à 
décembre 1910 de la revue Avia. On y trouve un 
grand nombre d'articles techniques sur l'aviation, 
dont voici quelques titres : Équilibres des aéro- 
planes. Essais d’hélices. Deuxième concours de 


COSMOS 195 


moteurs d'aviation. La théorie de l'aviation. Vol 
des oiseaux planeurs. Turbines à gaz, ete. 


Vol de l’aéroplane en hauteur, par le Ct FAaRatD. 
Une brochure in-8° avec figures (41 fr). Librairie 
Vivien, 48, rue des Ecoles, Paris. 


Détermination par le calcul des conditions neces- 
saires pour qu'un aéroplane se soulève, prenne 
une trajectoire ascendante; cas dans lesquels 
l'aéroplane glisse sur l'air et se renverse (on dit 
que l’appareil se cabre ou pique du nez); action du 
gouvernail, etc. Ces calculs et les formules qui en 
résultent ont été établis pour les appareils existant 
en 1911. 


Les épreuves au bichromate par teinture 
directe, par le D' H. TnénaurT. Une brochure 
de la Bibliothèque de Photo-Revue (0,60 fr). 
Charles Mendel, éditeur, Paris. 


La plupart des épreuves photographiques sur 
papier peuvent se colorer en une infinilé de 
nuances par des bains de teinture. Cette méthode 
est particulièrement pratique pour les papiers au 
sel de chrome qui, sans cet artitice, donnent des 
épreuves beaucoup trop faibles. 

L'auteur a rassemblé en une brochure tous les 
documents relatifs à l'obtention d'épreuves au 
bichromate par teinture directe; il y a ajouté ses 
observations personnelles et l'indication des ré- 
sultats qu’on est en droit d'attendre de ce procédé. 
Ce petit livre est un guide irès complet, qui per- 
mettra à tout amateur de réussir ce mode de 
tirage, qui a pour lui une grande simplicité dans 
les moyens, sans compter qu'il fournit des images 
pratiquement inaltérables dont le caractère arlis- 
tique est indéniable. 


A l'étape, par PAuL-ApRIEN ScHAYÉ. Un vol. in-16 
de 320 pages (3,50 fr). Librairie Omnia, 20, rue 
Duret, Paris. 

A l'étape, est un recueil de petits rérils se rap- 
portant tous à l'’automobilisme. L'auteur avait 
déjà donné précédemment : Un four de manivelle 
et l'on part qui a obtenu un vif succès. On retrou- 
vera dans ce nouveau volume le talent fantaisiste 
et la philosophie spirituelle et parfois un peu inat- 
tendue de M. Schayé. 


Le photocycliste, par G. Laxuuesr. Un vol. de 
78 pages (4 fr). Au journal le Hone, i, rue 
Hégésippe Moreau, Paris. 

Ce traité pratique et élémentaire de l'amateur 
photographe en voyage comporte beaucoup de bons 
conseils, soit pour le cycliste qui veut rapporter 
des souvenirs des pays visités au cours de ses pro- 
menades, soit pour le photographe en voyage qui 
doit opérer avec des moyens très restreints. 


196 


COSMOS 


45 aouT 1912 


FORMULAIRE 


Dostruction des herbes aquatiques par le 
chlore électrolytique. — Hans les industries du 
blanchiment, on produit sur place le chlore et les 
hypochlorites en électrolÿsant une solution de sel 
marin, Une intéressante applicalion industrielle 
de ces produits d'électrolyse vient d'être faite en 
Angleterre qui mérite d'être signalée, car bien des 
industriels pourront en tirer parti (/adustrie 
electrique, 20 jpuillet). 

Une usine d'apprétage el de teinture désirait 
utiliser un cours d'eau du voisinage, mais Îles 
herbes el les algues aquatiques rendaient l'eau 
impropre À la consommation. On essaya tout 
d'abord de Ta filtrer au travers de grilles, mais les 
végélaltions sv aceumulérent à (el point qu'il fallait 
dégager les barreaux toutes les demi-heures. De 
Fhypochlorite de chaux ajouté à l'eau fit quelque 
temps disparaitre les végeélations, mais il durcissail 
l'eau et donnait Heu à des dépôts dans les chau- 
dicres. Le sullate de cuivre essavé ensuite agissail 
sur la teinture, en sorte qu'il fallut chercher dans 
une autre Voie. 

Cest alors qu'on recourut au chlore et à lhypo- 
chlorite de sodium électrolvtiques. En avant du 


réservoir de l'usine, par-dessus le ruisseau, on a 
placé un tonneau. formant réservoir, qui contient 
une solution de chlorure de sodium à 4 pour 400: 
par l'intermédiaire d'un bac à niveau constant, il 
déverse la solution dans un récipient électrolyseur, 


parcouru par un courant électrique continu de 


8 ampères sous 410 volts. La solution électrolysée, 
riche en chlore et en hypochlorite de sodium, 
s écoule alors dans le ruisseau (débit, un litre par 
minute; chlore actif, 3 gramines par litre). 

Le résultat fut merveilleux. La réaction sur les 
matières organiques se faisant dans le réservoir, 
en quelques jours les algues vertes et les autres 
végétations disparurent. En réglant le débit de la 
solution d'hypochlorite, on put faire en sorte que 
l'eau du réservoir, claire et limpide, ne contint ni 
azote ni chlore: elle était assimilable à de leau de 
source. En hiver, on voulut arrèter l'installation, 
mais les algues et leurs ennuis reparurent aussitot. 

Ce procédé parait très efficace pour combattre, 
s'il est bien appliqué, les végétations des eaux sla- 
guantes. Une installation vient d'ètre faite dans 
une piscine de Londres, où il a donné d'excellents 
résultats. 





PETITE CORRESPONDANCE 


Adresses des appreils décrits : 

Pour les conduites en acier soude, s'adresser à The 
Brush Welding Company, 9N, Victoria Street, West- 
munmster, Londres, S. W. 


decumulateur Gotan: Société frangaise des arcu- 
mulateurs Panl Gouin, rue Bellevue, à Colombes 
(St) 

Anonyme., — Vous trouverez des bobines d'accord 


toutes faites à la maison Dacretel, Th, rue Claude 
Bernard: mais td serait plus économique pour vous 
de les construire. D Suit en ettet, d'enrouler sur un 
Molecau de bots une lingueur de 106 à {6 metres de 
nl de euwe en Isele x dJe lathle dit tre ipar exemple. 
Daa to ww de diametro, Oa denude les tils de metal 
Sug nne pelite partie dé ia surface suivant une genc- 
fant courir un curseur 
le plus 
tort o- Pour les cristaux de suture de plomb on ne 


ratnice du evlimdre, et on v 
molite Jusqu'au momint ou le son simile 


peul savot ce aprilis vatent poren les essavant. Hs 


K 
sonf en on to de valenr variables Poor faire J'eseai. 


1. sie 3 RAT x | ` ` n - 
voest ouaa ar osor Jes enne elles d une sS-hheric 


vepren melen marche et dont on entend les 


ON rie on- 


UE EREE 
HR Re te Lee 
` t, senada \ LL ts € ui tir t d' asie. 


Lac anatia ons emolu dies maavais. et en piut 


1 . 1 i: Ciana À yo US 

ui t Si TOETEREN Pries decha pi stal. 
i ss No Site MEUNIER ut 6 
Nice A DRE RQ gete adst M LS Vs 
Avea ea O eu G autres etades, Leros ies jen 

Vos M e À vs + + ? t teese V a es ao * \ > S 
3 Ş $ 4 Na À = a OU a ai à AR NE RE se € M L. Git- 

\ - . i + ., -y -e + CC ` - an ` 

T o el a TO IFN SENS AC ape OR ES rats. 


Librairie Alcan. Cet ouvrage a čte analysé dans le 
Cosmos, ne 1402. 

M. A. R.. à C. — Pour combattre la transpiration 
des mains, Il faut les frotter quelques instants, trois 


ou quatre fois par Jour, avec le melange suivant: 


Acide salicvhique..... ane, 1ò grammes. 
E h ae miseteues zi 19 — 
Achile DOFUS LES ess ou D — 
AIO ee as enr 30 — 


Mais la disparition de cette transpiration peut avoir 
pärlois de mauvais resultats au point de vue de letat 
general. 

A. R. S., Lima. — Bien que nous n'avons pas une 
competence speciale en ces matières, nous erovons 
que Vous trouverez ce que vous désirez à la maison Sal- 
landrourefreres, 2L, rueCroix-edes-Petits-Champs, Paris. 

M. E Q. à PE. — Nous avouons notre ignorance 
sur ee punt, Cependant, à notre avis, ces voitures à 
trors roues doivent étre consilérées comme de veri- 
tables voitures automobiles, èt. par consequent, paver 
les imipòts coimime telles, et nn comme des moto- 
eveles, H faudrait vous renseigner aupres de lingė- 
nieur des munes de votre arrondissement mineraio- 
coque. — Pour le permis de condaire, les tormalites 
acontes me mes, gual saaztsse d'une vorture ou d'un 

Le Mde. Vous troavere, notre de renseignements 
syatrs de vas itteresset dansle Cu 7e du han eur, 
Se fre, Librairie Dans d et Pinat, Pans. 
EE 


Ixprzer.e F. Fsacs Vaat. Set $ mee Bayar, Paris, Vie. 
Le persa: . B. Psrireisss. 


var J. Iyosrg. 


No 1439 — 99 aouT 1912 COSMOS 197 


SOMMAIRE 


Tour du monde. — Les héros de la météorologie. Importance de la phagocytose dans l'immunité de la 


souris. Le chauffage électrique en Suède et en Norvège. Capacité de trafic d’un chemin de fer électrique 
urbain. Destruction électrolytique des tarets. L'état actuel et l'avenir de la sidérurgie francaise. Notre 
tlotte de commerce et de pêche. La marine marchande au Japon. Le rogart ou rogue artificielle. La nour- 
riture des automobiles. À propos du concours d’hydro-aéroplanes de Saint-Malo. Le poids de la tour 
Eiffel, p. 197. 


Correspondance. — L'accès des Facultés de médecine, P' GnasseT, p. 201. 
La voiture chirurgicale automobile Boulant, L. Fornnier, p. 202. — Procédés modernes de métal- 





lurgie du fer, Rousser, p. 205. — La conservation des œufs par le froid, SANTOLYNE, p. 208. — Les 
appareils de culture à vapeur, MarcHanp, p. 209. — Les nouvelles théories de la matière, Ber- 
THIER, p. 212. — La flore des montagnes, Cocrix, p. 214. — L’óducation des Esquimaux d'Alaska, 
GnabExwiTz, p. 217, — La nouvelle écriture chinoise, L. KuEenrz, p. 218. — Les ferments lactiques 
dans ensilage, Marne, p. 220. — La grêle et le givre au Mont Blanc, J. Vaiuor, p. 221. — Sociétés 
savantes : Académie des sciences, p. 222, — Bibliographie, p. 222. 








TOUR DU MONDE 


MÉTÉOROLOGIE 


Les héros de la météorologie. — Toules les 
branches des sciences ont des adeptes dont le 
devouement à leur tâche approche souvent de 
l'héroisme. 

Tel a été le cas du général de Nansouty, s'exi- 
lant sur le Pic du Midi pour y poursuivre d'utiles 
observations et y fonder un Observatoire méléoro- 
logique désormais célèbre. 

Tel est aujourd'hui le cas des délégués du ser- 
vice météorologique de la République Argentine 
qui vont, à tour de rôle, s'établir pendant une 
année tout entière aux Orcades du Sud, pour 
y poursuivre et y coordonner des observations 
météorologiques, au plus grand bénéfice de tous. 

Chaque année, trois observateurs, assistés par 
un simple cuisinier, quittent Buenos-Ayres pour 
aller remplacer la mission précédente el passer un 
an sur cette terre inhospitalière. 

Quoi qu’elle soit située au nord du cercle antarc- 
tique (60° 40’ de latitude Sud),elle reste généralement 
bloquée par les glaces, et l’on peut dire qu'elle subit 
un véritable climat polaire. Latempératuremoyenne 
annuelle est de — 4,5 C.; les chutes de neige 
sont excessives, on y voit rarement le soleil, et les 
tempêtes violentes y sont continuelles. Les seules 
plantes que l'on y rencontre sont des mousses ct 
des lichens. 

Il est inutile de dire combien une slation 
météorologique sur les bords du continent anlarc- 
tique a d'importance. Nous croyons devoir exprimer 
le regret que le gouvernement argentin seul fasse 
les sacrifices nécessaires pour entretenir celle des 
Orcades du Sud ; il serait du plus haut intérêt que 
ces stations soient multipliées. 

Les régions antarctiques ont leurs héros dont les 
noms sont dans toutes les bouches: mais nul ne 


T. LXVH. Ne 1439. 


parle de ces obscurs serviteurs de la science qui 
s'exilent pendant un an dans une hutte primitive, 
sous le climat le plus inclément, qui ne sont pas 
mème sùrs d’un retour à époque fixe, car le navire 
qui vient les relever peut être arrèté dans les 
champs de glace. Cependant, leur tâche accomplie, 
ils restent ignorés, n'ayant pas celte légitime 
salisfaction d’amour-propre accordée aux explora- 
teurs, dont Îles aventures défrayent toutes les 
chroniques, N'est-il pas juste de donner un tribut 
d'admiration à ces modestes héros? 


BIOLOGIE 


importance de la phagocytose dans l’immu- 
nité de la souris. — \Metchnikoff a donné le 
nom de phagocytes (cellules mangeuses) à des 
cellules vivantes de l'organisme qui englobent, 
dévorent et digèrent les microbes envahisseurs. La 
fonction phagocytaire appartient à des degrés 
variés à un grand nombre des cellules de l'orga- 
nisme; elle se trouve développée au maximum 
chez les leucocytes ou globules blancs du sang, 
ou du moins chez la plupart d'entre eux, car il y 
a cerlaines catégories de globules blancs qui ne 
jouissent pas de cette propriété. 

Une égratignure, une plaie vient-elle à èlre 
infectée par la présente de certains mirrobes, 
aussitôt les phagocytes du sang, altirés sans doute 
par les substances chimiques que sécrètent les 
microbes, saccumulent dans les vaisseaux capil- 
jlaires de la récion infestée; ils se déforment et 
introduisent leurs pseudopodes dans l'intervalle 
des cellules qui constituent la paroi des capillaires. 
s'y insinuent graduellement, puis sortent comple- 
tement des vaisseaux pour venir an contact des 
microbes, qu'ils englobent et digérent sur place: 
généralement ils périssent, mais leur sacrifice a 


198 COSMOS 


contribué à sauvegarder l'organisme, et l'accumu- 
lation de leurs cadavres dans la région primitive- 
ment infectée constitue le pus. 

La théorie phagocrvtaire de Metchnikoff n'a pas 
rallié tous les suffrages. A la vérité, son allure 
n'est point pour plaire aux savants qui veulent à 
tout prix réduire tous les faits biologiques à de 
simples phénomènes physiques et chimiques sans 
aucune finalité. Certains auleurs pensent que la 
destruction du parasite relève exclusivement de 
l'action microbicide des humeurs, des substances 
chimiques répandues dans l’organisme ou fabri- 
quées par l'organisme, les leucocyles jouant seule- 
ment le rôle de balayeurs de déchets. Il existe 
aussi une opinion mixte: lesleucocytes produiraient 
eux-mêmes celte substance microbicide, si bien 
que les parasites pourraient ètre lués avant même 
que l’englobement ne soit complet. 

MM. Laveran et Mesnil et d'autres auteurs 
tiennent pour la théorie de Metchnikoff; ils ont 
montré que l'immunité naturelle du rat à l'égard 
du Trypanosoma Lewisi est uniquement d'ordre 
phagocylaire. Sur le conseil de M. Mesnil, M. De- 
lanoë a repris la question et ena fail une étude 
plus étendue, dont les résultats confirment la 
thcorie phagocytaire (Annales de l'Institut Pas- 
teur, mars). 

La souris possède une immunilé naturelle très 
forte vis-à-vis d'un certain nombre de protozoaires 
flagellés (par exemple Leishmania tropica, agent 
du bouton d'Orient, et L. infantum, du kala-azar 
tunisien), ainsi que de divers trypanosomes. 

M. Delanoë, pour explorer le mécanisme de 
l'immunité, a injecté des cultures dans le péritoine 
de souris blanches. Dans tous les cas, l’immunité 
a toujours été d'ordre exclusivement phagocytaire, 
c'est-à-dire due à l’action défensive des phagocytes. 
Quand on les introduit, mème à haute dose, dans 
la cavité péritonéale, les microorganismes ne 
pénètrent jamais dans le sang; ils sont détruits 
sur place en une demi-heure ou trois quarts d'heure 
au plus, devenant, en pleine vilalité, la proie des 
leucocyles mononucléaires. 


ÉLECTRICITÉ 


Le chauffage électrique en Suède et en Nor- 
vège. — La question du chauffage des habitations 
par l'électricité se présente sous un jour spéciale- 
ment favorable en ces deux pays, à raison des 
inpoilantes stations hydraulico-électriques qu'ils 
possédent; l'£lectricien mentionne une série d'es- 
sais qui aboutiront vraisemblablement à des appli- 
cations industrielles. | 

En Norvège, on songe à chauffer électriquement 
les églises, alin de pouvoir utiliser la capacité des 
stations centrales le dimanche, c’est-à-dire le jour 
où la plupart des usines sont fermées. 


22 aoUT 1919 


En Suède, la station centrale de Gathenburg 
a exécuté quelques essais de chauffage électrique 
qui ont donné, assure-t-on, les meilleurs résuitats. 
Le courant utilisé était de l'énergie en excédent, 
qui ne revenait à la municipalité qu'à 0,7 centime 
par kilowatt-heure. Les essais en question ont été 
exécutés dans vingt-deux locaux industriels et rési- 
dences privées, et ils ont duré de décembre 194114 au 
4 avril 1912. Comme l'énergie employée ne se 
trouvait disponible que durant la nuit, on devait 
naturcilement emmagasiner la chaleur dans des 
accumulateurs appropriés pour la distribuer durant 
la journée. Presque toutes les personnes ayant fait 
provisoirement usage du chauffage électrique se 
sont déclarées satisfaites. 

Le prix de revient semble varier considérable- 
ment. Pour sept des vingt-deux installations ci- 
dessus, le cotit de l'énergie employée a été évalué 
à 1,83 centime par kilowatt-heure; dans cinq 
autres, de 2,83 à 4,2, el dans les six dernières à 
moins de 2,83. A la suile de ces essais, exécutés 
durant l'hiver dernier qui a été exceptionnellement 
rigoureux, on a reconnu que le chauffage élec- 
trique, convenablement aménagé dans des locaux 
appropriés, est économiquement possible au prix 
de 4,2 centimes par kilowatt-heure. On doit étendre 
considérablement le même système de chauffage à 
Gothenburg au cours de l'hiver prochain. 


Capacité de trafic d’un chemin de fer élec- 
trique urbain. —.L'£lectricien résume une étude 
de M. Lewis concernant le nombre de trains qu'il 
est possible de faire circuler dans la journée sur 
les chemins de fer électriques urbains. 

Avec un écart moyen de 800 mètres entre les 
stations, on peut atteindre sur les chemins de fer 
de Londres une vitesse de 25 kilomètres par heure, 
soit 7 mêlres par seconde. Si, comme à New-York, 
on ne laisse qu’un intervalle minimum de 90 se- 
condes entre deux trains, on arrive à transporter 
dans un mème sens 12000 personnes par heure, 
dans 40 trains de 6 wagons. 

L'accélération au démarrage sera de 0,7 mètre 
par seconde par seconde, c'est-à-dire que la vitesse 
du train, à chaque seconde, s'accroit de 0,7 mètre 
par seconde; au bout de la première seconde, la 
vitesse est de 0,7 m : sec; au bout de la deuxième, 
elle est de 1,4 m : sec; au bout de dix secondes, elle 
atteint son régime, 7 m: sec, c'est-à-dire 25 km: h. 
Cette accélération de 0,7 m : sec? est un maximum; 
une valeur plus élevée exige des combinateurs 
plus compliqués, une puissance plus considérable, 
et par suite des voitures automotrices et des sta- 
tions centrales plus coùteuses. 

Lors du freinage, pour éviter d'incommoder les 
voyageurs et de nuire au matériel, on ne doit pas 
dépasser un retardement (une accélération néga- 
tive) de 1,2 m : sec?. Le freinage à lui seul dissipe 
une très grande partie de l'énergie fournie par la 


N° 1139 


station centrale, et celte perte est, bien entendu, 
d'autant plus grande que la vitesse à annuler est 
plus grande et que les arrêts sont plus fréquents. 
A la vitesse de régime de 25 km : h, et pour des 
écarts moyens soit de 4 600, soit 800 mètres entre 
stations, l’énergie absorbée au freinage est respec- 
livement 24 et 40 pour 100 de l'énergie amenée 
par la ligne. Si la vilesse de régime était de 
40 km : h, les pertes d'énergie au freinage attein- 
draient même respeclivement 45 et 59 pour 100. 

M. Lewis estime que, à Londres, si l'écart moyen 
entre les stations s'abaissait à 400 mètres, le ser- 
vice serait improductif; si l'écart moyen est de 
800 mètres, les frais d'exploitation sont moindres 
et le service se solde par un pelit excédent de 
recettes. 


Destruction électrolytique des tarets. — 
Suivant le Times Engineering Supplement, une 
installation génératrice d'énergie électrique, flot- 
tante et pouvant se déplacer par ses propres 
moyens, a été employée avec succès, sur la côte 
américaine du Pacifique, pour détruire les diverses 
espèces de Teredo qui attaquent les pilotis des quais. 
Le courant est amené dans l'eau salée, et il arrive 
que les produits de l’électrolyse qui s'ensuit tuent 
les insectes destructeurs en quelques minutes. 
Seule la tête, avec le corps vermiforme du Teredo, 
pénètre dans le bois, la queue demeurant à la sur- 
face en contact avec l’eau: or, le chlore produit 
par l'électrolyse coagule la structure molle et géla- 
tiveuse de cette partie de l'animal. Sans doute, 
le traitement ci-dessus n’a pas pour effet de mettre 
le pilolis à l'abri de nouvelles attaques des Teredo; 
mais on prétend qu'un renouvellement occasionnel 
de ce traitement empèche l’insecte destructeur de 
s'enfoncer à une grande profondeur, en sorte que 
le bois peut être préservé moyennant une dépense 
relativement peu élevée. L'opération est des plus 
simples. On garnit d’abord de fils le quai intéressé 
et on suspend à ces fils des électrodes qui sont 
immergées plus ou moins profondément, selon les 
conditions locales. L'installation génératrice peut 
fournir un courant de 20 000 à 40 000 ampères sous 
une très faible tension. On lance le courant pendant 
environ une heure en choisissant le moment où 
l'état de la marée facilitera, au lieu de l’entraver, 
la chloruration. — G. (Électricien.) 


MÉTALLURGIE 


L'état actuel et l’avenir de la sidérurgie 
française. — La production de la fonte, en France, 
était de 1 380 000 tonnes en 1869; elle est passée 
à 4038000 en 1910; sur ce total de 1910, le 
département de Meurthe-et-Moselle entre pour 
2756000 tonnes et le district du Nord pour 
911000 tonnes. La production du Nord est en 
rapide croissance, si bien que M. Anglès d'Auriac 


COSMOS 


199 


(Bull. Sor. ,ndustrie minérale, mai: Génie civil, 
3 août) prévoit une production probable de 
4 800 000 Lonnes dans le Nord, en 1920: les hauts 
fourneaux y sont surtout alimentés par le minerai 
de la Lorraine. 

Le fourneau type actuel est de 450 à 525 mètres 
cubes, produisant 160 à 210 tonnes de fonte Tha- 
mas. Le gaz de haut fourneau est généralement 
utilisé dans des moteurs à gaz. 

De plus en plus, le fer est remplacé par l'acier. 
La production totale d'acier brut a passé de 
091 000 tonnes en 1888 à 3380000 en 1910: la 
plus grande part de cet accroissement revient au 
district de Meurthe-et-Moselle (qui a passé de 
153 000 tonnes à 1 653 000) et ensuite au Nord (qui 
a passé de 163 000 tonnes à 792 000). 

La production tolale d'acier en 1920 dépassera 
probablement 2 millions de tonnes dans le Nord, 
2,6 millions en Meurthe-et-Moselle et 4,4 million 
dans l'ensemble des autres départements. 


MARINE 


Notre flotte de commerce et de pêche com- 
prend un total de 4077 navires. 

D'après l'Annuaire de la marine marchande 
pour 1912, on y compte : 


VOEL Se eer e EO és bios 2381 
Navires à vapeur.................,.... 1 656 
Navires à autres moteurs.............. 40 
Batcoux à voryageurs.................. 145 
BAC DAS DONMDESS. ea des ina o 
Bateaux renfloueurs..,.,,.............. 32 
LE Fa ERA DE E n T 1x 
Na ICS ETUMOPS 5 sens sm creme nes 3 
Croiseurs auxiliaires. ................. 7 
NaNIrOs Cols sisi ses 3 
Navires frigorifiques....,.............. 10 
Navires-hopilauzx................,...... 3 
Navires DOLrOHerS. Luis ss deutes sn 3 
PAGqUebOS iris memasmisee TEK REEE 204 
ReÉMOrFQUÈURS. sans dons bise +14 
Vapeurs de pâche.,....,..........,..... 236 
Voiliers de grande prche.............. 300 
Voiliers des autres péches.....,,.,...., 631 


Les navires à propulsion mécanique se classent 
comme suit : 


Navires à aubes..,........ ........... aa 
Navires à { hélice..................... i a20 
Navires à 2 helices ....... RE 12i 
Navires à % hélites. ss sucrées 3 
Naviresà Folies ss ass si us detn 3 


La marine marchande au Japon. — D'aprs 
une statistique officielle que vient de publier le 
ministère du Commerce japonais, la flotte mar- 
chande, dans l'empire de Mikado, comprenait, en 
4911, un ensemble de 31 580 navires, dont 2 545 ba- 
teaux à vapeur, 6 392 voiliers et 22 643 jonques. Les 


200 COSMOS 


steamers représentent un total de 1 233909 tonnes 
et les voiliers 413720 lonnes. 

L'augmentation sur l’année précédente est de 
179 navires à vapeur et de 455 navires à voiles. 
Pendant les dix dernières années, le nombre des 
jonques a passé de 18264 à 22643, ce qui indique 
un développement considérable du trafic cotier et 
du grand cabotage. 

Sur les 6661 bâtiments à vapeur et à voiles ofli- 
ciellement classés, c'est-à-dire inscrits sur les listes 
du bureau de la marine marchande fonctionnant 
à Tokio sous le contrôle de l'État, on compte 
deux navires ayant plus de 10 000 tonnes. un ayant 
9 500 tonnes, et six ayant entre 8000 et 9 000 tonnes. 
Quant à la vitesse des steamers japonais, deux 
dépassent 21 nœuds, deux dépassent 20 nruds et 
deux atteignent 19 nœuds. 

Au point de vue de la construction, il existe, au 
pays nippon, 230 chantiers, qui. en 1911, ont 
achevé et mis à flot 77 steamers (24479 tonnes) et 
147 voiliers 11 097 tonnes. C'est un accroissement 
de 19 steamers sur l'année 1910, mais une diminu- 
tion de 8496 tonnes. De même, le tonnage des 
voiliers construits se trouve ètre sensiblement 
inférieur au chiffre de l'année précédente. 

Comme la plupart des grandes nations euro- 
peennes, le Japon pave des primes importantes 
pour le développement desa marine decommerce. 
Ces primes ont élé acquises à dix bâtiments en 
construction, ainsi qu'à {9 navires actuellement à 
Mot et assurant le tralic avec l'Europe, l'Amérique 
du Nord, Hong-Kong, Singapour, Bombay et la 
Chine. 

Vingt-quatre lignes de paquebots sont subven- 
tionnées par le gouvernement nippon; parmi elles, 
il faut citer le Nisshin Kisen Kaisha, qui compte 
12 steamers, Osaka Shosen Kaisha qui en a 108, 
le Toyo Kisen Kaisha qui en a 9, et le Nippon Yusen 
Kaisha qui en a 69. L'ensemble de la flotte de ces 
quatre puissantes Compagnies maritimes repré- 
sente 913994 tonnes. Toutes ont vu leur trafic 
s augmenter très sensiblement au cours de l'année 
qui vient de s'écouler. Les recettes du Toyo Kisen 
Kaisha notamment se sont accrues de plus de 
100 pour 100, Épouarn BONNAFFÉ. 


PÊCHE 


Le rogart ou rogue artificielle. — La rogue 
naturelle est l'amorce qui sert à attirer les sar- 
aines: elle provient de Norvège et presque toujours 
alieint des prix extrèmement élevés. 

Nous avons signalé autrefois l'initiative très 
intéressante prise par M. Fabre-Domergue, inspec- 
teur géneral des pèches maritimes, consistant 
à remplacer la rogue naturelle d'œufs de morue 
jar un mélange de diverses substances: farines, 
poissons écrasés, crabes pilés, ete. Les premiers 
cssais furent assez intéressants pour encourager 


22 aOUT 19192 


l'inventeur du produit nouveau. M. Nigg, directeur 
de la pisciculture du Val-Saint-Germain, lui prèta 
son concours, et pendant plusieurs années expéri- 
menta toutes sortes de combinaisons. 

C'est ainsi qu'a été récemment lrouvé le rogart, 
mélange qui réalise le but poursuivi. Cette amorce 
artificielle a l'aspect du sable mouillé ; additionnée 
d'eau et jetée à la mer, elle forme un nuage, et les 
parcelles de nourriture descendent avec une 
extrème lenteur tandis qu'une vaste nappe huileuse 
flotte à la surface. 

Des essais ont élé tentés en 1911 dans le bassin 
d'Arcachon (H. de France, Bull. Soc. centr. Aqui- 
culture, juin); six bateaux avec la rogue naturelle 
ont pèché 2003 000 sardines; huit bateaux avec le 
rogart ont péché 3354000 sardines; de sorte que 
le rogart a paru ètre de beaucoup l'amorce la 
plus efficace; 1} faut ajouter à son avantage qu'elle 
cotite seulement 40 francs par baril au lieu de 60. 

Cette amorce semble convenir aussi au poisson 
d'eau douce. 


AUTO MOBILISME 


La nourriture des automobiles. — Taniis 
que les agriculteurs étudient et discutent la ration 
à donner aux moteurs à avoine, les automobilistes 
se préoccupent d'une question qui prend l'état 
aisu, le prix de la ration des chevaux qui tra- 
vaillent dans leurs machines. Notre confrère Omnia 
nous révèle une partie de ces préoccupations. 

Le prix de l'essence d'automobile s'élève sans 
cesse; cette hausse est des plus inquiétantes pour 
l'avenir de l'automobile. 

En Angleterre, où elle se fait sentir plus vive- 
ment encore que chez nous, les consommateurs 
ont adressé leurs doléances aux marchands d'es- 
sence, qui leur ont répondu : l'essence augmente 
parce que le rapport de la consommation d’essence 
à la consommation des autres dérivés du pétrole 
n’est plus égal au rapport des quantités produites. 
L'exploitation, s'équilibrant mal, devient plus 
onéreuse en ce qui concerne l'essence (1). 

Remède : user d’autres combustibles que l'es- 
sence. | 

Mais les autres combustibles, qui s'appellent 
benzol en France et, en Angleterre, shell (huile de 
schiste). crown, pratts et taxibus, ne jouissent pas 
d'une grande estime, bien que leur prix soit bien 
infėrieur à celui de l'essence. 

Un grand constructeur anglais, Napier, qui fa- 
brique lui-même ses carburateurs, a dernièrement 
fait l’essai chronométré de ces divers produits sur 
une de ses 15-chevaux de série. 


(1) La quantité d'essence de pétrole importée en 
Angleterre en 1911 a été de 235$ millions de litres, qui, 
à 6,90 fr par gallon (4,54 litres), représentent 51 mil- 
lions de francs. 


N° 1439 


En voici le résultat (vitesses en ki par heure) : 


Shell, frown. Pratts. Taubns. 
Vitesse sur le demi- 
Mille asesore... 80,4 50,4 82,2 80.4 
Sur còte de Brook- | 
landS sise 20,6 22.7 23,9 20,6 
Litres par kilomètre 
a #8 km: h...... 8,89 8,95 8,82 8,52 


Cesonl là des vitesses fort honorables, qui diffèrent 
peu de celles obtenues avec l'essence ordinaire. 

L'usage de ces divers produits entraine une éco- 
nomie de 2 d. par gallon, soil à peu près cinq 
centimes par litre. 


AÉROSTATION 


A propos du concours d’hydro-aéroplanes 
de Saint-Malo. — Nolre excellent confrère 
l'Aérophile publie, dans son numéro du 1°" août, 
un résumé du règlement du concours d’hydro-aéro- 
planes qui doit avoir lieu à la fin du mois d’août, à 
Saint-Malo. Nous en détachons le passage suivant : 

« Pour un passager en plus du pilote, diminution 


de = du temps réel; pour un deuxième passager, 


diminution supplémentaire de = pour un troi- 


60” 
Es 12 ; 43 
sième, =: pour un quatrième, Gi Par exemple, 


un appareil comportant quatre passagers, en plus 
du pilote, aurait son temps diminué de 

10 11 12 13 46 

60 À 66 t T 60 — 60: 

Il semble, en effet, assez juste de faire un cer- 
tain avantage aux appareils capables d'emporter 
des passagers. Mais un rédacteur du de Dion- 
Bouton a eu la curiosité de pousser les choses plus 
loin. Il a supposé un appareil susceptible d'emporter 
cinq passagers, et il a voulu se rendre compte du 
« boni » qu'on lui accorderait. Il a donc écrit: 

10 11 12 13 14 60 
a t taot öt T o 

D'où il résulte que le temps effectif du parcours 

d'un aéroplane emportant cinq passagers sera 


diminué de a de sa valeur, autrement dit qu'il 


sera réduit identiquement à 0. 

Ce résultat est par lui-même un peu ahurissant, 
et, ajoute le de Dion-Bouton, il est peu conforme 
à l’égalité et à la justice; car un appareil effec- 
tuant le concours avec quatre passagers sera, 
quelles que soient ses prouesses, toujours sûrement 
classé après l'hydro-aéroplane à cinq passagers, 
mème si celui-ci marche comme une tortue, puis- 
qu'il est arrivé avant que d’être parli. 

Pour cette fois, il n’y a pas grand mal, car il 
n'y aura pas d'appareil capable d'emporter cinq 
passagers. Mais il semble que le règlement n'ait 
pas été établi avec tout le soin désirable. 


COSMOS 


201 


VARIA 


Le poids de la tour Eiffel. — La tour de 
300 mètres a atteint la vingt-cinquième année de 
son existence. Symbolisant le siècle du fer, elle 
dresse sa légère ossature bien au-dessus de tout 
autre monument et atteste l’économie de maté- 
riaux que réalise aujourd’hui l'art de l'ingénieur. 

Dans la réunion que la Société astronomique de 
France a tenue à la tour à loccasion du solstice 
d'été, M. Ch.-Ed. Guillaume, en contant lhis- 
toire de ce monument, a surpris l'auditoire quand 
il a exposé que si l’on réduisait toutes les dimen- 
sions au millième, c'est-à-dire que si, toutes pro- 
portions gardées, on construisait une tour Eiffel de 
30 centimètres de hauteur, ce modèle réduit ne 
pèserait que 7 grammes, à peu près le poids d'une 
feuille de papier à lettre. 

Nous pouvons rappeler, à litre de comparaison 
suggestive, que la tour en vraie grandeur, lors de 
sa construction, exigea pour la peinture de ses 
425 000 mètres carrés de métal trois couches de 
minium, de peinture et de vernis représentant 
chacune 410000 kilogrammes. 





CORRESPONDANCE 


L’accès des Facultés de médecine. 


Le nouveau décret du 9 juillet 1912 règle l'accès 
dansles Facultés de droit, dessciences et des lettres, 
et il semble que cette nouvelle règle n’intéresse en 
rien le recrutement des futurs médecins. Ceci n'est 
pas lavis de M. le D" Grasset, de Montpellier; il 
estime que ce décret ouvre la porte des Facultés 
de médecine à une série de non bacheliers et con- 
stitue un danger extrêmement grave. 

Nous croyons utile de donner la circulaire qu'il 
a écrite à celte occasion : 

« Le décret du 24 juillet 1899 stipule que, pour 
prendre la première inscription de médecine, il 
faut produire : « soit... , Soit, avec la dispense du 
» baccalauréat, les quatre certificats d'études supé- 
» rieures ci-après désignés, délivrés par une Faculté 
» des sciences: physique, chimie, botanique, zoo- 
» logie ou physiologie générale, ou embryologie 
» générale. » 

» Les conditions d'accès dans les Facuilés des 
sciences sont donc, par cette voie, les cendilions 
d'accès dans les Facultés de mcédevine. 

» Or, voici les titres qui permettent aux Français 
non-bacheliers l'accès des Facultés des sciences : 
a certificat d'aptitude à l'enseignement secondaire 
» des jeunes filles (sciences): certificat d'aptilude 
» au professorat des classes élémentaires de leu- 
» seignement secondaire: certificat d'aptitude au 
» professorat dans les écoles normales et dans les 
» écoles primaires supérieures (sciences); le certi- 
» ficat d'études physiques, chimiques et naturelles, 


202 COSMOS 


» obtenu avec 77 points, et le brevet supérieur de 
» l'enseignement primaire ou le diplome de fin 
» d'études de l'enseignement secondaire des jeunes 
» filles; titre d’ancien élève de l'Ecole polytech- 
» nique, de l'Ecole navale, de l'Ecole de Saint-Cyr, 
» de l'Ecole centrale des aris et manufactures, de 
» l'Ecole des mines de Paris, de l'Ecole des mines 
» de Saint-Etienné, de l'Ecole des ponts et chaus- 
» sées, de l'Ecole supérieure des postes et télé- 
» graphes (2° section), de l’Institut agronomique; 
» grade de contrôleur des mines, grade de conduc- 
» teur des ponts et chaussées. » 

» Il est facile de voir le danger pour les études 
médicales et pour le recrutement de nos fulurs 
médecins, de ces dispositions qui permettent de 
devenir docteur en médecine, non seulement sans 
grec, sans latin et sans philosophie, mais sans 
aucun baccalauréat, avec le certificat d'aptitude 
à l'enseignement secondaire des jeunes filles 
(sciences), le brevet supérieur de l'enseignement 
primaire ou le diplôme de fin d'études de l'ensei- 
gnement secondaire des jeunes filles, le grade de 
controleur des mines où de conducteur des ponts 
el chaussées! 

» Exprimant l'opinion souvent formulée de l'im- 
mense majorité des médecins, la Commission 
supérieure de l’enseignement médical a voté, à 
l'unanimité des membres présents, le vœu qu'on 


22 aoOUT 1912 


exigedt, à l'entrée des études médicales, non un 
baccalauréat quelconque, mais le baccalauréat 
classique, c'est-à-dire série A, B ou Cde la première 
partie et série philosophie de la seconde partie. 

» Ce vœu, réglant la situation des bacheliers, 
n'aurait aucune ulilité, si, en mème temps, les 
non-bacheliers pouvaient envahir les Facultés de 
médecine par la porte des Facultés des sciences, 
largement ouverte par le décret, que je dénonce à 
l'attention de mes confrères, des Sociétés médi- 
cales et de la Presse, médicale et extramédicale. 

» Il me parait nécessaire de faire campagne pour 
que le ministre veuille bien accepter et appliquer, 
non plus seulement le vœu (devenu insuffisant) de 
la Commission supérieure, mais le vœu : 

» Que l'article du décret du 24 juillet 1899, relatif 
aux conditions à remplir pour obtenir le diplòme 
de docteur en médecine, modifié par le décret du 
22 juillet 1902, soit remplacé par celui-ci: 

_« Les aspirants au doctorat en médecine doivent 
» tous produire, pour prendre la première inscrip- 
» tion, le baccalauréat de l'enseignement secondaire 
» institué par le décret du 31 mai 1902 (série A, B 
» ou C de la première parlie et série philosophie 
» de la seconde partie) et le certificat d'études 
» physiques, chimiques et naturelles. » 

» D' GRASSET. » 
» Montpellier, 10 juillet 1912. 


on —_—_ oo —— 


La Voiture chirurgicale automobile Boulant. 


Les voitures de transport du petit matériel chi- 
rurgical actuellement en usage sont totalement 
impropres à rendre les services qu'exigent les 
premiers soins à donner aux blessés, surtout 
lorsque la blessure intéresse la cavité abdominale. 
A la rigueur, on peut admettre que pour la plupart 
des blessures des membres, l'évacuation du malade 
est susceptible d'être opérée sans inconvénient, après 
appareil provisoire; mais pour ce qui concerne les 
blessés des grandes cavités, il y a certitude absolue 
de voir apparaitre l'infection péritonéale qui rendra 
l'intervention chirurgicale tardive, même si elle 
est effectuée dans de bonnes conditions. On court 
presque toujours à un insuccès certain. 

Pour que ces blessés aient des chances de sur- 
vivre, il faudrait donc pouvoir les opérer sur place, 
en disposant d'une salle d'opérations aussi parfaite 
que celles qui existent dans les hôpilaux. La voi- 
ture chirurgicale Boulant, dont l'agencement opé- 
raloire est di au D° Podevin, répond parfaitement 
à cette nécessité. Plactes en réserve en un endroit 
déterminé, ces voitures peuvent, en une heure, 
se transporter sur les points qui leur sont désignés. 
En arrivant, elles sont prètes à fonctionner, met- 
tant à la disposition des opérateurs un organisme 


complet et indépendant : salle d'opérations confor- 
{able et rigoureusement aseplique, instrumenta- 
tion à main et électrique, stérilisation de l'eau, 
des instruments et des pansements, éclairage 
électrique, chauffage, radiologie, stérilisation de 
l'air par l'ozone, etc. Le problème du « secours 
allant au blessé » se trouve ainsi résolu, au moins 
pour ce qui concerne le traitement des blessures 
graves, et rien n'empèche d'appliquer le principe, 
par une simple augmentation du nombre des voi- 
tures, à tous les blessés sans exception. 

Nous allons maintenant décrire celte nouvelle 
voiture. 

Chassis. — Le châssis ne présente aucune parti- 
cularité; il appartient au type commercial con- 
struit par la Société Schneider pour la Compagnie 
des omnibus de Paris. Ses caractéristiques sont les 
suivantes : longueur totale 8 mètres, dont 6 mètres 
sont utilisés pour recevoir la carrosserie; empat- 
tement 4,45 m, largeur de la caisse 2,30 m, poids 
3500 kilogrammes, et avec la carrosserie 5 500 ki- 
logrammes, hauteur de la caisse 3,05 m. Le moleur, 
d’une puissance de 35-45 chevaux, permet d'atteindre 
une vitesse de 30 kilomètres par heure en palier; il 
consomme environ 0,35 litre par cheval-heure. À jou- 


Nc 1439 


tons que ce type de châssis est déjà en service 
dans l’armée comme voiture de transport ou d'ar- 
tillerie, camion blindé, voiture d'ambulance, etc. 

La carrosserie est sensiblement de mêmes 
dimensions que celle des autobus; elle a été étudiée 





VUE EXTÉRIEURE DE LA VOITURE AUTOMOBILE D'AMBULANCES, 


spécialement en vue de l'emploi judicieux des 
appareils pour l’usage desquels elle a été construite. 
Elle comporte trois parties conslituant trois 
chambres séparées par des cloisons; celle du 
milieu est la salle d'opérations. 

L'entrée de la voiture s'effectue 
par l'arrière au moyen d'un mar- 
chepied. La première cabine con- 
stitue une sorte de vestibule com- 
portant les vestiaires, l’un pour 
les habits d'extérieur, l’autre pour 
les blouses, tabliers, etc., et pour 
la lingerie. Le plancher est recou- 
vert d’un tapis brosse : au-dessous 
se trouvent les caisses à linge 
sale. Un réservoir à eau, un filtre, 
complètent l'installation de celte 
sorte d'antichambre. 

La salle d'opérations occupe le 
centre de la voiture; elle mesure 
2,20 m de large et 3,20 m de lon- 
gueur; elle est éclairée par des 
châssis vitrés disposés sur la toiture; 
pendant la nuit, des lampes élec- 
triques suppléent à la lumière du 
jour. Toutes les parois sont en bois 
contreplaqué et laqué sans joint, 
les angles sont arrondis et le sol 
est parfaitement uni peur pouvoir être lavé. 

Les instruments, classés dans des boites métal- 
liques spécialement construites pour diminuer 
l'encombrement, sont tous stérilisés en bloc, avec 
leur boite, dans l’autoclave; normalement, les 


COSMOS 


203 


boites prennent place dans des armoires vitrées 
disséminées aulour de la salle. 

La salle d'opérations constitue l’appareil le plus 
utile; pour celte raison elle a été étudiée spécia- 
lement et combinée de telle sorte qu'en dehors de 
son afectalion spéciale elle est en- 
core ulilisée pour la radiographie. 
Les examens radiologiques rendent 
à la chirurgie des services immenses. 
Généralement, lorsque le temps ne 
presse pas l'opérateur, on prend 
un cliché photographique de la partie 
malade; les corps étrangers appa- 
raissent sur le cliché et le chirur- 
gien peut effectuer l’opération à peu 
près sans hésitation, bien que l’image 
ne révèle nullement la profondeur 
à laquelle se trouve le corps étran- 
ger. Il est vrai que l’on peut prendre 
plusieurs vues sous des angles dif- 
férents, mais ces opérations sont 
toujours longues, et dans la majeure 
partie des cas, l'examen radiologique 
est préférable, comme lorsqu'il s’agit 
de | rechercher un projectile. En 
tempside guerre, en effet, il est nécessaire de repérer 
instantanément la position du projectile, afin de 
l'extraire aussitôt ; l'opération doit être faite pour 
ainsi dire en même temps que l'examen. 

La table Boulant a été construite dans ce but; 





UN COIN DE LA SALLE D OPÉRATIONS. 


elle est combinée pour les opérations et pour la 
radiologie. Elle peut prendre toutes les positions 
et se laisse traverser par les rayons X. Sous la 
table se trouve une glissière longitudinale qui la 
suit dans toutes ses positions. Cette glissière porte 


le support de l'ampoule Röntgen qui se déplace 
dans le sens de la longueur, latéralement, et 
prend également une position perpendiculaire au 
plan de la table. Ce dernier mouvement est le 
plus utile parce qu'il permet de déterminer la 
profondeur à laquelle se trouve le projectile. Dans 
ce dernier but, la table est accompagnée d'un 
écran spécial] surmonté d’un capuchon qui recouvre 
la tète du chirurgien; ce dernier peut donc faire 
de la radioscopie dans une pièce largement éclairée. 
L'écran est divisé par un quadrillage en carrés de 
un centimètre de còté; au centre, il est percé d'un 
trou occupé par un porte-mine mobile. Il suffit 
donc de faire coincider ce porte-mine avec l'ombre 
du projectile et d’appuyer légèrement la mine 
pour repérer cette ombre sur l’épiderme du blessé. 
Ce dispositif employé en médecine permet de 


L 


VISITE D'UN BLESSÉ AUX RAYONS X. 


calquer, en déplaçant l’écran, la position ou le 
contour des organes que l’on désire étudier. 

En chirurgie, l'aide déplace l'ampoule en la 
rapprochant de la table afin de produire un dépla- 
cement de l'ombre; l'ampoule est encore déplacée 
dans le sens vertical jusqu'à ce que l'ombre occupe 
toujours la même position sur l'écran. On obtient 
ainsi le point précis, marqué sur l’épiderme, de 
la verticale par laquelle passe le projectile. Il 
reste à déterminer la profondeur. Pour cela, on 


déplace Pampoule sur la réglette jusqu’à ce que 
son support alleigne une butée : ce déplacement 
a donc toujours la même valeur. L'ombre se dé- 
place également sur l'écran d’une quantité indiquée 
par le quadrillage gradué, Connaissant alors la 


hauteur à laquelle se trouve l'écran, il suffit de se 
reporter à un barème établi à cet effet, pour lire 
directement la profondeur cherchée. 


COSMOS 





29 aoUT 1912 


Avec cette table, on évite donc une double mani- 
pulation du blessé; le chirurgien peut opérer dès 
qu’ila quitté son capuchon, sans perte de temps, 
et avant que le projectile ait pu se déplacer. En cas 
de besoin, il peut encore revoir le corps étranger 
pendant l'opération. 

La bobine de radiologie est encore utilisée pour 
la stérilisation de la salle par production d'ozone; 
elle fournit une étincelle de 30 centimètres don- 
nant naissance à une forte quantité d'ozone. Les 
chirurgiens ont encore à leur disposition deux robi- 
nets, dont l’un donne de l'eau stérilisée par les 
rayons ultra-violets, et l’autre de l’eau chaude ou 
froide stlérilisée par un autoclave situé dans la 
cabine avant de la voiture. 

Un petit moteur électrique est dissimulé dans 
un coin de la salle; il actionne une petite pompe 
permettant de puiser l’eau pour les 
besoins de la voiture; cette pompe 
est pourvue d'un tuyau de caout- 
chouc, roulé dans un coffre fixé sur 
le châssis, que l'on déroule pour 
aspirer leau d'un puits ou d'une 
rivière; on remplit ainsi le réservoir 
après avoir filtré cette eau. Enfin, 
l'éclairage est assuré par des lampes 
à incandescence alimentées, ainsi 
que les phares et projecteurs, par 
une batterie d’accumulateurs de 
16 volts chargée automatiquement 
par une dynamo. Quant au chauf- 
l'age, il est simplement réalisé à l’aide 
d'un radiateur parcouru par les gaz 
d'échappement du moteur. 


La cabine avant, qui communique 
avec la salle d'opérations et avec 
le dehors, a reçu l’appareil de 
stérilisation de l’eau par les rayons 
ultra-violets, qui peut débiter 
600 litres par heure. Comme les 
besoins n'atteignent jamais cette quantité, l'eau 
s'écoule par un tuyau à l'extérieur, el les hommes 
peuvent venir s'approvisionner. Non utilisée pour 
son affectation spéciale, la voiture Boulant pourrait 
donc assurer le ravitaillement en eau potable 
d'une armée entière et en très peu de temps. Sous 
le plancher de la cabine avant est encore installée 
une dynamo actionnée par le moteur pendant les 
arrêts de la voiture. Le courant fourni ainsi que 
celui de la dynamo d'éclairage sont centralisés 
sur un tableau de distribution placé dans la cabine 
avant, et qui comporte les interrupteurs et appa- 
reils de mesure nécessaires. 

Dans cette même cabine, se trouve encore l'in- 
stallation de stérilisation par la chaleur, compre- 
nant un autoclave à vapeur pour stériliser les in- 
struments, les pansements et l’eau. Cet autoclave 
est chauffé à l'alcool, et l’eau est refoulée dans un 


\° 1439 


réservoir cylindrique placé au-dessus, pourvu d'un 
brûleur à alcool permettant de maintenir cette 
eau à une température déterminée. 

L'installation générale de la voiture est com- 
plétée par deux tentes fixées sur les côtés et que 
l'on ouvre très rapidement en arrivant à destina- 
tion; les blessés trouvent donc là un abri permet- 
tant d'attendre leur passage dans la salle d'opéra- 
tions et mème de recevoir les premiers soins. 

En réalité, cette voiture est plus qu’une salle 
d'opérations, c’est un petit hôpital ambulant dans 
lequel les blessés, quelle que soit la gravité de leur 
cas, trouveront immédiatement les secours que 
réclame leur état. Nous ne pouvons que désirer en 


COSMOS 


205 


voir augmenter le nombre, puisque des soinsqu’elle 7 
permet de donner dépend le sort de nos soldats 
tombés sur le champ de bataille. À un autre point 
de vue, il serait désirable que les municipalités 
importantes la considèrent comme un accessoire 
indispensable du matériel communal pour venir 
en aide le plus vite et le plus efficacement pos- 
sible aux blessés de la route, aux victimes des 
accidents de tous genres, qui, par la locomotion 
automobile, sont de plus en plus nombreux. C'est 
bien le moins que l'automobile humanitaire vienne 
au secours des victimes de la « furie » automobile. 


LUCIEN FOURNIER. 





Procédés modernes de métallurgie du fer. 


I. Du minerai jusqu’au métal. 


« Fonte », « fer », « acier »: termes désuets qui 
correspondent maintenant mal aux réalités du 
moment. On pouvait baptiser ainsiautrefois lesrares 
produits de l'industrie sidérurgique du temps, pro- 
duits différant nettement les uns des autres et par 
leurs propriétés et par leur mode de préparation. 
Mais. aujourd'hui, il existe dans le commerce une 
infinité de produits connus sous des noms iinpropres 
divers avec des séries très doucement graduées de 
substances intermédiaires. À vraidire,iln’y a plus de 
fer ni d'acier au sens étroit attaché primitivement à 
ces mots; il est plus rationnel de ne parler que de fer, 
qui, plus ou moins carburé et associé à des petites 
proporlions de quelques autres éléments, constitue 
la gamme infiniment riche des métaux de toutes 
sortes, présentant, de la fonte « malléable » aux 
aciers « rapides », la réunion des plus diverses, des 
pius étonnantes et des plus précieuses propriétés. 

Quelles sont ces propriétés et à quelles contin- 
gences de structure intime elles correspondent? 
voilà qui fut plusieurs fois examiné ici (1). On con- 
nait généralement moins les méthodes modernes 
de préparation des divers aspects industriels du 
fer, ou, du moins, on en connait mal l’état actuel 
et l'importance comparative : c'est ainsi que les 
jeunes lycéens perdent encore leur temps à étu- 
dier nous ne savons quelles méthodes « catalanes » 
trop rustiques, que les métallurgistes noirs du 
Centre africain abandonnèrent eux-mêmes depuis 
longtemps. Or, il importe de connaitre les procédés 
modernes de préparation du fer, si incomparable- 
ment le roi des métaux, tant par ses remarquables 
propriétés que parce qu'on en utilise annuellement 
dans le monde plus đe 60 milliards de kilogrammes 
valant plus d’un milliard de francs. 


(1) C£ J. Boyer, Cosmos du 26 sept. 1908, p. 347, et 
H. Rocsser, Cosmos du 12 fév. 1910, p. 174. 


Les minerais de fer employés industriellement 
sont surtout les oxydes divers et parfois le carbo- 
nate, le sulfure. Ce dernier, d'ailleurs, n’est em- 
plové qu'à l’état d'oxyde, après avoir servi aux 
fabricants d'acide sulfurique qui le grillent pour 
en retirer le soufre : on agglomère la poudre ainsi 
obtenue avec de la chaux pour l’emploi dans le 
haut fourneau. 

Dressant sa masse épaisse flanquée des colonnes 
parallèles et métalliques de récupérateurs (fig. 1), 
le haut fourneau est à la base de toute la métal- 
lurgie du fer, qui transforme les minerais divers 
en fontes ensuite ou non travaillées pour donner 
le fer et l’acier. Tandis que la rustique forge cata- 
lane des métallurgistes primilifs donnait 200 kilo- 
grammes de métal par vingt-quatre heures, le haut 
fourneau imaginé au xvin? siècle et produisant par 
jour quelque 3000 kilogrammes donne maintenant 
couramment 250 tonnes {il en est mème de 900 tonnes 
en Amérique!) On emploie aujourd'hui des hauts 
fourneaux de grande capacité (fig. 2), véritables 
monstres entourés d'installations énormes, sur- 
montés des ossatures de transporleurs mécaniques 
déversant dans le gueulard les mélanges savamment 
dosés de minerai, de coke, de fondant. (A noter 
qu'il reste cependant en Francetroishauts fourneaux 
marchant au bois et en Suède une grande quantité : 
ils donnent des produits plus coûteux, mais plus 
purs.) Les charges descendent peu à peu en 
s’'échauffant, le carbone brülant sous l'action de 
l'air injecté dans le bas en quantité, avec force (1): 
ce charbon, toutefois, n’a pas encore suffisamment 


(i) On fait, en Belgique, des essais pour substituer 
à Pair de l'oxygène produit à très bon compte par dis- 
tillation fractionnée d'air liquide: plus de chaleur 
ainsi dépensée à échautfer inutilement l'azote de l'air. 
C'est sans doute là le procédé de l'avenir: jusqu'à 
présent, cependant, on en est encore à la phase 
d'expérimentation. 


206 


“d'air pour brûler tout à fait et prend l'oxygène du 
minerai. Le métal fond, la silice, la chaux de la 
gangue et du fondant forment aussi des composés 
fusibles, et le tout s’amasse au bas de la tour d'où, 
périodiquement, on fait sortir le liquide incandes- 
cent qui serpente dans des rigoles de sable où il 
vient se figer en « gueuses » allongées. 

Les scories, elles, non mélangées à la fonte, 
forment, en se solidifiant, le laitier employé au 
ballastage des voies ferrées. L'air carburé qui 
s'échappe vers le gueulard, conduit en d'énormes 
tuyaux métalliques, est épuré par passage en des 
séries de canaux reposant sur une bâche pleine 
d'eau, où se déposent les poussières entrainées. 





F1G.1.— UNE INSTALLATION MODERNE DE HAUTS FOURNEAUX 
(ACIÉRIES DE TRITH-V ALENCIENNES). 


Une partie est conduite dans des moteurs à gaz, 
où l'oxyde de carbone, se combinant à l'air avec 
explosion, engendre l'énergie qui meut les puis- 
santes machines soufflantes pour l'injection de l'air 
comburant; une autre partie s’en va brûler après 
addition d'air dans les faisceaux tubulaires des 
récupérateurs Cowper, maintenant toujours pré- 
férés aux Whitwell que s'obstinent à décrire les 
auteurs des petits manuels de chimie. 

Le Cowper est une haute tour, plus haute que le 
haut fourneau lui-même, se composant d'un empi- 
lage de briques réfractaires, percé d'une quantité 
de petits canaux (fig. 3): les gaz chauds y circulant 
portent la température de la masse jusque vers un 
millier de degrés. Le chauffage terminé, on dirige 


COS 10S 


22 aour 19:92 


les gaz vers le récupérateur d'à côlé, et c’est l'air 
destiné à l'injeclion qui passe dès lois dans l’em- 
pilage : il s'y échauffe et reporte dans le foyer une 
parlie des calories qui, sans cela, eussent été 
perdues. I] y a d'ordinaire près de chaque haut 
fourneau trois récupérateurs fonctionnant alterna- 
tivement pour emmagasiner, puis rendre la cha- 
leur (fig. 4). | 

La marche du haut fourneau, son « allure » est 
soigneusement réglée, par un contremaitre capable, 
selon la nature du minerai et la qualité des fontes 
à obtenir. En faisant varier les charges, le choix 
du fondant qui est le plus souvent du calcaire, 
mais parfois aussi une pierre siliceuse, en réglant 
l'injection du « vent », la fréquence des coulées, il 
peut varier l'allure de bien des façons. Pratique- 
ment, on peut marcher en allure pour fonte froide, 
donnant des produits peu épurés, en allure chaude 
pour fonte mi-fine, etc. 

Une bonne marche doit donner des scories bien 
fusibles, une fonte bien épurée, débarrassée du 
soufre qui rend le fer cassant, un gaz brülant aux 
récupérateurs avec une flamme violacée et non 
bleuâtre, ce qui indiquerait un excès de carbone. 
On ne doit jamais obtenir de collage, accident 
parfois très grave produit par la formation de 
« ponts » empêchant la circulation des charges: le 
haut fourneau immobilisé doit ètre arrêté. Une fois 
mis en route, l’appareil, en effet, marche nuit et 
jour, fêtes et dimanches, sans repos ni trêve, pen- 
dant une dizaine d’années, jusqu'à ce qu'il soit 
indispensable de refaire sa chemise intérieure en 
maçonnerie réfractaire. 

Répétons-le : la conduite d’un haut fourneau est 
très délicate. Les réactions qui se passent dans la 
masse incandescente et qu'on a pu étudier en ana- 
lysant les matières, les gaz prélevés à tous les 
étages, varient selon les zones considérées, selon 
les divers réglages de la marche, selon Ja nature 
des matières premières. Aussi n'est-ce pas trop de 
la collaboration d’un contremaitre praticien et du 
chimiste qui analyse la fonte, le laitier, le mi- 
nerai pour régler convenablement l'allure. On par- 
vient ainsi à déterminer les habitudes, les besoins, 
les caprices de chaque haut fourneau, qui a sa vie, 
ses exigences, son appétit propre. Là où on fait des 
fontes pour l'acier Martin, il faudra obtenir des 
produits contenant bien moins de phosphore et de 
soufre que si on fabrique des fontes pour moulage : 
en conséquence, il faudra employer des minerais 
contenant du manganèse (1), il faudra rejeter de 


(1) A propos de manganèse, un mot des « ferros » 
ou fontes spéciales à fortes teneurs en nickel, manga- 
nèse, silicium et autres métaux plus ou moins rares 
servant à fabriquer les aciers spéciaux. On prépare 
ces produits, assez chers en général, au four électrique; 
lequel four commence même à concurrencer le haut 
fourneau pour préparer directement des aciers avec 


N° 1:39 


J'alimentation les pyrites grillées qui reliennent 
toujours un peu de sulfure. 

Tout haut fourneau nécessite, on le conçoit, avec 
les bâtiments accessoires pour emmagasiner le mi- 
nerai, le fondant, la houille, pour manipuler com- 
modément les masses énormes que dévore jour- 
nellement le haut fourneau, pour analyser les pro- 
duits divers... des installations considérables. Et 
comme, bien souvent, les appareils sont groupés 
et situés près des aleliers d’une aciérie, ils 
sont le centre d'usines énormes : la petite indus- 
trie n'existe plus guère en métallurgie moderne 
du fer. Telle récente installation, comme, par 
exemple, les nouvelles usines de la Société des 





F1G. 2. — COUPE D'UN HAUT FOURNEAU. 


forges du Nord et de l'Est, près Valenciennes, qui 
comporte trois hauts fourneaux et récupérateurs 
(coût, 30 à 40 millions de francs !), reçoit chaque jour 
un train complet de minerai (plus de 50 000 tonnes), 
apporté de la mine possédée par la firme dans 
l'Est sur wagons particuliers à vidange mécanique, 
occupe, malgré la perfection de la machinerie, plus 
d’une centaine d'ouvriers. 

Actuellement, et depuis plusieurs années, l'indus- 
trie du fer est partout très prospère, ce qui tient pour 


le minerai. Jusqu'à présent, la cherté de l'énergie 
électrique n’a guère permis à la nouvelle technique 
de prendre encore beaucoup d'extension; mais il 
s'agit là encore d'une méthode appelée, sans doute, à 
un futur grand développement. 


COSMOS 


207 


beaucoup au développement économique de pays 
neufs, comme le Brésil, la Chine, qui achètent en 
Europe leurs fers de construction, leurs rails, leurs 
machines de toutes sortes. Aussi construit-on un peu 
partoutde nouveaux hauts fourneaux. En général, les 
usines métallurgiques sont cependant situées à 
proximité, soit de la houillère (Denain, Anzin,Valen- 
ciennes, Isbergues...), soit de la mine de fer (Miche- 
ville, Homécourt, Jarville...), soit des ports, où 
arrivent les matières premières (Trignac, Saint- 
Nazaire, Bordeaux..….). Les grandes usines francaises 





F1G. 3. — COUPES D'UN RÉCUPÉRATEUR COWPER. 


sont alliées en Syndicat puissant fixant les prix de 
vente et les contingents à fournir par chaque 
usine; il existe de pareilles ententes internatio- 
nales entre métallurgistes des divers grands pays 
producteurs; il existe même des engagements 
passés à long lerme entre les Sociétés francaises 
de hauts fourneaux et les Sariétés houillères, pour 
fixer plusieurs années à l'avance et selon le cours 
des fontes le prix du coke métallurgique. On a 
fort médit de ces trusts aux allures occultes ; nous 
n'avons, en France, nullement à nous en plaindre, 
les prix n'ayant pas ‘été exagérés, Au contraire, 
techniciens et ouvriers ne sauraient qu'élre avan- 
tagés par suite de la prospérité raisonnable de 
l'industriel. H. Rouserr. 


208 COSMOS 


22 aour 1912 


Conservation des œufs par le froid et les gaz inertes. 


L'eau de chaur est cerlainement lingrédient le 
plus employé pour conserver les œufs. Mais il 
était naturel de penser que l'on essaierait de 
mettre à contribution le froid pour garder l'aliment 
en question, dont le prix est presque inabordable 
pour les petites bourses pendant les périodes où 
les poules pondent peu. 

M. le D" Bordas, membre du Conseil d'hygiène 
publique de France, constale que le procédé en 
question se répand de plus en plus en France, el 
{out fait prévoir qu'il remplacera un jour tous les 
agents et modes de conservation, plus particuliè- 
rement l’eau de chaux. De toute facon, cependant, 
l'œuf ayant subi longtemps l’action des basses tem- 
pératures doit être considéré comme œuf de con- 
serve, quoique de qualité bien supérieure à l’œuf 
conservé par l'eau de chaux. 

Le froid au bout de cinq à sept mois n'’altère 
pas sensiblement l'aspect ni l'odeur de l'œuf, alors 
qu'au bout d'un laps de temps bien moindre l’eau 
de chaux rend l’albumine jaunâtre, aqueuse el 
communique à l'œuf l'odeur caractéristique de la 
chaux. L'œ1f conservé par le froid peut ètre 
mangé à la coque au bout de trois à quatre mois, 
ce que l'on ne pourrait faire avec l'œuf sortant 
de l'eau de chaux. Mais à partir du quatrième mois 
l'évaporation agrandit la chambre à air. Dès lors, 
son utilisation est plus indiquée pour d'autres usages 
culinaires et pour la pâtisserie. 

Il est désirable au point de vue hygiénique que 
les œufs employés pour la patisserie soient ainsi 
conservés, ce qui permettrait d'écarter les Jaunes 
d'origine exotique. 

L'industrie du froid artificiel soutenue par Îles 
associations syndicales a développé d'une facon 
extraordinaire le commerce des œufs. Ainsi la 
Russie exporte plus de 2 830 millions d'œufs d'une 
valeur de 161 488000 francs. Aux États-Unis on 
entrepose pour plus de 105 millions de francs 
d'ieufs et on en exporte 8 600 000 francs. Au Dane- 
mark le chiffre d'exportation atteint annuellement 
178 millions de francs. A ce que l’on dit, il y aurait 
à Constantinople un entrepot frigoritique où l'on 
emmagasine plus de 75 millions de caisses d'ufs, 
chaque caisse contenant 100 œufs. 

Malgré tout, des progrès restent encorc à réaliser 
dans cette voie pour favoriser au maximum la 
fabrication des biscuils, des pâles alimentaires, de 
la pâtisserie, etc. Les entrepüts frigorifiques sonl 
encore très peu nombreux, et, d'ailleurs, le pro- 
cédé ne pourra ètre mis à la disposition de tout le 
monde. 

D'aucuns prétendent que l'application pure et 
simple du froid n'est pas parfaite, car une basse 
température, si celle s'oppose à un certain degré au 


-. — 


développement des germes nuisibles, n'empêche 
pas les phénomènes d’oxydation de se produire 
dans l'intérieur de la coquille, pas plus qu'elle 
n'empêche intégralement l'évaporation. 

M. Fernand Lescardé a donné un mode opéra- 
toire qu'il aurait d'ailleurs fait appliquer notam- 
ment à l'usine de Coindres, à Chåtellerault et au 
frigorifère de Courtrai en Belgique. 

Les œufs conservés par cette méthode, dit l’au- 
teur, peuvent atteindre sur Îles marchés des prix 
très élevés, car ils peuvent être mangés à la coque. 
Leur chambre est très petite, el au mirage rien ne 
les différencie des œufs fraichement pondus. Les 
frais de traitement sont de 2 francs par mille, plus 
0,65 fr pour la même quantilé et par mois de 
séjour au frigorifique. Pour une conservation de 
neuf mois le benéfice réalisé peut être évalué à 
34,15 fr par mille, cela pour des œufs payés 68 francs 
par mille. 

La méthode consiste à tenir l'œuf dans une 
atmosphère inerte de gaz carbonique et d'azote. 
La voici dans ses grandes lignes, les précautions 
d'usage de triage et autres étant les mêmes que 
pour les procédés connus de conservation. Les 
œufs sont mis dans des caisses en fer-blanc de 
40 kilogrammes en contenant 500. Ces caisses sont 
ensuite entourées de deux chapes en bois à claire- 
voie, l'une, extérieure, qui permet l’arrimage dans 
les chambres froides, l'autre, intérieure, qui facilite 
la circulation de l’atmosphère gazeuse autour des 
œufs. On met à l'intérieur un peu de chlorure de 
calcium anhydre qui absorbe l'humidité, puis on 
soude le couvercle en laissant un petit trou de 
> millimètres. Les caisses sont alors introduites 
dans un autoclave horizontal dans lequel on fait le 
vide. On enlève ainsi l’air qui entoure les œufs et 
les gaz en dissolution dans l’albumine. On intro- 
duit ensuite du gaz carbonique préalablement 
réchauffé. On opère ainsi lentement pour per- 
mettre au gaz de pénétrer dans l'œuf, jusqu'à ce 
que le manomètre reste stationnaire. On évite 
l'excès de pression qui pourrait nuire à la qualité 
de l'aliment. Avec une pompe à vide on enlève une 
certaine quantité de gaz carbonique que lon rem- 
place par de l’azote comprimé. On sort alors les 
caisses de l’autoclave, on met un grain de soudure 
sur l'ouverture du couvercle, et on entrepose en 
chambre froide à + 2°. On n'a plus, ici, à se préoc- 
cuper de la ventilation des locaux ni du degré 
hygrométrique de l'air. 

Les avantages de ce système, dit l’auteur, sont 
les suivants: il n'y a plus d’évaporation à la sur- 
face des œufs; pas de phénomène d’oxydation, par 
conséquent, les œufs n’ont pas le goùt de vieux; 
on peut les manger à la coque, même après dix 


N° 1439 


mois, et l’albumine conserve la belle couleur blan- 
chatre qu'elle a dans les œufs fraichement pondus. 
Les œufs peuvent attendre un certain temps à leur 
sortie des chambres froides avant d’être livrés à la 
consommation. l! nen est pas de mème des œufs 
conservés par le froid seul. Les bacilles, bactéries 
et moisissures sont anéantis par la basse tempé- 
rature et le milieu gazeux antiseptique, done pas 
d'œufs moisis ni pourris, pas de déchet. Le prix de 


COSMOS 


209 


revient n’est pas très supérieur à celui de la con- 
servation par le froid seul. La caisse en fer-blanc 
contenant 500 œufs coûte 8 francs. Le logement 
de 1000 œufs revient donc à 16 francs. Ces caisses 
peuvent durer dix ans. 

Nous avons dit que, tous frais compris, la dépense 
supplémentaire se monte à 2 francs par mille œufs. 


SANTOLYNE. 





Les appareils de culture à vapeur. 


Les applications du machinisme à l’agriculture 
peuvent ètre classées en deux catégories bien dis- 
linctes : 

D'une part, les machines destinées à l'exécution 
des travaux agricoles proprement dits, la prépara- 
tion du sol et la distribution de l’engrais, l’ense- 
mencement et la plantation, la moisson et la re- 
colte; : 

D'autre part, les machines pour l'exécution des 
opérations ayant pour but de tirer parti des pro- 
duits de l’agriculture, pour les transformer en pro- 
duits commerciaux; le battage, la mouture, le net- 
toyage, ainsi que les machines servant à l’exécution 
des travaux de la ferme, la traite, la préparation 
des aliments, la préparation du lait et la fabrica- 
tion du beurre, etc. 

Nous mettrons à part les appareils de manuten- 
tion, qui constituent des applications d'un autre 
ordre. 

Dans la première catégorie ci-dessus se rangent 
les machines fonctionnant en plein air et ayant à 
desservir des étendues de terrain plus ou moins 
considérables, des machines qui doivent autant 
que possible être à mème d'assurer leur propre 
propulsion. 

On peut remarquer que le travail de la plupart 
d'entre elles ne s’effectue pas sur place, et que s'il 
demande une certaine puissance mécanique, celte 
puissance est précisément absorbée par les mou- 
vements de translation. 

C'est parce que la charrue ne retourne pas con- 
stamment la terre au même endroit, c’est parce 
que la machine à distribuer les engrais se déplace 
dans toute l’étendue du terrain à amender, c'est 
varce que les moissonneuses ont à aller d'un bout 
à l'autre du champ, etc., qu'il faut fournir à cha- 
cune de ces machines une puissance relativement 
considérable. 

C'est, en outre, des déplacements que ces ma- 
chines doivent effectuer que résultent les difficultés 
que l'on éprouve à réaliser des appareils répondant 
parfaitement aux exigences de la pratique, difi- 
cultés d'autant plus grandes, on le conçoit facile- 
ment, qu'en agriculture les conditions d’exploita- 


lion sont ordinairement très défavorables sous le 
rapport pécuniaire. E 

Dun autre còté, à la similitude qui existe ainsi 
entre leur mode d'action, les machines agricoles 
de la première catégorie, les seules dont nous 
nous occuperons ici, doivent l’un des facteurs les 
plus importants de leur succès. 

Supposons, en effet, que l'on ait réalisé un sys- 
tème de propulsion convenable. un système de 
lrarteur, de propulseur ou de tirage approprié, 
pour l’une quelconque des machines envisagées; 
ce même système conviendra pour les autres, toute 
question de puissance à part. 

Comme nous venons de le voir, au point de vue 
mécanique, le travail à exécuter ne représente 
lui-même qu'une parlie accessoire de la tache 
imposée à la machine, et ce travail peut être aisé- 
ment emprunté, sous quelque forme qu'il soit 
effectué, au système de translation. 

En d'autres termes, l'application du machinisme 
aux travaux dont il s'agit n'est qu'une amélioration 
de la traction animale: admettons que lon ait 
installé un système capable d'assurer la translation 
dela charrue: on pourra facilement l'employer pour 
le deplacement des semoirs, des planteuses, etc., 
el le problème posé sera complètement résolu. 

Les solutions possibles se divisent en trois caté- 
garies, selon que l'on adopte l'un ou l'autre des 
trois procédés déjà mentionnés plus haut : propul- 
sion, traction ou tirage. 

Le premier procédé consiste à pourvoir la ma- 
chine à actionner d’un engin de propulsion qui la 
rende automobile; le second emploie une marhine 
locomotrice remorqnant jla machine agricole; le 
troisième produit le déplacement de celle-ci en la 
tirant alternativement dun coté et die l'autre. 

Lon a fait des essais: nombreux des deux pre- 
miers procédés en ‘recourant aux appareils pro- 
pulseurs les plus perfectionnés. Mentionnons 
notamment, pour rappel, les expériences effectuées 
par la Perdue University au moyen d'une charrue 
à cinquante socs tirée par trois tracteurs. (est 
néanmoins le troisième système qui a ‘lonné jus- 
qu'ici les meilleurs résullats el qti cst le plus 


210 COSMOS 


répandu; les deux autres souffrent de l'infériorité 
où les met la nature des terrains de culture, géné- 
ralement peu propre au fonctionnement d’appareils 
automobiles, et qui se fait sentir désavantageuse- 
ment, quelque remarquable que soit en lui-même 
l'appareil de propulsion ou de traction. 

Le troisième procédé a surtout été réalisé jus- 
qu'ici au moyen de la vapeur. Dès le commence- 
ment du siècle dernier, on avait songé à tirer 
parti de la machine à vapeur pour l’actionnement 
des appareils agricoles, et surtout on en avait 
étudié pratiquement les applications. C'est en 
Angleterre, pays des grands domaines terriens, 
que cette question avait été approfondie, comme 


22 aAOUT 1912 


celle des machines agricoles d’ailleurs, et c’est à 
un Anglais, M. John Fowler, que revint d'inventer, 
en 1850, et d'introduire dans la pratique des 
machines qui rendirent la culture à la vapeur 
réellement pratique et économique; ces machines 
n'ont cessé d’être utilisées depuis; elles étaient si 
bien conçues qu'en dehors des modifications d’un 
caractère général résultant de l’amélioration de 
l’outillage mécanique, elles n'ont pour ainsi dire 
point été transformées dans leurs principes. 

Elles sont trop bien connues, depuis soixante 
ans qu'elles sont en usage, pour que nous nous 
supposions autorisés à en reprendre la description; 
si nous y sommes revenus, ce n'est au surplus que 





APPLICATION DU LABOURAGE A DEUX MACHINES AVEC UNE CHARRUE A 10 SOCS. 


pour faire ressortir la différence caractéristique 
qui existe entre les machines anciennes et d'autres 
systèmes plus récemment apparus. 

Le labourage à la vapeur s'applique suivant deux 
systèmes : 

1° Le système à deux machines; 

2° Le système à une machine. 

Dans le système à deux machines, les machines 
aratoires sont tirées à travers le champ au moyen 
de machines appropriées, munies d’un treuil action- 
nant des câbles spécialement fabriqués, chaque 
machine tirant alternativement. 

Dans le second système, il n’y a qu’une machine, 
à l’un des bouts du champ; si l’on veut travailler 
dans les deux sens, la machine doit ètre munie de 
deux treuils superposés et de deux longueurs de 


câble allant se rattacher à l’autre bout à une ancre 
automatique de fabrication spéciale, qui remplace 
la deuxième machine du premier système; l’un 
des câbles tire l'instrument vers la machine, l’autre 
vers l'ancre; si l’on se contente de travailler dans 
un sens, au lieu d’ancre on emploie une poulie de 
renvoi que l'on déplace au fur et à mesure des 
besoins le long d’une chaine ancrée en terre à 
l'autre bout et faisant face à la machine. 

Dans les trois cas, la machine est automotrice 
et se déplace d’elle-même au bout ou sur le côté 
du champ; elle peut effectuer des déplacements à 
grande distance en transportant tous les appareils 
nécessaires. 

La distance entre les deux machines ou entre la 
machine et l’ancre doit être aussi grande que pos- 


N° 1439 


sible, de manière à réduire au minimum les ma- 
næuvres nécessaires; avec le système à deux 
machines, on peut placer les appareils à 500, 600 
et même 700 mètres de distance. 

Dans le système à une seule machine, la dis- 
tance est nécessairement un peu moindre. L’ancre 
utilisée éventuellement dans ce système se meut 
le long de la fourrière par le tirage direct du 
càble; elle est munie de crocs qui l'empèêchent de 
faire aucun mouvement en avant, jusqu’à ce qu'ils 
soient relevés par le câble; le mouvement s'effectue 
automatiquement au moment où la chaine arrive 
près de l’ancre, laquelle se déplace jusqu'à ce que 
la machine soit arrêtée. 


RS 


COSMOS 


211 


Dans certains pays, aux Antilles notamment, les 
canaux de drainage et d'irrigation sont employés 
pour la circulation du matériel de culture à la 
vapeur, et les machines sont fixées dans des pon- 
tons spéciaux. 

L'installation molrice actuelle est formée d’une 
machine compound à deux cylindres placés côte 
à côte et entièrement entourés d'une chemise de 
vapeur qui peut à volonté envelopper ou non les 
boites des tiroirs. 

Au début, les constructeurs employaient des 
machines à double cylindre; comme la course du 
piston est nécessairement courte et comme la pres- 
sion de vapeur doit être élevée, ce type ne travail- 





APPAREIL DE CULTURE A VAPEUR FOWLER, SUR UN PONTON, EMPLOYÉ AUX ANTILLES, 


lait pas économiquement, et il fut reconnu préfé- 
rable de le remplacer par une machine à un 
cylindre; plus tard encore, vers 1880, ce dernier 
système lui-même a été remplacé par la disposition 
qui est aujourd'hui en usage ; celle-ci a un rende- 
ment nettement supérieur et elle est d'une mise 
en marche facile. 

Le foyer est ordinairement alimenté au char- 
bon; on peut toutefois y adapter des appareils spé- 
ciaux pour chauffer au pétrole (pétrole brut, pétrole 
rafliné, résidu de naphte, huile verte, créo- 
sote, elc.), au bois, à la paille, etc. 

La charrue peut être d’un type quelconque, et 
choisie uniquement en tenant compte du travail 
à effectuer; elle peut d’ailleurs être remplacée, en 
vue de l'exécution d'opérations autres que le 


labour, par un arrache-pierre, un extirpateur, un 
scarificateur, une déchaumeuse, un cultivateur, 
une billonneuse, une herse, un rouleau, une char- 
rue-pelle, une draineuse, une niveleuse, une arra- 
cheuse de betteraves, etc. g 

Nous étudierons dans un prochain travail, spé- 
cialement consacré à cette question, les consé- 
quences économiques de l'application du machi- 
nisme en agriculture et nous verrons, à cette occa- 
sion, quels sont tous les avantages des procédés 
de cullure mécaniques. 

Qu'il nous soit permis cependant de rappeler 
dès à présent les principales qualités techniques 
du travail mécanique, en ce qui concerne particu- 
lièrement le labourage à vapeur. 

En premier lieu, le travail mécanique permet 


212 


d'exécuter des labours beaucoup plus eflicaces que 


le labourage animal; avec des appareils trainés 


par des animaux, on ne peut faire que des labours 
peu profonds; avec des machines tirées par un 
câble, le travail se fait pratiquement à telle pro- 
fondeur que l'on veut. 

Les terres travaillées à la machine et profondé- 
ment remuées sont beaucoup plus productives: 
elles sont soustraites dans une large mesure aux 
effets désastreux que peuvent avoir pour les autres 
les grandes sécheresses ou les grandes pluies. 

Il arrive souvent, dans les terres labourées 
depuis longtemps avec des animaux, qu'il se forme, 
à quelques centimètres de profondeur, par suite 
du piétinement des bêtes, au-dessous de la terre 
meuble, une couche dure qui empèche les racines 
de pénétrer dans le sous-sol, et fait aussi obstacle 
à l'infiltration rapide des pluies, et lorsque le 
mauvais temps se prolonge, le sol devient si 
humide que les racines pourrissent et sont dé- 
truites. Au contraire, si la couche meuble est pro- 
fonde, en temps de pluie l’eau pénètre jusqu'aux 
couches inférieures sans gèner la croissance de la 
récolte, tandis qu'en temps de sécheresse le sol 
profondément remué forme un réservoir naturel 
et conserve l'eau emmagasinée comme dans une 
éponge. 

Ces remarques sont particulièrement importantes 
pour les pays où les condilions climatiques ne 





COSMOS 


22 aouT 1912 


comportent pas les variations fréquentes auxquelles 
nous sommes accoutumés dans les régions tempé- 
rées; lon cite le cas de cultures dans l'Afrique du 
Sud, qui ne fournissaient absolument rien lorsque 
les terres étaient labourées par des bœufs, mais 
qui ont donné une bonne moyenne de récolte dés 
que l'on a appliqué le labourage mécanique. 

Ce n'est pas d'ailleurs pour cette seule raison 
que le labourage mécanique est favorable au déve- 
loppement des plantes. 

Le travail à la machine a aussi pour conséquence, 
étant plus rapide que le travail animal, de per- 
mettre de déchaumer les champs très prompte- 
ment après la récolte et de laisser ainsi les terres 
plus longuement exposées aux actions atmosphé- 
riques. 

Au point de vue mécanique, il a un rendement 
meilleur que le procédé ordinaire; l'expérience 
démontre que plus la largeur de labour à chaque 
passe est grande, plus les efforts à développer sont 
uniformes: il y a toujours des obstacles dans le sol: 
lorsque l'on n’exécute qu'un sillon à la fois, ces obs- 
tacles donnent lieu à des à-coups préjudiciables et 
qui occasionnent de grandes pertes; lorsque l'on 
en fait plusieurs, ils deviennent moins sensibles. 

Enfin, le procédé mécanique permet de défri- 
cher économiquement des terres qu'il serait très 
difficile, sinon impossible, de mettre en cullure 
avec les procédés anciens. IH. Marcuaxn. 


mn 


LES NOUVELLES THÉORIES DE LA MATIÈRE 
L'éther. — L'électricité. — Le magnétisme. 


l. L'éther : 
Je rôle de l'éther en physique. 


Avant le xixe siècle, on admettait en physique, 
outre la matière, un cerlain nombre d'agents doués 
de propriétés caractéristiques : aux quatre éléments, 
l’eau, la terre, l'air et le feu, avaient succédé les 
six agents impondérables producteurs des phéno- 
mènes : le calorique, la lumière, deux agents élec- 
triques et deux agents magnétiques. À la fin du 
xixe siècle, une seule substance — hypothétique. 
evidemment — l'éther, remplaçait toutes les autres. 
On sait combien admirable a été cette hypothèse et 
quels merveilleux résultats elle a produits. 

Aujourd'hui, depuis la découverte des ravons 
calhodiques el de la radio-activité, les anciennes 
théories ne paraissant plus suflisantes ont été mo- 
difiées. Les paénomenes lumineux, électriques, 
magnétiques... ne sont plus considérés comme 
résultant seulement de déformations statiques et de 
perturbations dynamiques de l'éther: certains phy- 


siciens admettent que l'électricité — au moins 
l'électricité négalive — est une substance particu- 
hère, l'électron. On aurait donc actuellement 
quatre agents « ofliciels »: lelectron, l'atome 
d'électricité positive, l’éther et la matière. 

Ce concept est d'ailleurs loin d'ètre universelle- 
ment adopté. Pour certains savants, l'atome n'est 
plus indivisible; dans certaines conditions, il se 
décompose, et les électrons qui le constituent se 
dispersent. Pour dautres, l'énergie rayonnante 
elle-mème a une structure atomistique. Les quanta 
seraient les quantités élémentaires d'énergie. Entin, 
il en est qui suppriment complètement l'éther. 
Dans une note parue en 41908 (Scientia), le physi- 
cien suisse, mort prématurément, Walther Ritz, 
exposait cette doctrine. Mettant en présence lune 
de l'autre l'hypothèse atomique et l'hypothèse de 
l'éther, il écrivait: 

«a Nees toutes deux de conceptions métaphvsiques, 
elles ont connu dans le cours des temps des vicis- 
situdes nombreuses, et l'expérience aussi bien que 
la critique leur ont fait, pendant ces dernières 


No 1439 


années, un sort très inégal. On sait combien a été 
féconde, dans presque tous les domaines de la 
physique et de la chimie, la conception atomique, 
et le développement qu'a pris récemment la théorie 
des ions et électrons a constilué un nouveau 
triomphe de cette conceplion en nous faisant 
presque toucher du doigt l'existence de charges 
électriques atomiques. Cependant, la critique phi- 
losophique semble encore à l'heure qu'il est ne pas 
pouvoir pardonner entièrement à cette hypothèse 
ses origines un peu douteuses. M. Ostwald, en par- 
ticulier, la traite avec une sévérité qu'il est loin 
d'appliquer à d’autres conceptions, et en particu- 
lier à celle de l'éther. C'est à peine si la critique 
a eflleuré cette dernière. Le succès de la théorie 
ondulatoire de la lumière et, plus récemment, 
celui de la théorie de Maxwell ont fait taire les 
objections, et l’on ne s’est guère demandé dans 
quelle mesure cette notion d'éther, essentielle, il 
est vrai, dans la forme actuelle de ces théories, est 
aussi exigée par l’expérience, indépendamment de 
cette forme particulière. Et cependant, une brève 
analyse historique suffira à nous montrer combien 
peu, en vérité, l'hypothèse de l'éther mérite la 
faveur universelle qui lui est accordée. » 

En prenant comme point de départ le fait que 
l'éther n’a acquis droit de cité en physique qu avec 
Huyghens, créateur de la théorie ondulatoire de la 
lumière, Ritz vient à examiner le motif qui a porté 
Newton à rejeter les conceptions de Huyghens. Il 
montre qu’à cause de la grande autorité de Newton, 
l'éther ne joua, dès lors et pendant près d'un 
siècle, qu'un rôle extrêmement modeste, jusqu’à 
ce que les travaux de Fresnel le remirent en hon- 
neur et donnèrent une immense supériorité aux 
conceptions de Huyghens sur celles de Newton. Et 
il ajoute, au sujet de Fresnel : « C’est au sans-gène 
génial avec lequel le grand savant traila ce côté 
de la théorie qu’il faut attribuer une partie de son 
succès. Uniquement guidé par l’étude des phéno- 
mènes, il en chercha et en trouva les lois mathé- 
maliques, qu'on peut exprimer, sous leur forme la 
plus générale, par une certaine équation aux déri- 
vées partielles du second ordre, et par certaines 
conditions auxquelles la lumière est assujettie lors- 
qu’elle se trouve à la surface de séparation de 
deux corps différents ou d'un corps et de l’éther. 
La difficulté de faire mouvoir librement les corps 
à travers un éther solide ne l'arrêta pas; il admit 
mème, pour expliquer l’aberration, que l'éther ne 
partage pas le mouvement de la Terre dans son 
orbite, en sorte que tous les objets et l'air qui nous 
entoure seraient parcourus par un vent d’éther à la 
vitesse de 30 kilomètres par seconde, sans que 
nous puissions nous en apercevoir, même par les 
expériences les plus délicates. » 


Ces idées sont également celles du physicien 
genevois Th. Tommasina, qui, depuis dix ans, tra- 


COSMOS 


213 


vaille à éliminer de la physique « l’ancien concept 
mélaphysique de l'éther ainsi que toutes les défi- 
nilions qu'on a cru pouvoir en donner ». 

M. Tommasina ne croit pas que le concept d'un 
éther solide existät à l'époque de Fresnel; ce der- 
nier aurait eu au moins des doutes à ce sujet en 
admeltant que l’éther ne partage pas le mouvc- 
ment de la Terre dans son orbite; car on doit 
admettre que l’éther, sans se déplacer lui-même, 
possède des activités internes qui, par des pressions 
résultant de modifications électro-magnétiques, 
transportent la Terre dans son orbite, ainsi que le 
Soleil et tous les astres de l'univers, aucune excep- 
tion n'étant admissible. 

Dans la note parue le 20 février 4908 dans les 
Archives des sciences physiques et naturelles de 
Genève, M. Tommasina exposait ainsi les argu- 
ments qui militent en faveur de son opinion: 

« La constatation expérimentale des pressions 
mécaniques exercées par le rayonnement lumineux 
sur les corps nous a révélé sa forme cinétique. Or, 
celle-ci nous fournit le mécanisme vrai des radia- 
tions électro-magnétiques, puisqu'elle nous donne 
la trajectoire de l’énergie dans le rayon élémen- 
aire d'un faisceau de radiation. L'élément qui 
vibre transversalement, pour produire une poussée 
longitudinale, c’est-à-dire dans le sens de propaga- 
tion de la lumière, doit parcourir, non pas une 
orbite elliptique fermée, comme on l’a cru jusqu'ici, 
mais une orbite ouverte constituée par une ou 
plusieurs spires de solénoïde. C’est le chemin que 
doit suivre l'énergie radiante, représentée par la 
vitesse de déplacement de la charge électrique été- 
mentaire qui constitue un électron dont la marche 
donne licu ainsi aux pressions Maxwell-Bartoli, 
conslatées expérimentalement et mesurées par 
M. Lebedetf en 1900, par MM. Nichols et Hull en 
4901, et par M. Poynting en 1904. 

» 11 n'existe donc pas, ce milieu sans résistance 
ni activité propre, qui pénètre les corps, remplit 
l'espace, et que les radiations ne font que traverser 
en le modifiant momentanément, mais il y a, au 
contraire, un milieu incessamment actif que ces 
mêmes radiations constituent, puisque le rayonne- 
ment des innombrables soleils ne saurait admettre 
aucune discontinuité dans sa transmission par 
rapport au temps et à l'espace. Ce milieu inter- 
stellaire est homogène et isotrope à cause de 
l’entre-croisement des radiations, tout en élant 
constitué par un agglomérat de mécanismes énor- 
mément condensés, soit par le nombre immense 
d'éléments actifs en chaque millimètre cube que 
l’on doit y reconnaitre, soit par les trillions de 
vibrations par seconde qui s’y produisent. Or, 
comme la masse de chacun de ces éléments est 
électro-magnétique, et comme les résultats des 
expériences de Kaufinann ont permis d'établir que 
la masse électro-magnétique est foncliun de la 


214 


vitesse et que, pour une vitesse égale à celle de la 
lumière, elle serait infinie, ce qui est précisément 
le cas ici, il en résulte que la résistance de l'éther 
est infinie au lieu d’être nulle, et que les astres, 
de même que les atomes des corps, ne se déplacent 
pas au travers de l’éther par leurs forces propres, 
mais sont déplacés par l'éther, c'est-à-dire par ce 
qui se passe dans l'éther et qui le constitue (4). » 
Et, dans un article récent de la Revue polytech- 
nique (10 mars 1912), M. Tommasina ajoute: 
e Aucune hypothèse explicative physique ne doit 
èlre envisagée comme une image simplement 
abstraite, sans rapport avec la réalilé, mais tou- 
jours comme une supposition d'un mécanisme réel 
pouvant produire le phénomène, ce qui n’empèche 
pas que cette hypothèse aussi ne puisse être écartée 
et remplacée par une autre supposition, même très 
différente, lorsque la découverte de faits nouveaux 
ou d’autres lois obligera de le faire. Mais, tant 
que l'hypothèse se maintient, on doit y voir Ja 
réalité possible. En effet, ce n’est qu’en considérant 
le vrai substratum mécanique du phénomène phy- 
sique qu’on peut vérifier si les lois connues lui sont 
applicables et si, en agissant d’après ces lois, il 
peut produire toutes les modifications phénomé- 
nales que l'expérience nous montre. Ce nest que 
d'après cette manière d'envisager l'hypothèse phy- 
sique qu’une discussion sur sa probabilité peut se 
faire sérieusement et d’une facon claire et résolu- 
tive, amenant un résultat net et décisif. » 
Walther Ritz terminait son article de Scientia 
par cette conclusion : « Concluons. L'expérience ne 
nous a jamais révélé trace de quelque chose qui 
subsisterait dans les espaces vides de matière au 


COSMOS 


22 aouT 1912 


sens ordinaire. Il nous sera toujours loisible, 
cependant, d'y supposer un intermédiaire servant 
de véhicule aux actions des corps les uns sur les 
autres, et cette conception pourra même être fort 
utile, à la condition de ne pas trop la prendre au 
sérieux, c'est-à-dire de ne pas oublier qu'il s'agit 
d’une simple construction mentale et non d'une réa- 
lité, construction qu'il faudra abandonner, pour la 
remplacer par une autre, dès que l'expérience ou 
l'économie de la pensée l'exigera. » 

Et M. Tommasina paraphrase, à son tour, celte 
conclusion de la manière suivante : 

L'expérience ne nous a jamais révėlé trace quel- 
conque de phénomènes qui subsisteraient dans les 
espaces vides de subslance matérielle. Il nous faut 
donc forcément supposer l'existence d’un intermé- 
diaire matériel servant de véhicule aux actions 
des corps les uns sur les autres, qu'ils soient des 
corps terreslres ou des astres. 

Le mécanisme intermédiaire qu'on supposera 
pourra ne pas correspondre exactement au méca- 
nisme réel qui existe sürement; aussi les hypo- 
thèses sur sa nature spéciale devront-elles changer 
au fur et à mesure que des faits nouveaux nous 
l'imposeront. Dans l'état actuel de nos connais- 
sances, ce mécanisme est le mécanisme électro- 
magnétique de la propagation de la lumière et de 
la chaleur rayonnante...… 

Nous devons donc avoir toujours présent à l'esprit 
que ce n'est pas là une conception utile ni une 
simple construction mentale, mais une réalité dont 
nous connaissons l'existence et dont nous établirons 
peu à peu la forme vraie d'après les résultats suc- 
cessifs de l'expérience. A. BERTHIFR. 





La flore des montagnes. 


Parmi les nombreux plaisirs que les montagnes 
procurent aux touristes, l’un des moins à dédaigner 
est certaincment la vue des fleurs qui garnissent 
leurs pentes et Ja joie que l’on éprouve à les 
récolter et à les conserver. (est qu’en effet, les 
plantes des altitudes élevées diffèrent du tout au 
tout de celles que nous avons habitude de voir 
dans les plaines. Tandis que ces dernières sont géné- 
ralement longues et souples, celles qui gazonnent 
les prairies alpestres sont rabougries. chétives, 
quoique d’un vert intense; leurs rameaux sont si 
coriares que le vent le plus violent ne les fait 
remuer qu'à peine, et leurs racines sont si longues 
que l'on a toutes les peines du monde à les arracher. 
En ontre — et c'est là lenr principale particularite, 
— tandis que les plantes des champs et des bois 

(1j Tu. Tomwasixs, Société de physique et d'histoire 
Naturelle, séance du 206 février 1908; .{rrhives, mars 
1908, p. 207-300, 


ont généralement des fleurs aux teintes, sinon 
päles, du moins délicates, celles des montagnes 
ont des fleurs aux teintes éclalantes, crues, qui 
étonnent..... et détonnent. Je comparerais volon- 
tiers les fleurs de plaines au visage clair, souvent 
anémique, des Parisiennes, et les fleurs de mon- 
tagnes à la face rubiconde des villageoises. Leurs 
fleurs sont d’ailleurs de grande taille et paraissent 
d'autant plus volumineuses que les tiges qui les 
supportent sont plus rabougries. Rien n'est plus 
curieux que de voir des plantes pas plus grandes 
que le doigt porter des fleurs deux fois grandes 
comme elles, ou de petits buissons gros comme une 
pomme disparaitre littéralement sous les fleurettes 
qui s'y développent. 

On rencontre là des teintes invraisemblables, le 
jaune soufre chez l’anémone soufrée, l'adonide de 
printemps, la boule d’or, l'aconit anthora, la vio- 
lette à deux fleurs (des violettes jaunes!}, le 





N° 1439 


buplèvre étoilé, l'arnica des montagnes (dont on 
fait le médicament du même nom); la gentiane 
jaune (de laquelle on tire l’eau-de-vie de gentiane); 
Ja renoncule thora (si vénéneuse, que les anciens 
guerriers trempaient dans son suc le fer de leurs 
flèches); le rose chez lu renoncule glaciale, les 
silènes, l’immortelle des montagnes; le blanc chez 
la renoncule des Alpes, le pavot des Alpes; le blanc 
plus ou moins lavé de diverses teintes chez les 
nombreuses saxifrages et bien d'autres espèces; du 
bleu idéal se montre, avec une intensité remar- 
quable, chez l’ancolie des Alpes, l’astragale des 
Alpes, les raiponces, les admirables gentianes, les 
troublants myosotis, les délicates véroniques, du 
violet ou du lilas chez le tabouret lilas, lesi recherché 
chardon bleu, l’adénostyle velue, l'aster des Alpes, 
la vergeretle des Alpes, diverses campanules, la 
gracieuse soldanelle des Alpes, les globulaires, du 
rouge vif, allant même jusqu’au carmin, chez le 
faux buis, l’œillet des Alpes, l'épilobe des graviers, 
l’airelle des marai:, la bruyère incarnate, l'azalée 
des Alpes, le rholodendron ferrugineux, la pédi- 
culaire verticillée, l'androsace des glaciers; du 
brun chez beaucoup d’orchidées, par exemple, 
l'orchis vanille — ainsi nommée à cause de son 
odeur suave — des pâturages alpins et le sabot 
de Vénus, à la grande fleur fantastique, que l’on 
peut récclter dans les lieux ombragés des mon- 
tagnes calcaires, de 500 à 1 800 mètres. 


Le « nanisme » des plantes alpines est si général 
qu'il s'étend même à des familles qui ne renferment 
que des arbres. C'est ainsi que, vers 2000 mètres 
d'altitude, on rencontre des saules nains, rampant 
et s'élevant à peine à quelques centimètres. A côté 
d'eux se montrent des bouleaux nains, des azalées 
minuscules, des arbousiers invraisemblablement 
petits. Plus on s'élève, plus ce nanisme s'accentue, 
et, dans les régions tout à fait élevées, on n'a plus 
que de toutes petites plantes tassées frileusement 
les unes contre les autres et formant, par leur 
ensemble, un véritable tapis feutré. M. Gaston 
Bonnier a fait voir que ce rabougrissement est du 
au climat et non au terrain. En cultivant dans les 
basses altitudes des plantes de montagnes enlevées 
avec leur terre, il les a vues prendre les caractères 
des plantes de plaines. L'expérience inverse a non 
moins bien réussi. 

Beaucoup de plantes alpines sont couvertes de 
poils blancs, d’un véritable duvet, qui, semble-t-il, 
est destiné à les protéger du froid des nuits. Le 
cas le plus classique est celui de l'edelweis, le Leon- 
topodium alpinum des botanistes, que tous les 
touristes sont fiers d’avoir cueilli sur les Alpes, 
parce qu'ils le considèrent comme caractéristique 
de cette région (alors qu'il est, en réalité, des 
plus cosmopolites), et parce que sa fleur ne se 
flétrit pas et constitue une immortelle très 
appréciée, il n’est pas non plus jusqu'à son nom 


COSMOS 


215 


vulgaire d' « étoile du glacier » qui ne lui donne 
des allures conquérantes bien faites pour séduire 
les Tartarins qui sommeillent en nous. Certaines 
plantes, au lieu de se vêtir entièrement de poils, 
ne sen recouvrent qu'en parlie, c'est le cas des 
rhododendrons — arbrisseaux bien connus égale- 
ment des touristes sous le nom de roses des Alpes, 
— dont les feuilles sont recouvertes à la face infé- 
rieure d'un épais feutrage de poils roux, ferrugineux. 
À ciler encore au mème point de vue la joubarbe 
aranéenne, petile plante grasse semblable à un 
artichaut, dont les sommets des feuilles sont réunis 
entre eux par de longs filaments blancs, semblables 
à de fins fils d'araignée. 

La constitution géologique d'un sol aussi boule- 
versé que celui des montagnes étant généralement 
très différente d'un point à un autre, la flore en est 
très variée. 

Dans les lieux humides ou surtout frais, on peut 
récolter la renoncule à feuilles d’aconit, la boule 
d'or, l’arabette à feuilles de pâquerette, la méringie, 
le sainfoin à fleurs sombres, la saxifrage en étoiles, 
l'airelle des marais, la primevère farineuse, les 
pédiculaires au feuillage élégamment découpé, des 
fougères d’une délicatesse infinie, des myosotis 
constellés de fleurs bleues, des primevères aux 
corolles généralement roses. 

Dans les pâturages des montagnes calcaires, on 
trouve l’anémone à fleur de narcisse, l’anémone 
des Alpes, la renoncule thora, la gypsophile ram- 
pante, l’œillet des Alpes, la saponaire faux-basilic, 
l'edelweis, la primevère de Clusius. 

- Dans les terrains granitiques se rencontrent 
anémone de printemps, l'anémone soufrée, le 
silène des rochers, la sabline à deux fleurs, le 
géranium à feuilles d'aconit, la benoite rampante, 
l'orpin bleu, l'arnica, le rhododendron ferrugineux. 

Dans les rochers calcaires il faut cueillir le 
cranson, la drave des rochers, le silène découpé. 

Dans les hautes régions, peu de personnes 
peuvent dire avoir récolté la renoncule glaciaire, 
le lychnis des Alpes, le myosolis nain, l'androsace 
de Suisse, l’androsace des glaciers. 

Dans les lieux ombragés, il faut citer l’ancolie 
des Alpes, la violette à deux fleurs, et, sur la 
lisière des bois rocailleux, l'astragale des Alpes. 

Dans les pierrières et les fentes de rocher, on 
extrait difficilement le pavot des Alpes, le siitne 
d'Elisabeth, la potentille ascendante, ia saxilrage 
des Pyrénées, la saxifrage bleuälre, la campanule 
de Rainer, l'érine des Alpes. 

Sur les pentes rocailleuses et les éboulis, régions 
peu riches, on peut cependant trouver l'alysse des 
montagnes, le vélar jaune, le tabouret lilas. 

Les bois, taillis et clairières des régions monta- 
gneuses sont à explorer pour récolter ræillet 
superbe, la pyrole unilatérale, la pyrole à une 
fleur. 


216 COSMOS 


Enfin. n'oubliez pas les moraines et les graviers 
qui donnent l'épilobe des graviers, l'armoise en 
épi et plusieurs autres espèces que l'on chercherait 
vainement ailleurs. 

Ce qui règle surtout la distribution géographique 
des plantes alpines est la présence ou l'absence de 
silice ou de calcaire dans le sol. Si celui-ci provient 
de la désagrégation des granits et autres roches 
analogues, la terre est siliceuse; si elle provient 
de roches sédimentaires. elle est uniquement cal- 
caire. Or, s'il est un certain nombre de plantes 
indifférentes à cette constitution chimique, il en est 
bon nombre d’autres pour lesquelles elle constitue 
une question de vie et de mort: aux unes il faut 
du calcaire, aux autres de la silice (ou, pour parler 
plus exactement, pas de calcaire). Cette affinité 
se montre mème chez des espèces très voisines : 
c'est ainsi que, dans le vallon de Fully, sa gauche 
— qui est calcaire — est recouverte d'anémones 
blanches, tandis que sa droile — qui est siliceuse 
— est recouverte d'anémones jaunes. 

Les espèces aimant la silice sont surtout des 
fougères, des éricacées, des vacciniées et quelques 
campanules, silènes, œillets, gentianes, prime- 
vères. Les espèces qui la fuient sont moins nom- 
breuses; parmi elles, citons l'androsace laiteuse, 
l’anémone des Alpes, l’œillet des Alpes, la gentiane 
jaune, la primevère à oreilles, le rhododendron 
poilu, la saxifrage à longues feuilles, le silène 
alpestre, la véronique des rochers, la campanule 
thvrsoïde. 

Parfois on rencontre des espèces silicicoles au 
beau milieu d'espèces silicifuges: en grattant le 
terrain, on s'aperçoit alors qu'elles reposent en 
réalité sur des amas isolés de roches sans chaux. 
De telles oasis se rencontrent très fréquemment 
dans le Jura où elles sont largement — trop large- 
ment — mises à contribution par les botanistes et 
les simples touristes. 

A part les euphraises et quelques gentianes aux 
corolles délicieusement bleues, la plupart des 
plantes alpines sont vivaces, c’est-à-dire qu'elles 
vivent plusieurs années. La première année, elles 
ne poussent que des feuilles: les suivantes. elles 
développent des fleurs. En hiver, c'est-à-dire pen- 
dant la plus grande partie de l'année, leur souche 
persiste seule dans le sol. Au printemps, ou mieux 
en été, elles se hâtent de pousser des rameaux 
aériens, mais elles les réduisent à leur plus simple 
expression, d’abord parce que le temps leur 
manque — lété est court — pour développer de 
grandes tiges, ensuite parce qu'il convient de 
donner ie moins de prise aux vents robustes et 
à leur action dessèchante. C'est pour cette der- 
nière raison aussi que beaucoup de plantes des 
altitudes élevées forment des « touffes » où les 
branches sont tasstes les unes contre les autres et 
portent des feuilles non moins empilées. Au 


29 AOUT 1919 


moment de la floraison, ces boules se recouvrent 
de charmantes fleurs de différentes teintes : quel 
touriste n’a pas été séduit par les touffes aux fleurs 
bleues du « roi des Alpes », les boules aux corolles 
roses de l'androsace glaciale, le jaune de la saxi- 
frage aphylle, lincarnal de la saxifrage aux 
feuilles opposées, et tant d'autres qu'il serait fas- 
tidieux d'énumérer ? 


Les plantes alpines proprement dites ne se ren- 
contrent guère qu’au dessus de altitude de 
4 500 mètres. À ce niveau, les conditions météoro- 
logiques sont fort différentes de ce qu’elles sont 
dans la plaine. La lumière est intense et prolongée. 
l'insolation forte, la chaleur vive dans le jour, 
froide la nuit, l'humidité faible, mais constante 
aussi bien dans le sol que dans l'air, le vent violent. 
De plus, les hivers sont longs, passant brusquement 
à un été intense, où sont accumulées les circon- 
stances favorables à la végétation, c’est-à-dire la 
lumière, la chaleur et l'humidité. Aussi, dès que 
le fœhn et le srrocco se font sentir, la végétation 
sort de terre comme sous l'action d'une baguette 
magique : les soldanelles et les crocus jaillissent 
mème de la neige non encore fondue, et, en 
quelques jours, les rochers se constellent de fleurs. 

Contrairement à ce que lona cru pendant long- 
temps, la culture des plantes alpines est possible 
en dehors des montagnes, et le moindre jardinet 
parisien peut s’offrir, moyennant quelques sous, 
une petite montagne en miniature. La transplan- 
tation directe dans les jardins n’est pas à recom- 
mander, parce quelle échoue généralement, à 
moins de s'adresser à des plantes arrachées 
à l'automne, c'est-à-dire au moment où la végé- 
tation est très ralentie. Voici, à ce sujet, quel- 
ques recommandations importantes données par 
M. Henrv Correvon, directeur du Jardin alpin 
d'acclimatation de Genève : « Arracher les plantes 
à l'arrière-saison (de septembre en octobre pour 
la haute montagne) et prendre, si possible, toutes 
leurs racines principales, quon dépouille de la 
terre qui les entoure. Enterrer les plantes dans du 
sable pur, sous châssis froids, et les y laisser passer 
l'hiver à l'abri de l'humidité et presque au sec. Au 
printemps (mars), les placer chacune dans un godet 
ou pot ou dans un sol composé d’un tiers de ter- 
reau de feuilles (de terre de bruyère ou de tourbe 
si l'on veut), un tiers de bonne terre fraiche à blé 
(ou terre de gazon), un tiers de sable granitique 
ou calcaire suivant la nature de l'espèce. Placer 
ces pots sous couche froide et ombrager du soleil 
dans les premiers jours, puis aérer petit à petit, 
et quand le tout est en pleine végétation, sortir et 
planter en rocailles ou en pleine terre. Des ouvrages 
spéciaux, écrits sur la matière, renseigneront l'ama- 
teur sur ce qu'il a à faire dans la suite. Ce système, 
s’il offre quelques avantages, a, par contre, de 
gros inconvénients; on ne l'utilise, au jardin alpin 


Ne 1439 


d'acclimatation, que pour certaines plantes trop 
longues ou trop difficiles à élever de semis (vec- 
ciniées, empétrées, pyroles). Le système du semis 
est infiniment préférable; il permet à chacun 
d'élever des plantes alpines chez lui, mais il est 
souvent long, et pour quelques espèces offre des 
difficultés. Règle générale, il faut procéder comme 
pour les plantes vivaces : semer sous châssis froids, 
en pots ou terrines, dans un sol très léger, sableux, 
et encore avec précaution. Cerlaines espèces (les 
gentianes, les primevères, les primulacées, etc.) 
sont très lentes à germer alors que d'autres (hélian- 
thèmes, ancolies, crucifères, violettes, etc.) lèvent de 
suite. On repique, comme on le fait pour les autres 
plantes, et on cultive en godets avant que de 


.—— -a — 


COSMOS 


217 


planter en rocailles ou en pleine terre. En somme, 
la presque totalité des plantes alpines sont suscep- 
libles d'être élevées de semis. Sans doute, ce pro- 
cédé est long et difficile pour plusieurs d'entre 
elles, mais il permet d’acclimater la plante plus 
facilement et de l'obtenir plus robuste et plus flori- 
fère que si on la transplante directement de sa 
localité originelle. » 

Dans les villes de montagnes fréquentées par les 
touristes, on fabrique en grande quantité des 
albums où sont collées les principales plantes 
alpines, ou, plus exactement, celles qui se con- 
servent le mieux. Les plantes rares sont souvent 


tellement. recherchées des collectionneurs que l'es- 


pèce en disparait. HENRI CouPix. 





L'éducation des Esquimaux d’Alaska. 


Les États-Unis ont, sur leur territoire, trois 
populations de couleur qui posent des problèmes 
assez embarrassants. Les nègres, descendants des 
esclaves transférés de force sur le sol d'Amérique, 
ne se sont encore qu'insuffisamment assimilé la 


culture de leurs anciens maitres. Aussi existe-t-il 


entre eux et les blancs un antagonisme d'autant 
plus prononcé que la population nègre est plus 
nombreuse, et, dans les États méridionaux, elle se 
manifeste par une séparation presque absolue des 
deux races. 

Les Indiens, descendants des anciens maitres du 
sol, décimés par les conquérants, l'envahissement 
de leurs cultures, se sont vu reléguer dans des 
« réserves », où un gouvernement paternel leur 
permet de continuer, jusqu'au moment de leur 
extinction complète, un semblant d'existence indé- 
pendante. Empressons-nous d'ajouter qu'une partie 
de ces aborigènes, ayant fréquenté les écoles amé- 
ricaines, commence à s'accommoder des modes de 
vie de leurs maitres. 

La troisième population hétérogène est celle de 
l'Alaska, territoire à l'extrème Nord, voisin de la 
Sibérie. Ce pays, qui jusqu’au milieu du siècle der- 
nier appartenait à la Russie, est peuplé par des 
tribus d’Esquimaux ressemblant parfaitement à 
celles de la Sibérie septentrionale. Or, tandis que 
leurs frères à l’ouest du détroit de Behring mènent 
encore la vie primitive de leurs pères, les infor- 
tunés habitants de l'Alaska, au contact des cher- 
cheurs, ont acquis les défauts d'une civilisation 
supérieure, tout en se montrant incapables de 
s'assimiler ses qualités. Aussi ces gens, déroutés 
par ce contact de facteurs si hétérogènes, vivaient- 
ils dans la misère la plus atroce. | 

Or, le gouvernement américain, conscient de 
son devoir d'éduquer cette population el pour en 
faire des citoyens utiles au pays, c'est-à-dire pour 


des motifs économiques aussi bien qu'humanitaires, 
a voulu la ramener à une existence en rapport 
avec ses capacités et les conditions physiques du 
pays. En s'inspirant de l'exemple des Esquimaux 
sibériens, on pensa à en faire surtout des éleveurs 
du renne qui; dans certains pays seplentrionaux, 
par son lait, sa chair et sa peau, fournit toutes les 





TROUPEAU DE RENNES DE L'ALASKA. 


ressources d'une vie simple et essentiellement 
nomade. L'Office d'éducation (Bureau of Education) 
ayant fait transporter sur le sol de l'Alaska un cer- 
tain nombre de rennes achetés aux Esquimaux de 
Sibérie, on commença la distribution parmi les 
habitants du pays. La méthode, suivie au début, 
consistait à prêter de petits troupeaux, comportant 
le plus souvent 100 rennes (25 måles et 75 femelles), 
aux stations des missions, pour un laps de lemps 
en général de cinq ans. Chaque mission ayant 
recu un troupeau pareil s'engageait à enseigner à 
un certain nombre d'apprenlis esquimaux le soin 


218 COSMOS 


et le traitement des rennes et de pourvoir à leurs 
besoins pendant la durée de l'apprentissage. Au 
bout du temps spécifié, la station rendrait au 
gouvernement un nombre égal de jeunes rennes, 
dans la même proportion de mâles et de femelles, 
tout en retenant l'excédent produit par la multi- 
plication naturelle du troupeau. 

Ce service ayant fonctionné avec de bons résul- 
tats pendant une quinzaine ď’années, on établit un 
code de règlements qui vient d'entrer en vigueur. 
D’après ces règlements, la durée de l'apprentissage 
est fixée à quatre ans. Au bout de la première 
année, chaque apprenti dont le travail donne satis- 
faction recevra six rennes (quatre femelles et deux 
mâles); au bout de la seconde année, huit rennes 
(cinq femelles et irois måles); au bout de la troi- 
sième année, dix rennes (six femelles et quatre 
mâles), et au bout de la quatrième année, égale- 
ment dix rennes dans la mème proportion de 
femelles et de mâles. Avec l’assentiment du chef 
de station, les apprentis seront autorisés à tuer 
l'excédent de leurs mâles et à vendre la viande et 


22 aour 4912 


les peaux; on leur conseillera surtout d'employer 
une partie de leur troupeau pour la traction des 
traineaux destinés aux transports de voyageurs, 
de bagages et de courrier. 

À l'expiration de son contrat d'apprentissage, 
chaque apprenti deviendra à son tour un éleveur 
de rennes indépendant, pouvant disposer de son 
troupeau dans les conditions établies par le gou- 
vernement. İl sera tenu à prendre à son tour des 
apprentis et à les rétribuer d'après le mème code 
de règlements, quitte à en faire de nouveaux prca 
priétaires de troupeaux, et ainsi de suite. 

Dans certains cas, le gouvernement américain 
a fait venir des instructeurs lapons, chargés d'ini- 
tier les premiers apprentis dans l'art de l'élevage 
des rennes. Grâce à cette sage politique, il a réussi 
à faire d'utiles citoyens d'une grande partie d'une 
population naguère miséreuse. Loin de dépendrede 
Paide d'autrui, ces Esquimaux sont d'ores et déjà 
un facteur ulile dans la vie du pays, et qui com- 
mence à rapporler aux caisses de l'Etat des impôts 
relativement considérables. D' A. GRADENWITZ. 





La nouvelle écriture chinoise. 


Depuis plusieurs mois, un vent de transformation 
souffle sur la Chine, sur ce pays des traditions par 
excellence. Parmi ces transformations, la plus 
intéressante et la plus sérieuse est assurément 
celle de l'écriture, d’antique mémoire; elle date de 
2 500 avant notre ère. 

Cette réforme vient d'ètre accomplie par 
M. Chow Hi Chu, secrétaire de la légation chinoise 
à Rome, avec le concours de MM. Houang et Tchéou, 
ses sous-secrélaires, et par signor Rivetta de la 
Solonghella, l'un des plus grands polyglottes du 
monde, professeur à l'Institut oriental de Naples. 

Je dois à l’extrème obligeance de M. Rivetta les 
quelques détails ci-dessous concernant la nouvelle 
écriture chinoise. 

Pour éviter tous les inconvénients que tout le 
monde admet, et afin de pouvoir lancer leur langue 
aussi sur le chemin du progrès — progrès jusqu’à 
présent difficile, puisque ses caractères la retenaient 
captive, — les réformateurs ont pensé qu'il était 
nécessaire de remplacer, par un système de repré- 
sentation graphique ayant pour base le son du mot, 
les signes plus ou moins bizarres et compliqués 
qui. Jusqu'ici, arrivaient à exprimer environ 80 000 
non pas mots, mais idées. 

Commie il y a dans la langue parlée des Célestes 
des sons qu'on ne peut retrouver dans aucun lan- 
gage europeen, les innovaleurs n’ont pu employer 
aucune des graphics européennes, et ils se sont vus 
obligés de créer un nouvel alphabet. Dans cet 
alphabet nouveau, ils ont adopté les signes latins. 


grecs ou russes qui indiquaient exactement les 
sons, et ils ont formé d'autres signes lorsqu'ils 
n’ont pas rencontré dans un alphabet européen un 
signe correspondant au son à exprimer. 

Le nouvel alphabet est composé de quarantle- 


inaltér. 


N 
pad 
m) 
bel 
fad 
= 
© 
pr 


FIG. 1. — TARLRAU DE LA DERIVATION. 


deux caractères: vingt-trois voyelles et dix-neuf 
consonnes. D'ailleurs, le voici en détail, forme 
imprimée, forme écrite, avec la valeur française 
de toutes les leltres. Voir le tableau de la ‘page 
suivante (fig. 2). 

Dans la dérivation de ces signes, les innovateurs 
se sont servis : 





Ne 1:39 


Pour a, e, i, u, o, de lettres latines. Pour les 
signes 2, 5, 7, de lettres grecques. Pour 10, 13, 15, 
de lettres russes qui correspondent aux sons de 


eu, ya, you; les signes 22, 
17 et 16 sont des signes 
NOUVEAUL. 

Les signes 11, 14, 19, 20, 
21 et 142 ne sont que les 
signes 13, 3, 40, 15, 7 et 22 
renversés. 

Le signe 23 est le signe 
12 dont on a prolongé un 
trait pour indiquer la pré- 
sence du son ĉ (i, a, o, iao), 
et le signe {8 est le signe 
19 un peu plus ouvert. 

Pour les consonnes, le 
mème système a été adopté : 

Du latin on a dérivé: 
k, h, jq, l, r, t, f, p, m, 
n, S$, w, y, lesquelles con- 
servent la même pronon- 
ciation que dans les langues 
latines, avec les seules 
exceptions du A (très as- 
piré)}, du g, du r (caracté- 
ristiques chinois) et du «, 
que lon doit prononcer 
comme en anglais. 

Du russe, 27, 30, 38, pour 
indiquer, comme en russe, 
les sons fc, ts, ch. 

Du grec, on a dérivé seu- 
lement les deux lettres 36 
et 39, dont 39 exprime le 
son que les auteurs euro- 
péens écrivent As, et 36 la 
« nasalisation » finale. 

En résumé, cetle dériva- 
tion se présente de la façon 
indiquée dans le tableau 
(fig. 1). 

Avec ces lettres, il est 
possible d'écrire exactement 
tous les mots de la langue 
chinoise parlée qui est com- 
prise d'un bout à l’autre de 
la nouvelle république. 

Les protagonistes de la 
nouvelle réforme sont en- 
chantés de leur travail qui, 


parait-il, est partout accueilli avec le plus grand 
enthousiasme, principalement dans le sud de la 
Chine. Ils affirment qu'avant la fin de l’année 1912 


DRISLLEESONWEAINVOCLERAMA rm 


COSMOS 


geenavf 


T P Em JU e T R mE OÙ 2 7 muse 





GHWIIVLÈeR PUBS SUOFTE See 66@8 


F1G. 2 — LE NOUVEL ALPHABET CHINOIS. 


les nouveaux caractères seront adoptés officielle- mouvement moderne. 


ment dans tout le pays. 


ASE SEE O7 QE E 
ae EN C SIT TS 8 Se 8 Ro 


EN 


<= 


N 


Q 


COR 6 


219 


D'ailleurs, l'écriture nouveau style présente sur 
celleancienstyle,entre autresavantages,un énorme, 
celui de la rapidité. L'antique façon d'écrire au 


VOYELLES |, CONSONNES 


o ©% 
Q © 9 

© % © è son S g, 

ES 3 S à forme écrite à g 

Q ù S Q à 

© S © ® L e 
i %% 

Se > æ & £ mejusc  minus£. S 
tres 
aspiré 

qtou 
(pron angl.) 


mers 


< 

t 
r Q, 
s S: 


S® 
frs © 


pinceau, exigeant à peu près trois fois plus de 
temps, est désormais incompatible avec les mœurs 
des Célestes qui, définitivement, entrent dans Je 


L. AUENIZ. 


220 


COSMOS 


22 AOUT 191% 


Les ferments lactiques dans l’ensilage. 


La nécessité qui, sous nos climats, s'impose aux 
agriculteurs de mettre en réserve et de conserver 
des aliments en vue de la nourriture du bétail, pen- 
dant la période de l’année où la végétation est en 
repos, a conduit depuis longtemps les spécialistes 
à rechercher la technique la plus propre à assurer 
celte conservation dans les conditions les meilleures, 
c’est-à-dire avec le moins de pertes possible. S'in- 
spirant des résultats obtenus avec les silos à grains 
dont l'usage remonte à la plus haute antiquité, on 
a successivement ensilé les fourrages, puis les 
racines et les pulpes. 

Mais, avec des éléments aussi aqueux et aussi 
fermentescibles que ces dernières, l’ensilage donna 
lieu, dans la pratique, à de nombreux déboires. 
C'est ainsi qu'abandonnée à elle-mème la masse 
subissait l'influence des fermentations lactique et 
butyrique : elle se liquéfiait en partie, prenait un 
aspect répugnant, dégageait une odeur infecte et, 
souvent, donnait naissance à des principes nocifs 
dont l'ingestion provoquait chez les animaux des 
troubles parfois graves, connus sous le nom de 
« maladie de la pulpe ». 

On comprit dès lors tout l'intérêt qu'il peut v 
avoir à se rendre maitre de ces fermentations com- 
plexes; les recherches des agronomes et des chi- 
mistes furent orientées dès lors dans ce sens. 

Le premier, M. Mazé, indiqua en 1905, dans les 
Annales de l'Institut Pasteur,que l’ensemencement 
par des ferments lactiques de matières alimentaires 
riches en hydrates de carbone a pour effet de pré- 
venir l'action des ferments putréfiants. 

Suivant les données précisées par lui, MM. Bouil- 
lautet Crolbois ont recherché plus particulièrement 
quelles espèces convenaient le mieux au traitement 
des matières ensilées; ils sont parvenus, par des 
sélections successives, à isoler parmi les ferments 
lactiques une espèce remarquable par son accou- 
tumance aux milieux acides. En raison de la faci- 
lité avec laquelle elle prolifère sur les pulpes de 
betterave, ils lui ont donné le nom de « lacto- 
pulpe »; ils en ont fait d'ailleurs l’objet d’expé- 
riences méthodiques, tant au laboratoire que dans 
diverses usines sucrières. 

MM. Malpeaux et Lefort, encouragés par les 
excellents résultats que leur avait donnés, durant 
la campagne 1909-1910, l'ensemencement au lac- 
{opulpe dans l’ensilage des cossettes de sucrerie 
épuisées, ont élargi le champ de leurs expériences 
et renouvelé, en 1110, cet ensemencement à la fois 
sur des pulpes de sucrerie obtenues par râpage et 


pressurage, surdes betleraves fourragères découpées 
en cossettes, sur des collets et des feuilles de bette- 
raves, et enfin sur du maïis-fourrage passé au hache- 
paille (1). En ce qui concerne les pulpes de sucrerie, 
les pertes de matière sèche ont été, après 126 jours 
d'ensilage : 27 pour 100 sur les pulpes non ense- 
mencées, 16,5 pour 100 sur les pulpes ensemencées, 
11,3 pour 100 sur les pulpes à la fois salées et 
ensemencées. De même, sur les pulpes de distil- 
lerie, ils ont constaté, après quatre mois d’ensilage. 
que l'ensemencement avait réduit les pertes d’en- 
viron 50 pour 100. 

Il convient de noter que l’économie ainsi réalisée 
porte surtout sur les principes nutritifs, tandis que 
les pertes portent surtout sur l'élément aqueux. 
Aussi, par leur aspect, leur odeur et leur composi- 
tion chimique, les pulpes ensilées après ensemen- 
cement montrent bien qu’elles ont subi un minimum 
d'altération. Cependant, les milieux ensemencés 
étaient fortement acides, ce qui, comme on voit, 
n'a gèné en rien les bacilles, puisque leur action 
bienfaisante ne s’est pas moins exercée d'une facon 
très complète. Aussi ne doit-on pas hésiter à pré- 
coniser leur emploi, et ceci d’autant plus que l'en- 
silage est fait pour une durée plus longue. 

Dans le but de s’en convaincre, MM. Malpeaux 
et Lefort ont prélevé, lors de l’ouverture des silos, 
des échantillons de pulpe qu'ils ont placés dans des 
bocaux aussilôt bouchés et cachetés à la paraffine. 

Vingt mois plus tard, alors que l'échantillon non 
ensemencé avait élé ramené par des décompositions 
progressives à n'être plus guère qu'une masse 
piteuse nageant dans son exsudat, masse qui avait 
subi une diminution d'au moins les deux tiers de 
son volume initial et qui était par surcroit vraisem- 
blablement très altérée, la pulpe ensemencée ne 
présentait aucun caractère extérieur pouvant faire 
croire à une modification quelconque : les cossettes 
avaient une structure semblable à celle qui les 
caractérisait au sortir de la batterie de diffuseurs. 
La comparaison ne pouvait par suite se montrer 
plus nettement en faveur de l’emploi systématisé 
du lactopulpe. 

Ces travaux ont une importance pratique qui ne 
saurait échapper à aucun agriculteur obligé de 
recourir à l'ensilage; à ce titre, il était utile de les 
résumer ici ou plutôt de rapporter les conclusions 
auxquelles ils ont conduit leurs auteurs. 

Francis MARRE. 


(1) CF. J. Agrie. prat., 19-10-x1, 488. 


N° 1439 


La grêle et le givre au Mont Blanc. ` 


Grèêle. 


Les chutes de grèle ne sont pas rares au Mont 
Blanc pendant les tempètes. Il est à remarquer 
que le vent qui souffle furieusement s'arrête tout 
d’un coup et que le calme le plus complet règne 
pendant la chute de grèle, pour reprendre aussitôt 
qu'elle est terminée. 

Le diamètre des grélons est généralement de 
ÿ à 6 millimètres. Une fois, jen ai vu d'une gros- 
seur extraordinaire. C'était pendant l'été de 1892, 
vers midi. Le vent ayant cessé tout d'un coup, on 
entendit sur le toit un bruit formidable, comme si 
l’on y avait déversé un tombereau de gravier. 
C'étaient des grĉlons de 4 centimètre de diamètre. 
Quelques minutes après, nouveau calme et bruit de 
cailloux encore plus effrayant. Cette fois, les grè- 
ions avaient un diamètre variant de 30 à 35 milli- 
mètres et pesaient 15 grammes environ. 

Une coupe pratiquée suivant un diamètre des 
gros grèlons montra la structure rayonnante habi- 
tuelle et des couches concentriques assez régu- 
lières de 4 à 5 millimètres d'épaisseur. Les grélons 
étaient régulièrement sphériques. et la surface légè- 
rement mamelonnée comme celle des boules de 
pyrile. La glace en était extraordinairement dure, 
tenace el difficile à fondre. 

Les petits grèlons de la première chute couvraient 
le sol d'une couche continue, tandis que les gros 
ayant formé la deuxième chute étaient plus clair- 
semés, trois ou quatre seulement par décimétre 
carré. Ils étaient répartis uniformément sur tout 
le glacier, jusqu'au sommet du Mont Blanc et 
Jusqu’au-dessous des Grands-Mulets, mais cette 
chute parait s'être localisée au glacier. car on n’en 
vil pas à Chamonix. 

Il est à remarquer que les journaux scientifiques 
signalèrent des grèlons exactement du mème volume 
tombés le même jour sur divers points de la 
France, notamment dans le Centre et aux environs 
de Biarritz. 


Givre des tempêtes. 


Le givre se produit très fréquemment au Mont 
Blanc pendant les tempêtes. Il s'attache surtout 
aux angles des pièces de bois et de métal, aux 
balustrades ou objets cylindriques de petit dia- 
mètre, tels que fils métalliques, paratonnerres, 
manches de pelles ou de piolets, etc. 

Un fil métallique est entouré d'une gaine de 
glace, mais il n’en est pas de même des cylindres 
de 3 ou 4 centimètres de diamètre. Le long d'un 
paratonnerre ou d'un manche de pelle, le givre ne 


(1) Comptes rendus, 10 juin 1912. 


-~ 


COSMOS 












A 


Y os À 
UNIVERSITY j 
C? L h _” 
CaL OES AT 





forme qu'une lame de 4 centimètre d'épaisseur, 
suivant la génératrice médiane du coté du vent, 
tandis qu'on n'en voit pas en arrière. Une fois 
commencée, la lame de givre se nourrit rapide- 
ment et peut atteindre une largeur de 10 centi- 
mètres en quelques heures, toujours en avançant 
vers le vent, l'épaisseur restant la même. 

Le givre s'attache d'autant moins aux objets 
métalliques que leur rayon de courbure est plus 
grand. Ainsi, j'en ai vu sur un tuyau de 0,06 m de 
diamètre, tandis qu'une sphère de 0,20 m n'en por- 
tait pas. 

Sur les pièces de bois, le givre s'attache d’abord 
aux angles, et plus tard à la surface. Dans ce der- 
nier cas, la lame peut atteindre ? ou 3 centimètres 
d'épaisseur et devenir beaucoup plus large; en 
4910, j'ai vu des lames atteindre jusqu'à 0,50 m de 
large sur les supports de la balustrade de lFObser- 
vatoire. 

La structure de ce givre mérite d'ètre étudiée, 
car elle peut servir à l'étude de la formation de la 
grèle. Les lames sont formées par la juxtaposition 
de petites masses de cristaux de glace allongés et 
agylomérés, chaque masse ayant la mème struc- 
ture qu'un secteur des gros grèlons cités plus haut. 
Les rayons font face au vent. Comme chez les 
grèlons, il y a des couches successives dans le sens 
de la largeur, mais généralement pas en épaisseur. 
En résumé, ce givre est un grélon en lame qui 
s'accroit en s'avançant vers le vent violent. 

Le givre a une grande soliaité et adhère au 
métal avec une ténacité singuliere. Les tourbillons 
de vent, appuvant sur les lames attachées aux 
pointes des paralonnerres comme sur des girouettes 
bloquées, réussissent à ébranler les vis; et, comme 
les tourbillons tournent plutòt à gauche, ils finissent 
parfois par dévisser ces pointes complètement, 
bien que la vis ait une vingtaine de filets. 

Je n'ai pas assisté à la formation du givre, car 
il se forme toujours la nuit. Lorsqu'il y en a une 
quantité exceptionnelle, il s'attache même aux 
parois de cuivre et à la couverture de l'Observa- 
toire, sous forme de petites masses qui arrivent à 
se toucher. Il s'attache même à l'émail d'une 
plaque d'inscription, mais surtout à l'émaii blane, 
les lettres de l'inseription en émail noir se déta- 
chant parfois en creux non givré (observation du 
D” Bayeux). 

Givre en trémies, 


Outre ce givre de vent, on peut observer parfois 
du givre de sublimation d'une autre nature, fermé 
dans un air absolument (ranquilie. 

J'ai signalé autrefois le giyre en frémies formé 
dans le tunnel creusé par M. Paitiel an sommet du 


222 


Mont Blanc. Avant pénétré dans cette galerie plu- 
sieurs années plus tard, j'ai constaté que les cris- 
{aux s'étaient nourris de telle sorte qu'ils attei- 
gnaient des proportions énormes. La galerie de 
neige constituait alors une véritable géode de cris- 
taux de glace qui brillaient au plafond d'une ma- 
nière féerique. C'étaient des lames de glace en 
forme de minces trémies, de 4 à 3 millimètres 
d'épaisseur, atteignant jusqu'à 10 centimètres de 
long sur X centimètres de large. Ces lames pen- 
daient verticalement et étaient voisines à se 
toucher. 

Cette formalion, déjà observée en d'autres pays 





COSMOS 


22 aour 41912 


froids dans des espaces fermés, se rencontre par- 
fois à l'air libre, mais alors sous de moindres 
dimensions. Au cours d'un bel élé, par une période 
de beau temps, sans chute de neige, la surface des 
glaciers du Mont Blanc au-dessus de 4000 mètres 
s'était entièrement couverte d'une couche épaisse 
de 4 centimètre, constituée par de petits cristaux 
en trémie, de la dimension des cristaux de chlorate 
de potasse du commerce. Ces petits cristaux parais- 
saient s'être formés par sublimation, au cours de 
nuits calmes, claires et humides. Ils étaient très 
mobiles sous l'action du vent qui les transportait 
avec un bruissement particulier, J. VALLOT. 


SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 


Séance du 5 aoùt 1912. 


PRÉSIDENCE DE M. A. GAUTIER. 


Sur les transformations rationnelles entre deux 
surfaces de genres un. Note de M. LUCIEN GODbEAUx. 
— Propriétés des surfaces quasi-aplanétiques dans les 
systèmes de dioptres spheériques centrés. Note de 
M. R. Boccoccx. — Courbes de fusibilité des systèmes 
volatils : mécanisme de la formation des éthers. Note 


de MM. Georces Bavme et P. Pauriz. — Sur l'écrouis- 
sage et le recuit du zinc. Note de M. G. Timoréer. — 
Sur le Ficus Carica en Italie. Note de M. B. Lou: 
l'auteur reprend l'ancienne querche sur le figuier et 
annonce la publication d'un ouvrage qui, pense-t-il, 
mettra la question au point. — Recherches sur la 
chlorvse végélale provoquée par le carbonate de cal- 
cium. Note de MM. P. Mazé, RuoT et LEMOIGNE. — 
Nouvelles synthèses de glucosides d'alcool à l'aide de 
l'émulsine : Butylglucoside #4, isobutylglucoside 3 et 
allylglucoside #4. Note de MM. E. BornoteLoT et 
M. BriveL. 





BIBLIOGRAPHIE 


Leçons sur les principes de l’analyse, par 
R. d'ApHÉMAR, professeur à la Faculté libre des 
sciences de Lille. 

T. Ie : Séries. Délerminants. Integrales. Poten- 
tiels. Équations intégrales. Équations diffe- 
rentielles et fonctionnelles. In-8 (25 X 16) de 
de vi-324 pages avec 27 figures (10 fr). Gauthier- 
Villars, Paris, 1912. 


Principes de l'analyse : M. d’Adhémar nous 
avertit dès l’abord qu'il n'a point entendu appro- 
fondir les premiers principes de la science mathé- 
matique, mais bien exposer les questions prinri- 
pales, fondamentales. 

L'étudiant qui se propose de lire les travaux 
modernes sur l'analyse, les livres des maitres, se 
trouve arrèté par le grand nombre de mémoires 
qu'il doit consulter pour acquérir les notions pré!i- 
minaires indispensables. Le distingué professeur 
de la Faculté catholique de Lille s’est proposé «le 
lui épargner ce labeur en réunissant dans un 
ouvrage les principales questions servant de base 
aux recherches actuelles. 

L'ouvrage comprendra deux volumes. Dans ce 


premier tome, l'auteur ne s'occupe que des fonc- 
tions de variables réelles. Parfois il néglige délibé- 
rément l'ordre logique de l'exposition, comme 
lorsque, dans la théorie des intégrales doubles et 
des potentiels, il utilise des propositions qui ne 
seront démontrées que plus loin. Après tout, il 
n'est pas utile de fatiguer le débutant en lui impo- 
sant une rigueur logique dont il n'est pas encore 
capable de saisir la nécessité; il vaut mieux dès 
abord lui fournir beaucoup de faits; dans la 
suite, il reprendra par lui-mème les démonstrations 
avec une précision parfaite, lorsqu'il sera arrivé à 
éprouver le besoin de cette rigueur absolue, privi- 
lège de la science mathématique, et qui procure 
un ravissement esthétique aux adeptes de cette 
science. 


Les moteurs à deux temps, par L. VENrot- 
Duczatx. Un vol. in-80 de 136 pages, avec gra- 
vures (4,50 fr). Librairie Dunod et Pinat, Paris, 
1912. 


Il est assez curieux de constater que presque 
tous les moleurs à explosion employés actuelile- 
ment sont du type à quatre temps, alors que les 


N° 1439 


moteurs à deux temps sont reslés presque ignorés, 
malgré les avantages qu'ils présentent. En effet, le 
cycle à deux temps est beaucoup plus régulier, 
demande un nombre moins considérable d'organes, 
et présente une certaine économie de poids à éga- 
lité de puissance. 

Certains auteurs ont prédit un bel avenir aux 
moteurs à deux temps, et on commence à y revenir; 
au point de vue de l'aviation, de tels moteurs 
seraient très désirables à cause de leur grande 
régularité cyclique. 

L'auteur, très connu par ses travaux précédents, 
entre autres sur les turbines à gaz, a voulu mettre 
au point cette question peu connue du moteur à 
deux temps; après avoir exposé des considérations 
générales sur ce type de moteurs, il examine la 
façon dont les divers problèmes qui s’y rapportent 
ont élé envisagés, étudiés et résolus: il décrit les 
divers modèles qui ont été construits jusqu'ici, et 
donne ensuite des résultats d'essais (puissance, 
consommation, analyse de gaz d'échappement) 
effectués par lui-même. 


Hygiène pratique et physiologique de l’avia- 
teur et de l’aéronaute, par H. DE GRAFFIGNY. Un 
vol. in-8° de 140 pages (2,50 fr). Librairie 
Maloine, 27, rue de l’École de Médecine, Paris. 
1912. 


Les deux dangers essentiels, dans l'ordre physio- 
logique, que rencontrent les pilotes d'appareils 
aériens sont le froid et la diminution de pression. 
Ces dangers sont d'ailleurs plus à redouter pour les 
aéronautes que pour les aviateurs, car ils se pro- 
duisent à de hautes altitudes qu'il n'est jamais 
nécessaire d'atteindre en aéroplane. Du moins, 
doit-on s'efforcer de ne pas monter et descendre 
en trop peu de temps, pour éviter les variations 
brusques de pression. 

L'ouvrage de M. de Grafligny contient les impres- 
sions de voyage de nombreux pilotes et passagers 
de ballons et d’aéroplanes; les unes sont parfois 
curieuses, et nous reproduisons l'avis du D' Balencie, 
qui trouve deux avantages à l’aéroplane : d’abord, 
il permet de raccommoder les membres des 
pilotes blessés, ce qui n'est pas à dédaigner; 
ensuite, ce peut être un excellent agent thérapeu- 
tique. « Une chute de quelque cent mètres en vol 
plané conviendrait à tous les excités, à tous les 
violents. Les constipés chroniques se trouveront 
bien des vaporisations d'huile de ricin qui font le 
désespoir des pilotes. » (P. 31.) 


Les transports automobiles, par Yves Guébox, 
ingénieur. Un vol. in-8 de 140 pages avec gra- 
vures (3 fr). Librairie Dunod et Pinat, Paris. 
Sans aucun doute, l’auteur est parfaitement 


documenté sur la question qu'il traite, et les per- 
sonnes qui désirent des renseignements sur les 


COSMOS 223 


automobiles industrielles trouveront ce qu'elles 
recherchent dans cet ouvrage. Omnibus, voitures 
de livraison, binards, arroseuses, auto-fiacres, 
camions, sont décrits avec soin. 

Il est seulement regrettable, à notre avis, que la 
réclame tienne une place vraiment trop considé- 
rable dans ce livre, et qu'elle ne soit pas séparée 
du texte mème. Cela enlève à l'ouvrage un peu de 
sa valeur. 


La concentration nationale, par le capitaine 
Pierre Féuix. Un vol. in-16 de 300 pages (3,50 fr). 
Bernard Grasset, éditeur, 51, rue des Saints- 
Pères, Paris. 


Un pays, pour subsister et grandir, a besoin de 
continuilé dans son gouvernement. L'’hérédité est 
une forme de celte continuilé, mais insuflisante 
selon le capitaine Félix, car elle peut amener au 
pouvoir des incapables. C’est pourquoi l’auteur est 
partisan d’une « dynastie sociocralique » dans 
laquelle l'hérédité intellectuelle remplace l'hérédité 
familiale. C’est fort bien, mais quels moyens sùrs 
el permanents amèneront le règne durable de cette 
aristocratie de l'esprit? L'auteur ne l'indique point 
d'une façon précise et pratique; de plus, il fait du 
libre examen la base de la société moderne. C'est 
dire que cet ouvrage est imprégné d'idées protes- 
tantes. 


Petite Encyclopédieélectro-mécanique, publiée 
sous la direction de HENRY DE GRAFFIGNY, ingénieur 
civil. Vouvelle édition. Collection complète en 
10 volumes, format 17 X 12, d'environ 160 pages 
(chaque volume, 1,50 fr). Librairie des sciences 
et de l'industrie L. Geisler, 1, rue de Médicis, 
Paris, 1912. 
1‘ volume: Manuel élémentaire d'électricité 

industrielle. 

2 volume: Les accumulateurs et les piles. 


3° volume : Manuel du constructeur el conduc- 
teur de dynamos et d'alternateurs. 

4 volume: Canalisations et conduites élec- 
triques. 

o° volume: Le conducteur de moteurs de tous 
systèmes : eau, vapeur, gaz d'éclairage, gaz pauvres, 
petrole, etc. | 

je volume: Manuel pratique décluiranye elec- 
trique. 

7° volume : Le conducteur de moteurs électriques. 

8° volume: Manuel pratique de yalvanoplastie 
et d'électrochtmnire. 

9 volume: Applications thermiques de léler- 
tricite. 

10° volume : Applications industrielies de léner- 
gie électrique ‘traction, telphérage, halage des 
batcaux, travaux des mines). 


224 


COSMOS 


92 aoUT 1912 


FORMULAIRE 


Ciment armé et rouille (Revue d'économie 
industrielle). — Un des còtés les plus intéressants 
et les plus graves de la question de la rouille est 
celui qui concerne les armatures en fer contenues 
dans le béton armé, car tout entretien de ce fer 
est impossible. | 

Peut-on compter sur le béton de ciment pour 
protéger le métal enrobé contre l'oxydation? 

C'est à cette intéressante question que répond 
M. Alexandre Ste dans le Bulletin mensuel de la 
Soriété industrielle du nord de la France de 
février 1942. 

Le béton de ciment constitue autour du fer une 
masse légèrement poreuse, mais qui, lorsqu'elle 
est bien exécutée. peut ètre considérée comme une 
gaine isolant le fer des agents atmosphériques. Il 
est méme reconnu que le ciment décape le fer 
quand il est légèrement rouillé. L'oxyde n'est pas 
réduit, la rouille se répand dans la masse, preuve 
de la formation d'un sel soluble qui ne peut ètre 
que du bicarbonate. Le mécanisme de cet auto- 
décapage reste inexpliqué, car le béton a une réac- 
tion alcaline due à un excès de chaux, et on ne 
voit pas pourquoi il se formerait du bicarbonate 
ferreux. 

I est possible que re soil un phénomène pas- 
sager associé aux réactions qui constituent la prise 
du ciment; aussi n'est-il pasune garantie sullisante 
pour Pavenir. 

Peut-on comptersur la conservation du ferenrobé., 
dans le béton armé? | 

Oui, toutes les fois que le béton n'est pas exposé 
à être traversé par un courant d'eau. Il en est 
ainsi pour le béton placé à l’intérieur des bati- 
ments, à labri des pluies et des écoulements d'eau. 


ou mème noyé dans une nappe aquifère dormante. 

La chaux en excès dans le béton se carbonate 
très lentement, et l'acide carbonique n'arrive pas 
au contact du fer. 

Mais si le béton est traversé par un courant 
d’eau (réservoirs, barrages, béton exposé aux pluies, 
planchers fréquemment mouillés), il subit un 
lavage mécanique intérieur: la chaux en excès se 
bicarbonate, devient soluble et est entrainée: Île 
béton s'appauvrit, devient plus poreux et perd son 
alcalinité; l’acide carbonique de l'eau finit. au bout 
de quelques années, par arriver au métal et l'attaque 
ensuite rapidement. Dans ce cas, il convient de 
protéger le béton au moyen d’une chape en asphalte 
ou en une des matières hydrofuges utilisées pour 
imperméabiliser le ciment. Dans ce cas également, 
il est de premiére nécessité d'éviter absolument 
les fissures du béton, parce qu'elles constituent des 
chemins par où les agents de la rouille peuvent 
parvenir jusqu’au fer. Le béton de ciment est très 
sujet à de petites fissures qui n'ont pas une influence 
sensible sur la solidité: elles en ont davantage au 
point de vue de la conservation, et il semble qu'on 
ne s'en préoccupe pas assez dans la pratique. 





Dissolvant de la rouille. — Il suffit d'inmerger 
les objets rouillés dans une solution concentrée de 
chlorure d'étain. La durée du traitement dépend 
de Ja plus ou moins grande épaisseur de la couche 
de rouille; elle est presque toujours complète an 
bout de vingt-quatre heures. Pour éviter l'attaque 
du métal non oxydé, on doit éviter tonte présence 
d'un excès d'acide dans le bain. Les objets dérouilles 
sont lavès finalement à l'eau, puis à lammoniaque: 
après quoi on les sèche rapidement. 

(J.-M. Rousset.) 





PETITE CORRESPONDANCE 


M. L. R.. à A. — Pour tout ce qui concerne les dia- 
phragmes chautleurs pour combustion incandescente 
Sans flamme, il faudrait vous adresser à M. W. Bone, 
professeur à l'Université de Leeds, Angleterre. 

M. H. M., à S. — Nous ne connaissons pas les revues 
étrangeres, écrites en francais où en anglais, traitant 
du lait et de ses dérivés. 

M. J. T., à L. — Le poste anglais, à grande longueur 
Tendes, qui donne des nouvelles à 23"30" sur une 
note grave ef un peu ronflante est le poste de Poldhu. 
Pour les autres questions, il vous sera répondu direc- 
tement par « Puhonné trés compétent ». 

M. F. M., à S. — Ce dépérissement de vos platanes 
peut provenir de deux causes: d'abord, le terrain 
peut èlre empoisonné, etil v aurait lieu de renouveler 
a lerre on de choisir un autre endroit: ou bien il 
st possible que des parasites se soient attaqués aux 
racines, En tous cas, c'est une plantation à refaire. 


M. H., le M. — Vous trouverez ces appareils acous- 
Uüiques chez Valerv-Frank, 25, boulevard des Capu- 
eines: Collin, 6, rue de l'École-de-Médecine. Nous 
vous rappelons les nouveaux appareils, décrits dans 
le Cosmos: celui du D' Soret, 11, rue Edmond-Morin 
au Havre (Cosmos, n° 1#:3, 2 mai 1912), et celui du 
D' Le Nourne, 87, boulevard Francois-1*, au Havre 
également (Cosmos, n° 1517, 21 mars 1912). 


D +S., à Laprairie (Canada). — Le Cosmos, dans son 
t. XLII, p. 746-747, a donné une note sur les plantes 
dites carnivores et a consacré plusieurs lignes aux 
Sarracenia purpurea, plante localisée au Canada et à 
la côte atlantique des Etats-Unis. Nous ne vous 
remercions pas moins de votre excellente communi- 
cation. Quant à la question des reflets verts du givre. 
nous chercherons si cette observation est nouvelle. 





Imprimerie P. Ferox-Vaau. 3 el B, rue Bayard, Paris, VIIP. 
Le gérant: KE. Pesritrurnar. 


COSMOS 


SOMMAIRE 


No 1410 — 99 AOÛT 1912 


229 


Tour du monde. — Un nouveau volcan sous-marin en Océanie. Les tremblements de terre au Brésil. Un 


phénomène de décharge électrique. Une nouvelle formule pour évaluer les chutes de pluie. Stérilisation 
des liquides par le courant électrique. Mortalité des jeunes enfants en Europe. Le lait hygiénisé. Lu 
prétendue radio-activité des plantes. L'industrie de l'acide carbonique liquide. Longueur d'ondes des 
antennes de télégraphie sans fil. Après la rnpture d’une ligne électrique à 100 000 volts. L'électricité an 
canal de Panama. Cabines téléphoniques silencieuses. Découverte d’un dangereux écueil sous-marin 
‘à l'entrée de Toulon. Canot de sauvetage à moteur, p. 225. 


Lunettes grossissantes Zeiss, Boyen, p. 230. — Un camion-grue électromobile, GnavExwirz, p. 230. — 


Procédé nouveau de pasteurisation du lait, Marre, p. 232. — Les piérides, Ac1000€, p. 233. — Les 
beurres anormaux, Lanacne, p. 233. — Automotrices pétroléo-électriques, G. Dany, p. 237. — Les 
nouvelles théories de la matière (suite), BERTHIER, p. 240. — Notes pratiques de chimie, Gançcox, 
p. 242. — Le temps de pose exact en photographie, p. 25t. — La répartition des animaux sur le 
globe terrestre, MEXNEVÉE, p. 246. — La Terre: sa forme et ses dimensions, CH. LALLEMAND, p. 247. 


— Sociétés savantes: Académie des sciences, p. 219. — Bibliographie, p. 249. 








TOUR DU MONDE 


PHYSIQUE DU GLOBE 


Un nouveau volcan sous-marin en Océanie. 
— Un avis de Amirauté anglaise signale qu'un 
volcan sous-marin ayant l'aspect d'un grand geyser, 
projetant continuellement des vapeurs et de la 
fumée, et par moments des colonnes d'eau, a été 
aperçu le 29 avril 14912 par le capitaine du vapeur 
Tofna à une distance d'environ 2 milles dans le 
sud-est de l'ile Honga-Hapai, dans l'archipel des 
iles Tonga. 


Les tremblements de terre au Brésil. — Le 
Bulletin de la Société sismologique américaine 
a publié une conférence du professeur J.-C. Branner, 
dans laquelle celui-ci expose que le Brésil n’est pas 
aussi complètement exempt de tremblements de 
terre qu'on le croit généralement. Il a donné une 
liste de cinquante sismes bien constatés; le pre- 
mier observé aurait eu lieu en 1560; cependant, 
son authenticité est un peu douteuse. Presque tous 
ces sismes ont présenté peu d'intensité; deux 
cependant ont été assez violents pour causer des 
dommages aux construclions. Le conférencier a 
indiqué les six petits districts qui ont subi ces 
secousses. Comme le Brésil couvre plus de 8 mil- 
lions de kilomètres carrés, on peut estimer que 
c'est une région privilégiée entre toutes, par la 
rareté des tremblements de terre qui s'y pro- 
duisent. Les statistiques relevées avec tant de 
persévérance par M. de Montessus de Ballore nous 
avaient déjà appris que le Brésil est un pays stable 
entre tous. 


MÉTÉOROLOGIE 


Un phénomène de décharge électrique. — 
Tout le monde a probablement remarqué la chute 
soudaine de grosses gouttes de pluie qui se produit 
quelquefois immédiatement après une série de 


T. LXVII. Ne 1440. 


coups de tonnerre au zénith. Je n'ai jamais vu une 
explication satisfaisante de ce phénomène. Je me 
permetsdonc d'en présenter une nouvelle, qui résalte 
de mes recherches de cinq années sur les décharges 
électriques. J'ai publié des reproductions d'effets 
de décharge sur des films photographiques qui 
paraissent justifier complètement les conclusions 
formulées ci-après. 

Chaque décharge disruptive qui se produit dans 
l'air se termine par des strates lumineuses à une 
extrémité et à lautre par des ramifications. 

Dans la région stratiliée, les molécules d'air ont 
moins que leur charge normale de corpuscules 
négatifs. C'est la région dans laquelle l'air est à 
l'état de conducteur. Le ruban de décharge disrup- 
tive se termine par une décharge diffuse. De tels 
effets sont aisément reproduits sur des plaques 
photographiques. 

L'extrémité où l'étincelle se partage en plusieurs 
branches est une région dans laquelle les corpuscules 
négatifs se trouvent en excès. Ce n’est pas une région 
de conduction. Dans cette région, étincelle se 
sépare en plusieurs branches qui pénètrent en divers 
points de la région surchargée de corpuscules néga- 
tifs. Ce sont comme les affluents d'une rivière: ils 
ont cette apparence sur la plaque photographique 
quand on fait éclater l’étincelle au voisinage inimé- 
diat de celle-ci. 

Avant que la décharge ne frappe les gouttes d’eau 
qui tombent avec leurs charges négatives en excès, 
ces gouttes se repoussent lune l'autre et ne peuvent 
par conséquent se souder. Après létincelle, un 
nombre important de gouttes ont perdu lenr charge 
négative. Mais les décharges ramifiées n'ont pu 
atteindre toutes les gouttes, et certaines d'entre 
celles restent fortement chargées. Ces denx gronpes 
de gouttes s'attirent et se réunissent en mème 
temps que la chnte se poursuit. 


226 


L'extrémilé ramifiée de l'éclair est habituelle- 
ment cachée dans le nuage, l'extrémité stralifiée se 
trouvant au-dessus du nuage dans la plupart des cas. 

F. E. Nipher. (Soc. météorologique.) 


Unenouvelle formule pourévaluerles chutes 
de pluie. — On indique généralement par la hau- 
teur en millimètres la quantité d’eau tombée sur 
une région en un temps donné. M. G.-A. Lindsay, 
de Saint-Louis (E.-U.), propose de supputer autre- 
ment cette valeur et d'indiquer la quantité de 
pluie par le volume d'eau tombée sur une surface 
déterminée, cette nouvelle métnode, d'après lui, 
parlant beaucoup mieux à l'esprit. 

Traitant des chutes de pluie aux États-Unis, 
devant l’Académie des sciences de Saint-Louis, il 
exposait que, d’après la méthode usuelle, la pluie 
tombée en 1896 sur le seul État de Missouri repré- 
sentait 101,5 mm, ce qui, d’après sa méthode per- 
sonnelle, devrait être exprimé par un volume 
de 184 kilomètres cubes d'eau! La même notalion 
donnée pour la quantité d’eau tombée sur les 
États-Unis en une année moyenne atteint un 
volume de 6000 000 000 000 tonnes. On ne doit pas 
supposer que toute cette eau retourne à la mer 
par les rivières et les fleuves; la plus grande partie 
est enlevée par l'évaporation. M. Lindsay le démontre 
par ce fait que le débit du Mississipi, à Saint-Louis, 
représente un volume d'eau à peine plus grand que 
celui de la pluie tombée sur le seul Etat de Mis- 
souri; or, c'est là une bien faible partie de l'énorme 
bassin drainé par le fleuve au-dessus de ce point. 


HYGIÈNE 


Stérilisation des liquides par le courant 
électrique. — Electrical World (3 août) signale 
de remarquables résultats obtenus dans applica- 
tion du courant alternatif à la destruction des mi- 
croorganismes dansles liquides. Le D° C.-B. Morrey 
et le professeur F.-C. Caldwell, de l'Université de 
l'Ohio, à Columbus. ont fait couler du lait en 
lames minces à travers une succession de vais- 
seaux mċtalliques, qui constituaient autant d'élec- 
trodes de polarités opposées, si bien que les lames 
de liquides étaient, en de nombreux endroits, par- 
courues par le courant électrique. 

Un échantillon de lait contenant 19480 000 bac- 
téries par centimètre cube fut soumis durant 
quinze secondes à un courant alternatif de 2,5 am- 
péres sous 2 000 volts; après quoi le nombre des 
bactéries se trouva réduit à la fraction 0,000% de 
sa valeur primitive. Dans un autre essai, le taux 
final des bactéries fut 0,013. En troisième lieu, du 
jail infecté expérimentalement par une très grande 
quantité de microbes de la diphtérie (bacilles de 
LæMer) fut stérilisé d'une façon pratiquement 
complète par l'application du courant alternatif. 
Le lait n'est pas moditié chimiquement. La sicri- 


COSMOS 


29 aouT 19192 


jisation ne semble pas due à l'effet thermique du 
courant. 


Mortalité des jeunes enfants en Europe. — 
La Gazette des Hôpitaux (13 août) emprunte les 
chiffres ci-dessous à la Gazetta degli ospedali 
e delle cliniche : 

Le nombre des enfants morts avant d'avoir 
accompli leur première année est, pour 1 000 enfants 
nés vivants, dans les différents pays d'Europe : 


RüSSIC Lada OEA 212 
PAE E ere ar atssse riens 202 
HORRRICS ee ns ets 198 
Allemagne.............. RS 178 
A rer Aer ee es cn 156 
PrBNCR LL ss ds oann- she assise 143 
AUTAA a a EE E E E STE 421 
SUISSE last Tee ee ee e 108 
Suëde....... TR a S R 17 
NOPVCOCRE LEE esse ete 67 


Voici maintenant la mortalité pour 1 000 enfants 
de moins d'un an dans quelques villes d'Europe : 


MOSCOU aana N aa a Sn ass 396 
BOAT SAS DA dr sa eee 21% 
Breslaun nus s heu dans 494 
MUNICH es emo eme a 192 
Marsenlen.i anus ie ns anses 186 
Viennent ie ariue né elshees 183 
Bruxelles......... Re 174 
Boris nina ent 168 
Copenhague uns ss on nee 156 
Hambourg Hs nn esse 156 
LoOnHPeS Lire Daniele 113 
PARIS STE SE ee ue 105 
Pure its Peso uses 93 
AHSA rase anus Yo 
SLOCKTIOlM. Susanne Les 91 


Le lait hygiénisé. — Nous lisons dans la 
Revue scientifique que on donne ce nom au lait 
qui a été successivement : 

41° Analysé et dégusté, pour le séparer des laits 
mouillés, écrémés, fermentés ou de mauvais goùt; 

2° Purifié, pour en extraire les impuretés (poils, 
pellicules, excréments, poussières, etc.); 

3° l’asteurisé à plus de 80° C, et refroidi immé- 
diatement à 4° ou 6° C, pour détruire les microbes 
pathogènes (tuberculose, fièvre typhoiïde, etc.); 

4° Mis en pots ou en bouteilles stérilisés; 

5° Conservé à basse température jusqu’au moment 
de la vente. 

La République Argentine est la première qui ait 
établi ce traitement du lait (4890), imilé depuis 
dans plusieurs pays de l’Europe. Dans l’Argentine, 
l'hvgiénisation est devenue obligatoire, et on s’en 
trouve fort bien, car, grâce à elle, la mortalité infan- 
tile à Buenos-Ayres, qui était de 49 pour 100 en 
4899, n'était plus que de 9,9 pour 4100 en 1909. 

Les usines qui environnent Buenos-Ayres traitent 
près de 600 000 litres de lait par jour. 


N° 1410 


PHYSIQUE 


La prétendue radio-activité des plantes. — 
Après la découverte des rayons Becquerel et de 
la radio-activité, on s'est demandé si la matière 
vivante, dont l’activité se manifeste par une conti- 
nuelle production de chaleur, d'électricité et quel- 
quefois même de lumière, n’émettrait pas sponta- 
nément des rayons Becquerel. 

À priori, l'idée d’une certaine radio-activité 
végétale n'est pas invraisemblable. En effet, les 
végétaux se fixent par leurs racines dans un sol 
qui renferme ordinairement, en poids, quelques 
trillionièmes de radium avec quelques cent-mil- 
lionièmes d'uranium et quelques cent-millièmes 
de thorium; en outre, leurs tiges et leurs feuilles 
se développent dans une atmosphère qui contient, 
par mètre cube, quelques trillionièmes de gramme 
d’'émanation due au radium ou au thorium. De 
plus, il faut tenir compte que, parmi les corps 
simples qui entrent dans la constitution des végé- 
taux, il y en a toujours un, le potassium, qui est, 
quoique très faiblement, radio-actif. 

Les premières recherches expérimentales ont 
été faites par Tommasina, de Genève, en 1904. 
Les végétaux dont il voulait apprécier la radio- 
aclivilé étaient introduits dans une cage métal- 
lique reposant sur un électroscope à feuilles d’or 
préalablement chargé, el il mesurait la vitesse 
avec laquelle les feuilles d'or se rapprochaient, 
indiquant la perte de charge. L'auteur a pu con- 
stater que des végétaux fraichement cueillis, 
herbes, fruits, fleurs, feuilles, possédaient une radio- 
activité assez appréciable, alors que les objets du 
laboratoire,ainsi que les mêmes végélaux desséchés, 
n’en présentaient que des traces minimes. Cette 
radio-activité ne se manifestant que pendant la 
vie des plantes en expériences, l'auteur l’a appelée 
bio-radio-activité. 

En janvier 1905, M. Paul Becquerel, reprenant 
ces expériences, trouva les mêmes résultats : des 
grains, des germinalions de pois, des tiges de mousse 
et de buis déchargeaient l’électroscope avec une 
assez grande rapidité; on pouvait croire que ces 
végétaux ionisaient l'air en émettant des rayons 
Becquerel. Cependant l’auteur trouva que des graines 
mortes n'étaient pas moins actives que des graines 
sèches en état de vie latente. De plus, il réfléchit 
qu'il pouvait y avoir une grave cause d'erreur, 
produite par l’émission de la vapeur d’eau dans 
la transpiration de ces végétaux : la vapeur d’eau, 
se condensant à la surface de la cage en verre de 
l'électroscope, suffit peut-être à conduire l’électri- 
cité et à décharger l’électroscope. 

C'est ce que M. Becquerel a vérifié dans des 
expériences de contrèle : un morceau de baryte 
anhydre, placé pour absorber la vapeur dans la 
cage de l’électroscope à côlé des végétaux essayés, 


COSMOS 


227 


change complètement le phénomène et arrète la 
décharge de l’électroscope. Les résultats obtenus 
par Tommasina sur des herbes, des fruits et des 
feuilles fraichement cueillis devaient donc être 
dus, non à la radio-activité, mais à la vapeur 
d'eau de transpiration, contre laquelle il n'avait 
pris aucune précaulion. 

Tout dernièrement, deux jeunes savants de 
l’Institut Pasteur, Thomas et Lancien, ont contrôlé 
minutieusement les expériences de Tommasina et 
de Becquerel, et ils ont retrouvé les résultats de 
ce dernier (P. Becquerez, la Radio-Activité et la 
biologie végétale, Revue générale des Sciences, 
45 août). Ainsi, avec les moyens les plus précis 
dont nous disposons, aucun physicien n'a prouvé 
jusqu'ici qu'il existe une bio-radio-activité vègé- 
tale. Si les végétaux présentent une très faible 
radio activité, fort difficile d’ailleurs à mettre en 
évidence, cette radio-activité, qui ne fait nulle- 
ment parlie de leurs propriétés vitales et qu'on ne 
doit pas appeler bio-radio-activité, ne dépasse cer- 
tainement pas celle que peut comporter leur teneur 
en potassium, non plus que la radio-activité du 
sol et de l'atmosphère où ils ont vécu. 


' D’industrie de l'acide carbonique liquide. 
— La Chronique des ingénieurs civils résume une 
conférence faite à l'Ecole supérieure de commerce 
de Berlin, où M. Ugo Baum a donné d'intéressantes 
indications sur l'importance qu'a acquise la pro- 
duction de l’acide carbonique liquide et le com- 
merce qui s'en fait en bouteilles d'acier, depuisqu'en 
1875 Barber a proposé l'emploi de cette substance 
pour combattre les incendies à bord des navires et 
pour actionner les torpilles marines. 

La liquéfaction de l'acide carbonique pour les 
usages industriels a débuté en 1878 avec emploi 
de compresseurs à vapeur pour obtenir les pressions 
nécessaires, ces pressions étant, comme on sait, 
de 36 atmosphères à la température de 0° et de 
50 à 60 à celle de 20° à 40° C. Une bouteille d'acier 
de la capacité de 44 litres peut renfermer un 
volume de gaz de 5 400 litres. 

Des renseignements recueillis, il semble que la 
première application pratique de l’acide carhonique 
liquide ait été faite au port de Kiel, le 27 août 
1879, pour soulever du fond de l'eau une pierre du 
poids de 40 kilogrammes au moyen d'un procedé 
imaginé par Raydt, qu'on pent considérer comme 
l'initiateur de cette industrie. Les établissements 
Krupp s'en servirent pour obtentr la coulée des 
mélaux sous pression, mais le plus vaste champ 
d'application que l'acide carbonique liquide a trouvé 
est dans les brasseries, pour le montage de la biere, 
et dans la préparation des eaux gazeuses. 

Raydt céda ses brevets à la Société Kuünheim 
et Cie, de Berlin, et en {SR4 fut fondée ia A/tren 
freselischaft fr  Kohlensirure Industrie. Ce ne 
fut qu'après l’annulation de ces brevets, prononcée 


238 COSMOS 


à la demande de Rommeholler et Hammerschmidt, 
que l'industrie de l’acide carbonique prit un déve- 
loppement rapide. 

Sur la quantité produite actuellement, 95 pour 
100 sont employés à gazéifier les eaux minérales et 
à maintenir sous pression les füts de bière destinés 
à la consommation; on emploie aussi ce gaz à 
soulever des objets submergés, à préparer des 
bains médicaux, à la production des vins mousseux 
et à l’alimentation d’extincteurs d'incendie. 

La production va toujours en augmentant; ainsi 
elle était de 122000 kilogrammes en 1884 et a 
passé à 41 million de kilogrammes en 1889, pour 
arriver à 45 millions en 1909 et à 34 en 1910, total 
‘sur lequel 34,5 millions sont fournis par l’Alle- 
magne. La valeur de ce produit est d'environ 
8 750 000 francs. Les 45 centièmes de l’acide carbo- 
nique produit sont préparés artificiellement dans 
vingt-quatre fabriques, le reste provient de sources 
naturelles qui alimentent trente autres fabriques. 

Dans les conditions actuelles des prix de la 
matière, la préparation de l'acide carbonique au 
moyen de la calcinalion de la magnésite ne peut 
être rémunératrice, et il faut avoir recours à d’autres 
procédés, par exemple l’utilisation des gaz prove- 
nant de la combustion du coke servant à produire 
la force motrice pour la compression du gaz, en 
absorbant l’acide carbonique par du carbonate de 
soude facile à décomposer par la chaleur. 

On ne doit pas se dissimuler que cette industrie 
intéressante est lourdement grevée par le très 
fort capital représenté par les bouteilles d'acier 
qui se trouvent chez les consommateurs, et dont le 
prix représente six à sept fois la valeur de la mar- 
chandise vendue. 


ÉLECTRICITÉ 


Longueur d’ondes des antennes de télégra- 
phie sans fil. — Nombreuses sont les formes 
d'antennes : on en fait qui sont purement verti- 
cales,simples ou composées de plusieurs fils. Parmi 
celles qui se rapprochent de cette forme, on trouve 
l'antenne prismatique, l'antenne en rideau, l'an- 
tenne en parapluie, l'antenne pyramidale droite 
ou renversée. D’autres antennes sont en pârtie 
verticales et en partie horizontales (antennes de 
navires tendues de mât à måt), ce sont les antennes 
en T ou en V. Toutes ces formes sont utilisées 
suivant les cas, c'est-à-dire suivant la hauteur 
et le nombre des‘supports dont on dispose, suivant 
Ja puissance de rayonnement du poste, et surtout 
suivant la longueur d'ondes que l'on veut réaliser. 

La longueur d'ondes fondamentale d’une antenne 
filiforme simple est toujours très légèrement supè- 
rieure à quatre fois la longueur de l'antenne ion 
peut noter l'analogie des tuyaux d'orgue en acous- 
lique : la longueur d’onde d’un tuyau d'orgue 
fermé à son extrémité est sensiblement égaie à 


29 aourT 1912 


quatre fois la longueur du tuyau). Elle serait exac- 
tement égale à quatre fois la longueur de l’antenne 
si celle-ci était très longue et très fine. 

Pour les antennes filiformes à branches mul- 
tiples, la longueur d'ondes est plus grande; si les 
fils sont très nombreux et très écartés, on peut 
arriver facilement à tripler la longueur d'onde. 

Ainsi une antenne verticale de 100 mètres de 
haut peut avoir une longueur d'onde de 400 à 
4 200 mètres, suivant le nombre, le diamètre et 
l'écart des fils. 

S'il s’agit d’une antenne de forme compliquée, 
il n’est pas possible aujourd hui de déterminer par 
le calcul quelle sera sa longueur d'onde fondamen- 
tale. Cependant les techniciens ne sont pas pris au 
dépourvu, ils peuvent résoudre le problème en 
opérant sur des modèles réduits. En effet, comme 
lexpose une note de M. P. Jégou (Revue scient., 
10 aoùt), l'expérience prouve que, si on reproduit 
une antenne existante à une échelle donnée (mème 
nombre de fils, forme identique, diamètre des fils 
reproduit lui-même à l'échelle), la longueur d'ondes 
varie dans le mème rapport. 


Après la rupture d’une ligne électrique 
à 100 000 volts. — Le 14 avril dernier, un des 
câbles de la Central Colorado Power C°, qui trans- 
met le courant à 100 000 volts entre lusine de 
Boulder et la ville de Denver, vint à se rompre 
dans une portée de 200 mètres, à une distance de 


-3 kilomètres de la cité; les deux extrémités du 


càble tombèrent sur le sol, dans un champ labouré. 
Il était 4 heure du matin; la charge de la ligne, 
à ce moment, était de 3 700 kilowatts. 

Quelles furent les conséquences de l'accident? La 
ligne fonctionna comme si rien n’était arrivé, le 
circuit électrique se fermant par le sol, du moins 
pendant un intervalle de sept heures; car, peu 
à peu, l'un des fils se mit à brüler, et les arcs 
électriques allumés entre ce fil et le sol occasion- 
nèrent des variations sur le réseau et des oscilla- 
tions aux appareils de mesure de la station, qui 
attirèrent l'attention du surveillant. 

A l'endroit de l'accident, tout le long du fil 
brûlé, on retrouva des fulgurites en forme de cône, 
dans le sol d'argile, formées par les masses sco- 
rifiées par le courant. Quelques-unes de ces fulgu- 
rites avaient 20 centimètres de diamètre; la pointe 
du cône s’enfonçait à 45 centimètres dans le sol; 
la surface était hérissée de nombreuses épines 
s’enfonçant dans la terre avoisinante. Trois heures 
après que le courant avait été coupé, le sol restait 
encore brülant le long de la place occupée par les 
conducteurs. 


L’électricité au canal de Panama. — Il est 
inutile de dire que l'électricité sera employée 
presque exclusivement au canal de Panama pour 
toutes les opérations de l'exploitation : éclairage, 


N° 1440 


manœuvre des écluses, halage des bätiments, etc. 

Une usine hydraulique, établie au nord du barrage 
de Gatun, fournira 6000 kilowatts et ne dépensera 
que 7 pour 400 de l’eau en excès, après déduction 
des quantités absorbées par l’évaporation, par les 
infiltrations et par les éclusées. La chute de Gatun 
aura en moyenne une hauteur de 23 mètres. 


Cabines téléphoniques silencieuses. — 
L'Elektrotechnische Zeitschrift rapporte que la 
maison Otto, Scherell et Cie, de Nordhausen, 
construit des cabines téléphoniques dans lesquelles 
ne pénètre absolument aucun bruit du dehors. Les 
parois de cette cabine sont formées de cinq lames 
en bois superposées en forme de croix, collées 
ensemble et incrustées d'un sextuple isolement. 
Cette installation fait éviter l'emploi de coussins 
de renbourrage. Les cabines en question se 
démontent en six parlies; on peut donc les faire 
pénétrer par toutes les portes et les transporter 
facilement, mème dans des escaliers étroits. Les 
mèmes cabines ont reçu des ouvertures isolées 
laissant passer les conducteurs d'éclairage élec- 
trique et les fils du téléphone; il devient donc 
inutile de percer leurs parois. (Electricien) 


HYDROGRAPHIE 
Découverte d’un dangereux écueil sous- 
marin à l’entrée de Toulon. — Il n’est pas 


d'année où l’on ne découvre qirelque roche nou- 
velle sur nos côtes — sans parler des côtes étran- 
gères, — mème dans les parages les plus fréquentés 
et qui paraissent les mieux connus, comme ceux 
des environs de Brest ou de Quiberon. Le plus 
souvent, ces dangereux écueils sous-marins ne sont 
découverts que lorsque le hasard amène quelque 
bateau malchanceux à les caresser avec leur quille, 
quand ce n'est pas avec leur coque elle-même. 
C'est ainsi qu'ont été découvertes, notamment, la 
roche du Fulminant dans le passage pourtant si 
fréquenté du Four, au nord de la pointe Saint- 
Matthieu; celle du Charles-Martel dans l'Iroise, en 
pleine entrée de Brest; celle du Hoche, à l'entrée 
de la baie de Quiberon. 

Jusqu'à présent, c'était la côte de Bretagne qui 
paraissait particulièrement redoutable à ce point 
de vue. La côle de Provence, qui semblait plus 
saine ou mieux connue, n'a plus rien désormais à 
lui envier. On signale, en effet, de Toulon qu'une 
roche couverte seulement de 4 à 5 mètres d'eau 
vient d’être découverte au milieu de fonds de 15 
à 20 mètres, à 600 mètres dans le S. 34° O. du cap 
Cépet, qui limite au Sud la grande rade de Toulon. 

Quand on pense que, depuis plus de cent ans, 
les plus grosses unités de nos flottes de combat 
ont passé par là, on peut dire que c'est un miracle 
qu’il ne s’y soit jamais produit quelque désastre. 

Et ce qu'il y a de plus extraordinaire, c'est que 
cette roche est parfaitement visible sous l'eau, et 


COSMOS 


224 


reconnaissable, même à assez grande distance, 
par une coloration verdätre qu'elle donne à la 
surface de la mer et qu'on peut apercevoir dès 
que l’on a doublé le cap Cépet. 

On a déjà exposé, dans cette revue, combien la 
reconnaissance des roches sous-marines était difli- 
cile. Elle constitue un des problèmes les plus 
importants — et les plus ardus — de la science 
de l'hydrographie. 

Les hydro-aéroplanes permettront sans doute de 
résoudre à coup sûr cet important problème: car 
on sait que lorsqu'on s'élève à une certaine hau- 
teur au-dessus de l’eau, on aperçoit très bien — 
du moins quand l’eau est calme — les objets faisant 
saillie sur le fond, roches ou sous-marins. Il sera 
donc possible désormais, quand l’hydrographie 
d’une côte aura été terminée, de s'assurer qu’il ne 
reste aucune roche dangereuse ayant échappé à la 
sonde de l’hydrographe, el ce ne sera pas là un 
des avantages les moins précieux de la nouvelle 
invention. PIERRE GUIDEL. 


MARINE 


Canot de sauvetage à moteur. — Après bien 
des hésitations, la Société centrale des naufragés 
s'est décidée à mettre des moteurs sur les nouveaux 
canots. Jadis, ces hésitations étaient largement jus- 
tifiées en raison des terribles services que l'on 
demande à ces embarcations et qui y rendaient 
impossible l'usage des machines à vapeur; mais les 
immenses progrès des moteurs à explosion faisant 
disparaitre la plupart des objections, l'Angleterre 
a adopté le canot automobile dans ses Sociétés de 
sauvetage et s’en est bien trouvée. Notre Société 
centrale ne pouvait plus hésiter, et le Yacht nous 
a appris qu'elle a mis en service au mois de juin. 
à Dieppe, après des essais très satisfaisants effec- 
tués à Juvisy et à Dieppe, son premier canot de 
sauvetage à moteur. 

Ce canot, construit à Juvisy par les chantiers 
Deperdussin, a été offert par M™° Guérin et porte 
le nom de Raoul-Guérin; il est en acier, de type 
dit inchavirable, et a 40 mètres sur 2,60 m; son 
insubmersibilité est assurée par son compartimen- 
tage et par 16 caisses à air placées et fixées sous 
les bancs en abord. Le pont, élevė de cinq centi- 
mètres au-dessus de la flottaison en charge; est 
percé de huit puits garnis de soupapes qui per- 
mettent l'évacuation de l'eau embarquée à raison 
d’une tonne en vingt seconiles. 

L'hélice tourne dans un tunnel protecteur con- 
stitué par les formes spéciales de l'arrière: un mo- 
teur à essence à 4 cylindres Aster, type marin, de 
25 chevaux, renfermé dans un compartiment abso- 
lument étanche, lui imprime, à 759 tours par 
minule, une vitesse de 6.5 nœuds. 

Un inverseur Panhard permet de renverser la 
marche instantanément. 


230 


COSMOS 


29 aouT 1912 


Lunettes grossissantes Zeiss. 


Les lunettes grossissantes que vient de construire 
la maison Zeiss d'Iéna sont destinées aux personnes 
très myopes, dont elies améliorent notablement la 
vue en agrandissant l'image rétinienne. Les fabri- 
cants vantent surtout les avantages qu'elles offrent 
aux gens incapables de supporter longtemps les 
verres correcteurs simples. 

Chacun des systèmes optiques de ces nouveaux 
besicles comprend deux parties encaslrées dans 
une large monture métallique: en avant, une 
assez grande lentille convergente et, au voisinage 


de l'œil, une lentille divergente plus petite. On règle ` 


ces dernières lune par rapport à l'autre, de manière 
qu'elles fournissent un champ exempt de distorsion, 
d'astigmatisme des rayons obliques et d’aberra- 
tions chromatiques, si gênantes pour la vision. 

Toutefois, elles donnent un aspect lourd et peu 
esthétique à ceux qui les portent, surtout s'il s'agit de 
représentantes du beau sexe. Malgré leur monture 
métallique en duraluminium, alliage très léger, ces 
syslèmes optiques pèsent plus que de simples len- 
tilles divergentes du modèle courant. Le poids 
varie enlre 13 grammes pour celui de —18 dioptries 
ct 20 grammes pour celui de —10 dioptries. 
Aussi, afin que les sujels les supportent aisément, 


les constructeurs ont adapté à la monture, en plus. 


du pont en W ordinaire qui épouse la racine du 
nez, deux supports s'appuyant sur ses ailes. Le 
nez du patient se (rouve pris alors de trois côtés, 
les luneltes parfaitement fixées, et leur poids, 
(35 grammes en tout pour —16 dioptries), réparti 
sur une assez grande surface, n'exerce aucune 
pression gênante. Ces montures s'adaptent à toule 
fcrme d’appendice nasal, füt-il de la taille de celui 
de Cyrano! N'importe quel opticien modifie à 
volonté la longueur, la distance respective et l'in- 
clinaison des ponts latéraux pour les proportionner 
aux yeux et au nez de ses clients. En outre, afin de 
replier ces lunettes sous un petit volume et de les 
renfermer dans un étui pas trop volumineux, on 
munit leurs branches d'une seconde articulation. 

D'après les observations du professeur E. Hertel, 
directeur de la clinique ophtalmologique de l'Uni- 
versilé de Strasbourg, on doit adopter des systèmes 
optiques agrandissant seulement l'image rétinienne 


de 30 pour 100. Pour ce grossissement, qui corres- 
pond à peu près à celui que nécessite l'ablation du 
cristallin, la maison Zeiss a pu réaliser des lunettes 
corrigées d’une façon presque parfaite avec un 
champ de vision considérable (43°). Pour des gros- 
sissements plus considérables, les opticiens d’'Iéna 
n'ont pu obtenir une correction aussi grande des 
faisceaux obliques que pour un champ de vision 
notablement plus restreint. 

Avec des lunettes de faible grossissement, les 
personnes jeunes peuvent lire également, mais les 
vieillards ou les individus se servant de grossisse- 
ments assez forls doivent prendre des dispositions 


. particulières, soil en munissant ces besicles d'un 


verre additionnel approprié, soit en employant des 
lunettes grossissantes dites « de travail », qui per- 





NOUXYELLES LUNETTES GROSSISSANTES ZEISS. 


mettent la lecture à une distance d'environ 25 à 
30 centimètres. En ce cas, bien entendu, l'image 
rélinienne ne se (rouve pas aussi agrandie que quand 
un sujet, fortement myope, met l'objet à son 
punctum proximum. D'ailleurs, pour remplir leur 
but et tenir les promesses théoriques, les lunettes 
grossissantes exigent une adaptation soignée. II 
faut que chacun des systèmes optiques soit centré 
sur l'œil et que lu distance entre le sommet de la 
lentille voisine de l'œil et la cornée égale 12 mil- 
limètres. Il s’agit donc, en définitive, d’un instru- 
ment précis mais délicat, qui rendra d’incontes- 
tables services aux myopes peu coquets et assez 
fortunés pour s'offrir des besicles de 60 marks! 


JacouEs BOYER. 


———_—_ a ———— — 


Un camion-grue électromobile. 


Les frais de manutention des matières en vrac 
ont été considérablement réduits par les machines 
spéciales — le plus souvent à commande élec- 
trique — qu'on a adoptées ces dernières années. 
Le camion-grue électromobile construit par une 


Société américaine, la General Electric Company, 
nous semble constituer un nouveau progrès dans 
celte voie. C'est, en effet, un camion électromobile 
de construction très compacte, portant à son extré- 
mité antérieure une grue pivotante dont le crochet 


my 


N° 1440 


est soulevé ou abaissé par un cabestan de une 
tonne, actionné par la batterie d’accumulateurs du 
véhicule. La nouveauté de cet engin réside moins 
dans la construction de chacune de ses pièces que 
dans leur combinaison en un ensemble parfaitement 
étudié qui permet de commander le camion et la 
grue alternativement ou simultanément. Ce véhi- 
cule sert enfin de tracteur pour la propulsion de 
remorques quelconques ou de construction spéciale. 


A 


Kag í 
Do Da | 
4 7» H.. € . 


< 





COSMOS 


231 


La capacité de ce singulier véhicule, déterminée 
par la puissance de la grue, est de 900 kilogrammes. 
Une batterie d'accumulateurs de 44 éléments, 
d'une capacité de 168 ampères-heure, qui alimente 
un moteur de 85 volts, 28 ampères, 4 200 lours par 
minute, lui donne une vitesse de 14,5 km : h sans 
charge, de 11,2 km: h avec charge de 1 tonne 
au crochet de la grue, et de 8,0 km: h avec 5 tonnes 
en remorque. Le contrôleur permet du reste de 


UN CAMION-GRUE TRANSPORTANT DEUX BARILS. 


graduer cette vitesse en quatre degrés, avec deux 
vitesses arrière. Le poids du véhicule complet avec 
son cabestan et la grue est de 2 250 kilogrammes. 

Lorsqu'il s’agit de déplacer à une distance verti- 
cale de 3 mètres ou moins, et de déposer dans un 
rayon de 1,8 à 2,5 m, des matières pouvant être 
subdivisées en paquets de une tonne ou moins, on 
amène le véhicule dans une position convenable, 
et, après avoir mis en aclion les freins, on fait 
fonclionner le cabestan. C’est alors que la grue 


oscillera entre les points de chargement et de 
déchargement, sans que le véhicule ait à se dé- 


placer. 

Pour déplacer de grandes ou de petites quantités 
de matière à une distance inférieure à 420 mètres 
ou de pelites quantités à une distance quelconque, 
on ädopte le procédé suivant : après avoir soulevé 
sa charge par le crochet de la grue, le véhicule 


démarre et, en un temps incroyablement court, va 
déposer les marchandises à l'endroit où on les 


232 


demande, sur le parquet, sur une pile verti- 
cale, etc., suivant les cas. Grâce au faible empatte- 
ment, ce véhicule peut virer sur des courbes de 
rayons très courts, ce qui lui permet de se 
déplacer avec une extrême facilité parmi les objets 
de toute sorte encombrant les cours d'usines, etc. 

Lorsqu'il s’agit enfin de transporter de grandes 
quantités de marchandises à des distances supé- 
rieures à 120 mètres, le meilleur procédé consiste 
à atteler le camion à des trains d'environ quatre 


—— Á 


COSMOS 





90 aour 1919 


remorques. Pour assurer un rendement maximum, 
on s'arrange pour charger un train et pour en 
décharger un autre, pendant que le camion fait le 
trajet entre les points de chargement et de déchar- 
gement. 

L'introduction de ce nouvel engin de transport 
dans différentes usines américaines a permis de 
réaliser des économies fort sérieuses, tout en faci- 
litant et en simplifiant beaucoup le service de ma- 
nutention. Dr A. GRADENWITZ. 


Procédé nouveau pour la pasteurisation du lait. 


Le problème de la pasteurisation du lait ne pré- 
sente pas seulement un intérêt d'ordre technique, 
encesensqu'il permet, dansla fabrication du beurre 
et du fromage, la destruction des microgermes 
nuisibles et le réensemencement au moyen de cul- 
tures sélectionnées; il rend possible, par surcroit, 
dans l’industrie laitière proprement dite, lobten- 
tion de produits d’une qualité uniforme et d'une 
conservation parfaite. Il revêt surtout une impor- 
tance primordiale en hygiène sociale, puisqu ilparait 
probable que le lait est un des véhicules les plus 
communs du terrible bacille tuberculenux de Koch. 
Cela est si vrai qu’à Liége, au dernier Congrès 
de l'alimentation, M. le bourgmestre Klayers a pu 
affirmer que 60 pour 100 des laits consommés dans 
l'agglomération liégeoise contiennent le germe 
redoutable de la tuberculose. Cette proportion 
énorme n'est fort heureusement pas aussi élevée, 
à beaucoup près, dans toutes les régions, mais il 
n’en reste pas moins que certains laits crus consti- 
tuent un grave danger pour les enfants, les malades 
et les vieillards qui le consomment, c’est-à-dire 
pour des organismesinsuflisamment aguerrisencore 
ou débilités et, par suite, mal défendus contre les 
possibilités d'infections morbides. 

Or, la pasteurisation, trop rarement pratiquée, 
l’est en général d'une façon défectueuse, et les 
divers procédés industriels mis en œuvre pour 
l’effectuer ne sont pas à l'abri de tout reproche. 

Reprenant à son tour les critiques formultes 
contre les méthodes couramment en usage — alté- 
ration du gout, séparation de la crème rendant 
nécessaire le passage à l'homogénéisateur, diminu- 
lion de la valeur alimentaire absolue, élévation des 
frais nécessaires, — M. C. Amege a décrit (yg. de 
la riunde et du lait, 10-35-12, p. 129-136) un 
système dont il est l'inventeur et qui repose sur un 
principe absolument nouveau. 

La pasteurisation, primitivement effectuée par 
un chauffage à + 65°, + 70° ou + 75°, s'est révélée 
à l'usage parfaitement incapable d'assurer la stéri- 
lisation intégrale à laquelle elle tend. En ce qui 
concerne nolamment le bacille de la tuberculose, 


il a été décidé au Congrès de Liége qu’il y avait 
lieu de réclamer des pouvoirs publics un chauffage 
à + 85° pour tout le lait mis en vente; or, jusqu'ici, 
on a presque toujours opéré le chauffage en vase 
clos et sous pression, ce qui a conduit aux mul- 
liples inconvénients signalés tout à Theure. 
M. Amege, au contraire, préconise un système 
contrôlé par lui depuis plus de quinze ans, et 
dans lequel la pression est complètement sup- 
primée pendant le chauffage, ce qui a pour résultat 
de supprimer le « goùt de cuit » et de laisser la 
crème parfaitement émulsionnée dans le lait. Il 
faudrait, en effet, d'après ses observations, incri- 
miner l'acide carbonique et l'ammoniaque gazeux, 
résultat de la décomposition à une certaine tem- 
pérature du carbonate d'ammoniaque préexistant 
dans le lait et qui, dans les procédés pratiqués 
jusqu'à nos jours, restent emprisonnés sous forte 
pression au contact du liquide, donnant lieu à cer- 
taines réactions assez complexes dont le résultat 
tangible est l’altération du produit. 

Avec le dispositif imaginé par M. Amege, et qui 
consiste en une petite canalisation réalisée par une 
aiguille double fixée entre le bouchon ou la ron- 
delle de caoutchouc et le goulot du flacon, ces gaz 
sont éliminés au fur et à mesure de leur produc- 
tion. L'opération terminée, il n'y a plus qu'à 
relirer l’aiguille. 

On peut toutefois la laisser en place si on désire 
aérer lentement le lait, de manière à le rendre plus 
digestible, tout en le maintenant à l'abri des 
poussières en suspension dans l'air. Mais cette 
aération ne doit pas durer plus de cinq ou six jours, 
car en raison de phénomènes encore mal connus, 
les ferments peptonisants, non détruits, trans- 
forment partiellement, au contact de lair, les 
albuminoïdes en ammoniaque. Le point important 
est donc de réaliser les températures exactement 
nécessaires à la destruction des germes et de régler 
la durée optimum de l’aération, de façon à obtenir 
un lait stérilisé présentant le maximum possible 
de digestibilité. 

En aucun cas, les laits ainsi traités ne doivent 


N° 1440 


ètre homogénéisés. La seule opération annexe qu'il 
soit nécessaire de leur faire subir est une filtration 
préalable, et encore est-il logique de l'effectuer en 
mème temps que le remplissage automatique des 
bouteilles. 

Il est prudent de laisser entre le bouchon et le 
niveau supérieur du liquide un vide d'un demi- 
décilitre environ, qui correspond à la dilatation 
prévue, car il serait à la fois onéreux et inutile de 
laisser le trop-plein se déverser à travers la cana- 
lisation de l'aiguille. 

Par l'emploi de ce procédé, ou plus exactement 
de cet artifice très simple, il est, parait-il, possible 
de réaliser une économie qui compense largement 
les frais du. chauffage. Celui-ci est conduit en plu- 
sieurs stades. Les bouteilles, disposées par 100 ou 
200 sur des plateaux que commande un arbre 
central, pénètrent successivement dans des bains- 
marie respectivement chauffés à + 35°, + 60°, 
+ 80°, + 100° et + 109°. Dans les deux derniers, 
l'eau est additionnée jusqu’à saturation d’un sel 
peu coûteux qui en retarde l'ébullition. Suivant la 
dimension des plateaux, on arrrive à traiter de la 
sorte 600 à 4 200 litres de lait pendant une journée 
de dix heures. 


COSMOS 


233 


Plus économiquement, si on estime suffisante 
une pasteurisation à + 85°, on peut traiter directe- 
ment en fuüts, grâce à l'appareil rotatif que 
M. Amege a établi sur le mème principe. Le ren- 
dement est d'environ 1 000 litres par heure. L'avan- 
tage pratique de cette pasteurisation massive est 
de permettre la livraison aux détaillants de lait en 
füts avec bondes plaquées et robinets de süreté, ce 
qui rend impossible tout mouillage frauduleux en 
cours de transport, et supprime en mème temps 
les frais élevés résultant du rinçage, de la casse 
des bouteilles, de la perte des bouchons mécaniques, 
de la comptabilité et du controle compliqués des 
bouteilles livrées à la clientèle et retournées après 
usage. On rendrait ainsi abordable à toutes les 
bourses un lait pur, complet, propre et rigoureuse- 
ment privé de tous germes pathogènes, en mème 
temps qu exempt de toute chance d'altération. 

C'est là, en effet, le but qu'il faut surtout 
s'attacher à atteindre, car il ne suffit pas, en 
matière d'hygiène laitière, d'obtenir un produit 
parfait, il faut encore le rendre accessible à tous. 
et le mettre en vente à des prix qui en permettent 
l'achat à la clientèle la moins fortunée. 

FRaxcis Mae. 





Les piérides. 


Les piérides représentent, dans le grand ordre 
des Lépidoptères si peuplé de ravageurs, un des 
genres des plus nuisibles aux intérèts de l’homme, 
par le tort que font ses diverses espèces à des 
plantes d’une grande importance horticole. Ce 
sont des papillons diurnes, à antennes terminées 
en massue, d'envergure assez ample, très actifs 
par les jours ensoleillés, et qui offrent à un 
examen superficiel le trait commun d'avoir des 
ailes blanches non anguleuses. 

Les piérides sont des ennemis redoutables; voici 
celles qui, dans nos régions, causent le plus de 
dégäts et méritent, par conséquent, d’une manière 
plus spéciale l’aversion de l'horticulteur. 

La piéride de l’aubépine (Aporia cratægi), vul- 
gairement appelée le gazé à la suite de l'entomo- 
logiste Geoffroy, a les ailes d'un blanc jaunatre 
uniforme, sans taches, traversées seulement par 
le réseau des nervures noires. 

Son aire géographique est très étendue; elle est 
commune dans toute l'Europe, et se trouve mème 
au Japon. Elle vole chez nous de la fin de mai à 
juillet, en grande abondance certaines années, et 
d'autres années beaucoup plus rare, parfois presque 
introuvable. 

La femelle dépose ses œufs, qui sont jaunes et 
en forme de poire, par tas sur les branches ou à 
la face supérieure des feuilles des aubépines, des 


pruniers, des cerisiers, des amandiers et d'autres 
arbres fruitiers analogues. De ces œufs sortent à 
l'automne de petites chenilles, qui, à peine écloses 
et obéissant à leur instinct de sociabilité, filent en 
commun une toile solidement adhérente à quelque 
branche, et qui est destinée à leur servir d'abri 
contre les intempéries hivernales. 

Au printemps, cette toile est rompue, et les che- 
nilles, douées d'un robuste appétit, commencent à 
faire des excursions et à chercher des vivres aux 
environs. Comme, à cette époque, elles ne trouvent 
que des bourgeons, elles peuvent causer des dégâts 
considérables, en anéantissant le germe des ra- 
meaux et des fleurs. 

Elles ne sortent pas pendant les pluies, et par 
les jours de beau temps elles rentrent le soir au 
domicile. Après une mue, se trouvant logées trop 
à l'étroit, elles filent une nouvelle toile, plus 
grande. Elles ne quittent définitivement leur abri 
commun qu'après la dernière mue, et se répandent 
alors sur toutes les branches. 

Quand elles ont atteint toute leur taille, elles 
sont d'un gris luisant, parsemées de quelques poils 
blancs et fins, avec le dos brun, marqué de ligues 
longitudinales d'un rouge orangé, assez larges, et 
la tête noire. La chrysalide est d'un blane ver- 
dâtre, avec deux lignes lalérales jaunes et de 
nombreuses taches noires formant un dessin irré- 


23% 


gulier; elle donne son papillon au bout de quinze 
jours. 

Cette piéride est parfois un véritable fléau, par 
l'abondance de ses chenilles, qui dévorent les 
bourgeons et les feuilles des arbres fruitiers. Le 
seul moyen pratique de s'opposer à ses ravages 





F1G. 1. — PIÉRIDE DE L'AUBÉPINE. 


est de recueillir ses nids au printemps et de les 
détruire. 

Une autre espèce, connue de tout le monde et 
que l’on pent voir voler jusque dans les rues des 
grandes villes, est la Piéride du chou (Pieris bras- 
sicæ), vulgairement le grand papillon du chou. 
Elle est à peu près de la {aille du gazé. Ses ailes 
sont d'un blanc crème, les antérieures marquées 
au sommet d'une tache d'un noir profond, sau- 
poudrée de blanc grisâtre; une tache analogue, 
mais plus petite, existe au bord antérieur des ailes 
postérieures. En outre, la femelle, qui est plus 
grande, se distingue du mâle par trois taches noires 
sur chacune des ailes antérieures, deux rondes 
superposées et une longitudinale au milieu du 
bord interne. 

Ce papillon est partout très commun pendant la 
belle saison, avec deux maxima de fréquence, 
Fun en mai et juin, l'autre à partir de la mi- 
juillet. 

La chenille vit, de juin à septembre, aux dépens 
de certaines plantes de la famille des crucifères, 
en particulier des diverses variétés de choux cul- 
tivés. Elle est d'un vert grisâtre ou d’un jaune 
verdâtre, avec trois lignes longitudinales jaunes, 
séparées par de petits tubercules noirs dont chacun 
supporte un poil blanchâtre; sa tête est d’un bleu 
cendré ponctué de noir. Elle est très nuisible, et 
tous les jardiniers connaissent et redoutent ses 
ravages; d'une belle plantation de choux elle peut 
ne laisser, en quelques jours, que les tiges et les 
côtes. 

La chrysalide, d'un vert jaunâtre avec de petites 
taches noires et jaunes, se forme à Ja fin de la 
belle saison, et passe l'hiver. 


COSMOS 


- 


29 aouT 1912 


Pour entraver la pullulalion de ce pernicieux 
insecte, le jardinier peut intervenir utilement 
en capturant au printemps, avec un filet à papil- 
lons, les individus qui voltigent dans les jardins, 
en quête des plantes nourricières des chenilles. 
Chaque femelle pouvant pondre 200 à 300 œufs, 
on voit combien la destruction systématique des 
adultes peut être eflicace. 

Il est recommandé aussi de saupoudrer de 
poudre de pyrèthre les feuilles de choux attaquées 
par les chenilles ou qui portent des œufs; ceux-ci 
sont d'une couleur d’or brillante et déposés en 
paquets sous les feuilles. 

La nature, d’ailleurs, maintient elle-même dans 
une juste limite la multiplication de cette espèce 
par des ennemis spontanés : le Microgaster glo- 
meratus, braconide dont les larves vivent à Pin- 
térieur de ses chenilles, et le Pteromalus larva- 
rum, chalcidite qui, à l'état larvaire, dévore inté- 
rieurement ses chrysalides. 

La piéride de la rave (Pieris rapæ), vulgaire- 
ment dénommée le petit papillon du chou, est 
analogue à la précédente par la physionomie et 
la couleur générale. Mais sa taille est sensiblement 





F1G. 2. — PIÉRIDE DU CHOU., 
(En haut le mäle, en bas la femelle.) 


plus petite, la tache du sommet des ailes anté- 
rieures descend moins loin le long du bord de l'aile 
et est moins noire, surtout chez la femelle; celle- 
ci a deux taches noires arrondies sur le milieu 
des ailes antérieures, tandis que le mâle n'en a 
qu'une, plus ou moins apparente. 


N° 1440 


C'est la plus commune des piérides; elle a deux 
générations par an, dont les adultes se montrent 
respectivement en mai-juin et en automne. 

La chenille est d’un vert gai, couverte de très 
petits poils qui lui donnent une apparence veloutée ; 
elle est ornée de trois lignes jaunes longitudinales, 





CS 


F1G. 3. — PIÉRIDE DE LA RAVE. 
(Mäle et femelle.) 


une sur le dos, une de chaque côté, au-dessus 
du point d’attache des pattes. 

Elle vit aux dépens des diverses variétés de 
choux, sur le navet, les raves, le réséda, les capu- 
cines. Elle n’est pas moins nuisible, malgré sa taille 
moindre, que la chenille de la piéride du chou. 
La chrysalide qui lui succède est d’un gris verdâtre 
cendré, striée de clair, parfois lavée d'incarnat et 
parsemée de points noirs en petit nombre. 

Les moyens de destruction à lui opposer sont 
les mêmes que pour l’espèce précédente : poudre 
de pyrèthre sur les feuilles envahies, et capture 
des femelles aux saisons convenables. 


COSMOS 


235 


Une quatrième espèce redoutable encore à lhor- 
ticulture est la piéride du navet (Pieris napi), qui 
porte le nom vulgaire de papillon blanc veiné de 
vert. Elle est un peu moins fréquente dans les 
jardins que les deux précédentes, mais on la ren- 
contre communément dans les champs. 

Elle est à peu près de la même taille que la pié- 
ride du chou et lui ressemble, mais il est tou- 
jours facile de l’en distinguer par les nervures de 
ses ailes, qui sont plus saillantes et assez large- 
ment ombrées en dessous de noir verdâtre. Les 
taches du dessus des ailes sont grises dans la gé- 
nération de printemps, noires dans la génération 
d'été. Les premiers adultes commencent à voltiger 
dès le mois de mars. 

La chenille est d'un vert mat, parsemée de 
petits tubercules noirs et avec une bordure jaune 
autour de chaque stigmate; elle vit dans les jar- 
dins, aux dépens de la capucine, de la rave, du 
navet, des choux, du réséda, et dans les champs 
sur les feuilles des diverses crucifères agrestes. 
Elle peut se rendre très nuisible, et notamment 
elle a causé plusieurs fois en Angleterre de grands 
ravages dans des champs de turneps. 





F1G. 4. — PIÉRIDE DU NAVET. 


La chrysalide est verdâtre, celle de la généra- 
tion estivale abondamment tachetée de noir. La 
chasse aux individus adultes et leur destruction 
représentent la meilleure sauvegarde contre la 
pullulation de ce papillon nuisible. 

À. ACLOQUE. 





Les beurres anormaux. 


Il ne suffisait pas que l’homme à la recherche de 
sanourriture quotidienne soitexposé aux tromperies 
des falsificateurs dont l'art se perfectionne au fur 
et à mesure que la chimie fait des progrès. 

Voilà que maintenant les animaux les plus sin- 
cères et les plus inoffensifs se révèlent fraudeurs 
émérites! 

Aurait-on jamais soupçonné de trahison, autre- 
fois, la vache laitière ? 


En dehors de cas bien déterminés comme au 


moment du vélage ou en fin de lactation, pouvait-on 
se douter qu'elle était capable de dénaturer son 
lait? 

Et pourtant voici l’exacte vérité. 

La vache adultère son lait, comme Île crémier 
cupide et insatiable fraude à son tour le lait, la 
crème, le beurre! 

Non seulement la vache est le premier fraudeur 


236 


de l’industrie laitière, mais elle peut varier ses 
procédés et a la ressource d'employer deux mé- 
thodes de fraude. 

Elle peut, avant de nous le livrer, margariner 
son lait au point que le chimiste qui analysera le 
beurre résultant de ce lait y découvrira parfois 
jusqu'à 50 pour 100 de margarine, et, d'aulre part, 
elle est capable de sécréter un lait dont le beurre 
donnera à l'expert l'impression d'une fraude par 
la graisse de coco pouvant atteindre 30 pour 100. 

On se doutait depuis longtemps de l’irrégularité 
de la composition du lait naturel dans certaines 
régions, notamment en liollande, dans le nord de 
la France, en Finlande, etc. Wanters l'avait 
signalée, il y a une douzaine d'années, en Belgique, 
accusant les vaches de se livrer en automne à la 
fraude par margarination sans aucune retenue :- 
Les Francais Condon et Kousseau, tout en recon. 
naissant le fait, le ramenèrent à des proportions 
plus modestes. 

Tout récemment, un vétérinaire de Caudry 
(Nord), M. Eloire, jetait le cri d'alarme et nous 
avertissait que l'invasion des beurres anormaux 
dans le Nord prenait de grandes proportions et 
qu’il avait observé des vaches capables de pro- 
duire à volonté en hiver des beurres naturels, mais 
défigurés comme si on leur avait ajouté des quan- 
tités d'oléo-margarine variant de 15 à 50 pour 
400 (1). 

La matière grasse du lait qui constitue la prin- 
cipale richesse de cet aliment est le résultat d’un 
équilibre admirable entre deux sortes de corps 
gras ou glycérides: les glycérides à acides gras 
fixes et les glycérides à acides gras volatils. Cet 
équilibre a pour conséquence le maximum d’attrait 
dans le parfum et la parfaile assimilation du 
beurre. 

Et cette harmonie entre la digestibilité et le goùt 
est d'autant plus complète que les prairies offerte s 
en pâturage aux troupeaux sont elles-mêmes plus 
parfumées. 

Aussi, les pâturages d'altitude moyenne, dans le 
Jura suisse et le Jura français, dans les Vosges, 
dansle Vivarais, embaumés par le serpolet, le thym, 
la pensée sauvage, où croissent quelques petites 
graminées (Festuca rubra, Nardus stricta, etc.), 
où le gazon des pelouses et des chaumes est lait 
d'herbes fines et délicates, donnent-ils le lait le 
plus savoureux, la crème et le beurre les plus 
parfumés! 

Et celle constatation n’est point nouvelle, car en 
1622 Marguerite de Gonzague, célébrant les gra- 
cieux paysages des Vosges et les produits fabriqués 
à l'ombre des noirs sapins, déclarait qu'elle les pré- 
férait aux douces prairies de son pays {Mantoue) (2). 

(1) Annales des falsificalions, janvier 1912. 


(2) Les Hautes-Chaumes des Vosges, par Pirnag LGYÉ, 
p. 244. Berger-Levrault, édit., Paris, 1903. 


COSMOS 


29 aout 1912 


Les proportions des deux glycérides, en s’écartant 
des limiles que la nature a fixées, constituent deux 
anomalies opposées. 

Si les glycérides à acides gras fixes augmentent, 
ei si par conséquent les glycérides à acides volatils 
diminuent, le beurre se margarine. 

Si, au contraire, les glycérides à acides volatils 
augmentent, le beurre se laurine. Ses quantités 
alibiles ne sont point diminuées, mais il prend les 
caractères, les constantes du beurre fraudé par la 
graisse végétale, la graisse de coco, constituée sur- 
tout par un glycéride appelé laurine. 

Et il n’est pas indispensable qu'une main crimi- 
nelle intervienne pour opérer ces mutations. La 
vache toute seule est capable de les réaliser. 

Voulons-nous dire qu'elle peut les produire à 
volonté, qu’elles sont le fait de ses caprices ? Certes 
non! 

Si le commerçant, capable de dénaturer une 
denrée alimentaire, ne mérite aucune pitié, la 
vache qui commet le même délit est digne de toute 
notre indulgence, car c'est à son insu que ses 
glandes mammaires sécrètent un lait irrégulier, 
margariné ou lauriné, et en fin de compte c'est 
encore l’homme seul qui est coupable! 

Une observation attentive des phénomènes a 
permis d'établir que le lait naturel margarine a 
pour causes : 

4° Les longs voyages, les mauvais traitements, 
le surmenage. Lorsqu'on impose aux laitières des 
fatigues disproportionnées à l'effort qu'elles peuvent 
fournir, elles margarinent leur lait ; 

2° La mauvaise hygiène de l'habitation. Ainsi les 
vaches qui restent trop longtemps au pâturage en 
fin d'automne, exposées la nuit au vent, au froid, 
à l'humidité, donnent un beurre anormal ; 

3° La disette ou la mauvaise qualité de la nour- 
riture. 

En fin de compte, ces trois causes n'en font 
qu'une, car toutes sont le fait de la méconnais- 
sance des soins à donner aux troupeaux. Les bêtes 
maltraitées, malsoignées,malnourries, maigrissent, 
résorbent leur graisse. Elles se désuif/ent, et le lait 
margariné qu'elles donnent n'est que la protesta- 
tion de l’organisme contre les violences exercées 
envers lui. 

Toutes les causes qui provoquent l'augmentation 
insolite des glycérides à acides volatils ne nous 
sont peut-être pas connues ! 

Nous savons seulement de façon cerlaine que 
l'abus des feuilles de betterave et des tourteaux de 
coco dans l'alimentation des étables produisent 
cette anomalie. 

Autant l'emploi judicieux de ces deux substances 
est favorable à la santé des laitières et à la lacta- 
tion, lorsqu elles accompagnent une nourriture 
variée (maïs, son, pomme de terre, etc.), autant, 
employées scules ou en trop grande abondance, 


NS 1440 


elles constituent un régime détestable qui modifie 
profondément la eomposition normale du lait et 
altère la santé des vaches. L'une et l’autre, si elles 
sont prodiguées sans mesure, provoquent des diar- 
rhées, des troubles variés et finalement des mala- 
dies graves. 

Il est regrettable qu'un examen superficiel ne 
puisse dénoncer la présence des beurres anormaux. 
Nous dirions au public: Détournez-vous de ces 
beurres! Ne les employez pas! Un beurre anormal 
est l'indice de la misère physiologique d’un indi- 
vidu ou d'un troupeau. Or, les bîles rendues ma- 
lades par l'amaigrissement ou par une nourriture 
non appropriée à leur organisme deviennent une 
proie facile aux invasions microbiennes, et on sail 
combien le lait et le beurre sont aptes à la trans- 
mission des maladies infectieuses (1). 

La question est assez importante pour qu'elle 
mérite d’être précisée et limitée. 

Une personne en bonne santé ne tombera pas 
forcément malade parce qu’elle aura consommé du 
beurre anormal; mais rappelons-nous que toutes 
les vaches dont les produits (lait et beurre) sont 
dangereux pour la santé donnent un lait et par 
conséquent un beurre anormaux. 

Les vaches tuberculeuses donnent un beurre 
anormal. 

Les vaches atteintes de fièvre aphteuse donnent 
un beurre anormal (Eloire). 

Le beurre normal est l'indice du bon état de 
santé des vaches. 

Malheureusement, l’anomalie du beurre ne se 
reconnait pas simplement au seul aspect comme la 
qualité d’une viande. I] faut recourir à un examen 


een 


COSMOS 





237 


chimique, délicat, coùteux cl pen pratique. — Que 
faire, alors? Il nons semble qu'il my a quun 
remède : la disparition des beurres anormaux. 
Dans les contrées où les étables sont bien tennes 
comme hygiène et comme nourriture, les vaches 
ne fraudent pas leur lait. En Suisse, le beurre est 
partout normal. Il est même des régions en France 
où les anomalies du beurre sont inconnues. 

L'usine lactée de Vevey, qui reçoit pour le con- 
centrer le lait de plus de cent villages des cantons 
de Fribourg et de Vaud, n’a jamais constaté d’ano- 
malies dans les livraisons colossales qui lui sont 
faites. Elle a imposé à tous ses correspondants 
l'obligation de nourrir rationnellement leurs trou- 
peaux et de les abriter comme il convient. L’exécu- 
tion loyale des contrats suffit à assurer un lait con- 
tinuellement normal et de composition invariable. 

Il faudrait partout exiger des laitiers les mêmes 
garanties. Il faut surveiller les étables, abolir les 
praliques et les routines pernicieuses. Les laiteries 
sont des établissements d'utilité publique. Nous 
n'exagérons pas en disant que c'est là que se 
décide le sort d'un peuple, car c'est là que se 
décide la vie ou la mort de milliers de petits êtres 
humains, que le lait seul fait vivre dans les pre- 
mières années de l'enfance. 

Le jour où le lait mouillé, le lait écrémé, le lait 
et les beurres anormaux auront disparu de Fali- 
mentation, la mortalité infantile ne présentera plus 
le bilan funėbre qui tous les ans se dresse devant 
nos yeux épouvantés. 


D' LAHAGHE, 
pharmacien major de 1" classe en retraite. 


Automotrices pétroléc-électriques. 


Depuis la fin de 4911, circulent dans les rues de 
Londres un certain nombre d'autobus d'un nou- 
veau système, qui donnent, parait-il, toute satis- 
faction au public et à la Compagnie d'exploitation 
comme service et comme fonctionnement écono- 
mique. Ces autobus portent en eux toute une petite 
station génératrice d'électricité : moteur à pétrole 
actionnant une dynamo qui, à son tour, alimente 
le moteur propulseur de la voiture. En dépit de 
celte apparente complication, la commande est 
extrémement simple, et des expériences, poursui- 
vies depuis 1907, ont démontré qu'il était possible 
de réaliser une économie de 9,3 centimes par kilo- 
mètre, tous frais compris, par rapport aux omnibus 
à-pétrote mis en circulation par la même entreprise 
de transports. Vers la même époque, la Compagnie 


(1) Revue internationale de médecine et de chirurgie, 
D” Lorrty, n° 4, p. 68, et n° 6, p. 101. 


anglaise Westinghouse a muni une petite ligne du 
Great Central Railway d'une voiture automotrice 
du même système, qui fait le service de voyageurs 
entre Marylebone et South Harrow. 

Le principe des voitures pétroléo-électriques 
destinées aux transports sur routes ou sur rails 
n'est pas nouveau, pas plus, d'ailleurs, que son 
application: mais, jusqu'ici, la plupart des essais 
de traction électrique avec moteur à pélrole ou à 
essence comme source d'énergie n'a guère donné 
de bons résultats pour les transports sur routes, et 
on a plutôt adopté ces combinaisons pour desservir 
de petites lignes locales, sur rails, pour lesquelles 
des locomotives à vapeur auraient été trop oné- 
reuses, et où l'installation d'une usine génératrice 
fise n’était pas justifiée par un trafic intense. 

Si nous examinons le cas des automotrices sur 
routes, nous voyons d’abord que le groupe élec- 
trogène avec moteur à pétrole a eu pour rule, tantôt 


235 


principal, tantôt secondaire, la charge d’une bat- 
terie d’accumulateurs. On voulait délivrer les voi- 
tures électriques du grosinconvénient de la recharge 
périodique à une station fixe, et les rendre ainsi 


plus indépendantes, mais l’accroissemement de 


poids mort était trop considérable, et les voitures 
mixtes à batterie, comme on les appelait, n'ob- 
tinrent qu'un succès relatif. Puis celle batterie 
étant supprimée, le groupe électrique resta seul 


maitre de la propulsion : il était muni d'un régu- 
lateur à solénoide qui empêchait le moteur de : 


s’emballer et permettait d'obtenir une marche 
régulière. Ce régulateur, en un mot, suivait de 


COSMOS 


29 aouT 1912 


près toutes les variations de charges et maintenait 
constante la tension du courant. Ce système a été 
appliqué à des camions et a figuré dans Île stand 
de Dion et Bouton au Salon de l'Automobile en 
1902. Vers la même époque, des voitures analogues 
ont été construites aux États-Unis par la « Fisher 
Motor Vehicle » d'Hoboken. Les premiers taxi- 
autos parisiens ont compté aussi dans leurs rangs 
quelques voitures pétroléo-électriques. De 1902 à 
1907, on semble avoir abandonné ou, tout au 
moins, délaissé ce genre de traction pour adopter 
plus spécialement la voiture avec moteur à pétrole 
seul ou la voiture électrique à accumulateurs. 


LT GAYSMATER R° MARBLE ARCH CHARING+ ELEPHANT CANBERELL C°] 
VE. ; — 


TA 


10 TI LLIN G v’ | 





Į R 


FiG. 1. — OMNIBUS AUTOMOBILE PÉTROLÉO-ÉLECTRIQUE DE LONDRES. 


Le divorce entre le pétrole et l'électricité semble 


être presque définitif, chacun des ex-associés 
se perfectionnant séparément et s'’adjugeant tel ' 


champ d'application qui lui est le plus approprié. 
Mais, justement, ces progrès ont fini par faciliter 
un rapprochement, et comme nous le disions en 
commencant, il en est résulté une nouvelle combi- 
naison qui, depuis quelques mois, semble, à Londres, 
donner toute satisfaction. 


Ce nouvel autobus, construit dans les ateliers de : 


MM. Th. Tilling, à Peckham (fig. 4), contient 
34 voyageurs assis et pèse 3,5 tonnes. Le châssis 
(fig. 2) mesure 2,07 m de large sur 4,40 m entre 
essieux, avec une longueur totale de 5,80 m; 


il porte un moteur à pétrole à quatre cylindres de 
105 mm >» 125 mm avec allumage par magnéto 
à haute tension et une circulation d'eau; ce moteur, 
avec le volant, le carburateur et la magnéto, pèse 
environ 237 kilogrammes. La dynamo est actionnée 
par le volant du moteur, au moyen d’un accouple- 
ment à ressort qui permet des irrégularités dans 
l'alignement de l'arbre et de l’induit. Cette dynamo 
alimente un moteur série accouplé par joint uni- 
versel à un arbre propulseur, lequel actionne l’es- 
sieu d’arrière au moyen d’une vis sans fin et d'un 
pignon hélicoïdal à différentiel. 

Le coupleur est monté sur le côté du véhicule; 
il se compose d'un inverseur et d’une résistance 


N° 1440 


montée en dérivation sur l’inducteur; le premier 
se manœuvre au moyen d'un levier latéral, et la 
résistance à l’aide d’un petit levier horizontal dis- 
posé en dessous du volant de direction. 

La dynamo, qui peut débiter de 4 à 25 kilowatts 
à une vilesse angulaire de 350 à 1 400 tours par 
minute et sous une tension de 0 à 400 volts, est 
construite de telle sorte que tout accroissement 
dans la demande de courant se. trouve accompa- 
gnée d'une diminulion correspondante de tension. 
Le débit en kilowatts, à une vitesse quelconque, 
est proportionnel à la puissance développée par le 
moteur à pétrole, mais la tension et l'intensité 


COSMOS 


239 


peuvent varier dans une large mesure, selon la 
pente de la route, la vitesse ou le degré d’accéléra- 
tion. L'intensité du courant absorbé par le moteur 
série est presque proportionnelle à l'effort de trac- 
tion exercé sur l’arbre propulseur, et sa vitesse 
est également, mais à un degré moindre, propor- 
tionnelle à la tension de l'alimentation. Par suite, 
lorsque la voiture est en palier, l'alimentation en 
courant est très faible; elle augmente sur les 
rampes avec une diminution correspondante de la 
tension, d’où une vitesse moindre avec un accrois- 
sement dans l'effort du tracteur. Tous ces change- 
menis de vitesse et d'efforts s’eflectuent automali- 





F1G. 2. — CHASSIS DES AUTOBUS PÉTROLÉO-ÉLECTRIQUES DE LONDRES. 


quement. La conduite de la voiture s'obtient donc 
d’une manière fort simple. Sur les routes en palier 
ou sur les pentes ordinaires, la commande s’effectue 
uniquement au moyen d'une pédale que le méca- 
nicien actionne de son pied droit et qui règle l'ad- 
mission du gaz du moteur. Si les rampes deviennent 
plus accentuées, on fait intervenir la résistance en 
dérivation qui permet une augmentation de vitesse 
de la machine. D'autre part, il faut remarquer 
que la génératrice cesse d’être excitée pour une 
vitesse minimum du moteur à pétrole de 300 tours 
par minute. Il n’est donc pas besoin de couper le 
circuit entre la dynamo et le moteur pour provo- 
quer un arrêt; le seul ralentissement dans l'ad- 


mission des gaz, au moyen de la pédale, empêche 
la dynamo de transmettre du courant au moteur. 
Le rendement total de l'ensemble est de 79 pour 
100 en service normal; ce rendement est de 90 
pour 100 sur le moteur, et de 88 pour 100 sur 
la génératrice. On réalise par cette méthode et 
cette combinaison des économies assez considé- 
rables de pétrole, car, étant donnée la facilité avec 
laquelle la commande s'obtient, la plus grande 
partie de la route s'effectue avec admission presque 
fermée. En outre, la souplesse du démarrage et du 
fonctionnement de l’ensemble procurent de nou- 
velles économies dans l'entretien des machines et 
de la voiture. 


210 


Quant aux transports sur les voies ferrées, les 
essais pétroléo-électriques ont été beaucoup plus 
nombreux. Depuis l'apparition de la locomotive 
Heilmann, ils n’ont, pour ainsi dire, pas cessé 
et ont eu tout naturellement pour but de rem- 
placer le moteur à vapeur de la locomotive Heil- 
mann par des moteurs à pétrole ou à essence, 


Fr 





PE PR PE 





RAS à 


eaan a aE 


D 
= 


F1G. 3. — VOITURE PÉTROLÉO-ÉLECTRIQUE 
DU GREAT CENTRAL RAILWAY. 


d’agencer le groupe électrogène et de distribuer la 
commande d’une manière avantageuse. On obte- 
nait ainsi les démarrages souples et doux propres 
aux moleurs électriques, on simplifiait la trans- 
mission et on réalisait une meilleure répartition 
du couple tracteur tout en utilisant les avan- 
tages économiques du moteur à explosion et 
en supprimant justement ce qu’il présentait de 


COSMOS 





29 aouT 1919 


brutal dans sa marche et dans son démarrage. 

Parmi les principales applications pétroléo- 
électriques aux chemins de fer, nous pouvons 
signaler les automotrices de la General Electric C°, 
construites à New-York en 14905; celles de la 
maison Frese et Ci*, de Saint-Pétersbourg, mises 
en service vers la même époque. Encore en 1905, 
l'autocar du North Eastern Railway; puis c'est 
l'équipement, en 1907, de nombreuses automo- 
trices du même genre qui parcourent en Hongrie 
460 kilomètres et relient les villes de Szegedins, 
Arad et Brad après des essais de six ans. Ces auto- 
motrices comportent des groupes de 70 chevaux 
avec moteur électrique Westinghouse. Enfin, de 
tous les còtés, on peut en citer des exemples qui se 
multiplient comme preuve des services rendus, les 
deux plus récents sont ceux réalisés, l’un en Alle- 
magne par l’Algemeine Elektricitäts Gesellschaft, 
sur une petite ligne, près de Kænigsberg; l’autre en 
Angleterre, sur le Great Central Railway, est celui 
que nous mentionnions au début de cet article. 

La figure 3 nous montre la partie avant de cette 
voiture avec la salle des machines; à l’autre extré- 
mité se trouve également une cabine de commande 
pour le mécanicien. La partie centrale est amé- 
nagée pour 50 voyageurs assis et un certain 
nombre debout. Le groupe électrogène a une puis- 
sance de 90 chevaux, et les deux moteurs série 
attelés sur les essieux peuvent donner à la voiture 
une vitesse de 58 à 65 kilomètres par heure, Un 
petit groupe électrogène distinct sert à l'éclairage 
de la voiture. La principale caractéristique de 
toutes ces automotrices est que le démarrage 
s'opère très facilement avec une accélération rapide. 
Dès le début, le moteur à pétrole peut développer 
toute sa puissance, et l'ensemble exerce un effort 
de traction considérable avec une faible vitesse qui 
s'accélère très rapidement dès que le premier effort 
de démarrage est vaincu. Cet effet s’obtient auto- 
maliquement sans exiger aucune attention de la 
part du mécanicien, GEORGES DARY. 





LES NOUVELLES THEORIES DE LA MATIÈRE (|) 


Léther. — L'électricité — Le magnétisme. 


1].L’électricité: Nature de l électricité 
et dynamique de l’électron. 


Crookes ayant démontré, en 18914, que le courant 
des rayons cathodiques, près du pôle négatif, était 
toujours électrisé négativement, tandis que le 
reste du contenu du tube était électrisé positive- 
ment, fut conduit à admettre que la molécule était 


(1) Suite, voir p. 212. 


divisée en groupes d'atomes électro-positifs et 
électro-négatifs. Stoney appela électron la charge 
d'électricité associée ‘avec les ions de matière, 
charge définie dont la loi de Faraday impliquait 
l’existence. 

Les électrons sont donc des émanations: les 
électrons libres sont de véritables atomes d'élec- 
tricité séparés de la matière et projetés dans l'es- 
pace. Ceux qui proviennent du radium sont extrĉ- 
mement pénétrants. Iis :se meuvent très rapide- 


Ne 1440 


ment. On sait que- l’on a pu mesurer la masse, 
la vitesse, l'énergie cinétique des électrons. 

De nombreuses hypothèses ont été faites sur la 
nature elle-même et la forme de lélectron. Sir 
O. Lodge, Abraham, J. Thomson et d’autres ont 
essayé de découvrir sa structure intime. 

Les uns admettent que l’électron est sphérique 
et que sa matière est répartie en couches concen- 
triques et uniformes; pour les autres, l'électron est 
un ellipsoïde. Abraham admet que la masse de 
l'électron est de nature purement électro-magné- 
tique; pour Crookes, l'électron est une masse 
apparente... 

Quant à la dynamique des électrons, elle doit 
ètre une électro-dynamique. 

Suivant la théorie électronique de sir Oliver 
Lodge, un atome chimique ou ion a quelques élec- 
trons négatifs en plus que l’atome ordinaire, et, si 
l'on sépare ces électrons négatifs, l'atome devient 
par là chargé positivement. La partie libre élec- 
tronique de l'atome est petite, si on la compare à 
la masse principale. Pour l'hydrogène, elle est dans 
Ja proportion de 4 à 700. La charge négative con- 
siste en électrons surajoutés ou non équilibrés, 
tandis que la partie principale de l’atome consiste 
en groupes qui vont par paires, positifs et négatifs 
en proportions égales. Dès que les électrons en 
excès sont séparés, le reste de l'atome ou ion 
agit comme un corps massif chargé d'électricité 
positive. 

D'après la théorie des deux fluides, les électrons 
constituent l’électricité négative libre, et le reste 


de l'atome chimique est chargé d'électricité posi- 


tive, bien qu’on ne connaisse pas d’électron positif 
libre. Aussi W. Crookes a-t-il cru plus simple 
d’avoir recours à la théorie du fluide unique, c'est- 
à-dire que l'électron est latome ou l'unité d'élec- 
tricité ; les mots positif et negatif signifient 
manque ou excès d'électrons. 

L’électricité doit donc être considérée comme 
étant de nature corpusculaire (les corpuscules qui 
la constituent sont les électrons). Il en résulte que 
dans chaque phénomène électrique on doit étudier 
un mouvement de corpuscules ou électrons el 
leurs chocs avec les molécules ou les atomes des 
corps. On aura donc, non plus des vibrations d’un 
milieu impondérable comme dans la théorie de 
l'éther, mais des agglomérations ou séparations, 
des émissions, des bombardements, des trajec- 
toires, comme dans la théorie cinétique des gas. 

On voit combien les nouvelles théories. sur la 
nature de l'électricité doivent modifier les modes 
de calcul et les résultats obtenus : après avoir 
passé de la théorie de l'émission à celle. des ondu- 
lations, la physique moderne évolue de nouveau 
vers la première. 

Or, de nombreuses objections ont été formulées 
autrefois contre la théorie de l'émission de New- 


COSMOS 


24l 


ton. Parmi les arguments invoqués, les uns ont été 
réfutés victorieusement, les autres subsistent. De 
nouveaux — non moins graves —sont apportés de 
nos jours par certains physiciens. Qu'il suffise d'in- 
diquer l’un des plus fondés: la nature est inerte 
par définition; les corpuscules électriques ou élec- 
trous doivent donc être inertes par eux-mèmes. || 
est doncabsolumentindispensable, pour qu'ils jouent 
le rôle qu’on leur attribue, qu’ils se trouvent dans 
un milieu où les champs et les forces électriques 
interviennent pour les déplacer. Or, on n’a point 
actuellement de théorie électronique de la force 
électrique ct du champ électrique, c’est-à-dire que 
champs et forces électriques restent en dehors de 
l'explication électronique de l'électricité, et, ce qui 
est plus grave encore, que cette nouvelle théorie 
est forcée de les utiliser avec la mémesignification 
qu'ils avaient dans la théorie ancienne. 

Cette objection est sérieuse. Voici la solution que 
propose M. Tommasine. 

Si, pour expliquer une certaine catégorie de phé- 
nomènes électriques, nous avons été amenés à for- 
muler et à admettre, jusqu'à preuve du contraire, 
l'hypothèse que les choses se passent comme si 
existaient et intervenaient directement dans ces 
phénomènes des charges électriques élémentaires, 
très petites, mobiles, sans substratum pondérable 
appréciabłe, les électrons, cela ne nous autorise 
nullement à conclure qu'avec l'hypothèse corpus- 
culaire nous établissons la nature de l'électricité. 

En effet, prenons comme exemple le phénomène 
des rayons cathodiques, qui a été le point de départ 
de la nouvelle théorie ; nous y voyons immédiate- 
ment que, même en supposant qu'un faisceau de 
ces rayons ne soit constitué que par des électrons 
en mouvement de translation avec une certaine 
vitesse qu’on peut mesurer pour les caractériser, 
nous ne pouvons nous illusionner d’avoir ainsi 
expliqué le phénomène électrique qui intervient 
pour les produire. On peut répéter la mème obser- 
vation pour chacun des autres phénomènes élec- 
triques. 

Pour expliquer le rayonnement cathodique, il 
ve suffit pas de considérer les projectiles, leurs 
dimensions, leur forme déformable ou non et leur 
vitesse, il faut tenir compte de la nature des forces 
qui agissent pour provoquer l'explosion el de la 
nature de cette dernière. 

Nous savons que dans l'ampoule de Croukes 
existe entre l’anode et la cathode une dilicrence 
de potentiel périodique, produite par le travail de 
la bobine d'induction, dont le courant seconduire 
oscillatoire provoque l'expulsion posilive anodique 
et l'expulsion négative cathodique. Mais nous 
savons aussi que dans l'ampoule il y a encore des 
molécules de l'air ọu de gaz rarċies, lesquelles 
possèdent une vibration thermique propre et se 
meuvent dans un milieu rempli d'autres vibrations 


212 


énormément plus rapides, celles de l’éther, dues à 
la lumière du laboratoire, qui nous permet de voir 
dans l'intérieur de l'ampoule. 

Il faut donc tenir compte de cette complexité 
expérimentale, d'autant plus que la nouvelle 
théorie, en reconnaissant la nature électro-magné- 
tique de la lumière, admet en outre que les parli- 
cules qui vibrent pour la transmettre sont aussi 
des charges élémentaires, des électrons comme 
ceux qui constituent les rayons cathodiques. Or, si, 
soit la lumière, soit les rayons cathodiques, sont 
constitués par les mêmes corpuscules, cela montre 
que ce qui les différencie est que, dans la lumière, 
les électrons vibrent en se déplaçant seulement 
pour transmettre de proche en proche leur vibra- 
tion avec la vitesse connue, tandis que dans les 
rayons cathodiques les électrons se déplacent 
comme des projectiles, mais avec une vilesse tou- 
jours plus faible que celle de la lumière. 

On dit que tout déplacement électrique est 
accompagné d’une modification électro-magné- 
tique du milieu ; il faut renverser et dire que tout 
déplacement électrique est toujours produit par 
une modification électro-magnétique du milieu, 
car ce qu'on croit être l'effet est au contraire la 
cause, et vice versa. 

La première affirmation n'est exacte que dans le 
cas du déplacement artificiel et purement méca- 
nique d'une charge électrique. 

L'hypothèse électronique n’amène point la con- 
clusion que l'électricité soit une substance corpus- 
culaire constituée d'électrons; il n'y a pas de sub- 
stance électricité comme il n’y a pas de substance 
chaleur ou de substance lumière; ces noms n’indi- 
quent que des catégories spéciales de phénomènes. 


COSMOS 


29 aour 1912 


Aucun électron n'est en mouvement s’il n'existe 
une modification du champ extérieur, modification 
qui l'accompagne dans ses déplacements et qui le 
transporte. L'électricité est ainsi une partie inhé- 
rente, essentielle, mais une partie seulement de 
chaque phénomène électrique. 

L'électron n'est qu'un mobile, une inertie électro- 
magnétique pendant son déplacement et propor- 
tionnelle à sa vitesse, tandis que le moteur, ou 
l'activité qui le déplace, est une fonction de 
l'énergie électro-magnétique du champ extérieur, 
donc du milieu. Ce milieu est le nouvel éther, 
conçu tout autrement que l’ancien et dont les mo- 
difications dynamiques internes, toujours actives 
parce qu'il les reçoit incessamment de tous les 
centres radiants de l'univers, constituent la source 
de l'électricité, l’origine unique de la catégorie de 
phénomènes qui porte ce nom. 

D'autre part, la théorie nouvelle permet d'établir 
l'existence réelle de deux substances électroniques. 
L'une exclusivement électronique, invariable 
comme constitution, répandue en tout l'univers 
sans disconlinuité et égale partout, c’est le nouvel 
éther, le milieu actif, électro-magnétique, qui sert 
d'intermédiaire entre les astres de mème qu'entre 
les atomes de tous les corps. L'autre substance est 
également électronique, mais reçoit toutes sortes de 
modifications complexes de structure, donnant lieu 
à la formation des ions positifs et négatifs qui 
sont les atomes avec leurs affinités chimiques, de 
façon qu'on peut affirmer que la possibilité de va- 
riabilité de cette deuxième substance n'a point de 
limites; c'est la matière pondérable, dont tous les 
corps inorganiques et organiques sont constitués. 

(4A suivre.) A. BERTHIER. 





NOTES PRATIQUES DE CHIMIE 
par M. JULES GARÇON 


A travers les applications de la chimlọe : LES APPLICATICNS DE LA POTASSE. — Å PROPOS DE LA PRÉPA- 


RATION DE CONFITURES STÉRILISÉES. — REMÈDE CONTRE LES MORSURES DE VIPÈRES. — BEURRES ET MARGA- 
RINES. — EXEMPLES DE FRAUDES : ESSENCE DE CAFÉ A FAIBLE PROPORTION DE CAFÉ. — DISSOLUTION DE L'EAU 


DANS LES HUILES ESSENTIELLES, — CONSERVATION DE LA BIÈRE EN BOUTEILLES, — MOUSSEUX POUR BOISSONS. 


— LES vixs DE 1911. 


Les applications de la potasse. — Au cours 
d'une série de rapports sur l'historique, l'exploita- 
tion, l'importance et l'utilisation des mines de 
potasse de la Haute-Alsace, nous croyons intéres- 
sant de relever ce que dit M. Emilio Nelting, 
directeur de l'École de chimie de Mulhouse, de 
l'état actuel des applications de la potasse. 

« La potasse caustique a eu, et elle a encore en 
partie, des emplois très importants, bien que dans 
la majenre partie des cas elle ait été remplasce 


par la soude caustique, beaucoup plus économique. 
Aussi l’on prépare aujourd’hui beaucoup moins de 
savons de potasse ; toutefois ces derniers, les savons 
mous, sont encore employés pour certains usages 
domestiques et surtout le lavage des laines brutes, 
pour lesquels ils sont préférables aux savons de 
soude. 

» La potasse, étant beaucoup plus soluble dans 
l'alcool que la sonde, est toujours employée lors- 
qu'on est obligé d'effectuer en solution alcoolique 


N° 1440 


des réactions comportant l'usage des alcalis. 

» Une des réactions les plus importantes de la 
chimie organique est la transformation des acides 
sulfoniques du phénol par l'action des alcalis. Sur 
cette réaction découverte simultanément par 
Kékulé, Wurtz et Dusart, repose la fabrication de 
l’alizarine, des naphtols, de la résorcine, de nom- 
breux acides aminonaphtolsulfoniques, etc. Les in- 
venteurs de la réaction avaient employé la potasse; 
actuellement on ne travaille plus guère qu’à la 
soude. Dans la fabrication de l'indigo artificiel, par 
contre, et de certaines matières colorantes du 
groupe du thioindigo ou de l'indanthrène, on em- 
ploie un mélange de soude ou de potasse, ou même 
la potasse seule. 

» La potasse caustique était préparée autrefois 
exclusivement au moyen du carbonate et de la 
chaux; on la produit maintenant en grandes 
quantités par électrolyse du chlorure. Cette décom- 
position, inaugurée par la fabrique Griesheim- 
Electron, est très nette et s'effectue plus facilement 
que la préparation de la soude caustique au moyen 
du sel marin. 

» Dans la plupart de ses applications, le carbonate 
de potasse a été supplanté par le carbonate de 
soude, mais il garde toujours un emploi important 
dans la verrerie. » 

ll en est de même du chlorate de polasse, rem- 
placé par le chlorate de soude, moins cher et plus 
soluble. Mais l’emploi du premier s’est maintenu 
dans la fabrication des explosifs chloratés et dans 
celle des allumettes, pour lesquels lExtrême- 
Orient en importe de grandes quantités. 


A propos de la préparation des confitures sté- 
rilisées. — Le savant praticien qui semble avoir 
été le premier à appeler l'attention sur la prépara- 
tion des confitures à l'instar des solutions stérili- 
sées est M. le professeur P. Carlès de Bordeaux, 
dont les études sur les vins sont si connues. 


Remède contre les morsures de vipères. — Sont- 
ce les chaleurs excessives de 1914 qui procurent 
cette année, en certaines régions, une apparition 
de serpents comme on en a rarement vu? Aux 
remèdes que ces notes ont cités l’an dernier contre 
les morsures de vipères, l’alcali volatil sur la 
morsure et quelques gouttes prises en boisson, la 
cautérisation au fer rouge, la ligature si possible 
du membre au-dessus de la morsure, les piqüres 
d'acide phénique, le sérum antivenimeux, on 
semble préférer aujourd’hui l'emploi du perman- 
ganate de potassium sur la plaie, en injections 
tout autour et quelques gouttes en boisson. 


Beurre et margarine. — C'est le pays qui pro- 
duit le plus de beurre, proportionnellement à sa 
population, qui consomme également la plus 
grande quantité de margarine. Le Danemark est le 


COSMOS 


243 


grand producteur de beurre; il consomme une 
quantité de margarine supérieure à 40 millions de 
kilogrammes pour 2500000 habitants, cela fait 
plus de 416 kilogrammes de margarine par habi- 
tant. Le cullivateur danois préfère, en effet, 
vendre cher son beurre au consommateur anglais 
et se contenter d'une graisse meilleur marché. En 
France, pour une population de 40 millions d'ha- 
bitants, la vente est de 12 millions de kilogrammes, 
soit un tiers de kilogramme par habitant. On sait 
que la loi française est sévère pour les commer- 
çanis en margarine, et l'on peut regretter que, 
tout en ménageant les intérêts très légitimes du 
fabricant de beurre, l'on n'ait pas songé davan- 
age aux intérêts du consommateur de margarine. 
La consommation de la margarine est en Suède 
de 2 kilogrammes un tiers par habitant (1$ mil- 
lions de kilogrammes pour $ millions et demi 
d'habilants); en Norvège, de 6 kilogrammes 
(42 millions de kilogrammes pour 2 millions d’ha- 
bitants); en Angleterre, de 3 kilogrammes par 
habitant (120 millions de kilogrammes pour 40 mil- 
lions d'habitants), et cela malgré la consommation 
si grande de beurre en ce pays; en Allemagne, de 
3 kilogrammes par habitant (200 millions de kilo- 
grammes pour 65 millions d'habitants). 


Exemples de fraudes: Essence de café à faible 
proportion de café. — Un produit étiqueté : 
essence fine de café, d’origine suisse, examiné par 
le laboratoire central du ministère des Finances, 
renfermait 50 parties de caramel, 25 de chicorée, 
12 d'orge torréfié et 12 de café. Cette essence de 
café n’en renfermait donc que un huitième. 

Une essence de lavande renfermait un éther de 
l'acide phtalique au lieu de l'acétate de linalvle 
naturel. 


Dissolution de l'eau dans les essences. — Les 
huiles essentielles peuvent-elles dissoudre de l'eau? 
D'après MM. J.-C. Umney et S.-W. Bunker, celles 
qui consistent en hydrocarbures terpéniques n’en 
dissolvent pas; il en est de même des huiles dont 
les composants sont des lactones ou des cétones. 
Si le composé principal est un corps oxygéné, 
l'huile peut dissoudre par elle-même 0,5 pour 100 
d'eau. Cependant, l'huile de géranium de Turquie 
dissout 1,43; l'huile de citronnelle de Java, 0,75, et 
l'huile de santal seulement 0,17. 


Conservation de la bière en bouteilles, — La 
bière se conserve mieux en bouteilles si elle ren- 
ferme une très faible addition d'acide. En effet, ce 
qui produit le commencement des louches, c’est la 
petite quantité d'alcali que la bière dissout aux 
parois de la bouteille. La nature du verre a donc 
une grande importance, et il faut éliminer, pour 
Jes bouteilles à bière, tout verre à alcali libre. Si 
le verre est alralin, on peut combaltre linconvé- 


21 


nient en recouvrant l'intérieur de la bouteille d'un 
vernis protecteur ou en ajoutant (comme M. L. von 
Vetter le propose dans Woch. Brau) 6,03 pour 100 
d'un acide afin de neutraliser l'alcalinité du verre. 
La production du louche est ainsi reculée. 


Mousseux pour boissons. — Les saponines ont 
la propriété de communiquer aux liquides dans 
lesquels on les dissout un pouvoir moussant consi- 
dérable. Celte propriété a été mise à profit pour 
fabriquer des produits spéciaux dits « mousseux 
pour boissons ». Mais les saponines possèdent 
aussi, malheureusement, un pouvoir toxique très 
prononcé à l'égard du système nerveux. Aussi le 
Conseil supérieur d'hygiène publique de France 
a-t -il proscrit d'une façon absolue leur emploi dans 
tous les produits alimentaires. 

M. G. Loucheux, chimiste au laboratoire cen- 
tral des douanes, remarque (numéro de juillet des 
Annales des falsifications) que, malgré cette pres- 
cription, certains mousseux, mème dits sans sapo- 
nine, en renferment parfois. 

La caractérisation des saponines, dit-il, est chose 
encore délicate, parce que ces composés sont nom- 
breux; elles semblent être des glucosides, tantòt 
acides, tantòt neutres; leur étude est incomplète. 
Les réactions colorées ne peuvent servir à leur 
caractérisation, car e une réaction colorée n'est 
fidèle qu'à la condition d'être essayée sur un corps 
absolument pur et de composition chimique bien 
définie ». Et il déduit de ses recherches la con- 
clusion que le procédé Kobert est actuellement 
celui qui convient le mieux pour la recherche des 
saponines, et leurs seules réactions caractéristiques 
sont celles indiquées par H. Suss dans le Journal 
de pharmacie en 1903. Le procédé Kobert con- 
siste en: précipitation par le sous-acétate de plomb, 
centrifugation, reprise par l’eau du précipité plom- 


bique et séparation du plomb par l'hydrogène sul- 


furé, concentration au bain-marie de la solution 
filtrée, reprise par l’éther dans lequel les saponines 
sont insolubles pour enlever les dernières traces 
d'acide acélique, filtration, lavage à l'éther, reprise 


COSMOS 


29 AOÛT 19149 


par leau chaude, enfin évaporation à siccité. 

Les réactions générales indiquées par H. Suss 
sont l'aspect brillant de l'extrait ainsi obtenu, sa 
saveur åcre, la mousse abondante et persistante qu'il 
donne paragitationavec l’eau, l'obtention d’un sucre 
réducteur par aclion de l'acide sulfurique étendu. 


Les vins de 1911. — Quelle influence les cha- 
leurs si fortes de l'année dernière ont-elles pu 
exercer sur la composition des vins? Presque tous 
les auteurs ont fait ressortir, pour les vins de 1944, 
des anomalies dans l'acidité, qui est très faible, 
dans le titre alcoolique, qui est relativement élevé, 
pourvu que la vigne ait eu à sa disposition une 
quantité d'eau suflisante, soit venant du sol, soit 
venant de l’atmosphère. 

Mais si la sécheresse a été exagérée, si la végé- 
tation a été difficile, comme cela s'est produit, en 
1911, dans nombre de vignobles du Midi, dont le 
terrain est naturellement peu profond et sec, alors 
le raisin s’est arrèté dans son évolution et n'a 
fourni qu’un fruit mal mûr. Dans ce cas, comme 
le remarque M. L. Roos, directeur de la station 
Ͼnologique de Montpellier (Annales des falsifica- 
tions de juillet), ce fruit acide et peu sucré donne 
un vin acide et peu alcoolique. 

M. E. Hugues a constaté également, pour‘ des 
vins de l'Hérault, un extrait sec relativement élevé, 
une acidité totale élevée, et la présence d'acide 
tartrique non combiné en quantité importante de 
À à 2 grammes par litre. 

M. L. Quéron a vu les vins de Sologne — qui sont, 
en temps ordinaires, des vins blancs frais, de degré 
alcoolique faible (6° à 8°,5), d'acidité très élevée (5° 
à 10°), d'extrait see moyen variant de 13 à 18 — 
changer leur aspect pour l’année 1911 très chaude; 
le degré alcoolique monta jusqu'à 11° et fut en 
moyenne de 9% à 10°. Leur titre alcoolique élevé, 
leur acidité moyenne, leur extrait normal furent 
la cause que beaucoup furent retenus par le labo- 
ratoire central des finances et que des récrimina- 
tions véhémentes s'élevèrent contre ces prétendues 
fraudes. 





Le temps de pose exact en photographie. 
LE CHRONOSCOPE P. A. P. 


En photographie, et particulièrement en photo- 
graphie des couleurs, la cause principale des 
insuccès est l'erreur dans le temps de pose. Cela 
est si vrai que beaucoup d'auteurs ont cherché un 
moyen pratique de déterminer automatiquement 
le temps exact de pose. et quil existe à l'heure 
actuelle bon nombre de tables et d'appareils pré- 
pares dans ce but. 


Mais, jusqu'ici, la solution était imparfaite. En 
effet, avec les tables, qui indiquent la pose néces- 
saire suivant le jour, l'heure, l'intensité de la 
lumière, l’amateur photographe devait évaluer 
cette intensité sans aucun point de repère, d'où des 
causes d'erreurs parfois importantes. Les photo- 
mètres à noircissement direct enregistrent bien la 
puissance actinique de la lumière du jour, mais ils 


N° 1410 


ne tiennent aucun compte de la nature et de la 
couleur du sujet à photographier, ce qui a pourtant 
la plus grande influence sur la valeur photogénique 
du sujet. Quant aux photomètres à vision directe, 
ils ont le tort de faire intervenir l'œil humain, 
dont les impressions sont variables suivant les 
moments. En effet, la pupille de l'œil a la faculté 
de se dilater ou de se rétrécir suivant que la 
lumière est faible ou grande. Quand on entre de 
Pextérieur dans un endroit sombre, on ne distingue 
d'abord rien, mais, peu à peu, l'œil s'accoutume 
et perçoit des détails. Par suite, en se servant du 
photomètre à vision dans un endroit peu éclairé, 
l'opérateur aura tendance à faire une pose trop 
courte, et au contraire, en pleine lumière, il fera 
presque sûrement une pose trop longue, trompé 
qu'il sera par la faculté d'adaptation de son œil. 
Le constructeur du chronoscope P. À. P. (fig. 1) 


| Chronoscope PAP 








F1G. 1. — COUPE 
DU CHRONOSCOPE P. A. P. 





F1G. 2. — RÉGLETTR GRADUÉE. 


avec celles qui sont données par une petite réglette 
émaillée (fig. 2). Pour cela, on approche la réglette 
divisée en quatre teintes (la teinte 0 étant celle du 
papier non impressionné) de la partie la plus claire 
du négatif. Le temps d'exposition et la teinte du 
négatif donnent, grâce à une table fournie avec 
l'appareil, le temps de pose exact pour la pholo- 
graphie qu'on doit faire. 

Supposons, par exemple, que le sujet photo- 
graphié ait donné la teinte 4 au bout d'une minute 
d'exposition et qu'on veuille faire une autochrome 
avec un objectif ouvert à F: 9. On se reporte à la 
table calculée spécialement pour ce genre de 
plaques (fig. 3), et on trouve de suite le temps 
indiqué : quatre secondes. En démasquant la plaque 
pendant quatre secondes, on est assuré d'obtenir 
une autochrome exactement posée. 

Le chronoscope P. A. P. est donc un auxiliaire 
utile du photographe, puisqu'il supprime le seul 
aléa sérieux des diverses opérations. Il est, de plus, 


COSMOS 





Terte obtenve en: 





D ET EE ETES NA rr 
ile eetset rera roerei] an 
He tenele nr Pete brel 
Hellar et aol aotar sr roeier 
Ee T e e e e e e a 
ejaj palee 
aja e r eraa a a eee 
a Eea r rare e aa 


F1G. 3. — TABLEAU DE POSE POUR PLAQUES AUTOCHROMES. 


245 


a su éviter ces imperfections, d'où le nom de P. A. P. 
(photomètre automatique parfait). Son indicateur 
de pose est un véritable petit appareil photogra- 
phique construit tout en cuivre; il est muni d'un 
pied D, d'un objectif O, d’un magasin de papier 
sensible Z. L'objectif travaille à grande ouverture 
(F : 4) et a par suite une très grande rapidité. 
Voicicomment on doit se servir de cechronoscope: 
Au moment de faire une photographie, on place 
l'appareil sur son pied, on vise le sujet à photo- 
graphier et on enlève le bouchon qui masque l'ob- 
jectif. On pose pendant un temps qui varie de trente 
secondes à quatre minutes, suivant l'éclairage, puis 
on rebouche l'objectif. Le papier au bromure con- 
tenu dans le magasin a été impressionné et donne un 
négatif du sujet photographié: négatif très impar- 
fait, d’ailleurs, car on a surtout cherché ici la rapi- 
dité. On compare alors la teinte prise par le papier 






"ee eÁ 


TABLEAU N°I 
Temps de Pose pour chacun des diaphragmes m 


ee nee 










ff ele fee |se sr) 





très avantageux, puisqu'il évite tout gaspillage de 
plaques. Ceci est surtout appréciable en photo- 
graphie des couleurs. Mais son emploi s'étend aussi 
à toutes les plaques en noir qu’on trouve dans le 
commerce, et des tableaux de temps de pose ont 
été établis pour les marques des différents fabricants. 
Et bien que maintenant les appareils plus soignés 
permettent de faire de l'instantané par presque tous 
les temps, il est encore bien des cas où les indica- 
tions du chronoscope sont utiles: par exemple, 
pour les sous-bois, les portraits d'intérieur, les 
photographies de glaciers, de neige, les reprodus- 
tions de tableaux, etc. 

Évidemment, il y aura toujours des amateurs 
qui se contenteront de presser le bouton de leur 
appareil au petit bonheur ; mais les photographes 
vraiment sérieux seront bien aises de posséder ce 
pelit chronoscope simple et précis qui leur assu- 
rera la réussite, quels que soient le temps et les 
plaques utilisées. 


eaaeo a 


ro 
wœ 


€ 


COSMOS 


29 aouT 1919 


La répartition des animaux sur le globe terrestre. 


Les animaux sont-ils répandus au hasard sur le 
globe terrestre? La question est à peine posée 
qu’on la résout par la négative; mais si, d'une part, 
on admet le principe de distribution spéciale, 
d'autre part, on n’en saisit pas de même les causes, 
et l’ensemble des conditions intimement liées à 
l'organisation et au genre de vie de l’animal, qui 
expliquent la présence de chaque espèce dans un 
endroit déterminé, est, en général, fort peu connu. 

Il en est de mème de l’histoire des migrations 
d'animaux, qu'à l’aide des fossiles et par une com- 
paraison attentive des ordres passés el de l’ordre 
présent les savants sont parvenus à retracer d'une 
facon à peu près complète. 

Tous les êtres sont dans une dépendance mar- 
quée de la nature au sein de laquelle ils prennent 
naissance et se développent, et cette dépendance 
est d'autant plus grande que l'animal a plus de 
besoins et que son organisme est plus susceptible 
d’être influencé par le milieu ambiant. 

C'est ce qui explique l’anomalie apparente qui 
préside à la diversité des espèces. Quelques-unes 
vivent sur une portion du terrain double, triple 
ou quintuple de celle occupée par d’autres : les 
premières ont des besoins, des conditions de vie 
plus communs que les secondes. 

Si l'animal est, de nature, un ètre errant, cher- 
chant sans cesse sa nourriture, un abri plus con- 
fortable, un endroit plus propice à la fécordation 
ou à la ponte, la domestication, en lui assurant 
celte nourriture et cet abri, l'attache dans les pays 
où l'homme lui vient en aide. 

D'un autre côté, des causes diverses peuvent 
amener la disparition ou mieux le départ de cer- 
taines espèces d'une contrée, qu'elles regagnent 
lorsque ces causes n'existent plus. C’est ainsi que 
la Motacilla alba disparut de Suède pendant une 
trentaine d'années. 

En résumé, laire quw°occupe chaque espèce dé- 
pendant surtout des conditions climatologiques 
auxquelles sont liés les moyens d'alimentation et 
de propagation, elle s’agrandira ou se rétrécira 
suivant les changements de Ja température et de 
la végétalion, suivant l’aspect nouveau que prendra 
le terrain. 

Déjà, dès les temps préhistoriques, les masto- 
dontes, le bæuf musqué, le renne, le glouton, le 
lemming, avaient pénétré jusqu'au cœur de l'Eu- 
rope; mais, la température s’adoucissant peu à 
peu, ils durent regagner les hautes altitudes et 
les régions boréales. 


Plus on avance de l'équateur aux pòles, moins il. 


y a de différence entre les faunes de chaque région 
de la mème zone, si bien qu'au voisinage du cercle 
arctique on ne retrouve plus qu'une faune com- 


mune à toutes ces régions glacées; mais, d'autre 
part, les espèces dont le type offre sous la zone 
arctique un organisme supérieur s’abâtardissent 
à mesure que l'on se rapproche des tropiques. 

C'est qu'à la suite de croisements successifs il 
en est résulté des espèces particulières qui ne 
peuvent se développer normalement que dans les 
régions intermédiaires. 

Parfois aussi, on retrouve les mêmes animaux 
dans des contrées différentes sous le rapport du 
climat, mais alors à des altitudes diverses. 

Ainsi le papillon Parnassius Apollo vit en Suède 
dans les lieux plats et sur les pentes des collines; 
au contraire, dans les Alpes, les Pyrénées, l’Hima- 
laya, il se tient à de grandes hauteurs où il 
retrouve la température des plaines de la Suède. 

Les animaux qui émigrent, et en particulier 
les oiseaux ont été obligés ď’aller plus avant dans 
les régions septentrionales par suite de la péné- 
tration incessante de l'homme dans les régions 
inhabitées où ils se rendaient autrefois. 

Quelques espèces peuvent subsister un peu par- 
tout, comme le faucon pèlerin, le papillon Vanessa 
cardui; d’autres ne peuvent quitter leurs contrées : 
le condor et le lama restent constamment sur les 
hauteurs des Andes, l’ornithorhynque est égale- 
ment confiné en Australie. 

Ceci tient à diverses causes dont les principales 
sont dues aux obstacles que présentent le relief 
du sol et, pour certaines familles, leur difficulté 
de locomotion. Les animaux des pentes occiden- 
tales des Cordillères n’existent pas sur le versant 
oriental, la hauteur des cimes des Andes formant 
un obstacle infranchissable; dans l'archipel lndien, 
il y a une quantité innombrable de reptiles, alors 
que dans les iles de l'océan Pacifique ils sont 
presque inconnus, la mer empêchant toute sorte de 
propagation. 

Il faut, pour que des espèces envahissent des 
contrées ainsi séparées de leur pays d'origine, 
que des cas exceptionnels se produisent : par 
exemple, qu'elles soient poussées par la faim. 
Les sauterelles ont ainsi traversé par myriades le 
canal de Mozambique pour fondre sur Madagascar, 
et l’on a vu parfois des bandes de chenilles tenter 
de franchir des rivières. 

Presque toujours, le départ ou l’arrivée d’une 
espèce dans une contrée entraine le départ ou 
l’arrivée d’autres animaux, et principalement des 
carnassiers qui en font leurs proies. 

Les tlamanoirs périssent dès que les fourmis 
viennent à manquer; lorsque Guillaume IT envahit 
l Angleterre, il y importa le rat gris du Hanovre 
qui détruisit complètement le rat noir indigène, et 
les tigres, qui font de nombreux ravages parmi les 


Ne 1410 


populations de Ceylan et de l'Inde, durent détruire 
aussi une quantité considérable d'animaux lors- 
qu'ils foisonnaient dans ces pays. 

Ces luttes intestines entre espèces diverses et 
mème entre familles, la chasse continuelle que 
leur fait l’homme, sont autant de causes d’extinc- 
tion; quand une espèce est ainsi disparue, son 
anéantissement est définitif; mème si les condi- 
tions de vie qui lui sont nécessaires se reprodui- 
saient, il semble qu'elle ne peut renaitre. Il faut 
que l'espèce qui a disparu y soit ramenée de 
quelque région où elle a persisté, mais alors elle 
profite des conditions favorables que la contrée 
lui offre et elle s’y développe à nouveau avec une 
incroyable rapidité, comme cela s'est produit pour 


le cheval dans le Nouveau Monde. Cet animal n'y. 


existait plus, il n’y réapparut que lorsque les Por- 
tugais l'y introduisirent beaucoup plus tard. 

Si nous passons maintenant aux espèces marines, 
nous leur trouvons une distribution un peu plus 
simple, due à ce qu’elles sont soumises à moins 
d'influences. Leur séjour presque continuel dans 
l’eau les fait échapper à l’action hygrométrique de 
l'air et aux mille modifications du climat. 

Si la température est plus uniforme et, par con- 
séquent, n’oblige pas les animaux marins à se 
confiner dans de petits espaces, les poissons et 
les coquillages n’en changent pas moins suivant 
les latitudes et les profondeurs. 

La froideur des eaux suffit à elle seule pour 
expliquer la diversité des faunes maritimes en 
apparence placées dans de mêmes conditions. 

La côte occidentale d'Amérique n’a pas d'affinité 
zoologique avec les iles de la mer Pacifique, parce 
que la température des eaux y est tout à fait dif- 
férente. | 

De plus, la structure et les organes des êtres 
marins se modifient suivant les profondeurs aux- 
quelles ils vivent; ils s'adaptent pour pouvoir sup- 
porter l'énorme pression qui les entoure et se 
defendre contre leurs ennemis, 

Les pèches extraordinaires faites par le prince 


me 


La Terre : 


COSMOS 


247 


de Monaco à bord de son yacht, spécialement 
aménagé pour lexploration des grandes profon- 
deurs sous-marines, ont amené au jour des espèces 
jusqu'alors inconnues, qui ont émerveillé les 
témoins et qui n'ont aucune analogie entre elles 
suivant les distances auxquelles elles ont été 
pèchées : les Dorocidaris Blakei, sorte de gigan- 
tesque étoile de mer vivant de 500 à 1 000 mètres ; 
le Chirotenthis Grimaldii, poisson pêché à 
1 445 mètres, semblable à une raie dont la queue 
serait la tête, ornée de nombreux tentacules dont 
deux beaucoup plus grands que les autres; le 
Malaccsteus choristodactylus, aux crocs de cro- 
codiles, le Saccopharynx ampullaceus, et com- 
bien d’autres arrachés aux mystères des abysses 
de plus de 5000 mètres. Et cependant, en général, 
les lois des conditions de la vie dans les eaux et 
sur les terres sont à peu près identiques. 

La hauteur des montagnes et la profondeur des 
mers reproduisent, en effet, les mêmes échelles 
d'altitudes et de latitudes. De mème que certaines 
montagnes terrestres s'opposent à l'émigration 
d'espèces terrestres, de même certaines montagnes 
marines arrêtent celle d'espèces marines. 

Des animaux, amphibies ou poissons, peuvent 
vivre dans toutes les mers; d'autres ne peuvent 
quitter leurs régions spéciales, et plus une espèce 
peut vivre facilement à des profondeurs diverses 
sur le même littoral, plus aussi elle se propage 
sur de grandes étendues en surface. Ainsi cerlains 
poissons dont l'aire est considérable peuvent, en 
s'élevant ou en s’abaissant au sein des eaux, choisir 
sous chaque latitude la localité qui leur convient. 

Aussi, bien qu'essentiellement variable, la carte 
zoologique du globe n’en a pas moins des bases 
immuables qu'il a été assez facile de connaitre et 
de fier par une observation un peu attentive qui 
permettait de formuler pour chaque espèce ou 
chaque genre de véritables lois de distribution, 
fournissant ainsi des principes certains à la géo- 
graphie zoologique. 

R. MENNEVÉE. 





sa forme et ses dimensions. 


Ses accidents superficiels et son relief. 


Je vais, dans un tableau rapide, retracer l'évo- 
lution, depuis son origine, de la branche de 
recherches à laquelle j'ai voué le meilleur de mon 
autivité : je veux dire la plus ancienne et la mère 
des sciences, la géométrie, prise dans sa plus large 

{1} Extraits du discours d'ouverture par M. Ch. Lal- 


lemand, au Congrès de l'Association francaise pour 
l'avancement des sciences de Nimes, 17 août 1912. 


acception, qui est la « mesure de la Terre ». 

Tout en m'exeusant par avance, surtout près des 
dames, de l'aridité du sujet, je vais briévement 
passer en revue, dans son histoire, dans son état 
présent et ses applications, la détermination de la 
forme et des dimensions du gisbe, la figuration 
des accidents naturels et artificiels de sa surface, 
enfin la mesure de son relief. 


218 


I. — La forme et les dimensions du globe. 


A. — La Terre sphérique. 


Pour les Grecs, au temps d'Homère, soit dix 
siècles avant notre ère, la Terre étail un disque 
plat sur les bords duquel reposait une immense 
voùte — le firmament — supportant les étoiles. 

La disparition successive de la coque d'abord, 
puis des måts d'un navire qui s'éloigne, l'élargis- 
sement progressif et la forme toujours circulaire 
de l'horizon quand on s'élève au-dessus d'une 
plaine ou de la mer, donnèrent ensuite à quelques 
philosophes l'intuition que, dans sor ensemble, la 
Terre avait la forme d'une calotte bombée. 

Mais pour arriver à la notion d’un globe isolé 
dans F espace, il fallut l’observation du cercle 
d'ombre projeté par la Terre sur le disque de notre 
satellite, dans les éclipses de Lune; il fallut sur- 
tout le fait, qualifié d'invraisemblable par Hérodote, 
que, contrairement à la règle invariable de nos 
régions, où le Soleil, à midi, se montre toujours 
å gauche quand on regarde l'Ouest, des Phéni- 
ciens, dans un voyage de circumnavigation autour 
de l Afrique, effectué six siècles avant Jésus-Christ, 
avaient, au contraire, en doublant vers l'Ouest 
l'actuel cap de Bonne-Espérance, observé à midi 
le Soleil à leur droite. 

La Terre étant reconnue ronde, pour en savoir 
le tour, il suflisait de mesurer une fraction connue 
de la circonférence. 

Deux siècles avant notre ère, un astronome grec, 
lratosthène, avait observé qu'à Syène, dans la 
Haute-Egypte, lors du solstice d’élé, le Soleil 
éclaire les puits jusqu'au fond, tandis qu’à Alexan- 
drie, ville située au nord de la première, sa direc- 
tion, à la même époque, forme à midi, avec le fil 
à plomb, un angle égal à la cinquantième partie 
du cercle. Multipliant dès lors par 50 la distince 
des deux villes, connue d’après le cadastre, Eratos- 
thène en déduisit une valeur remarquablement 
approchée de la circonférence terrestre. 

Entre cette méthode fort simple et celles em- 
ployées depuis pour cette mème mesure, il n'y a 
d'autres différences que la perfection des instru- 
ments et la rigueur des observations. 

Après la ruine de la civilisation gréco-romaine 
et durant tout le moyen âge, la doctrine de la 
sphéricilé de la Terre retombe dans l'oubli. Pour 
faire accepter à nouveau l’idée d'une Terre ronde, 
il ne fau! rien de moins que la découverte de 
l'Amérique par Christophe Colomb. 

En {52% seulement, soit dix-sept siècles après 
Eratosthène, au moyen d'un compteur de tours — 
précurseur du taximètre — adapté à la roue de sa 
carriole, le médecin Fernel mesure la route, à peu 
près droite et dirigée Nord-Sud, qui relie Paris à 
Amiens. De la différence connue des latitudes de 
ces deux villes, il conclut une nouvelle valeur de 


COSMOS 


29 aouT 1912 


la circonférence terrestre, dont, par un heureux 
hasard, l'erreur relative n’est que d’un millième. 
Mais les mesures directes étant le plus souvent 
impossibles à cause des accidents du terrain, le 
Hollandais Snellius, un siècle plus tard, imagine 
de jeter, entre les deux points extrèmes de l'arc 
à mesurer, une sorte de poutre géométrique — 
analogues aux poutres en treillis de nos modernes 
ponts métalliques — formée de triangles jux{apo- 
sés dont on observe les trois angles et dont, par 
un autre enchainement de triangles, on rattache 
l'un des còtés à une base rectiligne facile à mesurer. 
De ła sorte, on a tous les éléments nécessaires 
pour calculer ła longueur de la poutre entière. 
Sous le nom de « triangulation », ce procédé, 
connu très probablement déjà des anciens Egyp- 
tiens, est universellement appliqué depuis Snellius. 


B. — L'ellipsoïde terrestre. 


Dès lors, les progrès se multiplient. 

Vers la fin du xvn° siècle, ayant mesuré la France 
dans toute sa hauteur, de Perpignan à Dunkerque, 
Cassini trouve, pour le degré de latitude, une lon- 
gueur décroissant vers le Nord; par suite, au lieu 
d’être parfaitement ronde, la Terre aurait la forme 
d'un œuf allongé vers les pôles. 

Avec Newton et Clairaut, la théorie pourtant exi- 
gerait un globe aplati aux pôles et renflé à l équateur. 
Pour vider la querelle, l’Académie des sciences 
fait mesurer deux nouveaux arcs, l’un en Laponie, 
l’autre au Pérou. 

Cette fois, la théorie triomphe. 

Et depuis lors, les géodésiens couvrent de 
triangles le globe et mesurent partout des arcs de 
méridiens et de parallèles, à l’effet de délerminer, 
avec une précision croissante, l'aplatissement et le 
rayon équatorial de l'ellipsoide terrestre dont, en 
particulier, dérive la valeur du mètre. 

Parmi les plus importants de ces ares figurent 
le grand arc méridien du Cap au Caire, dont les 
géodésiens anglais et allemands viennent d’entre- 
prendre la mesure, et dans l’Amérique du Sud, 
amorce d’une grande chaine qui rejoindra plus 
tard celle du Nord, le petit arc de l'Equateur, 
récemment mesuré par une mission d'officiers 
français du service géographique de l’armée, sous 
le controle de l'Académie des sciences. 


C. — Le géoïde. 


Mais bientot — et ceci ne date pas d'un demi- 
siècle — on constate avec surprise qu'en maints 
endroits la verticale n’est pas perpendiculaire à la 
surface de l'ellipsoide théorique. Cette surface, 
désormais appelée le géoide, présenterait donc des 
saillies et des dépressions ? 

Ft aussitôt les géodésiens de se mettre à l’œuvre 
pour mesurer ces bosses, dont plusieurs atteignent 
jusqu’à 100 mètres d'élévation. 


N° 1440 


D'autre part, il y a une douzaine d'années, on 
s'apercevait que les pòles terrestres eux-mêmes, 
jusque-là regardés comme fixes, se déplacent à la 
surface du sol et sabissent un mouvement oscilla- 
toire de quelques mètres d'amplitude et d'environ 
430 jours de période, faisant varier d'autant les 
latitudes géographiques. 


D. — Les déformations lentes et les marées 
de l'écorce terrestre. 
Et ce n’est pas tout. 
Notre planète rayonnant dans l’espace, le noyau 
central igné se refroidit et se contracte, et, dès lors, 


COSMOS 


249 


le géoide, lui aussi, se déforme lentement dans le 
cours des siècles. 

Tout dernièrement même, j'ai pu montrer qu'à 
l'instar des océans, et du fait de la rotation diurne 
combinée avec l'attraction du Soleil et de la Lune, 
l'écorce terrestre subit un soulèvement et un 
affaissement journaliers, analogues au flux et au 
reflux de la mer. 

Mais ce mouvement périodique, dont l’amplitude, 
à l’Equateur, atteint un demi-mètre, laisse intacte, 
en moyenne, la forme générale de la surface. 


(A suivre.) CH. LALLEMAND. 





SOCIÉTES SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 
Séance du 19 août 1912. 
PRÉSIDENCE DE M. BASSOT. 


Les pegmatites gemmifères de Madagascar. 
— M. Lacroix a étudié un certain nombre de filons de 
pegmatites gemmifères, remarquables par leur étendue 
et par leur richesse; nous ne saurions suivre ici le 
savant minéralogiste dans sa description des différentes 
sortes, leur structure, etc. 

Qu'il suffise de dire que toutes les pegmatites recon- 
nues présentent certaines earactéristiques communes; 
elles sont constituées essentiellement par du quartz 
et du microcline {parfois vert (amazonite)|, auxquels 


s'adjoignent des minéraux accessoires, dont quelques- 


uns sont recherchés comme gemmes. 

Les éléments de ces pegmatites sont en général de 
grande taille ou même de taille colossale; les cristaux 
de quartz, de microcline parfois même de béryl, (aigue 
marine), de tourmaline ayant plus d'un mètre ne sont 
pas exceptionnels. 


Sur l'absorption des projections radio- 
actives etsur l’ionisation qu’elles produisent. 
— M. L. WEenTENSTEIN emploie un disque recouvert de 
radium A (c'est-à-dire activé pendant peu de temps par 
exposition à l'émanation du radium); le faisceau pro- 
jeté par le disque actif est reçu sur des disques récep- 
teurs électrisés positivement et placés à différentes 
distances du disque actif. L'auteur 'a étudié comment 


varie l’activité reçue par ces disques en fonction de 
la pression du gaz interposé et de le distance au disque: 

Pour l'air à la pression de 1 millimètre de mer- 
cure et pour l'hydrogène à celle de 6 millimètres, les 
pouvoirs absorbants sont sensiblement identiques. La 
diminution du nombre de particules est très peu 
importante, dans les deux cas, jusqu’à des distances 
voisines de 5 centimètres, puis ce nombre diminue 
rapidement et tombe, au voisinage de 10 centimètres, 
à quelques centièmes de la valeur initiale. Le par- 
cours atteint, pour les deux gaz, dans les condilions 
indiquées, environ 10,5 cm; il en résulte que le par- 
cours dans l'hydrogène est six fois plus grand que 
dans l'air, les deux gaz étant pris à la mème pression. 

Le radium B projeté par le disque actif produit 
une ionisation intense de l'air et de l'hydrogène. 
L'auteur trouve que l'ionisation produite par un 
atome radio-actif projeté décroit lorsque sa vitesse 
diminue, à l'inverse de ce qui a lieu pour les 
rayons a, et que cette chute d’ionisation est plus 
rapide dans l'hydrogène que dans l'air. 


Sur la trajectoire d'une particule électrisée dans un 
champ magnétique. Note de M. RicHarb BINKELAND. — 
Sur les mobilités des atomes-ions radio-actifs dans les 
gaz. Note de M. S. Rarwen. — Étude quantitative de 
l'absorption des rayons ultra-violets par Îles alcools, 
acides, éthers, aldéhydes et cétones de la série grasse. 
Note de MM. Jean Bireckt et Vicron HENRI. — Sur le 
poids atomique du chlore. Note de MM. Georges Baume 
et F.-Lovis PenroTt. — Sur la présence d'une nucléase 
chez les algues. Note de M. E.-C. TEopontEsco. 





BIBLIOGRAPHIE 


La grammaire de la scionce. La Physique, par 
KaRL PEaRsoN, membre de la Royal Society, pro- 
fesseur de mathématiques appliquées et de mé- 
canique au collège de l'Université de Londres. 
Traduit sur la troisième édition anglaise par 
Ltrcrex Marc, directeur de la Statistique géné- 
rale de la Franoe. Un vol. in-8° de xx-507 pages, 


de da Bibliothèque scientifique internationale 

(cartonné, 9 fr). Librairie Félix Alcan, Paris, 

1942. 

Rehieant en 1941, en vue d'une troisième éaition, 
le livre qu'il avait publié pour la première fois 
vingt ans auparavant et élaboré dans Son esprit 
dès l’année 4880, l'auteur disait, en parlant des 


250 


théories sur la nature et les principes de la science : 
« J'ai été surpris de voir combien l'hétérodoxie des 
environs de 1880 était devenue le lieu commun et 
la doctrine acceptée de nos jours. Personne ne 
croit maintenant que la science explique quelque 
chose; nous la considérons tous comme une de- 
scription sténographique, comme une économie de 
pensée. » 


il y avait à réagir, en Angleterre comme dans 
les autres pays, contre une conceplion simpliste 
qui s’élait introduite dans la science : des savants 
ne doutaient point qu’ils eussent trouvé le vrai 
mécanisme des phénomènes et qu'ils eussent dévoilé 
jusque dans ses profondeurs intimes la véritable 
structure de lunivers. Il était nécessaire de leur 
rappeler que leur science n’est qu'une description 
simplifiée et artistique des phénomènes; ils choi- 
sissent des principes et ils imaginent des hypo- 
thèses avec lesquels ils construisent, à côté de la 
réalité, en matériaux artificiels, un édifice qui 
imite quelquefois d’assez près la nature; par des 
relouchesincessantes, ils perfectionnent leur œuvre; 
mais les principes, comme le mot lindique, ne 
sont jamais susceptibles de démonstration logique, 
et ils n'acquièrent de solidité que grâce à des véri- 
fications de plus en plus approchées qui en font 
des propositions de plus en plus probables, mais 
jamais des vérités démontrées. Les hypothèses sont 
et demeurent « hypothétiques », el les sciences 
physiques sont, dans leur domaine, réduites à ne 
jamais atteindre la vérité absolue et définitive. Ces 
vérités sont classiques chez nous, surtout après la 
Science et l'Hypothèse, de H. Poincaré; il est mieux 
de dire qu'elles sont redevenues classiques, car les 
savants du moyen âge étaient déjà pénétrés de ces 
idées, les savants de la belle époque hellénique les 
discutaienteux-mèmes couramment, et M.P.Duhem, 
en ses pénétrantes études sur la notion de thécrie 
physique de Platon à Galilée, a démontré que pour 
les grands savants de tous les temps qui avaient su 
réflechir, la science n'était pas capable de pénétrer 
la réalité intime des choses, que son rôle, plus mo- 
deste, consiste à « sauver les apparences des phé- 
noinènes ». 

Mais en son œuvre de critique de la science, 
M. Karl Pearson en est resté à un stade que d’autres 
ont heureusement dépassé. Forcant le caractère 
relativiste de la science, il adopte volontiers cette 
proposition d'un philosophe ancien: l'homme est 
la mesure des choses. Il n'y a dans la science, 
d'après lui, pas «autre chose que ce que le savant 
y mel: rien n'existe derrière les phénomènes quil 
voit et qu'il décrit suivant un mode qui lui cest 


imposé par la nature de son esprit. Bien plus, il 


confond par système le terme science (qui devrait 
uniquement signifier dans son livre : science phy- 
sique) avec le terme très général de connaissance, 


et il émet cette prétention que, en dehors de la, 


COSMOS 


29 aourt 1912 


science, il n'y a aucune véritable connaissance; il 
aurait dit volontiers avec les « modernistes » des 
dernières années que tout ce qu'on dit exister en 
dehors et au delà du cercle de la science physique 
expérimentale est, en réalité, 2npensable; c'est 
seulement dans la sphère des impressions sensibles, 
dit-il, que le mot connaissance a une signification. 
Inutile d’ajouler que tout son ouvrage abonde en 
déclamations contre les « tentatives philosophiques 
ou théologiques » pour délimiter les problèmes 
légitimes de la science. Après avoir répété tout au 
long de ses pages que la science lui apprend à dire: 
« Je ne sais pas », l’auleur sait, dit ou insiaue avec 
insistance que « Dieu » n’est qu'un mot inventé 
par quelque métaphysicien simpliste, qu’ « on a 
prouvé qu'il ne faut pas croire aux miracles, que 
la métaphysique tout entière est un amusement 
d'ignorants, que la connaissance des « choses en 
» soi » non seulement n'est pas le but de la science, 
mais qu’elle n'est même possible en aucune ma- 
nière; qu'il est impossible de connaitre ce qu’il yv a 
au delà des impressions sensibles, si vraiment il 
peut exister quelque chose ». 


Les turbines à gaz, par L. VENTOU-DUCLAUx, ingé- 
nieur au laboratoire de l’A. C. F. Un vol. in-8° 
de 428 pages et 57 gravures (3,75 fr). Librairie 
Dunod et Pinat, Paris. 1912. 


L’automobilisme nous a donné le moteur à 
explosions, l'aviation nous donnera peut-ètre la 
turbine à gaz. 

En effel, l'aéroplane exige, pour son bon fonc- 
tionnement, un moteur léger et d'une grande 
régularité. Actuellement déjà, on a fait des pro- 
grès considérables à ces deux points de vue, mais 
il n’en reste pas moins vrai que le moteur à explo- 
sionest, suivant l'expression de M. Lumet, un moteur 
à coups de poings; si l’un d'eux fait défaut, il 
résulte un déséquilibre. La véritable solution 
serait le moteur à impulsion continue; la turbine 
à combustion semble donc être la véritable solution 
du moteur aérien. 

Il y a longtemps déjà que ces réflexions ont été 
faites par les chercheurs, et il existe actuellement 
de irès nombreux brevets de turbines à gaz. La 
question n'est pourtant pas résolue, et les inventeurs 
continuent leurs recherches. L'ouvrage de M. Ventou- 
Duclaux a pour but de faire connaitre à ceux que 
le problème intéresse les solutions déjà proposées 
et les travaux faits dans cet ordre d'idées, cela 
pour leur éviter souvent une grande perte de temps. 
On y trouvera une description des différents mo- 
dèles de turbines proposés, ainsi que la liste des 
brevets pris depuis 1892. 


Cours pratique d'électricité, à l’usage des 
conducteurs et ouvriers électriciens, par 
A. PopEvy\, ingénieur. Un vol. in-18 de 316 pages, 


N° 1440 


avec figures (4,50 fr). Librairie bDesforges, 
29, quai des Grands-Augustins, Paris, 1912. 


M. Podevyn, professeur d'électricité en Belgique, 
a fixé les cours qu'il fait en différentes écoles, pour 
servir soit à ses nombreux élèves, soit aux per- 
sonnes étrangères qui veulent connaitre une science 
de plus en plus utile et employée. L'auteur a spé- 
cialement visé à être simple et clair, pour ne pas 
augmenter les difficultés que pourraient éprouver 
les lecteurs. Les chapitres sont courts, ornés de 
figures exéculées spécialement pour le texte, et 
chacun contient un certain nombre de problèmes- 
exemples qui facilitent la compréhension du sujet 
traité. Ce livre, très complet, ne manquera pas de 
rendre service à tous ceux qui le consulteront. 


Les démocraties latines de l'Amérique, par 
F. Garcia CALDÉRON. Préface de M. R. Poincaré. 
(Bibliothèque de philosophie scientifique), 
‘3,50 fr). E. Flammarion, 25, rue Racine, Paris. 


C'est, croyons-nous, la première étude d'en- 
semble qui soit publiée sur l'Amérique latine, cet 
ensemble disparate de démocraties tourmentées où 
nous retrouvons tant de caractères qui nous sont 
propres, déformés par une sauvage imitation. 
L'ouvrage est élégant, « arliste » même, il vise 
à l’objectivité, et son auteur possède le sujet à fond. 
M. Garcia Caldéron a étudié la transformation du 
conquérant espagnol en métis indien et nègre, ses 
luttes pour l'indépendance traversées par tant de 
réactions et de révolutions sanglantes. Il a foi dans 
l'avenir de ces races complexes et émet l'espoir 
qu'elles sauront repousser les divers périls qui les 
menacent : immigration allemande et japonaise, 
mainmise américaine sur les finances. Les mo- 
nographies d'état, les catégories où il les range, 
procèdent d'un point de vue très réaliste. C'est 
ainsi que dans le Chili M. Garcia Caldéron voit 
avec raison une république de type anglo-saxon et 
qu'il analyse avec infiniment d'humour les traits 


essentiellement anarchiques et la vie officielle en. 


Colombie, à Saint-Domingue et en Equateur. Par 
contre, il fait ressortir tout ce que doivent au 
principe d'autorité le Mexique, le Chili, le Brésil et 
le Paraguay. 


Preuves de l'immortalité de l'âme, par 
Mer W. Scaxziper, évèque de Paderborn. Ouvrage 
adapté de l’allemand, par G. GAzaGxoz, du clergé 
d'Albi. Un vol. in-16 de 72 pages, collection 
Science et Religion, n° 634 (0,60 fr). Bloud et Cie, 
éditeurs, 7, place Saint-Sulpice, Paris. 


Ce qui caractérise, pour le lecteur francais, 
cette excellente brochure, résumé d’une étude 
plus étendue adaptée par le traducteur, ce sont 
les citations empruntées pour la plupart aux 


COSMOS 


251 


écrivains allemands. Nos compatriotes auront 
ainsi le moyen de compléter leur documentation 
et de comparer les adversaires ou défenseurs 
français et étrangers de l'immortalité de l'âme. 


Solutions anciennes et renaissantes de la 
. question sociale, par M. FRaxco1IS ESCARD, 
préface de M. Henri Jory, membre de l'Institut. 
Un vol. in-8° de 1v-212 pages (4 fr). Arthur 
Rousseau, éditeur, 44, rue Soufllot, Paris. 


M. François Escard, dont la famille publie cet 
écrit posthume, fut, en même temps que bibliothé- 
caire du prince Roland Bonaparte, un des collabo- 
rateurs de Le Play. Grâce à de nombreux voyages, 
il put aider celui-ci dans la publication des Au- 
vriers européens. Inspiré des principes dela Réforme 
sociale, animé d’un esprit chrétien qui ne cherche 
pas à se dissimuler, son ouvrage, consacré à l'or- 
ganisalion de la vie de famille et de l'association, 
méritait de voir le jour, car il est de ceux qui sont 
destinés à faire du bien. 


Formulaire de cosmétique, parfumerie sans 
alcool, par M. K. Garrerossé. Un vol. in-16 de 
400 pages (1,50 fr). Édité par la Parfumerie 
moderne, 19, rue Camille, Lyon. 


La plupart des produits vendus en parfumerie 
sont à base d'alcool; or, les droits très lourds qui 
pésent sur tous les produits alcooliques font 
augmenter les prix et par suite diminuent la 
vente. 

. La parfumerie aurait donc tout avantage à se 
passer d'alcool qui ne sert que de solvant, et à 
n'employer que les parfums solubles dans l'eau. 

L'auteur étudie ici les produits sans alcool, et les 
envisage successivement, non seulement au point 
de vue pratique et économique, en en donnant des 
formules précises et éprouvées et les procédés de 
fabrication, mais aussi au point de vue hygiénique, 
trop souvent négligé. 

Un important chapitre est consacré à la jurispru- 
dence et précise les droits et les obligations des 
préparateurs de produits hygiéniques. 

Cet aide-mémoire est surtout destiné à ceux qui 
ont déjà l'habitude des manipulations de parfu- 
merie ou de pharmacie, il pourra ètre néanmoins 
consulté avec profit par tous ceux qui s'occupent 
plusspécialement de la vente des prodnits d hygiène. 


Les ballons librəs : étude graphique et géo- 
métrique de leur mouvement, par J. Rosex. 
Un vol. in-8° de 48$ pages (3 fr). Librairie 
Monroty, 30, rue Jacob, Paris. 

Étude trés sérieuse et documentée sur la force 

ascensionnelle des ballons, leurs mouvements ver- 

ticaux et la résistance opposée par l'air aux ballons 
sphériques. 


252 


COSMOS 


29 aourt 1912 


PETITE CORRESPONDANCE 


Adresses des appareils décrits : 

Lunettes grossissantes Zeiss : Carl Zeiss, + bis, rue 
aux Ours, Paris. 

Le chronoscope P. A. P. est construit par M. P. Bou- 
cher, 81, boulevard Sébastopol, Paris. 


M. A. B., à E. — Les idées sont bien partagées, 
beaucoup de personnes choisissent le vert. Nous, nous 
préférons le blanc, qui laisse passer plus de rayons 
lumineux. — L'éclairage à l'huile est le plus doux 
pour la vue, mais il est loin d'ètre le plus intense; il 
n'est guère employé aujourd’hui; cependant on trouve 
encore de bonnes lampes modérateur: Honoré, #, rue 
de Saintonge; Perrigault, 26, rue Sévigné. 

M. P. de C. Z., à R. — Cette information a élé prise 
dans le Srientific American du 1* juin 1912, et nous 
n'avons pas d'autres renseignements. Vous les obtien- 
driez sans doute en vous adressant à notre confrère 
des Etats-Unis: Munn and C’, 361, Broadway, New- 
York. 

M. P. G., à M. — Il existe, en effet, des moteurs 
Diesel de faible puissance, bien que ces moteurs ne 
présentent tous leurs avantages que pour des puis- 
sances plus élevées. La maison Sulzer, de Winterthur 
Suisse), en a construit de 15 chevaux, et il n'est pas 
douteux que d'autres constructeurs en établissent 
également, En France, les moteurs Diesel sont con- 
struits par la maison Normand, au Havre. Pour une 
petite industrie, ce moteur aura surtout pour avantage 
de réduire les frais de main-d'ruvre et de surveillance. 


M. A. F., à M. — Nous ignorons absolument ce 
qu'est la « Chanteclairine ». Un de nos lecteurs pourra 
peut-être nous renseigner. — La seconde question 
n'est pas de notre compétence. Toutefois, nous 
crovons que plusieurs Sociétés de secours mutuels 
ni décidé de ne plus accepter les femmes parmi leurs 
membres. 


A. R. S., Lima. — Objets artistiques en plifre: 


Samuel Lucchesi, 9, rue de la Roquette, Paris. — 


Fabrique de bijouterie : Société parisienne d'oi fèvrerie, 
118, rue du Temple, Paris. 

R. H. R., à C. — Cette exposition d'hygiène a eu 
lieu à Dresde, au mois d'octobre 1941. Le Genie civil 
en a rendu compte dans ses numéros # et 5 des 2: no- 
vembre et 2 décembre 1911. Nous vous les faisons 
envoyer. 

M. E., à V. — l’ Pour ces antennes, la nature du 
métal intlue sur la réception, mais pratiquement 
d'une facon très faible. Le fil na pas besoin d'ètre 
isolé, c'est-à-dire couvert de guipage isolant, il faut 
simplement le fixer sur des isolateurs. On 
vonise le cuivre ou le bronze d'aluminium, suflisaro- 
ment ronductenr ei én mme temps léger et tenace; 
mais le fer peut aussi convenir. Un grillage métallique 
suspendu peut faire otlice d'antenne. On a parfois 
employé des jets dau. — 2* Dans le cohéreur à 
aiguilles décrit (Cosmos, n° 1457, p. 160), les masses 
av cuivre ne Servent qu'à raison de leur poids et 


pré- 


peuvent étre remplacées par toute autre masse con- 
venable.Cette masse doit être déterminée par lätonne- 
ments. Vous pouvez associer un nombre croissant de 
petites masses. 


M. L. C., à B. — Le lait de chaux est préparé à 
raison de 6 à 8 grammes de chaux vive par litre d'eau : 
on brasse à plusieurs reprises pendant quelques 
heures ou quelques jours; puis on ajoute du sel de 
cuisine à l'eau (1 millième en poids), enfin on décante 
et on verse sur les œufs entassés dans les récipients. 
Les doses de chaux et de sel varient, chaque indus- 
triel a sa manitre de procéder. Des auteurs réprouvent 
l'usage du sel. — On signale que les œufs ainsi con- 
servés, ayant la coquille amincie et les pores obstrués 
par la chaux, se fendent fréquemment quand on les 
plonge dans l'eau bouillante. — La chaux reste en 
suspension dans l'eau, il ne s'en dissout qu'une mi- 
nime quantité : 1,28 g par litre à 15°; 0,78 g par litre 
fà 100°. La couche de carbonate qui se forme à la sur- 
ace de votre solution est un indice que la chaux y est 
à l’état et dans les proportions nécessaires. — Sur ce 
point (conservation par leau de chaux) et sur les 
autres procédés de conservation, vous avez avantage 
à lire: F. Lrscanné, l'Œuf de poule, sa ronserralion 
par le froid (3 fr). Dunod et Pinat, 49, quai des 
Grands-Augustins, 1908. 


F. B. de A., à L. — 1° Les ouvrages d'analyse chi- 
mique sont innombrables, mais répondent générale- 
ment peu aux conditions spécifiées. Voyez les cata- 
logues de Dunod et Pinat, de Baillière, etc. Un ancien 
ouvrage (de 1885): Tableaur d'analyse qualilatire, 
dressés en vue de servir de guide aux débutants, par 
L. Pauxier (25 tableaux, 6,25 fr), se vend encore chez 
Dunod et Pinat, 47, quai des Grands-Augustins. — 
> Analyse des malivres agricoles, par A. HURERT (2 fr): 
Méthodes analytiques appliquées à l’industrie et à 
l'agriculture, par A. Muxrz (25 fr), 1888. Ces deux 
ouvrages sont édités par Dunod et Pinat. — Modeles 
en rédaction de machines, pour l'enseignement : 
Papault et Rouelle, 156, rue Oberkampf, Paris. 


M. D., à F. — Observatoires de la Compagnie de 
Jésus: Georgetown, Stonyhurst, Manille, Zi-ka-wei, 
Kalocsa et Tananarive sont les plus importants. Nous 
signalerons encore Jersey, Tortose {Observatoire de 
l'Ebre}, collège de Saint-Ignace de Cleveland (Ohio), 
Creighton,à Omaha, Valkemberg(Limbourg hollandais), 
Cartuja (Grenade), Calcutta, Bulawayo (Rhodesia), 
Feldkich (Autriche), Gozo (Malte), Louvain, Mondra- 
gone (Italie), Ondenbosch (Hollande), Rome (Univer- 
sité grégorienne), Saltillo (Mexique), Santa-Clara (E.-U.). 
— Un peut ajouter à cette liste des Observatoires non 
dirigés parles Pères de la Compagnie de Jésus, celui des 
îcoles Pies à Florence, celui du Vatican et nombre 
d’autres dont les noms nous échappent. Il nous est 
impossible de donner une liste complète. (4 suivre.) 


oo 


Imprimerie P. Fsnox-Vaau. 3 et 5, rae Bayard, Paris, VIII. 
Le gérant : E. PETITBENRT. 


COSMOS 253 


SOMMAIRE 


No 1551 — 5 SEPTEMBRE 1912 


Tour du monde. — La prévision du temps en mer par la télégraphie sans fil. Battements rythmiques des 


cellules musculaires du cœur isolé et conservé in vitro. Vitalité des levures. La sidération par la douleur. 
Le point d’ébullition des métaux. La pression déterminée par un choc. Lisibilité des affiches en couleurs. 
Lampes à incandescence dans les mines. L’électricité au restaurant. Télégraphie sans fil à grande distance. 
Les hautes routes carrossables de l’Europe. Essais des constructions en béton. Découverte de plusieurs 
sépultures préhistoriques moustériennes et magdaléniennes. Concours d’hydroaéroplanes de Saint-Malo. Un 
hydroplane. L'imprimerie en Chine. L’éclairage dans les atmosphères viciées. Les voitures à impériale. 
Nettoyage des rues par le vide, p. 253. 


Suppression des bruits parasites dans les communications téléphoniques, Marre, p. 258. — La plus 


haute maison de l’univers, KuEexTz, p. 258. — La télégraphie moderne, Marchaxo, p. 260. — Nou- 
velles méthodes de mesure des nuages à l’Observatoire de Montsouris, Boyer, p. 262. — Les 
irrigations et les desséchements, en Égypte et au Soudan, C! JEANNEL, p. 264. — Le laboratoire 
d’essais des substances radio-actives à Gif, LaLLté, p. 265. — Les nouvellés théories de la matière 
(suite), BERTHIER, p. 269. — Pyrométrie stellaire, REVERCHON, p. 272. — La Terre, sa forme et ses 
dimensions (suite), CH. LazLeuaxp, p. 275. — Sociétés savantes : Académie des sciences, p. 278. — 


Bibliographie, p. 278. 








TOUR DU MONDE 


MÉTÉOROLOGIE 


La prévision du temps, en mer, par la télé- 
graphie sans fil. — On attend les plus heureux 
résultats, au point de vue de la prévision des orages, 
des résolutions et des vœux émis à la dernière 
Conférence internationale de la télégraphie sans 
fil, à Londres. Cette réunion a décidé que les mes- 
sages par télégraphie sans fil émis par les båti- 
ments en mer devraient passer avant tous les 
autres, exception faite pour les appels de secours 
des navires en danger. 

Chaque gouvernement devrait avoir ses observa- 
teurs et faire les frais de ce service privilégiė. 
M. Willis Moore, chef du service météorologique 
aux États-Unis, estime que, dès qu’une convention 
sera ratifiée par les différents gouvernements qui ont 
pris part à la Conférence, l'échange international 
des observations permettra d'établir une carte 
météorologique quotidienne de l'Atlantique et du 
Pacifique, et que les éléments signalés aux naviga- 
teurs éviteront nombre de sinistres maritimes. 


BIOLOGIE 


Battements rythmiques des cellules muscu- 
laires du cœur isolé et conservé « in vitro ». 
— M. Montrose T. Burrows, du laboratoire ana- 
tomique de Cornell University, à New-York, a 
adressé à Science (19 juillet) une note sur les pro- 
cédés nouveaux qu'il emploie et les résullats qu'il 
obtient dans la cullure des tissus vivants séparés 
de l'organisme. 

li a établi, lan dernier, que le muscle cardiaque 
dun embryon de poulet mis dans un milieu de 
culture approprié est le siège de battements ryth- 
miques durant quelques jours, en même temps que 
ke tissu prolifère et produit de nouvelles cellules. 


T. LXVII. N° 1441. 


Braus a répété ces expériences sur des cœurs d’em- 
bryons de grenouilles et de crapauds et établi de plus 
que ces cœurs isolés répondent comme des cœurs 
normaux aux excitations électriques et chimiques, 
et, en outre, que les cellules nouvelles issues de 
ces tissus d'animaux à sang froid vivaient encore 
au bout de trois mois. Plus récemment, A. Carrel 
a réussi à prolonger in vitro la vie et la fonction 
du muscle cardiaque d'un poulet (persistance des 
battements rythmiques, au moins par intermit- 
tences, durant quatre-vingt-cinq jours) en appli- 
quant la méthode imaginée par Carrel et Burrows, 
et qui consiste à transporter périodiquement les 
tissus cultivés dans un nouveau milieu nutritif, qui 
n'est autre que le plasma extrait du sang (Cosmos, 
n° 1407, t. LXVI, p. 29). Mais on pouvait croire que 
ces battements étaient dus à l'excitation musculaire 
produite par des ganglions nerveux. 

M. Burrows a résolu la question cette année et 
montré que les battements rythmiques du cœur ne 
sont pas nécessairement sous la dépendance des 
centres nerveux, mais sont bien une propriété du 
muscle cardiaque lui-même. 

Tout d'abord, il a perfectionné la méthode de 
culture, et dans une modification de ses expériences, 
le renouvellement du plasma nourricier s'effectue 
non plus périodiquement, mais de façon continue, 
detellesortequeles déchetsorganiques ne séjournent 
plus au contact des tissus en croissance, mais sont 
emportés au fur et à mesure de leur production. 
Dans trois sur quinze des cultures ainsi conduites 
(il s'agissait généralement de muscles cardiaques 
d’embryons de poulet), les cellules musculaires 
nouvelles qui avaient poussé ont montré des batte- 
ments rythmiques : le cinquième jour de la culture 
artificielle, pour l'échantillon le plus précoce; le 
quatorzième jour, pour les autres échantillons. La 
croissance active des tissus en question et les bat- 


25% 


tements caractéristiques des cellules musculaires 
se maintinrent durant trente jours. 

L'activité n'est pas la mème pour les tissus de 
toutes les régions du cœur, et elle diffère aussi 
suivant l’âge des embryons. Les battements se 
manifestent aussitôt après la mise dans le plasma, 
s’il s'agit de pièces prises aux oreillettes du cœur, 
à l'entrée des veines, quel que soit l'âge de l'em- 
bryon, et même s'il s'agit de poussins fraichement 
éclos. Des pièces prises aux. ventricules d'embryons 
vieux de plus de dix jours ne se mettent à battre 
que moyennant des procédés spéciaux de prépara- 
tion et de traitement. 

Un morceau de ventricule pris à un embryon de 
quatorze jours, et qui ne présentait pas de batte- 
ments rythmiques, a poussé des cellules nouvelles, 
observables en de très bonnes conditions, qui, elles, 
étaient animées de délicats battements s'effec- 
tuant avec le rythme normal, c'est-à-dire à une 
fréquence comprise entre 50 et 420 contractions par 
minute. 

Ainsi on voit, dans ces conditions très spéciales, 
les cellules musculaires naitre, se développer, se 
différencier et prendre au bout de quelques jours 
leur fonction caractéristique. 


Vitalité des levures. — MM. U. Gayon et 
E. Dubourg ont prélevé, avec toutes les précautions 
aseptiques voulues, le dépôt qui s'était fait dans 
des bouteilles de vin vieux et l'ont ensemencé sur 
des milieux de culture appropriés, pour voir si ces 
vins contenaient encore des levures vivantes. Les 
bouteilles de Château-Lafitte dataient de 41798, 
1803, 1806, 1810, 1819, 1826, 1832, 1844, 1846 
et 1848. Quatre d’entre elles, datant de 1803, 1810, 
1826 et 1832, fournirent des levures vivantes, qui, 
ensemencées en cau sucrée, produisirent des liquides 
alcoolisés à 9-44 pour 100. (Revue scient., 40 août.) 

Ainsi, des vins vieux de plus d'un siècle peuvent 
contenir deslevures vivantesetcapables de reprendre 
toule leur vitalité. Les auteurs pensent que les 
levures introduites à l’origine lors de la mise en 
bouteille ont vécu et se sont multipliées, gràce à la 
lente pénétration de l’air à travers le bouchon. 


La sidération par la douleur. — La f’usette 
des Hipitaux (29 août) cite, d'après M. Chatelain, 
trois faits intéressants de sidération par la douleur 
observés chez des animaux. 

Un moineau recoit une pierre et tombe sur le 
sol, il reste inerte plusieurs minutes: examiné 
attentivement, il n'a d'autre blessure qu’un ongle 
écrasé. Bientot il se redresse et s'envole. 

Un geai a un ongle arraché par un gruin de 
plomb, il tombe immobile et ne se réveille qu'après 
quelques minutes; il ne fut tué que l’année suivante, 

Une chienne recoit un grain de plomb près de la 
commissure palpébrale, l'os n'est pas atteint; elle 
tombe en syncope, les muqueuses décolorées. 


COSMOS 


D SEPTEMBRE 1912 


Quelques heures après, elle est complètement réta- 
blie, elle peut de nouveau chasser. 

Une douleur intense et subite a donc, dans ces 
trois cas, déterminé une syncope et sidéré l’ani- 
mal. Ces faits sont d'autant plus intéressants, 
à un point de vue très général, qu'ils ont été 
observés chez des animaux, et que, par là même, 
tout facteur psychique étant exclu, les conséquences 
physiques de la douleur n'apparaissent que plus 
claires, 


PHYSIQUE 


Le point d’ébullition des métaux. — Pour 
les mélaux peu volatils, le point d'ébullition est 
mal connu. M. C. Greenwood a effectué de nouvelles 
déterminations plus précises : les métaux étaient 
chauffés dans des fours électriques à résistance; 
l'auteur admettait que l’ébullition se produisait 
quand la surface du métal paraissait être le siège 
d'une vive agitation. (Génie rivil, 24 août.) 

Les valeurs trouvées différent quelquefois gran- 
dement de celles qui ont été admises sur la foi 
d'autres expérimentateurs. L'auteur a trouvé les 
valeurs suivantes, exprimées en degrés centigrades. 


Métal. Point d'ébullitiou. 
ROC nee nu num e 2 450 
GUIS O ir sie srbas 2310? 
PSN LT need a ue 2 275° 
CHrOMO: s52 aaea a TEk 2 200° 
ACROSS Min domaree 4 955 
Mangancse........,............... 4 900 
Aluminium........................ 41 800° 
PlOMO SES da Aa 1529 
Antimoine..,..............,...... 1440" 
aE E A O ESEE ES 1420 
Magnésium .......... seit 1 120 


La pression déterminée par un choc. — Le 
choc d’un marteau sur un clou, de deux billes de 
billard, d'une balle contre une plaque d'acier, 
détermine des pressions de durée fort brève, mais 
de très grande intensité. 

D'après B. Hopkinson, pour le cas d'un marteau 
frappant sur la tête d'un clou, la pression reste 
sensiblement constante pendant toute la durée de 
l'enfoncement du clou, durée évaluée à environ 
0,0012 seconde. 

Pour des billes de billard qui vont l'une vers 
l'autre et se rencontrent suivant la ligne des centres, 
la pression n'est pas constante pendant la durée 
du choc, mais va en croissant depuis le premier 
contact pendant tout le temps que l'ivoire se com- 
prime, que les zones de contact s'élargissent et que 
les centres se rapprochent. Avec une vitesse initiale 
de 2,44 m par seconde, laplatissement des billes 
atteint 0,36 mm, et la pression 41,5 kg par milli- 
mètre carré. 

Si l’on remplace les billes d'ivoire par des billes 
d'acier de mème masse (billes creuses) et qu'on 
donne aux billes d'acier la même vitesse qu'aux 


No 4414 


billes d'ivoire, la pression du choc sera différente, 
elle sera plus grande à raison de la plus grande 
rigidité de l'acier : la pression atteindra 440 kilo- 
grammes par millimètre carré. Seul un acier très 
dur pourra la supporter. 

Les pressions et déformations causées par le choc 
ne se mesurent que d'une manière indirecte. Ce 
qu'on mesure, c’est la durée du contact des billes, 
qui est d'environ 0,00023 seconde; on la détermine 
par un procédé électrique, en leur faisant fermer 
un circuit comprenant une pile et un galvano- 
mètre. o 


Lisibilité des affiches en couleurs. — Le 
Courrier du Livre relate des essais variés et nom- 
breux sur les combinaisons les plus favorables 
d'encres et de papiers en couleurs, effectués par 
des imprimeurs en vue de décider quelles sont les 
affiches qui offrent le plus de lisibilité à distance. 
C'est la maison Scheldons Limited, de Leeds, une 
des plus réputées pour l'impression des affiches, 
qui procéda à ces expériences, lesquelles démon- 
trèrent que les affiches tirées en noir sur papier 
jaune étaient celles que lon pouvait lire à la plus 
grande distance. 

Cette classification fut ainsi obtenue : sur un 
grand panneau en bois, placé à l'extrémité d’un 
champ et bien exposé à la lumière du soleil, on 
fixa des affiches imprimées avec des encres et sur 
des papiers de couleurs différentes. Sur chacune 
de ces affiches figuraient deux lignes de teste, la 
première ne renfermant que des caractères bien 
distincts, la seconde des lettres plus difficiles à 
distinguer de loin, telles que I, J, etc. 

Des piquets, soigneusement repérés, étaient 
placés de distance en distance dans la direction du 
panneau pour servir à établir, d’après les observa- 
tions faites par de nombreuses personnes, le degré 
de lisibilité de chacune des affiches. 

Après pointage, on trouva la classification sui- 
vante : 


1° Encre noire sur papier jaune; 
2° Encre verte sur papier blanc; 

3° Encre rouge sur papier blanc; 

4 Encre bleue sur papier blanc; 

5° Encre blanche sur papier bleu; r 
6° Encre noire sur papier blanc; 

1° Encre jaune sur papier noir: 

8° Encre blanche sur papier rouge; 
9° Encre blanche sur papier vert; 
10° Encre blanche sur papier noir: 
11° Encre rouge sur papier jaune; 
12° Encre verte sur papier rouge: 
13° Encre rouge sur papier vert. 


Il est à remarquer qu’une affiche imprimée en 
blanc sur papier bleu peut être lue à une plus 
grande distance qu'une affiche imprimée en noir 
sur papier blanc. 


COSMOS 


a 


205 


ÉLECTRICITÉ 


Lampes à incandescence dans les mines, — 
L'emploi des lampes à incandescence dans les 
mines est tellement pratique que l’on est porté à 
les employer de plus en plus; cependant, une ques- 
tion de la plus haute gravité n’est pas encore 
résolue; si, dans les conditions normales, le fila- 
ment enfermé dans l’ampoule ne peut allumer 
les gaz ambiants, en est-il de même quand l’am- 
poule est brisée, quoique, en pareil cas, le filament 
consumé instantanément s’éteigne à peu près subi- 
tement? L'emploi des filaments de tungstène donne 
un nouvel intérêt à cette question. 

Le Bureau des mines des États-Unis a étudié la 
question, et les expériences ont été faites dans des 
milieux contenant de 5 pour 400 jusqu’à 12,4 pour 
100 de gaz inflammable. On y employait de petites 
lampes de 1,5 bougie, alimentées par un courant 
de 3,5 volts et 3 dixièmes d’ampère. Ces lampes 
allumées étaient brisées dans le mélange déto- 
nant. Sur un {otal de 135 essais, 78 causèrent 
l'inflammalion. Ainsi meurt l’ancienne tradition 
qui affirmait qu'en cas de rupture de l'ampoule le 
filament s'éteignait avant d’avoir pu communiquer 
le feu aux gaz environnants. 


L’électricité au restaurant. — Nous lisons 
dans l’Elertricien que M. Hilary Quertier, de Wel- 
lington (Nouvelle-Zélande), a inventé, à l'usage 
des hôtels et restaurants, un appareil électrique 
qui est manœuvré par le client lui-même et qui 
met directement ce dernier en communication avec 
la cuisine de l'établissement. 

Sur chaque table se trouve un cadre en bois por- 
tant le menu, et, en regard de chaque article de ce 
menu, on voit un bouton. Après avoir choisi son 
plat, le client abaisse le bouton correspondant; 
aussitòt le numéro de la table et la commande 
apparaissent sur un dispositif enregistreur dans la 
cuisine, en mème temps qu’une sonnerie électrique 
attire l'attention du chef cuisinier ou de son aide. 
L'appareil installé dans la cuisine délivre automa- 
tiquement un ticket portant le numéro de la table 
du restaurant, la nature de la commande et le 
montant de la somme à percevoir. Un duplicata du 
ticket se trouve conservé sur une bande sans fin, 
ce qui permet un contròle absolu. Lorsque le 
ticket, établi par le dispositif électrique imprimeur 
de la cuisine, tombe sur le plateau convenable, la 
commande peut ĉtre préparée et servie immédia- 
tement par le garçon, avec la note à payer. Partout 
où on l'a essayé en Nouvelle-Zélande, explique 
l'Electrical Review, l'appareil électrique de M. Quer- 
lier a rencontré un grand succès. 


Télégraphie sans fil à grande distance. — 
La station radio-télégraphique de Nauen, près de 
Berlin, qui remplacera, avec une tour de près de 
275 mètres, celle qui a été délruite en mars par un 


236 


ouragan, pourra, d'après les ingénieurs allemands, 
correspondre directement dans une zone compre- 
nant la ville de New-York. 

La Federal Telegraph Cy, qui dessert aux 
États-Unis toute la côte du Pacifique, vient d'inau- 
gurer un service régulier entre San-Francisco et 
Honolulu (3 800 kilomètres). 

La station de San-Francisco, située à la pointe 
Saint-Bruno, à 46 kilomètres de la ville, a deux 
tours porte-antennes distantes de 185 mètres et de 
135 mètres de hauteur. La station réceptrice 
d’Honolulu est à 20 kilomètres environ de la capi- 
tale de l'ile. 

La mise récente en service de la télégraphie 
sans fil à travers le continent de l'Amérique du 
Sud, reliant Lima au Pérou, et Para au Brésil, 
mérite une mention spéciale, non à cause de la 
distance de stations, qui ne dépasse pas 3 400 kilo- 
mètres, mais parce que ses signaux franchissent 
les hautes terres de la Cordillère (6 000 mètres). — 
Les stations sont du système Telefunken. 


GÉNIE CIVIL 


Les hautes routes carrossables de l’Europe. 


— La plus haute route d'Europe sur laquelle soit 
établi actuellement un service régulier d’automo- 
biles, en été, est probablement celle récemment 
ouverte qui porte le nom de « grand'route des 
Alpes », et qui réunit les bords de la Méditerranée 
au lac de Genève. Partant de Nice, elle franchit, 
par Barcelonnette et Briançon, les Alpes mari- 
times et les Alpes du Dauphiné, atteignant Saint- 
Michel de Maurienne, à l'altitude de 742 mètres; 
de là, on gagne facilement Chambéry et Genève. 

Voici l'altitude des principales passes traversées 
par cette route. 


Col Saint-Michel (B.-A.)....... 4505 mètres. 


Col d'Allos .................. 2234 — 
Col de Vars.................. 2415 — 
Col d'Isoard.................. 2388 — 
Col du Lautaret.,............ 2058 — 
. Col du Galibier.............., 2058 — 


Comparé aux cols qui donnent passage à des 
routes connues et fréquentées, le col de Galibier, 
entre le Dauphiné et la Savoie, est moins élevé que 
le Stelvio qui est à 2793 mètres d'altitude, mais 
plus élevé que ceux du Mont-Cenis (2 407 mètres), 
du Saint-Gothard (241415 mètres), du Simplon 
(2010 mètres) et du Splügen (2 118 mètres). 


Essais des constructions en béton. — Les 
accidents qui se sont produits dans quelques con- 
structions en béton ont amené le Bureau des essais 
aux États-Unis, qui étudie la valeur des matériaux 
de construction, à poursuivre une enquite spéciale 
sur les propriétés physiques du béton, si emplové 
aujourd'hui, et notamment sur les fissures qui se 
produisent dans les constructions faites avec ce 


COSMOS 


5 SEPTEMBRE 1912 


matériau, accidents dus aux contractions et aux 
dilatations de la masse. 

Des observations seront faites dans divers États 
sur des constructions anciennes et sur des con- 
structions nouvelles ; elles seront poursuivies en été 
et en hiver pour constater les contractions et les 
dilatations dues à la température et aussi les chan- 
gements de volume qui se produisent pendant le 
durcissement des mortiers; ces observations seront 
faites très spécialement sur les murailles des 
énormes écluses du canal de Panama, de mème 
que sur les autres ouvrages importants dont on 
aura connaissance. 


PRÉHISTOIRE 


Découverte de plusieurs sépultures préhis- 
toriques moustériennes et magdaléniennes, 
— Le D" Capitan, professeur au Collège de France, 
et M. Peyrony, son collaborateur, continuant en 
Dordogne leurs fouilles méthodiques, ont trouvé, 
dans l'abri sous roche de la Ferrassie, deux sque- 
lettes de petits enfants gisant sous cing mètres 
d'éboulis et de couches préhistoriques, reliquats 
de la vie de populations de divers âges, qui se 
sont régulièrement succédé en ce point durant tout 
le quaternaire moyen. 

Ces enfants avaient été enterrés dans deux petites 
fosses creusées intentionnellement par les « mous- 
tériens » sous un de leurs foyers, foyer rempli de 
beaux silex taillés par eux et caractéristiques de 
celte époque. 

Le rite sépulcral de l'enterrement durant la civi- 
lisation paléolithique, naguère encore discuté, est 
ici démontré irréfutablement. Ainsi, dès les pre- 
mières périodes de son histoire authentique, 
l'homme nous apparait préoccupé du mystère de 
sa destinée future et croyant à une survie : le res- 
pect dont il entoure ses morts a pour nous une 
haute signification philosophique et religieuse. 

MM. Capitan et Peyrony ont, d'autre part, mis 
au jour, au lieu dit « le cap Blanc », près de 
Lausselle et des Eyzies, le squelette d’un homme 
enterré en ce lieu à l’époque magdalénienne. 


AVIATION 


Concours d’hydroaéroplanes de Saint-Malo. 
— Ce concours, qui a eu lieu du 24 au 26 aoùt 
dernier, comportait différentes épreuves, dont la 
plus importante était la course Saint-Malo, iles 
Chausey, Saint-Hélier (ile Jersey) avec escale d'une 
demi-heure en ce point, puis retour à Saint-Malo. 
Douze appareils étaient engagés; sept biplans et 
cinq monoplans. On se rappelle (p. 201) que le 
règlement accordait une bonification variable sui- 
vant le nombre des passagers se trouvant à bord. 

Le temps très mauvais a rendu particulièrement 
difficiles les différentes épreuves, et surtout la der- 


No quil 


nière, Saint-Malo-Jersey et retour, qui comportait 
un parcours de 445 kilomètres au-dessus de la mer. 
Quatre appareils seulement ont fait cette traversée. 
Voici le classement général pour les trois journées : 

Biplan Astra, 8 points; 

Biplan Sanchez-Besa, 15 points: 

Monoplan Rep, 16 points; 

Biplan M. Farman, 24 points; 

Monoplan Nieuport, 25 points; 

Biplan Paulhan, 36 points. 

Sur ce nombre, trois appareils, les premiers 
naturellement, ont accompli toutes les épreuves 
du meeting. 


VARIA 


Un hydroplane. — Pour disputer la coupe 
Hamsworth des canaux automobiles, actuellement 
sur les possessions des États-Unis, on vient de con- 
struire en Angleterre quatre hydroplanes, dont le 
plus rapide, le Maple Leay IV, a fourni pendant 
une course de près de cinq heures une vitesse de 
74 kilomètres par heure. Cette longue randonnée 
d'une simple embarcation (12 mètres de longueur) 
à une pareille vitesse n’avait pas encore été atteinte. 


L’imprimerie en Chine. — Une intéressante 
exposition, organisée dans le but de faire connaltre 
les différentes phases de l'évolution de l'imprimerie 
en Chine, vient de se tenir au British Museum de 
Londres, dans la King’s Gallery; les détails sui- 
vants, empruntés au Courrier du Livre, jetteront 
quelque jour nouveau sur les débuts des arts gra- 
phiques dans le Céleste Empire. 

Le plus ancien spécimen exposé remonte à la 
dynastie des T'ang, entre 518 et 906; c’est une 
simple bande de papier qui parait plutôt avoir été 
grossièrement imprimée. Un volume portant la 
date de Yuan-fu, c'est-à-dire de l’an 1099, est dans 
un état étonnant de conservation; l'encre semble 
n'avoir rien perdu de sa fraicheur, ce qui est du, 
parait-il, à l’usage du camphre dans sa fabrication. 
C'est le plus ancien livre imprimé que le British 
Museum possède. Trois autres, datés 1167, 1248 et 
1283, furent imprimés au Japon sous la dynastie 
des Sung. De la dynastie des Mongols, un volume 
particulièrement remarquable est celui qui ren- 
ferme la collection des œuvres de Han Yii, grand 
lettré et publiciste chinois. Sous la dynastie des 
Ming, Part de l'imprimerie en Chine brilla de son 
plus vif éclat. C'était à peu près vers l’époque où 
Caxton l’introduisit en Angleterre. De cette fameuse 
période, un volume est exposé, une Histoire de la 
Chine, imprimée en 1476 pour le palais impérial. 
Le papier semble un peu pelucheux, et l'artiste a 
gravé deux caractères différents: l'un large pour 
le rapport des faits, et l’autre, plus petit, reproduit 
les commentaires de l’auteur. Parfois même, lim- 
pression alterne sur blocs noirs où les caractères 
ressortent en blanc. 


COSMOS 


257 


Le premier livre chinois illustré est daté 1486; 
chaque page contient une gravure sur bois relatant 
un des épisodes de la vie de Sakyamuni Buddha. 
Un autre volume illustré, traitant de la culture 
du riz, fut édité par l’empereur Kang Hsi lui- 
même. 

Dès l’an 1 100, on se servait de caractères mobiles 
en Chine. 


L’éclairage dans les atmosphères viciées. 
— Quand il s’agit de visiter ou de porter des 
secours dans des milieux où l'atmosphère est 
viciée par des gaz nocifs, les sauveteurs portent 
un casque dans lequel on refoule l'air pur néces- 
saire à leur respiration. S'il faut s'éclairer, dans 
les grandes villes, on les munit d'une lampe élec- 
trique à incandescence, dont les fils conducteurs 
se déroulent derrière eux. 

Mais si cette ressource manque, le problème 
devient difficile; on peut cependant le résoudre 
dans une certaine mesure en employant la 
flamme la moins sensible à la condition de Pair 
ambiant; l'acétylène semble répondre à ces besoins. 
La Revue de l'Acétylène dit, en effet: 

Une bougie s'éteint avec 2,95 pour 100 d'acide 
carbonique et 16,24 pour 100 d'oxygène. Une 
lampe acélylénique brüle jusqu’à 6,30 d'acide car- 
bonique et 11,7 d'oxygène. Une flamme de gaz 
naturel a comme limites 3,25 et 13,9. En conclu- 
sion, on voit donc que l’acétylène résiste le mieux 
dans les atmosphères viciées. 


Les voitures à impériale. — Tandis qu’on sup- 
prime chez nous les impériales des voitures, 
omnibus, tramways et wagons, on les établit à 
New-York sur des véhicules qui n’en avaient jamais 
porté, et la mesure est accueillie avec enthou- 
siasme; ainsi va le monde; la perfection, en beau- 
coup de cas n’est qu’une question de longitude ou 
de latitude. 

Ajoutons qu'aux États-Unis, en souvenir sans 
doute de l’ancienne marine militaire, les voitures 
à impériale s'appellent des voitures à deux ponts. 


Nettoyage des rues par le vide. — On lit 
dans les journaux allemands que l’on emploie actuel- 
l:ment, à Strasbourg, un appareil de nettoyase par 
le vide pour balayer les voies de tramways de celte 
ville. Le dispositif adopté a l'aspect d'une voiture- 
caisse; en outre du moteur ordinaire de traction, 
il a reçu un moteur électrique qui actionne l'appa- 
reil de nettoyage logé dans la voiture. Les ordures 
présentes sur la voie sont humectées d'eau, grattées 
et attirées dans la voiture close au moyen de 
l'appareil de succion. 

Avec l'appareil en question, un senl ouvrier nel- 
toie parfaitement chaque jour 40 kilomètres de 
voies, accomplissant le travail de dix-sept hommes 
qui ne disposeraient que des moyens ordinaires. 


COSMOS 


5 SEPTEMBRE 1912 


Suppression des bruits parasiles dans les communications téléphoniques. 


Tout le monde connait la gêne résultant des 
mille et un bruits parasites que le public englobe 
sous la dénomination générale de « friture », et 
qui survient trop souvent au cours des conversa- 
tions téléphoniques. Certaines lignes sont à ce 
point de vue profondément défectueuses, et la voix, 
notablement altérée, ne se transmettant plus dis- 
tinctement à l'oreille, toute communication un peu 
sérieuse et prolongée devient impossible. Il en 
résulte un préjudice grave dont souffrent les 
abonnés. Les ingénieurs de l’État, il faut bien le 
reconnaitre, se sont efforcés d’étudier les amélio- 
rations qui s'imposent à ce sujet : un certain 
nombre de dispositifs ont été imaginés par eux; 
mais, jusqu'ici, il n’en est aucun qui leur ait donné 
pleine satisfaction, soit que les divers amortisseurs 
proposés n’annihilent qu'imparfaitement les per- 
turbations, soit qu ils présentent des inconvénients 
d'un ordre différent. 

La difficullé consiste, en effet, à trouver une résis- 
tance non inductive qui, intercalée sur le réseau, 
puisse conduire à la terre les courants induits ou 
les charges statiques parasites, qui sont préci- 
sément les éléments perlurbateurs dans les com- 
munications, puisqu'ils empruntent forcément le 
circuit induclif de la ligne. i 

Cette difficulté vient d'être tranchée de façon 
élégante par un ingénieur suédois, M. Saxenberg, 
grâce à l'emploi d'une résistance non inductive et 
réglable à volonté, par une manœuvre très simple, 
qui permet aux personnes en train de converser 
d'obtenir elles-mêmes le maximum d’amortisse- 
ment des bruits parasites. Schématiquement, cette 
résistance consiste en deux colonnes d’eau reliées 
l’une à l'autre, et dont l’une des extrémités est 
à la terre, tandis que l’autre est reliée au réseau. 
Chaque poste est muni d’un amortisseur semblable, 
disposé à portée du correspondant qui, à son gré, 
élève l'une ou l'autre des électrodes, ou, au con- 


traire, l’abaisse, jusqu'à ce que les extra-courants — 
empruntant tous, de préférence au circuit inductif 
téléphonique, le circuit non inductif de la résis- 
tance — soient dispersés dans le sol et ne troublent 
plus la conversation. Cette simple manœuvre de 
l'électrode fait varier la résistance et, par un tâlon- 
nement de courte durée, l'amène aisément au 
degré optimum. 

Chaque correspondant opère donc pour son 
propre compte, les deux dispositifs étant entiè- 
rement indépendants lun de l'autre; il devient 
ainsi possible, à laide des variations indépen- 
dantes qui sont provoquées aux deux bouts de la 
ligne, d’alténuer ou de compenser complètement 
les pertes de charges dues à un isolement défec- 
tueux. 

L'amortisseur Saxenberg, mis en essai sur une 
très mauvaise ligne, dont on pouvait à peine se 
servir, s’est montré très supérieur au meilleur des 
systèmes précédemment essayés sur la mêmeligne: 
celui-ci consistait en une bobine d’inductance placée 
entre les fils, et dont le centre était à la terre. Par 
suite de sa résistance inductive et de l'impossibi- 
lité de régler les deux parties de la bobine indé- 
pendamment l'une de l'autre, cette bobine d'induc- 
tance n'avait donné et ne pouvait donner qu'une 
amélioration très inférieure à celle de l'amortisseur 
non inductif de Saxenberg, lequel a rendu possibles 
toutes les communications sur une ligne fonciè- 
rement défeclueuse. 

L'état de l'atmosphère influençant à la foisl’induc- 
tion et les postes, il est évident que cet appareil 
doit ètre l'objet de réglages fréquents, ce qui 
implique qu'il doit toujours être à portée de la 
main. Il mest pas sans intérèt de remarquer, en 
outre, que sa propriété de dispersion lui vaut d’être 
par surcroit un bon protecteur contre les décharges 
atmosphériques. 

FRaNcis MARRF. 





La plus haute maison de l'univers. 


Après tout ce qui a été dit à diverses reprises et 
assez récemment encore, sur les fameux « gratte- 
ciel» américains, ces immenses bâtisses au nombre 
exorbitant d'étages superposés, il ne semblerait 
pas utile de revenir si tòt sur ce sujet. Cependant, 
la nouvelle maison, le « Woolworth Building », 
actuellement en construction à New-York, présente 
des dimensions si colossales qu’elle nous a semblé 
mériter d'ètre signalée tout spécialement. 

D'ailleurs, oyez et jugez vous-mêmes. 


Commencé en novembre 1910, le nouvel édifice, . 


en janvier prochain, date de sa terminaison, n'aura 
rien moins que cinquante-cinq étages. Son corps 
principal en a vingt-neuf qui seront surmontés 
d'une énorme tour comprenant les vingt-six autres. 
Le sommet de la coupole de cette tour sera à 
deux cent vingt buit mètres au-dessus de la chaus- 
sée, alors que les fondations du monument mème 
descendent à une profondeur de quarante mètres. 

Une petite armée de 1 500 hommes, recevant un 
salaire moyen de 25 000 francs par jour, travaille 
à l'édification du futur mastodonte yankee. 


N° 1441 


pu 


' 


P LS biai 





LA MAISON GÉANTE, DE 55 ÉTAGES, TELLE QU'ELLE SERA 
5 UNE FOIS ACHEVÉE. 


On a calculé qu'il faudra 130 millions de kilo- 
grammes d'acier, de briques et de pierres pour 
mener à bien cette construction monumentale qui 
se compose essentiellement d’une carcasse de 
poutres métalliques rivées les unes aux autres. Ce 





COSMOS 


259 


squelette absorbera à lui seul 25 millions de kilo- 


grammes d'acier, et pour « l’habiller » (c’est le 
mot vrai), il faudra 50 millions de kilogrammes 
de briques. D'ailleurs, ce géant moderne ne ren- 
fermera pas un seul morceau de bois, les parquets 
même étant en marbre ou en ciment, et les portes 
en métal. 

Pour porter, décharger et monter les madriers, 
poutres et traverses métalliques, au lieu d'emploi, 
on se sert de six grues électriques actionnées chacune 
par un moteur de 80 chevaux. Quatre de ces grues 
ont suivi la construction jusqu’à la plate-forme du 
corps principal, deux d’entre elles iront jusqu’au 





Phot. the Edison Montly. 


PARTIE SUPÉRIEURE DU WOOLWORTH BUILDING. 
ETAT AU 38°: ÉTAGE. 


quarantième étage et, enfin, une seule montera 
jusqu’à la coupole. 

Ce remarquable bâtiment sera une maison d’af- 
faires, occupée entièrement par des offices et des 
bureaux. Ses flancs pourront donner asile à 
10 000 personnes, la population d'une petite ville 
entière. 
€ On y placera soixante-cinq kilomètres de tuyaux 
à vapeur et cent vingt kilomètres de fils électriques. 
Quant à l'éclairage, il sera fourni par 126 000 lampes 
électriques. 

Enfin le « Woolworth Building », le roi des 
« gratte-ciel », coûtera la bagatelle de 70 millions 
de francs, somme dont, détail curieux, plus des 
trois cinquièmes émanent du portefeuille parisien. 


L. KUENTZ. 


a 


260 


COSMOS 


5 SEPTEMBRE 1912 


La télégraphie moderne. 


I|. — Considérations 
sur les conditions d'exécution du travail, 


Plus d’un demi-siècle s’est écoulé depuis l’intro- 
duction du système télégraphique Morse dans les 
usages pratiques; durant l'intervalle, d’innom- 
brables procédés nouveaux ont été proposés, essayés 
ou réalisés ; des systèmes ingénieux ont été conçus, 
depuis les appareils à transmission automatique 
jusqu'aux appareils imprimeurs ou inscripteurs les 
plus merveilleux, comme ceux de Murray, de 
Rowland, de Siemens, de Pollak et Virag, etc.; 
malgré cela, le système Morse continue d’être le 
plus répandu et le demeurera vraisemblablement 
longtemps encore. 

C'est que la pratique télégraphique ne demande 
pas autant des appareils extrêmement rapides ou 
permettant d'arriver à une utilisation extraordi- 
nairement efficace du matériel des lignes, que des 
instruments d’un maniement facile et souple, 
pouvant être indifféremment desservis par toutes 
catégories d'agents et susceptibles de servir à l’éta- 
blissement de reliements dans des bureaux inter- 
médiaires. L'économie de l'exploitation dépend 
généralement plus de la simplicité des manœuvres 
que de la rapidité des transmissions; entre les 
grands centres, peuvent être employés des sys- 
tèmes spéciaux, mais pour les bureaux secondaires 
il faut des instruments ne demandant que le mini- 
mum de réglage, ayant une grande robustesse, et 
dont la manœuvre ne soit pas trop difficile; avec 
certains appareils, comme le Hughes, l'opérateur 
apprenti ne peut débuter que lorsqu'il possède déjà 
une certaine habileté, de sorte que les initiations 
sont longues et coûteuses; avec d’autres, les opé- 
rations de réglage sont délicates, et elles ne peuvent 
être effectuées que par des télégraphistes experts; 
avec d'autres encore, le rendement des lignes est 
bon, mais la transmission comporte un travail 
préalable, grand et dispendieux. 

Voici en présence une demi-douzaine de bureaux 
ayant entre eux des relations fréquentes, sans 
cependant être chargés énormément; ils sont éche- 
lonnés plus ou moins étroitement le long d'une 
ligne. Faut-il que chacun d'eux ait une communi- 
cation directe vers chacun des autres? Non, évi- 
demment, ce serait inutilement coùteux. Peut-on 
déterminer des heures pour l'établissement des 
reliements intermédiaires à opérer et mettre les 
fils à la disposition de chaque office à des heures 
préalablement fixées? Cela n’est évidemment pas 
possible ; le trafic ignore la réglementation à laquelle 
il faudrait le soumettre. Va-t-on faire de bureau 
à bureau l'échange de toutes les correspondances, 
en procédant à des transmissions et retransmis- 


sions successives pour chaque étape? C'est une 
méthode compliquée, qui occasionne de grandes 
dépenses de main-d'œuvre; il est naturellement 
désirable de réduire autant que possible les opéra- 
tions accessoires. 

En présence des conditions qui se rencontrent 
ainsi dans la pratique, le gain de temps réalisable 
dans les transmissions proprement dites devient 
généralement insignifiant. 

Prenons le cas d’une dépèche ordinaire d’une 
vingtaine de mots; évaluons le temps nécessaire 
pour les différentes opérations; en comptant de la 
façon la plus modérée, nous arrivons aux chiffres 
suivants, qui peuvent être considérés comme cone 
formes aux constatations de l'expérience : 

i Minutes. 

Acceptation du télégramme, lecture rapide par 

l'employé, compte des mots, calcul, indica- 

tion et encaissement de la taxe, inscriptions 
éventuellement nécessaires .......... Sense UE 
Transport de la correspondance des guichets 
d'acceptation aux appareils de transmission; 
triage et répartition des télégrammes entre 

les groupes, puis entre les appareils...... E 
Appel du bureau correspondant, soit directe- 

ment, soit indirectement, réception des appels 

dans les bureaux intermédiaires; établisse- 
ment des reliements dans ces mêmes bureaux, 
réglage succinct des appareils de communi- 
cation, réception de l’appel par le bureau de 
destination, mise sur appareil récepteur de la 

ligne appelante..................... ss it 2 
Transmission et réception du télégramme, sup- 

posé d’une longueur moyenne de 20 mots, 

adresse, texte, signature, indications supplé- 

mentaires comprises... hsvosdias VD 
Enlevage des correspondances reçues; envoi 

aux employés chargés du pliage, du collage, 

du timbrage, de la distribution aux porteurs 

télégraphistes............,... LOE ETN 2 


Non compris la transmission, nous arrivons donc 
à un total de 7 minutes; or, avec le système Morse, 
le temps nécessaire pour la transmission et la 
réception d'une dépèche de 20 mots n’atteint pas 
une minute. Si l’on substitue à ce système un autre 
plus rapide, effectuant le mème travail de trans- 
mission et de réception en un temps excessivement 
court (mettons O0 seconde), on n'économise encore 
au maximum que.un huitième du temps total. 

Au point de vue de la célérité des opérations 
dans leur ensemble, le bénéfice est insignifiant; en 
effet, l'on peut constater que les pays où les 
correspondances arrivent le plus rapidement à des- 
tination sont ceux où l’on s’est occupé surtout 
d'écourter les opérations préliminaires et acces- 
soires. 


N° 14H 


En Belgique, notamment, on a supprimé dans ce 
but, dans la plus large mesure possible, toutes les 
écritures, les inscriptions, à l'acceptation, à la 
réception et à la distribution; on a établi le sys- 
tème d'acheminement direct, pour éviter les récep- 
tions en passage dans les postes intermédiaires; 
mais on continue à employer le plus ordinairement 
le système Morse. Le travail se fait, il est vrai, 
auditivement; toutefois, l’économie de cette mé- 
thode provient, bien plus que de la célérité dans 
la transmission mème, de l'obligation où se trouve 
l'agent récepteur de suivre pas à pas, lettre à lettre, 
son correspondant, ce qui évite toute nonchalance, 
toute perte de temps. 

Bref, et comme nous le disions plus haut, ce 
n'est, en fait, que pour les relations directes des 
centres principaux, entre lesquels s'effectue un 
échange régulier et uniforme de correspondances, 
qu’il convient d'avoir des appareils à grand rende- 
ment, permeltant d’écouler avec un nombre de 
fils donné le maximum de trafic. ; 

Les frais d'amortissement des lignes représentent 
alors la partie la plus importante des dépenses 
à couvrir, et l'on doit accepter des systèmes télé- 
graphiques à grande vitesse, même si ceux-ci 
comportaient des opérations préliminaires plus ou 
moins dispendieuses. 

C'est ce qui justifie, par exemple, l'emploi du 
système automatique Wheatstone et d’autres ana- 
logues, comme le Delany, pour ne prendre qu'un 
appareil d'invention récente, encore peu connu en 
Europe, mais pour la mise en pratique duquel une 
importante Société s’est constituée il y a deux ou 
trois ans en Amérique. 

Dans ces systèmes, on commence par préparer, 
sous forme de bandes perforées de façon conve- 
nable, une copie des télégrammes à transmettre; 
ces bandes perforées sont introduites dans un 
appareil de transmission automatique spécial con- 
sistant, en principe, en un système de tiges ou de 
balais de contact dont le fonctionnement, contròlé 
par les trous de la bande, donne lieu à des émis- 
sions de courant allant actionner le récepteur. 

L'avantage de ces procédés est de rendre pos- 
sible une grande vitesse de transmission, car les 
transmetteurs automatiques peuvent naturellement 
envoyer les signaux bien plus rapidement qu'on 
ne saurait les former manuellement, soit à l’aide 
du manipulateur Morse ou des manipulateurs 
légers, de type américain, que l’on utilise dans la 
télégraphie ordinaire, soit à l’aide de claviers, de 
claviers Hughes simples (lettres dans l’ordre alpha- 
bétique) ou modernisés (lettres dans l’ordre ration- 
nel, répondant à la fréquence d'emploi des diffé- 
rents caractères), ou de claviers de machine à 
écrire, comme dans le Rowland ou le Murray. 

Mais, de même qu’il a fallu, au départ, traduire 
les correspondances en signaux perforés, il faut, 


COSMOS 


261 


à l’arrivée, retraduire les signaux électriques reçus 
en caractères d'écriture ou d'imprimerie, lisibles 
par le destinataire. | 

Pendant longtemps, cette traduction a consisté 
tout simplement en un travail de copie manu- 
scrite ; les bureaux bien outillés l’exécutent aujour- 
d'hui par la dactylographie, et l’on dispose mème 
d'appareils qui peuvent effectuer la traduction 
directement. 

Le système Creed, qui réalise cette condition, 
doit être signalé tout spécialement à ce propos: 
appliqué en Angleterre et, pour les relations exté- 
rieures, par différentes Compagnies anglaises, il 
semble avoir donné jusqu'ici de très bons résultats 
etse rangera probablement parmi les appareils les 
plus utiles. 

D’autres méthodes de travail fournissent aussi 
une utilisation fort efficace des lignes sans deman- 
der d'opérations préliminaires : ce sont les pro- 
cédés de télégraphie multiple, dont le Baudot, cet 
excellent système des télégraphes français, doit être 
considéré comme l'un des plus beaux exemples; le 
Rowland, le Mercadier, etc., basés sur l’utilisation 
de combinaisons spéciales, sont des adaptations 
modernes du même principe. 

Quoi qu'il en soit de ces différents systèmes, on 

peut considérer que, dans les conditions actuelles, 
il y aurait grand intérêt à pouvoir tirer du Morse 
ordinaire le maximum de ce qu’il est à mème de 
fournir. 
_ Ce serait, par exemple, un grand progrès pour 
beaucoup de cas d'applications, que de pouvoir 
lemployer conjointement aux procédés de travail 
automatique, sans que le passage de l’une à l’autre 
méthode nécessitât d'opérations supplémentaires 
importantes. 

On aurait ainsi un système permettant de faire 
les échanges dans les conditions ordinaires entre 
les postes secondaires mis en relations l’un avec 
l’autre, tout en laissant aussi entièrement libre le 
recours à la transmission automatique sur les 
lignes chargées. : 

Pour arriver à ce résultat, il faudrait que les 
signaux émis au moyen des appareils de télégraphie 
couramment usités pussent être à volonté soit reçus 
de la façon habituelle, soit convertis en bandes 
perforées pour les retransmissions. 

Avec un système mixte de ce genre, non seu- 
lement pourrait-on appliquer aisément la transmis- 
sion automatique dès que celle-ci devient utile, 
mais encore on serait à mème de supprimer les 
opérations de main-d'œuvre qui sont nécessaires 
dans le cas de réception en passage. 

Dès lors, le travail présenterait beaucoup plus 
d’élasticité qu'il n'en offre aujourd hui, puisque 
l’on pourrait sans contrainte et sans restriction 
faire les transmissions directes aussi loin que le 
permettraient dans chaque cas les circonstances 


262 


du moment, ou procéder aux réceptions intermé- 
diaires sans souci des dépenses de main-d'œuvre 
supplémentaire, celle-ci étant rendue inutile. 

Ces résultats sont atteints, en grande partie, 
pour les relations assurées exclusivement au moyen 
du système automatique, avec les appareils Creed 
mentionnés plus haut. 

Ils sont réalisés plus complètement, et pour le 
travail Morse en général, grâce à diverses innova- 
tions mises au point en Allemagne, et qui sont 


COSMOS 


5 SEPTEMBRE 191412 


d’une simplicité et d'une commodité remarquables. 

Comme il s'agit d'instruments dont la descrip- 
tion n'a guère été donnée jusqu'ici dans les publi- 
cations françaises, nous croyons pouvoir en indiquer 
aussi complètement que possible les dispositions 
essentielles; les considérations qui précèdent per- 
mettront à tous, d’ailleurs, d'en apprécier la raison 
d’être, quelque spécial que ce sujet puisse paraitre 
au premier abord. 


(A suivre.) H. MARCHAND. 





Nouvelles méthodes de mesure 


des nuages 


A DOBSERVATOIRE DE MONTSOURIS 


Dans beaucoup d’Observatoires météorologiques, 
le mouvement des nuages se mesure à l’aide du 





F1G. 1. — HERSE NÉPHOSCOPIQUE BESSON 
POUR LA MESURE DES NUAGES. 


néphoscope de Fineman. Cet instrument se com- 
pose d'une boussole de déclinaison dont une cou- 
ronne mobile, sur laquelle se fixe un miroir noir, 
recouvre la boite. Dans ce miroir, on a pratiqué 
une fenètre en verre transparent qui permet d'ob- 
server la pointe de l'aiguille aimantée. En outre, 
on a gravé sur cetle surface réfléchissante un pre- 
mier cercle de 8 millimètres de diamètre, puis 
deux autres cercles équidistants de 26,8 mm; enn 
quatre diamètres constiluant une rose des vents et 


dont l'un passe par l'axe de l'ouverture vitrée. A 
l'extrémité de ce dernier diamètre, se trouve fixée 
la couronne mobile qui porte une échelle verticale 
divisée en millimètres et qu’on peut déplacer nor- 
malement au plan du miroir noir, grâce à une cré- 
maillère et à un pignon actionné par un bouton. 
Un pied triangulaire muni de vis calantes supporte 
l’ensemble de l'appareil. Pour observer, après 
avoir placé le néphoscope horizontalement, on 
tourne la couronne mobile avec les manettes de 
façon à faire coincider les diamètres du miroir 
avec les quatre points cardinaux, en ayant soin 
d'amener le diamètre passant par la fenêtre à verre 
transparent dans la direction du méridien. En 
tournant l’appareil tout entier avec le trépied, on 
met ensuite l'aiguille aimantée dans un même 
plan vertical avec la direction N.-S. Il suffit alors 
de tourner la couronne mobile, de monter ou 
abaisser l’échelle jusqu’à viser l’image du nuage, 
qu'on suit sur le miroir en notant sa direction et 
le temps qu'elle met à parcourir la distance com- 
prise entre deux cercles. 

Mais ce néphoscope, d’un emploi peu commode 
donne, en outre, des mesures d'une médiocre pré- 
cision. Aussi M. Louis Besson, le savant directeur 
de l'Observatoire de Montsouris, imagina-t-il sa 
herse néphoscopique (fig. 1), afin de rendre plus 
exactes les déterminations concernant la direction 
et la vitesse des nuages. Cet appareil comprend 
une barre horizontale munie de sept pointes équi- 
distantes et fixée à l'extrémité supérieure d'une 
tige verticale pouvant tourner sur elle-mème. 
Quand l'observateur veut procéder à une mesure, 
il se met de facon à apercevoir la pointe centrale 
se projeter sur l'amas nuageux. Puis, sans bouger 
de sa place, il fait tourner de loin la herse à l’aide 
de deux cordes de façon à amener la ligne des 
pointes en coincidence avec la trajectoire du 
nuage. D'autre part, un cercle gradué tournant 
avec la tige verticale fournit la direction, qu'un 
index fixe permet de repérer. En outre, on peut, 


26# 


un ciel sans nuage et 40 une voûte céleste couverte 
entièrement. Faisant ensuite tourner le népho- 
mètre de 180, il constate la nébulosité dans les 
secteurs 7, à el 2 (représentant Jes régions du ciel 
qui correspondaient aux sections 8, 9 et 40 de tout 





COSMOS 


D SEPTEMBRE 191% 


à l'heure). Entre autres résultats intéressants, les 
observations faites jusqu'ici montrent qu'un rap- 
port étroit lie la nébulosité à la durée de l’insola- 
lion enregistrée par les héliographes. 

JACQUES BoYyER. 


Les irrigations et les desséchements en Égypte et au Soudan. 


Lord Kitchener, consul général au Caire, vient 
de publier son rapport sur la situation économique 
et agricole de l'Egypte en 1911 ; nous en extrayons 
les détails suivant concernant les travaux d'irriga- 
tion et de drainage en projet. 

Dans ces dernières années les récoltes en Fgypte, 


en particulier dans le Delta, ont sensiblement. 


diminué. Plusieurs causes ont amené cette fâcheuse 
situation, mais la principale, c'est l’inexpérience et 


l'insouciance des cultivateurs. Tout le monde sait 


qu'en Egypte, sansirrigation, il n’y a pas de récoltes 
possibles. Les inondations du Nil doivent périodi- 
quement fournir au sol l’eau dont il a besoin. Dans 
aucun autre pays il n’y a de démarcation aussi 
tranchée entre les terrains irrigués et ceux qui ne 
le sont pas. Ces derniers cependant, malgré leur 
aspect de déserts, sont d'excellents terrains d'allu- 
vions qui n’ont besoin que d'être arrosés pour 
devenir extrèmement fertiles. 
_,: Autrefois l'irrigation n’était assurée que d’une 
façon très incomplète. Les eaux du fleuve étaient 
emmagasinées dans des fosses d'où elles s’écoulaient 
vers les terrains environnants. Mais comme les 
crues sont irrégulières, il arrivait parfois que cer- 
taines fosses n'étaient pas remplies, et les cultiva- 
teurs manquaient d'eau. Aujourd’hui, il n'en est 
plus ainsi et l'arrivée de l’eau bienfaisante a lieu 
d'une manière régulière. Mais cette abondance a 
engendré un abus. Les cultivateurs, heureux d'avoir 
de l’eau au delà de leurs besoins, ont agi comme 
si la capacité productive du sol était sans limite. 
{ls ont noyé la terre, et cet excès d'humidité a eu 
le plus fàcheux effet sur les récoltes. En mème 
temps, dans l'espoir d'augmenter leurs revenus, ils 
ont abandonné le système si rationnel du change- 
ment de culture pour se confiner dans la culture 
seule du coton, plus rémunératrice que les autres. 
Il en est résulté que la terre s'est fatiguée; le ren- 
dement a baissé ainsi que la qualité des produits. 
C'est à cette culture intensive que l’on attribue le 
développement, dans ces dernières années, de la 
maladie du coton. L'humidité du sol a favorisé 
l’éclosion des insectes et surtout celle d'un ver 
spécial qui dévaste les plantations de coton. 

Des efforts très sérieux ont été faits pour remédier 
à cetle situation déplorable. On a cherché à 
apprendre aux fellahs à se préoccuper davantage 
des soins à donner à la terre. Un tàche de leur 


faire comprendre qu’un excès d’eau est au moins 
aussi nuisible aux récoltes que l'insuffisance. Enfin 
on essaye de les amener & alterner leurs cultures 
pour ne pas épuiser le sol. i 

Dans ce but, le ministère de l'Agriculture a orga- 
nisé vingt-quatre fermes modèles où les méthodes 
reconnues les meilleures sont appliquées. L’expé- 
rience a montré avec évidence que le coton peut 
fort bien pousser avec moins d’eau qu'on n'en 
emploie généralement, et que la récolte augmente 
quand les plantes sont plus espacées qu'elles ne le 
sont d'habitude. Dans la majorité des cas, les plan- 
tations de coton, de blé, de canne à sucre, de soja 
ont rendu plus, dans les fermes modèles, que chez 
les cultivateurs environnants. Ces résultats n’ont 
pas été inutiles et ont convaincu un grand nombre 
de fellahs. 11 ne faut pas croire cependant que les 
idées nouvelles soient acceptées partout sans résis- 
tance, mais on peut espérer toutefois que la rou- 
tine finira par céder devant les résultats indiscu- 
tables de l'expérience. 

Mais si l'irrigation est indispensable en Egypte, 
le desséchement dans certaines parties ne l'est pas 
moins, car les terrains trop humides sont impro- 
ductifs. Cette question, d’après lord Kitchener, a 
élé trop négligée jusqu'ici. C'est dans le Delta sur- 
tout que le drainage du sol est nécessaire, et en 
particulier dans les deux provinces de Beharah et 
de Garbieh, la première à l’occident, la seconde 
au centre du Delta. 

Dans le Beharah se trouve le lac Mariouth 
(ancien lac Maréotis), séparé seulement de la haute 
mer par une étroite bande de sable. Le lac Mariouth 
était, au commencement du siècle, une simple 
cuvette dans laquelle se rassemblaient les eaux de 
pluies. Son étendue fut beaucoup augmentée par 
les Anglais en 1801 pendant leur campagne contre 
les Français. Les digues furent coupées en plusieurs 
points et la surface immergée considérablement 
agrandie. Depuis lors, cependant, une certaine 
partie a été desséchée; on a installé des pompes à 
Meks, mais la profondeur de l’eau est encore en 
certains endroits de 2,4 m. Il ne sera pas facile de 
récupérer pour l’agriculture ce territoire de 
66 000 hectares, fortement imprégné d'eau salée. 
On a projeté d'installer de nouvelles pompes plus 
puissantes à Meks, puis d'approfondir les canaux 
de desséchement de manière à abaisser le niveau 


N° 141 


de l’eau à 1,5 m au-dessous du sol. Le prix de ces 
travaux, qui amèneraient la disparition complète du 
lac, est évalué à 160 000 livres égyptiennes. 

Daus le Delta central, entre les branches de 
Rosette et de Damiette, se trouve le lac de Bourlos, 
séparé de la mer par une bande de sable coupée 


en un seul point, par lequel s'écoulent les eaux de 


drainage de la province de Garbieh. Le desséche- 
ment partiel de ce lac est aussi projeté par les 
mèmes procédés que pour le lac Mariouth. La sur- 
face à dessécher, étant un peu moins étendue, le 
prix des travaux sera un peu moins élevé; on 
estime que pour les deux lacs l'opération durera 
quatre années. 

Quant au lac Menzaleh, le plus grand de tous, 
entre la branche de Damiette et le canal de Suez, 
on ne songe pas, pour le moment, à le dessécher, 
même partiellement. L'opération, du reste, serait 
difficile et coûteuse, 

Tandis qu’en Egypte des travaux importants ont 
été exécutés pour augmenter la quantité d’eau 
d'irrigation mise à la disposition des cultivateurs, 
au Soudan il n’a encore été rien tenté. ll a été 
démontré cependant que, dans la plaine de Gezira, 
près de 60 000 hectares de terrain pourraient être 


COSMOS 


265 


livrés à la culture. Un emplacement pour une digue 
a été déterminé près de Senâr; la construction de 
cette digue avec les canaux d'irrigation nécessaires 
coûterait trois millions de livres sterling et durerait 
dix à quinze ans. : 

Un autre projet, quicoüteraitenviron 750000 livres 
sterling, comprend un barrage entre Kartoum et 
Ondurmaon, près du confluent du Nil Blanc et du 
Nil Bleu. On restituerait ainsi à la basse Egypte 
l'eau que lui ferait perdre l'irrigation de la plaine 
de Gezira ; en outre, des portions de terrain dans 
le Kordofan pourraient être irriguées. 

Des travaux analogues sont encore envisagés sur 
d’autres points du Soudan, par exemple entre le 
Dinder et le Rahad, sur le Khor Banaka, sur ła 
rivière Gash, et enfin dans le Dongola, mais il ne 
faut pas oublier que pour le moment la première 
question dont il faut se préoccuper pour le Soudan, 
c'est le peuplement. Avant de songer sérieusement 
à mettre le pays en culture, il faut y amener des 
habitants. Or, la population est encore très clair- 
semée dans toute cette région; elle augmente tou- 
tefois d’une manière sensible. La tranquillité qui 
y est assurée maintenant attire un courant con- 
stant d'émigrants. Lt col. JEANNEL. 





Le laboratoire d’essais des substances radio-actives 
A GIF (SEINE-ET-OISE) 


: Ily a seize ans, Henri Becquerel découvrait dans 
les sels d'uranium des propriétés insoupçonnées, 
extraordinaires : ils émettaient des rayons invi- 
sibles capables de traverser des épaisseurs va- 
riables de matière, d'impressionner dans l'obscu- 
rité la plaque photographique et de décharger les 
corps électrisés. C'était un monde nouveau, le 
monde des corps radio-actifs, désormais ouvert aux 
recherches des savants. M. P. Curie et Mw° Curie, 
deux ans plus tard, commençaient à explorer, avec 
le succès que l’on sait, une des provinces de la 
radio-activité les plus fertiles en surprises. Depuis 
lors, la radio-activité est passée à l'état de science 
expérimentale, et elle jette des clartés nouvellessur 
les autres branches de la science. Avec son aide, 
la physique a pénétré plus profondément dans les 
mystères de la constitution de la matière; la chimie 
a augmenté la sûreté de ses moyens de contròle; 
ja géologie à élargi ses méthodes d'investigation 
dans le lointain passé, la médecine utilise de nou- 
veaux moyens de guérir. 

On s’est aperçu que les corps radio-actifs sont de 
tous côtés répandus dans la nature; on les retrouve 
dans les matières minérales, dans les roches, dans 
les eaux, dans l’atmosphère même. A l'heure 
actuelle, on a déjà dressé une liste renfermant plus 


de trente substances radio-actives, que l’on peut dis- 
tribueren cinq groupes : uranium, thorium, radium, 
actinium, et matières peu actives, telles que le potas- 
sium et le rubidium. Parmi ces substances, l’ura- 
nium, le thorium, le mesothorium, le radium, l’ac- 
tinium, l'ionium, le radium D et le polonium 
peuvent être extraits de certains minéraux. Les 
quatre premiers sont même devenus l'objet de 
traitements industriels dans des usines installées 
en différents pays, qui suffisent à peine à répondre 
aux demandes occasionnées par des applications 
importantes. 

Les minéraux peuvent être partagés en trois 
classes: 1° minéraux uranifères, 2 thorifères, 
3° doués d’une radio-activité accidentelle et ne con- 
tenant ni uranium, ni thorium. Bon nombre de 
minéraux contiennent en mème temps de l'uranium 
et du thorium. Ainsi la thorianite de Ceylan ren- 
ferme 65 pour 100 de thorium, pour 45 pour 100 d'ura- 
nium. La pechblende, minerai d'uranium, contient 
souvent du thorium. Sur plus de 150 minéraux 
contenant de l'uranium et du thorium, une dizaine 
seulement se prètent à un traitement rémunérateur. 
Dans les minéraux où l’on trouve l’uranium, on 
trouve aussi le rhdium. Les minerais les plus riches 
sont la thorianite de Ceylan, puis la pechblende de 


266 COSMOS 


Joachimsthal (Autriche), puis la carnotite (Colorado), 
l’autunite (Tonkin), chalcotite (Saxe). Les produits 
qui proviennent du thorium (mesothorium et radio- 


thorium) sont extraits de minéraux thorifères tels 


que les sables monazités. 
La recherche des gisements uranifères est aujour- 


d'hui de la plus grande importance, car, sans la 


découverte de nouveaux gisements, les applications 
de la radio-activité resteront nécessairement très 
limitées. Mais pour découvrir les minerais dont 
l'exploitation est intéressante, il faut pouvoir les 
distinguer. La plupart d’entre eux, il est vrai, 


s A TA CSC CLS 


r A 
21 
+ ai 


T 744 FR D. 
ml Fa E 

HT 
ARTS 


5 SEPTEMBRE 4919 


peuvent ètre reconnus par leurs propriétés exté- 
rieures de couleur, de densité. L’autunite, par 
exemple, est jaune d’or; la chalcotite est verte; la 
pechblende et la thorianite sont noires et ont une 
forte densité. 


Mais ce n’est pas assez. Un examen spécial est 


indispensable. On y procède avec la plaque photo- 
graphique et généralement avec l’électroscope. Rien 
de plus curieux que la méthode appliquée. La ma- 
tière pulvérisée est étendue sur le “plateau d’un 
électroscope. On charge d'électricité la feuille d’or, 
au moyen d'un morceau d'ambre frotté; puis on 


pa 


PNT TA 17] 


= ne mm + 


LEE LE 





LE LABORATOIRE D'’ESSAIS DES APPAREILS ET DES PRODUITS FAIBLEMENT ACTIFS. 
AU-DESSUS, SALLE DE MESURE ET TERRASSE POUR OBSERVATIONS ATMOSPHÉRIQUES. 


observe le temps de la décharge de la feuille d'or. 
L'électroscope est l'appareil d'usage courant pour 
le prospecteur de minerais radio-actifs. Reste à 
déterminer la valeur industrielle de ce minerai, la 
teneur en thorium, en uranium, en radium et 
autres produits radio-actifs. L'analyse chimique est 
alors nécessaire. [Il faut enfin se livrer à une série 
d'essais qualitatifs et quantitatifs sur la matière 
radio-active : étude de la nature du rayonnement; 
recherche des émanations plus ou moins décrois- 
sanies, dans des espaces de temps des plus variables. 

On constale aussi des émanations gazeuses de 
certains corps radio-actifs. On en mesure la valeur 


avec un appareil spécial, un condensateur à éma- 
nation, qui estune sorte d’électroscope spécialement 
disposé pour être influencé par les gaz radio-actifs. 
Les périodes durant lesquelles le pouvoir radio-actif 
disparaît sont plus ou moins longues. On donne le 
chiffre de 2 000 ans pour le radium. 

Les sels de radium et de mesothorium sont pré- 
parés par l'industrie pour les applications médicales. 
On les enferme dans des tubes de verre, de quartz 
ou de métal. Il est alors intéressant de savoir quelle 
est la valeur du rayonnement utilisable qui tra- 
verse lampoule. On procède ensuite par compa- 
raison avec des échantillons d’un pouvoir d'ionisa- 


=». 


N° 1441 


tion connu. Le degré de pénétration du rayonne- 
ment se constate en interposant des feuilles d’alu- 
minium, puis des feuilles de plomb d'épaisseur 
croissante. 

Depuis quelque temps, dit M. Jacques Danne (1), 
on met à profit en médecine l'énergie considérable 
transportée par les émanations de radium et de 
thorium. Un courant d'air, après avoir passé sur 
un sel ou une substance radio-active, est employé 
sous forme d'inhalation directe et individuelle ou 
envoyé dans des salles spécialement disposées et 
où séjournent les malades. 

Les- résultats sont des plus encourageants. 


COSMOS 267 


La radio-activité parait jouer un rôle important 
dans l’action exercée par les eaux minérales. 
P. Curie et A. Laborde ont signalé les émanations 
provenant des eaux minérales et des gaz recueillis 
aux griffons des sources thermales. On s'explique 
ainsi que cerlainés eaux minérales dont la miné- 
ralisation est faible ont cependant une efficacité 
remarquable. Les propriétés physiologiques des 
corps radio-actifs sont assez marquées pour que de 
petites doses d'eaux minérales puissent provoquer 
dansl’organisme humain des réactions importantes. 
Dans les stations thermales, la radio-activité produit 
son effet par les boissons, par les bains, par Pair 





LABORATOIRE DE CHIMIE AVEC TERRASSE. 


mème de la station. Les quantités d’émanations 
qui sont produites spontanément par l’eau et les 
gaz qui s’en dégagent ont été déterminées pour 
un certain nombre de sources. Ax, Bains-les-Bains, 
Bourbon-Lancy,Eaux-Bonnes. La Chaldette, Luxeuil, 
Maiïizières, Plombières, Colombières fournissent des 
résultats tout à fait différents. Colombières donne 
un chiffre particulièrement élevé pour la quantité 


(1) M. Jacques Danne est directeur du laboratoire 
d'essais des substances radio-actives à Gif. Nous lui 
sommes redevable des élémentsdecetarticle, empruntés 
à plusieurs de ses études sur la radio-activité et à la 
notice illustrée sur le laboratoire d'essais de Gif. 


d’'émanations en vingt-quatre heures. M. Jacques 
Danne a pu concentrer à un très haut degré les 
émanations auxquelles sont soumis les malades, 
dans les chambres d’inhalation, 

La radiumthérapie est une des branches dont on 
désire d'autant mieux le succès, qu'il n’est personne 
qui puisse se désintéresser d’un progrès dans l’art 
de guérir, dont peut-être il retirera quelque jour les 
bienfaits. Mais, comme on l’a vu, toutes les études 
de radio-activité supposent des mesurestrès précises 
et des appareils spéciaux. 

En France et à l'étranger existent assurément 
des laboratoires bien outillés pour ce genre de 


268 COSMOS 


recherches, mais seulement à l'usage des spécia- 
listes, qui ne sauraient laisser ouverte la porte de 
leur laboratoire sous peine d’être absolument trou- 
blés dans leurs travaux. Le prospecteur, l'industriel, 
le médecin, le géologue qui désire étudierun minerai, 
un produit quelconque, ne sait où s'adresser pour 
obtenir les renseignements qui lui sont nécessaires. 
La création d’un laboratoire d'essais des substances 
radio-aclives, qui sera un centre d'études tech- 
niques, est donc une très heureuse idée. Le pro- 
gramme qui a servi de base à cette organisation 
est le suivant : 

1° Offrir aux savants et aux industriels des 





5 SEPTEMBRE 1912 


moyens de contròle et d'essai des minerais, pro- 
duits et appareils concernant la radio-activité pure 
et appliquée dans des conditions de haute précision 
et de complète impartialité; 2° mettre à la dispo- 
sition des intéressés, chimistes, physiciens, biolo- 
gistes, géologues, minéralogistes, hydrologues, 
médecins, le moyen d'acquérir rapidement par la 
pratique la connaissance et l'usage des substances 
radio-actives et des instruments de mesure et 
d'application ; 3° faciliter d’une facon très large les 
recherches théoriques et pratiques tendant à l’aug- 
mentation de nos connaissances sur les substances 
radio-actives, au perfectionnement des méthodes 


C] 


SALLE DES MESURES PHYSIQUES ET D'ÉTALONNAGE DES PRODUITS RADIO-ACTIFS. 


de mesure et au développement de leurs applica- 
tions ; 4° centraliser pour leur étude et leur 
diffusion les documents concernant les progrès de 
la radio-activité en tant que science pure et 
appliquée. 

Le laboraloire d'essais des substances radio- 
actives est silué à Gif (Seine-et-Oise), à vingt-six 
kilomètres de Paris, sur la ligne de Paris à Limours, 
dans la paisible vallée de Chevreuse, où il est à 
l'abri des perturbations résullant des grandes 
agglomérations et qui seraient néfastes pour les 
délicates opérations effectuées. 

Les divers services du laboratoire sont répartis 


entre cinq corps de bâtiments élevés dans un parc: 
laboratoires d'essais, de recherches et de travaux 
pratiques, comprenant les salles de collections et 
un poste avec terrasse de quatre-vingts mètres 
carrés pour les observations atmosphériques et les 
expériences à l’air libre (électricité et radio-activité 
atmosphériques, étude des instruments météoro- 
logiques); le laboratoire de produits actifs, distant 
du premier de plus de 200 mètres, tandis que toutes 
les précautions sont prises pour qu'aucune sub- 
stance active ne soit apportée directement ou indi- 
rectement au laboratoire d'essais; les ateliers de 
mécanique et de menuiserie avec chambre des 


—_—_————_—— „r + 


N° 1441 


machines; la bibliothèque renfermant tout ce qui a 
été publié sur la radio-activité. Un groupe élec- 
trogène sort à l'éclairage des locaux, à la charge 
des accumulateurs qui débitent des courants à des 
tensions variées; il fournit aussi la force motrice 
nécessaire aux ateliers. 

Le matériel du laboratoire permet d'effectuer les 
recherches et les mesures désirables, avec les 
appareils spéciaux et étalons indispensables. 

Lorsque les essais sont terminés, un procès-verbal 
relatant les conditions de l'essai, la méthode suivie 
et les résultats obtenus, est remis à l'intéressé. 

Les laboratoires sont ouverts à tous ceux qui 
désirent poursuivre des recherches ou se mettre 
rapidement au courant de la technique de la radio- 





COSMOS 


269 


activité. Ils comprennent trois groupements : 4° le 
groupe minéralogique (prospecteurs, géologues, 
minéralogistes, hydrologues) ; 2 le groupe physique 
et chimique (physiciens et chimistes de laboratoires 
de recherches et de laboratoires industriels); 3° le 
groupe médical (biologistes, médecins, radiologistes, 
médecins de stations thermales). 

Le laboratoire de Gif, sous la direction de 
M. Jacques Danne, est destiné à rendre les plus 
grands services; il développera les initiatives privées 
et contribuera assurément au progrès de cette 
science encore bien mystérieuse de la radio-activité, 
qui, née d'hier, fait de si belles promesses d'avenir 
et est encore TRE jeune pour avoir donné tous ses 
fruits. NonsenT LALLIÉ. 


amarena aeae 


LES NOUVELLES THÉORIES DE LA MATIÈRE (1) 


L’éther. — L'électricite. 


111. Le magnétisme. 


A mesure que s'élargit Phorizon de nos connais- 
sances par la découverte progressive de nouveaux 
faits et de nouvelles lois, les anciennes théories 
deviennent souvent insuffisantes. Pour leur per- 
mettre d'embrasser la totalité des phénomènes, 
le physicien est obligé de les modifier, de les trans- 
former et de les compléter. Nous avons vu que, 
parfois, dans cette évolution de doctrines, on con- 
statait des retours inattendus aux anciennes hypo- 
thèses. Les tentatives faites en vue d'expliquer la 
lumière, par exemple, ont présenté successivement 
des phases alternées. 

Pour Képler, la lumière était une émission à 
grande vitesse de particules innombrables par le 
corps lumineux; puis Fresnel admit l'existence 
d'un milieu continu, l’éther, dans lequel se pro- 
pagent les ondes, qui ne sont que des vibrations de 
ce milieu; et Hertz admettait que « tous les phy- 
siciens sont d’accord que la physique a pour tâche 
de ramener les phénomènes naturels aux simples 
lois de la mécanique ». Aujourd’hui, les lois de 
l’électro-dynamique sont considérées comme fonda- 
mentales et plus générales : les lois de la méca- 
nique n’en constitueraient plutôt qu'un cas parti- 
culier. 

Les difficultés rencontrées dans l'interprétation 
mécanique des phénomènes électro-magnétiques par 
l'hypothèse de l’éther ont conduit de nouveau, ainsi 
que nous l'avons dit, à revenir aux idées atomis- 
tiques. La théorie des électrons, en prenant comme 
point de départ l’idée de la structure discontinue 
de la matière et de l'électricité, a pu faire une 
synthèse théorique satisfaisante d’un grand nombre 

(1) Suite, voir p. 240. 


Le magnétisme. 


de phénomènes. Comme l’a indiqué fort justement 
le D' Schidlof dans une conférence à la Société 
des arts de Genève, la théorie atomistique a pré- 
valu à un tel degré qu’on attribue une structure 
discontinue à l'énergie même. D'après les idées 
dévelappées par M. Planck et par M. Einstein, 
l'énergie est composée d'éléments ou de quanta 
qui sant, en quelque sorte, les moléculesde l'énergie. 
La structure discontinue des quantités physiques 
est la cause de l'importance de plus en plus grande 
des théories statistiques. Les mouvements molécu- 
laires, électroniques, intraatomiques w'obéissent 
qu'aux lois du hasard. Les considérations statis- 
tiques s'introduisent ainsi dans tous les chapitres 
de la physique, L'hypothèse du désordre élémen- 
taire, due à Boltzmann, forme une des bases de la 
thermodynamique moderne. Elle a été appliquée 
avec grand succès à la théorie du rayonnement. 
C'est elle qui, dans les idées actuelles, complète 
l'ancienne conception de l'entropie, due à Clausius. 
En résumé, la physique moderne est arrivée à 
une plus grande netteté et uniformité dans la 
représentation des phénomènes naturels, grâce à 
son triple point de vue électro-magnétique, atouiis- 
tique et statistique. On retrouve ces trois idées 
fondamentales dans toute la physique théorique 
moderne. Nous allons le voir pour le magnétisme. 
Rappelons que le fer n'acquiert le magnétisme 
que dans certaines conditions. Une barre de fer 
daux ne s'aimante que temporairement, tandis 
qu’une barre d'acier conserve lFaimantation. On 
peut se rendre compte des propriétés magnétiques 
du fer doux au moyen d’un dispositif imaginé par 
M. de la Rive et le. professeur G. Guye. 
On place sur une planehe horizontale, au centre 
du champ de deux cadres de Helmholtz, un grand 


270 


nombre de petites boussoles dont les aiguilles 
oscillent librement autour de leurs axes verticaux. 
Ces aiguilles obéissent, d'une part, à leurs actions 
magnétiques mutuelles; d'autre part, au champ 
magnétique terrestre. On annule l’action du magné- 
tisme terrestre au moyen d'un courant circulant 
dans les spires des cadres de Helmholtz. 

Dès que l’action extérieure est nulle, les aiguilles, 
sous l'influence de leurs actions mutuelles, se 
groupent irrégulièrement. Il y a un très grand 
nombre de configurations d'équilibre intérieur pos- 
sibles. Dans toutes ces configurations, l’action ma- 
gnétique extérieure du système est nulle. 

Un champ extérieur suffisamment intense, par 
contre, orienté toutes les aiguilles dans le même 
sens, et il est évident que les petits aimants ajoutent 
alors leurs propres forces magnétiques à celle du 
champ extérieur. 

On obtient donc une image très salisfaisante de 
la constitution intérieure du fer, en admettant que 
la molécule du fer est un « élément magnétique » 
pouvant s'orienter librement dans toutes les direc- 
tions de l’espace. 

On peut considérer l'élément magnétique comme 
un petit aimant présentant deux pôles, mais on 
peut également se représenter l’élément magnétique 
sous forme d'un courant moléculaire. 

En effet, l'expérience montre que le champ 
magnétique d’un courant est identique au champ 
d’un aimant infiniment court présentant la même 
section que la spire et deux pôles étendus sur les 
deux faces opposées de la spire. Il y a, cependant, 
celte différence que le flux de force émis par le 
courant se ferme en traversant la surface de la 
spire. 

Quelle que soit l'interprétation adoptée, à l'inté- 
rieur d’un aimant permanent ou temporaire, les 
lignes du flux extérieur sont continuées par les 
chaines des éléments magnétiques, ou — selon la 
théorie ‘d'Ampère — par le flux qui traverse les 
circuits moléculaires. 

Si toutes les chaines des éléments magnétiques 
se ferment sur elles-mêmes, l’action magnétique 
extérieure du système est rigoureusement nulle. : 

On peut réaliser ce cas en enroulant sur un tore 
de fer un fil de cuivre, et en faisant circuler dans 
les spires du fil un courant électrique. Le tore 
s'aimante alors suivant une direction parallèle à 
ses contours circulaires, mais il ne présente pas de 
pole ni d'action magnétique sur l'extérieur. 

I est cependant possible de mettre le flux en évi- 
dence par ses réactions électro-magnétiques très 
énergiques, au moment de l'établissement et de la 
rupture du courant magnélisant. 

Ces réactions constituent les phénomènes de l'in- 
duclion. Elles s'expliquent par une espèce d'inertie 
du flux magnétique qui — pareil au liquide circu- 
lant dans une canalisation — absorbe de l'énergie 


COSMOS 


5 SEPTEMBRE 1919 


au moment de l'établissement du courant ou la 
restitue ensuite lorsqu'on l'arrête. 

Si le courant qui circule dans les spires est un 
courant alternatif, il y a continuellement absorp- 
tion et restitution d'énergie. Il en résulte une 
augmentation de la résistance apparente ou, comme 
l’on dit, de l’impédance du circuit électrique. 

Le noyau magnétique immobilise donc l'énergie 
d’un courant variable. Si l’énergie de désaimanta- 
tion était rigoureusement égale à celle de l'aiman- 
tation, l'énergie moyenne absorbée par le noyau 
serait nulle. De fait, la compensation n’est pas 
absolue : à tout changement de l'état magnétique 
du noyau correspond une petite dépense d'énergie 
dissipée dans le noyau sous forme de chaleur. Ce 
phénomène est celui de l’hystérésis magnétique. 

Il existe un parallélisme frappant entre les pro- 
priétés mécaniqueset les propriétés magnétiques des 
corps. C'est ainsi que le fer doux, facile à travailler, 
s'aimante facilement, tandis que l'acier trempé, 
qui résiste à l’effort de la lime, ne s’aimante que 
dans un champ magnétique puissant. L'expérience 
montre qu'il existe des différences considérables 
entre les courbes d’aimantation desdiverses variétés 
de fer, fer doux, fonte, acier. Les recherches mé- 
tallographiques récentes ont permis d'expliquer ces 
divergences. 

Un acier doux renfermant 0,004 partie en poids 
de carbone, chauffé à 900°, puis refroidi très len- 
tement, se compose de grains de fer pur, nommé 
fer a ou ferrite, engagés dans un ciment nommé 
perlite, qui est constitué par des lamelles entrela- 
cées de ferrite et d’un carbure de fer (Fe°C) 
qu'on nomme cémentite. La perlite se trouve en 
proportion d'autant plus grande que le métal est 
plus carburé; elle forme la partie principale dans 
un acier renfermant 0,009 de carbone. 

La ferrite est le corps le plus magnétique qui 
existe; le carbure de fer, par contre, n’est pas 
magnélique. 

La trempe à 950° des aciers douf donne des 
grains de ferrite extrèmement petits. 

On peut donc envisager les aciers industriels 
comme formés de grains très magnétiques, engagés 
dans un ciment qui l’est très peu ou mème pas du 
tout. 

Quelle que soit, d’ailleurs, la constitution du 
corps, tous les éléments magnétiques finissent par 
sorienter, dans un champ suffisamment intense, 
suivant la direction du champ extérieur. L’aiman- 
tation tend vers une valeur limite appelée la satu- 
ration. La saturation atteinte, on profite de moins 
en moins de la présence du corps magnétique, et, 
avec un nombre énorme d'ampère-tours, le flux sera 
sensiblement le même que dans un corps non 
magnétique. 

Faraday a constaté le premier que l’action des 
champs magnétiques intenses sur les corps est un 


N° 41441 


phénomène tout à fait universel. On nomme para- 
magnétiques les corps qui se montrent aimantés 
dans le sens des lignes de force du champ auquel 
ils sont soumis, et diamagnétiques ceux qui 
s’aimantent en sens contraire. 

Les propriétés paramaganétiques des corps varient 
avec la température suivant une loi simple décou- 
verte par Wiedemann et Plessner pour les solu- 
tions des sels paramagnétiques, et par Pierre Curie 
pour l'oxygène. 

Leur intensité d’aimantation est inversement 
proportionnelle à la température absolue. 

Le diamagnétisme, par contre, parait être indé- 
pendant de la température. 

M. Langevin a imaginé une théorie thermo- 
dynamique du paramagnétisme, basée sur des 
considérations statistiques : les molécules d’un gaz 
paramagnélique sont des éléments magnétiques 
indépendants les uns des autres. 

Le champ extérieur tend à les orienter; l'agita- 
tion thermique, par contre, par le mécanisme des 
chocs entre les molécules, tend à détruire l'effet du 
champ. Il en résulte un équilibre entre les deux 
actions antagonistes, dont l’une rétablit constam- 
ment une organisation déterminée, tandis que 
l'autre cherche à maintenir le désordre élémentaire. 

La loi de cet équilibre résulte de l'application du 
calcul des probabilités. On trouve ainsi que l'inten- 
sité d’aimantation du gaz ne dépend que du rap- 
port entre l’intensité du champ et la température 
absolue. 

Pour des températures et pour des champs acces- 
sibles à l'expérience, l'intensité d'aimantation croit 
proportionnellement à ce rapport, conformément 
à la loi de Curie, et à l’ensemble des expériences 
faites avec les corps paramagnéliques. 

Au zéro absolu, le corps serait aimanté à satu- 
ration, même dans un champ infiniment faible. 

Les considérations de cette théorie cinétique du 
paramagnétisme des gaz s'appliquent sans change- 
mentauxsolutionsdiluéesdes sels paramagnétiques. 

M. Weiss a étendu la théorie aux corps ferro- 
magnétiques. Il admet que les lois du hasard doivent 
s'appliquer à la structure des corps solides, grâce 
au mécanisme de la cristallisation. La théorie de 
M. Langevin s'applique donc de mème aux corps 
solides, mais elle exige, dans le cas des corps for- 
tement magnétiques, une modification analogue à 
celle qui permet d'étendre aux liquides les consi- 
dérations de la théorie cinétique des gaz. Selon la 
théorie de Van der Waals, il existe dans les liquides 
et les gaz fortement comprimés une pression inté- 
rieure ou force de cohésion, uniforme dans toute 
la masse du corps, qui s'ajoute simplement à la pres- 
sion extérieure. 

D'une façon semblable, M. Weiss suppose que, 
dans les corps ferromagnétiques, les actions mu- 
tuelles des éléments magnétiques se superposent 


COSMOS 


271 


au champ extérieur. Ces actions mutuelles pro- 
duisent un champ intérieur dit champ molécu- 
laire, qui — selon M. Weiss — est toujours dirigé 
parallèlement à l'intensité d'aimantation du corps 
et proportionnel à celte intensité. 

Ce bref exposé montre le grand rôle que jouent 
les considérations statistiques dans la théorie mo- 
derne du paramagnétisme et du ferromagnétisme. 

Quant au diamagnétisme, qui se distingue du 
paramagnélisme et du ferromagnétisme par l'ab- 
sence d'une variation thermique régulière, il doit 
être attribué — selon M. Langevin — à une cause 
différente. Le diamagnétisme parait être une pro- 
priété commune à tous les atomes, quels qu'ils 
soient. 

Si nous avons, aujourd’hui, quelques idées pré- 
cises sur la structure des atomes des corps simples, 
nous les devons principalement aux recherches 
spectroscopiques. On sait que Zeeman a constaté 
en 1896 que les vapeurs qui émettent les spectres 
en séries subissent, sous l'influence d'un fort champ 
magnétique, une action qui se manifeste par une 
décomposition des raies groupées en séries. Chaque 
raie simple est dédoublée en un certain nombre de 
raies excessivement rapprochées (phénomène de 


Zeeman). Les lois de cette décomposition sont 


assez compliquées ; elles font supposer que la struc- 
ture des atomes présente une grande complexité. 

On a admis que les raies de ces spectres sont 
produites par les vibrations des électrons. Ce sont 
des corpuscules identiques qui vibrent à l’intérieur 
des différents atomes et qui produisent les ditfé- 
rentes raies spectrales. 

Selon M. Langevin ({), le diamagnétisme se rat- 
tache au phénomène de Zeeman. Il s'explique par 
la variation de la vitesse aréolaire des électrons 
qui parcourent des orbites fermées. Sous l'influence 
du champ magnétique, la durée de révolution se 
trouve modifiée de la manière qui correspond au 
phénomène de Zeeman et en mème temps au sens 
de l’aimantation diamagnétique. Cet effet, accom- 
pagné de changements de la période des vibra- 
tions, se manifeste par la décomposition de raies 
spectrales. 

Une loi générale représentant la répartition des 
séries spectrales a été découverte par Walther Ritz 
en 4907 (2). Ce jeune physicien suisse avait admis 
que les atomes de fous les corps renferment des 
aimants de differentes longueurs dont les pòles 
ont, dans tous les cas, la méme intensité. Rilz 
pensait que les champs atomiques devaient ètre 
encore beaucoup plus intenses que les champs mo- 


(1) P. Laxsevis. Sur la théorie du magnétisine. 
Journal de Physique, 1905, €. IV, p. 678. — Mugnetisme 
et théorie des électrons. Annales de Chim, et de PRYS. 
49005, € V, p. 70. 

(2) W. Ritz. OEuvres publiées par la Soc. suisse de 
physique. Paris, 1911. 


272 


léculaires dont ils sont la cause. Comme le fait 
remarquer le D° Schidlof, certains faits peuvent 
être cités en faveur de l'hypothèse de Ritz. Ainsi, 
par exemple, le fer « se transforme entre 756° et 
820° en une modification moins magnétique, 
nommée fer 8, et à 9200 en une modification para- 
magnétique, le fer +, que l’on rencontre dans 
la composition de la martensite. Or, comment 
expliquer cette transformation d’un atome magné- 
tique en un atome non magnétique? Il faut évi- 
demment supposer que l'atome très fortement 
magnétique par lui-même peut perdre sa liberté 
de rotation, se trouvant engagé dans des liaisons 
rigides. 

L'inverse a lieu pour les atomes de manganèse, 
dans certains alliages magnétiques de ce corps. Le 
manganèse pur est un métal faiblement parama- 
gnétique, qui, avec d’autres métaux paramagné- 
tiques ou diamagnétiques, et spécialement avec le 
cuivre ou l'aluminium, donne des alliages ferro- 
magnétiques. Le magnétisme de ces alliages, décou- 
vert par Heusler, est tout à fait comparable à celui 
du fer et plus intense que le magnétisme du nickel 
et du cobalt. 

On peut donc supposer, avec Ritz, que les élé- 
ments magnétiques rentrent dans la constitution 
de tous les atomes, même des atomes diamagné- 
tiques. 

En ce qui concerne Îles corps paramagnétiques, 
l'hypothèse de Ritz a reçu une confirmation 
inattendue par une découverte surprenante de 
M. Weiss (1). 

En discutant les résultats d’un très grand nombre 
d’expériences faites par différents observateurs avec 
des corps ferromagnétiques ou paramagnétiques, 
M. Weiss trouva que les éléments magnétiques des 
corps présentent des grandeurs très variables. Mais 
ils sont, dans tous les cas, des multiples entiers 
d'un élément magnétique unique. 

Il faut considérer cet élément unique, qui est la 
valeur aliquote commune à tous les éléments ma- 
gnéliques possibles, comme atome du magnétisme. 
M. Weiss l'a nommé le magnéton. 

Cette découverte a certainement une importance 
capitale, et elle donne un grand appui aux idées 


COSMOS 


D SEPTEMBRE 194% 


de Ritz sur la constitution des atomes matériels. 
Toutefois, il subsiste une difficulté. 

Le magnéton est un élément magnétique uni- 
versel — ou, selon l’expression consacrée, un 0- 
ment magnétique universel. D’après Ritz, c’est 
l'intensité du pôle qui est universelle, et il faut 
attribuer aux bâtonnets magnétiques de Ritz toutes 
les longueurs possibles pour déduire de sa théorie 
Ja loi générale des spectres en série. 

Il faudrait donc conclure que les magnétons ne 
sont pas identiques aux aimants atomiques de 
Ritz, si sa formule spectrale était vraie dans toute 
sa généralité. 

Dans un autre ordre d'idées, nous constatons 
que la théorie électro-magnétique se trouve enrichie 
el, en même temps, compliquée par la nouvelle 
conception atomique. A la notion de l’électron, de 
l'atome de l'électricité, s'ajoute celle de l’atome du 
magnétisme. Or, quel est le rôle qu'il faut attri- 
buer à ces deux atomes? 

Les relations entre l'électricité et le magnétisme 
sont des relations de cause à effet. Lequel des deux 
est la cause et lequel l'effet? 

De tout temps, les physiciens ont ineliné à voir 
l'origine du magnétisme dans la rotation des charges 
électriques... l'électron entrerait donc dans la 
constilution du magnéton. Le magnéton serait 
donc peut-être le bâtonnet magnétique de Ritz, ce 
serait un élément constitutif de tous les atomes, 
même des atomes diamagnétiques. 

Quelle est la valeur de cette hypothèse? Il est 
malaisé de répondre. 

L’électron, tel qu'il est défini actuellement, est 
absolument insuffisant pour expliquer les phéno- 
mènes vibratoires accompagnés d’un rayonnement 
d'énergie; il ne suffit pas non plus à expliquer les 
séries spectrales ni le phénomène de Zeeman. La 
théorie des électrons ne donne également aucune 
réponse à la question de l'origine des bandes ni à 
celle des quanta de l'énergie. L'intervention du 
magnéton permettra-t-elle de résoudre tous ces 
problèmes? On en vient presque à regretter l'admi- 
rable simplicité de la théorie des oscillations de 
l'éther. 

A. BERTHIER. 





Pyromètre stellaire. 


M. Charles Féry, dont nous avons signalé dans 
le Cosmos intéressant spectrographe, s'occupe 
aussi depuis longtemps de pyrométrie. 


(1) P. Weiss. L'hypothèse du champ moléculaire et 
la propriété ferromagnétique. Journal de Phys., 4907, 
t. VI, p. 661. — Sur la rationalité des rapports des 
moments magnétiques moléculaires et le magnéton. 
Arch. des sciences phys. et nat., mai 1911. 


La Compagnie pour la fabrication des compteurs 
construit plusieurs appareils industriels établis 
d’après ses principes et susceptibles de déterminer 
les températures entre 400° et 3500°. Ces appa- 
reils sont de deux types : à thermocouple avec 
télescope ou lunette, et à spiral. 

Le pyromètre à télescope se compose essentiel- 
tement d'un télescope et d’un galvanomètre. Sur 


RE 


N° 1431 


l'axe optique du miroir M et fixées à deux lames de 
laiton R et D reliées aux bornes b et b', sont dispo- 
sées les soudures de deux fils fer-constantan for- 
mant couple thermo-électrique. Les bornes & et %' 
servent d'attache à deux fils en communication 
avec le galvanomètre (fig. 4 et 2). 

Par l’oculaire O, on vise le corps dont on veut 





F1G. 1. — SCHÉMA DU PYROMÈTRE A TÉLESCOPE. 


déterminer la température. La soudure apparait 
comme une tache noire au milieu de l'image bril- 
lante du corps qui doit la déborder légèrement. 
La réflexion de l’image de l’oculaire O est obtenue 
par un système de deux miroirs disposés près du 
couple et réalisant une mise au point automatique. 
Ces miroirs décomposent l'image du corps en deux 
parties, comme l'indique la figure 3. Lorsque le 





F1G. 2. — GALVYANOMÈTRE. 


réglage et la mise au point sont parfaits, les deux 
parties coincident exactement. H suffit, pour obtenir 
cette coïncidence, de tourner la molette P qui 
approche ou éloigne le miroir M. 

Lorsque la mise au point est obtenue, les me- 
sures sont indépendantes de la distance du téle- 
scope au corps. La soudure s’échauffe sans s’altérer, 


COSMOS | 273 


et le courant qu'elle développe actionne l'aiguille 
du galvanomètre, dont la graduation est établie 
d'après la loi de Stefan : la quantité de chaleur 
rayonnée est proportionnelle à la quatrième puis- 
sance de la température absolue (14) du corps 
rayonnant. 

Dans les établissements où il y a beaucoup de 
fumée et de poussière, pour éviter la détériora- 
tion des pyromètres, M. Féry a remplacé le 
télescope par une lunetté complètement fermée. 
La mise au point s'opère comme dans une 
lunette astronomique ordinaire. L'inconvénient 
de cet appareil est d’être un peu moins sensible 
que le précédent. Il ne donne d'indications qu’à 
partir de 800°, alors que le pyromètre à téle- 
scope en donne à partir de 400°. 

Dans le pyromètre télescopique à spiral, le 
couple thermo-électrique est remplacé par une 
lame bimétallique extrêmement mince roulée 
en spirale et portant une aiguille fort légère 
qui se déplace sur un cadran disposé sur 
l’appareil même. 
Ces divers instruments ne comportent qu’une 
seule graduation. La Compagnie des compteurs 
peut en établir à plusieurs graduations embrassant 





MAL RÈGLA BIEN RÊCLÉ 
F1G. 3. 


une échelle de températures bien plus étendue, en 
disposant sur l'ouverture du télescope un dia- 
phragme, comme celui de la figure 4. Les diverses 
graduations correspondent à divers degrés d'ouver- 
ture du diaphragme. 

M. Féry a également réalisé d'autres appareils 
basés sur la loi du rayonnement monochromatique 
et qui permettent aussi de déterminer les tempé- 
ratures des corps incandescents avec précision. 

On conçoit qu'il doit ètre beaucoup plus difficile 
d'appliquer la pyrométrie aux étoiles. Ces corps 
nous envoient, en effet, une si faible quantité 
d'énergie qu'il est à peu près impossible de leur 
appliquer les principes des divers appareils dont il 
vient d’être parlé. C'est ce qui a conduit M. Féry 
à utiliser, pour la détermination de la température 
des corps célestes, la troisième loi du rayonne- 
ment, celle de Wien, connue aussi sous le nom de 
loi de déplacement, et qui permel d'opérer sur 
l'énergie lumineuse totale reçue de l'étoile. 

C'est d’ailleurs cette loi qui a probablement été 

(1) L'échelle des températures absolues débute à 
— 273C, qui est le zéro thermique. Si la température 
d'un corps est évaluée en degrés centigrades, il suffit 
d'y ajouter le nombre constant 273 pour convertir 
cette température en degrés absolus ou degrés Kelvin, 


27% 


utilisée la première pour la détermination de la 
température des corps chauds et qui a donné nais- 
sance à l'échelle de Pouillet, mesurant cette tem- 
pérature par l'appréciation des couleurs de ces 
corps : rouge sombre, cerise, rouge clair, orangé, 
La teinte du corps 


blanc, blanc éblouissant..... 





FIG. 4. — PYRỌMÈTRE MUNI D'UN DIAPHRAGME. 


dépend, en effet, de la position du maximum de 
l'énergie lumineuse dans le spectre qu'il produit. 

Le principe de la méthode Féry est celui-ci : 
une étoile, observée dans une lunette ordinaire, 
donne une image dont la couleur dépend de sa 
température. Si l'on compare la teinte de cette 
image avec celle d’une lampe étalon à teinte 
variable, on pourra amener cette teinte à être la 
même que celle de l'étoile. La mesure de légalité 
de teinte donnera la température. 

La coupe de l'appareil est donnée par la figure ï. 

L' est la lampe étalon, F la fente d'un spectro- 
scope, L la lentille du collimateur, P le prisme à 
vision directe du spectroscope, L, la lentille de la 
lunette. Le spectre, après avoir traversé le dia- 





F1G. 5, — COUPE DU PYROMÈTRE STELLAIRE FÉRY. 


phragme D, se recompose dans la lentille L, et 
vient former sur la glace G une image blanche. 
Cette image se réfléchit sur l’oculaire O de la 
lunette T, qui permet la vision directe de l'étoile. 

La glace G est parsemée de petites parcelles d'ar- 
genture métallique qui en font une sorte de ciel 


COSMOS 





5 SEPTEMBRE 1912 


artificiel étoilé, dont toutes les étoiles ont la mème 
teinte, ce qui facilite les comparaisons. 

Pour amener les étoiles artificielles à posséder 
la même teinte que l'étoile dont on cherche à 
déterminer la température, on se sert du dia- 
phragme D, dont le détail est donné par la figure 6. 
Il se compose d’un volet fixe V et d’un 
volet mobile V' demi-circulaire mobile autour 
du port A. Le spectre de la lampe s'étale par 
l’entre-bâillement des deux volets. 

Si les deux bords de ces volets sont paral- 
lèles, les rapports des intensités des radia- 
lions élémentaires sont les mêmes que dans 
la lumière de la lampe avant son passage 
dans le prisme P, et la teinte des étoiles ar- 
lificielles est la même que celle de la lampe. 

Mais qu'on fasse tourner le volet mobile 
à droite ou à gauche, on change à volonté 
la proportion des radiations élémentaires. 

D'un côté, on augmente le rouge en dimi- 
nuant le bleu, ce qui donne la teinte d'un 
corps moins chaud. De l’autre, on augmente, 
au contraire, le bleu et on diminue le rouge, 
ce qui donne la teinte d’un corps plus chaud. 

L'élalonnage du pyromètre stellaire se 
fait en pointant d'abord un four électrique, puis 
l'arc électrique (3 500°), et enfin le Soleil, étoile de 





[F1G. 6. — DIAPHRAGME DU PYROMÈTRE STELLA IRE. 


deuxième grandeur (6500°). On extrapole ensuite 
la courbe obtenue par ces trois points. 


Grâce à l’ingénieuse disposition 
de M. Charles Féry, exécutée par 
le constructeur Beaudouin, c'est 
un nouveau secret que la science 
moderne arrache à ces globes de 
feu quis’en vont vertigineusement 
dans l’espace sans fin, tout en 
paraissant immobiles à nos yeux, 
et dont certains sont tellement 
éloignés que 25000 ans ne suf- 
fisent pas à nous apporter un de 
leurs rayons. 

Et chacun de ces secrets dévoilés à l'intelligence 
humaine recule les limites de l'univers, nous 
découvre de nouveaux abimes, augmente notre 
soif de connaitre et nous rapproche de l'infini en 
ajoutant un nouveau verset au Cæli enarrant 
gloriam Dei. LÉoPoLD REVERCHON. 


N° 1:11 


La Terre 


COSMOS 


toO 
SI 
Qt 


sa forme et ses dimensions. 


Ses accidents superficiels et son relief. 


Il. — Les accidents de la surface terrestre et 
ses divisions territoriales. — Cadastres et 
cartes topographiques. 


A. — Cadastre. 


La forme générale du globe étant connue avec 
une suffisante approximation, il a fallu, dans tous 
les pays et pour les besoins de la civilisation, se 
préoccuper d’y situer à leur juste place les acci- 
dents qui émaillent la surface terrestre : fleuves, 
montagnes et cités, voies de communication, divi- 
sions administratives et limites de propriétés. 

En vue, notamment, d'une plus équitable répar- 
tition de l'impôt foncier, comme aussi pour mieux 
fixer les limites des héritages, tous les peuples cul- 
tivés, à commencer par les anciens Égyptiens, se 
sont efforcés de créer, sous la forme de plans 
cadastraux, une sorte d'état civil de la propriété 
foncière. 

Pour atteindre ce but, le procédé le plus sůr et 
le plus simple à la fois consiste à couvrir le terri- 
toire d'un réseau de triangles, aux sommets des- 
quels on rattache ensuite tous les points intéres- 
sants du sol et jusqu'aux bornes des parcelles de 
champs. 

Pour que les plans parcellaires de communes 
limitrophes puissent se raccorder entre eux, sans 
lacunes ni duplicalures, il faut qu'ils aient été 
ainsi rattachés à une triangulation générale préa- 
lable du territoire. C'est là une nécessité primor- 
diale universellement reconnue, une règle partout 
observée, sauf, hélas! en France, où, dès 418417, une 
Commission officielle, comptant parmi ses membres 
les académiciens et les astronomes Laplace, Puis- 
sant, Delambre, Poisson et Mathieu, signalait, chez 
les agents du cadastre chargés de la triangulation, 
une complète inaptitude à exécuter les plus 
simples des opérations à eux confiées... et ligno- 
rance absolue de toutes notions techniques ou 
mathématiques (2). 

Malgré les objurgations réitérées de toutes les 
autorités en la matière et de tous les corps savants, 
notre ancien cadastre, commencé en 1790 et non 
encore achevé, n'a jamais été rattaché à la grande 
triangulation de l'état-major. 

A raison de cette lacune initiale, jointe à l'ab- 
sence de tenue à jour des plans, cette œuvre 
gigantesque, qut a coûté des centaines de millions, 
doit être aujourd'hui complètement refaite. 

(1) Suite, voir p. 247. 

(2) La carte de France, par le général BERTHAUT 
t. I", ch. HI. 


Telle est la fâcheuse conclusion d'une enquite 
à cet égard faite, il y a vingt ans, par la Commis- 
sion extraparlementaire du cadastre, instituée à la 
suite de vœux pressants des communes et des Con- 
seils généraux. 

Après des éludes et des essais Son rek un 


programme de réfection avait élé dressé par celte 


Commission. 

Outre l'achèvement de la triangulation générale 
par le service géographique de l’armée et le ratta- 
chement des nouvelles opérations cadastrales à 
cette triangulalion, l’on prévoyait dans ce projet, 
avec un large emploi de machines pour les calculs, 
l'intensive application du principe industriel de la 
division du travail. Pour le rapport des plans, on 
renonçait au papier, substance déformable et fra- 
gile, se prétant mal aux opérations permanentes 
de mise à jour et ne permettant les reproductions 
que sous la forme infidèle et coûteuse de photogra- 
phies ou de copies à la main. À ce système suranné, 
l'on substituait la gravure sur zinc, directement 
exécutée à l'envers, ainsi que les écritures, par des 
spécialistes; au moyen d'un simple passage à la 
presse, les planches ainsi obtenues et d’ailleurs 
faciles à tenir constamment à jour devaient ensuite 
fournir à peu de frais, pour le public et les admi- 
nistrations intéressées, un nombre illimité d’exactes 
reproductions des plans minutes. 

A raison de 10 francs en moyenne par hectare, 
soit 7 pour 1000 de la valeur vénale moyenne du 
sol, 4 500 francs par hectare, l'exécution de ce pro- 
gramme, pour la France entière, devait coûter un 
demi-milliard environ. 

En 1898, une loi provisoire avait été votée, per- 
mettant aux communes d’obtenir, avec le concours 
financier de l'État et des départements, la réfection 
de leur cadastre d'après ces principes nouveaux; 
plusieurs centaines d’entreellesavaient déjà réclamé 
le bénéfice de cette loi; sur le dixième du terri- 
toire, ła triangulation générale avait été revisée el 
complétée par le service géographique de l’armée; 
des méthodes et des instruments perfeclionnés 
avaient été créés, et une centaine d'élèves formés 
à leur emploi; de divers pays étrangers, des mis- 
sions d'ingénieurs et d'officiers venaient successi- 
vement s'initier à la pratique de ces nouveaux pro- 
cédés, partout cités comme des modèles. Bref, 
l’œuvre entrait dans l'ère de plein fonctionnement, 
lorsque brusquement, en 1907, sous prétexte d'éco- 
nomies, sans avoir consulté aucun des hommes 
des Comités ou des services compélents, on arre- 
tait la revision de la triangulation générale; puis, 
devant la soi-disant indifférence du public à l'achat 


276 


des plans, on supprimait à son tour la gravure sur 
zinc et l’on décapitait le service en nommant per- 
cepteurs les plus habiles de ses agents, géomètres 
ou graveurs, recrutés avec tant de peine et formés 
à si grands frais; enfin l'on mettait à l'encan les 
travaux désormais dépouillés des éléments qui en 
doublaient la valeur. 

L'une après l'autre, soucieuses du bon renom 
scientifique de notre pays, comme aussi de la 
marche logique et de l’économie des opérations, la 
Commission centrale des travaux géographiques, 
le Bureau des longitudes, la Commission géodé- 
sique française et l’Académie des sciences elle- 
même protestaient conire ces mutilations, qu'à la 
tribune du Sénat M. Boudenoot, auteur de la loi 
de 1898, dénonçait à son tour comme un véritable 
« sabotage administratif ». 

Mais ce fut en vain. 

Malgré les prétendues « simplifications » appor- 
tées au programme, un premier essai d'adjudica- 
tion, en juillet 1911, échouait lamentablement. 
Pour un tiers seulement des communes en cause, 
les travaux offerts trouvaient preneurs. 

Une année après, malgré une majoration de 
40 pour 400 des tarifs — ce qui porterait à 700 mil- 
lions le devis total, — une seconde tentative 
n'avait guère plus de succès, 

Si ces mesures néfastes ne sont pas rapportées, 
peut-être, finalement, au lieu des 500 millions 
qu'’eussent coûtés des plans finement gravés, faciles 
à reproduire exactement et à conserver, nous 
faudra-t-il payer le double pour de simples minutes 
sur papier, pratiquement impossibles à tenir à 
jour, et pour de mauvaises copies lithographiques 
non cotées, n'offrant aucune garantie certaine de 
conformité avec l'original. 


B. — Cartes topographiques. 


En assemblant leurs plans cadastraux sur un 
canevas déduit d’une triangulation générale et en 
prenant du tout une image réduite, la plupart des 
États civilisés ont dressé une carte générale de 
leur territoire. 

C'est ainsi, par exemple, qu'a été obtenue chez 
nous la belle carte d'état-major au 80 000°, gravée 
de 1818 à 1882 et dont dérivent toutes nos autres 
cartes nationales. 

De même, l’établissement d’une nouvelle carte 
plus détaillée, à l'échelle du 50 000e, était prévu 
comme corollaire de la réfection de notre cadastre. 

En assemblant de façon analogue et réduisant à 
plus petite échelle les cartes nationales, on obtient 
des cartes internationales ou mondiales. 

La plus réceute est la carte du monde au mil- 
lionième dont, en 1909, les principaux Etats civi- 
lisés ont, d'un commun accord, arrêté les cadres 
et ie type. L'exécution en est déjà commencée. 

Une wuvre analogue est la carte internationale 


COSMOS 


5 SEPTEMBRE 1942 


aéronautique à l'échelle du 200000°, dont les 
principes directeurs, calqués sur ceux de la carte 
au millionième, ont recueilli, en novembre 1914, à 
Turin, l'approbation unanime du V° Congrès inter- 
national d'aviation et, au mois de juin dernier, à 
Vienne (Autriche), celle de la Fédération aéronau- 
tique internationale. 

Sur l'initiative du gouvernement français, une 
Conférence officielle de délégués compétents des 
divers pays se réunira prochainement, à Paris, 
pour sanclionner ce projet. 


lit. — Le relief de la surface terrestre. 


L’écorce terrestre se trouve en partie recouverte 
par l’eau des océans. 

Lorsque, jetant les yeux sur une mappemonde, 
on examine la distribution des terres, on est tout 
d'abord frappé de la répartition de celles-ci en 
trois grandes masses, effilées en pointes vers le 
Sud, savoir : le groupe des deux Amériques, le con- 
tinent européo-africain et le massif australo-asia- 
tique, auxquels s'opposent respectivement l'océan 
Indien, le Pacifique et l'Atlantique. Les récentes 
expéditions de Shackleton et d’Amundsen au pôle 
Sud y ont en outre démontré l'existence d'un 
vaste continent, tandis qu'au pòle Nord Nansen a 
trouvé une mer libre et profonde. 

Pour expliquer ces faits, W. Green, vers 1882, 
émit l'idée que le noyau central fluide se refroidis- 
sant, par l'effet du rayonnement dans l'espace, et 
se contractant plus que l'écorce, celle-ci, d’après 
la loi du moindre effort, devait tendre vers une 
forme dérivée du fétraèdre, ou pyramide à quatre 
faces, qui est le solide régulier embrassant le plus 
petit volume sous une surface extérieure donnée. 
Dans ce solide, en effet, chaque pointe saillante a 
pour antipode une face plane. 

Par la différence des vitesses de rotation du 
triple renflement boréal, d'une part, et de la pointe 
australe de la toupie terrestre d'autre part, Green 
a également expliqué la déviation systématique 
vers l'Est des trois arêtes dirigées vers cette pointe 
et la formation de cette suite de dépressions : 
fosse de la Méditerranée, détroit de la Sonde et 
mer des Antilles, qui entourent le globe et coupent 
en deux parties chacune de ces mèmes arètes. 

Mais ce n'est là qu'une très insuffisante définition 
du relief terrestre. 

Pour la plupart des travaux ayant le sol pour 
théâtre, qu'il s'agisse d'établir une voie de com- 
munication ou une conduite d'eau, de créer un 
canal de drainage ou d'irrigation, d'apprécier le 
rendement possible d'une chute d'eau ou de con- 
struire un ouvrage de défense militaire, une con- 
naissance plus précise et plus détaillée du relief 
est indispensable. 

Suivant le cas, en effet, il faut reconnaitre le 


N° 1411 


parcours le plus avantageux au point de vue des 
dénivellations à franchir, calculer la profondeur 
des tranchées à ouvrir et la hauteur des remblais 
à élever, mesurer les pentes et les rampes de la 
nouvelle voie, etc. | 

Pour ces divers objets, on définit le relief, soit 
au moyen d'alfitudes, qui sont respectivement les 
hauteurs des points du sol au-dessus de la surface 
de la mer, prise comme base de comparaison et 
prolongée par la pensée sous les continents, soit au 
moyen de courbes cotées, dites courbes de niveau, 
qui sont les lignes étagées qu’occuperait succes- 
sivement le rivage des mers si, brusquement, leur 
niveau montait de 10, 20, 100 ou 1 000 mètres, par 
exemple. 

Reste à mesurer les altitudes et à fixer le tracé 

des courbes de niveau. 
_ Pour cela, au moyen d’une suite de visées hori- 
zontales, faites sur des échelles ou mires dispo- 
sées verticalement de distance en distance, on 
constitue, le long d'itinéraires convenables, l'équi- 
valent d'une sorte de canal dont on noterait suc- 
cessivement, pour les cumuler ensuite depuis l'ori- 
gine, les hauteurs des écluses montantes et descen- 
dantes. 

Vers 1855, un conducteur français des ponts et 
chaussées, Bourdaloue, a, le premier, pensé que si 
la planimétrie d’un vaste territoire doit avoir pour 
base un réseau de grands triangles, sur les som- 
mets desquels s'appuie le relevé des points de dé- 
tail, de même l'hypsométrie générale d'un grand 
pays doit reposer sur un réseau plus ou moins 
dense de lignes de nivellement, ou plutòt sur une 
série de réseaux à mailles de plus en plus étroites, 
dont chacun s’appuie sur le précédent. 

C'est ainsi qu'en France, de 1855 à 1863, a été 
constitué le premier réseau général de nivellements. 
Il avait 45 000 kilomètres de développement. 

Cet exemple a été suivi. partout à l'étranger, si 
bien qu’à cette heure, si l’on mettait bout à bout 
les lignes de nivellement existant dans le monde, 
elles feraient plus de huit fois le tour de la Terre. 

Devant l'ampleur et la précision croissantes des 
résultats obtenus autour de nous, l'administration 
des travaux publics, dès 1884, prenait le parti 
d'établir un nouveau réseau fondamental sur 
lequel se grefferaient successivement plusieurs ré- 
seaux secondaires. 

Le réseau de base, à mailles de 400 à 600 kilo- 
mètres de tour, mesurant au total 12000 kilo- 
mètres de développement, était achevé en 1892. 
Sa précision est telle qu’en revenant au point de 
départ, après avoir parcouru le tour de la France, 
soit 3 908 kilomètres, on a pu retrouver, à 6 centi- 
mètres près, l'altitude initiale. 


COSMOS 


277 


Le réseau de deuxième ordre, à peu près aussi 
étendu que le réseau fondamental, mais à mailles 
deux fois plus petites, est aussi terminé depuis 
1898. 

Le réseau de troisième ordre, dont les mailles 
n'ont plus que 60 à 100 kilomètres de tour et dont 
la longueur atteindra 47 000 kilomètres, est lui- 
même aux neuf dixièmes achevé. 

Enfin, près du quart du réseau de quatrième 
ordre (mailles de 10 à 20 km) est déjà nivelé. 

La longueur totale des nivellements qui sil- 
lonnent à cette heure le territoire de la France est 
d'environ 400 000 kilomètres. 

En outre, depuis quelques années, dans les Alpes 
et les Pyrénées, ces travaux sont complétés par le 
relevé des profils en long de torrents dont, par 
ailleurs, on a mesuré les débits, à l’effet de pou- 


.voir ainsi dresser une statistique exacte des grandes 


forces hydrauliques disponibles dans ces régions. 


Cette rapide esquisse aura suffi, j'espère, à 
montrer quelle part prépondérante notre pays, de 
tout temps, a prise dans les études concernant la 
forme de la Terre, les accidents de sa surface et la 
mesure de son relief. 

En matière de géodésie, de cadastre ou de nivel- 
lement, comme en tant d’autres domaines, la 
France a élé l'iniliatrice et l’ouvrière du progrès. 

Au début du siècle dernier, la science lui était 
redevable de ces mesures d'arcs méridiens d’où, à 
proprement parler, la géodésie a pris naissance et 
dont est sortie l’œuvre magistrale du système mé- 
trique. 

Tout récemment encore, à l'Equateur, ai-je dit, 
nos officiers répétaient avec une précision jusque- 
là inconnue la mesure d’un de ces arcs. 

C'est en France qu'est né l’art des nivellements 
généraux, et l'étranger, en adoptant nos méthodes 
et nos instruments, n’a cessé de rendre hommage à 
leur supériorité. 

En matière de cadastre aussi, nous avons autre- 
fois occupé une place d'élite. 

Derrière les aigles victorieuses des armées impé- 
riales, dans le Palatinat, les Flandres, la Toscane, 
on voyait, il y a plus d’un siècle, les géomètres 
français dresser le cadastre des territoires conquis; 
les plans levés par eux, longlemps regardés comme 
des modèles, sont encore, en maints endroits, les 
seuls employés. 

Puisse, à cet égard, l'éclipse actuelle n'être que 
passagère et la France reprendre bientôt le poste 
d'avant-garde qu'elle n'aurait jamais dü quitter. 


Cu. LALLEMAND. 


278 


COSMOS 


5 SEPTEMBRE 19192 


SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 
Séance du 26 août 1912. 


PRÉSIDENCE DE M. BASSOT. 


Sur la mutation gemmaire culturale du 
Solanum tuberosum L. — M. Evovarn HECkEL a 
de nouveau cette année, après être parti de tuber- 
cules de Solanum Maglia et de S. tuberosum sau- 
vages, obtenu des récoltes de pommes de terre de 
culture (Solanum tuberosum L.). 

Les tubercules sauvages dont il a disposé ont été 
recueillis par le professeur Verne, de l’Université de 
Grenoble, en Bolivie, aux enviions de Viacha, au- 


dessus de La Paz, à 4 000 mètres d'altitude, le 24 juin 


1911, dans un terrain sablonneux, nu et au voisinage 
d'une mare d’eau, ainsi qu’au Pérou, en deux loca- 
lités : 1° à Amancaës, et 2° aux environs de Chorillos, 
au mont Morro-Solar, à 400 mètres d'altitude, le 
7 juillet, dans des creux couverts d’'éboulis grani- 
tiques. 

La culture fut faite à partir du 29 septembre 14911, 
d'après une technique qui se résume en une superfu- 
mure avec mélange des fumiers de ferme et de pou- 
lailler exclusivement, et donna, dès le mois de 
juin, des plantes à fleurs bleues et des fruits ovoïdes 
ct non sphériques, et au mois d’aoùt des tubercules 
comestibles. Cependant, seuls les tubercules recueillis 
à Viacha ont présenté une mutation complète. 


Sur immunisation active de Phomme contre 
la fièvre typhoïde. — M. H. VinxcexT emploie des 
cultures tyÿphiques polyvalentes stérilisées par l’éther. 
Il indique que cinq personnes vaccinées contre la 
fièvre typhoïde ont pu accidentellement avaler du 
bacille typhique: elles ont entièrement échappé à la 
fièvre typhoïde. L'un de ces sujets avail même avalé 
involontairement une quantité colossale de bacilles 
typhiques en aspirant une culture à l’aide d'une pipette. 
Il est connu que l'absorption de traces de culture est 
présque toujours positive et souvent mortelle; en effet, 
un centimetre cube de culture en bouillon renferme de 
4,0 à 1,5 milliard de bacilles; une goutte de culture du 
microbe pathogene renferme, en conséquence, une 
quantité de bacilles infiniment plus grande que celle 
qui serait contenue dans un verre d'eau de boisson 
profondément souillée. 

Le sujet en question s’est vacciné lui-même le len- 


demain contre la fièvre typhoïde, et il a échappé 
à l'infection. 


Conditions de transmission de la fièvre 
récurrente par le pou. — MM. CHances NicoLrer, 
L. BLaizor et E. CoxseiL ont poursuivi de longues et 
méthodiques expériences pour élucider cette question. 

Les spirilles du sang des malades absorbés par le 
pou subissent chez ce parasite des altérations immé- 
diates aboutissant en quelques heures à leur dispe- 
rition complète; cependant, cette disparition n'est 
qu'apparente; les spirilles persistent sous une forme 
invisible. Toutefois, la contamination par ces parasites 
est rare, et les auteurs ont pu constater l'innocuité 
des piqûres de poux infectés et celle de leurs crottes. 
Une personne, au cours de ces expériences, a subi 
6 515 piqüres de poux infectés et est restée indemne. 


La vitalité du bacille tuberculeux éprouvée 
par inoculation etparinhalation.— M.P. Cnarssé 
a trouvé que la vitalité des bacilles desséchés dans les 
conditions de l'appartement, à la température de 15° 
à 20° et à la lumière diffuse, éprouvée par inoculation, 
est égale à trente ou quarante jours au plus. Pendant 
l'hiver, à 10°-15°, elle atteint le cinquantième jour. 

Cette vitalité n’est que peu favorisée par l'obscurité 
complète. Mais elle décroit rapidement quand la tem- 
pérature augmente; dans l’étuve, à 37°, la virulence 
est totalement perdue en quinze jours, à raison, sans 
doute, de la dessiccation. : 

Mais, remarque intéressante, par inhalation, la con- 
tagion ne se réalise plus avec le virus de dix jours, 
mème à dose considérable; la vitalité du virus par 
inhalation est diminuée d'un tiers dès le premier jour. 
C’est que le bacille inhalé, arrivant dans le poumon 
par unités isolées, est assez aisément phagocyté. 

Conclusion pratique: la désinfection domiciliaire 
comme moyen prophylactique, laquelle soulève cer- 
taines difficultés d'exécution, peui avantageusement 
ètre remplacée par les prescriptions nécessaires à 
l'égard des expectorations. 


Sur la sommabilité d'une fonction dont la série de 
Fourier est donnée. Note de M. W.-H. Youxc. — Sur 
un rayonnement ionisant, attribuable au recul radio- 
actif, émis par le polonium. Note de MM. B. Brunt et 
L. WERTENSTEIN. — Sur l'acide benzylpyruvique. Note 
de M. J. BovcavLT. — De l'action excitante des alcalis 
et en particulier de l’ammoniaque, sur la peroxydase. 
Note de M. J. Wozrr. 





BIBLIOGRAPHIE 


Esquisse d’une philosophie de la nature, par 
M. ANDRÉ Joussaix. Un vol. in-16 de 200 pages 
(2,50 fr). Librairie Alcan, 108, boulevard Saint- 
Germain, Paris. 

Cette esquisse s'appuie, en ses fondements, sur 
les doctrines de Schopenhauer et de M. Bergson. 


Au premier, l’auteur emprunte l'idée du monde 
considéré comme volonté et représentation; au 
second, son hypothèse de la vie universelle envi- 
sagée sous la forme de la conscience. Et il fond les 
deux conceptions en une seule: « Représentation 
et volonté sont inséparables de la conscience. » 


N° 1441 


P. 18.) « La vie consciente de la plante n’est guère 
beaucoup plus claire pour nous que celle du miné- 
ral. » (P. 50.) 

À cette double parenté de doctrine, il faut encore 
ajouter une double alliance de la pensée de M. Jous- 
sain, avec le spinosisme et l’évolutionnisme. Celui- 
ci est nettement avoué par l’auteur; celui-là ne 
parait pas niable: « Eternel dans sa substance, 
toujours changeant dans ses phénomènes, l'univers 
évolue sans fin. » — « Tandis que tout organisme 
existe dans un milieu qui le limite, la nature, étant 
le tout, n'a rien en dehors d'elle qui la puisse 
limiter. » (P. 1492.) De ces indications ou citations, 
le lecteur conclura sans peine que l Esquisse d'une 
philosophie de la nature laisse beaucoup à désirer 
au point de vue de l’orthodoxie. 


Lamennais et ses correspondants inconnus, 
par M. An. RousseL. Un vol. in-16 de vui-456 pages 
(4 fr). Téqui, éditeur, 82, rue Bonaparte, Paris. 


M. Roussel continue son incessant labeur sur 
Lamennais et nous donne un nouveau volume qui 
contient quantité de lettres inédites ou publiées 
par lui en diverses revues, mais par séries. Ces 
lettres sont précédées, accompagnées ou suivies de 
notes instructives sur le contenu, les auteurs ou 
les destinataires de ces correspondances. Celles-ci 
sont celles échangées entre Lamennais d'une part 
et, d’autre part, son oncle des Saudrais, l’abbé 
Querret, principal du collège de Saint-Malo; l'abbé 
Caron, du diocèse d'Amiens; Dom Guéranger; l'abbé 
Marin, curé à Genève, et un laïque, M. de la Villéon. 
Le livre de M. Roussel ouvre des horizons incon- 
nus, croyons-nous, sur un certain nombre de points, 
. spécialement sur les rapports de Lamennais avec 
son oncle des Saudrais. Nous aurions voulu y trouver 
des appréciations plus impartiales sur l'abbé Rohr- 
bacher et sur Dom Guéranger et leur ultramonta- 
nisme. 


Les champignons d’après nature, parle D'Lava, 
préface du professeur ManGin. In-4° orné de 
6 planches en trichromie et de 40 planches en 
noir. (Broché, 15 francs; relié toile, 20 francs.) 
Ch. Delagrave, 15, rue Soufflot, Paris. 


Il est toujours assez dangereux de se nourrir de 
champignons cueillis dans les bois et dans les 
champs; même en ne ramassant que ceux qu’on 
croit connaître, une distraction peul avoir de graves 
conséquences. 

Toutefois, il ne manque pas de personnes qui 
aiment à faire leur cueillette de champignons; 
aussi leur indiquons-nous ce livre, qui leur per- 
mettra de reconnaitre avec süreté les espèces 
comestibles des plantes vénéneuses. Non seulement 
les espèces sont décrites avec le plus grand soin 


COSMOS 


279 


par un mycologue éprouvé, mais des reproductions 
photographiques très réussies et trois remarquables 
planches en couleurs ne laisseront planer aucun 
doute, chez ceux qui voudront consulter ce livre, 
sur les champignons qu’on peut consommer sans 
crainte et ceux qu’il est prudent d'éliminer. 


Le pilotage d’un aéroplane, par P. BANNET-RIVET 
et P. Leroux. Un vol. in-8° de 440 pages avec 
gravures (3,75 fr). Librairie Gauthier-Villars, 
Paris, 1912. 


Voici enfin un ouvrage sur l'aviation qui ne se 
contente pas de donner la théorie de l’aéroplane 
et la description d'appareils plus ou moins sem- 
blables les uns aux autres. Ici, les auteurs, laissant 
toute théorie de côté, ne s'occupent que de la pra- 
tique, et c'est ce qui fait l'intérêt très vif qu’on 
prend à la lecture de cet ouvrage. Comment sont 
disposées les commandes? Comment apprend-on 
à voler? Quelles sont les conditions indispensables 
qu'on doit exiger et de l’appareil et du futur pilote? 
Comment se dirige-t-on en l'air ? Comment doit-on se 
comporter au départ, pendant le vol, à l’atterris- 
sage? Autant de questions que peuvent se poser tous 
ceux qui s'intéressent à l'aviation, et qu'ils trou- 
veront exposées très clairement dans cet ouvrage. 


Les droits de l'enfant, par le D° Pauz Gonin. Un 
vol. in-16 de 280 pages (3,50 fr). A. Maloine, 
éditeur, 25, rue de l'Icole-de-Médecine, Paris. 


Ce sont les droits de l'enfant à une santé robuste 
que M. le D" Godin s'attache à défendre, en mon- 
trant aux familles quels sont les devoirs qu'elles 
ont à remplir. Son livre s'occupe donc avant tout 
de l’hygiène, et c’est de ce point de vue que l’auteur 
fait la critique de l'internat français et l'éloge des 
collèges anglais. Ce dernier éloge amène celui du 
peuple anglais qui serait, en matière d’énergie, 
bien au-dessus de nous : Cette appréciation est-elle 
juste? Le Maroc, le Centre africain, les airs sil- 
Jonnés par nos aviateurs ne nous montrent-ils pas 
des énergies qui n'ont rien à envier aux autres? 


Le Précurseur, ouvrage posthume, par PauLix 
Teste, conservateur-adjoint à la Bibliothèque 
nationale. Un vol. grand in-8° de 274 pages ({fr). 
Martinus Nijhoff, La Haye. 


Il y a trois tyrannies : celle des rois, celle des 
capitalistes, celle des prètres; le christianisme est 
mort; le socialisme universel, c'est l'ordre uni- 
versel; un être infini en tout n'est infini en rien: 
il n’y a pas d'être supérieur à l'homme : telles sont 
quelques-unes des nombreuses propositions du 
même genre, soutenues dans ce volume; elles en 
disent assez l'inspiration athée et antiscientifique 
pour qu'il soit inutile d'insister, 





280 


COSMOS 


A SEPTEMBRE 1912 


FORMULAIRE 


Le nettoyage du crêpe. — On croit générale- 
ment que le nettoyage du crèpe demande les soins 
d'un spécialiste, c'est une erreur; on peut très bien 
faire cette petite opération soi-même, etil en résulte 
une économie sensible. 


Enlevez d’abord la poussière avec une brosse 
douce, puis étendez le crèpe sur une table garnie, 
fixez-le avec des épingles, mais en prenant garde 
de ne pas trop le tendre. Vous trempez un vieux 
foulard de soie dans un mélange fait de moitié 
alcool et moitié eau. Vous tordez le foulard, puis 
l'étendez sur le crêpe. Vous prenez alors un fer 
à repasser très chaud et vous le promenez à un 
centimètre au-dessus dn foulard. 

Surtout prenez garde de ne pas le toucher. Sous 
l'action de la chaleur, le liquide s'évapore; quand 
le foulard est complètement sec, vous l’enlevez et 


finissez de sécher le crèpe au fer, mais toujours en 
le tenant à distance d’un centimètre au-dessus. 
(Inventions illustrées.) 


Les ustensiles de cave. — Le Moniteur vini- 
cole signale combien il peut être dangereux d'em- 
ployer sans discernement des vases métalliques 
dans la manipulation du vin, qu'il s'agisse de le 


mesurer, de le présenter sur les tables ou de l'em- 


magasiner. Le cuivre, le cuivre argenté ou l'argent 
devraient être seuls admis dans le matériel des 
caves; cependant le cuivre étamé peut être utilisé 
avec les précautions convenables. Le zinc doit être 
absolument exclu, car il forme avec la plupart des 
vins des sels solubles, qui, non seulement donnent 
un goùt métallique désagréable à cette boisson, 
mais de plus sont nettement toxiques même en 
petite quantité. 





PETITE CORRESPONDANCE 


Adresses: 

Le pyromètre Féry pour l'indu:trie est construit par 
la Compagnie pour la fabrication des compteurs et 
matérield'usines à gaz, 16 et 18, boulevard de Vaugirard. 

Le pyromôtre stellaire Féry est construit par 
M. Beaudouin, 31, rue Lhomond, Paris. 


M. G. de L., à H. — Le prix d’un poste de télégra- 
phie sans til pour yacht dépend de la puissance qu'on 
désire; il est donc impossible de vous fixer, même 
approximativement. 11 faudrait vous adresser à la 
Société française radioélectrique, 198, rue de la Boïtie, 
à la Compagnie générale radiotélégraphique, 63, bou- 
levard Haussmann, ou chez Ducretet et Roger, 75, rue 
Claude Bernard, tous à Paris. — Le pas géométrique 
était une mesure de longueur équivalant à 1,62 m. — 
Le Bureau Véritas, registre international de £lassifica- 
tion des navires, 8, place de la Bourse, Paris. Il sert 
à controler la construetion des navires et à vérilier si 
les règlements relatifs à cette construction sont 
observés. 

M. P. M. C., à J. de V. — Les deux groupes de six 
chiffres transmis par la tour Eille! (télégraphie sans 
fil) entre les signaux horaires et le télégramme métto- 
rologique sont des signes conventionnels et qu’on ne 
pourrait comprendre qu'à l’aide d’un code spécial. 

M.J. P., à P. — Ces béliers hydrauliques existent 
et donnent de bons résultats, surtout quand il s'agit 
d'élever une quantité d'eau pas trop considérable. 
Vous pourriez vous adresser à la maison Vidal-Beaume, 
56, avenue de la Reine, à Boulogne (Seine), oa chez 
Ernest Rcollie, Le Mans. 

M. P. de C. Z., à R. — Pour compléter notre réponse 
du dernier numéro, l'impérialite est l'invention du 
marquis fmpérioli, dont l'usine était à Montechiari, 
province de Brescia, en Italie. Cette usine vient d'rtre 
détruite par une explosion dans laquelle l'inventeur 
a trouvé la mort. 


M. le C“ de M., à L. — Fers à repasser, cuisine et 


chauffage électriques: établissements Parvillċe frères, 
56, rue de la Victoire; Goisot, 10, rue Bélidor; fers à 
souder électriques: Frédéric-Fouché, 38, rue des 
Écluses-Saint-Martin, tous à Paris. 


M. J. D., à F. — Nous ne connaissons, en fait de 
musées des missions, que le musée Kircher, à Rome, 
fondé, croyons-nous, au début du zvin’ siècle par les 
Pères Jésuites, et un autre à Turin, ouvert, il y a 
quatre ans environ, à la suite d'un Congrès de mics- 
sionnaires. — Pour le P. Beauchesne, nous n'avons 
aucun renscignement et ne savons où on pourrait en 
trouver. Il est d'ailleurs probable que vous auriez 
plus de chances d'être documenté utilement en vous : 
adressant à la procure des missions des Pères Jésuites. 
au collège Notre-Dame, Mouscron (Belgique). 


M. A. D.,à F. — Nous ne croyons pas qu'il existe 
en France d'ouvrage répondant à votre désir. Ce qui 
s'en rapproche le plus est: l'Aorticulture en Bel- 
gique, par C. Bazrer (6 fr). Librairie Horticole, 84 bis, 
rue de Grenelle, Paris. 


M. A. G.,h A. — Vous trouverez les indications 
utiles pour comprendre les dépèches météorologiques 
envoyées par la tour Eiffel dans le numéro 1390 
(16 sept. 1911), p. 309. À corriger une petite erreur 
de cette note : les observalions manquantes sont rem- 
placées par des lettres X et non par des chiffres 9. 


' M.J. L., à H. — Les tableaux sont de genres diffé- 
rents suivant les constructeurs; il faut vous adresser 
au vôtre pour avoir le schéma des connexions que 
vous demandez. Ou bien reportez-vous à un ouvrage 
d'électricité comme celui de RoseNserG : l'Electririlté 
industrielle (8,50 fr). Librairie Dunod et Pinat, 49, quai 
des Grands-Augustins, Paris. — Pour la lampe témoin, 
prendre une lampe de la plus faible intensité lumi- 
neuse, pour économiser le plus possible l'énergie 
électrique. 





Imprimerie P. Fenox-Vrau. 8 et B, rae Bayard, Paris, VIIe. 
Le gérant : R. PETITEENRT. 


No 1442 — 19 SEPTEMBRE 1919 COSMOS 281 


SOMMAIRE 


Tour du monde. Le minimum d'activité solaire. Augmentation séculaire de la pluie à Paris. Phénomènes 


électriques dans la région du Tchad. La catastrophe des mines de la Clarence. Le prix du radium. La géla- 
tine dans l'alimentation des prédisposés à la tuberculose et des phtisiques. Le ròle des huitres dans la 
propagation du choléra, Tabac et choléra. L’effeuillage de la vigne. Le Spitzberg, terre réservée. La lon- 
gueur des routes nationales. Nouvelle dénomination géographique. Relevé des plans par la photographie. 
Le tir contre les ballons dirigeables. Le record de l'altitude en aéroplane. Le gibier s’habitue aux aéro- 
planes. Bateau à fond de verre. Omnibus amphidromes. Le plus gros canon du monde, p. 281. 


Cent mille photographies par seconde, GnanExwirz, p. 286. — Résistance des filaments métalliques 


dans les ampoules à incandescence, Fnaxcis Mannr, p. 288. — Les éléments figurés du sang, 
AcLoque, p. 289. — Ce qu’on voit dans un escargot: une leçon d’observation, Coupix, p. 212. — 
Les grands travaux d'irrigation aux États-Unis, Beer, p. 293. — Le comportement des êtres 
vivants aux très basses températures, B. Larocun, p. 296. — La moutarde, G. LoucuErx, p. 299. — 
Les marrons d’Inde, Rousser, p. 302. — Sociétés savantes: Académie des sciences, p. 305. — Biblio- 


graphie, p. 306. 





TOUR DU MONDE 


ASTRONOMIE 


Le minimum d’activité solaire. — Le Soleil 
est encore dans un état de calme remarquable, 
mais il est probable que peu à peu son activité, 
marquée par une périodicité d'environ onze ans, 
va se réveiller et que nous ne tarderons plus à 
observer quelques belles taches et brillantes 
facules. 

Cependant, hémisphère austral vient de pré- 
senter, dans une région bien définie, une activité 
qui a ceci de spécial qu’elle s’est exercée dans 
la mème région pendant la longue durée de huit 
rotations solaires. (Bulletin de la Société astro- 
nomique de France, septembre.) 

Cette très remarquable région du Soleil est située 
entre les latitudes australes de 80 et 16°. 

La tache apparut la première fois sur le disque 
solaire le 24 novembre 1914, et, emportée par la 
rotation du globe solaire, elle disparut à l’autre 
bord du disque le 2 décembre 1941. En janvier et 
février 1912, calme complet. Mais, le 7 mars, au 
bord oriental du disque, apparut une assez belle 
tache que le Cosmos (n° 1420, t. LXVI, p. 393) 
signala à cette époque, et qui se présenta sensible- 


ment à la même latitude que la tache du mois de . 


novembre précédent. Cette mème tache est revenue 
au début du mois d'avril, et ensuite en mai; à 
chaque retour, elle se rapprochait un peu de l’équa- 
teur solaire. Elle était entourée de brillantes 
facules. 


MÉTÉOROLOGIE 


Augmentation séculaire de la pluie à Paris. 
— M. Camille Flammarion, dans l’Astronomie (sep- 
tembre), met sous nos yeux cette évidente con- 
statalion que la pluie à Paris va en augmentant 
depuis un ou deux siècles. 


T. LXVII. N° 1542. 


Voici la série abrégée des relevés pluviomé- 
triques: i 

HAUTEUR D'EAU 

ANNÉES Movenns :nnu-lle 

en millimètres. 
FOOT IL re nue, cotes dress 459,1 
RO ITR ES EET AEEA 415,2 
OL St E E E A des 494,1 
BOr sin EER EA 502,9 
INZA oai n Ea EAS kokas 007,0 
Bpa san aiey atei 923,2 
ATE E ee E E E 153,0 
BIP nr em ere NE, 


L'accroissement est manifeste. Peut-être sous 
Louis XIV et au xvut siècle, comme l'on ne mesu- 
rait l’eau que dans une cuvette située à 21 mètres 
au-dessous de la terrasse de l'Observatoire, duquel 
elle descendait par un long tuyau, les petites pluies 
ont pu passer inaperçues. Mais depuis 1804, et 
surtout sous l’attentive direction d’Arago, les 
observations ont été précises. Il ne parait donc 
pas douteux que la quantité d’eau de pluie tombée 
à Paris annuellement n’aille, irrégulièrement, en 
augmentant; elle a augmenté presque d’un sixième 
depuis 222 ans qu’on la mesure. 

A quelle cause attribuer cette augmentation de 
la pluie à Paris? On a invoqué les poussières, les 
fumées d'usines, dont le nombre s'acceroit ehaque 
année, ces poussières servant de novaux pour con- 
denser la vapeur d’eau. Comme ce cas devrait ètre 
encore plus manifeste à Londres, où il y a plus 
d'usines, plus de poussières, plus de brumes, 
M. Flammarion a demandé le mème relevé à 
l'Observatoire de Sreenwich. Eh bien! Londres ne 
confirme pas Paris; la pluie n'y va pas en aigmen- 
tant. Il faut donc chercher une autre explication. 

Phénomènes électriques dans la région 


du Tchad. — Le D° Gaillard, medecin major 
des troupes coloniales, membre de la mission 


282 


Niger-Tchad (novembre 1907 à juin 1908), a rendu 
compte, comme il suit, des constatations qu'il a 
faites, entre le Niger et le Tchad, au cours des 
années 4903, 1904, 1907 et 1908 : 

« Le 27 octobre 1908, vers 5"30" du soir, dans 
une obscurité appréciable, je quittai, dit-il, le 
campement de Guidimouni, me rendant à Kissam- 
bana, lorsque je constalai que le cheval qui précé- 
dait celui sur lequel j'étais monté, et que son 
palefrenier tenait en main, faisait jaillir de ses 
flancs, en les fouettant avec l'extrémité de sa queue, 
des aigreltes lumineuses. 

» J'ai constaté à N’Guigmi, en février 1908, la 
production de véritables élincelles électriques de 
quelques centimètres de longueur, suffisamment 
fortes pour donner une sensation désagréable au 
bout du doigt, en frottant d’un rapide passage, 
avec la pulpe des doigts, l’intérieur de la mousti- 
quaire tendue sur les montants du lit de campe- 
ment, l'observateur se trouvant lui-mème sur la 
literie-laine. On pouvait ainsi obtenir des étincelles 
crépitantes, sonores, deux, trois et même quatre 
fois sur la mème surface frottée, surtout si, au 
lieu de se servir des doigts, on frottait le tissu de 
la moustiquaire avec le cuir chevelu (cheveux ton- 
dus), en relevant le front d'un mouvement rapide, 
par exemple. 

» Ce phéncmène ma paru s'observer plus faci- 
lement dans les cases (de terre ou de paille) qu'en 
plein air. La lueur produite par ces élincelles mul- 
tiples était très appréciable et semblait éclairer 
tout le haut de la moustiquaire. » 

Le ‘7 septembre 1907, vers 930" du soir, se 
trouvant à Dungass, au sud de Zinder, M. Audoin 
a pu faire, en compagnie du capitaine Tilho et du 
capitaine Lauzanne, une observation très nette 
d'un phénomène lumineux consécutif à un coup 
de tonnerre. 

« Vers 9 heures, une tornade venant du Nord- 
Est s'était manifestée avec des caracteristiques 
habituelles : vent, pluie, éclairs, tonnerre. Nous 
étions d‘jà sortis de sa zone d'action et les coups 
de tonnerre étaient moins forts quand, subitement, 
presque aussitot après un éclair, j'entendis une 
véritable explosion constituée par une seule déto- 
nation assimilable à un coup de canon. 

» Je vis, en mème temps que je percevais la dé- 
tonation, une boule de feu paraissant descendre 
du ciel suivant une trajectoire verticale : une trai- 
née lumineuse, telle une corde qui eut soutenu la 
boule, apparaissait au-dessus de celle-ci. Celte 
trainee était dne, peut-èlre, à la persistance sur la 
rétine de l'impression produite par le globe de 
feu: cependant, la chute était relativement lente. » 


` 


(Astronomie.) 


MINES 


La catastrophe des mines de la Clarence. — 
Ce nous est une douloureuse tâche d'avoir à en- 


COSMOS 


12 SEPTEMBRE 1912 


registrer ici la terrible catastrophe qui, le 3 de ce 
mois, a fait soixante-quinze victimes aux mines de la 
Clarence. On a lu, dans les journaux quotidiens, les 
cruelles péripéties qui ont causé tant de deuils, 
mais qui ont aussi suscité d'admirables actes de 
courage et de dévouement. Parmi les victimes, on 
compte, en effet, plusicurs des sauveteurs qui 
s'étaient précipités au secours de leurs camarades, 
et parmi eux M. Dupont, un des ingénieurs de 
l'exploitation. 

Les mines de la Clarence, près de Béthune, sont 
grisouteuses, et ce n’est pas le premier accident dont 
on a eu à souffrir; mais le dernier dépasse en hor- 
reur tous ceux qui l'ont précédé. 

La catastrophe s’est produite dans l'étage qui 
est à près de 1000 mètres de profondeur, élage où 
déjà nombre de galeries avaient été murées par pré- 
caution. La première explosion produisit des ébou- 
lements qui suspendirent la ventilation, et alors 
d’autres explosions se succédèrent rapidement, 
entravant les efforts des sauveteurs cet faisant, 
parmi eux, de nouvelles victimes. Nos lecteurs 
auront un souvenir dans leurs prières pour lous ces 
braves gens, aussi bien pour ceux qui sont morts 
en remplissant leur tâche que pour ceux qui ont 
péri victimes de leur dévouement. 


PHYSIQUE 


Le prix du radium. — Les usines se sont mul- 
tipliées où l’on traite la pechblende, qui est, on le 
sait, le principal minerai de radium; on en extrait 
le radium à l'état de bromure, mais, depuis les 
expériences de M€ Curie, on est parvenu à isoler 
le radium métallique. 

Si l’on prend la radio-activité de urane comme 
unité, on peut obtenir, en arrètant lopéralion à 
un stade déterminé, toute une gamme de produits 
d'activités différentes; celle des résidus de pech- 
blende vaut 4 à ï; le gros traitement la fait monter 
à 60; le gros fractionnement l'amène à 4 000, et 
au laboratoire on arrive à obtenir des produits 
ayant une activité de 4 000 000. 

On opère sur une tonne de pechblende dont on 
a retiré l’urane; il faut pour ce traitement cinq 
tonnes de produits chimiques divers et cinquante 
tonnes d'eau. 

Ces résidus contiennent des sulfates de presque 
tous les métaux, y compris le radium; le traite- 
ment est basé sur la solubilité moindre du sulfate 
de radium. 

Toutes ces opérations sont faites à lusine. On 
continue le traitement au. laboratoire par une 
méthode analogue; on obtient finalement un bro- 
mure de radium, où le baryum ne figure plus qu'à 
l'état de traces. 

Une tonne de résidu donne finalement de { à 
2 décigrammes de bromure, dont l'activité est 
égale à 1 000 000. 


N° 1442 


Une tonne de résidu provient du traitement de 
trois tonnes de pechblende par six tonnes de pro- 
duits chimiques et cinquante tonnes d’eau de 
lavage. | 

Voici le prix de divers échantillons de radium, 
prix qui varie avec l’activité du produit, quoiqu'il 
ne Jui soit pas rigoureusement proportionnel. 


ACTIVITE Prix. 
Francs par gramme. 
OOO een ne Ma anse 2 500 
ADO enr nn na 5 000 
AD OO en ut at 10 000 
TOO O0 sn este ice 20 000 
DMO 000z sirae e R 100 000 


400 000 


MÉDECINE — HYGIÈNE 


La gélatine dans l’alimentation des prédis- 
posés à la tuberculose et des phtisiques. — Le 
professeur Albert Robin, dans un volume sur le 
traitement de la tuberculose qui vient de paraitre, 
insiste beaucoup sur l'emploi de la gélatine dans 
le traitement des prédisposés à la tuberculose et 
des phtisiques. 

La valeur alimentaire de la gélatine a été forte- 
ment discutée, et l’on s’accorde à reconnaitre 
qu'elle ne remplace pas les albuminoïdes dans 
alimentation, et qu'étant en majeure partie brûlée 
dans l'organisme, elle n’aide en rien à la reconsti- 
tution des tissus. Or, c'est précisément sur cette 
donnée biologique que M. Albert Robin base l’em- 
ploi thérapeutique de la gélatine. Puisque la géla- 
tine est détruite, elle protège les albuminoides 
constituants des tissus, diminue les pertes en corps 
gras et agit comme un véritable aliment d'épargne. 

Mais pour que le rôle d'épargne de la gélatine se 
produise, il faut qu'elle soit prise régulièrement, 
qu'elle soit bien tolérée et ne provoque pas de 
troubles digestifs. Or, malheureusement, la gélatine 
en nature est désagréable à ingérer et gåte le goùt 
des aliments auxquels on l’incorpore ; si bien puri- 
fiées qu’elles soient, les gélatines du commerce 
sont assez mal tolérées par l'estomac des tubercu- 
Jeux. Il faut donc user d'artifice. Aux malades 
peu fortunés, on peut recommander de faire du 
bouillon avec des parties de la viande ordinairement 
rejetées comme tendineuses, avec des os en quan- 
tité aussi grande que possible et beaucoup de 
légumes. On fait alors dissoudre la gélatine pen- 
dant la cuisson, et une partie du bouillon ainsi 
préparé pourra être ingérée à l’état chaud, tandis 
que le reste se prendra en masse au moment du 


refroidissement et formera une gelée savoureuse 


que le malade prendra facilement lors du repas 
suivant. Pour les malades de la classe aisée, on 
n'est pas embarrassé puisqu'il suffit de remplacer 
la gélatine commerciale par des aliments gelati- 
neux, tels que la tête de veau, les pieds de mou- 


COSMOS 


283 


ton ou de porc, le bouillon de pied de veau, les 
gelées de viande, les bavaroises, la gelée de fruits 
et de pommes en particulier, etc. On pourra donc 
faire ingérer facilement sous une forme agréable 
les 20 à 30 grammes de gélatine qui constituent la 
dose quotidienne d'épargne nécessaire. 

(Gazette des hôpitaux, 22 août.) 


Le rôle des huîtres dans la propagation du 
choléra (Gazette des hôpitaux, sept.).— M. Pin- 
zani, à la suite de recherches nombreuses prati- 
quées au laboratoire de bactériologie annexé à 
l'Office sanitaire du port de Naples, est arrivé aux 
conclusions suivantes : 

L'huitre, cultivée dans un vivier infecté par du 
vibrion cholérigène, conserve les vibrions spéci- 
fiques vivants dans ses tissus longtemps après 
qu'ils ont disparu de l’eau du vivier. D'après les 
expériences du N° Pinzani, les vibrions résisteraient 
plus de seize jours dans des huitres mises au sec, 
et douze jours si elles sont placées dans un vivier 
non infecté. Les mollusques ne semblent d'ailleurs 
éprouver aucun mal de la présence des vibrions 
spécifiques. 

Le pouvoir infectant des huitres cholérigènes 
réside en partie dans les vibrions qui souillent 
l’eau contenue entre les valves, mais il est dù sur- 
tout à ceux que les huitres conservent vivants 
dans certaines parties de leur corps. 

Si on enlève les huitres du vivier infecté et 
qu’on les place dans de l'eau pure, elles peuvent 
infecter celle-ci pour plusieurs jours, créant ainsi 
un nouveau véhicule pour le contage. 

li n’est pas démontré qu’à l'intérieur de lhuitre 
les vibrions subissent un processus de multiplica- 


tion ou une exaltation de leur virulence. 
& 


Tabacet choléra (Gasettedes hipitaux,Tsept.). 
— Le D" Wenck, professeur à l'Institut impérial de 
Berlin, vient de publier récemment un rapport sur 
les observations qu'il a faites au cours de l'épidé- 
mie cholérique de Hambourg, et ses conclusions 
seraient tout à fait favorables à l'action préserva- 
trice du tabac. 

C'est ainsi que dans l'épaisseur de cigares mani- 
pulés avec de l’eau contenant 1 500 000 bacilles 
virgules par centimètre cube, tous les microbes 
périrent en vingt-quatre heures, et l'examen de 
cigares fabriqués à Hambourg pendant l'épidémie 
montra qu'ils élaient absolument exempts de 
bacilles. 

Le D° Wenck put constater aussi que les mi- 
crobes du choléra meurent une demi-heure, une 


‘heure et deux heures après avoir été mis en contact 


avec de la lumée de tabacs provenant du Brésii, de 
Sumatra, de la Havane. La fumée de tabac tuerait 
d'ailleurs en cinq minutes les microbes cholèriques 
de la salive. Enfin, pas un ouvrier de la fabrique 
decigaresde Hambourgnefutatteint par l'épidémie. 


VITICULTURE 


L’effeuillage de la vigne. — L'’effeuillage de 
la vigne pour donner de l'air, de la lumière et sur- 
tout du soleil aux grappes est généralement pra- 
tiqué, non seulement dans les jardins, mais aussi 
dans les vignobles. Pour beaucoup de personnes, 
il est article de foi que l’on obtient ainsi une plus 
prompte maturité, une plus grande grosseur des 
grains et aussi des grappes plus sucrées. 

La question a paru douteuse à certains savants, 
et ils ont institué des expériences pour se rendre 
compte des résultats de la méthode. MM. Muntz 
et Trichereau ont établi que ce procédé diminuait 
la richesse alcoolique du vin et ne semblait pas 
présenter d'avantages d’un autre côté. 

M. Ravaz vient de reprendre ces expériences, et 
il n’est pas aussi pessimiste. Cette opération, con- 
duite avec la modération qu'on y met d’habitude, 
a été nuisible pour certaines espèces, indifférentes 
pour d’autres et utile pour quelques-unes; mais, 
en somme, l'effeuillage est plutôt utile à la qualité 
des produits. 

D'ailleurs, ses effets sont très différents, suivant 
la nature des cépages, et aussi suivant leur mode 
de culture ; les expériences de M.Ravaz ont démon- 
tré, en effet, que l'efficacité de l’effeuillage est liée 
intimement à la direction des rameaux et à la 
durée de la croissance. 


GÉOGRAPHIE 


Le Spitzberg, terre réservée. — Dans les 
négociations auxquelles donnent lieu en ce moment 
les compétitions sur les droits des différentes 
nations au Spitzberg, — discussions qui durent 
d’ailleurs depuis trois siècles — on parle d'établir 
en principe que cette terre sera un lieu privilégié 
pour les recherches scientifiques. Désormais, 
aucune terre ne pourrait être acquise dans l'ar- 
chipel que dans un but absolument scientifique ou 
humanitaire. 

Les établissements déjà existants pour l'exploita- 
lion des mines, des pècheries, etc., seraient soumis 
à une réglementation sévère assurant la conserva- 
lion de la flore et de la faune de ces régions. La 
chasse des renaids, des ours polaires, des morses, 
des rennes, serait interdite du 4° mai au 15 sep- 
tembre, ce qui, laissant à ces animaux le temps 
de se reproduire, aurait encore cet avantage d’éloi- 
gner les chasseurs amateurs, dont bien peu iraient 
affronter un hivernage dans les glaces pour satis- 
faire leurs gouts cynégétiques. 

Inutile de dire que la chasse de l’eider serait 
interdite en toute saison, et que l'emploi des poi- 
sons et des explosifs pour la pêche serait sévère- 
ment prohbibė. 

La longueur des routes nationales. — Les 
routes nalionales, en France, avaient, au {°° jan- 


COSMOS 


{2 SEPTEMBRE 1912 


vier 1910, une longueur de 38 311 464 mètres, soit 
environ {4 mètre par habitant. Pour l'Algérie, elles 
ont seulement 4497657 mètres, chiffre très supé- 
rieur à celui de l’année précédente. Enfin le dépar- 
tement où il y a la plus grande longueur de routes 
est la Corse, où le chiffre s'élève, à la même date, 
à 1132458 mètres. 


Nouvelle dénomination géographique. — 
Le cap Oriental, extrémité N.-E. de l'Asie, qui 
forme le côté N.-0. du détroit de Behring, une 
péninsule plutôt qu'un cap, mais qui était univer- 


‘ sellement connu sous ce nom depuis les travaux 


des premiers navigateurs, a changé de nom en 
1898. Par ordre de l'empereur de Russie, il a reçu 
le nom de cap Deshnef, en souvenir de l’explora- 
teur russe qui a parcouru ces terres. Depuis que la 
Russie s’est emparée des régions orientales de 
l'Asie, elle a rebaptisé une foule de points qui 
avaient déjà reçu d'autres noms donnés par les 
premiers explorateurs. La baie d’Anville, par 
exemple, et bien d'autres lieux, ont aussi perdu 
leur nom. 


Relevés des plans par la photographie. — 
Nous lisons dans le Scientific American que le 
premier emploi de la photographie panoramique, 
remplaçant la planchette pour le lever des plans, 
a été fait en 1911 par M. J.-W. Bagley, du Service 
géologique des États-Unis, en relevant un terri- 
toire de 160 milles carrés (410 kilomètres carrés) 
autour de Valdez (Alaska). Nous nous permettrons 
de faire remarquer que la méthode est quelque peu 
plus ancienne. Due aux travaux du colonel Lausse- 
dat, elle a été mise en usage de ce côté du monde 
il y a certainement plus de vingt ans. 


AÉRONAUTIQUE — AVIATION 


Le tir contre les ballons dirigeables. — Dans 
les prochaines manœuvres allemandes, on attachera 
une grande importance aux exercices de tir du canon 
spécial contre les dirigeables. Ce type de canon 
est monté sur une automobile blindée et permet 
un pointage rapide dans toutes directions. 

Il ne s’agit, jusqu'à présent, que de l’entraine- 
ment des pointeurs. Mais des lirs à balle ont été 
effectués dernièrement, sur la côte poméranienne, 
contre un ballon sphérique remorqué par un bateau 
à vapeur. Un canon du calibre de 65 millimètres 
a tiré à une hauteur de 7 500 mètres et à une dis- 
tance horizontale de 8 500 mètres. Un autre canon 
de 75 millimètres a lancé un obus à 6500 mètres 
de hauteur et à une distance de 9 000 mètres. Enfin 
un troisième canon, de 405 millimètres, envoya 
son projectile à 11 400 mètres de hauteur et 
143 700 mètres de portée horizontale. 


Le record de l’altitude en aéroplane. — 
L'année dernière, le 5 septembre 1911, à Dinard, 


N° 1442 


l’avialeur Roland Garros avait atteint l'altitude de 
4 250 mètres. Depuis lors, au meeting d'aviation de 
Vienne, l'aviateur Blaschte, emmenant un passa- 
ger, a atteint dans les airs l'altitude de 4260 mètres. 

Dans le but de ravir ce record à son confrère 
étranger, Garros s’élait, en ces derniers temps, 
entrainé aux grandes altitudes, en montant en 
ballon sphérique jusqu'à 6 000 mètres, avec, comme 
pilote, Alfred Leblanc, aussi bon aéronaute 
qu'excellent aviateur. $ 

Ainsi préparé, Garros a pris son essor de la plage 
d'Houlgate, le 6 septembre après midi, malgré un 
vent de tempète et un ciel chargé de nuages, pilo- 
tant un aéroplane monoplan muni d'un moteur 
Gnome de 100 chevaux; il avait à bord une bou- 
teille d'oxygène, pour respirer aux grandes alti- 
tudes. 

Après une heure de montée, il était à environ 
5 000 mètres (altitude non encore contrôlée par 
l’Aéro-Club); l'appareil était alors plongé dans un 
courant d’air très régulier et très rapide, plus 
rapide même que l’aéroplane, dont la vitesse dé- 
passe 100 kilomètres par heure, de sorte que l’avia- 
teur, qui pouvait apercevoir le sol à travers les 
nuages, se voyait dériver et perdait du terrain. La 
montée devenait d’ailleurs très lente, à raison de 
la perte de puissance du moteur dans l'air raréfié. 
La rupture d’une bielle du moteur vint interrompre 
l'essai, et l’aviateur, après une durée totale de vol 
d’une heure et un quart atterrissait en vol plané 
à Biéville-en-Auge, près de Crèvecœur, à 20 kilo- 
mètres au sud de son point de départ. 


Le gibier s’habitue aux aéroplanes, le 
gibier à plumes tout au moins, ce qui mettra fin, 
sans doute, aux conflits entre chasseurs et avia- 
teurs, conflits dont certains furent portés devant 
les tribunaux par des propriétaires ou usagers de 
chasses avoisinant des aérodromes. 

Depuis quelques années, en certaines régions, 
les chasseurs déploraient la rareté des cailles et 
des perdreaux; un inspecteur forestier en rechercha 
les causes et les indiqua dans un curieux rapport 
transmis au ministère de l'Agriculture; ces causes 
sont multiples, mais l'une d'elles mérite une men- 
tion spéciale. L'inspecteur constata, en effet, que 
cailles et perdreaux avaient déserté surtout les 
régions où se trouvent les aérodromes, mais que, 
d’ailleurs, après les premiers vols d’aéroplanes, ce 
gibier avait peu à peu repris ses quartiers. 

« Prudemment, dit l Eleveur, les perdreaux et 
les cailles avaient d’abord émigré, en présence des 
biplans et des monoplans qui pouvaient bien être 
de formidables oiseaux de proie. Et puis, les com- 
pagnies de perdreaux, le fait a été vérifié, avaient 
envoyé des éclaireurs aux aérodromes, et ces 
éclaireurs avaient parfaitement compris que les 
grands oiseaux de nos aviateurs n'étaient nulle- 
ment inquiétants. » 


COSMOS 


285 


Au dire de l’Aérophile, à Buc comme en Cham- 
pagne, le gibier est revenu, et il est aujourd’hui 
aussi abondant que partout ailleurs. 


VARIA 


Bateau à fond de verre. — La San Pedro 
Marine Construction C°, de Los Angeles (Californie), 
est en train de construire, au prix de 55 000 francs 
environ, pour la Meteor Boat C°, d'Avalon, un 
bateau à fond de verre de 32 mètres de long muni 
de deux moteurs de 100 chevaux. Ce bateau est le 
plus grand des bateaux de ce genre, dunt nous 
avons déjà jadis signalé l’ingéniosité. On sait que la 
disposition de ces bateaux permet aux excursion- 
nistes d'examiner, pendant leur promenade, toutes 
les richesses de la flore et de la faune marines des 
fonds merveilleux de la côte de Californie. Depuis 
plusieurs années, les Compagnies d'exploitation 
des bateaux à fond de verre employés notamment 
à Avalon, dans l'ile Santa-Calalina (cf. Cosmos. 
t. L, p. 225), et depuis en Floride, ont obtenu des 
résultats financiers excellents, et leur exemple ne 
tardera pas à être suivi dans tous les endroits où 
les eaux sont suffisamment claires. 

La construction de ces bateaux est extrèmement 
simple. Extérieurement, le bateau a l'aspect d’un 
bateau ordinaire d'excursion. A l’intérieur, dans 
l'axe du bateau, à l'avant et à l’arrière de la 
machine (à roues, dans l'espèce), règne une sorte 
de large puits rectangulaire dont les parois sont 
recouvertes de peinture noire pour absorber les 
réflexions lumineuses de l’eau. Le fond de ce puits 
est tout simplement fermé par une lame de verre 
d'environ 2 centimètres et demi d'épaisseur. On 
n'a jamais mentionné, jusqu’à présent, d'accident 
dù à la rupture de cette glace. La construction des 
parois de cette sorte de puits, analogue à celle 
d’un puits de dérive, donne toute la sécurité dési- 
rable. Un système de panneaux étanches, que l’on 
peut fixer rapidement sur le puits, augmente encore 
le coefficient de sécurité en cas de rupture. 


Omnibus amphidromes. — Certains quartiers 
de Londres sont, par l’étroitesse de leurs rues, 
interdits aux autobus qui, à leurs terminus, ne 
peuvent trouver l'espace suffisant pour tourner ct 
revenir sur leurs pas. On imagine de faire pour ces 
lignes des voitures marchant indifféremment dans 
les deux sens, comme certains tramways. La seule 
manœuvre à faire avec ces nouveaux véhicules se 
borne au transport du mécanicien d’un bout de la 
voiture à l’autre extrémité. 


Le plus gros canon du monde. — L'A{rmyy 
and Navy Journal annonce qu'on est en train de 
fondre des canons de 406 millimètres capabies de 
tirer, avec une charge d’explosifs de63 kilogrammes, 
des projectiles pesant 1080 kilogrammes à une 
distance de 26 kilomètres! 


COSMOS 


12 SEPTEMBRE 1912 


Cent mille photographies par seconde. 


La remarquable sensibilité des plaques photo- 
graphiques a permis de fixer des phénomènes d'une 
durée extrèmement courte, surtout en employant 





F1G. 1. — CINÉMATOGRAPHE BALISTIQUE. 


des étincelles électriques comme éclairage instan- 
tané à grande intensité, Comme ces étincelles ne 
durent qu'un temps excessivement court, elles 
donnent une image parfaitement nette des corps 
se déplaçant aux vitesses les plus grandes. 

M. Lucien Bull, à l'Institut Marey, a été le pre- 
mier à mettre au point une méthode cinématogra- 
phique permettant de décomposer les mouvements 
rapides en leurs phases et de les reconstituer sur 
un écran : 2000 étincelles par seconde produites par 
une bobine d'induction enregistrent le phénomène 
en une série d'images cinématographiques sur un 
film entourant un tambour. Un perfectionnement fut 
réalisé par M. Cranz, professeur à l’École militaire 
de Charloltenbourg, dont le cinématographe balis- 
tique permet de prendre 800 vues du même phéno- 
mène à la fréquence de 5 000 vues par seconde. Cet 
appareil est actionné par un alternateur à haute 
fréquence et une bobine d’induction à résonance. 
Le film entourant deux tambours se déplace à la 
vitesse maximum d'environ 420 mètres par seconde. 
. La fréquence des images n'est variable qu'entre 
certaines limites, l'appareil étant astreint à réa- 
liser la fréquence qui correspond à la résonance 
électrique. 

Le dernier progrès dans celte même voie est con- 
stitué par un appareil récemment soumis à la 
Société allemande de physique par MM. C. Cranz 
et B. Glatzel. A peu près indépendant de tout 


réglage de résonance, cet appareil permet de faire 
varier entre des limites bien plus larges la fré- 
quence des images, depuis des fréquences relative- 
ment lentes (de 200 vues par seconde) jusqu'à des 
fréquences de plus en plus élevées, pouvant aller 
jusqu'à 100 000 vues par seconde. Rien ne s'oppose 
du reste, si cela est utile, à ce qu'on dépasse cette 
limite supérieure actuelle. 

En consiruisant ce nouvel appareil, MM. Cravz 
et Glatzel ont voulu éliminer les inconvénients des 
méthodes antérieures (difficultés de variations de 
fréquence, insuffisance de l'énergie disponible et 
défauls d'isolement). Ils emploient, pour produire 
les étincelles électriques, des oscillations à haute 
fréquence engendrées, comme à l'ordinaire, par un 
éclateur amorti et un circuit oscillaloire relié à un 
circuit à courant conlinu. 

C, (fig. 1) est une capacité constituée par des 
condensateurs en mica, dont la capaciléest variable 
entre 25 000 et 600 000 centimètres. La self- 


| 


Sa 


Eg 
mena kaa 
D 2 Ea 
Er mg 
Eod e 
Dy 
Eed 
DE 


l 


j} 





| 


F1G. 2. — PISTOLET A CHARGEMENT AUTOMATIQUE. 


induction L,, très petite, fournit une impulsion de 
courant aussi approximativement apériodique que 
possible, dans le circuit primaire couplé au secon- 
daire, qui comporte la self-induction L, et la petite 
capacité C, (1800 centimètres). Des bobines plates, 
appliquées immédiatement l’une sur l’autre, servent 
à constituer les circuits primaire et secondaire, ce 


N° 1442 


qui assure un couplage aussi serré que possible. 
L'éclateur F, qui fournit les étincelles d'éclairage, 
est relié en parallèle à la capacilé: un miroir con- 
cave à faible distance focale projette une image de 
l'éclateur sur l'objectif photographique O, qui, à 
son tour, reproduit le mouvement ayant lieu en P, 
sur un film tournant enroulé sur un tambour de 
89 centimètres de diamètre, actionné à la vitesse 
maximum de 9000 tours par minule. La vitesse 
angulaire est déterminée par un tachymètre. 

La fréquence des impulsions traversant le pri- 
maire dépend de la capacité (à laquelle elle est 
directement proportionnelle), de l'intensité de cou- 
rant continu et de la distance explosive de l’écla- 
teur amorti qui se règle au moyen d'un micro- 
mètre. La tension du courant continu étant d'en- 
viron 700 volts, la fréquence des impulsions pri- 
mairesestfacilementréglée à une valeur quelconque. 

En disposant le secondaire, on s'est attaché à 


ZA 
a 


: 


f E 


ka 


a 


R> £! 
E tæ 


| 
1 


| Er 
i 
y 
; 2 - 
i L 
E 
M E 
f » 
i 
FF 


hae 





F1G. 3. — LA BALLE TRAVERSE ET ÉCRASE LE BOIS. 


réduire suffisamment l’inertie de l’éclateur pour 
produire des instantanés bien nets sur le film 
tournant, même aux fréquences les plus élevées 
(100 000 vues par seconde). MM. Cranz et Glatzel 
se servent d'un éclateur à air soufflé par un fort 
courant d'air. Les électrodes de magnésium, qui, à 
raison de leurs effets photographiques si intenses, 


COSMOS 


287 


auraient présenté des avantages, ont dû, à cause 
de leur amortissement insuffisant, être remplacées 
par des électrodes en cuivre. 

Cetle méthode a été appliquée à l’enregistre- 
ment de toutes sortes de processus balistiques aussi 
bien que physiques. C’est ainsi qu'on a fixé les phé- 





m 


d (40000). 





Ca (66600) = b (72000) 


FIG. 4. — GAZ ET BALLE VONT CHACUN A SA VITESSE, 
nomènes balistiques d’un pistolet à chargement 
automatique pour une vitesse initiale d'environ 
280 mètres par seconde, la détente étant déclan- 
chée fpar un dispositif électro-magnétique. Les 
figures 2, a, b, c, reproduisent des inscriptions 
pareilles, faites à la fréquence d'environ 10000 étin- 
celles par seconde; elles représentent le fonction- 
nement de la fermeture du pistolet et surtout 
Pévacuatión des douilles. A la figure 3 (prise à la 
fréquence de 6400 étincelles par seconde), un 
morceau de bois disposé à l'embouchure du pis- 
tolet a été écrasé progressivement pendant le tir. 
L'écrasement, chose remarquable, procède bien 
plus lentement et se continue longtemps après que 
le projectile a quitté le bois. 

La figure 4 représente les inscriptions balistiques 
faites à différentes fréquences (56 600, 72 000 et 
92 200 étincelles par seconde). Sous la pression 
énorme, une partie des gaz de poudre quittent le 
canon avant le projectile, suivi par la grande 
masse de ces gaz et qui ne sort qu'après un certain 
temps. On reconnait distinctement les différences 
de vitesse de propagation des gaz de poudre et du 
projectile. 


288 COSMOS 12 SEPTEMBRE 1912 


la fréquence de 8 400 étincelles par seconde. 

Les figures 6, a, b, c, représentent enfin, par 
voie cinématographique, un processus comparûti- 
vement lent, à savoir la chute d'une goutte, à la 


Cette méthode servira à élucider de nombreux 
problèmes concernant le fonctionnement des armes 
à feu portatives, détermination du recul, perce- 
ment des plaques de blindage, etc. 


La figure 5 représente le percement d’un tube 
de plomb rempli d'eau qui comporte à son côté 





Lil 





| 


CR | f 1144 


: 
| 
Lg 









DEU CTER 


F1G. 5. — LA BALLE FAIT JAILLIR L'EAU DU TUBE. 

supérieur un nombre très grand de trous à travers 
lesquels l’eau s'échappe; ses extrémités sont fer- 
mées par des membranes de caoutchouc. Les jets 
d'eau qui en sortent représentent d'une façon sai- 
sissante la propagation des pressions à l'entrée du 
projectile dans l’eau. Ces images ont été prises à 


FETES 


ka CAR a 





FG. 6. — LA CHUTE D'UNE GOUTTE DE LIQUIDE, 


fréquence bien plus faible d'environ 250 vues par 
seconde. Ce n’est qu’un exemple destiné à montrer 
avec quelle facilité les processus physiques se repro- 
duisent, grâce à cette méthode,dans leurs différentes 
phases. 

D° ALFRED GRADENWITZ. 





Résistance des filaments métalliques dans les ampoules à incandescence. 


L'expérience est faite désormais de l’économie 
considérable que permet de réaliser l’emploi des 
tilaments métalliques dans les ampoules à incan- 
descence : cette économie résulte de la diminution 
d'énergie consommée qui est, dans certains cas 
très favorables, inférieure de 75 pour 100 à celle 
que consomment les lampes à charbon pour pro- 
duire un éclairement d’égale intensité. 

Toutefois, l'emploi de ces ampoules à filament 


de métal s'est trouvé grandement entravé par leur 
fragilité même qui, trop souvent, ne leur permet 
pas de supporter des trépidations du genre de celles 
qui se produisent continuellement dans certaines 
usines, à bord des navires à vapeur, dans les tram- 
ways et dans les wagons des trains en marche. 
Des ruptures se produisent fréquemment aux points 
de soudure, car la difficulté technique d'obtenir 
des fils suffisamment longs avec les mélaux peu 


No 1122 


malléables qui sont couramment employés oblige 
à fixer bout à bout un certain nombre de brins 
solidarisés par une soudure ou une brasure aussi 
soignée que possible. Mais il est rare que les jonc- 
tions ainsi réalisées soient parfaites, et les rupturés 
fréquentes à leur niveau indiquent bien que 
l'homogénéité désirable n’est pas toujours réalisée 
dans les zones de liaison. Cependant, grâce aux 
progrès réalisés dans le pressage et l'étirage des 
filaments — de ceux de tungstène notamment, — 
on a vu récemment s’accroitre dans une proportion 
notable la résistance au choc qui caractérise les 
lampes modernes à incandescence. : 

Il n’en reste pas moins qu'il est très important 
de pouvoir mesurer de façon précise cette résis- 
tance par des essais effectués préalablement à la 
mise en service des lampes, car ces essais per- 
mettent, non seulement de suivre les progrès réa- 
lisés dans la fabrication, mais surtout de dégager 
par comparaison ce qu'on pourrait appeler les 
influences pernicieuses et les conditions favorables. 
Jusqu'ici, la méthode communément employée 
pour ces essais consistait à suspendre la lampe au 
ras du bord inférieur d’un plan incliné et à faire 
arriver sur elle une petite bille de plomb revêtue 
de caoutchouc. Connaissant l'inclinaison du plan 
(80 pour 400), le poids de la bille (12 grammes) et 
la distance que celle-ci avait parcourue avant de 
heurter la lampe, distance qu’on augmentait pro- 
gressivement jusqu'à obtention de la rupture du 
filament, on calculait la force vive nécessaire pour 
produire cette rupture. Néanmoins, si, les condi- 
tions de l'essai restant les mêmes, ce système don- 
naitd’excellentes indications sur la valeur comparée 
des résistances des diverses lampes, il ne permet- 
trait pas d’avoir la mesure exacte de ces résistances. 

Aussi divers chercheurs se sont-ils ingéniés 
à combiner un dispositif capable de donner des 
indications plus conformes au but poursuivi. C'est 
ainsi que M. E. Legrand a imaginé un appareil qui 
constitue une solution élégante du problème. Il 
comprend essentiellement une table de chocs, faite 
d'une planchette très faiblement inclinée et fixée 


COSMOS 


289 


par l’un des côtés à un axe, tandis que l'extrémité 
opposée porte sur une came qu’un minuscule mo- 
teur électrique anime d’un mouvement de rotation. 
Dans son mouvement, la came soulève la plan- 
chette, qu'un ressort en spirale, réglable, fait choir 
ensuite d'une hauteur constante en soumettant la 
lampe à un choc de puissance connue. Dans l'ap- 
pareil en action, la lampe est ainsi soumise à un 
certain nombre de chocs correspondant à une force 
donnée, puis, automatiquement, cette force est 
subitement augmentée et s'exerce le même nombre 
de fois sur la lampe, et ainsi de suite jusqu’au 
moment où se produit la rupture du filament mé- 
tallique. Or, par l'intermédiaire d’un relais et de 
frotteurs spécialement aménagés, la lampe est, 
à chaque tour, mise une fois en circuit sur le cou- 
rant qui alimente le moteur, en sorte que la rup- 
ture du filament entraine automatiquement le 
déclanchement du relaiset l’arrét du moteur. Il n’y 
a plus qu’à lire sur le compteur le nombre de tours 
effectués à ce moment. On en déduit facilement la 
mesure de la résistance de la lampe, car on con- 
nait le nombre n de chaque série de chocs supportés 
avec des forces dont l'accroissement est constant; 
l'appareil est, en effet, réglé pour que 
F — F = FE" — EF = FKF” — F”, etc. 

Le compteur ayant indiqué N tours, N :n 
donne le nombre de forces qui se sont exercées 
n fois sur la lampe, 3, par exemple ; il reste 
un nombre de tours n'<n, qui est donné dans 
l'exemple choisi par N = 3 n + n', équation qui 
indique combien de fois s’est exercée la quatrième 
force avant de provoquer la rupture, en sorte que 
la mesure de la résistance de la lampe est 

R=n(EF 4E +E) +F”, 
équation dans laquelle, étant connus n, n', F d'une 
part, et, de l’autre, la raison de la progression des 
forces a = F' — F = F” — F', etc., rien nest plus 
simple que d'avoir la mesure exacte cherchée. 

Cet appareil a déjà permis de faire des constata- 
tions intéressantes dont profiteront certainement 
les constructeurs pour améliorer leur fabrication. 

Francis MARRE. 





Les éléments figurés du sang. 


I. — Les 


On a pu, sans s'éloigner sensiblement de la 
réalité, considérer le sang comme un véritable 
tissu formé de cellules isolées et libres, laissant 
entre elles des interstices remplis par une substance 
liquide. Cette substance liquide constitue le plasma 
sanguin; les cellules qu'elle relie et véhicule sont 
des éléments figurés de deux sortes, les hématies 
ou globules rouges, et les leucocytes ou globules 
blancs. 


hématies. 


Les histologistes modernes tendent à considérer 
les hématies comme des cellules âgées et ayant 
presque achevé leur évolution: cette opinion s’ap- 
puie sur le fait que les globules rouges ne ren- 
ferment pas de noyau, ce qui implique l'inaptitude 
à la division, et contiennent une matière colorante, 
particularité qui caractérise fréquemment les 
vieilles cellules. 

Toutefois, ce fait n’est rigoureusement exact que 


290 


pour les mammifères déjà sortis de l'enfance. Dans 
cette catégorie zoologique, en effet, l'existence d’un 
noyau à l’intérieur de chaque hématie est constante 
durant la vie embryonnaire et aussi parfois pen- 
dant le jeune âge. Dans tous les autres vertébrés, 
les globules rouges renferment toujours un noyau 
aux différentes périodes de l'existence. 

Les hématies sont formées d’une fine membrane 
d’enveloppe, très élastique, contenant un proto- 
plasma que l’on appelle quelquefois du nom spé- 
cial de globuline; celte globuline est imprégnée 
d'une matière colorante parliculière, l’Aémoglo- 
bine, qui en constitue la partie active par le rôle 
important qu’elle doit jouer dans l’acte chimique 
de la revivification du sang. La globuline ren- 
ferme, en outre, à l’état de dissolution, des sels de 
potasse. 


Vues en masse, les hématies offrent une couleur 
rouge; isolées sous le microscope, elles sont d'un 
vert grisätre. Elles ont chez l’homme la forme de 
disques renflés au bord, déprimés au centre : ce 
sont des globules biconcaves; de face, leur silhouette 
est circulaire. 

Cette forme des globules rouges humains se 
retrouve dans les éléments analogues de tous les 
mammifères, à l'exception des camélidés (chameau, 
dromadaire, lama), où ils sont elliptiques et renflés 
au milieu, c'est-à-dire biconveres. Les dimensions 
des globules rouges varient sensiblement suivant 
les espèces. Les plus petits ont été constates chez 
le chevrotin porte-musc, où ils ne mesurent que 
2 y (2 millièmes de millimètre); ceux du cheval et 
du bœuf ont 5 4 de diamètre, ceux de l’homme 7 y 
(avec une épaisseur au milieu d'environ 2 u), ceux 
de l'éléphant 9 u. En règle générale, ils sont d'au- 
tant plus petits et par suite plus nombreux que le 
mammifère possède une aptitude à la course plus 
développée, et est doué, par conséquent, d’une 
activité respiratoire plus intense. 

Chez les oiseaux, les poissons, les batraciens, les 
reptiles, les hématies sont elliptiques et biconvexes 
comme celles des camélidés, avec la différence 
qu’elles ont un noyau et sont ainsi des cellules 
complètes. Les globules rouges des oiseaux sont 
environ deux ou trois fois plus volumineux que 
ceux des mammifères. C’est chez les batraciens 
qu’on observe les plus gros : ceux de la grenouille 
atteignent 50 u, ceux d'une espèce des lacs souter- 
rains de la Dalmatie, le protée, mesurent 75 u et 
sont, par conséquent, isolément visibles à l’œil nu. 

L'élasticité de la membrane d’enveloppe des 


hématies a pour but de leur permettre de se. 


déformer, de s’élirer lorsqu'elles ont à franchir 
des vaisseaux d’un calibre très étroit; rendues à 
la liberté dans un vaisseau plus large, elles 
reprennent instantanément leur forme normale. 
On en compte chez l'homme environ 5 millions 
par millimètre cube de sang; cette proportion 


COSMOS 


12 SEPTEMBRE 1912 


diminue dans les maladies qui engendrent l’anémie ; 
elle peut s’'accroitre notablement dans certaines 
conditions physiologiques, par exemple par le fait 
d’un séjour prolongé sur les hautes montagnes. Sur 
les plateaux du Pérou, à 4 000 mètres d'altitude, 
leur nombre s'élève à 8 millions par millimètre 
cube de sang. 

La couleur rouge que revêtent les hémauties vues 
en masse est due à la présence de l’hémoglobine, 
substance colorante de composition chimique très 
complexe, de nature albuminoïde, et qui imprègne 
uniformément, à l’état de solution, le protoplasma 
de l'hématie. L’hémoglobine des globules rouges 
du chien a été analysée; sa composition répond 
approximativement à la formule : 

C'°8H12034z195S3Fe0?18, 

Un litre de sang humain renferme environ 
430 grammes d’hémoglobine, soit 650 grammes de 
cette substance pour la totalité du sang d'un 
homme normal. L'analyse spectrale décèle dans 
l'hémoglobine des traces de la plupart des métaux, 
le fer y étant d’ailleurs de beaucoup en plus forte 
proportion (0,5 g par 150 grammes d'hémoglobine, 
soit 3 grammes pour tout le corps). Dans l'eau 
pure, les hématies cèdent presque instantanément 
leur hémoglobine au liquide et perdent leur cou- 
leur; mais dans l’eau salée à 7 pour 4 000 (sérum 
artificiel, solution de chlorure de sodium approxi- 
mativement isotonique à l'eau de mer ou au 





F1G. 1. — HÉMATIES HUMAINES 


(de face et de profil). 


plasma sanguin), elles ne subissent pas d’altéra- 
tion. 

Le rôle biologique de l’hémoglobine est sous la 
dépendance de ses affinités chimiques, dont la prin- 
cipale, et celle qui lui permet de remplir sa desti- 
nation essentielle, est son avidité à l'égard de 
l'oxygène. C'est cette avidité qui entre en jeu pour 
la revivification du sang dans l'acte respiratoire ; 


N° 1%%2 


il y a tout lieu de supposer qu'elle s'exerce par le 
fer dont l’hémoglobine contient une forte propor- 
tion. 

Au contact de l’air pénétrant dans les poumons 
lors de l'inspiration, ce fer fixe l’oxygène, d'où la 
production d'oxyde ferrique (Fe?9*). Le composé 
organique, très instable, réalisé par la combinai- 
son de l'oxygène avec l’hémoglobine a reçu le 
nom d'oxyhémoglobine; c'est lui qui est chargé de 
fournir aux tissus du corps l’oxygène nécessaire à 
leurs oxydations, et il est charrié jusque dans léürs 
plus intimes profondeurs par le cours du sang. 

Ces tissus renferment des substances carbonées, 
comme les graisses, les sucres, ayant une grande 
affinité pour l'oxygène, dont elles ont besoin pour 
leur combustion; l’oxyhémoglobine, circulant dans 
les capillaires à l’intérieur des globules rouges qui 
la contiennent, cède progressivement son oxygène 





F1G. 2. — HÉMATIES ANIMALES 


(a, de chameau ; b, de pigeon; c, de grenouille). 


à ces substances et s'empare d'une partie de 
l’'anhydride carbonique résultant de leur oxyda- 
tion, c’est-à-dire de la combinaison de leur carbone 
avec l'oxygène. L'hémoglobine désoxygénée, et 
plus ou moins chargée d’anhydride carbonique 
(carbo-hémoglobine), est renvoyée aux poumons, 
où elle renouvelle, aux dépens de l’air atmosphé- 
rique, sa provision d'oxygène. 

Les globules rouges, par leur hémoglobine, ont 
donc pour mission de véhiculer l’oxygène en tous 
les points du corps. L’hémoglobine, si avide de ce 
gaz vivifiant, témoigne d’une plus grande affinité 
encore pour l’oxyde de carbone ; lorsque les poumons 
absorbent de ce gaz, il forme, avec l'hémoglobine 
des hématies, un composé, l’hémoglobine oxycar- 
bonée, non plus instable comme l’oxyhémoglobine, 
mais éminemment fixe. L’hémoglobine, ainsi asso- 
ciée avec l'oxyde de carbone, n’est plus propre à 
absorber l'oxygène, et 12 sang ne peut plus être 


COSMOS 


291 


régénéré à son passage dans les poumons : la con- 
séquence est l'asphyxie. 

Isolée du sang, l'hémoglobine précipite sous 
forme de cristaux de configuration variée, mais 
sensiblement constante pour chaque espèce. Chez 
l'homme, ces cristaux d'hémoglobine revêtent 
l'aspect de petits prismes à section rectangulaire, 
en aiguilles étroites ou en tablettes plus larges. 





FıG. 3. — CRISTAUX D'HÉMOGLOBINE HUMAINE. 


Pour les obtenir, on centrifuge le sang, afin de 
séparer les hématies du plasma; puis ces hématies 
sont traitées par l’éther, qui s'empare de l’hémoglo- 
bine ; les cristaux se déposent par évaporation de 
la solution. On peut encore traiter le sang par la 
moitié de son volume d’alcool à 95°; dans les deux 
cas, il faut opérer dans la glace, l'hémoglobine se 
décomposant très rapidement dans l’air dès que la 
température s'élève au-dessus de 0°. L'hémoglo- 
bine cristallise spontanément dans le sang frais 
conservé en récipient stérilisé. 

L'hémoglobine offre, au point de vue physiolo- 
gique, des analogies avec la chlorophylle des 
plantes : dans les deux cas, on se trouve en pré- 
sence d’une substance pigmentaire dont les pro- 
priétés chimiques jouent un rôle essentiel dans la 
nutrition de l'être vivant. De même qu'il y a des 
chlorophylles diverses, il y a aussi sans doute un 
grand nombre d'hémoglobines. Elles diffèrent 
entre elles par la forme des cristaux ; cependant, 
leur unité biologique est décelée par l'identité de 
leur spectre d'absorption. 

Chez les invertébrés, on ne trouve pas d’héma- 
ties, et on peut se demander comment ces animaux 
fixent l'oxygène nécessaire à leur respiration; le 


problème trouve sa solution dans le fait que leur 
sang contient toujours, non plus combinés avec le 
protoplasma de globules particuliers, mais en dise 


solution, des pigments aptes à absorber l’oxygène 
et remplissant le rôle de l'hémoglobine. 


292 


Dans certaines espèces, comme le lombric, la 


sangsue, le pigment dissous est une véritable hémo-. 


globine, et le sang est rouge. Ailleurs, le pigment 
fixateur est vert ou brun; ailleurs encore (chez les 
mollusques, les arthropodes), il est incolore, mais 
il devient bleuâtre en s’oxydant : c'est, en ce cas, 
une hémoglobine renfermant du cuivre au lieu de 
fer, et on lui a donné le nom spécial d’hémocrya- 
nine. 

Dans le sang extrait des vaisseaux et exposé à 
lair libre, l’hémoglobine s’altère en s'oxydant, 
perd son fer et laisse déposer des cristaux orangés 





COSMOS 


12 SEPTEMBRE 19192 


d'hkématoidine, substance chimiquement identique 
avec la matière colorante de la bile. On a constaté 
que le sang contient toujours moins de globules 
rouges quand il sort de la rate ou du foie que 
lorsqu'il y entre; les hématies sont donc détruites, 
par phagocytose, dans les capillaires de ces deux 
organes. L'hémoglobine des hématies détruites cède 
son fer, sous forme de dépôt ocre, au foie et à la 
rate; quant à l’hématoidine qui résulte de sa 
décomposition, elle entrerait dans la composition 
de Ta bile. 
A. ACLOQUE. 


Ce qu'on voit dans un escargot : une leçon d'observation. 


Les escargots abondent dans les campagnes, où 
l'on n’a pour ainsi dire qu'à se baisser pour en 
trouver. Lorsqu'il vient de pleuvoir, ils se mettent 
en marche et rampent soit sur la terre, soit dans 
les buissons. Quand il fait sec, au contraire, ils 
restent immobiles, enfermés dans leur coquille et 
collés contre les murs, sous les pierres, dansdivers 
creux, généralement dans des endroits plus ou 
moins abrités. I] y en a de plusieurs espèces, mais 
toutes sont bonnes pour l'étude et ne diffèrent que 
pur la couleur de Ja coquille. Les espèces les plus 
communes sont: 1° l'escargot des cignes, à coquille 
très brune avec de larges taches noires mal limi- 
tées: cest de beaucoup le plus commun, celui 
que l’on mange souvent; 2 l'escargot de Bour- 
gogne, plus rare et plus clair que le précédent, 
remarquable par sa grande taille; de mème que le 
précédent, on le vend dans les marchés, mais il 
est sensiblement plus cher et plus estimé; 3° l'es- 
cargot des bois, plus petit que les précédents et 
facilement reconnaissable à sa coquille, tantôt 
rose, tantôt jaune, parcourue par des lignes noires 
quien suivent les tours de spires; il est très commun 
dans les polagers. Dans ce qui va suivre, nous 
aurons plutot en vue l'escargot des vignes; mais, 
nous le répétons, la constitution des autres est 
exactement la mème. 

Si l’on a récolté les escargots par un temps 
humide, ils rampent sans cesse; s'ils ont été récoltés 
par un temps sec, ils restent souvent enfermés 
dans leur coquille : pour les obliger à en sortir et 
à ramper, il sullit de les mettre sur une table, de 
maniere que l'orifice de la coquille soit en haut, et 
de les laïsser en repos. On ne tarde pas à voir 
l'animal se déployer pour sortir de cette position 
qui lui esi déplaisante. On peut, d’ailleurs, activer 
cette sortie en déposant sur son corps contraclé 
une ou deux gouttes d'eau qui lui font croire 
à l'arrivée de la pluie, ce dont il tressaille de joie. 

Examinons un escargot en train de ramper. 

On voit de suite que l’animal se compose de 


trois parties, d’ailleurs réunies, mais dont nous 
parlerons successivement pour faciliter les de- 
scriptions : 

4° Une partie située en dehors de la coquille, 
c'est-à-dire la partie la plus visible du corps pro- 
prement dit de l'animal; 

2° La coquille; 

30 Une partie située en dedans de la coquille 
(vulgairement appelée fortillon). 

Examinons successivement ces trois parties. 

La première, examinée sur le dos, se montre 
recouverte d’une peau molle de couleur noire ou 
grisâtre, très « chagrinée », c’est-à-dire toute par- 
semée de sortes de petites verrues irrégulières, 
un peu allongées dans le même sens que le corps. 
Juste au milieu du dos, dans toute sa longueur, 
une série de verrues placées à la file les unes des 
autres forment une ligne médiane. 

Sur le ventre, l'aspect est tout différent: c’est 
une large lame, de couleur plus claire que le dos, 
à surface très mamelonnée, mais sans verrues et 
de forme changeante; elle est également très 
humide. 

Le dos et le ventre, quoique étroitement unis, 
représentent deux parties très différentes : le dos 
contient les organes utiles à la vie de l'animal: 
c'est le corps proprement dit. Le ventre, au con- 
traire, est une lame musculaire qui ne sert qu'à la 
locomotion; les naturalistes lui ont donné le nom 
de pied. 

Dans presque toute sa longueur, comme nous 
venons de le dire, le pied est étroitement uni au 
corps. Ce n'est qu’en arrière que les deux parties 
se séparent; cela est très visible quand l'animal 
rampe; le corps proprement dit pénètre dans la 
coquille, pour former le tortillon, tandis que le 
pied se termine en pointe. 

De la série d'observations que nous venons de 
consigner, on peut déjà appeler l'attention sur les 
suivantes : 

40 Le corps de l’escargot est mou; 


No 41142 


2 Il n'est pas recouvert d'une carapace comme 
les insectes, les écrevisses, les homards, etc. ; 

3° Il n'a pas de pattes analogues à celles des 
insectes ; 

4° Il possède une coquille. 

Tous ces caractères définissent, en grande partie, 
l’'embranchement des mollusques (c’est-à-dire 
« animaux mous ») auquel appartient l’escargot. 

De plus, nous avons constaté que le pied était 
attaché par presque toute sa surface au ventre de 
l'animal ; l’escargot semble donc réellement ramper 
sur son ventre: c'est, comme l'on dit, un gastéro- 
pode, mot provenant de deux mots grecs, yastńp, 
ventre; moÿc, : où6s, pied. 

Avant de quitter cette partie de l'animal, il faut 
un peu insister sur le liquide qui l'imbibe, liquide 
que les zoologistes appellent du mucus. Tout l'es- 
cargot en est imbibé et en a une grande quantité 
à sa disposition. Pour le constater, on l'oblige 
à se contracter et à rentrer dans sa coquille, ce qui 
est facile en le touchant. Quand il y est rentré, on 
continue à l’agacer avec un petit bout de bois. Il 
continue alors à se contracter, ce qui ne semble pas 
lui plaire : comme disent les enfants, il «se met en 
colère »; on le voit expulser une grande quantité 
de mucus, d’abord clair, puis jaune verdâtre, for- 
mant des bulles; l’air de celles-ci provient de l’air 
du poumon que l'animal cherche également à 
expulser pour diminuer son volume : il espère de 
la sorte rentrer plus profondément dans sa coquille 
et se mettre à l’abri de son ennemi. 

Quand l'animal rampe, il laisse derrière lui une 
trainée claire, très brillante, que tout le monde 
a remarquée; cetle trainée est produite par du 
mucus, sa « bave », comme l'on dit vulgairement, 
que l'animal abandonne au fur et à mesure sur 
son chemin. Cette bave ne tarde pas à se dessécher 
en une mince lame qui, en raison de sa faible 
épaisseur, se colore souvent, prend des tons irisés 
par le même phénomène que les bulles de savon 
acquièrent desteintes d'autant plus colorées qu'elles 
sont plus grosses et que, par suite, l'épaisseur de 
leur paroi est plus faible. 


COSMOS 


293 


Ce mucus est certainement très utile à l’escargot 
pour lui permettre d'adhérer fortement à la sur- 
face sur laquelle il glisse; on sait, par exemple, 
que, dans le jeu connu sous le nom de «tire-pavé », 
la lame de cuir n'adhère au pavé que si elle est 
humide, bien humide même. 

Quelle que soit la petile quantité de mucus que 
l’escargot abandonne sur son chemin, elle finit, au 
bout d’une journée, par représenter un poids 
notable d'eau. L'animal ne tarderait pas à se des- 
sécher s’il ne récupérait le liquide en mangeant 
des plantes succulentes ou en buvant la rosée ou 
les gouttes de pluie. C’est sans doute pour cela qu'il 
ne sort pas par les temps secs. Quand il fait humide, 
il est bien plus certain de régénérer rapidement le 
mucus qu'il doit perdre sans cesse pour ramper. 

Le mucus sert encore à un autre usage. Quand 
l'animal, par suite de la sécheresse, est obligé de 
rester au repos sur un mur, il ne s'y attache pas 
par son pied, ce qui finirait par le fatiguer; il se 
contente de sécréter du mucus qui colle la coquille 
au support. Aussi, quand on examine un escargot 
ainsi placé, on ne voit jamais le corps en contact 
avec ce dernier, mais rétracté à une certaine dis- 
tance à l’intérieur de la coquille. 

Si l’on veut bien voir comment se fait le dépla- 
cement de l'escargot, il suffit de le faire marcher 
soit dans un flacon de verre (par exemple un bocal 
à cornichons), soit, ce qui vaut encore mieux, sur une 
vitre. On voit alors très bien que le pied n’est pas 
aussi inutile qu’on le croyait : on voit comme des 
ondes qui les parcourent, ondes semblables comme 
aspect à celles qui se propagent dans les blés quand 
la brise les oblige à se coucher. Ces ondes sont 
produites par des contractions musculaires qui se 
font successivement d'un point à un autre. Il est 
facile de voir qu'elles se propagent d'’arrière en 
avant et ont ainsi pour effet de pousser l'animal 
en avant. Quand on regarde par-dessus l'escargot 
rampant, on ne voit pas ces ondes musculaires et 
on a l'impression qu'il glisse sans faire le moindre 
mouvement : ce n'est qu'une illusion. 

(A suivre.) HENRI COUPIN. 


a 


Les grands travaux d'irrigation aux États-Unis. 


Les Américains du Nord commencent à s’aperce- 
voir qu'ils ont à faire beaucoup avant de savoir, 
aussi habilement que les gens du Vieux Monde, 
mettre en œuvre les territoires qu'ils occupent. 
Jusqu'à présent, ils ont tiré parti de conditions 
naturelles particulièrement avantageuses et excep- 
tionnelles; ils ont dilapidé bien des richesses, 
ou tout au moins profité abondamment et sans 
grand’peine de ce que leur donnait la nature. Ils 
constatent maintenant qu'il est nécessaire de fumer 


les champs quand on veut qu'ils produisent des 
récoltes abondantes, dès qu’ils ont été mis en cul- 
ture pendant un certain nombre d'années; ils 
s'aperçoivent que les errements suivis par ce Vieux 
Monde, qu'ils méprisent volontiers, ont le plus sou- 
vent leur raison d'être. Et comme leur population 
augmente considérablement, comme leurs récoltes 
vontètre bientôt insuffisantes pour cette population, 
ils s'essayent à réclamer, comme dit la langue an- 
glaise, en employant ce verbe reclaim qui s'est 


N° 1472 


demandés à l'impôt, mais obtenus par la réalisation 
des terres réclamées. Les fonds en résullant sont 
portés à un compte spécial sur lequel le ministère 
de l'Intérieur ouvre des crédits au Service des 
réclamations. 

Ce service s'est trouvé en présence de difficultés 
très grandes, parce que les moyens de transport 
manquaient généralement partout où il voulait 
entreprendre des travavx. De toutes parts naturel- 
lement, dans les régions arides de l’Ouest, on péli- 
tionnait pour que les travaux fussent entrepris ici 


> 7 


pr 





GOSMOS 295 


plutôt que là; on supportait fort impatiemrnent 
les délais qui s’imposaient pourtant dans les études 
préliminaires à faire sur le terrain, au point de 
vue du régime météorologique, etc. Le service s’est 
d’ailleurs mis très rapidement à la besogne, avec 
un zèle des plus louables, ce qui ne correspond pas 
toujours, il est vrai, à une économie très marquée 
sur les frais d'exécution des travaux divers. Dès 
maintenant, le service a distribué de l’eau sur une 
surface d’un million d’acres, et on a pu installer, 
sur les terres ainsi reconquises, 14000 familles, 


LE CANON DE SHOSHONE, AVEC LA DIGUE AU FOND. 


Sous réserve des besoins variés des différentes 
contrées où l'on s’est mis à la besogne, on peut 
dire que le principe appliqué par le Service des 
réclamations a élé de construire des réservoirs au 
moyen de digues barrant des vallées : ces réser- 
voirs servent à mettre en réserve les eaux qui se 
perdent sous forme torrentueuse dans ces régions 
montagneuses. Il faut ensuite distribuer cette eau 
aux terres; et, dans ce but, on a déjà construit 
environ 560 kilomètres de canaux de grande sec- 
lion, pouvant distribuer un volume de 22 mètres 
cubes par seconde. Quant aux canaux secondaires, 
ils ont plusieurs milliers de kilomètres. On a dù 
creuser à (travers les masses monlagneuses ou 


rocheuses plus de 70 tunnels pour livrer passage 
aux canaux les plus importants, ces tunnels repré- 
sentant un développement de 30 kilomètres envi- 
ron. Bien entendu, sur ces canaux, tant principaux 
que secondaires, il y a toute une série de déver- 
soirs, de ponts, petils et grands, de portes et 
d’écluses, etc. Les travaux de terrassement des 
réseaux de canaux ont porté sur bien près de 
45 millions de mètres cubes de terre et sur quelque 
3,5 millions de mètres cubes de rochers. La 
construction des digues et barrages a nécessité 
l'emploi d’un million de barriques de ciment. 
Nous devons dire qu'avant cette entreprise gou- 
vernementale spéciale, une série de particuliers ou 


296 


de Compagnies s'étaient attaqués à une besogne 
analogue, et avaient obtenu des résultats déjà fort 
intéressants. Mais les capitaux privés n’auraient 
pas été suffisants pour mener à bien l'énorme 
entreprise à laquelle s'est appliqué le gouverne- 
nement, d'autant que les profitsà en retirer étaient 
quelque peu aléatoires, ou du moins devaient se 
faire attendre très longtemps. Des travaux de pre- 
mier ordre ont élé exécutés par le service des 
irrigations, dit Service des « réclamations », comme 
notamment la fameuse digue qu'on a élevée dans 
l'Arizona du Sud et à laquelle on a donné le nom 
de digue Roosevelt, en souvenir du brillant prési- 
dent qui fait tant parler de lui à l'heure actuelle 
mème. Cette digue, dans la construction de laquelle 
on a employé près de 230 000 mètres cubes de ma- 
connerie, forme un des réservoirs artificiels les 
plus grands qu'il y ait au monde. Citons également 
le barrage-digue fort élevé qui a été établi sur la 
rivière Shoshone, dans l'Etat de Wyoming, barrage 
qui porte, lui aussi, le nom de Shoshone. Dans le 
bassin de la rivière North Platte, on a terminé assez 
récemment un réservoir artificiel qui pourra em- 
magasiner toutes les crues, mème exceptionnelles, 
de cette rivière, et les mettre en réserve pour des 
besoins ultérieurs. Cette région, en mai et en juin, 
est particulièrement exposée aux résultats brusques 


COSMOS 


12 SEPTEMBRE 19142 


et souvent dangereux de la fonte des neiges, alors 
que, dans le courant de l'été et à l'automne, la 
sécheresse se fait sentir de façon très regrettable. 
Bien souvent, les Américains continuent d’em- 
ployer dans ces travaux les méthodes primitives et 
rapides qui leur ont réussi en maintes circon- 
stances. C'est ainsi que, sur la rivière Colorado, 
dont il fallait détourner le cours pour construire 
en un certain endroit une digue devant permettre 
de ménager un vaste réservoir, ils ont créé des 
barrages artificiels et provisoires au moyen de 
masses de terre, grâce à des estacades sur les- 
quelles couraient des wagons de déblais, le déver- 
sement se faisant à pierre perdue. On dilapidait 
ainsi une bonne parlie des terres ainsi déversées, 
mais le barrage s’exécutait à peu de frais. Quant 
aux résultats des irrigations sous le climat où se 
trouvent les territoires arides, ils sont particuliè- 
ment encourageants. La végétation prend une 
activité rare par suite de la chaleur naturelle dont 
elle jouit et grâce à l'eau qu'on peut largement 
lui distribuer. C’est ainsi que les Américains ont 
développé de façon tout à fait remarquable les 
cultures fruitières, mème dans les terrains qui 
paraissaient le plus ingrats. 
DANIEL BELLET, 
prof. à l'École des srienres politiques. 





Le comportement des êtres vivants aux très basses températures. 


M. Raoul Pictet a exécuté, en son laboratoire de 
Berlin, des expériences nombreuses et étendues 
sur les basses températures, depuis la température 
de la glace fondante jusqu'aux températures voi- 
sines du zéro absolu, qui se rencontre, comme on 
sait, aux environs de — 273" C. I s'agissait d'étudier 
l'action du froid, dune part sur la marche des 
combinaisons chimiques, d'autre part sur les êtres 
vivants (1). 

Est-il nécessaire de rappeler que c'est l’industrie 
de la liquéfaction et de la solidification des gaz qni 
a permis d'obtenir et de maintenir d'une manière 
continue ces températures très basses? En évapo- 
rant un mélange d'acide sulfureux et d’anhydride 
carbonique préalablement liquéfiés, M. Pictetobtient 
une première gamme de froid, allant jusqu'à 
— 100". Pour descendre plus bas dans l’échelle des 
températures, il s'adresse ensuite au proloxyde 
d'azote, liquéfié au préalable sous la double action 
du froid et de la pression; en évaporant ce liquide, 
l'auteur abaisse la température jusqu à — 150°. 
Enfin, l'évaporation de Pair liquide lui fournit une 
troisième gamme de températures encore plus 

(D) Jaurnal of the royal Society of Arts, 11. — 
Moniteur scientifique du D Quesneville, nt Kits, août 
1912, p. 235. 


basses, allant jusqu'à — 213°, limite à laquelle il 
s'est arrêté dans ses essais. 

Du groupe d'expériences qui avaient trait à l'allure 
des combinaisons chimiques aux basses tempéra- 
tures, nous ne dirons ici que peu de chose. Un ou 
deux exemples seulement. L’acide sulfurique et la 
soude caustique se combinent violemment aux 
températures courantes; il n’en est pas de même 
aux températures que M. Pictet réalise en son labo- 
ratoire. L'acide sulfurique congelé à — 125° est 
agité fortement avec de la poussière de soude éga- 
lement refroidie; ces deux corps se mélangent 
mécaniquement et se compénètrent, mais sans 
qu'aucune réaction chimique ne s'amorce. Ensuite, 
durant un quart d'heure, l'opérateur fait jaillir une 
étincelle électrique de trois centimètres de longueur 
au sein du mélange; la réaction chimique s'opère, 
mais uniquement au point exact où l’étincelle 
échauffe les substances en présence. Quand l'éprou- 
vette est sortie du réfrigérant et exposée à Pair 
ambiant, la température remonte assez vite; mais 
avant que l'acide sulfurique soit fondu, la réaction 
se déclare dans toute la masse (vers —80°) et l'éléva- 
tion brusque de la température casse l'éprouvette 
en verre. 

D'autres exemples nombreux montrent qu'aux 


N° 1412 


basses températures il n'y a pas de réaction entre 
les corps chimiques, à moins qu'intervienne une 
énergie étrangère comme, par exemple, une éléva- 
tion locale de la température par l’étincelle élec- 
trique ; et même alors la réaction reste localisée et 
ne se propage pas à la masse. En somme, l’expé- 
rience vérifie ce que la thermodynamique avait 
déjà fait prévoir: à savoir que, à mesure quon 
s'approche du zéro absolu des températures, les 
réactions sont de moins en moins explosives, de 
moins en moins exothermiques. En refroidissant 
les explosifs les plus violents que l’industrie ou le 
laboratoire ait inventés, on peut arriver à les 
modérer à volonté et à ralentir la combinaison des 
éléments qui les constituent. 

L’inertie de l'acide sulfurique mis à — 125° en 
présence de la soude ne tient d’ailleurs pas à l'état 
solide des réactifs. L’acide sulfurique à sept molécules 
d’eau SO‘H?+7 H'0 reste liquide jusqu'à des tem- 
pératures très basses; en y jetant du marbre pilé 
(carbonate de calcium) ou du carbonate de sodium 
en cristaux et en remuant avec une baguette de 
verre refroidie, on ne constate aucune réaction 
tant que la température reste inférieure à — 52° et 
— 56° respectivement; à ce moment, des bulles 
d’anhydride carbonique commencent à se dégager 
graduellement; la réaction ne devient turbulente 
et générale qu'à — 15° pour le marbre (mousse 
abondante), et — 23° pour le carbonate de sodium. 

En fait, aux températures comprises entre 
— 455° et — 125°, M. R. Pictet n’a pu constater 
aucune réaction chimique, quelle que füt la nature 
des corps mis en présence. Les réactions qui 
débutent le plus bas (vers — 115°) sont celles qui 
font virer du bleu au violet d'abord, puis au rouge, 
la teinture de tournesol, sous l’action des acides 
sulfurique et chlorhydrique. 

Eu chimie synthétique, on peut envisager dès à 
présent l’application des très basses températures, 
soit à l'effet de produire des combinaisons qui sont 
pratiquement impossibles aux températures ordi- 
naires, soit pour accroitre le rendement de cer- 
taines opérations de synthèse. 


Passons aux très curieux essais effectués par 
M. Raoul Pictet sur les animaux supérieurs et infé- 
rieurs et sur les végétaux inférieurs. 

Mammifères : Ces expériences ont porté sur des 
chiens et des cobayes, plongés entièrement dans 
un puits frigorifique maintenu à une température 
constante comprise entre — 90° et — 100°. 

Un de ces chiens, de taille moyenne, à poils ras, 
pèse environ 8,8 kg. Il est placé sur un fond de 
bois garni d'un sac de toile. Sa queue et son 
museau ne touchent pas les parois métalliques 
du puits, tendues à l’intérieur d’un cylindre de toile 
formé par les parois d’un grand sac relevées tout 
autour de l'animal. Un thermomètre est fixé dans 


COSMOS 


297 


l'aine du chien, dont la patte de derrière est soli- 
dement fixée contre l'abdomen avec plusieurs 
doubles de flanelle. La tige du thermomètre esi 
assez longue pour permettre des lectures continues 
à 35 centimètres au-dessus du chien. 

Voici maintenant les observations générales 
recueillies. 

La température du chien étant normale et l'ani- 
mal ayant mangé deux heures avant le début de 
l'expérience, on introduit le chien dans le puits 
refroidi à — 92°. 

Dès la première minute, on observe une augmen- 
tation progressive de la rapidité de la respiration 
et de la fréquence du pouls. 

Ces accélérations vont en s'accusant pendant 
42 à 13 minutes ; à son étonnement, l'opérateur 
constate d’abord au thermomètre une augmentation 
de température d'environ un demi-degré. 

L'animal donne des signes d'agitation. 

Après 25 minutes, la température du corps est 
lentement redescendue à son point de départ. 

Le chien mange avec avidité du pain qu'il refusait 
péremptoirement avant le début de l’expérience. 

La respiration est toujours très active, fréquente 
et profonde. 

Après 40 minutes, les extrémités des pattes sont 
très froides, mais la température s'est maintenue 
à peu près constante, oscillant de deux à trois 
dixièmes de degré autour de + 37°. 

Après 4 heure 10 minutes, le chien ne marque 
pas d'agitation sensible, mais respire fort et tend 
à faire quelques mouvements avec les pattes main- 
tenues par les cordes, efforts suivis de calmes com- 
plets, sauf la respiration. La circulation est un peu 
plus rapide que précédemment, on sent les pulsa- 
ions du cœur bien nettes à l'artère carotide. Les 
extrémilés se refroidissent encore plus. 

Pendant la demi-heure suivante, la bète a mangé 
environ 100 grammes de pain, et les conditions géné- 
rales indiquées plus haut ont peu varié. La tempé- 
rature s’est abaissée d’un demi-degré tout au plus. 

Tout à coup, en quelques instants, la respiration 
se ralentit, le pouls devient fuyant et la tempéra- 
ture s'abaisse avec rapidité. 

Vers 22°, on retire l’animal sans connaissance du 
puits, et tous les soins pour le rappeler à la vie 
sont inutiles. L'extrémité des pattes est déjà gelée. 
Le chien est mort en moins de deux heures par 
rayonnement de sa chaleur et par les effets per- 
turbateurs causés par ce refroidissement excessif. 

D'autres animaux, chiens et cochons d'Inde, ont 
toujours manifesté, dès leur entrée dans le puits 
frigorifique, cette augmentation dans la fréquenre 
de la respiration et des battements du cœur; dans 
les cas observables, une légère élévationtie la Lem- 
pérature intérieure s’est toujours produite. 

Nous pouvons conclure de là que l'équilibre stable 
des mammifères vivants suscite dans l'organisme 


293 


normal, en face de ce facteur subit, une réaction 
formidable. Lorsque l'individu menacé perd sa 
chaleur par rayonnement avec une telle énergie, 
il semble que la conservation automatique de l'ani- 
mal provoque une absorption d'oxygène plus que 
normale; les fonctions de la digestion repartent 
avec vigueur, et, à la menace des effets du froid, 
les organes répondent par un travail intense, une 
surproduction de chaleur et d'énergie. Il est pro- 
bable que les tissus connectifs, graisses, elc., se 
résorbent rapidement pour donner au sang les 
principes hydrocarbonés atlaqués par l'oxygène; 
l'apparition de la faim a toujours été signalée he 
un quart d'heure d'expérience. 

A mesure que la déperdition de chaleur augmente, 
l'individu organisé fait le sacrifice des membres 
périphériques. La circulation s'arrête dans toutes 
les extrémités, elles sont mortes les premières. 

Puis, presque tout d'un coup, la circulation cen- 
trale s'arrête elle-même, lorsque l’abaissement de 
la température au-dessous de la normale a atteint 
10 degrés. 


Refroidissement d'un organe. — M. Pictet a 
essayé sur lui-même l'effet du refroidissement de 
la main par rayonnement. Il a plongé le bras nu 
jusqu’au-dessus du coude dans le puits frigorifique 
maintenu à — 105’ sans toucher les parois métal- 
liques. 

On sent sur toute la peau et dans toute l'épais- 
seur des muscles une impression tout à fait caracté:. 
ristique et spéciale qu'aucune description ne peut 
faire saisir. On éprouve une sensation qui n’est pas 
désagréable d'abord, mais le devient peu à peu, et 
dont le siège a l'air d'être los central ou le périoste. 

L'expression « avoir froid jusqu'aux moelles » 
semble prendre une signification nouvelle et vécue. 
Au bout de trois à quatre minutes la peau du bras est 
un peu violacée, mais la douleur devient forle et 
gagne surtout les parties profondes. Au bout de dix 
juinules, après avoir sorti le bras du puits frigo- 
ritique, onéprouve en général une forteréactionavec 
cuisson süperlicielle de la peau. 

Fn maniant longtemps de la neige avec les bras 
nus, la réaction cutanée subséquente ressemble, 
en petit, à cetle cuisson qui apparait à la fin de 
l'expérience décrite. 


Poissons. — Les poissons rouges, les tanches et 
généralement les poissons d’élangs d’eau douce 
peuvent ètre complètement gelés, puis dégelés sans 
mourir. L'expérience demande cependant à ètre 
faite avec ménagement. 

Si l'on congèle lentement, dans une atmosphère 
de — 8° à — 15”, des poissons de cette categorie, 
en ayant eu la précaution de laisser ces poissons 
quelque vingt-quatre heures dans de l’eau à 0°, on 
peut former un seul bloc compact de cette eau et 
des poissons qu'elle contient. 


COSMOS 


12 SEPTEMBRE 4912 


En brisant une partie de la glace et mettant à 
nu un de ces animaux, on constate qu’on peut le 
casser en pelits morceaux comme s'il était lui- 
mème fait de glace. 

On peut donc admettre que tous les poissons du 
même bloc ont la même apparence intérieure et 
qu'ils sont tous gelés au mème degré. 

En laissant lentement fondre cette glace et les 
poissons qu'elle renferme, on voit ceux-ci nager 
après comme avant, sans aucun signe de malaise 
apparent. 

Au-dessous de — 20°, l'expérience ne réussit plus 
avec les poissons rouges et les {anches. 


Batraciens. — Les grenouilles subissent un 
refroidissement et une congélalion de — 28° sans 
périr. 

A — 30° et — 35°, la plupart cessent de vivre. 

Ophidiens. — Un serpent commun des champs, 
appelé vulgairement lanwoui, refroidi à — 25°, a 
survécu; mais, refroidi à — 35°, il est mort. 


Scolopendres. — Refroidis à — 40°, trois scolo- 
pendres ont parfaitement résisté au traitement et 
ont vécu une fois dégelés. 

Soumis à — 50°, ils ont aussi résisté. 

Refroidis une troisième fois à — 90°, ils sont 
morts tous les trois. 


Escargots. — Trois escargots, fournis par M. le 
professeur E. Yung, de l’Université de Genève, dont 
deux présentaient quelques fissures à l’opercule 
fermant leur coquille, ont été refroidis à — 110°, 
à — 120° pendant bien des jours. 

Les deux escargots légèrement fendus sont morts, 
celui qui était intact a survécu au traitement et a 
échappé à la mort, grâce probablement à son 
opercule intact. 


Œufs d'oiseaux. — Tous les œufs d'oiseaux 
refroidis au-dessous de — 2° à — 3° meurent et ne 
peuvent être couvés; si on ne les refroidit que jus- 
qu'à — 4°, ils survivent. 


Œufs de grenouilles. — Ces œufs, refroidis 
lentement à — 60°, peuvent revivre et donner 
éclosion aux têtards. Si le refroidissement est 
brusque, ils meurent. Il est essentiel de mettre 
au minimum plusieurs heures pour obtenir l’abais- 
sement complet de la température. 


(Eufs de fourmis. — Ces œufs, pris pendant la 
saison chaude, sont très sensibles au froid. 

Suivant l'état d'avancement de la larve de l'in- 
secte dans l'œuf, le refroidissement peut ètre plus 
ou moins grand. 

Entre 0° et — 5°, tous les œufs ont été tués. Des 
œufs avancés ont été tués par une température de 
+ 5° maintenue quelques heures. 

Œufs de ver à soie. — L'auteur a fait un très 
grand nombre d'expériences, grâce à une installa- 
tion industrielle qu’il a déjà organisée en Italie 


N° 1442 


septentrionale pour la conservation des graines de 
ver à soie. 

Ces œufs sont assez résistants, surtout si dès la 
ponte ils n’ont jamais eu de commencement de 
développement. Lorsque ces œufs pondus sont 
placés immédiatement dans la chambre froide, on 
peut les refroidir à — 40° sans leur faire perdre 
leur pouvoir de développement. Il se passe même 
dans ce cas un phénomène intéressant: les œufs 
refroidis, puis soumis aux conditions de tempéra- 
ture normale pour leur éclosion, dès que le prin- 
temps a garni les müriers de leurs feuilles, ne 
présentent presque jamais les maladies si fré- 
quentes chez les œufs de vers à soie abandonnés 
à eux-mêmes et subissant plusieurs mois durant les 
fluctuations des températures ambiantes. 

Les parasites de toutes espèces, vrais microbes 
des œufs du ver, ne trouvent pas, dans ces condi- 
tions, un terrain favorable à leur développement, 
et la chenille sort indemne de tous ces accidents 
si redoutables pour elle et si redoutés par toute 
l’industrie de la soie. 

Le refroidissement artificiel des œufs de ver à 
soie est entré dans la grande industrie, vu ces 
avantages bien positifs. 

Du reste, tout ce travail découle directement des 
belles recherches de Pasteur sur les vers à soie. 


Infusoires. — Des rotifères, et toute la série 
ordinaire des infusoires qui se développent nor- 
malement par le séjour de quelque durée de végé- 
taux dans l’eau stagnante, ont été gelés dans l'eau 
où ils pullulaient, puis abaissés à — 80° et — 90°. 
A cette température, maintenue pendant près de 
vingt-quatre heures, une grande partie des habi- 
tants sont morts. 

A — 60°, au contraire, ils ont tous vécu, autant 
que leur dénombrement était possible. 

Une dernière expérience faite à — 130°, — 160 
n’a plus laissé dans l’eau dégelée que des cadavres. 


Protosoaires, microbes el spores, diatomées, 
graines,etc.— Une trentaine d'espèces de microbes, 
un grand nombre de diatomées el de graines ont été 
exposées à des températures très basses. Sur tous 
ces êtres vivants, sans exception aucune, les froids 
les plus excessifs et les plus prolongés ont donné 
des résultats négatifs, c’est-à-dire que les microbes 
se sont ensuite développés tout comme à l'état 
normal, les spores ont donné naissance chacune 
à leur bacille, lés diatomées ont émis leurs fila- 
ments protoplasmiques ou pseudopodes, les graines 
végétales ont germé et poussé des bourgeons et des 
plantes vigoureuses. 


COSMOS 


299 


Dans une dernière série d'expériences, des 
graines et des bacilles plongés dans l'air liquide à 
— 190° wont nullement souffert et ont gardé tout 
leur pouvoir de germination ou de développement. 

Par contre, les vaccins et les ptomaines semblent 
beaucoup souffrir des grands froids, tout comme 
de la chaleur; bien qu’ils ne soient pas organisés ni 
vivants, ils se montrent plus fragiles que certains 
êtres organisés élémentaires. 


De ses expériences, assurément très curieuses, 
M. R. Pictet prétend tirer, au sujet de la nature 
et des conditions de la vie, des conclusions étranges 
et inacceptables. 

Voici, en quelques mots, son hypothèse. Partant 
de cette constatation que, au-dessous de — 128°, 
aucune combinaison chimique n’a pu s'effectuer 
dans son laboratoire, il imagine que, chez les êtres 
vivants refroidis à — 190°, toute combinaison chi- 
mique a donc été arrêtée dans la profondeur des 
tissus et que, par conséquent, la vie y a aussi été 
supprimée ipso facto; ainsi les microbes et les 
graines ne se développeraient, après ce traitement, 
que grâce à une nouvelle vie succédant à la mort; 
la vie serait une propriété générale et universelle, 
qui naîtrait spontanément aussitôt qu’un tissu 
organisé, quoique tué par le froid, serait mis dans 
des conditions convenables de température. 

M. Pictet na jamais réussi à créer de toutes 
pièces une cellule organisée ayant la vie; mais à 
présent, il prétend avoir pu, grâce au froid, enlever 
la vie à un être organisé sans toucher à son orga- 
nisation, et, cette cellule morte, faire le miracle 
de la ressusciter sous nos yeux, rien qu'en la 
ramenant à la température normale! 

On voit combien cette interprétation de la vie 
est artificielle! Rien ne prouve que les réactions 
chimiques soient toutes arrètées absolument, dans 
les tissus organisés, par les froids de — 125. 
D'ailleurs, rien ne prouve non plus, à la rigueur, 
que la persistance de la vie et la faculté de revenir 
à la vie dépendent de la persistance ininterrompue 
des réactions chimiques; prétendre que la vie d'un 
microbe cesse au moment mème où le froid a 
arrêté les réactions chimiques internes, c'est 
émettre une hypothèse, mais une hypothèse mau- 
vaise au point de vue de la méthode scientifique, 
puisque cette hypothèse n’est pas susceptible de 
vérification expérimentale. 

Nous préférons dire que les microbes plongés 
dans l’air liquide se remettent à vivre parce qu'ils 
n’ont jamais cessé un seul instant de vivre. 


B. LATOUR. 


300 


COSMOS 


42 SEPTEMBRE 194% 


La moutarde. 


Sanve et sénevé; mauvaise herbe et plante utile. — Difficulté de les distinguer entre 
elles. — Sinigrine, sinalbine et myrosine. — Rigollot et Bornibus. — Louis XI et 
Jean XXII — Divers usages des huiles de moutardes. 


Tout le monde connaît, sinon de nom, du moins 
pour l'avoir vue, la sanve, cette mauvaise herbe, 
qui envahit les cultures, au grand désespoir des 
cultivateurs. 

Comme toutes les mauvaises herbes, la sanve 
a un pouvoir envahissant considérable. On lap- 
pelle, selon les régions, sangle, jotte, raveluche, 
moutarde des champs, où moutarde bätarde. 
On ne peut même pas l'employer comme fourrage, 
car elle irrite la bouche des bestiaux. Le mieux, 
lorsqu'elle a gagné un terrain, est de l'en arracher 
et de la brüler. Les amateurs de coloris s’en plain- 
dront, peut-être, car c’est elle qui, depuis le mois 
d'avril jusqu'aux mois d'octobre, novembre, donne 
ces beaux champs jaunes qui alternent si harmo- 





1. GRAINE DE LA MOUTARDE NOIRE. — 2. GRAINE DZ LA 
MOUTARDE BLANCHE. — 3 GRAINE DE LA MOUTARDE DES 
CHAMPS. 

(Grossissement : 10 fois en diamètre.) 


nieusement, avec le violet des luzernes et le rouge 
des trèfles. 

Chose curieuse, la moutarde des champs, qui 
n’est bonne à rien, sinon à égayer l'œil, a, comme 
voisines botaniques immédiates, deux plantes, 
appartenant, comme elle, à l’importante famille 
des Crucifères et qui possèdent des propriétés culi- 
naires et médicales très aflirmées : la moutarde 
blanche et la moutarde noire. Botaniquement, le 
profane peut confondre très aisément ces trois 
plantes (fig. 1). 

Il faut déjà une certaine habitude pour les 
distinguer; à titre de renseignement très élémen- 
taire, nous dirons que la moutarde des champs 
a généralement des feuilles sans pétiole, tandis 
que les deux autres espèces sont pétiolées. Enfin, 
la graine, qui a un millimètre de diamètre chez 
la moutarde noire, et 2 millimètres environ chez 
la moutarde blanche, est brun foncé presque noire 


(1) La sanve a des graines un peu plus grosses que 
celles de la moutarde noire et le réseau de points qui 
la recouvre est beaucoup plus fin. 


chez la première, tandis qu'elle est jaune rougeâtre 
chez la seconde. L'aspect extérieur des graines 
donne aussi un utile renseignement : la moutarde 
noire a des graines finement chagrinées, elles 
présentent un fin réseau très visible à la loupe; la 
moutarde blanche a des graines lisses. 

Ces plantes appartiennent au genre Sinapis, 
certains les rangent dans le genre Brassica, ce qui 
les rapproche du chou, du colza et de la navette. 
Leur nom commun est sénevé, ce qui les distingue 
— dans le langage — de la sanve. 

La moutarde noire ou sénevé noir (Sinapis 
nigra de Linné, Brassica nigra de Koch) est cul- 
tivée dans toute l’Europe centrale. Sa connaissance 
remonte à une lointaine antiquité. Théophraste, 
Dioscoride, Pline, Scribonius, Largus, en font men- 
tion comme d’une plante usitée en médecine; c'est 
Columelle qui, le premier, l'indique comme condi- 
ment. Charlemagne, dans ses Capitulaires, en 
réglemente la culture aux environs de Paris. Ce 
n’est qu’au xvur* siècle que Porta (1) isole, par di- 
stillation des graines, l'essence de moutarde. 

En 41823, Glaser (2) reconnait que l'eau est indis- 
pensable à la formation de cette essence. En 1840, 
Boutron et Frémy (3) constatent que cetle même 
essence se produit sous l'influence d'un ferment, 
en même temps que Robiquet et Bussy isolaient ce 
ferment auquel ils donnaient le nom de myrosine. 
Enfin, ce n’est qu’en 41844 que Will (4) annonçait 
que l'essence de moutarde était formée de sulfo- 
cyanure d’allyle. 

On sait, depuis longtemps déjà, que l’essence de 
moutarde n'existe pas toute formée dans la farine 
de moutarde. 

La farine de moutarde noire contient de la 
sinigrine (5), glucoside découvert par Bussy, 
en 1840, et de la myrosine (6), et c’est par action 
de la myrosine sur la sinigrine, agissant en pré- 
sence d’eau, aux environs de 40° C., que l’essence 
de moutarde, c'est-à-dire le sulfocyanate d’allyle, 
prend naissance. La myrosine n'entre pas dans la 
combinaison, elle agit à la façon d’un ferment, en 


(1) Magie naturalis libri viginti. Rome, 1608. 

(2) Repert. Pharm., 1825, p. 102. 

(3) Journ. de Pharm., 1840, p. 112. 

(4) Liebig's Annalen, 1844. 

(5) La sinigrine se rencontre aussi dans la racine de 
raifort et dans les semences de thlaspis. 

(6) La myrosine est très répandue dans les Cruci- 
fères, elle existe aussi dans les Résédacées, Tropéo- 
les, Capparidées, etc. 


N° 1442 


fixant l’eau sur la sinigrine; il se forme, en même 
temps, du sulfate acide de potasse et du glucose. 


C'H'6AZS'KO® + H20 = CSAZC'HS + 
= D. e Ce 








Sinigrine Isosulfocyanate 
d'allyle 
(ess. de moutarde noire 
+ C'H05 + SO'KH 
Glucose Sulfate acide 


de potasse. 


Cette nécessité, de ne faire agir la myrosine 
qu'aux environs de 40°, de manière à ne pas la 


MOUTARDE NOIRE. 
(Sinapis nigra.) 


tion des semences de moutarde. Cela ne gêne pas 
l’action de la myrosine et tue les bactéries qui 
déterminent ces fermentations parasites. 

Les graines contiennent, en outre de la sinigrine 
et de la myrosine, une huile fixe, laquelle fait 
rancir la farine et diminue ses propriétés rubé- 
fiantes. Cette huile fixe est soluble dans l'huile de 
pétrole. Rigollot est le premier qui songea à con- 
server à la farine de moutarde ses propriétés 
médicales en la débarrassant, par épuisement 
dans l'huile de pétrole, de cette huile fixe, en même 
temps qu'il imaginait ses sinapismes portatifs et de 
conservation presque illimitée, en saupoudrant, 


COSMOS 


MOUTARDE BLANCHE. 
(Sinapis alba.) 


301 


détruire, explique les mécomptes auxquels on s'’ex- 
pose lorsqu'on veut préparer un pédiluve à la mou- 
tarde, en employant de l’eau dont la température 
dépasse 40°. On détruit le ferment myrosine, et 
l’isosulfocyanate d'allyle ne prend pas naissance. 

En même temps que se forme l'essence de mou- 
tarde, on observe, pendant la réaction, la forma- 
tion de produits secondaires: cyanure d’allyle, 
sulfure de carbone, qui nuisent à sa bonne qualité. 
C'est pourobvier à cetinconvénient que M. Brioux(1) 
a conseillé l'addition de fluorure de sodium dans 
la proportion de 0,4 pour 100 lors de la fermenta- 





MOUTARDE DES CHAMPS. 
(Sinapis arvensis.) 


avec cette farine purifiée, des bandes de papier 
imprégnées d’une solution de caoutchouc. Ce fut une 
petite idée presque géniale qui fit le tour du monde. 

L'essence de moutarde se prépare aussi, par voie 
de synthèse, en faisant réagir de l’iodure d’allyle 
sur une solution alcoolique de sulfocyanate de 
potassium. 


CHI + CAZSK = CSAzCH + KI 
lodure d'allyle Sulfocyanate de Essence Iodure de 
potassium de moutarde potassium. 


Ce produit, absolument identique au produit 


(1) Ann. Ch. anal. 17. 1912. — Schimmel, avril 1912. 


302 


naturel, peut remplacer celui-ci dans toutes ses 
applications, et on comprend que, d'ici quelque 
temps, l'essence de moutarde naturelle et, consé- 
quemment, la culture de la moutarde noire aient 
à subir un coup peut-être mortel, comparable à 
celui que subit dans le passé la culture de la ga- 
rance rendue inutile par la découverte de l'aliza- 
rine de synthèse. 

L’essence de moutarde est l’objet d'un certain 
nombre de falsificalions. Quelquefois on lui ajoute 
du pétrole, du chloroforme, du sulfure de carbone. 
Le moyen de déceler cette fraude est simple. Il 
suffit d'ajouter à l'huile à examiner un peu d'acide 
sulfurique concentré. L’essence pure donne une 
huile jaune, limpide ; l’essence adultérée se trouble 
en mème temps qu'elle se divise en deux couches. 

Certains fraudeurs ajoutent de l'essence de 
girofle (signalée par Hager) (1). Dans ce cas, le 
perchlorure de fer sera un utile réactif: l'essence 
pure dissoute dans l’alcoo! ne donne rien; l'essence 
contenant de l’essence de girofles se colore en vert. 

La moutarde blanche (Sinapis alba de Linné, 
Brassica alba de Koch), connue vulgairement sous 
le nom de sénevé blanc, ouvre ses corolles jaunes 
de mai en aoùt. Ses graines, plus claires que celles 
du Sinapis nigra, lui ont valu son nom. Elle est 
plus riche en myrosine que la moutarde noire, 
aussi sa farine est-elle incorporée quelquefois à 
celle-ci lorsqu'on veut en augmenter l'âcreté. En 
outre, elle ne contient pas de sinigrine. C’est la 
sinalbine, glucoside découvert par Robiquet et 
Boutron-Charlard en 1831 (2), qui, soumise à lac- 
tion de la myrosine, donne une essence de mou- 
tarde, différente de celle obtenue avec la mou- 
tarde noire. 

CHHUAZISIOS + HO — C'HOAZES + CHAOS + 

de pe CAER 

Sinalbine zssence de 


moutarde blanche 
+ CHA ZO"SOiH 
Sulfate 
acide de sinapine. 


e, n 


Glucose 


L'essence de moutarde blanche, très altérable, 


COSMOS 


12 SEPTEMBRE 1949 


peut se préparer synthéliquement, en faisant 
agir le sulfure de carbone sur la p-oxybenzylamine 
et en traitant le produit obtenu par le chlorure 
mercureux. 

Le sénevé blanc sert surtout à fabriquer la mou- 
tarde de table. Et nous ne pouvons citer celle-ci 
sans mentionner Dijon qui, dès le xui siècle, s'était 
déjà fait un nom dans ce genre d'industrie. Pen- 
dant très longtemps, la moutarde de Dijon fut pré- 
parée par le mème procédé devenu trop moyenâgeux 
pour soutenir avec succès une concurrence active 
et intéressée. Ce fut Bornibus — aussi universelle- 
ment connu que Rigollot pour ses sinapismes — 
qui, perfectionnant la méthode ancienne en opé- 
rant plus scientifiquement, conserva à Dijon son 
antique renommée culinaire. 

La moutarde de table compte, dans ses tablettes 
hisloriques, des faits intéressants ; c’est ainsi qu’en 
les consultant, nous apprenons que Louis XI en 
était grand amateur et qu'il ne dinait jamais en 
ville sans emporter son pot de moutarde. Le pape 
avignonnais Jean XXII avait, pour ce condiment, 
un faible tout particulier : il en mangeait, parait-il, 
avec tout; et sa consommation était telle, qu’elle 
avait nécessité la création d’une nouvelle fonction, 
celle de rnoutardier du Pape, fonction qu'occupa 
un de ses neveux. F. Hoefer, dans son dictionnaire 
de botanique pralique, nous raconte que les an- 
ciens mangeaient les feuilles de moutarde, cuites 
ou crues, comme herbes potagères. 

Aujourd'hui, la moutarde est restée un condi- 
ment justement apprécié. En outre, l’huile extraite 
du Sinapis juncea des indes, variété du Sinapis 
nigra, est consommable. On en fait grand usage 
en Russie. C'est un liquide jaune, insipide, ino- 
dore, pouvant, jusqu’à un certain point, remplacer 
l'huile d'olive. 

L'huile de moutarde blanche sert à l’éclairage 
et au graissage; celle fournie par la moutarde 
noire est employée dans la fabrication des savons. 


G. LOUCHEUX, 
chimiste du ministère des Finances. 


 —— —  — — 


Les marrons d'Inde. 


Nous eûmes déjà l’occasion d'appeler l'attention 
sur la valeur des résidus industriels et le profit 
qu'il ÿ avait à en tirer parti (3). C'est par millions 
de francs que se chiffre, par exemple, la valeur des 
scories de déphosphoration, autrefois absolument 
perdues et que Îles aciéries vendent maintenant 
aux agriculteurs pour la fumure des terres. De 

(1) Jahresler. für Pharm,, 1RK69, 

(2) Journal de Pharmacie, 1831. 

(5) Cosmos, 1910. 


même, cerlains débris, rejetés autrefois dans les 
mines d’or à cause de la trop faible teneur en 
métal précieux, sont maintenant traités à nouveau 
avec avantage. Une source non moins importante 
de profits éventuels peut ètre trouvée dans l’utili- 
sation de certaines matières naturelles dont il fut, 
jusqu'ici, pratiquement impossible de tirer parti. 
C'est ainsi qu'un grand nombre de nos roults sont 
ombragées par des lignes de marronniers dont Îles 
jolies fleurs et le feuillage décoratif font très bel 


N° 1412 


effet. Or, les marrons produits ainsi en quantité ne 
furent guère, jusqu'à présent, utilisés que par les 
enfants qui s’en font de jolis colliers dorés en les 
enfilant sur une ficelle, ou par les amateurs qui y 
sculptent des chefs-d'œuvre plus ou moins réussis! 
Ces applications sont évidemment insuffisantes 
à donner aux marrons d'Inde une valeur quel- 
conque. Aussi s’est-on efforcé de chercher à mieux 
les utiliser. Empressons-nous d'ajouter que jus- 
qu'à présent le succès n’a guère récompensé les 
chercheurs, aucune méthode d'emploi n'ayant pu 
être utilisée avec profit. Mais ceci ne retire rien 
à l'intérêt des procédés successivement imaginés 
pour tirer parti des marrons d’Inde, procédés qui, 
modifiés et perfectionnés convenablement, seront 
sürement mis au point un jour ou l'autre. 


Le marron-aliment. — Le marron d'inde, en 
efet, et cest sans doute justement la cause des 
difficultés de son utilisation, contient diverses 
matières de valeur. Mais, malheureusement, les 
unes nuisent aux autres. Ainsi, malgré sa forte 
teneur en fécule, le marron ne peut servir à l’ali- 
mentation; il contient des principes amers qui lui 
donnent un fort mauvais goût. La seule tentative 
faite en ce sens paraît être le broyage suivi d'une 
incorporation à de la mélasse, le tout devant être 
ensuite mis en galette et servir de substitut aux 
tourteaux employés à l'alimentation du bétail. 

On a aussi proposé, sans grand succès, l'emploi 
direct des marrons, surtout pour la nourriture des 
vaches. Elles en acceptent difficilement au début, 
à cause de la saveur amère; mais on les y 
habitue en persistant. On peut d'ailleurs diminuer 
l’amertume par la dessiccation, la macération ou 
la cuisson à l’eau. Le marron est plus hygiénique 
et plus nutritif cuit que cru. A l’état sec, on l’admi- 
nistre, après l'avoir broyé, mélangé surtout avec 
dautres aliments (grains, tourteaux, farines, 
racines, etc.); il est alors beaucoup plus facilement 
consommé. 

41 kilogramme de marrons d'inde, à l'état nor- 
mal, équivaut à 3 kilogrammes de betteraves, et à 
6 kilogrammes à l’état sec. Étant astringent, il doit 
être mélangé avec des aliments aqueux. Éviter 
d'en donner aux vaches laitières et aux volailles. 
Ce marron est très favorable aux moutons atteints 
de cachexie aqueuse et aux chevaux poussifs. Le 
porc ne le consomme que difficilement. 

On peut cependant en donner aux porcs après 
l'avoir fait cuire dens l’eau et en le mêlant avec 
du son, de la farine ou des pommes de terre. Com- 
mencer par en donner 500 grammes par jour 
(250 grammes à chaque repas), et augmenter pro- 
gressivement pour arriver à la dose de 1,0 à 
à 1,5 kilogramme par jour et par porc. Jeter 
l’eau dans laquelle les marrons ont cuit. 

500 grammes par jour conviennent pour les 
moutons; 2,0 à 2,5 kilogrammes aux bêtes bo- 


COSMOS 


303 


vines, surtout à celles qui sont à l'engrais; 0,4 à 
0,3 kilogramme par jour, à l'état sec, en farine, aux 
chevaux poussifs, en mélange avec la ration. Pour 
conserver les marrons d'Inde, on les dépose dans 
un local sain, en couches peu épaisses, souvent 
remuées 


La féculerie de marrons d'Inde. — La plupart 
des traitements qu'on a proposé de faire subir aux 
marrons d'Inde sont à la fois plus compliqués et 
plus rationnels que ceux précédemment décrits. 
Les divers principes recelés par la graine se 
nuisant les uns aux autres, le mieux est de les 
séparer. On parvient ainsi, au laboratoire, à 
retirer de 4 000 parties en poids de marrons séchés : 
280 parties de malière amylacée, 30 parties de sapo- 
noides analogues à ceux du bois de Panama, 
60 parties d'une huile jaunâtre, quelques parties 
de tannin. Comme un arbre de vingt années donne 
normalement chaque été un hectolitre de marrons, 
pesant 15 kilogrammes, et qu’un arbre adulte peut 
fournir deux ou trois fois plus, on voit quelle 
énorme quantité de matériaux uliles sont perdus 
chaque année. 

De tous les principes du marron d'Inde, c’est la 
matière amylacée qu'on cherche d'abord à utiliser, 
chose toute naturelle, étant donnée la richesse des 
fruits en amidon et les débouchés faciles à trouver 
pour le produit fabriqué. 

Dès 1720, un magistrat de Montpellier, Bon, 
imagioait un procédé d'épuration de la fécule du 
marron d'Inde, le fruit pouvant servir alors à 
l'engraissement des bestiaux (4). Il opérait en 
lavant les marrons coupés avec une lessive de 
cendres de bois et de chaux (caustifiant les carbo- 
nates alcalins de la solution). 

Toutefois, il ne s'agissait pas encore là, comme 
on le voit, d’un véritable procédé pour l'extraction 
de la matière amylacée. Aussi les chercheurs con- 
tinuèrent-ils à tenter des perfectionnements de 
cette trop rustique méthode. L'illustre vulgarisa- 
teur de la pomme de terre, lequel, comme on 
sait, s’occupait surtout de panification et voulait 
faire avec la pomme de terre une farine pour sup- 
pléer à la rareté du blé dans les mauvaises années, 
Parmentier lui-même, s’occupa tout spécialement 
du marron d'Inde dont il parvint à retirer une 
fécule panifiable, sans, d'ailleurs, se faire illusion 
sur les difficultés de mise au point pratique d'une 
telle fabrication. La fécule de marron était ajoutée 
à la farine de froment dans la proportion de 
30 pour 100. 

Le célèbre pharmacien PBaumé (2) décrivit une 
méthode permettant de préparer, avec le marron 
d'Inde, une farine panifiable ou une poudre pour 
la toilelte (on faisait alors une énorme consomma- 


(i) Mémoires de l'Académie royale des sriences, 1720. 
(2) Mémoire sur le marron d'Inde. Paris, 1797. 


304 


tion de poudre de riz). Il obtint jusqu’à 417 pour 
100 de fécule blanche. Vergnaud Romagnesi (1) 
préconise le procédé suivant pour l'extraction de 
la fécule du marron. Les fruits décortiqués sont 
parfaitement broyés, après quoi on leur fait subir 
un délayage dans l’eau contenant 2 à 5 pour 100 
d'acide sulfurique. La fécule qui- se dépose très 
vite est lavée à l'eau ordinaire jusqu’à neutralité 
des dernières eaux de lavage; on la fait ensuite 
sécher. 

Peu à peu, et grâce aux efforts de tous ces 
chercheurs, il s’établissait en France une véritable 
industrie pour l'extraction de la fécule du marron 
d'Inde. Et plusieurs petites usines prospéraient 
dans diverses régions. 

Voici, d'après Chevalier (2), comment on opé- 
rait pratiquement, dans l'Eure et dans l'Isère, 
l'extraction de la fécule de marron, vers le milieu 
du siècle précédent. « On enlève l'écorce des mar- 
rons et on les lave à leau fraiche pour les net- 
toyer complètement ; on les réduit, par l’action de 
la râpe, en une pulpe fine qu'on lave à grande 
eau sur un tamis de crin serré. On poursuit le 
lavage tant que l’eau entraine de la fécule, laquelle 
est recueillie dans un vase conique placé sous le 
tamis. Quand la fécule s'est déposée au fond de ce 
vase, on décante l’eau surnageante, on délaye la 
fécule dans une nouvelle eau et on passe à travers 
un tamis de soie très fine. Après nouveau repos 
de cinq à six heures, on délaye le dépôt dans cin- 


quante fois son volume d’eau, on laisse reposer, on 


décante et on place la fécule sur des cadres égout- 
teurs garnis de coutil tendu. On fait finalement 
sécher au soleil jusqu'à parfaite friabilité des 
mottes de fécule. » 

La mise au point définitive de la féculerie indus- 
trielle du marron d'Inde fut faite surtout par 
M. de Callias dans son usine de Nanterre (3). Ce 
fabricant réussit à supprimer le long épluchage 
préparatoire, les marrons étant directement ràpés 
et l'écorce restant avec les pulpes et résidus habi- 
tuels des tamisages. Au reste, la fabrication se 
faisait, comme en féculerie usuelle, par traitements 
successifs de broyage, arrosages sur tamis, dépôt, 
lavages et décantations en cuves. Les rendements 
moyens atteignirent {15 kilogrammes de fécule 
pour 100 de marrons mis en œuvre (ce qui fait 
encore 40 pour 100 de perte, d'ailleurs). 

Vers 1860, la fécule de pomme de terre étant 
cotée en moyenne 6% francs le quintal, M. de 
Callias vendait la fécule de marron à 52 francs, et 


(1) Annales de la Société royale des sciences... 
d'Orléans, 1826. 

(2) Bulletin de la Société d'encouragement, 1850. 

(3) Ses procédés furent décrits par Jacquelain 
(Société d'encouragement à l'industrie, 1862); Robinet 
(Sociétéimpérialed'agriculture, 1857), Payenet d'autres 
techniciens de l’époque. 


COSMOS 


12 SEPTEMBRE 1912 


malgré l'infériorité du prix, nécessaire pour 
vaincre les préventions des acheteurs, mais nulle- 
ment justifiée par une différence de qualité, réali- 
sait des bénéfices appréciables. 

L'usine de Callias, qui produisit 5 000 kilo- 
grammes de fécule dans la première année d'ex- 
ploitation (4856), fit ensuite 20 000 (1857) et jus- 
qu'à 25000 kilogrammes (1860) sans prendre 
jamais beaucoup plus d'extension par suite de la 
difficulté d’approvisionnement. Si le prix d'achat 
des marrons d'Inde (1,5 à 2,5 francs les 100 kilo- 
grammes) était faible, il fut grevé lourdement par 
la nécessité, au fur et à mesure que se dévelop- 
paient les besoins de l'usine, d'en faire venir de très 
loin. 

De fait, la féculerie de Nanterre dut bientôt 
fermer ses portes. Les quelques autres féculeries 
de marrons firent de mème. Si bien que les belles 
noix couleur d’acajou continuèrent à ne plus 
Servir qu'aux enfants, heureux de s’en confection- 
ner de jolis colliers. Cette déchéance est-elle donc 
définitive? À comparer les féculeries de pommes 
de terre et de marrons d'Inde, il semble que oui. 
Mais n’y aurait-il pas changement si, au lieu de 
retirer seulement du marron les 25 ou 30 pour 100 
de fécule qu'il contient, on pouvait aussi en extraire 
la saponine, la matière grasse, le tannin. Cette pos- 
sibilité n’échappa qu’à certains chercheurs; il en 
est d’autres, nous l’allons voir, qui s’en préoccu- 
pèrent. 

L'huile, le tannin, la saponine, les principes 
amers du marron d'Inde. — Les procédés de fécu- 
lerie que nous venons de décrire présentent l'in- 
convénient de laisser se perdre toutes les matières 
autres que la fécule. Or, certains de ces produits 
sont parfaitement utilisables. Nous allons voir de 
quelle façon on s'efforcera de les utiliser. 

C'est à l’abbaye d’Auchin, en Flandre, qu’on uti- 
lisa pour la première fois les marrons d'inde 
comme graine oléagineuse. On opérait en portant 
à l’ébullition un mélange d’eau et de marrons 
réduits en pâte : l’huile surnageait, et l’'empois de 
fécule obtenu servait aux tisserands pour l'encol- 
lage des chaines. Étant donné la faible quantité 
de matières grasses contenues dans le marron 
d'Inde, on semble s’ètre ensuite totalement désin- 
téressé de son extraction. Des récents essais de 
Morten Stillesen, il résulte que cette huile, surtout 
composée d'oléine, est analogue à l'huile d'amande. 
Nul doute qu’on ne puisse complètement l’extraire 
par l’action d'un solvant volatil et qu’on ne trouve 
à l'utiliser; mais ceci ne serait bien pratique que 
si le marron était utilisé aussi à d’autres destina- 
tions. 

En pharmacie, les essais d'utilisation plus nom- 
breux et plus suivis semblent avoir amené à des 
résultats définitifs fort intéressants. 

Dès 1709, un sieur Tablet recommandait l’em- 


N° 1442 


ploi, comme fébrifuge, de poudre de marrons d'Inde 
desséchés au four. Depuis, un grand nombre de 
médecins préconisèrent l'emploi des teintures 
d'écorces de marrons d'inde, toujours comme 
fébrifuge : certains glucosides contenus là, et en 
particulier l’esculine, la fraxine, possèdent certai- 
nement de telles propriétés. Mais la vogue de sub- 
stances beaucoup plus énergiques fit doucement 
tomber le marron dans l’oubli jusqu’à ces dernières 
années, où le D' Artault fit les plus intéressantes 
constatationssur de nouvelles propriétés du marron 
d'Inde. En prenant soin de prendre un « intrait » ou 
extrait de la plante fraiche stérilisée de façon que 
les principes divers cellulaires ne se modifient pas 
au cours d’une conservation ou d’une dessiccation, 
on remarque, à la suite d’ingestions en quantités 
très faibles, la guérison des varices, des hémor- 
roides. Actuellement, l'intrait de marron d'Inde 
est un médicament à la mode. Reste à savoir s'il 
guérira encore quand il n’y sera plus..... 

Du tannin de marron d'Inde, aucun essai d'utilisa- 
tion ne fut guère fait : ce qui se comprend, tous les 
végétaux tannifères pratiquement utilisés étant 
notablement plus riches. Mais en ce qui cuncerne 
les saponines, nous connaissons, au contraire, de 
nombreuses tentatives non pas d'extraction, mais 
d'utilisation directe. C'est ainsi qu'en 1757 un 
collaborateur anonyme du Journal économique 
décrit tout au long les avantages de l'emploi du 


COSMOS | 305 


suc de marrons d’Inde pour laver le linge. Il eut 
de nombreux émules, mais ce n’est que bien plus 
tard (1888) que nous voyons éclore un procédé 
bien plus pratique. Roulleaux des Houx, avant 
d'extraire la fécule des marrons, les fait macérer 
dans l’eau servant ensuite à dissoudre de la soude 
avec laquelle on saponifiera des huiles par empi- 
tage; toutes les saponines du marron restent dans 
le savon, doué ainsi d’incomparables propriétés 
détersives! 

Se Ce savon, il est vrai, ne fut jamais dans le 
commerce. N’en concluons pas qu'il s’agit d’un 
procédé sans valeur, comme de l’insuccès des an- 
ciennes féculeries de marrons, à l'impossibilité de 
cette industrie. Bien souvent, presque toujours 
même, l'invention de valeur fut des années sans 
se développer parce que tel détail-technique n'était 
pas bien mis au point, parce que les capitaux ou 
la capacité manquaient à l'inventeur pour « lancer » 
le produit fabriqué à grand renfort de réclame et 
de bluff. Le succès dépend d'un ensemble complexe 
de circonstances difficiles à réunir. Peut-être 
couronnera-t-il les efforts de l'ingénieux chercheur 
qui, profitant des travaux de ses devanciers et de ce 
qui actuellement est tout à fait délaissé, réalisera 
pratiquement l’utilisation de cette précieuse mine 
de produits de valeur qu'est le marron d'Inde. 


H. ROUSSET. 





SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 


Séance du 2 septembre 1912. 


PRÉSIDENCE DE M. APPELL. 


L'origine du quartz transparent de Mada- 
gascar. — M. Lacrorx a étudié à Madagascar lori- 
gine du quartz byalin (cristal de roche), qui depuis le 
xvu° siècle, est exporté de la Grande Ile pour les 
besoins de l’ornementation et de l'optique et qui, par 
sa limpidité, peut rivaliser avec celui du Brésil. Les 
grandes collections publiques possèdent des cristaux 
nets de ce quartz pesant plus de 100 kilogrammes, ainsi 
que des blocs énormes dépourvus de forme géomé- 
trique, tout en présentant une limpidité et une blan- 
cheur comparables à celles du verre le plus pur. 

Tous ces cristaux, gros ou petits, se trouvent dans la 
partie orientale de l'île. M. Lacroix estime qu'ils 
peuvent avoir trois origines différentes, et il expose 
les recherches qui l'ont conduit à ces déductions. 


Filaments, alignements et protubérances 
solaires. — M. Ricco rappelle que l'observation spec- 
troscopique des protubérances solaires, prolongée 
pendant ]a journée et faite plusieurs jours de suite au 
mème point du bord solaire, prouve que souvent ces 


phénomènes persistent pendant de longues périodes 
de temps, quoiqu'on ne puisse pas les suivre d’une 
manière continuelle, puisque l’observation spectrosco- 
pique ordinaire ne révèle les protubérances que sur 
les bords mêmes du Soleil. 

Mais le spectrohéliographe donne non seulement les 
images des protubérances au bord solaire, il donne 
aussi des marques de la présence des protubérances 
sur le disque même, sous la forme de ces objets inté- 
ressants et nouveaux qui ont été étudiés systémati- 
querment par M. Deslandres et ses élèves à l'Observa- 
toire de Meudon, et appelés par lui filaments et 
alignements. Ces objets dérivent de l'absorption 
exercée par les parties moins chaudes et plus élevées 
des protubérances sur la lumière de la photosphère. 

L'étude de cette question conduit M. Ricco à établir 
qu’il y a une relation entre les protubérances et les 
filaments et les alignements, de sorte que les fila- 
ments et les alignements peuvent servir à reconnaître 
l'existence et la disposition des protubérances sur le 
disque solaire et à en étudier la rotation, ce que jus- 
qu’à présent on ne pouvait pas faire. 


Sur les Solanum Maglia et tuberosum et 
sur les résultats d'expériences de mutations 
gemmaires culturales entreprises sur ces 
espèces sauvages. — Après la récente communi- 


306 


cation de M. EÈ. Heckel sur cette question, M. CLAUDE 
VERNE expose les essais qu'il a poursuivis avec de 
nombreux tubercules sauvages recueillis par lui, en 
1911, au Chili, en Bolivie et au Pérou, pendant un 
voyage effectué en 1911. 

Ces tubercules, tous petits et amers, ont été cultivés 
d'aprés la technique indiquée par M. Heckel, c'est- 
à-dire avec divers composts de fumier de ferme et sans 
engrais chimique. 

Les meilleurs résultats ont été obtenus avec des 
tubercules venant du Pérou; cependant, si une amé- 
lioralion a été obtenue pour les récoltes de 1912, on 
est encore loin de la mutation complète désirable, que 
l'on ne peut exposer qu'après une nouvelle campagne 
en 1913. Dans ces essais, on a obtenu les meilleurs 
résultats avec les fumures complexes dans lesquelles 
le fumier de gallinacés n’avait pas été exclu. Dans la 
prochaine campagne culturale, on accordera la pré- 
dominance au fumier de poulailler dans la composi- 
tion des fumures. 


COSMOS 


12 SEPTEMBRE 1912 


Sur les charges électriques transportées par les 
rayons a et 8. Note de MM. Jean Danvysz et WiLLiau 
Duaxe. — Etude de la loi d'absorption photochimique 
pour les réactions produites par les rayons ultra- 
violets. Note de MM. Vicror HENRI et RENÉ WuRuSER; 
les auteurs établissent qu'il existe un parallélisme 
tout à fait frappant entre la courbe d'absorption de 
l’acétone dans l’ultra-violet et l’activité chimique des 
différents rayons. — Action cardiaque comparée de 
l'extrait physiologique de digitale et des autres prépa- 
ralions digitaliques. Note de M. H. BrsoueT. — Ciliata 
chromatophora, nouvel ordre d'infusoires à morpho- 
logie et reproduction bizarres. Note de M. RoĮmvrarn 
Mixkiewicz. — M. MaLtÉézos signale de bizarres effets 
de l'électricité pendant un violent orage qui a éclaté 
sur Athènes et sur le Pirée les 3 et # mai dernier. En 
dehors de certains coups de foudre meurtriers ou 
non, il s’est produit un vent électrique ou courant 
d'air fortement ionisé qui n’a pas été sans causer des 
désagrémentsäceuxquisesonttrouvés surson passage. 





BIBLIOGRAPHIE 


Les défenses vitales : les fonctions protec- 
trices, par les D" Lovis et Pavut Murar. Un vol. 
(19 X 12) de 200 pages (3 fr). A. Maloine, édi- 
teur, 25, rue de lEcole-de-Médecine, Paris. 419412. 


Les D's Murat nous ont donné déjà plusieurs 
volumes intéressants, bien pensés, où de nombreux 
faits sincèrement exposés suggèrent au lecteur une 
saine interprétation spiritualiste. Leur nouvel 
ouvrage est aussi d'un intérêt bien soutenu; mieux 
que cela, d'un intérëét palpitant, surtout quand il 
décrit la lutte des phagocytes (globules blancs du 
sang et de la lymphe) contre les microbes qui 
envahissent l'organisme : lutte longue, incessante, 
aux phases diverses, aux péripéties animées. 

La phagocytose n’est que l'une des fonctions 
défensives de l'organisme. Celui-ci est protégé 
contre l'action nocive des agents externes ou in- 
ternes par les sens, par les instincts, par la dou- 
leur monitrice, par nombre de dispositifs anato- 
miques, par des organes protecteurs spéciaux, 
comme Île foie, le rein, les glandes à sécrétion 
interne. Il acquiert l’immunité, grâce à une variété 
extraordinaire d'agents chimiques (antitoxines ou 
antiferments) qui s'élaborent dans le sérum sanguin. 
L'introduction de n’importe quel albuminoïdeétran- 
ger, n'importe quelle toxine, qu'il s'agisse de venin 
de vipère, de scorpion, d'abeille, d'araignée ou de 
scolopendre, ou simplement de sérum d’anguille, 
détermine la formation du remède, de l'anticorps 
spécifique, substance qui mexistait pas jusque-là 
dans le sang et qui doit rendre la toxine inoffen- 
sive à l'avenir. N'est-il pas étonnant que l'organisme 
soit armé pour résister à des causes de destruction 
aussi peu probables, aussi exceptionnelles que 


l'inoculation du venin d’un serpent habitant à deux 
mille lieues d’ici ou l'injection expérimentale du 
sang d’un animal étranger dans ses propres vais- 
seaux? Tous les cas sont, pour ainsi dire, prévus 
à l'avance. 

Ainsi, pour conclure avec Richet: « En voyant 
les moyens à la fois minutieux et puissants que la 


nature a mis en œuvre pour assurer la perpétuité 


de l'espèce, on ne peut supposer que ces extraor- 
dinaires et compliqués mécanismes d’une harmonie 
prodigieuse soient l'effet du hasard. » 

Le sous-titre de l'œuvre montre bien la variété 
des questions traitées : 

Défenses anatomiques et physiologiques, géné- 
rales et locales; précis des découvertes nouvelles 
relatives aux fonctions antixéniques et anti- 
toxiques; la phagocytose; cytases et agressines; 
l’immunité; antigènes et anticorps, antiferments, 
lysines, coagulines, agglultiniaes, opsonines, com- 
plément; anaphylaxie; séro-diagnostic; sérums 
thérapeutiques; catalases;, glandes à sécrétion 
interne; hormones. 


Histoire des légumes, par M. GERGrS GIBAULT, 
bibliothécaire de la Société nationale d’horticul- 
ture de France. Un vol. in-8 de 410 pages avec 
gravures (5 fr). Librairie Horticole, 84 bts, rue 
de Grenelle, Paris. 


C'est un ouvrage original et curieux que celui 
de M. Gibault, et dont l'intérêt se maintient d'un 
bout à l’autre. De prime abord, les légumes ne 
semblent intéressants que pour ceux qui les font 
pousser et pour ceux qui s'en nourrissent. Mais 
c'est à un tout autre point de vue que se place 


N° 1442 


l'auteur. Il recherche les origines des diverses 
plantes de nos potagers, nous les montre à l'élat 
sauvage, étudie leurs transformations successives 
sous l'influence du changement de milieu et de la 
sélection opérée par l’homme. Il est alors très inté- 
ressant de parcourir à sa suite l'histoire des 
légumes, d’autant qu'il n’a négligé aucune source 
de documentation, précise beaucoup de faits et 
rappelle, en les mettant au point, loutesles légendes 
qu'il a pu relever au cours de ses laborieuses 
recherches. Nous avons signalé ici même (n° 1418) 
ce qu'il faut penser, d'après l'érudit écrivain, de 
Parmentier comme inventeur de la pomme de 
terre. 

L'ouvrage est limité à la description des plantes 
polagères cultivées sous les climats tempérés euro- 
péens; il intéressera vivement le monde agricole 
et horticole, aussi bien que le grand public, qui 
lira avec intérèt le côté archéologique, historique 
et anecdotique de l'histoire des légumes. 

Ajoutons que cet ouvrage a été honoré d'une 
médaille d’or de la Sociélé nationale d'horticulture 
de France. 


Les Alpes de Provence: Guide du touriste, du 
naturaliste et de archéologue, par G. TARDIEU. 
Un vol. in-46 de la collection des guides Boule, 
avec gravures et carte (cartonné toile, 4,50 fr). 
Librairie Masson, 120, boulevard Saint-Germain, 
Paris. 


Les guides Boule ne sont pas conçus sur le plan 
habituel de ces sortes d'ouvrages; ils contiennent 
naturellement une partie qui indique les itinéraires 
en chemins de fer, les routes, les centres d’excur- 
sions, et mentionnent toutes les curiosités qui 
doivent mériter l'attention des touristes. Celte 
partie, qui se retrouve dans tous les ouvrages du 
mème genre, est ici très sérieusement étudiée et 
mise au point. 

Mais ce qui fait l'originalité et la valeur de cette 
collection est la première parlie du volume, consa- 
crée à une monographie très complète de la région. 
Les voyageurs plus éclairés, qui cherchent à s'in- 
struire tout en parcourant un pays à eux encore 
inconnu, y trouveront nombre de renseignements 
utiles sur la géologie, l'orographie, l'agriculture, 
la faune et la flore, les coutumes. 

Par ce moyen, les touristes apprennent à mieux 
connaitre les diverses contrées dans lesquelles ils 
se rendent. 

Ce nouveau guide comprend les Basses-Alpes 
avec, du Vaucluse, la région montagneuse qui se 
rallache étroitement aux massifs bas-alpins. Si 
elles n’ont pas l'aspect aussi imposant que les 
Alpes de Savoie et du Dauphiné, les Alpes de Pro- 
vence offrent cependant aux touristes de superbes 
belvédères, des crêtes accidentées, de capricieuses 
successions de vallées. 


COSMOS 307 


L'auteur a su s'adresser aux meilleures sources 
pour y puiser les renseignements qui lui étaient 
nécessaires, son guide est excellent et des plus 
complets. 


Le Maroc physique, par Louis GENTIL. Un vol. 
in-16 broché de la Nouvelle collection scienti- 
fique (3,50 fr). Alcan, 108, boulevard Saint-Ger- 
main, Paris. 


L'auteur débute par résumer létat des connais- 
sances anciennes sur le Maroc : depuis les premières 
notions rapportées par les Phéniciens, en passant 
par les Romains, les Portugais et les Espagnols, 
jusqu’à la récente occupation française, nous sui- 
vons les progrès de la géographie dans cette région. 
L'œuvre proprement personnelle de M. Gentil con- 
siste dans l'étude géologique du Maroc. Il rattache 
étroitement les grandes chaines du Maghreb au 
système orographique du Nord africain. Il étudie 
d’abord le prolongement sous l'Atlantique de l'Atlas 
effondré à une époque récente, et il met au point 
les données scientifiques qui peuvent éclairer la 
question de l’Aflantide, à l'existence de laquelle 
il ne croit guère. Du côté du continent, l'Atlas 
dépend des chaines algériennes, tandis que le Rif 
parait plus indépendant. Le relief du sol et l'évolu- 
lion du réseau hydrographique forment un cha- 
pitre spécial, Restent les questions de climat, de 
flore, d'hydrologie souterraine, de terrain, qui sont 
envisagées {our à tour avec clarté. M. B. 


Livres parus récemment : 


Les bles nuirissent, par I. BORDER. 

A l'ombre du clocher, par L. Gros. 

La meilleure part, par E. PoITEAU. 

Chaque vol. in-18 (3,50 fr). Librairie Grasset, 
61, rue des Saints-Pères, Paris. 

Nous ne rendons pas habituellement compte des 
romans; mais nous signalons volontiers ces trois 
ouvrages d'agréable lecture qui peuvent ètre mis 
entre toutes les mains. 

Le chauffage par Uacétylène, considéré dans 
ses applicalions domestiques et industrielles, par 
P.-V. Lioranb. Une brochure de 36 pages (0,50 fr). 

L'acétylène et les Compagnies d'assuranres. 
Une brochure de 16 pages (0,25 fr). 

Office central de Facélylène, 104, bonlevard de 
Clichy, Paris. 

Observatoire central de Ulnido-Chine: bulletin 
pluviométrique année 1911, publié par G. LE CAUET. 
Observatoire ventral Phu Lien ({ndo-Chine:. 

Annual report of the director of the Weather 
Bureau, for the year 1907 : Meteorological obser- 
vations made at the secondary stations during the 
calendar year 1907. Bureau of printing, Manille 
(Philippines). 


308 


COSMOS 


19 SEPTEMBRE 19149 


FORMULAIRE 


Le contrôle du lavage des épreuves photo- 
graphiques. — Le journal américain Camera 
Craft signale un procédé commode pour suivre 
graduellement l'élimination de l'hyposulfite au 
cours du lavage des épreuves sur papier. La mé- 
thode consiste à additionner le bain de fixage 
d’une solution d’éosine à 1 pour 100, à raison d’une 
partie de cette solution pour 50 parties de bain de 
fixage. Les épreuves y prennent une légère teinte 
rouge qui ne disparait que lorsque la totalité du 
fixateur est éliminée. Cet artifice permet souvent 
de se rendre compte, par la persistance de taches 
rouges locales, d’un contact fortuit entre deux 
épreuves au cours du lavage, contact qui a entravé 
l’élimination de l'hyposulfite. (Photo-Gasette.) 

Fixage provisoire des négatifs photogra- 
phiques. — Le fixage provisoire a pour but de 
rendre un cliché, après développement, insensible 
à l’action de la lumière pendant un temps plus ou 
moins long ; il ne dispense pas du fixage définitif 


à l’hyposulfite de soude, mais permet de retarder 
celui-ci ainsi que le lavage. Cette manière d'opérer 
est très utile en voyage, où on n’a ni le temps ni 
l'installation nécessaire pour de semblables opéra- 
tions, et où cependant il est parfois utile de déve- 
lopper une vue à laquelle on tient, pour pouvoir 
la recommencer en cas d'insuccès. 

Voici une méthode de fixage provisoire indiquée 
par la Revue internationale de photographie : 

Au sortir du bain développateur, plonger le 
cliché, après Pavoir égoutté un instant (inutile de 
le laver), dans une solution de 2 pour 100 d'acide 
tartrique et l’y laisser de une demi-minute à une 
minute au plus en balançant doucement la cuvette ; 
l'opération est alors terminée et le cliché peut, à 
partir de ce moment, être impunément exposé à la 
lumière diffuse. Il n'y a plus qu’à le laver sommai- 
rement et à le sécher, la dessiccation pouvant 
d’ailleurs être activée par une immersion d'un 
quart d'heure dans l'alcool dénaturé. 





PETITE CORRESPONDANCE 


Adresses des appareils décrits: 


Le cinématographe de M. Cranz, pour prise de vues 
très rapides, est construit par M. Hans Boas, à Berlin. 
O, 27 (Allemagne). 

M. R.D.,à N. — Les Études : 25 francs par an pour 
la France. Bureau d'édition des Études, 50, rue de 
Babylone, Paris. — Vous trouverez ce que vous cher- 
chez au sujet des Pyramides et de la région avoisi- 
nante dans l'ouvrage de Goperroip Kurth : Mfisraim, 
souvenir d'Égypte. Bruxelles, librairie Albert Dewit, 
53, rue Royale. L'auteur est un historien et un litté- 
rateur belge catholique de grand renom. — Nous 
n'avons pas été à mème de vérifier si P. Loti a décrit 
cette région. 

M. F. M., à Q. — Vaturr, publié par Macmillan et 
C“, St-Martin’s Street, Londres, W. C.; abonnement 
annuel, 4 livre 10 shilling 6 pence. 

M. D.,à H. — La revue Field est publiée à Londres, 
Bream’s buildings, Chancery Lane, W. C. — Nous ne 
saurions vous dire dans quel numéro a paru l’article 
sur la coloration des œufs. 

M. N. G., à T. — Nous ne connaissons pas la for- 
mule de cetle encre à décalquer au moyen du fer 
chaud; mais on a signalé un produit qui peut rem- 
placer ce procédé, On mélange trois parties d'encre 
noire ordinaire avec une partie de glycérine. On écrit 
avec ce mélange; les traits se reproduisent sur l'élotfe 
par la simple pression de la main, 

M.T. 5.,à F. — Nous vous remercions; nous serons 
heureux de connaitre le systéme simple qui permet 
de saisir avec cette précision les signaux horaires; 
jusqu'à présent, on n'obtenait quelque précision que 
par des moyens assez compliqués, employés pour la 
détermination des longitudes. Nous envoyons votre 


adresse à un de nos correspondants, puisque vous le 
permettez. 


M. J. de R. — Il n’existe pas de bibliothèque rou- 
lante de ce genre, à rause du prix élevé des ouvrages 
qui la composeraient. — Le Cosmos a dit tout ce que 
nous savons sur ce sujet dans la correspondance du 
n° 1434, p. 84. Vous y trouverez aussi des indications 
sur les répertoires que l’on peut consulter. 


M. P. E., à N. — Nous n'avons pas expérimenté, en 
effet, le système Castaing. Nous avons eu occasion 
d'en signaler un autre, que d'ailleurs nous n’avons pas 
essayé non plus: celui du D' Bonnette. Voir Cosmos, 
n° 1315, p. 395 (9 avril 1910). — En dehors des appa- 
reils mécaniques, nous ne saurions vous donner 
d'autres indications. 


M. L,. C., à B.-le-R. — Les praticiens tiennent, en 
effet, à mettre la pointe en bas. Il est indispensable 


de ne mettre en conserve que des œufs non félés ; ils 


doivent ètre examinés avec soin à ce point de vue; il est 
à supposer que l’on n’avait pas pris cette précaution. 


M..C. de St-M., à A. — 1° Pour la destruction des 
herbes dans des cours ou dans les rues pavées, vous 
trouverez une excellente recette dans ce volume du 
Cosmos, n° 1432, p. 28 (4 juillet 1912). — 2° Les taches de 
sang sur les étotfes sont assez difficiles à enlever, et 
c'estimpossiblesion a employé l’eau bouillante pour les 
faire disparaître; si cette erreur n’a pas été commise, 
il faut laver l’étoffe souillée, sans employer de savon, 
dans une cuvette d'eau tiède dans laquelle on à fait 
dissoudre une cuillerée à café d'acide tartrique; 
exprimerensuitesoigneusement l’acide tartrique avant 
de rincer. 





Imprimerie P. Ferox-Vrau. 8 et 6, rue Bayard, Paris, VIII*. 
Le gérant : R. PETITBERAT. 


No 1413 — 19 sepreMBre 1919 


COSMOS 


309 


SOMMAIRE 


Tour du monde. Essai de production artificielle de la pluie. Les victimes de la foudre. Transfusion du 
sang de veine à veine. Développement des tétards de grenouilles dans l’eau de mer. Le travail de fermen- 
tation accompli par une bactérie. La lente croissance des arbrisseaux polaires. Les vipères dans le nord 
de la France. La France a possédé de grandes richesses houillères. Un poste domestique de télégraphie 
sans fil. Le nouveau campanile de Venise. Au canal de Panama. Fours crématoires automobiles, p. 309. 


Le ponton dérocheur du canal de Suez, Jacores Boyer, p.314. — Procédés modernes de métallurgie: 
II, De la fonts à l’acier, H. Rousser, p. 316. — L’avoine dans l'alimentation humaine, PLUcHET, 
p. 320. — La gorge de la Tamina et les sources de Pfeffers. D’ P. GoGcra, p. 321. — Aviation: 
une idée nouvelle, LuciEex FourNier, p. 325. — Ce qu'on voit dans un escargot; une lecon d’obser- 
vation (suite), HENRI CovriN p. 328. — L’acide carbonique en œnologie, Francis Manae, p. 331. — 
Sociétés savantes; Académie des sciences, p. 333. — Bibliographie, p. 334. 








TOUR DU MONDE 


MÉTÉOROLOGIE 


E:sai de production artificielle de pluie. — 
La ville de Battle Creek (Michigan) s'est signalée, 
le 23 juillet, par un grandiose essai de production 
artificielle de la pluie au moyen de décharges de 
dynamite. L’exhibition, dit le Scientific American 
(10 août), a merveilleusement réussi, à supposer 
que les organisateurs de l'affaire aient surtout tenu 
à créer un énorme afflux de visiteurs, ou bien à 
favoriser en grand le commerce des explosifs. 

En effet, on a brûlé, dans cette après-midi, 
2000 kilogrammes de dynamite. 

Une aire de pluie d'environ 230000 kilomètres 
carrés, qui passait la veille au matin sur le Dakota 
septentrional et le Dakota méridional, avait dérivé 
vers l'Est et atteignit Battle Creek le jour des 
explosions. En fait, il bruina à l’endroit même 
quelques heures avant le début des expériences, 
tandis que sur tout le sud de l'Etat de Michigan, au 
cours de la journée, il tomba de fortes averses. 

En dépit de ces faits, les fabricants de pluie arti- 
ficielle ont prétendu que la petite pluie qui est sur- 
venue dans leur voisinage était bien le résultat de 
leurs explosions de dynamite. Notre confrère le 
Scientific American dit qu’il est inutile de vouloir 
leur enlever cette persuasion. Mais, ajoute-t-il, tout 
‘homme initié tant soit peu à la science de la météo- 
rologie et muni de la carte quotidienne du temps 
publiée par le service météorologique aurait pu, 
sans dynamite, « faire » de la pluie ce jour-là à Battle 
Creek, tout comme un voyageur en pays sauvage, 
pourvu qu’il ait à sa disposition l’almanach, peut 
« faire » une éclipse de Soleil ou de Lune à jour 
dit de manière à en imposer aux indigènes. 

D’autres essais de pluie artificielle, quoique moins 
éclatants, ont été exécutés autrefois au Texas et 
plus récemment, en 1907, en Nouvelle-Zélande : 


T. LXVII. No 1443. 


tous ont été négatifs (Cosmos, t. 
p. 1412). 


LX, n° 1253 


Les victimes de la foudre. — Plusieurs 
seront étonnés d'apprendre que la foudre cause 
plus d’accidents mortels que les chemins de fer. 

Le Bureau météorologique des États-Unis a établi 
que, de 1890 à 1900, il y eut un total de 4 107 per- 
sonnes tuées par la foudre aux États-Unis: soit en 
moyenne 373 par an. 

Les annés 1899 et 1900 furent privilégiées, si on 
peut dire: 

502 tués, 
713 tués, 


en 1899, 
en 1900, 


S20 blessés ; 

973 blessés. 
Proportionnellement, sur {00 victimes, en 1890 

il yen eut: 


Frappées à l'air libre.................. 45 
— dans les maisons............. +3 
— sous les arbres.....,.......... Hi 
en 1900: 
Tuées à l'air libre.......,.............. 70 
— dans les maisons................. 22 
— sous les arbres.......,............. 8 
Blessees à Pair libre. .................. 63 
— dans les maisons.......,...... 34 
— sous les arbres..,............. 3 


SCIENCES MÉDICALES 


Transfusion du sang de veine à veine. 
— La Gazette des hiüpilaur (3 sept.) décrit 
sommairement une méthode nouvelle de trans- 
fusion du sang que deux docteurs américains, 
MM. A.-H. Curtis et V.-C. David, ont mise au point 
en pratiquant, pendant un an, une moyenne de 
deux transfusions expérimentales par semaine jn 
animà vili, et, en plus, quatre transfusions chez 
l'homme. Ils estiment leur méthode de transfusion 


310 


de veine à veine bien préférable à la transfusion 


d’artère à veine. Oy, 


L'appareil employé se compose d'une grande 
ampoule allongée munie de deux pointes perforées 
destinées à être introduites, l’une dans le bout péri- 
phérique de la veine du donneur, l’autre dans le 
bout central de la veine du receveur. D'autre part, 
à son autre extrémité, l’ampoule porte un troi- 
sième orifice muni d’un tube de caoutchouc qui la 
met en relation avec une seringue de 4100 centi- 
mètres cubes qui sert à faire varier à volonté le 
degré de pression ou de vide relatifs dans l'am- 
poule, suivant que l’on veut faire venir le sang de 
la veine du donneur ou le faire entrer dans la veine 
du transfusé. L'appareil est stérilisé à sec et tout 
l’intérieur est enduit d'une légère couche uniforme 
de paraffine (au moyen d’une immersion dans la 
paraffine fondue). 

Le bras du donnenr est préparé comme pour 
une saignée, la veine la plus saillante mise à nu 
et coupée; une pince à mors élastique est mise sur 
le bout périphérique, une ligature permanente sur 
le bout central. La même chose est répétée sur le 
bras du receveur, sauf que la pince élastique est 
mise sur le bout central et la ligature sur le bout 
périphérique de la veine. Alors, les deux pointes 
de l'ampoule sont introduites comme il a été 
dit plus haut, on relâche la pince du bout péri- 
phérique du donneur; le sang monte dans l'am- 
poule; s’il vient trop lentement, on fait un vide 
relatif à l’aide de la seringue, mais cela n’est géné- 
ralement pas nécessaire. Alors, on comprime la 
veine du donneur avec les doigts, puis on ouvre la 
veine du receveur, et, à l’aide de la seringue, l'on 
y fait entrer le sang à la vitesse voulue. Puis l’on 
recommence. Les ampoules ont de 400 à 400 centi- 
mètres cubes de capacité. | 

Il faut en avoir plusieurs dont les pointes sont 
plus ou moins grosses, à cause des variations que 
l'on rencontre dans le calibre des veines. 


BIOLOGIE 


Développement des têtards de grenouilles 
dans l’eau de mer. — Le professeur Pearse a eu 
l'occasion d'observer aux iles Philippines, à plu- 
sieurs reprises, des grenouilles vivant dans les 
estuaires dont l’eau était presque aussi salée que 
celle de l’océan. Comme d'habitude les grenouilles 
sont incapables de résister à l’eau de mer, M. Pearse 
a capturé plusieurs exemplaires decelles qui offraient 
un mode de vie aussi parliculier, mais il n'a pas 
élé possible de les délerminer; il s’agit donc de 
Hana d'une espèce inconnue. Dans des flaques 
abandonnées par l’eau et souvent recouvertes à 
chaque marée montante, l’auteur a vu une mulli- 
tude grouillante de tètards nouvellement éclos et 
de tèlards plus âgés; il en a vu également dans des 
trous creusts par les crabes, Sesarma bidens, et 


COSMOS 


19 SEPTEMBRE 1919 


remplis d’eau; les tètards ainsi que les grenouilles 
adultes semblaient parfaitement bien supporter 
l’eau salée de leurs habitats. Une analyse précise 
a montré que l’eau est très légèrement diluée par 
rapport à l’eau de mer. 

La Revue scientifique (1 septembre) rappelle à 
ce sujet que, dans un travail paru en 1906, M. Bohn 
et Mile Drzewina ont montré que l’eau de mer 
diluée exerce une action excitatrice sur l’éclosion 
des œufs et sur la croissance des embryons et des 
tétards de Rana temporaria et R. fusca. Chose 
curieuse, cette action n’est pas directement pro- 
portionnelle à la concentration de l’eau. Il y a un 
certain optimum, qui correspond à 6 grammes de 
sel marin par litre; au-dessus et au-dessous de 
cet optimum, par conséquent dans de l’eau plus 
salée ou moins salée, les résultats sont moins 
bons et même franchement mauvais. Alors que les 
têtards placés dans la solution à concentration 
optimum éclosent plus tôt et s’accroissent plus rapi- 
dement que les témoins, ceux placés dans diverses 
autres solutions accusent un retard de croissance. 
Les auteurs ont mème constaté qu’au-dessus et au- 
dessous de la solution optimum on obtient assez 
souvent des têtards monstrueux. Dans les deux cas, 
d’ailleurs, les monstres se présentent avec des 
caractères différents : minces, à queue allongée et 
élroile, avec une courbure à concavité dorsale 
très accentue, dans le premier cas; courts, à corps 
gros et large, à queue très courte et large, dans le 
second cas. 


Lə travail de fermentation accompli par une 
bactérie (Prometheus, 41 aoùt). — M. Otto Rahn 
a évalué la quantité de substance qu’une seule 
cellule vivante, un ferment figuré, est capable de 
transformer en un temps donné. Il s’est adressé à 
la bactérie qui acidifie le lait, Bacterium lactis 
acidi, etil a effectué un total de 57 déterminations 
sur huit races différentes de ce ferment. 

En admettant que les bactéries se multiplient en 
progression géométrique (suivant la série, 4, 2, 
4, 8, 16, 32...) et que toutes les cellules d’une cul- 
ture jeune aient la même activité individuelle, il 
arrive à cette conclusion qu'un individu du Bacte- 
rium lactis acidi produit par heure 48 X 10-!° mil- 
ligramme d’acide lactique. Pour le rappeler à ceux 
qui ne sont pas familiarisés avec celte notation, 
10-° indique une fraction ayant pour numérateur 
l’unité et pour dénominateur ‘unité uivie de 
40 zéros; ou encore : 

10-19 — 0,000 000 000 1 
et 18 x 10-12 — 0,000 000 001 8. 

La quantilé d'acide lactique que produit en une 
heure une bactérie est justement du mème ordre 
que le poids même de cette bactérie. 

Suivant les races qui furent soumises aux essais, 
la production moyenne d'un individu varia de 
7,4 x 10-19 à 32,5 Xx 40-1° milligramme par heure. 


N° 1433 


Les cultures Agées ont une moindre activité de fer- 
mentation el de multiplication. L'influence de la 
température est aussi très claire : à 30° ou 35°, la 
fermentation est plus intense qu’à la température 
du laboratoire. 


La lente croissance des arbrisseaux polaires. 
— Le D' Fr. Kanngiesser, qui s’est intéressé à la 
détermination de la longévité des arbrisseaux de 
l'Europe, a eu aussi l'occasion d'examiner des 
échantillons d’arbrisseaux polaires recueillis au 
Spitzberg par M" Hanna Resvoll-Holmsen. A la 
question de l'âge maximum que ces arbrisseaux 
peuvent atteindre sous le climat du pôle, il est 
malaisé de répondre dès maintenant; on peut dire 
pourtant que la longévité de toutes ces espèces 
végélales dépasse la longévité de nos espèces 
d'arbrisseaux indigènes. 

Par contre, sur un autre point la réponse est 
très claire : l’épaisseur des couches de croissance 
annuelle des arbrisseaux polaires n’est que le quart 
de l’épaisseur constatée sur les mêmes arbrisseaux 
poussant en nos régions tempérées. Un arbrisseau 
polaire d'environ vingt ans a une tige épaisse comme 
un tuyau de plume. 

Ainsi, un exemplaire du Dryas octopetala de 
vingt ans, de la baie de la Croix, mesurait 1,9 mm 
de diamètre, avec des anneaux de croissance de 
0,06 mm seulement, tandis qu’un exemplaire de la 
même espèce recueilli à Scharnitz, dans le Tyrol, 
bien qu'âgé seulement de dix-huit ans, avait 145,0 mm 
de diamètre, avec des couches annuelles de 0,32 mm 
en moyenne. 

Un bouleau nain, Betula nana, de douze ans, de 
la baie de Col, au Spitzberg, mesurait 4 millimètres 
de diamètre, avec descouches annuelles de 0,15 mm, 
tandis qu'un exemplaire semblable et de mème âge 
cueilli à Schongau avait une tige de 14 millimètres 
et des couronnes de croissance de 0,58 mm. 


ZOOLOGIE 


Les vipères dans le nord de la France. — 
L'enquête faite par la Société d’acclimatation en 
1863 ne signale aucune espèce de serpents venimeux 
dans le département de l'Aisne. 

M. Gaillot, ingénieur agronome, nousapprend dans 
une lettre au Journal d'Agriculture pratique que 
l'on aurait tort de se fier trop complètement aux 
résultats des enquêtes de ce genre : 

« Des trois espèces de vipères que nous possédons 
en France, deux seulement peuvent être rencon- 
trées dans la région du Nord; ce sont: Vipera 
aspis ou «l’aspic» et Vipera berus ou la «péliade». 
La troisième, qui est Vipera ammodytes, ne se 
trouve que dans la région méditerranéenne. 

» L'aspic, très commune dans le midi et le 
centre de la France, ne dépasse guère, vers le 
Nord, les environs de Paris; cependant, sa pré- 


COSMOS 


311 


sence esl signalée par l'enquête précitée dans 
l'Oise et dans Seine-et-Marne. On pourrait donc 
vraisemblablement la rencontrer aussi dans l'Aisne. 
Toutefois, nous n'en possédons jusqu'alors aucun 
exemple. 

» La péliade remonte beaucoup plus vers le 
Nord; elle est très commune dans l’est de la 
France, et l'enquête signale sa présence dans l'Oise, 
la Somme et le Pas-de-Calais. 

» [l convient d'y ajouter le département de 
l'Aisne. Depuis quelques années, nous avons pu 
recueillir dans ce département un assez grand 
nombre d'échantillons de ce serpent venimeux. 

» La plupart ont été rencontrés dans la région 
Sud du département. Ils abondent en certains 
endroits du Laonnais et du Soissonnais. 

» Quelques morsures de ces reptiles occasion- 
nèrent des accidents très graves chez les personnes 
qui en furent victimes. 

» Des renseignements que nous avons recueillis, 
il résulle que le nombre de ces animaux augmente 
sensiblement. 

» [i est donc bon de savoir qu'il n'existe pas seu- 
lement des couleuvres dans le département de 
l'Aisne. C’est une croyance malheureusement très 
répandue dans ce pays, et qui est souvent cause 
des accidents qui se produisent, 

» Maurice Gaillot. » 


MINES 


La France a possédé de grandes richesses 
houillères! comme le rappelle Echo des Mines 
du $ septembre; mais, hélas! les cessions faites 
par Napoléon à l'Amérique nous ont enlevé ces 
bassins houillers formidables découverts par des 
Français. 

On connait peu ce point de notre histoire colo- 
niale: dans la vallée du Haut-Mississipi, la pre- 
mière mention positive de l'existence de combustible 
minéral sous forme de houille semble ètre celle 
qu’en firent les missionnaires Jésuiles français de 
l'Assiniboine (Minnesota). En 1659, au sujet de la 
tribu Poualak d'Assiniboine, ils faisaient la remarque 
suivanle: « Comme chez eux le bois est rare el 
petit, la nature leur a enseigné à lui substituer du 
charbon de terre comme aussi à couvrir leurs 
wigwams avec des peaux. » Il est tout à fait pos- 
sible aussi que les Indiens de l'lowa, des prairies 
du Nord aient antérieurement fait usage des gise- 
ments de lignite de la région tels qu'ilssetrouvent, 
par exemple, dans le comte de Browa, près des 
sources chaudes de la rivière des Moines, 

Lorsque La Salle, un francais, établit en 16N0 
le Fort Crève-t‘æur sur la rivière d'Ilinois, dans 
les environs où se trouve actuellement Peoria, on 
trouva et utilisa de grands gisements houillers. Le 
P. Hennepin, un Français, qui élait associé avec 
La Salle, mentionne dans le journal de ses voyages 


312 


l'existence de charbon en ce lieu. Dans une édition 
anglaise de sa carte de la région du Haut-Missis- 
sipi, emplacement de ces gisements est clairement 
représenté. Il ne s'était nullement trompé, c'est ce 
qu'ont amplement démontré les développements 
ultérieurs. 

Dans ses lettres relatives aux productions natu- 
relles se trouvant le long de la rivière de l'Illinois, 
écrites quelques années plus tard, La Salle aussi 
rapporte le fait de l’existence du charhon à Crève- 
Cœur. Ges lettres ont été récemment réimprimées 
à Paris, par Margry. 

Une autre mention très précoce du charbon dans 
le Haut-Mississipi est celle de Le Gardeur de l'Isle, 
un Français toujours, qui, en 1722, écrivait du 
Fort de Chartres, près de Kaskastria, qu'il avait 
accompagné un M. Renault à la rivière de l'Illinois 
pour y chercher des mines de cuivre et de charbon. 

Les Français connurent donc de bonne heure 
l'existence du charbon qui affleure près de l’em- 
bouchure du Missouri à un point nommé La Char- 
bonnière. Environ un siècle plus tard, en 1805, 
Pike, quand il commença sa fameuse tournée aux 
sources de l’Arkansas, passa par cet endroit. Il 
dit: « Six milles en dessous de Saint-Charles, du 
coté Sud, en face d’un village appelé Florissant, 
est une colline de charbon nommée par les Fran- 
cais « La Charbonnière ». C’est un gisement solide 
qui pourra probablement fournir assez de charbon 
pour la population entière de la Louisiane. » 

Enfin, pour ètre complet, en Pensylvanie, vers 
1704, vingt ans après que le privilège de colonisa- 
tion avait été accordé par Charles IT à William 
Penn, l’anthracite se fit connaitre dans le district 
de Wyoming. En 1729, vingt-cinq ans plus tard, 
on le découvrait dans la vallée de Lehigh. Les 
charbons de Virginie paraissent avoir été exploités 
pour la première fois près de Richmond en 1750. 
De là ils étaient expédiés sur Philadelphie, New- 
York et Boston. 

En résumé, n'est-il pas curieux de penser que 
nous avons possédé tous ces grands bassins du 
Haut-Mississipi? Bonaparte rèva de créer là un 
grand empire colonial, mais l'échec de l'expédition 
de Saint-Domingue changea ses idées, et il liquida 
en vendant la Louisiane aux Etats-Unis pour 
60 millions de francs (1803). Le territoire ainsi 
cédé est celui du Mississipi au Pacifique, compre- 
nant les États et territoires actuels de Louisiane, 
Arkansas, Oklahoma, Territoire indien, Kansas, 
Missouri, lowa, Minnesota, Nebraska, Oregon, 
Colorado, Dakotah, Idaho, Utah, Montana, Wa- 
shington, Wyoming. Cela vaut tous les Congo, 
tous les Maroc, tous les Tonkin du monde. 

On ne pouvait pas se douter à cette époque de 
l'immense importance que prendrait un jour la 
question du charbon minéral dans un pays surtout 
où le bais était surabondant. 


COSMOS 


19 SEPTEMBRE 1912 


ÉLECTRICITÉ 


Un poste domestique de télégraphie sans 
fil. — S'il est interdit d'établir un poste complet 
de télégraphie sans fil pour la réception et la trans- 
mission des dépêches, rien ne peut empêcher les 
particuliers de recueillir au passage les ondes pro- 
duites par les postes autorisés, ondes qui par- 
courent l’atmosphère, et qu'on peut assimiler au 
son des cloches qu’on ne saurait interdire d'en- 
tendre. 

Or, depuis que la tour Eiffel signale l'heure 
exacte et les éléments météorologiques, nombre 
de personnes, même en dehors des marins et des 
fabricants de chronomètres — auxquels une telle 
communication journalière est si précieuse pour 
régler leurs montres, — désirent bénéficier de ces 
indications, qui, en somme, sont données aux frais 
des contribuables. 

Quelques-unes un peu versées dans la question 
de télégraphie sans fil, des lecteurs du Cosmos, 
par exemple, ont établi chez elles un poste récepteur 
de fortune; un fil de métal plus ou moins long, 
une petite pile, un détecteur de construction facile 
et un téléphone y suffisent. 

Mais bien des gens reculent devant les difficultés 
d'une installation si simple. Un de nos amis, grand 
amateur de ces questions, après s’ètre créé un de 
ces postes avec des moyens sommaires, a eu l'heu- 
reuse idée d'en réunir les éléments principaux dans 
une caissette : détecteur, pile, téléphone, bobines 
d'accord pour régler l'appareil suivant les lon- 
gueurs d'ondes des postes transmetteurs. 

Cette boite porte deux bornes, l'une pour établir 
une communication avec la terre (conduites d’eau 
ou de gaz, par exemple, chaine de paratonnerres), 
l'autre pour recevoir l'extrémité du fil qui con- 
stitue l’antenne. C’est très commode, et tout le 
monde peut utiliser l’appareil. 

La maison Ducretet a fait établir des postes de 
ce genre pour ceux qui ne peuvent ou ne savent 
établir un pareil ensemble, et désormais rien de 
plus facile que d'avoir chez soi, chaque jour, les 
pronostics du temps et heure exacte. A la cam- 
pagne, pour ce dernier objet, on utilisait jusqu'à 
présent un cadran solaire plus ou moins perfec- 
tionné; mais, outre que les indications de ces ca- 
drans n’ont qu’une approximation relative, elles 
exigent des corrections pour l'équation du temps 
et la longitude, tandis que le signal de la tour 
Eiffel donne sans calcul l'heure de Greenwich 
exacte à la seconde. 


GÉNIE CIVIL 


Le nouveau campanile de Venise (Revue 
srientifique, août 1912). — Quand on eut décidé 
de reconstruire le campanile écroulé, la grave 
question se posa d’établir un édifice qui ne füt pas 
exposé à pareille catastrophe. On sait que Venise, 


N° 1443 


construite sur Ja lagune, offre un sol de fondations 
fort médiocre, et que c’est à la surcharge du sol 
qu'on a attribué la chute du campanile détruit. 
Ce beffroi, dont la hauleur atteignait 90 mètres, 
pesait environ 12000 tonnes et exerçait sur ses 
fondations une poussée égale à 120000 kilo- 
grammes environ par mètre carré; sur le sol, la 
pression atteignait encore 100 000 kilogrammes par 
mètre carré! 

La Commission chargée de la réfection de l’édi- 
fice s'est donné pour but d'améliorer ces condi- 
tions en renforçant la fondation, en diminuant la 
masse de la tour, enfin en solidarisant entre elles 
les diverses parties de celle-ci, afin d'éviter qu'elle 
périsse par dislocation. Pour tout cela, la meil- 
leure solution a été offerte par le béton armé : 
sans modifier le moins du monde l'aspect extérieur 
du campanile, on en a élargi l'intérieur : un esca- 
lier hélicoidal en béton armé donne aujourd'hui 
aux murs une rigidité et une commune solidarité 
qw'ils n'avaient pas autrefois; aussi a-t-on pu 
réduire lépaisseur et ramener le poids de l'édifice 
aux trois quarts de son poids antérieur. Comme, 
d'autre part, les fondations ont été renforcées par 
le battage d'une couronne nouvelle de pilotis, com- 
portant plus de 3 000 pieux et soutenant une cein- 
ture maçonnée en pierre dure, la charge sur le 
sol s’est réduite à 43 000 kilogrammes par mètre 
carré, ce qui. parait fort admissible. Le nouveau 
beffroiatteintcependant,comme l'ancien, 90 mètres, 
et il est comme lui surmonté d'un ange de 10,5 m 
de hauteur. 

La flèche qui termine le campanile et qui a 
20 mètres de haut est complètement armaturée par 
des poutres en béton armé; elle est limitée à sa 
base par un plancher de mème nature qui assure 
l'entréloisement; seule la charpente de support 
des cloches est métallique. On compte sur l’élasti- 
cité de cette charpente comme sur la plus grande 
flexibilité de tout l'édifice pour réduire l’action 
oscillante exercée sur les fondations, par l'effort 
du vent, et la vibration des cloches. Et cela parait 
tout à fait rationnel. Ces effets alternatifs sont, en 
effet, éminemment défavorables à la stabilité de 
l'édifice, et on peut leur attribuer pour une bonne 
part l’accident aujourd’hui réparé. 

Aussi, malgré qu'on ait habilement caché le 
béton armé sous des matériaux identiques à ceux 
du campanile ancien, pour effacer tout souvenir de 
désastre, peut-on prédire au nouveau clocher, main- 
tenant terminé, une plus longue vie qu’à celui qui 
l’a précédé. Il nous a paru intéressant de citer cette 
application bien caractéristique de béton armé, en 
ce qu'elle montre à la fois la confiance qu'il a 
maintenant suscitée et la variété des partis qu’on 
en peut tirer. A. D. 


Au canal de Panama. — On sait qu'à diffé- 
rentes reprises il s’est produit dans les tranchées 


COSMOS 


313 


du canal de Panama des glissements du sol, inté- 
ressant d'énormes volumes de matériaux qui sont 
venus combler les travaux déjà faits. Ils sont dus 
à des couches d'argile qui portent les masses des 
terrains supérieurs; quand les travaux libèrent 
ces masses, elles glissent sur l'argile et, avec elle, 
pour chercher un nouvel équilibre. A còté de rai- 
sens d'un autre ordre et qu'on se rappelle trop 
bien, ces glissements ont été l’un des écueils qui 
ont entrainé la ruine de l’ancienne Compagnie de 
Panama. 

Les Américains ont retrouvé ces difficultés, et 
voici plusieurs fois que des glissements viennent 
ajouter quelques millions de mètres cubes à enlever 
dans les travaux déjà achevés. L'événement s’est 
encore produit à la fin du mois dernier, en deux 
points: l’un dans la traversée de la Culebra, l'autre 
sur la rive du Pacifique où, l'argile ayunt cédé, les 
quais du port de Balboa, à l'embouchure du canal, 
se sont écroulés entrainant la perte d'un navire. 

Les ingénieurs se déclarent incapables de lutter 
contre ces phénomènes; on ne peut, en effet, 
tenter de lutter avec le poids d'une montagne qui 
se met en marche, Ce qui est plus grave, c’est que, 
étant donnée la nature du terrain, on ne sait si de 
telsaccidents ne viendront pasculbuterles immenses 
ouvrages des écluses et du grand barrage de 
Gatun. Ce serait la ruine de l’œuvre. 

Puisque nous parlons du canal de Panama, disons 
que les excavations, en certaines parties, y sont 
faites par la méthode des déblais hydrauliques, 
notamment à l'aval du Miraflorès, où Pon enlève 
6233000 mètres cubes d’alluvions recouvrant les 
roches; c'est la méthode employée depuis des 
années pour l'exploitation de certaines mines d’or, 
et ajoutons celle proposée à l'ancienne Compa- 
gnie de Panama par le regretté Duponchel, dont les 
idées furent d’ailleurs reçues par une fin de 
non-recevoir. (Voir Cosmos, 4°" février 1890.) Dans 
celte méthode, les terres sont désagrégées par de 
violents jets d’eau, et les troubles minéraux ainsi 
constitués sont écoulés par des canaux torrentiels 
ou repris ‘par des pompes puissantes; dans les 
deux cas, l’ensemble est conduit à une distance 
suffisante du chantier. 


VARIA 


Fours crématoires automobiles, — La 
Gazette des hôpitaux du 5 septembre écrit: 

« Un médecin militaire allemand, le D' Blau, 
vient de préconiser dans le Militer Wochenblatt 
l'adoption de fours crématoires automobiles. C'est 
là une solution nouvelle de la question des inhu- 
mations qui, dans la prochaine guerre, sera une 
des préoccupations les plus graves des hygiénistes. 

» Le Dr Blau rappelle qu'à la fin de 18370 les 
commissaires de police allemands constatèrent 
autour de Metz la présence d'environ 30 U00 ca- 


31% COSMOS 


davres militaires insuffisamment recouverts de 
terre, et, dans le seul canton de Gorze, il y avait 
14 000 cadavres dans le même cas. Dans nombre 
de villages, on ne pouvait plus se servir de l’eau 
des puits, et la mortalité augmenta dans des pro- 
portions effrayantes. Le seul moyen d'éviter de 


19 SEPTEMBRE 1912 


telles calamités accessoires, c'est d'incinérer les 
cadavres sur le champ de bataille. Il fut d'ailleurs 
pratiqué au moment de la retraite de Russie, et 
plus récemment par les Japonais en Mandchourie. » 

Dieu nous préserve d’avoir à utiliser des inven- 
tions de ce genre! 





Le ponton dérocheur du canal de Suez. 


Le canal de Suez traverse des terrains divers. 
Aux environs de Port-Said, on rencontre du sable 
argileux et quelques bancs importants d'argile 


` 





plus ou moins compacte. Le fond du lac Timsah se 
compose d’une agglomération sablonneuse calcaire 
et dure; du lac Timsah aux lacs Amers, on trouve 





E “ - SA M, de 
D-ren 2% OT TE 


F1G. 1. — DÉROCHEUR DU CANAL DE SUEZ AU TRAVAIL. 


du sable vaseux, argileux, parfois pierreux et 
gypseux surmonté d'une couche de sel et autres 
résidůs des évaporations anciennes; ensuile de 
l'argile compacte, de la marne et des agglomérés 
sableux se succèdent jusqu'à la mer Rouge. Mais 
on n'a encore signalé la présence des rochers qu’au 
sud du canal entre le kilomètre 85 et Suez. Ces 
bancs rocheux affleurent presque horizontalement. 
D'après les reconnaissances effectuées, ils occupent 
une superficie de 300 000 mètres carrés sur le pla- 
fond du canal. Les uns sont des calcaires plus ou 
moins durs, les aulres des agglomérés calcaires 
ou siliceux généralement coquilliers, ou bien des 
tufs calcaires colorés en rouge, du gypse et de 


l’albâtre. En général, leur dureté est moyenne, 
sauf en certains points formés soit de calcaires 
compacts, soit d'agglomérats siliceux. 

Durant le percement du canal de Suez, on en- 
leva ces parties rocheuses à sec; mais quand, en 
1884, la Compagnie entreprit des travaux d'’élar- 
gissement et d’approfondissement, il fallut exa- 
miner le problème de l'extraction sous l'eau. On 
désagrégea les roches les plus dures à l’aide de 
mines sous-marines, et, pour celles d’une dureté 
moyenne, les entrepreneurs spécialistes, MM. Lob- 
nitz et Cie, de Renfrew (Écosse), imaginèrent un 
appareil dérocheur composé d'une batterie de 
10 pilons en acier pesant 3,5 tonnes chacun, 


No 1443 


disposés sur une drague à godets qui enlevait les 
blocs au fur et à mesure de leur concassage. 
L'expérience ne tarda pas à montrer qu'au point 
de vue du rendement il y avait intérêt à séparer 
les pilons concasseurs de la drague et à les établir 
sur des pontons spéciaux. Ce dispositif, tout en 
constituant une amélioration sensible, donnait 
encore de médiocres résultats, vu le poids insuffi- 
sant de ces broyeurs. Le concassage d'une roche 
de moyenne dureté sur 0,5 m exigeait effectivement 
14 à 16 coups de pilon par mètre carré. En 1897, 
quand on arrêta le programme des travaux pour 


COSMOS 


315 


l'approfondissement du canal à 9,50 m, les ingé- 
nieurs de la Compagnie étudièrent la question de 
façon complète. Ils se rendirent compte que l'en- 
lèvement du rocher sous l’eau par perforation mé- 
canique et explosion n’est pas si économique que 
le pilonnage. En outre, l’usage des explosifs offre 


<ertains inconvénients pour la navigation; en par- 


ticulier, après chaque explosion, on doit envoyer 
des scaphandriers s'assurer que des blocs de rochers 
n'éncombrent pas le fond du canal. Sans compter 
que les pilons arasent ce dernier suivant un plan 
régulier, tandis qu'avec le système des explosifs 





F1G. 2. — MISE EN PLACE D'UNE POINTE DE PILON DÉROCHEUR. 


il faut enlever un gran1 volume en contre-bas pour 
obtenir sûrement un profil déterminé, Aussi, 
depuis quelques années, les ingénieurs adoptèrent 
définitivement un appareil concasseur muni de 
deux pilons fusiformes en acier coulé de 13,50 m 
de longueur et pesant chacun 13 tonnes. 

Ces pilons se terminent par des pointes rempla- 
çables en acier très dur (fig. 2). Disposés à { mètre 
de distance, ils sont soulevés par de puissants 
treuils à vapeur, à embrayages et débrayages, 
agissant presque instantanément au moyen de 
câbles en acier très flexibles, fixés à demeure sur 
la tête de chacun d'eux; cette disposition permet 
un relevage très rapide et un réglage facile de ła 


hauteur de chute des pilons, ordinairement com- 
prise entre 1,5 et 3,0 m. Les deux treuils peuvent 
s'accoupler pour exercer un effort exceptionnel 
sur un seul pilon, au cas où ce dernier resterait 
engagé dans le rocher. 

On monte les pilons sur un ponton flottant de 
30,50 m de longueur sur 10,67 m de largeur et de 
2,44 m de creux, construit entièrement en acier 
Martin-Siemens (fig. 1). 

Une charpente spéciale supporte les poulies de 
suspension des câbles des pilons; cette charpente 
sert aussi pour le guidage des pilons. 

Tous les mouvements d'avance, de recul et de 
papillonnage de l'embarcation s'effectuent rapide- 


316 


ment à l’aide d’un treuil à vapeur combiné, à deux 
vitesses et à poupées indépendantes. 

Une chaudière, timbrée à 5,6 kg : cm‘ et d'une 
surface de chauffe de 72,5 m*, fournit la vapeur. 

Cet appareil, très bien étudié, fut mis en service 
en 1902 et, après quelques améliorations de détail, 
il fonctionne parfaitement et concasse sans peine 
toutes espèces de roches. 

En 1908, on a installé deux pilons d’un nouveau 
type, plus grands et plus lourds que les anciens, 
pesant 44 à 15 tonnes et ayant une longueur de 
15 mètres, ce qui leur permet de battre normale- 
ment jusqu’à 12 et 13 mètres. 


COSMOS 


19 SEPTEMBRE 1919 


On arrive à donner en moyenne 132 coups de 
pilon par heure de pilonnage effectif. L’épaisseur 
moyenne de la couche pilonnée atteint 0,80 m; 
dans ces conditions, le nombre de coups de pilon 
nécessaires pour le concassage d’un mètre cube 
varie, suivant la dureté et aussi la fragilité de la 
roche, de i à 40; ce dernier chiffre est un maxi- 
mum rarement atteint, et la moyenne est d’en- 
viron 7 coups par minute. Le rendement oscille 
ainsi de 432 à 3,5 mètres cubes par heure avec 
une moyenne de 49 mètres cubes par heure. 


JACQUES BoYEn. 





Procédés modernes de métallurgie ®. 
II. De la fonte à l’acier. 


C'est en décarburant la fonte que sont fabriqués 
les divers fers et aciers du commerce, ceux-là ne 
différant de ceux-ci que par une décarburation 
moins complète. Au moins ceci est vrai dans la 
plupart des cas, mais on fabrique aussi du fer en 
chauffant et forgeant des ferrailles ; on fait aussi 
de l'acier en recarburant le fer. 

Nombreux sont les procédés permettant d'en- 
lever des fontes leur excès nuisible de carbone; 
tous se rattachent étroitement à trois modes géné- 
raux d'opérer. On peut chauffer le métal påteux 
et remuer au ringard, pour que l'oxygène aérien 
brüle bien le carbone : c’est le puddlage. On peut 
injecter l'air décarburant dans la masse du métal 
fondu : c’est le convertissage Bessemer ou Thomas. 
On peut enfin opérer en ajoutant à la fonte liquide 
des débris de fer pour diluer le carbone, de l’oxyde 
de fer pour le brûler: cest la méthode Martin. 

Le puddlage ne sert guère que pour préparer le 
fer; il est encore fort employé (production annuelle 
de la France, 500 000 tonnes dans plus de 400 fours), 
mais tend à l’ètre de moins en moins. Le conver- 
tissage, qui, dès son apparition, bouleversa la 
métallurgie du fer et fit son inventeur multimil- 
lionnaire, est actuellement très employé, mais la 
première place est au procédé Martin, qui depuis 
quelques années seulement a pris plus d'importance 
que les méthodes Bessemer et Thomas. Dans chaque 
procédé, les contingences accessoires tiennent une 
grande place. 

En particulier, ce qui caractérise de nombreuses 
méthodes, c'est le garnissage du four ou de la 
cornue contenant le métal fondu. Point ne sufñit, 
en effet, d'enlever de la fonte l'excès de carbone 
pour la transformer en fer de bonne qualité, il 
faut Ja débarrasser, au moins partiellement, du 
silicium, du phosphore, du soufre et autres impu- 

(1) Voir Cosmos, n° L439, p. 205. 


retés nuisibles qu'elle contient. Or, ces impuretés, 
on pourra les séparer du métal sous forme de 
scories, grâce à la présence dans la sole d'éléments 
divers pour lesquels elles auront une affinité. Ainsi 
le garnissage joue un grand role dans l’épuration, 
il doit être combiné selon le genre de fontes à 
épurer. Donc, selon la composition des fontes, an 
devra employer tel ou tel procédé : l'influence est 
telle que les richissimes gisements ferreux ‘du 
bassin de Briey ne furent exploités intensivemenat 
que du jour où l’on mit au point une méthode 
pour épurer les fontes phosphoreuses de ce minerai. 

Puddlage. — Il se fait dans un four « à réver- 
bère », ainsi nommé parce que la chaleur est réflé- 
chie sur la sole par une voûte surbaissée ffig. 1). 
Cette sole, garnie d’un revêtement de ferrailles 
oxydées et de scories refait chaque semaine, est 
chauffée par un foyer adjacent. On utilise les gaz 
sortants, encore très chauds, pour chauffer une 
chaudière à vapeur. 

Quand le four est chaud, on y introduit environ 
200 kilogrammes de fontes en lingots, en « gueu- 
sets » (de préférence une fonte siliceuse), et on 
pousse le feu pendant une demi-heure pour ra- 
mollir le métal. On brasse alors avec des ringards, 
travail extrêmement pénible auquel on n’a jusqu'à 
présent pas réussi à substituer un mode d'agitation 
mécanique. Il faut changer d'outil toutes les cinq 
minutes, sans quoi le ringard fondrait. 

Il se forme d’abord, dans la masse remucée, des 
scories à base de silicates, de phosphates de fer et 
de manganèse, après quoi le carbone commence 
à s'oxyder : on voit de longues flammes bleuâtres 
d'oxyde de carbone sortir de la masse pâteuse. 
L'oxydation achevée, de son ringard, le puddleur 
divise rapidement la masse en cinq ou six loupes, 
tandis que l'appel d'air de la cheminée est sup- 
primé pour éviter l'oxydation du fer. Saisie par 


N° 1443 


les mâchoires de fortes tenailles, la loupe, sortie 
du four, est alors cinglée, c’est-à-dire fortement 
martelée; les molécules du métal s’agglomèrent, 
se soudent, tandis que la scorie fluide est chassée 
au dehors. Après rechauffage, on lamine pour 
obtenir les « ébauchés » de forme régulière, les- 
quels sont réunis ensuite en « paquets », chauffés 
à blane, puis martelés et laminés. Ce fer, « corroyé » 
ainsi, peut l'être à nouveau une ou plusieurs fois 
pour augmenter son homogénéité. C'est par de tels 
corroyages que les débris divers de fer et d'acier 
sont transformés en fers marchands. 
Convertissage. — Bessemer, un inventeur pro- 
fessionnel, fut amené, après avoir trouvé un nou- 
veau système d'obus, à étudier la fabrication des 
canons en fonte coulée. Il pensa durcir la fonte en 
faisant barboter un jet d'air dans le métal fondu ; 


Awie pour manœuvter 


(x pere 
q4 


JS 






rer TT TTL LD 
ALT N 7777772 


MCE RAA LS RTE 
PRIE 


COSMOS 


LL 


Ay re) D 4) Dr 7 


317 


il réussit ainsi à la décarburer, l’air brûlant le 
carbone en excès. Après bien des peines, des 
insuccès, Bessemer vit son procédé partout adopté, 
ce qui lui valut un joli total d'une cinquantaine de 
millions, rien que pour les droits de brevets! 
Actuellement, on emploie encore, presque pas 
modifié, leconvertisseur de Bessemer, gigantesque 
cornue de métal garnie intérieurement de briques 
silico-alumineuses et montée sur deux pivots laté- 
raux (fig. 3). Sur l’un est calée une roue dentée 
servant à culbuter la cornue; l'autre est creux et 
sert à l’arrivée d'air comprimé qui sortira dans le 
fond par une vingtaine de « luyères » venant 
d’une boite à vent. Le convertisseur, étant chauffé 
à blanc (il est facile d'y brüler un combustible en 
injectant de l'air), est incliné, bec en dessus pour 
recevoir la fonte venant habituellement du haut 








ANN” AAN 


Chaudière x vapeur mu Muhu 












dd) DD CT 7 ‘4 
EVE DGA s TWN A fy AT- MS Rh DD) f 


F1G. 1. — FOUR A PUDDLER. 


fourneau (c’est la marche « première fusion » 
naturellement plus économique et substituée pour 
cela à la marche après « seconde fusion » dans un 
cubilot). 

Ceci fait, on redresse le convertisseur et on 
« donne le vent » : il sort aussitôt du bec tourné 
vers le haut un brillant panache d’étincelles que 
produit la combustion du silicium et du manganèse 
de la fonte. Après une dizaine de minutes (plus eu 
moins selon composition des fontes), les étincelles 
font place aux flammes : c’est le carbone qui brûle. 
Au bout de quinze à vingt minutes, pendant les- 
quelles le bruit du vent devient sourd, tout le car- 
bone est brùlé; on incline la cornue, on ajoute suf- 
fisamment de ferro-manganèse pour transformer 
le fer en acier, et on coule. 

Pour: qui vit jamais une « opération » au 
convertisseur, le spectacle est inoubliable. Nous 
n’essayerons pas de décrire sa magnificence : il y 
faudrait l'ampleur de verbe et le luxe d’épithètes 
propres seulement à quelques écrivains. Voici d'ail- 


leurs la description donnée par lun d’eux (1): 

« OEufs de métal grands comme des maisons, 
ces cornues dardent vers le firmament dix mètres 
de flammes éblouissantes et des bouquets d’étin- 
celles innombrables, tandis que hurle la matière 
épurée par le formidable essor du vent. Deux ou 
trois de ces cratères mobiles sont suspendus dans 
un même atelier entre des pilastres de maçonnerie. 
Le bruit d’un ouragan siffle dans leurs flancs noirs. 
De temps en temps, lorsque se termine ja transmu- 
tation de la fonte en acier, le cratère est incliné 
par la force hydraulique au-dessus d'une vaste 
cuve qu'amènent des poutres de fer virant autour 
d’une colonne. Alors la cascade de lumière se pré- 
cipite en grésillant, en hurlant, se transvase. Une 
pluie de feu crible l'espace, vient s'éteindre sur 
les vestes en cuir de quelques minuscules cyclopes 
occupés à la direction des poutres. Dix minutes, la 
cascade s'écoule et la pluie de feu s'éparpille dans 


(1) Pauz Apam, Visions d'Amérique. 


318 





F1G, 2. — ASPECT D’UNE BATTERIE DE FOURS A PUDDLER. 


le hall fantasliquement clair. Les sifflets des con- 
tremaitres, les cris d'ouvriers invisibles règlent ce 
cataclysme. Quand le sirop incandescent a rempli 
la cuve, le cratère ovoide 
lentement se redresse vers 
le ciel, y baye. La potence 
hydraulique emporte le ré- 
cipient où tremblent et s'en- 
croûtent déjà 100 000 kilo- 
grammes d'acier liquide 
rose et mauve. Elle le dépose 
contre un échafaud par- 
dessus un convoi de moules 
épais. Un homme dévisse 
un robinet extérieur au 
fond de ce récipient. Le 
sirop de lumière coule dans 
ces gaines de fontes... » 
Le procédé Bessemer est 
inapplicable aux fontes phos- 
phoreuses; au contraire, 
celui de Thomas permet de 
déphosphorer parfaitement 
la fonte : ceci tout simple- 
ment grâce à l'emploi d’un 
garnissage basique du con- 
vertisseur. Par l'emploi des 
briques en dolomie calcinée (mélange de chaux et 
de magnésie), on peut obtenir des scories conte- 
nant moins de 20 pour 100 de silice et retenant le 
phosphore. Les opérations se font de la manière 
habituelle, en sursoufflant après décarburation 


COSMOS 





19 SEPTEMBRE 1912 


pour bien oxyder tout le phosphore; on cesse dès 
qu'une prise d'essai donne un métal ne cassant 
pas au premier coup de pilon. 

L'acier Martin. — Le procédé Martin, actuelle- 
ment le plus employé et qui tend encore à l’être 
davantage, consiste à chauffer le métal très forte- 
ment sur une sole garnie de brique en silice 
(Martin acide) ou en dolomie (Martin basique), 
l'épuration par le lailier se faisant comme dans 
les méthodes Bessemer et Thomas. Mais la décar- 
buration s'effectue tout autrement. A la fonte, 
employée maintenant le plus souvent dès sa sortie 
du haut fourneau (Martin en marche liquide), pour 
éviter les frais de rechauffage, on ajoute : 1° des 
riblons de fer et d'acier qui abaissent la teneur en 
carbone du mélange par simple dilution; 2 du 
minerai, et des ferrailles oxydées dont l’oxygène 
brûle le carbone de la fonte. En pratique, et selon 
les circonstances économiques, on peut ajouter 
l'un et l’autre de ces produits ou s’en tirer surtout 
tantôt à la marche par dilution (France, Allemagne), 
tantôt à la marche oxydante (Angleterre, Russie). 

Quel que soit le procédé employé, on opère tou- 
jours avec des installations de même genre, com- 
prenant en principe un gazogène et un four à sole 
surmontant des récupérateurs genre Siemens. 

Les gazogènes à vent soufflé, les plus employés, 
sont assemblés en batteries de plusieurs éléments 
composés chacun d'un massif de briques réfrac- 


nn, 


I D a E TT 


Face. Profil. 


F1G. 3. — COUPE D'UN DES CONVERTISSEURS BESSEMER DU CREUSOT. 


taires à cavité en forme de trémie, à la partie infé- 
rieure de laquelle se trouve une grille (fig. 4). L'air 
est insufflé par le bas dans des « buses », le com- 
bustible (houilles, briquettes, etc.) introduit par le 
haut, de façon qu'il y ait toujours dans le gazo- 


N° 1443 


gène une couche très épaisse de charbon cokifié 
incandescent qui transforme en oxyde de carbone 
le gaz carbonique formé dans le bas, où il y a excès 
d'air. La conduite des gazogènes est très délicate. 

Le gaz combustible produit là est dirigé vers le 
four; il y arrive dans le bas et doit parcourir 
d'abord un des récupérateurs de droite par exemple 
(fig. 4), simples cavités garnies de briques réfrac- 
taires régulièrement empilées. Ces briques, venant 
d'être chauffées par le passage des gaz brülés, 
portent le gaz à haute température, de même que 
l'air comburant circulant dans la chambre d’à 
côté. 

Air et combustible débouchent dans le four par 


x TA 


COSMOS 


Ps UU 


319 


les brûleurs inclinés de manière à envoyer le jet 
dans la direction du laboratoire contenant le métal. 

Ce dernier repose sur une sole formée en gar- 
nissant des plaques supports en fonte d’une mince 
couche de terre réfractaire ensuite chauffée de 
façon à faire fondre, à « glacer » la surface, puis 
"recouvertes d'autant de couches glacées qu’il faut 
pour arriver à une épaisseur d'environ 30 centi- 
mètres. Le mélange gazeux brûlé sort à gauche 
et réchauffe les deux récupérateurs en non-activité : 
cette marche est périodiquement inversée après un 
temps suffisant au réchauffage des piles de briques. 

L'opération commence par le chargement des 
gueuses de fonte, ou mieux par l'introduction du 


EA 
& basique 


Y «® 
Vue 


open. en LR 


A ù 
y, 


a 


ULELEN PLPZ 271 1H, 
D | 
12 | [l 


nu] 


CLEO PA EE EN HE 
EL 
RON PI PI HI AR 


a = 
[URL EUX LER ME EL 
CEE ET MO] dr f 


A aeir) HOLDI PAE JAT T AA hy WÈ. F 0, 2 R UYA À Q 
Pag Yr tj MESON 3 Por á E S7 AY W At j; DW i 





FIG. 4. — FOUR A ACIER MARTIN. 


métal fondu venant des hauts fourneaux (marche 
liquide). On ajoute au métal fondu des riblons 
par une centaine de kilogrammes à la fois, jusqu’à 
ce qu'une prise d'essai donne une éprouvette bien 
décarburée : la durée d’une opération est telle 
qu’on peut non seulement faire les essais méca- 
niques, mais doser chimiquement le carbone, en 
employant des méthodes approchées rapides. Après 
avoir poussé la décarburation jusqu'à des teneurs 
en carbone variant de 0,1 à 0,25 pour 100, on 
ajoute du ferro-manganèse comme dans le procédé 
au convertisseur, 

Quand on substitue le minerai aux riblons, on 
doit n’ajouter l’oxydant que par petites quantités, 
en pelits morceaux, pour éviter de refroidir la 
masse. Comme il y a ainsi tendance à formation de 
beaucoup de scories, on emploie un garnissage 


t 


très soigné, des fontes et des minerais contenant 
le moins possible de silicium. 

En Martin basique, on opère comme dans l’épu- 
ralion acide, à cette différence près que les gazo- 
gènes, les récupérateurs ont plus de puissance, les 
scories basiques étant particulièrement difficiles à 
fondre. Le laboratoire est garni de dolomie. On 


obtient exclusivement de la sorte des aciers très 


doux, presque des fers, l’affinage devant être poussé 
très loin pour brüler complètement le phosphore. 


.: Aciers Bessemer et aciers Martin constituent la 


presque totalité de la production actuelle. Quoique 
le métal obtenu au convertisseur ou au four 
ait été fondu, on réserve cependant le nom d'acier 
fondu à d’autres produits préparés par des procédés 
très différents, vendus bien plus cher et réservés à 
la confection des outils. H. ROUSSET, 


320 


COSMOS 


19 SEPTEMBRE 1912 


L’avoine dans l’allmentation humaine ‘|. 


- Je viens entretenir la Société d'agriculture d’une 
question qui n’est pas nouvelle, mais qui présente, 
me semble-t-il, un caractère d'actualité : je veux 
parler de l'emploi de l'avoine dans l'alimentation 
humaine. 

Dès le début du xviu siècle, Duchesne, en 1714, 
Pomé en 1735, Lémeri et Lieutaud, tous deux 
doyens de la Faculté de Paris, en 1748 et en 17717, 
firent des tentatives pour en répandre l'usage et 
vantèrent les propriétés nutritives de l’avoine. 

De nos jours, c’est surtout Payen qui, par ses 
travaux spéciaux, s'est efforcé de généraliser l'usage 
de cet aliment. 

Pius récemment, des communications sur ce 
sujet furent faites à la Société médicale des hòpi- 
taux de Paris, par les savants professeurs Dujar- 
din-Beaumetz et Hardy. 

Je vous demande la permission de vous présenter 
aujourd’hui un très intéressant travail sur cette 
question de M. le capitaine Moreau, qui en a fait 
une étude toute spéciale, très approfondie, et ap- 
puyée de nombreuses expériences dont les résultats 
m'ont paru des plus suggestifs. 

Il constate d'abord ce que nous savons tous: 
lorsqu'on veut hâter le développement d'un poulain, 
préparer un cheval en vue d’un effort extraordi- 
naire, on l’avoine généreusement. 

L'avoine serait-elle pour l’homme ce qu'elle est 
vour les chevaux? Et pourquoi pas? : 

{Il y a quelque quarante-cinq ans, dans ma jeu- 
nesse, je voyais venir chez mon père, à Trappes, 
pour suppléer à la main-d'œuvre locale déjà insuf- 
fisante à cette époque, au moment des grands 
travaux de binages, fauchaisons, moissonnage, 
quelques équipes de Bretons. 

[ls n'étaient pas, alors, empoisonnés par l'alcool, 
comme ils le sont, hélas! aujourd'hui; c'était, au 
contraire, une race superbe de solides gars qui ne 
boudaient pas à l'ouvrage; c'étaient des mangeurs 
d'avoine; la galette de sarrazin et la bouillie 
d'avoine constituaient la base de leur alimentation. 
Les Écossais, belle race aussi, sont également des 
mangeurs d'avoine; les Anglais le sont devenus. 

Les Australiens, de sang français ou anglais, 
qui passent leur vie à cheval pour garder des ani- 
maux épars sur des domaines grands comme nos 
départements, prennent, à 5 heures du matin, un 
plat d'avoine sucrée au lait. Votre chocolat et vos 
croissants, disent-ils, nous laisseraient à jeun; nous 
ne pourrions jamais attendre le repas de midi. 

Fort de ces observations, le capitaine Moreau 
s'est dit: Rien n'empêche d'en faire l'essai avec nos 
soldats; et si l'essai donne des résultats favorables 


. (1) Communication de M. Pluchet à la Socicité 
nationale d'agriculture de France (3 juillet 1912). 


ne pourra-t-on-pas en tirer des conséquences pra- 
tiques heureuses pour l'armée, pour les populations 
ouvrières et pour l'agriculture? 

Le goût de l’avoine à l’état naturel est mauvais; 
ce goùt tient à la présence d’une huile qui rancit 
rapidement. Mais si on élimine l'huile, le goût 
devient et reste fort agréable. Cette huile est éli- 
minée très facilement par la chaleur; l'avoine, 
après torréfaction, est rendue agréable au palais 
et comestibile. 

Dans ce nouvel état, M. Moreau la baptise du 
joli nom ancien d’ « aveine », estimant, peut-ètre 
avec raison, que cet aliment sera plus facilement 
accepté par un public délicat, non encore initié, 
sous celte dénomination. 

Cette aveine, sous forme de farines, de gruaux 
ou même de petites galettes comme celles que je 
vous présente, se prête à une foule de préparations 
culinaires, bouillies, soupes plus ou moins épaisses, 
gâteaux, etc. Pour les potages, on y ajoute simple- 
ment du sel, ou n'importe quel condiment, pour en 
varier le goùt. 

Le capitaine Moreau énumère, dans son rapport, 
une série d'expériences qui me paraissent très con- 
cluantes, auxquelles il s’est livré depuis quelques 
années. 

Je n’en cilerai qu'une, faite avec l’autorisation 
de M. l’intendant général Burguet. 

C'est sur la 44 compagnie du 128° régiment 
d'infanterie que porta cette expérience. Ladite 
compagnie reçut une soupe d'avoine pendant trente 
jours consécutifs d’étapes el de manœuvres au 
camp de Sissonne. 

La distance parcourue pendant les quinze pre- 
miers jours a élé de 340 kilomètres, par une très 
grande chaleur. 

Les quinze autres jours ont été consacrés aux 
manœuvres du camp. C'est la période la plus ac- 
tive de l’année. 

La résistance des hommes de cette compagnie a 
été évaluée par comparaison avec celle des trois 
autres compagaies du mème bataillon, soumises 
pendant ces trente jours à une existence identique 
à celle de la 14°. 

Ces trois dernières compagnies ont présenté à la 
visite médicale une moyenne de douze éclopés et 
malades par jour. 

La 14°, qui prenait une soupe d’aveine, n’a pas 
présenté un seul homme à la visite médicale du 
premier au trentième jour, et son entrain ne s’est 
pas démenti. 

La soupe d'aveine fut admirablement accueillie 
par les soldats; un léger roux d'oignons donnait 
au potage son parfum. 

Beaucoup d'expériences de détail, d’autres faites 
sur des colonies scolaires envoyées dans les Alpes 


N° 1443 


en 1911, ont donné des résultats analogues. 

Ces résultats pratiques sont d’ailleurs, ajoute le 
capitaine Moreau, corroborés par la science. A 
l'appui, il nous donne le tableau des analyses com- 
paratives des farines d'avoine, de froment, de 
mais et de riz, faites par les chimistes Degrez et 
Jacquet à la Sorbonne. 

H cite le rapport présenté par le D" Vallin, de 
l'Académie de médecine, au directeur du Service 
de santé de l’armée; les communications à la 
Société médicale des hôpitaux de Paris, par MM. les 
professeurs Dujardin-Beaumetz et Hardy; le traité 
de l'hygiène alimentaire du Dr Dujardin-Beaumetz. 

Toutes ces sommités scientifiques concluent à la 
supériorité de la farine d'avoine, par suile de sa 
plus grande teneur en acide phosphorique, en ma- 
tières azotées et en matières grasses. 

Il reste la question du prix. Il ne peut être défi- 
nitivement élabli et variera avec les cours de 
l’avoine. Mais il y a des éléments qui ne varient 
pas. Le décorticage de l’avoine lui fait perdre en- 
viron 30 pour 100 de son poids; l'élimination de 
l’eau par la torréfaction lui en fait perdre environ 
10 pour 100; 100 kilogrammes d'avoine repré- 
sentent donc 60 kilogrammes d’aveine. Celte tor- 
réfaction coûte aussi un certain prix. On peut 
compter qu'au cours actuel de l’avoine (22 francs 
les 100 kilogrammes), tous déchets et tous frais 


COSMOS 


321 


comptés, la ration forte pour un potage, soit 
33 grammes d’aveine, revient à peine à 2 centimes. 

Les meilleurs rendements, en farines de qualité 
supérieure, sont obtenus avec les avoines grises 
d'hiver des départements du Centre ‘Indre, Vienne, 
Greuse, Haute-Vienne, etc.). Le poids de l’amande 
décortiquée représente, en effet, pour ces variétés, 
74 à 78 pour 100 du poids de l'avoine non décor- 
tiquée. 

"On expérimente, en ce moment, les avoines 
grises de Beauce, il n'est pas encore possible de 
se prononcer sur la qualité de la farine comparée 
à celle dont il vient d'être question, mais on est 
déjà fixé sur le rendement; le poids de l’amande 
décortiquée est inférieur à celui de l’avoine grise 
d'hiver du Centre; il ne dépasse pas 73 pour 100. 
Quant aux avoines de Ligowo et aux blanches de 
La Plata, leur rendement atteint à peine67 pour 100, 
et elles manquent de finesse de goût. 

Telles sont, brièvement résumées, les observa- 
tions très intéressantes que j'ai lues dans le rap- 
port du capitaine Moreau. Je n'ai aucune compé- 
tence pour me prononcer sur le fond de la question, 
mais il m'a semblé qu'au point de vue social 
comme au point de vue de l'alimentation générale 
et des intérèts de notre agriculture elle-mème, il 
était bon de mettre ces observations au grand jour. 

PLUCHET. 





La gorge de la Tamina et les sources de Pfeffers. 


‘Parmi les curiosités naturelles que nous offre la 
Suisse et qui attirent particulièrement l'attention 
du voyageur géologue, on ne devra pas oublier la 
partie du territoire de la Confédération qui s'etend 
entre les montagnes de Saentis et de Churfirslen 
au Nord, la vallée du Rhin au Sud et à l’Est, celle 
de la Linth à l'Ouest. Cest dans cette région que 
s'élève majestueusement le géant de la Suisse du 
Nord-Est, le Tædi (3623 mètres), accessible seule- 
ment aux alpinistes les plus expérimentés. Plus au 
Nord, entre deux parois de roches escarpées, la 
nappe vert clair des eaux du Wallensee, ou lac de 
Wallenstadt, retient longuement l'attention du 
simple touriste en quète des saines jouissances 
que lui offre la contemplation des grands tableaux 
de la nature. Au Sud et à l'Est, c'est la vallée du 
Rhin, dont les beaux paysages intéressent aussi 
bien l'artiste que le savant. 

Le Rhin, formé par la jonction à Reichenau, à 
la sortie du célèbre défilé de la via Mala, du Rhin 
antérieur (Vorder Rhein) avec le Rhin postérieur 
(Hinter Rhein), décrit d'abord une courbe régulière 
à concavilé occidentale, puis, aux approches de 
Sargans, dessine un brusque crochet qui le ramène 
franchement au Nord, vers le lac de Constance. Il 


s’agit là d’une des nombreuses anomalies que le 
cours de ce fleuve nous présente entre ses sources 
et Bâle, et qui ont toujours attiré l'attention des 
observateurs. 

En effet, on s'est demandé depuis longtemps par 
quels chemins, par quelles vallées le Rhin, dans 
les périodes préhistoriques et antléhistoriques, 
charriait ses eaux jusqu’à la sortie de létroite 
impasse formée par les montagnes de la Forèt 
Noire et celles du Jura. Tout semble indiquer que 
le cours du fleuve était alors bien différent de celui 
d'aujourd'hui. Par exemple, on sait que le célèbre 
Saut du lihin, près de Schalfhouse (la plus tmipor- 
tante cascade d'Europe), n'est mentionne par aucun 
auteur, géographe ou historien, antérieur à l'année 
960 de notre ère, ce qui porteralt à croire qu'il est 
d'origine récente, car, dans le cas contraire, les 
Romains l'auraient certainement remarqué et leurs 
historiens en auraient parlé. 

Le voyageur qui, provenant de Zurich, parcourr 
pour la première fois, soit à pied, soit confortable- 
ment installé dans les voitures de  Engarlin-Express, 
la route pittoresque còtovant d'abord les rives 
vertes et mollement ondulées du lac de Zurich, et 
ensuite presque suspendue aux rochers sauvages 


322 ; COSMOS 


du lac de Wallenstadt, est facilement victime d’une 
illusion lorsqu'il s'approche de Ragatz, près de l’en- 
droit où le Rhin décrit vers le Nord le crochet que 
nous avons signalé. Il lui semble, en effet, que la 
vallée du Rhin, au lieu de tourner brusquement 
vers le Nord, se prolonge tout naturellement et en 
ligne droite vers le lac de Wallenstadt, entre là 
chaine de Churfirsten au Nord-Est et les derniers 
contreforts de Graue Hærner au Sud-Ouest. L'illu- 
sion est d’autant plus facile que la vallée du Rhin, 
au nord de Sargans, semble barrée par le massif 


=" 


ER. 
x, de 


a 


ben 
MO 


5 


SEP PS 
-Aro 


19 SEPTEMBRE 1912 


escarpé de Flæscherberg, s'élevant à 300 mètres 
au-dessus du niveau du fleuve, et marquant la 
limite entre le territoire suisse et celui du Lich- 
tenstein. 

L'illusion d'aujourd'hui correspond, très proba- 
blement, à la réalité de l’époque reculée antérieure 
à celle où le Rhin se fraya un passage vers le Nord, 
pour aller remplir le vaste bassin du lac de Con- 
stance. Le Rhin, dans l’état actuel des choses, ne 
parvient plus au lac de Wallenstadt, et par consé- 
quent ne traverse plus la vaste et longue dépres- 


Fr ne 
# 


> 





Phot. J. Fetzer, Ragatz. 


F1G. 1. — RAGATZ AVEC L'ENTRÉE DE LA GORGE DE LA TAMINA. 


sion du lac de Zurich. Arrivé à quelques lieues du lac 
de Wallenstadt, il trouve, sur sa droile, une plaine 
et se détourne tout à coup pour s’y jeter et gagner 
ensuite le lac de Constance. Mais il y a toute appa- 
rence qu'à une certaine époque il suivait le chemin 
\Vallenstadt-Zurich. La plaine de Sargans était 
alors occupée par un terrain marécageux. Les 
alluvions ont dù fréquemment changer l'aspect du 
paysage et le régime des eaux. A l'époque glaciaire, 
durant laquelle une grande partie de la Suisse fut 
envahie par les glaciers, un barrage s'est formé 
qui a empèché les eaux du fleuve de continuer à 
couler vers les lacs de Wallenstadt et de Zurich. 
Le Rhin, depuis lors, a abandonné son ancien lit, 


séparé de l'actuel par une bien faible différence 
de niveau. Les lacs de Wallenstadt et de Zurich, 
qui probablement n’en formaient qu’un lorsqu'ils 
avaient pour tributaire le Rhin, se sont retirés 
entre les limites qu'ils occupent actuellement. En 
même temps les eaux du Rhin, se répandant dans 
la vaste dépression au nord-est de Saint-Gall, et 
y trouvant difficilement une issue qui leur permit 
de poursuivre leur cours vers le Nord, ont formé 
le lac de Constance, le plus important, comme cir- 
cuit, de la Suisse (284,5 km). 

Ainsi, par l'effet d’une simple variation de niveau 
de la ligne de partage des eaux, s’est accompli, 
dans une époque relativement peu éloignée de l'his- 


Ne 1143 


toire géologique de l'Europe, un changement subit 
dans la distribution des eaux courantes de la Suisse. 
C'est vraisemblablement à ce cataclysme, qui a 
fermé, à Sargans, au cours du Rhin, l'issue vers le 





COSMOS 


323 


Wallensee et lui en a offert une autre vers le 
Bodensee, que les cascades du Rhin à Schaffhouse 
doivent leur opulente et majestueuse beauté. 

Mais la déviation du Rhin n’est pas l'unique 


Phot. J. Fetzer, Ragatz. 


F1G. 2 — INTÉRIEUR DE LA GORGE DE LA TAMINA, PRÈS_DES SOURCES. 


curiosité naturelle que nous offrent les environs de 
Sargans el de Faga!z. On y observe les traces lais- 
sées par l‘s arciens glaciers qui ont puissamment 
travaillé la surface du sol. On y trouve réunies des 
formations géclogiques appartenant à différentes 


époques, qui témoignent, ainsi que l'étrange stra- 
tigraphie des roches,'de l’activité des agents dyna- 
miques terrestres en cette région. C'est probable- 
ment à quelque grand cataclysme, à quelque 
mouvement formidable de l'écorce terrestre qu'est 


324 


due l’origine des célèbres gorges de la Tamina, 
près de Ragatz. | 

« Tandis que la plupait des fleuves, issus d’une 
source principale, deviennent très vite de grands 
potentats qui reçoivent dédaigneusement l’humble 
tribut de leurs vassaux les affluents, il men est pas 
de même du Rhin. De nombreux cours d'eau — 
observe M. Waldburger, — tous à peu près d’égale 
grandeur, s’élancent des vallées alpines du canton 
des Grisons, se réunissent dans la vallée principale 
avant de parvenir à Coire, la vieille capitale du 
caaton, et forment ainsi le Rhin. Puis, après avoir 
reçu les eaux tumultueuses de quelques torrents 
des Alpes, le jeune fleuve cherche à s'échapper des 
montagnes el à gagner le large dans la rase cam- 
pagne. Le dernier de ces torrents impétueux, la 
Tamina aux flots gris et courroucés, se jette dans 
le Rhin après s'être frayé un chemin à travers des 
gorges formidables. » 

Ces gorges, d'une renommée universelle, repré- 
sentent un exemple typique entre tous les phéno- 
mènes naturels de .ce genre qui, comme par 
exemple les gorges de l’Aar dans l’Oberland ber- 
nois, ou les gorges du Trient, en Valais, nous 
montrent un torrent impétueux se frayant un pas- 
sage dans la roche vive, et dont les flots écumeux 
sont encaissés entre deux parois hautes comme des 
clochers de cathédrale. Une route offrant toute 
sécurité longe le torrent une bonne heure dans les 
gorges sauvages jusqu’à lhòtel des bains de Pfef- 
fers. De ià, on pénètre sans aucun danger dans les 
profondeurs ténébreuses de la partie la plus inté- 
ressante des gorges, par un chemin taillé dans le 
roc, pour arriver enfin à la grotte des sources 
thermales toujours remplie de vapeurs. 

M..Édouard Charton, dont :nous avons trouvé 
d’intéressantes notes de voyage publiées dans le 
journal le Tour du monde en 1864, après une visite 
à Ragatz et aux hains de Pfelfers, s'exprimait en 
termes admiratifs à propos de cette partie — la 
plus remarquable — des gorges de la Tamina. 
Des deux rives de celle-ci, large au plus de qua- 
rante picds, jaillissent des roches formidables qui 
paraissent en mouvement. L'espèce de voùte iné- 
gale, crénelée, déchiquetée que forment leurs rudes 
arêtes est d'une hauteur prodigieuse. De distance 
en distance, quelques échancrures y laissent aper- 
cevoir le bleu du ciel. La Tamina se dévat avec 
raye entre les fragments écroulés; ses cascades 
furibondes, ses flots tour à tour blanchissants ou 
sombres s'élancent en tumulte hors de l'abime. 
A traversce désordre el ce vacarme. on fait quelques 
centaines de pas sur un plancher étroit et humide, 
échafaudé le long des roches de gauche, el on 
arrive à un point où l’on aperçoit au-dessus de soi 
dans la voùte un plus grand espace à découvert. 
On est devant un mur percé de deux portes basses 
d'où sort une vapeur épaisse: l'une de ces portes 


COSMOS 


19 SEPTEMBRE 1912 


introduit à la source principale, la Chaudière, le 
Kessel. Le couloir est très étroit. À cinquante pas, 
en s'arrête au seuil d'une grotte à stalactites d'un 
diamètre de six à huit pieds et pleine de l'eau de 
la source, dont la chaleur est de 37°, L'autre porte 
mène à une petite niche où l’on peut vérifier sur 
les chiffres d’une échelle la hauteur variable du 
niveau des sources. | 

Quelle est la provenance de ces sources de 
Pfeffers, jaillissant à la température de 37° en 
plein massif des Alpes neigeuses, au fond d'une 
gorge parcourue par les eaux fraiches de la Tamina? 

Un trait caractéristique de la vallée ou gorge de 
la Tamina consiste en ce que la fissure à laquelle 
elle doit naissance est encore apparente dans toute 
sa fraicheur. Cette fente, comprise entre deux mu- 
railles à pic d’une centaine de mètres de hauteur, 
est remplie, jusqu'au niveau de la plaine du Rhin, 
par des blocs éboulés sur lesquels se précipitent en 
bouillonnant les eaux de la Tamina. Creusée, polie 
par le travail incessant des eaux violentes, la roche 
schisteuse de Pfeffers n’a pu résister aux attaques 
du torrent. Ainsi, petit à petit, dans le courant des 
siècles passés, s’est formé l’abime du Pfeffers. Dans 
la commotion qui a produit initialement la fissure 
où coule la Tamina, les formations minérales qui 


- composent l'enveloppe du globe ont dù se crevasser 


jusqu'à une certaine profondeur; d’où la formation 
de canaux et de grottes se ramifiant jusqu’à une 
grande profondeur dans les entrailles de la terre, 
et dont une partie remonte à la surface du sol 
qu’elles rejoignent au niveau de la Tamina. D'sprès 
les observations faites, les sources chaudes de 
Pfeffers proviendraient des montagnes nomméés 
«<‘Graue Iœrner », où il y a de petits laes ali- 


‘mentés par des averses fréquentes en celte région. 


Ces eaux s'infiltrent profondément dans la terre, 


‘probablement jusqu'aux couches quartzeuses au- 


dessus desquelles s'étagent les formations plus 
récentes calcaires. Là, à une profondeur d'environ 
1000 mètres (si nous admettons la théorie du 
degré gtothermique), elles acquièrent la tempéra- 
ture élevée qu'elles conservent jusqu’à leur retour 
à la surface du sol dans la grotte des sources. 

Après de nombreux efforts, on a réussi, par des 
travaux gigantesques, à recueillir et à canaliser les 
différentes veines du cours d’eau chaude, dont une 
partie débouchait au-dessous du niveau normal de 
la Tamina. Une conduite de bois, suspendue ax 
parois perpendiculaires des gorges, fut destinée ù 
recevoir les eaux du torrent, lequel, rehaussé par 
une écluse, s’engouffra dans ce lit improvisé. On 
put ainsi pénétrer le mystère des sources sou- 
terraines et les recueillir à tout jamais pour les 
malades. L'opération faite, on rendit à la Tamina 
son ancien Cours. 

Le débit des sources de l'feffers, grâce aux travaux 
que nous avons signalés, varie maintenant entre 


N° 1443 


4 000 et 10 500 litres par minute. Elles sont donc 
capables de fournir par vingt-quatre heures le 
chiffre énorme de 5 760 000 à 15 120 000 litres d’eau 
à la température invariable de 37° C. Cette abon- 
dance d’eau chaude permet de réaliser facilement 
l'application des bains à circulation continue, soit 
dans des vastes baignoires, soit dans des piscines. 
Le bain ne se refroidit jamais, et les rhumatisants, 
lesgoutteux, les sciatiques ont le sentiment agréable 
de se baigner dans de l’eau courante, ce qui con- 
tribue essentiellement — ainsi affirment les méde- 
cins — à l’efficacité de la cure. 

Les bains de Pfeffers sont installés depuis des 
siècles dans un ancien couvent. Mais une conduite 
passant sous la route des gorges amène, depuis 
l'année 1840, une partie des eaux thermales à 
Ragatz, jolie petite ville située dans la plaine où 
coule le Rhin. On trouve à Ragatz tout le confort 
et tous les agréments que peut offrir, même aux 
~ plus exigeants, une station thermale moderne. On 
y rencontre, surtout de la mi-mai à la mi-octobre, 
une foule cosmopolite qu’attire, soit l’ancienne 
renommée des sources de Pfeffers, soit la douceur 
du climat, soit la beauté des environs. 

Nous ne voulons pas cependant terminer cet 
article sans dire un mot, à titre de curiosité, sur 
les dures épreuves que devaient subir dans les 
siècles passés les infirmes venant chercher, dans 
les ténèbres et l’atmosphère étouffante de la grotte 
de Pfeffers, un remède à leurs maux. 

A la fin du xiv° siècle, l'établissement des bains, 
nous dit M. Jean Raymond, était situé au fond 
même du gouffre de Pfeffers installé sur des ma- 
driers passés en travers de la Tamina et encastrés 
à droite et à gauche dans le rocher. Il consistait 
en plusieurs cellules et trois grandes piscines où 
l'on se baignaïit en commun. On se figure l’horreur 


COSMOS 


329 


d'un pareil séjour. La descente dans ce gouffre 
était effrayante. Il n'y avait d’autres moyens d'y 
accéder que par des échelles pour les plus hardis, 
et un siège suspendu à l'extrémité d'une longue 
corde pour les plus timides et les plus faibles. Beau- 
coup ne consentaient à se laisser glisser dans 
l'abime qu'après s'être fait bander les yeux; 
quelques-uns reculaïent épouvantés et renonçaient 
à la guérison plutôt que d'en surmonter les préli- 
minaires. On demeurait dans le bain toute la 
journée pour en finir plus vite, et mème quelque- 
fois toute la nuit. Il résultait d'une immersion si 
prolongée de fréquents accidents morbides, de la 
fièvre, des éruptions, et même des ulcérations de la 
peau. On pouvait dire en toute rigueur que les 
malades rajeunissaient en faisant peau neuve! 

Ce singulier établissement, unique au monde, dura 
assurément jusqu'au commencement du xvir siècle. 

Enlevé en 1627 par un éboulement, on eut enfin 
l'idée bien simple d'amener les eaux vers les ma- 
lades, au lieu d'envoyer ceux-ci chercher les eaux 
avec tant de peine, de tristesse et de danger dans 
le fond de cet abime. Ce fut là l'origine du monas- 
tère de Pfeffers, sécularisé en 1838, et dont les 
longs et étroits bâtiments obstruent presque entiè- 
rement la gorge de la Tamina. Plus tard, comme 
nous l'avons dit, une partie du débit des sources 
fut dirigée vers Ragatz, où s’élevèrent bientôt des 
établissements de bains et des hôtels modernes. 

La déviation du Rhin, les gorges de la Tamina, 
les sources de Pfeffers : telles sont les principales 
curiosités naturelles qu'offre au géologue amateur 
la visite d’un pays où les douceurs apportées par le 
progrès et la civilisation ont effacé le souvenir de 
tout ce qu'avait autrefois de triste et d’effrayant la 
renommée du gouffre ténébreux de Pfefters (1). 

D' P. Gocura. 





æ 


AVIATION 


Une idée nouvelle. 


Il est admis, « en principe », que l'aviation est 
encore dans l’enfance, malgré les étourdissantes 
prouesses auxquelles nous avons assisté. Cepen- 
dant, il faut bien admettre qu'en règle générale 
l'oiseau mécanique vole parfaitement, mais il n’est 
pas stable. La grande vitesse lui donne assurément 
une qualité sustentatrice, et plus on ira vite, mieux 
l'aéroplane se tiendra dans l'air. Malheureusement, 
nos besoins mililaires actuels nécessitent non pas 
des randonnées rapides d’un point du territoire à 
un autre, mais, au contraire, des « stations » plus 
ou moins prolongées en un point déterminé. Les 
observations sérieuses, utiles, ne pourront jamais 
se faire. qu'en planant lentement à une grande 


hauteur au-dessus du territoire à explorer. C'est 
d’ailleurs le système adopté par les grands oiscaux 
qui réservent leur puissance musculaire pour 
s'élever et fuir après avoir enlevé leur proie. En 
aviation militaire, le problème se présente exacte- 
ment de la mème facon: planer lentement au- 
dessus du champ de bataille à observer, noter tous 
les mouvements, toutes les positions, et fuir ensuite 
à tire d’aile. Aucun des appareils modernes n’est 
capable de remplir ce double but. 


(1) Nous remercions vivement M. J. Fetzer, le dis- 
tingué photographe qui a bién voulu mettre à notre 
disposition les photographies qui ornent cel article. 


326 


Celui dont nous allons parler, et dont un modèle 
d’essai seulement a été construit, ne peut non plus 
remplir ce programme entièrement. Incapable de 
réaliser de grandes vitesses, il parait se prêter, 
non au stationnement sur place, mais à un ralen- 
tissement suffisant pour faciliter l'exploration d'une 
étendue de terrain. De plus, et c'est ici le point 
culminant de l'invention, il est parfaitement 
stable. 

L'inventeur nous a demandé de le présenter aux 
lecteurs du Cosmos, nous allons donc exposer le 
principe sur lequel il base sa construction. 

« Le point de départ de mon travail, nous dit-il, 
a été la poche en papier ci-jointe. En faisant voler 
cette poche, je remarquai que, lancée dans n’im- 





COSMOS 


19 SEPTEMBRE 1912 


porte quelle position, elle descendait invariablement 
la partie creuse opposée au sol. » 

De là à imaginer un aéroplane dont les ailes 
fussent des surfaces concaves, il n’y avait qu'un 
pas. La construction de ces plans donna parfaite- 
ment raison à l’inventeur, qui eut la satisfaction de 
voir ses surfaces, à grande ou à petite courbure, 
tomber bien tangentiellement au sol. Et mon cor- 
respondant ajoute, en manière de conclusion : « Si 
les plans à courbure concave tombent ainsi, c'est 
qu’ils sont naturellement admis par les réactions 
de l'air, alors que la forme convexe employée 
aujourd'hui est d’une instabilité notoire; pourquoi 
ne pas admeltre ce que les réactions de l'air 
admettent elles-mêmes? » 





PLAN. 


Cependant, les courbures concaves semblent, 
à priori, constituer un obstacle à l'avancement. Il 
fallait donc étudier ces courbures expérimentale- 
ment. Un monoplan d'un modèle courant fut con- 
struit à l'échelle de 4:3; la surface portante était 
de 7 mètres carrés; le moteur, de 4,25 cheval, pesait 
41 kilogrammes, et le poids total de l'appareil attei- 
gnait 22 kilogrammes. L’aéroplane s'est enlevé 
plusieurs fois à { mètre du sol; l’hélice, mal con- 
struite, se brisait chaque fois que le moteur don- 
nait tonte sa vitesse, et le monoplan tombait bien 
à plat. Ajoutons enfin, et ceci fera ouvrir les yeux 
aux techniciens, que l'aéroplane décollait après 
moins de 30 mètres de parcours sur le sol. 

Je m'empresse d'ajouter que je n’ai pas assisté à 
ces expériences; mais si cette affirmation est 
exacte — et je ne ferai pas l'injure à mon corres- 
pondant de mettre en doute sa parole, — voilà un 
moteur de 1,23 cheval qui enlève hardiment ses 


22 kilogrammes. La motocyclette aérienne est 
trouvée! 

L'étude de ces surfaces mérite donc d’être entre- 
prise d’une manière méthodique, et nous serions 
heureux de voir un constructeur, voire même un 
théoricien comme M. Eiffel, s’y livrer résolument. 
Mon correspondant, M. Léon Voisin (un nom pré- 
destiné), a déjà fait d’ailleurs quelques constatations 
intéressantes. 

C'est ainsi qu'il associe à une surface plane, très 
instable, mais présentant de sérieuses qualités de 
sustentation, deux surfaces concaves l’encadrant à 
lavant et à l'arrière. En somme, ses ailes se pré- 
sentent presque sous l'aspect des ailes de nos mo- 
noplans actuels, mais renversées. La surface est 
donc à double courbure concave, et le centre de 
pression s'avance toujours vers la partie antérieure 
du plan pour assurer la stabilité longitudinale. Et 
loin de constituer, comme on pourrait le croire, 


N° 1443 


un obstacle à l'avancement, elle pourrait parfaite- 
ment le favoriser, les réactions de l’air ayant une 
tendance naturelle à maintenir la stabilité. D’au- 
tant plus que les surfaces sont à grand rayon de 
courbure afin de supprimer le plus possible la résis- 
tance à l'avancement et aussi pour mieux utiliser 


COSMOS 


327 


les filets d'air au point le plus utile de concen- 
tration de la masse portante. 

Avec l'emploi des surfaces concaves, le fuselage 
peut être considérablement réduit et l’empennage 
n'est plus forcément nécessaire, car les plans 
assurent l'équilibre longitudinal comme l'équilibre 





FACE. 


transversal. Cependant, M. Voisin a cru devoir 
ajouter à la rigidité des ailes une partie souple 
obéissant aux moindres mouvements des courants 
aériens, remplissant pour ainsi dire les mêmes 
fonctions que lextrémité des rémiges des grands 
voiliers. Cette partie souple constitue l’aileron, 


dont la surface est proportionnelle à celle du plan 
protégé; chaque aileron fonctionne indépendam- 
ment de son voisin : cependant, ils s’aident mutuel- 
lement pour assurer l'équilibre latéral. Ils sont 
placés à droite et à gauche des plans sustentate urs 
et rappelés par un système de ressorts obéissant 





PROFIL, 


aux moindres influences des courants aériens. 
Lorsque le vent exerce une poussée sur les ailerons, 
le ressort intérieur s’allonge en raison directe de 
la force éprouvée, et l’aileron reste appuyé sur cette 
force contraire. Si le ressort intérieur est insuffi- 
sant, il reçoit le secours du ressort extérieur, lequel 
unit sa force propre à celle du premier. Dès que 
les courants perdent de leur puissance, les ressorts 
reprennent immédiatement leur place normale. 


Chaque plan stabilisateur est également pourvu, 
au-dessus et au-dessous, de ressorts agissant par 
traction, de sorte que les courants aériens trouvent 
toujours et dans tous les sens une force contraire 
ayant pour effet de maintenir l'appareil dans sa 
position normale de stabilité. 

Un plan stabilisateur est placé à l'arrière du 
fuselage, en commande directe avec le gouvernail 
de profondeur, placé en avant du fuselage et sous 


328 


les plans sustentateurs. Lorsqu'un courant d'air 
vient frapper l'arrière du monoplan, le plan mo- 
bile se déplace, par exemple, dans le sens de la 


montée; en se soulevant, la queue imprime à tout. 


appareil une légère inclinaison vers lavant qui est 
immédiatement corrigée par la forme même.: des 
plans porteurs et par le gouvernail de profondeur qui 
prend aussitôt la position de montée commandée par 
le plan mobile arrière : les deux mouvements con- 
traires s’annulent et l'appareil conserve sa stabilité. 


COSMOS 


19 SEPTEMBRE 191% 


En résumé, la conception nouvelle, qui nemanque 
ni d'originalité ni d'intérêt, pourrait bien apporter 
une exeellente solution au problème de la stabilité 
automatique des aéroplanes. Il est bien évident que 
ce problème sera résolu, non par l'emploi d'appa- 
reils compliqués, mais très simplement par la 
forme des plans ou par l’adjonction d'organes nou- 
veaux que la dynamique de l’air fera connaitre. 


Luces FOURNIER. 





Ce qu'on voit dans un escargot: une leçon d'observation ©. 


Nous avons examiné le corps de l’escargot dans 
sa région moyenne., Il faut maintenant l'étudier 
plus en avant, là où se trouve la féte. Celle-ci se 
continue directement avec lui, ce qui revient à 
dire qu'il n'y a pas de cou. 

La têle, un peu arrondie en avant, ne serait 
pour ainsi dire pas distincte, si elle ne possédait 
pas des antennes — ce que les enfants appellent 
des « cornes » — qui lui donnent un aspect bien 
caractéristique. Il y a quatre de ces antennes (ou 
entacules), deux grandes et deux petites. 

Les deux grandes antennes sont situées sur le 
dos de la tête et se dirigent à la fois en haut et en 
avant : elles s’écartent l'une de l’autre en faisant 
un angle très large. Chacune est très molle, large 
à la base, elle s’amincit un peu et de plus en plus 
jusqu’au bout où elle se termine par une petite 
boule plus large et pas.très régulière. À la surface 
de cette boule, mais pas exactement à l'extrémité, 
on voit très nettement un petit point noir: c’est 
l'œil. Tous les enfants savent que quand on touche 
ces antennes, elles rentrent, en quelque sorte, 
d'abord en elles-mêmes, puis dans la tèle, pour 
ressortir un instant après. 

Quand on se livre à des observations sur un 
escargot en train de ramper, il ne se préoccupe 
nullement de l'observateur: il ne le voit pas. Il 
n’aperçoit pas non plus les obstacles les plus gros- 
siers qu'il vient à rencontrer; ce n'est que lorsqu'il 
les touche avec ses longues antennes, toujours 
dirigées en avant, qu'il se rend compte de leur 
présence. Autrement dit, ces grandes antennes ne 
sont que des organes de tact; malgré leurs yeux, 
elles ne servent pas à la vision distincte des objets. 
Néanmoins, les organes visuels sont capables de 

percevoir la clarte du jour; pour s'en convaincre, 
on fait ramper un escargot à une certaine distance 
d'une fenêtre, puis, brusquement, on place la main 
ou un cahier entre celle-ci et l'animal. Générale 
ment, on voit ce dernier tressaillir et contracter 
soit ses antennes, soit même tout son corps. Mais 


(1) Suite, voir page 292. 


cest là un ròle bien accessoire pour la vie de l'es- 
cargot. Comme organes de tact, les grandes 
antennes leur sont très utiles en les prévenant des 
obstacles et les engageant à les éviter ou à les 
escalader. 

Les petites antennes sont situées plus bas 
que les grandes et sont environ de deux tiers 
plus petites. Elles sont dirigées vers le bas et 
touchent presque le sol quand l'animal glisse. 
Elles sont également terminées par un petit ren: 
flement, mais il n'y a pas d'œil à la surface; ce 
sont aussi des organes du toucher qui servent 
à l'animal à explorer le chemin et surtout à pal- 
per sa nourriture. Quand on les touche, elles se 
contractent et rentrent en dedans de la tète où 
elles ne restent qu'un instant. 

Les grandes et les petites antennes servent beau- 
coup à l'odorat. i 

Il arrive souvent que, dans les jardins, l'on voit 
toute une famille d'escargots occupée à dévorer 
une belle poire ou un beau chou, alors que les 
poires ou les choux voisins sont négligés. Et l’on 
est tenté de croire que c'est le fumet spécial 
des parties attaquées qui a attiré les désagréables 
mollusques, ou, autrement dit, que ceux-ci sont 
doués d'un sens olfactif suffisamment fin pour per- 
cevoir de loin les « bons morceaux ». À vrai dire, 
il n’en est rien; c'est le hasard à peu près seul qui 
mène les escargots alors que, la nuit surtout, ils 
déambulent un peu n'importe où, se fiant plus, pour 
trouver des victuailles, sur la longueur de leurs 
méandres que sur la sensibilité olfactive, laquelle, 
ainsi que M. Emile Yung l’a montré, est assez 
émoussée. 

Le savant professeur de l’Université de Genève 
que je viens de citer a fait des expériences bien 
conduites que je vais résumer. 

Dans une grande salle dont le sol est cimenté et 
maintenu humide par de fréquents arrosages, 
M. Yung disposait douze escargots, affamés par 
une semaine de jeùüne, à la périphérie de cercles 
tracés à la craie, en ayant soin d’orienter leur tète 
vers le centre du cercle. Puis il plagait en. ce der- 


N° 1453 


nier point une substance alimentaire qui semblait 
à priori devoir exercer sur les escargots un effet 
attractif. 

M. Yung a d'abord expérimenté avec divers fro- 
mages. Mais cette matière alimentaire, cependant 
très odorante, ne séduit nullement les mollusques. 
A 30 centimètres de distance, les résultats sont 
négatifs. Bien plus, le gruyère fort est évité à 
partir d'une distance maximum de 2 centimètres, 
et l'on peut admettre qu’à cette distance les escar- 
gots le sentent, puisque c'est à partir d'elle qu'ils 
s'en écartent. 

Pour le chou, l’odeur n'est perçue qu'à une très 
courte distance qui ne va pas au delà de 15 à 
20 centimètres: par conséquent, ceux qui dévorent 
les choux dans les jardins ne sont pas guidés par 
leur sens olfactif. 

La laitue n'est perçue de certains escargots qu’à 
la distance maximum de 5 à 6 centimètres. La 
majorité de ces animaux souvent s’en rapprochent 
jusqu’à 4 ou 2 centimètres pour s'apercevoir de sa 
présence, et encore s’en rencontre-t-il quelques- 
uns qui ne semblent pas ètre impressionnés par 
cette plante, cependant l'un de leurs aliments pré- 
férés, surtout quand ils sont jeunes. 

Ayant haché un oignon et l'ayant offert à douze 
escargots disposés autour de lui à une distance de 
10 centimètres, la plupart s’en écartèrent dès le 
début. Cinq d'entre eux rampèrent vers lui et deux 
en approchèrent jusqu'à un centimètre et demi, 
puis s’en détournèrent. 

Il est fréquent de rencontrer dans les vergers 
des escargots rongeant des pommes tombées. Il 
s’agit là de rencontres fortuites. Une pomme très 
mince coupée en tranches fut placée au centre d'un 
cercle de 20 centimètres. Les individus trouvés sur 
la pomme, après une heure d'attente, furent tou- 
jours ceux que le hasard avait fait passer à plus 
de 2 centimètres du fruit. I] en est de même pour 
les fraises. 

De toutes les substances végétales mises en expé- 
rience par M. Yung, c'est le melon dont l'attraction 
a été la plus manifeste : douze escargots sont dis- 
posés sur la périphérie d'un cercle de un mètre 
de diamètre, au centre duquel est placée la moitié 
d'un melon mesurant 145 centimètres de diamètre 
et répandant un fort parfum. Un quart d'heure 
plus tard, neuf escargots sont dans le cercle, trois 
n'ont pas bougé. Une heure après, sept individus 
sur les neuf qui ont exécuté un mouvement centri- 
pète ont atteint le melon et en mangent. Il ne 
peut être ici question de hasard, d’autant moins 
que, dans la moitié de la journée, les trois indivi- 
dus demeurés d'abord immobiles se sont mis à 
ramper tous trois dans la direction du melon et 
deux d'entre eux ont réussi à l'atteindre, cinq 
heures environ après le début de l'expérience. 
Quant aux.trois autres individus, ils s’en sont déti- 


COSMOS 329 


nitivement éloignés après s’en être rapprochés 
l’un de 30 centimètres, le second de 23 centimètres 
et le troisième de 15 centimètres : ces trois escar- 
gots n'avaient sans doute pas l'odorat aussi fin que 
celui de leurs camarades. 

La tète, examinée de face ou un peu sur le ventre, 
montre encore deux sortes de lèvres charnues, 
situées juste au-dessous des petites antennes et se 
touchant au milieu. C’est entre ces deux lèvres et 
le bord du pied que se trouve la bouche de l'es- 
cargot. Pour la mieux voir, on laisse des escargots 
jeùner pendant quelques jours, puis on les met 
sur une feuille de, laitue qu'ils s'empressent de 
dévorer. En examinant ceux qui sont sur le bord 
de la feuille, on aperçoit les deux lèvres charnues 
très écartées et la bouche plus ou moins largement 
ouverte, et, en tous cas, montrant, d'une manière 
malheureusement un peu vague, une pièce brune, 
dure, qui rentre et sort successivement : c'est la 
mâchoire qui, à chaque « lampée », écorche un 
morceau de laitue que l'animal engloutit. Les 
escargots ne vivent, d'ailleurs, que de matières végé- 
tales, soit fraiches (fruits, légumes, feuilles, etc.), 
soit plus ou moins en décomposition. A chacune 
de ces « bouchées », la feuille qu'ils mangent pré- 
sente une petite secousse, et, dans la tèle elle-même, 
on voit généralement par transparence le mouve- 
ment de va-et-vient des pièces qui s'y trouvent. 

Sur un animal en train de ramper, on voit que 
le bord de la coquille est séparé du corps de 
l'animal par un bourrelet charnu et humide, de 
couleur grisåtre: c'est le bord du manteau. Sur 
tout son pourtour, il est lisse et ne présente aucune 
particularité digne d'être signalée, sauf du côté 
droit où on remarque un assez large orifice qui se 
ferme de lui-même de temps à autre et s'ouvre 
de mème, mais sans régularité aucune : c'est par 
là que l'animal respire, car il représente l'orifice du 
poumon, le pneumostome comme on l’a appelé. 

C’est aussi dans le poumon qu'aboutit l'extrémité 
ultime du tube digestif (l'anus), de sorte que les 
déjections, qui se présentent sous forme de tor- 
tellus irréguliers, sortent aussi par le pneumostome. 

Ceux qui examinent pour la première fois celui- 
ci s'imaginent que la cavité dans laquelle il donne 
accès est limitée en haut par la coquille. Il n'en 
est rien, et, pour s’en convaincre, on prend un 
escargot jeune, c'est-à-dire à coquille peurésistante, 
et on brise celle-ci petit à petit et avec précaution, 
à l'aide des ongles. dans le voisinage du pneumo- 
stome. On apercait de la sorte — on devine plutôt: 
— la cavité où aboutit le pneumostome. Cette 
eavité, le poumon, est limitée en haut par une 
mince membrane parcourue par des veines blanches 
et très anastomosées : ce sont mème ces vaisseaux 
sanguins qui constituent le poumon proprement 
dit. 

Nous connaissons maintenant suflisamiment la 


330 


partie de l'animal extérieure à la coquille. Il nous 
faut maintenant étudier celle-ci et son contenu. 

Il est facile d’avoir des coquilles vides dans les 
champs; si l’on n’en a pas, on fait cuire des escar- 


gots vivants et on en relire l'animal avec une 


épingle. 

La coquille est formée d'une seule pièce (tandis 
que dans les moules et les huitres, qui appartiennent 
aussi à l’embranchement des mollusques, elle est 
formée de deux parties). Elle est enroulée sur ellé- 
même en hélice. Tout l'intérieur en est creux ou 
du moins la cavité suit les tours de l'hélice, de 
telle sorte que, très large à l’orilice extérieur, elle 
diminue progressivement de diamètre au fur et à 
mesure qu’elle monte jusqu’au sommet de la 
coquille, c’est-à-dire du point d'où partent les tours 
de la spire. 

En prenant quelques précautions et en se servant 
d'assez forts ciseaux, on arrive à ouvrir des brèches 
dans la paroi externe des tours de spire. Par les 
fenètres ainsi ouvertes, on se rend compte que ces 
derniers pivotent autour d'un axe central qui va 
du sommet de la coquille au bord de son entrée. 
C'est, nous le verrons tout à heure, sur cette 
colonne centrale qu'est attaché l'escargot. 

Remarquons encore que le bord de l'ouverture 
de la coquille est épais: il est surtout large au 
point où aboutit la colonne dont nous venons de 
parler. 

Quand l'animal rampe, la coquille est comme 
repliée sur le côté droit et un peu en arrière. Par 
suite de cette disposition, l'escargot ne peut pas, 
comme la plupart des autres animaux (par exemple, 
l'abeille, l'écrevisse, la sangsue, la grenouille), être 
divisé en deux parties semblables par un plan 
médian, ce qui est la caractéristique des animaux 
symétriques: lui est asymétrique, c'est-à-dire 
sons symétrie, Un plan qui passerait par le milieu 
du dos le couperait en deux parties dissemblables : 
à gauche, une portion du plus grand tour de spire; 
à droite, le reste de celui-ci et les petits tours de 
spire. Tous les animaux à coquilles spiralées, les 
gastéropodes, sont aussi asymélriques. 

À la surface extérieure de la coquille, il y a une 
série de petites lignes à peu près parallèles au 
bord: ce sont les zones accroissement de la 
coquille. Celle-ci grandit, en effet, sans cesse par 
une sécrétion du manteau, sécrétion qui se dépose 
au fur et à mesure de sa production sur son bord. 

Il arrive souvent que l'on rencontre des escar- 
gols dont la coquille a été brisée accidentellement 
et dont les pièces sant ressoudées solidement par 
une sécrélion du manteau, sécrétion qui apparait 
entre celles comme du ciment entre les moel- 
lons d'un mur. On peut d'ailleurs casser à dessein 
une parlie de la coquille d'un escargot vivant et 
assister chaque jour à cette ressoudure naturelle. 

Pour se rendre compte de la nature de la coquille, 


COSMOS 


19 SEPTEMBRE 1919 


on en plonge une, soit dans du vinaigre qui, on le 
sait, est constitué pur de l'acide acétique, soit 
dansde l'acide chlorhydrique (étendu de son volume 
d'eau): au bout d'un instant, on voit se dégager 
des bulles de gaz carbonique. La coquille est, en 
effet, constituée en grande partie par du calcaire, 
du carbonate de chaux, dont le gaz carbonique se 
dégage sous l'influence de l'acide, lequel s'unit à la 
chaux pour former soit de l'acétate de chaux, soit 
du chlorure de chaux. Les bulles sont même telle- 
ment abondantes qu’elles entrainent la coquille 
avec elles à la surface du liquide. 

Au bout de quelques heures, l’altaque par l'acide 
cesse, ce qui se reconnait à ce qu’il ne se dégage 
plus de bulles, mais il reste une matière légère, 
une pellicule assez semblable à de la baudruche : 
les chimistes l’ont appelée conchyoline. 

La coquille est donc constiluée par deux sub- 
slances intriquées l’une dans l’autre, l’une miné- 
rale, le carbonate de chaux, l'autre organique, la 
conchyoline. 

Pour avoir terminé ce qui a trait à la constitu- 
tion du corps de l'escargot, il ne nous reste plus 
qu'à nous rendre compte de la partie du corps qui 
se (rouve cachée dans la coquille. Pour cela, voici 
comment il faut procéder: on remplit un large 
bocal ou une large bouteille d’eau préalablement 
bouillie (cela n'est pas indispensable, on peut 
prendre de l'eau ordinaire) et, dans cette eau, on 
met deux ou {rois escargots vivants. On bouche 
ensuite le flacon hermétiquement, de manière qu'il 
ne reste pas de bulles d'air à l'intérieur, et on ne 
s'en occupe plus pendant un ou deux jours. Au 
bout de ce temps, on en retire les escargots qui 
sont morts asphyxiés et, ce qui est avantageux 
pour l'étude, sont largement étendus, comme gon- 
flés d’eau. On peut dès lors y toucher sans les voir 
se contracter, ce qui aurait lieu s'ils étaient 
vivants. 

Avec de forts ciseaux, on coupe petit à petit la 
coquille en suivant le milieu des tours de spire. 

Pour enlever le mucus qui se forme et les débris 
de la coquille qui y restent collés et gènent beau- 
coup l'opérateur, on procède à celte opération, 
soit en se mettant au-dessus d'une cuvette d’eau 
où on lave de temps à autre l'animal, soit, ce qui 
est encore préférable, en se plaçant au-dessous 
d’un filet d'eau; le courant entraine le mucus et 
les débris de coquille. Bien entendu, il faut glisser 
la pointe des ciseaux entre la coquille et l'animal 
pour ne pas détériorer celui-ci, ce qui, d’ailleurs, 
est assez difficile. 

Pendant cette opération, on peut se rendre 
compte que l'animal est étroitement uni à la 
coquille à laquelle il est fixé par un large muscle 
blanc qui, comme je le disais plus haut, s'attache 
sur la colonne médiane de la coquille. Dans beau- 
coup de campagnes on trouve cette croyance, que 


N° 4543 


l’on a toutes les peines du monde à déraciner, que 
l’escargot a la faculté de quitter sa coquille et de 
devenir ainsi une limace. Cette idée est absurde, car 
la limace est un animal tout a fait différent de l'es- 
cargot, et, de plus, celui-ci est uni à sa coquille : 
jamais il ne peut la quitter. 

En lavant sous un filet d’eau, on arrive cepen- 
dant à détacher entièrement la coquille et, si 
l'opération a été faite soigneusement, l'animal est 
intact. 

On y voit fort bien le poumon avec ses veines, 
poumon qui ne s'étend pas très loin: c’est une 
simple cavité en forme de gousset; sa mince paroi 
supérieure est le manteau. 

Le reste du corps est enroulé sur lui-même de 
la même façon que la coquille, dans lequel ce tor- 
tillon — c’est ainsi qu’on le nomme — est logé (1). 
Il est constitué surtout par une masse brune, le 
foie. Tout le bord intérieur du tortillon est blanc et 
un peu résistant : c’est une sorte de muscle qui, en 
un point, se soulève pour s'attacher à la coquille. 
C'est par la contraction de ce muscle et du corps 
lui-même que l'escargot rentre dans sa coquille. 

Tout le monde sait, en effet, que lorsqu'on tra- 
casse tant soit peu un escargot, il rentre entière- 
ment dans sa coquille qui, de la sorte, lui constitue 
une véritable maison. Il est intéressant de voir 
comment se fait cette rentrée. C’est d’abord le 
museau qui commence à se rétracter, ainsi que les 
petits tentacules. Puis c'est le tour des grands 


né 


COSMOS 


331 


tentacules, puis de la partie antérieure du corps 


qui se contracte vers le haut. Ensuite c’est le pied 
qui rentre d'avant en arrière. 

Finalement, tout l’orifice de la coquille n'est 
plus occupé que par le bord lisse du manteau. 


Souvent, au milieu de la masse contractée, on voit 


encore le bout postérieur du pied et sur le côté un 
orifice, le pneumostome. 

Quand l'animal se déploie, il opère en sens con- 
traire, c'est-à-dire que l’on voit s'épandre succes- 
sivement le pied, la partie antérieure du corps, les 
grands tentacules, les petits tentacules et, finale- 
ment, le museau. 

Ce que nous avons dit jusqu'ici est relatif à 
l'animal considéré en été ou au printemps. En 
hiver, il présente une particularité digne d’être 
signalée: il s'enfonce dans la terre et bouche 
l’orifice de sa coquille par une véritable muraille 
calcaire. De cette façon, il est clos de toute part et 
peut passer la mauvaise saison à dormir sans 
craindre que des ennemis l’attaquent. Dans les 
marchés en hiver, on vend souvent de ces escar- 
gots operculés. Au printemps, l'animal perce son 
« opercule » — ou plutôt le dissout — et recom- 
mence une vie active. 

Il pond ses œufs dans la terre sous forme de 
grains blancs de la grosseur du millet, réunis en 
paquets sous les pierres, qui ne tardent pas à se 
changer en petits escargots vagabonds. 

Henni CouPIN. 





L’acide carbonique en œnologie. 


La faveur toujours croissante dont jouissent 
auprès du public les diverses boissons gazeuses est 
due pour une large part à l’acide carbonique 
qu'elles contiennent. Libérées aussitôt que la pres- 
sion s'abaisse, les bulles de gaz, engainées pour 
ainsi dire dans une mince pellicule de liquide, 
« bombarbent » en tous sens le palais, la langue 
et les joues, augmentant ainsi dans des propor- 
tions énormes les surfaces de contact entre la 
boisson et la muqueuse buccale, ou plus exacte- 
ment les terminaisons nerveuses épanouies à la 
surface de la muqueuse : les propriétés. désalté- 
rantes que possède en propre le liquide sont d'ail- 
leurs largement accrues par la fraicheur naturelle 
et par la saveur piquante qui caractérise lacide 
carbonique. 


(1) On peut aussi bien voir ce tortillon sans employer 
le procédé d’asphyxie que nous venons d'indiquer et 
qui a l'inconvénient d’être un peu long; il suffit de 
plonger l'escargot pendant une minute ou deux dans 
de l’eau bouillante. Il meurt aussitôt, et, en tirant le 
corps avec une aiguille, celui-ci se détache facilement 
de la coquille. 


C’est à ce gaz que nos vins mousseux sont rede- 
vables de presque toute la gaieté qu'ils versent 


- généreusement à leurs fidèles; aussi le rêve d’un 


grand nombre de techniciens est-il de pouvoir 
gazéifier de façon économique les vins ordinaires 
à bas titre alcoolique, pour faire d'eux une boisson 
de demi-luxe, agréable, saine, hygiénique et nutri- 
tive, à l’usage des classes peu fortunées. Le but 
poursuivi est évidemment louable, puisqu'il per- 
mettrait en somme de bonifier des vins plats ou 
médiocres, seulement utilisables dans leur état 
normal à des coupages dont l'honnêteté commer- 
ciale n’est pas toujours absolue. Par surcroit, 
donner au vin, boisson de table, la fraicheur et 
l'agrément que l’on recherche volontiers dans les 
boissons prises en dehors des repas, ce serait lui 
assurer de larges débouchés nouveaux, puisque ce 
serait lui permettre de remplacer sans peine la 
plupart des liqueurs apéritives dont les méfaits 
hygiéniques ne sont niés par personne; ce serait 
par suite combattre avec eflicacité l'alcoolisme, 
en même temps que la tuberculose, dont les épou- 
vantables ravages s'exercent de préférence sur les 


Ba COSMOS 


organismes débilités et intoxiqués par l'alcool. 

A ces considérations, d'une importance sociale 
certaine, qui militent en faveur des emplois œnolo- 
giques de l'acide carbonique, s’en ajoutent d’autres 
qui sont d'ordre purement technique. Nombre de 
vins à complexion délicate doivent être maintenus 
à l'abri de Pair, dont l'oxygène atténue leurs qua- 
lités, quand il ne leur inflige pas des altérations 
graves; lors des soutirages, on est tenu, en ce qui 
les concerne, à prendre tout un ensemble de pré- 
cautions spéciales qui n’ont, d’ailleurs, d’autre but 
que soustraire en cours d'opération les particules 
liquides au contact de l'oxygène. Par suite, on se 
trouve parfois conduit à n'opérer que dans une 
atmosphère inerte, azote ou acide carbonique. Or, 
ce dernier gaz existe normalement en quantités 
appréciables dans les vins nouveaux; il suffirait 
dès lors de maintenir ceux-ci à température assez 
basse pour prévenir son départ et retarder consi- 
dérablement les oxydations complexes qui jouent 
le rèle principal dans le phénomène du vieillisse- 
ment. Le fait a son importance, car s’il est certains 
vins qui éprouvent en vieillissant une amélioration 
notable de leurs qualités guslatives, il en est 
d’autres, au contraire, auxquels l’âge confère une 
décrépitude rapide qui peut aller, dans certains 
cas, jusqu’à réduire sensiblement leur valeur mar- 
chande. Pour ces vins, qui sont da reste de qua- 
lité ordinaire ou médiocre, la saturation par 
l'acide carbonique serait une précieuse garantie de 
durée : elle aiderait à maintenir en certains cas 
l'équilibre du marché, par ce fait qu’elle rendrait 
possible, pendant les années d’abondance, la con- 
stitution de stocks dont l'écoulement se ferait sans. 
difficulté au cours des années de disette. 

D'autre part, le pouvoir antiseptique de l'acide 
carbonique peut être un précieux auxiliaire pour 


prévenir l'action nocive des multiples microorga-. 


nismes du vin; plus particulièrement, son action 
peut être mise à profit contre les diverses « casses », 
eu substituant du gaz inerte à l'air mécaniquement 
retenu entre les particules de liquide, et qui con- 
tient oxygène indispensable à la vie des micro- 
germes déterminant ces maladies. 

Enfin, il n'est pas jusqu'aux vins soumis à la 
pasteurisation dans le but de garantir leur sta- 
bilité biochimique, qui ne puissent retirer grand 
profit d’une saturation convenable par l'acide car- 
bonique. On sait, en effet, combien l’action de 


49 SEPTEMBRE 194% 


l'air est plus sensible sur eux que sur les vins 
n'ayant subi aucun chauffage: c’est même là un 
des graves inconvénients de la pasteurisation, qui 
laisse pour ainsi dire le vin « désarmé » contre les 
attaques venues de l'extérieur, à tel point que cer- 
tains æœænologues n'hésitent pas à contester l’oppor- 
tunité pratique d’un traitement d’ailleurs utile en 
soi à de nombreux points de vue. L'emploi de 
l'acide carbonique est, en pareil cas, d'autant plus 
recommandable qu'il restitue aux vins pasteurisés 
cette fraicheur de goût dont ils sont généralement 
privés. Au reste, certains crûs naturellement très 
frais, le Chianti, par exemple, ne doivent leur 
qualité spéciale qu’à l’habitude prise dans les pays 
d'origine d'ajouter au vin fait, déjà en tonneaux, 
une quantité rationnelle de raisins à demi passe- 
rillés, et dont le sucre engendre une fermentation 
secondaire qui a pour résultat de saturer la liqueur 
de gaz carbonique dissous. 

L'addition de sucre est, en effet, le moyen natu- 
rel de charger les vins d'acide carbonique, et celui- 
ci, résultat de manifestations biochimiques com- 
plexes, présente alors le maximum de pureté dési- 
rable. Il est souvent loin d'en ètre ainsi pour le 
gaz qui provient de la cuisson des calcaires, mais, 
par contre, celui-ci est devenu d'un emploi extrè- 
mement commode depuis que l’industrie le livre 
à bas prix, liquéfié par compression dans des bou- 
teilles d'acier robuste munies de détendeurs. Il est 
facile dans ces conditions d'opérer de façon précise, 
c'est-à-dire d introduire exactement dans le liquide 
les doses voulues. L'opération ne comporte aucune 
difficulté matérielle, puisqu'il suffit d’amener le 
gaz à la partie inférieure des vaisseaux pour que, 
remontant et barbotant à travers la masse liquide 
par le fait seul de sa plus faible densité, il.s'y dis- 
solve jusqu’à saturation. On peut imaginer. à cet 
effet des dispositifs multiples. 


e 
+ + 


En somme, un fait se dégage nettement quand 
on examine les applications possibles de l'acide 
carbonique à la vinification, c'est que ces applica- 
tions seront de plus en plus importantes dans 
l'avenir. Tout permet, d'ailleurs, de formuler cette 
appréciation optimiste : les services rendus, la faci- 
lité de la technique et le prix de revient peu élevé 
d'une méthode qui présente dans la pratique les 
plus sérieux avantages. 

Francis MARRE. 


COSMOS 


333 


SOCIETES SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 
Séance du 9 septembre 1912. 


PRÉSIDENCE DE M. APPELL. 


L’évaporation du sol et des végétanx comme 
facteur de la persistance des temps pluvieux 
et froids. — M. A. Munrz donne l'intéressante note 
suivante : 

Il semble que, lorsqu'une période humide et froide 
s'est établie, elle ait une tendance à persister. Les étés 
des années 1910 et 1912 nous en donnent des exemples 
récents. 

Certes, les courants atmosphériques jouent le prin- 
cipal rôle dans cet état climatérique, mais d’autres 
facteurs interviennent, qu'il est utile de mettre en relief 
et dont l'influence est considérable; ce sont l’évapora- 
tion du sol et surtout celle de la végétation. 

Lorsque, à la suite de pluies d’une certaine durée, 
le sol reste mouillé, il évapore constamment de l’eau 
qui, se condensant dans les couches supérieures de 
l'atmosphère, produit des nébulosités. Celles-ci main- 
tiennent le ciel couvert et retombent sous forme de 
pluie, pour continuer ce cycle indéfiniment. 

Chaque jour de pluie lègue donc au jour suivant la 
cause originelle de Phumidité persistante, et l’on com- 
prend que cet état ait une tendance à s'éterniser. 
Tout se passe comme si la même masse d’eau allait 
alternativement du sol à l'atmosphère, par évapora- 
tion, et retombait ensuite sur le sol sous forme de 
pluie. ` 

L'évaporation d'un sol mouillé est considérable: 
pendant le mois de juillet si pluvieux de 1910, la quan- 
tité d’eau déversée par hectare de terre nue a été, à la 
station de chimie végétale à Bellevue, de 218 mètres 
cubes. 

Pendant le mois d’août de 1912, encore plus pluvieux, 
elle a été de 217,6 mi. 

On comprend que de pareilles quantités d'eau suf- 
fisent pour entretenir la nébulosité. 

Mais ce n’est pas seulement le sol nu qui évapore; 
celui qui est couvert de végétation évapore beaucoup 
plus. Or, c’est précisément pendant les années humides 
que le développement végétal est le plus abondant et 
se continue le plus longtemps. De là une cause d’éva- 
poration énorme, qui persiste également par un renou- 
vellement incessant de la cause déterminante. 

Dans mes essais, le déversement dans l'atmosphère 
de l’eau évaporée par 1 hectare de luzerne a été, pen- 
dant le mois de juillet de 1910, de 803 mètres cubes. 
Cette quantité est un peu supérieure à celle de l'eau 
tombée sous forme de pluie pendant la même période, 
et qui a été de 697 mètres cubes. Tout s'est passé 


comme si la même eau avait fait la navette entre la 
surface de la terre et les hautes régions de l’atmosphère, 
maintenant constamment la nébulosité et la cause 
première de cette nébulosité. Pendant le mois d'août 
da 1912, l'évaporation de l’hectare de luzerne a été de 
900 mètres cubes, la pluie tombée ayant été de 
894 mètres cubes, ce qui confirme les indications 
recueillies en 1910. 

Il résulte de ces observations que l'évaporation pro- 
duite à la surface du sol, surtout par le développe- 
ment végétal, est un facteur important, peut-ĉtre pré- 
dominant, de la nébulosité persistante du ciel et des 
chutes d'eau fréquentes, et que ce régime, une fois 
établi, a une tendance à se continuer par une sorte de 
cycle qui ramène alternativement l’eau du sol vers 
l'atmosphère par l’évaporation, et celle de l'atmosphère 
vers le sol par les pluies. C’est un cycle fermé, qui 
peut se continuer jusqu'à ce que des phénomènes 
météorologiques puissants viennent le rompre. 

Quant à l’abaissement de la température pendant 
ces périodes, il est occasionné par les mêmes causes. 
D'abord par l'absence de soleil, dont les radiations 
sont empèchées par les nuages d'échauffer la terre; 
mais aussi par l'évaporation de l’eau à la surface du 
sol et des organes végétaux. Ainsi, mes observations 
de 1910 et 1912 montrent que le sol mouillé, qui éva- 
pore abondamment, a une température inférieure de 
2 à 3 degrés à celle du mème sol, qui est à un état 
d'humectation normal et qui n’évapore que faiblement. 
Quant aux végétaux, ils sont également une cause de 


- refroidissement par l'évaporation abondante qui se 


produit à la surface de leurs organes. Ainsi, lair qui 
circule entre les feuilles d’une luzernière a générale- 
ment 3 degrés de moins que celui qui circule au-dessus, 

Il est à remarquer que ces abaissements corres- 
pondent sensiblement à l’abaissement moyen de la 
température signalé par les Observatoires météorolo- 
giques. 

Cette chaleur enlevée à la surface de la terre par 
l'évaporation n’est pas restituée par la pluie, car elle 
est perdue dans les hautes régions de l'atmosphère, et 
les eaur de pluies retombent froides, ayant 3 à 4 degrés 
de moins que l'air ambiant. 

Cette évaporation à la surface de la terre et des 
plantes entraîne donc une soustraction de calorique 
qui cause un abaissement notable de. la température. 


Action des rayons ultra-violets sur les carbures 
d'hydrogène gazeux. Note de MM. Daie BFRTHELOT 
et HENRY GAUDECHON. — Nouvelle synthese de glucoside 
d'alcool à l'aide de l'émulsine: benzylglucoside 8. 
Note de MM. E{. Bovrgoreror et M. BrhiveL. — Les 
caractères histologiques spécifiques des «cellules lumi- 
neuses » de Pyrosoma qgiganteum et de Cyclosaipa 
pinnata. Note de M. Cu. JUIN. 


334 


COSMOS 


19 SEPTEMBRE 1912 


BIBLIOGRAPHIE 


Cours d’analyse quantitative des produits des 
industries chimiques, professé à l’Institut pra- 
tique de chimie de Bruxelles, par ALBERT MRu- 
RICE, directeur, ingénieur chimiste. In-8o de 
vui-480 pages, avec 53 figures (relié, 12 fr). 
H. Dunod et E. Pinat, éditeurs, 47-49, quai des 
Grands-Augustins, Paris. 4912. 


En 1908, M. Meurice publiait la première partie 
du Cours de chimie quantitative industrielle qu'il 
professe depuis de nombreuses années à son Institut 
de chimie de Bruxelles. 

Cette partie se rapportait à l'analyse quantitative 
des matières minérales. 

La description des procédés et méthodes ayant 
trait au contròle des industries chimiques fait 
l'objet de l'ouvrage qu'il publie aujourd'hui. 

On y trouve successivement l'étude des industries 
de la verrerie, de la céramique, de l’acide sulfu- 
rique, de l'acide nitrique, de l'acide chlorhydrique, 
de l’alumine, de l’acide borique, des sels métal- 
liques, du gaz, de l'ammoniaque. du goudron, des 
huiles, de la savonnerie, etc. 

Toutes les méthodes d'analvses enseignées dans 
ce cours onl été choisies avec soin parmi celles 
ayant fait leurs preuves et dont l'exactitude a été 
controlée, 

Lorsque plusieurs procédés sont indiqués pour 
un mème dosage, l'auteur a spécifié chaque fois 
qu'il y avait avantage, dans un cas donné, à 
employer telle méthode plutòt que telle autre. 

Cet ouvrage pourra êlre consulté avec fruit par 
tous les chimistes s’occupant d'analyses indus- 
trielles; il sera un guide sûr pour le commençant 
ou pour le pratiquant n’effectuant que de temps à 
autre l'analyse de tel ou tel produit spécial. On a 
cru utile de donner un très grand nombre d'exemp'es 
de calculs et de compositions, les bases d’apprécia- 
tion, lorsque l'on a affaire à un produit que l'on 
n'analyse pasrégulièrement, faisant souvent défaut. 


Encyclopédie scientifique des aide-mémoire, 
publiée sous la direction de M. Leauté, de 
l'Institut (chaque volume, 2,50 fr). Librairies 
Gauthier-Villars et Masson. 


Les encres, par F. MarGiva, licencié ès sciences. 

Les formulaires fourmillent de recettes d’encres 
de toutes couleurs; il est rare, cependant, qu'on 
obtienne de bons résultats en les essayant. Cest 
que, le plus souvent, ces recettes sont prises de 
cèté et d'autre sans avoir jamais été vérifiées. 

L'auteur de ce recueil ne donne qu'un petit 
nombre de recettes, mais dont il a reconnu la 
valeur. De plus, il s’est efforcé d'étudier les phé- 
nomcvnes scientifiques de la fabrication des encres. 
De cette façon, le préparateur sait d'avance le role 


joué par chaque constituant et peut, par suite, 
prévoir le résultat qu'il obtiendra en faisant varier 
les doses indiquées. 

Chaque chapitre, composé d’un exposé scienti- 
fique suivi d'une série de formules soigneusement 
choisies, est consacré à une catégorie d’encres : 
encres au fer, au campèche, au carbone, aux cou- 
leurs synthétiques; encres sèches, à copier, à tam- 
pons; encres hectographiques; encres pour le 
linge, les métaux, le celluloiïd, etc. 


Aide-mémoire du cinématographiste. Recueil 
de recettes, procédés, formules et conseils utiles 
aux cinématographistes, par C. DE MIiREAUNEL 
(0,75 fr). Comptoir d'édition de Cinéma-Revue, 
118, rue d'Assas, Paris. 


Cet ouvrage est plus particulièrement destiné 
aux exploitants d'entreprises cinématographiques. 
Il contient d'abord les recettes et procédés utiles 
dans cette branche d'industrie, puis les règlements 
de police relatifs à l'exploitation des spectacles 
cinématographiques et au transport des tubes 
d'oxygène, enfin un résumé des formalités à 
remplir pour la demande des brevets d'invention. 


La photographie par cerfs-volants, par 
H. QuenTix. Une brochure de la bibliothèque de 
Photo-lRievue (0,60 fr). Paris, Charles Mendel, 
éditeur.” 


Le cerf-volant est redevenu à la mode en ces 
dernières années, ce n'est plus seulement un jeu 
pour les enfants; les grandes personnes s'en 
occupent et lui cherchent un but utile. De là sont 
venus les cerfs-volants montés, les cerfs-volants 
porte-antennes de télégraphie sans fil, les cerfs- 
volants météorologiques, etc. 

Les premiers essais de photographie aérienne 
par cerfs-volants remontent déjà à quelques années. 
Depuis, on a beaucoup perfectionné et les appa- 
reils porteurs, et les dispositifs de prise de vue. 
Les résultats obtenus sont d’ailleurs des plus inté- 
ressants, les clichés pris à une certaine hauteur 
pouvant avoir une grande valeur au point de vue 
topographique. 

Or, tous les amateurs photographes peuvent 
assez aisément prendre des vues aériennes. 

L'auteur de cet intéressant opuscule montre que 
sans installation spéciale, avec les éléments que 
tout amateur a sous la main : bois, ficelle, étoffe, 
il est facile de construire d'après ses indications 
un dispositif parfaitement capable de tenir lair 
tout en remorquant un appareil photographique 
avec les dispositifs de suspension et de déclanche- 
ment. 


N° 1443 


Essais d'automobiles (moteur - transmission), 
effectués au laboratoire de l'École polytechnique 
de Berlin, par le D" A. Renter. Traduit de Palle- 
mand par F. CanLës, ingénieur civil, secrétaire 
de rédaction de la Vie automobile. Un vol. in-8° 
(19 X 28) de 1v-155 pages avec 99 figures. (Bro- 
ché, 9 fr.) Librairie Dunod et Pinat, 49, quai 
des Grands-Augustins, Paris. 


Jusqu'ici, les automobiles n'ont été et ne sont 
encore estimées, quant à leur valeur, qu'au moyen 
des courses. La maison victorieuse acquiert immé- 
diatement la vogue, sans qu'on connaisse rien de 
ses procédés de construction ni des qualités et des 
défauts des différentes parlies de la voiture. 

Cette base d'appréciation n’a aucune valeur dans 
la plupart des cas. Il serait bien plus intéressant, 
pour pouvoir juger avec fruit, de connaitre le ren- 
dement des différents organes d'une voiture auto- 
mobile et de pouvoir les comparer avec ceux des 
marques différentes. 

Le D' Riedler a combiné toute une série d'essais 
qui peuvent être effectués dans un laboratoire et 
portent sur tous les organes des voitures étudiées. 
Les résultats obtenus sont résumés sous forme de 
diagrammes, comparables facilement entre eux, 
et d'où les conclusions découlent d'elles-mêmes. 
Cet ouvrage ne manquera pas d'intéresser les 
ingénieurs et constructeurs d'automobiles. Des 
essais semblables leur permettront de voir par 
quel côté pèchent leurs voitures et leur permettront 
d'y remédier. 


Guide pratique du prospecteur à Madagascar, 
par D. Levar, ingénicur civil des mines. Un vol. 
in-8° de 1432 pages, avec 38 figures et une carte hors 
texte (broché, 6 fr, cartonné; 7,25 fr). Librairie 
Dunod et Pinat. Paris, 1912. 


Cet ouvrage est l’œuvre d’un technicien doublé 
d'un géologue. Il est, en effet, à peu près impos- 
sible d'être bon prospecteur si l'on n’a pas une con- 
naissance suffisante des phénomènes qui régissent 
la stratigraphie, la tectonique et l’allure des gites 
minéraux et métallifères. 

M. Levat met en relief certaines particularités 
des gites aurifères de Madagascar qüi auraient 
certainement échappé à beaucoup de bons — mais 
uniquement — techniciens. 

L’allure lenticulaire, « en chapelet », des roches 
aurifères interstratifiées dans les formations cris- 
tallines; la teneur en or des diverses roches: gneiss, 
quartz, quartzites ; les latérites à métal précieux 
sont autant de points qui ont élé traités avec 
clarté et précision. 

L'auteur développe d’une façon toute particulière 
la partie relative à la mise en valeur des gites 
aurifères. À ce point de vue, son livre sera ulile 
non seulement aux prospecteurs ayant à opérer 
à Madagascar, mais aussi à tous ceux en action 


COSMOS 


330 


dans les autres régions du globe, les mêmes mé- 
thodes de traitement s'appliquant à chaque caté- 
gorie de gisement, en quelque lieu que ce soit. 
t 
Au Maroc, par les camps et par les villes, par 
GusTavE BAgix. Un vol. broché (3,50 fr). Grasset, 
61, rue des Saints-Pères, Paris. 


Publiciste de métier, excursionniste de profes- 
sion, écrivain non sans talent, M. Babin nous livre 
ici les résultats d'une vhsle enquète menée par lui 
au Maroc. Les impressions politiques concordent 
avec celles de la plupart des voyageurs, en ce sens 
qu'il estime fort ardue la tâche qui nous incombe. 
Ce qui est particulièrement intéressant à lire chez 
lui, ce sont les chapitres qu'il consacre à la zone 
espagnole. M. Babin n'aime pas les Espagnols. Il 
les considère comme jaloux, arriérés, arbitraires, 
amis de la saleté, ennemis de Ja France. Ah! il 
n'est pas tendre pour eux. A Fez, il s'est entretenu, 
comme tout Français qui se respecte, avec le sul- 
tan. IHi donne de lui une description des plus 
vivantes. Pour conclure, signalons que son ouvrage 
comporte des renseignements historiques assez 
peu connus du grand public, et pitloresquement 
présentés. 


Manuəls Roret. Librairie Mulo, 12, rue Haute- 
feuille, Paris. 

Prestidigitation, tours de cartes : 2° série; tours 
avec appareils, par Rocer Bargan. Un vol. in-18 
avec 98 figures (2,50 fr). 


Nous avonsrendu compte précédemment (Cosmos, 
n° 4323 du 4 juin 4910) de la première partie de 
cet ouvrage. L'auleur y décrivait tous les tours 
qu'il est possible de faire par simple habileté 
manuelle et, disons-le, après un long et patient 
travail. Faire sauter la coupe, forcer une carte, elc., 
ne sont pas des exercices qui s’apprennent en peu 
de temps. 

Dans ce second volume, l’auteur s'occupe des 
tours de cartes exigeant l'emploi d'appareils 
truqués. Cet ouvrage est divisé en deux parties. 
La première donne des détails fort utiles sur les 
moyens d'exéculion des tours et les ustensiles et 
objets nécessaires. La seconde comporte quatre 
chapitres: l'un est consacré aux tours de carles que 
nous pouvons appeler rlaxsiques. 

Le chapitre suivant comprend les expériences 
d'invention plus récente. 

Un autre, intitulé: Tours inédits et nouvelles 
créations, ne contient que des expériences abso- 
lument inédites ou des tours exécutés au moyen 


de procédés nouveaux. 


Enlin, sous cette rubrique : La télé:raphte sans 
fil, le dernier chapitre est consacré à des expé- 
riences connues sous le nom de phénomènes de 
seconde vue où de transmission de la pensee. 


330 


COSMOS 


19 SEPTEMBRE 1942 


FORMULAIRE 


Moyen pour rendre les chaussures imper- 
méables. — Mélangez et faites bouillir dans un 
pot de terre 125 grammes de cire jaune et autant 
de suif de mouton, 5 grammes de résine et un 
demi-litre d'huile d’œiliette ou autre. 

La chaussure bien brossée, bien séchée et légè- 
rement chauffée au feu doit ètre recouverte, se- 
melles et empeigne, de ce mélange que l'on étend 
jusqu’à parfaite saturation du cuir, avec une 
brosse, un pinceau ou un simple tampon de linge. 

(/nventions illustrées.) 


Conservation des cuivreries des appareils 
à acétylène. — Certaines personnes qui tiennent 


beaucoup à la propreté de leur appareil à acétylène 
se plaignent de la difficulté de conservation des 
cuivreries qui noircissent rapidement. 

Le moyen le plus simple, employé du reste par 
un certain nombre de consommateurs, consiste, 
après un parfait nettoyage des cuivres, à les cou- 
vrir avec un pinceau d’une légère couche de vernis 
blanc transparent. De la sorte, ils ne seront plus 
atteints par les émanations gazeuzes, et, pour leur 
nettoyage, il suffira de passer une simple éponge 
mouillée. 

Ce procédé est naturellement applicable à tout 
objet en cuivre capable de se ternir. 

(Rev. gén. de l'Acétylène.) 





PETITE CORRESPONDANCE 


M. F. R., au V. d'A. — On ne peut différencier ces 
farines que par le microscope, après leur avoir fait 
subir un traitement. (Voyez Cosmos, n° 1116, 16 juin 
1996.) Il faut donc tout d'abord savoir se servir du 
microscope, ce qui demande un certain entrainement, 
puis posséder des images des diverses farines pour 
établir des comparaisons. — Vous trouverez tous les 
renseignements utiles dans l'ouvrage: Traité pratique 
d'analyse des denrées alimentaires de GÉRarD et BONN 
(13 fr). Librairie Vigot, 23, place de l'École-de-Méde- 
cine. Comme conclusion, ilest plus simple de s'adresser 
à un laboratoire officiel. 

M. J. J., à T. — Nous avons puisé cette information, 
comme vous avez pu le voir, dans les colonnes de 
notre confrère américain lElectrical World (239 West 
39 th Street, à New-York), et nous n'avons pas d'autres 
détails. | 

M. M., à V. — Un tel relais est possible, mais c'est 
un appareil de précision qui coûte fort cher. — Quant 
à votre question, il est impossible d'y répondre: il y 
a tant de ces postes! 

M. Eula. — Le meilleur ouvrage à consulter sur 
cette méthode est certainement le livre de M. Guil- 
bert: Nouvelle methode de prevision du temps, par 
G. Guisket. Un vol. in-K’, 43 fr. Librairie Gauthier- 
Villars, à Paris. Cet ouvrage a été Ctudié et analysé 
longuement dans Je Cosmos, n° 1310, 1311, 1312 et 
| 314 (mars 1910). — S'il s’agit de projections lumi- 
neuses, les tuyaux ordinaires de caoutchouc suflisent : 
les forts sont à conseiller, on les trouve partout. 


M. J. C., à P. — Ce détecteur a été décrit dans le 
numéro 4417, p. 332, et plus complètement dans le 
numéro 1419, p. 372. — Le Cosmos (n° 874, p. 514, 
26 octobre 1901} a décrit un calendrier perpétuel por- 
tatif, forme breloque. A l'époque, l'inventeur, M. S. Mai- 
trugue, habitait 52, rue de la Garenne, à Courbevoie 
(Suine). — Ce calendrier donne les quantimes, mais 
non les phases de la Lune. 

M. P, L. M. — 1° On considére que, sur toute 
l'étendue du territoire français, une longueur d'an- 
lenne de 105 mètres est suffisante pour percevoir les 


signaux radiotélégraphiques de la tour Eitřel, par le 
procédé usuel, c’est-à-dire au moyen d’un détecteur 
joint à un récepteur téléphonique approprié. — 2° Il 
n'est pas possible de fixer le rapport de portée exis- 
tant entre le détecteur électrolytique et le détecteur 
à contacts imparfaits; avec ce dernier genre de détec- 
teur, plus on accroît la sensibilité et plus on compromet 
la sûreté de fonctionnement; ce défaut n'existe pas 
pour les détecteurs électrolytiques. — 3° L’enregistre- 
ment des radiotélégrammes est peu usité, mais il a été 
expérimenté par bien des auteurs. Voyez l’article du 
Cosmos, n° 1437, p. 159. On arrive fort bien à faire 
actionner directement par certains genres de détecteurs, 
soit un galvanomètre enregistreur à bobine tournante 
portant un style inscripteur, soit un galvanomètre à 
corde dont les écarts s'inscrivent photographiquement. 
Si on veut actionner un appareil Morse, ce qui est 
impossible directement (car le courant qui circule dans 
le détecteur est trop faible), il faut employer un relais 
sensible. En fait, les détecteurs téléphoniques sont 
de beaucoup plus simples et meilleur marché. 


C" de M., à L. — 4° L'ouvrage Leçons sur l'Électri- 
cilé, par Eric Gérard (8° édition, 4910; 2 volumes, 
42 francs chacun; Gauthier-Villars, éditeur}, est celui 
qui répond le mieux à un pareil programme; il fait 
quelquefois appel au calcul différentiel et intégral; il 
est à la fois théorique, descriptif et technique. — 
2° Fabrication du gas, par E. Bontas (25 fr), librairie 
Béranger, 15, rue des Saints-Pères, Paris. — L'/ndus- 
trie élertrique, paraissant deux fois par mois (un an. 
24 francs), 9, rue de Fleurus, Paris. — 3° L'engrais est 
surtout déterminé par la nature du sol, auquel il 
faut restituer ce qui lui manque; il est donc difficile 
de répondre à votre question. Nous vous engageons à 
consulter quelques ouvrages spéciaux, par exemple: 
Les engrais de la vigne, de Micuaut (3,50 fr), ou la 
brochure publiée sous le même titre par Ricaux 
(0,60 fr), qui vous diront les engrais préférables pour 
la vigne. Ces ouvrages se trouvent à la Librairie hor- 
ticole, 84 bis, rue de Grenelle. — Envoi fait. 


Imprimerie P. Fanon-Vrau. 8 et 6, rue Bayard, Paris, VII”. 
Le gérañt : E. PETITBENAT. 


No 144% — 96 SEPTEMBRE 1912 


COSMOS 


337 


SOMMAIRE 


Tour du monde. — La première comète de l’année (19 12 a) Gale. Survie du cœur de grenouille isolé du corps. 
Une maladie professionnelle des confiseurs. Injections de sérum-rhum comme tonique du erur. Le benzé- 
nisme professionnel. L’approvisionnement de Paris en 1911. Le thé. Comment on crée une capitale. Pour 
faciliter la circulation des voitures. Exploits aériens. Un beau voyage en hyÿdro-aéroplane. Un coffre- 


fort géant, p. 337. 


Les manipulations du miel utiles à sa conservation, Rozert, p. 342. — La nature artiste, GnanENwirz, 
p. 343. — Les éléments figurés du sang : les leucocytes, AcLoovE, p. 3+4+. — Le touage électrique 
sur le canal de Saint-Quentin, Mancuaxo, p. 346. — Les aciers à outils, Rors<et, p. 348. — La 
transformation du port de la Havane, Beierr, p. 349. — Les arbres à gutta-percha de l’Afrique 
tropicale, Nouiis, p. 352. — Deux localités géologiques célèbres : Uchaux et les Baux, l. Courrs 
p. 355. — La semoule et sa fabrication, ne ManeT, p. 357. — Sociétés savantes : Académie des 


sciences, p 360. — Bibliographie, p. 361. 








TOUR DU MONDE 


ASTRONOMIE 


La première comète de l’année (1912 a) 
(Gale).— Le Bureau central des télégrammes astro- 
nomiques de Kiel a reçu le 10 septembre au soir le 
« cäble » suivant de M. le professeur P. Baracchi, 
directeur de l'Observatoire de Melbourne : 

« Une comète a été découverte, par Gale, à 
Sydney, le 8 septembre. Elle a été observée le 
8,8889 septembre, temps moyen de Greenwich, 
dans la position apparente suivante : 

R = 1337140 (D = —36°31'2" » 

Ce moment correspond à 9"20" du 9 septembre 
(au matin), temps de Greenwich, et à 7°25® du 
9 septembre (au soir) en temps local de Sydney 
qui avance de {0 heures 5 minutes sur notre nota- 
tion horaire. ` 

L'annonce de cette découverte fut télégraphiée 
comme d'habitude aux Observatoires, et uneseconde 
observation fut communiquée bientôt au Bureau 
central. Elle provenait de l'Observatoire astrono- 
mique national de Santiago du Chili et était rédi- 
gée comme suit : 

« Sept. 11, 749,2 Santiago, position appa- 
rente (1912.0) : 
» R = 1354"14,7 O = —3310 35" 

» Comète ronde, diamètre 2’, éclat entre 3° et 
6° grandeur, noyau, pas de queue. — Prager. x» 

Le temps de Santiago retarde de 4 heures 42,8 mi- 
putes sur celui de Greenwich; ainsi 2,6333 jours 
se sont écoulés entre les deux observations; la 
comète s’est dirigée vers l’Est à raison de 6"28:, et 
vers le Nord à raison de 1°16°7” par jour. Elle tra- 
verse en ce moment la constellation australe du 
Centaure et n’est donc pas observable en Europe, 
mais comme son mouvement propre l’entraine 
vers le ciel boréal, il n’est pas impossible qu’elle 


T. LXVII. N° 41444. 


devienne visible en France. Plusieurs comètes, 
visibles d'abord dans l'hémisphère Sud, ont fait 
ensuite dans nos cieux de brillantes apparitions. 

M. Walter Frederick J. P. Gale est un astronome 
amaleur australien bien connu. Ila longtemps habité 
Newcastle, N. S. W., et est membre de la Société 
royale astronomique anglaise. La comète qu'il a 
découverte est la première qu'on observe cette 
année. On se rappelle que l'an dernier on n'en 
catalogua pas moins de huit. 


BIOLOGIE 


Survie du cœur de grenouille isolé du 
corps. — L'étude des organes et des tissus isolés 
du corps a pris en ces derniers temps une exten- 
sion très grande, grâce aux perfectionnements de 
la technique. Naguère encore (Cosmos, n° 1441, 
5 septembre), nous rappelions ici la méthode 
employée par MM. T. Burrows et A. Carrel pour 
cultiver les tissus en dehors de l’organisme dans 
le plasma sanguin, ainsi que les derniers résultats 
obtenus par Burrows, qui a vu les cellules muscu- 
laires extirpées d'un cœur de poulet proliférer, et 
les cellules nouvelles acquérir, en peu de jours, 
le rythme caractéristique du muscle cardiaque. 

Deux physiologistes roumains, MM. Athanasiu et 
Gradinesco, viennent d'étudier un autre còté de la 
question, à savoir la survie des organes isolés du 
corps et en l'absence de matières protċiques (albu- 
minoïdes) gràce auxquelles ces organes seraient 
à mème de reconstituer leur propre substance. 
Leurs recherches ont porté sur le cœur entier et 
les muscles stris de grenouille, extraits avec 
l'asepsie la plus rigoureuse el soumis À ia vireula- 
tion artificielle (destinée à remplacer la fonction 
circulatoire du sang) avec le sérum de Lorke 
stérilisé. 


338 


Dans une expérience, le cœur a été enlevé le 
8 avril, et la fréquence de ses battements était 
alors de 20 pulsations par minule; le 9 avril, elle 
était de 22; du 10 au 19 avril, la fréquence est 
devenue irrégulière, et il y a mème eu des arrèts 


d'assez longue durée. Le 20, le cœur a repris un. 


rythme régulier de 5 pulsations par minute; puis, 
par périodes, la fréquence est remontée à 15, et le 
cœur s'est arrêté définitivement trente-trois jours 
après le commencement de l'expérience. 

Les cellules vivantes du cœur, durant ce travail 
d'environ 360 000 pulsations, ont certainement 
subi une usure en vertu mème de leur fonctionne- 
ment; or, pour réparer cette usure, le cœur de 
grenouille n'avait à sa disposition aucun aliment 
de nature albuminoïde; il n'avait, pour subvenir 
à ses perles, que le glucose présent dans la solu- 
tion, aliment de choix pour le muscle qui travaille, 
mais substance incapable de reconstituer la sub- 
stance azotée des cellules. Il faut en conclure que 
usure protoplasmique a été très faible. 

Les résultats qui se dégagent de ces recherches 
viennent à l'appui de nos connaissances touchant 
la part minime qui revient aux substances albu- 
minoides comme source d'énergie dans le travail 
musculaire. 


SCIENCES MÉDICALES 


Une maladie professionnelle des confiseurs. 
(Gasette des hiüpitau.x, 19 sept.). — Cette affection 
spéciale des ongles de la main, l’onyxis des confi- 
seurs, a élé décrite pour la première fois en France, 
en 41879, par Poncet. C'est une maladie surtout 
connue dans les grandes confiseries du midi de la 
France, spécialisées dans la préparation des fruits 
confits. Les auteurs français font intervenir dans 
l'étiologie de cette affection, qui frappe exclusive- 
ment les ouvriers occupés pendant plusieurs mois 
consécutifs à préparer les fruits confits, des fac- 
teurs thermiques (immersion des doigts dans le 
sucre chaud), mécaniques (chocs des doigts contre 
les récipients) et chimiques (action directe du sucre 
et des sucs de fruits). lls en donnent pour preuve 
l'atteinte plus fréquente du pouce et du médius, 
plus exposés à ces différents traumatismes. 

M. Max Strauss (Deutsche medizinische Wochen- 
schrift, 2 mai), se fondant sur trois cas récemment 
observés par lui, pense que d'autres facteurs ont 
certainement une importance. Un seul de ses ma- 
lades était confiseur et ne s'occupait pas particuliè- 
rement de la préparation des fruits confits. Les 
deux aulres observations concernent une cuisinière 
et une fiile de cuisine dans un grand restaurant. 

La maladie débute par de petites érosions au 
niveau du pourtour de l'ongle, où s'accumule la 
poussière de sucre ou de débris alimentaires divers 
qui jouent pour Strauss le rôle capital dans la 
genèse de la maladie. Ils fermentent et provoquent 


COSMOS 


926 SEPTEMBRE 1912 


une inflammation qui s'accuse par de la rougeur, 
un peu de tuméfaction et un peu de douleur au 
pourtour de l’ongle. L’ongle se décolle latéralement 
et à son extrémité antérieure en mème temps qu'il 
noircit et perd son éclat. Les patients accusent à 
ce stade un prurit s'exagérant la nuit. 

Si le malade ne suspend pas son travail, l’inflam- 
mation progresse : de petites collections purulentes 
se forment sous l'ongle et de petites excroissances 
granuleuses au niveau de la matrice de l’ongle, qui 
sont très douloureuses et donnent un exsudat séro- 
purulent. L'ongle se décolle de plus en plus. 

Si la guérison survient spontanément, l'ongle se 
détache par morceaux; à la place de granulations 
persiste une tuméfaction isolée, et la phalange 
unguéale prend la forme d’une massue aplatie. 

La maladie est essentiellement chronique et peut 
durer des années, si la cessation du travail pendant 
plusieurs semaines n’amène pas la guérison rapide. 

Lorsque la maladie est à un stade avancé, la con- 
servation de l'ongle est impossible et sa régénéra- 
tion problématique. 

Le traitement est avant tout prophylactique. Les 
personnes qui, par leur profession, sont obligées 
de manier les substances alimentaires, sucre ou 
autre, doivent fréquemment se laver les mains à 
l'eau chaude, à la brosse et au savon; se les sécher 
complètement avec des serviettes propres et les 
oindre fréquemment de glycérine. 

Si la maladie se montre, le travail doit être arrêté. 
Dès que l'ongle noircit, il doit ètre enlevé et la 
région unguéale soigneusement désinfectée. Les 
bourgeons granuleux qui se forment à la base de 
l’ongle doivent être également enlevés. Fréquem- 
ment l’ongle régénéré esl cassant, épais et déformé; 
il ne reprend que lentement un aspect normal. 

Injections de sérum-rhum comme tonique 
du cœur. — Depuis le mois de juillet 1911, 
M. Robert Engel a employé plus de cinq cents fois, 
chez les malades atteints de faiblesse du cœur con- 
sécutive à une opération chirurgicale, les injec- 
tions hypodermiques ou intraveineuses de sérum- 
rhum (Gazette des hôpitaux, 19 septembre). 

À du sérum stérilisé (sérum de Hayem ou, de 
préférence, sérum glycosé à 47 pour 1 000) et alca- 
linisé, on ajoute, au moment de l'injection, du 
rhum vieux: la dose habituelle est de 15 centimètres 
cubes de rhum dans 250 centimètres cubes de 
sérum. Le rhum litre 50° à 55°; il faut éviter l’usage 
des rhums dits de fantaisie, trop chargés en alcools 
méthylique et éthylique et en furfurol. L'alcool 
éthylique pur ramené à 50°, essayé sur des ani- 
maux à la place du rhum, n’a aucunement donné 
les résullats avantageux que produit le rhum. 

L'auteur publie plusieurscas détaillés où l'asthénie 
cardiaque, qui n'avait pas cédé aux injections 
d'huile camphrée, de sérum-champagne, de caféine, 
de spartéine, disparut après une ou quelques injec- 


N° 1444 


tions de sérum-rhum : l'angoisse extrème du 
malade fait immédiatement place à une sensation 
de bien-être, et un sommeil calme suit presque 
toujours l'injection. 

Aucun accident n’est survenu du fait de ces injec- 
tions de sérum-rhum; les opérés avaient été 
endormis soit à l’éther, soit au chloroforme. 

En dehors de l’asthénie cardiaque postopératoire, 
M. R. Crépin a le premier employé les injections 
de sérum-rhum avec un plein succès dans un cas 
d'asthénie cardiaque chez un vieillard de quatre- 
vingt-deux ans ayant eu une pneumonie double. 


Le benzénisme professionnel (Technique mo- 
derne, 15 sept.). — La benzine esl employée dans 
les industries du dégraissage des étoffes, des 
gants, de la fabrication des plumes, chapeaux et 
casques en liège, toiles, étoffes, chaussures caout- 
choutées, des pneus-cuirs, etc. Ces industries, 
ainsi que celles de la fabrication et de la rectifi- 
cation de la benzine, exposent les ouvriers qui s'y 
adonnent à une intoxication qui s'exerce sur le 
système nerveux et sur les éléments figurés du 
sang. 

Les D'° Agasse-Lafont et F. Heim ont exa- 
miné un grand nombre d'ouvriers au point de vue 
des réactions hématiques du benzénisme profes- 
sionnel. Leur conclusion est que lintoxication 
chronique par la vapeur de benzine, même pro- 
jongée pendant plusieurs années, n'imprime au 
sang que des modifications légères et de peu de 
durée. 

Les globules rouges et la quantité d’hémoglo- 
bine ne sont pas touchés; la quantité de globules 
blancs et la formule leucocytaire restent normales, 
sauf une éosinophilie presque constante (Les éosino- 
philes sont une catégorie de globules blancs rem- 
plis de granulations que l’éosine est capable de 
colorer d'une façon intense; on les appelle cel- 
lules dEhrlich; ils présentent peu les déformalions 
amiboïdes et ne jouissent pas de la faculté phago- 
cytaire; il existe une proportion normale de 7 éosi- 
nophiles sur 100 globules blancs). Lorsque l'ouvrier 
est mis à l'abri de l'influence nocive des vapeurs 
de benzine, son sang revient à l’état normal en 
quelques semaines. | 

Il semble que la benzine et le xylène surtout 
sont toxiques, et que si l’on y substituait le toluène, 
dont la toxicité parait nulle, on arriverait à un 
excellent résultat prophylactique. 


ALIMENTATION 


L’approvisionnement de Paris en 1911. — 
La direction générale des affaires municipales à 
Paris (bureau de l'approvisionnement) a publié 
récemment son rapport annuel sur les services de 
l'approvisionnement de la capitale pour l'année 
1911. Les renseignements complets qu’il renferme 


COSMOS 


339 


sur les allures des halles et marchés, ainsi que sur 
la consommation dans la capitale des denrées de 
diverse nature, montrent une restriction dans la 
consommation qui a été la conséquence du relè- 
vement des prix provoqué par des causes diverses, 
surtout par des saisons défavorables. 

Voici, pour ce qui concerne les denrées soumises 
à l'octroi, et dont les quantités sont ainsi rigoureu- 
sement contrôlées, la comparaison pour les deux 
dernières années: 


1911 1910 

kilogrammes.  ki'ogrammes. 
Viande de boucherie ....... 4152 079506 160 054 292 
Viande de porc............. 35 062 406 36 758 962 
Charcuterie................ 3 837 100 3 855 748 
Volailles et gibier.......... 29 617387 30 811 266 
Pâtés et viandes préparées... 2 951 379 2 847 641 
Beurres de toutes espèces... 26 104 264 20 +67 066 
CÉUIS red one due 39 338 841 38 307 796 
Fromages secs.............. 9 001 713 9 053 801 


Tandis qu'en 1910 on avait signalé pour toutes 
ces denrées, par rapport aux années précédentes, 
un accroissement dans la consommation, il y a eu 
en 4911 une diminution, sauf pour les viandes pré- 
parées et pour les œufs. 

La consommation de la viande de boucherie a 
été inférieure de 8,5 millions de kilogrammes à la 
moyenne des onze dernières années. On ne saurait 
attribuer ce fait qu’au relèvement des prix résul- 
tant d'une diminution des arrivages, soit d'ani- 
maux vivants au marché de La Villette et aux abat- 
toirs, soit de viandes abattues aux Halles centrales. 

Par contre, la consommation de la viande de 
cheval a subi un accroissement assez sensible pour 
être signalé. Il a été amené à l’abattoir hippopha- 
gique 62 391 animaux (60 917 chevaux, 938 Anes et 
536 mulets) contre 49403 en 1910. Le rendement 
en viande a été de 15 430250 kilogrammes contre 
12 197 1400 en 1910. C’est le chiffre le plus élevé qui 
ait été enregistré jusqu'ici. 

Le tableau suivant résume les introductions de 
boissons dans Paris pendant les deux dernières 
années : 


1911 1910 
hectolitres. heutolitres. 
NINS issu sin nr 5 100 745 6673 105 
Cidres, poirés et hydromels. L91 575 97 611 
Bières (introduites ou fabri- | 
quées)................,.. 1 097 376 741 125 


La réduction dans la consommation du vin a été 
la conséquence du relèvement des prix de vente; 
quant à l’augmentation dans eelle des cidres et des 
bières, elle tient à la mème cause, et pour les 
bières aux chaleurs persistantes de l'été, 


Le thé. — Nous avons le regret de constater, une 
fois de plus, que la consommation du thé va sans 
cesse croissant en France. C'est doublement fàcheux, 


310 


car le thé n’est pas pour faire les races fortes, et, 
en plus, c’est un produit pour lequel nous sommes 
tributaires de l'étranger. 

Voici, d’après une dernière statistique, quelle 
est la consommation de divers pays. 


Angleterre.... 125000 € soit 2850 g par habitant. 
Russie.....,.. 80 000 — 450 — 
Etats-Unis.... 40000 — 500 — 
Pays-Bas ..... 5 500 — 900 — 
Allemagne.... 834100 — 53 — 
France ....... 1200 — 32 — 


On constate qu'il y a augmentation dans tous 
les pays, mais que la progression est surtout ma- 
nifeste en France. — O snobisme! 

Voici les pays qui fournissent cette immense 
quantité de thé. (Cette statistique est de 1908.) 


Indes britanniues........ 112 000 tonnes métriques. 
Chine sais. 400 000 — 
Ceylan... seu 81 000 — 
Japos crni inertea 28 000 — 
JAVA ste essor see 15 000 — 
FOrTIMOSCze sue Meet 6 500 — 
NAEA lente 4 500 — 
344 000 


Constatons qu'aucune colonie française n’a place 
dans cette liste. 


EDILITÉ 


Comment on crée une capitale. — Le gouver- 
nement australien, en 19114, a institué un concours 
international en vue de la création, dans un 
site désigné d'avance — le district de Canberra 
(Nouvelle-Galles du Sud), — de la nouvelle capi- 
tale du Commonwealth. 

Le premier prix vient d'être décerné à M. Walter 
Burley Griffin, architecte de Chicago, dont les plans 
ont été jugés les meilleurs et les plus artistiques. 
Nous avons la bonne fortune de pouvoir donner 
ici la primeur d'une description sommaire, mais 
très précise, de ce que sera, dans une dizaine 
d'années, la plus grande ville de l'Australie. 

Confornemeut aux données du problème, 
M. Grillin a tracé sa capitale dans un carré de 
Yÿ kilomètres de coté, sur les bords du fleuve 
Molonglo, à une altitude de 600 mètres et à une 
distance de 270 kilomètres de Sydney, 480 de 
Melbourne et 290 de la mer. Elle est protégée, au 
Sud et à l'Ouest, par de vastes forèls et par une 
chaine de montagnes dont les principaux sommets, 
Bimberi Peak et Coree Peak, ne dépassent pas 
4 800 mètres. D'autres collines avoisinantes seraient 
utilisées pour la création de parcs ou de jardins, 
et pour l'érection de grands hôtels, de châteaux ou 
de sanatoria. 

Les édifices publies, palais du gouvernement 
fédéral, ministères, Parlement, administrations 
d’État, ont été groupés au centre de la ville et sur 
la rive Sud du fleuve, qui, en ce point, forme une 
courbe très pittoresque. 


COSMOS 


26 SEPTEMBRE 1942 


De l’autre côté de la rivière, relié au « quartier 
gouvernemental », comme l'appelle M. Griflin, 
est situé le « quartier municipal », comprenant 
l'hôtel de ville, le Post office, les tribunaux et les 
services financiers de la cité fédérale. Ces deux 
centres sont reliés, au-dessus du Molonglo, par 
deux ponts monumentaux de 50 à 70 mètresde large. 

Plus loin, en remontant toujours vers le Nord, 
on rencontre le marché, les banques, un parc cen- 
tral autour duquel s'érigeront théâtres, museums 
et galeries d’art; puis on atteint le quartier indu- 
striel, desservi par une vaste gare aux marchan- 
dises. Ce quartier comporte une place centrale 
où sera édifiée l'église catholique et d’où par- 
tiront, en rayonnement, huit avenues plantées 
d'arbres. Audelà doit s'étendre le « village district », 
auquel les Australiens ont déjà donné le nom de 
banlieue agricole, parce qu'on y construira des 
fermes, des serres, un haras, et qu’on y établira 
un champ de courses dont les premiers contreforts 
du mont Ainsiice, au nord-est de la ville, serviront 
d'assises naturelles à un stand de 10 000 places. 

[I nous faut encore signaler le quartier des 
Halles, desservi par une gare centrale et séparé 
de l'hôtel de ville par une succession de jardins 
publics tracés en bordure de la rivière. Enfin, 
sur l’autre rive, du côté des ministères, du Capi- 
tole et des administrations d'Etat, M. Walter Bur- 
ley Griffin a dessiné tout un quartier élégant, le 
West-End du nouveau Londres en réduction, où 
les voies, de 40 à 50 mètres de largeur, pourront 
recevoir les hòtels, les villas et les belles maisons 
particulières des millionnaires australiens. 

D'une façon générale, et même dans les quar- 
tiers du centre, les rues sont partout spacieuses, 
bien alignées; les blocs d'immeubles, comme on 
dit là-bas, n’ont jamais plus de 300 mètres de lon- 
gueur, sur les voies les plus larges. Inutile 
d'ajouter qu’au point de vue de l'hygiène, du con- 
fort, la science moderne de la « sanitation » a 
tout prévu : éclairage électrique, égouts perfec- 
tionnés, suppression totale de la fumée, enlève- 
ment automatique et en vase clos des ordures 
ménagères, pavage aseplique en bois de karri. 

L'auteur du plan de la nouvelle ville, M. Griffin, 
est un spécialiste en la matière. C'est lui, en effet, 
qui a créé, en Floride, la cité d’Idalia, dont les 
travaux sont en voie d'achèvement, et qui a, sur la 
demande des autorités chinoises, dessiné une 
Shanghaï moderne, destinée à remplacer quelque 
jour la vieille ville actuelle. Né en 1876, M. Griffin 
est diplomé de l’Université d'Illinois, et membre 
du Comité de l'American Institute of Architects. 

ÉDOUARD BONNAFFÉ. 


Pour faciliter la circulation des voitures. 
— Dans les villes à circulation intense, un des pro- 
blèmes les plus difficiles à résoudre est celui du 
passage des voitures aux points de croisement des 


N° 1444 


rues tracées à angle droit. Le cas se présente 
fréquemment dans les grandes agglomérations 
urbaines, non seulement aux Etats-Unis, où la plu- 


part des rues forment un réseau géométrique, 


mais aussi chez nous. 

Pour éviter les collisions, plus nombreuses en ces 
points de croisement que partout ailleurs, ainsi 
que le démontrent les statistiques, certaines muni- 
cipalités anglaises viennent d’avoir l’idée de placer 
en ces « tournants dangereux » de grands miroirs 
disposés de telle facon que les conducteurs de 
véhicules quelconques peuvent très bien voir, de 


leur siège, la rue dans laquelle ils vont s'engager, 


à droite ou à gauche. 

D'après le Municipal and County Engineer, 
revue technique à laquelle nous empruntons les 
renseignements qui suivent, un miroir de ce genre 
a été installé, il y a quelques mois déjà, à Mal- 
mesbury, dans le Wiltshire. Il se trouve à 4,5 m 
du sol et occupe le sommet de l’angle droit formé 
par deux alignements de maisons dans le centre 
même de la ville. Son entretien est presque nul, 
assure le fonctionnaire municipal chargé de sa 
conservation. Un lavage à l’eau de savon, pratiqué 
tous les trimestres, suffit à l’entretien du miroir, 
qui a déjà empêché, de l'avis des intéressés eux- 
mèmes, nombre de collisions ficheuses. 

A Folkestone, ville progressive par excellence, 
et dont les rues, souvent mal tracées, surtout dans 
la partie basse avoisinant le port, sont constam- 
ment sillonnées par les voitures automobiles, on 
a également essayé avec succès le système des mi- 
roirs en un point où deux voies très passantes se 
coupent à angle aigu et où, de plus, le trottoir est 
fort étroit. 

Entre deux pylônes métalliques, on a disposé 
à la hauteur convenable — 4 mètres environ — un 
miroir de 0,80 m sur 0,80 m, orienté de telle sorte 
que les cochers, wattmen, chauffeurs et conduc- 
teurs de tous véhicules puissent voir d'un coup 
d'œil d’enfilade, de quelque côté qu'ils viennent, la 
rue qu'ils vont dépasser ou dans laquelle ils s'ap- 
prêtent à s'engager. Ils peuvent ainsi diminuer 
leur vitesse et se diriger à coup sûr sans avoir 
à craindre de se trouver nez à nez avec une autre 
voilure venant en sens inverse. 

Depuis l'installation de ce miroir, qui remonte 
au début de la saison d'été, il ne s'est pas produit 
un seul accident à ce tournant. Aussi la municipa- 
lité de Folkestone a-t-elle le projet de multiplier 
un dispositif à la fois si peu dispendieux et si pra- 
tique. EpovaRrD BONNAFFÉ. 


AVIATION 


Exploits aériens. — En moins d'une semaine, 
les aviateurs ont réussi à dépasser tout ce qui avait 
été fait jusqu’à présent au point de vue distanre, 
hauteur et durée. 


COSMOS 


341 


Le 11 septembre, l’aviateur Fourny, sur un 
biplan Maurice Farman, a pris l'air à 5:57" du 
matin, pour s'arrèter à 7*43® du soir, sans faire 
une seule escale. 

Il a parcouru pendant ces 13 heures 18 minutes 
de vol la distance de 1 010 kilomètres. Il bat ainsi 
de 2 heures 15 minutes son‘propre record de durée 
sans escale et celui de distance de 740 kilomètres 


‘appartenant à l’aviateur Gobé. 


C'est un véritable tour de force que d'avoir pu 
emporter à bord la provision d'huile et d’essence 
nécessaires à un tel parcours. 

e 


e o 

Le 17 septembre, laviateur Legagneux., sur 
monoplan Morane-Saulnier, est parvenu à s'élever 
à la hauteur de 5720 mètres, dépassant ainsi de 
plus de 700 mètres l’allitude atteinte par Garros le 
5 septembre dernier. La montée s'est effectuée de 
la façon suivante : 

1 000 mètres en 2 minutes 30 secondes. 

2 000 mètres en 7 minutes 30 secondes, 

3 000 mètres en 12 minutes 30 secondes. 

4 000 mètres en 20 minutes. 

5 000 mètres en 35 minutes. 

5 120 mètres en 45 minutes 20 secondes. 

L'aviateur avait emporté un tube d’oxvrgène, 
dont il s'est servi à partir de 4 800 mètres. 


Un beau voyage en hydro-aéroplane. — 
Weyman, un des concurrents du meeting d'hydro- 
aéroplanes de Tamise-sur-Escaut, avait formé le 
projet de rentrer par air à Paris. Ses flotteurs ne 
lui permettant pas d'atterrir sur le sol, il résolut 
de voler constamment au-dessus de l'eau. Voici le 
tracé qu'il a suivi : 

Le 16 septembre, à 6"35", départ d'Anvers sur 
monoplan Nieuport, avec un mécanicien. À 8"35", 
Boulogne; à 414 heures, Dieppe; à 143"30", Le Havre. 
Puis laviateur a suivi la Seine jusqu’à Vernon, 
où il arriva à 16"25", Il comptait arriver à Paris 
dans la soirée; mais, en sortant de Vernon, l'avia- 
teur s'engagea sur le petit bras de la Seine où 
son appareil fut abimé par des piquets. Il a dù 
s'arrêter pour réparer. 

Malgré ce contretemps, le voyage, représentant 
plus de 400 kilomètres, est ce qui a été fait de 
mieux jusqu'ici en hydro-aéroplane. 


VARIA 


Coffre-fort géant. — Le secrétaire d'Etat aux 
finances aux Etats-Unis, M. Mae Veagh, projette la 
construction, sous l'imineuble de la Monnaie, d'un 
coffre indestructible en acier, de cinq élages, pou- 
vant contenir 2 000 000 000 francs en or. Ce projet 
exige la sanction du Congrès, et il a été dej favo- 
rablement accueilli par la Commission chargée de 
l'étudier. Si le projet est approuvé, ce cotfre con- 
tera 322 000 dollars, alors que l'immeuble où il 
sera construit ne coûtera que 225 000 dollars. 


COSMOS 


96 SEPTEMBRE 1942 


Les manipulations du miel utiles à sa conservation. 


Les producteurs comme les consommateurs de 
miel éprouvent parfois des difficultés pour le con- 
server en bon état. D'autre part, les uns tiennent à 
le garder fluide, forme plus appétissante, disent-ils, 
alors que certains préfèrent le voir se solidifier, 
état sous lequel il est plus maniable et plus facile 
à expédier. Le miel liquide, prétend-on encore, est 
moins sujet à la fraude. Dans tous les cas, il 
n’agace pas les dents et il n'irrite pas la gorge 
comme le granulé. Il est de la nature mème du 
miel de se solidifier, mais il n’est pas rare de le 
trouver encore liquide dans les rayons plus d’un 
an après sa fabrication par les abeilles. Mais pro- 
cédons par ordre. 

Avant de mettre le miel en pot, il faut tout 
d’abord le débarrasser de ses impuretés. L’extrac- 
tion des gâteaux par centrifugation est naturelle- 
ment recommandable. Dans les deux cas, il est pré- 
férable de le laisser au repos quelques jours dans 
un maturateur, vase en fer-blanc (le zinc est at- 
taqué)ou encore en bois, par exemple un tonneau 
en hêtre défoncé d'un còté et pourvu d'un robinet 
à la base. On écume toutes les parlies légères qui 
montent à la surface, puis soutire par le robinet. 
Au besoin, on sépare par qualités, suivant le degré 
de concentration. 

Thénard a proposé de traiter de la façon suivante 
les miels qui ont un mauvais goût, procédé qui 
nous parait assez étrange. Mettre dans une bassine 
en cuivre 3 kilogrammes de miel, 860 grammes 
d'eau et 76 grammes de craie; faire bouillir durant 
deux minutes; jeter dans la bassine 152 grammes 
de charbon pulvérisé, lavé et séché ; faire bouillir 
de nouveau deux minutes; ajouter trois blancs 
d'œufs baltus dans 90 grammes d'eau. Après une 
troisième ébullition de deux minutes, laisser refroi- 
dir et filtrer. Le même remède serait applicable 
au miel qui commence à fermenter. On a encore 
conseillé de faire fondre le miel au bain-marie, 
puis d'y plonger un fer rouge. 

Les meilleurs pots pour emmagasiner le produit 
sont ceux en grès ou en terre cuite vernie. Les 
boites en fer-blanc, à fermeture hermétique, ne 
peuvent guère servir que pour les expéditions par 
chemin de fer. Dans tous les cas, les récipients 
doivent ĉtre parfaitement propres et exempts de 
mauvaise odeur. On ne les ferme que lorsque le 
miel sort suffisainment épaissi et a perdu son humi- 
dité, sinon il fermenterait facilement. 

Il est bon de rappeler, à ce propos, qu'il ne faut 
récolter le miel que lorsqu'il est entièrement oper- 
culé, on tout au moins quand la grande majorité 
des rayons sont cachetés; avant, il est trop riche en 
eau. 

Les pols seront tenus dans une chambre sèche, 


un grenier, par exemple, où circule constamment 
un courant d’air. À l'humidité, le miel pourrait en 
absorber jusqu’à 40 pour 100 de son poids. 

Quand l'évaporation est suffisante, on met un 
papier parcheminé imbibé d’alcool et, par-dessus, 
du papier ordinaire, puis l’on ferme. 

On remarque parfois de l'écume sur les miels 
blancs de sainfoin; c'est la marque d'origine, pour- 
rait-on dire. On doit la laisser, car elle granule en 
même temps que le miel. Toutefois, à Paris, les 
marchands en gros enlèvent cette mousse à l’aide 
d'une spatule en bois avant de le livrer aux ache- 
teurs qui, pour la plupart, ne sont pas connaisseurs, 
et cette partie plus blanche leur parait suspecte. 
D'aucuns prétendent, cependant, qu'elle a un goût 
exquis. | 

Pour activer la granulation, on soumet le miel 
à des alternatives de chaud et de froid; on le 
remue; on y ajoute quelques fragments de miel 
granulé. 

Pour le conserver fluide, il faut lui faire subir un 
traitement approprié, comme nous l'avons dit, car 
il est de la nature mème du miel de se solidifier. 
Ille fait plus ou moins rapidement, en devenant 
d'abord opalescent, puis opaque, suivant les 
plantes. S'il est déjà sous cet état, la liquéfaction 
ne s'obtient parfois qu'au détriment de sa qualité. 

On fait intervenir la chaleur, mais si elle est 
trop élevée, l’aliment peut contracter un mauvais 
goût et se colorer en brun. La simple chaleur 
solaire a l'inconvénient de ne pas pénétrer unifor- 
mément dans toute la masse. Certains auteurs 
recommandent cependant l’exposition au soleil dès 
la sortie de l’extracteur. Le plus souvent, on chauffe 
le miel, mais jamais à feu nu, car il tournerait en 
sirop et son goùt serait altéré. Il faut éviter aussi 
d'atteindre l’ébullition. 

M. A.-L. Clément cite une série de procédés qui 
lui ont été fournis par des apiculteurs. Ainsi, 
M. Fenouillet, président de la Société d’apiculture 
de la Haute-Savoie, chauffe au bain-marie jusqu'à 
ce que la fusion soit presque complète, mais sans 
faire bouillir ni brasser ou agiter. Il laisse ensuite 
refroidir lentement. C'est ainsi que procéderaient, 
parait-il, les hòteliers suisses pour la clientèle 
anglaise, qui ne veut que du miel liquide en toute 
saison. 

M. Pierre, apiculteur à Epernay, se trouve bien 
de la pasteurisation à 90° durant quinze minutes. 
Maisil est généralement admis qu'il vaut mieux s’en 
tenir à une température moindre, 50° à 55°, par 
exemple, qu'on laisse agir plus longtemps. On 
court moins le risque ainsi d’altérer l'arome. 

En Belgique, on ne traite qu'au moment de con- 
sommer. Les pots ou flacons sont mis dans un bain 











pourvu d’un double fond, pour éviter le contact 
direct du verre avec la surface chauffée. 

‘En Amérique, on emploie des appareils spéciaux 
pour chauffer le miel granulé. Comme combustible, 
on préfère le gaz ou le pétrole, d'une conduite 
plus facile, plus régulière que le charbon ou le 
bois. 

L'appareil Chalon-Fowls comprend un foyer à 
pétrole et une cuve à eau dans laquelle on met le 
bidon de miel vers 72° ou 83°. On soutire le miel 
tout chaud à l’aide d’un siphon pour remplir les 
pots destinés à la vente. 

L'appareil Pouder a une chaudière à gaz en fer- 
blanc d'une douzaine de litres. La vapeur qui se 
dégage se rend dans un serpentin placé dans le 
réservoir supérieur cylindrique où est le miel. Enfin, 
on soutire ce dernier liquéfié par un robinet de 
vidange. 


COSMOS 


343 


Pour éviter, à ce moment, l'entrainement de 
bulles d'air dans la masse, où elles resteraient 
emprisonnées et nuiraient à la conservation, on 
donne au vase à miel une grande hauteur, au moins 
triple de son diamètre. 

M. A.-L. Clément rappelle encore qu'en Amé- 
rique le miel granulé, surtout celui qui devient très 
dur, est aisément transporté dans des sacs en 
papier paraffiné. On doit l'y introduire quand il 
commence à granuler. On obtient comme des 
briques ou pavés de miel faciles à empaqueter. Si 
on le fait prendre dans des bidons en fer-blanc, 
on obtient des blocs volumineux. Ou bien on 
découpe avec le fil des plaques, des cubes, que l’on 
enveloppe dans du papier paraffiné. Les bidons, 
d'une valeur insignifiante, sont coupés en morceaux 
quand on veut libérer le contenu, 

ROLET. 





La nature artiste. 


On admet en général qu'il existe entre l’Art et 
la Nature un certain antagonisme, que la Nature 
est incapable de produire des formes artistiques. 
La Nature et l'Art seraient, en effet, deux notions 
absolument distinctes, aux aspirations nettement 
différentes. Ce n’est que la transformation d’une 





forme naturelle en élément d'œuvre d'art faisant 
partie d’un système de lois purement humaines et 
destinées à n’impressionner que l’homme qui en 
ferait une forme artistique. 

Les partisans de cette théorie ne nient pas tou- 
tefois que l'Art ne soit basé sur la Nature et que, 


d'autre part, la Nature elle-même, en créant ces 
formes, ne fasse preuve d’une puissance d’imagi- 
nalion supérieure à celle de l'artiste le plus 
éminent, en sorte que la ligne de démarcation 
séparant les deux domaines n’est pas si distincte 
qu'on serait tenté de le croire. 





On connait les formes si variées des cristaux de 
neige. Le microscope révèle pendant leur formation 
et pendant d'autres phénomènes de cristallisation 
une variété de formes inouie, et l’élincelle élec- 
trique s'est trouvée produire en abondance les plus 
beaux modèles décoratifs. 


344 


Un album récemment paru (t) contient une col- 
lection de modèles qui, par leur variété, ont Fair 
d'ètre créés par l'imagination la plus fantasque du 
génie artistique, tandis qu’en vérité ce ne sont que 
des productions mécaniques obtenues par des pro- 


PPFP 


L 
\S 
` 
` 
AAT 
BANA 
à 
Sa 
H 
P 


L. 
s NS 
A -= 
Les. 7 à 
` n 
s 


cessus physiques absolument automatiques. Ces 
formes cristallines microscopiques si variées nais- 
sent, en effet, de la combinaison de sels organiques 
et inorganiques entre eux ou avec des matières 
colorantes par la précipitation, la conversion, la 
sublimation, la diffusion, etc. En variant la com- 
binaison de ces sels et matières colorantes ainsi 


COSMOS 





26 SEPTEMBRE 1912 


que le processus lui-même, on obtient facilement 
des formes. et variétés toujours nouvelles, imita- 
tions de fleurs, d'insectes et d'autres organismes 
ou modèles immédiatement appropriés à la fabri- 
cation de tapis et d’autres tissus. Par la grâce de 


i D 


” 


5 
s IW = 


Ni 


= fr 
AD 
Pre 
NA 
A IY 


R 
Z2 


5 
7 27 PA 
27) 
So 
RU 


ee ” "i n s 
a . s r 
PCT A D f \ f 


| LA 
CT 
CL 
PE 
soy ~ 
ç | ED 


CAE 
Em 
ET PET 
NN 


PE d A 
S 
er 


NE sh" 
| 


leurs formes et la splendeur de leurs effets de cou- 
leur, ces productions de la Nature observées sous 
le microscope rivalisent avec les chefs-d'œuvre de 
l'art décoratif. Elles offrent évidemment au génie 
créateur de. l'artiste une abondance de thèmes 
nouveaux. 

D' ALFRED GRADENWITZ. 





Les éléments figurés du sang. 


IL — Les leucocytes. 


Outre les hématies ou globules rouges, chargés, 
grâce à l’affinité de leur hémoglobine pour l'oxy- 
gène, de porter ce gaz vivifiant à tous les tissus de 
l'organisme, le plasma sanguin véhicule encore 
des globules blancs, dont les types divers sont 
groupés scientifiquement sous la dénomination de 
leucocytes. Ce terme fait allusion à la couleur 
blanche et argentée des éléments auxquels il s’ap- 
plique (de 2:vx65, blanc). 

La couleur propre des leucocytesn'influe en rien 
sur la coloration en masse du sang, du moins chez 


(1) H. Scuenk, Naturformen, Stuttgard, librairie 
Frankh, 1912. 
(2) Pour la première partie de cet article, les héma- 


ties, voir Cosmos n° 1412, du 12 sept. 1912. 


les animaux supérieurs où l'hémoglobine est con- 
tenue dans des hématies: cela tient à ce qu’ils 
sont beaucoup moins nombreux que ces dernières. 
Chez l’homme, on compte environ un leucocyte 
pour six à huit cents globules rouges; cette dispro- 
portion peut cependant sensiblement diminuer 
dans certaines affections qui nécessitent une inter- 
vention plus vaste du ròle particulier des leuco- 
cytes et, par suite, une plus intense multiplication 
de ces cellules. 

Les leucocytes des vertébrés sont des cellules 
complètes, c’est-à-dire pourvues d’un noyau. Leur 
protoplasma, tantôt est limité par une membrane 
d’enveloppe d’une extrême finesse; tantôt, et plus 
souvent, ils sont dépourvus d'enveloppe et, par 
suite, analogues à des amibes, avec lesquels ils 


N° 1444 


offrent aussi des ressemblances physiologiques. 

ls entrent pour une part dans la composition du 
sang et forment la totalité des éléments organisés 
de la lymphe, liquide qui se sépare par filtration 
du torrent sanguin et qui se compose exclusive- 
ment de plasma et de leucocytes. 

Lorsqu'ils ont une forme définie, ils sont arrondis 
et orbiculaires; mais ils présentent rarement cet 
aspect régulier, et le plus souvent leur protoplasma 
nu pousse en tous sens des prolongements variés, 
comme celui des amibes. Ces prolongements, ou 
pseudopodes, ne sont pas durables; ils peuvent se 
dilater et se rétracter successivement dans la masse 
du leucocyte, qui les produit d'ailleurs en des 
points divers de sa surface : d’où une reptation 
amiboïde, qui permet aux globules blancs un 
déplacement le long de la paroi du vaisseau qui 
les contient. De là aussi le nom d'amibocytes sous 
lequel on les a quelquefois désignés. 

Ceux qui sortent du sang et émigrent dans les 
mailles du tissu conjonctif pour prendre part à la 
formation de la lymphe doivent percer la paroi 
des vaisseaux capillaires, paroi d'ailleurs très 
mince; cette émigration des leucocytes du sang 
dans la lymphe constitue le phénomène de la dia- 
pédèse. 

Les leucocytes revêtent divers aspects, qui 
peuvent se grouper en trois catégories principales, 
auxquelles on a donné respectivement un nom par- 
ticulier : 

Les lymphocytes; iis sont arrondis, et leur noyau 
remplit presque toute leur capacité, nageant au 
sein d’une couche périphérique très mince de pro- 
toplasma; ce sont les plus petits, leur diamètre 
variant entre 3 et į u; 

Les leucocytes mononucleaires, dont le noyau 
est orbiculaire ou ovale, sans étranglement, et 
nage dans un protoplasma abondant et dépourvu 
de granulations. Leur diamètre normal dans le 
sang est de 15 à 17 u; ils passent fréquemment 
dans les tissus, où on les trouve avec des dimen- 
sions bien plus considérables (jusqu'à 40 y de dia- 
mètre); 

Les leucocytes polynucléaires, ou plus exacte- 
ment leucocytes granuleux. Ils sont plus petits 
que les précédents, ne mesurant que de 8 à 42 p; 
ils offrent en propre deux caractères qui les font 
reconnaitre aisément. Leur noyau, irrégulier, est 
partagé par des étranglements en deux, trois ou 
quatre masses reliées entre elles par une trainée 
de substance nucléaire; on avait considéré ces 
masses, par erreur, comme autant de noyaux dis- 
tincts : d'où la qualification inexacte de polynu- 
cléaires. D'autre part, le protoplasma de ces leu- 
cocytes renferme en très grand nombre des granu- 
lations très fines, de nature albuminoïde. 

Les rapports d’origine et de filiation de ces trois 
catégories de leucocytes n’ont pas encore été déter- 


COSMOS 


3145 


minés avec précision. Une opinion veut que les 
lymphocytes soient le point de départ des autres 
globules blancs, qui en dériveraient par voie d'ac- 
croissement et de transformation du noyau et du 
protoplasma. Une autre opinion tendrait à ne 


w — 
Te 


—. 
m eee a 


LEUCOCYTES HUMAINS. 


reconnaitre que deux catégories de leucocytes; 
d'une part, les hyalins, dont le protoplasma ne 
renferme pas de granulations, et d'autre part les 
granuleux. La différence caractéristique dans la 
structure du protoplasma des uns et des autres 
s'explique en effet assez difticilement par voie de 
dérivation. ` 

Le rôle physiologique essentiel des leucocytes 
est d'assurer la protection et la défense de lorga- 
nisme contre toute invasion toxique, et spéciale- 
ment lorsque cette invasion s'opère par la voie de 
la circulation sanguine. On a justement comparé 
les leucocytes à des sentinelles vigilantes et à des 
soldats actifs, toujours sur leurs gardes et toujours 
en armes contre les ennemis vénéneux qui tentent 
la conquête de l'organisme vivant et sa ruine. 

Ce rôle de défense s’accomplit par des moyens 
variés, soit que le leucocyte ait à intervenir direc- 
tement et mécaniquement {tel le soldat combattant 
à l’arme blanche), soit qu'il se borne à diriger 
contre l’ennemi les produits efficaces de son acti- 
vité (tel l’artilleur lançant au loin des projectiles 
meurtriers). 

Tout corpuscule microscopique qui pénetre dans 
l'organisme est immédiatement arrèté par les leu- 
cocytes, qui l’englobent et l'enserrent dans leurs 
pseudopodes, et qui le digèrent s’il n'est pas (le 
nature exclusivement minérale. On conçoit que 
cette protection directe ct immédiate s'exerce plus 
spécialement contre les bactéries pathogènes, qui 
sont précisément les éléments microscopiques dont 
l'organisme a le plus fréquemment à combattre 
l'intrusion, 


340 


Au cours des infections microbiennes, les leuco- 
cytes se portent en masse aux points envahis par 
le micro-organisme étranger, et la lutte s'engage. 
Tandis que les bactéries sécrètent activement leur 
toxine et hâtent leur multiplication, les leucocytes 
les enserrent dans leurs pseudopodes, les englobent 
dans leur protoplasma et les détruisent en les dis- 
solvant par une véritable digestion. 

C’est le phénomène éminemment utile de la pha- 
gocytose; de là le nom de phagocytes qui est 
encore assez communément donné aux leucocytes. 
Si les microbes sont plus nombreux et plus puis- 
sants, les leucocytes vaincus laissent la toxine 
microbienne envahir l’organisme et y produire 
ses effets funestes; si, au contraire, l énergie des 
leucocytes l'emporte, les microbes sont anéantis 
et le malade guérit. Une première victoire des leu- 
cocytes sur un microbe confère assez généralement 
Pimmunité à l'égard de ce microbe et met, par 
conséquent, l’homme — ou l'animal — à l'abri de 
ses atteintes ultérieures. Ce fait de l’immunité 
acquise par une première inoculation — fait qui a 
permis l'application prophylactique des vaccins — 
n'est pas cependant constant. 

La phagocytose s'accompagne ordinairement de 
manifestations locales ou générales caractéris- 
tiques : tuméfaction, congestion aux points en- 
vahis, écoulement de pus, gonflement des ganglions 
lymphatiques par lafflux des leucocytes sur les 
routes suivies à l'intérieur des tissus par les 
microbes qui en tentent la conquċte; comme symp- 
tòme général, la fièvre, c'est-à-dire la surexcitation 
défensive de l'activité circulatoire et respiratoire, 
avec l’élévation de température qui en est le corol- 
laire. La défense de l'organisme par les leucocytes 
provoque une plus intense multiplication de ces 
globules, dont le nombre peut alors être quintuple 
de leur proportion normale. 

La phagocytose ne s'exerce pas seulement contre 
les microbes; les leucocytes sont des nettoyeurs 
bien slylės, qui ne tolèrent aucune impureté dans 
l'organisme : cellules mortes des tissus nécrosés, 
hématies hors de service et même autres leuco- 
cytes vieux et ayant perdu leur énergie, tous ces 
déchets sont saisis par les pseudopodes, digérés, 
divisés, entrainés dans la circulation pour ètre éli- 
minés. Le pus n'est pas autre chose qu'une agglo- 
mération de bactéries détruites et de leucocytes 


COSMOS 


26 SEPTEMBRE 1912 


moris au combat, et que leurs frères valides 
chassent pêle-mêle hors de l'organisme : le champ 
de bataille se trouve ainsi débarrassé à la fois des 
ennemis vaincus et des cadavres des victimes. Les 
leucocytes séjournant dans les poumons arrêtent 
au passage les bactéries qui tentent de s’introduire 
par les voies respiratoires; ils englobent souvent 
de petits corps étrangers ayant pénétré avec l'air 
dans les vésicules pulmonaires, par exemple des 
poussières de charbon. 

C'est encore par phagocytose que disparaissent 
des tissus qui cessent d’être utiles à un moment 
donné de l’évolution de l'organisme : ainsi la sub- 
stance cartilagineuse cédant la place à la matière 
osseuse dans la période d'ossification, et qui est 
détruite par les cellules mêmes de l'os, momenta- 
nément appelées à la fonction de leucocytes; ainsi 
encore, selon toute vraisemblance, la régression 
des racines des dents de lait, qui se manifeste 
préalablement à leur chute. Cette phagocytose 
normale et non pathologique se constate encore 
dans quelques cas remarquables de la bio- 
logie animale : elle intervient pour la résorption 
de la queue des tètards des batraciens, ainsi que 
des appendices charnus des chenilles au moment 
de la métamorphose. < 

La digestion des bactéries et autrés corps étran- 
gers par les leucocytes s'opère à l'aide de ferments 
sécrétés par ces cellules, ferments adaptés respec- 
tivement à la nature de la substance sur laquelle 
doit se porter leur action. Les leucocytes des villo- 
sités intestinales sécrètent un ferment capable de 
digérer les graisses, au moins partiellement; ceux 
du sang fabriquent un ferment {dit glycolylique) 
apte à décomposer le sucre. 

Quant aux produits défensifs sécrétés par les leu- 
cocytes pour être employés à la lutte chimique 
contre les produits offensifs correspondants des 
microorganismes envahisseurs, ce sont d'une 
part des antitorines chargées de neutraliser les 
toxines microbiennes (antitoxine dont la présence 
explique l’action immunisante ou curative des 
sérums), et d'autre part des alexines, substances 
toxiques renfermées dans le plasma sanguin et 
exerçant une action élective de destruction sur les 
globules rouges du sang des espèces étrangères, 


A. ACLOQUE. 


LE TOUAGE ÉLECTRIQUE SUR LE CANAL DE SAINT-QUENTIN 


Depuis quelques années, d'intéressantes et impor- 
tantes expériences d’applicalion de la traction 
électrique à l'exploilation des voies de navigation 
ont élé entreprises dans tous les grands pays 
industriels 


Nous avons déjà parlé de l'importance de cette 
question et de l'intérêt capital que présente 
l'adaptation des procédés électriques au touage, 
et nous avons signalé précédemment les princi- 
paux systèmes électriques de halage et de touage 


N° 1414 


mis à l'essai ou introduits dans la pratique (4). 

L'industrie électrique française a récemment 
établi un nouveau type de toueur électrique qui, 
par la puissance et la perfection de son outillage, 
peut tre considéré comme l'une des plus belles 
machines de cette espèce réalisées jusqu'ici : c'est 
le toueair de 100 chevaux à chaine en service sur 
le canal de Saint-Quentin. 

Conformément aux prescriptions du cahier des 
charges, ce toueur est amphidrome (forme de 
l'avant et celle de l'arrière absolument semblables), 
et il est muni à chaque extrémité d'un gouvernail 


COSMOS 


347 


et d'une hélice lui permettant de se déplacer dans 
les deux sens ; la coque a 25 mètres de longueur 
sur le pont, 4,750 m de largeur hors membrures 
et 4,980 m de largeur hors défenses, 2,850 m de 
creux sur quille au livet et 1,200 m de tirant 
d'eau; elle est entièrement en acier; elle est 
divisée en sept compartiments par des cloisons 
étanches. 

L'équipement électrique se compose de deux 
treuils électriques, de 50 chevaux, à tambours pour 
le touage, de deux moteurs d’hélice de 50 chevaux 
également, d'une batterie d'accumulateurs pou- 





TOUEUR ÉLECTRIQUE DE 100 CHEVAUX DU CANAL DE SAINT-QUENTIN. 


vant débiter 36 ampères pendant quinze à vingt 
minutes sous 360 volts, et d’une prise de courant 
aérienne. | 

Les deux moteurs électriques de touage sont 
placés dans la salle des machines du treuil; à côté 
se trouve le contrôleur de mise en marche et, 
dans la même salle, le tableau de distribution 
muni des appareils nécessaires pour les différents 
services du bord; les moteurs du treuil sont des 
moteurs du type blindé, à 500 tours par minute; 
ils peuvent être connectés en série ou en parallèle, 


(1) H. Manc#ano, la Traction électrique des bateaux. 
Cosmos, t. LXIII, n* 4351, p. 683. 


de façon à permettre une variation de vitesse de 
3 à 10; le contrôle des liaisons s’effectue au moyen 
d’un manipulateur dutypeordinaire série-parallèle. 
Les deux moteurs des hélices de propulsion ont 
la même puissance que les moteurs des treuils, 
mais ils marchent à S00 tours par minute et ils ne 
sont pas blindés; ils agissent sur les hélices par 
transmission à engrenages; ils sont commandés 
à l’aide de deux rhéostats de démarrage. 
L'énergie électrique est prise à une ligne exté- 
rieure à deux conducteurs sous une tension de 
500 volts; les appareils de prise de courant con- 
sistent en deux perches en fer creux portant à 
leurs extrémités une monture sur laquelle se 


318 


trouvent les roulettes; ces perches sont agencées 
pour pouvoir ètre retournées en un point quel- 
conque du souterrain et pour permettre de prendre 
Je courant soit exactement au-dessus de l'axe du 
toueur, soit à droite, soit à gauche. 

La batterie d'accumulateurs a pour but d'assurer 
la continuation du service en cas de rupture du 
courant de ligne; elle entre alors automatiquement 
en circuit; elle est chargée, soit à la station cen- 
trale, soit en route sur le parcours, de la prise de 


COSMOS 


26 SEPTEMBRE 41912 


courant ; elle se compose de 210 éléments Tudor, 
avec récipients en ébonite. 

L’outillage du remorqueur comprend encore, 
outre les tableaux pour le service des moteurs et 
de la batterie, avec les appareils de commutation 
et les instruments de mesure y relatifs, 40 lampes 
à incandescence de 16 bougies et un moteur élec- 
trique pour l'actionnement d’une lampe. 


H. MARCHAND. 


—- -m 7 — 


Les aciers à outils. 


Evidemment, les aciers Bessemer, Thomas, Mar- 
tin, peuvent servir à la confection d'outils tran- 
chants divers après forge et trempe convenable. 


Mais on n'obtient guère de la sorte que des pro- ` 


duits de médiocre qualité, d'usure assez rapide. 
Si bien que les aciers « à outils » sont encore 
généralement fabriqués par le vieux procédé de la 
fusion au creuset, en attendant que se généralise 
tout à fait le procédé ultra-moderne de la fonte 
au four électrique. Ceci, toutefois, ne signifie pas 
qu on travaille routinièrement dans cette spécia- 
lité de la métallurgie du fer. Bien au contraire. 
L'étude analytique des phénomènes se passant 
dans les masses métalliques de composition diverse 
soumises aux divers traitements, permit de préparer 
par le vieux procédé, de modifier des aciers « spé- 
eiaux » de toutes sortes, et en particulier le fameux 
métal à coupe rapide qui bouleversa les conditions 
du travail aux machines-outils. 

L'acier &« fondu » au creuset, — On désigne 
sous le nom d'acier « fondu » l'acier fondu au 
creuset, à l'exclusion de celui résultant de la fusion 
dans un dispositif décarburant des fontes. Les 
aciers fondus de premier choix sont faits avec des 
fers eux-mêmes choisis : fers puddlés avec des 
fontes de bois de Suède ou des Pyrénées. Les barres 
dc fer sont d'abord cémentées, c’est-à-dire aciérées 
par chaullage en présence de charbon de bois qui 
se combine partiellement au métal. Cette cémen- 
ation se fait dans des fours ordinairement groupés 
les uns près des autres et contenant des « caisses » 
en blocs réfractaires formés de dalles silico- 
alumineuses bien jointes. Les caisses sont emplies 
de barres plates en fer alternées par couches avec 
du poussier de charbon de bois, le tout étant 
recouvert d'une couche de sable pour que ia défor- 
mation éventuelle au cours du chauffage ne puisse 
amener le métal à nu. 

On chauffe peu à peu, jusqu'à ce que les barres 
soient amenées au rouge clair. Celte température 
est alors régulièrement maintenue pendant dix 
à quinze jours, l'opération, très délicate, étant 
réclée d’après les essais faits sur des éprouvettes 
cémentécs. Le métal à point, on laisse lentement 


refroidir, ce qui peut amener la durée d’une opé- 
ration à un mois et plus. 

On retire des caisses l’acier « poule » recouvert 
de soufflures dues à la formation de cémentite Fe“, 
cassant, à structure cristalline. Quoique cet acier 
soit encore employé directement après quelques 
corroyages, son manque d’homogénéité est tel 
qu'on le fond toujours avant utilisation. En mème 
temps, on ajoute presque toujours des fers de 
Suède, des déchets de barres d'acier, de facon 
à réduire un peu la teneur en carbone des aciers 
poules, souvent fort élevée (jusque 1,75 pour 100). 

Les creusets pour fusion de l’acier sont faits avec 
une pâte à base de terre de Mussidan, fort riche 
en alumine, de débris de creusets pulvérisés et de 
coke pilé. Chaque récipient, contenant à peu près 
30 kilogrammes de métal, est placé dans un four 
Siemens où on chauffe jusqu’à fusion. À ce moment, 
les ouvriers « arracheurs », armés de tenailles, 
enlèvent les creusets, presque toujours en sous- 
sol, et les placent par terre. On retire le couvercle, 
on enlève la scorie surnageante, et on coule rapi- 
dement dans des lingotières recevant chacune le 
contenu de plusieurs creusets, ce qui permet d'ob- 
tenir d'assez gros lingots, bien que soit très faible 
la charge d'un creuset. 

L’acier fondu ainsi obtenu, bien que contenant 
à peu près les mêmes éléments que les aciers Bes- 
semer ou Martin, est de bien meilleure qualité, au 
moins quant à l'usage pour la confection des outils. 
On attribue généralement la médiocre résistance 
des aciers de décarburation à leur teneur en traces 
d'oxydes. Aussi, bien que le travail au creuset soit 
très coûteux, l'acier à outil est-il presque toujours 
produit par cette méthode. 

Les aciers « speciaux ». — En outre, on prépare 
au creuset la plupart des alliages complexes où le 
fer carburé « est associé » au chrome, au manga- 
nèse, au nickel: ce sont les aciers dits « spéciaux », 
dont il existe une infinie variété aux propriétés les 
plus diverses. Nombre de ces aciers conviennent 
à la confection des outils; il en est même, sous 
ce point de vue, qui sont bien supérieurs à l'acier 
« fondu » de meilleure qualité. 


N° 1444 


Ces aciers sont préparés par fusion, au creuset, 
de mélanges contenant les doses convenables d'acier 
et de métaux divers, souvent sous forme écono- 
mique de ferro-alliages. On concoit que la fusion 
au creuset se faisant en milieu parfaitement neutre, 
il ne puisse y avoir modification de composition. 

On fait de la sorte des aciers cAromés, extrème- 
ment durs, pour outils coupant à grande vitesse; 
des aciers au {ungstène convenant à la confection 
d'outils coupant, sans chocs, à grande vitesse. (Ils 
sont d'ailleurs pratiquement peu employés, parce 
que très chers et difficiles à travailler à chaud.) 
Les aciers au vanadium, au molybdène, très durs, 
sont inusités à raison de leur prix élevé; les aciers 
au nickel, dont on connait l'étonnante propriété 
de ne se dilater que très peu par chauffage, ne 
peuvent servir à la confection d'outils: ils sont 
trop mous. Quant aux aciers riches en manganèse 
(de 10 à 20 pour 100), qui présentent la non moins 
étonnante propriété de durcir par recuit et de 
s'adoucir par trempe, on en fit des outils, d'ailleurs 
peu répandus à raison de la difficulté de leur 
façonnage, le métal ne pcuvant être travaillé 
qu'à la meule d'émeri. 

Mais le plus remarquable de tous les aciers spé- 
ciaux est l’acier dit « à coupe rapide », ainsi nommé 
parce que donnant des outils qui peuvent marcher 
à vitesse double ou triple de la normale; tandis 
que dans cesconditions, par suite de l'échauffement, 
l'acier ordinaire se détrempe et perd toute dureté, 
l'acier « rapide » demeure inaltéré. 

L'acier rapide normal — il en existe en effet de 

plusieurs sortes et de plusieurs marques — contient 
environ, outre le fer, 0,6 pour 100 de carbone, 
18 pour 100 de tungstène, 5 pour 100 de chrome 
et 0,3 pour 100 de vanadium. Il doit y avoir aussi 
peu de soufre (rend fragile à chaud) et de phos- 
phore (fragilité à froid) que possible, et moins de 
0,1 pour 100 de manganèse qui facilite la forma- 
tion des criques. L'emploi de ces aciers, simple- 
ment refroidis, trempés à l'air après forge, pour 
la confection d'outils de tour, permet d'enlever 
par exemple 3 kilogrammes en une minute, un 
outil en acier fondu ordinaire ne donnant que 
300 grammes de copeaux! Le travailest donc, toutes 
choses égales, réellement décuplé. 

Les aciers fondus au four électrique. — Depuis 
quelques années, nombreuses sont les installations 
de fours électriques destinés à la métallurgie de 


COSMOS 


349 


l'acier. En principe, ce mode de chauffage convient 
pour la fabrication des aciers Martin, par exemple 
mais jusqu’à présent, à raison du prix élevé des 
calories électriques, on ne s’en sert guère que pour 
les aciers soignés. 

Voici comment on prépare l’acier fondu au four 
électrique dans les aciéries d'Ugine, actuellement 
parmi les plus importantes. On emploie le four 
Girod, à sole rendue conductrice par noyage dans 
le mortier réfractaire de rondins d'acier amenant 
le courant : la partie supérieure de ces pièces fond 
assez vite, mais une circulation d'eau à leur partie 
inférieure restreint l'usure. Au-dessus du four, la 
brique de silice laisse passer les autres électrodes. 

On charge le four d'un mélange complexe de 
« riblons » d'acier, de « chutes » de lingots et 
autres sous-produits d'aciéries, avec un peu de 
minerai el de laitier, le dosage étant réglé pour 
quon obtienne un acier bien affiné contenant 
moins de 0,1 de carbone, 0,1 de manganèse et 
0,05 de silice pour 400. 

On le voit : l'opération est bien plus commode 
qu'au creuset, de sorte qu'on peut varier le régime 
des charges pour obtenir une marche économique, 
un véritable aflinage se rapprochant de celui qu'on 
fait au four Martin. De fait, après fusion du mé- 
lange, formant un bain métallique épais de 20 à 
30 centimètres, on procède à toute une série d'opé- 
rations de raflinage chimique : désoxydation par 
apport d’un laitier silico-calcaire, recarburation 
avec du graphite, addition des quantités conve- 
nables de manganèse, chrome, nickel, etc. 

On obtient ainsi, selon capacité des fours, de 4 
à 12 tonnes d'acier, qu'on moule en faisant bas- 
culer le four sur ses tourillons. Ces aciers, selon la 
méthode suivie pour leur préparation, conviennent 
tantôt pour outils courants, tantôt pour outils à 
coupe rapide. Malgré le cout de l'énergie électrique, 
ils reviennent à prix avantageux à raison de la 
possibilité d'employer des matiéres premières quel- 
conques, purifiées au cours de l'opération, et de la 
suppression du gaspillage des calories. ll faut, en 
effet, au four électrique, une température moins 
élevée que dans les fours à creusets : 1 800 degrés 
suffisent; et on perd par rayonnement très peu de 
chaleur, tandis que le chauffage à la houille pro- 
duit toujours une perte énorme causée par lèva- 
cuation des gaz mal refroidis. 

H. R. 





La transformation du port de La Havane. 


Bien qu’il soit fort difficile de prévoir l’avenir en 
matière de commerce maritime, et plus particuliè- 
rement de pressentir l'influence que l'ouverture du 
canal de Panama pourra avoir sur les ports de 
commerce de la mer des Antilles, il semble pour- 


tant assez rationnel de supposer que Cuba tirera 
un réel protit de cette voie nouvelle. Au surplus, la 
grande ile se développe rapidement, il faut bien le 
reconnaitre, en partie sous l'influence de la « paix 
américaine » que les Yankees ont à peu près 


350 


réussi à lui donner: sans doute en la transformant 
quelque peu en une de leurs possessions, mais 
aussi en calmant les esprits surexcités qui ont trop 
de tendances à faire de cet admirable pays une 
sorte de république démagogique sud-américaine. 

Il y a déjà longtemps que Cuba fait un commerce 
important, comme nous l'avons montré dans un 
livre consacré aux Grandes Antilles (1); et quand 
nous disons Cuba, nous devrions presque dire La 
Havane, car La Havane a toujours été le port par 
excellence de la Perle des Antilles. Le fait est que, 
si nous considérons tout le trafic de l'ile durant 


sD 


-s 
r 


AAT 
ae 


Are- oG 
Ps TR 
(issbie.r2 
CS 0 


xt 
ar 
E 


A y! 
; 


COSMOS 


26 SEPTEMBRE 1912 


. l'année 1900, nous voyons qu'il atteint 264 millions 


de francs aux exportations et 361 millions aux 
importations. Sur cet ensemble, La Havane à elle 
seule compte plus de 157 millions aux exportations 
et 253 environ aux importalions. Si nous envisa- 
geons d'autre part l’année 1910, la dernière pour 
laquelle nous ayons des relevés complets, le com- 
merce d'ensemble du pays est de 779 millions de 
francs aux exportalions et de 556 aux importations; 
or, sur ce total, la part de La Havane est de 292 mil- 
lions pour les exportations et de 347 aux importa- 
tions. Si, du reste, nous suivions simplement les 





ANCIENS QUAIS D'EMBARQUEMENT DE LA HAVANE. 


progrès du commerce et du port de La Havane, 
nous verrions qu'ils s'accusent avec une continuité 
remarquable, les importations dépassant toujours 
les exportalions, mais celles-ci progressant bien 
plus rapidement: ce qui n'a rien d'étonnant pour 
un pays neuf. Si, de plus, nous considérions le 
tonnage du port, nous le verrions passer de 168 000 
à 325 000 tonneaux de jauge pour les exportations, 
les deux chiffres correspondant aux importations 
étant de 992 000 et { 200 000 tonnes. 

On pourrait se dire que le besoin de travaux ne 
se faisait pas sentir à La Havane, si le port pouvait 
suflire à pareil accroissement ; mais il faut prendre 
les choses en sens inverse, et se dire que cet éta- 


1} Guilmo!‘o, éditeur, Paris. 


blissement maritime est absolument congestionné 
par un semblable volume d’expéditions ou de 
réceptions, et qu’il faut porter remède bien vite 
à cet état d'encombrement, si l’on ne veut pas voir 
le commerce en souffrir et les échanges se déplacer; 
si l’on ne veut pas que Cuba soit mise hors d'état 
de profiler, comme on espère qu'elle le fera, de 
louverture à l'exploitation du canal de Panama. 
Il faut songer que La Havane en particulier sert 
actuellement de terminus à toute une série de 
lignes de navigation, qui pourront continuer plus 
loin et traverser le canal pour prolonger et perfec- 
tionner les relations déjà établies. Ces services 
divers réunissent Cuba à Anvers, à Barcelone, 
à Bilbao, à Bordeaux, à Brême; d'autres lignes 
à périodicité variable relient le port de Cuba 


Ne 1:44 


à ceux de Copenhague, Hambourg, La Corogne, La 
Rochelle, Le Havre, Liverpool, Londres, Saint- 
Nazaire, Santander. Bien entendu, les lignes sont 
nombreuses qui mettent en relation les Etats-Unis 
avec cette quasi-possession yankee, lignes qui se 
dirigent de Cuba sur Key West, Mobile, la Nou- 
velle-Orléans, Tampa. Elles seront sans doute plus 
nombreuses après ouverture à l'exploitation du 
canal de Panama, au moins sous la forme de 
lignes faisant escale en ce point. 

Tout naturellement, pour étudier les conditions 
dans lesquelles devaient se faire les aménagements 


COSMOS 


354 


nouveaux du port, il a fallu se rendre compte de 
la nature des marchandises qui le fréquentent ou le 
doivent fréquenter, et du poids ou du volume qu’elles 
doivent représenter. Parmi les 1200 000 tonnes 
d'importations en poids, il y a à peu près le tiers 
en matières pondéreuses, le charbon notamment, 
pour lesquelles les nouvelles installations ne sont 
pas en réalité faites. Mais on a songé aux marchan- 
dises de haute valeur spécifique, comme les ma- 
tières alimentaires, céréales, etc. Quand les docks 
et appontements seront établis, ils auront à répondre 
à un mouvement de près de { 100 000 tonnes. Pour 





LA CONSTRUCTION DES NOUVEAUX QUAIS. 


les exportations, elles comprennent des mélasses 
de cannes à sucre, qui sont envoyées directement 
par pompage dans les cales des bateaux réservoirs; 
ce sont ensuite des sucres, des rhums, des tabacs, 
des fruits, des primeurs. Tout naturellement, ces 
appontements fournissant des moyens d’embar- 
quement ou de débarquement direct, les passagers 
et leurs bagages trouveront grand profit à ces 
installations. Aujourd’hui, la plupart des manuten- 
tions se font par allèges, ce qui est lent, coûteux 
et mème dangereux. Les frais de déchargement 
par allèges sont actuellement en moyenne de 
1,9 dollar (autrement dit 9,5 fr à 10 fr) par tonne. 
Avec ces installations nouvelles, les taxes réclamées 
au commerce ne dépasseront pas en moyenne 
0,95 dollar, la moitié à peu près. Et quel temps 


gagné, que de désagréments et de détérioralions, 
de retards évités pour les services maritimes! 

La concession qui a étéaccordée à la Compagnie 
du port de La Havane, comprenant des Anglais, 
des Américains et des Cubains, comporte l'élablis- 
sement, à l’intérieur du port naturel de La Havane 
(bordé de quais qui n’ont qu'une faible profondeur 
d’eau à leur pied), de quatre appontements, darses, 
comme on voudra les appeler. Ce sont des terre- 
pleins établis perpendiculairement aux quais déjà 
existants, de manière à gagner facilement de bonnes 
profondeurs d’eau; les terre-pleins sont bordés de 
quais maçonnés et construits par ces profondeurs. 
Bien entendu, sur ces terre-pleins, sont prévus des 
entrepôts et des magasins pour recevoir les mar- 
chandises; tout un outillage perfectionné doit per- 


352 


mettre déchargement ou chargement ainsi qu’em- 
magasinage. La première jetée-darse est construite, 
on s’est atlaqué à la seconde; comme de juste, un 
certain délai a été donné à la Compagnie pour la 
troisième et la quatrième. Les deux premières 
suffiront un certain temps au commerce. Toutes 
seront fort bien situées, elles sont dans la portion 
la plus accessible du port, le long du quartier réel- 
lement commerçant de La Havane. Les travaux 
sont d'ailleurs exécutés par la maison anglaise 
Mac Arthur, Perks and C°, qui, directement ou 
indirectement, a exécutė déjà des entreprises con- 
sidérables un peu en tous pays. 

Grâce à ces transformations, il va être curieux 
de voir passer brusquement La Havane d’un état 
absolument primitif comme port de commerce, 
à la situation d’un grand port aménagé avec les 


COSMOS 


26 SEPTEMBRE 1912 


derniers perfectionnements possibles. Les quelques 
quais existants ne présentaient ni profondeur à 
leur pied, ni longueur pour l’accostage des bateaux, 
ni appareillage pour les manutentions. À eux seuls 
les nouveaux terre-pleins-darses vont augmenter 
de plus de 700 mètres la longueur des quais de La 
Havane, mais sous forme de quais accostables par 
les grands bateaux. Et la navigation n'aura pas 
l'ennui et les pertes de temps qu’entraine la fré- 
quentation de bassins à flot. 

Ces travaux et transformations sont particuliè- 
rement à connaitre à une époque où, en France, 
l'on perd son temps à étudier théoriquement la 
question de la création de ports de grande naviga- 
tion dans nos colonies des Antilles. 

DANIEL BELLET, professeur 
à l'École des hautes études commerciales. 





Les arbres à gutta-percha de l’Afrique tropicale. 


L'on voit au Museum Tradescantium, à South- 
Lambeth, près de Londres, le premier morceau de 
gutta-percha apporté en Europe, en 1636, par le 
voyageur John Tradescant, qui l'appela Macer- 
Wood (bois inconnu). 

Ce mazer-wood, gueutta-pertcha des Malais, 
fGummicum plasticum des savants, gutta-percha 
de l’industrie contemporaine, était utilisé de temps 
immémorial par les indigènes des contrées dont 
Singapour est l’emporium actuel. On en faisait 
notamment des manches de cognées. Le médecin 
anglais Montgommery eut, en 1832, la curiosité 
de s’en occuper et de signaler à l'attention des 
manufacturiers une substance nouvelle dont l'uti- 
lité est aujourd’hui de premier ordre. 

Comme le caoutchouc, la gutta-percha est un 
carbure d'hydrogène se présentant sous la forme 
de coagulats du latex de certains végétaux. Mais là 
s'arréte la ressemblance entre eux: le caoutchouc 
est élastique tandis que la gutta-percha est plastique. 

Les arbres à gutta appartiennent à la famille des 
Sapotacées. Quelques Asclépiadées, des Apocynees 
et des Euphorbiacées donnent des gommesque l'on 
peut ranger dans la catégorie des caoutchoues 
gutteux. Le plus intéressant de ceux-ci est la balata, 
produit des S$. Mimusops, dont notre Guyane (si 
l'on y travaillait) pourrait alimenter toutes les 
fabriques qui emploient ce produit. 

La gutta-percha, adoptée comme le meilleur 
isolant des càbles électriques, est récoltée en 
quantitės à peine suflisantes pour la consommation, 
ct elle est presque toujours sophistiquée par les 
intermédiaires asiatiques. On recherche depuis 
longtemps les moyens d'augmenter les quantités 
expédiées presque exclusivement de lInsulinde. 
On a essayé, trop tard et sans grand effet, de faire 


cesser l'absurde saccage des forèts, qui fut l’unique 
mode de récolte pratiqué par les indigènes. On a 
cherché scientifiquement l’utilisation pratique des 
déchets végétaux (feuilles fraiches ou sèches, 
écorces). Les savants travaux de M. le professeur 
Jungfeish, les expériences sur place du D” Serrulaz, 
d’autres études plus modestes, avaient établi que 
le rendement en gutta d'une qualité reconnue 
excellente par les consommateurs et tirée de ces 
déchets oscillait entre 9,0 et 10,5 pour 100. C'eùt été 
d'un haut intérêt si la destruction intensive des 
végétaux guttifères n'eùt conséquemment réduit 
la quantité de leurs déchets. 

Enfin, on a fait des plantations. Mais sont-elles 
d'une importance proportionnée aux besoins d’une 
industrie en plein développement? Ces plantations 
sont situées en Malaisie, à Bornéo et dans la partie 
conslitutivement asiatique des Indes néerlandaises. 
Car les Célèbes et les autres iles situées en face de 
Bornéo et de Java font géologiquement partie du 
continent australien et n'offrent ni la même flore 
ni la même faune que leurs voisines. Leurs forêts 
ne recèlent aucune variété guttifère (1). 

D'après M. Seligmann-Lui et d’autres auteurs, la 
patrie véritable de la gutta-percha se trouve située 
entre les longitudes 102° et 142 Est et les latitudes 
3° Nord et 3° Sud. Dans les splendides forêts des 
merveilleuses iles asiatiques poussent ou plutôt 
poussaient les divers Palaquium (Jsonandra ou 
Dichopeis), le Payena, etc. Certaines sortes, comme 
l’/sonandra gutta, Yarbre-type, très commun il 
y a soixante-dix ans à Bouket-Timah, en plein 


(1) Disons que notre Indo-Chine possède un arbre 
à gutta, le Palaquium Kranciana, dont le produit 
fut trouvé défectueux. Est-il perfectible ? 


N° 41444 


centre de Singapour, ont complètement disparu, et 
« les insuffisantes plantations entreprises dans les 
Indes néerlandaises ont fourni surtout non des 
meilleures espèces, mais celles dont le latex est le 
plus abondant, c'est-à-dire les moins bonnes ». 

Donc, il serait intéressant de trouver ailleurs des 
arbres guttifères. La culture en est possible là ou 
l'espèce croit spontanément. 

N'en existe-t-il vraiment que dans la région pré- 
citée ? | | 

C'est avec ces idées qu’au retour d’un voyage en 
Extrème-Orient, effectué de 1900 à 1902, avec 
haltes studieuses au Botanical-Garden de Singa- 











FAMILLE TRIBU VARIETE 
Sapotacées Bassia Bassia 
Parkii 


— Chrysophyllum Diverses 


D'après Heckel, les variétés de Sapotacées crois- 
sant en Afrique pourraient un jour lutter avec le 
Palaquium des iles de la Sonde. On voit, par le 
tableau que nous venons d'indiquer, combien nos 


# 





À Gaucuig : feuille du Palaquium oblongifolium des régions 
asiatiques continentales et insulaires. 

A DROITE : feuille du simili Palaquium trouvé en Afrique par 
23° de longitude Est et 1° de latitude Sud et dans tous les 
environs. 


colonies d'Afrique sont heureusement dotées sous 
ce rapport, et que l’étude de bons moyens de cul- 
ture ou de récolte donnerait lieu à la création d'une 
nouvelle source de richesses. 

Mais il me fut donné de rencontrer fréquemment, 
dans les forêts équatoriales du bassin du Ruki, 
affluent du Congo, une véritable réplique du Pała- 


COSMOS 


353 


pour et à Buitenzorg, je parcourus, de 4903 à 1905, 
les régions congolaises situées sous l’Equateur. Des 
données sérieuses me faisaient penser que des 
végétaux guttifères existaient. En 18814, M. le 
Dr Beauvisage s’exprimait en ces termes : 

dis Les savants ont découvert... dans l'Afrique 
tropicale... des arbres dont le suc pouvait donner 
de la gutta bonne, médiocre ou mauvaise. » 

On avait importé d’Abyssinie une gutta mal ré- 
coltée et de basse qualité, issue d’un Mimusops (S). 

En 1895, l’admirable ouvrage de MM. Seligmann- 
Lui, Lamy-Thorrilhon et Falconet désignait les 
arbres suivants reconnus en Afrique comme 
propres à fournir de la gutta-percha. 


NOM LOCAL PAYS D'ORIGINE 


Arbre de Karité Guinée supérieure 


Arbre de Pays Bambara 
Ghi Haut-Niger 
Saga Baoulé, etc. 

Divers Madagascar 
Maurice 
Australie 


quium oblongifolium que l'on m'avait fait admirer 
en Asie. Le sol de la région équatoriale et afri- 
caine et celui des environs de Straits Settlements 
sont des dépòts alluvionnaires très arrosés par des 
pluies tièdes et chauffées par un soleil ardent. 
Dans les deux zònes, on trouve de puissantes 
lianes, des rotins et des orchidées. Les espèces 
différent et la jungle asiatique est plus touffue. 
Quoi qu'il en soit, le soi-disant Palaquium africain 
ressemble à celui de la Sonde : même port, même 
feuillage, même latex. Il mesure de 1,5 m à 
3 mètres de circonférence à hauteur d'homme. Le 
fût est droit; les premières branches sont placées 
à 10 ou 15 mètres du sol. L'arbre atteint et dépasse 
20 mètres de hauteur. Il croit sur des terrains non 
susceptibles de submersion. 

Les feuilles moyennes ont environ 22 centi- 
mètres de long, 9 centimètres de large, et affectent 
une forme oblongue arrondie à l’extrémité et sou- 
vent terminée par une petite pointe. La couleur 
est d’un beau vert moyen, plus clair en dessous. 
Le pétiole mesure de 2 à 3 centimètres. 

Le fruit est rond, d’un diamètre de 5 à 6 centi- 
mètres. Assez semblable à une orange verte, il 
contient quatre amandes, comestibles au dire des 
indigènes. La peau contient beaucoup de lalex. A 
ce propos, notons, en passant, qu'un des obstacles 
à la réalisation des plantations de caoutchouc dans 
certaines régions africaines tient au goût prononcé 
des Noirs pour les fruits des plantes que l'on 
cherche à cultiver. La récolte de ces fruits est sur- 
tout consommée par eux, et c'est À regret qu’ils en 
abandonnent une partie aux planteurs. I! en serait 
de même pour tout fruit comestible recherché par 
les Européens. 


354 


L'écorce de l’arbre est assez rugueuse à la nais- 
sance du tronc; la teinte extérieure est gris vert 
foncé avec des plaques brun clair et gris blanc. La 
teinte intérieure est rougeûtre. Le bois est un beau 
bois d'œuvre. 

Cet arbre croit en forèt, sans groupement. Il est 
assez disséminé pour que sa densité ne dépasse 
pas 12 par hectare. Ce n’est donc point la fréquence 
des /sonandra en Malaisie ni les véritables forèts 
du Bassia Parkii dans ses pays d'origine. 

Le latex coule d'autant moins abondamment que 
les incisions sont pratiquées plus près du sol. C’est 
une ressemblance de plus avec les Sapotacées 
d'Asie. Cette cause, jointe à la paresse des récol- 
teurs malais, a déterminé cet abatage systéma- 
tique qui ruina les forêts au point de faire totale- 
ment disparaitre certaines espèces. 

Malheureusement, le coagulat du simili-Pala- 
quium africain, très beau lors de sa formation et 
présentant toutes les qualités apparentes et les 
propriétés de la parfaite Gutta Pahang, se rési- 
nifie (1), donc se déprécie d'une façon si complète 
que celte intéressante trouvaille restera sans 
grande valeur si l'on ne sait pas y remédier lors- 
qu'on s’en occupera effectivement comme élément 
de plantations. La substance produite devient cas- 
sante et friable comme la résine. Miller et Hoffmann 
attribuent ce changement — déjà remarqué sur des 
échantillons de gutta-percha d’autres origines — 
à une oxydation. Néanmoins, Miller admet qu'en 
cet état même elle peut ètre régénérée. 


Lorsque je préparais sur place des échantillons. 


dont les apparences étaient aussi satisfaisantes, 
j'étais loin de prévoir cette disgrâce. L'eussé-je 
prévue que j'eusse compté sur mes correspondants 
européens pour étudier à fond l'objet de mon 
envoi. Il n'en fut rien. En 1905, à mon retour, je 
retrouvais mes échantillons dans un état tel, deux 
ans après leur confection, qu'il eût fallu les traiter 
d'une facon coûteuse s'il s'était agi d'une quantité 
offrant vn intérêt industriel. 

Les circonstances dans lesquelles ce produit était 
arrivé en Europe furentcellesdes guttas-perchas dela 
Nouvelle-Guinée, envoyées par KR. Schlecher (gutta 
du P. Suplanum), lesquelles diminuaïient de qualité 
par suite du long transport et de l'oxydation (rési- 
nification à l'air). 

Mes échantillons semblaient envahis par la flua- 
vile et l'albane. Voici quelle est la teneur en résine 
de la gutta commerciale : 


GUNA CPUT Osou sa aiana environ $80 
Résine arana a nr — 19 
Eau et déchets divers....,..... — j 


(1) La résinification est à la gutta-percha ce que la 
poisse ou tournage au gras est au caoutchouc. C'est 
une transformation due ou à des vices de récolte ou 
simplement ct simultanément à l'action de l'air et de 
la lumiere. Ces causes de dépréciation sont d'autant 


COSMOS 


26 SEPTEMBRE 41919 


D'après Oudemas, la fluavile, l’albane et la gutta 
ont la composition brute suivante : 








FLUAVYILE ALBANE GUTTA 
Carbone...... 83,52 78,95 88 
Hydrogène... 11,42 40,31 12 
Oxygène... 5,06 10,74 


D'après Baumhauer et Oudemas, la gutta com- 
merciale pure se composerait d'un hydrocarbure 
C?°H*? et de plusieurs produits d'oxydation. 

On connait déjà ou l’on pourrait employer 
divers moyens grâce auxquels il serait possible et 
d'extraire la gutta pure de ces guttas résinifiées et, 
mieux encore, d'empêcher la résinification dès la 
formation du coagulat. 

Dans le premier cas, la digestion par le toluène 
restitue la guita pure contenue dans le bloc rési- 
nifié. Le sulfure de carbone peut aussi servir. 

Dans le second, le traitement cyanuré du latex 
ou l'intervention de l'anhydride carbonique au 
moment de la coagulation sont de nature à s'op- 
poser à l’oxydalion. Le cyanure est souvent employé 
comme agent de réduction des oxydes. et le gaz 
carbonique — ghoast, esprit, gaz, de van Helmont — 
est également contraire à l’oxydation d'une matière 
si utile. En les employant, on peut espérer tirer 
un parti sérieux de l'arbre reconnu dans les forèts 
du Congo belge et qui doit se trouver dans ce qui 


reste de notre colonie du Congo. 


Nos vastes colonies du littoral guinéen seraient 
indiquées pour la plantation en grand du Bassia 
Parkii décrit par M. le professeur Heckel. Le 
Butyrospermum Bassia Parkii est un bel arbre 
d'environ 10 mètres de hauteur, mesurant 41,8 m 
de diamètre à la base du tronc, et donnant un latex 
abondant. Il est commun dans les vallées du Haut- 
Niger et du Baoulè. Son produit imite véritable- 
ment celui du Palaquium. 

Voici, d’après les procédés d'analyse de Payen, 
la comparaison entre : 








LA GUTTA PERCHA LA GUTTA 
COMMERCIALE DU BASSIA 
Gutta pure.. 92 91 
Albane...... G 5,5 
Fluavile..... 2 3 


L'analyse spectrale confirme cetteidentité presque 
complète. Si, dans les plantations qui manquent 
tant à notre Afrique équatoriale, on donnait à cet 
arbre la place qu’il mérite, on reconnaitrait qu’il 
est peut-ètre le premier à cultiver. Selon Selig- 
mann-Lui, ingénieur des télégraphes, c’est le guttier 
de l'avenir. 

L'on ne doit pas oublier que l'industrie française 
de la gutla-percha et du caoutchouc est très impor- 


plus regrettables que ces produits sont d'un prix 
élevé. 


Ne {444 


tante. Malheureusement, elle importe de l’étranger 
des quantités considérables de matière première. 
Or, notre empire colonial se prête à des récoltes, 
et bien plus encore à des plantations qui pourraient 
devenir sans rivales. En Guyane, le Mimusops 
balata croit spontanément, ainsi que l'Hevea quya- 
nensis, qui, mieux que Hevea brasiliensis, est 
l'arbre-type du caoutchouc. 

En Asie, nous avons vu qu'il existe un Palaquium 
et les plantes caoutchouquifères poussent sponta- 
nément. À Madagascar exislent des Sapotacées 
encore mal étudiées, et l’on y récolte du caout- 





COSMOS 


399 


chouc. En Afrique, la Côte d'Ivoire, la Guinée, le: 
Soudan possèdent le Bassia et, depuis longtemps, 
exportent du caoutchouc. De plus, je crois ferme- 
ment qu'il existe dans notre équateur congolais 
une sorte de Palaquium dont la recherche et 
l'étude ne seraient peut-être pas dénuées d'intérêt. 
On voit combien la nature nous a généreusement 
donné les plus riches éléments de travail. Dans 
ces conditions, l'effort des gens énergiques peut 
conduire, sans redouter des déceptions, à un 
résultat que les études résumées ici montrent bien 
digne de leur attention. L.-S. NUMILE. 





Deux localités géologiques célèbres 


Uchaux et les Baux 


Un récent voyage en Provence m'a permis de 
visiter deux gisements fossilifères renommés, celui 
d'Uchaux (Vaucluse) et celui des Baux (Bouches- 
du-Rhône). 

Uchaux est une petite paroisse située à une 
dizaine de kilomètres au nord de la ville d'Orange, 
au milieu d'une région présentant une suite de 


Nord 
Ivoren 


` S longue 
DH DM Jollene | Fes "3 
3 s Ha _lHoyeres : 


Cansaues 


z 
N T7 


SN 


© h 4 ' 


aurha 
Vchaus 


LE $ 


petits vallons séparés par des chaines de collines 
parallèles entre elles, que l’on observe dans tout 
le pays compris entre Bollène, Uchaux et Mornas. 
La direction moyenne de ces chaines de collines. 
est, à très peu près, de l'Est 10° Nord à l'Ouest 
10° Sud. 

On voit, par la coupe que nous donnons (fig. 1), 


Sul 


e_n 


€ s 
ua 


Prolin: Ura nge È La mpovrdier 


A 
34 24 hilom 


F1G. 1. — COUPR GÉNÉRALE DU BASSIN D'UCHAUX, D'APRÈS Ep. HÉBERT. 
{ Echelles : longueurs, 1 mm pour 40 m; hauteurs. t mm pour 30 m.| 
N, Néocomien. — G, Gault. — 1, Craie glauconieuse. = 2, Grès d'Uchaux. — 3, Grès de Mornas. 
4, Lignites de Piolenc. — T, Terrain tertiaire miocene. 


que cette région forme un bassin dont Uchaux est 
le centre, bassin limité au Sud et au Nord par les 
couches relevées du Néocomien. Un pli saillant 
orienté Est-Ouest, à la latitude de Montdragon, et 
amenant au jour des couches appartenant au Céno- 
manien moyen, partage ce bassin en deux dépres- 
sions, l’une dont Piolenc occupe le centre, et l’autre 
correspondant à la vallée de Noyères. 

Un des traits stratigraphiques les plus remar- 
quables du bassin d’Uchaux, c’est la superposition 
complètement discordante et transgressive du ter- 
raia tertiaire moyen sur le terrain crétacé. En 
effet, à Bédouin, à Orange et à Clansayes, c'est 
sur la craie glauconieuse que le terrain tertiaire 
repose; à Saint-Paul-Trois-Châteaux, sur les grès 
d'Uchaux; à Noyères, sur les grès de Mornas, et 
enfin à Piolenc, sur les lignites du Beausset et du 
Pian d'Aups. Cette discordance si considérable, 
quand on considère le bassin dans son ensemble, 
n'est pour ainsi dire nullement accusée en chaque 
point particulier, car les couches tertiaires et Îles 


couches crétacées paraissent toujours sensible- 
ment parallèles entre elles. Ce parallélisme local 
des couches et l'absence de toute trace de dénuda- 
tion entre la surface du terrain crétacé et le ter- 
rain tertiaire montrent que les différents étages 
du terrain crétacé supérieur se sont déposés en 
retrait les uns des autres, ce qui accuse un mou- 
vement d'affaissement progressif dans Île centre 
du bassio, ou un relèvement des bords. Concur- 
remment avec ces mouvements s'est produit, par 
compression latérale, le bombement Est-Ouest du 
centre du bassin. 

La roche formant la base du terrain des envi- 
rons d'Uchaux est un grès quarlzeux et ferrugi- 
neux, à ciment calcaire ou argilo-calcaire: il peut, 
suivant la grosseur des grains empätés, la propor- 
tion du ciment et celle du fer, prèsenter un nombre 
presque infini de variétés. Les grains sont tantot 
très fins et presque indiscernables, tantôt de la 
grosseur d'un sable grossier mtlé de gravier. Quel- 
quefois la roche est blanche, cela est rare; presque 


300 


toujours elle est plus ou moins ocreuse, et même, 
dans certains lieux, elle devient un véritable 
minerai de fer. Quant au ciment, il peut être com- 
plètement nul : le grès se change, dans ce cas, en 
un sable quartzeux pur, sans consistance. D'autres 
fois, au contraire, la proportion de carbonate de 
chaux est très forte : on a alors un calcaire plus 
ou moins arénacé, qui passe par transitions insen- 
sibles à un calcaire sublamellaire ou compact, 


F1G. 2. 


1, Cyclolites discoidea Blaiïinv. — 


COSMOS 





26 SEPTEMBRE 1912 


à cassure inégale, où l’on n’aperçoit aucun mélange 
de grains quartzeux. Le ciment, au lieu d’être 
marneux, peut devenir purement siliceux. Quand 
cela arrive, le grès ne fait aucune effervescence 
avec les acides, il se transforme même en un véri- 
table quartzite à texture grenue ou compacte. La 
variélé de roche la plus commune est le grès 
quartzeux à grains moyens et à ciment calcaire, 
où l'on remarque quelquefois de petits fragments 


To 
at 
VASE 
« sa E. 
z ss x E 
A KS vi 


ne Lo 


Léna 


i 


-T D 


— FOSSILES DU TURONIEN D'UCHAUX (VAUCLUSE). 
2, Stephanocæenia excavata d'Orb. — 3, Synastrea cistela Edw. et H. 


h, Pinces de Callianassa Archiaci M.-Edw. — 5, Trochosmilia compressa Edw. et H, — Irigonia scabra Lmk. 


arrondis de calcaire et des paillettes de mica d'une 
grande ténuité. 

Voici la coupe des couc'ies turoniennes d’Uchaux : 

6. Grès et sables à Sphærulites Sauvagesi, S. Des- 
moulinsi, Ostrea mornasiensis. 

5. Grès grossiers et sables quartzeux. 

4. Gres calcarifères, très ferrugineux, à faune dite 
d'Uchaux. 

3. Grès calcarifères, un peu ferrugineux,avec Parhyd. 
peramplus. 

2. Grès calcarifères, sableux ou marneux, avec Prio- 
notropts papalis. 

1. Caicaire marneux et grès à Æpiaster, Inoceramus 
labiatus. 


Les assises 3 et 4 forment le grès d'Uchaux, 
dont la faune comprend les espèces que nous 
reproduisons (fig. 2). L'un des gisements les plus 
riches est entre la hauteur de Lamberthe et la 
grange de Boncavail. Le même groupe de couches 
forme une petite chaine continue dont font partie 
la hauteur de Boncavail et celle qui, un peu au 
sud du château de Maxillan et non loin du hameau 
de Hauteville, porte le nom du Mont-des-Coquilles. 
Ces deux monticules sont extrêmement riches en 
corps organisés ; Cest de là que viennent presque 
tous les fossiles dits d'Uchaux, qui sont devenus 
communs dans les collections. 


No 144 


Situés sur un sommet des Alpilles, d’où la vue 
s'étend jusqu’à la mer, Les Baux, ancienne capitale 
de la principauté de ce nom et, de nos jours, simple 
petit village, sont certainement une des curiosités 
les plus remarquables de la Provence. Eorsque 
l'on s’en approche, on ne voit tout d'abord qu'un 
chaos où l'œil a quelque peine à distinguer les 
ruines des anciennes habitations seigneariales et 
les masures actuelles, d'avec les bancs de mollasse, 
dans lesquels elles ont été en partie taillées ou avec 
lesquels elles ont été construites. Le géologue, 
eomme l’archéologue, peat faire dans cette localité 
d'intéressantes recherches. 

Le village des Baux est, si je peux m’exprimer 
ainsi, à cheval sur un anticlinal d'une parfaite 
netteté. 

La mollasse blanche à Pecten preæscabriusculus, 





F1G. 3. — Lychnus Matheroni DES BAUX. 


P. restilutensis, Evchinolampas hemispheæericus 
(Burdigalien supérieur) est exploitée dans de nom- 
breuses carrières. Si aucun obstacle n'arrête ce 
vandalisme, les ruines si pittoresques des Baux ne 
seront plus bientôt qu'un souvenir. 

Sous la mollasse blanche, un conglomérat à gros 
galets veris, avee Pecten Davidi, représente la 
mollasse sableuse (Burdigalien moyen). 

Ce conglomérat, surmonté de la mollasse blanche, 
repose presque horizontalement tantôt sur une 
couche, tantôt sur une autre couche du crétacé 
supérieur fluvio-lacustre, plongeant au Nord jus- 
qu’à la grande faille qui traverse les Alpilles de 
l'Est à l'Ouest. 

Le système fluvio-lacustre a été divisé en onze 
assises que l’on étudie facilement en se dirigeant 
du Nord au Sud-Ouest, suivant une ligne courbe 


COSMOS 357 


passant tout contre l'escarpement qui supporte Les 
Baux. 
En voici la coupe : 


s 

Rognacien. — A. Calcaires blancs ou rosätres, 
presque saccharoïdes, identiques à ceux de Rognac, 
très fossilifères : Lychnus Matheroni (fig. 3), etc. — 
B. Calcaires grisätres peu fossilifères. — C. Calcaires 
gris, remplis de fossiles écrasés. — D. Calcaires blancs, 
compacts, à silex, sans fossiles. — E. Sables argileux 
et grès blanchätres, lie de vin, jaunätres. 

Bégudien. — F. Calcaires gris à Anosmopsis rotel- 
laris, très fossilifères. — G. Calcaires gris, très fossi- 
lifères également, à Lychnus ellipticus. — H. Calcaires 
g'isätres à odeur bitumineuse, remplis de fossiles 
déformés. 

Fuvélien. — T1. Calcaires à Melania nerineiformis et 
à Corbicules. — J. Calcaires à Unio et à végétaux. 

Valdonien. — K. Calcaires de couleur sombre à 


 Cyclophorus Heberti. Ces calcaires renferment, vers 


leur base, de nombreuses concrétions formées de 
couches concentriques. 


La bauxite, au contact avec cette assise, est 
exploitée de nouveau dans des carrières où l’on 
peut recueillir de beaux échantillons de toutes les 
variétés. C’est aux Baux, d’où il a tiré son nom, 
que cet hydrate d’alumine ferrifère a été observé 
pour la première fois; l'âge et le mode de forma- 
tion de la bauxite ont donné lieu à bien des dis- 
cussions. [1 semblerait que l’on soit là en présence 
d'une véritable latérite fossile comme il s'en pro- 
duit aux dépens des roches dans tous les pays 
intertropicaux. | 

La coupe des Baux se termine à l’Hauterivien, 
rempli de Toxaster retusus, dont on voit de gros 
blocs au fond dela principale exploitation de bauxite. 

L'intérêt qui s'attache aux deux localités dont 
nous venons de décrire les caractéristiques géolo- 
giques pourrait s'étendre à une multitude d'autres 
points de la Provence, qui est la terre bénie du 
naturaliste. 

Ludovic Legré en a décrit les richesses bota- 
niques, Fabre les merveilles entomologiques, de 
Saporta et toute une pléiade de chercheurs les par- 
ticularités géologiques. Il reste encore beaucoup 
à faire, ce sera l'œuvre de l'avenir. 

Part Couses fils. 





La semoule et 


Parmi nos industries les moins connues, il faut 
citer la semoulerie, localisée pour ainsi dire dans 
une seule ville, Marseille, qui reçoit par son port 
la plupart des blés spéciaux servant à cette fabri- 
cation. 

Le produit lui-même, la semoule, est infiniment 
plus connu, et cependant il parait indispensable 


sa fabrication. 


de le bien définir, car nous avons trop souvent 
entendu dire, et mème lu dans de sérieux diction- 
naires et des ouvrages d'éducation, qu'elle étuit 
une pâte faite de farine de blé réduite en grains 
plus ou moins menus. 

Rien n'est moins exact : la semoule n’est point 
un produit composé; elle est tout simplement le 


358 


gruau du blé dur, l’amande farineuse du grain 
concassée — et non point écrasée comme la farine 
— par une première opération de mouture quisuit 
immédiatement le nettoyage et le décorticage. 

` La semoule se présente sous l’aspect de granules 
d'irrégulières grosseurs et de couleur légèrement 
citrine. Un sassage ou calibrage classe ensuite les 
diverses grenaisons, ainsi que nous Île verrons plus 
loin. 

C'est à la fabrication des pâtes alimentaires qu'est 
principalement employée la semoule ; les pâtes de 
qualité supérieure ne doivent mème contenir aucun 
autre élément. 

On se sert aussi de la semoule pour la confection 
-de potages, bouillies, gâteaux et entremets. 

Seuls les blés d'essence dure peuvent être em- 


ployés pour la production de la semoule. Ces blés, 


d'origine étrangère, plus riches en gluten et en 
matières azotées, renferment aussi moins d'amidon 
que les essences tendres. Ils se distinguent par la 
forme plus allongée du grain qui est compact, 
d'aspect corné, vitreux ou translucide; ils offrent 
une résistance plus grande à l’action des broyeurs 
— jadis des meules, — d’où leur nom de blés durs. 
‘On les appelle aussi « blés glacés ». 

La semoulerie française tire les blés dont elle 
fait usage de Russie (meilleures provenances: 
Taganrog et Berdianska), d'Algérie (Bône et Con- 
stantine), de Tunisie (Tunis), de Turquie et des 
‘principautés danubiennes (Salonique et Bessara- 
bie), des Indes (Bombay et Calcutta) et de la 
République Argentine (La Plata). 

Au point de vue du rendement en semoules, et 
surtout de la belle qualité de celles-ci, les blés 
durs peuvent se classer dans cet ordre: Taganrog, 
Constantine, Bòne, Tunis, Bombay, Calcutta. 

L'Italie récolte aussi des blés durs de très belle 
qualité en Sardaigne, dans la Pouille et en Sicile; 
mais ils ne sont pas exportés et servent à l'indus- 
trie indigène. 

La France ne produit pas de blé dur proprement 
dit: nous trouvons cependant en Vaucluse, dans le 
Gard, dans la Gironde, mais surtout en Auvergne, 
une variété de blé demi-dur où « mitadin » qui, 
sur place, dans quelques usines, est converti en 
semoules dites « mitadines », dans d’autres en 
farines rondes ou de « force » destinées à la pani- 
fication. 

Au reste, la production de ce blé appelé « go- 
delle » en Auvergne, « aubaine » en Vaucluse, est 
fort limitée; on fui donne encore le nom de « blé 
rouge glacé où demi-glacé »; il sert à faire des 
semoules inférieures. 

L'emploi exclusif de blés étrangers, entrant 
presque toujours en admission temporaire, explique 
le monopole que détient Marseille de la fabrication 
semoulière. C'est, en effet, non seulement par ce 
port que débarque en France la presque totalité 


COSMOS 


26 SEPTEMBRE 191% 


des blés durs, mais aussi que sont réexpédiés les 
produits fabriqués : semoules ou pâtes alimentaires. 

Primitivement, l'Italie seule fabriquait, avec les 
produits de son propre sol, des semoules de blé 
dur, et ses pâtes alimentaires jouissaient d’une uni- 
verselle renommée, grâce aussi au climat chaud 
très favorable à la fabrication ; de nos Jours encore, 
le nom de « pâtes d'Italie » s’est conservé pour 
désigner certaines qualités supérieures de pâtes, 
même d’origine française, suisse, etc. 

La France, pendant plusieurs siècles, essaya en 
vain de faire concurrence à l'Italie; Naples et 
Gênes, notamment, restaient maitresses de cette 
fabrication, pour laquelle nous manquions de blés 
durs. 

Jusqu'en 1815, les minoteries de Marseille ne 
produisaient que des gruaux de blé pour des pâtes 
alimentaires secondaires; à cette date, un minotier 
marseillais, J.-B. Brunet, eut l'idée d'employer des 
blés durs de la mer Noire. Son essai réussit, mais 
il ne put toutefois produire que des semoules 
à potages; l'Italie, seule encore, fabriquait les 
belles semoules destinées aux påtes de choix. 

Vingt ans plus tard, en 1833, grâce à l'initiative 
de Joseph Brunet, fils du précédent, les blés durs 
d'Afrique furent employés à Marseille, et, la fabri- 
calion se perfectionnant, l’industrie marseillaise 
commença à établir sa réputation. Nous trouvons 
qu'en 1830 la semoulerie du département des 
Bouches-du-Rhône occupait 80 ouvriers pour tri- 
turer 25 000 hectolitres de blés durs: les chiffres 
s'élèvent, en 1863, à 1200 ouvriers et 200 000 hec- 
tolitres. À Marseille même existaient, en 1865, 
10 semouleries consommant .480 000 -hectolitres de 
blés durs (presque tous d'Algérie) et produisant 
de 8 à 9 millions de kilogrammes de semoules. 

A ceite époque, les procédés de fabrication étaient 
encore primitifs; le sassage des gruaux se faisait 
à la main au moyen de tamis ou sas séparant la 
grosse semoule de la semoulette. Il nous faut 
arriver à 1868 pour voir se créer des procédés 
mécaniques. 

Ces nouveaux et ingénieux appareils, dus au 
constructeur Cabannes, de Bordeaux, qui furent 
par la suite progressivement perfectionnés, ame- 
nérent une véritable révolution dans l’industrie 
semoulière. 

On pourra juger de l'importance de cette inven- 
tion, au point de vue de la main-d'œuvre seulement, 
si nous rappelons qu’un moulin de 8 tournants, 
qui exigeait 39 ouvriers pour le criblage par tamis 
(à la main), n'en employait plus que 8 à la surveil- 
lance des opérations mécaniques de sassage. 

Enfin, en présence des merveilleux résultats 
obtenus, la transformation s'imposa rapidement 
à toutes les semouleries. Celles-ci, qui comptaient, 
en 1867, 600 paires de meules, en avaient 984 
en 1877, triturant 158 600 quintaux de blé dur. 


N° 1444 


A partir de 1881, nous avons à signaler une nou- 
velle et fort importante transformation de l'outil- 
lage des semouleries, comme d’ailleurs de celui de 
toute la minoterie en France : le remplacement 
des meules séculaires par des appareils à cylindres 
dits broyeurs. 

Quelques minoteries françaises, surtout des 
semouleries, les essayèrent timidement d'abord, et 
ce ne fut qu’en 41889 que la plupart des minoteries 
les plus importantes adoptèrent la mouture à 
cylindres. Quelques moulins seulement conser- 
vèrent des meules, employées exclusivement au tra- 
vail de fin de mouture. 

Les mesures douanières éxercèrent aussi une 
grande influence sur notre industrie semoulière. 
C'est ainsi que, par suite d'une modification des 
tarifs de douane, en 41880, admettant les semoules 
françaises en Italie au même tarif que les farines, 
lexportation par Marseille se releva fortement, 
puis retomba par suite du régime protectionniste. 

Il faut aussi mentionner une autre cause de 
prospérité pour la semoulerie française, l’admis- 
sion, en 1882, des semoules ou gruaux à la décharge 
des acquits à caution dans le fonctionnement de 
admission temporaire des blés. Un mouvement 
ascensionnel énorme se produisit alors dans l’ex- 
portation générale des semoules. 

On ne peut songer ici à entrer dans les détails 
des multiples opérations que demande la fabrica- 
tion de la semoule. Nous nous contenterons donc 
d'en indiquer à grands traits les phases princi- 
pales qui sont au nombre de cinq: le nettoyage, 
le broyage, la désagrégation ou désagrégeage, le 
sassage et le convertissage. 

Les deux premières opérations, communes à la 
semoulerie et à la minoterie, ont été décrites déjà 
dans le Cosmos (11 et 25 mars 1911), nous n’y 
reviendrons donc pas. Le nombre des passages aux 
broyeurs est cependant plus considérable en semou- 
lerie; il en faut compter de huit à dix. 

On procède ensuite à la désagrégation des gruaux 
obtenus par le broyage; ici encore, six à douze 
passages, selon les usines, sont nécessaires. 

La farine dite de premier jet, résultant de cet 
écrasement, et la première semoule brute sont 
extraites à la fin de ces opérations : l'extraction de 
chaque bluterie est rejetée sur le passage suivant. 
Les désagrégeurs sont alimentés par les rejets des 
sasseurs de ces diverses opérations; ils donnent de 
la farine de premier jet et des semoules; ces der- 
nières, après avoir subi un complément de sassage, 
vont se mélanger à celles obtenues déjà par les 
broyeurs. 

Le résidu des désagrégeurs passe au convertis- 
sage, dont les produits donnent les gruaux D, c'est- 
à-dire la farine de blé dur dont on compte deux 
qualités. | 

Le déchet des convertisseurs, qui est générale- 


COSMOS 


399 


ment repris encore par des meules, fournit des 
farines basses servant surtout à l’engraissement 
des bestiaux. 

Revenons aux semoules brutes qui, après leur 
sorlie des broyeurs ou des désagrégeurs, sont réu: 
nies; elles passent alors par les diviseurs, appa- 
reils les isolant de la farine de premier jet qui 
y est encore mélangée. Des sasseurs spéciaux 
classent par grenaisons les semoules qui doivent 
encore subir plusieurs passages — trois à cinq 
selon la qualité — avant d’être épurées et livrées 
au commerce. 

De ces opérations résultent les diverses semoules 
et farines de blé dur qui sont désignées par des 
marques ou abréviations d’un usage fort ancien 
qui se continue de nos jours. C’est ainsi, pour en 
donner un exemple, que les premières sont les 
S. S. S. E. (semoule double supérieure extra), 
S. S. S. (pour l'exportation) ou S.S. (pour la con- 
sommation intérieure) (semoule double supé- 
rieure), etc. 

Les qualités supérieures de grosses semoules 
destinées aux potages exigent une fabrication 
extrêmement délicate; les meules sont substituées. 
aux cylindres pour le broyage; ces semoules sont 
d’un grain fort gros. Leur prix est sensiblement 
plus élevé que celui des autres semoules; deux ou 
trois usines, spécialement outillées, en produisent, 
mais en petite quantité. 

Les sasseurs, dont on a pu voir le rôle important: 
dans la production de la semoule, remplacent, 
depuis bientôt quarante-cinq ans, comme nous 
l'avons dit précédemment, les anciens sas ou tamis 
à la main et assurent une fabrication rapide et 
régulière. Ces appareils ont la forme de parallélo- 
grammes, se composant de bâtis en bois et fer 
garnis de châssis recouverts de peau d’âne perfo- 
rée; ils sont mus par un excentrique leur impri- 
mant un mouvement de sas, d’où leur nom; ces 
chässis sont généralement découverts, et la semoule. 
est ainsi sassée à l'air libre. 

Les autres appareils, moins spéciaux, sont à peur 
près semblables à ceux employés dans la minoterie. 

Les usines de semoulerie sont des plus curieuses 
à visiter, avec leurs luxueux appareils en acajou. 
ou bois verni auxquels aboutissent d'innombrables 
conduits recevant ou distribuant les produits au 
fur et à mesure de leur transformation et les pro- 
menant de haut en bas ou de has en haut du mou- 
lin; puis ce sont les nombreux sasseurs sur lesqueis. 
circule, doucement secouée, la fine nappe d'or 
pâle des semoules. 

Aujourd’hui, dans un grand nombre de semou- 
leries, tout le travail se fait automatiquement, 
depuis le nettoyage du blé jusqu'à l'ensachement 
des produits fabriqués. D'où une production. plus 
rapide, plus considérable et plus régulière, une 
réduction importante de la main-d'œuvre, au point 


900 


qu’un seul conducteur de cylindres, de bluteries ou 
de sasseurs suffit à chaque étage ou plancher, son 
rôle se bornant, une fois la mouture réglée, à sur- 
veiller la marche des appareils et à prévenir les 
engorgements. 

Les procédés de mouture étaient jadis divisés en 
deux catégories: celui produisant des gruaux por- 
tait le nom de « mouture haute », celui donnant 
immédiatement la farine s'appelait « mouture 
basse ». Ces deux appellations tirent leur origine 
de l’emploi des meules, dont l'écartement était 
plus ou moins grand selon qu'on voulait seulement 
effleurer le blé pour le convertir en gruaux ou 
semoules, ou bien l'écraser en farines dès le début 
des opérations. Les broyeurs remplacent aujour- 
d'hui les meules, mais la distinction demeure. 

L'industrie semoulière est fort importante à Mar- 
seille, son centre principal et presque unique; le 
nombre des usines y était de 40 en 1865, de 14 en 
4884, de 26 en 1902: il est de 17 actuellement. 
Ces 17 usines, toutes actionnées par l'eau ou la 
vapeur, ont une puissance globale de production 
quotidienne de 4950 quintaux; mais, ne faisant 
pas leur « plein », elles ne produisent en ce mo- 
ment que 3 350 quintaux environ par jour. 

ll existe encore en France quelques autres 
centres semouliers, mais infiniment moins impor- 
tants : Clermont-Ferrand, Valence et Lyon, par 
exemple, dont la fabrication quotidienne totale 
s élève à un millier de quintaux. 

On arrive donc, pour la totalité de la production 





COSMOS 


26 SEPTEMBRE 1912 


française, à 4 550 quintaux par jour, soit annuelle- 
ment, pour onze mois de travail effectif, à un chiffre 
de 4 500000 quintaux de semoules de toutes qua- 
lités, l’extraction moyenne en semoules étant de 
55 à 60 pour 100 du blé dur trituré; la partie res- 
tante représente les farines de diverses qualités, le 
son et le déchet. 

L'importation des blés durs par Marseille, qui 
était en 4902 de 4575497 quintaux (la majeure 
partie provenant d'Algérie), s'est élevée en 1914 
à 2 100 498 quintaux. 

Enfin, pour donner une idée de l'importance 
commerciale de la semoulerie française, nous indi- 
querons les prix de vente actuels des trois qualités 
supérieures de semoules par 100 kilogrammes pris 
à l'entrepôt, c'est-à-dire aux usines et rendus 
franco aux gares ou à quai: les S.S. S.E., 30 francs; 
les S. S.S. ou S. S., 29; les S. S.S. F., 28; il suffit 
d'ajouter à ces prix le montant du droit d'entrée 
en France, soit 7 francs par 400 kilogrammes, pour 
avoir le prix de vente à la consommation. 

La plus grande partie des semoules de fabrica- 
tion marseillaise passe à l'exportation sous le 
régime de l’admission temporaire. L'Italie mème 
en achète pour la fabrication de ses plus belles 
pâtes alimentaires. 

En 1909, la France expédiait en Suisse 16 146 tonnes 
de semoule contre 7393 fournies par l'Italie et 
1 326 seulement par l'Allemagne. 


A.-G. DE MANET 


SOCIETES SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 


Séance du 16 septembre 1912. 
PRÉSIDENCE DE M. GRANDIDIER. 


Sur Ia constitution minéralogique des vol- 
cans de l'ile de la Réunion. — M. A. Lacroix 
a montré dans une communication précédente que 
sous la monotonie de la couverture de ses laves 
superficielles, très analogues à celles du volcan actuel, 
le massif plus ancien du Piton des Neiges cache une 
grande complexité minéralogique: il est constitué par 
l'accumulation de plus de 3000 mètres de coultes de 
laves et de briches que traversent des dykes, des 
sills de roches de composition et de structure varices. 
Malheureusement, M. Lacroix n’a pu consacrer qu'un 
mois à une tâche aussi considérable et aussi difficile. 

Cependant, il est arrivé à la conclusion que ce qui 
caractérise essentiellement la minéralogie de la Réu- 
nion,c'est la production dans un même volcan et aux 
dépens d'un même magma de types bien caractérisés 
de roches subalcalines et de roches alcalines que pen- 


dant si longtemps on a été porté à considérer comme 
ayant nécessairement une origine indépendante, et 
que, plus récemment encore, plusieurs éminents 
pétrographes ont considérées comme localisées dans 
des régions distinctes du monde suivant des règles 
géographiques bien définies. 


Remarques sur la forme de la Lune et du 
Soleil. — Dans une note récente relative à l'étude 
cinématographique de la dernière éclipse solaire, 
M. Costa-Lobo a conclu, de certains détails de la 
répartition des grains de Baily sur son film, à un 
faible aplalissement de la Lune dans le sens perpen- 
diculaire à sa trajectoire. 

M. Fnen V£ës a recherché par des mesures sur un 
film pris par lui-même à Cacabelos (Espagne) s'il ne 
pourrait pas obtenir un certain nombre de notions 
d'un ordre correspondant, corroborant ou complétant 
la conclusion de M. Costa-Lobo. Après de nombreuses 
mesures sur ces clichés et un examen expérimental 
du problème, en faisant circuler les uns devant les 
autres, dans des conditions de dimensions et de posi- 
lions comparables à celles de l'éclipse, différentes 


N° 1444 


figures géométriques (cercle devant cercle, cercle 
devant ellipse, ellipse devant cercle, ellipse devant 
ellipse), il établit que pour reproduire le phénomène 
il est nécessaire que l’une des figures au moins ne 
soit pas un cercle, et, par suite, qu'il y a des proba- 
bilités pour la forme non circulaire d'au moins un 
des astres en présence. 


Tremblements de terre et taches solaires. 
— On ne voit guère comment les taches solaires pour- 
raient influer sur la production des tremblements de 
terre, et cependant une telle relation a été énoncée 
bien des fois. Généralement, on se contente de dire 
que tel sisme important a coincidé avec l'existence 
d’une tache remarquable ou a eu lieu en une année 
de maximum ou de minimum de taches. A raison 
d'une trentaine de sismes plus ou moins destructeurs 
par an, on voit ce que vaut une telle constatation. 
Seul Oddone s’est donné la peine de faire une re- 
cherche statistique raisonnée sur le sujet. Elle roule 
sur les plus notables tremblements de terre catalogués 
pour 1904 par l'Association internationale de sismo- 
logie. L'auteur a bien trouvé une certaine prédomi- 
pance d'activité sismique au voisinage du passage des 
grandes taches ou des groupes de taches par le méri- 
dien central, mais elle est si peu accusée qu'il consi- 
dère lui-mème le résultat comme très peu probant. 
M. DE MonTessus DE BALLORE a repris le problème sur 
d’autres bases en utilisant le catalogue publié par 





COSMOS 


361 


Milne des tremblements de terre destructeurs jusqu'à 
l'année 1900. 

De 1800 à 1849, le nombre décennal de mégasismes 
croit légèrement, tandis que de 1850 à 1900 il reste 
sensiblement constant. Pendant l'une et l’autre 
période, les nombres annuels subissent des variations 
de faible amplitude de part et d'autre de la moyenne 
décennale, mais sans loi apparente aucune. Cela suffit 
à faire nier toute relation, puisque les taches solaires 
obéissent à une loi périodique bien connue de maxima 
et de minima régulièrement espacés. 


Relations des protubérances avec les filaments et 
alignements des couches supérieures de l'atmosphère 
solaire. Note de M. H. DEsLANDRes, qui, après avoir rap- 
pelé la note récente de M. Ricco surles protubérances 
solaires, donne un résumé de ses propres travaux sur 
la question et les conclusions qu'il a tirées de ses 
observations. — De l'influence de la vitesse d'attaque 
de la calcite par les acides sur la forme des figures de 
corrosion de ce minéral. Note de M. Pauz GAUBERT. — 
Maturation artificielle lente de la datte Deglet-nour. 
Note de M. WALTER T. SwixGze. — MM. Foëx et 
P. BerrauLT signalent une maladie du maïs de Cochin- 
chine due à un champignon d'une espèce qui semble 
nouvelle. — Influence de la température sur la nucléase. 
Note de M. E.-C. Teoporesco. — Sur un dispositif d'ap- 
pareils destiné à la mesure relative de la gravité. Note 
de M. ALPHONSE BERGET. 


BIBLIOGRAPHIE 


Oscillations et vibrations. Etude générale des 
mouvements vibratoires, par A. BOUTARIC, 
agrégé de l’Université, chargé d’un cours com- 
plémentaire de physique à l'Université de Mont- 
pellier. Un vol. gr. in-18 jésus de 403 pages avec 
439 figures, de l'Encyclopédie scientifique publiée 
sous la direction du D' Toulouse. (Cartonné 
toile, 5 fr.) O. Doin, éditeur, 8, place de l'Odéon, 
Paris. 1912. 


La considération des mouvements vibratoires 
établit un lien entre des phénomènes a priori tout 
différents, phénomènes acoustiques, phénomènes 
optiques, phénomènes calorifiques et phénomènes 
lumineux. Une étude générale des mouvements 
vibratoires peut donc être intéressante et simplifier 
l'exposé d'un grand nombre de questions. L'auteur 
a tâché de faire cette étude en empruntant, bien 
entendu, les ressources de l’analyse mathématique, 
et il montre ensuite comment les résultats obtenus 
s appliquent aux divers chapitres de la physique : 
acoustique, optique, électricité (courants alternatifs 
industriels et oscillations électriques à haute fré- 
quence). Il note avec raison que la théorie électro- 
magnétique de la lumière n’a nullement renversé, 
comme on le prétend quelquefois, la théorie ondu- 
latoire; Fresnel avait dit : la lumière est due à une 


perturbation périodique transversale qui se propage 
dans l'éther; Maxwell n'a fait que compléter en 
disant : cette perturbation est de nature électroma- 
gnétique. En un dernier chapitre, l'auteur précise 
quelle est la position actuelle des physiciens vis- 
à-vis de l'hypothèse de l’éther. 

M. Boutaric n'a point songé à faire une étude 
complète de tous les phénomènes périodiques. C’est 
un très gros traité qu'il eùt fallu écrire. Et des 
lacunes que peut présenter l'ouvrage, quelques-unes 
sont certainement volontaires. L’auteur n’a eu 
d'autre but que d'exposer, aussi simplement que 
possible, les connaissances qui sont nécessaires pour 
aborder l’étude des plus importantes questions de 
Ja physique. 


Notions fondamentales d'analyse qualitative, 
par V. Taowas, professeur adjoint à la Faculté 
des sciences de Clermont-Ferrand, et D. GAU- 
THIER, chef des travaux de chimie à la mème 
Faculté. In-8° (23 XC 14) de vur-326 pages avec 
91 figures et { planche (10 fr). Gauthier-Villars, 
Paris. 1912. 


La première partie est l'exposé des méthodes 
générales d'analyse chimique: par voie humide, 
par voie sèche, par le microscope et le spectro- 


362 


scope. La seconde partie est tout employée à dif- 
férencier les acides et les bases, et elle est la meil- 
leure préparation à l'analyse proprement dite: la 
marche méthodique à suivre en celle-ci fait l'objet 
de la troisième partie. 

Par les extraits suivants de la préface, on saisira 
le caractère que les auteurs ont voulu donner à leur 
œuvre : | 

« Les livres d'analyse et en particulier les livres 
d'analyse qualitative sont très nombreux. Si l'on 
„excepte le traité classique de Fresenius, on peut 
dire que tous les autres ont été écrits en vue de la 
préparation d’un examen. 

» Ce livre, à l'encontre des autres, est écrit pour 
ceux qui veulent apprendre et non pour ceux qui 
recherchent des diplômes. Il y a là une différence 
bien marquée, car, à de très rares exceptions près, 
les diplômes s’obtiennent à la suite d’études théo- 
riques, et l'étude de l'analyse nécessite une présence 
continuelle de plusieurs années au laboratoire. Il 
s'adresse aux débutants, et, pour leur rendre la 
tâche plus facile, nous n’avons pas hésité à lui 
donner tous les développements jugés nécessaires. 

» On s'étonnera peut-être ici que, pour des débu- 
tants, nous ne nous soyons pas bornés à l'exposé 

d’une seule méthode judicieusement choisie. Pour 
nous, il n’y a pas de bonne méthode d'analyse au 
sens absolu. L'habileté de l’expérimentateur est, 
dans tous les cas, un des facteurs les plus importants 
pour la réussite. Or, cette habileté est essentielle- 
ment variable et s’exerce souvent dans les direc- 
tions opposées. I] faut laisser à chacun le mode de 
travail qui lui convient le mieux; il faut lui laisser 
surtout, dans les cas particuliers, le libre choix de 
la route qu'il doit suivre. 

» En général, dans les traités d'analyse, on 
trouve une marche systématique’pour la recherche 
des métaux suivant qu’on a affaire à une substance 
ne renfermant qu'un élément métallique ou, au 
contraire, renfermant plusieurs éléments. Cette 
facon de procéder n'a aucune valeur au point de 
vue pratique, puisque, une substance étant donnée 
pour l'analyse, on ne sait absolument rien sur le 
nombre des éléments qu'elle renferme. Au point 
de vue de l’enseignement, cette recherche d’un seul 
métal présente de graves inconvénients. En effet, 
toutesles parties délicates del’analyse, précipitation, 
filtration, lavage, épuisement, etc., se trouvent ici 
virtuellement supprimées. 

» Le débutant s'habilue à travailler sans se 
préoccuper de ces différentes opérations, d'autant 
plus facilement que dans ce cas très particulier il 
arrive presque toujours à des résultats. Lorsqu'il 
aborde l'étude des mélanges, il se trouve tout d'un 
coup en présence de difticultés telles que l’analyse 
Jui apparait comme une science presque inextri- 
cable. C'est ce qui nous a déterminés à rompre 
sans arricre-pensée avec celte tradition ancienne. » 


COSMOS 


26 SEPTEMBRE 191% 


Les formes élémentaires de la vie religieuse 
(le système totémique en Australie), par Émice 
Durkseix, professeur de la Faculté des lettres 
de l'Université de Paris. Un vol. in-8 de 
648 pages (Bibliothèque de philosophie con- 
temporaine) (10 fr). Librairie Félix Alcan, Paris. 


Ce volume fait partie des travaux de l’année 
sociologique, publiés sous la direction de M. Dur- 
kheim lui-même. L'auteur y aborde le problème de 
l'origine des religions, en s'atlachant comme à un 
moyen efficace de le résoudre à l'étude de reli- 
gions très élémentaires, telles que les pratiquent 
les tribus australiennes dans le culte totémique. 
Les croyances et les rites se partagent l'ouvrage, 
au cours duquel M. Durkheim émet une théorie 
relative à l'origine des catégories de l'esprit qui, 
selon lui, ne seraient ni «a priori ni acquises par 
l'expérience individuelle, maistireraient leur genèse 
de la collectivité: ainsi, l’idée générale d'espace 
serait due à la notion que le clan se fait du terri- 
toire qu'il occupe. N'est-ce pas là, au demeurant, 
une explication d'ordre empirique qui rentre d'au- 
tant mieux dans l'une des deux grandes théories 
connues que la notion tribale de l’espace — pour 
employer, afin de le signaler, un barbare néolo- 
gisme de l'écrivain — est, à coup sûr, individuelle 
à son début ? 

Ce qui est plus grave, c'est que, pour M. Dur- 
kheim, la religion a évolué du plus informe au 
moins informe des cultes; elle aurait même com- 
mencé par une absence de croyance en quelque 
chose de divin. Ceci montre comment des esprits 
qui visent à la direction de la pensée contempo- 
raine s'en laissent encore imposer par l'hypothèse 
de l’évolution, bien réduite à l’état d’hypothèse, et 
que d'aucuns s'acharnent à considérer comme la 
synthèse de l’histoire réelle. On voit aussi que les 
origines juives de M. Durkheim ne l'ont poini 
empèché de jeter la Bible par-dessus bord. 


La France au travail. En suivant les côtes de 
Dunkerque à Saint-Nazaire, par M. A. HÉRUBEL 
docteur ès sciences, professeur à l'Institut mari- 
time. Un vol. in-8° écu avec 20 photogravures 
hors texte (broché, 4 fr). Paris, Pierre Roger 
et Cie, 54, rue Jacob. 


Volume précis qui continue fort heureusement 
une série qui débuta par une étude consacrée à la 
région de Lyon et du Sud-Est. C'est une idée ingé- 
nieuse que de faire dépendre l'activité d’une région 
de la côte qui la borde. En tout cas, elle nous vaut, 
de la part de l’auteur qui est un spécialiste des 
questions maritimes, un ensemble de monogra- 
phies instructives, celles du Havre et de Dunkerque 
notamment. M. Hérubel est d'avis que les Français 
travaillent beaucoup, qu'ils travaillent bien et 
qu'ils savent tenir leur place à côté de jeurs con- 
currents. Il excelle à nous le montrer. L'ouvrage 


N° 1444 


est documenté, net, écrit dans une langue vigou- 
reuse et directe. R.J. 


Pour réussir au Maroc, par MM. A. TERRIER et 
J. LADREIT DE LACHARRIÈRE, secrétaires généraux 
du Comité du Maroc. Un vol. in-16 broché de 
190 pages avec 10 gravures et une carte (2 fr). 
Paris, Pierre Roger et Ci°, 54, rue Jacob. 


Le titre est parlant. Il intéresse aujourd’hui de 
nombreuses personnes désireuses d'aller au Maroc 
« faire des affaires » et, cela va de soi, y gagner 
de l'argent. Ce pays, si rapproché du nôtre, est 
très mal connu. Les races qui l’habitent et leurs 
besoins, sources de notre commerce, sont encore 
à « explorer », de même que l’agriculture, et l’in- 
dustrie du reste rudimentaire. Le volume contient 
de nombreux renseignements pratiques: moyens 
et prix de transport, cultes, coùt de la vie, organi- 
sation postale et télégraphique, monnaie et me- 
sures, enseignement, justice et impôts, nature des 
importations et exportations, douanes, fret, mar- 
chés, mines, élevage, réglementation de la pro- 
priété immobilière, travaux publics, chemins de 
fer, hòtels, tourisme, crédit, siluations à trou- 
ver, etc. Un chapitre fort suggestif sur le passé du 
Maroc sert d'introduction, et la conclusion est 
consacrée à son avenir probable sous l’hégémonie 
civilisatrice de la France. : R. T. 


L’électricité domestique, guide élémentaire et 
pratique permettant à tous d'établir, sans diffi- 
cultés, les canalisations intérieures alimentées 
par une batterie de piles, ainsi que l'installation 
des appareils, par GrorGes Mis, électricien. [n-8° 
de xvi-18£ pages, avec 151 figures (2,50 fr). 
Dunod et Pinat, éditeurs, 47 et 49, quai des 
Grands-Augustins, Paris, 1912. 


M. Georges Mis est un modeste amateur qui, en 
publiant cet utile guide, a voulu éviter à tous les 
débutants les difficultés qu'ils ont à surmonter 
pour bien comprendre les phénomènes électriques 
et en tirer une explication immédiate pour réaliser 
certaines installations domestiques. 

Se mettre à la portée de toutes les intelligences 
et faire œuvre de bonne vulgarisation n’est pas 
chose facile, il faut déployer beaucoup de volonté, 
de patience et d'études pour arriver à présenter un 
travail aussi instructif et aussi agréable à lire que 
celui qu’a écrit M. Mis. 

« Nous sommes heureux de constater, dit M. Mont- 
pellier dans la préface de ce livre, que l’auteur 
a su réellement éviter l’écueil que n’ont pas aperçu 
nombre de pseudo-vulgarisateurs, qui empruntent 
leur science aux livres et revues techniques, à l’aide 
de coupures plus ou moins heureuses; en effet, 
l’écueil que nous signalons est beaucoup plus fré- 
quent que l'on ne pourrait le supposer, et beau- 
coup d'ouvrages, qui ont cependant des lecteurs, 


COSMOS 


363 


ne donnent à ces derniers que des idées fausses et 
ne leur permettent pas de réaliser les installations 
qu'ils ont voulu entreprendre. 

» L'expérience est le meilleur des maitres, et 
l'amateur devra ètre reconnaissant à M. Mis de 
lui avoir permis de l'initier sans efforts à l'intelli- 
gence des multiples applications domestiques de 
l'énergie électrique. Avec les premières notions 
acquises par la lecture de ce guide, l'amateur 
pourra ensuite aborder utilement des études plus 
complexes. » 


Le cinématographe, son passé, son avenir, 
par J. Rosex. Un vol. in-8° de 150 pages (2,50 fr). 
Librairie Monroty, 30, rue Jacob, Paris. 


Trop longtemps, le cinématographe a été consi- 
déré comme une invention destinée à l’amusement 
des foules. C’est aussi un excellent moyen d'étude 
pour les enfants, et un merveilleux instrument de 
travail dans certaines branches des sciences. 

A ce titre, il est intéressant de connaitre son 
histoire. L'auteur retrace toutes les recherches 
faites depuis l'apparition de la lanterne magique, 
jusqu’à la découverte des frères Lumière qui, les 
premiers, inventèrent la bande perforée. Puis il 
décrit le cinématographe actuel; indique comment 
sont construits les appareils, quelle lumière il faut 
employer, comment sont prises les vues „etc. Il ter- 
mine en montrant les services futurs qu'on pourra 
demander à ce merveilleux appareil, et s'élève 
avec juste raison contre les spectacles immoraux 
qui. sont trop souvent donnés, en particulier dans 
notre pays. 


Le développement-fixage combinés, par 
V. CRÉMIER. Une brochure de la Bibliothèque de 
Photo-lievue (0,60 fr). Paris, Charles Mendel, 
éditeur. | 


La mode est à la simplification, et on parle beau- 
coup depuis quelque temps d'opérer à la fois le 
développement et le fixage des négatifs photogra- 
phiques. N’avail-on pas déjà le virage-fixage com- 
binés pour les positifs sur papier ? etcette question, 
déjà ancienne, tend à prendre aujourd'hui de 
l'importance, bien qu'il ne s’agisse pas de rem- 
placer, dans tous les cas, les méthodes habituelles 
par de nouvelles. 

L'auteur, ayant fait des essais qui lui ont paru 
intéressants, a eu l'idée de classer et de véritier les 
formules qu'il a trouvées éparses dans dit'érentes 
publications, et les a fait suivre de celles qu'ii a 
composées lui-mème ou qui lui ont paru tout par- 
ticulièrement recommandables. 

Les amateurs trouveront donc dans cet an 
toutes les données de la question, et ils pourront, 
si bon leur semble, se livrer à des essais compara- 
tifs au moyen des formules contenues dans cet 
intéressant travail. 


36% 


COSMOS 


26 SEPTEMBRE 1912 


FORMULAIRE 


Pour faire tenir les clous dans le plâtre. — 
Voici un moyen bien simple pour faire tenir dans 
le plâtre les clous qui ont tendance à sortir en 
effritant le plâtre du trou où ils sont enfoncés. On 
prend un peu de colle forte, de ces colles de 
poisson qu'on vend maintenant en tubes, et au 
moyen d'un bout de chiffon on en enduit bien le 
clou qu'on a retiré de son trou. On le remet alors 
en place, et si un peu de colle s'extravase au dehors, 
on l'enlève au moyen d’un petit linge mouillé. La 
colle sèche rapidement, son humidité étant absorbée 
par le plâtre, et le clou fait absolument corps avec 
celui-ci. (Inventions illustrées.) 


Suppression des incrustations des chau- 
dières à vapeur par le passage de l’eau sur 
des plaques d'aluminium. — Le Cosmos n° 1416 
du 44 mars dernier a déjà donné une note à ce 
sujet. Voici quelques indications complémentaires, 
que nous trouvons dans la Revue des matériaux 
de construction et de travaux publics : 

Ce nouveau traitement consiste simplement à 
permettre à l’eau destinée à l'alimentation des 
générateurs de s'écouler sur une plaque d’alumi- 
nium dont la surface est plissée, gaufrée ou autre- 
ment ondulte et maintenue dans un état de pro- 


PETITE 


Adresses : 

Le toueur électrique du canal de Saint-Quentin a 
été construit par la Société alsacienne de constructions 
mécaniques, à Belfort. 

M. A. T., de M. F. — L’aleuromètre de Boland, 
appareil pour mesurer les qualités de la farine au 
point de vue de la panification, est construit par les 
maisons Adnet, 26, rue Vauquelin; Poulenc, 92, rue 
Vicille-du-Temple; Fontaine, 16-20, rue Monsieur-le- 


Prince, tuns à Paris. — Il y a tout avantage à acheter 
lappareileomplet, avee son bain-marie. 
V. W.A. R.— Il v a nombre de constructeurs de 


ces appareils automatiques à jetons: par exemple, 
la Compagnie générale des appareils automatiques, 
57, boulevard de Strasbourg, Paris. 

M. G. de la R., à la L. — Nous croyons que vous 
trouverez ces joncs à la Société francaise des produits 
du rotin, 14, rue des Pyramides, à Paris. — La maison 
Sécretan existe toujours; mais elle a changé d'adresse; 
elleest maintenant, 11,rue dela Chaussée d'Antin, Paris. 

M. P. C., à V. — Il s'agit bien des battements 
envoyés à 10 heures du matin; les chiffres indiqués 
sont donnés en temps astronomique, qui est compté 
de midi ä midi. 

M. A. D., à F. — Nous avons déjà répondu à votre 
question dans le numéro 1441 du + septembre dernier. 
Venillez vous y reporter. 

T. S. F. — Plusieurs correspondants nous cnt 
demandé la signification des deux groupes de six 
chiffres transmis par la tour Eiffel entre les signaux 


preté parfait au moyen de brossages qui; enlèvent 
tout dépòt. 

Voici ce qui se passe lors de l'écoulement de 
l’eau sur la surface d'aluminium : un courant élec- 
trique est produit, l’eau constituant le pôle négatif 
et l'aluminium le pôle positif; ce courant produit 
l'ionisation des sels formant les incrustations, il 
détruit leur forme cristalline et les rend amorphes. 
En mème temps, par suite de la friction de l’eau 
et l’action électrique, l’aluminium est enlevé de la 
surface sous forme colloidale qui se modifie après 
un certain temps dans leau. 

Des recherches faites à l’Université de Liverpool 
montrent que l’hydroxyde d'aluminium n'est pas 
présent à un haut degré dans l'eau traitée par 
l'appareil, mais que l'aluminium se trouvait dans 
l'eau sous la forme colloïidale mélangé avec 
l'hydroxyde et restait en cet état pendant plusieurs 
jours. 

L'appareil doit être exposé à lair et à la lumière 
et préférablement à l'éclairage Nord ou Sud pour 
obtenir les meilleurs résultats; si l'appareil est 
entièrement abrité de l'air et de la lumière, il 
devient sans effet. 

L'eau traitée par ce procédé doit ètre utilisée 
dans les sept jours. 





CORRESPONDANCE 


horaires et le télégramme météorologique. Un de nos 
lecteurs nous en donne l'explication: 

Avant l'envoi de l’heure, pendant environ trois mi- 
nutes, la tour Eiffel envoie, pour les astronomes, les 
battements de la seconde diminuée de 1 cinquantitme, 
c'est-à-dire des battements espacés de 98 centièmes 
de seconde. Les chiffres en question indiquent l'heure 
exacte à laquelle les battements ont commencé et 
celle où ils ont fini. Par exemple, le 21 septembre, la 
toura transmis: 34 5% 26. 37 52 75. Cela veut dire que 
les battements ont été envoyés de 10*34"57°,26 jusqu'à 
10°37*52°,75. Les astronomes peuvent ainsi comparer 
l'heure envoyée avec celle de leur pendule astrono- 
mique avec une approximation de 0,01 seconde. 


M. A. L., à P. — Tous nos remerciements. Vous 
voyez que vos indications ont été les bienvenues. — 
Nous répondrons bien volontiers dans la petite corres- 
pondance aux questions que vous voudrez nous poser. 


M. A. P., à R. — Réception des signaux radiotélé- 
graphiques transmis par la tour Eifel (1,75 fr). 
Librairie Gauthier-Villars, Paris, et Notions générales 
sur la télégraphie sans fil par R. DE VaLsreuze (12 fr). 
Librairie de la Lumière électrique, 142, rue de Rennes. 
— Nous avons fait connaître un grand nombre de ces 
indicatifs d'appel. Veuillez vous reporter au Cosmos 
n° {334 du 18 juillet 1912 (Petite correspondance). 


M. R. D.,à C. — Le Sicoid, celluloïd ininflammable, 
326, rue Saint-Martin (impasse de la Planchette), Paris. 





Imprimerie P, Fsnon-Vaau, 3 ot 5, rue Bayard, Paris, VIII°, 
Le gérant : B. PETITRERRY. 


No 1145 — 3 OCTOBRE 19192 


COSMOS 


SOMMAIRE 


Tour du monde. — La comète (1912 a) (Gale). L'éclipse de Soleil du 10 octobre 1912. Une étoile double 
spectroscopique à très longue période. Les campagnols. Le domaine forestier colonial de la France. 
Dénombrement des espèces de vertébrés. Le gaspillage des combustibes employés à la production de 
l'énergie. Le pompage de la houille. L'industrie du papier en France. La coloration du caoutchouc. Cause 
d’éclatements des canons utilisant la poudre sans fumée. Le force des rails. Les bateaux-phares du Havre. 
Le chasse à la baleine sur les côtes de l'Afrique du Sud. Emize Periruenry, p. 307. 


La télégraphie moderne, Mancuano, p. 371. — Le port de Colombo (île de Ceylan), C* JEANNEL, p. 373. 
— Indicateurs de vitesse et compteurs kilométriques, BerTuier, p. 373. — Cigarettes turques- 
d’Aden, BeLLer, p. 376. — Une église ambulante, Graoenwirz, p. 377. — Notes pratiques de chimie, 
Garçon, p. 880, — Le chronographe moderne, Revencuow, p. 383. — Les jouets au concours Lépine, 
FourNi£r, p. 387. — Sociétés savantes : Académie des sciences, p. 389. — Bibliographie, p. 390. 





TOUR DU MONDE 


ASTRONOMIE 


La Comète (1912 a) (Gale). — La première 
comète de l’année a encore été observée à l’Obser- 
vatoire du Cap, par Woodgate, les 13, 14 et 15 sep- 
tembre, et à l'Observatoire de La Plata, par Hussey, 
le 47. M. Marlin Ebell, de Kiel, a tiré des observa- 
tions effectuées à Melbourne le 8, à Santiago le 11 
et au Cap le 15, les éléments paraboliques provi- 
soires suivants : 


T = 1912, oct. 4,70878 T. M. Berlin. 


v = 2417,65 
Q — 293 18,27 Ÿ 1912,0 
i 82 6,58 


q = 0,7269 — 108 672 000 km. 


Avec ces éléments, M. Ebell a calculé l’éphémé- 
ride suivante : 


eSEE E drame 


| DATE 1912 DISTANCE 


ASCENSION 


DROITE DECLINAISON 


| 
f invit de Berlin Aa Soleil {A la Terre 


Sept. 15 | 14"16°4 
19 | 44 36 31 
23 | 14 53 16 
27 | 45 7 19 

1 | 15 18 59 
15 24 2 
15 26 22 
15 28 36 
15 30 43 
15 32 45 
15 34 41 
15 36 
15 38 17 
45 39 58 
15 H 34 
45483 6 


0,822 
0,788 
0,761 
0,741 
0,730 


0,937 
0,951 
0,972 
1,004 
1,035 


1,072 


| 
| 
| 
| 
| 


HH++H+HHITITETI 





T. LXVII. N° 41445. 


Les distances au Soleil et à la Terre sont données 
comme d'habitude en unités astronomiques (rayon 
moyen de l'orbite terrestre — 149 501 000 kilo- 
mètres). 

On voit que, comme nous l'avons prévu, la 
cemète remonte rapidement vers le Nord et qu’elle 
traverse l'équateur céleste le 7 octobre, trois jours 
après son passage au périhélie. Elle a parcouru 
les constellations de l'Hydre, du Solitaire, de la 
Balance, qu’elle quittera le 6 octobre pour passer 
dans celle du Serpent. Même à son périhélie, elle 
reste à une distance angulaire assez grande du 
Soleil (plus de 35°), ce qui facilitera son observation 
à l’aide d'une jumelle ou d’une petite lunette. Il 
faudra la rechercher le soir, peu après le coucher 
du Soleil. 

L'éphéméride montre que, depuis sa découverte, 
l'astre s'éloigne graduellement de la Terre, mais 
son rapprochement du Soleil contre-balance cet 
effet, et son éclat, voisin de la 6° grandeur, dimi- 
nuera peu avant la mi-octobre. 


L’éclipse de Soleil du 10 octobre 4912. — 
Une éclipse de Soleil, intéressante par sa durée 
et par le fait qu'elle est observable en de bonnes 
conditions dans des lieux facilement accessibles, 
se produira le 40 octobre prochain. La ligne de 
totalité prend naissance dans l'océan Pacifique, 
traverse l’Équateur, la Colombie et tout le Brésil, 
el se termine dans l’Atlantique Sud. Sous sa forme 
partielle, le phénomène sera observable dans toute 
l'Amérique centrale et méridionale, dans lesg 
Grandes et Petites Antilles, à Bahama, en Floride, 
dans l'Afrique du Sud et la pointe Sud de Mada- 
gascar et dans les régions polaires antarctiques. 
La plus grande durée de l’éclipse totale, voisine de 
deux minutes, sera atteinte sur la côte brésilienne, 
entre Rio-de-Janeiro et Santos. 


306 


Comme ces deux villes importantes sont à 
quinze jours de l'Europe et qu’elles sont reliées 
par une bonne ligne de chemin de fer au long de 
laquelle il sera facile de s'établir, plusieurs expé- 
ditions, française, anglaise, américaine, se ren- 
dront au Brésil pour observer le phénomène. 
L’éclipse générale commencera à 10"57" et finira 
à 41615m; léclipse centrale commencera à 1159 
et finira à 1343m, Un riche amateur anglais, le 
D" J.-H. Worthington, accompagné de M. Rossi, de 
l'Université de Manchester, et du D" Willis, de 
Rio-de-Janeiro, s’établira assez loin de la côte, dans 
une station voisine de la petite ville d'Uberaba, à 
800 mètres d'altitude. La totalité cependant n'y 
durera que 1"165, mais les conditions météoro- 
dogiques y seront probablement plus favorables. 
L'expédition de Greenwich comprendra MM. Ed- 
dington et Davidson. 

On a prétendu que l’Observatoire de Quito 
{Equateur) se trouverait dans la zone totale : 
M. Pio Emanuelli montre dans la Rivista di Astro- 
nomia que cette affirmation est erronée. Quito est 
tout à fait en dehors et au sud de la zone. 


Une étoile double spectroscopique à très 

longue période. — On sait que l’application du 
spectroscope aux observations stellaires a révélé 
qu'un très grand nombre d'étoiles, qui paraissent 
simples dans les plus puissants télescopes, se com- 
posent en réalité de deux corps très rapprochés 
qui tournent autour de leur centre de gravité 
commun en des laps de temps qui se comptent 
généralement en jours. Ces étoiles ont reçu le nom 
de doubles spectroscopiques, pour les distinguer 
des doubles visuelles dont les périodes sont en 
général incomparablement plus longues. 
. Un récent mémoire d'un astronome de l'Observa- 
toire d'Ottawa, M. W. E. Harper, publié dans le 
Journal de la Société Royale astronomique du 
Canada, montre cependant une fois de plus que 
cette division est tout arbitraire et que les étoiles 
doubles présentent toutes les périodes qu’on peut 
imaginer sans qu'aucune solution de continuité 
permette de les diviser en catégories nettement 
différenciées; bien mieux, que les deux groupes, 
spectroscopiques et visuels, se compénètrent mu- 
4ucllement. 

M. Harper a déterminé, en effet, les éléments 
de l'étoile spectroscopique à plus longue période 
qu'on connaisse actuellement, et qui n’est autre 
que y des Gémeaux. La vitesse radicale de cet 
astre fut déjà déterminée par Vogel à Potsdam, 
en 1888, et même très bien déterminée, puisque 
ces mesures, quoique remontant à un quart de 
siècle, s'accordent avec les résultats modernes à 
1.5 km par seconde près. En 1904, on reconnut à 
l'Observatoire de Lick que la vitesse radiale de 
l’éloile était variable et que lastre devait ètre 


COSMOS 


3 OCTOBRE 191412 


double; peu après, M. Slipher, de l'Observatoire 
Lowell, se basant sur ses observations et sur celles 
de ses prédécesseurs, suggéra une période de trois 
ans et demi. M. Harper a repris à son tour le pro- 
blème, après avoir, par ses observations person- 


.nelles, porté de 14 à 30 le nombre de bonnes déter- 


minations de vitesse radiale de étoile, grâce à 
46 spectrogrammes utilisables obtenus à Ottawa 
en 1907, 1908, 1909, 1911 et 1912, sur lesquels on 
a mesuré un grand nombre de lignes appartenant 
surtout au fer, au titane, au manganèse, au chrome 
et à l'hydrogène (Hy). 

C'est en discutant l’ensemble de toutes ces obser- 
vations que l’astronome américain est arrivé à une 
détermination fort satisfaisante de la courbe de 
vitesse radiale et des éléments orbitaux de y des 
Gémeaux. Il a trouvé notamment que la vitesse 
radiale de l'étoile varie entre — 4,4 et — 16,7 km : 
sec, et que l’excentricité de l'orbite atteint 0,298. 
Mais le résultat le plus remarquable de ce calcul, 
c'est la valeur élevée de la période de l'astre, qui 
est de 2175 jours (avec une approximation de 
23 jours) soit près de six ans. 

Cette période est la plus longue que l’on ait 
déterminée jusqu'à présent avec quelque certi- 
tude pour une étoile double spectroscopique. 
M. C. F. Bottlinger, de l'Observatoire de Munich, 
a montré à la fin de 1910 que l'étoile a d'Orion 
(Bételgeuse) possédait une période voisine de six 
années, mais cette détermination est encore très 
peu sûre, et cet astre ne figure pas même dans le 
deuxième catalogue de doubles spectroscopiques 
dressé par Campbell. D'autre part, « Orion appar- 
tient au type solaire, alors que y Gémeaux est du 
type de Sirius, et toutes les autres doubles spec- 
troscopiques de celte catégorie effectuent leur révo- 
lution en des périodes qui varient entre quelques 
heures et une centaine de jours au plus. Il est 
curieux de constater qu’il existe des étoiles doubles 
visuelles à périodes voisines ou plus courtes que 
y Gémeaux. Telles sont par exemple : 


x Pégase. 41,37 ans. 
143 Baleine. 1,42 ans. 
è Petit cheval. 5,70 ans. 


y Gémeaux constitue donc la transition entre 
les étoiles doubles visuelles à périodes les plus 
courtes et les doubles spectroscopiques à périodes 
les plus longues. Si Pon arrivait, par emploi de 
spectroscopes à forte dispersion, à observer la 
vitesse relative des deux composantes de cette 
remarquable étoile, et si un des télescopes les 


. plus puissants pouvait « résoudre » l’astre visuel- 


lement, la combinaison de ces mesures fournirait 
une détermination élégante de la parallaxe de 
y Gémeaux, c'est-à-dire de sa distance, sur laquelle 
on ne possède encore aucune espèce de rensei- 
gnement. 


N° 1445 


AGRICULTURE 


Les campagnols se sont montrés, cette année, 
en quantité alarmante pour les cultures, surtout 
dans les régions Est et Nord-Est de la France. Le 
préfet du Doubs a pris un arrêté rendant obliga- 
toire la destruction de ces rongeurs dans toutes 
les communes où leur présence aura été constatée. 
On peut avoir recours, à cet effet, au virus Danysz, 
préparé par l'Institut Pasteur de Paris; mais pour 
que le traitement soit efficace, il doit être fait 
d’une façon générale sur toutes les parties envahies 
par les mulots, car s'il n'est que partiel, les ron- 
geurs restés sur les parcelles non traitées envahiront 
de nouveau celles où le traitement a été exécuté. 

M. Pams, ministre de l'Agriculture, a demandé 
au ministre des Finances un crédit de près de 
300 000 francs, destinés à venir en aide aux culti- 
vateurs des départements de l'Est, Haute-Savoie, 
Doubs, Jura, Vosges, Meuse, Meurthe-et-Moselle, 
Haute-Marne, Côte-d'Or, régions où les souris des 
champs s'attaquent à toutes les cultures, et parti- 
culièrement aux luzernes. Le traitement au virus 
Danysz revient à 6,2 fr par hectare. Les cultiva- 
teurs des départements infestés ont demandé que le 
virus soit fourni gratuitement, les frais d’applica- 
tion, qui sont de 2 francs par hectare, devant 
rester à leur charge. 


SYLVICULTURE 


Le domaine forestier colonial de la France 
(Bull. Soc. Géogr. de l'Est). — Nul n'ignore que la 
France se déboise très rapidement, et que, dans un 
avenir relativement prochain, elle devra importer 
la majeure partie du matériel ligneux qui lui est 
nécessaire — elle achète déjà actuellement pour 
475 millions de bois de construction et 40 millions 
de bois exotiques par an; — mais ce que l’on sait 
peut-être moins, c'est qu’elle possède dans son 
domaine colonial d'importantes réserves auxquelles 
elle n’a pas encore fait appel. La surface forestière 
de la France est actuellement de 7 millions d'hec- 
tares environ; or, pour les quatre colonies les plus 
boisées, le domaine forestier est huit fois et demie 
plus étendu, à savoir: l’Indo-Chine, 25 millions 
d'hectares de forêts; Madagascar, 12 millions d’hec- 
tares ; Côte d'Ivoire, 12 millions, et Guyane, 
10 millions. 

L'ensemble du domaine forestier colonial est 
encore peu exploité en raison de la difficulté ou du 
manque complet des communications; mais déjà 
le mouvement d'affaires sur les bois en Indo-Chine 
représente environ 45 millions de francs pour 
4 million de mètres cubes exploités et presque 
entièrement consommés sur place. Les exportations 
s'élèvent à environ 800 000 francs, toutes dirigées 
d’ailleurs vers les entrepôts de Hong-Kong et de 


COSMOS 


307 


Singapore. Mais à la Côte d'Ivoire, le commerce d’ex- 
portation s'est élevé en 1910 à près de 44 millions 
de francs dont 470 294 francs seulement sur la 
France. De même, les exportations du Gabon vont 
en majeure partie à Hambourg, qui a recu en 4910 
plus de 40 000 tonnes de bois de cette provenance, 
tandis que la France en recevait seulement 
11 096 tonnes. 

C'est en Indo-Chine que l'exploitation forestière 
est la plus rationnelle, grâce à la vigilance du ser- 
vice créé il y a quelques années et qui a su réfréner 
la rage destructrice des indigènes. Le service 
forestier possède d’ailleurs un champ d'essai ou 
arboretum pour l'étude du repeuplement des 
meilleures essences. Si le jonc et le bambou sont 
les espèces les plus communes et qui prêtent aux 
utilisations les plus diverses, l’Indo-Chine est riche 
également en essences de prix et bois de fer. Mal- 
heureusement, le manque de routes, surtout au 
Tonkin, arrète encore l’exploitation. 

A Madagascar, où l'exploitation est encore très 
réduite, les forêts sont peuplées de 400 espèces 
diverses parmi lesquelles on compte l’ébène et le 
bois de rose. 

Nous avons vu que la Côte d'Ivoire vient au pre- 
mier rang pour l’exportation des bois, c'est que la 
forêt couvre les deux tiers de la colonie et c’est 
dans ce pays que l’on trouve le plus bel acajou. 

Enfin, la Guyane est la plus boisée des colonies 
françaises, puisque sur 12 millions d'hectares, plus 
de 140 millions sont couverts de forûts riches des 
essences les plus recherchées, mais le défaut de 
communications n'en permet pas encore l'exploi- 
tation. 


ZOOLOGIE 


Dénombrement des espèces de vertébrés. — 
M. H. W. Henshaw adresse à Science (6 sept.) 
le relevé approximatif des espèces actuellement 
vivantes appartenant à l’'embranchement des ver 
tébrés. 


Nombre d'e pèces. 


I. Mammifères 7o00 
IHI. Oiseaux 20 00V 

Crocodiles o 
Tortues l cp 
III. Reptiles Éérarda à 300 
Serpents 2 #00 
| { Grenouilles 2 600 
IV. Batraciens | Salamandres 200 
V. Poissons 12 000 
TOTAL : #7 200 

HOUILLE 


Le gaspillage des combustibles employés à 
Ja production de l'énergie. — M. Ch.-L. Parsons, 
le directeur du laboratoire de Chimie minéralo- 





308 


gique aux Ftats-Unis, vient de publier dans le Bul- 
letin du Bureau minéraloyique une étude sur les 
pertes invraisemblables de combustible dans 
l'industrie moderne. Il estime qu'environ 90 pour 
100 de l'énergie du charbon extrait des mines est 
complètement perdue, tandis que, grâce aux sys- 
tèmes d'exploitation, 250 millions de tonnes sont 
abandonnées dans les profondeurs, sans laisser 
aucun espoir de les récupérer dans l’avenir. D’après 
ses études, les anciens modes de fabrication du 
coke encore en usage représentent une perte de 
200 millions de francs en sous-produits non utilisés. 

Comme corollaire à cette appréciation, on peut 
ajouter que les études du Bureau géologique démon- 
trent que dans Îles mines excessivement riches 
du comté de Musselschell, dans l'Etat de Montana, 
on güche environ 60 pour 100 du charbon extrait 
de la mine; le Bureau demande que les exploitants 
soient astreints à une exploitation mieux raisonnée 
et plus économique. 


Le pompage de la houille. — Les dangers du 
travail souterrain dans les mines de houille sont 
connus de tout le monde; la récente catastrophe 
des mines de la Clarence et bien d’autres arrivées 
depuis quelques mois en ont apporté en ces der- 
niers temps de nouvelles et cruelles preuves. 

On s'emploie de tous côtés pour diminuer ces 
dangers et pour parer aux accidents qui résultent 
du grisou, de l'inflammation des poussiers, des 
éboulements, des envahissements les galeries par 
l'eau et par les gaz délétères. 

Il semble que l’on soit loin d'‘tre arrivé à des 
résullats satisfaisants, et cette situation donne un 
puissant intérêt à uneidée originale de MM. Hoadley 
et H. Knight, qui a pour objet de réduire au mi- 
nimum la main-d'œuvre du fond et de diminuer 
dans une grande mesure le nombre des travailleurs 
exposés aux terribles aléas de ces profondeurs. 

Ces ingénieurs constatent dabord qu'une grande 
partie de la houille extraite des mines est destinée 
à être transformée en coke dans des fours établis 
à l'orée des puits. Or, cette houille na nul besoin 
d'ètre en gros morceaux; on y emploie les menus, 
les poussiers résidus du triage, et ces produits sont 
mème plus avantageux pour cet emploi que les 
gros morceaux, si on utilise pour sa combustion 
une soulllerie suflisante; ils ont donc pensé, qu’au 
moins pour le charbon destiné à ètre transformé 
en coke, on pourrait employer un autre mode 
d'exploitation. 

lis proposent de réduire la houille en grains 
menus aun front d'exploitation; une machine spé- 
ciale se charge de cette besogne; elle est actionnce, 
soit par l'air comprimé, soit par l'électricité, soit 
plutot par l'eau sous pression qui, en tous cas, est 
projetée en abondance sur le front de taille, sup- 
primant les poussières et refroilissant les outils 
qui attaquent le minerai; ia manœuvre des organes 


COSMOS 


3 OCTOBRE 4912 


moteurs permettrait non seulement de faire agir 
la machine, mais de la déplacer dans tous les sens, 
en avant, à droite et à gauche. Un ou deux hommes 
suffisent à la conduite de l'engin, soit pour le faire 
progresser, soit pour le faire évoluer. La houille 
ainsi broyée tombe dans l'eau fournieenabondance, 
et ce mélange de liquide et de charbon est aspiré 
par des pompes analogues à celles des dragues 
suceuses. Le tout est ramené à la surface, dirigé 
dans des bassins de décantage où le charbon se 
dépose; l’eau retourne à la mine, et le charbon 
qui reste dans les bacs est acheminé vers les fours 
à coke. 

Non seulement le système éviterait la présence 
de nombreuses équipes dans le fond, soit pour 
l'abatage, soit pour le roulement des wagonnets 
vers les puits d'extraction, mais, d'après les auteurs, 
il serait beaucoup plus économique pour ramener 
le charbon à la surface que les méthodes actuelles 
d'extraction. 

Nous ne savons si le système a fait ses preuves, 
mais l'idée est au moins curieuse et, ajoutons, des 
plus ingénieuses. 


INDUSTRIE 


L'industrie du papier en France (Courrier 
du Livre, 46 septembre, et Moniteur de la pape- 
terie française). — La fabrication du papier est 
très ancienne en France; elle ne s'est pas déve- 
Joppée aussi promptement qu'en Allemagne et en 
Angleterre, et ce n’est qu'en ces dernières années 
qu'elle a réalisé des progrès marqués. En 1886, la 
production annuelle n’était que de 180 497 tonnes; 
en 4890, elle atteignait 365 000 tonnes ; en 190%, 
450 000 tonnes; en 1910, 867 000 tonnes. 

Le nombre des machines à papier, qui était de 
3588 en 1900, ne dépassait pas, en 1910, 619; on en 
doit conclure que beaucoup de ces machines ont 
été perfectionnées ou remplacées par des machines 
modernes. 

La France compte 70 départements possédant 
des fabriques de papier, et ces usines sont répandues 
sur tout le territoire. Les centres principaux de 
fabrication sont les suivants : 


Machines. Produstinn journalière 

en tonnes. 
Seine-ut Oise, ........ Das ose à Ses 374 
Isere......... are Dhs es 314 
I A E IOa ea aa 260 
Pas-de-Calais... ......, Das stress 203 
NOSOUS aaeoa ana BAe S . 416! 
Haute-Vienne... ....... SP S . LS 
Nord sn ss bison 125 
Dons sursis; ISsrnceinsuaese 120 
Charente ......,,..... 20 Meet 60 
Haute-Garonne ....... 1e et es 55 


Le département de Seine-et-Oise tient la tète, de 
par sa proximité de Paris, qui est le plus fort 


N° 1445 


consommateur en France de papier de journal et 
d'impression. 

Au cours de ces dix dernières années, la fabri- 
cation y a pris un essor considérable, et le dépar- 
tement de l'Isère, qui pendant longtemps était 
resté, grâce à ses ressources hydrauliques, le centre 
principal de la production, a été relégué au second 
rang. 

On fabrique en France quotidiennement : 

1276 tonnes de papier d'impression et d'écriture 
avec 218 machines. 

894 tonnes de papier d'emballage avec 227 machines. 

447 lonnes de carton avec 112 machines. 

212 tonnes de papier de paille avec 62 machines. 

Au total : 2 890 tonnes avec 619 machines. 


L'importation du papier et du carton est en 
constante augmentation. Voici les chiffres des der- 
nières années : 


TOUS ee an aa 143 795 000 francs. 
OS ete 23 535 000 — 
OMR remous 28 81% 000 — 
DIS ur ed hunnnn 36 062 000 — 
TIl arme En due 38 035 000 — 


La coloration du caoutchouc. — M. Seidl, 
qui vient d'étudier dans le Gummi-Kalender de 
celte année cette intéressante question peu con- 
nue, divise les procédés de coloration du caout- 
chouc en trois genres: teinture, avec des solutions 
de couleurs synthétiques organiques; vernissage, 
avec des solutions teintées de caoutchouc; enro- 
bage, intimé dans la masse de pigments minéraux. 

La teinture se fait à froid avec des sels d'acides 
gras et de bases chromogènes, en solutions benzé- 
niques : les objets ne tachent pas ainsi quand ils 
sont mouillés, ce qui se produirait si on employait 
des colorants solubles dans l’eau. On ne peut 
teindre que le caoutchouc vulcanisé à froid (dans 
une solution de chlorure de soufre), car les matières 
colorantes dérivées du goudron supportent mal la 
haute température de la vulcanisation par le 
soufre. 

Pour le vernissage, on fait usage de solulions 
caoutchoutées additionnées de couleurs laquées. 
Ces couleurs sont obtenues en précipitant des solu- 
tions de sels minéraux teintées par des dérivés de 
l'aniline : le précipité, d'ordinaire blanc, entraine 
le pigment. Le vernissage du caoutchouc donne 
des teintes vives peu solides, employées surtout 
pour les jouets. 

L'enrobage de poudres colorées se fait pour les 
tubes de caoutchouc, les enveloppes rouges de 
pneus, etc. C’est au moment de la confection des 
« mélanges » contenant, outre la gomme épurée, 
des « faclices », du soufre, des « charges » diverses 
telles que magnésie, talc, etc., qu’on ajoute les pig- 
ments. Le rouge est obtenu avec du cinabre (sul- 
fure de mercure); les bruns, avec des ocres; les 
gris, avec du noir de fumée; les blancs, avec de 


COSMOS 


369 


l'oxyde de zinc et du lithopone. Ön ne peut em- 
ployer n'importe quel colorant, parce que nom- 
breux sont les produits qui facilitent ou empêchent 
la vulcanisation. On obtient des teintes peu vives, 
mais très solides. H. R, 


Cause d’éclatements des canons utilisant la 
poudre sans fumée. — L'Engineering, du 27 jan- 
vier, recherche les raisons pour lesquelles peu de 
canons, employant de la poudre sans fumée, ont 
éclaté en Europe, tandis qu'en Amérique, dans les 
dix dernières années, quinze canons ont éclaté par 
l'emploi de poudre sans fumée et trois par l'emploi 
de la poudre prismatique brune. 

Ce fait est attribué par de nombreux ofliciers 
américains à la mauvaise qualité de l’acier ou au 
manque d'épaisseur de l’âme des canons; cette 
dernière raison semble ètre contredite par l'écla- 
tement d'un mortier de forteresse. D'autres voient 
la raison dans la forme des grains de poudre: la 
poudre sans fumée en grains perforés se brise en 
écailles et se transforme en poudre à grains fins, 
qui devient brisante et produit instantanément de 
très hautes pressions. 

Sir Andrew et d'autres officiers anglais sont d'ac- 
cord pour dire que la poudre sans fumée en grains 
perforés est une poudre excellente, mais qui, sans 
raison apparente, peut donner lieu à des pressions 
excessivement élevées, pouvant dépasser celles pour 
lesquelles le canon a été établi. (Génie civil.) 


La force des rails. — Les Américains des 
États-Unis, qui cependant ne passent pas pour 
timides, s’émeuvent d'un certain nombre d'acci- 
dents de chemin de fer dus à la rupture des rails; 
la Commission des travaux publics estime que ces 
ruptures sont dues à des vitesses exagérées pour 
lesquelles les voies n'ont pas été construites; on ne 
voit que deux remèdes au mal : ou renoncer à ces 
vitesses excessives, ou refaire les voies avec des 
matériaux plus résistants. On arrivera certaine- 
ment à cette seconde solution, si onéreuse qu’elle 
soit, car on ne renoncera pas volontiers aux trains 
rapides. Mais une telle transformation des voies 
demandera du temps, et on se demande si, en 
attendant, on aura le courage d’avoir recours à la 
diminution de vitesse conseillée. 


MARINE 


Les bateaux-phares du Havre. — On vient de 
lancer au Havre un second bateau-phare; le pre- 
mier entrera en service à la fin de 1912. Ces 
bateaux sont destinés à indiquer l'atterrissage sur 
Le Havre et la baie de Seine. De plus en plus, Îles 
navigateurs demandent que les signaux soient 
établis, non sur les obstacles mêmes, mais en 
avant de ces obstacles, et que les phares soient 
remplacés dans certains cas par des bateaux-phares, 


370 


de sorte qu'en se dirigeant sur eux les navires soient 
assurés d'éviter les dangers. 

Le phare, éclairé par une lampe électrique for- 
mée de douze bâtonnets Nernst disposés de façon 
à illuminer tout le tour d'horizon, est muni d'une 
lampe de secours à l’acétylène. L’optique est pen- 
dulaire, montée, comme dans tous les phares 
modernes, sur bain de mercure et, de plus, sus- 
pendue à la Cardan. Grâce à ces dispositifs, on 
espère que l’oscillation absolue du feu par rapport 
à l’horizon ne dépassera pas une amplitude de 4 à 
5 degrés. 


La chasse à la baleine sur les côtes de 
l'Afrique du Sud. — Uu établissement de chasse 
à la baleine est installé sur la côte du Natal (la 
Géographie, 15 fév.). En 1909, les deux navires 
attachés à cette station ont capturé 155 cétacés 
dont 449 mégaptères. (En 1908, 106 cétacés, dont 
404 mégaptères.) 

Le produit total de l'industrie baleinière au Natal, 
en 1909, a été de 1 070 tonnes d'huile, 42 de fanons. 
548 de guano, 148 d'os. L'huile de baleine trouve 
un emploi dans la fabrication de la glycérine en 
Afrique australe. 


ÉMILE PETITHENRY 


C'est avec une vive douleur que nous avons à 
annoncer la mort de notre très sympathique 
gérant, Émile-Yves Petithenry, appelé à l’autre vie 
le 29 septembre, en la fête de saint Michel, à 
l’âge de quarante-sept ans. 





COSMOS 


3 OCTOBRE 19192 


Gérant du Cosmos depuis 1908, il a encore droit 
à nos regrets à hien d'autres titres : on le comptait 
parmi les vétérans de cette Maison de la Bonne 
Presse, à laquelle il s’est attaché dès ses débuts, 
à une époque où il était encore enfant; il ne l’a 
plus jamais quittée. Il a subi avec nous, et plus 
que nous peut-être, à raison des responsabilités 
qui lui incombaient, toutes les angoisses des persé- 
cutions, et ajoutons des pillages imaginés en cette 
époque sans scrupule. Il aurait pu fuir ces ennuis, 
il a voulu rester fidèle à l'œuvre qu’il avait vue 
naitre et au développement de laquelle il a gran- 
dement contribué. 

A ces qualités de persévérance et de volonté, notre 
ami regretté joignait les plus heureux dons de 
bienveillance, de courtoisie, d’amabilité; il n'avait 
que des amis dans cette grande maison et parmi 
tous ceux qui la fréquentent. 

Longtemps président du cercle du Gros-Caillou, 
il avait su lui donner un développement et une vie 
intense. Les dons de la parole qu'il possédait à un 
haut degré lui ont permis de concourir utilement 
à une foule d'œuvres. 

Il y a un an, S. S. Pie X voulut récompenser 
ce bon serviteur, et il lui accorda la décoration 
de Saint-Grégoire le Grand; les fêtes qui accompa- 
gnèrent cette nomination auraient prouvé, s’il en 
avait été besoin, l'estime et la sympathie en 
lesquelles chefs et camarades tenaient leur vaillant 
collaborateur. 

Que Mme Petithenry et sa famille acceptent la 
respectueuse expression de nos cordiales sympa- 
thies. 


pau 


La télégraphie moderne. 


2. — Perfectionnements 
à la télégraphie Morse. 


Dans le procédé de transmission automatique 
Wheatstone, les bandes qui servent à la transmis- 
sion sont généralement préparées à la main; on 
utilise, dans ce but, de petits perforateurs pneu- 
matiques, et l'opérateur chargé de la traduction 
du télégramme en signaux perforés forme séparé- 
ment les trouets représentant respectivement les 
points et les barres, les émissions courtes et les 
émissions longues, des signaux conventionnels; on 
comprend facilement que ce mode de travail est 
lent, et l'on a naturellement cherché à substituer 
aux perforateurs simples des instruments à clavier 
formant directement et en un seul mouvement len- 
semble des trouets caractérisant chaque signal; 
tel est l'objel, peur n'en citer que deux systemes, 


(l) Suite, voir p. 280. 


dont la valeur pratique a pu être appréciée déjà, 
des machines à perforer de Kotyra, en France, et 
de Creed, en Angleterre ; des appareils de ce genre 
sont également employés dans d’autres procédés, 
comme le Delany, par exemple. 

Le but que l’on doit poursuivre lorsqu'on se pro- 
pose de combiner les procédés de travail ordinaire 
aux procédés du travail automatique est de mettre 
un appareil perforateur sous la dépendance des 
émissions électriques servant à l'envoi des signaux; 
ce résultat atteint, il devient possible, soit de 
recevoir un télégramme transmis d'une façon 
quelconque, en signaux Morse, sous forme de 
bande perforée, convenant pour la transmission 
automatique ou pour la traduction, soit de préparer 
une bande, pour le travail automatique, en for- 
mant simplement les signaux avec un manipula- 
teur ordinaire. 

Au premier abord, on pourrait s'imaginer que 
la solution de ce problème est simple, et, à la 


N° 1445 


vérité, la disposition employée à présent est si 
ingénieuse qu'elle parait presque élémentaire; en 
pratique, cependant, on éprouve des difficultés 
sérieuses à réaliser un appareil qui, ayant à effec- 
tuer un travail mécanique relativement important 


< N. t TT 
EAS T 
IRIE EE E 
RUN. Jde en AN a a 


F1G. 1. — NOUVEAU RÉCEPTEUR PERFORATEUR SIEMENS. 


— comme c’est le cas pour la perforation des bandes, 
— puisse être placé sous le contrôle direct ou indi- 
rect des émissions du courant, à la fois peu intenses 
ettrèsrapides, quientrent en jeu dans la télégraphie. 

Aussi, quoique le principe du système puisse en 
lui-même n'être pas nou- 
veau, c’est dans les derniers 
temps seulement que l'on est 
parvenu à établir des instru- 
ments répondant aux condi- 
tions de la pratique,et le bre- 
vet couvrant les dispositions 
essentielles du nouveau sys- 
tème ne remonte qu'à 1909. 

L'appareil traducteur, qui 
joue simultanément le rôle 
de récepteur et de perfora- 
teur, se compôse en principe 
de deux électro-aimants ac- 
tionnant chacun un perfo- 
rateur ; ce système n’est pas 
commandé directement par 
les courants de travail ou 
courants de ligne; ceux-ci 
n'arrivent que dans un re- 
lais, et c'est ce relais qui con- 
trôle, en local, l’appareil 
perforateur. 

La particularité originale du système est que les 
électro-aimants ne sont pas excités par des émis- 
sions continues, mais par les courants de charge 
et de décharge d’un condensateur de capacité con- 
venable; dans une position, le relais relie ce con- 


COSMOS 





371 


densateur à la source électrique, et le courant qui 
se produit de celle-ci sur celui-là excite l'un des 
électro-aimants; dans l’autre position, il fait cesser 
ce reliement et permet au condensateur de se 
décharger; le courant de décharge se fait sur le 
second électro-aimant, qui 
fonctionne ainsi à son tour; 
pour les deux électro-aimants, 
la durée de l'excitation est 
très brève, et il en est de 
même du mouvement des per- 
forateurs. 


Ces organes travaillent sur 
une bande étroite de papier 
qu'un mécanisme d'’entraine- 
ment déplace à une allure 
uniforme plus ou moins ra- 
pide ; comme leur mouvement 
est très vite, ils n’arrêtent pas 
le déroulement de la bande et 
ils n’y pratiquent qu’un petit 
trouet circulaire. 

Le premier des perfora- 
teurs fait le trou dans l’un 
des côtés de la bande; le se- 
cond, de l’autre côté ; les trous marquent respec- 
tivement le commencement et la fin de l'émission 
originale, et ils se succèdent à un intervalle plus 
ou moins grand selon la durée de celle-ci. 

La figure 1 reproduit le récepteur perforateur, et 





F1G. 2. — NOUVEAU TRANSMETTEUR AUTOMATIQUE SIEMENS. 


la figure 2 montre la forme des bandes perforées 
produites par cet appareil; on voit en W'W*, à la 
figure 1, les électro-aimantis agissant sur les per- 
forateurs, ceux-ci glissent dans le båti P, où passe 
la bande de papier; Æ est le moteur de com- 


72 COSMOS 


mande; D, un interrupteur de mise en marche, et 
RW, un rhéostat pour le réglage du moteur. 

Comme nous l'avons dit, la bande peut être 
employée, soit pour une traduction en caractères 
ordinaires, soit pour une retransmission; dans le 
premier cas, c'est-à-dire lorsque le télégramme 
recu doit être remis au destinataire par le bureau 
qui l’a enregistré, un employé l’enlève, puis le lit, 
signe par signe, et écrit le télégramme, soit à la 
main, soit à la machine. 

La seconde application est nécessairement la 
plus intéressante et la plus importante puisqu'elle 
a précisément pour but d'éviter les manipulations, 
enregistrement, transmission, requises, dans les 
conditions ordinaires, pour tout télégramme reçu 
en passage dans un bureau intermédiaire et immo- 
bilisant un employé. 

Avec le nouveau système, ces manipulations 
s'effectuent automatiquement, sans comporter au- 
cune dépense appréciable de main-d'œuvre, de 
sorte que l’on est beaucoup mieux à l'aise pour 
faire face aux exigences du travail. 

L'utilisation des bandes pour la retransmission 
comporte l'emploi d'un appareil de transmission 
spécial; comme l’appareil perforateur, le trans- 
metteur utilisé est simple, et sans doute les frais 
d'acquisition en seraient-ils sensiblement moins 
élevés que ceux d'autres appareils du même genre. 

Ce transmetteur se compose, en principe, d'un 
mécanisme d'entrainement du papier et d’un sys- 
tème de deux ressorts souples, servant à la forma- 
lion des signaux. 

Entrainée par le mécanisme, qui est lui-même 
actionné par un pelit moteur électrique, la bande 
de papier passe au-dessus des balais qui s'appuient 
légèrement contre sa surface inférieure par l'inter- 
médiaire de petites saillies obliques. 

Dès qu'un trouet arrive au-dessus d’une saillie, 
celle-ci v pénètre et laisse basculer le ressort, 
dont Pextrémité libre va toucher une pièce de 
contact fixe. 

Il en résulte la fermeture d’un circuit élec- 
trique et, parle jeu d'un dispositif à condensateur 
analogue à celui employé dans le traducteur per- 
forateur, cetle émission est reportée sur la ligne. 

Le fonctionnement d’un balai correspond au 
commencement de l'émission et celui de l'autre 
balai à la fin de l'émission. | 

Les courants envoyés sur la ligne concordent 
done avec ceux qui ont servi, à l'origine, à la pré- 
paration de la bande, et ils en reproduisent exac- 
tement les signaux. | 

Ils peuvent ètre reçus, dans le bureau où ils 
arrivent, à volonté, au moyen des appareils enre- 


3 OCTOBRE 1912 


gistreurs ou traducteurs ordinaires ou au moyen 
d'un appareil traducteur-perforateur reconstituant 
uneseconde bande pour une nouvelle transmission. 

Un procédé de travail intéressant consiste à 
employer l’appareil transmetteur automatique en 
local, c’est-à-dire pour l’actionnement d'un appa- 
reil récepteur auditif ordinaire, de façon à per- 
mettre la traduction des bandes et l'inscription du 
télégramme en caractères d'écriture ou d’impri- 
merie. 

Nous reproduisons à la figure 2 une photogra- 
phie du transmetteur automatique : # est le 
moteur actionnant le mécanisme d'entrainement 
du papier; X est un disque de contaci et a, b, z 
des balais frottant sur ce disque constituant un 
dispositif de distribution spécial ayant pour but 
de donner à ce fonctionnement du système la 
cadence nécessaire lorsque l'appareil travaille 
avec une bande Wheatstone; c'est une bande 
Wheatstone qui est montrée sur la figure; sur le 
còté de l'appareil, à droite du moteur, se trouve 
le rhéostat de réglage de celui-ci : en N est placé 
un levier de contact permettant de mettre en jeu 
ou d'éliminer le dispositif distributeur déjà men- 
tionné; on voit, sur la gauche, une vis de réglage, 
ainsi qu'un interrupteur, à l’aide duquel on met 
en ligne, soit l’appareil transmetteur, soit une 
clé ordinaire, pour la formation manuelle des 
signaux. 

L'appareil récepteur-perforateur peut fonction- 
ner à une vitesse de cent mots par minute; lap- 
pareil transmetteur à une vitesse correspondante 
lorsqu'il emploie les bandes du récepteur-perfora- 
teur et à une vitesse supérieure avec les bandes du 
Wheatstone; la célérité est donc bonne; quant à 
la manipulation, elle est simple pour tous deux 
et ne demande pas une habileté professionnelle 
particulière. 

On voit que le nouveau système peut ètre con- 
sidéré comme répondant aux conditions fonda- 
mentales à remplir pour permettre l'application 
aussi élastique que possible des procédés de tra- 
vail couramment en usage dans la télégraphie 
Morse et des procédés de transmission automa- 
tique. 

Il comble donc une lacune, et si, malgré cela, il 
ne se généralise pas ultérieurement autant qu'on 
pourrait l’espérer, c'est que les conditions d’exé- 
culion du service télégraphique sont extrêmement 
variées dans les différents pays et qu’une tendance 
marquée se manifeste dans les grandes exploila- 
tions vers la mise en usage d'appareils imprimeurs 
à clavier. 

H. Marchan. 


N° 1445 


COSMOS 


Le port de Colombo (île de Ceylan). 


Le 4° mai dernier, Son Excellence le colonel 
Mac Callum, gouverneur de l'ile de Ceylan, a posé 
la pierre commémorative de achèvement du port 
de Colombo. Ce port, complètement artificiel, n’est 
protégé contre la haute mer que par des jetées qu'il 
a fallu construire de toutes pièces et quine mesurent 
pas moins de 3 kilomèires de développement. La 
superficie du port alteint 660 acres, soit 50 acres 
de plus que le port de Douvres, de sorte que 
Colombo occupe actuellement comme importance 
le troisième rang parmi tous les ports de l'empire 
britannique. Il n'est dépassé que par Londres et 
Hong-Kong. 

Les Anglais ont fait de cette ville une base com- 
merciale et navale de première importance. Dock 
de réparation, ateliers, magasins d'approvisionne- 
ments, dépôt de charbon, rien n’y manque; les 
navires de commerce y trouveront toute facilité 
pour charger et décharger leurs cargaisons; quant 
aux navires de guerre, ils tireront de là tout ce qui 
leur sera nécessaire pour se réapprovisionner et 
réparer leurs avaries. 

La construction du port de Colombo n'a pas duré 
moins de trente-sept ans. Cette durée paraitra bien 
longue à première vue, mais il ne faut pas oublier 
que les travaux à la mer sont particulièrement dif- 
ficiles dans cette région. La mousson qui souffle 
avec violence pendant la moitié de l’année oblige 
non seulement à interrompre les travaux, mais 
encore à protéger la maconnerie et les empierre- 
ments en cours de construction. 

C'est en 1871 que sir Hercule Robinson, alors 
gouverneur de l'ile, choisit Colombo pour être le 
principal port de Ceylan. A cette époque, le com- 
merce de la ville étail presque nul, mais dès 177 
les aménagements du port étaient déjà assez avancés 
pour assurer un transit de 606 000 tonnes de mar- 
chandises. L'année dernière, le total des importa- 





tions et des exportations a atteint 8 919 148 tonnes. 
Les recettes, qui en 1877 s'élevaient à 62 290 rou- 
pies, ont atteint 259 949 roupies en 1911; le nombre 
des colis de toutes sortes reçus ou expédiés chaque 
jour est de 400 000 en moyenne. 

Ceylan, par sa position même, était destinée à 
devenir un point d’arrèt pour les navires se diri- 
geant vers l'Extrême-Orient, et après l'augimenta- 
tion considérable du trafic qui a suivi l’ouverture 
du canal de Suez, il était indispensable de pourvoir 
l'ile d’un port qui lui permit de jouer le rôle que 
la nature semblait lui réserver. Sir Robinson fut 
chargé de faire les premières études à ce sujet, 
mais ce ne fut qu'en 1871 qu'un projet définitif fut 
adopté. 

D'après ce premier projet, le port devait avoir 
une superficie de 502 acres (204 hectares environ) 
et une profondeur maximum de 8 mètres à marée 
basse ; mais en 1884, alors que les travaux étaient 
à peine commencés, ces dimensions parurent insuf- 
fisantes. La navigation à vapeur se dévelonpait de 
jour en jour, le tonnage des navires mis à flot 
croissait également, il était à craindre que le port 
tel qu’on l'avait conçu ne fût bientòt encombré. On 
résolut en conséquence de porter la superficie à 
660 acres (267 hectares environ) et la profondeur 
maximum à 41 mètres; on décida en même temps, 
sur les conseils de l’Amirauté, la construction d’un 
grand bassin de réparation de 210 mètres de lon- 
gueur. À coté de ce bassin se trouve un dépôt de 
250 000 tonnes de charbon avec les installations 
nécessaires pour le prompt ravitaillement des 
navires en combustible. 

D'après l Engineering, auquel nous empruntons 
ces détails, les travaux du port de Colombo n'au- 
raient coùté que 3 millions de livres sterling, soit 
75 millions de francs. 

L'-CI JEANNEL. 


Indicateurs de vitesse et compteurs kilométriques. 


Il est extrêmement intéressant, lorsqu'on fait 
du tourisme en automobile, de pouvoir connaitre 
à chaque instant un certain nombre de facteurs 
tels que la vitesse de marche, le chemin parcouru, 
la consommation d'essence... Divers appareils 
ont été imaginés à cet effet : les uns utilisent l’élec- 
tricité comme agent de transmission, les autres se 
servent de l'air comprimé.....; enfin il en est qui 
sont purement mécaniques. Nous ne nous occupe- 
rons que de ces derniers, et nous nous contenterons 
de décrire un seul modèle parmi les nombreux 


appareils qui sont proposés actuellement aux 
chauffeurs. 

4° L'indicateur de vitesse permet de suivre à 
tout instant la vitesse de marche et de régler faci- 
lement l'allure de la voiture: on évite ainsi la 
« griserie de la vitesse », l'aiguille de Pindicateur 
rappelant au conducteur qu'il marche trop vite. 

La figure 1 représente le méranisme de Findica- 
teur de vitesse Kirby Beard and C*, qu repose 
comme la plupart des appareils analogues sur une 
utilisation de la force centrifuge. Le mécanisme 


374 COSMOS 


cemprend essentiellement un train d’engrenages Bet 
C, commandé par câble souple, sur lequel est monté 
un régulateur centrifuge, dont les masses FF 
sont montées oscillantes sur les bras articulés /f. 
Lorsque l'arbre D tourne, les masses FF tendent 
à s'éloigner de l'arbre, sous l’action de la force 
centrifuge. Les bras ff sont fixés d’un côté (à 


o 


iaj D i í 
JNA = 


1 


se 


$> 
LL 


| 


ŒIL 


FIG. 1. — INDICATEUR DE VITESSE KIRBY-SMITH. 


droite) directement sur l’arbre D, de l’autre à une 


douille E portant une crémaillère circulaire. 

Entre le point fixe D’ et la douille E’ sont inter- 
calés trois ressorts à boudin 1,2, 3, montés chacun 
sur une douille en bronze portant une collerette dd". 
Ces ressorts sont de résistance progressive : le res- 
sort { est, ainsi qu'on le voit sur la figure, moins 
long et de fil plus fin que les autres. C’est lui qui 
le premier s'oppose à l'effort du régulateur qui 





F1G. 2. — COMMANDE PAR FRICTION SUR LA ROUE AVANT. 


tend à le comprimer. Les trois ressorts 'du régula- 
teur entrent en action successivement, suivant 
laugmentation de la vitesse ; le plus faible élant 
comprimé le premier, ainsi qu’on vient de le dire, 
Quand la vitesse atteint une certaine valeur, la 
douille D préserve le ressort 4 d'une compression 
trop grande, le deuxième ressort entre alors en 


3 OCTOBRE 1919 


action, puis, si la vitesse augmente encore, les 
douilles D et E continuant à se rapprocher, le troi- 
sième ressort agit à son tour. 

La marche du régulateur centrifuge est trans- 
mise à l'aiguille indicatrice I’ du cadran par la 
douille E au moyen du pignon E' fixé de même que 
l’aiguille indicatrice sur la tige I. Tout mouvement 





F1G. 3. — COMMANDE PAR ARBRE DE CARDAN. 


de l'aiguille en arrière est absorbé par un ressort 
spécial à qui tend toujours à ramener l'aiguille 
indicatrice à zéro. Ce dispositif assure à l'aiguille 
indicatrice une fixité très satisfaisante. 

Chaque appareil est spécialement calibré pour la 
force de ses propres ressorts d’après un appareil 
étalon. Le cadran est alors divisé à la main pour 
chaque appareil, ce qui permet d'obtenir des indi- 
cations très exactes. 


- 


DA 


KS 


NT 


at 
où 
ko 
ah 
Cet 
dt 
de 
i 
# 





F1G. 4. — COMMANDE PAR ENGRENAGE. 


L'instrument peut être muni d'une aiguille sup- 
plémentaire, dite maxima, enregistrant la plus 
haute vitesse atteinte par la voiture et pouvant 
être ramenée à volonté à zéro. Une serrure spé- 
ciale fixée au poussoir de remise à zéro empêche 
de ramener l'aiguille maxima en arrière. 

Les indicateurs « Ever Ready », Chauvin et 


Ne 1:45 


Arnoux, etc., les Speedometer Jones, etc,, l’odota- 
chymètre 0O. S., etc., sont analogues à l'appareil 
précédent : les uns utilisent la force centrifuge, les 
autres le magnétisme; un aimant permanent, dont 
la vitesse de rotation est fonction de celle du véhi- 
cule, agit sur un disque de cuivre ou un cylindre 
d'aluminium — oscillant ou tournant — dans le 
champ magnétique. Un ressort compense l'entrai- 
nement. Le champ magnétique restant toujours 
fermé, le degré d'aimentation de l’aimant demeure 
pratiquement invariable. Comme dans le cas pré- 
cédent, les indications sont instantanées et l’aiguille 
est absolument stable. 

La commande d’un indicateur de vitesse est 
assez délicate. On peut employer diverses méthodes 
d’inégale valeur : commande par friction sur la 
roue avant, commande sur arbre de cardan et 
commande par engrenage. Le dispositif le plus 
employé est peut-être le premier (fig. 2); la poulie 
à gorge P, munie d’un anneau de caoutchouc, 









Auto_ Kilometlreur 





F1G. 5. — AUTO-KILOMÉTREUR. 


montée sur double roulement à billes, est serrée 
dans la mâchoire du support S qui a été fixé sur 
la fusée X. Cette poulie est maintenue en contact 
avec le cercle d'aluminium Q, que l’on visse sur la 
roue intérieurement, par un ressort R en forme de S, 
qui assure une adhérence parfaite de l’anneau de 
caoutchouc sur le cercle d'aluminium. Le câble 
flexible d'acier, goupillé à la poulie et roulant dans 
sa gaine F, transmet le mouvement de rotation de 
la poulie P au mécanisme de l'indicateur. 

La commande sur arbre de cardan est plus 
simple encore que la précédente, mais elle exige 
évidemment que cet arbre soit à découvert (fig. 3). 
Quant à la commande par engrenage, elle est cer- 
tainement moins silencieuse, mais plus robuste que 
les précédentes (fig. 4). 

Le compteur kilométrique permet non seule- 
ment de connaitre exactement le chemin parcouru, 
mais encore d'exercer un contròle constant sur la 
durée des fournitures employées sur l'automobile : 
pneumatiques, pièces de rechange, litres d'huile et 


COSMOS 375 


d'essence par kilomètre, etc. En général, l’auto- 
kilométreur, autodomètre, autocompteur..... se 
monte sur le chapeau au moyeu d’une des roues 
avant. Etant ainsi installé, il participe au mouve- 





FıG. 6. — AUTODOMÈTRE. 


ment de rotation de cette roue, mais l’axe qui 
commande la minuterie intérieure du compteur 
porte sur son extrémité soit un petit champignon 
en acier, soit une étoile, qui viennent reposer sur 
une rondelle d'acier tournant avec le compteur. 


|| 


o 


| 


N 


atea 
(Eu il LL ju Qt 1 l j 


í 


ne EET k — J : 
rl 





F1G. 7. — AUTODOMÈTRE. 


Vue extérieure. 


Dans l’auto-kilométreur Chauvin et Arnoux, le 
champignon est placé à l'extrémité d’un ressort à 
boudin de forme appropriée (fig. 5) portant à son 
autre bout une molette taillée qui, sous la pression 


376 


de ce ressort, vient simplement appuyer sur lex- 
trémité de la fusée d'essieu, où elle reste immobi- 
lisée par la rugosité du métal. 

Dans l'autodomètre, l'entrainement du système 
compteur est assuré par le doigt coudé C (fig. 6) 


fixé à carré sur l'arbre J. Une goupille B est alors 


placée sur lécrou A pour servir de butée à ce doigt. 






S SMITH & SON 
Ê) KIRBY BEAROCO, LO 
260-5647 








FIG. 8. — INDICATEUR DE VITESSE ET COMPTEUR COMBINÉS. 


G représente la vis sans fin qui transmet le mou- 
vement à la minuterie H. L est le boitier ou carter, 
F la vis de serrage du couvercle du compteur fixé 
au chapeau D par les vis E. 

Lorsqu'on préfère avoir constamment sous les 


COSMOS 


3 ocronne 4912 


yeux les indications du eompteur kilométrique, on 
peut utiliser les appareils à transmission mécanique 
(tige flexible ou électrique). Dans ce cas, on réunit, 





F1G. 9. — INDICATEUR DE VITESSE ET COMPTEUR COMBINÉS, 


en général, le compteur à l'indicateur de vitesse 
comme le représentent les figures 8 et 9; dans le 
premier cas, un seul cadran suffit pour les deux 
appareils; dans le second, les deux cadrans sont 
Juxtaposés. A. BERTHIER. 





Cigarettes turques d’Aden. 


Les cigarettes turques tiennent une place fort 
importante dans la consommation du tabac, 
même en des pays comme la France, où elles se 
heurtent à un monopole, et où le consommateur est 
obligé de les payer démesurément cher. Mais ce 
qu'on ne sait généralement pas, c’est que les meil- 
leures peut-être de toutes les cigarettes turques 
ou égyptiennes (la cigarette dite égyptienne étant 
faite, elle aussi, de tabac turc), ce sont les ciga- 
rettes fabriquées à Aden. On se demandera pour- 
quoi; nous allons l'expliquer. En tout cas, ce qui 
est assuré, cest qu'Aden possède des manufactures 
de cigarettes considérables et nombreuses. 

C'est en 1886 qu'une maison du Caire, fabriquant 
beaucoup pour l'exportation avec des tabacs turcs 
(puisque l'Egypte ne produit pas de tabac), constata 
les avantages du climat d'Aden pour cette indus- 
trie spéciale. Depuis lors, son exemple a été suivi 
par six autres grandes maisons qui produisent pour 
l'exportation en tout pays, et il existe également 
à Aden au moins une centaine de pelites manufac- 
tures travaillant pour le consommateur indigène, 
Les connaisseurs, particulièrement en Orient, pré- 
lèvent de beaucoup les cigarettes faites à Aden 


à celles faites au Caire, parce que le climat parti- 
culièrement sec d’Aden conserve bien mieux l’arome 
délicat du tabac, et que, avec même qualité de ma- 
tière première, la cigarette est bien plus parfumée. 
Ce n’est pas, du reste, la seule raison pour laquelle 
les maisons du Caire ont établi des succursales 
à l'extrémité de l’Arabie. C’est aussi que le tabac 
entre en franchise à Aden, que les constructions 
coûtent peu cher, que le prix de la main-d'œuvre 
est faible, et que les frets sur l'Inde sont plus bas, 
sans être plus élevés, au contraire, sur l’Angle- 
terre. Tout naturellement, le climat sec assure la 
conservation proprement dite du tabac en magasin 
tout aussi bien que celle de son arome. | 
Le meilleur tabac qui soit importé à Aden pour 
la préparation des cigarettes provient de Cavalla, 
et il est connu sous le nom de Basma; la qualité 
suivante est nommée Samsoun, mais elle ne vient 
point exactement de ce point; il s'agit de tabac 
d'Asie Mineure présentant une certaine force. Et 
c’est pour cela que, dans les cigarettes de luxe, on 
donne la prédominance au tabac de Cavalla, mais 
en lui adjoignant du tabac dit de Samsoun, pour 
relever un peu la saveur, et énfin en additionnant 


N° 1415 


d’un peu de tabac de Smyrne, qui a un arome si 
prononcé. Tout au contraire, dans les cigarettes 
bon marché fabriquées à Aden, on emploiera du 
tabac fort et un peu grossier de Bulgarie à la place 
du Samsoun, et du tabac grec pour remplacer le 
Smyrne. D'ailleurs, comme la demande n'a fait 
qu'augmenter continuellement depuis une vingtaine 
d'années, le prix de tous ces tabacs a monté de 
quelque 60 pour 100. 

Les six grandes manufactures de cigarettes 
d'Aden n'emploient guère plus de 300 hommes, et 
pourtant on peut dire que tout le travail est fait 
à la main. Quand des balles de tabac arrivent au 
rez-de-chaussée de l'usine, elles sont amenées 
devant le « coupeur en chef », d'ordinaire un Grec 
fort expert, qui fait procéder à l’assortiment par 
une série d'ouvriers arabes ou Juifs arabes tra- 
vaillant sous ses ordres immédiats. Tous s’accrou- 
pissent en cercle et sur le plancher autour d’un 
grand panier, et en ayant à côlé d’eux un petit 
panier et la portion de la balle que chacun doit 
trier. Ils sortent une à une les feuilles contenues 
dans ce panier, et ils ne jettent dansle grand panier 
que les plus belles et les plus fines. Ce qui reste 
est trié de nouveau et de façon analogue, de ma- 
nière à constituer des qualités décroissantes, pla- 
cées dans des récipients spéciaux; l’on met de côté 
le résidu final. 

Ce sont les paniers de choix qui sont alors portés 
au « hacheur principal », qui mélange les feuilles 
une à une suivant son appréciation personnelle, et 
naturellement aussi la qualité désirée; il place 
l'espèce de bouquet formé dans une sorte de gout- 
tière métallique au bout de laquelle un couteau 


COSMOS 


377 


peut ètre abattu, et c'est à l’aide de ce couteau qu'il 
hache, grâce à son habileté professionnelle, le mé- 
lange de tabac exactement aux dimensions voulues, 
et pour en tirer la matière de cigarettes excep- 
tionnelles. Ce hacheur en chef est un grand per- 


_ sonnage dont la réputation de la maison peut 


dépendre; aussi lui distribue-t-on ce qu'on consi- 
dère là-bas comme un traitement royal, 375 francs 
par mois et six mois de congé par an. Quant aux 
tabacs qui ne sont pas réellement de choix, ils sont 
coupés à l’aide d'une machine actionnée par une 
manivelle. Il faut deux hommes pour tourner cette 
manivelle et deux autres pour alimenter la machine 
de feuilles; il suffit d’une de ces machines même 
dans une grande usine. Etil n’y a guère de chances 
pour que des appareils perfectionnés s'’intro- 
duisent de si tòt dans un pays où le capital est 
rare, et la main-d'œuvre encore bien bon marché. 

Le tabac coupé est porté aux ouvriers fabriquant 
les cigarettes par des enfants qui sont en réalité 
des apprentis. Tout ce ‘personnel est composé 
d’Arabes, de Juifs ou de Grecs. Les cigarettes sont 
empaquetées dans dés boites en carton qui se 
fabriquent en Allemagne; mais ces boites en carton 
de 400 cigarettes sont enfermées à leur tour dans 
des boites en fer-blanc qui, elles, sont failes à la 
fabrique et peuvent contenir de 100 à 1000 ciga- 
rettes: Les emballages et étiquetages complémen- 
taires sont exécutés sur place, et à la main natu- 
rellement. 

A noter que la plupart des cigarettes turques ou 
égyptiennes d’Aden sont expédiées sur l'Europe 
par la voie de Hambourg. 

D. BELLET. 





UNE ÉGLISE AMBULANTE 


Si les chemins de fer européens, avec leurs 


wagons-restaurants et leurs wagons-lits, augmentent 


le confort des voyageurs, ceux de l’Amérique vont 
beaucoup plus loin dans cette voie: les grands 





VUE EXTÉRIEURE DU WAGON-CHAPELLE. 


express traversant le Continent n'ont, en effet, que 
peu à envier à un hôtel moderne, et sans les trépi- 
dations inévitables, la poussière et l'impossibilité 
de se mouvoir librement, on s’y sentirait, même 


pendant une course de plusieurs jours, aussi par- 
faitement à l’aise qu'à la maison. Les « wagons- 
églises », récemment adoptés par les chemins de 
fer américains, ne sont cependant pas destinés à 


N° 1445 





COSMOS 


379 


L'AUTEL, LE CONFESSIONNAL ET LA TABLE DE COMMUNION. 


tures de chemin de fer les plus grandes qui existent; 
la chapelle proprement dite, longue de 13,5 m, 
renferme 74 places; les sièges, au nombre de 30, 
sont fixés rigidement au plancher de la voiture et 
comportent des prie-Dieu très confortables. Rien n’y 
manque de ce qui fait partie des installations ordi- 
naires d'une église catholique à demeure; le service 


peut donc se faire avec la solennité accoutumée; 
l'aute] et le confessionnal sont d'une disposition 
très artistique, et l'orgue est d’une construction 
spéciale. La voiture, éclairée à l'acétylène, est 
chauffée par des calorifères Baker. 

Le reste de la voiture, destiné à l'habitation du 
prêtre et de ses aides, renferme les compartiments 


280 


suivants : un cabinet de travail, servant en même 
temps de salle à manger, une bibliothèque, un 
bureau, la chambre à coucher des aides et celle du 
chapelain, les cabinets de toilette et la cuisine; 
des meubles de sacristie et des armoires à provi- 
sions. 

Cette voilure-église, de concert avec une voiture 
analogue construite il y a plusieurs années, par- 


COSMOS 


3 OCTOBRE 191% 


court les différents districts des États-Unis, en 
s’arrétant là où ses services sont nécessaires. Les 
séjours varient de trois jours à une semaine, et 
comme la voiture en fait trente à quarante par an 
et que le service, en dehors de la messe quoti- 
dienne, comporte l'instruction religieuse tous les 
jours, il est aussi chargé que dans une église per- 
manente. D" A. GRADENWITZ. 





NOTES PRATIQUES DE CHIMIE 
par M. JULES GARÇON. 


A travers les applications de la chimie : Les FONCTIONS AZOTÉES (suite) : LA FCNCTION ALCALOÏDE. — 
LES PRINCIPAUX ALCALOÏDES ET LEURS APPLICATIONS. — CURIEUX CAS D'EMPOISONNEMENT PAR LE MERCURE. — 
COMPOSITION DES CACHETS FAIVRE. — ASPIRINE ET ERVASINE. — DEFENSE DE PAR LA LOI DE PRENDRE DE 
L'UROTROPINE. — LE MARASQUIN FRANCAIS. — APPLICATIONS DE LA PARAFFINE. 


Les fonrtions asotées (suite) : La fonction alca- 
loide. — Il nous reste deux fonctions azotées à 
exposer, la fonction alcaloïde et la fonction albu- 
minoïde. Voyons aujourd’hui la première. 

On désigne sous le nom d’alcaloïdes naturels des 
composés basiques qui se trouvent dans les végé- 
taux. Tous les alcaloides renferment de azote. 
Certains d'entre eux dérivent très nettement de la 
pyridine et de la quinoléine, du phénanthrène, de 
la purine. Quelques-uns ont pu être reproduits syn- 
thétiquement. 

Tous les alcaloides sont des poisons d'une vio- 
lence redoutable; mais, employés à dose très 
faible, ils produisent des effets qui sont utilisables 
en thérapeutique comme narcotiques, tétaniques, 
paralysants, régulateurs ou toniques. On emploie 
les alcaloïides ou leurs sels solubles, ou les poudres, 
les extraits et les teintures des substances végé- 
tales. 

L'action toxique des alcaloides peut s'exercer 
d'une façon sournoise. Telle l'aventure qui vient 
d'arriver aux tisseurs d'une région de la Grande- 
Bretagne; ils éprouvaient des malaises très graves 
et l’on ne savait à quelle cause les attribuer. Un 
examen approfondi a pu découvrir cette cause 
dans les alcaloïdes volatils qui se dégageaient du 
bois exotique des navettes de leurs métiers à tisser. 

Les principaux alcaloides sont ceux tirés de 
l'opium, des tabacs, de la belladone, des strrvchnées, 
des ombellifères, des quinquinas. Disons quelques 
mots de chacune de ces classes. 

Les alcaloïdes de l'opium, ou suc épaissi du pavot 
blanc, sont la codéine, la narcéine, la morphine, 
la narcotine, la thébaïne, la papavérine. La codéine, 
Ja narcéine, la morphine sont des soporifiques ino- 
dérateurs des réflexes, les autres sont de plus con- 
vulsivants. Ces alcaloides sont employés comme 
calmants dans les diverses affections aiguës, soit 


à l'état de préparations opiacées, soit à l’état d’al- 
caloïdes purs ou de sels. Les principales prépara- 
tions opiacées sont l'extrait d’opium, le sirop dia- 
code, les gouttes noires-des quakers, l’élixir paré- 
gorique, le laudanum, le pantopon, le pantopon 
démorphiné. La morphine (C'*H'°NO*,H:0) à l’état 
de chlorhydrate est le plus employé de ces alca- 
loïides pour calmer les douleurs; mais l’on sait à 
quelle dégénérescence de l'organisme son abus 
peut conduire. La codéine (C'*H?:NO*,H:0), qui est 
son éther méthylique, est moins actif; c’est le cal- 
mant des potions enfantines. La papavérine a vu 
sa synthèse réalisée il y a quelques années. Le 
pantopon démorphiné convient tout spécialement 
pour calmer les douleurs des gastralgies. L'élixir 
parégorique à la dose journalière de dix à vingt 
gouttes est souverain contre les diarrhées, de 
même que le diascordium contre les dysenteries. 
La morphine, la codéine se ratlachent au phénan- 
thrène. 

La hachischine est le principe actif du chanvre 
indien. Elle produit des hallucinations agréables; 
le « Vieux de la Montagne » en utilisait l’influence 
pour envoyer ses adeptes souriants à la mort. 

Le principal des alcaloïdes des tabacs est la nico- 
tine (se rattache à la pyridine), d'un usage telle- 
ment répandu aujourd'hui, en agriculture, comme 
insecticide, et également pour combattre les mala- 
dies parasitaires des bestiaux, que la production 
est très insuffisante pour répondre aux demandes. 

Les solanées vireuses fournissent quatre alca- 
loïdes principaux, qui sont, par ordre d'action 
croissante : la jusquiame, l’hyoscyamine, l’atropine 
de la belladone, la daturine; ils sont employés 
comme calmants. Le baume tranquille est à base 
de belladone. L'atropine semble se rattacher à la 
glyoxaline, isomère du pyrazol. 

L’alcaloïde des strychnées, autrement dit stry- 


N° 1449 


chnine (C?!H?3N20?), est le type des poisons téta- 
niques, et Pun des poisons les plus terribles que 
Pon connaisse. C'est le poison de l’ U pas tieute dont 
les Indiens de Bornéo munissaient la pointe de 
leurs flèches. La strychnine est employée pour 
tuer les fauves dans les colonies et les bètes 
puantes dans nos pays. Il semble étonnant qu'un 
produit aussi dangereux ait pu trouver des appli- 
cations courantes en médecine; on utilise cepen- 
dant les gouttes amères de Baumé dans les para- 
lysies, dans les gastralgies par atonie, et l’arséniate 
de strychnine pour relever les forces; mais on se 
doute que les doses doivent ètre infiniment 
réduites. Le contrepoison de la strychnine est 
l'adrénaline. 

Plus intéressant est le groupe des alcaloiïdes du 
quinquina (se rattachent à la quinoléine) dont le 
principal, la quinine, est le spécifique des fièvres 
pernicieuses. L’extrait mou de quinquina jaune 
est un excellent tonique. La quinine est aussi 
excellente contre la migraine, et à petites doses 
répèlées contre la grippe. Comme le sulfate de 
quinine est difficilement soluble dans l’eau froide, 
on ordonne souvent le chlorhydrate ou le bromhy- 
drale qui sont plus solubles, et pour les enfants 
l’euquinine, ou éther éthylcarbonique, qui est 
moins actif. 

La cinchonine, alcaloïde des quinquinas un peu 
moins actif comme fébribuge que la quinine, a 
l'avantage de ne pas déterminer les mêmes bour- 
donnements d'oreilles. 

Nous ne pouvons passer sous silence, dans cette 
courte revue, la caféine et la cocaine. 

La caféine ou théine (C*H!°N°02,H°0) est un 
excitant. Nous en avons parlé à propos du café 
décaféiné. Cet alcaloïde se rattache à l'acide 
urique; c'est une triméthyldioxypurine. C'est le 
principe actif du café, du thé, de la noix de kola, 
des feuilles de coca, du mathé ou thé du Paraguay. 
On peut la préparer synthétiquement. 

La cocaine (CY H!!NO*) est un calmant très 
employé. Au point de vue chimique, c'est une 
méthyl-benzoyl-ecgonine. Le choix de l'acide éthé- 
rifiant la fonction alcoolique a une grande influence 
sur les propriétés physiologiques, tandis que le 
choix de l'alcool éthérifiant n'en a pas; l'acide 
benzoïque parait le meilleur, et si on le remplace 
par un acide gras, la propriété anesthésique dis- 
parait. 

Enfin, la colchicine, principe du colchique d’au- 
tomne, est un poison drastique violent; la cicu- 
tine, alcaloide de la grande ciguë (au point de vue 
chimique: a-propylpipéridine), est un poison paraly- 
sant; c'est celui de la mort de Socrate; l'aconitine 
est un narcotique; la curarine est un poison sagit- 
taire redoutable employé par les naturels de 
l'Amazone; l'ergotinine est le principe de l’ergot 
de seigle; la solanine existe dans les pommes de 


COSMOS 


381 


terre non cuites; la spartéine, retirée du genût, 
est un cardiaque moins actif que la digitaline; 
enfin la muscarine est l’alcaloïde des champignons, 
découvert en 1826 et reproduit synthétiquement 
en 14870 à partir de la choline. 

Les doses maxima pour adultes des principaux 
aicaloïdes, telles que ces doses sont inscrites à la 
pharmacopée française, sont (pour une dose) : 
aconitine, 0,0002 g (2); apomorphine et son chlor- 
hydrate, 0,043 g (41); atropine, 0,0005 g (2): 
sulfate d'atropine, 0,004 g (2); caféine, 0,5 g (4); 
cocaine (chlorhydrate), 0,05 g (3); codéine, 
0,05 g (4); phosphate de codéine, 0,075 g (4); col- 
chicine, 0,002 g (2); bromhydrate de conine, 
0,03 g (5); digitaline (glucoside) cristallisėe. 
0,0003 g (3); ergotinine, 0,004 g (2); hydrastine, 
0,10 g (3); hydrastinine et chlorhydrate, 0,05 g (3): 
laudanum, 2 grammes (3); morphine ‘{chlorhv- 
drate), 0,02 g (4): pilocarpine (azotate),0,02 g (2,3: : 
sulfate de spartéine, 0,05 g (5): strophantine, 
0,0003 g (3); strychnine, 0,003 g (3); sulfate de 
strychnine, 0,006 g (3); théobronine, 4 gramme (4); 
vératrine, 0,002 g (5). Les chiffres entre paren- 
thèses indiquent le nombre de doses maxima 
pour vingt-quatre heures. 


Curieux cas d'empoisonnement par le mercure. 
— Un journal de médecine bavarois rapporte un 
curieux cas d'intoxication mercurielle. {1 s’est pro- 
duit à la suite d'exercices de tir en chambre qui 
avaient duré quelques jours, et les personnes que 
leur service maintenait dans la salle présen- 
tèrent tous les symptomes de l'empoisonneinent 
par le mercure; nausées, vomissements, coliques 
et même stomatite. La ventilation était insuflisante 
pour enlever la fumée provenant de l'explosion 
des capsules au fulminate de mercure. 


Composition des cachets Fairre. — Les cachets 
Faivre, très utilisés contre Îles névralgies, les 
migraines, les maux de dents, sont à base d’oxy- 
quinothéine (Basset). Mais cette substance n'est 
pas un produit défini, et sa composition est incon- 
nue. Une analyse relatée dans lApoth. Zeitunry 
(1912, p. 343) donne la composition suivante (par 
cachet pesant 0,725 g): phénacétine, 0.30 g ; 
pyramidon, 0,15 g; sulfate de quinine, 0,135 g; 
caféine, 0,10 g; magnésie calcinée, 0,04 g. Cest 
donc un mélange complexe. 


Aspirine et ervasine. — Pendant que nous par- 
lons de médicaments, notons que laspirine ou 
acide acétylsalicvlique, ordonnancėé souvent par 
les médecins pour combattre la diathèse rhumatis- 
male, a l'inconvénient de provoquer parfois des 
douleurs stomucales et mme de linflammation 
des reins. On propose, à sa place, un homologue 
supérieur, l'acide acétylerésotinique, sous le nom 
d'ervasine, qui ne présente pas ces inconvénients, 
même aux doses de 10 grammes. 


302 


Defense de par la loi de prendre de l'urotro- 
pine. — La loi de germinal prohibe la vente et 
l'annonce des remèdes secrets, mème si la vente 
se fait par ordonnance du médecin. Or, la Cour 
d'appel de Caen (7 mars 1907), siégeant comme 
Cour de renvoi sur une décision de la Cour de 
cassation du 8 décembre 1906, a qualifié remède 
secret l'urotropine, qui est aujourd’hui d’un emploi 
constant, et a condamné un pharmacien qui l'avait 
délivrée sur ordonnance de médecin, parce que 
ce médicament n'est pas formulé au Codex et que 
le médecin n'avait pas « prescrit les substances 
qui entrent dans sa composition et les proportions 
dans lesquelles elles doivent être employées ». 
Voilà ce qu’on peut appeler une belle chinoiserie, 
à rapprocher de la décision judiciaire qui vient 
d'interdire aux Normands de faire de la « boisson » 
avec du pur jus de cidre. 


Le marasquin français. — Le marasquin est 
une espèce de kirsch sucré ou de tafia de cerises 
sauvages fait avec les cerises marasques. Le centre 
de sa produclion est Zara, en Dalmatie. Après 
avoir écrasé les cerises très müres, on ajoute 
10 grammes de miel blanc par kilogramme de 
cerises écrasées, on laisse se produire la fermen- 
tation alcoolique, puis on distille. Après un repos 
de six mois à un an, on rectilie la liqueur. 

Fabrique-t-on du marasquin en France? Très 
peu; il y a un fabricant dans l'Isère, et un centre 
de fabrication autour de Grasse. D'une enquète 
faite par le ministère de l'Agriculture sur la pro- 
duction des cerises marasques et celles du maras- 
quin, nous extrayons quelques données, la plupart 
négatives. 

Dans les Alpes-Maritimes, une centaine de mil- 
liers de kilogrammes de cerises sauvages, dites 
marasques, sont récoltées autour de Grasse, et 
fournissent 42 000 à 14000 litres de marasquin. 
On commence aussi à produire un peu de kirsch. 

Les départements des Bouches-du-Rhône, de la 
Drome, du Gard, de la Lozère, du Var, de Vaucluse 
ne produisent ni marasques, ni marasquin, ni 
kirsch. 

Quelques cerises sauvages du département du 
Var sont envoyées sur le marché de Grasse. Dans 
le département des Basses-Alpes, une quantité de 
cerises douces, guignes et bigarreaux, sont con- 
sommées en nature ou vendues à la confiserie. 
Dans celui des Hautes-Alpes, il y a peu de cerises; 
celles de Sainte-Lucie servent à faire des cerises 
à l'eau-de-vie. 

En Ardèche, on distille les cerises ordinaires 
lorsqu'elles se vendent mal; le kirsch produit est 
consommé dans la région. 

La Savoie ne produit pas de marasques, mais on 
v distille les cerises sauvages. De même, en Haute- 
Savoie, on obtient du kirsch avec une petite cerise 


COSMOS 


3 OCTOBRE 1912 


noire non greffée; ce kirsch se vend de 3 à 5 francs 
le litre. 

La fabrication du marasquin n'existe que dans 
deux départements, l'Isère et les Alpes-Maritimes. 

Dans l'Isère, on fait, avec les cerises, du ratafia 
et du kirsch. On se sert surtout de la merise ou 
mouronne, rouge ou noire, la noire surtout à jus 
très coloré et sucré. La production du ratafia était 
estimée, en 1904, à 1 000 hectolitres, dont 600 à 
Grenoble; ce ratafia est du jus de cerises alcoolisé 
et sucré. Quant au kirsch, quelques communes du 
canton d’Allevard produisent une dizaine d'hecto- 
litres d’un kirsch très estimé, pardistillation au bain- 
marie. Les liquoristes de Grenoble en produisent 
une cinquantaine d’hectolitres. Enfin, les proprié- 
taires en produisent aussi, les années d’abondance. 

On obtient, comme rendement, avec 100 kilo- 
grammes de cerises, 66 kilogrammes de jus et 
6 à 8 kilogrammes de kirsch à 50°-55° d'alcool. 


Applications de la paraffine. — Une applica- 
tion inaltendue de la paraffine est l’enrobage des 
fromages. Lorsque le caillé, ou résultat de la coa- 
gulation du lait par la présure, a été égoutté, 
salé, puis séché au halage pour former une croûte 
demi-ferme, on le descend en cave où il mürit 
sous l’action de divers microbes. Le développement 
de ceux-ci assure, comme Duclaux l’a mis le pre- 
mier en lumière, la transformation de la pâte 
opaque et porcelanée en une pâte transparente et 
coulante. Dans cette transformation, la caséine 
est d'abord solubilisée, puis la caséine soluble 
est dégradée el fournit des produits odorants. Ces 
actions sont le fait de plusieurs espèces de microbes 
qui, tous, produisent un ferment soluble, la 
caséase, analogue à la diastase. 

« Chacun d'eux, explique Duclaux, prend la 
caséine à un certain point de son échelle de de- 
struction et la fait descendre de quelques degrés; 
après quoi, son action s'arrête..... A la surface du 
caillé, pullullent les êtres aérobies, empruntant à 
l'air son oxygène et l’employant à brüler les ma- 
tières organiques en contact. Quelques-uns qui 
passent pour s'accommoder d'une privation plus ou 
moins complète d'oxygène s'enfoncent plus ou 
moins loin dans les profondeurs de la masse et s’y 
mélangent avec des anaérobies purs. Une fois déve- 
loppés, tous ces êtres forment en quelque sorte 
une société de secours mutuels; ceux de la surface 
préparent des diastases pour ceux de la profondeur 
et les préservent de l'action de l'oxygène; ceux de 
la profondenr produisent des gaz qui brassent le 
liquide, favorisent la volatilisation du carbonate 
d'ammoniaque et rendent la vie plus facile aux 
aérobies. Quelques-uns de ces êtres prennent 
comme point de départ les matériaux élaborés par 
d'autres et respectés ensuite, parce qu'ils sont deve- 
nus impropres ou mème nuisibles. Ils les détruisent, 


No 1445 


les décomposent, les amènent à une forme plus 
simplifiée sous laquelle ces aliments sont repris 
par une espèce moins difficile. » 

On voit que les microbes de la surface ont une 
action certaine. En outre, les moisissures jouent 
aussi leur rôle dans la formation de la croûte et 
dans la production du goùt à la maturation. On 
peut se demander si l’enrobage à la paraffine n’est 
pas nuisible. Sans doute, il est utile de soustraire 
le fromage à l’action des ferments de la putréfac- 
tion, mais il ne faut pas en même temps nuire à 
l'action des ferments utiles. Cet enrobage se fait 


COSMOS 


383 


sur des fromages qui ont subi un cavage de quelques 
jours; il s'effectue en plongeant le fromage, au 
moyen d'une écumoire, dans la paraffine fondue 
(104°), et en le retirant aussitôt. Il ne semble pas 
pouvoir convenir à toutes les espèces de fromages. 

Une application plus certaine de la paraffine est 
le‘vernissage de planchers en sapin. On sait com- 
bien les planchers en sapin sont ennuyeux par les 
éclats qu'ils produisent. Pour éviter cet inconvé- 
nient et assurer leur vernissage, on peut mettre 
un léger enduit de paraffine à leur surface et le 
faire pénétrer en passant un fer chaud. 





Le chronośéraphe moderne. 


Au xvm siècle, le terme de chronographe était 
absolument inconnu en horlogerie. En fait de chro- 
nographe, lescontemporains de Ferdinand Berthoud 
et de Pierre Le Roy ne connaissaient pas autre 
chose que l'amusement consistant dans l'assemblage 
de plusieurs mots qui ont un sens et sont choisis 
de manière que les lettres numérales qui s'y ren- 
contrent marquent l'année ou le millésime de 
quelque événement. 

Le vers : 


franCorVM tVrbls sICVLVs fert fVnera Vesper, 


dont les lettres numérales, écrites en majus- 
cules, forment la date des Vèpres siciliennes, 
M CC L VVVVVV II = 1282, était un chronographe 
ou chronogramme. 

C’est en 1821 seulement que le terme de chro- 
nographe parait être entré dans le domaine de la 
chronométrie. C'est à cette époque, en effet, que 
Rieussec jeune, horloger du roi, fit connaitre sous 
ce titre un petit appareil horaire servant à indi- 
quer sur un cadran mobile, par des signes visibles 
et permanents, la durée de plusieurs phénomènes 
successifs. Approuvé par l’Académie à la suite 
d'un rapport de Prony et Bréguet, le chronographe 
de Rieussec recut du second de ces académiciens 
un premier perfectionnement. Bréguet rendit la 
fixité au cadran et la mobilité à l'aiguille. 

En 1831, le célèbre Winnerl imagina la première 
forme de l'organe capital du chronographe mo- 
derne, le cœur, et le mécanisme du dédoublement 
de l’aiguille. 

Enfin, en 1862, le brevet anglais de Nicole fut 
comme la charte constitutive et définitive du nouvel 
instrument. Disons en passant que ce brevet a été 
formellement contesté par H. F. Piguet, ouvrier 
de Nicole, qui s’est toujours prétendu l'inventeur 
‘de l’ensemble breveté par son patron. Il est de 
fait que Piguet, malgré le brevet de Nicole, con- 
struisit toujours des chronographes sans jamais 
être inquiété par celui-ci. 


Quoi qu'il en soit, on sait que, depuis le commen- 
cement du xx° siècle, le chronographe, dont le nom 
est à peine prononcé dans la dernière édition du 
Traité classique d'horlogerie, de Claudius Sau- 
nier, est devenu un instrument indispensable à 
quiconque s'occupe d’expériences scientifiques ou 
de sport, c’est-à-dire à peu près à tout le monde! 

Il faut reconnaitre que nos grands constructeurs 
sont parvenus à faire de cet instrument, le plus 





F1G. 1. — LE CHRONOGRAPHE LE PLUS SIMPLE. 


délicat de tous les appareils horaires, un véritable 
chef-d'œuvre. 

Sous sa forme la plus simple, le chronographe 
nous apparait comme une montre ordinaire avec, 
au centre, une très fine aiguille supplémentaire 
faisant en une minute le tour du cadran, sautillant 
à chaque vibration du balancier et marquant ainsi 
le cinquième de seconde sur la graduation qui lui 
est réservée, concentriquement à celle des heures 
et minutes (fig. 1). En appuyant sur le même 
bouton, vous obtenez consécutivement la mise en 
marche, l’arrèt et la remise à zéro de l'aiguille. 

Vous pouvez déjà contrôler pas mal d'expériences 
avec ce chronographe élémentaire. Toutefois, à 


38% 


condition que ces expériences ne durent pas plus 
d'une minute, deux au maximum. 

Aussitôt que vous dépassez ce dernier chiffre, 
vous avez besoin d’un compteur auxiliaire de 
minutes. Le chronographe prend alors l'aspect de 
la figure 2. Le compteur, dont l’aiguille opère sur 
midi, peut compter jusqu’à 30 ou 60 minutes sui- 
vant vos besoins. Sur la figure 2, il compte 30. 

Dans ces deux modèles, le chronographe est 
simplement additionneur. 

Mais dans nombre de eas, spécialement lorsqu'il 
sagit de vitesse, additionner ne suffit pas. Le pos- 
sesseur d’un chronographe demande à son instru- 
ment de faire lui-même {es opérations que com- 
porte la réduction de ses indications à l'unité fon- 
damentale. Il lui demande d'ètre une véritable 
machine à calculer (4) et d'effectuer des règles de 





F1G. 2, — CHRONOGRAPHE AVEC COMPTEUR DE MINUTES. 


trois. Le chronographe à cadrans tachymétriques 
se prèle volontiers à celte exigence et évite ainsi 
toute erreur à son propriétaire. 

La figure 3 représente un cadran tachymétrique 
du modèle le plus simple indiquant les vitesses de 
12 à 120 km par heure. 

Mais ces limites sont trop rapprochées, la plupart 
du temps; la vitesse de 120 km par heure, en par- 
ticulier, nous apparait comme quelque chose de 
très ordinaire depuis que les aéroplanes nous ont 


(i) Il est intéressant de rappeler à ce propos que 
l'une des plus intéressantes machines à calculer, celle 
qui, au dire des personnalités compétentes les plus 
autorisées, comme M. Maurice d'Ocagne, est peut-être 
arrivée le plus près de la perfection, l'Arithmaurel, 


a été construite par le chronométrier Winnerl. C'est 
la seule délicatesse de ses nombreux organes qui a 
empèché son usage de se répandre. 


COSMOS 


OCTOBRE 1912 


fait entrevoir celle de 200 comme devant être lal- 
lure courante des avions légers de lavenir. Le 
chronographe, pour vous satisfaire, allongera donc 
ses graduations. Pour la base kilométrique, il ira de 





F1G. 3. — CHRONOGRAPHE TACHYMÈTRE 
INDIQUANT LES VITESSES DE 12 A 120 KM PAR HEURE. 


12 à 240 km par heure. Pour la base hectométrique, 
de 2 à 24. Mais comme il lui faudra disposer de 
plusieurs tours pour ses graduations, il les écrira 


3 


A m 
gr LL 





FiG. 4. — CHRONOGRAPHE AVEC DEUX GRADUATIONS TA“ 
CHYMÉTRIQUES, UNE DE 2 A 2%, L'AUTRE DE 12 A 240, 
COMPTEUR DE MINUTES ET INDICATION DE LA SPIRE SUR 
LAQUELLE DOIT SE LIRE LA VITESSE. 


N° 1445 


en spirale. Et pour éviter des confusions dans les 
lectures, les spires successives seront de couleurs 
différentes, et un petit indicateur spécifiera par la 
position de son index la couleur de la spire sur 
laquelle il conviendra de faire la lecture dans 
chaque cas. 

Ici, par exemple, cela devient compliqué. Vous 
avez un cadran du type de la figure 4, avec six 
aiguilles : heures, demies, chronographe, trotteuse 
de secondes, compteurs de minutes, indicateur de 
spires! Si vous voulez ménager vos yeux, vous 
ferez bien de recourir à l’artifice que vous offre la 
figure 5. Vous prendrez un chronographe à double 
cadran. L'un de ces cadrans sera exclusivement 
tachymétrique comme l'indique la figure 5. Le 
cadran de l’autre face sera celui de la figure 2. 

Le chronographe peut également fonctionner 





F1G. 5. — DÉDOUBLEMENT DE CADRAN DU CHRONOGRAPHE 
DE LA FIGURE #. LES AIGUILLES D'HEURES, MINUTES, TROT- 
TEUSE ET COMPTEUR DE MINUTES SONT REPORTÉS SUR UN 
SECOND CADRAN. 


comme télémètre ou comme pulsomètre. Comme 
télémètre, il donnera automatiquement la distance 
du point d’où sont partis simultanément un signal 
lumineux et un signal sonore. Comme pulsomètre, 
il indiquera la fréquence des battements du pouls 
après le comptage de 20 ou 30 pulsations (fig. 6). 

D'une façon générale, le chronographe peut se 
plier à solutionner toutes les questions dans les- 
quelles la réponse est fonction à la fois de l’espace 
et du temps. 

Mais c'est surtout dans le chronométrage que 
son utilité et sa souplesse sont vraiment merveil- 
leuses. 

Il utilise alors le dédoublement de l'aiguille chro- 
nographique. 

Supposons une piste sur laquelle un certain 


GOSMOS 385 


nombre de coureurs vont exécuter chacun un 
nombre de tours devant un chronométreur. S'il a 
entre les mains un chronographe ordinaire, il 





+ PULSA 
Pi Se. 


rs | 





F1G. 6, — PULSOMÈTRE OU SPHYGMOMÈTRE 
GRADUËÉ POUR 30 PULSATIONS OU BATTEMENTS. 


pourra bien, à chaque passage, arrêter son aiguille 
et noter l'heure. Mais, obligé de revenir à zéro et 
d'en repartir à chaque opération, il n’aura pas de 
liaison avec le point de départ de la course. C’est 
la dédoublante rattrapante qui va lui donner 
celte indispensable liaison. 





F1G. 7. — CHRONOGRAPHE 
AVEC AIGUILLES DÉDOUBLANTE ET RATTRAPANTE. 


Au signal donné par le starter, notre chronomé- 
treur appuie sur le bouton de son appareil. Les 
deux aiguilles de chronographe s’élancent sur la 


386 


piste du cadran, collées l’une à l’autre. Au premier 
passage, seconde pression sur le bouton. L'une 
des aiguilles s'arrête, l’autre continue sa : course 
comme si rien n'était arrivé. Le chronométreur 
note l'heure, la minute, la seconde et le cinquième 
pointé par l'aiguille immobilisée. Cela fait, une 
troisième pression libère cette aiguille qui s’en va 
d’un bond reprendre sa place sur sa sœur qui a 
continué de marcher. La même série d'opérations 
se renouvelle à chaque passage de coureur. 

La figure 7 représente un chronographe avec 
aiguille dédoublée. 

Dans la figure 8, la commande du chronographe 
se fait électriquement par la pression de la main 
sur le bouton de la poire. Cette commande peut 
aussi se faire d’une façon absolument automatique. 

J'ai dit que l'aiguille chronographique marquait 


COSMOS 


3 OCTOBRE 1912 


généralement le cinquième de seconde. Elle peut 
aussi marquer le dixième. De même le chrono- 
graphe peut comporter la graduation des heures 
dans le système décimal, duodécimal ou biduodé- 
cimal. 

J'ai indiqué que, dans le chronographe, le cœur 
était l'organe capital. C’est, en effet, lui qui est 
chargé de ramener à zéro les aiguilles et de recon- 
duire d'un bond la rattrapante sous sa compagne, 
La figure 9 empruntée à uneétude de M. Le Coultre, 
et que le Journal suisse d'horlogerie a bien voulu 
m'autoriser à reproduire fera saisir le fonction- 
nement de cet organe. 

Le cœur sert dans le chronographe pour re- 
mettre à zéro l'aiguille chronographique, simple 
ou dédoublée, et pour faire rattraper à la dédou- 
blante sa compagne, après chaque opération. 





F1G. 8. — DEUX CHRONOGRAPHES AVEC DÉDOUBLANTE ET RATTRAPANTE ACCOUPLÉS FONCTIONNANT PAR PRESSION DE LA 
POIRE OU AUTOMATIQUEMENT. PEUVENT SE CONTROLER MUTUELLEMENT OU FONCTIONNER ALTERNATIVEMENT POUR 


CHRONOGRA^APHIER DES PHÉNOMĖNES TRÈS RAPPROCHĖS. 


Pour la remise à zéro, voici sommairement 
comment les choses se passent. L'aiguille chrono- 
graphique est montée sur la roue R,et son axe 
porte, outre cette roue, une pièce C taillée de 
manière à présenter deux portions symétriques de 
spirale d'Archimède allongée, ou plutôt, comme 
l’a démontré M. Le Coultre, de spirale logarith- 
mique. La roue R’ fait parlie du mouvement de la 
montre et engrène naturellement avec la roue R” 
montée sur un levier B pivotant en O. Lorsque le 
chronographe est au repos, cette roue R” tourne 
à vide. La première pression du bouton du chrono- 
graphe a pour effet de faire basculer le levier B 
autour de son axe O et de faire engrener presque 
instantanément R" avec R. L’aiguille chronogra- 
phique part. La seconde pression du bouton fait 
basculer en arrière le levier B, dégrener la roue R" 
et provoque par freinage ou pincement l'arrêt de 


la roue R et de son aiguille. Dans cette posilion 
d'arrêt, la troisième pression du bouton fait tomber 
le levier LH sur la courbe du cœur, et déplace 
cette courbe dans un sens ou dans l’autre jusqu'à 
ce que H se trouve logé dans l’encoche. Dans cette 
position, l'aiguille chronographique doit se trouver 
exactement sur zéro. 

Lorsqu'on fait agir le mécanisme de dédoublante 
rattrapante les choses se passent de la façon sui- 
vante : 

L’aiguille normale du chronographe est en N, la 
rattrapante en M. L’aiguille de rattrapante et la 
roue RT sont fixées sur l'axe intérieur qui tourne 
librement dans le canon K, lequel porte l'aiguille N, 
la roue R et les deux cœurs c et c'. Lorsqu'on veut 
arrèter la rattrapante, une pince vient saisir par 
sa circonférence la roue RT et l’immobilise ainsi 
que l'aiguille M; maisle cœur c’ continue de tourner 


N° 1445 


avec l'autre aiguille N et son canon K, en soulevant 
le levier L’ toujours maintenu appuyé contre lui 
par le ressort D. 

. Aussitòt qu'une pression aura desserré la pince 
calant la roue RT, celle-ci se trouvera entrainée 
par l’action du levier L’ qui glissera sur la courbe 
du cœur c’ jusqu’à ce qu’il soit revenu à la position 
normale indiquée sur la figure, | 

et qui correspond à la superposi- 
tion des deux aiguilles N et M. 

On voit que pour que ces divers 
effets se produisent avec toute la 
précision voulue, toutes les 
pièces de chronographe doivent 
être faites avec un soin extrême, 
d'une légèreté extraordinaire, 
avec des dentures de roues très 
fines en vue d'éviter les jeux, et 
des cœurs taillés mathématique- 
ment afin que les leviers L et L’ 
ne rencontrent pas de résistance 
en parcourant avec rapidité la 
courbe jusqu’à l'encoche. 

La quasi instantanéité de tous 
les mouvements augmente encore 
les difficultés de l'exécution. 

Malgré l'extrême délicatesse 
des systèmes chronographiques 
dont la figure 9 nous donne 
idée, les constructeurs sont arrivés à établir de 
ces appareils dont la marche ne laisse rien 
à désirer (1). 

Au dernier concours de chronomètres de Besan- 
con, des. chronographes à rattrapante ont figuré 
aux premières places avec des chronomètres ordi- 
naires sans complications. Au concours spécial de 
1912, organisé à Besançon pour l'Auto sous les 
auspices de l'Automobile Club de France, 43 pièces 
ont amplement satisfait aux exigences imposées. 
La première aurait occupé le deuxième rang dans 
le classement général des chronomètres. 

Les chronographes se fabriquent aujourd’hui par 
des procédés mécaniques absolument comme les 
bonnes montres. 

Les grandes usines, comme celle des Longines, 
qui a bien voulu nous communiquer les illustra- 
tions accompagnant cette note, sont arrivées à des 


(1) La rattrapante moderne qui date d’une trentaine 
d'années est, on le pense bien, fort loin de celle origi- 
nale de Winnerl pour la construction et la précision 
des effets. 


COSMOS 


387 


résultats vraiment extraordinaires par cette fabri- 
cation. 

Il faut toutefois remarquer qu'elles ne con- 
struisent pas l’article ca melote. 
Le chronographe bon marché est un chrono- 
graphe trompeur et, par suite, toujours trop cher, 
si bon marché soit-il. 





Fia. 9. — SCHÉMA 
DES MÉCANISMES DE CHRONOGRAPH£& ET DE RATTRAPANTE. 


On peut dire, en effet, de cet instrument ce que 


Boileau disait de la poésie : . | 
Chez lui, 

Il n’est pas de degrés du médiocre au pire 
LéoroLp REVERCHON. 


383 


Les jouets au 12° 


L'exposition annuelle des petits fabricants et 
inventeurs français s’est tenue au Grand Palais. 
Les premières manifestations de ces braves gens 
eussent été noyées dans la grande nef, aussi ne 
songeaient-ils pas à venir s’y loger. Mais le succès 
grandissant du concours Lépine les a obligés à 
chercher un local de plus en plus vaste, et, après 
avoir habité en dernier lieu la salle du Jeu de 
Paume, puis la cour de la caserne du Château- 
d'Eau, ils sont parvenus à « enlever » le local qui 
leur convient. Cependant, l'Administration ne leur 
en a attribué que la moitié, de sorte que les comp- 
loirs de vente ont dù émigrer à l'étage supérieur 
sur les galeries. Réellement, le hall en entier leur 
est indispensable pour faire valoir les produits de 
leur industrie ; j'espère que l’an prochain on ne le 
leur refusera pas. 

Ce demi-hall a été utilisé d'une manière parfaile. 
Des tables triangulaires rayonnant autour de points 
centraux étaient couvertes de jouets, d'inventions, 
d'œuvres d'art. Cette distribution a permis d'effec- 
tuer un classement méthodique par séries, en grou- 
pant les jouets sur les tables qui leur étaient dési- 
gnées, les inventions sur d'autres, etc. De sorte 
que le visiteur, armé de son catalogue, trouvait de 
suite l'emplacement des objets qui pouvaient l'in- 
téresser. C’est bien, mais il reste encore à effectuer 
la distribution de chaque exposant, sur les tables, 
par numéro d'ordre : ce sera parfait. 

Ainsi que nous le faisons chaque année, nous 
allons décrire, des quatre cents et quelques créations 
exposées, les plus pittoresques, les plus intéres- 
santes d'entre elles. Cest avecune grande satisfac- 
tion que l’on s'arrête devant ces choses, souvent 
informes encore, d'un fonctionnement douteux, 
mais qui représentent une idée neuve, un appel au 
sourire de l'enfant. Quel noble idéal que celui qui 
s'élève jusqu'aux tout petits pour solliciter leur 
joie, pour mendier leurs caresses! Que de tels 
hommes doivent être bons! 

De plus en plus le jouet électrique disparait de 
ces concours; les seuls représentants ne sont que 
des transformations plus ou moins heureuses de 
ceux que nous connaissons. Mais nous verrons que 
l'électricité se présente sous une autre forme et 
que les inventeurs n'hésitent pas à travailler ferme 
certains problèmes qu'ils se posent depuis plusieurs 
années, comme, par exemple, l’enseignement élec- 
trique de la musique. En règle générale, le con- 
cours de jouets a plutôt brillé par le nombre des 
objets exposés que par la puissance créatrice. 
Beaucoup d'idées vieilles revivent sous des formes 
déjà connues par ailleurs, et très peu de jouets 
sortent de la vulgarité. On dirait que les inven- 
teurs, hypnotisés par le jouet bon marché, s’éver- 


COSMOS 


3 OCTOBRE 1912 


concours Lépine. 


tuent à simplifier ceux qui leur ont paru propres 
à souffrir une amputation. Il est donc bien difficile 
de faire quelque chose avec deux bouts de bois et 
un ressort ? 

Un inventeur a pris le problème tel que nous 
venons de le poser et a construit un pistolet 
lance-disques tout aussi amusant que ceux à cap- 
sules de fulminate. L’une des planchettes est 
arrondie pour être tenue en main; l'autre, plus 
courte, en est solidaire, prèsde l'extrémité «canon», 
par une pointe autour de laquelle elle peut tourner, 
sollicitée par un ressort assez puissant fixé, d'une 
part, à l'extrémité de cette deuxième planchette 
et, d'autre part, sous la première. Le pistolet au 
repos prend assez la forme d’une croix dont les bras 
sont inégaux. Pour armer, on abaisse la petite 
réglette sur la grande et on la maintient par un 
crochet-gâchette. Le disque se fixe dans une rainure 
pratiquée sur l’arrière de la petite planchette. On 





Im 


PISTOLET LANCE-DISQUES. 


tourne le crochet-gàchette avec l'index, et le ressort, 
se détendant violemment, chasse la planchette 
mobile avec une telle force que le disque est pro- 
jeté à 20 mètres au loin. 

Dans un autre ordre d'idées, mais toujours dans 
le jouet à bas prix, nous avons la sauterelle-acro- 
bate. Une légère boite de carton est pourvue d'un 
portique tendu de fils de fer horizontaux. Ce por- 
tique s'élève au-dessus d’un paysage constitué 
essentiellement par une mare habitée par quelques 
grenouilles, un chemin et un puits. Le puits est 
ouvert (un trou dans le carton) et la bouche de la 
grenouille également de la mème manière: ce 
sont les deux obstacles qui font perdre le joueur. 
La sauterelle, indépendante, comme toute saute- 
relle qui se respecte, est armée de quatre crochets. 
Il s'agit de la faire sauter sur les fils du portique. 
Rien n'est plus simple. Avec un petit maillet on 
frappe sous le fonds de la boite à l'endroit occupé 


Ne 1415 


par la sauterelle. Celle-ci s'élève et retombe dans 
le paysage, dans le puits ou la bouche de la gre- 
nouille, à moins qu’elle s’accroche à un fil. En 
attribuant une valeur différente à chaque fil et en 
limitant le nombre de coups de chaque joueur, on 
arrive à s’amuser. 

On s'amuse également bien avec le jeu qui porte 
le joli nom 7 love you. C’est le jeu de la pâque- 
rette : il — ou elle — m'aime un peu, beaucoup, ete., 
que nous avons tous joué... autrefois. Je l’ai revu 
avec plaisir! Les pétales sont en bois blanc: ils 
portent, chacun, sur une de leurs faces, les mots 
cabalistiques connus, mais on les retourne sur le 
fond de la boite au moment de jouer. Au centre, 
une demi-sphère jaune représente la masse des 
étamines. Sur cette masse, on pose un joli petit 
papillon rose si léger que le moindre mouvement 
d’une raquette le chasse au hasard sur le jeu. Il 
va, vient et finit par se reposer sur un pétale. 
L'intéressé le retourne et lit: « Pas du tout »! 
Evidemment, il n’a rien gagné! D’autres seront 
plus heureux. 

Aux amateurs de plaisirs gastronomiques, nous 
offrirons Le repas des carnivores. Imaginez deux 
bêtes n'ayant de bête que la tète; le reste appar- 
tient à une époque antérieure ou future. L’inven- 
teur prétend qu’il a construit deux pélicans en bois. 
C’est fort possible. Quoi qu’il en soit, les deux dits 
pélicans sont dressés l’un en face de l’autre, prêts 
à s'entre-dévorer. Heureusement, un poisson, éga- 


COSMOS 389 


lement en bois, se trouve, comme par hasard, sus- 
pendu à proximité des deux becs. Il deviendra la 
proie du plus habile. Chaque joueur manœuvre un 
pélican avec ses deux mains. L'une est occupée 
à faire avancer le corps et l’autre à fermer le bec 
au moment où le poisson, très étourdi, s'y est 
engouffré. Ce jeu est parfaitement inepte; eh bien, 





2. I LOVE YOU. — 1. LE REPAS DES CARNIVORES, 


on s’y amuse en assistant aux efforts des deux 
pélicans pour attraper le poisson, très agile malgré 
tout, à l'extrémité de son fil. Si l’un des deux l'a 
saisi par la queue, l'autre le prend par la tête, et 
ils se disputent la proie en tirant jusqu'à ce que la 
victime ait échappé, par traction, à l’un des deux 
voraces. 





SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 
Séance du 23 septembre 1912. 


PRÉSIDENCE DE M. GRANDIDIER. 


Sur le tremblement de terre survenu dans 


la nuit du 14 au 15 septembre 1912. — 
M. l'abbé’ VerscuarreL donne d'intéressants détails sur 
le tremblement de terre ressenti à l'Observatoire 
d'Abbadia dans la nuit du 14 au 15 septembre 1912 
vers 2 heures (temps légal). 

Le phénomène s'est étendu dans toute la région du 
Sud-Ouest; à Abbadia,le mouvement était horizontal; 
à 2 kilomètres dans le Sud, vertical. 

Le phénomène de l'agitation était accompagné d'un 
bruit très ressemblant à celui d’un grand vent; dans 
certaines localités, un peu plus dans les montagnes, 
il y a eu deux secousses sensibles, celle de 2 heures 
étant la plus forte. Dans quelques localités les cloches 
ont Llinté, la vaisselle s'est choquée et s'est brisée. 

Jusqu'à cette année, l'Observatoire semblait inacces- 
sible aux tremblements de terre, mais cette année on 
en a observé deux. 


Sur le Caridinopsis Chevalieri Bouv. et les genres 
d'Atyidés propres à l'Afrique tropicale, Note de 


M. E.-L. Bouvier; l’auteur démontre que la faune 
atyienne propre au Tanganyika ne fut point, à l'ori- 
gine, particulière à ce lac; aujourd’hui encore, elle 
présente des affinités remarquables avec les Caridi- 
nopsis du Haut-Niger, — Les Orbitolines et leurs 
enchaîinements. Note de M. Henri DouviLré. — L'or- 
thostathméscope ou instrument pour observer le pas- 
sage par le zénith de l'alignement de deux étoiles sur 
la sphère céleste. Note de MM. CLAUDE et DRIENCOURT. 
— Sur les invariants du calcul des variations. Note de 


M. Tu. DE Donner. — Sur l’absolue convergence des 
séries trigonométriques. Note de M. N. Lusix. — Con- 
ditions de formation des acides nitreux el nilrique 
à partir des oxydes d'azote et de l’eau; application de 
la loi d'action des masses. Note de MM. E. Brixen et 
E.-L. Durano. — Cristallisation par recuit des métaux 
écrouis, Note de M. Férıx Rosin. — MM. JUMELLE et 


H. Pernin pe LA BarTuiE étudient les différents choux- 
palmistes de Madagascar, où la plupart des palmiers 


fournissent un bourgeon terminal comestible. — Sur 
la biologie et l'anatomie des Lhbiées à stolons sou- 
terrains. Note de M. M. CHaiLzoT. — L'antigène dans 
la réaction de Wassermann. Note de M. A. Desmou- 
LIÈRE. — Influence de quelques composés chimiques 


sur les mélanines artificielles. Note de M. Maurice 
PIETTRE. 


390 


COSMOS 


3 OCTOBRE 1912 


BIBLIOGRAPHIE 


Le calcul des probabilités et ses applications, 
par E. CarvaLLo, directeur des études à l'École 
poly technique. In-8° (25 X 16 de 1x-169 pages avec 
45 figures (6,50 fr).Gauthier-Villars, Paris, 1912. 


Les livres sur le calcul des probabilités ne 
manquent pas. En voici un de plus. Pourquoi ? 
Parce qu’il répond à un besoin. 

Ce besoin était très clairement et exactement 
traduit, naguère, dans l’énoncé suivant, qui n'est 
autre que le sujet d’un concours proposé en 1910 
par l’Académie royale des sciences de Madrid : 

« Exposé clair et simple du calcul des probabi- 
lités: le livre... doit comprendre les principes 
fondamentaux du calcul des probabilités, avec ses 
multiples applications, exposés de manière à être 
compris et utilisés par des personnes qui ne con- 
naissent que les mathématiques élémentaires... 
On veut, en somme, mettre à la portée des per- 
sonnes ayant seulement une instruction générale, 
ou n'ayant pas fait d'étude spéciale des mathéma- 
tiques, cet instrument précieux de recherche et 
d'analyse créé par les mathématiciens; bien plus 
qu'au mathématicien, il est nécessaire au juriscon- 
sulte, au médecin, à l'archéologue, à l'historien, 
au politicien et au statisticien. » 

C'est le programme même que l’auteur s’est 
imposé. 

Dans le calcul des probabilités, les difficultés 
mathématiques abondent. Pour les éviter, il fallait 
les bien connaitre. 

Il y a d'abord celles qu’on rencontre dans l'énu- 
mération des chances de divers problèmes qu'on 
peut se proposer. De ces problèmes, la théorie des 
jeux en fournit tant qu'on veut; mais pour le but 
que l’auteur se proposait, la théorie des jeux est 
inutile, et en la supprimant on évite tout une classe 
de difficultés. 

L'auteur a surtout en vue les applications à la 
méthode statistique. Ici, est-il possible d’éluder les 
difficultés? Il n'est pas possible d'aborder la mé- 
thode statistique sans le théorème de Bernouilli 
(loi des probabilités des écarts, ou loi des grands 
nombres), car ce théorème est le fondement de la 
méthode. Impossible de démontrer le théorème de 
Bernouilli sans les combinaisons, la fonction ex'po- 
nentielle et les logarithmes, le calcul différentiel 
et intégral. Et il ne suffit pas de connaitre ces 
théories : il faut encore être d’une certaine force 
pour suivre la démonstration du théorème de Ber- 
nouilli, Tout cela exige qu'on soit, en un mot, ma- 
thématicien. « Que nul n'entre ici s’il n’est géo- 
mcétre » pourrait servir d’épigraphe aux traités sur 
le calcul des probabilités, 

Et cependant le calcul des probabilités n’est 
pas inabordable aux non-mathématiciens. Car, à 


côté des démonstrations abstraites, il y a les faits 
mathématiques, les formules que l'on accepte 
a priori sans démonstration, que l'on utilise dans 
les applications et dont on arrive, par l'usage 
même, à avoir une sorte de démonstration expéri- 
mentale, tout comme en physique on accorde une 
confiance grandissante à une hypothèse au fur et 
à mesure qu'elle coïncide plus fréquemment et 
plus exactement avec les faits qu’elle est destinée 
à représenter. 

Comme nouveautés de détail, l'ouvrage renferme 
notamment : la courbe de l’intégrale de Bernouilli 
substituée à la courbe en chapeau de gendarme 
qui représente sa dérivée ; l'écart étalon substitué 
à l'écart probable; une méthode pour apprécier la 
valeur d'une série statistique; une étude appro- 
fondie sur la masculinité dans les naissances 
humaines, avec des observations nouvelles et con- 
cluantes; un exposé assez complet de l'état actuel 
des tables de mortalité; des observations curieuses 
sur la statistique des tailles des conscrits (la statis- 
tique décèle la fraude des sujets de petite taille qui 
se rapetissent de deux ou trois centimètres pour 
bénéficier de la réforme), sur les erreurs dans les 
mesures expérimentales, sur la recherche des 
causes. Signalons enfin un exposé des méthodes 
d'ajustement. Dans cette question seulement l'au- 
teur a cru devoir donner les démonstrations mathé- 
matiques, parce qu'elles sont faciles et peu répan- 
dues dans les traités classiques. Le lecteur pourra 
les passer si elles lui paraissent alourdir la marche 
de son étude. 


Couleurs et colorants dans l’industrie textile, 
par l'abbé Vassarr, fondateur de l’Institut 
technique roubaisien. Un vol. in-8° de 168 pages, 
avec figures (6 fr). Librairie Dunod et Pinat, 
49, quai des Grands-Augustins, Paris. 


Les couleurs jouent un grand rôle dans 1a nature 
et sont pour nous une source perpétuelle d’agré- 
ment. On se figure difficilement ce que seraient la 
campagne, les maisons, les objets, sans les couleurs 
qui leur sont propres. Et cependant, cette question 
des couleurs est restée longtemps obscure; chacun 
employant le même mot, dans des sens très diffé- 
renis, confondant ainsi à tout instant les couleurs 
avec les colorants et les sensations de couleurs. 

C'est Choiseul qui, le premier, donna une classi- 
fication rationnelle des couleurs, et permit de 
distinguer 44400 nuances différentes. De cette 
façon, on peut définir chaque nuance avec deux ou 
trois indications, et reproduire, en Amérique, avec 
fidélité et sans les voir, des étoffes ou un tableau 
créés en Europe. 

De même, en déterminant d'avance les diffé- 


N° 1445 


rentes acceptions du mot « couleurs », il devient 
facile de s'entendre et d'étudier avec clarté ce 
sujet réputé si difficile. M. l’abbé Vassart a voulu 
surtout rendre service à ceux qui s'occupent de 
la fabrication et du négoce des tissus, aux élèves 
des écoles professionnelles se rattachant à l’indus- 
trie textile et à tous ceux qui s'intéressent aux 
beaux-arts. Ils y trouveront des notions très claires 
sur les couleurs complémentaires, les contrastes 
des couleurs, leur harmonisation, la solidité des 
nuances, etc. 


La métallurgie du fer, par Pauz DouMER, aidé 
de collaborateurs : P. IwEIxs, FRITZ THYSSEN, 
J.-0. ArNozp, L. Bacré, P. Nicovu, E. pe Lossy, 
W'ILHELM KESTRANEK, BARON DE LAVRLEYE, FERNAND 
Mever. Un vol. in-8° de 250 pages (broché, 
10 fr). Librairie Vuibert, 63, boulevard Saint- 
Germain, Paris. 


Depuis quelques dizaines d'années, on pourrait 
mesurer la vitalité et le développement des 
diverses nations par la quantité de fer qu'elles 
mettent en œuvre. C’est que la métallurgie a pris 
une importance considérable, importance qui ne 
fera qu’aller en augmentant. 

Le livre publié par M. Doumer a donc un gros 
intérêt, puisqu'il nous fait connaitre l’état de la 
_ métallurgie du fer dans le monde. Différentes 
notabilités dont il a su s’entourer y parlent succes- 
sivement de chacun des grands pays producteurs 
qu'ils connaissent, dans des monographies reliées 
par une idée et un plan communs. 

Après un exposé d'ensemble où M. Doumer a 
mis en lumière les idées générales qui ressortent 
de l’étude de l’activité sidérurgique internationale, 
on étudie successivement l'histoire de la métal- 
lurgie belge, la situation actuelle de l'Allemagne, 
de l’Angleterre et de l’Autriche-Hongrie au point 
de vue métallurgique; vient ensuite un aperçu net 
et concis des organismes très vastes et très résis- 
tants dans lesquels s’est concentrée l’industrie du 
fer, de la fonte et de l'acier aux Etats-Unis, puis 
un exposé de la situation de la France et de la 
Russie; enfin, nous sommes initiés à l’ensemble 
des méthodes employées par l’électro-métallurgie. 

Ce tableau complet de la production du fer dans 
le monde, et dans chacun des grands pays produc- 
teursen particulier, mérite assurément d’être connu 
du grand public, auquel ce livre s'adresse. 


Organisation et direction des usines, par 
À. Mayer, ingénieur. D’après l'ouvrage allemand: 
Der Fabrikbetried, de A.Bazrexski. Un vol. in-8° 
de 220 pages (7,50 fr). Librairie Gauthiers- 
Villars, 55, quai des Grands-Augustins, Paris. 


La concurrence devient de plus en plus acharnée 
entre les différentes Sociétés de construction méca- 


COSMOS 


391 


nique; il est donc nécessaire d’avoir recours à une 
organisation méthodique des usines, afin de réduire 
au minimum le temps employé pour chaque tra- 
vail, tout en l’exécutant d'une manière exacte et 
complète. 

À ce point de vue, les Allemands sont parfaite- 
ment organisés, ce qui leur permet parfois de 
pouvoir tenir en échec les industriels français dans 
leur propre pays. Aussi l’auteur a-t-il pensé qu'il 
serait intéressant de faire connaitre aux chefs 
d'usine et aux ingénieurs français les méthodes et 
les procédés de nos voisins. Cela leur permettra 
peut-être de lutter viclorieusement contre l’inva- 
sion des produits étrangers. 

L'ouvrage est très complet. Il s'étend à tous les 
services d'une grande usine, mème aux plus 
infimes : service des achats, courrier, devis, dessins, 
publicité, concierge, calcul des prix de revient, 
salaires, feuilles de travail, contrôle des heures 
d'entrée et de sortie des ouvriers, outillage. Rien 
n'est laissé de côté. Et si ces méthodes allemandes 
ne peuvent toutes être appliquées chez nous, sur- 
tout sous leur forme originelle, du moins 
peuvent-elles fournir le principe d'améliorations 
dans nos manières d’agir actuelles. Les industriels 
français peuvent tirer grand profit de ce livre : en 
se basant sur les renseignements qu’il donne, ils 
pourront organiser leurs établissements de manière 
à obtenir le maximum de rendement avec le mini- 
mum de frais. 


Nicolas Flamel, par RENÉ ScuWaEBLé. In-8° de 
96 pages (2 fr). Librairie Daragon, 96, rue 
Blanche, Paris. 1911. 


Flamel, qui vécut de 1330 à 1417 à Paris, exer- 
çait le métier d'écrivain et de libraire juré; par 
occasion, il devint alchimiste, etil raconte qu'avec 
sa femme Perrenelle il réussit par trois fois la 
transmutation des métaux. Le fait est qu'il pos- 
séda des richesses extraordinaires pour son temps, 
richesses qu'il distribua largement aux bonnes 
œuvres : fondations et dotalions d’églises, d'hôpi- 
taux et de cimetières. 

Les documents publiés un peu pêle-mêle dans 
cette brochure sont fort curieux; mais je doute 
qu'ils permettent au lecteur de retrouver le 
secret de Ja pierre philosophale, bien que 
M. Schwaeblé reproduise une bonne partie du Livre 
des figures hiéroglyphiques traitant de l'art 
occulte et de la transmutation métallique. 

Il n'est pas exact que la formule maranatha, 
que les alchimistes inscrivaient en tête de leurs 
traités, ait la signification anathème, que lui 
attribue M. Schwaeblé ; c’est une expression 
araméenne qui veut dire: Notre-Seigneur, venez. 
Elle était en usage parmi les premiers chrétiens, 
et saint Paul l’a inscrite comme conclusion de sa 
première Epitre aux Corinthiens. 


392 


COSMOS 


3 OCTOBRE 419192 


FORMULAIRE 


Entretien des lanternes de projection. — 
Quand les lanternes de projection commencent à 
se ternir, il faut les frotter avec du chlorure d'an- 
timoine et polir au moyen d'un chiffon sec. On 
peut encore employer la formule suivante : 


Sulfate de fer............... Voie 10 g 
Arseñic blanc... 10 g 
Acide chlorhydrique...... .......... 120 cmi. 
OU dcr ii dire i 120 cm“. 


Étendre cette solution sur le métal. Quand la 
teinte désirée est obtenue, sécher à la sciure de 


bois et frotter avec un chiffon imbibé d'huile de 
lin. (Photo-Revue.) 


Pour préparer de la toile goudronnée. — 
On commence par faire bouillir ensemble assez 
longtemps 4,5 l d'huile de lin avec 400 grammes 
de cire jaune. Le vase doit être assez grand; veiller 
à ce que le liquide ne s'emporte pas, et faire d’ail- 
leurs cette préparation à l'air libre. On donne 
alors sur la toile une première couche de ce mé- 
lange, on laisse sécher, on ajoute du goudron au 
surplus de cette préparation et on applique une 
seconde couche. (Inventions illustrées.) 





PETITE 


Adresses des appareils décrits : 

Compteur kilométrique : Kirby Beard et Ci° 5, rue 
Auber,Paris. — Auto-kilométreur : Chauvin et Arnoux, 
185, rue Championnet, Paris. — Compteur kilométrique- 
indicateur de vitesse combinés Daclin : Lambrechts, 
boulevard de Belleville, 47. 


M. A. B., à IL. — Manuel théorique et pratique de la 
mélallurgie du fer,par AÀ.Levrcur (2 vol.,50 fr). Librai- 
rie Dunod et Pinat, 49, quai des Grands-Augustins, 
Paris; et, pour l'élecitro-métallurgie Traité théo- 
rique et pratique d'électro-mélallurgie, par A. MINET 
(20 fr). Librairie Hermann, 6, rue de la Sorbonne, 
Paris. — L'électricité industrielle, I partie, par 
C. Lesors (4 fr). Librairie Delagrave, 15, rue Soutllot. 
Paris. 
= M. C. S., à B., au B. — Nous ne savons si la conser- 
vation des œufs par le froid dans une atmosphere 
d'acide carbonique est entrée dans la pratique indus- 
trielle. Le système a été indiquéil y a quelques anntes 
(en 1908) par M. Lescardé. Vous trouverez des rensei- 
gnements techniques sur ce sujet dans l'ouvrage : 
L'wuf de poule, par LEscanvé (3 fr). Librairie Dunod 
ct Pinat, 4, quai des Grands-Augustins, Paris. 

M. dela R, à la L. —- Nous isnorions la fermeture 
de cette maison. Vous pourrez sans doute faire répa- 
rer votre barometre chez Tonnelat, fabricant d'instru- 
ments de précision, 25, rue du Sommerard, Paris. 

M. M.F., à B. — Le Cosmos a donné une note sur 
la lampe Dussaud (voir n° 14414 du 29 février dernier). 
Ces lampes se trouvent à la maison Ducretet, 75, rue 
Claude Bernard, ou à la Compagnie internationale de 
la lumière froide, 27, rue Mogador, à Paris; nous en 
ignorons les prix. Yous pouvez vous en servir sur une 
distribution électrique à 130 volts, à la condition que 
votre transformateur réduise la tension à celle indi- 
quée par le constructeur. — Vous ne pouviez pas, 
pour ce bas prix, compteravoir une excellente lunette. 
Il est évident que l'objectif a toutes sortes de défauts 
qui influent sur la netteté. Il faudrait, pour mieux 
voir, adapter un objectif à plusieurs verres, correcte- 
inent taillés. 

M. F. F., à C. — La Gaselle astronomique est l'or- 
“ane de la Société astronomique d'Anvers. Adminis- 
tration, 19, rue Thisius, Deurne-Anvers (Belgique). 


CORRESPONDANCE 


Abonnement : 3 francs par an; le numéro, 0,60 fr. C'est 
une revue sérieusement faite et très au courent des 
choses astronomiques. 


M. G. L., à D. — Nous n'avons pas reçu ce livre et 
ne le connaissons pas. Nous ne pouvons donc vous 
renseigner au point de vue rédaction et illustrations. 
Mais les auteurs sont connus comme savants et comme 
chrétiens, et leur nom est une sûre garantie de la 
valeur de l'ouvrage. 


M. V. G. — Au point de vue théorique, les rende- 
ments thermique et mécanique sont moins bons dans 
un moteur polycylindrique que dans un monocylin- 
drique, à puissance égale; mais la différence est assez 
faible, et on préfère en général les 4-cylindres et 
mème les 6-cylindres, qui sont bien mieux équilibrés. 
Le mélange détonant air-essence doit varier suivant 
l'allure du moteur: à faible vitesse de rotation, il faut 
augmenter la proportion d'essence; à grande vitesse, 
augmenter celle de l'air. Dans le carburateur com- 
mandé, le conducteur règle la proportion d'air et 
d'essence; dans le carburateur automatique, c'est le 
moteur qui proportionne les deux éléments suivant 
ses besoins. Pour les chauffeurs très habiles, la com- 
mande réglable est sans doute préférable; dans la 
majorité des cas, le carburateur automatique évite de 
fausses manœuvres de la part du conducteur, et ces 
appareils sont les plus communs et se répandent de 
plus en plus. 


M. L. P., au M. — Les pierres « qui grossissent » 
sont des stalagmites. En ce qui touche la grotte de 
Saulges, il n'y a pas de doute qu’on se trouve en pré- 
sence d'un phénomène stalagmitique. 


M. H. de la H., à F. — Horloges électriques Magnėéta 
et Brillié, 80, boulevard Sébastopol. 


M. P. M., à V.— Le Cosmos a donné l'explication de 
la dépèche météorologique de la tour Eiffel dans le nu- 
méro 1390, du 16 septembre 1911. Veuillez vous y repor- 
ter. Si vous voulez appliquer les renseignements ainsi 
fournis à la prévision du temps, vous pourrez vous 
procurer le livre de M. Bergert : Le lemps qu'il fait, le 
temps qu'il fera (10 fr). Librairie Delagrave, 15, rue 
Soufilot, Paris. - 





imprimerie P. Fsron-Vaau, 8 et 5, rue Bayard, Paris. VIII°. 
Le gérant : Faicit. 


No 1446 — 10 ocroBre 1919 


COSMOS 


393 


SOMMAIRE 


Tour du monde. — La comte 1912 a (Gale). L'Observatoire de N.-D. de Montserrat à Cuba. Puits de nuit 
La pénétration de la gelée dans le sol. Nouveaux laboratoires de la Société Krupp à Essen. L'énergie élec- 
trique fournie par les forces hydrauliques. Le téléphone à Pékin. Féminisme. La cuisson des routes. Les 
réflexions nuisibles sur les surfaces des lentilles optiques. Un objectif photographique de t mètres de foyer. 
Pellicules cinématographiques voilées par les décharges électriques. Les automobiles au Japon. Nouvel 
exploit aéronautique. Les victimes de l'aviation. L'état civil en ballon et en atroplane. Adolphe Stiegelmann. 


La montagne de fer de Durango, p. 393. 


Une bibliothèque unique au monde, L. KUENTZ, p. 398. — Un scaphandre d’un nouveau genre, Gra- 
DENWITZ, p. 398. — L’actinomycose, AcLopur, p. +00. — La fixation des vers parasites dans l’intes- 
tin, Boyer, p. 402. — L’industrie des foies gras, Rocer, p. 40+. — Le grand bassin en eau profonde 
de Southampton, BeeT, p. 05. — Les ressources mondiales d'énergie, Mancnaxn, p. #09. — Les 
jouets au Concours Lépine (suite), Founnier, p. +12. — Sociétés savantes : Académic des sciences, 
p. #15. Société astronomique de France, B. Larorn, p. #16. Association franaise pour l'avancement des 
sciences, Hénicnanb, p. #17. — Bibliographie, p. #18. 








TOUR DU MONDE 


ASTRONOMIE 


La Comète 1/12 a (Gale). — Grâce au temps 
superbe de la première semaine d'octobre et au 
mouvement propre de la nouvelle comète qui 





DISTANCE | feat 


ee 1012 | ASCENSION R 
DÉCLINAISON 








Ce ^ n T | 
Miauit de Berlin DROITE Au Soleil! A la Terre | stellaire 
15"43°24° | + N27,110,:37| 1,110! 6,3 


| 
| Oct. 13 
| 


14 15 86 50 | + 928 : 
15 | 15 4617 | + 1028 3 
| I6 | 15 47 28 | + 1126 7 : 
I7 1548 42 | + 1239 910,760 1,760 6,8 
| 13 | 1549 53 | + 1320 0 | 
| 19 [1551 0 | +41414 6 
| 20 [15352 5 | Li 82 
| 2| 1553 8 | +16 06 610,790 1,177) 6,6 
= 2 |153 97 PE 65 à 
23 (14555 S | LIT: à 
24 [1556 5 | +18: 0 
25 [14557 0 | + 1920 510,826! 1,205! 6,7. 
26 | 1557 54 | + 20 8 1 
27 1558 87 | + 2053 0 
2N | 1559 38 | + 21H 14 
29 | 16 O0 29 22 26 51 0,8G8T 1,233 6,9 
30 | 146 149 | HBU 
| 31 [16 2 9 |2355 2 
Nov. 4 |46 238 |4 22387 
2 |16 347 | + 2521 610,918! 1,26! 7,0. 
| 3 [16 536 | + 26 3 9 
| 5 [16 5 24 | + 26045 8 
: 5 [16 612 | + 2727 2 
R 6 ti 7 1 | +H92s 8 310,26! 1,274| 7,2 


l'entraine assez rapidement vers le Nord, l'astre 
a pu ètre observé un peu partout en Europe à partir 
du 3 M. Gonnessiat l'avait vu à Alger dès le 


T. LXVH. N° 4446. 


26 septembre. Le 4 octobre, la comète était bien 
visible dans le Serpent peu après la fin du crépus- 
cule. Nous l'avons trouvée sans peine avec des 
jumelles, mais nous avons ensuite reconnu sa pré- 
sence à l'œil nu, son éclat étant voisin de la gran- 
deur 5,7. L'astre présente maintenant une queue 
très faiblement visible sur un demi-degré environ, 
mais qui se développera peut-être encore par la 
suite. Il est assez rare qu’on puisse observer ainsi 
une comète au moment mème où elle passe à son 
périhélie. L'astre se trouvait assez près de la posi- 
tion que lui assignait le calcul. L’ascension droite 
correspondait, à très peu de chose près, à celle de 
l'éphéméride, mais la déclinaison était plus forte 
d'environ trois quarts de degré. 

M. fbell a calculé, d’après des éléments corrigés, 
une nouvelle éphéméride dont nous donnons un 
extrait à l’usage des observateurs (voir le tableau): 

On pourra suivre facilement la comète avec une 
bonne jumelle ou la moindre petite lunette. Elle 
va traverser la tète du Serpent et entrer ensuite 
dansla Couronne boréale, mais, comme elle s'éloigne 
à la fois du Soleil et de la Terre, son éclat dirmi- 
nuera progressivement. 

MM. H.-F. Wood, à Johannesburg, d'après des 
observations des 11, 43 et 15 septembre; C. J. Mer- 
field, à Melbourne, d'après des observations des 
10, 43 et 16 septembre, ont calculé les éléments 
suivants de l'astre : 


Wood Merfield 
T = 1912 oct. 1S0 1912 oet, 4,96 T. M. G. 
w = Isu 25 30 | 
Q = nr 206 6 - 1912,0 
= nf 54 T9 54 \ 
g = U,TOK4 0,104 


Ces éléments paraissent moins certains que ceux 
que nous avons déjà publiés, 


39% COSMOS 


MÉTÉOROLOGIE 


L’Observatoire de Notre-Dame de Mont- 
serrat à Cuba. — Les RR. PP. Jésuites de 
l'Observatoire du collège de Notre-Dame de Mont- 
serrat, à Cienfuegos (Cuba), viennent de publier, 
sous la direction du P. Simon Sarasola, un pre- 
mier rapport des travaux de leur Observaloire 
météorologique, avec des notes rappelant les obser- 
vations faites depuis 1886; elles comprennent une 
étude sur les cyclones et les pronostics qui con- 
cernent les prévisions de ces météores. 

Cet Observatoire prend une grande importance 
par suite de l'ouverture prochaine du canal de 
Panama. 

Ce volume débute par un historique de l’établis- 
sement et une descriplion de ses moyens d’action. 
Son organisation est d'ailleurs parfaite; il possède 
tous les instruments désirables, dont neuf enregis- 
treurs. Les observations s’y poursuivent avec une 
régularité admirable et y sont très mullipliées, 
quoique les l’ères n'aient pas cru devoir s'astreindre 
aux règles adoptées dans le système international. 


PHYSIQUE DU GLOBE 


Puits de nuit. — Il existe, dans les déserts de 
l'Australie occidentale, de singuliers puits qui, 
à sec pendant toute la journée, fournissent de l'eau 
en abondance pendant la nuit. L'arrivée de l'eau 
est annoncée par un sifflement de l'air quis'échappe 
du terrain formant le fond des réservoirs. Le 
D° Malcolm Maclaren, qui a étudié un de ces 
curieux phénomėnes géologiques, a constaté que 
l'eau arrive dans ces puits par un long et étroit 
boyau partant d'une cavité formée par une fine lame 
de gneiss, cavilé séparće de la roche qui se trouve 
en dessous; il pense qu'à la chaleur du jour cette 
lame se dilate et, descendant dans la cavité, forme 
une dépression dans laquelle l’eau s'emmagasine; 
à la fraicheur, la lame se contracte et chasse l'air 
et Peau dans le boyau communiquant avec le puits. 

Cette explication n’est qu'à moitié satisfaisante. 


La pénétration de la gelée dans le 801. — La 
profondeur à laquelle la gelée pénètre dans le sol 
est une donnée qui intéresse l'agriculture et l'hor- 
ticulture. M. W. Naegler (Das Wetter; Prome- 
theus, 1904) publie les chiffres obtenus dans un 
certain nombre de stations météorologiques alle- 
mandes. 

Pendant l'hiver rigoureux 1900-1901, la gelée 
pénélra dans le sol, à Potsdam, à une profondeur 
de 1 mètre. À Bonn-Poppelsdorf, Witzenhausen, 
Helimstedt et Breslau-Rosenthal, elle ne dépassa 
pas la profondeur de 6 ou 7 décimètlres; à Aix-la- 
Gaapelle, Brème et Jéna, 5 décimétres. Strasbourg 
est dans des conditions remarquables; de 11402 


10 OCTOBRE 1919 


à 1909, il n'a pas gelé à plus de 3 décimètres. 
À Kænigsberg, par contre, le sol gèle parfois jus- 
quà 1,2 m. 

La nature du sol joue un ròle dans la vitesse de 
propagation de la gelée, qui est très grande dans 
le sable, moins grande dans l'argile et faible dans 
l’humus. L'humidité du sol aussi intervient, quoique 
faiblement. Un sol couvert (de cultures, de fumier, 
de paille, de neige) est évidemment moins sensible 
à la gelée. 


CHIMIE 


Nouveaux laboratoires de la Société Krupp, 
à Essen. — Ces laboratoires, complètement réin- 
stallés depuis l'an dernier, sont décrits par 
M. V. Bernard dans la Revue de Métallurgie, 
d'après qui nous reproduisons les quelques chiffres 
suivants. À défaut d’une descriplion détaillée, qui 
demanderait un énorme volume, ces renseigne- 
ments témoigneront de l'extrème imporlance prise 
par le laboratoire dans la métallurgie comme dans 
Ja plupart des autres industries. 

L'espace occupé par les diverses salles atteint 
11000 mètres carrés. Le sous-sol et les quatre 
étages comprenant celle superficie se composent 
de plus de 450 pièces, chacune de destination spé- 
ciale. Outre les laboratoires de chirnie, il existe 
des laboratoires d'essais mécaniques comparables 
à de véritables usines pour les dimensions et la 
puissance des appareils: on trouve là un pont roulant 
supportant 3 000 kilogrammes, une machine pour 
essais de traction, flexion, torsion, elc., exerçant 
un effort de 100 000 kilogrammes; une presse pour 
essais d'écrasement fournissant un elfort de 
300 000 kilogrammes. Une véritable armée de chi- 
mistes, de physiciens, d'essayeurs el de manœuvres 
travaillent dans le nouvel Institut, qui ne le cède en 
rien aux plus importants laboratoires. H. R. 


ÉLECTRICITÉ 


L’énergio électrique fournie par les forces 
hydrauliques. — En 1911, on a établi en Suède 
des usines hydrauliques destinées à donner de l’élec- 
tricilé, représentant une puissance de 40 000 che- 
vaux, si on y ajoute les augmentations réalisées 
par les usines précédemment créées, cette augmen- 
lation, pour une seule année, monte à 67 667 che- 
vaux. La hauteur des chutes utilisées va jusqu'à 
712 mèlres, mais en général ne dépasse pas 
25 mètres. 

Au Brésil, une Compagnie se propose d'utiliser 
les chutes Alphonso sur la rivière San-Francisco. 
Au début, on captera 200 000 chevaux, mais plus 
tard on compte arriver à obtenir une puissance 
de 1 300 000 chevaux. 


Le téléphone à Pékin. — Ceux qui ont connu 
la Chine il y a vingt ans et, à fortiori, ceux qui y 


-_-—— 


No 1416 


ont voyagé il y a un demi-siècle, n’apprendront 
pas sans quelque étonnement que le téléphone 
sévit sérieusement à Pékin. Le gouvernement fait 
construire des hôtels du téléphone, et l'on a déjà 
6 400 abonnés. Or, dans ces abonnés, on en compte 
3 000 dans la ville chinoise et dans la ville tartare. 

Les légations communiquaient déjà entre elles; 
mais, aujourd’hui, elles sont reliées avec les bureaux 
centraux. 


Féminisme. — La Western Union Telegraph C° 
se propose de remplacer à Pittsburg les petits télé- 
graphistes porteurs de dépêches par des jeunes 
filles. Espérons que ce sera un progrès sans revers. 


GÉNIE CIVIL 


La ouisson des routes. — Les terres basses 
du Mississipi sont formées d'alluvions, argiles 
chargées de nombreux débris organiques. Un tel 


LEE A 


x | ee 
T'SRESES ET IE n De 
re er sc: T? PCR 
JE Re IR S en + en -e 
S + ent | è” + de h A » > 


mp à A 
de: Ý; LA - pi 
ER a ATA 


TRES 
an a 





PRÉPARATION DE LA CUISSON. 


terrain est essentiellement défavorable à l'établis- 
sement des routes, que la moindre pluie fait 
boueuses et sans consistance. Les matériaux solides 
dont on pourrait couvrir les chaussées ne se 
trouvent pas dans le pays. On y a remédié en fai- 
sant cuire sur place ces argiles. 





LA CUISSON. 


La route étant tracée, on y creuse des tranchées 
que l’on remplit de matières inflammables, le plus 
souvent de bois qui abonde dans ces terrains; on 
recouvre ce combustible d’une nouvelle couche 
d'argile; on conserve les évents nécessaires à la 
combustion, et on y met le feu. Celui-ci est entre- 


COSMOS 


99 


tenu plusieurs jours, sous une surveillance con- 
tinue, comme celle exercée par nos charbonniers 
sur leurs meules dans les bois: on bouche les fis- 
surés qui peuvent se produire, on ajoute du com- 
bustible Jà où il fait défaut. Les matières orga- 
niques contenues en quantité dans ces dépôts brü- 
lent en même temps et s'ajoutent ainsi au com- 
bustible fourni à l'opération. 

Quand la combustion est complète, il ne reste 
qu'à unir la surface, à la rouler, et on possède un 
chemin qui, insensible aux pluies et à l'humidité, 
résiste au roulement des plus lourdes charges, 
même pendant le mauvais temps de l'hiver, 
époque où jadis tout charriage était impossible. 
L'établissement d’une route de ce genre revient à 
600 ou 1 000 francs le kilomètre, suivant sa largeur. 


PHOTOGRAPHIE 


Les réflexions nuisibles sur les surfaces des 
lentilles optiques. — Dans un appareil d'optique, 
à chaque passage du milieu verre dans le milieu 
air ou inversement, les rayons lumineux sont par- 
tiellement réfléchis; l'intensité lumineuse de l’image 
est, pour autant, diminuée. Certains objectifs pho- 
tographiques, formés d'un grand nombre de len- 
tilles non collées, peuvent, du fait de ces réflexions 
nuisibles ainsi que de l'épaisseur totale du verre, 
qui n'est jamais parfaitement transparent, perdre 
une bonne part de leur luminosité. 

La Photographie des couleurs analyse un travail 
de M. R.-W. Cheshire, d'où il résulte que la quan- 
lité de lumière (on ma tenu compte que de la 
lumière visible, et on a fait abstraction des radia- 
tions invisibles du spectre) transmise par les objec- 
tifs photographiques se répartirait comme suit, 
pour les types d'objectifs différents comportant de 
deux à dix surfaces réfléchissantes, l'épaisseur de 
c iacune des lentilles composantes étant de 5 mil- 
limètres. 


Nombre de Proportion de Ouvertures 
sarfaces. lumière transmise. équivalentes, 
2 0,888 fr 11,0 
4 0,786 f: 10,4 
6 0,692 f -9,9 
8 0,603 FT 8529 
10 0,525 FE TRS 


Ainsi, un objectif composé de cinq lentilles non 
collées, soit dix surfaces de séparation verre-air, 
ne transmet guère plus de la moitié de la lumière 
bu’il a reçue. 

La dernière colonne indique les ouvertures de 
diaphragme pour lesquelles les divers types d'objec- 
tifs admettent une même durée de pose. Un objectif 
simple travaillant avec une ouverture f: 44 trans- 
met autant de lumière qu'un objectif composé de 
quatre lentilles non collées travaillant avec une 
ouverture voisine de f: 8. 


396 


Ces indications concernant la luminosité des 
objectifs à surfaces réfléchissantes multiples n’ont 
rien d'absolu, car la luminosité de l'objectif dépend 
encore de bien d'autres facteurs, qui peuvent jouer 
un role important: par exemple, l'épaisseur des 
verres et leur manque de netteté et de transparence, 
surtout vis-à-vis des lumières violette et ultra-vio- 
lette qui, en photographie, sont les plus photo- 
géniques. 


Un objectif photographique de 4 mètres de 
foyer. — Il a été construit par P. Zschokke dans 
les ateliers C. P. Goerz. A pleine ouverture, 16 cen- 
timètres de diamètre, ce qui correspond à une 
ouverture relative de f : 25, l'objectif couvre une 
plaque du format 18 X 24. 

L'établissement d’une pareille pièce d'optique 
n'était pas un travail facile: il s'agissait d'abord 
d'obtenir une coulée de verre bien homogène, et, 
en second lieu, de tailler et de polir suivant des 
surfaces rigoureusement sphériques. 

Avec une longueur focale de 4 mètres, un tel 
objectif donne directement de magnifiques agran- 
dissements; sur l’épreuve d’un clocher photographié 
à une distance de 4 kilomètres, on aperçoit très 
bien la graduation des minutes du cadran d'horloge. 


Pellicules cinématographiques voilées par 
les décharges électriques. — Le capitaine 
F.-E. Kleinschmidt, de l'expédition du musée Car- 
negie, a rapporté de l’Alaska et de la Sibérie des 
vues cinématographiques. Un certain nombre de 
celles-ci étaient voilées comme si elles eussent été 
enregistrées par temps de brouillard, et on ne 
trouva pas tout de suite l'explication. La cause en 
était les décharges électriques produites à la faveur 
du froid sec de ces régions, soit entre les divers 
points de la pellicule de celluloïd, soit entre la 
pellicule et les pièces métalliques de l'appareil 
cinématographique. 

L'accident est déjà connu et se produit tout aussi 
bien par les temps secs et chauds (Cosmos, t. LX, 
p. 502). Pour v parer, on a proposé de recouvrir la 
bande de celluloïd d'une couche de gélatine trans- 
parente sur le côté opposé à la couche sensible. 


AUTOMOBILISME 


Les automobiles au Japon. — Trop heureux 
les piétons japonais s'ils connaissent leur bonheur! 
En effet, les statistiques révèlent qu’on ne compte 
qu'environ troiscentsautomobilesen usage pourtout 
le pays. Ce nombre peut paraitre très restreint pour 
un État dont la superficie équivaut à peu près aux 
quatre cinquièmes de celle de la France et dont 


les habitants se piquent de plus en plus de rivaliser 


avec les nations d'Europe, et mème de les surpasser 
dns la voie des progrès industriels. Il y a, à cette 
infériorité, deux raisons : en premier lieu, il con- 


COSMOS 


10 ocTOBRE 1912 


vient de remarquer que les prix des automobiles 
sont, au Japon, trop élevés, pour que l’emploi de 
ces voitures s’y généralise rapidement; en second 
lieu, l’état des routes laisse fort à désirer dans la 
plupart des provinces. Assez incertain actuellement, 
l'avenir de l'industrie automobile y demeure tou- 
tefois susceptible de développement, si quelque 
jour les Japonais s’avisent, à l'instar des Euro- 
péens, de prendre goùt au tourisme et s'il devient 
plus aisé de rouler sur les chemins dans toutes les 
parties de l'empire. 

Pour les raisons que nous venoms d'indiquer, les 
voitures à bas prix semblent ètre les plus recher- 
chées, quel qu’en soit le genre. Au premier rang 
des pays fournisseurs, viennent les États-Unis. 
C'est ainsi que sur cent voitures automobiles im- 
portées au Japon au cours de l’année 1914, soixante- 
sept véhicules proviennent des États-Unis; à la 
suite, se classent l'Allemagne et l'Angleterre; la 
première, avec quatorze voitures, et la seconde, 
avec treize: quant aux six autres voitures, elles 
ont été fournies par la France. 

Il est évident que notre pays, où la locomotion 
mécanique a vu le jour et a pris le développement 
que l’on sait, ne tient pas dans cette lutte écano- 
mique la place dont il est digne. Il est donc à sou- 
haiter que nos constructeurs cherchent à assurer 
sur ce marché nouveau un débouché plus considé- 
rable à leurs produits. L.G. 


AVIATION 


Nouvel exploit aéronautique. — Le 6 octobre, 
l'aviateur Daucourt, concourant pour la coupe 
Pommery (la plus grande distance en ligne droite 
accomplie entre le lever et le coucher du Soleil), a 
réussi à voler de Valenciennes à Biarritz, soit une 
distance de 850 kilomètres environ. 

Parti de Valenciennes à 5"59" du malin, il a 
fait escale à Buc, Poitiers, Bordeaux, et est arrivé 
à Biarritz à 5"30® du soir. Son intention était 
d’aller à Saint-Sébastien, mais il en a été empêché 
par la nuit. 

Plus la saison avance et plus les jours raccour- 
cissent. C’est donc un très bel exploit que d’avoir 
dépassé de 50 kilomètres la distance parcourue par 
l'aviateur Bathiat quelques jours plus tt; et il est 
probable que cette prouesse ne sera pas renouvelée 
cette année. 


Les victimes de l’aviation. — Depuis l'année 
1908, époque des premiers vols mécaniques, 
jusqu’au 21 septembre dernier, jour où se tua le 
célèbre pilote anglais Astley, l'aviation a causé la 
mort de 202 personnes, soit en moyenne 50 par 
an. La première victime a été, on s'en souvient, le 
lieutenant américain Selfridge, passager d’Orville 
Wright(47septembre 1908). Voicicomment serépar- 
tissent, par nationalité, les 202 personnes tuées : 


N° 1:46 


France : 57, dont 31 civils, 26 officiers (2 avia- 
trices, à passagers). 

{lemagne : 42, dont 28 civils et 14 officiers 
(5 passagers). 

nerique : 30, dont 27 civils et 3 officiers (4 avia- 
trice, 3 passagers). 

Angleterre : 22, dont 15 civils et 7 officiers (4 avia- 
trice, 3 passagers). 

Italie : 45, dont 9 civils et 6 officiers ({ passager). 

Russie : 43, dont Ycivils et 4 officiers (1 aviatrice, 
3 passagers). 

Belgique : 5 civils (1 passager). 

Expagne:4, dont3 civils et 1 officier (2 passagers.) 

Autriche : 3 civils (1 passager). 

Suisse: 3 civils (4 passager). 

lyumanie : 3, dont ? civils et 1 officier. 

(irèce, Hollande, Monténégro, Pérou, Brésil et 
lustralie, chacun avec un pilote civil. | 

Depuis, il y a eu au moins cinq accidents mortels. 

Cette liste funèbre est vraiment longue, et fait 
considérer à première vue l'aviation comme un 
sport extrêmement dangereux. Cependant, les 
paroles prononcées à la Chambre par le colonel 
Hirschauer, au mois de juin dernier, doivent modi- 
fier cette opinion. 

En effet, voici ‘a statistique qui a été établie au 
sujet des pilotes mililaires, qui volent par tous les 
temps, et ont fourni une large part de victimes. 

Dans le deuxième semestre de 1911, il s’est pro- 
duit 9 accidents mortels. Les aviateurs militaires 
étaient au nombre de 420, et ils ont parcouru 
300 000 kilomètres en aéroplane (proportion : un 
tué pour 33000 kilomètres environ, et un sur 
43 pilotes). 

Dans le premier semestre de 1912, même nombre 
d'accidents mortels, pour 250 aviateurs et 650000 ki- 
Jomètres parcourus (proportion: un tué pour 
72 000 kilomètres, et un sur 28 pilotes). 

On voit que, proportionnellement aux distances 
parcourues, le nombre des victimes, qui sera tou- 
jours trop grand, est cependant moins considérable 
qu'on serait tenté de le croire de prime abord. 


L'état civil en ballon et en aéroplane. — On 
sait que jusqu'à présent chaque nation a désigné 
une ville où sont enregistrés les actes de l'état 
civil que l’on a pu avoir à établir à bord de ses 
navires. Chez quelques-unes, c’est le port d'attache 
du navire ou lune de ses relàches; en France, 
cest Paris qui a ce privilège. Un petit Français qui 
voit le jour dans le Pacifique est un petit Parisien! 

Les progrès de la navigation aérienne obligent 
à prendre quelques mesures analogues pour ceux 
qui s’y livrent; jusqu’à présent, on ne compte 
guère de mariage ni de naissance en aéroplane, 
mais les morts y sont moins rares. Le Comité 
international d'aérostation demande que l’acte 
mentionnant un de ces événements de la vie civile 
soit enregistré à la première escale de l’aérostat 


COSMOS 


—— — 


rt a 
x NL g y 


:i3F è wo 
14 
UNIVERSITY 


OF f 
ou de l'aéroplane. Il y aura là un ef Ati OP EM. 


cultés pour ceux qui auront eu la mauvaise idée 
de naïitre en l'air ou pour les héritiers de ceux qui 
seront morts dans les nuages. 


VARIA 


Adolphe Stiegelmann. — Nous avons le 
regret d'annoncer la mort d'Adolphe Stiegelmann, 
qui était depuis quelques années notre collabora- 
teur très apprécié. Nos lecteurs ont souvenir des 
arlicles qu'il a écrits dans notre revue sur les inci- 
sions rupestres des Alpes-Maritimes, sur l'art parié- 
tal des grottes pyrénéennes, sur les peintures et la 
stratigraphie paléolithiques en Espagne. 

Né à Strasbourg, il vécut longtemps à l'étranger, 
aux Indes anglaises et à Madagascar. Homme de 
grande érudition, il parlait six langues orientales. 
Depuis six ans qu'il était revenu en Europe, il s'est 
dévoué plus spécialement à la science de la 
préhistoire, etila collaboré à maintes revues fran- 
çaises, allemandes et anglaises. 

ll est mort à quarante-trois ans, au sanatorium 
Theodosianum de Zurich, laissant aux siens et à 
ceux qui l'ont connu l'impression d'un généreux chré- 
tien et d'un homme plein de bonté el de modestie. 


La montagne de fer de Durango. — Tout le 
sol aux environs de Durango (Mexique) contient 
du fer en abondance et tout fait supposer que les 
filons métallifères s'étendent sous la ville mème. 
Il ne s'agit pas ici cependant des nombreuses 
météorites qui couvrent le pays et dont la plus 
célèbre, que de Humboldt considérait comme la 
huitième merveille du monde ne doit pas peser 
moins de 46 000 à 19 000 kilogrammes. 

Dans cet immense gisement de fer, le point le 
plus remarquable est le Cerro de Mercado. qui a 
reçu le nom de l'aventurier qui la découvert 
en 1562; il cherchait de lor, et n'ayant trouvé 
que du fer il se vit désabusé, ne se doutant guère 
qu'une telle mine de fer était aussi précieuse 
qu'un riche gisement d’or. En effet, cette montagne 
qui sort du sol comme un dyke est formée d’un 
minerai de fer d'une richesse de 70 à 80 pour 100; 
elle a 196 mètres de hauteur, et couvre une sur- 
face de 2415 mètres de longueur sur 500 à 
800 mètres de largeur : elle est située à 2 kilo- 
mètres au nord de Durango. 

Malgré quelques tentatives, cette richesse n'a pu 
être exploitée jusqu'à présent, ce qu'il faut attribuer 
au défaut de moyens de transport el à l'absence de 
combustible. Il parait que les choses vont changer 
grâce à la prochaine ouverture d'une ligne de 
chemindefer.le Duranyo-Llano-Grande-Raïleay, 
qui, à défant de charbon trop éloignė, apportera 
le bois des forèts traversées par la voie. C'est une 
solution, fâvheuse d'ailleurs, puisque c'est un nou- 
veau procédé de déboisement. 


be 


` 


9 


COSMOS 


10 ocToBRE 1919 


Une bibliothèque unique au monde. 


C'est seulement depuis la proclamation de la 
nouvelle constitution que les étrangers sont admis 
à visiter, à Constantinople, la bibliothèque Sainte- 
Sophie, dont l'existence était jusqu'alors, pour ainsi 
dire, ignorée même des habitants de la capilale 
ottomane. 

Commencée ailleurs par le sultan Mahmoud 
(1142-1158), celle bibliothèque est certes la plus 
originale actuellement connue. Elle ne contient 
que 2 000 volumes, mais pas un seul imprimé, rien 
que des manuscrits. 

Embpilés comme des marchandises, ces manuscrits 
gisent sur de larges étagères protégées par un 
épais treillage en fil de fer, dans une petite salle 
altenante à la mosquée Sainte-Sophie, ancienne 
basilique chrétienne. 

L'établissement possède des murs revèlus, en 
dehors, dune couche d'argile blanche, et ornés, 
en dedans, de belle mosaïque persane. Il est 
surmonté d’un dôme écrasé et aplati en brique 
émaillėe. Les fenêtres, pelites et étroites, sont 
gardėes par de lourds barreaux de fer. 

Le catalogue est chose inconnue à Sainte-Sophie. 
D'ailleurs, peu de personnes peuvent se vanter de 
savoir lire ces vieux manuscrits qui, depuis des 
s'ècles, dorment tranquilles dans la poussière de 
leurs élagères. 
. Une dizaine des plus rares sont enfermés dans 
un bahut ancien, ayant la forme d’une mosquée. 
Entièrement plaqué de nacre, ce meuble antique 
— il a plus de deux mille ans — constitue à lui 
seul une merveille d'une valeur inestimable. 

Chacun de ces volumes, dont le plus grand 
nombre compte lrois mille ans passés, vaut au 
moins 40 000 à 50000 francs. 

Plusieurs d’entre eux sont écrits de la main 
mème de leurs auteurs, dans la langue classique 
que parlaient les Turcs primitifs du Turkestan. 
Personne ne connait plus cette langue, à part 
quelques savants célèbres de Khiva (Turkestan) qui 
sont encore familiers avec le texte deces ouvrages. 

Il ya, entre autres, un spécimen magnifique de 
calligraphie relié en or (2, m X 3,5 m) qui est, 
dit-on, un ancien poème tarlare appelé Divan, 
écrit en l’an 911 par Hussein Biscara, un des plus 
fameux poètes tartares. Ce volume a été donné en 


cadeau à un sultan de Turquie, il y a quelques 
siècles, par un shah de Perse. Le texte est en langue 
persane et chaque page est enluminée de bordures 
de 50 centimètres, de dessins géométriques formés 
de mosaïque découpée dans des feuilles d'or et du 
papier de couleurs voyantes. Le volume contient 
52 feuilles et 104 pages toutes enluminées. La 
reliure est très riche et très luxueuse. 

ll y a, en outre, deux volumes en sanscrit, 
cadeau d'un shah de Perse à Mahomet le Grand. 

Le meuble de la bibliothèque renferme égale- 
ment un autre volume magnifique, appelé Nargaï. 
Il contient les observations de Mahomet le Cham- 
pion, premier sultan turc de ce nom, sous le 
règne duquel (1403-1421) le goùt des lettres com- 
mença à prévaloir parmi les Osmanlis ou Turcs 
d'Europe. Chaque feuille de parchemin est d’une 
teinte différente. Les coins, le haut et le bas des 
pages sont ornés de réseaux d'or, et la plupart 
d’entre elles portent de larges bordures formant des 
dessins d’une netteté remarquable. 

Un autre beau volume écrit en persan traite des 
étoiles. La couverture, en cuir orné d’émail et 
incrusté de perles fines, est un vérilable chef- 
d'œuvre. 

Le plus remarquable de tous ces volumes est un 
immense in-folio ayant 3,75 m sur 5 mètres, formé 
de vélin, couvert de la plus belle écriture que l'on 
puisse imaginer. C'est une copie d'un ouvrage 
connu sous le nom de Canon de la médecine, 
traité de botanique et de médecine d'Avicenne 
(980-1037), célèbre médecin arabe surnommé le 
prince des médecins. L'ouvrage contient 300 pages 
dont chacune est ornée d'un croquis à l'encre, 
d’une plante, d'un pôisson, d'un insecte ou d'un 
autre animal. Ces illustrations sont toutes dans les 
couleurs naturelles de l’animal ou de la plante 
qu'elles représentent, avec des délails d'une préci- 
sion et d'une finesse merveilleuses. Les grandes 
bibliothèques de l'Europe possèdent presque toutes 
une copie de ce célèbre traité, mais aucune n'est 
aussi ancienne que celle de la bibliothèque de 
Sainte-Sophie — elle date de 4 229 environ — ni 
surtout aussi soignée et aussi somptueuse. 


L. KUENTZ. 





Un scaphandre d’un nouveau genre. 


Le nouveau scaphandre construit par l’usine 


Driegerwerk, à Lübeck, assure au plongeur une 
indépendance absolue vis-à-vis de l'air atmosphé- 
rique, en lui fournissant de l'oxygène et en régé- 
nérant l'air qu'il expire, 


Ce scaphandre comporte un dispositif porté sur 
le dos à la facon d’un havresac et où l'air circulant 
dans le casque et le costume du plongeur, débar- 
rassé automatiquement des gaz délétères produits 
par la respiration, est régénéré par un apport 


N° 1446 


d'oxygène. Le plongeur dispose ainsi de 60 à 
70 litres d’air par minute, c’est-à-dire de 3 600 à 
4 200 litres par heure, ce qui suffit même pour les 
travaux les plus exigeants. 

Le dispositif régénérateur comporte des cylindres 
d'acier remplis d'oxygène comprimé, une cartouche 
de potasse et le mécanisme circulatoire, à savoir 








LE SCAPHANDRIER VU DE DOS. 


une tuyère d'aspiration et de pression et une sou- 
pape réduisant la pression. Il est relié au casque 
par deux courts tuyaux de caoutchouc, dont l’un 
sert à évacuer l'air usé, tandis que l’autre fournit 
un apport d'air frais. 

Cet appareil est mis en marche en ouvrant une 
soupape d'un maniement très facile ; il fonctionne 
peadant deux à {rois heures, suivant l’adresse du 
plongeur et la quantité d'acide carbonique dégagée 
par ses poumons. 

Au lieu du lest de plomb usuel, le plongeur porte 
sur sa poitrine un poids constitué par des réci- 
pients en acier renfermant de l'air ou de l'oxygène 
comprimé. Toutes les fois qu'il désire atteindre la 
surface sans assistance extérieure, il n’a qu'à 
ouvrir la soupape de ces récipients, de façon à 
faire entrer dans son costume de scaphandrier 
l'air nécessaire pour lui donner la poussée ascen- 
dante voulue. C'est ainsi qu’en cas de danger, il 
montée en quelques instants à la surface de l’eau. 
Une soupape de süreté qu'actionne tout excès de 
pression empêche le costume du scaphandre 
d’éclater sous l'influence de la surpression due à 
une montée brusque et imprévue. Si, d'autre part, 
le plongeur faisait une chute, même à une profon- 
deur peu considérable, sa vie courrait des dangers 


COSMOS 


399 


fort sérieux, si son costume ne comportait aucun 
dispositif de sûreté. Tout accroissement imprévu 
de pression enfoncerait en effet son corps dans le 
casque, comme le piston d'une machine, en même 
temps que la congestion concomitante risquerait 
de produire un évanouissement empêchant le plon- 
geur de faire le nécessaire pour prévenir un acci- 
dent. Afin d'éliminer ce danger, le casque du nou- 
veau scaphandre a été fait en un tissu caoutchouté 
souple et fort, protégé contre les endommagements 
mécaniques par une enveloppe métallique. Dans 
le cas où le plongeur ferait une chute, la. pression 
de l'eau comprimerait non seulement l'air contenu 
dans le costume, mais l’air du casque dont le tissu 
caoutchouté céderait parfaitement. C’est ainsi que 
le plongeur sentirait l'accroissement soudain de 
pression uniformément de tous côtés, ce qui 
empèêcherait surtout toute congestion de se pro- 
duire. Le plongeur pourrait ainsi, sans perdre con- 
naissance, faire entrer dans son scaphandre l'air 
du lest porté sur sa poitrine, de façon à rétablir 
immédiatement des conditions normales. Le casque 
est, le cas échéant, muni d'un téléphone à fonc- 
lionnement sür. Le câble téléphonique pourrait 
ètre combiné avec le cordon de signaleraent en un 





LA DESCENTE DU SCAPHANDRIER. 


câble de sûreté permettant en cas de danger de 
ramener le plongeur à la surface. 

L'appareil construit par l'usine allemande est 
destiné à des profondeurs maxima de 20 mètres; 
des appareils permettant au plongeur de travailler 
à des profondeurs plus grandes sont à l’étude. 

L'acide carbonique expiré par le plongeur est 


400 


absorbé dans la cartouche de potasse faisant partie 
du régénérateur, et où l’air traverse une série de 
plateaux garnis de grains de potasse et de soude. 
L'air ainsi débarrassé des gaz délétères de la respi- 
ration arrive à la soupape d'aspiration et de pres- 
sion, où il est régénéré par un apport de 2 litres 
d'oxygène par minute. La conduite à air fournis- 
sant de Pair frais à la bouche et au nez du plon- 
geur ferme le cycle de circulation. Le costume du 
plongeur fonctionne comme sac respiratoire aussi 
bien que comme réservoir d'air au moment critique. 


COSMOS 


10 OCTOBRE 1912 


Le principal avantage de cet appareil, c'est qu'il 
permet au plongeur de travailler pendant des 
heures au-dessous de la surface, sans aucune eon- 
nexion avec la terre ou le bateau, quand le c.: don 
de sûreté ou le câble téléphonique a été co“pé. Il 
se passe parfaitement de toute pompe, le plt. geur 
portant sur lui la quantité d’air requise porr en- 
tretenir la respiration. Les frais de l'appa:eil en 
service sont extrêmement bas. 


Dr ALFRED GRADENWITZ. 


——— m mma —— c L lM 


L'actinomycose. 


On désigne sous le nom d’actinomycose une 
affection commune au bœuf et à l’homme, et 
qui est due à la végétation dans les tissus d'un 
champignon inférieur nommé Actinomyces bovis, 
ou plus légitimement Discəmyres bovis. Ce cham- 
pignon forme dans les organismes où il s’introduit 
des granulations variables pour les dimensions, et 
dont la grosseur moyenne est celle d’un fin grain 
de sable; ces granulations sont de petites masses 
irrégulières, d'abord grisâtres et un peu transpa- 
rentes, puis passant au blanc opaque, au jaune, 
au verdätre et même au noirâtre lorsqu'elles sont 
âgées et imprégnées de sulfure de fer. 

Examinées sous un fort grossissement, les gra- 
nulations actinomycosiques montrent au centre un 
enchevêtrement de filaments mycéliens ramifiés et 
dichotomes, fragmentés en tronçons allongés ou 
globuleux; ce paquet de filaments est entouré d'un 
très grand nombre de petites massues rayonnantes 
autour du centre de la granulation. Ces massues 
sont des épaississements formés sur les extrémités 
périphériques et libres des filaments mycéliens; 
elles n'existent pas dans les cultures artificielles 
du champignon. 

L'actinomycose humaine et bovine se caractérise 
par la formation dans les tissus de multiples 
« clapiers » dont le contenu renferme en suspen- 
sion les concrétions du Discomyces bavis. Ce cham- 
pignon a été observé pour la première fois en 
France à l'état parasite en 1850, par Davaine, 
dans des tumeurs de nature indéterminée du 
maxillaire du bœuf. 

Il fut revu ensuite chez l'homme par Robin et 
Laboulbène sur des individus atteints de produc- 
tions morbides encore inconnues jusque-là: ces 
auteurs toutefois considérèrent ses granulations 
comme des concrétions cristalloides du pus. Von 
Langenbeck, en Allemagne, et Lebert, en France, 
cn publièrent des descriptions respectivement en 
1845 et en 1857; cependant, sa nature parasi- 
taire et végétale, soupçonnée en 1868 par Rivolta, 
ne fut établie qu'en 1877 par Bollinger et Ilarz, 


qui lui imposérent le nom assez impropre d'Ar/i- 
nomyces boris, et désignèrent par le terme d’ac/i- 
nomycose l'affection à laquelle il donne lieu. 

L'appellation actuelle de Discomyces est due à 
Rivolta, qui la créa en 41878; cette même année, 
Israël observa sur l'homme deux cas de pyėmie 
avec granulations jaunes, et Ponfick établit l’iden- 
tité de ces cas avec l’actinomycose bovine. Depuis 
cette époque, les observations de la maladie et de 
son parasite se sont multipliées en France et à 
l'étranger et ont porté la lumière sur bien des 
points de son histoire. 

Cependant un de ces points reste encore très 
obscur: à savoir l’étiologie de l'affection, c’est-à-dire 
son mode de. transmission et les conditions biolo- 
giques dont le concours est indispensable ou utile 
à l'infection. Il semble acquis que l’actinomycose 
ne peut pas se communiquer directement de 
l'homme ou de l'animal à l'homme, ni inverse- 
ment, ou du moins que ce mode de contamination 
est exceptionnel et. très rare. Les tentatives expé- 
rimentales pour reproduire la maladie par inocu- 
lation des granulations prises sur les malades ou 
des produits de la culture artificielle du champi- 
gnon ne donnent ordinairement aucun résultat. 

L'infection spontanée suit donc vraisemblable- 
ment une autre marche et emprunte pour s’opérer 
le concours d’un agent intermédiaire, d’un véhicule 
étranger. Des faits très nombreux, notés par divers 
auteurs, semblent permettre d’incriminer les débris 
durs de végétaux, particulièrement de graminées 
(arêtes d'épis, glumes et glumelles dentées et 
scabres), qui, en pénétrant accidentellement dans 
les tissus, y introduisent les spores dont ils sont 
chargés. 

Les Discomyces végètent très aisément à l’état 
libre sur les grains des céréales; leurs spores pos- 
sèdent une résistance très grande contre les causes 
extérieures de destruction, notamment contre la 
chaleur, et peuvent par suite conserver pendant 
longtemps leur vitalité, ces spores, répandues sur 
les épis des graminées, ont donc de fréquentes 


N° 1446 


chances de pénétrer soit sous l’épiderme des bètes 
bovines auxquelles la paille est donnée en litière 
ou en nourriture, soit sous la peau des personnes 
qui par leur profession doivent quotidiennement 
manier celte paille ou toucher les épis infestés. 
Les barbes et arêtes, par leurs denticules, font 
oflice d'appareil d’inoculation : cette étiologie de 
l’actinomycose emprunte une grande vraisemblance 
au fait qu'elle sévit avec une plus notable fréquence 
chez les laboureurs, les moissonneurs, les valets de 
ferme, les jardiniers, les cochers. 

Les lésions tégumentaires ou buccales peuvent 
également, et sans inoculation par les barbes de 
graminées, servir de porte d'entrée aux spores 
répandues sur la paille; ce mode de contamination 
par simple contact est sans doute plus à redouter 
pour le bœuf que pour l’homme. Quelques obser- 
vations permettent encore de conclure à la possi- 
bili d’une transmission éventuelle, surtout chez 


COSMOS 


401 


tion serait moins forte en Angleterre, en Italie, en 
Suisse, en Turquie, en Hollande, en Roumanie, en 
Suède, en Grèce, ces pays étant rangés dans l’ordre 
décroissant du nombre des cas. Toutefois il faut 
noter que cette relativité dans la fréquence est 
probablement plus apparente que réelle, les obser- 
vations étant précisément plus nombreuses dans 
les pays plus éclairés, où la science médicale est plus 
avancée et permet par conséquent des constata- 
tions plus précises. Dans un même pays, la maladie 
parait aussi posséder des foyers, mais ces foyers 
correspondent aux centres médicaux, qui possèdent 
des spécialistes instruits et des ressources de labo- 
ratoire étendues, conditions permettant un dia- 
gnostic exact de l'affection. 

C'est ainsi qu'en 1904 on a reconnu, à Paris seu- 
lement, une ‘cinquantaine de cas d'actinomycose 
humaine, soit environ la moitié des cas pour la 
France entière. Il est assez invraisemblable que la 





F1G. 1. — ASPECT D’'UNE GRANULATION ACTINOMYCOSIQUE. 


l'homme. directement par les aliments ingérés: 
chair ou lait de bœufs ou de vaches actinomy- 
cosiques. 

L'actinomycose peut apparaitre chez des indi- 
vidus de tout âge, mais elle est plus fréquente chez 
l’homme que chez la femme, peut-être simplement 
parce que l’homme se trouve plus exposé aux 
chances de contamination. Comme la tuberculose, 
qui en serait, par certaines analogies microbiennes, 
une proche parente, elle rentre dans la catégorie 
des « maladies de misère », dont l'invasion est 
favorisée par des défectuosités dans l'alimentation 
et l'hygiène: ainsi s'explique sa fréquence plus 
grande dans une classe sociale où les soins de pro- 
prelé, la nourriture, le repos sont insuflisants. 

Différents auteurs se sont occupés de la réparti- 
tion géographique de l’actinomycose. Parmi les 
pays où cette affection compte le plus grand 
nombre de cas figurent la France, la Russie, l’Alle- 
magne, l'Autriche, l'Amérique du Nord. La propor- 


F1G. 2. — MASSUES PÉRIPHÉRIQUES TRÈS GROSSIES, 


capilale possède à ce degré la spécialité de cette 
contagion, el il est logique de penser que l’actino- 
mycose sévit en provigce, surtout à la campagne, 
sous des erreurs de diagnostic qui la confondent 
avec d'autres affections. D'une manière générale, 
l'étude de la répartition géographique du Disco- 
myces, à l’état parasite, a permis de conclure que 
sa végélalion est favorisée par le séjour dans les 
régions humides et marécageuses, les terrains 
d’alluvion. 

Il reste maintenant à dire quelques mots des 


symplèmes cliniques qui décèlent chez l'homme la 
marche de la maladie. L'actinomycose humaine 
aboutil normalement à une suppuration présentant 


tous les caractères d'une pyémie chronique. L'in- 
vasion du parasite par inoculation en un point 
quelconque de l'organisme provoque d'abord une 
nécrose locale des tissus, probablement attaqués 
et digérés par une diaslase spéciale sécrétée par 
le champignon pour servir à sa nutrition. 


102 


Autour de cette première colonie, l'organisme 
établit bientôt sa défense par une tentative de pha- 
gocytose, accompagnée de l'inflammation locale 
caractéristique. La granulation actinomycosique 
se trouve ainsi isolée des tissus où elle végète par 
un assemblage de leucocytes mononucléaires, de 
cellules épithélioïdes et de cellules géantes, for- 
mant avec une couche de tissu conjonctif une véri- 
table barrière. A mesure que la végétation du 
champignon s'étend à l'intérieur, la barrière défen- 
sive recule et s’épaissil, en même temps que lin- 
flammation s’accentue. Ainsi se forme un petit 
abcès, qui peut resler isolé ou devenir confluent 
avec des abcès voisins. 

Cette fusion des nodules produit des clapiers 
plus ou moins étendus, irréguliers, contenant un 
pus dans lequel nagent librement leg granulations 
du Discomyces. Ces clapiers ont une cavité très an- 
fractueuse; ils peuvent s’ouvrir au dehors par une 
fistule, permettant l'issue du pus avec les grains 
actinomycosiques qu'il renferme. La présence dans 
le pus de granulations montrant au microscope 
les massues périphériques permet de diagnostiquer 
l'actinomycose. 

L'invasion du parasite peut se faire en tous les 
points du corps et provoquer dans tous les tissus 
les lésions caracléristiques. Cependant il parait 
affecter dans sa localisation des préférences qui 
ont permis d'établir des divisions cliniques, à cha- 
cune desquelles correspond ordinairement un pro- 
nostic spécial. De ces formes, l’actinomycose cer- 
vico-faciale est la plus fréquente (6 cas sur 10); 


a 


COSMOS 


0 OCTOBRE 1912 


elle débute ordinairement au niveau d’une dent 
gâtée ou par la plaie d’une dent arrachée, parfois 
aussi par le larynx, les glandes salivaires; les cla- 
piers se creusent au voisinage du maxillaire, 
laissant échapper par des conduits fistuleux un pus 
séreux ou visqueux contenant les granulations 
spécifiques. Celte forme est peu grave, et la guéri- 
son y est normale. 

On observe encore, mais moins fréquemment, 
l'aclinomycose pleuro-pulmonaire, simulant une 
bronchite ou la tuberculose; une actinomycose 
viscérale, attaquant le cœur, le foie ou certaines 
régions de l'intestin; une actinomycose cutanée, 
frappant les membres superficiellement sous la 
forme de faux anthrax à évolulion aiguë on d'ul- 
cères chroniques, et pouvant gagner les muscles 
sous-jacents; une actinomycose cérébrale. 

Jl faut noter que ces formes (sauf la cutanée, 
toujours primitive) peuvent ètre ou primitives par 
inoculation direcle, ou secondaires et consécutives 
à l'actinomycose cervico-faciale. Le parasite, en 
effel, ofre une tendance à l'extension et gagne 
facilement les parties profondes, soit en emprun- 
tant le cours du sang ou de la lymphe, soit par 
propagation directe, en creusant progressivement 
ses clapiers à iravers tous-les organes; les os et les 
aponévroses ne suffisent pas à l'arrêter. L’aclino- 
mycose des viscères thoraciques ou abdominaux 
est une affection très grave; celle du cerveau est 
toujours mortelle. Dans les cas curables, l’iodure 
de potassium donne de bons résultats. 

A. ACLOQUE. 





La fixation des vers parasites dans l'intestin." 


Les travaux de Weinberg, de Metchnikoff, du pro- 
fesseur Guiart et de son élève, le D" C. Garin, de 
Lyon, ont démontré que les vers parasites se firent 
à la paroi intestinale et n'errent pas en liberté à 
l'intérieur de notre tube digestif, comme les phy- 
siologistes et les médecins le croyaient jadis. Dès 

4860 cependant, Vixavait admisque letrichocéphale 

— le plus commun des vers intestinaux, — en s'atta- 
chant à la muqueuse par sa partie antérieure rigide 
et très effilée, pouvait créer des ulcérations intes- 
tinales. Mais il fallut les efforts récents de nom- 
breux observateurs pour voir le fait mis hors de 
doute. 

Le phénomène de la fixation resta longtemps 
ignoré, car, les parasites se détachant rapidement 
de Ja paroi après la mort de leur hôte, on les ren- 
contrail libres dans l'intestin des cadavres dont on 
pratiquait l'autopsie dans les délais réglementaires 
(vingt-quatre heures après le décès en France et 
dans presque tous les autres pays d'Iurope). Tou- 

(1) V. Cosmos, 61° année, n° 1#36 ({" août 1912), p. 123 


tefois, chez les animaux, on trouve le parasite fixé. 
Askanazy expliqua cette contradiclion apparente 
en constatant la présence de quarante trichocéphales 
fixés dans une autopsie qu'il fit quatre heures après 
la mort, tandis qu'il observa cent quatorze para- 
siles libres dans l'intestin d'un sujet décédé depuis 
une quarantaine d'heures. On peut donc conclure 
que si l'on ne rencontre pas les vers fixés chez 
l'homme, cela tient à ce qu’on autopsie les cadavres 
seulement de longues heures après le décès, tandis 
qu'on ouvre les bètes immédiatement après leur 
mort. 

Le D' Garin vérifia récemment l'exactitude de 
celte interprétation, ct il relate plusieurs observa- 
tions intéressantes à cet égard dans son mémoire 
sur l'£ntérite trichocéphalienne (1911). Ainsi, dans 
toutes les nécropsies qu'il effectua à Lyon dans les 
vingt-quatre heures réglementaires, il ne vit jamais 
de trichocéphales fixés. Mais au cours d'une mission 
en Tunisie,comme la législation autorise l’aulopsie 
immédiate, il put la pratiquer sur quinze sujets 


N° 14460 


moins de deux heures après leur décès. Quatre 
d’entre eux renfermaient des trichocéphales tous 
fixés. La photographie ci-jointe (fig. 1), que nous 
devons à l'obligeance du savant lyonnais, établit 
la fixation d'une manière absolue; elle représente 
avec un grossissement de 7 diamètres une partie 





FıG. 1. — TRICHOCÉPHALE 
FIXÉ SUR LA MUQUEUSE CÆCALE DE L'HOMME. 


Grossiss:ment: 7 diamètres. 


de muqueuse cæcale humaine sur laquelle l’inser- 
tion du trichocéphale s'observe très nettement. L’ex- 
trémité antérieure du ver a pénétré sous la paroi 
intestinale, laissant seulement émerger sa parlie 
renflée. 

Cetle question de parasitologie offre, indépen- 
damment de son intérêt scientifique, une grande 
utilité pratique. 

Lorsque les physiologistes supposaient que les 
vers vivent dans l'intestin comme des « chemi- 
neaux » ne demandant à leur hòte que quelques 
minimes reliefs de leurs repas pour s'alimenter, 
ils considéraient ces parasites comme peu. dange- 
reux. Maintenant que la fixation de ces bestioles 
est unanimement admise, leur ròle pathogène 
apparait très important. Que de méfaits ne leur 
met-on pas aujourd’hui sur le dos! 

L'homme doit, en effet, aux vers intestinaux 
de multiples affections. Selon Metchnikoff, ils 
déterminent certaines catégories d’appendicite. 
Guiart les considère comme des inoculateurs de 
fièvre typhoïde, de choléra et peut-être de tubercu- 
lose intestinale. D’après Perroncito, ils causent 
fréquemment l’anémie des mineurs, et le D" Garin 
a montré que certaines formes d’entérite chronique 
provenaient du trichocéphale. 

Le microscope a permis de reconnaitre que la 


COSMOS 


403 


plupart des vers s'enfoncent dans la muqueuse 
pour percer les vaisseaux sanguins. D'ailleurs, s'ils 
se contentaient de sucer le sang de leur hôte et de 
lui en ravir une faible quantité, ils ne lui cause- 
raient pas grand dommage, vu l’exguité de leur 
taille et la petitesse des vaisseaux capillaires per- 
forés. Mais étant donnée la solidité de la fixation 
de certains vers — témoin ce fragment de muqueuse 
de l’estomac de porc dans laquelle sont profondé- 
mentenfoncéstroisGnathostomum hispidum(fig.2), 
— on comprend l'importance des lésions qu'ils 
déterminent. Or, la moindre érosion de la paroi 
intestinale facilite l’inoculation des microbes qui 
pullulent loujours dans le tube digestif. Ainsi donc 
ces parasites sont extrêmement dangereux par les 
maladies intestinales qu'ils provoquent et par les 
infections qu'ils peuvent également porter jusque 
dans le sang de leur hôte. 

Comment diagnostiquer la présence des vers dans 
l'intestin des malades? On examine soigneusement 
au microscope les matières fécales, afin d’y déceler 
la présence des œufs de vers, et d’après leur forme 
les techniciens savent déterminer à quelles espèces 
ils appartiennent. 

Le médecin devra effectivement varier sa médi- 
cation selon qu'il s'agira de combattre l’ascaris ou 
l'oxyure, les tænias ou le trichocéphale comme un 
récent article du Cosmos nous l'a appris (4). 

Nous compléterons cette étude relativement au 
thymol, vermifuge énergique du trichocéphale.Pour 
débarrasser le patient de ce parasite aussi résistant 





— FRAGMENT DE MUQUEUSE DE L'ESTOMAC D'UN 
PORC OU SONT FIXÉS TROIS VERS PARASITES APPARTE- 
NANT A L'ESPÈCE € GNATHOSTOMUM HISPIDUM ». 


FE 2. 


que long à expulser, il faut administrer quotidienne- 
ment trois à cinq cachets d'un gramme de thymol 
pendant quatre jours. Ensuite, on prescrit une pur- 
gation saline le dernier jour. D'ordinaire, cette 


(1) Les vermifuges dans la thérapeutique moderne. 
Cosmos, loc. cit. (1 août 1912), 123 à 125. 


10% 


« cure thymolée », comme l'appelle le D° Guiart, 
ne suffil pas pour tuer tous les trichocéphales, on 
doit pratiquer huit ou dix jours plus tard un second 
examen microscopique, puis, le cas échéant, recom- 
mencer un nouveau traitement similaire qu'il faut 
faire suivre souvent d'une troisième ou d'une qua- 
trième cure. 

Grâce à ces acquisitions récentes concernant la 


COSMOS 





10 ocrogre 1912 


biologie des vers intestinaux et aux moyens théra- 
peutiques qui en découlent, les médecins pourront 
désormais guérir cerlaines entérites rebelles et 
éviter les interventions chirurgicales dans nombre 
de crises appendiculaires en prescrivant simplement 
à leurs malades quelques substances anthelmin- 
thiques. 


JACOUES BOYER. 


L'industrie des foies gras. 


Cesl de temps immémorial, parait-il, que les 
oies et les canards du bassin de la Garonneont été 
sélectionnés; probablement depuis les Romains. 
Ces derniers, en effet, étaient de grands amateurs 
d'oies engraissées avec des figues et ils recher- 
chaient particulièrement les foies gras. 

On prétend encore qu’un prince de l'Église, passé 
de Gascogne au siège archiépiscopal de Stras- 
bourg, il y a deux cents ans, introduisit dans les 
menses d'Alsace la race d'oies de Toulouse. Cette 
race estencorc aujourd'hui la plus intéressante pour 
l’engraissement et la production du foie. De toutes 
les variétés d'oies communes, c'est la plus pré- 
coce et celle qui donne la chair la plus fine. On 
recherche le type à fanon et à bavette, né de la 
sélection et d'un engraissement intensifenchambre. 
Cette oie, beaucoup plus grosse que l'oie sans 
bavette et sans fanon, donne les foies les plus 
volumineux pouvant atteindre 2 et mème 3 kilo- 
grammes, dit-on. On prétend que les oiseaux dont 
le sac (peau du ventre) est peu développé s en- 
graissent plus tôt. 

Les foies de Strasbourg seraient encore plus 
appréciés. [ls sont produits par les grandes oies 
cygnes. En décembre, janvier, les marchés de cette 
ville reçoivent près de 300 000 oies grasses, et 
plus de 250 personnes de la cité se livrent au com- 
merce des oies grasses et des foies. On estime que 
la quantité de ces derniers, qui sont mis en œuvre 
dans lesseules fabriques de conserves de Strasbourg, 
esl de 100000 à 125 000 kilogrammies. 

Quant au canard, cest la variété mulet ou 
mulard qui convient le mieux. Le foie de canard 
vaut trois fois plus, prélend-on, que le foie d’oie, 
poids pour poids. Ce n’est qu’à défaut du premier 
qu'en Gascogne on confectionne les terrines avec 
des foies d'oie. A Périgueux, Cahors, Nérac, Auch, 
Toulouse, le foie de canard cuit dans sa graisse cl 
convenablement truffé est couché dans un lit de 
farce confectionné avec un foie d'oie pilé au mor- 
tier. 

Le påàté de Strasbourg, lui, esl fait d'un foie d'oie 
couché aussi dans un lit de farce, mais faile avec 
de la charcuterie passée au pilon. 


Ajoutons que les autres parties du corps de 
l'animal, oie ou canard, servent à faire des con- 
fits (avec les abatis surtout) ou des rilleltes. On 
les sale aussi et les fume. On utilise encore la peau 
pour fourrure sous le nom de peau de cygne. 


:. Pour encourager dans les campagnes cette petite 


industrie agricole qu'est la production des foies 
gras, on est allé jusqu’à instituer des concours 
dans lesquels on récompense le poids du foie sans 
cœur ni graisse et la blancheur et l'absence des 
taches et des rougeurs. 

C'est par un engraissement intensif approprié 
que l'on entraine l'hypertrophie de l'organe en 
question, qui, à ce régime, s'infiltre de graisse et 
devient ainsi très apte à la confection des pâtés. 
Si cette préparation spéciale du volatile peut ne 
faire que doubler le poids de l'animal, celui du 
foie peut tripler et quadrupler. 

Les engraisseurs d'oies sont de vrais industriels 
qui ont en vue soil la vente de l'oie grasse, soit 
celle de l’oie fumée, soit encore la vente du foie 
gras. Mais, en général, ils s’approvisionnent de 
jeunes volaliles âgés de trois mois, ou mieux de 
six à huit, alors que, bien en chair, ceux-ci sont 
plus aptes à ètre engraissés. Suivant les races et 
les croisements, ils pèsent à cet âge de 4 à 6 kilo- 
grammes. Ces jeunes oies sont fournies par des 
éleveurs possesseurs de prairies, qui font l'élevage 
en grand des oisons, achetés eux-mêmes à l’âge 
de dix jours à des producteurs spéciaux. Rarement, 
sauf pour la reproduclion, on garde les oiseaux 
d'une année à l'autre. 

En Alsace, on fait naitre généralement vers le 
mois d'avril et on commence à engraisser en 
aoùt. Dans le S.-0., on se livre à l’engraissement 
des jeunes oies dès qu`arrivent les froids, d'octobre 
à janvier. 

L'engraissement proprement dit est précédé 
ordinairement, dans cetle région, d'une période 
d'une quinzaine de jours, pendant laquelle on 
augmente la ration. On laisse les volatiles aller 
librement dans la cour de la ferme. On leur donne 
des pommes de terre, du petit son, du maïs et du 
sarrasin à volonté. Pour obtenir le maximum 


N° 1416 


d'effet du maïs, qui est l'aliment par excellence, 
on doit choisir ta graine de deux ans, que l'on 
fait gonfler dans de l’eau salée ou cuire légèrement. 
On peut aussi la concasser grossièrement, puis 
l'humecter fortement avec de l’eau légèrement 
salée, de façon à lui en faire absorber quatre fois 
son poids. Quand la chose est possible, on remplace 
l'eau par du lait écrémé, du pelit-lait, du babeurre. 

Le maïs colore la chair en jaune. Si on la veut 
blanche, couleur plus appréciée, on emploie du 
maïs blanc ou des farines blanches. Les pommes 
de terre et autres féculents auraient donné de moins 
bons résultats. Cependant, par raison d'économie, 
il est possible de faire des mélanges. De même, 
le tourteau de maïs, plus riche en matières azotées 
et en matières grasses, est à conseiller, comme 
d'ailleurs tous autres aliments riches en ces prin- 
cipes. A Strasbourg, on emploie concurremment les 
fèves et le maïs, les premières d’abord. 

Rappelons que M. Magnan a remarqué que les 
canards qui mangent des poissons ou des insectes 
donnent un foie plus gros que ceux qui sont ali- 
mentés avec de la viande ou des matières végé- 
tales. 

Certains éleveurs, pour rendre l’engraissement 
plus complet ou pour en abréger la durée, font 
avaler à l'oie une cuillerée d'huile d'olive à chaque 
repas. On ajoute aussi aux pâtées du charbon en 
poudre. D'autres mettent dans l’eau un peu d’anti- 
moine, du gravier ou, les derniers jours, font boire 
de l'eau salée pour activer la digestion. 

On vend, parait-il, dans certaines régions, une 
poudre à base d'arsenic qui favorise la dégéné- 
rescence graisseuse du foie, dans lequel il se 
localise en partie, rendant malheureusement l'ali- 
ment toxique pour les consommateurs. 

Quand les oies sont demi-grasses, on les gave. 
A cet effet, on peut les tenir dans une épinette, 
comme on le fait dans la région de Strasbourg, 
ou toul au moins les laisser dans une chambre 
obscure garnie de paille. Pour alimenter les bêtes, 
on s'aide d'un petit entonnoir en fer-blanc construit 
spécialement pour cet usage : son extrémité est 
taillée en sifflet et bien émoussée et arrondie. 
Avec cet appareil, on introduit dans le jabot, et cela 
deux ou trois fois par jour, en se servant d'un bâton, 
au total 0,50 à 0,75 kilogramme de mais en grains. 
On s'assure, avant chaque opération, que le repas 
précédent a été complètement digéré. On augmente 
progressivement la ralion en la proportionnant à 
l'appétit et à l'accroissement de l'oiseau. 

On gave aussi aux pâtons faits d'olives de 
farine de mais préparées la veille et trempées 
légèrement au moment de l'emploi dans du lait 
ou du petit-lait. On doit tenir de l'eau à discrétion 


COSMOS 


405 


à la porlée des animaux, eau souvent renouvelée. 
Les avis sont cependant partagés; certains pré- 
tendent, en effet, que les canards qui s’abreuvent 
lrop s’engraissent mal. Dans tous les cas, on ne 
doit négliger aucun soin de propreté. 

Dans les premiers temps de l’engraissement. 
quand l’oie touche au maximum de poids, elle se 
trouve fort affaiblie, au point que des accidents 
sont à craindre. La respiration peut être diflicile, 
embarrassée. Le bec a généralement perdu sa cou- 
leur jaune vif; il est de teinte plus pâle, plus 
terne. Une pelote de graisse doit alors se trouver 
sous chaque aile. Comme dans cet état, qui fait 
dire dans la région de Toulouse que « les oies 
sont morfondues », l'animal peut perdre de son 
poids, il ne faut pas tarder de le sacrifier. 

Pendant les derniers jours de l’engraissement, 
la chair et la graisse gagnent plutôt en finesse 
qu'en poids. 

Il faut une certaine habitude, un doigté particu- 
lier, pour apprécier, en palpant la bête, qu’elle 
est à point, cela ne s’acquiert que par une longue 
pratique. On estime que la durée moyenne du 
gavage est de quatre à six semaines: qu’il faut, 
cn moyenne, 0 litres de maïs pour engraisser une 
oie. Celles qui sont de grosse race pèsent jusqu’à 
quatre fois plus qu'avant l’engraissement; elles 
valent alors de 15 à 20 francs. Le canard mulard 
demande une quinzaine de jours, et il consomme 
de 15 à 18 litres de maïs. Arrivé à son maximum 
d'engraissement, il reste accroupi, les ailes presque 
tombantes, les plumes de la queue écartées. 

Avant de tuer les animaux, que l’on a, au préa- 
lable, séparés dans un local sombre ou dans une 
caisse, on leur fait avaler de l'eau salée addi- 
lionnée de lait. Quand ils ont jeùné une demi- 
journée, on les saigne. 

Un éleveur distingué, M. Dirat, de Faudoas 
(Tarn-et-Garonne), a établi le compte suivant pour 
l'élevage de 300 oisons: 

Achat de 8 oies pour la ponte (à 6 francs), 
48 francs; leur nourriture (12 hectolitres de mais 
à 9 francs), 108 francs; 6 dindes couveuses, 
36 francs; leur nourriture (140 litres d'avoine), 
42 francs; nourriture des 300 oisons pendant vingt- 
cinq jours (son, farine de maïs, blé et avoine), 
16 francs. Total : 280 francs. 

Recette : 300 oisons à 14,5 fr, 450 francs: vente 
des 6 dindes à 3 franes, 18 francs; valeur des oies 
après la ponte à 3 francs, 24 francs. Total: 
492 francs. Bénéfice : #92 — 20 — 212 francs. 

L'expérimentateur fait remarquer que les oisons 
peuvent se vendre jusqu'à 3 francs. 





ROLET. 


406 


COSMOS 


10 ocrogre 1912 


Le grand bassin en eau profonde de Southampton. 


Les efforts de la Grande-Bretagne pour se tenir, 
au point de vue maritime, à la hauteur des besoins 
du commerce et de tous les progrès de la naviga- 
tion, sont une des manifestations de cette initia- 
tive dont on fait si continuellement montre en 
Angleterre. Il faut dire aussi que l'administration 
et l'exploitation des ports ne sont point confiées à 
des fonctionnaires de l'Etat, mais à des entreprises 
commerciales particulières. Pour ce qui est de 


Southampton, les docks, c'est-à-dire les bassins et 
les divers établissements du port, ont été repris 
en 1892 par la Compagnie de chemins de fer 
London and South Western Railway. 

Ce qui montre bien l’activité que met la Compa- 
gnie en question, et que d'ordinaire meltent les 
exploitants des ports anglais, à les perfectionner 
constamment au fur et à mesure que les navires 
demandent des aménagements plus importants, 


= 
a "a 
i Es. 


a H LI 
CLS 


ON PL 


A 


À TE 


Le 





$ . LE 


n 


L'EXÉCUTION DES MURAILLES DES QUAIS EN TRANCHÉE BLINDÉE. 


c'est que le dock de carénage le plus perfectionné 
que possédait Southampton n'ayant été terminé 
qu'en 1905, dès maintenant, au bout de six années 
à peine par conséquent, on est en train de refaire 
ce dock pour répondre aux dimensions croissantes 
des navires à vapeur. Rappelons d’un mot que ce 
bassin de carénage, dit de Trafalgar, était, en 
1905, bien supérieur aux besoins immédiats: sa 
longueur était de 270,50 m pour une largeur, à 
l'entrée, de 27,43 m; la largeur maximum du bassin 
proprement dit, au sommet des murs, était de 
J8 mètres, et la largeur au point le plus bas de 


27,43 m également; aux hautes mers ordinaires 
de vives eaux, on trouvait une profondeur d'eau 
de 10,05 m sur le seuil de la porte et de 10,20 m 
au-dessus des tins. Dès que l’on a eu décidé la con- 
struction de l’'Olympic, le bateau dont nous avons 
parlé ici à plusieurs reprises, la Compagnie songea 
aussitôt à augmenter le bassin de 6,70 m sur sa 
longueur et de 3,04 m sur sa largeur, et même 
de 3,65 m sur sa largeur intérieure entre le sommet 
des murailles, la profondeur d’eau sur le seuil de 
la porte devant être augmentée de 60 centimètres. 
Pour aller au plus vite, on a agrandi le dock pri- 


N° 1446 


mitif au lieu d’en construire un nouveau; on a 
démoli les maçonneries et on les a reportées au 
point convenable. 

Ce sont là des dépenses considérables, mais très 
inférieures certainement à celles auxquelles se 
livre la Compagnie, à l'heure présente, pour doler 
Southampton d’un grand bassin à flot, répondant 
aux besoins de la navigation et pouvant recevoir 
notamment des bateaux tels que Olympic. Il 
faut noter, pour expliquer de pareilles dépenses, 


COSMOS 


407 


que Southampton est véritablement un port 
unique : il jouit par sa situation géographique de 
cet avantage précieux de quatre marées quoti- 
diennes. Une première marée remonte le Solent, 
et deux heures plus tard c'est celle qui arrive par 
le canal de l'Est séparant lile de Wight de la 
grande terre. On comprend que, dans ces conditions, 


il y ait un intérêt tout particulier à mettre le port 


en état de recevoir les plus grands bateaux à flot. 
Ce n’est point pourtant que le port de Southamp- 





LA CONSTRUCTION DES MURS DK QUAI EN BLOCS DE BÉTON. 


ton manque actuellement de bassins. Nous pour- 
rions signaler notamment le grand bassin appelé 
Empress Dock, puis les deux bassins qui commu- 
niquent entre eux et qui portent l’un le nom de 
Outer dock, et l’autre celui de Inner dock. Le pre- 
mier représente une superficie de près de 9 hec- 
tares, avec une profondeur d’eau de 7,80 m à 
basse mer. Nous ne parlons pas des deux ports 
d’échouage, qui ne servent qu’à la petite naviga- 
lion. C’est précisément entre les anciens docks 
dont nous venons de parler et le port d’échouage 
principal que l’on est en train d’exécuter un bassin 


à flot à grand tirant d'eau. Ce nouveau bassin, qui 
ne sera point muni d'une porte, par suite des 
approfondissements et dragages, a une longueur 
de 518 mètres sur une largeur de 122 mètres. Ce 
n’est pas énorme sans doute comme largeur, mais 
c’est très suffisant pour permettre la manœuvre 
directe des plus grands bateaux entrant en couple, 
au besoin, dans le bassin. Celui-ci aura définitive- 
ment une profondeur de 12,20 m à basse mer de 
vives eaux ordinaires; à haute mer, la profondeur 
correspondante atteindra partout, quand les tra- 
vaux seront absolument terminés, 16,15 m. En 


108 


fait, grâce aux particularités de marée que nous 
signalions tout à l’heure, le bassin jouira à chaque 
marée de quatre heures de haute mer. Aussi bien, 
cette considération n’est importante que pour le 
chenal d'entrée du bassin, puisque, dans le bassin 
même, les profondeurs dépassent les besoinsactuels. 
Ce chenal venant de la rivière et de la mer est 
d'une profondeur de 9,75 m à basse mer; les dra- 
gages qui s'effectuent à l'heure présente porteront 
cette profondeur à 10,67 m. Mais on compte dra- 
guer à une profondeur bien supérieure sur une 
surface assez vaste, un peu avant l'entrée du 
bassin, de manière à permettre aux plus grands 
navires d'y faire toutes les manœuvres nécessaires 
pour prendre la position voulue au moment de 


l'entrée. De larges quais entoureront partout le 


bassin; ces quais sont terminés vers l'entrée et 
pour la moitié Nord des quais latéraux, avec appon- 
tements, magasins, constructions diverses; déjà 
Olympic a pu s'amarrer à quai le long de cette 
partie du bassin et y procéder aux diverses opéra- 
tions habituelles dans les ports. Il va sans dire 
que ces quais seront équipés de façon remar- 
quable, avec des grues électriques de puissance 
variable. La largeur utilisable des quais sera de 
10,67 m; deux lignes de rails s’y étendront qui 
permettront aux wagons de venir charger ou 
décharger. On a prévu également deux ponts rou- 
lants, ou plus exactement deux débarcadères rou- 
lants qui donneront un passage facile aux voya- 
geurs débarquant ou embarquant, jusqu'à la galerie 
ouverte dépendant des constructions destinées à 
former gare maritime. Nous n'avons pas à insister 
sur les aménagements de cette gare, pas plus que 
sur les installations subsidiaires du bassin, qui 
seront à la hauteur de tous les progrès modernes. 
Ce bassin sera naturellement réservé à la grande 
navigation; les autres répondront aux besoins des 
navires moins importants; ceux-ci auront d’ailleurs 
à leur disposition les quais représentant une lon- 
gueur énorme, qui bordent les deux rivières con- 
stituant le port de Southampton. 


La construction même du bassin a été fort intt- 
ressante. Elle a été confiée à des entrepreneurs 
anglais, MM. Cophan, Jones and Railton. Les diffi- 
cultés ont été ačcrues de ce fait que les travaux 
s'effectuent à un emplacement qui était formé 
principalement de marécages le long de la rivière 
Tent, marécages que l'on avait remblayés en partie 
en y déversant les cendres et escarbilles des stea- 
mers fréquentant le port. Ces marécages n'étaient 
séparés de la rivière que par une sorte de banquette 
poreuse de grès, à travers laquelle, à chaque haute 
mer, l'eau passait et arrivait dans le marais. On 
a pu utiliser cette banquette de grès pour faire une 
espece de cofferdam, de bitardeau destiné à isoler 
complètement de fa rivière le terrain où l’on allait 
creuser ct continuer le bassin. Tout naturellement, 


COSMOS 


10 OCTOBRE 1419142 


on a renforcé cette banquette avec une série de 
palplanches en bois, puis avec des terres jetées au 
bas de la banquette et maconnées grossièrement 
au moyen de ciment. On a pu alors procéder à 
l’'excavation des terrains, jusqu’à une profondeur 
de 9 mètres environ plus has que le niveau des 
futurs quais, au moyen de pelles et excavateurs à 
vapeur, quienlevaient quotidiennement 3 500 mètres 
cubes de déblais. On avait monté des pompes élec- 
triques centrifuges pour remédier à l’envahisse- 
ment possible des eaux. La plus grande partie de 
ces déblais ont été évacués sur la mer, à assez 
grande distance au delà de l'ile de Wight, là où 
ils seront emmenés par les courants. 

Quand l'excavalion eut été descendue jusqu’à 


9 mètres environ, il a fallu penser à faire des tran- 


chées soutenues par des palplanches pour établir 
les fondations des murs de quais. (Ces tranchées 
n'avaient pas moins de 143 mètres de large, pour 
un peu plus de 13,70 m de profondeur; si bien 
que leur partie la plus basse descendait à près de 
23 mètres au-dessous du niveau futur des quais. 
On se heurta à des difficultés considérables dans 
celte partie du travail; il fallait notamment lutter 
contre l’afflux des eaux. Les fondations des mu- 
railles ont été construites en béton au ciment de 
Portland; on disposait d’une installation pour le 
mélange du béton, installation qui était capable 
de fabriquer quotidiennement plus de 700 mètres 
cubes de ce béton. Quand les murailles ont été 
terminées, on a comblé l’excavation qui se trou- 
vait entre elles et le massif de terre au moyen 
de matériaux bien secs. Sur certains points, paiti- 
culièrement vers l'extrémité extérieure du dock, 
il fallut creuser directement les tranchées où 
devaient se faire les fondations des murailles, 
jusqu'à une profondeur de près de 23 mètres, sans 
déblai préalable. Quand toutes ces murailles ont 
été terminées, on a pu rompre le bätardeau qui 
isolait l'emplacement du bassin de la rivière Tent, 
et alors on a achevé le travail au moyen de dragues, 
l’eau ayant envahi complètement l'emplacement 
du futur bassin. 


Pour les murailles extérieures limitant l’entrée 
même du bassin, les quais ont élé construits en 
pleine eau pour ainsi dire, après dragage prélimi- 
naire ; à la suite de ce dragage, on avait foncé 
deux rangées de palplanches bien étanches for- 
mant bâtardeau. Et c’est à l'intérieur de cette 
double muraille de bois que la tranchée a été fina- 
lement excavée au moyen de ces dragues à cuiller 
à fermeture automatique que les Anglais appellent 
des grabs. Le travail était surveillé, dirigé et com- 
plété par des scaphandriers. Les fondations pro- 
prement diles ont été formées au moyen d'une 
masse de béton descendue dans leau même au 
moyen de boites à renversement. Dans leur partie 
supérieure, les murs étaient constitués de blocs de 


N° 1446 


béton de huit tonnes, descendus à l’aide d’une 
grande grue à bras horizontal, l’opération ici aussi 
étant surveillée et dirigée par des scaphandriers. 
C'est cetle opération que montre une des photo- 
graphies ci-jointes. Les blocs de béton étaient dis- 
posés en deux murailles parallèles, laissant un 
intervalle vide qui a été rempli avec une masse de 
béton. La solidité de la construction est absolument 
à l'épreuve de tout. 

Les travaux ne sont pas complètement terminés; 
mais, pour donner une idée de leur importance, 


COSMOS 


109 


disons que les lerrassements faits à ciel ouvert 
pour l'établissement du grand bassin n’ont pas 
représenté moins de 660000 mètres cubes; les 
excavations en tranchée ont formé un volume de 
200 000 mètres cubes; les dragages ont représenté 
613 000 mètres cubes; et enfin la masse de béton 
employée correspond à peu près à 210 000 mètres 
cubes. C'est un ensemble de. travaux tout à fait 
remarquable. DANIEL BELLET, 
prof. à l'École des sciences politiques 
et à l'École des hautes études commerciales. 





Les ressources mondiales d'énergie. 


La question de l’utilisation des forces naturelles 
se rattache d'une façon étroite à toutes les ques- 
tions économiques qui préoccupent le monde et 
elle doit donc être considérée comme l'un des pro- 
blèmes fondamentaux posés aux économistes con- 
temporains. 

Plus sa vie s’afline et ses besoins se mulliplient, 
plus l’homme devient incapable de faire face aux 
charges qu'il se crée et doit davantage chercher 
à tirer profit, dans ce but, des forces que la nature 
met à sa disposition. 

Chaque amélioration réalisée dans celle voie 
marque une étape nouvelle du développement des 
civilisations du globe, et si l’on voulait substituer 
à la phraséologie classique, caractérisant par la 
matière employée pour la fabrication des outils ou 
des armes les périodes successives de avancement 
du monde, une terminologie plus significalive et 
plus conforme aux conceptions modernes, on pour- 
rait baser la différenciation des âges de humanité 
sur les formes d'énergie dont l’utilisation est propre 
à chacun d'eux. 

Plus qu'aucune autre victoire de l'intelligence 
humaine, la mise en œuvre des forces de la nature 
a élargi les moyens de production de l’homme, el 
c'est en elle qu'i! a trouvé les ressources qui lui 
ont permis de satisfaire ses besoins sans cesse 
croissants. 

Ainsi, tout le progrès des temps présents sur les 
temps anciens est fait de la supériorité de la force 
mécanique sur la force animale : c’est parce que 
nous avons su tirer parti de cette supériorité, parce 
que nous avons su corriger notre faiblesse en 
asservissant les puissances extérieures que nous 
pouvons, de mieux en mieux, nous consacrer à 
l'amélioration intellectuelle et morale de notre 
race, malgré la multiplication extraordinaire de 
nos appétits matériels. 

La première innovation réalisée dans cel ordre 
d'idées a élé l’utilisation par l'homme de la force 
des animaux. 

Nos ancêtres les plus reculés n'avaient d'abord 


possédé pour exécuter les travaux quolidiens que 
leurs forces musculaires, mais ils songèrent rapi- 
dement à s'emparer de la force animale. De telle 
sorte que l’on peut dire que le cheval fut, sinon la 
plus noble conquête que l’homme ait jamais faite, 
du moins sa première conquète. 

C'est par elle que, suppléant à l'insuffisance de 
ses propres moyens, l'homme a pu entreprendre 
des chasses plus fructueuses, entamer des travaux 
de culture plus productifs, aborder l'exécution 
d'ouvrages plus sérieux. 

Plus tard, l'énergie des vents, gonflant la voile 
de ses navires ou faisant tourner les ailes de ses 
moulins; puis l'énergie des chutes et des cours 
d'eau, actionnant des roues hydrauliques, et enfin 
l'énergie calorifique dans les machines motrices 
thermiques, lui ont apporté d'autres moyens d’aug- 
menter son pouvoir producteur. 

Dès l’apparition de ces procédés, toutes les indus- 
tries commencent à se développer et elles prennent 
un essor prodigieux lorsque, au commencement du 
siècle dernier, avec l'introduction des machines 
à vapeur d'un emploi plus facile que les autres 
moteurs utilisés jusqu’à ce moment, le machinisme 
entre définitivement dans les usages. 

Or, lorsque l’on examine l’ensemble des domaines 
d'activité offerts à la population actuelle du globe, 
on s'aperçoit que plusicurs d'entre eux ne font 
qu'un usage très restreint de la force mécanique. 

ll en est ainsi, par exemple, de toutes les petites 
industries, des industries du bâtiment, des indus- 
tries agricoles, etc. 

Dans beaucoup d'autres, les applications de la 
force mécanique sont encore limitées à quelques 
cas spéciaux; mème celles qui utilisent le plus 
complètement les machines, comme les industries 
mécaniques, métallurgiques, elc., comportent en- 
core de mulliples travaux manuels. 

La tendance générale est cependant d'accentuer 
les usages du machinisme. 

De plus en plus, en effet, des professions libé- 
rales, des occupations intellectuelles sollicitent les 


410 


activités et, de plus en plus aussi, les populations 
deviennent avides de jouissances de toute espèce. 

Notre organisation sociale, d’ailleurs, est telle: 
la vie de tous les individus, depuis la naissance 
jusqu'à la mort, est entourée de tant de sécurité; 
tant de commodités ou de garanties enveloppent 
toutes les existences; si coùteuses sont toutes les 
mesures prises pour sauvegarder ou protéger les 
intérèts particuliers et généraux, que chaque indi- 
vidu, dans les pays civilisés, doit faire face à des 
charges très lourdes avant mème que de pouvoir 
songer à sa substance proprement dite. 

Chaque vie humaine est ainsi grevée de frais 
élevés: c’est ce qui explique l’augmentation des 
salaires et le renchérissement de l’existence; vou- 
loir chercher l’origine de ces phénomènes dans des 
facteurs aussi éloignés du problème que ne l'est, 
par exemple, l’élévation du prix de l'or — souvent 
invoqué dans ces questions, — c'est s'obstiner 
à confondre les effets et les causes. 

Chaque individu doit donc être mis à même de 
produire davantage — en qualité et en quantité — 
par un développement systématique de ses apli- 
tudes qui lui permette de s'aider plus largement 
de la force mécanique. 

On peut estimer que, dans les conditions actuelles, 
la puissance absorbée par tête dans tous les tra- 
vaux est une dizaine de fois plus grande que celle 
dont disposent les sociétés anciennes. 

Il est indispensable que la proportion soit aug- 
mentée encore, que l’on s’efforce d'introduire et de 
multiplier les applications du machinisme dans 
tous les domaines. 

Leurdéveloppement est une nécessité inéluctable; 
aucun pays ne pourra 8 y soustraire, mais celui-là 
aura la suprématie mondiale qui, l’activant le plus 
énergiquement, pourra devancer les autres nations. 

Déjà, parce qu'elle a gagné du terrain sous ce 
rapport, l'Allemagne se trouve aujourd'hui en tête 
des pays industriels, et c’est en grande partie 
grâce à ce qu'elle a pu suppléer à l'insuffisance de 
la main-d'œuvre par l’utilisation rationnelle des 
forces naturelles que l'Amérique du Nord a pu se 
créer dans beaucoup d'industries une situation 
prépondérante et envahir le marché étranger. 

Dans des problèmes aussi complexes que celui 
dont nous nous occupons et qui, lout en prenant 
leurs racines dans les époques reculées, peuvent 
affecter des périodes futures indéfinies, il serait 
bien téméraire d'essayer d'entrevoir ce que sera 
Pavenir en ne tenant compte que des données 
nalurelles de la question. 

Peut-être, demain, une découverte dont nous 
n'avons aujourd'hui nulle idée, faisant sorlir du 
chaos de nos connaissances ou de l'obscurité des 
choses que nous ignorons, une vérité soudainement 
devenue lumineuse, viendra-t-elle fournir aux habi- 
tants du globe des armes inattendues. 


COSMOS 


10 OCTOBRE 41912 


La sagesse ne permet point toutefois d'escompter 
ces ressources toutes problématiques et il est donc 
intéressant d'établir le relevé aussi complet que 
possible des forces naturelles qui sont à présent 
à la portée de l’homme. 

Ces forces sont de plusieurs catégories; les deux 
principales sont les combustibles et les chutes ou 
cours d'eau; d’autres, comme la chaleur solaire, 
les vents, le flux et le reflux, les vagues, n’ont 
encore qu'un intérêt pratique médiocre; il existe 
bien, il est vrai, des moyens d'en tirer parti, mais 
leur utilisation reste limitée à des cas exception- 
nels (1). 

On est généralement porté à croire que la mise 
à profit des forces hydrauliques est pour le moment 
la solution la plus efficace et la plus générale du 
problème de la force motrice. Cependant, lorsque, 
chiffres en mains, l’on compare la puissance des 
forces hydrauliques disponibles à celle qui corres- 
pond à la consommation mondiale actuelle du 
charbon, houille, anthracite, lignite, tourbe. on 
doit reconnaitre qu'il est loin d’en être ainsi (2). 

D'après les documents statistiquesles plus récents, 
on peut évaluer que les quantités de combustible 
solide consommées dans le monde représentent 
une puissance de 150 millions de chevaux approxi- 
mativement, et l'augmentation de production et de 
consommation annuelle constatée correspond à 
une puissance de 3,5 millions de chevaux. 

Nous nous ferons une idée plus complète de l'im- 
portance économique de cet agent en comparant 
la valeur pécuniaire de sa production à celle du 
fer, le métal qui a le plus de valeur industrielle, et 
à celle de l'or, qui est le plus précieux. 

La valeur commerciale de la quantité de charbon 
extraite par an est de plus de 40 milliards de francs; 
celle du fer est de 5 milliards et celle de l’or de 
2,5 milliards. Aussi le charbon est-il le facteur 
principal du développement de l'industrie moderne. 
En regard des 450 millions de chevaux qu'il pour- 
rait fournir à présent, la puissance que l'on pour- 
railemprunter aux autres sources d'énergie actuelles 
est presque jinsignifiante. 

Pour le moment, la puissance empruntée aux 
forces hydrauliques, par exemple, ne dépasse vrai- 
semblablement pas 3,5 à 4 millions de chevaux. 

Il est vrai que la mise en valeur de cette source 


(1) Giesex, Die Verwendung der naturlichen Hulfs- 
quellen in den Vereinigten Staaten Nordamerikas 
und die Zukunftigen Quellen der Kraft. Technik und 
Wirtschaft, 1910, n 2 et 3. 

British Science Guild, Natural Sources of Energy. 
Rapport, 1912. 

(2) Nous déduisons les principaux chiffres de cette 
petite note d’un remarquable travail de M. A. Schwe- 
mann: Verfügbare Energiemengen der Weltkraft- 
wirtschaft. Technik und Wirtschaft, 49114, ne 8. Voir, 
pour la France, la Statistique des forces motrices, 
publiée par le ministère du Travail. 


N° 1446 


d'énergie n’a été organisée sur des bases ration- 
nelles que depuis très peu de temps: en 1904, la 
puissance empruntée aux sources et cours d’eau 
dépassait à peine un million de chevaux, et les 
réserves dépassent de beaucoup ce qui est utilisé 
aujourd'hui. Sans tenir compte de la Russie, l’Eu- 
rope dispose de 40 millions de chevaux au moins; 
l'Amérique du Nord est très richement dotée; quant 
aux forces hydrauliques de l'Amérique du Sud, de 
l'Asie, de l’Afrique et de l’Australic, qui échappent 
encore à toute évaluation, elles sont incontestable- 
ment énormes. 

Cependant, si rapide que le développement puisse 
être, en l'espèce, longtemps encore il existera un 
écart considérable entre les chiffres relalifs aux 
deux sources de force motrice envisagées. 

Est-ce à dire que l'intérêt de l'utilisation des 
forces hydrauliques soit moindre que n’essayent de 
le faire comprendre des propagandistes enthou- 
siastes ? 

Loin de là, au contraire; puisque, quoique l'on 
puisse faire, les combustibles resteront d'une uti- 
lité primordiale dans la vie future de nos Sociétés, 
la nécessité n’est que plus urgente de hâter la cap- 
tation des autres forces mises à notre portée. 

D'ailleurs, tout le combustible extrait n'est pas 
et ne pourra jamais être consacré à la production 
de la force exclusivement, et, de plus, l’utilisation 
des forces hydrauliques présente certaines catégo- 
ries d'avantages spéciaux qui peuvent lui donner 
des conséquences d’une importance considérable. 

Les forces hydrauliques constituent une source 
de puissance plus stable que la plupart des autres, 
et elles ne s'épuisent pas. 

On leur reprochera de n'être pas toujours éco- 
nomiquement distribuables; elles ne se débitent 
pas en détail, pourrait-on dire, comme il est pos- 
sible de le faire avec le charbon, et leur puissance 
de pénétration dans les usages des différentes 
classes de la population est donc moindre. 

Mais{à cela nous sommes en droit de répondre 
que, dans la plupart des cas, elles viennent satis- 
faire les besoins d'industries existantes qui ne pros- 
pèrent que difficilement sans elles; qu'elles per- 
mettent souvent de créer des exploitations dont la 
réalisation serait impossible à défaut d'elles; qu’elles 
offrent de même le moyen de tirer parti de richesses 
minérales qui devraient autrement rester impro- 
ductives, etc. 

Et nous pourrions ajouter aussi qu'elles inter- 
viennent avec grand profit dans la fabrication de 
produits chimiques qui s'échangent au kilogramme 
tout comme le charbon, et qu'enfin rien n'interdit 
d'espérer qu’un jour viendra où, par la mise au 
point d'un accumulateur extraléger, l’énergie 
électrique mème sera susceptible d’être placée sur 
le marché dans des conditions identiques à celles 
des autres produits commerciaux. 


COSMOS 


411 


Pourquoi n’arriverions-nous pas au besoin à con- 
vertir la houille blanche, en passant par l’intermé- 
diaire de l'énergie électrique, en un combustible 
artificiel représentant, sous un poids donné, un 
maximum d'énergie? 

De ces remarques. il y a lieu de tenir compte 
surtout de ce que les forces hydrauliques sont pour 
ła plupart nombreuses dans les régions qui sont le 
moins bien partagées au point de vue des com- 
bustibles. 

: En Europe, par exemple, la Norvège à elle seule 
dispose de 8 millions de chevaux environ ; la Suède, 
qui vient ensuite, de 7 millions environ; la pénin- 
sule scandinave a donc une réserve de 15 millions 
de chevaux; la France peut se féliciter d’être lar- 
gement partagée, et cette circonstance lui sera des 
plus favorables si elle ne constitue un nouveau sti- 
mulant pour les appétits de l'étranger. 

Parmi les combustibles eux-mêmes, tous n’ont 
pas une égale importance, et des considérations 
analogues à celles qui précèdent peuvent être 
émises à propos de quelques sources d'énergie que 
nous avons comprises dans cette catégorie de res- 
sources, à propos des huiles minérales et des gaz 
naturels, par exemple. 

Si l’on se place au point de vue commercial, en 
rapprochant simplement les chiffres de la produc- 
tion des différentes catégories de combustibles, 
ceux que nous venons de citer n'ont qu'une valeur 
secondaire; en réalité, pourtant, de par les qualités 
spéciales qu'ils possèdent ou les conditions de leur 
production, ils atteignent un intérêt considérable 
pour quelques applications. 

Voyez, par exemple, le grand avantage que la 
Californie et la Pensylvanie, la Galicie et la Rou- 
manie, le Caucase, les Indes néerlandaises, peuvent 
tirer de l'emploi de leur pétrole pour l'éclairage et 
le chauffage, et surtout pour la production de la 
force dans l'industrie, dans ja traction, dans la 
navigation. 

Voyez aussi l'extraordinaire supériorité des com- 
bustibles liquides pour la marine commerciale ou 
de guerre, considérez encore les qualités précieuses 
des installations à combustibles liquides, fixes ou 
mobiles, pour l’agriculture ; dans beaucoup de cas, 
elles résolvent d'une façon parfaite des problèmes 
d'une importance capilale pour les exploitations 
agricoles: réalisation d'installations centrales de 
génération d'électricité employant un combustible 
facilement et économiquement transportable; de 
machines automobiles de toutes puissances pour 
l'exécution des travaux de culture, de tracteurs, 
d'automobiles, ete., pour les entreprises de trans- 
port des produils agricoles, etc. 

En somme, l'utilisation des combustibles liquides 
a une portée bien plus grande que l'on ne pourrait 
le croire en se rapportant purement etsimplement 
aux chiffres de la production. 


Celle-ci est faible, en effet, à côté de la produc- 
tion en charbon; elle atteint approximativement 
45 millions de tonnes, ce qui correspond à une 
puissance de 12 millions de chevaux si toute la 
production était utilisée pour la génération de la 
force; or, il nen est pas ainsi; une grande partie 
des huiles minérales — 50 pour 100 au moins — 
est employée sous forme de pétrole et de benzine 
pour l'éclairage; une partie non négligeable sert 
au graissage. 

C'est le tiers, tout au plus, qui sert à la produc- 
tion de la force, sous forme de gazoline, de ben- 
zine ou de benzol, dans les moteurs à combustion 
interne, ou de pétrole brut et de résidus, pour Île 
chauffage de chaudières. 

Sans doute, la production croit d'année en année 
d'une façon marquée : elle a doublé depuis dix ans; 
dans le mème intervalle, pour les États-Unis seuls, 
qui fournissent aujourd'hui 25 millions de tonnes, 
elle s’est accrue du simple au triple; au Canada, 
à Madagascar, à la Trinité, il y a d'importants 
gisements dont l'exploitation est à peine amorcée; 
il est à présumer aussi que de nombreux et riches 
gisements existent dans les régions centrales de 
l'Asie et de l'Afrique, de l'Australie, du Sud afri- 
eain: d'autre part, les procédés d'extraction et 
d'exploitation s’améliorent partout. 

Néanmoins, c'est à raison de leurs propriétés 
particulières plus que de la quantité de la produc- 
tion que les huiles minérales sont intéressantes. 

On doil en dire autant des huiles végétales. 

Quant aux gaz naturels, outre que leur utilisa- 
lion est localisée aux lieux de dégagement, leur 
production semble devoir rester stationnaire. 

Ils jouent aujourd hui un rôle important aux 
États-Unis, dont les gisements, de formation géolu- 
gique plus reculée que ceux des autres pays, four- 
nissent les gaz dans des conditions de régularité 
favorables à Fa captation; la production annuelle 
est de 14 milliards de mètres cubes approximati- 
vement, dont les deux tiers, correspondant à une 
puissance de 2,5 millions de chevaux, sont utilisés 
pour la production de la force. 

Mais on constate dans tous les gisements que les 
débits et les pressions faiblissent, et il faut toute 
l'amélioration des méthodes de captation pour 
compenser la diminution de production qui tend 
à se produire. 

En résumé, les différentes sources de force mo- 
trice sont très intéressantes, mais ce sont les com- 
bustibles solides sous leurs différentes formes qui 
ont le plus d'importance générale, et il est indis- 
pensable que lon s'occupe, dans tous les milieux et 
par tous les moyens, den améliorer les procédés 
d'utilisation. 

Dans ce but, il faut, en premier lieu, que par la 
substitution progressive aux petites installations 
isolées de grandes installations centrales, distri- 


COSMOS 


40 OCTOBRE 1912 


buant la force par l'intermédiaire de l'électricité, 
on supprime les gaspillages de combustible. 

ll faut que l'on poursuive la mise à profit des 
gaz de fours à coke, employés dans la fabrication 
du coke métallurgique; près de 120 millions de 
tonnes de charbon sont annuellement employées 
dans cette industrie, et l'on évalue à près de 3 mil- 
lions de chevaux la puissance que pourraient 
donner les gaz; actuellement, on n'utilise que le 
quart de celte puissance; c’est en Allemagne que 
l’on réalise dans cette voie les progrès les plus 
rapides, et l’on y récupère presque la totalité des 
gaz dégagés, soit pour la production de la force, 
soit pour la production de la lumière. 

Il faut aussi que l’on tire parti le plus complète- 
ment possible des gaz des hauts fourneaux qui 
pourraient, dans les conditions présentes, donner 
approximativement {40 millions de chevaux; sept 
dixièmes de cette puissance sont nécessaires pour 
le fonctionnement des hauts fourneaux eux-mêmes: 
il convient d'utiliser au mieux le restant. 

Il est indispensable aussi de poursuivre l'étude 
de la gazéification des combustibles secondaires : 
des charbons lavés, des résidus, des schistes bitu- 
mineux, des houilles menues, des cendres de coke : 
constatons que la France est résolument entrée 
dans cette voie; on y utilise déjà des déchets con- 
tenant jusqu'à 65 pour 100 de cendres; en Angle- 
terre, il y a une soixantaine d'usines traitant des 
schistes; en Allemagne, on procède en ce moment 
à des expériences approfondies sur l’utilisation de 
combustibles inférieurs; plusieurs grandes usines 
électriques fonctionnent avec des lignites pauvres. 

Il faut encore que l’on n’abandonne pas le pro- 
blème de l’utilisation de la tourbe, plus près d’être 
résolu convenablement qu'il ne le fut jamais. 

Nous ne parlerons pas du ròle que l'électricité 
doit avoir dans tous ces domaines; il nous suflira, 
pour le moment, d’avoir essayé de donner une 
idée de l'importance que présente chacun deceux-ci, 
en nous limitant aux questions d'un intérèt pra- 
tique immédiat. 

Nous laissons pour un travail ultérieur l'examen 
des perspectives d'avenir qui s'offrent à d'autres 
méthodes — comme l’utilisation de la chaleur 
solaire, celle du grisou, etc., — et l'étude du détail 
de l’outillage nécessaire pour la réalisation des 
perfectionnements signalés dans les lignes qui 
précédent, comme l'utilisation des combustibles 
liquides, la gazéification des combustibles secon- 
daires, l'exploitation des tourbières, elc. 

Nous n'avons voulu envisager ici que les pro- 
blèmes qui nous paraissent se rattacher d’une facon 
étroite à l'amélioration immédiate des procédés 
industriels, à augmentation de la puissance pro- 
ductrice de l'homme et ainsi, par des liens peut- 
ètre insoupconnés ou inattendus, à la question si 
troublante de la vie chère. H. MARCHAND. 


N° 1446 


COSMOS 


413 


Les jouets au concours Lépine. ©” 


Dans un autre ordre d'idées, voici un intéressant 
jeu familial qui ne manque pas d’inédit, c'est Île 
Foot-ball de salon (fig. 1, 2), qui se présente sous 
‘aspect d’une boite en bois, de forme carrée, dont le 
fond est constitué par quatre plans inclinés se ter- 
minant au centre qui est la partie basse. Ce centre 
est occupé par une toupie dentée en bois assez 
massive pour pouvoir être mise en route à la main 
et conserver pendant un certain temps l'impulsion 
reçue. Elle tourné simplement sur son pivot. La 
partie haute de chaque plan incliné est occupée 
d’abord par deux alvéoles dans lesquelles on place 
deux billes, puis, tout autour du jeu, une bande 
plane est divisée en cases numérotées 5, 10, 15. 
Les cases d'angles portent les numéros 30 et les 
billes n’y ont pas accès. En face de chacun de ces 
angles, une petite spirale de fil de fer sert de sup- 
port à une balle de caoutchouc. Enfin, des tringles 
métalliques interdisent aux balles l’entrée des 





F1G. 1. — 2. FOOT-BALL DE SALON. — 1. LE NAUTILUS. 


cases réservées aux billes. On met en place les 
balles et les billes, puis une cinquième balle de 
caoutchouc sur la toupie qu’on lance ensuite. La 
force centrifuge projette la balle dans le jeu; elle 
gravit les plans inclinés et vient frapper contre 
les tringles ; elle rebondit, revient vers la toupie en 
rotation dont les dents la chassent de nouveau, et 
ainsi de suite. Au cours de ces pérégrinations, elle 
a atteint des billes, des balles qu'elle a chassées, 
soit dans des alvéoles (dans ce cas, elles demeurent 
en place), soit contre la toupie qui les chasse éga- 
lement. Ces nouveaux projectiles frappent au hasard 
les balles et les billes non encore atteintes, et, la 
rotation de la toupie aidant, tout cela se case pêle- 
mèle, au hasard des projections. Beaucoup, parfois, 
se sont heurtées sans cesse aux tringles et aux 
autres obstacles disséminés sur tout le pourtour de 
la boile, et en fin de compte viennent lamentable- 
ment échouer dans le fond, près de la toupie au 
repos. On fait le total des points, et le joueur passe 
la main au suivant. En fin de compte, le total des 
points le plus élevé est le gagnant. 


(1) Suite, voir p. 388. 


Un jouet qui n’a certainement pas été jugé à sa 
valeur, le Vautilus (fig.1,1), mérite d’être signalé. 
C'est un aquarium avec poisson rouge artificiel. 
L'aquarium est une sphère entièrement remplie 
d’eau ; à la base. elle est fermée par une membrane 
sur laquelle on peut exercer une pression en ap- 





F1G. 2. — BOOMERANG-BALL. 


puyant sur un petit levier extérieur. Le poisson, fait 
en celluloïd, est entièrement creux. Il porte sous le 
ventre un petit disque métallique surmonté d'une 
membrane élastique; le disque est traversé par un 
léger tube recourbé vers l'arrière. La membrane 
est donc susceptible de se soulever sous l'action de 
l’eau pénétrant dans le tube ou de s’abaisser sous 
la pression de lair contenu dans le corps du 





F1G. 3. — AUTOMOBILE POUR ENFANT, 


poisson. Dès que l'on agit sur le levier extérieur, 
la membrane placée à la base de l'aquarium tend 
à comprimer l'eau en se soulevant; l'eau étant 
incompressible, pénètre dans le tube sous-ventral 
du poisson et ensuite dans la petite poche inté- 
rieure constituée par le disque et la membrane 
qui le recouvre. Le poids de cette eau entraine le 


414 


poisson, qui descend vers le fond de l'aquarium. 
Si on laisse les choses revenir à leur état normal 
en cessant d'appuyer sur le levier, l’air comprimé 
à l’intérieur du poisson chasse l’eau, et le petit 
animal reprend sa montée. Mais comme l’eau 
s'échappe par un tube recourbé vers l'arrière, ce 
courant détermine la progression vers l'avant et 
le poisson nage. En combinant les pressions, on 
arrive à diriger le poisson à sa volonté, et il effectue 


| 
k 
8 |A 


Lo 
Å Pr 
<Ñ à À j Z A 
BA S j 
A i f ~ >. O 


À e 
= 
À A 
\ € 





F1G. 4. — LE MULTIPLE. 


des évolutions comme un vrai poisson rouge dans 
un aquarium. 

Du salon, passons au jardin, pour nous exercer aù 
Boomerang-ball (fg. 2). Quatre montants de 41,2 m 
environ de hauteur soutiennent deux cordelettes 
horizontales, parallèles et éloignées l'une de l’autre 
d'une vingtaine de centimètres. La distance entre 


les deux groupes de deux piquets est de 3 mètres. 
Enfin, les ficelles supportent trois, quatre ou cinq 


filets rapprochés ou non les uns des autres, au gré 
des joueurs. 

Entre les montants d'arrière est dressé un che- 
min de roulement en bois cintré vers l’intérieur du 


COSMOS 





10 ocTOBRE 1912 


Jeu. Le joueur se place à 2 ou 3 mètres en avant 
du jeu et lance une boule aussi adroitement qu’il 
lui est possible pour qu’elle suive le chemin de 
roulement vertical. La boule est alors ramenée, 
par le cintre, vers le joueur, et elle tombe dans 
l'un des filets. La partie se joue à cinq boules, par 
exemple, et on attribue une valeur numérique dif- 
férente à chaque filet, le nombre le plus élevé 
étant donné au filet le plus éloigné du cintre. 
On doit acquérir à ce 
jeu, et assez rapidement, 
une habileté suffisante 
pour caser toutes ses 
boules; mais il est tou- 
jours permisd’augmenter 
la difficulté en changeant 
la place des filets. Ce jeu 
nous a paru supérieur 
aux antiques jeux de pa- 
lets dont on trouve encore 
quelques rares spécimens 
dans les établissements 
de la banlieue parisienne. 
Il sera tout à fait à sa 
place dans un parc, au 
milieu d’une allée om- 
bragée, et les dames y 
trouveront autant de 
charmes que leurs maris 
et leurs enfants. 


US 


Pour l'enfant bien 
sage, et qui dispose d’un 
parc, voici le jouet idéal 
et bien moderne (fig. 3): 
l’auto véritable avec 
moteur à essence, pé- 
dales, leviers, une car- 
rosserie soignée et des 
P pneus si on le désire. 
Cest un vrai petit bijou 
de construction méca- 

Ç | nique qu'un enfant de 

huit ans peut aisément 

conduire, toutes les 

pièces, les commandes, 
ayant été réduites à leur plus simple expression. 
La voiture a deux mètres de longueur; elle est 
à deux places très confortables. Le moteur, mono- 
cylindrique à ailettes, donne trois quarts de cheval. 
Le carburateur, automatique, à gicleur, est installé 
au-dessus de la chambre d'explosion; il aspire 
directement dans le réservoir, qui contient une 
provision d’essence suffisante pour trois heures de 
marche. L'allumage a lieu par piles sèches et 
bobine d'induction et sa distribution est assurée 
par le poussoir de la soupape qui ne provoque le 
contact que pendant un instant afin d'augmenter 
la durée de la pile. La voiture ne comporte pas de 


N° 1410 


changement de vitesse ni de différentiel ; le pont 


arrière est à vis sans fin irréversible commandant 
une roue hélicoïdale. L’essieu porte deux tambours 
de frein: l’un au pied, l'autre commandé par un 
levier à main. La roue arrière droite seule est 
motrice. 

La voiture ne comporte pas de marche arrière; 
elle ne peut donc circuler sur les routes. Sa vitesse 
est de 4 kilomètres par heure, c'est-à-dire que les 
parents peuvent la suivre au pas pour surveiller 
l'enfant. L'inventeur s’est inspiré de cette considé- 
ration, pour élablir ses pédales, que si l'enfant 
prend peur, il fait un geste et instinctivement lève 
un pied. Alors la voiture s’arrète. L'embrayage ne 
s'effectue que lorsque l'enfant appuie sur la pédale: 
dès qu'il lève le pied, il débraye. De même l’autre 
pédale freine tant qu’elle n’est pas abaissée. Aucun 
accident n’est donc à redouter. 

Cetle voiture a été construite pour être vendue 
900 francs avec des roues en bois cerclées de fer. 
Nous la verrons certainement remplacer les 
antiques voitures de chèvres qui ont fait les délices 
de nos jeunes années. 

En général, le jouet mécanique tient une 
place prépondérante au concours Lépine : cette 
année, il n’a fourni que peu de modèles. Nous 


COSMOS 


415 


signalerons seulement ceux que M. Gasselin a 
exposés. 

Le multiple (fig. 4) est constitué par un levier 
tournant autour d’un axe horizontal porté par deux 
montants F fixés sur un socle G. Ce levier est pourvu 
dans toute sa longueur d’une coulisse À parcourue 
par un coulisseau H; une crémaillère double 
interrompue engrène avec un pignon denté B 
maintenu à l’intérieur de A par deux galets Il’. 
Le sujet mobile C est monté sur une douille J, et 
vient s'ajuster, serré, sur laxe du pignon B. Un 
ressort K maintient verticalement la coulisse A en 
se logeant dans l'une des deux échancrures prati- 
quées sur les bords du disque L auquel est fixé un 
doigt de renversement. Dès que le sujet se trouve 
au bas de la coulisse, on fait faire, à la main, un 
demi-tour au doigt, et la coulisse, tournant sur son 
axe, ramène le sujet en haut qui tombe lentement 
en basculant vers la droite et vers la gauche alter- 
nativement, le pignon denté qui le commande 
engrenant tantôt avec l'une ou avec l’autre frac- 
tion de crémaillère. Le pignon B s’arrète à la der- 
nière crémaillère et fait ensuite quelques tours sur 
lui-même, 


(À suivre.) L. FOURNIER. 





SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 
Séance du 30 septembre 1912. 


PRÉSIDENCE DE M. ÉMILR PICARD. 


Le crâne de Descartes.— M. E. PERRIER expose 
que le crâne de Descartes, ou du moins celui que 
l'on suppose avoir appartenu au grand philosophe, et 
que l’on disait perdu, n'a jamais été égaré depuis 
1821, époque où il parvint au Muséum. Il a changé 
souvent de place dans les collections, mais il est 
facile de suivre ses pérégrinations. 

M. Perrier donne à cette occasion l’histoire de cette 
relique depuis la mort de Descartes jusqu'à son 
entrée dans les collections du Muséum: il faut bien 
avouer que cette histoire n’a rien d’absolument 
probant pour l'authenticité de la relique. 

M. Perrier profite de cette occasion pour signaler 
une fois de plus l'insuffisance des galeries du 
Muséum qui ne peuvent plus loger les collections 
qu’elles reçoivent, d'autant que nombre de båtiments 
sont dans un état déplorable, même parmi les plus 
nouveaux, depuis l'inondation de 1910. Leur réfection 
s'impose et doit être entreprise et continuée sans 
interruption, sous peine de voir disparaître, faute de 
pouvoir y maintenir l’ordre, des collections dont la 
valeur approcherait du milliard, si elle n’était inesti- 
mable. 


Sur une nouvelle forme d’amidon soluble. 
— M. G. Malfitano et M™ Moschkoff ont montré récem- 
ment que de l'amidon déminéralisé, préparé par leur 
méthode de congélations successives, se dextrinise en 
devenant peu à peu soluble lorsqu'on le soumet à la 
dessiccation. Ce résultat a suggéré à M. A. FERNDACH 
l'idée de transformer de l’amidon en sa forme soluble 
par l’action de déshydratants, parmi lesquels il a 
essayé tout d'abord l'alcool absolu et l’acétone pure. 
Si l'on verse, dans un grand excès d’acétone pure, de 
l’empois d'amidon à 1 ou 2 pour 100, préparé avec de 
la fécule de pommes de terre du commerce, c'est- 
à-dire n’ayant subi aucun traitement préalable pour 
sa déminéralisation, on obtient un précipité flocon- 
neux, qui se forme au fur et à mesure que l’empois 
tombe en mince filet dans l’acétone fortement agitée. 

Le précipité est broyé dans un mortier avec de 
l'acétone pure, essoré et séché dans le vide sec. On 
obtient ainsi une masse parfaitement blanche, pulvé- 
rulente et très légère, qui présente cette particularité 
très intéressante d’être soluble, non seulement dans 
l’eau chaude, mais aussi dans l'eau froide. 


Observations sismologziques faites à l'ile 
de Pâques. — Au commencement de 1911, le gou- 
vernement chilien a bien voulu installer pour une 
année une station méttorologique et sismologique 
à l’île de Pàques, point isolé au milieu du Pacitique 
sud-oriental et situé à 2600 kilomètres des terres les 
plus rapprochées, l'archipel Gambier. 


T 


Une composante de pendule Bosch-Omori de 4100 kilo- 
grammes fonctionna du 25 avril 1911 au 5 mai 1912 
à Mataveri, petit port de l'extrémité sud-ouest de l'ile, 
au pied du volcan Rana Kao. 

Il ne s'est produit aucun tremblement de terre sen- 
sible pendant la période indiquée de 376 jours. M. de 
Montessus de Ballore note que le fait, pour tre 
négatif, n’en est pas moins intéressant, puisqu'il con- 
firme une fois de plus l'indépendance des phénomenes 
sismiques et volcaniques. 

Des mouvements microsismiques d'une période 
extréimement constante de quatre secondes semblent 
dues aux agitations de la mer qui se précipite dans 
les grottes de la falaise. 

L'auteur souhaite que la France apporte une contri- 
bution analogue et plus importante encore à la science 
sismologique en installant à Tahiti une station per- 
manente. 


Sur les courants aériens en Afrique occi- 
dentale. — Au cours d'une premiere mission en 
Alľrique occidentale. M. H. HroentT a été amené à con- 
sidérer que les seuls courants aériens au Dahomey 
ċtaicntla mousson, soufllant de mars-avrilà novembre, 
et l'Aarmattan, se manifestant de novembre à mars- 
avril. Ce dernier est caractérisé par: 1° sa direction 
Est à Nord-Est; 2’ son extrüime sécheresse; 3° sa grande 
révularité. 1 a cru devoir identifier l'harmattan avec 
la branche de retour du circuit Atlantique. 

Cette interprétation est en désaccord avec celle des 
diflérents auteurs qui 8e sont occupés de la question. 
Cependant, de nouvelles études portent M. Hubert 
à maintenir sa manicre de voir, et ilexpose les raisons 
qui lui sembient militer en sa faveur. 

Les faits qu'il a relevés lui paraissent établir nette- 
ment : 

1° Que l'alizé et l'harmattan sont deux courants dis- 
tincts et nettement diflérents: 

2" Que, tandis que la mousson est un vent saison- 
nier, tandis que l'alizé est un vent océanique et, en 
quelque sorte, local, l’harmattan est, en Afrique occi- 
dentale, le long des 3 000 kilometres où des observa- 
tions ont pu étre faites, un courant constant de vaste 
amplitude dont tous les caractères sont précisément 
ceux de Ja branche de retour du circuit Atlantique, 
telle que la theorie avait amené MM. de Tastes et 
Berget à la considérer. 


Résultats scientifiques de l'excursion alpine de la 
Geologische Vereinigung; \es nappes lépontines à 
l'ouest d'Innsbruck. Note de M. PiEnre TEnMIER. — 
Sur un genre particulier de courants électriques. Note 
de M. Gory. — Sur la réfraction astronomique au voi- 
sinage de lhorizin. Note de M. Arxaub. — Présence 


de la québrachite dans les feuilles de Grevillea 
robusta A. Cunn. Note de M. Em. BounotELorT et 
MU A. FicnurexnoLzz. — Sur quelques propriélés nou- 


veiles dus peroxvdases et sur leur fonctionnement en 
l'absence de peroxyde. Note de M. J. Wocrr., — 
Recherches sur la toxicité des champignons. Leur 
pouvoir hémolvlique, Note de MM. Jacoves Pausor et 
VERNER — Sur la tectonique de la nappe de Morcles 
ut ses conséquences. Note de M. MauRicE LUGEoN. 





210 COSMOS 


10 OCTOBRE 191% 


SOCIÉTÉ ASTRONOMIQUE DE FRANCE 


Séance du mercredi 2 octobre. 


PRÉSIDENCE DE M. MAURICE FOUCHÉ. 


M. Maurice Fouché fait l'éloge du regretté Henri 
Poincaré, mathématicien, physicien el astronome, 
qu'il a pu connaitre dans l'intimité. Comme mathéma- 
ticien, Poincaré a tenu une place éminente, d'aucuns 
diront la premicre place; physicien, il a, àla Sorbonne, 
parcouru toutle cycle de la physique mathématique: 
astronome, il a rénové les méthodes de la mécanique 
céleste et repris le probleme de la stabilité du système 
solaire ébauché par Laplace: naguère, il s'excusait 
modestement de publier ce dernier travail incomplet. 
ajoutant qu’à son àge on n'est sùr de rien et qu'il 
ne lui serait sans doute pas permis de reprendre une 
autre fois ce labeur long et ardu pour le conduire à 
son achèvement. 

il a été aussi un philosophe de la science. Modeste 
autant que génial, il s'est interdit de parler des 
sujets sur lesquels il n’avait rien de sérieux à dire; il 
s'est contenté de faire la critique de la science, sans 
accepter le titre de philosophe proprement dit. Non 
point qu'il écarte de la réflexion humaine les grands 
problèmes de l'au-delà, de notre destinée, de l'exis- 
tence d'un absolu; il ne prétend pas que ces pro- 
blémes sont sans intérèt, il ne les supprime nullement 
comme les positivistes. S'il ne les traite pas, c'est 
qu'il s’est restreint personnellement aux questions 
philosophiques qui ont un rapport immédiat avec la 
srience. 

On aimerait que l'orateur nous apprenne quelque 
chose de la pensée intime de Poincaré sur les grands 
problèmes de la destinée humaine, de la morale, de 
Dieu et de la religion. Mais M. Fouché se défend de 
soulever le voile de discrétion et de silence — exagtré 
à notre sens — dont le grand savant a couvert sa vie 
morale et religieuse intérieure. 

Parlant de la méthode inductive de la science, 
Poincaré dit que l'induction postule la croyance 
à un ordre, à un déterminisme, à des lois. Cette har- 
monie existe-t-elle dans l'univers, ou bien est-elle 
créée par notre esprit? À ce dilemme, il ne donne pas 
de . réponse: il constate sculement que l'harmonie 
existe dans les phénomènes, et il ajoute: « Il n'est 
pas possible que cette harmonie soit le fruit du 
hasard. » 

Il constate aussi que toutes les connaissances scien- 
tifiques nous viennent par les sens; du fait de cette 
origine, la science reste faible et imparfaite. Elle est 
d'abord nécessairement très incomplète : le savant sait 
qu'il ignore beaucoup et qu'il existe sans doute des 
catégories entières de phénomènes qui échappent et 
échapperont probablement toujours à l'emprise de 
nos sens (comme autrefois nous échappait tout ce 
que le télescope et le microscope nous ont plus 
tard révélé). La science aussi reste toute supert- 
ciclle: nous ne connaissons que les relations de 
l'univers avec nous-mêmes; les causes nous échappent. 
A défaut des causes profondes qu’il est incapable 
de saisir, le savant imagine des hypothèses: c'est 
par l'hypothèse que la science vit, qu'elle s'enrichit: 
bien plus, qu'elle réussit à prévoir. Certains esprits 


N° 12:10 


trop simples croient que les hypothèses peuvent 
ètre vérifiées par l'expérience, qu'elles peuvent perdre 
leur caractère hypothétique pour devenir des vérités 
démontrées. Voilà l'attitude du dogmatisme scien- 
tifique, qui est la première attitude de lesprit qui 
réfléchit sur da science; mais ce dogmatisme ne tarde 
pas à recevoir de cruels démentis: l'hypothèse que l'on 
croyait si bien véritiée est bientôt insuffisante et ca- 
duque. Alors le vulgaire proclame la faillite dela science. 
ll y a bien faillite de quelque chose: c’est la faillite du 
dogmatisme scientifique, erreur de quelques esprits 
aventureux ou simplistes. Car l’hypothèse choisie par 
les savants pour rendre compte des faits et des lois 
n'était pas la seule hypothèse possible; naturelle- 
ment, les savants avaient, parmi toutes les hypothèses 
possibles, choisi d’abord la plus simple, qui était 
momentanément suffisante; et c'est pourquoi l'hypo- 
thèse se condamne elle-même par les progrès aux- 
quels elle mène la science : il arrive un moment où 
elle est insuffisante à rendre compte de certains phé- 
nomènes inattendus, et elle doit faire place à une autre 
hypothèse qui, moyennant une plus grande complica- 
tion, explique les nouveaux phénomènes en mème 
temps que les phénomènes anciennement connus. 
Voilà en quoi consiste ce qu'on a appelé parfois le 
scepticisme de Poincaré. 

Il a aussi examiné les idées fondamentales des 
mathématiques. Ainsi la géométrie est-elle une science 
a priori ou une science expérimentale? Ni l’une ni 
l’autre définition ne conviennent, répond Poincaré, 
qui tranche le nœud gordien. La géométrie n'est 
qu’un ensemble de raisonnements : il n’y a pas de 
vérités géométriques, mais seulement des théorèmes 
et des conséquences logiques de ces théorèmes. Par 
exemple, le postulat d'Euclide n’est ni vrai ni faux; 
c'est une simple convention, c'est une proposition qui 
sert à définir les parallèles en géométrie. 

Ainsi Poincaré a fait la critique des bases de la 
science; mais il croit à l'harmonie dans les phéno- 
mènes; il a une foi, el une foi enthousiaste, à une 
vérité qui est cachée par derrière les phénomènes. 
Pour emprunter à peu près ses propres expressions : 
« On peut, dit-il, discuter à perte de vue sur les bases 
de la science; mais quand on a, par exemple, achevé 
le traité de l'électricité, les lampes s’allument; et cela 
ne peut pas ètre un pur hasard. » 


M. E. Drouer indique ensuite le procédé qu'il a 
imaginé pour la formation instantanée de miroirs 
paraboliques. Une glace bien plane et bien unie est 
logée par ses bords dans une monture circulaire creuse 
et étanche; au moyen d'une pompe, on peut faire un 
vide partiel au-dessous de la glace : la pression atmo- 
sphérique agissant sur l’autre face incurve la glace. 
La section suivant un diamètre affecte la forme d’une 
chainette, qui se confond pratiquementavec une para- 
bole quand la flèche ne dépasse pas un centième du 
diamètre. Un miroir de 2,5 mètres de diamètre et de 
= mètres de distance focale pourrait être logé dans 
un tube rigide que l’on rendrait maniable en l’immer- 
geant dans un réservoir d’eau ou dans un lac naturel 
assez profond, comme les lacs qui ont pris la place 
des anciens cratères volcaniques. Cette dernière idte 
est assez originale. 

B. Latour. 


COSMOS 117 


ASSOCIATION FRANÇAISE 
POUR L’AVANCEMENT DES SCIENCES 


Congrès de Nimes. 


Ce Congrès, qui avait été préparé, il y a plusieurs 
années, par le regretté D° Reboul, chirurgien de 
Nimes, a été amené à réalisation par un Comité local 
d'organisation présidé par M. le D° Vauriot, assisté de 
M. Henri Astruc, directeur de la station œnologique 
du département: de M. Louis Boyer, président du 
Syndicat d'initiative de Nîmes ; de M. Gabriel Carriere, 
ancien président de la Société d'Études naturelles; 
de M. le D' Marignan, directeur scientifique du Museum 
Arlaten; de M. Georges Maurin, directeur de la Revue 
du Midi; de M. Gabier Mingaud, conservateur du 
Museum d'Histoire naturelle de Nimes; Paul Villaret, 
vice-président du Comité d'initiative, etc. La cheville 
ouvrière du Congrès, le secrétaire général, était 
M. Félix Mazauric, conservateur des musées archéo- 
logiques. 

Cette réunion scientifique a eu un grand succés; 
nous donnons ci-après une analyse d’un certain nombre 
de travaux qui lui ont été présentés. 


Mathématique, Astronomie et Mécanique. 


Cette Section était présidée par M. EnxEsr Lr8o\, 
professeur honoraire de l'Université, qui présenta 
divers travaux personnels, parmi lesquels il faut citer 
l'étude sur la fable de base 510 510 donnant les 
facteurs premiers des nombres depuis 1 jusqu'ù 
100 millions. Gelte table occuperait environ cinq fois 
moins de place que celles construites par les procédés 
employés jusqu'ici. Dans cette table de base B de 
diviseurs premiers, il y a un nombre de tableaux égal 
à la moitié du nombre des indicateurs I. L'auteur 
a trouvé une méthode qui permet de n'employer que 
deux tableaux se rapportant aux indicateurs _ 1. Pour 
cons{ruire ces tableaux, il résout d’abord les deux 
équations indéterminées 


pour construire un tableau où sont les valeurs des 
premières solutions y = K, et y = K — 1 rela- 


; 1 
lives aux [| < ; B. Ce tableau permet de résoudre 


presque immédiatement les deux équations : 
Ir +<By—= 1 

À l’aide du système de solutions .r, y, on trouve des 
valeurs de la caractéristique K qui se trouvent dansles 
deux tableaux d'indicateurs + 1. M. Lebon explique 
dans son mémoire comment, à laide de res deux 
tableaux d'indicateurs :: 1, on peut reconnaitre si un 
nombre donné est premier où composé. 

M. Lebon rend un hommage ému à l'illustre maie 
maticien Poincaré, enlevé prématurément à la science. 

M. A. Augav (Dijon) est Fauteur d'un rapport sur 
les Erreurs de mathématiciens. Elles peuvent provenir 
surtout : 

{° D'une mauvaise interprétation ou d'une connais- 
sance insuftisante de la théorie, que lon remplace par 
des observations ou des mensurations directes (ua- 
drature du eérele, mouvement perpétuel, trisection 
de l'angle, duplivation du cube, mesure de certaines 
figures); 


AIB 


% Du respect exagéré des idées reçues et des auto- 
rités suivies aveuglément (fétichisme dont a bénéficié 
Aristote pendant tout le moyen âge, vogue des élé- 
ments d'Euclide...….); 

3’ D'un examen trop précipité des conditions de la 
question, soit par prévention, soit qu’on ne les ait 
pas énumérées complètement ou envisagées sous toutes 
les faces (Laplace, Newton, Leibniz...) ; 

4° D'inductions non vérifiées à posteriori, générali- 
sations ou assimilations hasardées de choses nouvelles 
à d'autres connues; assimilation qu’on sait valable 
dans une certaine région, et qu’on étend à d'autres 
régions sans preuve de la légitimité de cette exten- 
sion (Descartes avançant que touté équation du degré 
pair se ramène à une autre d’un degré inférieur d'une 
unité, conclusion qu'il tire de ce que la résolution de 
l'équation du quatrième degré se ramène à celle du 
troisième degré; Wallis, quadrature de l'hyperbole); 

5° De conclusions qui paraissent évidentes à priori 
parce qu’on s'est buté à cette idée qu’un raisonnement 
fait sur des choses simples doit aboutir à des consé- 
quences simples, idée souvent fausse: une chose 
exprimée par des mots simples est souvent, en réa- 
lité, très complexe (courbe de Watt et, en général, 
les courbes obtenues par des considérations optiques, 
dynamiques, etc.) ; 

6° De l'idée de système dont les meilleurs esprits ne 
sont pas toujours exempts (Guldin, Leibniz). 

M. GÉRaRDIN {Nancv). Nouvelle machine algébrique. 
— Son principe est simple: il faudra d'abord ramener 
les problèmes donnés à des équations de la forme : 

a+bér+cx+dr<+e.r.... = y. 

Comme exemple, l'auteur prend un problème d'Her- 
mite à propos des surfaces osculatrices qui se ramène 
à trouver les nombres m et n tels que la somme des 
m + i premiers triangulaires doit égaler l'unité plus 
un triangulaire de base n + 41. Hermite a donné 
m = 5; E. de Jonquières, en 1884, a cilé m =1et 
m = 20. Hermite ajoute: « Il y aurait lieu ainsi de 
rechercher toutes les solutions en nombres entiers et 
positifs pour » et n, mais l'arilhmétique supérieure 
ne donne, à cet égard, aucune méthode. » 

Le procédé de M. Gérardin, qui donne foutes Îles 
solutions, fournit en quelques minutes m = 425 776; 
n = 160 403 631 par solution en uombres entiers de 

30 4 + 108 E +104 ? = 25 = 7 
avec 
t — 141 925. 

La décomposition des grands nombres, l'analyse 
indéterminée, certains problèmes de géométrie et 
quantité d’autres questions serent le champ d'in- 





COSMOS 


40 OCTOBRE 1912 


vestigations de ce nouveau moyen de calcul. 

M. GérarDIN présente également son rapport sur la 
décomposition des grands nombres. Sans faire l’histo- 
rique de cette intéressante question, l’auteur cite la 
voie indiquée par Landry en 1859 et 1880 et l'article de 
Seelhof: Zur Analyse sehr grosser Zahlen, paru en 
1885. 

Les procédés actuels se ramènent à la méthode de 

Lawrence; la méthode d’Euler a été utilisée en 1903 
par Coole. Comme recherches originales, on peut 
citer le mémoire de M. C.-S. Laisant et une commu- 
nication faite au Congrès de Nimes reposant sur la 
représentation graphique des nombres. 
- M. Ernest Lebon a publié d'intéressants mémoires 
sur ce sujet; il vient de présenter la première page 
imprimée de la table qu’il se propose de publier et 
qui permettra de trouver très rapidement et très faci- 
lement les facteurs premiers des nombres inférieurs 
à 100 millions. M. Gaston Tarry a présenté au Congrès 
de Nimes ses tables à triple entrée des diviseurs des 
nombres de diàn. 

Nombres de Mersenne, de la forme N — 27 —1 où rest 
un nombre premier inférieur à 257. Ces nombres ont 
été étudiés depuis 16#4 par Fermat, Euler, Lagrange, 
Legendre, Gauss, Jacobi et tant d’autres, mais le plus 
difficile reste à faire. Jusqu'ici, sept méthodes ont été 
proposées, l'auleur en a trouvé de nouvelles permet- 
tant d'étudier les nombres de 30 à 78 chiffres, de dire 
s'ils sont premiers, sinon de les décomposer. 

L'une de ces méthodes est l'application des machines 
à décomposer les nombres : le précurseur est Édouard 
Lucas (1876); sa machine n’a pas été construite, elle 
aurait indiqué ou que le nombre était premier ou 
bien qu'il était composé, mais sans donner ses fac- 
teurs. M. Kraïtchik doit construire une machine de ce 
genre (Sphynx-Œdipe, avril 14912. p. 61-64). 

M. Gérardin est lui-même auteur d’une telle machine, 
il indique le moyen simple de la remplacer par la 
juxtaposition de bandes de papier, variables avec 
chaque nombre, mais dont le prix de revient est pour 
ainsi dire nul. 

Dans la machine automatique ou à main, à volonté, 
un simple tour de manivelle opère le décochement 
à l’aide du système de va-et-vient, par exemple. D'après 
les calculs de l’auteur, on pourrait examiner 8 millions 
de nombres par jour et arriver à décomposer ainsi de 
très grands nombres: le dernier mot, d’ailleurs, est 
loin d’être dit. 


(A suivre.) E. HÉRICHARD. 


BIBLIOGRAPHIE 


Étude raisonnée de l’Aéroplaneet description 
critique des modèles actuels, par J. FoRDEAUXx, 
ancien élève de l'École polytechnique, avec une 
préface de LAURENT SÉGUIN. In-8° (25 X 16) de 
v1-497 pages avec 26 planches, dont 18 en deux 
couleurs (15 fr). Gauthier-Villars, Paris. 1912. 
L'œuvre de M. Bordeaux est à la fois neuve, ce 


qui semble extraordinaire après la publication de 
tant d'ouvrages sur l'aviation, technique, comme 
doit l'être l’œuvre d'un homme à qui les questions 
d'ordre purement scientifique et surtout mécanique 
sont familières, et descriptive, ce qui nous faisait 
totalement défaut, à l'exception de quelques ou- 
vrages dénommés à juste titre vulgarisateurs. 


N° 1446 


L'œuvre de M. Bordeaux est technique, sans 
doute, mais dans la mesure où doit l'être un 
ouvrage qui prétend s'adresser à tous ; M. Bordeaux 
invoque à l’occasion les ressources puissantes de 
clarté et de brièveté du calcul différentiel et inté- 
gral, mais en évitant les formules compliquées, de 
sorte qu’un lecteur simplement initié aux principes 
de l’analyse mathématique suivra sans peine les 
démonstrations; d’ailleurs, les formules impor- 
tantes sont rendues claires et familières au lecteur, 
grâce à de fréquentes applications numériques 
dont les données sont empruntées à des appareils 
aériens existants. 

Largement descriptive, l'œuvre expose l’état 
actuel de la question de la résistance de l’air sur 
les surfaces qui s’y déplacent; cet exposé comprend 
plus de 100 pages qui ne varieront pas de long- 
temps, puisqu'ellesrésument les doctrinesdéfinitives 
de M. Liffel, dont la réputation en la matière est 
universelle. Elle montre aussi comment les con- 
structeurs ont prétendu résoudre le problème du 
vol aérien. Les 200 pages qui constituent cet 
exposé descriptif forment un véritable réquisitoire 
contre la construction actuelle, qui ne répond en 
rien aux définitions mèmes de la résistance des 
matériaux auxquelss’attaquent desefforts variables; 
M. Bordeaux s’est appuyé dans toute cette partie 
sur l'œuvre puissante de M. Resal. En cela, l’auteur 
a fait une œuvre utile, et l'on ne peut que souhaiter 
de voir les constructeurs profiter des multiples et 
précieuses indications qui sont contenues dans le 
livre IV. 7 

Enfin, et c’est un charme de plus, ce livre est 
écrit « dans une langue cluire, imagée, concise, 
et d’une correction tout atavique », comme le 
dit M. Laurent Séguin dans la préface consacrée 
à cet ouvrage; M. Bordeaux est le frère de 
M. Henry Bordeaux, l'écrivain catholique bien 
connu. 


La photographie artistique par l’agrandisse- 
ment, par J. CaRTERON. Une brochure de la 

. bibliothèque de Photo-Revue (0,60 fr). Paris, 
Charles Mendel, éditeur. 


Les photographes amateurs renoncent de plus 
en plus aux anciens appareils à pied, lourds et 
encombrants; ils préfèrent les chambres pliantes, 
plus rapides à installer et d’un transport beaucoup 
plus commode. Le mieux est encore d’avoir un 
appareil de petit format, qui peut se meltre dans 
la poche, et ne gène pas le touriste dans ses dépla- 
cements. Il faut avoir recours à l'agrandissement, 
en ce cas, puisqu'un lirage direct ne donnerait que 
de trop petites épreuves. 

Or, l'agrandissement n’est pas une opération 


COSMOS 


419 


qui doive épouvanter les amateurs; de nos jours, 
on trouve tout un matériel très précis qui permet 
de faire des agrandissements plus facilement que 
des tirages directs. Et les épreuves qu'on obtient 
sont autrement artistiques. L'auteur, après avoir 
démontré ce point, expose dans leurs grandes 
lignes les différentes méthodes d'amplification à la 
lumière du jour et à la lumière artificielle et décrit 
les principaux types d’appareils dont l'usage est 
courant. fl termine par un chapitre sur les épreuves 
à la gomme bichromatée, au charhon et aux encres 
grasses. 


Comment il faut faire de la publicité, par 
J. ARREN. Un vol. de 320 pages (4 fr). Pierre 
Lafitte et C'° éditeurs, Paris. 


La publicité s’introduit partout, déshonore les 
campagnes par ses immenses affiches, salit les 
rues par ses prospectus, se rend insupportable 
par l'obsession d'un nom ou d'un produit qui 
pénètre et s'implante dans l'esprit... cest le pro- 
grès. Un commerçant ne ferait pas d'affaires s'il 
n'avait recours à la publicité, laquelle est plus et 
mieux que la simple réclame. Elle force la vente 
d'une foule de produits souvent inutiles, crée des 
besoins nouveaux dans le public et revèt les mèmes 
formes, qu'il s’agisse d’un objet réellement bon ou 
d'une parfaile tromperie. 

Puisque le commerçant est obligé d’avoir recours 
à ce moyen indispensable et cotiteux, il trouvera 
dans ce petit « guide » de précieux conseils. On 
sent que l’auteur est très au courant de la question 
qu’il traite, et il la présente sous une forme per- 
sonnelle et vraiment originale. Ce livre, d'une lec- 
ture instructive, même pour ceux qui ne sont que 
les victimes de la publicité, donne les indications 
théoriques et pratiques qui permettent à un indus- 
triel ou à un commerçant, etc., de se rendre 
compte du genre de publicité qui lui convient, de 
ce qu'elle lui coùtera, de ce qu'elle lui rapportera, 
de la façon de l'organiser et de la contrôler. 


A la Venvole, poèmes par JEAN STRapior. In-18 
(3,50 fr). B. Grasset, 61, rue des Saints-Pîres, 
Paris. 


Ces poèmes furent écrits par un jeune oflicier, 
le lieutenant aviateur Jean Stradiot (Edmond 
Bæœrner), qui périt le 27 janvier de cette année, 
à Senlis, brûlé sous les débris de l'avion militaire 
qu'il pilotait. Sans être un écrivain de métier, 
l’auteur a le sentiment du rythme, de la force et 
de l’éclat dans l'expression. On regrette que la foi 
Chrétienne n'ait pas éclairé, purifié et pacifié cette 
Ame qui avait une si haute conception du devoir 
militaire. 


420 


COSMOS 


10 ocTOBRF 141912 


FORMULAIRE 


Savon phéniqué. — On donne une odeur phé- 
niquée stable et pas exagérément désagréable aux 
savons, poudres de savons, savons dentifrices, etc., 
au moyen du l’aracrésol employé à la dose de 1 
à 3 grammes par kilogramme. Ce produit résiste 


PETITE 


Adresses : 

Les jouets décrits dans le dernier numéro se 
trouvent: Pistolet lance-disques: MM. Dreyfus et Pres- 
berg, 19, faubourg Saint-Denis, à Paris. La sauterelle 
acrobale : M. Denis, 18, rue de la Justice, à Paris. 
Î love you et le Repas des carnivores: M. Petitjean, 
38 bis, rue du Ruisseau, à Paris; ceux décrits dans 
-ce numéro : Foot-ball de salon : M. Vallé,8, rue Thiers, 
à Boulogne-sur-Seine. Le Boomerang-ball: M. Renoir, 
5,rue de l'Amiral-Courbet, à Alfort.L'Au/o pour enfants: 
M.Kaufmann, 69, rue des Campans, à Paris. Le multiple: 
M. Gosselin, 42, rue Victor-Hug, à Puteaux. 


M. G. de L., à R: — L' « aveine » est un nom donné 
par le capitaine Morceau et qui ne correspond pas à 
uné marque spéciale. Vous trouverez de la farine 
d'avoine torréfiée à la Société franco-italienne, 2 et 
#, place des Vosges, Paris. 

M. A. L., à C. — Pour construire cette bobine d'ac- 
cord, il n’y a qu'à enrouler un fil fin et isolé sur un 
bâton de bois; il est difficile de vous indiquer la lon- 
gueur de ce fil, ne connaissant pas votre poste. Pa- 
tientez encore quelques semaines, nous allons publier 
un article sur ce sujet. — Vos condensateurs sont trop 
forts. Essayez avec quelques feuilles seulement. 


M. G. P., au Gua. — 1° Le petit moteur en question 
est théoriquement réversible. Cependant, emplové 
comine dynamo, il s’amorcera très difficilement, car 
l'amorcage est d'autant plus malaisé que les généra- 
trices sont plus petites. Il convient d'établir l’excita- 
tion indépendante : reliez le circuit des bobines 
inductives à une source constante d'électricité ayant 
a peu près la tension indiquée, # volts. — % Le maté- 
riel indiqué, aves en plus un tube à limaille ou bien 
un cohéreur à aiguilles croisées (Cf. Cosmos, n° 1437, 
p. 159%), est sulfisant pour des expériences à courte 
portée. Pour le montage du poste récepteur, voir l'ar- 
ticle en question ou bien encore les notes du Cosmos, 
n? 1183, t LVI, p. 351, et n° 1191, € LYI p. 687. 
Au poste transmetteur, une bobine de Ruhmkorft de 
quelques centimètres d'étincelle avec sa pile. Pour plus 
de détails, voir {a Téléqgraphie sans fil, par E. MouEr 
(2.50 fr), Dunod et Pinat, #7, quai des Grands-Augustins. 

M.H. D., à L. — Nous ne connaissons pas l'ouvrage 
de M. Maralt qui évidemment a inspiré l'article do 
M. Gradenwitz. 1 faudrait vous adresser à ce dernier 
«20, Gosslerstrasse, Bérlin-Friedenau, Allemagne) pour 
avoir de plus amples renseignements. 

M. J. R, è M. — Comme vous avez pu le voir 
aprés l'article publié, cet appareil ne peut évidem- 
ment pas remplacer ceux d'usage courant. Ha été 
construit surtout dans le but de reproduire de petites 
senes rapides, la durée de reproduclion ne dépassant 


à l'action des alcalins, alors que l'acide phénique 
forme des sels peu odorants. Pour fabriquer les 
poudres de savons il est bon de mélanger ce pro- 
duit légèrement pâleux aux copeaux secs avant de 
les broyer au moulin. (/nrPentions illustrées.) 





CORRESPONDANCE 


pas deux minutes. Pour Ce genre de vues, c'est un 
appareil sérieux qui donne de bons résultats. 


M. A. B., à C. — L'école libre d'agriculture d'Hen- 
nebont {[Morbihan) a fait sa rentrée le 1° octobre der- 
nier. La durée des études y est de trois ans. La for- 
mation pratique y êst donnée sur trois exploitations 
d'une étendue de 85 hectares. Les prix de pension 
sont abordables aux bourses les plua modestes. Les 
jeunes gens peu fortunés, intelligents et énergiques. 
désireux d'apprendre la culture maraïîchére, pourraient 
ètre admis gratuitement. Le prospectus-programme 
est envoyé à toutes les personnes qui en font la 
demande à M. l'abbé Planté, directeur. 


M. J. C., à P. — Broteria, revue portugaise et bré- 
silienne, se compose de trois séries : botanique, z00- 
logique et vulgarisation scientifique. Chaque série 
vaut 12,50 fr par an, les trois séries coùtent 31 francs 
par an. La rédaction est à Salamanque (Espasune), 
Serranos, 2. 

M. L. C., à S. — Pour dépolir le verre, on se sert 
de poudre d'émeri, qu’on frotte sur le verre à l'aide 
d'un bouchon. Il y faut beaucoup de patience (Cosmos, 
n° 1248, 26 déc. 1908), — Pour rendre les vitres 
opaques, on peut employer le procédé indiqué dans 
le Cosmos (n° 1366, l’a vril 1911) ou simplement passer 
à la surface du verre une couche de collodion. 


R. P.G. T., à P, — 1° On peut signaler dans ce genre 
le 7raité de Chimie appliquée, par C. Cnanrié (2 vol. 
4905 et 1908, å 22 fr chacun), librairie Masson,120, bou- 
levard Saint-Germain; {a Chimie industrielle moderne, 
par F. Bectzen (t. 1°, prix ?; t. II, 1944, 20 fr), Socitté 
d'éditions techniques, 16, rue du Pont-Neuf. — > Le 
traité de physique en question est bien tenu au cou- 
rant. — 3 La technique des enyrais, par J. Duuoxr 
(4,50 fr}, librairie Ch. Amat, 11, rue de Mézitres, Paris. 
— #° Nous ne connaissons pas d’ouvrage sur ce sujet: 
peut-être pourriez-vous avoir des renseignements en 
vous adressant à l'Institut Pasteur, 35, rue Dutot, qui 
vend les ferments. — 5° Merci pour les recettes dont 
nous tirerons parti; nous vous enverrons la table 
demandée, si elle existe encore. — 6° Le manuel Roret 
est ce que nous connaissons de mieux sur la question 
du moulage du plitre. 


D' T., à C. — Pour ces travaux d'amateurs, il fau- 
drait demander le catalogue des manuels Roret, à la 


librairie Mulo, 12, rue Hautefeuille, Paris. — Cet 
ouvrage n'existe pas, à notre connaissance. La houille 
fournit toutes sortes de produits différents. Vous 
trouverez des traités spéciaux sur les matières colo- 
rantes, d'autres sur les médicaments, d'autres encore 
sur les huiles et goudrons, sur les gaz, etc. 


lmprimerie P. Firon-Yrau. 3 et 5, rue Bayard, Paris. Ville. 
Le gérant : Farc, 


No 4447 — 17 ocroBre 1912 COSMOS 421 


SOMMAIRE 


Tour du Monde. — L’'éclipse totale de Soleil du 10 octobre 1912. Ancienne éclipse de Soleil observée en 


Babylonie. Soulèvement de nature volcanique au Japon. Le typhon du Japon de septembre 1912. Le trans- 
port des poussières par le vent. Une nouvelle pompe à vide. La vaccination antityphique lors de 
l'épidémie d'Avignon. L'effet du soleil tropical sur Phomme et quelques animaux. La télégraphie sans 
fil dans l'océan Pacifique. La radiotélégraphie dans l’Amérique du Sud. Le service radiotélégraphique 
transatlantique. Nouveaux obus. Les nouveaux canons. La consommation du pétrole dans la marine. 
L'épilogue métallurgique des guerres. D'Italie en Corse en aéroplane, p. 421. 


Un nouveau funiculaire aérien au Tyrol, p. 426. — Télégraphie sans fil : réception à domicile des 


signaux horaires, P. Conner, p. 427. — L’origine des eaux de Pougues, Couses, p. 429. — 
Deuxième Congrès national du froid, Carnala, p. 431. — Le nouveau dock flottant de 
32 000 tonnes de l’Amirauté anglaise, Mancuaxv, p. 435. — Le vol des projectiles, B. Laroun, 
p. 436. — La culture du chrysanthèôme au Japon, Nuwi, p. #39. — Les jouets au concours 
Lépine (suite), FounniEen, p. #41. — Sociétés savantes : Académie des sciences; p. #43. Association 


française pour l'avancement des sciences (suite), HérichAno, p. 444. — Bibliographie, p. 446. 





TOUR DU MONDE 


ASTRONOMIE 


L’éclipse totale de Soleil du 10 octobre 1912. 
— Échec des observations. — Plusieurs télé- 
grammes de Rio-deaneiro donnent quelques détails 
sur les résultats, plutôt négatifs, des observations 
eftectuées par les expéditions envoyées par Îles 
Observatoires de Paris, de Greenwich et de Rio-de- 
Janeiro. 

Ces trois expéditions s'étaient établies à Passa- 
Quatro, toute petite localité de l'Etat de Minas- 
Geraes, à une assez grande altitude. Malheureuse- 
ment, il ne cessa de pleuvoir pendant toute la 
durée de l’éclipse, et aucune observation ne put 
être effectuée. Tout ce qu'on put noter, c'est qu'il 
fit très noir pendant la totalité. Le président de la 
République du Brésil, le ministre des Affaires 
étrangères et l'ambassadeur des États-Unis ne 
purent donc constater que... la déconvenue des 
astronomes, qui eurent certainement le tort grave 
de ne pas se disperser pour multiplier les chances 
de beau temps. 

On est encore sans nouvelles de l'expédition 
anglaise Worthington, qui opérait dans l’intérieur. 

Disons encore à ce propos que l'expédition de 
l'Observatoire de Greenwich était composée de 
MM. A. S. Eddington et C. Davidson, avec quelques 
aides. Ils avaient pour objectif : 4° de photogra- 
phier directement la couronne; 2° de photogra- 
phier le spectre-éclair et le spectre de la chromo- 
sphère en lumière ultra-violette; 3° d'essayer de 
photographier la couronne dans la seule lumière 
du coronium, c’est-à-dire de la raie verte 5303. A 
cet effet, les observateurs avaient emporté le coro- 
nographe de Thompson de neuf pouces (229 milli- 
mètres), le spectroscope Hills à quatre prismes en 
quartz, prêté par le professeur Newalil, de Cam- 
bridge, une lunette visuelle et un doublet photo- 


T. LXVII. Ne 1447. 


graphique, chacun de six pouces (152 millimètres) 
avec un filtre vert spécial. 

Nous avons encore appris que les Observatoires 
nationaux de l’Argentine et du Chili avaient éga- 
lement envoyé des expéditions sur la ligne centrale 
de l’éclipse, et ce serait vraiment un hasard malen- 
contreux si aucune d'elles n'avait été favorisée 
par le temps. Nous ignorons sur quelles localités 
ces expéditions ont porté leur choix, mais il se 
pourrait fort bien que ce fussent des villages éloi- 
gnés de tout centre de communication, ce qui 
expliquerait l’absence de nouvelles. 


Ancienne éclipse de Soleil observée en 
Babylonie. — Une éclipse de Soleilest mentionnée 
sur la tablette n° 35968 de la collection du British 
Museum. Le D° Cowell a cru pouvoir l'identifier 
avec celle du 31 juillet 1062 avant l’ère chrétienne. 

M. Nevill (Trans. of the R.Soc.of South Africa) 
discute cette date. Il pense qu'il s’agit plutôt d'une 
éclipse plus ancienne, du xu° siècle avant Jésus- 
Christ ou même antérieure au xu° siècle. Après 
avoir examiné toutes les éclipses arrivées entre Îles 
années 1250 et 920, il trouve que, si l’on n’attribue 
aucune accélération séculaire au mouvement du 
Soleil, les éclipses qui s’accorderaient le mieux 
avec les conditions d'époque, de date, de lieu, etc., 
sont celles du 3 juin 1247, du 148 mai 1123 et du 
31 mai 956; la première de ces trois dales est 
celle qui mérite le plus de créance. 


PHYSIQUE DU GLOBE 


Soulèvement de nature volcanique au Japon 
(Géographie, 15 sept. 1912). — Si, même dans les 
pays soumis à de violentes et passagères crises sis- 
miques, il est assez rare de voir la croiite terrestre 
subir brusquement des dénivellations appréciables, 
il est plus rare encore d'enregistrer des phénomènes 


122 


de ce genre dus à des paroxysmes volcaniques, sans 
rapport direct avec les dislocations verticales. 
C'est ce qui fait le principal intérêt des observa- 
tions récemment communiquées par M. Simotomai 
à la Société de géographie de Berlin (4). 

Le volcan Ousou se trouve dans l'ile de Yéso, 
entre un lac d'effondrement de forme circulaire de 
42 kilomètres de diamètre (dans lequel il faut pro- 
bablement voir une caldeira immergée) et une 
baie circulaire, elle aussi, de 50 kilomètres de 
diamètre, dont l'origine est également volcanique. 
Ce volcan a déjà eu trois éruptions à l’époque his- 
torique; la quatrième s'est produite en juillet 4910, 
après une période de repos de cinquante ans. Cette 
dernière phase d'activité, précédée de tremble- 
ments de terre, a duré de juillet à novembre et 
s’est notamment signalée par l'apparition de qua- 
rante-cinq pelits cratères adventifs. Mais le fait le 
plus digne de remarque est le soulèvement en 
masse, au pied Nord du volcan, jusqu'à une hauteur 
de 150 mètres, de toute une portion de terrain 
longue de 2 kilomètres environ sur 4 kilomètre de 
largeur. Pendant la période active du mouvement, 
le soulèvement s'opérait avec une vitesse de 4 à 
5 mètres par jour. M. Simotomai émet l'hypothèse 
que ce phénomène est dù à l'intrusion entre les 
couches du sous-sol d’une masse de matières érup- 
tives qui n’a pas trouvé de fissure pour s'épancher 
à la surface, en d'autres termes, à la mise en 
place d’un laccolithe. La partie surélevée ayant 
maintenant atteint la mème hauteur que les anciens 
cratères, l’auteur en conclut que l'équilibre de 
pression est établi et que, par conséquent, le mou- 
vement est arrivé à son terme. A. Allix. 


MÉTÉOROLOGIE 


Le typhon du Japon de septembre 1912. 
— L'équinoxe ne nous a pas apporté le coup de 
vent traditionnel; cependant, il faut reconnaitre 
que, depuis la terrible date, les épreuves, au point 
de vue méléorologique, ne nous ont pas manqué. 

Le Japon, moins heureux, a subi à cette date du 
22 septembre un terrible typhon, le plus violent, 
dit-on, que l'on ail éprouvé depuis cinquante ans. 
C'est la côte sud qui a été atteinte, et les victimes 
et les ruines y sont innombrables. 

Les typhons, comme on le sait, sont des coups 
de vent tournants, destourbillons d'origine tropicale 
qui sévissent dans les mers de l'£xtrème-Orient, 
dans le nord du Pacifique et dans les mers de 
Chine pendant certains mois de l’année. 

Au Japon et dans les environs, ils apparaissent 
généralement de juin à septembre, et plus fréquem- 


(1) Siuoromaï, Nachrichten uber den Ausbruch des 
Vudisans Usu im Japan im Jahre 1910, in Zeit. der 
Ges. fir Erdkunde su Berlin, 1911, p. 705-710, avec 
une carte au 50 000°. 


COSMOS 


17 ocToBRE 191% 


ment à cette dernière date; ces météores suivent 
généralement une route parabolique. Les typhons 
du Japon de septembre ont ordinairement leur ori- 
gine dans le Pacifique, au sud-est de Formose; 
leur roule se dirige vers le Ouest-Nord-Ouest et 
s’incurve devant l'ile pour entrer dans les mers du 
Japon. 

Le R. P. Algué, de Manille, établit deux classes 
de typhons : ceux du Pacifique, qui ne dépassent 
pas le méridien de 122° Est, et ceux des mers de 
Chine. On dit qu’un typhon est rapide quand la 
vitesse de translation dépasse 22 km: h; il est 
lent, au contraire, quand cette vitesse n'atteint pas 
414 km: h. Le typhon de septembre dernier au 
Japon appartenait à la première catégorie. 


Le transport des poussières par le vent 
(Revue scientifique, 14 sept.). — L'étude des pous- 
sières éoliennes importe à l'océanographie aussi 
bien qu'à la géographie et à la géologie. Il y a là 
un mode de transport des matériaux auquel on 
n’a peut-être pas prêté assez d'attention. 

M. Thoulet a fourni récemment d intéressantes 
données à ce sujet. Il rappelle, par exemple, le 
travail de Rollier mentionnant dans le canton de 
Vaud (Suisse), le 20 février 1907, une chute de 
pierres pesant jusqu’à 2,62 g, ayant jusqu'à 
1,55 cm de diamètre, constituées par des quartz 
laiteux et provenant probablement de la région 
des Maures et de l'Esterel, sinon de la Meseta 
ibérique. 

On connait également une pluie de petites pierres 
calcaires ayant jusqu’à 3 centimètres de diamètre, 
provenant du calcaire de Château-Landon (S.-et-M.) 
et transportée à 130 kilomètres de leur lieu d'ori- 
gine. On peut citer aussi une chute en Suède, en 1883, 
de pierres enveloppées dans de gros grilonsovoides 
atteignant 5,8 g comme poids et la grosseur d’une 
noisette comme dimensions. Elles avaient été trans- 
portées à plus de 60 kilomètres. 

Le transport de ces matériaux soulève un pro- 
blème curieux. Les expériences montrent, en effet, 
qu'un vent dit «grand frais», ayant une vitesse de 
23 mètres par seconde, peut transporter des grains 
ayant 2,05 mm de diamètre. On est donc loin de 
la possibilité de transport de pierres ayant une 
taille plus notable. 

M. Thoulet se demande s'il ne serait pas possible 
d'expliquer ce transport en admettant qu'il se pro- 
duit dans l’air un phénomène analogue à celui qui 
se passe quand on envisage, dans une solution 
liquide, ‘une matière inerte, solide; celle-ci fixe à 
sa surface une certaine quantité du corps dissous. 
Dans l’atmosphère, un solide condenserait autour 
de lui une enveloppe d'air ou de vapeur d’eau. La 
densité du caillou ne serait pas sa densité appa- 
rente, mais la densité moindre résultant d'un 
volume complexe, composé du volume réel du cail- 
lou et de sa gaine condensée. 


N° 1447 


Le phénomène parait être, en réalité, très com- 
plexe. Il a été récemment étudié par Sudry. 

Quelle qu’en soit l'explication, le phénomène en 
lui-même est intéressant et mérite d’être étudié de 
plus près à cause de l'importance qu’il peut avoir 
pour expliquer certains faits géographiques. P. L. 


PHYSIQUE 


Une nouvelle pompe à vide. — M. W. Gaede 
l'a présentée à la Société allemande de physique 
(juillet 1912), elle est basée sur ce fait qu'à une pres- 
sion supérieure à 0,001 millimètre de mercure, il se 
forme sur le verre une membrane gazeuse, grâce 
à laquelle les molécules se réfléchissent de préfé- 
rence suivant la direction d'incidence. M. Gra- 
denwitz expose dans la Revue générale des Sciences 
(30 septembre) comment M. Gaede a tiré parti de 
cette donnée. 

«M. Gaede calcule le frottement gazeux entre des 
surfaces en mouvement: il 
observe la production de pres- 
sions qui se prètent parfaite- 
ment à la construction d'un 
nouveau type de pompe à vide 
élevé. A est un cylindre tour- 
nant autour de l'axe a et qui 
est entouré par la boite B 
comportant une rainure de 
largeur A allant de n à m. Lorsque A tourne 
dans le sens des aiguilles d’une montre, l’air dans 
la rainure est entrainé de n à m par le frottement 
gazeux. En reliant les ouvertures n et m à un mano- 
mètre, on observe entre ces deux points une diffé- 
rence de pression proportionnelle au nombre de 
tours de A et au frottement intérieur du gaz. En 
faisant le vide dans la boite, on voit, malgré la 
dilution du gaz, la différence de pression entre m 
et n se maintenir constante, le frottement intérieur 
étant indépendant de la pression. C’est ainsi qu’on 
obtient, par exemple au point m, une pression de 
200 millimètres et au point n 190 millimètres, ou 
au point m 50 millimètres et au point n 40 milli- 
mètres. En réduisant la pression au point m 
à 10 millimètres, cette même règle donnerait au 
point z la pression de 0 millimètre, c'est-à-dire 
que ce dispositif serait capable de donner un vide 
absolu. Il est vrai que cela n'est pas rigoureusement 
exact, la réflexion diffuse des molécules sur la paroi 
se manifestant aux pressions les plus basses comme 
glissement des gaz. Tandis qu'aux pressions élevées 
la différence des pressions se maintenait constante, 
c’est aux pressions les plus basses le rapport des 
pressions aux points m et n qui reste indépendant 
du degré de dilution. Aussi ce dispositif, inefficace 
comme machine pneumatique à la pression atmo- 
sphérique, doit-il, aux basses pressions, donner de 
très bons résultats. » Alfred Gradeniwitz. » 





COSMOS 


123 


SCIENCES MÉDICALES 


La vaccination antityphique lors de l’épi- 
démie d'Avignon. — M. H. Vincent a proposé, 
il y a plusieurs années, et expérimenté un vaccin 
contre la fièvre typhoïde, vaccin préparé par auto- 
lyse de bacilles vivants et que l'auteur appelle 
polyvalent parce que le vaccin est formé du mé- 
lange de bacilles d'origines diverses (Cf. Cosmos, 
t. LXII, p. 276, et t. LIV, p. 2641). Déjà au Maroc, 
en 1911, les soldats vaccinés par le vaccin polyva- 
lent stérilisé à l’éther ont été entièrement protégés 
contre la fièvre typhoide. 

M. Vincent a signalé à l’Académie de médecine 
(séance du 8 octobre) l'efficacité remarquable de son 
vaccin pendant l’épidémie qui a sévi à Avignon 
(juin-aoùt 1912). 

Cette épidémie, d’origine hydrique, s’est montrée 
d'une sévérité exceptionnelle. Elle a frappé un très 
grand nombre d'habitants : 4 500 et plus d’après 
certains médecins; ce qui, pour Paris, équivaudrait 
à 87 000 cas de fièvre typhoiïde. 

L'effectif présent de la garnison étant d’environ 
2 053 hommes, le nombre des vaccinés, avant l’ap- 
parition de l'épidémie, a été de 525; dès que l'épi- 
démie. est survenue, 8441 autres militaires ont 
demandé à être immunisés. Par ce chiffre élevé de 
vaccinés volontaires, on peut juger du caractère 
inoffensif du vaccin et de la bénignité des symp- 
tômes qu'il détermine. 

Le bilan de l'épidémie militaire est de 155 cas 
de fièvre typhoide avec 21 décès. La proportion 
respective des cas chez les vaccinés et chez les non- 
vaccinés a été la suivante: 

4° Non vaccinés: 155 cas, soit 101,4 pour 
4000 hommes; 21 décès, soit 13,75 pour 4 000 
hommes; 

20 Vaccinés : 0 cas; 0 décès. 

Aucun des vaccinés, soit avant l'épidémie, soit au 
cours de celle-ci, au total 4 366 vaccinés, n’a don: 
contracté la fièvre typhoiïde. Aucun d’entre eux 
n'a offert le plus léger embarras gastrique. Leur 
immunité a donc été absolue. 

Cependant, la proportion des cas, dans cette épi- 
démie d'Avignon, chez les non-vaccinés (101,4 pour 
4000), a été beaucoup plus élevée qu’à l’occasion de 
l'épidémie marocaine de 4911 (64.87 pour 1 000). 

Remarque intéressante: la fièvre typhoide a 
épargné même les sujets {plus de 200) qui n'avaient 
reçu que deux ou mème une seule injection d'an- 
tigène. 


L'effet du soleil tropical sur l’homme et 
quelques animaux (Revue générale des sciences, 
30 sept.). — Un savant américain, M. H.-D. Gibbs, 
professeur adjoint à l'Université des Philippines, 
vient de se livrer à Manille à d’intéressantes expé- 
riences sur ce sujet. Il a déterminé la température 
de la peau, exposée au soleil tropical, d'un certain 


424 


nombre d'hommes de races différentes, et de la 
peau protégée par les poils ou diverses sortes de 
vėtements, puis la température sous-cutanée de 
singes et de lapins. . 

A l'ombre, la température de la peau de l’homme 
reste constamment au-dessous de celle du sang. 
Au soleil, la température des peaux les moins colo- 
rées s'élève parfois plus rapidement que celle des 
peaux colorées; mais, après cette élévation initiale, 
les peaux colorées présentent un maximum plus 
élevé que les autres, pourvu que l'exposition ne 
soit pas trop longue. Dans le cas d’une exposition 
trop prolongée, une irritation des extrémités ner- 
veuses sensitives ou des parois des vaisseaux elles- 
mêmes provoque une inflammation de la peau, due 
à une plus grande quantité de sang et à une circu- 
lation plus rapide. Cet effet est absent dans les 
peaux colorées, dont la pigmentation constitue 
certainement une protection. 

Tandis que les peaux colorées absorbent la cha- 
leur plus rapidement, leur radiation est aussi plus 
rapide que celle des peaux peu colorées, et comme, 
en plein soleil, la proportion du corps exposée est 
moindre que celle qui est à l'ombre, les races colo- 
rées sont probablement, pour cette raison, mieux 
préparées à résister au soleil. 

Les singes à poils gris ont une température sous- 
cutanée normale à l’ombre et paraissent dispos, 
tandis qu'au soleil la température s'élève au-dessus 
de 48° et la mort s'ensuit en moins d’une heure, 
quelquefois en trente minutes. Les lapins blancs, 
gris et noirs meurent tous par exposition au soleil : 
les noirs les premiers, les blancs les derniers. 

D'après M. Gibbs, le vêtement pour homme des- 
tiné à la protection contre le soleil doit produire 
la plus grande ombre sans obstruer les courants 
d’air emportant l'humidité évaporée. La supériorité 
des matières blanches sur les colorées comme 
réflecteur des rayons solaires est démontrée par 
les expériences sur les lapios et quelques mesures 
sous vêtement. La condition idéale est donnée par 
l'ombre d'une ombrelle blanche bordée d’étoffe 
verte et un vètement aussi léger que possible. Un 
casque blanc léger à large bord, dont l'intérieur 
est disposé de telle sorte que la monture du casque 
ne touche pas la tête et permette le passage libre 
des courants d'air, est le meilleur substitut de 
l'ombrelle. Rien ne semble justifier l'emploi des 
casques lourds. 


RADIOTÉLÉGRAPHIE 


La télégraphie sans fil dans l’océan Paci- 
fique. — La Compagnie fédérale télégraphique, 
qui détient et exploite les brevets Poulsen aux 
Etats-Unis, vient d'installer deux stations radio- 
télégraphiques, l'une à San-Francisco et l'autre 
dans les iles Sandwich, à Honolulu. Chacune de 


ces stations comporte deux mâts de 130 mètres de 


COSMOS 


17 OCTOBRE 1942 


hauteur, avec une antenne de forme spéciale et 
des générateurs à arc Poulsen de 36 kilowatts, 
pour engendrer les ondes électriques eniretenues. 

Ces stations vont être incessamment mises à la 
disposition du public pour la transmission des cor- 
respondances privées. 

La distance de San-Francisco à Honolulu est de 
3 800 kilomètres, plus grande donc que la distance 
qui sépare les deux stations Marconi pour commu- 
nications transatlantiques, car la còte Ouest d'Ir- 
lande et la Nouvelle-Ecosse ne sont éloignées l'une 
de l'autre que de 3 200 kilomètres. 


La radiotélégraphie dans l'Amérique du 
Sud. — La Compagnie Telefunken, de Berlin, a 
installé trois stations de télégraphie sans fil qui 
mettent en communication Lima (Pérou), sur la 
côte du Pacifique, avec Para (Brésil), sur la côte de 
l'Atlantique. La station de Manaos (Brésil), située 
sur l'Amazone, en plein continent, sert de relais. 

De Lima les ondes électriques franchissent les 
hauteurs de 5000 à 6 000 mètres des Andes, puis les 
vastes forèts vierges du bassin de l'Amazone. La 
portée Lima-Manaos est de 2200 kilomètres. De 
Manaos les télégrammes sont retransmis à Para: 
ici, la portée est de 1 200 kilomètres. 


Le service radiotélégraphique transatlan- 
tique. — Le Times, de New-York, se fait mainte- 
nant transmettre par télégraphie sans fil, de la sta- 
tion Marconi de Clifden jusqu'à celle de Glace-Bay, 
toute sa correspondance d'Europe, soit 3000 mots 
par jour: il n’a plus recours aux câbles sous-marins 
transatlantiques. 

La transmission de cette correspondance quoti- 
dienne, de Londres à New-York, dure environ une 
heure cinquante-six minutes; elle est plus rapide 
que par la voie des lignes sous-marines, de plus, 
elle est sensiblement moins onéreuse. 


MARINE MILITAIRE 


Nouveaux obus. — On sait toutes les recherches 
faites pour trouver les fusées qui ne produiraient 
l'éclatement des projectiles explosifs qu'après leur 
pénétration à l’intérieur des navires. On a fait, à ce 
point de vue, de sérieux progrès, comme l'indiquent 
les tirs d'expérience qui viennent d’avoir lieu sur le 
Neptune, à Cherbourg. Le Yacht du 5 octobre en 
rend le compte suivant : 

Ces expériences ont eu lieu le 27 septembre. 
Sur le vieux cuirassé, on avait fixé des plaques 
d'acier de l’épaisseur des cuirasses de flanc des 
croiseurs-cuirassés en service. Le Neptune avait 
été embossé dans l’est de la rade, dans l’anse des 
Flamands, entre l'ile Pelée et la digue Collignon. 

Une pièce de 46 centimètres, mise en batterie 
aux Grèves, a lancé sur ces plaques le nouvel obus 
perforant muni de la fusée à double effet. Distance 
de tir : 400 mètres. 


No 1447 


L’obus a bien perforé la plaque avant d’éclater, 
et l'on a constaté en arrière l’épaisse fumée noire 
due à la charge. Les gaz et les éclats auraient pro- 
duit des dégâts considérables à l'intérieur d’un 
bâtiment cuirassé avec cette plaque. 

Le 28, les tirs ont repris avec du 16 centimes 
et du 24 centimètres sur les cibles cuirassées placées 
sur le pont. L'obus de 24 centimètres, après avoir 
percé la plaque, a éclaté et envoyé des éclats dans 
toutes les directions et jusqu'à lile Pelée, à 4 kilo- 
mètre de distance. 

Les tirs ont continué sur la coque même du navire. 
Constatons que, grâce au bon fonctionnement de 
nos fusées, nous semblons avoir résolu le problème 
de l'éclatement de l’obus de semi-rupture à la 
mélinite, en dedans des cuirasses minces des croi- 
seurs-cuirassés, aux distances moyennes de combat, 
car il ne faut pas tenir compte de la distance de 
400 mètres adoptée pour les expériences; en fai- 
sant varier la charge, on obtient à 400 mètres la 
vitesse initiale correspondant à des distances plus 
grandes, et l’on se met à volonté duns les condi- 
tions du combat. Mais, dans les expériences, on 
prend ces faibles distances pour être certain de 
frapper la cible au point voulu. 


L.63 nouveaux canons. — Jadis, on construisit 
des canons de calibres formidables: mais, étant 
donné l’état de la métallurgie en ces temps reculés, 
ces énormes pièces faisaient souvent plus de mal 
à ceux qui les servaient qu’à l'ennemi auquel 
s'adressaient leurs projectiles. Tout le monde 
a entendu parler des canons du Bosphore et de 
leurs boulets de marbre. 

On était revenu de ces errements: le canon de 
16 centimètres (on l'appelait canon de 30 en raison 
du poids de son boulet), puis le canon de 50 (calibre 
de 19 centimètres environ) étaient d'usage général. 

Mais, depuis un demi-siècle, on revient à des 
calibres plus élevés, et la pièce de 24 centimètres 
a été employée dans toutes les armées navales 
et pour l'armement des côtes. Les nouvelles 
cuirasses l'ont fait paraitre faible, on est passé 
au calibre de 30 centimètres, puis, pour les 
nouveaux dreadnought, à celui de 34,6 cm. On ne 
s'arrête pas dans cette voie. L'Allemagne construit 


en ce moment des canons de 38,1 cm, longs de : 


45 calibres (17,145 m), lançant un projectile de 
750 kilogrammes. 

On sait que la vie utile des grosses pièces est 
fort courte ; or, diverses considérations font espérer 
que cette nouvelle artillerie aura plus de durée. 

Le Japon et l'Italie ont déjà adopté ces énormes 
calibres. 


La consommation du pétrole dans la marine. 
— Les marines de guerre ont toutes plus ou moins 


COSMOS 


125 


sacrifié au pétrole, source d'énergie certainement 
des plus commodes. Malheureusement, beaucoup 
de pays, et la France entre autres, n’ont pas cet 
hydrocarbure et sont obligés de l’importer; aussi 
on se demande ce qui arriverait en cas de guerre, 
quand la mer serait fermée, si grandes que soient 
les provisions accamulées en vue d’une pareille 
éventualité; n’aurait-on pas à craindre de voir toute 
une partie de la flotte militaire immobilisée ? 

On peut se faire une idée de la quantité de 
pétrole jugée nécessaire aux besoins de la marine 
par cet entrefilet : 

« L'Amirauté britannique s’est entendue avec des 
Compagnies écossaises en vue de la livraison de 
200 000jtonnes de pétrole pour l'usage de la marine 
de guerre. 

» Les lords de l’Amirauté, qui désirent se procurer 
200 000 tonnes de plus, ont invité d’autres Compa- 
gnies à soumissionner. » 


ART MILITAIRE 


L'épilogue métallurgique des guerres. — 
Un officier supérieur de l'armée allemande, 
M. Reinhard Wagner, publie une étude sur l’impor- 
tance des travaux à faire en Italie après la guerre, 
en se basant sur ce qu'ont dù accomplir les autres 
nations : l'Angleterre après la guerre du Transvaal, 
la Russie et le Japon après la guerre de 1904. I 
conclut : pour le renouvellement du matériel en 
munitions, canons, fusils, navires de guerre, chau- 
dières, réparations, l'Italie devra après la guerre 
— suivant les techniciens les plus autorisés — 
demander à son industrie nationale des com- 
mandes pour au moins un milliard de francs. 


AVIATION 


D’Italie en Corse en aéroplane. — Depuis 
quelques jours, l’aviateur italien Cagliani se pré- 
parait à effectuer la traversée de la mer Tyrrhé- 
nienne en aéroplane. Le gouvernement italien 
avait mis à sa disposition trois torpilleurs qui 
devaient jalonner la route à suivre. 

Le 9 octobre, par un temps propice, l’aviateur 
s'est élevé de Pise, à 3 heures après midi, s'est 
dirigé vers Bocca d’Arno, puis vers Livourne, et 
s’est ensuite avancé sur la mer pour effectuer la 
traversée projetée. Guidé par les torpilleurs, il est 
arrivé à Bastia vers 430" de l’après-midi et a atterri 
sur la place Rinalla, dans la ville mème. 

La distance parcourue au-dessus de la mer est 
de 125 kilomètres environ. L'appareil que montait 
l'aviateur est de construction italienne, mais 
rappelle par bien des points les monoplans fran- 
çais. 


So rm see 


426 COSMOS 


17 ocToBRE 1912 


Un nouveau funiculaire aérien au Tyrol. 


Un des premiers funiculaires aériens qui aient 
été établis pour le transport des voyageurs est celui 
du Wetterhorn, à Grindelwald (Suisse). Il fonctionne 
depuis 1909. Cette ligne, particulièrement hardie, 
a sa station de départ à la cote 1 253 mètres ; celle 
d'arrivée atteint 1678 mètres. La différence de 
niveau est donc de 425 mètres pour une longueur, 
en plan, de 365 mètres, ce qui donne une pente 
moyenne de 1,16 m par mètre. 


D'autres installations ont été établies depuis 
lors; nous nous contenterons de rappeler le funi- 
culaire de l’Aiguille du Midi, que nous avons 
décrit ici mème (Cosmos, n° 1382 du 22 juillet 1911). 

On vient d'achever, près de Bozen (Tyrol), une nou- 
velleligne suspendue, celle du mont Kohlern, où fonc- 
tionnait déjà, en 1908, une voie suspendue primitive 
avec pylônes en bois et de simples câbles porteurs. 

Le nouveau funiculaire a sa station de départ 





LE FUNICULAIRE AÉRIEN DU MONT KOHLERN AU TYRoOL. 


au bord de Ja rivière Eisack; on monte dans 
de confortables wagonnets qui circulent sur des 
câbles métalliques et s'élèvent lentement, laissant 
derrière eux la station de départ et l’Eisack. 
Mais bientòt la vue s'élargit et s'étend de plus 
en plus: le Rittner, toute la vallée de Bozen, 
la région de l'Ortler et enfin l'imposante chaine de 
montagnes du massif de Schlern se découvrent 
à l'œil étonné, tandis que le wagonnet franchit 
doucement et sans le moindre choc la différence 
de hauteur de 840 mètres en 13 minutes. 

Le système choisi pour le chemin aérien peut 
être considéré comme le plus perfectionné qui 


existe actuellement. Il fut construit par la fabrique 
de voies à câbles Ad. Bleichert et Cie, à Paris- 
Leipzig, qui établit cette ligne dans le court délai 
d'un peu plus d’une année. La voie de roulement 
de chaque wagonnet se compose de deux cäbles 
métalliques d’un diamètre d'environ 45 millimètres, 
qui sont supportés par douze solides pylônes en 
fer. Chaque wagonnet est entrainé par deux câbles 
tracteurs robustes en acier qui sont actionnés méca- 
niquement de la station supérieure. Le wagonnet 
peut contenir seize personnes et est aménagé de 
telle façon qu'il conserve sa position horizontale, 
quelle que soit l’inclinaison de la voie, de sorte que 


ee æ 


N° 1447 


les sièges ne sont pas surélevés. Outre les installa- 
tions de freinage et de signaux existant dans les 
stations terminus, chaque wagonnet est équipé de 
quatre disposilifs d'arrêt et d'un frein de réglage 
de vitesse. Le système offre au public la plus grande 
sécurité, car toutes les parties importantes pour 
la circulation sont prévues au moins en double, de 


COSMOS 


427 


sorte que si l’une venait à ne pas fonctionner, 
l’autre entrerait en service. 

Les voyages d'essais et les expériences de freinage 
et d'arrêt ont donné les meilleurs résultats. La 
ligne, achevée et prète à fonctionner, a été livrée 
à son propriétaire, M. Joseph Staffler, à Bozen, et 
elle doit entrer en service très prochainement. 





TÉLÉGRAPHIE SANS FIL 


Réception à domicile 


des signaux horaires 


et des radiotélégrammes méléorologiques de la tour Eiffel. 


On sait que la station radiotélégraphique de la 
tour Eiffel émet deux fois par jour, à 10"45m du 
matin et à 1145" du soir, des signaux horaires, 
suivis, le matin seulement, de télégrammes 
météorologiques. 

La portée de ces signaux, qui dépasse actuelle- 
ment 5000 kilomètres, sera prochainement plus 
grande encore, la puissance du poste principal de 
la station devant être bientôt considérablement 
augmentée. On conçoit que, grâce à cette puis- 
sance d'émission, la réception soit facile, dans un 
rayon assez élendu, avec un matériel très simple 
et très restreint, — d'autant plus simple et d'au- 
tant plus restreint que l’on se trouve plus près de 
Paris. 


I. Réception à Paris et dans sa banlieue. 


A Paris mème et dans ses environs immédiats, 
ce matériel se réduit à un détecteur électrolytique 
que l’on peut facilement construire soi-même, une 
pile et un récepteur téléphonique. 


Le détecteur électrolytique. 


Ce détecteur n'est autre chose qu'un petit volta- 
mètre à eau acidulée dont une électrode, en 
platine ou en plomb, est de forme et de dimen- 
sions quelconques, et dont l’autre est constituée 
par la section d'un fil de platine de 2 centièmes 
de millimètre de diamètre. 

La réalisation de cette électrode, dite « à la 
Wollaston », est la seule partie un peu délicate 
dans la construction du détecteur électrolytique. 
Si l’on ne peut la faire soi-même, on en trouvera 
de toutes préparées dans le commerce, à des prix 
peu élevés (1). 

Pour constituer notre détecteur, nous prendrons 
un petit flacon à large ouverture, muni d'un bou- 
chon à deux trous, en caoutchouc ou en liège 
rendu inattaquable aux acides par immersion pen- 


(1) Voir Petite Correspondance, p. 448. 


dant un quart d'heure dans un bain de paraffine 
fondue (fig. 1). 

Nous y verserons de l’eau acidulée (eau, 400 cm"; 
acide sulfurique, 10 à 15 cm’) jusqu'aux trois 
quarts de la hauteur environ. 

Par un des trous du bouchon, nous ferons 
plonger dans le liquide un bâton de plomb, de 
diamètre suffisant pour qu'il soit serré dans ce 
trou, afin d’obtenir une 
fermeture bien hermé- 
tique. Nous munirons 
d'une pince-borne 
l'extrémité supérieure 
libre du bâton. 

Un moyen commode 
d'obtenir le bâton de 
plomb nécessaire con- 
siste à couler du plomb 
dans un moule préparé 
en roulant, en deux ou 
trois couches serrées, 
une feuille de papier 
autour d’un crayon ou 
d'un tube de verre. Après 
refroidissement, on 
mouille abondamment 
le moule de papier, 
qui est un peu roussi 
et adhérent au plomb, et on le détache par mor- 
ceaux. 

Par le second trou du bouchon, nons introdui- 
rons l’électrode à la Wollaston. Pour la pré- 
parer, on effile à la manière ordinaire un tube de 
verre dans la flamme d'un bec Bunsen (4). On 
introduit, à l’aide de pinces fines, dans la partie 
effilée un morceau de 2 centimètres environ de 
fil de platine de 2 centièmes de millimètre de dia- 





F1G. 1. — DÉTECTEUR 
ÉLECTROLYTIQUE. 


(1) Un tube de compte-gouttes, acheté chez le phar- 
macien, pourra dispenser de cette opération. La 
flamme d'une lampe à alcool suffira pour le fermer, 


498 


mètre, de façon que son extrémité libre sorte du 
tube de 1 à 2 millimètres (fig. 2). On porte à nou- 
veau dans la flamme l'extrémité effilée contenant 
le fil de platine. Le verre, en se ramollissant, ferme 
le tube et emprisonne le fil, dont les deux extré- 


G D 


L 
——..— 


Fica. 2. — PRÉPARATION DE L'ÉLECTRODE A LA WOLLASTON. 


mités doivent rester libres, l’une à l’intérieur, 
l’autre à l'extérieur du tube; il ne reste plus qu'à 
user sur du papier émeri 
fin (quadruple zéro) la 
pointe de l’électrodeainsi 
obtenue, de facon que 
le fil de platine ne fasse 
plus aucune saillie à 
l'extérieur, mais affleure 
exactement la surface du 
verre, tout comme la 
mine d'un crayon non 
taillé se montre à cha- 
cune de ses extrémités. 

Si, dans la suite, le 
fonctionnement de l’élec- 
trode devenait défec- 
tueux, il suffirait de frot- 
ter de nouveau légère- 
ment son extrémité sur 
le mème papier pour lui 





4 


à] 





---- fil de 


SAN n a a a CI N i s NE 


Cuture rendre toutes ses qua- 
lités. 

Pour relier le fil de 

--amMercure platine au circuit que 


nous établirons, versons 
un peu de mercure dans 
le tube et faisons-y plon- 
ger un morceau de gros 
fil de cuivre rouge. Son 
extrémité supérieure 
libre sera aplatie au 
marteau et garnie d'une 
pince-borne semblable à 
celle que porte déjà le bâton de plomb (fig. 3). 
Afin d'éviter de répandre le mercure, au cas où, 
dans l’ardeur des essais, on renverserait le détec- 
teur, il est bon d'introduire un peu d'ouate au- 
dessus de lui et de couler par-dessus quelques 


PCR ST RES RON LES SERV UE ne 3 SRE 


F1G. 3, — ELECTRODS 
A LA WOLLASTON TERMINÉE. 


COSMOS 


17 ocroBne 191% 


gouttes de cire à cacheter. On obtient ainsi un 
détecteur absolument hermétique et pouvant fonc- 
tionner dans toutes les positions. 


La pile. 


Elle peut être queleongue, pourvu que sa force 
électromotrice soit de 2,5 volts environ. Une ten- 
sion trop élevée cause un bruit de friture dans le 
récepteur téléphonique; une tension trop faible 
ne donne au détecteur qu’une sensibilité médiocre. 
Il est d’ailleurs possible, au moyen d'une combi- 
naison de résistances nommée potentiomètre ou 
réducteur de potentiel, d'obtenir la tension opti- 
mum avec une pile à tension trop élevée. Mais eet 





Téléphone 
FIG. 4. — MONTAGE DES APPAREILS. 


appareil n’est pas indispensable, si la pile est con- 
venablement choisie. On pourra employer, par 
exemple, sans dispositif spécial, deux éléments 
Leclanché usagés. Nous avons obtenu de très bons 
résultats, soit avec un élément de pile « Azeden », 
soit surtout avec une petite pile sèche de deux 
éléments pour lampe de poche de 3 volts, mesu- 
rant 52 X 33 X 16 mm. Le plus petit modèle est 
le meilleur pour cet usage, et une pile épuisée 
pour la lumière est encore excellente pour fournir 
la tension nécessaire aux bornes du détecteur. 


Le récepteur téléphonique. 


Comme la pile, il peut être quelconque, de 
réseau ou d'appartement, mais il sera d'autant 


Ne 1447 


plus sensible et donnera un son d'autant plus 
intense que les bobines de ses aimants porteront 
un plus grand nombre de tours de fil La résis- 
tance du récepteur augmentant proportionnelle- 
ment au nombre de tours, c’est par la valeur de 
cette résistance qu'est ordinairement désignée la 
sensibilité. La résistance des récepteurs dits « de 
réseau » est de 200 à 250 ohms environ. 


Montage des appareils. 


En possession du détecteur, de lu pile conve- 
nadle et du récepteur téléphonique, eomment 
allons-nous grouper ces appareils? 

Nous réunirons Fune des bornes da détecteur 
(celle correspondant à l’électrode à la Wollaston 
de préférence) à une masse conductrice quelconque 
non rehée au sol : toiture métallique, balustrade 
de baleon, poële mobile, lit métallique, baignoire, 
ou même simplement corps de l'opérateur. Cette 
masse conductrice pourra être remplacée par un 
fil de cuivre de quelques mètres, développé à Tin- 
térieur de l'appartement et jouant le ròle de Fan- 


COSMOS 


429 


tenne qui sera nécessaire pour la réception à de 
plus grandes distances. Les résultats seront d’au- 
tant meiHeurs que le fil sera plus long (fig. 4). 
L'autre borne du détecteur sera reliée à lá cana- 
lisation d’eau ou de gaz, ou å un morceau de gril- 
lage métallique dé un demi-mètre carré à un 
mètre carré de surface enterré dans un sol humide. 
Cela fait, lé récepteur téléphonique ét la pile 
seront montés en dérivation à ces mémes bornes, 
le pôle posttif élant relié à l'électrode à la Wol- 
laston. On reconnait ce pôle, dans lés piles sèches 
de lampes de poche, å ce que fa lame flexible qui 
y est fixée est plus éloignée de l'enveloppe que fa 
négative. Si, d'ailleurs, on se trompait dé sens, on 
en serait immédiatement averti par un bruit de 
friture intense dans le téléphone. 
Un interrupteur, placé dans le circuit, permettra 
de ne laisser débiter la pile qu’en temps utile. 
C'est tout : il ne reste plus qu’à écouter les télé- 
grammes et à les interpréter, comme nous allons 
l'indiquer. 


. (A suivre.) D" PIERRE CORRET. 





L'origine des eaux de Pougues. 


Pougues-les-Eaux est une localité du départe- 
ment de la Nièvre, possédant des eaux chargées 
d'acide carbonique, bicarbonatées caleiques. Con- 
nues depuis le xv° siècle, elles sont employées 
avec un certain succès pour le traitement des 
maladies de l’estomae. 

La question de leur origine n'a jamais été 
traitée — à notre connaissanee — à l'aide des 
méthodes modernes d'investigations géologiques. 
Un récent séjour dans la région nous a permis de 
serrer d’un peu plus près le problème. 

Il est nécessaire, avant d'aborder ce qui est 
spécial à la région de Pougues, de reproduire ce 
qu'écrivait, il y a dix-huit ans, M. G.-F. Dollfus 
sur les eaux minérales en général (4) (p. 3): 

« L'examen des eaux minérales constitue un des 
problèmes les plus intéressants, relevant du do- 
maine de la géologie, et il ne nous parait pas 
qu’elles aient été étudiées jusqu'ici à ce point de 
vue comme elles méritent de l'être. Longtemps on 
a considéré l'origine des eaux minéralisées comme 
un problème insoluble, hors de notre portée, et on 
a fait intervenir pour les expliquer une foule de 
phénomènes souterrains incertains et compliqués. 
On s’est plu à reléguer leur point de formation 
dans des régions inaccessibles. 

» Nous sommes portés, au contraire, à consi- 


(1) G.-F. Douzrus, Recherches géologiques sur les 
environs de Vichy (Allier). In-8, 189$, 5 planches, 
68 pages. 


dérer, en général, la minéralisation des eaux sou- 
lerraines comme un phénomène relativement 
simple et facile à résoudre en empruntant à la 
chimie, à la stratigraphie et à l’hydrostatique leurs 
données les plus élémentaires. 

» On arrivera à trouver quelles sont les roches 


YD 


: 289 Zi 
ei, 


y” Parier g 





N Varenmes 
F1QG. 1. — CART2 DES ENVFRONS DE POUGaURrS. 


plus où moins profondes qui, par une décomposi- 
tion chimique normale, ont pu eéder aux eaux 
souterraines les éléments que nous y retrouvons en 
dissolution. » 

M. Dollfus, après une étude approfondie du bas- 
sin de Vichy, arrivait, pour l’origine de ses eaux, 
à cette conclusion logique : 

Certaines sources froides: Célestins, Lardy, 


430 COSMOS 17 OCTOBRE 1912 


Dubois, Mesdames, sont presque superficielles; en 
tout cas, pas assez profondes pour être chaudes. 
Celles dont la température est élevée: Chomel, 


Grande-Grille, Lucas, Hôpital, sont le résultat 
d'eaux superficielles qui s’infiltrent assez profondé- 


ment pour atteindre des zones uniformément 
chaudes et qui rejaillissent ensuite à la surface, 
dans certaines conditions hydrostatiques, ou par 
suite de la poussée de l’acide carbonique. 

Les minéraux de ces eaux sont empruntés aux 
couches géologiques qu’elles traversent; dans 
l'espèce elles émanent d’un tuf porphyrique à élé- 
ments très sodiques, ce qui explique leur forte 
teneur en bicarbonate de soude. 


> 


© 
3 
x à 
5 H 
D Z 
b ~ 
PS m 
CR 
© 
Fe O 
V x 
AN 
y A 
- a à, 
Aa. U 
D 
pæl 
eo 
o 
bu 


PAN 'S °P ‘A 





Partant des mêmes principes, il est aisé de con- 
naître l’origine exacte des minéraux de l’eau de 
Pougues, par l’étude des terrains qu'elle traverse 
avant de réapparaitre à la surface. 

La plus vaste coupe que nous ayons pu examiner 
dans la région est celle de la carrière exploitée 
pour marnes à ciment, dite de « La Maure », à 
5,4 km au N.-E. du clocher de Pougues, sur la 
route de Chaulgnes à Bizy. 

Elle présente, de bas en haut, les assises sui- 
vantes : 

A. Une masse visible sur 14 mètres de marnes 
bleues à ciment ; 

B. Un banc de 2 mètres de calcaire gris, dur, 


‘LN4GI1990 


FıG. 2. — ANCIENNE GRAVURE MONTRANT LA DISPOSITION DES SOURCES DE POUGUES. 


présentant à sa surface supérieure laspect d'un 
véritable fond de mer exondé, couvert de fos- 
siles; 

C. Un banc supérieur de marnes bleues, avec 
niveaux calcaro-marneux plus durs, 6 mètres; 

D. Une masse de calcaire jaune à térébratules et 
ammonites, visible sur 8 mètres. i 

Le sommet de la colline boisée qu’entame cette 
carrière présente des blocs de grès chailleux à 
nombreux oursins. 

L'ensemble appartient à la période jurassique, 
et ce qui est visible dans la carrière est d'âge 
batbonien. Lia 

On est ici à la cote 270, et les sources de Pougues 
n'émergent que vers la cote 197. De plus, Pougues 
est immédiatement dominé par le Mont-Givre, de 


même constitution géologique, dont le sommet est 
à la cote 298. 

Il semble donc que les eaux pluviales déjà char- 
gées d'acide carbonique et tombant sur les sommets 
environnants (alt. 284, 273, 298, etc.) traversent 
les calcaires bathoniens, dissolvent une partie du 
carbonate de chaux de ces roches et entrainent 
les minéraux accidentels qui s’y trouvent (carbo- 
nate de magnésie, phosphate et sulfate de 
chaux, etc.). Elles rencontrent bientòt, en s'infil- 
trant, les marnes bleues à ciment qui forment un 
niveau relativement imperméable, puis elles 
suivent la pente de cette couche qui s'abaisse vers 
la vallée de la Loire. 

C’est alors que, trouvant sans doute à la hauteur 
de Pougues une faille favorable comme il y en a 


N° 1447 


tant dans la région (1), les eaux tendent à regagner 
leur niveau primitif et jaillissent à la surface, 
aidées en cela par l'excès d'acide carbonique 
qu'elles ont emprunté au calcaire bathonien. 

Comme leur température moyenne est de 
42 degrés, point n’est besoin de faire intervenir 
la proximité du foyer interne d'oxydation de la 
barysphère, comme on a été tenté de le faire trop 
souvent pour les sources chaudes. 

Afin de faciliter la compréhension de ce qui pré- 


COSMOS 


431 


cède, nous donnons (fig. 1) une carte simplifiée de 
la région de Pougues où sont indiquées quelques 
altitudes. | 

Nous reproduisons également un .très curieux 
dessin extrait d’un ouvrage du xvie siècle (i) 
(fig. 2) qui a le double mérite de montrer ce 
qu'étaient les sources à cette époque et leur 
situation en contre-bas des collines environnantes. 


Pauz Couses fils. 


— c lM 


Deuxième Congrès national du froid. 


Le deuxième Congrès national du froid qui vient 
de se terminer à Toulouse a eu un plein succès, et 
ses résultats favorables ne tarderont pas à se faire 
sentir, autant dans le domaine de la science que 
dars celui de l'industrie et du commerce. Un grand 
nombre de communications et de rapports ont fait 
l'objet des séances de ses six sections s'occupant 


respectivement des gaz liquéfiés et matériel frigo-. 


rifique, des applications du froid à l'alimentation 
et l’agriculture, des applications à l’industrie, des 
transports, de la législation, et enfin des applica- 
tions à la médecine et l’hygiène. 

Les vœux les plus importants émis par la pre- 
mière section (gaz liquéfiés et matériel frigorifique) 
ont trait à une création systématique des mesures 
et des méthodes d'essais dérivant directement du 
système C. G. S. et tendant à l'adoption, pour les 
termes électriques, de ceux déjà adoptés par le 
Comité électro-technique français. D'autres væux 
demandent que les travaux de savants spécialistes 
soient continués activement pour arriver à des don- 
nées certaines sur les gaz rares de l'atmosphère et 
certains agents frigorifiques. 

À côté des communications tendant à l'adoption 
de ces væux, d'autres rapports ont été présentés 
` par M. Maurice Leblanc sur l'emploi de l'air et de 
la vapeur d’eau comme agents frigorifiques, par 
MM. Lepeu et Leroux sur de nouveaux perfection- 
nements aux compresseurs des machines frigori- 
fiques. M. Waurees décrit un compresseur à effets 
multiples des plus intéressants. M. Le Roy signale 
Temploi des permanganates et des sulfites pour 
désinfecter et désodoriser les salles frigorifiques. 
Pour le mème usage, M. Saint-Père emploie le 
formol ou, préférablement, l'ozone. Nous signale- 
rons en particulier une communication de M. Saba- 
lier, doyen de la Faculté des sciences de Toulouse, 
sur la fabrication par catalyse da méthane et les 
applications du froid à celte méthode. Le gaz à 


(1) Sur la feuille Vevers (n° 123) de la Carte géolc- à: 


gique de la France, le nombre des failles est peut-ètre 
exagéré. 


l'eau dont on se sert est ainsi séparé en ses élé- 
ments, hydrogène, gaz carbonique et oxyde de car- 
bone, qui, réagissant sur le nickel dans des condi- 
tions spéciales, donnent du méthane. L'intérêt de 
cette communication est considérable, de l’avis de 
M. Versepuy, directeur de la Compagnie du gaz à 
Toulouse, car les mines françaises ont presque 
épuisé la houille à gaz, et les houillères anglaises 
ne peuvent suffire à la consommation. La produc- 
tion de l'hydrogène à bon marché, à partir du gaz 
à l'eau, est déjà réalisée pratiquement en Alle- 
magne par le professeur Linde. 


- La deuxième section s'occupait spécialement des 


applications du froid à l'alimentation et à l'agri- 
culture. Aussi a-t-elle été suivie particulièrement 
par les délégués des ministères de la Guerre et de 
la Marine. Plusieurs intendants militaires, parmi 
lesquels l'intendant général Défait, directeur des 
services de l'intendance au ministère de la Guerre, 
et plusieurs commissaires de la marine ont pris 
une part active aux discussions. La question des 


abattoirs régionaux a longuement occupé l’assem- 


blée, qui émet un vœu concernant la création de 
ces abattoirs dans chaque région d'élevage, de 
façon à créer des approvisionnements destinés non 
seulement à la défense nationale, mais à l’alimen- 
tation privée: les fluctuations des cours seront 
ainsi régularisées, et les congressistes y ont vu un 
moyen efficace de lutter contre la vie chère. La 
question de la conservation des denrées périssubles, 
œufs, beurre, fromages, fruits, qui intéresse à un 
si haut degré l'agriculture, a passionné les agri- 
culteurs venus en grand nombre à cette section. 
Les divers rapporteurs ont clairement montré que 
l'application du froid ouvrait des débouchés consi- 
dérables à l’agriculture en lni permettant l'expor- 
tation de ses denrées. La brasserie, qui a été une 
des premières branches de l'industrie à utiliser le 
froid, n'a pas été oubliée. Un rapport de M. Kar- 
cher est venu expliquer les progrès réalisés. D'ail- 


(1) La vertu e! usage des fontaines de Pouques en 
Nyvernotis, par [. Pivoux, médecin du Roy. 1598. 


432 


leurs, par une visite à l’une des grosses brasseries 
de Toulouse, les congressistes ont pu se rendre 
compte de visu de l’avantage du froid. 

Enfin, la viticulture, qui jusqu'ici ne s'était 
guère occupée de la question, y est entrée résolu- 
ment. Le froid est appliqué aujourd’hui en grand 
dans le travail des moûts. M. Marsais explique dans 
son rapport les applications que l’on a pu faire, 
pour la conservation et l’expédition des moûts non 
fermentés. M. Cabanne apporte les résultats obte- 
nus dans le Tyrol pour suspendre la fermentation 
et permettre l'expédition des mots en Suisse prin- 
cipalement. Le froid permet aussi d'obtenir, dans 
ke vide, une concentration parfaite. On a pu ainsi 
obtenir des sortes de miels ayant gardé tout l’arome 
du raisin, du muscat entre autres. Ces [miels sont 
consommés tels quels dans une grande partie de 
la Suisse et de l'Allemagne. |Enfin, le froid peut 
être employé dans certains cas pour obtenir avec 
avantage un vieillissement artificiel des vins. Ces 
eommunications ont vivement intéressé les viticul- 
teurs présents, très nombreux à ces séances, et ils 
ont émis le vœu que les essais soient continués 
dans celte voie et rapidement menés à bonne fin. 

La troisième section, s’occupant des industries 
chimiques, a eu ses séances moins chargées. Plu- 
sieurs rapports du plus haut intérêt y ont été dis- 
eutés par les ingénieurs les plus compétents. Le 
froid est appliqué aujourd’hui avec grand avantage 
dans la grande métallurgie, comme il ressort du 
rapport du D" Perret. On dessèche ainsi parfaite- 
ment l'air destiné à être insufilé dans les hauts 
fourneaux, ce qui permet d’obtenir des fontes beau- 
eoup plus chaudes. L’on condense la vapeur d’eau 
sur des serpentins fortement refroidis situés dans 
les chambres des récupérateurs. La production de 
ka fonte, d'après les résultats de M. Gayley, auteur 
du procédé, obtenus à Isabella Furnaces (près Pitts- 
burg), est ainsi augmentée de 25 pour 400 environ. 
La diminution du charbon employé se fait dans la 
mème proportion, ce qui compense amplement le 
supplément d'énergie employé par les machines 
frigorifiques. Dans la même branche de l’industrie, 
V'oxygène, fourni à très bas prix par la distillation 
de l'air liquide, semble devoir révolutionner les 
méthodes en cours. Une augmentation très faible 
de la teneur en oxygène de l'air insufflé permet 
d'obtenir des résultats fort intéressants, comme il 
résulte des essais effectués à Ougrée Marihaye (Bel- 
gique) par M. Georges Claude, administrateur de 
ja Société l'Air liquide. Ces essais ont été pleine- 
ment concluants. La mise au point est une chose 
délicate, mais M. Claude espère réussir en grand 
avant deux ans. 

Dans le domaine des industries organiques, des 
applications très intéressantes ont été réalisées 
pour la récupération des dissolvants. M. de Chessin 
présente un rapport de M. Lefebvre, appliquant le 


COSMOS 


17 ocToBre 1912 


froid à l’industrie des poudres. Il s’agit de récu- 
pérer le dissolvant entrainé par la poudre B à sa 
sortie des filières. Les rubans de poudre sont portés 
dans un tunnel T où circule de l’air. A la sortie du 
tunnel, l’air est pris par un compresseur C refroidi 
par de l’eau. Il est ensuite détendu dans un déten- 
deur spécial D où le froid produit par la détente 
suffit à faire condenser les vapeurs du dissolvant, 
L'air est ensuite réchauffé par l’eau de refroidisse- 
ment du compresseur et repasse sur la poudre 
à l’intérieur du tunnel. M. Hérisson-Laparre, direc- 
teur de la poudrerie de Toulouse, objecte que ce 
procédé, un peu brutal, a dû être remplacé par un 
autre qui respecte mieux la dessiccation lente de 
la poudre B, indispensable pour sa conservation. 

Dans le même ordre d'idées, M. Janet présente un 
appareil, imaginé par M. Georges Claude, pour récu- 
pérer les vapeurs de camphre, d'alcool, d’éther, etc., 
répandues dans lJ’atmosphère des salles où l'on 
travaille ces substances. On peut en récupérer des 


R 


RÉCUPÉRATION DU DISSOLVANT ENTRAINÉ PAR LA POUDRE B. 
T, tunael ; C, compresseur; D, détendeur; KR, réchauffeur. 


quantités importantes par ce procédé qui emploie 
essentiellement le refroidissement produit par une 
détente. A sa sortie des ateliers, l'air est comprimé 
à cinq ou six atmosphères et envoyé dans un ser- 
pentin refroidi par de l’eau. Par suite de ce refroi- 
dissement, toute la vapeur d’eau, la majeure partie 
du camphre et quelques quantités d’alcools sont 
condensées. On les recueille et l’on sépare par dis- 
tillation les produits intéressants. L'air, toujours 
comprimé, mais privé de sa vapeur d’eau (qui ne 
pourra plus donner de glaçons par refroidissement), 
est envoyé dans un réfrigérant où circule une sau- 
mure refroidie aux environs de 0°. L’air passe dans 
un faisceau de tube, de 7 à 8 millimètres de dia- 
mètre, présentant une grande surface de réfrigé- 
ration. On recueille là un mélange d'alcool, de 
camphre et de traces d’eau, titrant 80° à l’alcoo- 
mètre centésimal. L'air contient encore de l'éther 
qu’il faut recueillir. L'on a recours à la détente. 
La température s'abaisse énormément, car la dé- 
tente a lieu à l’intérieur de ce mème appareil. 
L’air détendu se refroidit jusqu'à — 80°, — 100°. 
On peut mème atteindre — 420°. Dans un appareil 
construit et utilisé à Oyonnax, et traitant 200 mètres 
cubes d'air par heure, on a recueilli par cheval- 
heure 500 grammes d'éther, 7 à 8 litres d'alcool et 


No 4447 


tout le camphre perdu. L'on voit, par ces chiffres, 
tout l'intérêt de ce procédé, puisque, dans cer- 
taines industries, soie artificielle, viscose, explosifs 
nitrés, etc., c'est par millions que se chiffrent 
chaque année les pertes en liquides volatils. 

La cinquième section s’occupait des transports 
frigorifiques. Elle a eu à traiter des questions 
fort importantes. Des rapports très intéressants 
ont été présentés sur le transport en France des 
diverses marchandises frigorifiées. Des vœux ont 
été émis, tendant à une union entre les Com- 
pagnies de navigation et les Compagnies de che- 
min de fer, pour le passage de l’une à l’autre des 
marchandises frigorifiées. Le matériel de transport 
a été spécialement étudié, et les congressistes ont 
reconnu la nécessilé de l'emploi de wagons con- 


ei 
g 


APPAREIL G. CLAUDE 
POUR LA RÉCUPÉRATION DES LIQUIDES VOLATILS. 
A, arrivée de l'air; C, compresseur; D, détendeur ; S, réfrigé- 
rant à 15°; R, réfrigérant à -- 80°-100°; d, circulation de l'air 
détendu ; s, circulation de la saumure. 


struits spécialement pour cet usage. Le transport 
des poissons a fait l’objet d’une intéressante com- 
munication de MM. Mir et Audigé. Le poisson est 
enfermé dans un bloc de glace et peut être ainsi 
transporté vivant, à l'état de vie ralentie. 

La question de la taxation de la glace a été vive- 
ment discutée à la cinquième section. Considérant 
la glace comme une matière première indispen- 
sable, la section n’a pas admis le système de pro- 
tection réclamé par quelques fabricants de glace. 
Elle a émis, au contraire, le vœu que le ministre 
des Finances supprime les taxes déjà existantes, 
de façon à obtenir la glace au meilleur marché 
possible. Considérant l’enseignement des procédés 
frigorifiques comme indispensable pour la vulgari- 
sation de ces industries, elle a émis le vœu que cet 
enseignement soit inscrit au programme de toutes 
les écoles professionnelles et pratiques, mais aussi 


COSMOS 


433 


que le Conseil supérieur de l'instruction publique 
fasse appel à l'Association française du froid chaque 
fois qu'il s'agira d'adopter des notices, manuels, 
livres, etc., traitant de cette question. 

Les avantages que la médecine et l'hygiène 
peuvent retirer de l’emploi du froid ont été exa- 
minés à la sixième section. Ses applications à 
l'asthme, à la maladie du sommeil, aux rhuma- 
tismes et névralgies, ont élé longuement discutées. 
En chirurgie, le froid s'impose comme moyen de 
destruction rapide des tissus, dans les cas de lupus, 
cancer, nœævus, etc. La conservation des tissus à l’état 
de vie ralentie a fait l’objet d’une très intéressante 
communication du D° Magitot. Il a pu conserver 
des fragments de cornée qui ont été greffés avec 
succès sur une cornée opaque pour rendre la 
vue à un individu, qui peut actuellement se diriger 
à l’aide de l'œil ainsi traité. Les tissus à conserver 
sont placés dans une étuve à température comprise 
entre + 2° et + 4. Cette étuve était refroidie par 
de la glace, et les échanges de température sont 
produits régulièrement par du pétrole, dont la den- 
sité augmente régulièrement par le refroidissement. 
Cette étuve, construite par MM. Grouvelle, Arquen- 
bourg et C!°, avait été décrite à la première section. 

Congrès s’est clôturé par une très intéressante 
conférence de M. Georges Claude sur l'air liquide 
et ses applications. Le conférencier a indiqué quels 
étaient ses procédés pour la fabrication rapide de 
lair liquide, et pour la séparation de l’oxygène et 
l’azote à l’état pur. Cet oxygène est employé à une 
foule d'usages qui réclament une pureté de 97,5 pour 
400. L’azote est employé à la fabrication de la cya- 
namide calcique, et il est obtenu pour cela à 99,7 
pour 400 de pureté. L'auteur a parlé de l'extraction 
des gaz rares de l’air et de l'application du néon 
à l'éclairage. La salle de conférence a été éclairée 
par les tubes au néon, dont la lumière trop rouge 
était corrigée par des lampes au mercure. Les audi- 
teurs ont pu ainsi apprécier les avantages de cet 
éclairage, qui, ainsi corrigé, conserve parfaitement 
les couleurs et, au point de vue physiologique, est 
bien supérieur à tous les éclairages en cours. 

Par le nombre des communications qui ont fait 
l'objet de ses réunions, par leur intérêt, par le 
nombre des auditeurs qui ont assisté aux séances, 
par le nombre de savants et d'hommes éminents 
qui ont pris une part active aux discussions, le 
deuxième Congrès national du froid marque certai- 
nement une date dans le développement des indus- 
tries frigorifiques en France. Il méritait de retenir 
l'attention de nos lecteurs. Une fois de plus a été 
démontrée la nécessité de l'union entre savants et 
praticiens ; mais,chose consolante, cetaccord semble 
se faire de plus en plus profond, et des manifesta- 
tions comme celles auxquelles il nous a été donné 
d'assister en sont la plus éclatante confirmation. 


= J. CATHALA. 


434 | | COSMOS 


17 ocroBre 1912 


Le nouveau dock flottant de 32000 tonnes de l'Amirauté anglaise. 


Non moins importants que les grands navires de 
guerre sont aujourd'hui, dans l’outillage naval, les 
bassins flottants de radoub, qui permettent souvent 
de sauver d'un désastre les båtimenis frappés 
d’avarie. 

L’Amirauté anglaise, dont l’activité ne se dément 
pas un instant, ne cesse de perfectionner ses in- 
stallations sous ce rapport, et, dans le courant de 
celle année même, elle n’a pas acquis moins de 
trois docks flottants, le premier pour les sous- 
marins, le second pour les torpilleurs etle troisième, 
last not least, pour les grands navires de guerre. 

Tous trois établis par des ingénieurs dont la 


science en cette matière est mondialement appré- 
ciée, MM. Clark et Standfield, de Wesminster, et 
construils par des spécialistes qui ont fourni des 
appareils de ce genre dans toutes les parties du 
monde, MM. Swan, Hunter et Wigham Richardson, 
de Wallsend-on-Tyne, ces docks sont également 
remarquables par la perfection de leur exécution; 
mais c’est le dernier qui l'emporte en intérêt, à 
raison de ses dimensions exceptionnelles, dépassant 
toutes celles des docks que possédait jusqu'ici 
l'Angleterre. 

L’énorme appareil est formé essentiellement 
d'un double fond, ou ponton proprement dit, et de 





TRANSPORT DU DOCK FLOTTANT DE LA TYNE A LA MEDWAY. 


deux paròis iatérales creuses allant à peu près 
d’un bout à l’autre; l'appareil a 204 mètres de 
longueur et 43,20 m de largeur; la largeur libre au 
ommet est de 33,90 m; les cloisons latérales ont 
19,80 m de hauteur à l'extérieur, et 14 mètres 
au-dessus du ponton ; leur longueur atteint 
156 mètres à la base et 132 mètres au sommet; 
la profondeur du ponton est de 6 mètres ; 
12 000 tonnes de plaques et de barres d’acier ont 
été absorbées dans la construction, et le dock est 
conditionné pour recevoir des bâtiments de 
32 000 tonnes, avec un tirant d’eau allant jusqu’à 
10,80 m. 

La construction diffère de la disposition généra- 
lement employée dans les anciens docks; ceux-ci 
peuvent habituellement être partagés en sections, 


de manière que le ponton soit utilisable lui-même 
pour soutenir les parties auxquelles doivent être 


apportés des soins d'entretien, de réparation ou 
de peinture. Au contraire, le nouveau dock est 


indémontable; les parois latérales font corps avec 
le ponton, et elles contiennent l'équipement très 
développé de l'appareil. 

Des logements pour l'équipage, des salles à 
manger, des lavatories, etc., sont ménagés à 
tribord. 

A bâbord se trouvent des ateliers, à savoir : une 
forge, l'atelier des tours, l'atelier général et l'ate- 
lier pour le travail du cuivre ; tous ces ateliers sont 
largement équipés des machines les plus récentes : 
tours rapides, machines à percer et à tarauder, 
machines à estamper, cisailles, raboteuses, etc.; 
il y a aussi un marteau électro-pneumatique, une 
machine à cintrer hydraulique, etc. 

Le dock est aussi pourvu d’une installation de 
force motrice importante. Cette installation com- 
prend, tout d'abord, quatre paires de chaudières, 
placées par paire à chacune des extrémités de 
chaque paroi; ces chaudières sont timbrées à 
10-11 atmosphères ; elles fournissent la vapeur néces- 


a 


N° 1447 


saire aux pompes, aux groupes électrogènes, etc. 

Le ponton constituant le fond du dock est 
divisé, dans le sens longitudinal et dans le sens 
transversal, par un certain nombre de cloisons 
élanches, et les deux parois latérales elles-mêmes 
sont munies d’un pont élanche allant d’un bout à 
l’autre; les cloisons et les ponts forment dans le 
ponton et les parois quatre-vingts compartiments 
étanches; ces compartiments sont groupés en sec- 
tions; à chacune des sections. correspond un sys- 
tème de vannes au moyen duquel le groupe peut 
être à volonté rempli ou vidé. 

Le pompage est assuré par huit pompes à 
vapeur; les groupes se composent chacun d'une 


ed er d s gs] 
ON St ea 
Stei. a a 


se EE 
FA Eds: nn = 


COSMOS 


435 


pompe centrifuge et d’une machine à vapeur com- 


_pound; ils marchent à 275 tours par minute. 


Indépendamment de cela, il y a, de chaque 
côté, deux autres pompes à vapeur, à action 
directe, celles-ci, et pouvant fournir 1 800 litres 
deau par minute; elles sont employées pour le 
service du nettoyage et pour le service d'incendie. 

Toutes les vannes et tous les appareils de pom- 
page des différents compartiments du dock sont 
contrôlés d’une même cabine placée à l'extrémité 
antérieure de la paroi de tribord; cette cabine 
comprend deux longues tables sur lesquelles sont 
fixés des manomètres qui indiquent la hauteur 
d’eau dans tous les compartiments; le contrôle des 





VUE INTÉRIEURE DE LA MURAILLE TRIBORD DU DOCK FLOTTANT. 


valves est effectué par le système électro-pneuma- 
tique Westinghouse. x 

De chaque còté se trouve une grue roulante 
électrique d’une capacité de 5 tonnes; les mouve- 
ments de rotation, de levage, d'inclinaison et de 
translation sont assurés par des moteurs distincts. 

Huit puissants cabestans à vapeur sont installés 
dans les parois pour permettre d'amener et de 
maintenir en place les navires que le dock est 
appelé à recevoir. 

Le courant électrique est fourni par deux instal- 
lations génératrices, placées l’une à droite, l’autre 
à gauche, dans les parois, et équipées d'une ma- 
chine à vapeur à grande vitesse et d’une dynamo 
Westinghouse à courant continu. 


L'énergie électrique sert à l'éclairage, à l’action- 
nement des vannes, des grues, ainsi qu'à la com- 
mande des machines des ateliers; elle peut, en 
outre, être fournie aux bâliments placés dans le 
dock, pour l'éclairage et pour la force motrice. 

Enfin, une installation de compresseur, de chaque 
côté, produit l'air comprimé nécessaire à l'ac- 
tionnement de nombreuses machines-outils à com- 
mande pneumalique. 

Comme on le voit, le dock est puissamment 
outillé, et, tant par la perfection de son équipe- 
ment que par sa taille énorme, il enrichit remar- 
quablement la flotte anglaise. 


436 


Le vol des 


« L'axe d'un projectile lancé par un canon ou 
par un fusil rayé demeure constamment à peu 
près tangent à la trajectoire. » La figure 4 indique 
les positions successives que le projectile prend 


N 


` 


R RE 








Mngn de tar f Angle de chuis 


FıG. 1. — SCHÉMA EXACT INDIQUANT LES POSITIONS 
D'UN PROJECTILE AUX DIVERS POINTS DE SA TRAJECTOIRE. 


réellement aux différents points de son vol. 

Nombre de personnes croient, au contraire, que 
le projectile, tout au long de son parcours, main- 
tient son axe dans une position parallèle à celle 
qu'il avait au sortir de l'âme du canon. Cette 
croyance peut se concrétiser dans le schéma de la 
figure 2. Ajoutons bien vite qu'elle est tout à fait 
erronée. M. N. C. Twining, contre-amiral de la 
marine des Etats-Unis, s’est attaché à démolir ce 
préjugé, qui est très répandu (4). 

Le schéma de la figure 2, qui aurait la prétention 
de représenter le vol des projectiles dans l'air, ne 


F1G. 2. — SCHÉMA ERRONÉ. 


peut invoquer en sa faveur ni la théorie ni les 
faits. Ses défenseurs disent bien que le projectile 
lancé par un canon rayé est doué d’un rapide mou- 
vement de rotation autour de son axe antéro-posté- 
rieur, qu'il constitue ainsi un gyroscope et qu'il 
est donc apte à maintenir son axe constamment 
parallèle à sa direction primitive. Ce serait vrai 
dans le vide: mais ce n’est plus exact si l’on prend 
en considération la résistance que le boulet à 
pointe ogivale éprouve de la part de Pair. 

Quand le projectile sort de l'âme du canon, la 
résistance de lair commence par s'exercer en 
pointe, parallèlement à la direction F (fig. 3), et la 
résultante des forces ainsi appliquées passe par le 
centre de gravité C. Elle n’a d'autre effet que de 
diminuer la vitesse du projectile. 


(1) The flight of projertiles: the actual positions 
of a shell from gun to target, by rear-admiral 
N. C. Twixixé, U. S. N., chief of the Bureau of Ord- 
nance, Scientific American, 10 et 17 août 1912. 


COSMOS 


17 ocroBae 1912 


projectiles. 


Un coup d'œil jeté sur le schéma de la figure 1 
montre que, dans la suite, la résistance de l'air ne 
conserve pas la même direction. Elle est, en chaque 
point de la trajectoire, en sens inverse de cette tra- 
jectoire. Primitivement, elle est un peu inclinée 
vers le bas, puis, quand le boulet est au sommet 
de son vol, la résistance a pris la direction hori- 
zontale; enfin, dans la dernière partie de la tra- 
jectoire, elle vient nettement d'en bas. On peut 
admettre en gros que le changement de direction 
est de 4 degré par kilomètre de parcours. 

Considérons le projectile parvenu à une certaine 
distance du canon. La direction de la résistance 
de l’air s’est rapprochée de l'horizontale; la force 
résultante F' (fig. 3) frappe alors le projectile au- 
dessous de la pointe, et sa direction ne passe plus 
par le centre de gravité. Elle crée donc un petit 
effort de renversement (1), qui, si le boulet n’était 
pas animé d'un mouvement de rotation, parvien- 
drait bientôt à retourner le projectile. Mais le pro- 
jectile étant en rotation rapide comme un gyro- 
scope, il réagit à la résistance de l'air comme tout 
gyroscope réagit à une force extérieure qui lui est 
appliquée, et il prend un mouvement paradoxal, 
qui, du moins au début, s'effectue à angle droit de 
la direction à laquelle on se serait attendu. Le 
vent relatif atteint le boulet en dessous de la pointe; 
celle-ci devrait, semble-il, dévier vers le haut; 





F1G. 3. — RÉSISTANCE DE L'AIR SUR UN PROJECTILE AU VOL. 


non, c'est vers la droite (2) qu’elle commence à 
décliner. Puis, de même que laxe d'une toupie 
inclinée décrit lentement un cône d’axe vertical, 
de même l'axe du boulet ayant commencé à porter 
sa pointe un peu vers la droite, continue son mou- 


(1) Ce moment gyroscopique est proportionnel à la 
résistance F' et à l'angle a que cette force fait avec 
l'axe du boulet. i 

(2) Ce mouvement ‘de l’axe du gyroscope, à angle 
droit de la force qui lui est appliquée, est désigné 
sous le nom de prévcession.Il s’effectue vers la droite, 
étant donné que les boulets de canon sont toujours 
animés d'une rotation dans le sens dextrorsum, pour 
un observateur qui les regarde s'éloigner. La préces- 
sion s'effectuerait vers la gauche si le mouvement 
giratoire était inversé. 


Ne 1447 


vement de précession en décrivant un cône dont 
l'axe se confond à peu près avec la trajectoire du 
centre de gravité C. Il y a cette différence pour- 
tant que l’axe de la toupie décrit successivement 
plusieurs cònes complets; le projectile, au con- 
traire, n’achève pas son mouvement de précession. 
Voici la raison du fait : 

La vitesse de rotation du boulet est énorme, 
4000 à 20000 tours par minute ou davantage; le 
moment renversant créé par l'air est relativement 
faible. Dans ces conditions, la durée d’une période 
de précession complète atteindrait probablement 
une ou plusieurs secondes, car elle est d'autant 
plus longue que la force qui agit pour dévier le 
gyroscope est plus faible. Or, avant que le mouve- 
ment de précession inauguré ne soit achevé, le 
boulet s’est transporté à des centaines de mètres; 
en ce point de la trajectoire, la résistance de l'air 
a pris une nouvelle direction, F?, qui attaque le 
projectile à une distance plus grande de la pointe. 
La première précession s'arrête en cours de route 
et une nourelle précession s'inaugure autour d'un 
axe qui se confond pratiquement avec la direction 
de lair F? et renvoie de nouveau la pointe du 
boulet vers la droite pour lui faire décrire une por- 
tion de cône, et ainsi de suite. 

Vue d'en dessus (fig. 4), la pointe du boulet décrit 
une série de festons et demeure presque continuel- 
lement à droite de la trajectoire du centre de 
gravité. 

Vers la fin de sa course, la vitesse linéaire du 









_Ligne de tir 


ne 








o 


FIG. 4. — TRAJECTOIRE DU BOULET, VUE EN PLAN. 


boulet est considérablement amortie, la résistance 
de l’air diminue, ainsi que le moment gyroscopique; 
la précession est donc plus lente et son amplitude 
grandit avec sa durée, comme l'indique aussi le 
schéma de la figure 4. 

. Nous n’aborderons pas l'examen d’une autre 
catégorie de forces exercées sur le boulet par l'air. 
Il s’agit du frottement par lequel Fair s’oppose au 
mouvement de rotation du boulet. M. Twining 


COSMOS 


437 


montre sommairement qu'elles ont un double 
résultat : elles tendent à rendre l'axe tangent à la 
trajectoire du centre de gravité, et, de plus, elles 
contribuent, avec d’autres causes, à faire dériver 
le boulet en bloc vers le côté. 


Les vérifications de la théorie. 


M. Twining énumère nombre de faits d'observa- 
lion ou d’expérience dé balistique qui trouvent 








F1G. 5. — EMPREINTE SUR CIBLE. 


En haut, schéma erroné: en bas, schéma exact. 


leur explication toute naturelle dans la théorie qui 
vient d’être sommairement présentée. 

4° Les empreintes sur la cible. 

En octobre 1909, la marine des États-Unis a fait 
procéder, à Indian Head, Md., à des tirs sur cible 
avec une pièce du calibre de 8 pouces (203 milli- 
mèlres) à une distance de 7 000 mètres. 

La pièce était braquée sous un angle de tir de 
930 et le boulet aborda la cible sous un angle de 
chute de 13°45'. La cible ne présentait, pratique- 
ment, aucune résistance à la pénétration. Dans 
l'hypothèse que le projectile conserve jusqu’au 
bout son axe parallèle à la direction de tir, il 
devait laisser dans la cible un trou ovale mesurant 
390 millimètres (15,35 pouces) dansle sens vertical. 
Or, en fait, ła perforation observée était pratique- 
ment circulaire, d’un diamètre de 209 millimètres 
(8,23 pouces), ce qui concorde bien avec l’autre 
hypothèse qui veut que l'axe du boulet soit presque 
tangent à la trajectoire. 

2° Les photographies de projectiles au vol. 

Au printemps de 1912, pendant les tirs de la 
flotte américaine de l'Atlantique, on a photographié 
les projectiles de gros calibre au vol à une distance 
de 9000 mètres de la bouche. Tous les projectiles 


438 


retombaient la pointe baissée; à cetle distance, 
leur axe se confondait avec la trajectoire à 2 degrés 
près. - 

3° Les observations visuelles des hommes postés 
près de ces cibles confirment les indications du 
schéma de la figure 1, à l’exclusion du deuxième 
schéma. 

4 Expériences sur un boulet en rotation dans 
un courant d'air artificiel. 

En 1911, le département de la marine des Etats- 
Unis a créé un petit modèle de projectile, suspendu 
à la manière d’un gyroscope, et qui pouvait être 
animé d’une vitesse de rotation de 3000 à 5000 tours 
par minute : c’est la vitesse angulaire d'un pro- 
jectile de gros calibre. Pour imiter la résistance 
de l'air sur le boulet au vol, on dirigeait sur le 





F1G. 6, — ATTAQUE D'UNE CUIRASSE PAR UN BOULET. 


En haut, schéma erroné; en bas, schéma exact. 
Boulet de 305 mm à une distance de 9000 m de la pièce, 
Angle de tir 7°40'; angle de chute 11°25. 


modèle un jet d'air. Quand le jet d'air frappait le 
modèle obliquement, celui-ci remettait aussitôt son 
axe dans la direction du vent (1). 

» La perforation des cuirasses. — Si le 
schéma 2 était exact, les projectiles se briseraient 
ou glisseraient à la surface des cuirasses épaisses 


(1) On peut relire utilement l’article où M. de la 
Fresnaye, à propos de la toupie dirigeable, a donné 
une explication élémentaire très claire de l’action d'un 
aimant sur un disque de fer doux en rotation rapide: 
en appendice, l’auteur envisage précisément aussi 
l'action d’un jet d’air sur le disque de la toupie. 
(Cosmos, 6 janv. 1906, t. LIV, p. 19.) 


:COSMOS 


17 OCTOBRE 1912 


d'acier très dur qui protègent les navires, sans 
jamais les traverser. La comparaison des deux 
schémas de la figure 6 fait bien saisir la différence 
d'attaque suivant les deux hypothèses énoncées au 
début. 

Au cours de la discussion, on a dit parfois: 
Dans les engagements navals, la perforation des 
cuirasses est une rareté, ce qui montre bien que 
les projectiles tirés à grande distance abordent 
les cuirasses, comme l’indique le schéma supérieur. 
Or, le percement des cuirasses par les boulets, 
à grande distance, est parfaitement possible, 
comme l'ont prouvé les tirs d'expérience de la 
marine américaine en 19141, à une distance de 
7100 mètres, contre des cuirasses modernes : une 
cuirasse de 203 millimètres d'épaisseur, et deux de 
254 millimètres, furent percées; les trous étaient 
parfaitement ronds. 

6° La faible perte de vitesse du boulet dans la 
deuxième partie de sa trajectoire dépose aussi en 
faveur de notre hypothèse. La vitesse va, bien 
entendu, en diminuant continuellement, mais 
cependant un peu moins vite à la fin qu'au début. 
Le contraire devrait arriver si le boulet, dans la 
partie descendante de sa trajectoire, frappait l'air 
de côté suivant le schéma de Ja figure 2. 

1° La dérive des projectiles. — Tous les projec- 
tiles animés d’une rotation dextrorsum dérivent 
vers la droite. C’est le contraire pour une balle à 
jouer animée d’une rotation dextrorsum : la balle 
à jouer dérive à gauche. 

La dérive à gauche de la balle à jouer est facile 
à expliquer. L'air entrainé par viscosité avec la 
balle vient frapper l'air tranquille dans lequel la 
balle se déplace; la réaction appliquée à la balle 
elle-même est plus forte sur le côté droit que sur 
le côté gauche. Un boulet de canon est le siège 
d'un phénomène identique, mais l’effet est négli- 
geable; la dérive du boulet, qui s'effectue d’ailleurs 
en sens contraire, tient à d’autres causes. 

La principale est, justement, la précession 
gyroscopique dont nous avons parlé plus haut. La 
pointe du boulet décrit des festons qui sont tous 
entièrement à droite de la trajectoire suivie par 
le centre de gravité du boulet; d’où résulte, dans 
la résistance de l'air, une légère composante qui 
tend à déplacer le boulet en bloc de la gauche 
vers la droite. Et comme l’amplitude des préces- 
sions va continuellement en augmentant, la dérive 
va, elle aussi, en s’accélérant. Elle augmente rapi- 
dement avec la portée. 


8° Les grands angles de tir. — Les tenants du 
schéma de la figure 2 seraient prêts à parier qu'un 
projectile tiré sous un angle de près de 70° (comme 
dans la figure 7) ne retombera jamais sur sa pointe. 
Et pourtant, il retombe généralement sur sa pointe. 
En mai 1912, l’armée américaine a procédé à des 
tirs d'expérience sous un angle de 65°, avec cinq 


N° 1447 


projectiles du calibre de 305 millimètres (12 pouces); 
sept hommes, dont quatre officiers, étaient postés 


JL — , 
FIG. 7. — AUX GRANDS ANGLES DE TIR: 
LE BOULET RETOMBE ENCORE SUR LA POINTF. 





en observation. Les cinq projectiles retombèrent 
tous la pointe la première. 
Pour des angles de tir de 70° ou davantage, il 


COSMOS 


439 


peut arriver que le boulet retombe sur l'arrière. 
En effet, à mesure que la trajectoire montante se 
rapproche de la verticale, les conditions qui favo- 
riseraient le retournement du projectile deviennent 
de plus en plus précaires : le schéma de la figure 7 
montre qu'au sommet de la trajectoire la résistance 
de l'air s'exerce non plus seulement sur l’ogive du 
boulet, mais encore à l’aplomb et même en arrière 
du centre de gravité : les effets de la résistance de 
l'air à l'avant et à l'arrière du centre de gravité se 
balancent partiellement. En fait, l’angle de tir des 
mortiers est généralement limité à 65°; les vitesses 
initiales sont assez faibles, et, en conséquence, on 
limite à une valeur assez faible (1 500 à 4 000 tours 
par minute) la vitesse de rotation des obus lancés. 
par ces pièces. 

. Inutile d'ajouter que tous les professionnels qui. 
s'occupent de la balistique externe sont parfaite- 
ment d'accord pour reconnaitre que les projectiles 
allongés lancés par les canons rayés conservent 
constamment leur axe à peu près tangent à la tra- 
jectoire. B. L. 





La culture du chrysanthème au Japon. 


Comme l’agréable est souvent mieux apprécié 
que l'utile, nous avons accoutumé depuis long- 
temps d'admirer les jardiniers japonais, qui le 
méritent, sans reconnaitre suffisamment qu'ils sont 
les élèves des merveilleux agriculteurs chinois. 
Ceux-ci, mieux que nuls au monde, donnent à un 
sol souvent artificiel une irrigation, des soins, à la 
culture, un traitement meilleurs que nous ne fai- 
sons en Europe. Mais, tandis que les Chinois, 
vivant dans une démocratie au régime foncier 
familial et communal, traitant un fonds infini- 
ment morcelé, sont plutôt restés, par besoin, puis 
par goût, des maraichers incomparables, sacrifiant 
le site à ‘la récolte, les Japonais, féodaux, possé- 
dant de grands domaines et divisés en nobles et en 
paysans et artisans, les uns maitres du sol et les 
autres y travaillant pour le compte des premiers, 
les Japonais ont consacré au luxe de l’art floral des 
espaces et un labeur dont les Célestes ne disposaient 
point. Ils doivent à ceux-ci l’amour de la terre et 
l’acquit d’une longue expérience de soins. Grâce à 
cela, les Nippons ont pu donner à leur pittoresque 
patrie, où les décors des mers et des iles, des monts 
et des vallées sont si délicieusement variés et fré- 
quents, une parure florale d’une rare beauté. Le 
livre captivant de Lefcadio Hearn détaille admira- 
blement, entre tant de descriptions attachantes, le 
résultat exquis du travail des jardiniers japonais. 

Il ne faudrait toutefois pas conclure de ceci que 
les Chinois ont quelque dédain pour les fleurs : 
leur poésie et leurs arts graphiques démontrent le 


contraire, et ils en cultivent avec soin. Mais les 
Japonais ont donné aux fleurs une importance- 
presque rituelle. 

Pour ce qui nous occupe, c’est en l’an 386 après. 
Jésus-Christ que le chrysanthème, cultivé en Chine: 
trente siècles auparavant, le fut au Japon. Cette 
fleur existait dans l'archipel nippon où elle servait. 
à divers usages médicinaux et peut-être déjà de- 
comestible. Mais les Célestes révélèrent aux Japo- 
nais le parti ornemental que l'on en peut tirer. 
Non seulement ils perfectionnèrent les espèces. 
spontanées, mais ils importèrent des variétés déjà 
cultivées chez eux, et les élèves dépassèrent gran- 
dement les maitres. Les Japonais s’enthousias- 
mèrent pour cette fleur ainsi transformée, et c’est 
peut-être à cette admiration qu'est due son éléva- 
tion au rang d'emblème national, de figuration dw 
Soleil, ancètre des empereurs actuels, selon la 
superstition de ce peuple. Le chrysanthème 
— 0 kikou — stylisé orne les étendards des insu- 
laires d'Extrème-Orient. 

Au Japon, la nature en général, la fleur surtout, 
sont l'objet d'une sorte de vénération. Selon les. 
mœurs du vieux Japon, nul ne pouvait être mis à 
mort tant que les arbres restaient fleuris. Peuple 
peu porté aux spéculations de l'esprit, aux médita- 
tions religieuses comme aux complications des 
sciences exactes, « il laissa s'établir une mysté- 


-rieuse fraternité entre lui et les fleurs ». La curio- 


sité, étant dans leur matérialisme « incapable 
d'éclairer les grandes ombres du ciel, baignait de 


440 


sa lueur douce les brins d'herbe ». J'emprunte ces 
deux citations à M. Belessort, auteur de la Société 
japonaise, beau livre écrit avant cette guerre de 
1904, qui nous annonce un Japon industriel, socia- 
liste et conquérant, où les fils des shogun et des 
samouraï délaisseront les fleurs et feront à leur 
pays naguère chevaleresque, terrible, puéril et 
gracieux, un ciel de fumée sur un sol de misère. 

Nulle part l’art du jardinier décorateur n'attei- 
gnit la généralité, l'intensité qu’il offre dans 
l'empire du Soleil Levant. Nulle part la nature 
n'est moins sincère ni plus précieusement jolie. 
Les sites, les rochers, les arbres semblent sortis de 
la main de l'artisan. Les panoramas sont plutòt 
une suite de petits tableaux qu’une vue d'ensemble. 
Chaque détail : fleur, buisson, taillis, collines, est 
travaillé avec un soin méticuleux, et les pierres plus 
que tout encore. 

On voit donc, par ceci, que le jardinier japonais 
n’a qu'un but: forcer la nature, la soumettre aux 
règles de sa propre esthétique. Le Nôtre procéda 
de la sorte avec ses majestueux jardins du grand 
siècle. Le Japon est le pays des fleurs géantes et 
des arbres nains. On y réduit un cèdre aux dimen- 
sions d'un arbuste naissant, et d’une modeste 
anthémis des champs on tire un buisson de fleurs 
extraordinaires. 

À pratiquer cette végétation artificielle, le Japo- 
nais a connu que la nature ne consent jamais à 
modifier d'elle-même ses types et ses formes, en 
constante harmonie avec les climats dans leur 
végétation spontanée. La culture, d'ailleurs, est 
toujours un artifice. Si simple qu’elle soit, elle 
améliore toujours une plante, son aspect, son 
apparence, son rendement. En augmentant jusqu'au 
maximum l'intensité de la culture, on augmente 
jusqu'à l’invraisemblable la différence existant 
entre le type génuine et le type obtenu. Et dans 
tous les détails: volume, coloris, nombre, forme, 
parfum et saveur. Et là se révèle l'unique méthode 
de la race jaune, l'observation seule la guide. 
Mais quelle observation minutieuse et suivie! Des 
générations d'hommes sont nécessaires pour noter 
le dosage des engrais, les évolutions de la plante, 
l'effet des pincements. Les Jaunes ressemblent à 
ces écoliers qui, me pouvant résoudre un problème 
d’arithmétique par les formules et le raisonne- 
ment, arrivent à en trouver la solution par le 
tâtonnement, avec de ła patience et du temps. 
Chez nous, la chimie agricole donne par ses ana- 
lyses de prompts résultats relatifs au dosage des 
éléments de la lerre comme à la valeur des engrais, 
et permettrait de réaliser des progrès immédiats 
si nos agriculteurs avaient l'esprit d'assimilation 
on d'imitation des Jaunes. Chez eux, rien que 
l'observation, observation du défaut à corriger, du 
remède à employer, recherches infiiment répétées, 
au hasard des éléments restreints dont ils disposent. 


COSMOS 


47 ocroBnz {912% 


Mais, une fois trouvée, la bonne manière est appli- 
quée rituellement, avec une attention, une exacti- 
tude dont peu des nôtres sont susceptibles. D'où 
l'excellence fixe des résultats. 

Ne raillons pas trop cette méthode, si peu com- 
patible avec l'initiative de nos intelligences (chez 
les gens instruits) et la hâte de nos efforts. C'est 
à cette inlassable patience que les Chinois doivent 
de tirer jusqu'à sept récoltes par an de leur fonds, 
chacune de ces récoltes étant plus abondante que 
l'unique obtenue par nos paysans selon leurs pro- 
cédés de routine. C’est à cette méthode et à une 
propreté trop souvent ignorée dans nos entreprises 
agricoles que les jardiniers nippons doivent d’avoir 
obtenu des curiosités florales. Certaines espèces, 
chez eux, forment de véritables buissons, merveil- 
leusement colorés. Les pivoines etleschrysanthèmes 
atleignent surtout des développements surprenants. 

Ce résultat d’un travail persévérant et réfléchi 
doit être attribué plus au jardinier qu’à la nature. 
La terre, l’eau et le soleil ne sont plus que les 
auxiliaires de l’homme. Celui-ci commence par 
choisir une terre légère, prise dans la forêt, à l'en- 
droit où elle est le plus luxuriante. Il la fait 
sécher, la tamise assez fin de façon à enlever les 
pierrailles, les larves, etc. Cette terre est mêlée de 
sable s’il le faut, puis mouillée. On la met dans des 
pots ou dans des caissons placés à couvert; on y 
sème les graines ou l'on y dispose les boutures, etle 
régime des soins commence. L’arrosage, l'addition 
de terre forestière riche en engrais sont l’objet 
d'une attention quotidienne. 

On ne saurait comparer le jardinier japonais au 
nôtre. D'abord, la proportion de main-d'œuvre 
par rapport à la production est plus grande chez 
eux qu'ici, ensuite, il faut voir de quelle manière 
chaque feuille même est soigneusement visitée, 
nettoyée, arrachée au besoin, comment chaque 
pétale est surveillé. Cette patience méticuleuse est 
le propre de ces races pour qui le temps n'est rien 
et dont la volonté asservit les nerfs. Et cet effort 
est d'autant plus appréciable que les Japonais n'ont 
pas le stimulant des expositions et des récompenses 
et que les collections des jardins impériaux ne sont 
pas visitées. 

L'abri joue un grand rôle dass les cultures japo- 
naises. Le climat souvent froid, les brouillards de 
la mer et de la montagne, la neige assez tardive, les 
vents du large, les ouragans, les cyclones, les pluies 
torrentielles, les poussières volcaniques, le soleil 
ardent de l'été, rendent le plein air trop éengereux 
pour les plantes délicates. 

Des châssis faits à la manière des shodji (van- 
taux), garnis de papier blanc transhacide et posés 
sur de minces poteaux de bambous, forment la 
carcasse d’un système renforcé par des nattes fines 
ou des claies en minces lattes de bambous. 

Les nattes et les elaies mobiles sont mises et 


N° 1447 


retirées autant de fois par jour qu'il le faut pour 
assurer la sécurité des cultures. La plante n’est 
guère à l'air libre qu’à l’époque de la floraison. 

Les engrais employés sont l’engrais humain, les 
engrais animaux, les végétaux en décomposition, 
les fumiers, les résidus mouillés des balayures et 
les cendres. 

L'arrosage se fait au moyen d’une citerne dont 
l'eau est répartie sur loute l'étendue du terrain par 
un tuyautage de bambou, toujours judicieusement 
disposé. 

Ajoutons qu'à l'heure actuelle les Japonais ne 
font pas mieux que nous, surtout en grandes fleurs. 
Les collections australiennes et anglaises, les col- 
lections des professionnels français comme feu 
Calvet ou de grands amateurs comme le marquis 
de la T. d. P., ne le cèdent en rien aux belles flo- 
raisons des iles lointaines. Mais ils ont été nos 





COSMOS 





441 


initiateurs dans cette culture traditionnelle chez 
eux, scientifique chez nous. Nos chrysanthèmes ont 
plus que doublé de volume depuis trente ans. C'est 
à peu près à cette époque que nous avons su quel 
parti l’on pouvait tirer du Chrysanthemum indicum, 
de l’humble fleur des champs dont les Japonais 
ont fait le kikou emblématique et orgueilleux, 
la fleur dont le nom, grâce à une œuvre littéraire 
répandue, a contribué à faire connaitre le Japon 
— un faux Japon d'escale heureuse, — qui ne 
ressemble ni au pays des samouraï ni à celui des 
vainqueurs de Moukden. 

Nous pourrions encore retenir des Japonais la 
leçon de soins constants qu'est leur culture, et les 
imiter pour leur amour des fleurs, qu’ils chérissent 
comme si la poussière des ancètres revivait dans 
les corolles aux nuances splendidement variées. 

G.L. NUMILE. 


Les jouets au concours Lépine.‘ 


Le Père Lapin est un cuisinier devant ses deux 
marmites. L'une sert uniquement de bonbonnière, 
lautre contient un lapin. A un moment donné, le 
couvercle de la seconde marmite se soulève, le 





transmettant les mouvements des cames à diffé- 
renis bras d'articulation. La came E agit sur le 
levier G qui, par la bielle I, agit sur le bras J 
tenant la fourchette K. Ce même levier, par la 
bielle L et la manivelle M, fait manœuvrer la 
bielle N commandant la planchette articulée O 


(4) Suite, voir p. 413. 





LE PÈRE LAPIN. 


lapin apparait; le cuisinier, avec sa fourchette, 
cherche à le piquer, mais le lapin disparait à temps. 


Cette mécanique est à deux cames D et E logées 


dans un carter F actionnant deux leviers G et H 





sur laquelle repose le lapin. La came D, par le 
levier H et la bielle R, actionne la tige S du bras 
tenant le couvercle de la marmite. Enfin, la tête 
du cuisinier oscille sous l'action de la bielle mą-- 
nivelle T commandée par la tige S. 

L'avialion n'a pas fourni beaucoup de jouets 
nouveaux cette année. À part quelques redites 


442 


plus au moins démarquées, nous n'avons que peu 
à glaner. Le problème du jouet-aéroplane est aussi 
ardu que celui de l’aéroplane-touriste. 

L'enfant aime à construire. Afin de lui faciliter 
cette tâche délicate, quand il s'agit d'établir de 
petits aéroplanes en papier, un inventeur a conçu 
une boite de construction très rudimentaire qu'il 


COSMOS 


17 OCTOBRE 1912 


appelle l'Oiseau de France. La partie essentielle 
est un gabarit en zinc dans lequel on introduit 
une feuille de papier (la boite en contient une cer- 
taine quantité) pliée en deux. On serre convena- 
blement sur le gabarit tout en découpant le papier 
en suivant les bords du métal. Après avoir sorti 
le découpage et ouvert le papier, on trouve un 





AÉËÉRO-PUZZLE. 


petit aéroplane qui se leste en ajoutant un œillet 
à l'avant et dont les ailes acquièrent une certaine 
rigidité en collant une bande de papier sur leur 
longueur. L'oiseau vole parfaitement. 
L'Aéro-puzzsle est également un jeu de construc- 
tion. Dans la boite sont jetés pêle-mêle de légers 
bâtonnets de différentes longueurs que l’on assemble 
à, l'aide d'armatures métalliques. Ces armatures 
sont de petits tubes simplement ouverts aux deux 
extrémités et dans lesquels on engage les bâton- 
nets. Mais comme, dans la construction, il arrive 
que trois, quatre, quelquefois cinq bâtonnets doivent 
se réunir en un même point, les tubes comportent 





AËROPLANE COMBY A AIR COMPRIMÉ. 


alors des assemblages qui permettront aux enfants 
de se reconnaitre. Malgré tout, cette construction 
sera longue à établir, surtout dans les débuts, et je 
conseille fort aux parents désireux de goûter plu: 
sieurs heures consécutives de repos d'offrir ee 
nouveau casse-tête moderne à leur turbulente pro- 
géniture. 


Un inventeur, M. J. Comby, s'est altaché à 
résoudre le problème du moteur à air comprimé, 
et il a construit, pour expérimenter son moteur, 
un monoplan et un biplan qui volent parfaitement. 
Ce moteur est à cinq cylindres étoilés, articulés 
par leurs têtes sur une armature rigide. Les pis- 
tons sont solidaires de tiges creuses par lesquelles 
s'opèrent l'admission et l’échappement de l'air 
comprimé, lequel est fourni par un réservoir 
cylindrique allongé constituant le fuselage de 
l'appareil. Après chaque expérience, le réservoir 





CERF-VOLANT DE M. MARQUER. 


est de nouveau rempli d'air comprimé avec une 
simple pompe de bicyclette, et les appareils, le 
monoplan comme le biplan, s'envolent du sol et 
effectuent de très longs parcours. Aux essais qui 
eurent lieu sur l’esplanade des Invalides, les aéro- 
planes franchirent, à une dizaine de mètres de 
hauteur, toute la largeur de l’esplanade, arrêtés 


N° 1%47 


par les arbres; on se rendait compte que leur vol 
pourrait atteindre plusieurs centaines de mètres. 

Les cerfs-volants, aussi peu nombreux que les 
aéroplanes, eurent également un beau succès. Citons 
celui de M. Julien, qui s’enleva et se maintint par- 
failement dans l’air, et celui de M. Marquer, dont 
le plan principal affecte la forme d’un dirigeable. 

A côté de ces jouets, quelques inventeurs ont 
exposé des modèles d’aéroplanes à construire en 
grand; chacun d'eux représente une idée dont la 
valeur ne peut être affirmée qu'après essais. 
Malheureusement, les essais n’auront jamais lieu, 
les constructeurs actuels n’ayant nullement l'in- 
tention de se consacrer à l'étude d'engins ne répon- 
dant pas aux données actuellement admises. Nous 
devons ajouter que certains modèles exposés 
appartiennent plutòt à une époque disparue; ils 
eussent eu beaucoup de succès il y a quelque cin- 
quante ans. 

Pierrot regardant l'éclipse. — Ce jouet est le 
meilleur de ceux que M. Gasselin a présentés cette 
année. Pierrot, un verre fumé en main, regarde 
l’éclipse avec beaucoup de satisfaction, se montre 
inquiet dès qu’elle disparait et reprend son poste 
d'observateur lorsque le disque lunaire vient de 
nouveau se placer devant le Soleil. 

Les deux parties du jouet : Pierrot et la boite 


de l’éclipse sont solidaires du socle A. Le mouve- 


ment est remonté à l'aide dune clé F placée à 
l'arrière de la boite. Ce mouvement entraine une 
came G à laquelle appartient le cercle lunaire. 
La came G actionne une pièce I solidaire, par 
le levier K, d'une manivelle J à laquelle est 


COSMOS 


443 


reliée la tige L. Cette manivelle n'effectue que 
des mouvements oscillants qu'elle transmet au 
corps du Pierrot. Ces oscillations sont provoquées 
par le bord échancré de la came G lorsque l'éclipse 
commence. Une double patte N, montée sur l'axe 
transversal en face du Pierrot, actionne le levier O- 





PIERROT REGARDANT L'ÉCLIPSE. 


qui fait mouvoir les bras P. Enfin, le mécanisme- 
est complété par un ressort Q rappelant le per- 
sonnage dans sa position normale après chaque 
oscillation. En résumé, tous ces mouvements sont 
commandés par une came unique G actionnant 
une série de leviers à des moments déterminés. 
LUCIEN FOURNIER. 





SOCIÈTÉS SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 
Séance du 7 octobre 1912. 


PRÉSIDENCE DE M. LIPPMANN. 


Sur un dispositif d’arc au fer fonctionnant 
avec le courant alternatif. — Le fer émet un 
nombre considérable de radiations qui se retrouvent 
à l'état de raies d'absorption dans la plupart des 
spectres des astres. Cette circonstance a conduit 
depuis longtemps les astronomes à faire usage de 
l’étincelle condensée, éclatant entre des électrodes de 
fer, pour obtenir des spectres de comparaison propres 
à la détermination des vitesses radiales des étoiles. 
Cette source rayonnante, si commode à beaucoup 
d'égards, a l'inconvénient de changer très notablement 
d'intensité dès que les conditions ARDORO 
varient tant soit peu. 

Préoccupé de posséder une source de comparaison 
se comportant toujours de la même manière et émet- 
tant de nombreuses raies, M. Mavrice Hamy a été 


amené à s'adresser aux radiations d'arc du fer four- 
nies par un dispositif qui utilise le courant alternatif 
du Secteur parisien de la rive gauche. Il décrit l'appa- 
reil qu'il a imaginé et qui a RENE répondu à 
son attente. 


Sur la Srésénce de l’acidé cyanbyaciqie: 
dans le Trèfle rampant (TrifoHum repens L.). 
— Cette plante, très commune, croit dans les blés, 
sur les bords des chemins ét des fossés. 

Sous l'influence d’un ferment, la plante (sauvage), 
en se décomposant, produit de l'acide cyanhydrique; 
les folioles sont les organes les plus riches : douze 
lots de provenances très diverses ont fourni, à lana- 
lyse de M. MarceL MinaAxve, une teneur de # à 39 mil- 
ligrammes par 100 grammes. 

Comme plante présentant un intérèt industriel et 
alimentaire et contenant de l'acide cyanhydrique, le 
trèfle rampant s'ajoute à certains haricots, diverses 
céréales, des plantes à graines oléagineuses, au lin, etc. 


Sur la destruction de certains hémiptères 
par les parasites végétaux. — M. Léororo LE 
Movut a généralisé à divers hémiptères le procédé de 


144 


destruction de certains insectes, au moyen de parasites 
végétaux, qui a été employé par MM. Metchnikoff et 
Krassilschik en Russie, par le D' Snow aux États- 
Unis, et par lui-mème en France. 

Les pommiers du D'Raillard, de la Charité (Nièvre), 
étant couverts du blanc caractéristique de la présence 
du puceron lanigère, M. Le Moult traita ces arbres, 
en septembre 1911, par des cultures microbiennes de 
Sporotrichum globuliferum et de Botrytis bassiana; 
le puceron n’a pas reparu au printemps sur les pom- 
miers traités. 

Mème succès, durant l'été de 1912, pour d’autres 
pommiers traités par des cultures d'Zsaria densa, de 
Sporotrichum globuliferum et de Botrytis bassiana. 

L'auteur essaye le mème procédécontrelephylloxera. 


Sur les caractéristiques simples des équations aux 
dérivées partielles en deux variables. Note de M. Gus- 
TAVE SANNIA. — Sur la théorie des équations partielles, 
Note de M. N. Sazrrxow. — Remarques énergétiques 
sur le mouvement d'un solide dans un liquide vis- 
queux. Note de M. U. Cisotri. — Influence de la vitesse 
de combustion sur le rendement d'un moteur à gaz. 
Note de M. E. MÉRIGEAULT. — Sur un nouveau dosage 
volumétrique de l'uranium. Note de M. V. AuGen. — 
Sur le polychroïsme des cristaux de sulfate de potas- 
sium colorés artificiellement. Note de M. Pauz GAUBERT. 
— Sur l'absorption des rayons ultra-violets par les 
chlorophylles à et 8 et par la chlorophylle cristallisée. 
Note de MM. C. Duéré et W. pe Rocowskr. — Sur les 
rapports des kystes de Carini du poumon des rats 
avec le Trypanosoma Lewisi. Note de M. et M"™'° PIERRE 
Deraxoe. — Les « Fibrincæœrper » de Zopf et leurs 
relations avecles corpuscules métachromatiques. Note 
de M. E. Poex. 





ASSOCIATION FRANÇAISE 
POUR L'’'AVANCEMENT DES SCIENCES !!) 


Congrès de Nimes. 
Mathématique, Astronomie et Mécanique (suile). 


M. Euize BELor. 1° Les forces répulsices à l'origine 
des mondes. — Les cosmogonies modernes admettent 
en général ce postulat: a La loi de Newton et la 
mécanique newtonienne doivent à elles seules expliquer 
l'origine d'un monde. » 

L'examen des phénomènes des comètes et des nove, 
la théorie de la pression de radiation et l'analyse des 
formules de la cosmogonie tourbillonnaire montrent, 
au contraire, que dans une nébuleuse en voie de con- 
densation la matière obéit d'abord aux forces répul- 
sives avant d'obéir à l'attraction. 

Par là on comprend comment la matière s’est étalée 
radialement, aussi bien dans le système planétaire 
que dans les nébuleuses spirales. 

2° Les poslulats dans la nouvelle cosmogonie de 
T. See. — Les raisonnements qui contiennent des hypo- 
thèses cachées risquent fort d’être erronés. 

La nouvelle cosmogonie, exposée par T. See dans 


(1} Suite, voir p. +17. 


COSMOS 


17 OCTOBRE 14191412 


son livre récent, The capture theory of cosmical evo- 
lution, renferme un certain nombre de ces postulats 
non explicites. En les mettant en lumière, on voit 
nettement sur quelles bases fragiles est édifiée la 
théorie de l'évolution cosmique, fondée sur l'idée de 
la capture des astres dans le milieu résistant d'une 
nébuleuse. 

Le commandant Banisien. De quelques sommations 
et séries. — L'auteur présente diverses sommes de 
fractions formées par des termes en progression arith- 
métique croissante; il en déduit diverses séries dont 
quelques-unes sont sans doute inédites. 

Ce travail lui a été suggéré comme généralisation 
de formules de ce genre que lui a communiquées 
l'abbé Cassin, curé de Domqueur, par Ailly-le-Haut- 
Clocher (Somme), qui est un spécialiste de l'étude 
des progressions. 

M. A. Maire, bibliothécaire à la Sorbonne, publie 
quelques lettres de H.-C. Schumacher adressées à Fran- 
çois Arago et à Mauvais, astronome à l'Observatoire 
de Paris. Ces premières lettres (des 28 mars, 20 aoùt 
1843, 26 juin 1849), enrichiront une correspondance déjà 
volumineuse et intéressante. Les lettres à Mauvais 
datent du 22 juillet 1847. 

M. Pezzer (Clermond-Ferrand) continue son étude 
sur les équations aux dérivées partielles. 

M. Gastron Tarry (Le Havre) présente des tables 
à triple entrée des diviseurs des nombres de 1 à Ñ. 
— Pour savoir si un nombre premier divise un nombre, 
il suffit de regarder si un résidu donné par la table 
est égal à la somme de deux autres résidus donnés. 
En choisissant convenablement les bases B et A et 
à l’aide d’un petit perfectionnement, on construit une 
table allant jusqu’à 100 millions et comprenant 
593 166 nombres de quatre chiffres au plus, par consé- 
quent moias volumineuse qu'une table de Lebesgue 
allant seulement jusqu'à 2 600 000. 

M. Ganvès (Montauban). Contribution à l'étude du 
jeu « le Solitaire ».—L'auteur relève d'abord une erreur 
commise par Ch. Lucas, à ce sujet, dans son étude 
sur ce jeu (ARécréations mathématiques, t. 1“). Il conclut 
ensuite en démontrant que le problème général, pour 
lequel il y a toujours possibilité de réussite, est celui 
qui consiste à opérer sur le Solitaire décentré. | 

M. C.-A. LaisanT. Sur les tables de diviseurs. — 
L'auteur avait indiqué, en 1891, les principes de 
la construction possible d’une telle table, jusqu'à 
une limite assez étendue et reposant sur l'emploi 
de moyens graphiques. La question est liée aux 
progrès futurs de l’arithmétique et a provoqué de 
nouveaux travaux de mathématiciens connus. Les pre- 
miers procédés de M. Laisant étaient peu pratiques, 
car les tables étaient trop étendues. Actuellement, 
chaque page présentant 10 centimètres de largeur sur 
20 de hauteur, soit 14 X 22 en faisant la part des 
titres et des chiffres, la lecture graphique avec un 
millimètre comme unité ne serait pas pénible. Pour 
aller jusqu'à 100 millions, on pourrait, avec environ 
4300 pages, et cela sans calculs auxiliaires, d’une 
façon directe, déterminer les facteurs de chaque 
nombre. 

Le mémoire présenté à la section de mathématiques 
présente un exemple des tables et des explications 
très claires. 


Ne 4147 


Navigation. Génie civil et militaire. 


Section présidée par M. Faure, ingénieur en chef 
des ponts et chaussées, à Nimes. 

M. Pauz DeEscoupss, directeur honoraire des manu- 
factures de l'État, véritable apôtre du Æeboisement, 
présente un rapport sur cette question, rappelle le 
vœu émis par l'Association au Congrès de Toulouse 
en 1910 : « Que des études soient entreprises en vue 
d'établir les bases d’un reboisement rationnel capable 
d'agir dans un sens favorable sur le régime des cours 
d’eau. » Le reboisement rationnel doit, dans ces condi- 
tions, être étudié dans deux buts distincts : 1° Diminu- 
tion du ruissellement; 2° Atténuation des tourbillons 
aériens, porteurs de pluies diluviennes. 

Outre ses avantages directs, l'amélioration du régime 

des eaux, qui permettra de réaliser la lutte contre les 
inondations, aura les plus heureux effets pour la 
navigation et pour l'alimentation des forces hydrau- 
liques. 
M. Boicèvr, président de la Chambre de commerce 
de Béziers. Ligne Océan-Méditerranée (canal du Midi 
et canal latéral à la Garonne), destinée à relier les 
ports de Bordeanx et de Cette; cette ligne Océan- 
Méditerranée est d’une importance capitale pour la 
région, à partir de 1898, époque à laquelle ces deux 
canaux ont été rachetés par l'Etat, et dans les cinq 
années qui ont suivi, le tonnage s’est accru de 102 pour 
400. Cet accroissement est un sùr garant de l'intensité 
que prendra le trafic lorsque les courbes, les ponts et 
les écluses permettront le passage des bateaux de 
300 tonnes. Les améliorations demandées par toutes 
les populations de la région et des diverses institu- 
tions sont comprises dans le programme de 1903, et, 
en outre, les 148 écluses qui desservent ces canaux, 
doivent, conformément à la loi de 1879, être portées à 
la longueur minimum de 38,50 m. 

M.J. HeNnier (Marseille). 1° Les transports par voies 
ferrées entre le port maritime de Marseille, la Suisse 
et l'Italie du Nord. — En passant par la vallée infé- 
rieure de l'Isère (Saint-André-le-Gaz et Belley), la 
ligne du chemin de fer serait considérablement rac- 
courcie. Il conviendrait, d’ailleurs, de remanier et 
d'étendre le service des voyageurs et des marchan- 
dises de Marseille et de Genève. Enfin, une suture 
devrait être établie entre les voies ferrées et les voies 
fluviales par l'établissement d'un certain nombre de 
gares d’eau entre Marseille, Lyon et Genève. 

2° Les transports frigorifiques par voies ferrées et 
par voies maritimes ; leurs sutures avec les entrepôts 
el ports de mer. 

3° Aménagement du Rhône entre Lyon et la mer au 
triple point de vue de la navigation, des forces 
motrices et de l'irrigation. — Le programme nouveau, 
élaboré pour transformer le régime de navigabilité du 
Rhône, date de 1875 environ; il est presque exclusive- 
ment une œuvre de combat contre le réseau des 
chemins defer Paris-Lyon-Méditerranée. Le programme 
nouveau a reçu un commencement d'exécution par 
l’entreprise du canal de jonction de Marseille au 
Rhône; ces travaux ont déjà dépassé, en trois années, 
de plus de un tiers la somme prévue. La dépense 
primitive, évaluée à 74 millions, s'élèvera certaine- 
ment de 130 à 440 millions. Comme conclusion, il est 
nécessaire d'envisager à brève échéance la reprise des 


COSMOS 


445 


travaux d'amélioration du lit mineur du Rhône, 
depuis Lyon jusqu’au Rhône maritime. : 

M. Hurren (Nîmes). Aménagement du Rhône au point 
de vue de l'irrigation. — L'auteur décrit les ouvrages 
d'art prévus par le projet de loi présenté par le gou- 
vernement pour la construction du canal dérivé du 
Rhône, la prise d'eau étant située à Saint-Gilles et la 
force motrice nécessaire fournie par une usine à 
établir sur la Durance. M. Hutter demande qu’un vœu 
soit formé pour que ce projet soit voté avant la fin de 
la législature. 

M. J. Evssenic (Carpentras). — Applications récentes 
du saute-vent à l'aviation. (Voir Congrès de Reims 
1907.) Les expériences ont eu lieu à Villacoublay sur 
biplan militaire Wright. L'abri a été très efficace. 
L'adaptation de cet appareil aux postes de pilotes de 
dirigeables est actuellement à l’étude. 

D'autres applications vont être faites sur des biplans 
M. Farman, Doutre, Voisin, H. Farman. 

M. Cuanzes Goparp (Nancy). La navigation intérieure 
de la France. — Développement des transports par 
eau à la fin du siècle dernier. Extension de notre 
industrie nationale. Rétablissement des voies navi- 
gables interrompues après la guerre franco-allemande. 
Construction de nouveaux canaux. Transformation 


` d'ouvrages d'art permettant à la batellerie d'augmenter 


le tonnage de son matériel de transport. Activité tou- 
jours croissante de la navigation en France. Tableaux 
statistiques du tonnage dans ces dernières années. 
Comparaison de ces résultats avec ceux obtenus 
dans quelques pays étrangers. Création récente 
d’un Office national de la navigation au ministère des 
Travaux publics. 

M. le Dr Auans (Montpellier). 4° /nfluence de la 
forme des carènes sur la stabilité de marche. — Les 
modèles qu’a construits M. Amans : ovoïde de révolu- 
tion, ovoide ornithique, dytique piscoïde, ont même 
longueur d’axe longitudinal, mais différent par leur 
contour apparent. Une étude géométrique de ces con- 
tours est d’abord faite. Ces modèles placés dans 
une rivière homogène, M. Amans étudie : {° les valeurs 
de la résistance frontale en fonction de l'incidence; 
2 les intorsections de la ligne de poussée avec l’axe 
longitudinal; 3° les valeurs de la résistance transver- 
sale (dérive), lorsquel’incidence latérale varie de 0° à 90°. 

M. Amans a trouvé des différences considérables 
pour les courbes de résistance frontale et pour la 
stabilité. L’ovoide de révolution:est le moins stable, le 
dytique est celui qui a le moins de dérive (allusion 
au cas du Vendémiaïire). Ces différences sont en rap- 
port évident avec la forme spéciale des carènes. En 
multipliant les expériences et en les taisant sur un 
grand nombre de modèles, M. Amans pense qu'il 
arrivera à mieux préciser l'influence de la forme el, 
en particulier, le ròle joué par le contour apparent. 

2’ Influence de la torsion sur la valeur de la résis- 
tance et la stabilité des aéroplanes. — M. Amans a 
déjà appelé l'attention des constructeurs sur les pro- 
priétés aérodynamiques de la torsion. Avec un modèle 
en bois zooptère, à torsion positive, il a obtenu des 
résultats assez bons comme montée, et un rapport 
de la trainée à la montée aussi bon que pour les 
meilleures ailes ordinaires, et, pour la stabilité, des 
résultats meilleurs. Il a aussi fait remarquer que la 


416 


torsion positive convient plutôt au vol horizontal, 
tandis que la torsion négative convient à la descente 
en vol plané, tout moteur éteint. 

Le mémoire présenté est une étude aérodynamique 
de deux ailes tordues, l’une à distum retombant, à 
torsion négative; lautre à distum relevé, à torsion 


COSMOS 


17 OCTOBRE 1912 


positive. Les chiffres obtenus confirment les conclu- 
sions antérieures de M. Amans sur le rôle de la tor- 
sion, tant pour le rendement propulsif et la stabi- 
lité de marche que pour le ralentissement de vitesse 
et la stabilité de chute. 


(A suivre.) E. HÉRICHARD. 





BIBLIOGRAPHIE 


Chimie analytique, par le D° F. P. TREADWELL, 
professeur à l'Institut polytechnique de Zurich, 
traduit de l'allemand par Eb. DrRrixGeR et 
ST. Goscixxy, chimistes. T. IT: Analyse quantita- 
tive. In-8° de xvu1-802 pages, avec 135 figures et 
une planche colorimétrique (cartonné, 12 fr). 
Dunod et Pinat, 47 et 49, quai des Grands- 
Augustins, Paris. 1942. 


Ce manuel s'adresse à l'étudiant qui désire non 
pas seulement apprendre, mais aussi comprendre; 
il s'attache à fournir la raison théorique des pro- 
cédés, des manœuvres et de tous les détails 
‘techniques de l'analyse. 

Dans son petit livre : Principes scientifiques de 
la chimie analytique, le chimiste W. Ostwald 
avait vigoureusement esquissé un projet de réforme 
pour restituer l’appui de la théorie à l'analyse 
qu'on envisageait comme purement pratique, 
c'est-à-dire empirique. 

Or, dit M. G. Urbain, professeur de chimie à la 
Sorbonne, dans la préface au livre de Treadwell, 
« pour concilier dans un ensemble harmonieux 
le point de vue théorique indiqué par Ostwald avec 
le point de vue pratique que l'on a toujours si 
justement attribué à cette branche du savoir, un 
livre nouveau était nécessaire. Ce livre devait 
être écrit par un savant spécialisé dans les ques- 
tions d'analyse, mais possédant en outre une très 
haute culture générale. C’est ce livre que j'ai 
l'honneur de présenter au public français. Son 
auteur, M. Treadwell, qui est un savant universel- 
lement apprécié, est professeur de chimie analy- 
tique à l'Institut polytechnique de Zurich, qui est 
l'un des centres les plus en vue de l'activité 
scientifique actuelle. Le livre de M. Treadwell, 
dont le succès a été considérable et qui a été déjà 
traduit dans la plupart des langues, est par excel- 
Jence un livre d'enseignement, mais c’est aussi un 
livre d'une haute valeur pratique, dans lequel 
l'auteur a su, avec un esprit critique très judi- 
cieux, rassembler dans un ensemble cohérent les 
meilleures méthodes tant anciennes que nouvelles. 
Et, à ce point de vue, ce livre s'adresse aussi aux 
spécialistes. Le traité d'analyse de M. Treadwell 
est donc une œuvre originale à un double titre. Il 
fixera pour de longues années l'élat et les ten- 
dances de la science analytique moderne. En en 
donnant une très fidèle traduction, MM. Duringer 


et Goscinny rendent aux étudiants et aux chimistes 
français un très réel service, et j'espère que le livre 
de M. Treadwell deviendra classique en France 
comme il l’est déjà à l'étranger ». 

Ena voici les grandes divisions : 

Généralités. — 1. Analyse gravimétrique ou par 
pesée : dosage des métaux; dosage des métalloides. 
— li. Volumétrie ou analyse par titrage : alcali- 
métrie et acidimétrie; méthodes par oxydation et 
réduction, analyses par précipitation. — III. Ana- 
lyse des gaz. 


Conférences sur les alliages, par MM. RENGADE, 
Jouisois, BRoNIEwSkI, 36 pages 24 X 16, avec 
figures et quatre planches hors texte. Publica- 
tion de la Société de chimie-physique (2 fr.). 
Librairie A. Hermann et fils, 6, rue de la Nor- 
bonne, Paris, 1912. 


M. E. Rengade expose comment, au moyen de 
deux méthodes physiques, l'analyse thermique et 
la métallographie microscopique, on peut déceler 
la constilution des alliages et apporter de grandes 
précisions sur leur structure. M. P. Jolibois montre 
qu'il y a intérêt à ne pas négliger la méthode 
plus ancienne, la méfhode chimique. 

Les trois méthodes précédentes peuvent ètre 
avantageusement complétées, comme le montre 
M. W. Broniewski, moyennant la connaissance 
des relations qui existent entre la structure des 
alliages et leurs propriétés électriques; il envi- 
sage cinq de ces propriétés : la résistance élec- 
trique, le coefficient de température de cette résis- 
tance, le pouvoir thermo-électrique, la variation 
de ce pouvoir, enfin la force électromotrice de 
dissolution. 


Contre la métaphysique. Questions de méthode, 
par Félix Le Daxrtec, chargé du cours de biologie 
générale à la Sorbonne. Un vol. in-8° de 256 pages, 
3,75 fr. (Bibliothèque de philosophie contem- 
poraiñe). Librairie Félix Alcan, 108, boulevard 
Saint-Germain, Paris. 


Pour M. Le Dantec, le philosophe est un artiste, 
un visionnaire : il ne saurait être un savant; il ne 
fait pas nécessairement table rase du passé ni du 
sentiment; il ne peut dès lors être un homme de 
progrès ni une intelligence impartiale et métho- 
dique. D'où l'opposition de la science et de la phi- 


N° 1447 


losophie, surtout de la philosophie qui vise à la 
métaphysique. C’est ainsi qu’un Pasteur, un Claude 
Bernard, un Darwin lui-même n’ont pas été, aux 
yeux de M. Le Dantec, de vrais savants : les 
malheureux, ils n’ont pas su dépouiller « la gangue 
humaine qui entourait cet or pur » de leurs gran- 
. dioses découvertes (p. 204). 

Il va de soi que M. Le Dantec profite aussi de 
ses attaques contre la métaphysique pour renou- 
yeler les déclarations d’athéisme développées dans 
un autre livre (p. 60). 

ll n’y a pas lieu de discuter les affirmations ou 
négations contenues dans l'ouvrage présent et dont 
nous rappelons les principales. Mais ne peut-on 
poser à l’auteur cette simple question : puisque le 
sentiment est un fait, pourquoi ne point en tenir 
compte comme des autres phénomènes internes 
ou externes? 


La télégraphie sans fil, la télémécanique et la 
téléphonie sans fil à la portée de tout le 
monde, par E. MoxiEr, ingénieur. Préface du 
Dr E. Braxzy, membre de l'Institut. 6° édition, 
revue et augmentée. Un vol. 149X142 de vi1-226 pages 
avec figures (2,50 fr.). Dunodet Pinat. Paris. 1912. 


L'édition nouvelle est enrichie d’additions im- 
portantes. 

D'abord une note sur les émissions musicales, 
à note assez aiguë, grâce auxquelles les signaux 
perçus dans l’écouteur téléphonique se distinguent 
des bruits parasites : les émissions musicales per- 
mettent seules la radiotélégraphie dans les pays 
tropicaux, où les perturbations des ondes parasites 
sont très fréquentes. 

Un chapitre est consacré à la station de Ja tour 
Eiffel. : 

Mention est faite des applications spéciales de la 
radiotélégraphie à la navigation : radiogonio- 
mètre, phares hertziens, ainsi que des autres essais 
pour la direction des ondes électriques. 


Puits, sondages et sources, par M. RiNGELMANX, 
professeur de génie rural à l’Institut national 


agronomique. Un vol. in-18 de 300 pages avec 


gravures (3,50 fr). Librairie agricole de la Mai- 
son rustique, 20, rue Jacob, Paris. 


L'eau, matière de première importance dans la 
vie végétale et animale, est absolument indispen- 
sable à toute exploitation agricole qui doit avoir 
à sa disposition la quantité nécessaire à lalimen- 
tation du bétail et à l'entretien des cultures. 

L'ouvrage de M. Ringelmann a pour but d'indi- 
quer les moyens de se procurer l’eau nécessaire en 
tirant parti des ressources que la nature met 
à notre disposition. . | 

La pluie fournit à la terre l’eau qu’on y retrouve. 
Une partie de cette eau s’évapore plus ou moins 
rapidement, une autre partie ruisselle pour former 


COSMOS 


447 


les rivières, une autre enfin pénètre dans le sol 
pour former les nappes souterraines, L'étude de la 
formation et de l'écoulement de ces nappes a été 
poursuivie par M. Ringelmann avec le plus grand 
soin, car elles forment les réservoirs dans lesquels 
le cultivateur doit trouver -les ressources qui lui 
sont nécessaires. C’est par les puits, les sondages, 
la captation des sources qu'on tire parti de ces 
nappes. Aussi M. Ringelmann expose, avec tous 
les détails, la construction et l'entretien des puits 
ordinaires, des puits artésiens, des puits forés. 
L'étude des sources et de leur captation termine 
le volume. Toutes les parties sont accompagnées 
de gravures précises, le plus souvent dessinées par 
Pauteur, qui complètent ses explications. 

Ce livre excellent, rédigé avec l’habituelle clarté 
de l'auteur, est appelé à rendre de grands services 
aux propriétaires d'exploitations rurales. 


La vie et la mort du globe, par M. A. BERGET, 
professeur à l’Institut océanographique. Un vol. 
de la Bibliothèque de philosophie scientifique, 
de 326 pages (3 fr. 50). Flammarion, éditeur, 
26, rue Racine. 


La vie et la mort du globe; c'est une double 
question qui nous touche de près, et ne peut que 
nous intéresser puissamment. La façon et la clarté 
avec lesquelles M. Berget la traite est de nature à 
satisfaire le lecteur, qui trouvera dans ce livre des 
exposés très nets de l’état actuel des connaissances 
humaines sur ce sujet. Faut-il avouer pourtant 
que nous avons éprouvé une déception? Dans une 
bibliothèque de philosophiescientifique, la recherche 
des causes, et des causes premières, parait devoir 
être abordée : M. Berget se contente de signaler 
le problème, à l'occasion de l'apparition de la vie 
sur notre globe, sans oser l’aborder (p. 35). C'est 
demeurer incomplet et infidèle au titre de l'ouvrage. 


La Solidarité, par Léon Bourgeois, 7° édition, 
revue et augmentée. Un vol. in-18 de 296 pages, 
3,50 fr. Librairie Armand Colin, 5, rue de 
Mézières, Paris. 


Le livre et les doctrines de M. Bourgeois sont de 
notoriété publique; ils sont, de l’aveu de M. Bou- 
troux, « l'affirmation et comme le spécimen d'une 
morale purement laïque ». Cette nouvelle édition 
n'apporte point de théorie nouvelle, mais une série 
d’études y ont été jointes au fond primilif et lui 
servent de développements. Ainsi, M. Bourgeois a 
étudié les rapports de la solidarité avec les idées 
de justice et de liberté. dans ses discours au Con- 
grès d'éducation sociale de 1100. À l'Ecole des 
hautes études sociales, en 1901, il a montré les 
conséquences sociales et les applications pratiques 
de la solidarité. Entin, il en a précise les limites 
en 1909, au Congrès de l'Institut international de 
sociologie. 


148 


COSMOS 


17 OCTOBRE 1942 


PETITE CORRESPONDANCE 


Erratum. — Une erreur typographique s'est 
glissée dans la note publiée dans le numéro 1415 
(3 octobre) à l'occasion de la perte que nous avons 
faite dans la personne du regretté Petithenry. 
On a imprimé qu'il était le gérant du Cosmos 
depuis 1908; il fallait écrire : depuis 1888. Un 
dévouement non démenti de vingt-quatre années 
est plus méritoire qu'une persévérance de quatre 
ans, surtout quand ces vingt-quatre années ont 
vu les épreuves qui ont frappe la Maison où le 
Cosmos a l'honneur de tenir une place modeste, 
mais appréciée. 


Adresses : 


T. S. F. — Électrodes à la Wollaston pour détec- 
teurs électrolytiques : Ducretet et Roger, 75, rue Claude- 
Bernard, Paris (7 fr), ou grand bazar de l’Hôtel-de- 
Ville (5.75 fr). — Fil de platine de 2 centièmes de mil- 
limètre . Compagnie française des métaux (service du 
platine), 239, rue Saint-Martin, Paris (1,50 fr le mètre). 

Jouets décrits dans ce numéro: Pierrot regardant 
l'éclipse, le Père Lapin: M. Gasselin, 82, rue Victor- 
Hugo, à Puteaux. L'oiseau de France: M. Hurn, 
44, rue Jean-Jacques-Rousseau, à Paris. L'aéro-purele : 
M. Mignot, 153, rue Saint-Jacques, à Paris. Moteur à 
air comprimé : M. Comby, 1$#, rue Monsieur-le-Prince, 
à Paris. 

M. P. P.. à P. — Vous trouverez dans ce numéro 
tout ce qui vous est utile pour établir un poste réeep- 
teur de T.S. F. — La cheminée d'usine peut servir 
de porte-antenne : vous y attacherez un fil métallique, 
de cuivre de préférence, isolé aux deux extrémités. Le 
paratonnerre nè peut servir d'antenne, puisqu'il est 
encontactavec la terre, mais il peut servir comme prise 
de terre. D'ailleurs, dans quinze jours, un autre article 
donnera les détails pour l'établissement des antennes. 


M. P., au M. — Il existe, en effet, des dispositifs qui 
permettent l'inscription des télégrammes sans fil, 
wais ce ne sont que des appareils de laboratoire, et 
encore pas très au point. Quand la transmission est 
rapide, il arrive souvent que les signes Morse sont 
mal transcrits. Pour plus de renseignements sur ce 
point, vous pouvez vous adresser à la maison Ducretet 
et Roger. 75, rue Claude-Bernard, ou chez Ancel, 
9t, boulevard Pereire, qui pourront vous fournir le 
relais et les appareils nécessaires. — Vous pouvez 
essayer le cohéreur à aiguilles, mais nous doutons 
que vous obteniez un bon résultat. — Une longue 
antenne est toujours préférable; il faut environ 
60 mètres à votre distance. 


T. C. F. V., àL. (Canada). — Cette librairie n'existe 
plus: il est probable que les ouvrages indiqués ne pour- 
raient se trouver que d'occasion. — Nous sommes in- 
compétents pour cette seconde question. — 3° et + Pour 
cet objectif, il faudrait pouvoir consulter des ouvrages 
très vastes et d'un prix élevé: BENrTHAM et Hooken, 
Genera plantarum; De C\NnboLLE, Prodromus System. 
natur. regni regetabilis, et ses suppléments ; SCHIMPER, 
Synopsis Muscarum,; Henwie, Species Muscarum. S'il 
ne s'agit que de rapporter les genres à leurs familles, 


vous trouveriez bon nombre d'indications utiles dans 
LınpLey et Moore, The treasury of Botany, Londres, 
1870, Longmans, Green and C° (à chercher d'occasion 
chez les revendeurs). — 5° On attribue le changement 
de couleur des feuilles à l'automne à une oxygénation 
de la chlorophylle par cessation de la fonction chloro- 
phyllienne. 


M. L., à P. — Voici comment vous pouvez con- 
struire ce potentiomètre. Reliez les deux bornes d’une 
pile constante (de 3 volts, par exemple) aux deux 
extrémités À et B d’une résistance ohmique assez 
élevée : cette résistance peut ètre constituée par un 
fil de méta! fin, qui n’a pas besoin d'être un bon con- 
ducteur; pratiquement, cette résistance, au lieu d’être 
rectiligne, est enroulée sur un cylindre en matière 
isolante; un contact glissant C se déplace le long 
d'une génératrice du cylindre. Entre A et C, suivant 
la position du contact, on peut produire la différence 
de potentiel désirée, depuis 0 jusqu’à environ 3 volts. 


M. A. F., à M. — La température exacte de l'air se 
prend à l'ombre avec un thermomètre-fronde, ther- 
momètre relié à une ficelle qu'on fait rapidement 
tourner. Au soleil, les thermomètres marquent des 
températures variables qui dépendent de la construc- 
tion de l'instrument. En tous cas, le thermomètre 
placé à l’ombre donne une température plus exacte 
que celui placé au soleil. 


M. P. H., à Q. — Le cérium et lethorium métalliques 
s'’obtiennent bien par électrolyse de leurs chlorures 
fondus; on les prépare aussi par des réactions pure- 
ment chimiques, qu'il n’est pas possible d'indiquer 
ici. Consultez le Dictionnaire de chimie pure et appli- 
quée, de Wurtz (librairie Hachette, Paris), aux mots : 
Cérium, Thorium et Terres rares. 


N° 313 E. — Vous trouverez de la bauxite en petite 
quantité chez les marchænds de produits chimiques, 
par exemple, à la Société centrale de produits chi- 
miques, 44, rue des Écoles, Paris (environ 1,95 fr le 
kilogramme). — Débarrasser les chiens de leurs puces 
n'est pas chose facile; les lavages aux savons divers 
et les insecticides variés n’ont qu’ene durée éphé: 
mère. On peut essayer de les envelopper dans une 
couverture ayant servi à un cheval; les puces sont 
mises en fuite. Le Cosmos a aussi signalé le procédé 
par le vide (n° 1339, 24 sept. 1910). Ajoutons que nous 
ne l'avons pas essayé. 


M. À. P., à P. — Les résidus provenant de la fabri- 
cation de l'’acétylène sont de l'oxyde de calcium 
hydraté, et, par suite, sont susceptibles de recevoir 
toutes les applications de la chaux ordinaire. Pour 
faire du mortier, il suffit de mélenger cette chaux 
provenant du carbure de calcium avec du sable fin. 
La proportion de chaux est la mème que pour le 
mortier ordinaire. Pour faire durcir plus vite le ciment 
ainsi obtenu, vous pouvez y ajouter de la chaux 
hydraulique. Les résidus du carbure de calcium 
peuvent aussi servir pour le blanchiment des murs 
(étables, etc.), pour le chaulage des arbres, comme 
engrais de culture, etc. 


Imprimerie P. Psnon-Yaau. 8 ot §, ruo Bayard, Paris, VILU’. 
| Le pórani A. Faoz. 


No 1448 — 2% ocroBre 1919 


COSMOS 


449 


SOMMAIRE . 


Tour du Monde. — L’absorption sélective de la lumière à la surface de la Lune. Conférence internationale 
de l'heure. Les chutes d'eau constructrices. Le service sismologique en Grèce, dans les Balkans et dans 
l'empire ottoman. La future carte météorologique biquetidienne de l'Eurasie. Le dactylophone, appareil 
pour se faire comprendre des sourds. Le prix Nobel pour la médecine. La T.S.F. en aéroplane aux manœuvres 
militaires. La T. S. F. au service des expéditions polaires. Appareil de sécurité contre les déchirures du 
tuyautage de vapeur. Après le cinquantenaire du moteur à gaz. Nouveaux obus, p. #49. 


Nouvelles machines à merceriser, Rousset, p. 454. — Un cinématographe à main, Bovka, p. 456. — 
Télégraphie sans fil : réception des signaux et télégrammes, D'P. Corner, p. 458. — Sous-marins 
allemands et norvégiens, Beccer, p. 461. — L’appauvrissement des forêts, DE Kirwan, p. 465. — 
Les dangers d’un chauffage défectueux, Lanacue, p. 466. — L’utilité et la nocivité des araignées, 
ACLOQUE, p. 468. — Sociétés savantes : Académie des sciences, p. 471. Association française pour l’avan- 
cement des sciences (suite), HénicaarD, p. 472. — Bibliographie, p. #74. 





TOUR DU MONDE 


ASTRONOMIE 


L’absorption sélective de la lumière à la 
surface de la Lune. — Nous avons déjà parlé des 
premières recherches effectuées par l’astronome 
américain R. W. Wood, sur l'absorption sélective 
de la lumière à la surface de la Lune, et qui le con- 
duisirent notamment à la découverte, prèsdu cratère 
Aristarque, d’une tache qui se distinguait par lab- 
sence de radiations ultra-violettes. Ces recherches 
avaient été effectuées à l’aide de moyens optiques 
assez rudimentaires : une lentille de quartz argentée 
de 3 pouces seulement (76 mm) de diamètre. 

M. Wood a repris récemment ces expériences 
dans des conditions plus favorables, à l’aide d'un 
miroir métallique de 42 pouces (305 mm) de dia- 
mètre, recouvert d’une mince couche de nickel pur 
afin de mieux réfléchir les radiations ultra-violettes. 
Saas l'interposition d'aucun filtre sélecteur, ce mi- 
roir donnait une image violette de la Lune; avec 
un filtre orange foncé, il fournissait une image 
jaune ; enfin, avec un filtre composé d’une lame ar- 
gentée de verre « uviol », on obtenait une image 
ultra-violette, qui devait évidemment être enregis- 
trée par la méthode photographique. 

La comparaison des images obtenues avec les 
trois filtres a confirmé entièrement les résultats 
auxquels était arrivé M. Wood dans ses premiers 
essais, et y a ajouté des conclusions nouvelles. 
C’est ainsi que l’astronome américain dé‘ouvrit 
encore dans plusieurs des « mers » de notre satellite 
des laches qui absorbaient sélectivement la lumière 
et se montraient noires en lumière ultra-violette, 
étaient à peine visibles dans le violet et paraissaient 
brillantes dans le jaune. 

Partant de l'hypothèse que ces taches, de même 
que celle découverte près d’Aristarque, pourraient 
être dues à un dépôt volcanique, M. Wood a effec- 


T. LXVII No 1448. 


tué des expériences comparatives avec des tufs d’ori- 
gine plutonienne terrestre. 

il a fini par trouver un de ces tufs qui apparaissait 
obscur en lumière ultra-violette et montra à l'ana- 
lyse du fer et des traces de soufre. Des photogra- 
phies de roches portant des taches dues à des dépôts 
ferreux montrèrent que ces taches disparaissaient 
en lumière violette et ultra-violette, par contre, des 
photographies similaires de plaques de tuf portant 
des dépôts sulfureux reproduisirent l'apparition des 
taches foncées en lumière ultra-violette et des 
taches claires en lumière jaune. 

I serait peut-être prématuré de déduire de ces 
expériences que lestacheslanairesquin’apparaissent 
qu’en lumière ultra-violettesont dues à des dépôtsde 
soufre. En tout cas, les recherches de M. Wood, 
lorsqu'elles auront recu tout leur développement et 
auront, notamment, été étendues à toutes lesrégions 
du spectre, fourniront sans doute des indications 
intéressantes sur la nature géologique de la surface 
lunaire. 


Conférence internationale de l’houre. — 
Cette Conférence, annoncée depuis quelques mois, 
a ouvert ses séances le 15 octobre, à l'Observatoire 
de Paris. L’inauguration de cette réunion a été faite 
par le ministre de l'Instruction publique, et M. Bi- 
gourdan, membre de l'Institut et du Bureau des 
longiltudes, en a été élu président; l'assemblee 
s’est divisée en un certain nombre de Commissions 
ayant chacune à étudier une partie du programme. 

L'objetprincipal cie la réunion était de déterminer 
les règles de la télégraphie sans til dans l'avenir, 
en ce qui concerne l'envoi de l'heure pour les dif- 
férents besoins de l'astronomie, de la marine 
et ceux des particuliers ; très naturellement, 
ces signaux horaires doivent avoir une précision 
plus ou moins grande, suivant ceux auxquels on 


A50 


s'adresse. La Conférence a eu aussi à étudier les 
nombreux appareils pour la réception de l'heure, 
pour sa conservation, etc., etc. 

Voici, au surplus, les différentes questions sou- 
mises aux études de la Conférence : 

I. Détermination astronomique de l'heure ou de 
la correction d'un garde-temps: 

Méthode des passages. Méthode des hauteurs. 
Enregistrements divers. 

Emploi de la méthode « de l’œil et de l'oreille ». 

Causes d’erreurs dans les divers cas et moyens 
de les réduire. Précision aujourd'hui atteinte. Pré- 
cision à rechercher. 

H. Conservation de l'heure : 

Modèles divers de pendules et de chronomètres. 

Leur comparaison dans le même observatoire. 

Détermination de la correction la plus probable 
de la pendule directrice. 

HI. Transmissionradiotélégraphique de l'heure: 

Méthode à employer suivant le degré de préci- 
sion désiré. 

Envoi direct de l'heure d'un garde-temps. 

Envoi indirect de l’heure par l’intermédiaire de 
signaux rythmés permettant d’appliquer la mé- 
thode des coïncidences. 

IV. Collaboration de divers centres astrono- 
miques pour assurer au mieux la connaissance 
de l'heure : 

Choix des centres. 

V. Appareils radiotelégraphiques & employer 
pour l'émission et la réception des signaux 
horaires : 

Modèles divers. Leur mise en œuvre. Portées. 

VI. Degré de précision que doivent atteindre 
les signaux horaires pour les diverses applica- 
dions : 

Astronomie et géodésie. Navigation. 

Météorologie. Sismographie et applications scien- 
tifiques diverses. Chemins de fer. Administrations 
publiques, horlogers et particuliers. 

VII, Étude de l'organisation générale à prévoir 
tant pour la transmission que pour la réception 
des signaux horaires, de manière à satisfaire 
à tous les besoins. 


PHYSIQUE DU GLOBE 


Les chutes d’eau constructrices (J. ASSADA, 
la Géographie, 15 octobre). — On a l'habitude de 
considérer les chutes d'eau comme des agents 
d’érosion et de ne voir que leur travail d'approfon- 
dissement des vallées. Elles peuvent, sous l'effet 
de certaines conditions, devenir des agents con- 
slructeurs et contribuer au remblayage d'une vallée. 
Cette apparente contradiction ne se trouve géné- 
ralement que dans les régions karstiques, c'est-à- 
dire les régions calcaires où les eaux, agrandissant 
les fissures primitives de la roche, ont peu à peu 


COSMOS 


24 OCTOBRE 1912 


creusé de vastes entonnoirs circulaires, dont le 
fond est constitué par une argile rouge, produit de 
décalcification du calcaire. M. J. W Gregory s’est 
plu à la souligner par divers exemples tirés de 
Dalmatie, Bosnie et Herzégovine. 

Les chutes de la Kerka en Dalmatie sont un 
cas bien typique. Elles sont dues à une barre de 
tuf calcaire que la rivière a construite elle-même 
en travers de la vallée. La barre a 40 mètres de 
haut et décompose le lit de la Kerka en une série 
de chenaux, où se succèdent les cascatelles. En 
amont de la chute, la rivière traverse deux lacs, 
eux aussi formés par un barrage de tuf. Comme 
la barre calcaire croit sans cesse, la retenue d’eau 
augmente du même fait et les lacs voient leur su- 
perficie s’accroitre. 

Deux autres illustrations de ce phénomène se 
trouvent en Bosnie-Herzégovine. Les chutes de To- 
polie, sur la haute Kerda, ont près de 25 mètres de 
hauteur, en dessous de la barre édifiée par les 
eaux. Comme le seuil de tuf avance sans cesse, 
l'ancien cañon amont est en train de se combler. 
Bientôt la Kerda débouchera dans le bassin du 
Knin par une vallée suspendue. Enfin les fameuses 
chutes de Jajce, l’ancienne capitale de la Bosnie, 
sont dues à la Pliva qui se précipite par-dessus une 
barre de tuf de 25 mètres d'épaisseur dans l'Urbas. 
Par des vestiges préhistoriques, on a pu se rendre 
compte que depuis l’époque néolithique il s'était 
déposé 18 mètres de tuf environ. 

De cette constatation, on a déduit divers para- 
doxes : les chutes d’eau peuvent avancer, au lieu 
de reculer; former des plaines alluviales, au lieu 
de les détruire; créer des lacs, au lieu de les drai- 
ner. Ces paradoxes d'ailleurs n’ont qu’un intérêt 
scientifique, le phénomène se produisant toujours 
sur un espace infime. 


Le service sismologique en Grèce dans les 
Balkans et dans l’Empire ottoman. — La Grèce, 
les Balkans et la Turquie sont remués par de graves 
secousses politiques et... sismiques. Le sismologue 
italien G. Agamennone regrette à bon droit que 
rien de sérieux ne soit fait en Turquie pour l'étude 
des tremblements de terre, qui y sont si fréquents 
et si graves. (Rivista di Astronomia e Sciense 
affini, juin.) 

Au début de 1895, M. G. Agamennone fut chargé 
par le gouvernement otloman d'installer en Tur- 
quie un service sismologique et de publier dans un 
bulletin les tremblements de terre observés en 
Turquie et également dans les pays voisins, spé- 
cialement la Grèce et la Bulgarie. Mais lorsque, 
deux ans après, il rentra en Italie, le Bulletin sis- 
mologique ainsi que le Bulletin météorologique, 
qui lui était antérieur, ne tardèrent pas à tomber. 

Heureusement, une louable émulation porta les 
petits pays limitrophes de la Turquie, qui se sont 
libérés de son joug à des époques diverses, à fonder 


N° 1418 


un service sismologique, généralement soudé au 
service météorologique. En janvier 1896, ce fut 
l'Observatoire d'Athènes qui commença la publi- 
cation mensuelle des sismes observés en Grèce. 
Vint ensuite le tour de la Bulgarie, où le professeur 
Watzof, directeur de l’Institut météorologique de 
Sofia, entreprit en 1902 de publier le relevé des 
secousses ressenlies en Bulgarie au xix° siècle, etc. ; 
puis, au début de 1905, il installa à Sofia une 
paire de pendules horizontaux Bosch, qui ont déjà 
enregistré 124 secousses en 1905 (25 avril-31 dé- 
cembre), 74 en 1906, 86 en 1907, 83 en 1908, 
108 en 1909. 

La Bosnie et l’Herzégovine publient le relevé des 
tremblements de terre depuis 1904; un microsis- 
mographe Vicentini fonctionne depuis 1905 à Sara- 
jevo; en outre, le professeur Mikaïilovich a publié 
une intéressante monographie des sismes serbes 
de 1901 à 1906 et a développé le service sismolo- 
gique déjà existant. 

Enfin la Roumanie, grâce à M. Hepites, a orga- 
nisé dès 1890 la publicalion des sismes observés 
depuis 1832; une paire de pendules Bosch à Buca- 
rest enregistre les secousses. 

Et la Turquie, qui avait déclanché ce mouvement 
de progrès, est retombée dans l'inaction complète 
et lindiférence vis-à-vis des études sismologiques; 
la Macédoine et les iles turques de l'Archipel et 
l'Asie Mineure continuent de subir périodiquement 
des tremblements de terre graves et même désas- 
treux sans que rien de sérieux soit fait pour étudier 
ces phénomènes; l’Empire ottoman veut rester en 
dehors de l'Association internationale de sismologie 
créée depuis une dizaine d'années. 


MÉTÉOROLOGIE 


La future carte météorologique biquoti- 
dienne de l’Eurasie. — La prévision scientifique 
du temps repose sur l'examen de la carte météoro- 
logique où l’on a tracé la distribution actuelle des 
pressions barométriques, de la température, des 
nuages, des vents : tous renseignements communi- 
qués à un bureau central par les stations météoro- 
logiques au moyen du télégraphe. Il importe que 
les observations communiquées aient été, autant 
que possible, recueillies simultanément, et que les 
stations d'observation soient réparties sur une 
importante portion du globe terrestre. 

Pour satisfaire à ces conditions, le général Rykat- 
chev, directeur du service météorologique russe, 
vient de proposer à ses collègues météorologistes 
des autres pays européens et asiatiques un vaste 
plan qui serait inauguré en 1915 et qui comporte- 
rait un système d'observations strictement simul- 
tanées, deux fois par jour, en des stations réparties 
sur tout le continent de l'Eurasie, y compris l'Is- 
lande et le Japon. 


COSMOS 


451 


Dès maintenant, pour l’Europe, le service d’ob- 
servation pourrait à peu près fonclionner dans les 
conditions voulues; mais en Sibérie, dans l'Inde, 
en Chine et au Japon, les observations se font à 
des moments différents suivant les stalions, et, en 
outre, les observations ne sont pas généralement 
communiqués par télégraphe. 

Les deux instants choisis, dans le nouveau sys- 
tème, pour faire le relevé simultané des éléments 
météorologiques, seraient 7 heures du matin et 
7 heures du soir, heure du méridien de Greenwich. 
La carte météorologique de lEurasie couvrirait, 
en longitude, plus de la moitié du globe. Celle du 
malin paraitrait dans les journaux du soir, et la 
carte du soir dans les journaux du matin. 


SCIENCES MÉDICALES 


Le dactylophone, appareil pour se faire 
comprendre des sourds. — Quand une personne 
ne peut se faire entendre distinctement d’un sourd 
ou d’un dur d'oreille, si elle ignore la mimique, 
la dactylologie (méthode des signes faits avec la 
main), si le sourd de son côté les ignore; si ce 
dernier ne sait pas ou ne peut pas lire sur les 
lèvres qui lui parlent, il ne reste à cette personne 
qu’un seul moyen de communiquer avec son inter- 
locuteur infirme : l'écriture. 

Or, à connaitre la dactylologie, la mimique, on 
ne rencontre guère que les sourds élevés dans les 
élablissements de sourds-muets (sourds de nais- 
sance ou de première enfance) et leur entourage 
immédiat. 

Quant à la faculté de lire sur les lèvres, même 
parfaitement acquise, elle est loin de toujours se 
prèler à la véritable conversation, quand elle n'est 
pas d'utilisation à peu près impossible pour ses 
fidèles, tant il y a de personnes chez lesquelles on 
ne distingue pas suffisamment les mouvements des 
lèvres, la position et les déplacements de la langue. 

Il en résulte que les sourds et les personnes 
dures d'oreilles vivent forcément dans un isole- 
ment qui est très pénible. 

Cette situalion a ému M. le D" M.-A. Legrand, 
un spécialisle des questions qui se rapportent à 
l'ouïe, et auquel nous avons emprunté les lignes 
qui précèdent. Il a imaginé, pour rendre toute 
communication facile avec les sourds, un appa- 
reil auquel il donne le nom de dactvlophone 
(étymologie que nous ne voulons pas discuter ici) 
qui permet de leur transmettre rapidement ce 
que Pon veut dire, et qui permet aussi aux muets 
d'exprimer leurs peusée sous une forme que tous 
peuvent comprendre. 

C’est une sorte de machine à écrire, avec clavier, 
mais qui, au lieu d'imprimer les caractères, les 
fait paraitre dans l'ordre voulu à la vue de lin- 
terlocuteur; ces caractères, de grand format, en 


452 


impression grasse, sont très visibles, même à plu- 
sieurs]mètres de distance. L'appareil montre ainsi 
successivement les syllabes, voire les mots entiers, 
en une succession rapide. 

L'usage de la machine est des plus simples et en 
quelques heures on devient expert dans son ma- 
niement. Flle sera singulièrement appréciée dans 
tous les milieux, et ils sont nombreux, où on a 
affaire à des personnes atteintes de surdité plus 
ou moins avancée (1). 


Le prix Nobel pour la médecine. — Le prix 
pour 1912 a été attribué au D' Alexis Carrel, chi- 
rurgien français, que les tracasseries administra- 
tives ont forcé à s’exiler et qui, aujourd'hui, occupe 
une haute situation à l’Institut Rockefeller de New- 
York pour les recherches médicales. Les travaux 
du D" Carrel, qui ont eu un grand retentissement, 
ont pour objet principal les sutures des vaisseaux 
sanguinset la transplantation des organes vivants. 
Le prix est cette année de 195000 francs. 


RADIOTÉLÉGRAPHIE 
La T. S. F. en aéroplane aux manœuvres 
militaires. — La T. S. F., aux dernières ma- 


nœuvres, a complété le service d'éclaireurs joué 
par les aéroplanes; le succès de notre cinquième 
arme est très justement souligné par l’Zndustrie 
électrique (10 octobre). 

Un biplan Maurice Farman de l’escadrille 2 était 
muni d'un appareil de transmission et une petite 
station volante de réception suivait le convoi des 
tracteurs de l’escadrille et était installée chaque 
fois près des terrains d'atterrissage. 

Pendant les reconnaissances effectuées par le 
biplan, la communication avec la petite station 
était établie d’une façon permanente, de sorte que 
l'on était renseigné à tout instant sur la situation 
et sur les évolutions de l'avion. 

Nous citerons une des plus belles reconnais- 
sances effectuées. Partis de Mirebeau le 16, les 
aviateurs se dirigèrent vers l’ennemi et relevèrent 
toutes les positions dans la contrée, entre Courcoué, 
Sainte-Maure, Sepmes et Dangé. Les renseigne- 
ments furent transmis au fur et à mesure à l'état- 
major, de sorte que ceux-ci parvenaient immédia- 
tement à destination. Si l’on songe que cette 
reconnaissance a été de deux heures, les premiers 
renseignements envoyés par l'avion en arrivant 
sur les lignes ennemies sont donc parvenus une 
heure trois quarts avant le retour des aviateurs, 
c'est-à-dire une heure trois quarts plus tôt que par 
reconnaissance sans l'emploi de T. S. F. 

C'est gràce au transmetteur à émissions musi- 


(1) Les personnes qui ont intérêt à approfondir la 
question peuvent demander lartiele complet du 
D' Lcgrand à la revue lOuie, 2, rue des Volontaires, 
à Paris, qui l'envoie gracieusement sur demande. 


COSMOS 


24 OCTOBRE 1912 


cales, système Rouzet, que de tels résultats ont été 
obtenus. (Voir la description dans le Cosmos, 
n° 4430, t. LXVI, p. 676.) 

M. Rouzet, qui accomplissait une période volon- 
taire pendant ces manœuvres, afin d'assurer la 
bonne marche de ces premiers essais, a observé un 
fonctionnement parfait aux différentes hauteurs, 
Lorsque l’avion évoluait entre 500 et 1 600 mètres 
de hauteur, la communication était excellente. Le 
brouillard ou les nuages souvent interposés entre 
l'avion et le poste récepteur ne gènaient en rien la 
communication. 

Ajoutons que l'appareil est d'une conduite facile. 
Un sapeur du génie, ayant fait un stage de deux 
mois seulement au bataillon de télégraphistes et 
n'étant jamais monté en aéroplane, a exécuté par- 
faitement la manœuvre lors de sa première envo- 
lée, transmettant ses impressions et les observa- 
tions par T, S. F. à une vitesse de manipulation de 
900 mots par heure. 

En songeant que le dispositif est complété par 
l'avantage de pouvoir être isolé des autres stations 
de T. S. F. (pendant les manœuvres, les autres sta- 
tions de T. S. F. de l’armée n’ont nullement trou- 
blé les communications de l'avion) et que plusieurs 
avions peuvent ètre reliċs à des postes récepteurs 
sans que les communications se troublent, on con- 
çoit les nombreux services que l’on peut attendre 
de l’application de la T. S. F, aux aéroplanes. 


La télégraphie sans fil au service des expé- 
ditions polaires. — L'expédition Amundsen au 
pôle Nord, qui doit partir en 1913, aura à bord de 
son navire, le Fram, une installation radiotélégra- 
phique fournie gratuitement par la Compagnie 
allemande Telefunken. 

Le Fram pourra communiquer particulièrement 
avec la station radiotélégraphique terrestre du 
Spitzberg, distante du pôle de 4 650 kilomètres, et 
dont la portée est évaluée à 4 000 kilomètres le 
jour et à 2 000 kilomètres la nuit, en sorte que le 
bâtiment portant les explorateurs recevra sûrement 
des informations régulièrement durant la longue 
nuit polaire, et peut-être aussi, quoique irréguliè- 
rement, aux autres époques. 

Il n’est pas sûr que le Fram puisse aussi bien 
envoyer à destination des télégrammes : le fait 
dépendra de sa distance au Spitzberg, de la puis- 
sance de son poste et de l’antenne qu'on pourra 
loger à bord. Cependant, comme les explorateurs 
doivent demeurer absents durant cinq ou six ans, il 
y a bien des chances pour que de temps à autre les 
conditions leur soient favorables et qu'ils puissent 
transmettre leurs dépèches jusqu’au Spitzberg. 


ART DE L'’'INGÉNIEUR 


Appareil de sécurité contre les déchirures 
du tuyautage de vapeur. — On n'ignore pas les 


No 1418 


cruels accidents qui se sont produils à différentes 
reprises dans les machineries et dans les chambres 
de chauffe, par l’éclatement des tuyaux de conduite 
de la vapeur. 

M. Boudouin, mécanicien de la marine mar- 
chande, bien placé pour connaitre lės risques de 
telles éventualités, a imaginé un système pour 
remédier au mal, système automatique, bien pré- 
férable à tous ceux basés sur une manaœuvre à la 
main, manœuvre qui ne se fait pas ou qui arrive 
toujours trop tard. 

Nous n’entreprendrons pas de décrire en détail 
le système de M. Boudouin, dans lequel d’ingénieuses 
dispositions parent à toutes les éventualités; nous 
en dirons seulement le principe : 

Sur la conduite principale de vapeur est inter- 
posée une bolte en fonte comportant une soupape 
entre le tuyau d'arrivée de la vapeur de la chau- 
dière et celui qui la conduit aux machines. Cette 
soupape est commandée par un piston qui, en 
marche normale, la conserve entièrement ouverte. 
Mais ce piston reçoit la pression de la vapeur, non 
seulement sur sa face inférieure faisant partie de 
la conduite, mais aussi par un tuyau auxiliaire sur 
sa face supérieure. Dans ces conditions, si une 
rupture de la conduite du tuyautage se produit au 
delà de cet organe, il y a dépression plus ou moins 
` brusque et plus ou moins importante dans la boite 
en fonte; aussitòt la vapeur au-dessus du piston 
agit pour la faire descendre et, par suite, ferme 
la soupape à laquelle il est relié. Inutile d'ajouter 
que si tel est le principe de l'inventeur, l’applica- 
tion en est singulièrement moins simple ; il a fallu 
imaginer une foule d'organes pour en rendre le 
fonctionnement sûr et rapide. 

Quoique l'appareil mait été imaginé qu'en vue 
des déchirures du tuyautage, il n’est cependant 
pas moins vrai que, si une partie de chaudière 
venait à éclater, la dépression produite, de ce 
fait, dans le collecteur amènerait la fermeture 
des appareils de toutes les chaudières en com- 
munication avec ledit collecteur, et empêcherait 
ainsi la vidange de ces dernières dans celle avariée. 

Il est à souhaiter que ce système, peu coûteux, 
en somme, soit appliqué, non seulement dans les 
navires, pour lesquels il a été imaginé, mais dans 
toutes les usines où l’on emploie la vapeur sous 
pression. 


Après le cinquantenaire du moteur à gaz. 
— On a inauguré une plaque commémorative à la 
maison natale de Etienne Lenoir, l’inventeur du 
moteur à gaz et à pétrole, né à Mussy-la-Ville, 
petite commune du Luxembourg. 

Parti pour Paris à l’âge de seize ans, Etienne 
Lenoir, d'abord ouvrier émailleur, inventa un 
nouvel émail blanc; puis, coup sur coup, un pro- 
cédé de galvanoplastie, le compteur d'eau, un 
mode d’étamage des glaces, des améliorations 


COSMOS 


453 


dans le tannage des cuirs, divers signaux et freins 
pour les chemins de fer. La Sociélé d’encourage- 
ment et l'Institut de France lui décernèrent des 
récompenses. Mais son œuvre la plus importante, 
ce fut sa « machine à air dilaté par la combustion 
du gaz », c’est-à-dire le moteur à gaz. Lenoir le 
trouva en 1859, prit un brevet l’année suivante et, 
en 1863, parvint à substituer au gaz, quand on le 
voulait, le pétrole et la benzine. 

Et il imagina même une automobile, embryon 
des voitures actuelles. Il mourut en 1900. 


ART MILITAIRE 


Nouveaux obus. — [ans le dernier numéro 
(p. 424), on relatait les premières expériences 
faites à Cherbourg avec les nouveaux obus à écla- 
tement retardé. Elles se sont continuées, et les 
résultats oblenus sont tels qu'ils font prévoir, à 
quelques marins, un changement radical dans les 
flottes militaires. 

Voici comment le correspondant du Yacht rend 
compte de ces dernières expériences : 

«Les tirs sur le Veptune ont continué le 2 octobre. 
On tirait avec une pièce de 24 centimètres du fort 
de Caplain, situé dans l'est de la rade, et, cette 
fois, sur la cuirasse de ceinture, à bâbord milieu 
et à la flottaison. 

» Le premier projectile tiré fut aussi le dernier; 
on vit s'élever une haute colonne d’eau à l'endroit 
où il avait éclaté, puis le Neptune s'inclina sur 
bâbord et coula rapidement, par 6 mètres de fond. 

» Nous avions vu déjà couler, dans des condi- 
tions analogues, le Duperré et l’Iéna, en rade des 
Salins-d’Hyères. C’est une nouvelle et victorieuse 
réponse à ceux qui mettent en doute la puissance 
de notre armement. 

» Nous avons donc des obus qui produisent l'effet 
foudroyant d’une torpille; et notons qu'il ne s’agit 
que du calibre de 24 centimètres, dont certains 
auteurs étrangers ont plaisanté la faiblesse à pro- 
pos de l'armement de nos « Danton »; notons aussi 
que, récemment, le Mirabeau a mis 30 pour 100 
de coups au but à 12 000 mètres de distance, avec 
ses canons de 24 centimètres. Nous faisons ces 
constatations sans autres commentaires. 

» Les scaphandriers ont constaté que le projec- 
tile tiré avait fait une énorme déchirure à la 
coque; la chose était probable, vu la rapidité avec 
laquelle le cuirassé s'était enfoncé. Ces résullats 
pourraient bien faire revenir sur l'eau la question 
des bateaux-canons rapides. » 

Grâce à ce nouveau progrès, les combats mari- 
times semblent devoir ètre bien simplifiés : dès les 
premiers coups de canon, lennemi atteint disparai- 
trait, et la victoire appartiendrait au premier feu, 
On peut encore prévoir le cas des coups fourrés 
qui feraient disparaitre en mème temps les deux 
adversaires. 


COSMOS 


2% oCTOBRE 1912 


Nouvelles machines à merceriser. 


Le mercerisage du coton est, on le sail, un mode 
d’apprèt consistant à faire agir sur les fibres for- 
tement tendues une lessive concentrée de soude 
caustique : le coton prend et garde l'aspect de la 
soie. Le procédé fut découvert en 1896 par Thomas 
et Prévost, deux teinturiers lyonnais établis à 
Crefeld, le grand centre allemand du tissage des 
soieries. En cherchant à teindre convenablement 





Aussitòt ils prirent des brevets et firent connaitre 
la méthode à tous les filaleurs et tisseurs de coton. 
Le succès fut tel que le concessionnaire français 
des brevets Thomas-Prévost ne versait aux inven- 
teurs pas moins de 100 000 francs l'an. 

Hélas! comme cest le cas chaque fois qu'on 
prend un brevet pratiquement important, tout 
aussitôt les inventeurs eurent à lutter contre deux 
genres d'ennemis: 41° Les contrefacteurs qui, sous 
prélexte de perfectionnements plus ou moins véri- 
tables, prennent aussi force brevets, quitte à 
employer secrètement la méthode primitive; 2° les 
chercheurs d’ « antériorités », qui dénichent dans 


une étoffe moitié soie moitié coton, ce qui n'est 
pas facile, étant donné que la plupart des colo- 
rants n'ont pas la même affinité pour un genre de 
fibre que pour l'autre, ces techniciens furent 
amenés à tendre l’étoffe dans un bain très alcalin. 
Ils s’aperçurent finalement avec surprise qu'à la 
suite de la baignade les fils de coton avaient, ou 
presque, le même brillant que ceux de soie. 


F1G. 1. — MACHINE A AXE TOURNANT HORIZONTAL. 
Côté mercerisage. 


les vieux brevets et les anciennes revues techniques 
des cilations prouvant que l'invention n’est pas 
nouvelle. | 

Cette fois, les pilleurs d'épaves eurent beau jeu : 
un savant anglais, Mercer, avait déjà, en 1851, 
inventé le mercerisage, ainsi baptisé de son nom. 
Sans doute l’opérait-il alors sans tension, ce qui ne 
donne pas de brillant; mais un autre chimiste, 
Lowe, avait en 1889 rebreveté le mercerisage en 
parlant, sans d’ailleurs avoir l'air d'y attacher 
grande importance, de la fameuse « tension » 
indispensable. 

Si bien que Thomas et Prévost virent en peu de 


N° 1448 


temps le Patentamt de Berlin reconnaitre qu'il 
s'était trompé — ce qui, pour une administration 
officielle, est un bel exemple d'’héroïsme! — annuler 
en conséquence le brevet Thomas-Prévost, puis 
tous les filateurs ou teinturiers s'occuper de merce- 
risage. Aussi, le traitement des filés, par exemple, 
qui coûtait 2 francs par kilogramme à l'origine, 
fut-il vite réduit à 0,75. 

On peut se demander, étant donné le succès 
extrèmement rapide du mercerisage moderne, 
pourquoi les brevets Mercer et Lowe avaient fait 
un complet fiasco. Ceci provient de ce que le 
« brillant » qu'on recherche avant tout n'est par- 


COSMOS 


455 


failement oblenu que par la combinaison minu- 
lieuse de plusieurs conditions: emploi de cotons 
égypliens « jumels » ou américains « longues 
soies » à l'exclusion des autres variétés; « gazage » 
préalable des fils ou tissus passant dans la flamme 
d'un brüleur à gaz où brülent tous les petits duvets 
dépassants; emploi de lessives froides, etc. Les 
praticiens qu'étaient Thomas et Prévost — grâce 
peut-être au hasard qui les favorisa! — mirent le 
mercerisage bien mieux au point que ne l'avaient 
fait leurs prédécesseurs., Aussi, malgré de nom- 
breuses tentatives de perfectionnement, la méthode 
d’apprêt est-elle toujours, en principe, restée sem- 





F1G. 2. — MACHINE A AXE TOURNANT HORIZONTAL. 
Côté mécanisme. 


blable. Les seules modifications importantes réa- 
lisées au cours de ces dernières années consistent 
dans l’appareillage : en principe, la machine produit 
toujours le même traitement du filé, mais elle 
permet d'opérer plus régulièrement, plus rapide- 
ment et plus économiquement, à raison de la 
récupération de soude et de la grosse production 
par appareil et par ouvrier. 

C’est ainsi qu'aux machines primitives pour filés 
à marche alternative réglée par louvrier, on 
substitue maintenant des appareils mercerisant de 
façon automatique et continue. Les écheveaux 
doivent être tendus entre des « guindres » tournant 


lentement, de sorte que toutes les fibres soient 
bien également traitées, puis baignées dans la les- 
sive sodique. Il est ensuite indispensable d'enlever 
le liquide d'imbibition par pressage et rinçage, 
parce que, sans cela, dès qu’on cesserait de tendre 
les fils, ceux-ci raccourciraient en perdant leur 
brillant. Dans les anciennes machines (1), les paires 
de guindres étaient généralement alignées sur des 


(1) Nous ne pouvons, faute de place, les décrire ici, 
mais il sera facile au besoin de se documenter sur la 
question en lisant le petit volume le Mercerisage, que 
nous avons publié dans l'Encyclopédie scientifique de 
M. Léauté. 


456 


sommiers qu'on pouvait écarter l’un de l’autre 
par un piston de presse hydraulique, des vis mises 
mécaniquement ou des leviers à contrepoids. Dans 
les machines continues, on a réuni les éléments 
mercerisants autour d'un arbre central horizontal 
si les guindres sont placées selon les génératrices 
d’un cylindre (fig. 1) vertical quand elles sont dis- 
posées radialement (fig, 3). 

En principe, l'appareil est le même, que l'arbre 
soit horizontal ou vertical, cette dernière forme, 





F1G. 3. — MACHINE A AXE TOURNANT VERTICAL. 


plus récemment innovée, paraissant seulement 


préférable au point de vue facilité de construction . 


et solidité à l'usage. 

Dans tous les cas, les écheveaux sont placés sur le 
devant de la machine, entre deux solides cylindres, 
lesquels sont à ce moment rapprochés; mais à la 
phase suivante, dès que, le « revolver » ayant fait 
un sixième de tour, les bras se dirigent vers le 
bas (fig. 1, 2) ou vers la droite (fig. 3), ils s'écartent 
de façon à tendre l'écheveau. Ce dernier ou bien 
plonge alors dans un bac plein d’une lessive de 
soude, ou bien reçoit le réactif sous forme d'une 
pluie fine. Après un temps d'arrêt assez court, pen- 
dant lequel l’ouvrier a dégarni, puis rechargé 
l'élément suivant, l’'écheveau passe à la station 
suivante, où se poursuit le traitement par la soude. 
Vient ensuite une période d’essorage, sous l’in- 
fluence d’un rouleau caoutchouté appuyant forte- 


COSMOS 


24 OCTOBRE 1912 


ment contre le cylindre qui supporte les fils. Après 
nouvelles petites courses, nouveaux arrêts et 
lavages, d'abord à l'eau chaude, puis à l'eau 
froide. Pendant toutés ces évolutions, l’écheveau 
se déroule toujours par suite de la rotation d’une 
des guindres sur elle-même, ce pour que toute la 
masse des fils soit bien uniformément pénétrée et 
apprètée. L'écheveau mercerisé et lavé a, de stade 
en stade, cheminé tout autour de l’arbre à revolver, 
si bien qu’il arrive là où il fut placé tout d'abord : 
la guindre de tension se détend alors, et il est facile 
de retirer l’écheveau pour aussitôt en replacer un 
autre....., et le cycle continue ainsi sans cesse. 

On conçoit que de la sorte un ouvrier — forcé 
de suivre la vitesse de sa machine, réglée une fois 
pour toutes — puisse produire bien plus qu'avec 
un métier où il règle à chaque opération, tension, 
durée d’action des bains, lavage... En outre, le tra- 
vail est forcément plus régulier. Aussi les nouveaux 
appareils se substituent un peu partout aux anciens, 
surtout depuis que, outre les métiers allemands 
compliqués (fig. 2), coùteux, lourds et trop aisé- 
ment détraquables, il existe des métiers de prove- 
nance anglaise bien plus simples (fig. 3). 

Tout perfectionnement de ce genre doit être 
d'autant mieux accueilli que le consommateur 
profite toujours des progrès accomplis : il paye un 
peu moins cher l’objet manufacturé, ce qui est 
important, surtout quand il s’agit d’un produit 
comme le coton mercerisé, succédané bon marché 
de la soie. A noter que, dans ce cas, le bon marché 
ne correspond pas à une qualité médiocre: le 
coton mercerisé est plus solide que le coton ordi- 
naire. Il est même curieux de constater le fait, car 
de tous les traitements chimiques des textiles 
(blanchiment, teinture, apprèt), seul le merceri- 
sage produit un tel effet! Au reste, tous ou presque 
tous ont fait usage du produit, souvent, d’ail- 
leurs, sans y prendre garde, parce que le vendeur 
l'avait qualifié de « soie végétale », « simili », 
« luciole », que sais-je encore... ; ou parce que le 
fabricant avait si bien su le marier à d'autres fils 
tissés moins brillants que nous le prenions pour 
de la soie! Ceci pour bien montrer que, malgré 
les idées généralement répandues, le mercerisage 
est une des plus importantes spécialités de l’apprèt 
des fils et tissus. 

H. Rousser. 





On cinématographe à main. 


Le manque de stabilité des appareils limitait 
jusqu'à présent la prise des vues cinématogra- 
phiques en plein air, dans les cas de mouvements 
inattendus ou dẹ scènes passagères inopinées. Afin 
d'assurer la netteté des pellicules, on fixe solidement 


le cinématographe sur un trépied assez lourd, par 
conséquent difficile à transporter et long à mettre 
en place au moment voulu. Cette condition de stabi- 
lité est d'autant plus nécessaire que les moindres 
tremblements ressentis par la bande se trouvent 


N° 1448 


démesurément agrandis par la projection, l’image 
cinématographique, qui ne dépasse pas 20 milli- 
mètres sur 25 milhmètres, allant se reproduire sur 
un écran de plusieurs mètres carrés. 

Un inventeur polonais, M. G. de Proszynski, vient 
d'apporter un remède à ces inconvénients, grâce 
au gyroscope et à l'air comprimé. Son cinémato- 
graphe détective représenté ci-dessous résout, en 
effet, ce difficile problème technique. Il ne pèse 
guère plus qu’un kodak, et on peut prendre avec 
lui des vues à l’improviste ou des images d'objets 
se déplaçant selon une direction imprévue. 

Voici les considérations théoriques qui l'ont 
guidé dans la construction de son appareil. 

Les tremblements des cinématographes ont 





F1G. 1. — INTÉRIEUR DU CINÉMATOGRAPHE A MAIN. 
LE MOTEUR ET LES TUBES D'AIR COMPRIMÉ. 


diverses causes. Ils proviennent, indépendamment 
des perturbations extérieures, soit du mécanisme 
déroulant le film d’une facon saccadée, soit de la 
main de l’opérateur qui l’entraîne par l’intermé- 
diaire d’une manivelle. Mais ils se ramènent tous 
à des déplacements parallèles à eux-mêmes en 
n'importe quel sens, à des oscillations autour de 
l'axe optique du cinématographe ou à des oscilla- 
tions ayant leurs axes perpendiculaires à ce 
dernier. Un caleul simple montre qu’en l'occurrence 
on peut considérer comme nulles les deux premières 
catégories de mouvements; il suffira donc d’em- 
pêcher ou de diminuer très notablement les oscil- 
lations dont les axes sont perpendiculaires à l'axe 
optique de l'appareil, pour obtenir des impressions 
très nettes. 


COSMOS 457 


Le cinémalographe de Proszynski surmonte ces 
difficultés sans le secours du trépied. L’opératéur 
n’a pas besoin non plus de la manivelle. Il s'inquiète 
seulement de diriger son objectif afin que les 
objets à cinématographier ne sortent pas de son 
champ de visée. 

Pours'opposer aux légères secousses de l'appareil}, 
le savant physicien s’est adressé au gyroscope, 
dont il calcule les éléments et la vitesse en faisant 
entrer en ligne de compte, d'une part, la force 
approximative du tremblement de la main et le 
poids du cinématographe et, d'autre part, le 
maximum admissible du déplacement de l'impres- 
sion sur le film ou sur la rétine en un temps donné. 

Cependant, si le gyroscope amortit les oscillations 


EE te 





F1G. 2. — VOLANT GYROSCOPIQUÉ 
ET MÉCANISME DE DÉROULEMENT DE LA PELLICULE. 


furtives et rapides, il n'empèêcherait pas les mou- 
vements lents dus à la manivelle; pour la supprimer, 
l'inventeur emploie un moteur à air comprimé, 
occupant un faible espace et assez fort toutefois 
pour entrainer la pellicule à la vitesse nécessaire, 
car les dynamos, les machines à explosion ou les 
ressorts capables de dérouler 100 à 150 mètres de 
bande (5 000 à 7 500 vues environ) pèseraient beau- 
coup et seraient, en outre, trop encombrants. 

A l'intérieur de l'appareil, qui a la forme d’une 
boite rectangulaire de 15 X 22 X 95, se trouvent 
donc un moteur gyroscopique, un réservoir d'air 
composé de 5 tubes d'acier, un manomètre et un 
mécanisme cinématographique de 150 mètres de’ 
film, avec compteur de bande, bouton. de démar- 
rage, levier de vitesse et autres accessoires (fig. 1). 


458 


Une charge d'air suffit pour le déroulement d'une 
pellicule entière (450 mètres), c'est-à-dire pour 
l'impression de 7 000 à 8 000 images. Après épuise- 
ment, on recharge très vile l’appareil au moyen 
d'une petite pompe à main spéciale, analogue 
à celles dont se servent les bicyclistes pour gonfler 
leurs pneus. 

Le nouveau cinématographe de Proszynski se 
manœuvre aisément, comme on le voit. En dépit 
du moteur gyroscopique (tig. 2), on opère avec cet 
appareil dans tous les sens, on surprend l’objet 
à cinématographier aussi facilement qu'un chasseur 
épaule son fusil pour viser un lièvre s'enfuyant; 


COSMOS 


2% OCTOBRE 41942 


on suit sans difficulté le voi d’un oiseau, les évo- 
lutions d'un aéroplane ou d’un dirigeable, qu'on 
soit même à cheval ou en voiture. Il suffit de faire 
faire un demi-tour au bouton de démarrage pour 
que la pellicule se déroule automatiquement et 
qu'on puisse prendre à l'improviste la succession 
des images représentant une scène animée quel- 
conque. 

Remarquons enfin que cette invention s’appli- 
quera également aux lunettes et surtout aux 
jumelles prismatiques dont le manque de fixité 
pendant les visées empêche parfois de bien dis- 
tinguer les objets éloignés. JacQUES BoYER. 





TÉLÉGRAPHIE SANS FIL © 


Réception à domicile 


des signaux horaires 


et des radiotélégrammes météorologiques de la tour Eiffel. 


Réception des signaux et télégrammes. 


Vers 10:40" du maltin, portons à l'oreille le 
récepteur téléphonique, et, au moyen de l'inter- 
rupteur, fermons le circuit. À ce moment, nous 
devons percevoir un claquement sec, suivi d’un 
léger sifflement qui s'arrête bientot si la force 
électromotrice de la pile est convenable. 

A 10°40m commence une série de crépitements 
longs et brefs traduisant en son les traits et les 
points de l'alphabet Morse (2). Ces crépitements 
sont un préambule annonçant les signaux horaires : 


XXX = Paris Observatoire = Signaux horaires 


L'heure exacte est donnée ensuite par un point 
à 1045", à 40h47" et à 10:49, Le premier signal 
est précédé d'une série de traits; le second, d’une 
série de traits suivis de deux points, et le troisième, 
d'une série de traits suivis de quatre points. 

Viennent immédiatement après, et sans inter- 
ruption, deux tlélégrammes météorologiques, le 
premier donnant la pression barométrique, la 
direction et la vitesse du vent, ainsi que l'état de 
la mer relevés dans diverses stations météorolo- 
giques d'Europe et d'Amérique; le second faisant 


(D Suite, voir p. 427. 

(2) On trouvera leur signification dans la plupart 
des dictionnaires et, avec toutes les indications de ser- 
vice, à la troisième page de la couverture de l'alma- 
nach que distribuent les facteurs du télégraphe au 
moment des étrennes. Nous représenterons ici ces 


diverses indications par les signes suivants : appel : 
X; Séparation : —; attente : —; fin de transmission : 
+; fin de travail : +; compris : compris; invitation 


à Uransmettre : inu. à tr. 


connaitre la situalion atmosphérique de Paris à 
4030m, 
Voici, par exemple, les télégrammes du 5 octobre : 


= BCM = R. 330% = V. 70454 = O. 741222 — 
C. xxxxxx — H. 722211 — S. 64303 — très forte 
pression ouest et centre Europe profonde dépression 
s’avance vers Islande — — KR. 33081 — V. 701454 — 
O. 741222 — C. xxxxxx — H. 722211 — S. 64303 = 
très forte pression ouest et centre Europe profonde 
dépression s’avance vers Islande = = Paris = vent 
6 mètres stationnaire nord nord est croît pression 772 
décroît ciel découvert soleil — — v 6 m ss nord nord 
est ce p 712 dd ciel découvert soleil + FL FL + 


En se reportant aux indications données p. 309 
du numéro 1390 (16 septembre 1941), il sera facile 
de traduire ces télégrammes, en notant toutefois 
que le zéro n'est pas donné par cinq traits comme 
l'indique l'alphabet Morse, mais par un seul trait, 
et que les observations manquantes sont rempla- 
cées par un nombre équivalent de lettres x, et non 
de chiffres 9. 

Les deux premiers chiffres de chaque groupe 
donnent, comme il a été indiqué, la pression baro- 
métrique en millimètres au-dessus de 700. Les 
deux suivants font connaitre la direction du vent; 
le cinquième, sa vitesse, et le sixième, l’état de la 
mer, d'après les conventions suivantes : 


DIRECTION DU VENT 


02 = NNE 18 = SSW 
04 = NE 20 = SW 
66 = ENE 22 = WSW 
0o = E 2 = W 

10 = ESE 25 = WNW 
12 = SE 28 = NW 
14 = SSE 30 = NNW 
16 = S 32 =N 


N° 1148 
VITESSE DU VENT Aires 
par secuade 
D Caine pes admises 0 à ‘1 
1 = Presque calme................. 1 à 2 
2 — Très faible. — Légère brise.... 2 à 4 
3 — Faible. — Petite brise.......... &4 à 6 
4 — Modéré. — Jolie brise......... 6 à 8 
5 — Assez fort. — Bonne brise..... 8 à 10 
6 — Fort. — Bon frais....... és 10 à 12 
7 = Très fort. — Grand frais....... 12 à 14 
8 — Violent coup de vent.......... 45 à 16 
= Tompele rire uma plus de 16 
ETAT DE LA MER 
0 — Calme 5 — Houleuse 
1 — Très belle 6 — Très houleuse 
2 — Belle 7 = Grosse 
3 — Peu agitée 8 — Très grosse 
4 — Agitée 9 = Furieuse 


On obtiendra donc, pour le premier télégramme, 
la traduction suivante : 


— Bureau central météorologique = REYKIAVIK : 
pression 733, vent d'est presque calme = VALENTIA : 
pression 770, vent de sud-sud-est assez fort, mer agi- 
tée = OveEssanr : pression 77%, vent de sud-est très 
faible, mer belle — La CoRoGNE : pas d'observations 
= HonrTA : pression 772, vent d’ouest-sud-ouest presque 
calme, mer très belle — SAINT-PIERRE-MIQUELON : pres- 
sion 764, vent de nord-nord-ouest faible — SITUATION 
ATMOSPHÉRIQUE GÉNÉRALE : très forte pression ouest et 
centre Europe; profonde dépression s’avance vers 
Islande. 


Après répétition complète de ce télégramme, 
celui relatif à la situation atmosphérique de Paris 
donne : 

4° La vitesse du vent au sommet de la tour 
Eiffel en mètres par seconde et le sens de sa varia- 
tion; 

2° La direction du vent et le sens de sa rotalion 
vers le nord ou vers le sud ; 

3° La pression barométrique au Bureau central 
météorologique et le sens de sa variation; 

4° L'état du ciel; 

5° Les conditions particulières. 

Ce télégramme est ensuite répété en abrégé, et 
le tout se termine par l'indicatif FL de la station 
de la Tour Eiffel. 

L'état de l’atmosphère à Paris à 7"30" du matin 
et à 230m du soir est donné de Ja même manière 
à 8" et à 3". L’intensilé du son à la réception 
est moindre, le poste utilisé pour la transmission 
de ces deux télégrammes étant moins puissant que 
celui qui sert à l’émission des signaux horaires. 
Les télégrammes relatifs à l’état atmosphérique 
de Paris ne sont pas donnés le dimanche ni les 
jours fériés. 

A 44°45m, à 14°47m et à 1149" du soir, une nou- 
velle série de signaux horaires est envoyée de la 
mème façon que le matin. Elle est précédée de 


COSMOS 


459 


battements rythmés, analogues à ceux d’un métro- 
nome, qui servent à l'envoi extrêmement précis 
de l'heure par la méthode des coïncidences télé- 
phoniques. 

Voici, au sujet de ces battements, les explicz- 
tions fournies par la stalion de la Tour Eiffel : 

« Chaque nuit, à 23*30™ environ, il est transmis 
une série de 480 points radiotélégraphiques espacés 


de (1 — 5) seconde environ, les 60° et 120° étant 


supprimés pour établir des repères de comptage. 
Cette série est écoutée à l'Observatoire de Paris 
dans un récepteur de T. S. F. et comparée aux 
battements d’une pendule garde-lemps par la mé- 
thode des coïncidences. Un calcul très simple per- 
met de passer des heures notées à la pendule des 
coincidences à celles exactes à un ou deux cen- 
tièmes près des 1° et 180° points de la série, qu'on 
transforme en heures temps légal en ajoutant la 
correction correspondante de la pendule. 

» Ces dernières heures sont transmises aussitòt 
après le signal horaire de 23"49"0*, de la manière 
suivante : 

» Siles heures des 1% et 180° battements sont, 
par exemple, 23"30"13:,28 et 23:33"8°,80, on 
transmet les deux groupes de chiffres suivants 
répétés deux fois : 


= = 301328.330880 = 301328.330880 = = 


» Pour connaitre avec une grande approximation 
la correction à apporter à un chronomètre ou à une 
pendule de précision par rapport à l'heure légale 
de Observatoire, il suffit d'écouter ses battements 
par l'intermédiaire d'un microphone, en même 
temps que la série des 180 points transmise par la 
Tour Eiffel. On calcule ensuite les heures du chro- 
nomètre ou de la pendule aux moments du 1° et 
du 180° points. En retranchant ces heures respec- 
tivement de celles correspondantes qui sont radio- 
télégraphiées par la Tour, on oblient deux valeurs 
de la correction du chronomètre ou de la pendule 
qui doivent concorder à deux centièmes près. » 

Ce mode d’envoi très précis de l'heure a été 
inauguré le 29 juillet. Jusqu'au 1°" octobre, les 
signaux rythmés ont élé émis avant les signaux 
horaires du matin, pour permettre aux observateurs 
de s’exercer commodément. Les heures des {°° et 
180° baltements étaient alors données immediate- 
ment avant le télégramme BCM. Depuis le fr oc- 
tobre, ce service est fait la nuit, de facon à per- 
mettre aux Observatoires de province qui ont pu 
faire des observations d'étoiles d'indiquer, le cas 
échéant, par télégraphie ordinaire, la correction à 
apporter à la pendule directrice. 

Les heures des iè? et 180° battements sont main- 
tenant répétées trois fois : 


= 905920 BOAT = = DOUDOU GASETE = = 20502, 
Jr 


5471 L FL FL == 


460 


Après les télégrammes météorologiques étaient 
transmis jusqu'à ces derniers temps des appels et 
des télégrammes chiffrés destinés aux postes se- 
crets. Actuellement, on entendra presque tous les 
jours, de 1" à 2" de l'après-midi, des exercices 
en francais, en allemand, en anglais ou en chiffres 
avec Toul (GTL), Verdun (GYR), Épinal (GÉN) et 
Belfort (GBT). 

A 8° du soir commence, au poste à émission 
musicale, l'exercice dit « service de la marine » 
avec les postes côtiers de France et les postes mili- 
taires d'Algérie, de Tunisie et du Maroc (1). 

Cet exercice débute ainsi: 


xxx = Tous tous de FL FL — bsr les amis (ou 
bsr les vieux, ou bsr les vx amis, ou bsr lous les amis, 
ou bsr ts les amis) = (ou +). 

XXX = TD TU TD de FL FL FL = ici sa sa sa = 
TD TD de FL FL inv. a tr. 


La Tour, après un bonsoir (bsr) aux amis, appelle 
Dunkerque (TD), lui fait savoir qu'il n'y a rien de 
nouveau à lui transmettre (sa)et l'invite à répondre., 
Le mot « ici » est souvent omis. 

Après réponse de Dunkerque, la Tour reprend : 

XXX = TD TD TD de FL FL = compris compris 
compris mi ini bsr les amis + 

>» «x = TC TC TC de FL FL = ici sa sa sa = TC 
TC de FL inv. atr. 

Elle fait savoir à Dunkerque que sa réponse a 
été comprise, dit « merei » (mi) aux amis, et, leur 
ayant souhaité le bonsoir, appelle Cherbourg (TC). 

L'exercice continue ainsi dans l’ordre qui a été 
indique. 

Souvent, les réponses de Cherbourg, de Brest, 
de l'escadre de la Manche et de Lorient sont mal 
entendues par la Tour. Elle demande alors à Ro- 
chefort, dont la réception est presque toujours 
excellente : 

eu — TR TR TR de FL FL FL = ici sa sa sa 
qu'ont dETETC TO TO HS HS TLTL??=ici sa sa 
sa qu'ont dit TC TC TO TQ HS HS TL TL??? =TRTR 
de FL inv. atr. 

Toulon (Mourillon) est de même très souvent 
interrogé sur ce qu'ont dit Ajaccio et lescadre de 
la Méditerranée ou, à son défaut, Toulon (instruc- 
tion): IT. | 

Oran doit aussi presque toujours répéter ce qu'ont 
dit Fez et Taourirt. 

On entendra assez souvent poser des questions 
comme celle-ci: 

M ee == TN TN TN de FL FL FL = avez-vous en- 
tendu TZ TZ?? avez vs entendu TZ TZ?? = TN TN de 
FL FL eur. a tr. 
ou s'informer du sort d'un télégramme officiel : 


>K = TZ TZ TZ de FL FL FL = avez vs Com- 
pris compris compris olf nr 42 d'hier soir? Qu'a dit 


(1) Voir lelite Correspondance du numéro 1434. 


COSMOS 


Î 

2% OCTOBRE 1912 
TN TN9? — avez vs compris compris compris off nr 
42 d'hier soir?? Qu'a dit TN TN ?? = TZ TZ de FL FL 
inv. à tr. 

Le mot « compris » n'est pas transmis en toutes 
lettres, mais remplacé par le signal correspondant. 

Si la Tour dit: 

XXX = TD TD TD de FL FL FL — rj rj? = TD 
TD de FL FL inv. a tr. 


cela signifie: « Dunkerque, répétez tout, nous 
sommes troublés par d’autres transmissions. » 

Si le trouble est causé par des parasites (bruits 
étrangers de provenances diverses), la demande de 
répétition (??) sera accompagnée des lettres rk rk 
ou rks rks, au lieu de rj rj. Dans ce même lan- 
gage conventionnel, pz signifie « parlez » (souvent 
employé avec les postes de l'Est), bjr mrs cru?? 
représente cette phrase complète : « bonjour mes- 
sieurs, comment recevez-vous? », r{b rtb veut dire 
« réception très bonne », etc. 

Pour terminer l'exercice, la Tour annonce: 


XXX = Tous tous de FL FL = Prenez clôture à 
22 h(eures) — aurez nouvelles à 22 hieures} = = pre- 
nez clôture à 22 h(eures) = aurez nouvelles à 22 h(eures) 
— bsr tous les vx amis + FL FL + 


De 945m à 940m, avaient régulièrement lieu, 
jusqu'à une date récente, des battements servant à 
la détermination précise des longitudes par la mé- 
thode des coincidences téléphoniques de Claude, 
Ferrié et Driencourt (1). Après les battements on 
pouvait entendre des appels et télégrammes chif- 
frés, deslines aux postes secrets, comme ceux du 
malin. 

A 10 heures, enfin, sont envoyées, le plus souvent 
au poste à émission musicale, les nouvelles de la 
journée, puisées dans les journaux du soir. Les 
nombres et les noms propres sont répétés après un 
point d'interrogation ou un point ordinaire abrégé 
(deux groupes de deux points, au lieu de trois 
groupes) : 

XXX = Tous tous de FL FL = Voici nouvelles = 

Podgoritza? Podgoritza = Plus de 6 000? 6 000 Ma- 


lissores se sont révoltés contre l'autorité ottomane et 
attaquent les positions turques = 
Constantinople? Constantinople = Les Turcs ont 


repris la colline de Zayzali? Zayzali aux Monténégrins 
après un combat acharné — 

Belgrade? Belgrade — La mobilisation est terminée 
en Serbie. Les armées opéreront formant un effectif 
de près de 200 000? 200 000 hommes — 

Ouchy ? Ouchy — Un délai de deux jours est donné 
à la Turquie pour signer le traité de paix ou €onsa- 
crer la rupture des négociations. 


(4) On trouvera les renseignements les plus complets 
sur cette méthode et de très utiles conseils sur la 
réception des signaux radiotélégraphiques transmis 
par la Tour Eiffel dans la brochure spécialement pu- 
blice à ce sujet par le Bureau des Longitudes, Paris, 
Gauthier-Villars, 4,79 fr, 


N° 1448 


Cherbourg? Cherbourg = Le sous-marin Euler ? 
Euler a été lancé ce malin avec succès — 

Casablanca? Casablanca = Le départ du sultan pour 
Rabat? Rabat a lieu aujourd'hui. Le général Dalbiez ? 
Dalbiez assure sa sécurité jusqu’à Oued Keta? Oued 
Kela — 

Sports — Charles Ledoux? Charles Ledoux le cham- 
pion d'Europe poids bantam a battu hier soir Sam 
Minto? Sam Minto + -+ bsr tous les amis de FL FL + 

(12 octobre). 


Voici donc l'horaire résumé des transmissions à 
heure fixe de la Tour Eiffel : i 


8* Télégramme météorologique Paris. 

10"40" Signaux horaires, télégramme météorologique 
BCM, télégramme météorologique Paris. 

11° (Service spécial des postes secrets). 

1" Exercice avec Toul, Verdun, Épinal, Belfort. 

3" Télégramme météorologique Paris. 

8" Service de la Marine. 

9*15° (Battements). 

Y°40* (Service des postes secrets). 

19° Nouvelles. 

11"30"* Battements pour l'envoi très précis de l'heure. 

11°40" Signaux horaires. 


Les télégrammes météorologiques, deslinés au 
public non télégraphiste, sont transmis assez len- 
tement. Au bout de quelques jours d’exercice, on 

_arrive facilement à les prendre, soit directement, 
en « lisant au son », soit en écrivant les points et 
les traits sous la dictée de la Tour et en les tradui- 
sant ensuite. 

Les autres transmissions, faites pour des profes- 
sionnels, sont manipulées beaucoup plus vite. Un 
exercice assez prolongé est nécessaire pour pou- 
voir les saisir convenablement. 

On constatera généralement de légères variantes 
de détails suivant les opérateurs. 


e 
* s 


Outre les télégrammes envoyés régulièrement 
tous les jours à heures fixes, on pourra en entendre 
d’autres suivant les événements du jour ou les 
nécessités du service. Mais, malheureusement, 
ceux qui seraient les plus intéressants sont presque 
toujours chiffrés ! 

C'est ainsi que, lors du récent voyage de M. Poin- 
caré en Russie, d’interminables séries de groupes 
de cinq chiffres lui étaient envoyées à bord du 
Condé. 

Quand des passagers turcs, membres du Crois- 
sant-Rouge, se trouvaient séquestrés à Cagliari au 
début de cette année, on entendit un jour (27 jan- 
vier) ce télégramme, intercalé entre les deux bul- 
letins météorologiques de 40"45" et adressé au 
commandant du Ville-d' Alger : 


XXX = MIQ MIQ MIQ de FL FL FL = .... Veuillez 
faire escale à Cagliari pour prendre passagers turcs 
et consul de France. Télégraphiez accusé réception 
= MIQ MIQ MIQ de FL FL FL inv. â tr. 


COSMOS 


461 


Récemment (16 septembre), le télégramme mé- 
téorologique de 8! était suivi de cette question 
posée au ballon Ad)udant-Vincenot : | 


XXX = AV AV AV de FL FL FL = Avez-vous 
pris BCM?? = Avez-vous pris BCM?? = AV AV de 
FL FL inv. å tr. 


Au bout de quelques instants, il lui était dit : 


X AV de FL = rtb rtb rtb rib. bjr bjr vx bjr vx 
bjr vx + AV AV de FL FL inv. å tr. 


puis, un peu plus tard : 


X AV AV de FL — Réceplion moins bonne, plus 
faible, devez vous éloigner = AV de FL inv. à tr. 


et, enfin, après quelques minutes : 


XX = AV AV de FL = compris compris bsr bsr 
= AVY AV de FL FL +. 


La Tour a quelquefois autre chose que sa sa sa 
à transmettre aux postes du « service de la ma- 
rine ». On peut l'entendre, par exemple, dire 
à Fez (25 juillet) : 


XXX = FZ FZ FZ de FL FL = .... Adjudant 
Auclairtableau pour sous-lieutenant félicitations. Prière 
envoyer urgence numéro moteur pour lequel culasse 
de rechange est demandée = FZ FZ de FL inv. à tr. 


ou à Taourirt (5 aoùt) : 


XXX = TRT TRT TRT de FL FL = .... Sgt Stroz- 
zega nommé adjudant à date du 3 aoùt = TRT TRT 
de FL FL. 


Le bey de Tunis, visitant le poste, en profitait 
le 49 juillet, pour envoyer à Bizerte ce télégramme: 


XXX = TZ TZ TZ de FL FL FL = .... Princesse 
Kamar Salamars à Tunis = Vous télégraphie de la 
Tour Eiffel à 300 mètres d'altitude par T. S. F. 
Donnez-moi vos nouvelles. Salutations famille = TZ 
TZ de FL FL env. à tr. 


La note amusante elle-même ne manque pas. Au 
cours d'essais avec Nancy, était un jour (11 mars) 
gravement donné ce conseil : 


Si vous voulez avoir des enfants sains, vigoureux, 
robustes, nourrissez-les avec du cacao Bensdorp, de 
la phosphatine Falières et du... Cadum. 


Une autre fois (25 mars), le sapeur de service se 
demandait, anxieux, si 


l'homme descend du singe ?? 
puis, lyrique : 


O Védrines, tu me fais l'effet d'un aigle que je vou- 
drais etc..... 


et comme conclusion : 


Croquenot chausse bien, mais Ribouy habille mieux. 


(A suivre.) D" PIERRE CORRET. 


COSMOS 


24 OCTOBRE 1912 


Sous-marins allemands et norvégiens. 


Au contraire de ce qui se passe en France, et 
suivant une méthode qui ne semble pas donner de 
mauvais résultats partout où elle est pratiquée, 
les Allemands ne construisent généralement pas 
eux-mêmes leurs sous-marins : ils se fournissent 
auprès de chantiers navals spécialistes. Le type 
de sous-marins, ou plus exactement de submer- 
sible, qui a été adopté par la marine de guerre 
allemande, est le type dit « Germania », imaginé 
et établi par les fameux chantiers Germania, dé- 
pendant de la maison Krupp, chanliers qui se 


LE SOUS-MARIN PRÊT A LA SUBMERSION. 


en particulier ce Kobben dont nous venons de 
parler, sont du type submersible. Il y a, entre les 
deux genres de bateaux pouvant naviguer sous 
Veau et que l’on désigne soit sous le nom propre 
de sous-marins, soit sous le nom de submersibles, 
des différences assez nettes qui sont maintenant 
connues de tout le monde. Les submersibles, qui 
sont d'ailleurs maintenant préférés aux sous- 
marins proprement dits, ont un tirant d’eau 
moins fort quand ils naviguent en surface, tout 
simplement parce qu'ils ont un franc-bord supé- 
rieur, qu'ils s'élèvent davantage au-dessus de 
Veau, et par conséquent qu'ils présentent des 
conditions meilleures d’habitabilité et d’assiette 


trouvent à Kiel. Et comme ce type de submersible 
se trouve, pour ainsi dire, dans le commerce, la 
maison Krupp en fournit également à des pays 
étrangers; tout récemment, elle en a vendu un 
à la Norvège, du nom de Kobben, ce qui justifie 
notre titre, un peu bizarre au premier abord, assi- 
milant les sous-marins allemands et les sous- 
marins norvégiens. 

Nous venons d'employer allernativement le mot 
de sous-marins et submersibles. On sait que les 
bateaux sous-marins adoptés par l’Allemagne, et 





à la mer en même temps que de vitesse. Les sub- 
mersibles, au contraire des sous-marins, sont 
généralement munis d’une double coque, ce qui 
leur donne une grande sécurité contre les abor- 
dages. Actuellement, on ne lance plus guère dans 
aucun pays de sous-marins proprement dits; si 
bien que, quand on parle, d’une façon générale, de 
bateaux -sous-marins, il faut entendre bateaux 
submersibles. Les chantiers Krupp, pour leur part, 
ont construit jusqu’à présent une douzaine de sub- 
mersibles du type que nous allons examiner, dont 
quatre pour la marine russe, deux pour la marine 
austro-hongroise, un pour la marine norvégienne, 
et les autres pour la marine allemande. 


N° 11:48 


Par leurs caractéristiques principales, tous ces 
bateaux sont à peu près exactement semblables au 
Kobben. 

Celui-ci, quand il navigue en surface, a quelque 
peu l'apparence d’un torpilleur ordinaire. Ses dimen- 
sions principales sont 39,30 m comme longueur, 
3,70 m comme largeur, 2,87 m comme tirant d’eau. 
Lorsqu'il navigue à la surface, il déplace 205 tonnes; 


COSMOS 


163 


submergé, il déplace 255 tonnes. Comme on peut 
le voir par la photographie qui représente le 
bateau en construction par le travers de la chambre 
des machines (et qui donne comme une coupe par- 
faile du bateau un peu en arrière du kiosque, et 
presque par son point le plus large, par son maitre- 
bau), le bateau comporte deux coques; l'inter- 
valle est utilisé pour constiluer des réservoirs de 





VUE INTÉRIEURE DE LA CHAMBRE DES MACHINES DANS LE SOUS-MARIN « KOBBEN ». 


pétrole et d'huile, ou des water-ballasts, suivant 
le point où l’on considère cette coque. Cet espace 
compris entre les deux coques est d'ailleurs divisé 
en de nombreux compartiments étanches, qui ont 
pour but de réduire l’effet d’une avarie à la coque 
extérieure; plusieurs de ces compartiments pour- 
raient être envahis par l’eau sans que la flottabi- 
lité du bateau fût compromise. La coque intérieure 


se compose, dans le sens de la longueur, de trois 
sections soudées et boulonnées ensemble, pour pré- 
senterune soliditéelune résistance toutes spéciales ; 
l'épaisseur de celle coque est telle qu elle peut 
résister à une pression d'eau de 90 mètres. pour le 
cas où une avarie ferait descendre le torpilleur 


jusqu’à semblable profondeur. À l'arrière du sub- 
mersible se trouve une chambre renfermant les 


46% 


accumulateurs; un peu plus loin, nous apercevons 
la salle des machines, celle que nous montre pré- 
cisément la photographie prise durant la construc- 
tion du bateau. Au milieu sont les water-ballasts 
intérieurs, et, au-dessus, le kiosque contenant les 
appareils de direction pour la navigation en sur- 
face et en plongée: non seulement le gouvernail 
et les commandes diverses, mais encore les péri- 
scopes et les manomètres. Plus à l’avant se trouvent 
la chambre des officiers, puis le poste de l’équi- 
page, et enfin la chambre des torpilles contenant 
deux tubes. Un troisième tube est disposé sur le 
pont, à l'arrière. On a prévu, comme de coutume, 
deux paires de gouvernails horizontaux, placés à 
l'avant et à l'arrière, de chaque côté de la coque 
extérieure; ils servent à diriger le mouvement 
de plongée. A l'extrême arrière est un gouvernail 
ordinaire double, qui sert à la direction en plan à 
droite ou à gauche. La puissance motrice fournie 
aux deux hélices est engendrée par deux moteurs 
à pétrole qui ont ensemble une puissance de 450 
chevaux; dans la navigation immergée, ils sont 
remplacés par deux moteurs électriques, d’une 
puissance totale de 250 chevaux, et qui sont, eux, 
alimentés par les batteries d’accumulateurs dont 
nous parlions, batteries d’une capacité de 590 kilo- 
watts-heure. Les hélices sont du type à ailes réver- 
sibles, le changement de position de ces ailes étant 
commandé par une manette spéciale qui se trouve 
dans la chambre des accumulateurs. Ceux-ci sont, 
bien entendu, fermés hermétiquement pour empè- 
cher tout déversement d’acide sous l'influence du 
roulis. Nous ne parlons pas des engins auxiliaires 
ordinaires: pompes de cale mues par les moteurs; 
pompes auxiliaires à bras; compresseurs à basse 
pression et compresseurs à haute pression, destinés 
à fournir l'air nécessaire pour chasser l’eau des 
ballasts et assurer la propulsion des torpilles; 
ven{ilateurs électriques, treuils, pompes servant 
à régler l'assiette du bateau, etc. 

Un bateau de ce type peut fournir une vitesse 
en surface de 12 nœuds et, en plongée, de 9 nœuds. 
Le rayon d'action en surface est de 1450 milles 
marins à vitesse réduite de 9 nœuds; il peut 
fournir 45 milles en plongée à la vitesse de 
6,5 nœuds. L’équipage d'un submersible Germania 
est généralement de 10 hommes. Il suffit de trois 
à cinq minutes pour effectuer tous les préparatifs 
de plongée; en quinze secondes, la submersion 
serait assurée. Pendant la marche en surface, l’air 
nécessaire au fonctionnement des moteurs à pé- 
trole est aspiré à l'intérieur du bateau; mais il 
est remplacé constamment, dans les espaces d’où 
il est ainsi attiré, par de l'air pris au dehors au 


COSMOS 


24 OCTOBRE 1912 


moyen de deux tubes verticaux de ventilation; 
de cette façon, la ventilation générale du submer- 
sible est obtenue dans les meilleures conditions 
pour son équipage. Le poids du pétrole brülé est 
automatiquement “ompensé par l'admission, dans 
des water-ballasts, d'un poids d’eau équivalent. 
Pendant la navigation en plongée, l'air qui s’est 
échauffé dans la chambre des machines est aspiré 
par des ventilateurs qui le font passer dans divers 
appareils de purification, de dessiccation et de refroi- 
dissement; puis il retourne refroidi à la chambre 
des machines. Le navire peut ainsi rester vingt- 
quatre heures en plongée sans que son équipage 
soit incommodé. Notons que les tiges des péri- 
scopes, qui sont comme les yeux du sous-marin, 
sont actionnées par un moteur électrique; elles 
ont 2 mètres de hauteur et permettent au bateau 
de naviguer à une profondeur qui le met à l'abri 
des projectiles. Le kiosque, qui peut contenir trois 
hommes, communique avec la coque interne par 
une porte étanche, qui est la seule ouverture à 
l'intérieur du bateau; elle est protégée par des 
blindages contre le tir de la petite artillerie. 

Naturellement on a perfectionné autant qu'il 
était possible les dispositifs de sécurité. Non seule- 
ment il existe une quille amovible, pesant cinq 
tonnes, que l’on peut détacher par la simple ma- 
nœuvyre d'une poignée, si l'on a besoin que le 
bateau revienne rapidement à la surface, mais 
encore les water-ballasts peuvent être remplis 
d'air comprimé très vite, grâce à un réservoir 
d'air comprimé de 3,5 mètres cubes de capacité, qui 
est maintenu constamment sous pression. Ainsi 
qu'on peut le voir en examinant la photographie 
qui montre une section du bateau, on a rivé sur 
la coque de ces submersibles des sortes d’anses 
métalliques puissantes, sur lesquelles on pourrait 
attacher des haussières. D'autre part, une ligne 
téléphonique a une de ses extrémités fixée à une 
bouée qui peut être lâchée de l’intérieur du 
bateau par un dispositif automatique, et cette 
ligne téléphonique permettra de communiquer 
avec la surface, le bateau demeurant immergé. 
Ces submersibles sont d’ailleurs essayés par un 
séjour de deux heures à 50 mètres de profondeur; 
il faut qu'ils ne donnent aucun signe de déformation, 
et qu'il ne se fasse aucune rentrée d'eau par les 
moindres joints. 

Ce type de sous-marin, parfaitement étudié, 
semble des plus intéressants. 


DANIEL BELLET, 


prof. à l'Ecole des sciences politiques 
et à l'Ecole des hautes études commerciales. 


Ne 1418 


COSMOS 


465 


L’'appauvrissement des forêts. 


Le Cosmos, dans son numéro 4445 du 3 octobre 
courant, a reproduit un article du Bulletin de la 
Société de géographie de l'Est, dans lequel on lit 
cette phrase : 

a Nul n'ignore que la France se déboise très 
rapidement et que, dans un avenir prochain, elle 
devra importer la majeure partie du matériel 
ligneux qui lui est nécessaire. Elle achète déjà 
annuellement pour 175 millions de bois de con- 
struction, etc. » 

Il y a, dans ce passage, une part de vérité en 
même temps que des erreurs de fait et d’appré- 
ciation. 

H n'est pas exact de dire que « la France se 
déboise très rapidement ». Déjà la Société des 
Agriculteurs de France, dans Ia session de 1909, 
a fait justice de cette exagération; nous-même 
l'avons combattue dans la Revue des questions 
scientifiques de Bruxelles, fin juillet 1909 (1), et 
dans le Correspondant du 25 novembre 1910 (2). 

Non seulement la France se déboïise peu dans son 
ensemble, mais elle tend même à se reboiser. Sans 
parler des travaux de restauration des montagnes 
par le reboisement et l'amélioration des pâturages, 
œuvre considérable à laquelle le service forestier 
travaille depuis un demi-siècle avec une constance 
qui ne se dément point, l'initiative privée, excitée 
depuis quelques années par un salutaire et éner- 
gique mouvement de l'opinion, commence à entrer 
avec activité dans la voie des reboisements, com- 
binée, dans les pays de montagnes, avec l’amélio- 
ration et l'aménagement des pâturages. Les résultats 
obtenus sous ce rapport dans les Pyrénées par 
l'Association centrale pour l'aménagement des 
montagnes (PA. C. A. M., pour employer le 
jargon abréviatif à la mode aujourd'hui), secondée 
par le dévouement infatigable de son fondateur 
et président, M. Paul Descombes, sont des plus 
significatifs. De tous còlés se sont fondées des 
Sociétés en faveur de la protection et de l’exten- 
sion des forêts et des plantations d'arbres. Outre 
la Société forestière de Franche-Comté et Belfort, 
qui étend son action sur toute la France et au 
delà, nous avons la Société des Amis des arbres, 
dont le siège est à Paris, l’Association des Sylvi- 
culteurs de Provence, le Groupe d’études limou- 
sines, la Société ou Association de l'arbre et de 
l'eau, et tant d’autres, non comprises les Sociétés 
forestières enfantines des écoles primaires qui, 
dans un grand nombre de communes, cultivent de 
petites pépinières forestières, au moyen desquelles 


(1) Revue des recueils périodiques : SYLvICULTURE : 
Exploiter n'est pas déboiser. 

(2) Article intitulé: Tout est-il pour le mieux en 
forêt comme en montagne? 


elles effectuent des plantations sur des terrains 
communaux. Enfin, le Touring-Club de France 
encourage par des subsides toutes les tentatives de 
reboisement jugées sérieuses, dues à l'initiative 
privée. 

D'autre part, la manie de défrichement des ter- 
rains boisés qui sévissait encore il y a à peine 
trente ans a bien diminué en ces derniers temps, 
et bon nombre de propriétaires, à l'inverse, 
cherchent à tirer parti, par la plantation d’essences 
forestières, de terres rebelles à la culture. 

Ce qui précède est pour démentir l’assertion que 
« la France se déboise très rapidement ». 

Mais ce qui est exact, c'est que beaucoup de 
forèts privées se dépeuplent, ce qui ne veut pas 
dire, pour autant, qu'elles disparaissent, qu’elles 
se déboisent. Klles se dépeuplent de vieux arbres 
par la raison que, à l'inverse des bois de feu de 
plus en plus dépréciés, les bois propres à la char- 
pente et aux mille industries qui emploient le bois 
voient leur prix s'élever de plus en plus. Ce phé- 
nomène économique est à la fois l'effet et la cause 
du dépeuplement dont nous venons de parler, et 
le rédacteur du Bulletin de la Société de gén- 
graphie de l'Est est dans le vrai quand il dit que, 
de plus en plus, s'accroit en France le déficit des 
bois d'œuvre de toute nature et que, de plus en 
plus, s'élève l'excès de notre importation sur notre 
exportation. 

Le haut prix qu'acquiérent les bois propres au 
service et à l'industrie incite les propriétaires 
à exploiter leurs futaies. Mais le sol reste boisé, du 
fait du taillis, des rejets de souches et des ense- 
mencements naturels. 

Toutefois, le capital-bois, le matériel, va eu 
diminuant; et si la France ne se déboise pas, elle 
s’appauvrit néanmoins en marchandise ligneuse. 

On peut dire qu'il y a là, au point de vue de 
l'économie forestière et commerciale, un inévitable 
danger, sinon immédiat, du moins relativement 
prochain. Et ce danger ne peut être conjuré qu'à 
très longue échéance, car il faut un siècle et plus 
pour produire du bois de charpente et vingt-cinq 
ou trente ans tout au moins pour obtenir dn bois 
d'industrie. 

A cet égard, l'intérèt bien compris des proprié- 
taires, conforme d'ailleurs à l'intérèt général, est 
d’allonger les révolutions de leurs taillis. Au lieu 
d'exploiter ceux-ci à quinze, dix-huit ou vingt ans, 
alors qu'ils ne peuvent fournir que du bois de chauf- 
fage de moins en moins demandé et, parlant, de 
plus en plus déprécié, ils doivent se résigner à un 
sacrifice nécessaire, mais momentané; il leur faut 
modifier peu à peu l'aménagement de leurs forêts, de 
manière à ne faire aucune coupe avant vingt-cinq 


GG 


ou trente ans. Encore, dans bien des cas, l'âge de 
vingt-cinq ans sera-t-il insuffisant: ce point est 
subordonné aux circonstances locales de plus ou 
moins de rapidité de végétation ou de fécondité 
du terrain. 

En exploitant leurs bois à un âge suffisamment 
avancé pour que les brins de taillis aient acquis 
une valeur industrielle, les arbres de réserve 
auront pris un plus fort diamètre en mème temps 
qu’ils se seront élevés davantage; ils fourniront 
ainsi un matériel plus abondant et plus rému- 
nérateur. 

L'ensemble des bois appartenant à des particu- 
liers, si lon y joint quelques fortts communales 


qui, par une douteuse interprétation du code, ont 


échappé au régime forestier, n’est pas inférieur 
à 8650 000 hectares, la plus grande partie en 
taillis simples ou composés. Si l’on pouvait arriver 
à n’exploiter plus les uns et les autres qu'à un âge 
où, au lieu de fournir une marchandise de plus en 


COSMOS 


2% OCTOBRE 1912 


plus dédaignée, comme les bois de feu, ils produi- 
raient des bois d'industrie, ne füt-ce que de la pâte 
à papier, la France ne serait bientôt plus tribu- 
taire de l'étranger et en ‘deviendrait le fournisseur 
au lieu d’en être le client. 

Si, en outre, on arrivait à complanter en essence 
forestière une partieseulement dessix millions d’hec- 
tares de terres incultes existant en France (1), on 
finirait bien par échapper au danger déjà prévu par 
un grand homme d'Etat (Sully ou Colbert?) quand 
il disait que la France périra faute de bois. 

Il y aurait à tenir compte aussi d’une condition 
éminemment défavorable à la conservation des 
forêts privées et à la formation de forêts nouvelles 
par les particuliers. 

C'est la condition fiscale d'une surimposition qui 
grève ces forêts bien plus que proportionnellement 
à leur rendement. Mais c’est là un còté de la ques- 
tionquinousentrainerail trop loin pour aujourd'hui. 

C. DE KIRWAN. 





`~ 


Les dangers ďun chauffage défectueux. 


Les premières atteintes de l’hiver ramènent avec 
celles les préoccupations du chauffage des apparte- 
ments. 

Le moment est venu de rappeler combien cette 
question est importante au point de vue de l'hygiène 
et de signaler les graves accidents auxquels nous 
sommes exposés si nous négligeons certaines pré- 
cautions. 

Un chauffage défectueux constitue le plus souvent 
une menace d'empoisonnement chronique; il n'est 
pas rare qu'il cause la mort. 

Or, il en est de l’intoxication par les gaz prove- 
nant de la combustion du bois, ou du charbon de 
terre, ou du gaz d'éclairage, comme de l’empoison- 
nement par les champignons: les catastrophes 
dont nous somines témoins chaque hiver, malgré 
leur retentissement, n'empèchent pas les impru- 
dences nouvelles! 

On ne saurait donc trop attirer l'attention du 
public sur les dangers qui le menacent et lui recom- 
mander la prudence. 


A Paris, dit le D" Ogier, chef du laboratoire de l 


la préfecture de police, les accidents causés par 
l’oxyde de carbone sont innombrables. Les plus 
fréquents sont dus à l'emploi d'appareils de chauf- 
fage du genre de ceux qu'on appelle à combustion 
lente, au mauvais fonctionnement de ces appareils, 
à des dispositions défectueuses des cheminées par 
où s'écoulent les produits de la combustion. 

I! est permis de croire qu'un grand nombre de 
morts causċes par des poĉles mobiles passent ina- 
perenes et que bien des malaises non suivis de 
mort sont altribuables à l'inhalation prolongée de 


mélanges gazeux contenant de faibles proportions 
d'oxyde de carbone. 

À Paris, une des formes les plus communes et 
les plus insidieuses d'empoisonnement consiste dans 
l’envahissement par les gaz délétères des logements 
dans les maisons anciennes, grâce aux fissures qui, 
peu à peu, détériorent les cheminées insuffisam- 
ment surveillées; souvent, ces fissures sont si peu 
apparentes que les victimes ne peuvent se douter 
du danger qui les menace. 

Nous voudrions donner simplement ici quelques 
indications sur Îles phénomènes physiologiques 
pouvant faire présagerl’empoisonnement par l’oxyde 
de carbone, alors mème que tout concourrait dans 
un appartement d’apparences irréprochables à in- 
spirer une trompeuse sécurité. 

L'air d’une salle envahie par ce gaz ne donne pas 
d'indications nettes à l'odorat quand le taux de 
l’oxyde de carbone est minime et pourtant suffisant 
pour mettre la vie humaine en péril. On a conseillé 
une réaction extrêmement sensible : installer une 
cage contenant un animal de petites dimensions, 
un oiseau ou une souris, dans l’appartement sus- 
pect. Ces petits êtres succombent rapidement dans 
une atmosphère renfermant moins de 0,1 pour 


(1) Ces terrains se répartissent ainsi, d’après l'An- 
nuatre des eaux et forèts pour 1912 ; 


Landes, pâlis, bruyères, etc...... 3 898 530 hectares 
Montagnes dénudées et rochers... 4972 994 — 
Terrains mouilleux et marécageux. 316 573 = 
TOUDICRES este ire 38 292 — 


6 226 389 — 


N° 1448 


400 (1) d'oxyde de carbone ; ce moyen est infaillible, 
mais tout le monde n’a pas rapidement à sa dispo- 
sition un oiseau ou une souris. 

Il nous parait plus pratique de noter attentive- 
ment les troubles qui peuvent survenir dans l'état 
de santé habituel de chacun de nous. 

Dans l’empoisonnement graduel, on observe de 
la pesanteur de tête, des vertiges, des tremblements, 
de la faiblesse musculaire. L’anémie, les bourdon- 
nements d'oreille, divers troubles nerveux, des 
troubles de la nutrition surviennent ensuite; les 
saignements de nez deviennent fréquents, la cou- 
leur de l'urine se fonce et prend parfois la teinte 
du sang. | 

Souvent on ne prête qu’une attention superficielle 
à tous ces phénomènes insolites parce qu'ils 
semblent passagers, et pourtant ils constituent des 
symptômes graves. Si les hémorragies nasales se 
multiplient, observez la couleur du sang. Le sang 
d'un intoxiqué, mème légèrement, est plus rouge, 
plus rutilant. Il y a trois ans, dans un de nos 
grands hòpitaux militaires, nous remarquions que 
trois infirmiers, travaillanten hiver dans une salle 
mal aérée et chauffée à la houille par un grand 
poêle en fonte, saignaient régulièrement du nez 
tous les matins. L'examen spectroscopique de leur 
sang nous convainquit de suite que l’hémorragie 
n'avait pas d'autre cause que l’oxyde de carbone. 

On ne peut songer à établir un diagnostic certain 
sur l'analyse de l'urine; la présence de l’oxyde de 
carbone dans le sang ne semble pas changer la 
constitution de l’urine, mais il en est autrement 
de l’examen du sang : c’est à lui qu’il faut recourir 
pour lever tous les doutes. 

Il est toujours facile de provoquer un saignement 
de nez si l'action de l’oxyde de carbone ne l'a pas 
déterminé naturellement. Recueillez ce sang, une 
très petite quantité suffit (par exemple, le volume 
d’un dé à coudre au maximum). Portez ce sang 
coagulé ou liquide à un laboratoire d'hôpital ou 
à un pharmacien ou à un chimiste, et priez-le de 
lexaminer au spectroscope. C'est une opération 
facile et rapide. Pour la réaliser, il suffit de diluer 
quelques gouttes de sang dans un peu d'eau di- 
stillée. La solution rendue limpide, si cela est néces- 
saire, par une filtration au papier est introduite 
dans un tube en verre bouché ou dans une petite 
cuve de verre à faces parallèles et placée devant 
la fente du spectroscope. Nous ne pouvons donner 
ici une description de cet instrument. Rappelons 
seulement que la spectroscopie consiste essentiel- 
lement en l'examen au moyen d’une lunette gros- 
sissante de la lumière émise par une source quel- 
conque : Soleil, bec de gaz, etc., et décomposée par 
un prisme. Certains corps incandescents (gaz, 


(1) Une atmosphère renfermant 1:500 de CO est très 
dangereuse pour l’homme. Il meurt rapidement en 
respirant de l'air chargé de 4: 200 de CO. 


COSMOS 


467 


mélaux, etc.) présentent dans le spectre ainsi 
observé des raies caractéristiques invariables, bril- 
lantes et colorées ou bien obscures. Les solutions 
d’une foule de composés interposées entre la source 
lumineuse et le prisme présentent également des 
raies ou des bandes toujours reconnaissables et 
occupant des positions invariables. 

Dans ces conditions, le sang pur très dilué inter- 
posé fait apparaitre dans le spectre deux bandes 
sombres : la première dans le jaune, la seconde, 
plus large, à droite de la précédente. Le spectre du 
sang oxycarboné, c’est-à-dire chargé d'oxyde de 
carbone, donne également deux bandes d'absorption, 
mais elles sont légèrement déviées vers la droite. 
De plus, si on traite la solution de sang normal 
par un corps réducteur comme le sulfhydrate 
d'ammoniaque, on voit apparaitre un nouveau. 
spectre d'absorption, celui de l'hémoglobine réduite, 
caractérisé par une raie obscure qui occupe à peu 
près l'espace intermédiaire entre les deux raies 
primitives et qui est un peu plus pâle et plus large: 
que celles-ci. Le sang chargé d'oxyde de carbone et 
traité de la même facon donne un résultat tout 
différent. La combinaison du gaz avec l'hémoglo-. 
bine n'est pas réduite et, les deux bandes persistent. 

Bien entendu, la différenciation est d'autant plus 
nette que le sang intoxiqué est plus chargé d'oxyde 
de carbone. Souvent, le mélange de sang resté. 
normal au sang oxycarboné est tel que l’observa- 
tion du spectre perd sa netteté, mais il est toujours 
facile d'observer en mème temps le spectre de 
quelques gouttes de sang provenant d’une personne 
en parfait état de santé. Si les deux spectres ne 
sont pas superposables, c'est-à-dire identiques, on 
sera en droit de conclure à l’altération du sang: 
suspecté. Vibert et Ogier ont trouvé que la réaction 
spectroscopique cessait d’être appréciable lorsque: 
l'hémoglobine oxycarbonée était inférieure au: 
dixième de l’hémoglobine totale du sang; on peut 
encore augmenter la sensibilité de ce procédé en 
opérant sur une quantité un peu plus grande de 
sang, extrayant l'oxyde de carbone par la chaleur 
et par le vide et le concentrant dans un faible 
volume de sang (Moitessier et Bertin-Sans\. Ces 
opérations sont faciles à réaliser dans un labora- 
toire ordinaire. Du sang normal renfermant {: 109: 
d'hémoglobine oxycarbante peut ètre ainsi observé 
utilement (Saint-Martin). 

Dès qu'il est bien établi que les malaises res- 
sentis sont imputables anx gaz dégagės par une 
cheminée, il faut sans retard faire exécuter les 
travaux nécessaires pour remédier à cet état défec- 
tueux. Rappelons que, dans le cas d'intoxication 
aiguë, rapide, le premier remède consiste à traiter 
le malale par tous les procédés propres à intro- 
duire de l'oxygène dans le sang, car si l'oxyde de 
carbone possède la propriété de déplacer dans les 
poumons l'oxygène de l’oxyhémoglobine, cette pro- 


468 


priété est réversible, et l'oxygène à son tour est 
capable de dissocier la combinaison du sang avec 
le gaz toxique et de se substituer à ce dernier. Il 
est donc indispensable de recourir à la respiration 
artificielle et aux inhalations d'oxygène. Le poison 
gazeux s'éliminera en nature par les poumons, 
mais ce n’est pas vingt litres d'oxygène qu'il faut 
faire respirer à la personne intoxiquée, ce sont des 
centaines de litres! 

Les empoisonnements par l'oxyde de carbone se 
produisent fréquemment la nuit dans des chambres 
fermées. Dans les modestes logis, chacun est bien 
souvent obligé de clore sa chambre. Lorsqu'on peut 
agir autrement, il ne faut pas hésiter à le faire. Il 
est très sain de dormir en plaçant son lit en dehors 
de tout courant d'air, mais en laissant par une 
porte entr'ouverte la communication libre avec une 
pièce voisine, et si dans cette pièce adjacente à la 
chambre à coucher on peut laisser entrer librement 
par un vasistas l’air du dehors, tout sera pour le 
mieux. Mème dans les climats froids, cette facon 
de procéder est saine et hygiénique. 

On a prétendu qu'il importait peu, lorsqu'il s’agis- 
sait d'une atmosphère viciée par l’oxyde de carbone, 
d'être couché par terre, ou sur un lit bas, ou sur 
un lit élevé, l'oxyde de carbone ayant à peu près la 
même densité que l'air et, de ce fait, se diffusant 
rapidement. ‘Pourtant il est bien certain que la 
position du dormeur rapproché du sol est la plus 
dangereuse. En effet, un dégagement d'oxyde de 
carbone est généralement accompagné d'acide 
carbonique. Ce dernier se localisant dansles couches 
voisines du sol diminue la richesse en oxygène de 
l'espace où il se répand. Or, ce qui détermine la 
gravité des accidents, ce n’est pas la masse absolue 
d'oxyde de carbone entrée dans le sang, mais le 
rapport entre les masses d'oxyde de carbone et 
d'oxygène simultanément introduites. 


COSMOS 


24 OCTOBRE 1912 


Tout le monde a encore présent à l’esprit l’acci- 
dent dont furent victimes M. et M"° Emile Zola: le 
premier fut trouvé mort sur le sol de sa chambre; 
la seconde, étendue sur Île lit, était encore vivante 
et put être sauvée. Dans le mème ordre d'idées, 
le D" Kurt Volff, professeur à Dresde, a signalé, il 
y a quelques années, un cas particulièrement remar- 
quable d'intoxication par l’oxyde de carbone, où 
lon trouva morts le matin dans une écurie un sol- 
dat ordonnance ainsi que deux chevaux logeant 
habituellement dans cette écurie, tandis que deux 
autres chevaux étrangers furent trouvés debout, 
indisposés, sans doute, mais vivants. Ces deux der- 
niers chevaux avaient passé certainement toute la 
nuit dans cette position, comme le font d'ordinaire 
ces animaux dans une écurie qui ne leur est pas 
familière : c'est à cette circonstance qu’ils durent 
évidemment d'échapper à la mort. 

Dans cette courte étude, nous nous sommes 
occupés uniquement de l’oxyde de carbone, soit 
qu'il provienne de la combustion du bois, du coke, 
de la houille, soit qu'il ait pour origine la combus- 
tion du gaz d'éclairage. Nous aurions encore à 
mentionner les dangers auxquels nous exposent 
les réchauds à gaz, les poîles à pétrole. Les gaz 
qu'ils dégagent sont évidemment malsains, mais 
bien moins dangereux que ceux qui proviennent de 
la combustion de la houille dans les cheminées 
mal entretenues ou des poèles mobiles. 

Lorsque les réchauds à gaz et les poles à pétrole 
sont bien réglés, ils n’émettent que très peu d'oxyde 
de carbone, et c’est surtout par l’acide carbonique 
qu ils vicient l’atmosphère. Or, il est plus facile de 
se défendre contre l'acide carbonique que contre 
l'oxyde de carbone; le second de ces gaz est 
soixante fois plus toxique que le premier. 


Dr LAHACHE. 


2 UMMM 


L'utilité et la nocuité des araignées. 


Les araignées comptent parmi les animaux les 
plus industrieux; leur habileté à ourdir des pièges 
soyeux d'une confection souvent compliquée, leur 
patience à attendre le gibier, le talent qu’elles 
déploient pour se défendre contre leurs ennemis 
ou pour ligotter une proie trop énergique, leur tou- 
chante sollicitude maternelle, leur valent l’atten- 
tion sympathique des naturalistes qui étudient leurs 
mœurs. 

En outre, comme toute celte ingéniosité se dé- 
pense, en somme, au bénéfice de l’homme, qui 
trouve dans les araignées, tant champêtres et 
forestières que domestiques, de précieux auxiliaires 
dans su lutte contre les insectes malfaisants, les- 
quels sont légion, il semblerait que ces si utiles 


arthropodes dussent être traités généralement avec 
les égards et la bienveillance mérités par leurs 
services. 

Cependant, les araignées sont partout traquées, 
pourchassées, détruites; et cet ostracisme recon- 
nait des causes diverses, parmi lesquelles il en est 
qui ont au moins une apparence de légitimité, 
tandis que les autres sont de pures calomnies, 
basées sur l'erreur, le préjugé et ignorance. 

Parmi les griefs réels figurent l'incommodité et 
le caractère peu esthétique des toiles tendues dans 
les coins des appartements ou suspendues aux pla- 
fonds; ces toiles, surtout lorsque la poussière s’y 
est accumulée, représentent, on doit le recon- 
naitre, un mode de décoration peu susceptible 


N° 1448 


d'ètre tolérée dans une maison bien tenue. En 
outre, bien des personnes éprouvent une insur- 
montable répugnance à l'égard de l'araignée elle- 
mème, surtout pour les grosses espèces, dont l'as- 
pect livide et les longues pattes velues font des 
objets hideux et de physionomie modérément ave- 
nante. C’est une sorte d’idiosyncrasie nerveuse, 





F1G. 1. — BOUCHE D'UNE ARAIGNÉE (Dysdera). 


analogue à celle qui s’exerce à l’endroit d'autres 
animaux, comme les reptiles, les souris, et qui 
peut être assez intense pour qu'on ait vu des mili- 
taires d'une grande bravoure éprouver une syncope 
au seul aspect d'une araignée. 

Mais, en dehors de ces motifs excusables de 
répulsion, combien d’accusations erronées dont 
l'expérience a fait justice! Bien des personnes sont 
eonvaineues qu’une boisson où une araignée est 
tombée se trouve empoisonnée; que la morsure 
de ces bestioles est dangereuse, et que leur simple 
contact peut même être vénéneux, occasionner sur 
la peau des rougeurs, des boutons, communiquer 
des propriétés malfaisantes aux fruits qu'elles 
touchent dans les jardins. 

Le caractère vénéneux des araignées est infirmé 





FIG, 2. — CHÉLICÈRE ET GLANDE A VENIN (Mygale). 


par le fait que dans certains pays elles figurent 
dans la nourriture de l'homme. Les habitants indi- 
gènes de la Nouvelle-Calédonie mangent avec 
délices, au témoignage de l'entomologiste Bois- 
duval, une grosse espèce d'épeire, à laquelle ils 
trouvent un goût exquis. Ce serait encore ici Poc- 
casion de rappeler le cas de l’astronome Lalande 


COSMOS 


469 


croquant avec plaisir des araignées, mais peut-être 
n'y a-t-il là qu'une légende. L'’abdomen de la 
tégénaire domestique, bien lavé et frotté d’un peu 
de beurre, offre, parait-il, une saveur délicate, rap- 
pelant celle de la noisette. Tous d’ailleurs, à notre 
insu, nous avalons sans aucune fâcheuse consé- 
quence de petites araignées du genre Theridion, 
dissimulées parmi les grains des grappes de raisins 
cueillies à l'automne. 

Relativement aux suites de la piqûre, les craintes 
populaires sont un peu plus justifiées, mais le 
danger est de beaucoup moins grand qu'on ne le 
prétend généralement. L'appareil à venin des 
araignées est formé par deux glandes tubuleuses 
sécrétrices, disposées symétriquement de chaque 
côté de la tête, et aboutissant chacune à un réser- 
voir où s’accumule leur produit de sécrétion; 
l'appareil d'inoculation est constitué par deux 


\ f 
N j à 





FIG. 3. — « SEGESTRIA PERFIDA ». 


pinces biarticulées, ou cAélicères, que l’on s'ac- 
corde à considérer comme des antennes modifiées, 
et qui sont percées sur toute leur longueur d'un 
canal servant de passage au venin. 

Les effets de ce venin sont rapidement mortels 
pour les insectes et les autres animaux à sang 
froid, dont les araignées font leur proie ordi- 
naire, et même, chez certaines espèces exotiques 
(la mygale aviculaire, par exemple, de l’Amérique 
du Sud), pour les petits animaux à sang chaud; 
mais ils n'occasionnent pas chez l’homme d’acci- 
dents graves. Dans les circonstances normales, et 
en dehors d'une réceplivité exceptionnelle comme 
on en constate parfois des exemples à l'égard 
d’autres venins et mème de substances non toxiques, 
la morsure des plus grosses espèces n'est pas plus 
dangereuse que la piqüre d’une guèpe ou d'un 
moustique. Sa plus incommode conséquence est le 
symptôme douleur, qui disparait dès que le venin 
a été résorbé. 


#70 


Cependant, certaines araignées de grande taille 
peuvent quelquefois occasionner un pọu de fièvre 
par leur morsure. Telle est la farentule, grosse 
lycose assez commune dans la Pouille, et qui 
a donné lieu aux exagérations et aux légendes que 
tout le monde connait, légendes que des médecins 


sérieux, comme Boccone, Valetta, Valentini, ont 


contribué à accréditer, et qui eurent même, en 
4702, les honneurs d’une discussion à l’Académie 
des sciences de Paris. 

On prétendait que la morsure de cette araignée 
causait des désordres nerveux d’un caractère 
extravagant, le tarentisme, et que ces désordres 
ne pouvaient être guéris que si l’on faisait danser 
le patient, jusqu'à ce qu’il tombât de fatigue, aux 
sons d’une pastorale spéciale, la farentola. La 
Jycose tarentule existe toujours en Italie; la fièvre 
qui se déclare parfois à la suite de sa piqûre, chez 
des individus très susceptibles, en particulier chez 
des femmes nerveuses, cède très facilement à l’ad- 
ministration, sans accompagnement de musique, 
de quelques sudorifiques. 

Des expériences précises et assez courageuses 
ont été faites il y a déjà plusieurs années sur la 
capacité vénénifique des araignées par le D' Dugès, 
de Montpellier. Ces expériences ne sont pas ignorées 
des naturalistes, surtout des entomologistes; j'en 
rappellerai les résultats pour les lecteurs qui ne 
font pas une étude spéciale de ce domaine de 
l'histoire naturelle. 

Les expériences de Dugès ont porté sur plusieurs 


espèces, choisies à raison de la différence de 


structure de leur appareil inoculateur, et aussi de 
l'inégale intensité de leurs réactions défensives 
contre l'assaillant qui les inquiète. Les épeires, les 
ségestries et les autres types analogues, dont les 
chélicères trop peu robustes sont impuissantes à 
percer l’épiderme humain, ne firent éprouver 
à l'expérimentateur qu'un pincement peu doulou- 
reux. 

Avec la Dysdère érythrine, plus petite, mais 
munie de chélicères proportionnellement plus 
longues et surlout plus aiguës, la piqüre était plus 
sensible et s'accompagnait d'une cuisson vive, mais 
de très faible durée. La Clubiona nutrix, espèce 
très courageuse qui, lorsqu'elle est attaquée, et 
surtout quand elle a des petits, menace vaillam- 
ment l’adversaire de ses pinces où suinte une gout- 
telette de venin, et qui possède d'ailleurs des 
chélicères solides et très aiguës, ne produisait 
également que des piqûres si fines et si superfi- 
cìelles, que lon eùt pu croire lépiderme intact, 
sans la cuisson, la rougeur et la petite ampoule qui 
se manifestaient au point saisi entre les crochets. 

Enfin, après avoir expérimenté ces différentes 
araignées de petite taille ou faiblement armées, 
Dugès se soumit à la piqûre d'une espèce que ses 
grandes dimensions et la force de ses tenailles 


COSMOS 


24 OCTOBRE 1919 


rendent théoriquement plus redoutable, la Seges- 
tria perfida, vulgairement araignée des caves. 
L'individu choisi mesurait 2 centimètres, des mandi- 
bules aux filières; saisi avec précaution par les 
pattes reployées, il fut placé d’abord sur différents 
objets, sur les vêtements de l’expérimentateur, 
sans qu’il manifestât la moindre velléité de mordre. 

Mais à peine fut-il venu en contact avec la peau 
nue de l’avant-bras, qu'il en saisit un pli entre ses 


robustes chélicères d'un vert métallique, et y 


enfonça ses crochets; quoique laissé libre, il y 
demeura suspendu quelques instants, puis il se 
laissa tomber et s'enfuit, laissant sur l'épiderme, 
à 4 millimètres d’écartement, deux petites plaies 
rouges, à peine saignantes, légèrement ecchymosées 
au pourtour, et comparables à celles qu'aurait pu 
produire la piqüre d’une grosse épingle. 

Au moment de la morsure, la sensation éprouvée 
fut assez forte pour mériter le nom de douleur; 
elle était analogue à celle d’une piqüre d'ortie. 
Elle persista, en s’atténuant graduellement, pen- 
dant six à sept minutes. Presque aussitôt, une 
ampoule blanchätre se forma autour des deux 
piqüres, tandis que tout le pourtour, sur un dia- 
mètre d'environ 2,5 cm, se colorait en rouge et se 
soulevait légèrement, sous l'afflux du sang. La 
résorption du poison introduit s'opéra très rapide- 
ment, et, au bout d’une heure et demie, tout symp- 
tòme inflammatoire avait disparu. 

En général, les araignées sont peu agressives, 
et, leurs chélicères ayant surtout pour fonction de 
paralyser par l'inoculation du venin les bestioles 
qu'elles capturent, elles n’ont pas de tendance 
à s'en servir comme d'un moyen de défense contre 
leurs adversaires, ou pour attaquer des animaux 
n’appartenant pas au cadre zoologique de leurs 
proies ordinaires. On vient de voir que la ségestrie 
au moins fait exception, et saisit à l’occasion, 
même sans provocation, l’épiderme humain. La 
tégénaire domestique, qui est l’espèce que l’on 
accuse le plus communément d'attaquer l'homme 
et de sucer son sang en provoquant au point piqué 
une ampoule, parait assez timide et ne mord pas 
lorsqu'on la saisit, Cependant, l'obscurité nocturne 
lui donne peut-être plus de hardiesse, et, comme 


. elle est souvent la seule araignée des maisons, on 


ne voit pas bien à quelle autre espèce il faudrait 
rapporter ces boutons que l’on observe parfois sur 
la peau au réveil, et où l'on distingue deux petits 
points rouges, trace d'une double piqûre que ne 
pourraient faire les insectes suceurs, munis d'un 
rostre unique. 

Le fait est d’ailleurs assez rare pour que l’on 
puisse considérer les araignées, du moins dans 
nos pays, comme réellement sans danger pour 
l'homme, d'autant plus que leur venin n'est ni 
assez énergique ni surtout assez abondant pour 
causer des désordes graves dans un organisme 


N° 1348 


volumineux. Chez certaines espèces même, comme 
les mygales, ce venin est si peu abondant qu'elles 
doivent suppléer à son insuffisance par une éner- 
gique dépense de force musculaire. Ainsi Dugès 
a vu une grosse mouche bleue survivre à la mor- 
sure d'une mygale masonne qui l'avait tenue entre 
ses chélicères pendant dix minutes, tandis que 


COSMOS 


471 


dans le même temps cette araignée vint à bout, 
par la seule force de ses mandibules, d'étrangler 
un lézard long de 410 centimètres. En résumé, les 
araignées demeurent des animaux plus utiles que 


nuisibles, et les quelques inconvénients auxquels 


eHes donnent lieu sont d'une nature facilement 
évitable. À. ACLOQUE. 





SOCIETES SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 
Séance du 14 octobre 1912. 


PRÉSIDENCE DE M. LIPPMANN. 


La 17' Conférence générale de l’Associa- 
tion géodésique internationale. — La 17° réu- 
nion générale de l'Association géodésique internatio- 
nale a eu lieu du {7 au 27 septembre, à Hambourg. 
Les séances générales ont eu lieu les 17, 19, 21, 23, 25 
et 27 septembre sous la présidence de M. le général 
Bassot. M. BaizzAUD rend compte des travaux, des dis- 
cussions et des résolutions qui ont été prises. Les 
membres francais présents étaient, avec M. le général 
Bassot, MM. Ch. Lallemand, directeur du Service du 
nivellement général de la France; le colonel R. Bour- 
geois, directeur du Service géographique de l’armée; 
F. Hanusse, directeur du Service hydrographique de 
la marine: le lieutenant-colonel Lallemand, chef de la 
Sectivn de géodésie au Service géographique de 
l’armée; B. Baillaud, directeur de l’Observatoire. 


Note sur quelques minéraux de Madagascar 
dont plusieurs peuvent être utilisés comme 
gemmes. — Toutes les roches granitiques connues 
présentent la particularité commune d’avoir leurs 
feldspaths plus ou moins opaques ou, tout au moins, 
troubles, par suite du développement secondaire de 
produits d'altération, cristallins ou amorphes. 

La pegmatite, au contraire, est remarquable en ce 
que tous ses minéraux constitutifs se présentent dans 
un état de pureté idéale et donnent, par suite, des 
indications sur ce que peuvent ètre les roches grani- 
tiques dans leur état de fraicheur originelle. 

Tous ces minéraux, quartz, orthose, diopside, apa- 
tite, sont transparents et d’une limpidité telle qu'ils 
peuvent être utilisés comme gemmes. 

M. A. Lacroix à étudié un certain nombre de ces 
minéraux provenant de Madagascar et dont la con- 
servation est remarquable. Il en cite plusieurs qui 
devront désormais figurer dans la liste des pierres 
précieuses. Il expose les qualités optiques et les com- 
position chimique de ces divers produits. 


Sur Ia théorie cinétique des gaz ionisés et 
le principe de Carnot. — La théorie des gaz ioni- 
sés dans un champ magnétique conduit à une consé- 
quence assez singulière, qui met en cause le principe 
de Carnot. En effet, comme le montre M. Gouy, abs- 
traction faite des rencontres, la pesanteur combinée 
avec le champ magnétique uniforme imprime aux 


ions un moyen mouvement qui est perpendiculaire à 
ces deux vecteurs, et dont le sens est opposé pour 
les ions des deux signes; les rencontres avec les molé- 
cules annulent ce mouvement quand le gaz est très 
dense; mais, dans un gaz raréfié, ces mouvements 
existent et on pourrait recueillir un courant capable 
de produire un travail extérieur indéfini. 

Si, cependant, le principe de Carnot est ici en défaut, 
on peut trouver la raison de cette dérogation : elle se 
trouve dans ce fait que l’action simultanée de la pe- 
santeur et du champ magnétique uniforme imprime 
aux ions des mouvements qui, dans une certaine me- 
sure, sont coordonnés, contrairement au caractère 
normal de l'agitation thermique. Le champ magnétique 
joue le rôle du démon de Maxwell, qui, sans fournir 
d'énergie, exerce sur les particules une action direc- 
trice et sélective, les faisant ainsi échapper à la loi 
statistique qui constitue le second principe de la ther- 
modynamique. 


Sur l’opacité aux rayons X de tissus conve- 
nablement chargés par une teinture aux sels 
de plomb. — Dans le but d'améliorer les moyens de 
protection des opérateurs, qui manipulent habituelle- 
ment les rayons X,contre la dangereuse radiodermite 
professionnelle, M. L.-G. Droit a utilisé la propriété 
que possède la soie d’absorber, au cours des opéra- 
tions de teinture, des quantités considérables de com- 
posés métalliques. Avec le concours de MM. Guicherd 
et Sisley, de Lyon, il a réalisé des schappes de soie- 
ayant recu, par les procédés de la teinturerie, 
d'énormes charges de phosphostannate de plomb. 
Deux à six épaisseurs de ce tissu, qui est relativement 
souple, forment écran efficace contre la radiodermite. 


Sur la dyssymétrie des ions positifs et né:a- 
tifs relativement à la condensation de la 
vapeur d’eau dans une atmosphère de gaz 
carbonique. — Note de M. Besson. 

Deux écrans de plomb de 6 centimètres d'“paisseur 
placés l’un au-dessus de l’autre, à une distance de 
3 millimètres, laissent passer un faisceau étroit de 
rayons de Rentgen venant raser la plate-forme. 

Le gaz carbonique est soumispendant deux secondes 
à l’action du rayonnement; on établit un champ de 
& volts qu’on peut inverser à volonté. 

La dyssvmétrie apparait très nettement par obser- 
vation directe; la pluie ou le nuage qui résulte de la 
condensation sur les ions négatifs en excès est visible- 
ment plus intense que dans le cas où ce sont les ions 
positifs qui prédominent. 

Le phénomène observé est beaucoup plus net que 
dans le cas de l'air. 


472 


Résultats scientifiques de l'excursion alpine de la 
Geologische Vereiniqung : les nappes lépontines dans les 
Tauern. Note de M. Pieare Termien. — De l'influence 
de la castration sur la formation du sucre dans 
les tiges du maïs et du sorgho sucré. Note de 
M. Évocano Hrckez. — Observations de la comète 
Gale (1912 a), faites à l'Observatoire de Lyon. Note de 
M. J. Guirrauue: à l’'Obervatoire de Marseille par 
M. Bonnrzzv; à celui de Besançon par M. CHOFARDET. 
— Sur l'orientation des équatoriaux photographiques. 
Note de M. Enxesr EscLancox. — Sur les systèmes con- 
jugućs. Note de M. A. Perot. — Sur le principe de 
Dirichlet. Note de M. HEeNR1 LEBESGUE. — Sur un point 
encore controversé dans l'étude des chronomètres 
marins. Note de M. Juzes ANbranr. — De l'association 
moléculaire dans les gaz. Note de M. J. pe Borssouory. 
— Attraction électrique de deux sphères conductrices; 
propriétés de familles de polynomes intervenant dans 
ce problème et leurs relations avec les fonctions sphé- 
riques d'ordre supérieur de Heine. Note de MM. À. Guit- 
LET et M. AvsBeRT. — Sur la dureté des métaux. Note 
de M. Hanrior. — Génération de grains volumineux 
dans les métaux. Note de M. Fézix Rosix ; l’auteur 
examine les conditions déterminant ces phénomènes qui 
résultent du recuit, du pliage et du perforage, et qui, 
par suite, jouent industriellement un rôle important. 
— La loi des masses. Ses vérifications contradictoires 
et sa défense par M. Le Chatelier. Note de M. ALBERT 
Corsox. — Variations de l’optimum de température 
sous l'influence du milieu chez le Mucor Rourii. Note 
de M. Mavuice Dunanpanp. — Sur la cytologie du Cap- 
nodium meridionale et du mycélium des fumagines. 
Note de M. G. Anxacp, — Composition chimique du 
sang et hémolyse. Note de MM. ANDré Mayen et GEORGES 


SCHAEFFER. — Synthèse de galactosides d’alcools à 
l'aide de l'émulsine. Ethylgalactoside ß. Note de 
MM. Eu. Bounouezor et H. Hénissey. — Un cas de 


reproduction extraordinaire chez un Protiste, Poly- 
spira Delagei Minkiew. Note de M. Rouvazu MiIXkIEWICZ. 
— Sur l'existence de plusieurs nappes superposées 
dans la Cordillére cantabrique, entre Santander et 
Llanes. Note de MM. Lron BEerrnaxo et Louis MEN- 
GAUD. — Après avoir étudié la structure du bassin 
d'Urville (Calvados) et ses conséquences, au point de 
vue de l’exploitabilité du minerai de fer, M. L. Cayeux 
démontre que ce bassin assure à l'industrie une 
réserve de minerai de beaucoup supérieure au ton- 
nage prévu. C’est à l’ouest de la vallée de la Laize, 
par suite de la largeur du bassin, de son relèvement 
graduel et de la plus grande épaisseur du minerai, 
que les exploitations seront les plus heureuses. 





ASSOCIATION FRANÇAISE 
POUR L’AVANCEMENT DES SCIENCES!) 
Congrès de Nimes. 

Section de physique. 

Prcsidée par M. Taissiizv, professeur agrégé à l'École 
supérieure de pharmacie de Paris, cette section a 
reçu communication de nombreux et intéressants tra- 


vaux. 


r 


(1) Suite, voir p. jti. 


COSMOS 


2% OCTOBRE 191% 


MM. Masson et Faucon (Montpellier) étudient lab- 
sorption des radiations ultra-violettes par les alcools 
de la série grasse. — iis se sont servis d'un spectro- 
graphe en quartz muni d’une échelle en longueurs 
d'onde graduée sur quartz et repérée sur les raies du 
cuivre. La source lumineuse employée était l'arc élec- 
trique jaillissant entre deux électrodes métalliques. 
La plaque photogtaphique est impressionnée depuis 
À = 5 015 (vert) jusqu’à 2 v00 de l'extrème ultra-violet. 
Un courant continu est employé (3 ampères sous 
110 volts) maintenu constant. Les liquides à observer 
étaient contenus dans des tubes en verre de longueurs 
variables, gradués en millimètres et obturés par des 
disques de quartz. Sur chaque plaque ont été photo- 
graphiés, avec la méme durée de pose, le spectre 
témoin des électrodes, l'échelle en longueurs d’onde, 
onze spectres correspondant à des épaisseurs ditré- 
rentes de même liquide. 

Les alcools étudiés avaient diverses provenances, et, 
après rectification, on n'avait recueilli que les frac- 
tions passant à la température d’ébullition du liquide 
pur. Pour chacun, des résultats comparables ont été 
donnés par plusieurs échantillons d'origine différente. 
Les alcools primaires normaux, secondaires normaux, 
tertiaires et primaires non normaux ont été ainsi 
étudiés. 

Des recherches sont actuellement poursuivies con- 
cernant les bandes des spectrogrammes, des aldéhydes 
et des acides correspondants. 


M. Cu. Féry. 1° Nouvelles méthodes calorimétriques. 
— Les lectures se font dans le calorimètre Féry par 
un procédé thermo-électrique et n’ont besoin d'ètre 
soumises à aucune correction de refroidissement ; bien 
que construit pour des mesures industrielles, cet 
appareil permettrait, en effectuant des lectures sur 
un galvanomètre à miroir, de faire les recherches 
thermochimiques les plus délicates. 

2 La spectrographie et ses applications. — Le nou- 
veau spectrographe s'applique à toutes les études 
pouvant ètre faites à l’aide des appareils ordinaires. 
Parmi ces applications spéciales, on peut citer : la 
recherche du radium et la conduite du traitement 
des minerais qui le renferment; l'examen des impu- 
retés, en parliculier la présence du plomb dans les 
métaux précieux les rendant impropres à la frappe 
des monnaies; la recherche et le dosage, par les raies 
ultimes de De Gramont, de l'argent dans les galènes; 
la recherche des terres rares; la mesure bactéricide 
par arcs à vapeur de mercure, etc. 


Le D'° S. Lepuc (Nantes). La structure dynamique, 
— Le point de vue dynamique est aussi étendu, aussi 
général, mais doit être plus fécond que le point de 
vue statique. Un corps est mieux défini par sa struc- 
ture dynamique que par sa structure statique. L'au- 
teur a trouvé des structures dynamiques identiques 
en électricité, magnétisme, électrolvse, diffusion, cris- 
tallisation, et chez les êtres vivants on y trouve des 
formes analogues : formes arborescentes semblables à 
celles des végétaux. Quelques photographies montrent 
les remarquables analogies qui résultent de la confor- 
mité des structures dynamiques (reproduction de la 
forme et des détails d'une feuille végétale); de rami- 


Ne 1448 


fications arborescentes; de ramifications avec modifi- 
cations terminales; la cristallisation du sulfate de 
cuivre en milieu colloïdal; du nitrate de potassium 
cristallisé dans la gélatine; un dépôt électrolytique 
d'argent autour d’un centre cathodique. « La considé- 
ration de la structure dynamique paraît si impor- 
tante pour Île progrès général, conclut M. Leduc, 
que l'on ne saurait trop appeler sur elle l'attention 
de tous ceux qui s'intéressent à la connaissance de la 
nature. » 


M. CaéxNevgavu (Paris) étudie la viscosité des solu- 
tions. — Il donne dans trois tableaux, pour l'alcool 
éthylique, l'acide sulfurique et l’acide azotique, les 
valeurs des diverses constantes des dissolutions 
aqueuses de ces corps et principalement la viscosité. 
L'influence de la capillarité parait assez faible pour 
pouvoir être négligée. On est amené à admettre que 
les hydrates en solution ne sont en réalité que 
des mélanges ou des associations de molécules, ou 
bien, ce qui est aussi vraisemblable, que les divers 
agents physiques ne mettent pas en jeu les mèmes 
propriétés des molécules. En dehors de toute hypo- 
thèse, la viscosité, comme la lumière, ne ‘paraît pas 
indiquer dans les solutions un grand nombre de com- 
posés dissous. 

Des études faites sur la viscosité du latex, ou des 
solutions de divers caoutchoucs dans la benzine ou 
dans divers solvants organiques peuvent présenter 
un grand intérèt pour certaines applications du caout- 
chouc et pour la détermination de la valeur indus- 
trielle de la matière, pour ces applications. 


M. Davuzère (Toulouse) {{es Tourbillons cellulaires 
isolés) fait connaitre les faits nouveaux qu'il a obser- 
vés, relatifs à la cire blanche d'abeille du commerce, 
dont le pcint de fusion est voisin de 60°. La substance 
fondue et filtrée est versée en couche mince sur un 
bain de mercure de 8 cm d'épaisseur et 20 cm de 
diamètre chauffé au bain de sable. La surface de 
mercure, absolument plane quand on la chauffe, 
forme un miroir d’une horizontalité parfaite et permet 
l'observation et la photographie des tourbillons par 
les procédés optiques de M. Bénard. L'auteur a ob- 
servé ce qui 8e produit entre 80° et i4üe et a constaté 
que l’on revient à haute température à la distribution 
de tourbillons d’où l’on était parti, mais la grosseur de 
ces nouveaux tourbillons isolés est beaucoup plus 
grande que celle des premiers et leur aspect complé- 
tement différent. 


M. Gavrra Sizes (Toulouse). 1° Za résonanre multiple 
des cloches. — L'auteur, avec M. Massol, a déjà dé- 
montré (Congrès de Toulouse 1910) que les diapasons 
vibrent une échelle harmonique de sons dont les hau- 
teurs varient dans une étendue de douze octaves envi- 
ron. Le son prédominant occupe le centre de cette 
manifestation vibratoire; au lieu d’en êtrele son géné- 
rateur, ou son fondamental, il n’est que l’harmonique, 
le mieux favorisé par la manière d'être du corps 
sonore. M. Sizes se propose, dans son mémoire actuel, 
de démontrer qu'il en est de mème avec les cloches, 
les gongs, les tams-tams. Les expériences furent faites 
sur les quatre principales cloches de la cathédrale de 
Montpellier. 


COSMOS 


473 


> La résonance multiple des gongs el des tams-lams 
chinois. 

Le gong n'ayant qu’un centre de vibrations né 
donne lieu qu’à une seule échelle tonale de sons. Il se 
rattache au mode de vibration d’une corde fixée aux 
deux extrémités. La fondamentale est en fonction de 
dominante, comme dans les cloches et les diapasons, 
mais le son prédominant est ici en fonction d’octave 
de fondamentale au lieu de quinte. 

L'effet produit par le tam-tam est tout différent : ses 
vibrations manquent d'éclat à cause de la protubé- 
rance sphérique dont le centre est agrémenté et qui 
enlève toute souplesse à la partie vibrante. Les vibra- 
tions se réduisent aux sons partiels supérieurs de 
premier ordre, en rapport de quinte et d'octave. Par 
sa constitution trop rigide, il ne peut vibrer d’harmo- 
niques basses; de là son manque d'intensité; il ne 
vibre pas non plus d’harmoniques relativement éle- 
vées; de là son manque d'éclat. 

Il est intéressant de remarquer que la cloche, comme 
le tam-tam, a deux centres de vibrations, mais mieux 
favorisés par une élasticité plus complète. Le rebord 
ou pince vibre l'échelle inférieure. La frappe, qui est 
à la base de l'échelle partielle supérieure, vibre le 
son prédominant en relation de quinte avec le fonda- 
mental. La faussure vibre la tierce mineure, harmo- 
nique 7/6, suivie de la quarte et de la quinte du son 
prédominant. Cette quinte est en fonction de la 
9° harmonique de la fondamentale. Les sons suraigus 
vibrent de ia partie médiane à la calotte. Gomme cela 
se produit avec les cors et les trompettes, plus le 
corps vibrant est court, plus la fonrtion harmonique 
du son prédominant s'élève dans les degrés de 
l'échelle générale, favorisant ainsi l'étendue de 
l'échelle inférieure. Dans les quatre cloches de la 
cathédrale de Montpellier, cette fonction passe de la 
double quinte dans les deux premières à la neuvième 
dans les deux autres. Le mode de vibration des 
cloches se rapproche donc de celui des cors et des 
trompettes. 


M. Roré (Toulouse). Rerherrhes sur l'influence des 
radiations solaires et des perturbations atmosphériques 
sur la propagation des ondes hertsiennes. — Íl y a eu, 
peudant l’éclipse du 17 avril, une augmentation nette 
dans l'intensité de la réception, ce que montre très 
nettement le diagramme que présente M. Rothé. Cette 
augmentation doit-elle être attribuée à l'influence 
directe des rayons solaires ou aux seules variutions 
atmosphériques corrélatives du phénomène? Une étude 
approfondie des résultats obtenus dans les diverses 
stations, des heures auxquelles l'augmentation s'est 
produite aux différents postes, mettra peut-être ce fait 
en évidence. 


MM. Rorué et Gnécomne De BoLLEMoNT. Elude spec- 
trographique de la lumière solaire pendant l'éclipse 
du 17 avril 1912, — Cette étude a été faite à l'aide 
du spectroscope de Hilger; 51 photographies du 
spectre ont été faites; la durée de pose était de 
dix secondes. 

Le mémoire présente un tableau donnant les 
mesures et en méme temps les densités correspondant 
aux angles mesurés, ainsi que les courbes oblenues 
eu portant les temps en abscisses et les densités en 


171 


ordonnées. L'examen de ces courbes montre que la 
densité photographique pour les radiations étudiées 
décroit rapidement et d'une facon régulitre juqu'au 
moment du maximum de l'éclipse, pour croître 
ensuite. 

On voit de plus qu’au moment du maximum cette 





COSMOS 


2% OCTOBRE 1912 


densité diminue moins pour l’orangé que pourle bleu 
et l'ultra-violet, c’est à-dire qu'à ce moment il y aurait 
eu en plus grande quantité émission des radiations 
situées vers la région rouge du spectre. 


(A suivre.) E. Héaicuanrn. 





BIBLIOGRAPHIE 


Cours de mathématiques supérieures à l’usage 
des candidats à la licence ès sciences phy- 
siques, par l'abbé E. Srorrars, professeur à la 
Facullé catholique des sciences, directeur de 
l’Institut catholique d’arts et méliers de Lille. 
Troisième édition, entièrement refondue. Deux 
volumes de x-398 et 362 pages. Gauthier-Villars, 
Paris, 1911. 


La première édition de cet ouvrage date de 1891. 
Depuis lors, la plupart des Facultés ont fondé un 
certificat de mathématiques générales qui, joint 
à deux autres cerlificats, confère le titre de licencié 
ès sciences : or, le Cours de mathématiques supé- 
rieures de l'abbé Stoffaës répondait par avance 
aux exigences de ce programme. Cependant le 


développement de la physique, le rôle plus impor- 


tant joué par les mathématiques dans l'enseigne- 
ment des Facultés et des Ecoles techniques, et géné- 
ralement le relèvement du niveau scientifique des 
étudiants invitaient M. Stoffaës à compléter les 
deux précédentes rédactions de son livre et à intro- 
duire même quelques chapitres nouveaux, tels : les 
généralités sur les équations, les notions sur les 
fonctions hyperboliques, .les séries entières, la 
courbure des surfaces, etc. 

Tout en adoptant une forme didactique parfaite, 
l'auteur n’a pas voulu s’astreindre à une division 
rigoureuse en trois parties : compléments d'algèbre, 
géométrie analytique, analyse. 11 a gradué l'effort 
demandé à l'étudiant. C'est ainsi qu'il a intercalé 
les différentielles et intégrales entre les premières 
notions d’analytique et les courbes et surfaces, 
réservant les équations différentielles pour la fin. 
Voici la distribution des matières dans les deux 
volumes : 

T. I: Compléments d'algèbre élémentaire. 
Dérivées. Équations. Géométrie analytique. Diffé- 
rentielles et intégrales. | 

T.I[: Courbes et surfaces. Équalions différenticlles. 

Des applications pratiques sont empruntées à la 
physique (équation de van der Waals), à la méca- 
nique rationnelle (équation des cordes vibrantes), 
à l'électricité. 

Après l'apparilion récente d'ouvrages similaires, 
le Cours de mathématiques supérieures mérite 
encore hautement de retenir la faveur des futurs 
physiciens et de tous ceux qui ont le désir de s'ini- 
tier au calcul différentiel et intégral. 


Cinématique appliquée et mécanismes, par 
L. Jacos, ingénieur général de l'artillerie na- 
vale, directeur du Laboratoire central de la 
marine. Un vol.grand in-18 jésusdexxrv-362 pages, 
avec 171 figures, de l'Encyclopédie scientifique, 
publiée sous la direction du D" Toulouse (cartonné 
toile, 5 fr). O. Doin et fils, éditeurs, 8, place de 
l'Odéon, Paris, 1912. 


L'examen des mécanismes très nombreux que 
l'on rencontre aujourd'hui dans la pratique néces- 
site au préalable une classification de ces organes. 
Beaucoup d'essais ont été faits dans cet ordre 
d'idées, sans que l'on soit arrivé à un résultat 
entièrement satisfaisant. L'auteur remarque que ce 
fait parait tenir à la nature même de la question. 
Il adopte la méthode de classification de Willis, en 
la modifiant légèrement, et au point de vue de la 
division, el au point de vue de la terminologie. 

L'exposé des propriétés des roues dentées tient 
une place en rapport avec l'importance de ces 
mécanismes. La théorie en est bien connue, mais 
l’auteur a voulu en rapprocher les méthodes pra- 
tiques et les données numériques actuellement 
usitées pour tracer ces organes, dont la construc- 
tion est organisée aujourd’hui d'une façon tout à 
fait industrielle. 

L'étude cinématique d'un mécanisme doit en 
précéder l’étude dynamique, qu’elle est de nature 
à préparer très efficacement en permettant, par 
l'emploi de méthodes convenables, la détermina- 
tion des forces d'inertie. Ce point de vue souvent 
négligé a été traité en détail, et on en verra toute 
l'importance dans la partie de l'ouvrage consacrée 
aux jonclions par liens rigides. La méthode géo- 
métrique employée est due à M. l'ingénieur en 
chef du génie marilime Marbec; elle est encore 
peu répandue, et un exposé en a été donné au début 
de l'ouvrage. 


Deuxième essai de démonstration générale 
du théorème de Fermat, par Loi Lussan, 
ancien élève de l'Ecole polytechnique, colonel 
du génie en retraile à Gan (B.-P.). In-8°, 9 pages 
(4 fr). Librairies V'e Léon Ribaut, à Pau, et 
Gauthier-Villars, à Paris. 1912. 

Il s'agit de la solution en nombres entiers de 
équation x” + y” = 2", que Fermat a dite impos- 
sible lorsque x est plus grand que 2, mais sans 


N° 1448 


publier la démonstration de cette impossibilité. 

M. Lussan, compatriote de Fermat en pays d'Ar- 
magnac (Vascones ambo), s'était précédemment 
essayé à résoudre le problème posé par Fermat 
(voir Cosmos, t. LXVI, n° 1406, p. 27), mais ayant 
reconnu que certaines de ses déductions étaient 
inexactes, ila retouché sa démonstration pour lui 
donner plus de rigueur. 


La sociologie générale et les lois sociolo- 
giques, par M. Gasron RicHanD. Un vol. de la 
Bibliothèque de sociologie (Encyclopédie scien- 
tifique), de 396 pages (relié, 5 fr.). Doin et fils, 
éditeurs, 8, place de l'Odéon, Paris. 


Les phénomènes sociaux sont de natures diverses 
et peuvent se ranger en groupes distincts : phéno- 
mènes religieux, phénomènes économiques, etc. 
Ces catégories forment-elles des séries indépen- 
dantes et closes, objet de sciences spéciales et indé- 
pendantes, ou bien se compénètrent-elles suffisam- 
ment de façon à donner lieu à une science 
générale des phénomènes sociaux, à une socio- 
logie générale? M. Gaston Richard soutient cette 
seconde manière de voir en s'appuyant d’une part 
sur le caractère circulaire ou de compénétration 
réciproque qui s'attache aux phénomènes sociaux, 
et, d'autre part, sur ce fait que la sociologie géné- 
rale répond aux trois conditions imposées à toute 
science : la généralité, l’enchainement causal, la 
preuve. L’argumentalion de l’auteur est très 
serrée, et MM. Durkheim, avec sa théorie de la 
Société organique, et Léon Bourgeois, avec sa 
morale de la solidarité, ont pu s'apercevoir de la 
vigueur de logique avec laquelle leurs hypothèses 
ont été combattues. — La manière de voir de 
M. Gaston Richard, dont il est impossible de signa- 
ler et d'apprécier les multiples idées éparses en 
son livre, nous est apparue juste sur les points 
que nous mentionnons. 


L'invention de la poudre sans fumée en 1870, 
par L. Saincaire. Une brochure in-8° de 
21 pages (0,75 fr). Librairie Berger-Levrault, 
rue des Beaux-Arts, Paris. 


Depuis quelques années, on a eu souvent l’occasion 
de parler des poudres sans fumée. Cette brochure 
fort curieuse réunit à ce sujet diverses publi- 
cations, d’après lesquelles il semble bien qu'une 
poudre sans fumée, semblable sous bien des 
rapports à celles employées maintenant dans les 
diverses armées, aurait élé inventée vers 1870 par 
M. Volkmann et aurait eu un commencement de 
fabrication en Autriche. 


Plus d’empoisonnement par les champignons! 
Les dix champignons qui tuent; comment 
les reconnaître. — Plaquette avec planche 


COSMOS 475 


de 12 figures d'après nature (0,50 fr), par 
M. l’abbé L. Parcor, à D'huizon, près La Ferté- 
Alais (Seine-et-Oise). (Moyennant 0,23 fron peut 
se procurer une planche coloriée des champignons 
signalés.) 


La saison désastreuse qui a favorisé une poussée 
exceptionnelle de champignons a causé, grâce 
à l'imprudence invraisemblable d'une foule de col- 
lecteurs amateurs, les accidents les plus cruels. 

M. l'abbé Parcot, un mycologue distingué, ému 
par ces événements, a réuni en quelques lignes les 
renseignements qui doivent permettre de recon- 
naitre les champignons certainement vénéneux. Ce 
travail est à la portée de tous; une planche complète 
le texte. C'est uvre excellente. Souhaiions que les 
intéressés la consultent et surtout qu'ils sachent 
apporter à cette lecture l’attention nécessaire pour 
en tirer bon profit et pour ne pas s'égarer dans 
une confiance qui pourrait avoir des suites désas- 
treuses. 


Commission de la Conservation au Canada. 
(Ottawa). 


Cette Commission, sous la présidence de l’Hon. 
Clifford Sifton, a pour objet l'étude de tout ce 
qui constitue la richesse de ce beau pays, conser- 
vation et amélioration. 

Elle est constituée par sept Comités, dont voici 
l'énumération : Pècheries, gibier et animaux à 
fourrures. — Forèts. — Terres. — Minéraux. — 
Presse et organisation coopérantes. — Santé pu- 
blique. — Eaux et forces hydrauliques. 

Nous venons de recevoir les rapports de quatre 
de ces Commissions, en deux beaux volumes char- 
gés d'illustralions pittoresques etaccompagnés d'un 
album de très belles cartes. 


I. — Terres, pécheries et gibier, minéraur. 


Il est impossible de rendre compte, en quelques 
lignes, de travaux aussi considérables. Nous y 
relevons, parce que cela a un intérêt tout spécial 
pour nous, la longue histoire des pêcheries de 
Terre-Neuve, les nombreuses difficultés auxquelles 
clles ont donné lieu. Il est à regretter que nos 
ministres, il y a quelques années, n'aient pas été 
aussi bien documentés sur cetie grave question, 


Il. — Les [forces hydranligues du Carada, 


Ce travail considérable n'a pas demandé moins 
de deux annces de travaux aux fonctionnaires de la 
Conservation; sa rédaction a été contiée aux per- 
sonnages les plus compétents: M. Arthur V. White 
et MM. Leo Denis, W. J. Diek et G. B. Hall. Cette 
étude est accompagnée d'un album de très belles 
cartes. 


——-—- - -m —— — — 


COSMOS 


2% OCTOBRE 1912 


FORMULAIRE 


Préparation d’une colle à la dextrine. — 
M. John Eggers indique un procédé de préparation 
de la colle que le commerce livre sous le nom de 
« library paste » et qu'utilisent un grand nombre 
de photographes pour le montage des épreuves. 


Dextrine blanche...... Hdi 500 g. 

Eau à 71 degrés centigrades....,. 1193 cm’ 
Essence de Wintergreen........ 0,5 em’ 
Essence de giroile............ s 0,5 cm? 


On porte leau à 71 degrés centigrades et on 


ajoute, par petites quantités, la dextrine en ayant 
soin de ne pas laisser varier la température de 
plus de { degré jusqu’à dissolution de la dextrine. 
On ajoute alors les essences et on laisse refroidir. 
On met en flacons bouchés et on abandonne huit 
à quinze jours pour laisser prendre de la consis- 
tance. 

L'auteur attache la plus grande importance à la 
question de la température (74 degrés centigrades). 

(Photo-Revue, 22 sept.) 





PETITE CORRESPONDANCE 


Adresses : 

Le dispositif de sùreté pour les canalisations de 
vapeur sous pression a été inventé par M. Boudouin, 
1, rue Torte, Marseille. 


M. A. L., à M. — Nous avons demandé cette adresse 
à notre rédacteur: nous vous l'indiquerons dès qu'elle 
nous sera parvenue. 


X. Y. Z., à B. — 1° ouvrage sur les cerfs-volants: 
Les cerfs-volants, par J. Leconse (3,50 fr). Librairie 
Vuibert,63, boulevard Saint-Germain; Les cerfs-rolants 
et leurs applications militaires, par le Lt Bors (3 fr). 
Librairie Dunod et Pinat, 49, quai des Grands-Augus- 
tins. — ? Aide-mémoire de l'ingénieur: Formules, 
lables et renseignements usuels, par J. Cuavoez (2 vol., 
30 fr). Librairie Dunod et Pinat; ou Notes et formules 
de l'ingénieur (12,50 fr). Librairie Bernard, 1, rue de 
Médicis. — 3 Ouvrage sur le dessin de machines : 
Dessin industriel, par Dupuis et Lousanp, 3 vol. dont 
un atlas (15 fr). Librairie Dunod et Pinat; Pratique 
de l'art de construire, par Craunez, LAROQUE et DaniËs 
(22 fr). Mème librairie. — 4° Renseignements sur les 
injecteurs fonctionnant avec de l’eau pour entrainer 
une autre portion d'eau chargée de matières étran- 
gères: nous n'avons rien trouvé sur ce sujet. Peut-ètre 
un de nos lecteurs pourra-t-il nous renseigner. 

M. A. D., à V. — Vous pouvez demander cette bro- 
chure au Dr Alexandre, médecin au sanatorium 
d'Hauteville (Ain). IL vous lenverra. H n’y a aucune 
indication d'éditeur et de prix. 

M. H. B., à P. — La soudure des pièces d’alumi- 
nium n'est pas facile, comme vous pourrez le voir en 
vous reportant au Cosmos (t. LX, n° 1264, 17 avril 
1909). On a recours à la soudure autogène, en 
emplovant des poudres spéciales. Vous trouverez les 
produits spéciaux poursoudure, brasure del'aluminiuim 
à la maison Odam et Cie, 131, rue d’Avron, Paris, XX°. 

M. H. E, à M. — Les bouteilles en papier sont 
fabrituées par la Purity paper bottle Company, de 
Washington. Nous ne connaissons pas de correspon- 
dant en France. 

M. G. H., à N. — Le détecteur de M. Duroquier est 
un détecteur à cristaux (cristal de galène naturelle 
qui a subiun traitement spécial que l'inventeur garde 
secret. Les cristaux sont sensibles sur toute leur 
su:face, presque uniformément. Une pointe de cuivre 
vient s'appuyer sur le cristal, et une molette exté- 


rieure permet de la fixer dans une position invariable 
quand on a trouvé un point particulièrement sensible 
de la galène. 


M. J. de L., à B. — On ne saurait tirer parti soi- 
mème économiquement de ces résidus; il faut 
s'adresser aux raffineries qui les achètent quand la 
quantité est suffisante et la richesse acceptable. Il y a, 
en effet, des ouvrages traitant de la métallurgie de ces 
métaux, mais la question qui vous intéresse y tient 
peu de place. — Le nombre des petits métiers s'exerçant 
en chambre est incommensurable. Si vous en avez un 
spécialement en vue, on tàächera de trouver le livre 
qui parle de sa technologie; mais il n’existe pas d'ou- 
vrage général. 

M. M. T., à F. — La meilleure solution serait de 
fabriquer un rhéostat à liquide dans lequel les plaques 
pourraient se plonger plus ou moins. Un tel dispositif 
suffirait pour faire fonctionner les quelques appareils 
que vous mentionnez. 


M. H. R.. à C. (Cuba). — En général, pour empè- 
cher Jes dégagements des vapeurs acides des accumu- 
lateurs, on recouvre les bacs. Les bacs en verre et en 
ébonite ont un couvercle de mème substance, et les 
joints sont bouchés au moyen d'un mastic élastique 
et inattaquable aux acides (3 parties de cire minérale, 
2 parties de colophane et 0,5 partie de gomme para, 
le tout fondu au bain-marie et bien mélangé); les bacs 
en celluloïd ont un couvercle de celluloïd collé avec 
une colle spéciale (rognures de celluloïd dissoutes 
dans de l’acétate d'amyle). Il faut cependant une petite 
ouverture pour laisser échapper les gaz. On peut 
aussi immobiliser l’électrolyte, mais ce procédé qui 
permet d'éviter l'évaporation n’empéche pas le dégage- 
ment de vapeur, et il accroît la résistance intérieure 
de l’accumulateur. 


M. P. M. C.. à M. — Dans un moteur désaxé, l’aug- 
mentation de vitesse pendant la course descendante 
tient justement à cette construction spéciale. Vous vous 
en rendrez très bien compte en voyant une représen- 
tation schématique d'un tel moteur. Pour vous donner 
un renseignement précis sur cette augmentation de 
vitesse, il faudrait connaître la course, le diamètre du 
piston, la longueur de la bielle, outre les éléments que 
vous indiquez. 


ON 


Imprimerie P. Fenon-Vrau. 3 et 5, rue Bayard, Paris, VIIIe. 
Le gérant: A. FAIGLE. 


No 4449 — 31 ocToBRE 1912 


COSMOS 


477 


SOMMAIRE 


Tour du Monde. — L’éclipse de Soleil du 10 octobre 1912. Redécouverte de la comète périodique de 
Tuttle. L’envahissement par la race canine. Transformation rapide d’une espèce de poisson. Condensateurs 
réducteurs de tension pour lampes électriques. La suddite. Substituts du charbon dans l'avenir. Variation 
de l'intensité lumineuse du jour suivant les heures et les saisons. Les pêcheries d'ambre de la Prusse 
orientale. Une silice de forme nouvelle. Le transport de l'hydrogène à grande distance par canalisation 


La valeur de l'eau de mer, p. 477. 


Correspondance. — Un bolide, J. be LA Porte, p. 481. 


Installation de sécurité Martini et Huneke pour la manutention des liquides inflammables, 


J. Boren, p. 482. — Télégraphie sans fil 


: réception à domicile des signaux horaires (suite), 


D" P. Conner, p. 485. — Perfectionnements aux hydroaéroplanes, Fournier, p. 488. — Les navires- 
écoles de la marine marchande, GRADE&NwWITZ, p. 489. — Notes pratiques de chimie, J. Garçon, 
p. 493. — Un tableau allégorique : la Pharmacie, GoubALuiER, p. 495. — Sociétés savantes : Académie 
des sciences, p. 499. — Associalion française pour l’avancement des sciences (suite), HÉricHanD, p. 500. — 


Bibliographie, p. 501. 








TOUR DU MONDE 


ASTRONOMIE 


L’éclipse dé Soleil du 10 octobre 1912. — 
Il semble décidément qu'il faille conserver peu 
d'espoir dans le résultat des observations de la 
dernière éclipse. 

Un télégramme de M. F. Ristenpart, directeur 
de l’Observatoire de Santiago du Chili, à l'éditeur 
des Astronomische Nachrichten, mande en effet 
qu'à Christina, dans l'État de Minas Geraes, où 
s'était établie l'expédition chilienne, la pluie a 
empèché presque toutes les observations. On a pu 
cependant suivre avec une pile au sélénium la 
variation lumineuse du phénomène qui a été con- 
venablement enregistrée. 

M. H. Morize, directeur de l'Observatoire de Rio- 
de-Janeiro (Brésil), accompagnait M. Ristenpart, et 
ses préparatifs ont eu le même sort. 

D'autre part, un télégramme de M. C.-D. Perrine, 
l'ancien astronome du Mont-Hamilton, devenu direc- 
teur de l'Observatoire de La Plata (Argentine), 
à M. E.-C. Pickering, et que celui-ci a transmis 
à Kiel, signale qu’il a également eu de la pluie. 

Seul donc, jusqu'ici, M. Worthington n’a pas 
donné de ses nouvelles, et il reste un faible espoir 
qu'il ait pu faire beau à Uberaba, où l’astronome 
anglais s'était posté. 

P.-S. — Un télégramme de Rio-de-Janeiro au 
Bureau central des télégrammes astronomiques, en 
date du 17 octobre, annonce que les observations 
entreprises dans une localité qui n’est pas indiquée, 
par M. L.-G. Tufino, de Observatoire de Quito 
(Équateur), ont réussi. 


Redécouverte de la Comète périodique de 
Tuttle (Schaumasse 1912 b). — La comète ré- 
cemment découverte à Nice par M. A.Schaumasse, 
le 19 octobre, et que l'on croyait nouvelle, a été 


T. LXVII. No 1549. 


identifiée depuis avec une comète périodique, la 
comète Tuttle. Nous dirons dans notre prochain 
numéro comment on est arrivé à cette constatation. 


HYGIÈNE 


L’envahissement par la race canine. — Dans 
son rapport sur le service vétérinaire sanitaire, en 
1911, M. Martel, chef du service, constate que la 
rage reste encore trop fréquente en France, car on 
signale de 300 à 500 cas par an; il estime qu’elle 
aurait entièrement disparu si les règlements admi- 
nistralifs contre leschiens errants étaient appliqués. 
Cette maladie devient rare dans le département 
de la Seine, trois ou quatre cas par an. Cependant, 
M. Martel constate que la population canine ne 
cesse d’augmenter dans des proportions exagérées; 
il trouve que cette augmentation n’a aucune raison 
d’être et quelle constitue un danger public. 

Nous partageons son avis pour différentes rai- 
sons; d’abord, il est odieux de voir nos rues 
encombrées de chiens, gros et petits, quand tant 
de gens ont grand'peine à vivre; c'est non seule- 
ment un danger, mais une gêne pour tout le 
monde. Dans les villes, les chiens ne sont en gé- 
néral que des bêtes de luxe; nous aimons ces bons 
animaux, mais nous ne nous croyons pas le droit de 
les imposer, eux et leurs déplorables habitudes, à nos 
voisins; qu’on ait à la campagne des chiens en se 
bornant au nécessaire, cest très bien; mais, dans 
les rues d'une grande ville, c'est abusif. Qu'on 
nous fasse grâce des phrases sentimentales, vieilles 
rengaines trop connues. Si la disparition de chiens 
cause quelque chagrin à certaines personnes, 
la grande majorité s'en félicitera. Le chien de 
ville, même chez les pauvres, est un animal de 
luxe, puisqu'il faut payer l'impot et le nourrir, 
nous ne demandons pas sa mort, mais qu'on 


178 


impose sévèrement; la taxe actuelle est un 
encouragement à sa multiplication; d’ailleurs, si 
on la paye à la campagne, où tout le monde connait 
les chiens de ses voisins, on ne saurait dire com- 
bien y échappent dans les grandes villes comme 
Paris. 

Un impôt sérieux, excessif, fera diminuer le 
nombre des chiens qui salissent et encombrent les 
voies publiques dans les villes. Tout le monde y 
gagnera: d'abord le gros public qui doit subir leur 
présence; puis le fisc qui, sans doute, verradiminuer 
le nombre des imposés, mais non les sommes qu'il 
en tire, et enfin les gens de peu de fortune qui seront 
forcés de renoncer à une bouche inutile dans leur 
ménage. Le regretté D” Menard avait jadis exposé 
cette thèse avec beaucoup de talent, dans le 
Cosmos. 


BIOLOGIE 


Transformation rapide d’une espèce de pois- 
son (d'après la Revue scientifique, 19 octobre). 
— M. A. Thienemann a signalé dans Naturwis- 
senschaftliche Wochenschrift le cas d'une espèce 
de poisson qui, dans le court délai de quarante 
ans, représentant une succession de sept généra- 
tions, s'est changée sinon en une espèce, du 
moins en une variété nouvelle. 

Il sagit d'un poisson du genre Coregonus, du 
lac de Laach, dans l’Eifel, en Prusse rhénane; ce 
lac est d’origine très ancienne. Le couvent de 
Maria-Laach se trouve à proximité du lac; la 
pêche y est pratiquée par les religieux depuis plus 
de cent ans. Des dossiers du couvent, compulsés 
par M. Thienemann, il ressort que jamais jusqu'à 
ces derniers temps des corégones ne furent pêchés 
ni observés dans le lac. En 1866, le Père Jésuite 
qui dirigeait le service des pêches fit venir de Po- 
méranie des œufs de Coregonus maraena, et du 
lac de Constance des œufs de Coregonus fera. En 
4872, un nouveau million d'œufs de C. fera fut 
expédié de Constance. Parmi les œufs de Pomé- 
ranie, la plupart ont péri pendant le transport, 
ceux qui ont été mis dans le lac n’ont jamais rien 
donné; les souvenirs des pècheurs et les recherches 
spéciales faites par l’auteur à cet égard sont for- 
mels : les Coregonus maraena ont disparu du lac 
sans laisser trace. Les alevins de C. fera ont été 
observés pendant un certain temps, puis ont été 
perdus de vue. 

Mais voici qu’en 1900, par hasard, ont été pris 
dans desnasses quelques poissons d'espèce inconnue. 
Un religieux du couvent, d'origine suisse, a reconnu 
qu'il s'agit de C. fera. Pour plus de sûreté, on les 
a envoyés aux spécialistes suisses, qui ont confirmé 
le diagnostic, mais ont ajouté que les spécimens 
envoyés diffèrent à divers égards des C. fera du 
lac de Constance. En 1906, environ 1 000 corégones 
ont été pris, el depuis on continue à les pêcher 


COSMOS 


91 OCTOBRE 1912 


tous les ans; d’ailleurs, une piscifacture rationnelle 
assure leur maintien. 

Le plus curieux de l’histoire est que les coré- 
gones du lac de Laach ne ressemblent ni aux 
C. fera, dont ils dérivent cependant directement, 
ni à aucune autre espèce de corégone; ils forment 
un groupe nouveau que M. Thienemann a baptisé 
du nom: Coregonus fera, varietas Sancti Bern- 
hardi. 

Les œufs ressemblent à ceux des autres coré- 
gones, mais les larves sont modifiées d’une façon 
caractéristique ; en particulier elles sont complète- 
ment dépourvues de pigment, alors que les larves 
de C. fera ont un pigment jaune. Il est à noter 
que chez les corégones des lacs alpins du Nord, 
Nüsslin (1908 et 1909) a également signalé labsence 
de pigment, et a attribué cela à la transparence 
de l’eau et à la pauvreté de celle-ci en organismes 
planktoniques. Or, l’eau du lac de Laach est beau- 
coup plus transparente et plus pauvre en plankton 
que celle du lac de Constance. 

A l'état adulte, il y a également des différences. 
Ainsi, le filtre branchial de la nouvelle forme est 
extrêmement serré, le plus serré que l’on con- 
naisse. La structure de cet organe est d’une façon 
générale en rapport avec le mode de nutrition. Il 
est assez grossier chez la truite, par exemple, qui 
se nourrit d'organismes assez volumineux, et plus 
fin chez la carpe. Les corégones du lac de Laach 
se nourrissent exclusivement de petits organismes 
planktoniques, comme l’a montré l'étude du con- 
tenu stomacal et intestinal. Par contre, les C. fera 
du lac de Constance se nourrissent de mollusques, 
de vers, de cyclopes, d’aselles, de larves de diptères, 
et accidentellement d'animaux planktoniques. 


ÉLECTRICITÉ INDUSTRIELLE 


Condensateurs réducteurs de tension pour 
lampes électriques. — On sait que l’on a intérèt 
à employer des lampes à filament métallique éta- 
blies pour une tension de 20 à 30 volts; elles sont 
moins fragiles que des lampes à 400 ou 200 volts 
ayant même puissance lumineuse, et, leur filament 
étant plus gros, on peut le soumettre à un régime 
intensif et à une plus haute température sans ris- 
quer de le briser. 

Sur les réseaux à courant alternatif, on emploie 
déjà dans ce but de petils transformateurs sta- 
tiques, constitués par un noyau de tôles de fer 
sur lequel sont enroulées deux bobines, l’une en 
fil long et assez fin, reliée au réseau à 4100 ou 
200 volts, l’autre en fil plus court et plus gros four- 
nissant à la lampe la tension réduite qui lui con- 
vient. Mais ces appareils, qui méritent bien le nom 
d'économiseurs qu'on leur donne parfois, ne sont 
pourtant pas sans inconvénients: même quand la 
lampe est éteinte, ils s'échauffent un peu et con- 
somment donc inutilement de l’énergie. 


N° 1449 


Des économiseurs présentant les mêmes avan- 
tages peuvent être réalisés au moyen de condensa- 
teurs montés en série avec les lampes pour diviser 
la tension totale et la réduire aux bornes de la 
lampe. MM. Ashton et Helsby ont récemment mon- 
tré que l’on peut arriver à des résultats pratiques 
intéressants. Ils ont constitué des condensateurs au 
moyen de deux feuilles métalliques isolées au 
papier et enroulées en forme de cylindre de 50 mil- 
limètres de diamètre et 150 millimètres de lon- 
gueur; on les loge dans le socle des lampes ou 
bien près de l'interrupteur. 

Avec un seul condensateur, on peut monter plu- 
sieurs lampes en série : qu’une seule lampe fonc- 
tionne ou que plusieurs lampes soient allumées à la 
fois, intensité du courant et l'intensité lumineuse de 
chaque lampe ne varieront que d'une quantité insi- 
gnifiante. Supposons trois lampes de 16 volts, toutes 
en série, avec un condensateur, l'ensemble étant 
alimenté par un courant alternatif à 220 volts et 
à une fréquence de 50 périodes par seconde. Si 
l'on éteint deux lampes, la troisième ne souf- 
frira nullement d’un excès de courant (l'intensité 
monte seulement à 4,01 fois l'intensité normale). 
Inversement, on peut monter en série, soit quatre, 
soit cinq lampes avec le même condensateur, et 
elles brilleront d’un éclat à peu près normal {avec 
cinq lampes, l'intensité est encore 0,97 fois l’inten- 
sité normale). 

Autres avantages intéressants, surtout pour 
l'usine qui produit et qui vend l'énergie électrique. 
Le condensateur, dans le cas de la fourniture du 
courant à forfait, joue le ròle de limiteur auto- 
matique et empêche l’abonné d'utiliser plus de 
lampes ou des lampes plus fortes qu'il n’a été 
prévu dans le contrat. Les électriciens savent que 
les condensateurs établis en divers points d’un 
réseau alternatif augmentent le « facteur de puis- 
sance » général et augmentent le rendement de 
l'installation. Enfin, en cas de court-circuit sur les 
lampes, on ne court aucun risque, le condensateur 
étant prévu pour supporter la tension totale. 


SOURCES D'ÉNERGIE 


La suddite. — Le Soudan n’a pas de charbon 
et manque de bois; si on n'a guère besoin de 
combustible pour se chauffer, celte pénurie a 
néanmoins mille inconvénients, spécialement au 
point de vue industriel. 

On a cherché à remédier à cette pauvreté, et 
l'honneur d’avoir trouvé une solution revient à 
deux Allemands, M. Von Rath et le professeur 
Hooring, et à un Anglais, le capitaine Benett-Dam- 
pier, et cette solution est des plus originales. 

On sait que le Nil Blanc et le Nil Bleu sont 
encombrés par une végétation qui pousse et se 
multiplie avec une rapidité formidable; c’est le 


COSMOS 


479 


sudd. Elle entrave la navigation et même le débit 
du fleuve, et elle a joué un ròle des plus sérieux 
dans les difficultés que l’on a eu à remonter le Nil 
jusqu'aux lacs. 

Les inventeurs ont eu la pensée de créer un 
combustible avec cette plante, qui semble inépui- 
sable. 

Ils ont créé des usines, dont une à Khartoum. 
Le sudd brut, coupé, séché et pressé sous forme 
de briquettes compactes, a donné d'excellents résul- 
tats, et déjà la Société qui exploite cette matière 
a de nombreux clients. 

Il faut deux tonnes de suddite (c’est le nom 
donné au produit) pour remplacer une tonne de 
charbon; mais comme elle ne coûte presque rien, 
l'économie est toute en sa faveur. 

En effet, le sudd arrive à une hauteur de 4,5 
à 6 mètres et pousse avec une telle rapidité qu’il 
atteint plus de 2 mètres trois semaines après avoir 
été coupé. Lorsqu'on l'a coupé, on forme des 
radeaux avec les bottes, radeaux qui, si grands 
qu'ils soient, dérivent sous la conduite de deux 
noirs, sans accident. 

Le soleil se charge de dessécher la récolte en un 
temps fort court. 

La main-d'œuvre étant pour rien en ce pays, 
les briquettes de suddite peuvent être vendues 
28 francs la tonne dans des lieux où le charbon 
coùte 104 francs. Terminons en disant que le capi- 
taine Benett-Dampier propose d'enrichir la suddite 
(sans doute avec un hydrocarbure), enrichissement 
qui coùterait à peine quelques francs et qui 
aménerait les choses à ce point qu'une tonne de 
cette suddite améliorée équivaudrait, dit-il, à trois 
tonnes de charbon. 


Substituts du charbon dans l’avenir. — 
L'Écho des Mines (3 octobre 19142) analyse une 
communication de M. Giacomo Ciamician au 
huitième Congrès de chimie appliquée; elle présente 
le plus grand intérêt. 

La terre renferme encore d'énormes quantités 
de charbon, mais non tout extrayable. Or, la civi- 
lisation moderne est fille du charbon. Aussi, la 
question de combustible pour lavenir doit com- 
mencer à préoccuper l'humanité. Se basant sur 
l'estimation suivante, savoir que la constante 
solaire est de trois petites calories par minute par 
centimètre carré ou 30 grandes calories par minute 
par mètre carré, on peul déduire qu'un kilomètre 
carré de sol recoit une quantité de chaleur équiva- 
lente à celle de 1000 tonnes de charbon. Le désert 
du Sahara, avec ses 6 millions de kilomètres carrées, 
reçoit journellement du Soleil une énergie ther- 
mique équivalente à 6 milliards de tonnes, soit en 
un jour six fois la production mondiale annuelle 
de charbon. En ce qui concerne l'énergie solaire 
emmagasinée par les plantes, disons que sur les 
428 millions de kilomètres carrés de surface de 


480 


sol, dans le monde entier, on a une production 
annuelle de 32 milliards de tonnes de végétaux 
qui, par combustion, donneraient une quantité de 
chaleur correspondant à 18 milliards de tonnes de 
houille, soit dix-huit fois la production mondiale 
annuelle de houille et lignite actuellement. Suivant 
l'auteur, il serait possible d’augmenter la produc- 
lion de matières organiques en certains lieux, par 
une culture appropriée, de manière à produire de 
nouvelles sources d'énergie. Aujourd’hui, n’a-t-on 
pas trouvé des gazogènes pour utiliser mème les 
végélaux et en séparer l'azote (procédé Mond, par 
exemple) qui fournit des engrais de plus en plus 
demandés. D'autre part, les plantes sont appelées 
à fournir dans l’avenir les plus grandes parties de 
substances secondaires, alcaloïde, glucose, essence, 
colorants, etc., que l'on fabrique aujourd’hui arti- 
ficiellement (exemple: les couleurs dérivées du 
goudron de houille), mais la question d'élévation 
des prix arrèlera à un moment donné la synthèse 
de beaucoup de ces produits, et alors on reviendra 
aux plantes. 

Une autre utilisation de l'énergie solaire est par 
les réactions photochimiques : radiations fossiles 
analogues à celles du procédé d'assimilation des 
plantes. Avec de convenables catalyseurs, les 
régions désertes des tropiques pourraient extraire 
une énorme quantité d'énergie. La science, basée 
sur les phénomènes récemment découverts des 
radiations, est encore jeune, mais on peut escompter 
d’elle un avenir brillant. L’électricité n’a-elle pas 
commencé avec l’observation modeste d’attractions 
insignifiantes entre différents corps, et cependant 
aujourd’hui elle est une source de plus en plus 
importante d'énergie industrielle. On peut conce- 
voir des batteries photochimiques, et la question est 
de trouver de convenables catalyseurs et sensibi- 
lisateurs utilisant la lumière « énergie fossile ». 

Fn conclusion, avec l’utilisation de l'énergie 
solaire, les régions tropicales seraient conquises 
par la civilisation. La où la végétation est riche, 
la photochimie serait laissée aux plantes avec une 
culture rationnelle. Dans les régions désertiques 
inaptes à la culture, la photochimie transformerait 
l'énergie solaire à des buts pratiques. L'auteur voit 
dans l'avenir, sur les terres arides, s'élever des 
colonies industrielles sans fumée, avec des forèts 
de tubes de verres sur les plaines et des bâtiments 
en verre, ulilisant des procédés photochimiques 
qui ont été jusqu'ici gardés secrets par les plantes. 

A titre personnel, nous ajouterons que l’utilisa- 
tion directe de la chaleur solaire a déjà fait l'objet 
de diverses expériences, notamment en Amérique, 
en Allemagne, où,en travaillant avec de l'eau sur 
de grandes surfaces, on produit une vapeur qui peut 
ètre utilisée dans les turbines à basse pression. Il 
serait méme question de faire une telle installation 
en Egypte (un projet américain existe à ce sujet). 


COSMOS 


31 OCTOBRE 1912 


D'autre part, en Italie, pays sans charbon, le pro- 
fesseur Cerutti, dans une conférence à l'Associa- 
tion chimique industrielle de Turin, exprimait le 
væu de recourir à des plantations de certains 
végélaux à croissance rapide, les procédés de 
gazéification faisant de rapides progrès pour uti- 
liser toutes substances végétales, depuis la tourbe 
jusqu’à la paille, les feuilles d'arbres. 


PHOTOGRAPHIE 


Variation de l’intensité lumineuse du jour 
suivant les heures et les saisons. — Au cours 
de l’année 1940, le lieutenant-colonel Houdaille a 
déterminé, au moyen de son sensitomètre à teintes, 
l'intensité, au point de vue photographique, de la 
lumière ambiante à différentes heures dela journée. 
Comme conséquence pratique et comme application 
de son étude, il a établi le tableau suivant, à 
l'usage des photographes qui veulent connaitre au 
moins en première approximation la durée de pose 
qui convient en une saison et à une heure déter- 
minées (Bull. Soc. fr. de Photographie, octobre). 


Durée de pose. 


HEURES JANYIRR MARS JUIN 
ET DECEMBRE ET SEVTEMBRE ET JUILLET 

D — — TD 
6 _— — 37 
7 — 15 2j 
8 — 37 20 
9 19 2 45 
40 37 20 12 
11 2 4 114 
42 20 13 10 
{ 29 15 li 
2 3T 20 12 
3 75 2) 15 
4 — 37 20 
D — TS 25 
6 — — 37 


75 


a, 


Les nombres ci-dessus représentent, en secondes, 
la durée de pose pour obtenir une image correcte 
sur plaque autochrome, l'objectif étant ouvert à 
F: 140. Ils représentent également, mais cette fois en 
centièmes de seconde, la durée de pose convenable 
pour la photographie en noir sur plaques extra- 
rapides, l'objectif étant ouvert à F: 40. 


VARIA 


Les pêcheries d’ambre de la Prusse orien- 
tale (La Géographie, 15 août 1912). — L'exploita- 
tion de l'ambre est depuis longtemps un monopole 
de l’Etat prussien; elle a pour siège la province de 
Prusse orientale et surtout les còtes du Samland, 
de Pillau à Cranz, entre le Frisches Haff et le 
Kurisches Haff. L'exploitation en fut affermée jus- 
qu'en 41899; puis l'Etat la reprit à son compte jus- 
qu'en 1914 où elle fut confiée à la ville de Pillau. 


N° 1449 


La récolte se fait toute l’année, mais elle est 
plus particulièrement fructueuse au moment des 
tempêtes d'équinoxe, lorsque les vents et les cou- 
rants rejettent l’ambre vers le rivage. Quand le 
calme est rétabli, les pêcheurs vont draguer jus- 
qu'à 4 500 mètres du bord et entassent leur récolte 
sur la grève, où les femmes et les enfants 
recherchent l’ambre parmi les varechs et les allu- 
vions. 

Les morceaux d’ambre sont ensuite classés 
d’après la grosseur, la forme et la couleur. Leur 
valeur augmente lorsqu'ils portent des empreintes 
animales ou végétales : cheveux, plumes, lézard, 
coquillages, écrevisse, araignée, scorpion et même 
des bulles d’air ou des gouttes d’eau. Le prix des 
morceaux varie ordinairement de 0,65 fr à 3,75 fr, 
mais peut atteindre plusieurs centaines de francs; 
une livre d’ambre rapporte en moyenne 6,25 fr et 
peut aller jusqu’à 37,5 fr; les grosses pièces 
pèsent jusqu’à 500 grammes; la couleur est très 
variable: jaune, laiteuse, rouge-brun, vert éme- 
raude; beaucoup de fragments sont incolores. Un 
pèécheur retire annuellement 125 francs de cette 
exploitation qui représente en moyenne une valeur 
de 7,5 millions de francs. Pierre Clerget. 


Une silice de forme nouvelle. — Un vient 
de découvrir aux Etats-Unis un dépôt de chaux 
secondaire contenant, à l’état d’extrème division, 
de la silice avec du chlorure de sodium et des 
traces de fer, d'aluminium et de magnésium. Les 
carbonates étant dissous par l’acide chlorhydrique, 
la silice restant se présente sous la forme d'une 
poussière blanche et impalpable. Mêlée à l’eau, elle 
constitue un liquide laiteux traversant les meilleurs 
filtres de papier, mais elle n’est pas soluble même 
dans les alcalis concentrés; cependant, elle l'est 
par l’acide sulfurique concentré. On estime qu'il 
s'agit d’une nouvelle forme de silice, probablement 


d'origine secondaire, précipitée jadis d’une solu- 


tion, en même temps que les carbonates de calcium. 


Le transport de l’hydrogène à grande di- 
stance par canalisation. — On n'avait pas eu 
l’occasion, jusqu'ici, d'appliquer à l'hydrogène le 
système de transports par tuyaux, qui est employé 
de longue date pour le gaz naturel et pour le gaz 
de houille. Or, la Chemische Fabrik Griesheim, 
qui se livre à la fabrication de la soude caustique 
et du chlore, obtient comme sous-produits de 
grandes quantités d'hydrogène : jusqu'ici, une 
partie seulement de ce gaz était comprimée dans 
des bouteilles d'acier et livrée au commerce. 
À présent, la fabrique expédie le gaz par une con- 
duite longue de 4,5 km, au garage des ballons de 
Francfort-sur-le-Mein: la conduite peut débiter 
4 000 mètres cubes par jour, le gaz est envoyé sous 
une pression de 1 000 millimètres d’eau; au garage, 
il est mis en réserve dans un gazomètre d'une con- 


COSMOS 


481 


tenance de 6000 mètres cubes, d’où partent des 
conduites secondaires pour le gonflement des 
ballons. 

Les éléments de la conduite ont presque tous été 
assemblés par soudure autogène, de manière à 
réduire les pertes de gaz. 


La valeur de l’eau de mer. — On a parlé sou- 
vent de la quantité de métaux précieux que con- 
tient l'eau de mer; si minime qu'elle soit, Pim- 
mensité des océans fait que cette quantité est pour 
ainsi dire incommensurable. La seule difficulté, 
c'est d'extraire ces richesses à un prix qui n'excède 
pas leur valeur. Nombre de chimistes se sont 
occupés de ce problème, aucun ne l’a encore résolu. 

Pour encourager les chercheurs, M. H. S. Black- 
more (Cassier's Magazine) donne quelques chiffres 
d'estimation qui sont en effet très encourageants. 
D’après cet auteur, un kilomètre cube d’eau de mer 
contiendrait environ, au taux du jour, 141 millions 
de francs d’or, 10 millions d'argent et 74 millions 
d’iodures. 

C’est peut-être pour cela que le fisc défend avec 
tant d'énergie de puiser l'eau de mer sur le ri- 
vage! 





CORRESPONDANCE 


Un bolide. 


Je me permets de signaler, comme pouvant inté- 
resser les lecteurs du Cosmos, le passage d'un 
bolide dont j'ai été témoin le 23 octobre 1912, à 
7 heures précises (heure des gares). 

Le temps était découvert et le ciel, par consé- 
quent, très lumineux. Néanmoins, ce bolide avait 
un éclat extraordinaire, et sa visibililé était telle 
que je l'ai aperçu, bien que mon acuité visuelle ne 
soit que de 0,3 à 0,4. 

La trajectoire était horizontale, de l'Est à l'Ouest 
(en regardant juste dans la direction du Sud). 

Après un parcours de quelques degrés, il a 
explosé comme une fusée. 

Le ciel était découvert; il y avait seulement sur 
le parcours du météore un léger cirrus très 
diaphane à travers lequel il a passé, laissant 
derrière lui une trainée blanche qui a persisté 
quelques secondes, puis s’est condensée en grains 
de chapelet, se réduisant finalement à deux taches 
très allongées qui ont disparu au bout d'une 
minute ou deux. 

La hauteur du bolide au-dessus de l’horizon était 
d'environ 24°. 

Ma position géographique était la suivante, avec 
l'approximation que comporte la carte au 80 000° : 

Longitude, 0 gr 3T 2⁄3 Est. | 


Latitude, 56 gr 7 1/2 Nord. 
J. DE LA PORTR- 


Nœux-les-Mines, 2+ octobre 1912. 


482 


Installation de sécurité 


COSMOS 


31 OCTOBRE 1912 


Martini et Huneke 


pour la manutention des liquides inflammables. 


On a imaginé de nombreuses méthodes permet- 
tant de manipuler — soi-disant sans danger — 
les liquides inflammables. Mais, vu les accidents 
auxquels la manutention de ces corps donne souvent 
lieu, les appareils employés jusqu'ici semblent 








Pra 
e] 
Bosi | 
de 
Gax 
i 4 ? TA 
| SSE 
3 5y 
FRA 
| "Z 
| LE 
#74 





aussi impuissants à les prévenir que les mesures 
administratives. 

Le système Martini et Huneke, qui a déjà reçu 
en Allemagne la sanction de la pratique et qui 
commence à s'introduire en France, parait au con- 


mr 


F1G. 1. — DISPOSITIF DE SÉCURITÉ POUR L'EMMAGASINAGE DES LIQUIDES INFLAMMABLES. 


traire résoudre complètement le problème. Il 
satisfait effectivement aux conditions générales à 
remplir par les appareils de ce genre et qu’on peut 
énoncer de la façon suivante. Toute installation 
de sécurité pour la manutention des liquides 
inflammables doit : 

1° Fonctionner d’une manière rigoureusement 
automatique, indépendamment de l'ouvrier et 
même contre sa volonté malveillante ou simple- 
ment défaillante. 

2° Posséder des organes simples, un mécanisme 
compliqué faisant souvent défaut au moment 
opportun. 

3° Être, à chaque instant, d'un contròle facile 
dans toutes ses parties, afin qu'on s’assure de son 
fonctionnement d’une manière permanente. 


La figure 1 représente schématiquement une 
installation Martini et Huneke dont voici les dispo- 
sitions caractéristiques. D'abord, aussi bien dans 
les parties relatives à l’'emmagasinage que dans 
celles de la manutention, l'air s’y trouve remplacé 
par l'acide carbonique ou mieux par l'azote com- 
primé. Ce gaz sert non seulement d'agent protec- 
teur, mais sa pression détermine le mouvement du 
liquide dès qu'il trouve une issue. En outre, une 
gaine préservatrice et remplie également de gaz 
inerte enrobe les canalisations et la robinetterie, 
de manière que le liquide ne peut circuler qu'en 
cas d'étanchéité parfaite de l’appareil, S'il se pro- 
duit une fuite en un point quelconque de l'in- 
stallation, le liquide s’arrête et demeure dans le 
réservoir à labri soit de l'explosion, soit de l'in- 


== = 


No 1419 


cendie, l'air étant nécessaire à l’inflammation 
directe du liquide comme à la formation d’un mé- 
lange explosif. En définitive, tout danger se trouve 
écarté, qu’il vienne d'une flamme extérieure ou — 
comme le veulent certaines théories récemment 
émises pour expliquer des accidentsbizarres — d'une 
étincelle électrique déterminée par le frottement du 
liquide non conducteur contre les parois métalliques 
des réservoirs, au cours des transvasements. 

Le réservoir-magasin M est en tôle très épaisse 
et complètement étanche. L'installation comprend, 


COSMOS 483 


de transport T au moyen de deux tuyauteries; 
l’une E siphonne le liquide pendant que l'autre G 
permet au gaz du réservoir d’aller remplacer, dans 
le tonneau, l'hydrocarbure écoulé. Grâce à cette 
disposition, la minime quantité de liquide restée 
au fond du fût ou ruisselant le long de ces parois 
ne donne pas naissance à un mélange explosif 
alors que le liquide se trouve remplacé par l'air 
dans les autres systèmes de vidange. 

La pression du gaz sert à déterminer la montée 
du liquide dans la canalisation intérieure, tandis 
que la partie annulaire qui l'entoure, toujours en 





F1G. 2. — INSTALLATION MARTINI ET HUNEKE 
POUR LES EXPÉRIENCES DU 11 JUILLET 1912. j 


Un ouvrier soutire du benzol. 


en outre, un poste d'emmagasinage, un récipient 
jaugeur avec un poste de soutirage, un tube de 
gaz inerte comprimé B et des canalisations reliant 
les différentes parties du système. 

Un enduit asphalté recouvre extérieurement le 
réservoir M quon enterre dans le sol à une pro- 
fondeur suffisante pour qu'un incendie, venant à 
se déclarer dans le voisinage, ne puisse le dété- 
riorer. D'autre part, la tòle ne saurait se piquer 
à la longue; m'étant intérieurement en contact 
qu'avec des corps inertes, elle ne s’oxyde pas. 

Pour emmagasiner un liquide inflammable, une 
fois le réservoir plein d’azote, on le relie au fût 


F1G. %. — ÉTAT DE L'INSTALLATION APRÈS L'INCENDIE. 


Toutes les canalisations ont fondu, mais le réservoir à benzol 
situé en arrière est demeuré indemne. 


communication avec l'atmosphère inerte du réser- 
voir, assure instantanément le retour de tout le 
liquide renfermé dans les tuyaux distributeurs, en 
cas de fuite dans l’une ou l’autre des canalisations. 
Si la fissure se produit dans la tuyauterie inté- 
rieure, la pression s’égalise en tous les points du 
liquide manipulé, et si l’avarie se déclare dans 
l'enveloppe extérieure, le gaz, servant de monte- 
jus, revient de suite à la pression atmosphérique. 
D'autre part, une gaine protège aussi la robinet- 
terie, et pour compléter ce dispositif de sécurité, 
les différentes canalisations se terminent à leur 
débouché dans le réservoir par un antidiffuseur. 


184 


Cet organe comprend un cylindre central enfermé 
dans une cuvette concentrique percée de trous à 
sa partie supérieure et recouverte d'un manteau. 
Il constitue une soupape de sùreté évitant que le 
gaz inerte du réservoir y soit remplacé par de Pair 
si un incendie ou toute autre cause détruit les 
tuyauteries. En ce cas, le gaz se détend par barbo- 
tage à travers l'antidiffuseur jusqu'à l'instant où 
sa pression égale celle de la petite colonne de 
liquide de l'appareil formant garde hydraulique 
et empèche la rentrée de l'air dans le réservoir. 
Le manteau recouvre seulement la moitié de la 
cuvette s'il s’agit d’une arrivée de liquide dans le 
magasin, et au contraire la cuvette entière dans le 
cas d’un tuyau d'aspiration afin de permettre le 
siphonnage du liquide. Enfin, toutes les canalisa- 
tions extérieures portent des bouchons fusibles à 
basse température qui, en assurant le retour auto- 
matique du liquide dangereux au magasin, com- 
plètent les dispositifs de sécurité. 

Quant au fonctionnement du système Martini et 
Huneke, la description précédente permet de 
sen rendre compte aisément. L’azote contenu 
dans la bouteille de gaz liquifié du commerce B 
va par le tuyau 4 au détenteur D, d'où la con- 
duite 2 amène au réservoir. Quand il s'agit d'em- 
magasiner du liquide, on transporte le fût T près 
des robinets du poste auxquels le relient des tuyaux 
flexibles. Par l’un de ceux-ci E, le transvasement 
s'opère, grâce à la canalisation 4, tandis que par 
lautre G le gaz remonte du réservoir au tonneau, 
à l’aide de la conduite 3, en sorte que l'azote rem- 
place au fur et à mesure le liquide extrait. 

Dans les petites installations, une pompe à main 
suffit pour amorcer le siphonnage puisque la pres- 
sion du réservoir d'emmagasinage égale celle du 
tonneau de transport; dans les postes plus impor- 
tants, après avoir fermé le robinet E, on laisse une 
surpression momentanée du gaz s'établir dans le fût. 

Lorsqu'on veut soutirer de l'hydrocarbure, par 
exemple si un autobus avant de sortir du dépôt 
veut prendre sa charge de benzol, on appuie sur 
le levier du robinet de soutirage S, le liquide 
remonte par la conduite 5 dont l'espace annulaire 
communique avec l’atmosphère de gaz du réservoir 
par le branchement à (schéma fig. 1). Si l'enveloppe 
extérieure de cette canalisation venait à se rompre, 
l'azote du réservoir se détendrait au dehors. La 
pression faisant alors défaut, le liquide ne mon- 
terait plus dans la tuyauterie et retournerait au 
réservoir, Du reste, les inventeurs réalisent cette 
condition à l'aide dun robinet spécial qui met en 
communication les deux enveloppes quand, dans le 
but d'éviter la congélation, on veut assurer le vide de 
la canalisation en dehors des périodes de service. 

Le robinet de soulirage est également à double 
enveloppe, ainsi que le reste de la tuyauterie: il 
comprend une soupape qu'un ressort maintient en 


COSMOS 


31 OCTOBRE 1949 


place, et, comme nous l’avons vu plus haut, il suffit 


d'appuyer sur le levier de soutirage pour provoquer 
l'écoulement du liquide, car, par suite de la com- 
pression exercée sur le ressort, la soupape s'écarte. 
D'autre part, puisque celle-ci revient à la position 
de fermeture lorsqu'on abandonne le levier, ce dis- 
positif assure la présence du préposé pendant la durée 
du chargement. Enfin, il porte un bouchon fusible. 

Pour qu'on puisse surveiller le fonctionnement 
général du liquide inflammable pendant toutes ses 
manutentions, MM. Martini et Huneke annexent 
encore à leurs installations un manomètre à mer- 
cure L et un indicateur de niveau N (fig. 4). Le 
premier de ces appareils se compose d’une cuvette 
inférieure étanche, d’une cuvette supérieure com- 
muniquant avec l’atmosphère et d'un tube de 
verre sur lequel se lit la pression; à côté de ce 
tube, il en existe un second en fer dont la tête 
affleure au fond de la cuvette supérieure et dont le 
pied plonge dans le mercure de la cuvette infé- 
rieure. Quant à l'indicateur de niveau, il comprend 
un flotteur suspendu à l'extrémité d’un câble pas- 
sant sur une poulie à la partie supérieure et que 
tend un contrepoids. L'ensemble de ces organes 
est protégé par une gaine métallique communi- 
quant librement avec latmosphère de gaz du 
réservoir d'emmagasinage. Le câble se trouve rem- 
placé, sur une partie de sa longueur, par une ré- 
gletite en aluminium graduée se déplaçant devant 
une lucarne vitrée. Si un défaut d'étanchéité venait 
à se produire en un point de l'indicateur, le gaz 
s'échapperait, et ce fait rendrait impossible le sou- 
tirage. Grâce à ces organes, longs peut-être à 
décrire, mais d'un fonctionnement automatique 
et sûr, le système Martini et Huneke permet 
d'écarter tout danger d'incendie dans la manipu- 
lation des liquides inflammables. 

La « Compagnie pour la fabrication des comp- 
teurs et matériel d'usines à gaz », qui exploite ce 
brevet en France, a voulu, du reste, convaincre 
récemment le Conseil d'hygiène, la Commission 
technique de l’armée et autres administrations 
intéressées de la valeur des appareils qu'elle con- 
struit. Le 44 juillet 1912, elle exécuta, à Montreuil, 
une suite d'expériences ayant pour but de montrer 
les dangers de la manutention des liquides inflam- 
mables et l’efficacité des procédés Martini et 
Huneke. Notre objectif aidant, nous allons en re- 
later succinctement les phases principales. 

D'abord, pour remplir la première partie du pro- 
gramme (démonstration des dangers de manuten- 
tion des liquides inflammables par les méthodes 
ordinaires), on disposa en différents points du ter- 
rain quatre touries en verre d’une contenance de 
50 litres, munies d'un dispositif permettant de 
faire jaillir à l'intérieur de chacune d’elles un arc 
électrique. La première tourie renfermait une cer- 
taine quantité de benzol surmonté d’une atmo- 


Ne 11:49 


sphère d'azote, tandis qu’on versa du benzol dans la 
seconde, le reste de l'enceinte étant occupé par 
Fair et non par un gaz inerte. Enfin, dans les touries 
set 4, on mitdestracesde benzol (5 centimètres cubes 
dans chacune) afin de représenter l’atmosphère 
explosible des füts vides ayant contenu un hydro- 
carbure.Ces préparatifs achevés, onenvoya successi- 
vement le courant dans chacun des quatre récipients. 

Dans la première tourie protégée par de l’azote, 
l'arc électrique ne produisit aucun effet. Dans la 
seconde, le liquide commença par s'enflammer, 
puis la tourie éclata par suite de la chaleur déve- 
loppée. Quant aux touries 3 et 4, qui contenaient 
seulement des traces de liquide, elles volérent en 
éclats dès le jaillissement de l’étincelle, les vapeurs 
de benzine formant un mélange explosif en pré- 
sence de l’air. 

La deuxième série d'expériences s’effectua au 
moyen d'un réservoir de 200 litres de benzol placé 
dans une fosse de 4 mètre de large sur 1,5 m de 
longueur et autant de profondeur. On répandit une 
certaine quantité de benzol dans le fond du trou 
de façon à se trouver dans les mêmes conditions 
que si le réservoir présentait une fuite. Puis on 
recouvrit l’ensemble de tôles sur lesquelles on jeta 
un peu de terre, et, grâce à un dispositif de fortune, 
on fit jaillir un arc électrique au milieu des 
vapeurs inflammables de la fosse. Il se produisit 
alors une petite explosion qui enflamma le liquide 
répandu dans Île fond de la fosse, incendia l'hydro- 
carbure contenu dans le réservoir dont il amena 
finalement la destruction. 

Enfin, la dernière partie du programme fut cou- 
sacrée en quelque sorte à l'apothéose du système. 
On établit sur le terrain une installation de for- 
tune Martini et Huneke (fig. 2) qui correspondait 
en principe à celle du schéma (fig. 1). Toutefois 
on avait groupé les différents organes sur nn 
même panneau de maçonnerie. De plus, les cana- 


COSMOS 


KRS 


lisations, enterrées d'ordinaire, avaient été dépour- 
vues de toute protection. Le réservoir-magasin, 
d'une capacité de un mètre cube, renfermait 800 
litres de benzol environ et fut recouvert finale- 
ment de 0,5 m de sable. Puis, après avoir entassé 
du bois imprégné de benzol contre la murette por- 
tant les appareils, au-dessus de toutes les canali- 
sations et sur l'emplacement même du réservoir 
et de la bouteille à gaz comprimé, on l’alluma de 
manière à provoquer un violent incendie. Le gaz 
sous pression s’échappa de l'installation, et presque 
aussitôt, le fusible du robinet de soutirage ayant 
fonctionné, le liquide retourna au réservoir. L'in- 
cendie s'éteignit de lui-même, non sans avoir 
laissé la tuyauterie en piteux état. Mais le réservoir 
demeura indemne et le benzol ne s’écoula pas au 
dehors, quoique toutes les canalisations fussent 
détruites, comme en témoigne la vue prise quelques 
instants après (fig. à). 

Le sable avait donc protégé le réservoir d’une 
facon très eftlicace contre un incendie extérieur. 

D'ailleurs, le système Martini et Huneke a déjà 
fait ses preuves dans nombre d'établissements 
français et étrangers. Il fonctionne, en particulier, 
aux poudreries de Spandau et de Hanau (Allemagne), 
de Bologne (Italie), aux mines de Gelsenkirchen, 
à la fabrique d'automobiles Peugeot à Valentigney, 
à la Taxamotor, Compagnie de Copenhague, et 
bientôt tous les dépôts d'autobus de la Compagnie 
des omnibus de Paris en seront pourvus. Dans ces 
derniers, quand on veut transvaser l'hydrocarbure 
dans le réservoir d’une voiture, on amène celle-ci 
devant le poste de soutirage, et, après lavoir 
reliée par un tuyau flexible au robinet de sureté, 
le préposé au chargement n'a qu'à presser sur un 
levier pour provoquer l'écoulement, Le chargement 
s'opère, de la sorte, en quelques minutes et sans 
danger. 

JACQUES Boy. 





TÉLÉGRAPHIE SANS FIL © 


Réception à domicile 


des signaux horaires 


et des radiotélégrammes météorologiques de la tour Eiffel. 


Il. Réception à de plus grandes distances. 


Le dispositif que nous avons décrit ne permet 
de recevoir les radiotélégrammes de la tour Eif'el 
qu'à une distance relativement faible du poste 
d'émission. 

Plus on en sera éloigné, plus il faudra aug- 
menter la sensibilité de l’appareil récepteur, en 
perfectionnant ses différentes parties. 


(1) Suite, voir p. 458. 


Récepteurs téléphoniques, 


Un premier gain de sensibilité sera obtenu en 
employant à la fois deux récepteurs au lieu d'un seul. 

On les groupera en série ou en parallèle (fg. ©), 
suivant les cas et suivant la résistance relative du 
détecteur et des téléphones. Un essai montrera 
lequel des deux montages sera prélérable. Le grou- 
pement en parallèle ne donnera de bons résultats 
qu'avec deux téléphones à peu près semblables. 
S'ils sont de résistances notablement différentes, 


486 


la plus grande partie du courant passera par le télé- 
phone le moins résistant, au détriment de lautre. 

La sensibilité sera accrue dans de très grandes 
proportions si le ou les téléphones employés sont 
d'un modèle à grande résistance spécialement 
construits pour la télégraphie sans fil: modèles 
Ducretet, 4000 ohms, ou Sullivan, 3 750 ohms, dans 
lesquels la grande résistance est due au grand 
nombre de tours de fil, et non à l'emploi de fil 
d'un métal très résistant, comme dans certains 
téléphones à bas prix (1). 


Antenne. 


L'augmentation des dimensions de l’antenne est 
le meilleur moyen dont nous disposions pour aug- 
menter presque indéfiniment la sensibilité du 
poste récepteur. Avec une antenne suffisamment 
développée, on peut percevoir les signaux de la 
tour Eiffel à plusieurs milliers de kilomètres. 





F1G. 5. — MONTAGE DES TÉLÉPHONES EN SÉRIE 
ET EN PARALLÈLE. 


Au lieu d'un fil de quelques mètres à l'intérieur 
d’un appartement, nous tendrons à l’extérieur un 
fil le plus long possible. L'idéal serait de dresser 
verlicalement une antenne équivalente à celle du 
poste d'émission (un fil de 550 mètres pour la tour 
Eiffel). Cette condition n'est guère réalisable que 
par l'emploi d'un cerf-volant porte-antenne: on 
obtient ainsi des réceptions d’une extraordinaire 
intensité; mais, malheureusement, le vent ne 
souflle pas tous les jours. À défaut d'antenne sup- 
portée par cerf-volant, nous nous contenterons 
donc d’un fil le plus long possible, tendu oblique- 
ment ou horizontalement à la plus grande hauteur 
possible au-dessus du sol ou des conducteurs reliés 
au sol (fig. 6). Il sera de cuivre rouge de préférence, 
nu ou isolé; son diamètre importe peu. 

Moins haute sera l'antenne, plus elle devra être 
Jongue. Nous avons parfaitement reçu les télé- 
grammes de la tour Eiffel à 300 kilomètres de 
Paris environ avec un fil nu de 300 mètres simple- 
ment étendu à terre sur le bord d’une route. Les 


(1) Voir adresses Petite Correspondance, p. 504. 


COSMOS 


31 OCTOBRE 1912 


signaux de Glace-Bay (Canada) ont pu de mème 
être entendus en Allemagne avec un fil de 
4 300 mètres disposé à un mètre du sol. A une 
hauteur d’une dizaine de mètres et dans un en- 
droit bien dégagé, un fil horizontal de 400 mètres 
permettra d'entendre les signaux de la Tour jusqu'à 





FıG. 6. — ANTENNE HORIZONTALE A UN FIL. 


près de 4000 kilomètres en faisant usage d'une 
bobine d'accord, comme nous l'indiquerons plus 
loin. A une distance moindre, une longueur d'au- 
tant moins grande sera nécessaire qu’on sera 
moins éloigné de Paris. On pourra compter à peu 
près 10 mètres par 100 kilomètres. 

Si l'on ne dispose pas d’un emplacement sufli- 
sant, on améliorera beaucoup la réception en 
employant à la fois plusieurs fils parallèles ou 
divergents, écartés les uns des autres de un mètre 
au moins, et se réunissant en un seul à l'entrée du 
poste de réception (fig. 7). Avec trois ou quatre 
fils, trente mètres sufliront pour une distance de 
500 kilomètres, et cinquante mètres pour 800 kilo- 
mètres. Il y a avantage à ce que tous les fils soient 
de même longueur et placés à la mème hauteur. 
Au cas contraire, il sera bon de réunir entre elles 
par un fil transversal les extrémités les plus 
éloignées du poste de réception. 

La figure 8 représente une antenne que l’on peut 
employer lorsqu'on ne dispose que d'un espace 
très restreint. Une antenne de ce genre, dont les 
parties horizontale et verticale ont chacune dix 
mètres de longueur, nous permet d'entendre, aux 
environs de Paris (avec le détecteur à galène qui 
sera décrit plus loin), les postes de Poldhu en Angle- 
terre (600 km), Norddeich en Allemagne (700 km), 


F1G. 7. — ANTENNE HORIZONTALE 
A TROIS FILS PARALLÈLES. 


Barcelone (800 km), Madrid (1 000 km), Cliffden 
en Irlande (1000 km), Gibraltar (1500 km), etc., 
bien que la partie verticale soit entourée de toutes 
parts et sur presque toute sa hauteur d'arbres et 
de murs élevés et très rapprochés. 

Si on a le choix de l'orientation, les fils seront 


Ne 4149 


disposés le plus possible dans la direction de la 
tour Eiffel, le poste récepteur étant placé à l’extré- 
mité la plus rapprochée de Paris, contrairement à 
ce qu'on pourrait peut-être supposer à priori. 

A défaut d’antenne composée de fils parallèles 
ou divergents, on pourra employer, avec des résul- 





F1G. 8. — ANTENNE DANS UN CAS 
OU L'ESPACE DISPONIBLE EST TRÈS RESTREINT. 


tats cependant un peu inférieurs comme netteté de 
son, une bande de treillis de fil de fer galvanisé de 
longueur relativement faible. Suspendue horizon- 
talement dans un grenier, une pareille bande, de 
un mètre de largeur sur dix mètres de longueur, 
permet d'entendre la tour Eiffel à plusieurs cen- 
taines de kilomètres. 

L’antenne sera isolée de ses supports au moyen 
d'isolateurs quelconques : poulies de porcelaine, 
bâtons d'ébonite, bois paraffiné, etc. (fig. 9). Le fil 
la reliant aux appareils ne devra être appliqué aux 
murs que le moins possible (surtout au voisinage 
de conduites d'eau ou de gaz). Le mieux serait 
qu’il reste toujours isolé dans l’espace, à un mètre 
au moins de toute construction ou de tout conduc- 
teur relié à la terre. A l'entrée de poste, il sera 
bon d'employer du fil à fort isolement, comme 
celui que vendent les marchands d'accessoires 
d'automobiles pour relier la magnéto aux bougies 
d'allumage. 


Que va dire la Poste? 


Un particulier a-t-il le droit d’établir une antenne 
pour la réception des radiotélégrammes ? 

Certains amateurs ont été priés par l’adminis- 
tration des Postes de supprimer leur antenne. Les 
uns, craintifs, ont donné satisfaction à ce désir. 
D’autres s’y sont refusés, pensant avoir le droit de 
planter un poteau dans leur jardin ou sur leur 
toit et d'y accrocher tous les fils de fer ou de cuivre 
qu'il leur plairait.Il y en a même qui ont répondu 
aux petits papiers de l'administration et aux visites 
de ses inspecteurs en doublant les dimensions de 
leur antenne. {ls n’ont plus été inquiétés. 


COSMOS 


487 


Ailleurs, un ingénieur des Postes est venu visiter 
l'installation, et, constatant qu'elle ne comportait 
que des dispositifs de réception, il s’est retiré en 
disant qu'on pouvait laisser le poste, mais en rap- 
pelant que la transmission était interdite. 

M. Ch. Lescœur, professeur de droit à l’Institut 
catholique, a spécialement étudié la question daus 
un très intéressant article de la Revue économique 
et financière (1). « Le but de l'administration, 
dit-il, doit être de se faire demander des autorisa- 
tionsqu'’elle accorderait moyennantdes redevances; 
c'est une question de gros sous. Mais nous croyons 
pouvoir affirmer que, en l'état des textes, ces pré- 
tentions sont dénuées de tout fondement : il n’y a 
qu’à y tenir tête résolument. 

» Le texte fondamental est le décret-loi du 
27 décembre 1851: « Art. 4°. — Aucune ligne télé- 
» graphique ne peut être établie ou employée à la 
» transmission des correspondances que par le 
» gouvernement. Quiconque fransmettra sans 
» autorisation des signaux d’un lieu à un autre, 
» soit à l’aide de machines télégraphiques, soit 
« par tout autre moyen, sera puni d’un emprison- 
» nement d'un mois à un an et d'une amende de 
» 4 000 à 10 000 francs. En cas de condamnation, 
» le gouvernement pourra ordonner la destruction 
» des appareils et machines télégraphiques. » 

M. Lescœur fait remarquer, en passant, que 
l’ampleur de ce texte interdit à un sourd-muet de 
converser publiquement dans la langue mimée 
de l’abbé de l’Épée et nous défend même de 
saluer quelqu'un dans la rue. « Car, dit-il, nous ne 
faisons pas autre chose que « transmettre des 
» signaux d'un lieu à un autre »; nous exprimons 
ainsi à quelqu'un l'estime que nous avons pour lui, 
ou tout au moins nous lui donnons à entendre que 





Fic. 9. — ISOLEMENT DE L'ANTENNE 
PAR DES POULIES DE PORCELAINE. 


nous savons qui il est. Espérons que l’administra- 
tion n'usera pas rigoureusement de son droit. 


(1) Le monopole de l'État et la T. S. F. La Revue 
économique el financière, n° des 23 et 30 mars 1912. 
Bureaux du journal, 30, rue de Provence, Paris. 


188 


» La télégraphiesans fil ne pouvait pas échapper 
au monopole. L'État a cru devoir s'en expliquer 
formellement. « L'administration des Postes et 
» Télégraphes est seule chargée de l'établissement 
» et de l'exploitation des postes de télégraphie 
» sans fil destinés à l'échange de la correspondance 
» officielle ou privée... » Tel est l’article 4° du 
décret des 7-9 février 4903, qui ne fait qu'appliquer 


à la nouvelle télégraphie le décret de 4854. L'ar- : 


ticle 2 ajoute que « des postes destinés à l'échange 
» des correspondances d'intérêt privé pourront être 
» établis et exploités par des particuliers après 
» autorisation donnée par le ministre... » Les 
conditions d'établissement et d'exploitation de ces 
postes, et notamment la redevance à payer, sont 
fixées par les arrêtés d'autorisation. 

» Ces textes sont clairs. Le droit qui est réservé 
à l'Etat, le droit sur lequel les particuliers ne 
peuvent pas entreprendre, le droit qu'ils ne 
peuvent exercer qu’en vertu d'une autorisation et 
dans les conditions fixées par l’administration, 
c’est le droit de transmettre des signaux, c’est le 
droit d'échanger des correspondances. Mais autre 
chose est transmettre, autre chose est recetoir. 
C’est même tout le contraire. Qu'il me soit interdit 
d'établir chez moi, à mon usage personnel, un mât 
de sémaphore pour correspondre avec un voisin de 
campagne, c’est la loi. Mais cela n'implique pas 
que je sois déchu du droit d'appliquer mon œil à 
une lunette pour percevoir les avis que transmet 
aux navires le sémaphore officiel. 

» Ainsi donc, je peux établir chez moi, dans un 
immeuble dont j'ai la propriété ou la jouissance, 
des appareils de réception: antennes verticales ou 
horizontales, cohéreurs Branly, détecteurs électro- 
lytiques ou autres, dispositifs de syntonisalion, etc. ; 
je puis régler ma montre sur les signaux de la 
tour Eiffel, profiter des avertissements d'orages, 
intercepter les dépèches diplomatiques ou commer- 
ciales (quil me sera d'ailleurs impossible de tra- 
duire si elles sont rédigées en un langage conven- 
tionnel dont je n'ai pas la clé); le tout, sans avoir 
à demander aucune autorisation administrative, 
sans avoir à payer aucune redevance, sans ĉtre 
exposé à recevoir la visite des agents mentionnés 
par l'article 40 du décret de 4851, sans être pas- 
sible de prison ni d'amende, sans courir le risque 
de voir confisquer et détruire mes appareils. 

» Cela n’est pas douteux en l’état des textes. 
Que l'administration fasse voter une loi si elle 
veut qu'il en soit autrement. Remarquons qu'une 
loi serait nécessaire, un simple décret ne suflirait 
pas: le décret de 1854 est un décret-loi, et un 
décret-loi ne peut être modifié que par une loi. » 

Nous avons soumis à M. Lescœur la copie d’une 
lettre adressée à des constructeurs parisiens d’ap- 
pareils de télégraphie sans fil par le directeur de 
l'exploitation télégraphique, au nom du sous-secré- 


COSMOS 


3Å OCTOBRE 19192 


taire d'Etat des Postes et des Télégraphes, et dont 
voici le texte : 


MESSIEURS, 

J'ai l'honneur de vous informer, à toutes fins utiles, 
que, conformément à l’avis exprimé par la Commission 
interministérielle de la télégraphie sans fil, j'ai décidé 
que les Compagnies de chemins de fer, les Observa- 
toires, les Instituts météorologiques et, en général, 
les Compagnies ou établissements assurant un service 
public, pourront seuls être autorisés à installer des 
postes de télégraphie sans fil destinés à recevoir les 
signaux horaires émis par la station de la tour Eiffel. 

Agréez, Messieurs, etc. 


Cette lettre, nous a répondu M. Lescœur, «na 
absolument aucune valeur. Il n’y a aucun compte 
à en tenir. Contre un décret-loi, celui du 27 dé- 
cembre 1851, qu'est-ce que peut la décision du 
sous-secrétaire d'Etat? Le monopole de l’Etat 
n'existe que dans les termes rigoureux de la loi qui 
l'établit. Le texte fondamental, le seul important, 
est le décret-loi de 1851. Les décrets subséquents 
ne peuvent ni l’abroger ni le modifier. Ils ne 
peuvent que l’interpréter eten assurer l’exécution. 
Ils ne font qu’appliquer à la T. S. F. les règles posées 
en 14851. En sorte que l'administration est sûre de 
perdre le procès qu’elle intenterait pour installation 
d'antennes et d'appareils récepteurs. Et c'est pour- 
quoi elle se contente de menaces et d’intimidation. » 

Ainsi donc, si l’administration ne poursuit pas 
ceux qui établissent des antennes et des postes de 
réception, c'est parce qu’elle n’est pas armée pour 
les poursuivre. Il lui faudrait une loi interdisant 
la réception comme la transmission, et cette loi, 
qui jusqu'ici n'existe pas, semble bien difficile à 
établir. Ne serait-il pas d'abord indispensable d'in- 
terdire l’accès du Champ de Mars, où l'intensité du 
bruit de la transmission permet de lire facilement 
tous les télégrammes? Et puis, la loi établie, il 
faudrait pouvoir en assurer l'exécution! Or, rien 
n'est plus facile que de recevoir les télégrammes 
de la tour Eiffel sans antenne extérieure. Même 
loin de Paris, à 250 ou 300 kilomètres, on peut y 
arriver avec un fil d’un mètre seulement à l’inté- 
rieur d’un appartement. Quant au détecteur, il 
suffit, pour en établir un, de mettre une pointe 
métallique au contact d’un morceau de papier 
buvard imbibé d’eau salée, de piquer à des pro- 
fondeurs très inégales deux aiguilles dans une 
pomme de terre, ou mème, tout simplement, de 
poser un doigt sur une arète métallique avec une 
pression convenable [{). 

Mieux vaut donc peut-ètre laisser faire ce qu’on 
ne pourrait empêcher... 


(À suivre.) D" PIERRE CORRET. 


(1) On a pu, par ce procédé, entendre à la tour 
Eiffel les télégrammes de Cliffden et de Norddeich, à 


plus de 1 000 kilomètres (J. BouLaNcer et G. FERRIÉ, la 
Télégraphie sans fil et les ondes électriques, p. 274.) 


N° 1449 


COSMOS 


489 


Perfectionnements aux hydroaéroplanes. 


Les petits inventeurs, que nous rencontrons 
chaque année au concours Lépine, ont parfois des 
idées bien ingénieuses, si elles ne sont pas toujours 
pratiques. L'un d'eux, M. Leuillieux, inventeur heu- 
reux de l’aéronette que nous avons présentée l’an 
dernier à nos lecteurs, s'est attaqué cette année 
au problème des hydroaéroplanes, et il a trouvé 
deux solutions qui nous ont paru très heureuses. 

Ayant observé que les hydroaéroplanes ont une 
tendance exagérée à piquer de l'avant lorsqu'ils 
amerrissent (le mot serait admis), il a imaginé un 
dispositif permettant de changer l'incidence des 
flotteurs au moment où ils touchent la nappe 





= Fic. 1. — FLOTTEURS MOBILES POUR HYDROAËROPLANES. 
liquide. Pour obtenir le résultat cherché, le flot- 
teur est relié au châssis par deux articulations 
A et B, et il peut tourner autour de la première. 
La seconde B est solidaire de deux leviers G et D; 
laxe E est solidaire d'une commande placée sous 
la main du pilote. Il suffit d'agir sur cette commande 
pour abaisser la partie arrière du flotteur et 
l'amener au contact de leau en premier lieu. Le 
flotteur agissant sur l’air comme surface sustenta- 
trice lorsqu'il est suffisamment large, le pilote 
devra corriger, en manœuvrant le gouvernail de 
laéroplane, l'action de cette surface brusquement 
inclinée. L'appareil subira une légėre résistance 
à l'avancement pendant les 200 ou 300 mètres de 
vol que demande la préparation à la prise de con- 
tact avec l’eau. Dès que ce contact est réalisé, 
l'appareil reprend de lui-même sa position normale. 


La seconde invention est un frein progressif 
pour les mêmes oiseaux marins. Lorsqu'un hydro- 
aéroplane se pose sur l’eau, il conserve une cer- 
taine vitesse qu’il est difficile à l’aviateur de 
réduire. Le pilote se laisse aller au gré des vents et 
des lames, la vitesse n'étant pas suflisante pour 
que l'appareil obéisse au gouvernail aérien, et il 
ne peut éviter un obstacle. C'est alors qwintervient 
le frein. Il est constitué par deux gouvernails 


; 


\ / 





F1G. 2. — FREIN PROGRESSIF. 


A et B (fig. 2) adaptés à l'arrière du ou des flot- 
teurs. L’arc de pivotement de ces gouvernails est 
oblique, ce qui permet à la surface de freinage de 
pénétrer progressivement dans l'eau, et cela dans 
le sens de la marche pour n'offrir aucune résis- 
tance. L'aviateur agit alors sur sa commande et 
donne à ses deux gouvernails l’inclinaison qu'il 
désire pour diriger son appareil. Rien ne s'oppose 
a priori à ce que ces deux dispositifs nouveaux 
puissent. être appliqués avec succès à la navigation 
aéro-maritime. 
L- F: 





Les navires-écoles de 


Une Compagnie de navigation allemande, le 
Norddeutscher Lloyd, possède deux navires-écoles 
où les aspirants au grade d'officier de la marine 
marchande reçoivent une éducation en tout ana- 
logue à celle qu’on donne en général aux officiers 
de lẹ marine de guerre. Les élèves de ces navires- 
écoles ne sont pas seulement instruits dans toutes 
les doctrines scientifiques nécessaires au naviga- 
teur, ils font un apprentissage pratique qui embrasse 
les travaux multiples de la vie du marin. 


la marine marchande. 


Ces navires-écoles, le Herzogin-Sophie-Charlotte 
et le Hersogin-Cecilie, font chaque année une 
longue croisière commençant au printemps; comme 


navires de la marine marchande, ils transportent 


du fret au long cours. Ce sont de grands voiliers 
à quatre mâäts parfaitement aménagés et d'une 
construction entiérement métullique. Plutôt que 
de choisir des steamers, on a préféré des voiliers, 
non seulement pour pouvoir former des timoniers, 
mais pour donner aux élèves l’occasion, que ne pré- 


_—* 
Sai 2, + i | H IE j 1. | fi 
: | W: Hi: KS N n$ 
f, : à j HU f N 
4 sd AN 
| > 
D 
y 


S IE l } 


H QE 
PLAN C S “RS 
k WE LE ES LE 1" | 
CARTE UT +. 0 Le. / 
CE QT ee EE Ne mr A 


A P A n g 


ONN ITR T7 T 
7 N | W | WE ait i Ki | è 
_ F IA iz L E d 





LE NAVIRE-ÉCOLE ALLEMAND « HERZOGIN-SOPHIE-CHARLOTTE ». 


è. = . è = 


NI ag Ti A 


À ALL: | MELUN 110 1 
PAT EE EIE H ir 


Ei) 


PT EL Li | 


PRES AN 5 i Kanui 


À. | 


Te | EE NE AN NN) 
7 i de | n Ai 


Y , a IA 
À |) fed 


7 À i F T 


14 LA Fr 
ré b W i$ j 





DANS LES VERGUES. 


192 


sentent que les voiliers, d'acquérir les qualités 
requises pour leur service si difficile : adresse phy- 
sique, courage, sang-froid, etc., d’autant plus que 
l'apprentissage individuel est bien plus facile 
à faire sur les voiliers qu'à bord d'un bateau 
à vapeur. 

L'apprentissage complet des élèves-officiers à 
bord des navires-écoles dure trois ans. Les jeunes 
gens entrent comme mousses et ne s'engagent que 
pour la durée d’un voyage, soit environ un an. Au 
bout de la première année, ils seront promus 
matelots de 3° classe et après une seconde année, 
matelots de 2° classe, tout en s’engageant pour 
une troisième année. Comme on enrôle chaque 
année environ 4) jeunes gens, le nombre des élèves 





LES ÉLÈVES AU GOUVERNAIL 
DU NAVIRE-ÉCOLE « SOPHIE-CHARLOTTE ». 


sur les deux navires, en service complet, est au 
total d'environ 120. L'équipage de chaque navire 
se compose d'un capitaine, de quatre officiers, 
d'un professeur de l’enseignement secondaire, du 
médecin et des hommes indispensables. Les élèves 
habitent, sous la surveillance des officiers et du 
professeur, des compartiments spéciaux du navire. 
A côté de l'apprentissage marin, fait, d'après une 
habitude généralement reçue, pendant des veillées 
régulières, sous la conduite des officiers, les élèves 
recoivent tous les jours, si le temps le permet, 
environ trois heures d'instruction théorique dans 
les différents domaines de la navigation, dans la 
langue anglaise, dans les mathématiques et dans 
l'art du timonier. 

Après avoir terminé cet apprentissage triennal, 


COSMOS 


31 OCTOBRE 191412 


les élèves, à moins qu’ils ne restent sur le navire- 
école à titre de matelots de 1'° classe, sont 
attachés pour une période de neuf à douze mois 
aux navires du Norddeutscher Lloyd, où ils font 
le service de m':telots. Au bout de cette quatrième 
année, ils auront rempli les conditions réglemen- 
taires requises pour être admis à l'examen de 
timonier, précédé toutefois d’un stage à l’école 
de navigalion, qui, à raison de l'éducation reçue 
à bord du navire-école, ne sera en général que de 
quatre mois (au lieu de neuf). Les élèves ayant 
obtenu le diplôme de timonier marin sont employés 
autant que possible, comme quatrièmes officiers, 
à bord des steamers de la Compagnie, sans qu'il 
y ait toutefois aucun engagement de leur part. Les 





LA MANŒUVRE DE MISE A L'EAU 
D'UNE EMBARCATION. 


autres Compagnies de navigation de Brême se sont 
du reste entendues avec le Norddeutscher Lloyd 
pour prendre les élèves des navires-écoles en con- 
sidération pour les engagements à bord de leurs 
navires. Après deux années supplémentaires de 
service, ils retournent pendant quatre à cinq mois 
à l'école de navigation pour y passer l’examen de 
navigateurs au long cours, qui termine leur édu- 
cation théorique. Ce diplòme les autorise, en effet, 
à conduire comme capitaines des navires marchands 
de dimensions quelconques sur toutes les mers. 
Sans être brillantes, les conditions matérielles 
de leur carrière leur garantissent un avancement 
relativement rapide et un avenir assuré. 


D' ALFRED GRADENWITZ. 


Ne 1449 


COSMOS 


493 


NOTES PRATIQUES DE CHIMIE 
par M. JULES GARÇON 


A travers les applications de la chimie: LA DERNIÈRE DES FONCTIONS AZOTÉES : LA FONCTION ALBUMI- 
NOIDE. — LE NICKELAGE ÉPAIS. — EFFICACITÉ DE L'ORGANISATION DANS UN ATELIER DE FONDERIE. == ACCROIS- 
SEMENT DES ACTIVITÉS PHYSIOLOGIQUES PAR SIMPLE MÉLANGE. — MÉTALLISATION DU (BOIS. — SUPÉRIORITÉ DE 
LA PYRIDINE POUR LA DÉNATURATION DES ALCOOLS. — CONTRÔLE DE LA STÉRILISATION. — VARIA. 


La dernière des fonctions arotées : la fonction 
albuminoïde. — Les substances albuminoiïdes sont 
des composés très complexes formés de carbone, 
d'oxygène, d'hydrogène et d'azote, avec une petite 
proportion d’autres éléments, en particulier du 
soufre et quelquefois du phosphore. Leur composi- 
tion et leurs propriétés les rapprochent de lalbu- 
mine que l’on trouve dans le blanc d'œuf ou dans 
le sang. 

Le chimiste français Schutzenberger a poursuivi 
pendant une vingtaine d'années, à partir de 41870, 
un travail des plus importants sur les produits 
d'hydratation des matières albuminoïdes; son tra- 
vail l’a amené à considérer ces matières comme 
des uréides trés complexes à acides aminés variés, 
les diverses albuminoïdes se différenciant l’une de 
l'autre par la nature de ces acides aminés. Des 
travaux récents, et en particulier ceux de Fischer 
et de son école, ont apporté un appoint considé- 
rable à l’étude de ces produits de décomposition 
des albuminoiïdes, c'est-à-dire à l'étude des produits 
amidés et à leur synthèse. 

La composition brute des albuminoïdes se rap- 
proche de lu formule C'?H''!O%N't'S. 

Les matières albuminoïdes précipitent avec les 
sels métalliques, avec le tannin, avec l'alcool; 
c'est la base de nombreuses applications dans le 
mordançage et la teinture des fibres, dans le tan- 
nage, ou pour coller les boissons alcooliques. C'est 
aussi la raison pour laquelle l'eau albumineuse (un 
blanc d'œuf délayé dans un litre d’eau) est le 
contrepoison des sels métalliques, et en particulier 
de ceux de mercure et de cuivre; pour laquelle, 
enfin, le lait est si préconisé contre le saturnisme, 
l'hydrargyrisme, etc. 

Toutes les matières albuminoïdes, sous l'influence 
des ferments solubles ou des acides, se trans- 
forment par déshydratation en parapeptones ou 
syntonines, qui sont des gelées insolubles dans 
l'eau pure, et en peptones ou albuminoses, qui 
sont des corps solubles et facilement assimilables 
par l'organisme animal. Aussi les doane-t-on comme 
reconstituants (somatose, etc.), mais ils sont désa- 
gréablement odorants et s’altèérent aisément. Les 
ferments solubles qui produisent celte peptonisa- 
tion sont ceux qui existent dans la salive, le suc 
gastrique (pepsine), le suc pancréatique (pancrea- 
{ine), la bile, le papaya (papaïne), etc. Les pep- 
tones sont des toniques qu'on absorbe à l’état pur, 


ou sous forme de vin, sirops, élixirs, poudres des- 
séchées, etc. | 

Les matières albuminoides sont décomposées 
par la chaleur, en produisant une odeur désa- 
gréable. Abandonnées à elles-mêmes à l'air, elles 
subissent la fermentation putride. 

Les matières albuminoïdes existent dans les 
tissus des animaux et dans la plupart des graines 
des végétaux. Les plus importantes sont: l’albu- 
mine d'œuf, l’albumine de sang, la caséine, la 
fibrine, la gélatine. 


Albumine de l'œuf, — Le blanc d'œuf en est 
une dissolution aqueuse à 12,5 pour 100 qui se coa- 
gule par la chaleur vers 70°; l’albumine coagulée 
n'est plus soluble dans l’eau et les acides. 


Albumine du sang ou sérine. — On la retire du 
sérum. Elle sert, ainsi que la précédente, comme 
antidote des poisons métalliques, pour fixer les 
couleurs vapeurs, pour clarifier les jus, pour pré- 
parer des antiseptiques argentiques (protargol, 
argyrol, etc.); enfin comme matière d'apprèt. Sa 
décoloration a été longtemps un problème indus- 
triel. 


Caséine, — Elle est insoluble dans l'eau. Cest 
la base des fromages caillés. Ses dissolutions dans 
les alcalis servent comme matières d'apprèt pour 
rendre les tissus et les papiers imperméables à 
l'eau; comme matières de fixation, pour métalliser 
les tissus, les papiers et les cuirs; enfin comme 
colles. Son mélange avec le formol est la base de 
la galalithe, succédané du celluloid. La caséine est 
la base d'un grand nombre de préparations alimen- 
taires. 

Le gluten est une caséine végétale qui existe 
dans la farine des céréales. 


Fibrine. — C'est une albumine du sang inso- 
luble. 

L'hémoglobine du sang est le principe actif des 
globules rouges, et comme elle renferme du fer, 
elle constitue un reconstituant excellent, qu’on 
ordonnance en cachets ou en solution. 


Gélatine, — Flle résulte de l’action de l'eau 
bouillante sur losséine, matière albuminoïde inso- 
luble des os. La gélatine est soluble dans cinq fois 
son poids d’eau; c'est la colle forte ou colle de 
peau, colle liquide. 


19% 


Le nickelage épais. — M. A. Hollard a étudié le 
nickelage en dépôts épais. Il conseille l'emploi du 
fluoborate de nickel, qui lui a donné de beaux 
dépots épais aussi bien sur métal que sur em- 
preintes plombaginées de gutta ou de cire. 

Ce fluoborate de nickel se prépare en dissolvant 
de l’acide borique dans une solution d'acide fluor- 
hydrique pur du commerce à 43-46 grammes 
de HFI par 400 grammes de solution; et dans cet 
acide on dissout du carbonate de nickel frais et 
encore humide. On prépare ce dernier en préci- 
pitant une solution tiède de sulfate de nickel 
(600 grammes de sulfate de nickel cristallisé dans 
5500 grammes d’eau) par une solution chaude 
de 350 grammes de carbonate de soude dans 
1000 grammes d’eau, brassant le précipité dans 
l'eau distillée et filtrant à diverses reprises jusqu à 
ce que l’eau de lavage ne réagisse plus avec le 
chlorure de baryum. 

On verse 430 grammes d’acide borique dans 
250 grammes d’eau bouillante; remuer, laisser 
refroidir et transvaser le tout dans un récipient en 
gutta. L'acide borique, ainsi divisé et imprégné 
d'eau, se dissout facilement dans 285 gramimes de 
la solution d’acide fluorhydrique. Lorsque tout est 
dissous, on introduit peu à peu le carbonate de 
nickel qui se dissout à son tour. On triture les 
grains de carbonate non dissous, puis on agite une 
vingtaine d'heures afin d'obtenir la saturation com- 
plète de l'acide fluoborique. On filtre, on lave, et 
on étend à 2 litres. On électrolyse le bain pendant 
cinq à six jours, entre anode de nickel fondu pur 
et cathode d’égale surface. Le bain est alors propre 
à déposer le nickel en couche aussi épaisse que 
l'on veut, sous un régime de un ampère pour des 
électrodes de 145 mm X 180 mm, écartées de 
4 centimètres. 

Les empreintes de cire ou de gutta plombaginées, 
encadrées par un fil de cuivre qui s'y enfonce de 
distance en distance, seront mouillées avec de 
l'alcool avant d'être mises dans le bain de nickel. 

Celui-ci dépose son nickel directement sur la 
fonte et sur l’aluminium 

Pour obtenir des dépôts d’étain épais et non 
spongieux, M. Hollard recommande le stannate de 
soude en présence de sulfate de soude: 125 grammes 
de stannate el 200 grammes de sulfate de soude 
par litre. 

Pour obtenir des dépôts de zinc, il recommande 
le sulfate de zinc en solution acidulée par un acide 
organique, et en présence d'acétate d’ammoniaque 
qui évite l'acidité croissante du bain. Soit, par litre 
de bain à 50°, sulfate de zinc 225 grammes, sulfate 
d'ammoniaque 50 grammes, acétate d'ammoniaque 
00 grammes, acide citrique 42 grammes. 


£fficacité de l'organisation dans un atelier de 
fonderie. — Les questions d'organisation scienti- 


COSMOS 


31 OCTOBRE 1912 


fique des usines et ateliers sont aujourd'hui pas- 
sées au premier plan des préoccupations de l'in- 
dustriel. A ceux qui ne seraient pas convaincus, 
nous nous contenterons de citer ce fait, extrait d’une 
étude de M. W. Crozier sur l'introduction des nou- 
velles méthodes dans les arsenaux des Etats-Unis. 
Il s'agit, comme l’on sait, de confier à un service 
spécial la préparation et l'observation des travaux 
dans tous leurs détails. 

La fabrication d'un moule pour pommeaude selle, 
à l'arsenal de Watertown, demandait cinquante- 
trois minutes avec le travail à la journée. Le service 
d'organisation scientifique du travail montra que 
vingt-quatre minutes seulement étaient nécessaires. 
11 fut décidé que toute minute économisée, à partir 
d’une base de prime (soit 40 ou 50 minutes pour le 
cas précité), serait payée en sus du salaire normal. 
La seule annonce de cette décision causa la grève 
des mouleurs ; ils furent remplacés ou rentrèrent 
quelques jours après. Et l'on constata qu’un des 
nouveaux embauchés faisait son travail en vingt 
minutes et soutenait cette marche sans difficulté 
la journée entière; un des anciens mouleurs soutint 
son travail à l'allure de vingt-huit minutes. Comme 
le prix de revient du moule de pommeau était de 
5,85 fr pour cinquante-trois minutes et de 2,70 fr 
pour vingt minutes, il y avait économie par moule 
de 3,45 fr, et par journée d'ouvrier fabriquant 
24 moules, l’économie atteignit 75,60 fr. Le spé- 
cialiste chargé de l’organisation coûtait 75 francs, 
c'est-à-dire quil était payé par l’économie d’un 
seul ouvrier, et celui-ci touchait 60 pour 400 en 
plus du salaire antérieur. 


Accroissement des activités physiologiques par 
simple mélange. — Lorsqu'on mélange ensemble 
de la cocaïne avec de la novococaine ou de la 
b-eucaine, les effets anesthésiques s’additionnent 
simplement. Mais lorsqu'on mélange ces substances 
avec un poids égal d’antipyrine, M. Béla von 
Issekutz a constaté que l’action anesthésique aug- 
mente de 46 pour 100 pour la cocaïne, de 19 pour 100 
pour la novococaine, de 39 pour 4100 pour la 
b-eucaine. 


Métallisation du bois. — L'Électricien du 
5 octobre (d'aprèsle Hechantiker)indique un procédé 
assez compliqué, mais intéressant, de métallisation 
électrolytique du bois. Il consiste à imperméabi- 
liser d'abord le bois, puis à lui donner une couche 
de vernis qu'on laisse sécher une nuit, une seconde 
couche qu’on ne laisse sécher que quelques heures 
pour qu'elle demeure un peu visqueuse, afin de 
pouvoir appliquer, au pinceau, une quatrième 
couche de cuivre très finement divisé. La surface 
du bois est devenue bonne conductrice. On bouche 
les inégalités de celte couche cuivrique par un très 
léger dépôt d'argent, et enfin on applique, par élec- 
trolyse, l'enveloppe métallique voulue. 


N° 1419 


Il semble bien plus simple d'utiliser simplement 
le procédé de métallisation par pulvérisation de 
Schoop, dont le Cosmos a déjà parlé (t. LAIT, p.549) 
et qui donne de merveilleux résultats que l'on peut 
admirer dans les bureaux de la Société de métal- 
lisation. 


Supériorité de la pyridine pour la dénatura- 
lion des alcools. — En Allemagne, l'esprit de bois 
ou méthylène n’est pas employé seul pour la déna- 
turation de l'alcool. À 2 parties d'esprit de bois 
pour 100 parties d'alcool, on ajoute 0,5 partie de 
pyridine. Les nombreux substituts qui ont été pro- 
posés n'ont pas pu remplacer cette dernière à cause 
des avantages suivants : elle est miscible en toutes 
proportions dans l’eau; elle donne à l'alcool un 
goùt extrêmement désagréable; elle est facile à se 
procurer; sa faible basicité fait qu’elle n’est fixée 
par les acides minéraux que s’ils sont employés en 
grand excès; à la proportion indiquée plus haut, 
le charbon de bois ne l’absorbe qu’en petite quan- 
tité; elle est combustible sans résidu; elle accroit 
plutôt le pouvoir dissolvant de l'alcool; enfin, elle 
est inoffensive à ce degré de dilution. 


Contrôle de la stérilisation. — « Il est universel- 
lement admis, dit M. Grimbert dans le Journal de 
Pharmacie (1° juillet 1912), que la vapeur d’eau 
sous pression constitue le mode de stérilisation le 


COSMOS 495 


plus pratique et le plus parfait pour les objets qui 
peuvent supporter sans en être détériorés l'action 
de la vapeur humide à haute température. 

» Si on adopte pour la stérilisation à l’autoclave 
la température maximum de 130°, pendant un 
temps qui pourra varier avec la nature des objets 
à traiter, mais qui ne dépassera jamais une heure, 
on peut en toute sécurité employer comme contrôle 
des tubes à acide benzoïque fondant seulement 
à 120°-121°, de manière à se mettre à l'abri des 
surprises auxquelles nous exposent les indicateurs, 
et considérer comme stérile tout milieu où l'acide 
benzoïque aura fondu. » 


Varia. — Les fleurs artificielles en celluloid 
tendent de plus en plus à être remplacées par des 
substances moins dangereuses, comme l’acétate de 
cellulose. Celui-ci ne s'’enflammerait que vers 120°, 
tandis que le premier s'enflammerait vers 80°. Mais 
l’acétocellulose prend moins bien certaines couleurs. 

— Le chlorure d’éthyle et le chlorure de méthyle 
sont très inflammables, mais ne donnent pas de 
mélanges détonants avec l'air. 

— Pour le déplacement des hydrocarbures, on 
préfère le gaz azote au gaz carbonique, parce qu'il 
est meilleur marché et moins soluble dans l’essence, 
mais il faut que l'azote renferme le moins possible 
d'oxygène. (Extrait du rapport de M. Paul Adam 
sur les établissements classés.) (Voir p. 482). 





Ün tableau allégorique : la Pharmacie. 


Quand le médecin anglais Lister visila Paris en 
4698, il se plut à constater que plusieurs « bou- 
tiques d’apothicaires sont fort ornées et ont même 
un air de grandeur (1) ». Si ces deux caractères 
se rencontraient dans la réalité, ils ne pouvaient 
faire défaut à une peinture allégorique dont la 
Pharmacie était le sujet. Ce tableau, tiré du cabinet 
de Ms? le duc de Picquigny, fut inventé et peint 
par J. de la Jouë, sur qui les dictionnaires d'artistes 
gardent un regrettable silence; des deux Cochin, 
ce fut, selon toute vraisemblance, Charles-Nicolas, 
le père (1688 ? 1754) qui en exécuta la gravure (2). 

(1) Voyage à Paris, traduit par E. de SERMIZELLES. 
Cité par A. FRANKLIN. Les médicaments, p. 18. 

(2) Cette gravure a été reproduite en planche hors- 
texte dans Jehan de Louvegny, apothicaire amiénois, 
par M. O. TuaoreL. Amiens. Yvert et Tellier. 1906. 
(Voir: Une apothicairerie à Amiens, en 1520, Cosmos, 
48 avril 41908, n° 1212.) Une copie de ce tableau 
décore actuellement la pharmacie F. Boyeldieu, 5, rue 
des Vergeaux, à Amiens; elle est cependant inexacte: 
pour le dessin, parce que l'ordonnance générale du 
sujet a été légèrement modifiée à cause de l'encadre- 
ment; pour les couleurs, parce que ce tableau a été 
exécuté d’après la gravure de Cochin. 


Soucieux d'ètre aussi exact que complet, le 
peintre u tenu à montrer à la fois le laboratoire 
et la boutique, disposant toutefois celle-ci au 
second plan d'une vaste salle circulaire et voùtée:; 
la simplicité de l'architecture a quelque chose d'im- 
posant; quant au décor, il conviendrait dans son 
ensemble à cette très folle sæur de la pharmacie 
qu'est l'alchimie. 

La boutique de l'apothicaire n’a point, à propre- 
ment parler, de mystères pour le public quila fré- 
quente à regret; il en connait la disposition géné- 
rale et a eu le temps, durant ses stations, d’en 
observer les particularités qui l'ont frappé. Il en va 
autrement du laboratoire: c'est d'abord la partie 
essentielle de l'établissement; en outre, elle est, 
ainsi qu'en bien d'autres cas, d'autant plus intéres- 
sante qu'on n'en a point communément l'accès et 
qu'on la soupçonne seulement; elle abrite la 
préparation des mixtures compliquées et les distil- 
lations savantes; elle a, par son attirail un peu 
étrange, l'avantage d'offrir un précieux élément 
de pittoresque. La dévoiler et en faire le centre 
même de sa composition était de la part de l’artiste 
une conception non moins heureuse que justifiée. 


196 


Bien en évidence, sur la plate-forme d'un 
perron, dont les derniers degrés apparaissent au 
bord du tableau et rehaussent, au propre et au 
figuré, l'importance du personnage, le pharmacien 
est assis dans un fauteuil confortable; la tète cou- 
verte d'un bonnet fourré, vêtu d’une longue robe 
que laisse voir son ample manteau entr'ouvert, une 
baguette à la main, il se révèle au premier coup 
d’œil le souverain de ce domaine, dont le vulgaire 
se fait une haute idée, à raison de son ignorance 
même; il semble, comme Pascal l’a remarqué à 
propos des médecins, qu’il s'agisse ici de frapper 


Er el 


COSMOS 


A, 7 > 4 4 
Le ds) Ni: 
à d ps , 
P r i i 
j Ta € IT 


31 OCTOBRE 191% 


l'imagination par cet accoutrement d'apparat et 
de faire naitre un respect que la seule majesté de 
la science serait impuissante à inspirer (4). 

Aux pieds du maitre gisent dans l’habile désordre, 
où se reconnaît un effet de l’art, les feuillets chif- 
fonnés des ordonnances et du Codex. Une corbeille 
inclinée sur les degrés contient le combustible des- 
tiné à l'alimentation du fourneau voisin, sur lequel 
s’élabore une de ces curieuses distillationsen faveur 
à cette époque; les flammes qui s’échappent de 
ses ouvertures laissent soupçonner l'activité du 
foyer. Près de là sont disposés des vases et des 


sit. 


LA PI, ARM. AC LF, 


a lire du cabmet de 


Monseique ur de Duc de Pie ot UN y, 


a A A D r sre G Papa horar arara de Mes rw A Aaipoos ETAN 


flacons diversement coiffés; trois ballons à long 
col pendent sous la corniche de la hotte. Sous la 
hotte même du laboratoire, on distingue un four- 
neau portatif; il s'y opère une préparation, dont 
les vapeurs viennent apparemment se condenser 
dans un ballon à long col placé sur un haut et léger 
support; à còté, un cornet de papier à filtrer sur- 
monte le goulot d'une bouteille pansue munie 
d'une anse, 

En face, deux consoles renversées, et sur le côté 
droit une console rampante très allongée, qui 
sépare le laboratoire de la boutique, soutiennent 
celle hotte en forme de dôme à contre-courbe; 





sur son rebord semi-circulaire alternent des vases 
de verre retournés et des cornues. Une étrange 
tête armée d’une corne et une large bouteille à 
col court dominent le tout. 

Entre toutes les apothicaireries, Lister avait 


(1) Le maître apothicaire faisant dans sa boutique 
la leçon à son apprenti (figure extraite de l'Ortus 
sanitatis, Paris, Vérand, vers 1499, et reproduite 
dans Granel, Histoire de la pharmacie à Avignon, 
du xu° siècle a la Révolution, Maloine, Paris, 1905, 
p- 26) porte une sorte de calotte et une robe assez 
semblable à celle de nos magistrats actuels, sauf un 
grand col rabattu. 


N° 1449 


remarqué celle de Mathieu-Francois Geoffroy, qui 
fut échevin de la ville en 1685 et père du célèbre 
Etienne Geoffroy, mort professeur au Collège de 
France et doyen de la Faculté de médecine. « Elle 
est, dit-il, dans la rue Bourgtibourg. L'entrée de la 
basse-cour est par une porte cochère avec des 
niches où sont de grands vases de cuivre. Quand 
vous êtes entré, vous trouvez des salles ornées 
d'énormes vases et de mortiers de bronze, qui sont 
là autant pour la parade que pour l'usage. Les 
drogues et les préparations sont dans des armoires 
rangées autour de ces pièces (1). » Dans l’apothi- 
cairerie des Feuillants, installée dans ce couvent 
en 4637 par le Fr. Christophe de Saint-François (2), 
la pièce était entourée d’'armoires vitrées dont 
l’entablement était chargé de beaux vases. 

Dans la peinture qui nous occupe, une baie spa- 
cieuse donne accès dans la boutique, et c’est sous 
une arcade aveugle que sont alignés sur des rayons 
les pots, qui faisaient l'orgueil des pharmacies 
d'autrefois; une échelle, que l'artiste n’a eu garde 
d'oublier, permettait d'atteindre les plus hauts 
placés (3). Si les peintures des pots attiraient l’at- 
tention des curieux, leurs étiquettes avaient de 
quoi intriguer les profanes et éveiller en eux du 
même coup la vénération de la science (4). 

Le reste du décor ne contribuait pas peu à accen- 
tuer ces impressions et n'était d’ailleurs pas de 
pure parade. 

Dès l'entrée, le grand os de scie pendu le long 
de l’ébrasement ne devait pas manquer de provo- 
quer un étonnement mêlé de crainte. 

A la naissance de Farc, la bouche ouverte de 
lhippopotame laisse voir ses grosses dents, qui, 
ne jaunissant pas comme l'ivoire et d'une consis- 
tance beaucoup plus dure, étaient fort recherchées 
« par tous ceux qui se mêlent d'arracher les dents 
et d'en remettre d’artificielles ». Débitées en petites 
plaques minces et percées en deux endroits afin 
qu'on y püt passer un ruban, elles étaient portées 
par bien des personnes, en guise d’amulette, contre 
la crampe, la goutte sciatique et les hémorragies; 
leur était-ce d'un grand secours? C’est plus que 
problématique. | 

Suspendu à la clé du cintre se balance un animal 


(1) LisTER, 0p. cit. 

(2) Recherches sur Paris, par SauvaL, t, I", p. 485 
Cité par A. FRANKLIN, op. cil., p. A7 et 18. 

(3) Dans la « boutique pharmaceutique » figurée 
dans les œuvres de Jean de Renou, un commis est 
monté sur l'échelle pour prendre à deux mains sur 
le rayon le plus élevé un pot ovoïde passablement 
volumineux. (Voir A. FRANKLIN, op. cit., p. 16.) 

(4) S'il nous est permis de faire état d’un souvenir 
personnel, nous avouerons n'avoir, dans notre enfance, 
jamais pénétré chez les pharmaciens sans éprouver 
ces sentiments. Et n'y-a-t-il pas plus d’un point de 
contact entre la mentalité de l'enfant et celle du 
peuple? 


COSMOS 


197 


que nous n'avons pas réussi à identifier, mais qui 
n'est probablement pas sans rapports avec le poisson 
« orbis », cité en 1623 par Laurens Catelan ; c'était 
le diodon, appelé aussi « hérisson de mer » et 
« poisson armé », à cause des multiples piquants 
dont tout son corps est garni; il se tourne « contre 
le vent, quoyque mort, farcy de bourre et pendu 
au plancher des maisons (1) ». Un œuf d'autruche 
peut-être, dont le principal intérèt réside dans son 
volume, lui fait pendant vers l'intérieur (2). 

A la suite, un reptile saurien rappelle cette 
« peau d’un lézard de trois pieds et demi remplie 
de foin, curiosité agréable pour pendre au plancher 
d'une chambre » que, dans Molière (3), La Flèche 
vend à Cléante; de plus, c’est ici une curiosité 
utile. Est-ce un crocodile? Sa graisse, mélangée 
à la cire blanche, entrait dans la composition d’une 
pâte qu'il suffisait de brüler dans une lampe pour 
faire taire les grenouilles (4). Y veut-on voir le 
« scing » ou « scinque » du Levant? Sa queue et 
ses reins étaient employés comme ils le sont encore 





Diopons. 


par les pharmaciens orientaux. N'est-ce qu'une 
représentation exagérée du simple lézard? Con- 
verti en huile par infusion ou par décoction, il 
était fortifiant et résolutif, activait la croissance 
des cheveux ou aidait à la disparition des taches 
de la peau; pulvérisé, il avait la propriété de favo- 
riser la chute des dents cariées et gâtées; il sufti- 
sait de déposer un peu de cette poudre dans le 
creux de la dent malade, en ayant soin qu'il ne 
s'en répandit point sur quelque dent saine. D'après 
Jean Gœurot, médecin de François Ie", il n'était 


(1) « Estant desséché et rempli de bourre ou de 
quelque autre chose, écrivait Rondelet, on le pend aux 
temples et aux maisons et a toujours le bec tourné 
contre le vent. » 

(2) « Les Turcs et les Persans suspendent les œufs 
d'autruche, comme ornement, à la voùte de leurs 
mosquées. » (VaLmont pe Bomare, Dict. d'hist. nat. 
T. I’, art. « Autruche ».) 

(3) L’Avare, acte IT, scène I. 

(4) D'après un traité de médecine provenant de la 
bibliothèque des Augustins d'Amiens. 


498 


pas jusqu’à ses excréments qui ne fussent salu- 
taires en cataplasmes..... contre les taies des 
yeux. 

Au-dessous, cette énorme araignée ne pourra, vu 
sa taille, être enclose vivante dans une coquille de 
noix (4) qui, portée au cou, triompherait des fièvres 
tierces et quartes les plus rebelles; macérée pen- 
dant vingt-quatre heures avec plusieurs de ses con- 
génères, elle fournira une huile précieuse contre 
les maladies malignes et contagieuses. 

L'animal bizarre qui lui fait face, de l’autre côté 
de la hotte, peut être considéré comme un renard, 


si l’on ne se montre pas trop difficile sur l’exacti- 


tude de ses dimensions, par rapport à l’araignée, 
par exemple. La peau, la graisse et l'huile de 
renard passaient pour guérir les rhumatismes et 
les humeurs froides; son poumon « lavé en vin » 
était recommandé contre la phtisie, et son sang, 
appliqué en lotions aussi chaudes que possible, 
avait « vertu de rompre la pierre aux reins et en 
la vessie » (2). 

On reconnait, accrochée à la voùte, une coquille 
marine fossile; elle est décorative, et symbolique 
aussi, car les os d'animaux « devenus fossiles » et 
désignés sous le nom d’ « unicorne fossile » étaient 
d'un fréquent usage en médecine chez les Alle- 
mands, les Italiens et les Polonais pour arrêter le 
cours de ventre, pour résister aux venins, pour 
combattre lépilepsie, pour déterger même les 
vieux ulcères et fortifier les yeux, encore que tant 
et de telles vertus commençassent à parailre dou- 
teuses à quelques disciples d'Esculape. | 

Les cornes étaient en général très appréciées; 
qu'elles provinssent du cerf, du chevreuil, de la 
licorne, du narval ou du rhinocéros, elles consti- 
tuaient des antidotes assurés contre les venins et 
les fièvres malignes. Mais Pierre Pomet, savant 
apothicaire du xvu* siècle, avoue qu'il vendait pour 
corne de licorne des défenses de narval : « Ce sont, 
dit-il, les tronçons de cette corne que nous vendons 
à Paris, comme ils se vendent ailleurs, pour véri- 
table corne de licorne. » 

Les dents d'éléphant réconfortaient le cœur, et 
la gelée, préparée avec son ivoire, passait même 
pour plus eflicace que la corne de cerf dans les 
hémorragies. La tète du pachyderme placée au 
bas de l’oculus a donc ici sa raison d’être. 

Il en est de même pour la tortue à peine visible 
au-dessus de l'oculus; le corps de l'animal, privé 
de la tète, des pattes et de la queue, donnait un 
bouillon adoucissant et nourrissant, du meilleur 
effet dans les maladies de poitrine; il arrivait qu’à 
défaut de cette chair plutôt rare, on plongeñt tout 
simplement dans le pot-au-feu un morceau de 
veau; la décoction n'était pas moins appelée 


(1) À moins que ce ne soit une noix de coco. 
(2) Voir Usages du renard, Cosmos, 2 juillet 1910, 
n° 1:27, 


COSMOS 


31 OCTOBRE 1912 


« bouillon de tortue »; n'est-ce pas la foi qui 
sauve? (4) On en tirait encore un sirop contre 
l'enrouement et la toux; son suc huileux et balsa- 
mique corrigeait la salure du sang; son sang était 
estimé contre l'épilepsie, et son fiel contre les 
maux d’yeux; l’usage de sa chair comme nourri- 
ture amenait, en Portugal, la guérison des lépreux 
et des scorbutiques; enfin, ses œufs avaient des 
propriétés fébrifuges et narcotiques. 

Par son corps fusiforme, le poisson, qu'on dis- 
tingue entre la tête d’éléphant et l’ammonite et 
un peu au-dessous d'elles, peut s’apparenter aux 
Carchariidés; à cette famille appartient le requin 
proprement dit, dont la cervelle très blanche, 
séchée et mise en poudre, était fort apéritive et 
diurétique ; ses dents pulvérisées et prises à la dose 
de deux scrupules étaient recommandées pour 
arrêter le cours de ventre, faire cesser les hémor- 
ragies, provoquer les urines et même détruire la 
pierre; mais cette dernière vertu n'inspirait pas 
à tous une égale confiance; on enchâssait dans de 
l'argent celles de ces dents qui sont unies pour en 
faire des hochets dont les enfants se servent pour 
aider leurs dents à percer; celles qui sont den- 
telées é'aient autrefois enchâssées par les orfèvres; 
ils les vendaient à des individus crédules, qui les 
portaient en amulettes pour soulager leurs dou- 
leurs odontalgiques ou se guérir de la peur. Ron- 
delet assure qu’on en préparait d'excellents denti- 
frices pour blanchir les dents et les affermir. Les 
dents qu'on apportait de Malte sous le nom de 
« langues pétrifiées de serpents » ou « glossopètres » 
n'étaient autres que les vulgaires dents de quelque 
carchariidé (2). 

Nous ne voulons pas oublier l’artistique cartel 
qui repose sur une console largement évidée pour 
permettre le passage des poids et l’ample oscilla- 
tion du pendule; son monotone et continuel tic-tac 
rappelle au maitre du logis comme à ses clients la 
fuite ailée des heures que nous dérobe cet insigne 
larron qu’est le temps (3) et dont est faite la trame 
de notre vie; par ailleurs, l'accumulation des 
produits pharmaceutiques les conviait à songer 
que la vie tire moins son prix du fait d'exister que 
de la santé: Non est vivere, sed valere, vita. 

A gauche de la composition, un garçon de labo- 
ratoire transporte de l'officine dans la boutique un 
vaste panier à claire-voie. 

Par plus d'un de ses détails, cet ensemble fait 
songer aux magasins de bric-à-brac; la faute en 
est moins à l'artiste qu’à létat de la science phar- 
maceutique à l'époque où il vivait; c'est d'eux que 


(1) Voir Un traité de médecine vulgarisée au 
xvin’ siècle, Cosmas, 17 septembre 1904, n° 1025. 

(2) Huile de foie de requin, Cosmos, 11 juillet 1912, 
n° 1433. 

(3) O temps, suspends ton vol, fait humoristique- 
ment remarquer Em. Faguet, d'après Lamartine. 


N° 1449 


l’allégorie tire toute son importance et sa signifi- 
cation précise; à considérer cette œuvre, les con- 
temporains du peintre et du graveur ne doutaient 
pas qu'ils n'eussent sous les yeux la pharmacie. Il 
ne nous est pas toujours donné d’éprouver pareille 


ns 


COSMOS 


499 


certitude devant telle œuvre d'art moderne qui 
prétend symboliser quelqu'une des branches de la 
science ou de ses plus récentes découvertes. 


LON GOCDALLIER. 





SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 


Séance du 21 octobre 1912. 


PRÉSIDENCE DE M. LIPPMANN. 


Remarques complémentaires sur les protu- 
bérances, alignements et filaments de l’at- 
mosphère solaire supérieure. influence du 
champ électrique solaire. — M. H. DESLANDRES 
revient sur sa dernière communication et la complète, 
en analysant les résultats obtenus à Meudon. Entre 
autres observations, M. Deslandres cite une mesure 
faite avec M. Burson de l’épaisseur de la chromosphėre 
moyenne sur trois épreuves de vitesse radiale choisies 
un peu au hasard, l'épaisseur a été trouvée plus 
grande aux pôles qu'à l'équateur, la différence étant 
variable d’une épreuve à l’autre et plus grande dans 
l'hémisphère Sud que dans l'hémisphère Nord. Il 
semble donc que cette épaisseur de la chromosphtre 
soit un élément variable du Soleil, digne d'ètre relevé 
d'une manière continue. 

En terminant, le savant astronome regrelte que la 
pénuriedel'Observaloirede Meudon soit telle quel’on en 
soit réduit à accumuler les documents sans pouvoir les 
étudier. 


Sur la respiration des plantes vertes. — 
MM. Maquexne et DEmuoussy constatent que si, depuis 
maintenant un siècle que l'étude de la respiration des 
plantes est entrée dans le domaine de la physiologie 
générale, un grand nombre de travaux se sont 
succédé, qui ont fait connaitre la nature des échanges 
gazeux qui la caractérisent, ainsi que les principales 
circonstances extérieures ou d'origine interne qui la 
modifient, cependant, on est encore très mal renseigné 


O1 
en ce qui concerne le rapport 2o, chez les plantes. 


Cette incertitude tient sans aucun doute aux modes 
d'observation. Il est nécessaire, lorsqu'on se propose 
de déterminer le quotient respiratoire réel d'un 
organe végétal détaché de sa souche, de prendre 
celui-ci sur un sujet en état d'équilibre dans toutes 
ses parties et d'opérer en un temps très court, à une 
température voisine de celle qu'il possédait au moment 
de la cueillette. 


Sur les triangulations géodésiques complé- 
mentaires des hautes régions des Alpes fran- 
caises. — M. HELsroNNER donne un rapide compte 
rendu des opérations effectuées dans cette dixième 
campagne, dont les résultats ont été beaucoup plus 
heureux que ne pouvait le faire espérer la déplorable 
saison que nous avons traversée. Une première série 
a eu lieu du 24 juin au 1” juillet, l’autre du 2 juillet 


au 22 septembre, en s'appuyant sur la chaine fonda- 
mentale établie précédemment. 


Influence de la vitesse de combustion sur 

le rendement d’un moteur à gaz. — M. E. Meni- 
GEAULT déduit de sa note antérieure les règles sui- 
vantes: 
. 4° Si aucune condition ne limite la compression 
avant allumage (par exemple si l'air et le combustible 
sont comprimés séparément), il y a intérèt à pousser 
cette compression jusqu’à la pression maximum que 
peut supporter le cylindre, puis à faire une combus- 
tion à pression constante. Voilà l'explication de 
l'avantage du moteur Diesel; 

2 Si certaines conditions limitent la compression 
avant allumage et si la pression à laquelle peut résister 
le cylindre est pratiquement illimitée, il y a intérèt 
à faire une combustion instantanée. 

Ces conclusions, vraies pour des moteurs adiaba- 
tiques, c'est-à-dire où il n’y aurait pas de transmission 
de chaleur par les parois, sont probablement appli- 
cables aux moteurs réels, dans lesquels les actions de 
parois sont importantes. 


Captation des ondes hertziennes par des 
antennes purement horizontales tendues au 
ras du sol, et, par extension, utilisation des 
fils télégraphiques et téléphoniques d’abon- 
nés. — Le mois dernier, à Saint-Brieuc, M. ParL 
Jécoc a expérimenté une antenne purement horizon- 
tale et tendue parallélement au sol, à peine à hauteur 
d'homme, un peu analogue au dispositif Kiebitz. 

Sur un terrain légérement incliné, un fil tendu de 
80 mètres de long n'a pas permis de recevoir Îles 
signaux horaires de la tour Eitfel ; avec deux fils écartés 
de 30 centimètres l'un de l’autre, la réception devint 
tiès bonne. Avec trois et quatre fils, l'etfet resta Île 
mème. 

En reliant un appareil récepteur de T. S. F. àla 
borne-ligne d’un appareiltéléphonique d'abonné ou d'un 
appareil télégraphique, les signaux de T. S, F. sont 
fortement décelés. Mais, pouréteindre les bruits para- 
sites, il convient d'intercaler un petit condensateur. 


Sur l’action du vaccin antityphoïdique po- 
lyvalent, chez les personnes en état d'infec- 
tion latente par le bacille d'Eberth. — Le 
Dr H. VixcexT montre que l'immunisation active à 
l’aide du vaccin polyvalent, opérée en temps d'épi- 
démie, donne la possibilité de protéger même les per- 
sonnes déja infectées vingt-quatre heures ou jua- 
rante-huit heures auparavant, par le bacille d'Eberth. 

Si l'infection spécifique est plus ancienne, le bacille 
a eu le temps de pulluler et d'envahir le sang pendant 
la phase silencieuse d’incubation. En pareille occur- 
rence, l’inoculation de typho-vaccin arrive évidem- 


500 


ment trop tard pour enrayer le processus infectieux. 
Or, il a été permis d'observer que, mème dans cette 
circonstance, l'inoculation de l'antigène a eu pour 
conséquence une protection appréciable du sujet. 

Le vaccin a jusqu'ici été inoculé à. 20 000 individus; 
aucun des vaccinés, mème au milieu d'épidémies très 
graves, n'a contracté la fièvre typhoïde. 


Sur le rôle antiseptique du sel marin et du 
sucre. — M. L. LiNvEtT pense que ce rôle s'explique 
par la facilité avec laquelle les microbes se plasmo- 
lysent: ils cèdent à une solution concentrée de sel ou 
de suere une partie de leurs éléments constitutifs, 
s'atfaiblissent et ne présentent plus la mème capa- 
cité de reproduction. 

L'auteur s'est procuré des microbes de levure de 
distillerie, qu'il a placés vingt-quatre heures dans des 
solutions soit de sucre, soit de sel (allant pour le 
sucre jusqu’à 80 et pour le sel jusqu'à 8 pour 100); 
au bout de ce temps, les cellules se sont fortement 
appauvries en divers éléments, notamment l'azote, 
l'acide phosphorique, la potasse, que l'auteur a dosés 
dans les liquides filtrés. Les cellules, vues au micro- 
scope, paraissent amaigries; elles ne se développent 
ensuite qu'avec un retard d'autant plus grand qu’elles 
ont séjourné au contaet de solutions plus concentrées. 


Jaugeage de cours d’eau par l'analyse chimique. 
Note de M. Tu. ScileæsiNé père. — Découverte et 
observations de la coméëte 1912 b (Schaumasse) faites 
à l'Observatoire de Nice. Note de M. A. SCHAUMASSE. — 
Observations de la nouvelle comete Gale (1912 a). Note 


de M. GiacosINI. — Observations de la comète Gale 
(1912 a) faites à l'Observatoire de Besançon. Note de 
M. P. Breek. — Sur les substitutions crémoniennes. 


Note de M. LÉON AUTONNE. — Sur un théorème de 
M. Picard. Note de M. T.-H. Gaoxwazz. — Sur un théo- 
réme de Stieltjes. Note de M. GE£onGE Porya. — Sur 
la réfraction et la rotation magnétique des mélanges. 
Note de M. P.-Tu. Muzrer el M V. GUERDJIKOFF. — 
Méthode simple pour la préparation des oxydes miné- 
raux. Note de M. Mavrice Bilzy. — M, LuciEN DANIEL 
est parvenu à grelfer la carotte sur le fenouil poivré; 
c'est un joli problème résolu et qui a son intérét au 
point de vue de la physiologie botanique; mais Îles 
resultats semblent ne rien avoir de pratique. — 
Recherches sur la présence d'acide nitreux dans la 
sève des végélaux supérieurs. Note de P. Mazé: l'au- 
teur établit que l'acide nitreux existe normalement 
dans la sève des végétaux; il est élaboré par les cel- 
lules vivantes, il ne dérive pas des nitrates par voie 
de réduction, et sa concentration est en raison inverse 
de l'activité végétale. — Sur un nouveau groupe 
naturel de plantes à acide cYanhvdrique,les Calyran- 
tharves. Note de M, Marcrz MinaNne. — Sur la pré- 
sence des corpuscules de Herbst dans la glande uro- 
pygienne des oiseaux. Note de M. Paer Panis. — Action 
des rayons ultra-violets sur le suc pancréalique. Leur 
intluence sur l'activation du suc par la kinase et par 
les sels de calcium. Note de MM. C. DELezeNse et 
M. LissoxxÉ. — Fermentation du sucre par le Barillus 
subtilis. Production du 2. 3-butyléneglvcol. Note de 


M. LEuoIGNE. — Sur des empreintes (meduses, algues) 
recueillies dans le carbonifère des environs de Suez. 
Note de MM. Couvar et FRITEL. — Dissolution de la 


silice dansles eaux souterraines. Note de M. F. DIENERT. 


COSMOS 


J1 OCTOBRE 1912 


ASSOCIATION FRANÇAISE 
POUR L’AVANCEMENT DES SCIENCES !) 


Congrès de Nimes. 


Chimie. 


Sous la présidence de M. J. MEUxIER, chef detravaux 
à l'École centrale des arts et manufactures. 

M. ALEXANDRE H&uBEaT. 1° Une modification du procede 
de Marsh par le dosage de l'arsenic. — C'est une com- 
binaison de la méthode de Van Bylert et des perfec- 
tionnements d’Armand Gauthier et de G. Bertrand. 
On a obtenu ainsi des teneurs en arsenic descendant 
jusqu’au demi-milliëéme, et méme jusqu'au quart de 
milheme de milligramme. 

> La Chimie en horticulture. Pour le Vresea splendens 
(famille des Broméliacées), l'addition d'une dose de 
25 grammes de phosphate de soude par mètre carré 
a donné le meilleur résultat. Pour les Anthurium 
Scherzeriunum (Aroïdées), 40 grainmes de phosphate 
de potasse par mètre carré amènent un dévelop- 
pement considérable. Les chrysanthèmes (Composés) 
acquièrent une plus-value très importante quand on 
additionne leur sol de nitrate de soude ou de sulfate 
d'ammoniaque comme complément d'azote et de phos- 
phate ammoniaco-magnésien, ou de phosphate d'am- 
moniaque comme complément d'acide phosphorique 
et d'azote. Ces engrais doivent être distribuës en 
arrosage au millième. Pour les Cattleya (Orchidées), 
il convient d’additionner le sol inerte de mélanges de 
nitrates d’ammoniaque, de potasse, de chaux, et de 
phosphate d'amimoniaque. La culture des azalées 
(Éricacées) exige pendant la première année un apport 
supplémentaire d'azote, de chaux, de potasse et d'acide 
phosphorique; pendant la deuxième année, l'azote seul 
fait défaut, et pendant la troisième année le terreau 
dans lequel on les cultive suflit à leurs besoins. La 
dépensé est presque insignitiante. La culture des 
cyclamens (Primulacées) ne peut réussir qu’en agis- 
sant surtout au point de vue physique sur le sol. 
L'étude systématique des dracœæna, des chrysanthemes 
des cyclamens, des menthes, a permis d'énoncer cette 
conclusion: l'engrais n’influe pas sur la marche rela- 
tive de l'assimilation, mais il l’augmente considérable- 
ment. Il convient de citer les travaux du D' Gritlith, 
en Angleterre, qui a entrepris des analyses du mme 
genre. 

Contribution à l'étude des fermentations visqueuses. 
M. E. Kaysen, Paris. Cette étude a une grande impor- 
tance dans le traitement des cidres gras: les moyens 
pour lutter contre cette maladie sont préventifs ou 
curatifs. Moyens préventifs : très grande propreté, 
défécation rationnellement conduite, fermentation 
régulière et choix de pomimnes de mème maturité, fil- 
trations, ouillages, soutirages judicieux et grande 
surveillance des cidres fabriqués, pour enrayer la 
maladie au début. Comme moyens curatifs : fouettage 
vigoureux du cidre, aération a quelquefois donné 
de bons résultats. 


M. Genser (Marseille). — 4° Sacrharification de 
l'amidon par la salive et la diastase de l'orge en pre- 
sence d'eau oxyqénée. 


(1) Suite, voir p. #72. 


N° 1449 


> Action des halogènes et des composés halogénés 
du mercure sur la saccharification de l'amidon par la 
diastase du malt etl la salive. 

Sur les réactions du phosphore et du calrium arec 
les molécules protéiques (M. L. Liver, Paris). 

Sur l'ambréine, par M. J. Risan (Paris). — Cette sub- 
stance n’a pas été étudiée depuis Pelletier et Caventou, 
1820-1832), sans doute à cause du prix élevé de la 
matière première dont on l'extrait: elle atteint en 
effet, aujourd'hui encore, 5 000 francs le kilogramme, 
matière première dans laquellel'ambréine peut n’exister 
qu'en proportions très variables ou mème étre absente. 
Une circonstance fortuite a mis l’auteur en possession 
de quelques grammes de cette substance; il a pu l’étu- 
dier au point de vue de l’électrisation, du pouvoir 
rotatoire: inodore, insoluble dans l'eau, soluble dans 
le pétrole, la benzine, le chloroforme, le tétrachlorure 
et le sulfure de carbone, qui se prêtent mal à sa cris- 
tallisation, tandis que l’alcoo!l et l’éther l'abandonnent 
facilement cristallisée. — Analyse de cette substance 
précieuse. — Essais cryoscopiques. — Le chlore en 
solution dans le tétrachlorure conduit à une décom- 
position de la matière. 

Des tentatives dans diverses directions, action des 
anhydrides acétiques, phosphoriques, etc., ont épuisé 
la petite provision d'ambréine. 


M. AnDRé MEYER (Paris) étudie quelques dérivés de 
la phénylisoxazolone. — Elle possède, d’après les 
résultats exposés dans ce mémoire, une assez grande 
aptitude réactionnelle. C’est un corps capable, comme 
l'éther B-cétonique qui lui donne naissance, de se 
tautomériser facilement. Les produits colorés qui en 


COSMOS 


501 


dérivent sont intéressants à envisager : ils permettront 
de contribuer à étendre les connaissances sur les 
relations existant entre la couleur et la constitution 
en chimie organique. 


MM. J. Viile et Mestarzar (Montpellier). De l'origine 
burcale des oxydases, des perorydases et des substances 
peroxyliliques de la salive mixte. — On ne saurait 
continuer à les considérer comme étant d'origine 
glandulaire. Le moindre effort d'expectoration, le 
lavage de la bouche avec de l’eau distillée suffisent 
pour amener la présence de traces d’hémoglobine 
(globules rouges), de même qu'il y a contact, dans la 
bouche, de la salive avec les leucocytes, des cellules 
de desquamation et autres éléments figurés, toutes 
raisons qui suffisent à expliquer les réactions obtenues 
avec la salive mixte et non retrouvées avec la salive 
pure. 


MM. Pavut JEancanp et CoNraD SATIE. l’nifiration des 
méthodes d'analyse des huiles essentielles. — L'estima- 
tion d’une huile essentielle reposant sur la détermina- 
tion de constantes physico-chimiques, il importe que 
les mesures soient faites dans les laboratoires du 
monde entier par des méthodes identiques; c’est seu- 
lement dans ces conditions que les chiffres trouvés 
ont de la valeur. Les auteurs, dans leur mémoire, 
insistent sur les méthodes générales employées dans 
l'analyse des substances obtenues par distillation à la 
vapeur d’eau. Ils se proposent d'étudier ensuite les 
méthodes à appliquer pour l'estimation des autres 
matières odorantes. 


(4 suivre.) E. HÉRICHARD. 





BIBLIOGRAPHIE 


Grandeur et figure de la Terre, par J.-B.-J. De- 
LAMBRE. Ouvrage augmenté de notes, de cartes, et 
publié par les soins de G. Bicourpan, membre de 
l'Institut. In-8° (25 X 16) de vrr-402 pages avec 
31 figures et cartes (15 fr). (rauthier-Villars, 
Paris, 4912. 


Delambre, né à Amiens en 41749, qui s’occupa 
d'astronomie à partir de 1782 et fut reçu à l'Aca- 
démie des sciences en 1792. fut désigné, quelques 
mois après sa nomination, pour s'occuper avec 
Méchain de la mesure de l'arc de méridien qui 
s'étend de Dunkerque à Barcelone : cette mesure 
devait servir de base au système métrique décimal, 
en fournissant une valeur très exacte du quart du 
méridien terrestre. 

A sa mort(1822), Delambre laissa deux ouvrages 
inédits : l'Zrstoire de l'astronomie au xviie sircle, 
publiée par L. Mathieu en 1827, et l'Histoire de 
la mesure de la Terre que M. G. Bigourdan publie 
aujourd’hui sous le titre adopté par l’auteur : Gran- 
deur et figure de la Terre. 

Le manuscrit de ce dernier ouvrage est contenu 
dans une chemise portant de la main de L. Mathieu : 
« Figure de la Terre. Manuscrit sur lequel 


M. Delambre parait avoir fait sa copie définitive. » 

Le style du manuscrit est assez souvent négligé; 
parfois M. Bigourdan a cru devoir le moditier par 
l'addition de certains mots qu'il a généralement pla- 
cés entre crochets ou entre parenthèses. Il a aussi 
ajouté la ponctuation, ordinairement absente, et 
reclifié diverses citations en remontant aux sources. 
L'orthographe est souvent incertaine, aussi l’édi- 
teur a adopté celle de la Base du système métrique. 
Enfin, les exigences typographiques ont souvent 
obligé de modilier certains tableaux. Mais tous ces 
changements ont été faits avec la plus grande 
réserve, de manière à bien conserver à l'œuvre 
son caractère propre. 

Voici le contenu du livre. Après un rappel sonn- 
maire des anciennes mesures de la Terre, depuis 
Ératosthène jusqu’à celle de Picard, qui fournit 
fort à propos à Newton l’occasion de vérifier son 
hypothèse sur l'attraction de la Lune par la Terre, 
Delambre fait l'examen détaillé des mesures de la 
Terre effectuées depuis 1700 jusqu'à 1809 environ; 
il les relate à peu près d’après l'ordre chronolo- 
gique et les analyse avec une critique serrée, mais 
nullement malveillante. 


902 


il rapporte donec les travaux et les résultats des 
trois mesures successives de la méridienne de 
France, avec, à peu près à leur date, les mesures 
d'arc du méridien faites en Laponie, au Pérou, en 
divers pays d'Europe; enfin, les mesures de degrés 
terrestres faites après 1800. Comme de juste, le 
style devient plus pittoresque et animé quand l'au- 
teur aborde le récit de ses propres aventures et de 
celles de Méchain, aux prises avec la Révolution, 
soupconnés et jalousés par le Comité du salut 
public, arrètés en leurs travaux par la guerre. 


Les Macrolépidoptères du globe, par le pro- 
fesseur D" ADALBERT SEITZ, 4°" vol. (relié en deux 
parties, texte et planches séparément): Diurnes 
paléarctiques avec 89 planches en couleurs 
(3470 figures). Alfred Kernen, éditeur, à Stuttgard. 


Le directeur du Jardin zoologique de Francfort- 
sur-le-Mein, le D" Adalbert Seitz, a entrepris avec la 
collaboration des spécialistes les plus renommés 
tels que Aurivillius, Fruhstorfer, Janet, Jordan, 
Mabille, etc., la publication d’un ouvrage systéma- 
tique sur l’ensemble des Macrolépidoptères du 
globe en 16 volumes, comprenant environ 40 000 fi- 
gures en couleurs. Les quatre premiers volumes 
seront consacrés à la faune paléarctique, les autres 
aux papillons exotiques; un volume supplémentaire 
contiendra les généralités, la morphologie, la bio- 
logie et la géographie. Le premier volume, dont 
nous présentons la traduction française aux lecteurs 
du Cosmos, permet de constater que le plan élaboré 
par M. Seilz a été non seulement fidèlement exé- 
culté, mais notablement dépassé. L'ouvrage qui, 
dans l'esprit de son auteur, ne devait être qu’un 
manuel élémentaire permettant la détermination 
de tous les Macrolépidoptères, sera après son achè- 
vement une véritable encyclopédie où le public 
trouvera résumé l'état actuel de nos connaissances 
lépidoptérologiques. L'auteur et l'éditeur n'ont rien 
négligé pour faire une œuvre consciencieuse. Per- 
sonne n'était mieux préparé que M. Seitz pour 
diriger une entreprise semblable; pendant vingt 
années de voyages, il a étudié sur place les faunes 
lépidoptérologiques les plus diverses et les plus 
intéressantes. Les ouvrages systématiques et les 
monographies parus antérieurement ont été mis 
à contribution. Les trésors de tous les grands 
musées d'Europe, d'Amérique et d'Australie, des 
collections privées les plus renommées ont fourni 
les documents nécessaires pour l'exécution des 
figures, et les exemplaires uniques les plus précieux 
ont pu ètre ainsi reproduits jour la première fois. 

Ce sont là les bases solides sur lesquelles reposent 
les matériaux condensés dans le premier volume, 
consacré aux rhopalocères paléarctiques. Les neuf 
familles traitées sont précédées chacune d’une 
introduction plus ou moins longue, et la plupart 
forment d'importantes monographies. Une liste 


COSMOS 


J1 OCTOBRE 1912 


alphabétique des formes mentionnées avec renvoi 
aux descriptions originales termine chaque famille 
et permet ainsi de compléter, s'il y a lieu, cer- 
taines diagnoses trop succinctes. Les difficultés que 
soulève parfois la classification sont notées avec 
soin et les problèmes biologiques sont signalés. 
La traduction française, due au président de la 
Société entomologique de France, est soignée et 
présente certaines particularités que nous n'avons 
garde de passer sous silence. La terminologie de 
l'original comprend, outre les noms vulgaires, un 
certain nombre de termes de classification souvent 
très expressifs pour lesquels la langue française ne 
possède pas d'équivalents. M. Janet les a conservés 
entre parenthèses et en a donné une traduction 
littérale en note. D'autres annotations servent 
à interpréter, à compléter et parfois aussi à rec- 
tifier le texte original. Le traducteur s'est, en 
outre, astreint à vérifier rigoureusement les indi- 
cations bibliographiques. 

La disposition des figures en lignes et l'emploi 
de nombreuses demi-figures ont permis de grouper 
jusqu’à 90 figures sur une même planche (pl. 79). 
Ces figures représentant presque toutes les formes 
principales sont, en général, d’une exactitude par- 
faite comme dessin et coloris et complètent agréa- 
blement le texte descriptif. L'éditeur a réussi ainsi 
à offrir au public l'ouvrage le plus complet et le 
plus richement illustré qui ait paru jusqu'à ce jour, 
et cela à un prix relativement peu élevé. 

Somme toute, le premier volume fait bien augurer 
de la suite (les volumes 2, 3, 5, 9, 10 et 13 paraissent 
en livraisons, le volume 3 sera achevé avant la fin 
de l’année), et les imperfections ou lacunes que la 
critique pourra signaler ne diminueront en rien la 
valeur de ce magnifique ouvrage de référence, que 
consulteront avec fruit les lépidoptérologues de 
profession aussi bien que les simples amateurs 
lorsqu'ils auront un papillon nouveau à déterminer 
et à classer. J. Jorivaun. 


La machine et la main-d'œuvre humaine, par 
DaniEL BELLET, professeur à l'École des sciences 
politiques. Un vol. in-8° de 300 pages de l’'Ency- 
clopédie scientifique (cartonné, 5 fr). Librairie 
0. Doin, 8, place de l'Odéon, Paris. 


L'homme, considéré comme machine, a un déplo- 
rable rendement, mais c’est aussi un être intelli- 
gent. Il a, dès la création, compris son impuis- 
sance, et a eu l’idée d'utiliser pour son service les 
animaux d’abord, puis les machines. La machine, 
suivant une originale définition, est « tout ce qui, 
en plus des ongles et des dents, sert à l’homme 
pour travailler ». 

L'homme a d’abord fabriqué les outils capables 
d'aider à son labeur tout en diminuant ses efforts; 
puis, devenu plus exigeant, il a imaginé ceux qui 
accomplissent toute la partie pénible de la besogne, 


N° 41449 


ne lui laissant que les soins de conduite et de sur- 
veillance. 

La main-d'œuvre humaine est de plus en plus 
remplacée par le machinisme, parce qu’on y trouve 
avantage au point de vue de la bonne fabrication 
et de la diminution des prix de revient. Mais la 
transformation ne s'est pas opérée sans modifier 
profondément les conditions économiques. Long- 
temps, lesmachines furent accueillies avec défiance, 
et de nos jours encore les ouvriers leur reprochent 
de les empêcher de gagner leur vie. Bien plus, il 
y a toute une école d'économistes qui combattent 
contre elles, prétendant que le développement du 
machinisme se fait aux dépens du travailleur 
manuel. 

C'est à ces atlaques que répond l'ouvrage de 
notre si dévoué collaborateur, M. D. Bellet. Après 
avoir rappelé les débuts du machinisme dans le 
monde et ses applications dans la vie moderne, il 
discute les opinions rappelées plus haut, et, sans 
vouloir nier que l’adoption de machines nouvelles 
crée pendant un certain temps une gène passagère 
pour les ouvriers d’une industrie déterminée, il 
montre que l'avènement d’un machinisme de plus 
en plus développé est une loi inéluctable du pro- 
grès, et aussi qu'il est dans l’ensemble une source 
de bienfaits de toutes sortes. Aussi les ouvriers, au 
lieu de lutter inutilement contre lui, devraient 
chercher à s'adapter aux nouvelles méthodes qui 
font plus appel à ses qualités intellectuelles qu’à 
sa force musculaire. 


L'industrie de l’équarrissage. Traitement ra- 
tionnel des cadavres d'animaux, des viandes 
saisies, des déchets de boucheries, etc., par 
H. Marre, chef du service vétérinaire sanitaire 
à la Préfecture de police. In-8° de 376 pages avec 
122 figures (broché, 12,50 fr; cartonné, 14 fr). 
H. Dunod et E. Pinat, éditeurs, 47, quai des 
Grands-Augustins, Paris. 4911. 


L'état d'infériorité de la plupart de nos ateliers 
d'équarrissage, l'insuffisance des rendements qu'ils 
fournissent et les nombreux inconvénients inhé- 
rents à leur mauvaise installation ont incité 
M. Martel à faire connaitre ce que doit être l'ate- 
lier moderne. 

La réforme de l’équarrissage est liée à celle de 
l'inspection des viandes et à la réorganisation de 
nos abattoirs publics. Il est temps que, s'inspirant 
de ce qui a été fait à l'étranger, au cours de ces 
vingt-cinq dernières années, on essaye de moder- 
niser en France une industrie dont lesintérèts sont 
intimement hHés à ceux de l’agriculture et des 
diverses professions relevant de l’industrie ani- 
male. 

Malgré les louables efforts de Payen (1824-1830), 
le travail de A. Morel (1897) et les exemples 


COSMOS 


503 


donnés par Marcel Dupont (1901) et par G. Barrier 
(1902), l'industrie de l'équarrissage évolue toujours 
avec lenteur. Le plus vif désir de M. Martel est de 
concourir au développement du mouvement qui 
s'affirme en France en faveur des appareils per- 
fectionnés. Avec tous les hygiénistes modernes, il 
est convaincu que l'industrie de l’équarrissage bien 
comprise peut maintenant s'exercer partout, voire 
même au sein des agglomérations urbaines; on 
possède aujourd'hui des méthodes dont les perfec- 
tionnements laissent bien peu à désirer, tant au 
point de vue de l'hygiène qu’au point de vue éco- 
nomique. 

Puisse cet essai contribuer à diffuser chez les 
industriels quelques notions utiles relatives à 
l'emploi de méthodes qui ont fait leurs preuves, 
inciter les villes qui créent des abattoirs modernes 
à leur annexer des stations d'équarrissage bien 
agencées que pourront exploiter les Syndicats de 
bouchers, et éveiller, au sein des Sociétés d'assu- 
rances contre la mortalité du bétail, cette idée 
que l'on peut retirer des cadavres autre chose que 
la valeur du cuir. 


Le jeûne qui guérit, par le D° Enwarb Hooker 
Dewey. Traduit de l'anglais par PauL NYSSENS, 
Un vol. (18 X 13) de 290 pages (3,50 fr). A. Ma- 
loine, 25, rue de l’Ecole-de-Médecine, Paris. 


« La majorité des humains creusent leur tombe 
avec leurs dents », a dit un auteur américain. Le 
Dr Dewey, Américain lui-même, s'est persuadé, par 
sa pratique médicale, de l'utilité de la diète absolue 
et prolongée pour la guérison des maladies : 
l'usage des médicaments est réprouvé par lui 
comme une superstition médicale. 

Le « jeùne qui guérit » se prolonge non pas seu- 
lement pendant des jours, mais pendant des 
semaines et, en certains cas, pendant deux mois, 
jusqu'à ce que la sensation de faim, qui, parait-il, 
avait disparu au bout de quelques jours de diète, 
soit revenue; l'auteur rapporte diverses observa- 
tions avec dėlails. 

Il paraitrait que cette cure a réussi, en Amérique. 


L’aérophotographie. Une brochure illustrée 
19 X 13 de 36 pages. Prix (0,60 fr). Publica- 
tions Lucien Anfrv, 155 Dis, rue de la Conven- 
tion, Paris, XVe. 


Ce petit ouvrage constitue un guide précieux et 
renseigne de la facon la plus exacte les amateurs 
de photographie en ballon sphérique ou dirigeable, 
en aéroplane ou par cerfs-volants, moyen à la 
portée de tous. 

 vulgarisera la photographie aérienne et per- 
mettra à chacun de réussir lès merveilleux clichés 
panoramiques que seuls les spécialistes obtenaient 
Jusqu'ici. 


50% 


COSMOS 


31 OCTOBRE 1912 


FORMULAIRE 


Procédé permettant d’obtenir rapidement 
l’imperméabilité des tissus. — Ce procédé est 
basé sur l'emploi du blanc de baleine. Il offre sur 
les nombreux procédés connus à l'heure actuelle, 
qui utilisent aussi ce produit, l'avantage de ne 
nécessiter aucun dissolvant, coûteux ou dange- 
reux. 

Pour obtenir l'imperméabilisation d’un tissu, on 
transforme tout d'abord le blanc de baleine en son 
dérivé sodique soluble, en chauffant, vers 2000, ce 
produit au contact de soude concentrée. 

On fait alors une solution diluée du dérivé 
sodique ainsi obtenu, dans laquelle on immerge 
rapidement le tissu, que l’on plonge ensuite, après 
essorage, dans une solution d’acétate d’alumine à 
ə pour 400. 

Le séchage du tissu ainsi traité termine limper- 
méabilisation, qui est absolument parfaite. 

(Inventions illustrées.) 


Fûts à assainir. — Quelle que soit la cause de 
l'infection des tonneaux et des futailles, il est facile 
de les débarrasser de toute mauvaise odeur et à 
peu de frais. 

Les mauvais goûts qui infectent profondément le 
bois des futailles, les odeurs de moisi, d’évent et 
celles de la lie putréfiée ne résistent pas au traite- 
ment suivant : débonder et ventiler pendant 
quelques jours, au moyen de trous de foret; verser 
ensuite dans chaque fùt deux litres d'eau qu’on 
mélange de 120 grammes d'acide sulfurique par 


hectolitre; agiter avec soin ce mélange; vider, puis 
passer un lait de chaux (cinq litres d'eau, un litre 
de chaux), rincer enfin à grande eau et égoutter. 

On méchera et on bouchera la futaille qui est 
alors en état de recevoir le vin, car elle est parfai- 
tement exempte de tout mauvais goût. 

Voici un autre procédé : faire dissoudre 3 kilo- 
grammes de soude dans 20 litres d'eau bouillante 
et verser le tout dans la futaille à traiter. 

On bonde, on agite dans tous les sens, on roule 
et retourne le füt alternativement sur chaque fond, 
de manière que toutes les parties du bois soient 
successivement attaquées par la solution. On laisse 
séjourner cette eau pendant quelques heures, en 
agilant de temps à autre; après quoi, on laisse 
écouler l’eau de soude, on rince à l’eau chaude, 
puis à l’eau froide, jusqu’à ce que cette dernière 
sorte de la barrique parfaitement claire. 


Lubrifiant pour les outils dans le travail de 
l'acier. — M. J. Badge, dans l American Machinist, 
indique comme lubrifiant des mèches pour percer 
les aciers durs, tels que les ressorts trempés, 
la térébenthine qui, dit-il, économise 40 pour 100 
du temps nécessaire å l'opération. On ajoute qwun 
mélange de moitié térébenthine et moitié alcool 
camphré forme un excellent adjuvant à l'action 
du burin. On peut encore se servir d'acide nitrique 
pour travailler sur le tour l'acier trempé; mais 
l'opération est délicate, car il faut se garer des 
projections dans les yeux. 





PETITE CORRESPONDANCE 


Adresse des appareils décrits : 

Les flotteurs mobiles et les freins pour hydroaéro- 
planes ont été imaginés par M. Leuilleux, 14, rue Le 
Bua, Paris. 


T. S. F. — Récepteurs téléphoniques de grande 
résistance: modèle Ducretet 4 000 ohms : Ducretet et 
Roger, 75, rue Claude-Bernard, Paris (30 fr); modèle 
Sullivan 3750 ohms: Compagnie générale radiotélé- 
graphique, 25, rue des Usines, Paris (35 fr).—Cerf-volant 
«a Roloplan »: La Rerue du Cerf-Valant, 1, boulevard 
Henri-iV, Paris (biplan 1,50 m : 10,50 fr: 1,80 m: 13 fr). 
— Fil bi-métal 6:40 min. recuit pour antenne sup- 
portée par cerf-volant. Quincaillerie Doré, 26, rue des 
Écoles, Paris. 

M. T. G., à M. (Mexique). — Adressez-vous de notre 
part à l'Office central de l'acétylène, 10#, boulevard de 
Ciichv, à Paris, qui répondra d'une manière trés docu- 
mentée à toutes vos questicns. 

Henry D. — Nous vous conscillons de prendre les 
deux volumes suivants, qui se complètent mutuelle- 
ment: le Bréviaire du chaufeur {8 fr) et Sur la 
route (6 fr), par le Dr BouwEn. Librairie Dunod et 
Pinat, 49, quai des Grands-Auwustins, Paris. 

M. A. L.,à T.— Tous les fabricants d'accumulateurs 
pourrontvous fournir une batterie transportable comme 


celle que vous désirez: par exemple, la Société des 
accumulateurs Tudor, 26, rue de la Bienfaisance, Paris. 
Mais, pour les charger avec le courant alternatif de 
votre secteur, il vous faudra un appareil ne laissant 
passer le courant que dans un sens, par exemple, la 
soupape Soulier, fabriquée par la Société des appareils 
économiques d'électricité, 29, rue de Provence, Paris. 
— Vous aurez beaucoup de diflicultés à monter vous- 
ième un appareil électrique pour allumage des becs 
de gaz, il vous faudrait plusieurs piles et, de plus, 
une bobine de Ruhmkorff pour transformer le courant. 
Il vaudrait mieux, croyons-nous, employer uñ sys- 
tème existant dans le commerce, par exemple l’allu- 
meur extincteur du gaz à distance Goté. Prissette, con- 
structeur, La Capelle (Aisne). 


M. C. F., à A. — La question que vous posez est 
trop générale pour que nous puissions y répondre. 
Vous pourrez choisir des ouvrages de physiologie dans 
le catalogue de la librairie Maloine, 25, rue de l'École- 
de-Médecine, et, pour les ouvrages de psychologie, dans 
celui de la librairie Alcan, 4108, boulevard Saint- 
Germain. Évidemment, ces deux librairies sont éclec- 
tiques et possèdent des ouvrages de toute nature. 





Imprimerie P. Fenon-Vrau. 8 et 5, rue Bayard, Paris. VIH’. 
Le gérant: À. FaiüLe. 


No 1450 — 7 NOVEMBRE 1919 


COSMOS 


505 


SOMMAIRE 


Tour du Monde. — Les chambres à air de bicyclettes employées comme ligatures. A propos du campanile 
de Venise. Au canal de Panama. Les écartements des voies ferrées. Une lampe à incandescence qui parle. 
Solidité mécanique des lampes à filament métallique étiré. Lignes aériennes à haute tension. Les réservoirs 
antiroulis du paquebot Laconia. L'’agrandissement des torpilles de guerre. La plus grande distance 
franchie en ballon. Inflammation spontanée du charbon, p. 505. 

Correspondance. — La baguette divinatoire, VixcexT Lovis, p. 508. 


Redécouverte de la comète périodique de Tuttle (1912 b), be Rov, p. 509. — Machine à laver 
14 000 assiettes par heure, Bover, p. 510. — Télégraphie sans fil: réception à domicile des 
signaux horaires (suite), D° PIERRE CoRRET, p. 512. — Le pancréas et ses ferments, AcLoque, p. 515. 
— Les travaux d’alimentation d’eau de Mexico, BELLET, p. 517. — L’avenir du chauffage élec- 
trique, Marre, p. 521. — Des moyens propres à assurer aux pommes de terre une bonne con- 
servation, RoLET, p. 523. — A propos des récentes expériences de M. Raoul Pictet, PIERRE COURBET, 
p. 526. — Sociétés savantes : Académie des sciences, p. 527. Association française pour l'avancement 


des sciences, p. 529. — Bibliographie, p. 530. 








TOUR DU MONDE 


SCIENCES MÉDICALES 


Les chambres à air de bicyclettes employées 
comme ligatures. — M. M. Thiry, chef des travaux 
à la Faculté de médecine de Nancy, et M. Perrin, 
agrégé de cette même Faculté, ont eu la pensée 
d'utiliser la chambre à air de la bicyclette comme 
bande hémostatique et comme ligature dans les 
cds d’envenimalion. 

Les accidents se produisent souvent loin de tout 
matériel de secours; en temps de guerre, des cas se 
présentent où les blessés sont assez nombreux 
pour que les approvisionnements les plus complets 
puissent se trouver insuflisants. C'est pourquoi il 
ne faut négliger aucun moyen de fortune. 

La chambre à air de bicyclette a paru aux deux 
savants docteurs de Nancy l'appareil idéal de for- 
tune, et ils montrent, qu’il s'agisse des modèles de 
chambres à air continues, Michelin, ou des modèles 
interrompus, Simplex, que l'une et l’autre peuvent, 
sinon remplacer, du moins suppléer la bande 
d'Esmarch ou la bande Denain. 

La chambre à air, bande moins brutale, peut 
être employée par les mains les moins expérimen- 
tées: une fois en place, il est facile d'en régler le 
serrage par une insufflation d'air plus ou moins 
abondante ; en plus, repliée et vide, elle peut ètre 
introduite dans le moindre sac à pansement; ceci 
est vrai surtout pour la chambre Simplex; celle-ci 
est d'ailleurs adoptée dans les Compagnies de 
cyclistes. Cependant, comme il ne s’agit pas de 
désarmer une bicyclette chaque fois que l’on a 
besoin de faire une ligature, les auteurs proposent 
d'introduire dans le matériel chirurgical quelques- 
unes de ces bandes, qui ne tiennent aucune place, 
qui sont d’un poids inférieur et qui sont d'aulant 
moins coûteuses, qu'elles peuvent servir indéfini- 
ment. 


T. LXVII. N° 1450. 


GÉNIE CIVIL 


A propos du campanile de Venise. — Nous 
donnions récemment (p. 312) quelques détails sur 
le campanile de Venise nouvellement reconstruit; 
en voici quelques autres qui ne sont pas sans 
intérêt. 

Le massif des fondations, formé de nombreux 
pilotis noyés dans une masse de 
béton, avait dans l’ancien mo- 
nument 222 mètres carrés. Les 
nouveaux travaux ont porté ses 
dimensions à 407 mètres carrés. 
Le massif des fondations est 
évalué au poids de 42970 000 ki- 
logrammes et celui de la con- 
struction au-dessus du sol à 
8 900 000 kilogrammes. 

Le monument porte dans sa 
charpente supérieure cinq TT 
cloches de poids respectifs de || 

| 





3 625, 2556, 1087, 1366 et 
4 011 kilogrammes. H 

La statue de saint Marc qui r 
surmonte l'édifice ajoute à sa h 
hauteur de 90 m, 10,5 m; elle 
pèse 4 300 kilogrammes. La 
grande originalité de cette statue 
aérienne, c'est qu'elle est établie de facon à 
s'orienter au vent. Pour rendre parfaitement 
mobile une masse aussi considérable, il a fallu 
employer les artifices les plus ingénieux fournis 
par l'industrie moderne. 

Le campanile se termine par une charpente en 
fer sur laquelle la statue est emboitée. L'axe de 
cette charpente se prolonge dans la maçonnerie 
pour assurer son immobilité malgré les vents les 
plus violents. Cet axe porte à sa partie inférieure 


506 


un contrepoids de 1300 kilogrammes destiné à 
ramener le centre de gravité de l'ensemble à la 
surface supérieure du piédestal. La statue est portée 
par deux patins à billes, l’un à la hauteur de la 
poitrine, l’autre à sa base, sur le piédestal. Un léger 
jeu permet une légère inclinaison de la statue en 
cas de violentes rafales ou de mouvements du sol. 
L'ensemble de ces organes étant caché dans la 
stalue ou noyé dans la maçonnerie à une hauteur 
considérable, leur visite ne sera guère possible. 
Aussi ont-ils été établis avec le plus grand soin; le 
choix des matériaux, la lubrification par une pâte de 
graphite font espérer aux ingénieurs que l’ensemble 
fonctionnera sans accrocs pendant plusieurs siècles. 


Au canal de Panama. — Un nouvel éboule- 
ment, dont la masse est estimée à 900 000 mètres 
cubes, vient de se produire dans la tranchée de la 
Eulebra; c’est le troisième en moins d’un mois. Il 
est intéressant de rappeler que les experts estiment 
que ces accidents se renouvelleront souvent encore 
et qu'ils croient qu'il n'y a aucun moyen de les 
empêcher. Les assises formant les collines ouvertes 
par la tranchée sont inclinées vers le canal et 
séparées par des couches d'argile; les infiltrations 
d'eau aidant, les parties rocheuses n'étant plus 
soutenues, puisque la tranchée les a coupées, 
glissent sur cette argile. Le remède serait d'établir 
Ja berge suivant la pente de ces couches, mais il 
faudrait pour cela enlever des montagnes entières. 
Quand le canal sera livré à la circulation, ces glisse- 
ments pourraient causer de véritables calastrophes. 


Les écartements des voies ferrées (Genie 
civil, 12 octobre). — Les écartements usuels 
peuvent se grouper en cinq catégories : 4° les voies 
larges, à écartement de plus de 1,50 m et jusqu’à 
7 pieds de la jauge de Brunel, soit 2,134 m; 2° la 
voie dite « normale », à écartement moyen de 
4,435 m, avec quelques centimètres de variation 
en plus ou en moins; 3° la voie métrique, de 
4 mélre environ; 4° les voies élroites, de 0,85 m à 
0,60 m; 5° les voies exceptionnelles, de moins de 
0,60 m et de plus de 7 pieds ou 2,134 m. 

La voie large de 7 pieds, écartement dû à Bru- 
nel, a deux grands avantages : sa grande stabilité 
et la plus grande capacité des trains; ses princi- 
paux inconvénients sont un coùt plus élevé et la 
nécessité d'employer un rayon de courbe plus 
grand. En Europe, deux pays ont conservé la voie 
large : PIrlande, 4,60 m, comme au Brésil et au 
Chili. el la péninsule ibérique, où l'écartement est 
de 4,675 m, comme aux Indes anglaises, au Siam 
et dans une partie de la République Argentine. 
Cet écartement n'a pas d'inconvénient pour Tir- 
lande; mais il n'en est pas de mème pour l'Es- 
pagne: le changement de voie, à la frontière 
pyrénéenne, cause une perte d'argent et de lemps 
considérable. 


COSMOS 


7 NOVEMBRE 1912 


À l'exception de l'Irlande, de l’ Espagne, du Por- 
tugal et de la Russie, l’écartement de 1,435 m est 
l'écartement principal de l'Europe; il est celui des 
États-Unis. Quelques Compagnies ont augmenté un 
peu cette jauge pour donner plus de jeu latéral; 
les limites extrêmes, admises au Congrès de Vienne, 
sont 1,431 m et 1,460 m. 

Les chemins de fer de Russie et de Sibérie sont, 
par mesure stratégique, à écartement un peu plus 
grand, de 41,524 m. 

Le groupe des voies métriques est important; 
l'écartement de 1,067 m se trouve dans la Grande- 
Bretagne, la Russie, la Suède, la Norvège, la Hol- 
lande et le nord de la Belgique; hors d'Europe, on 
le rencontre au Japon, aux Indes néerlandaises et 
dans certaines colonies en Afrique. L’écartement 
de 4 mètre existe dans le reste de la Belgique, en 
France, au Danemark, en Suisse, en Italie, dans 
la péninsule ibérique et une partie de la Russie; 
hors d'Europe : dans la plupart des colonies fran- 
çaises, une grande partie des Indes anglaises et de 
l'Amérique du Sud. Les autres écartements mé- 
triques sont moins répandus. 

Pour les voies étroites, il existe sept écarle- 
ments: les plus employés sont ceux de 0,80 m 
(Suisse, Indes hollandaises); 0,85 m (Allemagne); 
0,762 m (Indes anglaises, Chili, Bolivie). 

En résumé, le nombre des écartements utilisés 
est très considérable, quoique moindre aujourd’hui 
qu'au début de la construction des chemins de fer; 
il conviendrait de chercher à apporter remède à 
cette situation. Il faut noter, toutefois, que le 
changement d'écartement n’est pas toujours con- 
damnable : pour une ligne très longue, les pertes 
de temps et d'argent qu'entraine un transborde- 
ment sont peu importantes, comparées aux frais 
du trajet total; dans les pays neufs, des prolonge- 
ments de pénétration plus économiques, à écarte- 
ment plus étroit, sont également très justifiés. 

Les moyens tentés pour obvier aux inconvénients 
qui résultent de ces changements d’écartement 
portent sur la voie ou sur le matériel. On peut 
poser les deux voies côte à côte, placer un troi- 
sième rail ou la voie plus étroite à l'intérieur de 
l'autre. Les procédés portant sur le matériel con- 
sislent à uliliser des essieux spéciaux, à écartement 
des roues variable, ou des wagons à caisse mobile, 
ce qui n'intreduit pas une complication bien grande 
dans la construction du matériel. 

ll ny a plus à revenir sur l'’écartement, dit 
« normal », de 1,435 m, adopté pour l’Europe con- 
tinentale et l'Amérique du Nord. L'Espagne et le 
Portugal ont tout intérèt à l’adopter. Dans l’Amé- 
rique du Sud, où l'on construit beaucoup, il existe 
trois écartements pour les lignes principales : 
1 mètre; 1,60 m (ou 1,676 m) et 1,435 m ; si l’on 
n’y apporte rapidement remède, il sera bientôt 
trop tard pour y accomplir l'unification. 


Ne 1450 


ÉLECTRICITÉ 


Une lampe à incandescence qui parle. — 
MM. K. Ort et J. Rieger (Phys. Zeits., 45 juin; 
Revue électrique, 41 octobre) nous enseignent 
comment nous pouvons faire jouer à une lampe 
électrique à incandescence le rôle de récepteur 
téléphonique. 

L'expérience, pour réussir, exige l'emploi d'une 
lampe à filament métallique d'une certaine puis- 
sance, une lampe Osram de 100 bougies, par 
exemple. Voici le montage utilisé. La lampe est 
reliée à un réseau à courant continu à 120 volts, 
avec interposition d’une bobine de self-induction. 
En dérivation aux deux bornes de la lampe, sont 
disposés une capacité et le circuit secondaire d'un 
transformateur téléphonique; le circuit primaire 
de ce transformateur comprend une source d'élec- 
tricité (cinq éléments d’accumulateur) et un micro- 
phone puissant. Les paroles qu'on prononce devant 
le microphone sont reproduites par la lampe. 

Voici, d’après les auteurs, l'explication de ce 
phénomène. 

Le courant téléphonique qui se superpose au 
courant continu provoque dans le filament des 
variations de température; les variations d'échauf- 
fement communiquent au verre de l'ampoule des 
vibrations qui se transmettent à l'air extérieur. 

On ne peut pas faire parler une lampe de 16 ou 
32 bougies, car le verre est trop épais et les varia- 
tions d’échauffement trop faibles. L'effet serait 
particulièrement intense avec des lampes de 
500 ou 1000 bougies, surtout si les ampoules 
étaient en verre extra-mince. 


Solidité mécanique des lampes à filament 
métallique étiré. L'Electrical Engineering 
rapporte que, tout récemment, un autobus s'est 
jeté contre un réverbère dans Marylebone Road 
(Londres). Le choc fut si violent que la colonne se 
brisa en deux et que la lanterne, précipitée sur le 
sol, eut tous ses verres mis en pièces. Si extraor- 
dinaire que la chose puisse paraitre, on constala 
que les lampes Osram contenues dans cette lanterne 
étaient demeurées intactes: quand on eut lancé le 
courant, elles s'allumèrent instantanément, don- 
nant leur éclat accoutumé. Voilà une preuve remar- 
quable de la solidité mécanique des lampes Osram 
à filament étiré. (Électricien.) G. 





Lignes aériennes à haute tension (Elektro- 
technische Zeitschrift du 8 aoùt). — Dans un article 
dans lequel il s'élève contre les prescriptions du 
règlement allemand sur le calcul des canalisations 
aériennes, règlement dans lequel on admet que la 
surcharge de neige est proportionnelle au diamètre 
du conducteur, M. le D' Maguene constate que l’on 
n'a jamais de dépôt de neige sur les lignes à 
100000 volts et au-dessus, même quand elles ne 


` 


COSMOS 


507 


sont pas chargées et que les conducteurs sont froids; 
ce fait doit être attribué à une action électrosta- 
tique. M. Maguene fait remarquer que, dans les 
calculs, il faut cependant tenir compte de la sur- 
charge de neige, car les lignes ne sont pas toujours 
sous tension. F. L. (Industrie électrique.) 


MARINE 


Les réservoirs antiroulis du paquebot 
« Laconia ». — La Compagnie Cunard a mis en 
service, le 20 janvier dernier, un navire neuf, le 
Laconia, destiné à la ligne Boston-Liverpool, 
comme le Franconia, mis en service l'an dernier. 
Ces deux navires ne diffèrent que par la présence 
sur le Laconia de réservoirs spéciaux destinés à 
réduire le roulis. La comparaison de ces deux 
navires identiques, employés sur le mème service, 
permettra des conclusions fort intéressantes sur 
l'augmentation de confortable qu'on peut attendre 
des réservoirs antiroulis et sur l’action que ceux-ci 
peuvent exercer sur la résistance de la coque. 

Ces deux navires, de 25 000 tonneaux de dépla- 
cement, ont 190 mètres de longueur, 22 mètres de 
largeur: ils transportent 300 voyageurs de pre- 
mière classe, 400 de seconde, 2000 de troisième et 
71000 tonnes de cargaison. Ce sont donc des 
navires sérieux, qui permettront d'obtenir des ren- 
seignements applicables à la construction du 
Cunarder géant, Aquitania, acluellement sur chan- 
tier dans la Clyde. 

Les réservoirs antiroulis ne sont pas une inven- 
{ion nouvelle. Depuis longlemps on avait proposé 
de placer à bord des navires deux réservoirs, un 
sur bäbord, l'autre sur tribord, réunis par un con- 
duit transversal. On pensait que le roulis ferait 
osciller l’eau d’un réservoir à l'autre, et on espérait 
qu'en retardant le passage de l’eau dans le conduit 
qui réunit les réservoirs, on pourrait obtenir ce 
résultat intéressant que ce serait dans le réservoir 
soulevé par le roulis que l'eau viendrait se préci- 
piter, et non dans celui qui s’abaisse. Le poids de 
l'eau ainsi oscillante s'opposerait au roulis et pour- 
rait réduire son amplitude. 

M. H. Frahm, directeur des chantiers navals 
Blohm et Voss, à Hambourg, en a établi la théorie 
et en a étudié l'application dans les navires alle- 
mands Ypiranga, Corcovado, (General (nous 
avons décrit ces trois navires et leurs réservoirs 
antiroulis, avec figures à l’appui, dans le Cosmos, 
t. LXV, n° 1380, 9 septembre 4944), America, 
Aaiserin-Augusta- Victoria, Cleveland, Cincin- 
nati, Victor-Luise, ainsi que dans Îles grands 
paquebots Cap-Finisterre et Imperator, rècem- 
ment lancés. 

La Compagnie Cunard s'est décidée, en présence 
des résultats acquis en Allemagne, à essayer aussi 
de ces réservoirs antiroulis, et le Laconia est son 


508 


premier essai. Elle a voulu une expérience com- 
plète et elle a ajouté au Laconia un dispositif 
spécial d'enregistrement des coups de roulis et de 
leur amplitude. 

Sur le Laconia, il y a deux groupes de réser- 
voirs antiroulis, indépendants l’un de l’autre, que 
l'on peut mettre en service conjointement ou sépa- 
rément, pour graduer les effets. La manœuvre se 
fait en ouvrant ou en fermant graduellement la 
valve qui fait communiquer Pair surmontant les 
deux bassins conjugués. 


L’agrandissement des torpilles de guerre. 
— Le calibre des torpilles usitées dans les diffé- 
rentes marines de guerre était jusqu'ici de 45 cen- 
timètres. Un mouvement bien net est esquissé pour 
l'agrandissement du calibre et de la charge d’explo- 
sifs. 

Les Etats-Unis ont commencé à prendre une tor- 
pille de 53 centimètres de diamètre, chargée de 
450 kilogrammes d'explosif. C’est le tour de la 
marine anglaise, dont les nouveaux bâtiments sont 
munis de torpilles de 53 centimètres également de 
diamètre et de 5,63 m de long, portant 143 kilo- 
grammes d’explosif. 

La vitesse de ces engins est de 30 nœuds, corres- 
pondant à un parcours de 7 000 mètres, ou de 
40 nœuds, mais avec un parcours total moindre; 
un type anglais tout récent atteint cependant une 
portée de 9000 mètres à la vitesse de 40 nœuds. 

Les torpilles usuelles Whitehead de 45 centimètres 
sont nettement dépassées, car elles n'atteignent 
qu'une portée de 3 000-4 000 mètres à la vitesse de 
30 nœuds, et de { 000 mètres seulement à la vitesse 
de 40 nœuds. 


VARIA 


La plus grande distance franchie en ballon. 
— Le 7 janvier dernier, M. E. Dubonnet était 
arrivé à dépasser le record de distance accompli 
en ballon sphérique, que détenait M. de la Vaulx 
depuis le 41 octobre 41900. 

Or, au cours de la septième coupe Gordon- 
Bennett, qui s’est disputée le 27 octobre dernier, 
un pilote francais. M. Maurice Bienaimé, parti de 
Stuttgard à bord du ballon Picardie, est allé 
atterrir à Riasan, au sud-est de Moscou. La dis- 
tance parcourue ainsi est d'environ 2200 kilo- 
mètres, tandis que celle atteinte par M. Dubonnet 
n'est que de 2 000 kilomètres environ. 


Inflammation spontanée du charbon. (£{e/- 
troterhnische Zeitschrift, du 8 août.) — MM.S.-W. 
Parr et F.-W Kressmann, de l'Université de l'Illi- 
nois, ont fait des expériences très intéressantes au 
sujel de l'inflammation spontanée du charbon; ces 
expėrimentateurs ont constaté que l'élévation de 
température du charbon dépend de la quantité de 
soufre qu'il contient, qu'elle augmente au fur et à 


COSMOS 


7 NOVEMBRE 1942 


mesure que le charbon est en plus petits morceaux 
et que l'humidité la favorise. Les expérimenta- 
teurs arrivent aux conclusions pratiques suivantes : 

a. Éviter toute introduction de chaleur exté- 
rieure; 

b. Enlever toute poussière de charbon ; 

c. Tenir le charbon au sec; 

d. Refroidir le charbon au moyen de tuyaux de 
refroidissement; ne pas y insuffler de l'air froid, 
car le danger d'incendie serait augmenté, l'oxygène 
se renouvelant, (/ndustrie électrique.) PF, L: 





CORRESPONDANCE 





La baguette divinatoire. 


À différentes reprises, cette année 1912, ont paru 
dans le Cosmos divers articles concernant la ba- 
guelte des sourciers. Ayant suivi avec intérêt cette 
question qui m'occupe depuis une dizaine d'années, 
permettez-moi de vous dire qu'elle n’est pas jugée 
du tout, et que des expériences, tous les jours plus 
récentes, sont aptes à amener un jour nouveau 
sur cette question très vieille. 

Je résumerai seulement ici les expériences et 
essais auxquels je me suis livré depuis une dizaine 
d'années. Je dois dire qu'avant cela j'étais com- 
plètement hostile à cette croyance. Sur la demande 
des intéressés, je pourrai donner les éclaircisse- 
ments voulus. 

Je dis que la croyance à la baguette des sour- 
ciers est fondée. Elle donne toujours des indica- 
tions semblables, si bien que plusieurs sourciers 
passant à leur insu au mème endroit fourniront 
les mèmes indications. 

La baguctle ne donne d'indications qu'en mar- 
chant perpendiculairement à la direction des veines 
souterraines, ce qui a lieu généralement en suivant 
perpendiculairement la pente du terrain, mais il y 
a de nombreuses exceptions, dues sans doute aux 
couches lintérieures du sol. La baguette en elle- 
mème, branche de coudrier en forme de fourche, 
n'est rien, car toute autre essence de bois donne 
les mêmes résultats, à condition que les deux 
branches de la fourche soient égales en grosseur 
et longueur et suffisamment souples. Comme c’est 
dans le coudrier que l'on trouve le mieux son 
affaire, c'est, je crois, ce qui justifie son emploi. 

Le tempérament seul de la personne jouerait 
un ròle, ce qui explique que peu de personnes 
peuvent s’en servir. 

Si l’on maintient convenablement la baguette, 
elle ne peut bouger des mains et on peut ainsi 
marcher longtemps sans rien déranger si l’on n’est 
pas apte à l'effet de la baguette ou si l'on ne ren- 
conire aucune influence. 


N° 1450 


La baguette ne fonctionne que sur l'écoulement 
souterrain naturel et pas sur une conduite artifi- 
cielle même très abondante, ce qui rend parfois 
service. 

La baguette ne s'abaisse pas vers le sol, de la 
manière que nous opérons ici, en la maintenant 
avec les deux mains, les ongles en dessus; mais 
elle s'élève vers la figure de l'opérateur. Il n'y a 
sans doute qu'une différence dans son emploi, les 
indications devant être concordantes. 

Quant à déceler l'abondance et la profondeur de 
l'eau souterraine, il faut de patientes observations 
suivies pendant longtemps, car il est vrai que la 
baguette met un temps plus ou moins long depuis la 
première oscillation pour prendre la position ver- 
ticale, et qu’elle subit des soubresauts indépendants 
de la volonté, d’autant plus forts qu’il est à sup- 
poser que l’eau est plus abondante. 

Dans bien des cas, le commun des personnes 
peut juger de la présence de l’eau à l’observation 
du terrain, mais la baguette, maniée les yeux ban- 


COSMOS 


509 


dés ou la nuit, donnera des indications qui ne 
pourront être discutées. 

En résumé, la baguette peut être utile dans bien 
des cas. Ses indications sont toujours exactes (si 
l'opérateur est de bonne foi), quant à la présence 
de l’eau en plus ou moins grande abondance et 
plus ou moins profonde. La baguette de coudrier 
ne sert que de bâton de voyage, seul le tempéra- 
ment de la personne joue un rôle, sans doute par 
l'intermédiaire inconscient des muscles de l'avant- 
bras ou du poignet, mouvement imperceptible, 
même à un examen attentif. 

Telles sont les considérations auxquelles entoute 
bonne foi je suis arrivé, après de nombreuses ob- 
servations suivies pendant dix ans. Si cela peut 
faire exécuter un pas de plus dans cette question 
de la baguette, je vous prierai d'en informer vos 
lecteurs. | 

VixcenT Louis fils, 
a la Côte du Val-d'Ajol (Vosges), 
propriétaire agriculteur. 





Redécouverte de la comète périodique de Tuttle (1912 b). 


La comète périodique de Tuttle, attendue au 
périhélie, pour son cinquième retour en janvier 
prochain, vient d’être retrouvée à l'Observatoire 
de Nice, et cela, comme on le voit assezsouvenl, sans 
que l’astronome se doutât qu'il eùt affaire à elle. 

Le retour de cette comète était prévu, et un 
chapelain de Blaca, dans l'ile Brazza, sur la côte 
dalmate, qui emploie ses loisirs à des prédictions 
astronomiques, avait publié le 22 septembre dans 
les Astronomische Nachrichten une éphéméride 
de l’astre qui, sans tenir compte des perturbations, 
le plaçait à la mi-octobre dans la constellation de 
la Grande-Ourse, aux confins de la Girafe. Mais 
personne n'avait trouvé trace d’une comète dans 
cetle position. 

Or, le 49 octobre au matin, M. A. Schaumasse, 
de l'Observatoire de Nice, découvrait dans la con- 
stellation du Sextant, près de l’équateur céleste, 
une très faible comète de grandeur 11,5, se diri- 
geant vers l'Est et dont la position, le 18 octobre, 
à 175,0, temps moyen astronomique de Nice, 
était la suivante : 

R = 9577,6 DO = + 1°36 

Cette comète fut observée à Nice pendant plu- 
sieurs nuits, et M. G. Fayet, aidé par M. Schaumasse, 
s'empressa d'en calculer les éléments. A leur 
grande surprise, le 24 octobre, les calculateurs 
trouvèrent que les éléments de la nouvelle comète 
étaient presque identiques à ceux de la comète de 
Tuttle, dont la position, d’après l’'éphéméride, devait 
être, au moment de l’observation ci-dessus : 

R = 9392%,5 ® = + 7345 


On voit que l'erreur de cette éphéméride attei- 
gnait une valeur de — 729 en déclinaison, ce 
qui prouverait combien il est vain de vouloir pré- 
dire la position d’une comète périodique sans tenir 
compte des perturbations provoquées par les 
planètes. 

L'astre attendu est le second du genre trouvé 
par M. Schaumasse et le quinzième découvert à 
l'Observatoire de Nice. 

La circulaire n° 136 du Bureau central de Kiel 
fournit des détails sur la nouvelle comète qui 
semblent ne plus permettre aucun doute sur son 
identité avec la comète de Tuttle. On s'en rendra 
compte aisément en comparant les éléments des 
orbites des deux comètes que nous avons rappro- 
chés ci-dessous, ceux de la comète 1912 b étant 
déduits par MM. Fayet et Schaumasse des Obser- 
vations de Nice les 18, 19 et 20 octobre, ceux de 
la comète de Tuttle ayant été calculés par M. Rahts 
pour l'apparition de 1899 et publiés dans les Astr'o- 
nomische Nachrichten n? 3532 (et non 3555 comme 
l'indique erronément, depuis plusieurs années, la 
Connaissance des temps): 

Comete de Tuttle 

1S99 mai +,52051 T. M. P. 
e e) 

269 4933,6" 1900,0 


Camète 1912 b 
T = 49f20et.25,3153 
O — 270 23N 


>u —— “mi 


~ 


. s e yoy =y LAN 
t—= 3 525354 4 29 16,3 ! 
q = 1,050162 1,01977 

e = 0,S2[7125 


On voit que, sauf peut-ċtre pour g (distance 
périhélie), les chifres concordent admirablement. 


910 


MM. Fayet et Schaumasse n’ont pas déterminé e 
(excentricité), l'arc décrit en trois jours par la co- 
mète étant trop faible pour permettre ce calcul assez 
délicat. 

Les astronomes de Nice ont toutefois calculé 
l’éphéméride suivante de l'astre, qui donnera une 
idée de son mouvement: 


S NO 





























DATE 1912 | ASCENSION DISTANCE 
DÉCLINAISON |L mmen 
Ninuit de Paris DROITE au Soleil Jà la Terre 


10° 8°14 — VPV 
10 19 32 — 751 1,051 
10 30 56 — 1241 
10 42 26 — 17 25 1,062 
10 54 29 222 
{1 6 40 — 262% 1,089 
1149 7 — 30 +1 
11 31 03 — 3439 1,536 


li 44 53 


On voit que la comète se dirige très rapidement 
vers le Sud-Est. A partir de la mi-novembre, sọn 


observation sera réservée aux observateurs de 
l'hémisphère austral. L'astre parait avoir passé au 
plus près de la Terre vers son passage au périhélie, et, 





COSMOS 


7 NOVEMBRE 1912 


depuis lors, son éclat doit théoriquement diminuer. 

[l est curieux de constater que le calcul, effectué 
sans tenir compte des perturbations planétaires, 
fixait le retour de la comète au périhélie au 
3 janvier 1913. L’astre est donc en avance de 
soixante-dix jours. En fait, la révolution qu'il 
vient de décrire autour du Soleil est la plus courte 
qu'on ait constatée depuis sa découverte, ce qui 
fut également le cas pour la comète de Halley lors 
de sa récente réapparition. 

La comète de Tuttle est, dans l’ordre de date, la 
huitième des vingt comètes dont la périodicité 
a été constatée par plus d’une apparition. C’est, 
après celles de Halley, d'Obbers et de Pons-Brooks, 
celle dont la période — 13,667 années — est la 
plus longue. Elle appartient au groupe saturnien, 
c'est-à-dire qu’à son aphélie, situé à la distance 
de 10,41, elle s'éloigne peu au delà de l'orbite de 
Saturne. La distance de son périhélie, un peu 
extérieur à l'orbite terrestre, est de 4,02. Son mou- 
vement est direct. Elle fut découverte le 4 janvier 
1858 par Tuttle, à Cambridge, près de Boston, aux 
États-Unis. Presque aussitôt, Pape trouva que ses 
éléments étaient identiques à ceux de la comète 
de janvier 1790. Depuis 1858, elle a été revue 
à chacun de ses retours, en 1871, 1885 et 1899. 

F. ne R. 


Machine à laver 14000 assiettes par heure. 


Grâce au plongeur automatique que vient 
d'imaginer M. Hamet et qui fonctionne depuis 
quelque temps dans les cuisines de la Samaritaine, 
un seul homme peut rincer, stériliser et essuyer 
sans fatigue plus de 44000 assiettes par heure. 
Construite en acier forgé et étiré, cetle machine 
très simple et d’une grande solidité se compose 
d'un tambour formé par deux pièces hexagonales 
montées sur un axe et accouplées par six barreaux 
cylindriques sur lesquelles peuvent s’accrocher des 
nacelles destinées à recevoir des paniers de vais- 
selle. 

Comme notre photographie permet de s'en 
rendre compte, l’axe du tambour tourne dans deux 
paliers fixés sur les deux côtés d'un bac long de 
4,40 m, large de 0,80 m et profond de 0,55 m. 
L'appareil s'élève d’environ 0,95 m au-dessus de 
ce récipient qui renferme de l'eau bouillante obte- 
nue par le chauffage au charbon, au gaz ou à la 
vapeur. 

A la Samaritaine, afin d'accélérer le service, 
plusieurs hommes se tiennent aux abords du plon- 
geur automatique et procèdent de la manière sui- 
vante. lis commencent par laver grossièrement la 
vaisselle à la main puis la rangent au fur et à 
mesure dans des paniers en fer étamé. Le remplis- 


sage de ces paniers ne nécessite pas d’ailleurs une 
manutentionsupplémentaire ; chaque homme place 
les assiettes qu'il vient de laver dans le panier 
(mis sur un de ses bouts) au lieu de les poser sur 
la tablette du bac. Une fois le panier plein, il le 
rabat sur le fond : les assiettes se trouvent alors 
dans la position verticale. | 

Le laveur fait ensuite fonctionner la machine, 
met un ou deux paniers dans chaque nacelle et 
imprime au tambour une rotation d’un sixième de 
tour en appuyant sur le barreau sis à hauteur 
de sa tète, de façon à amener la machine devant lui. 

Quand les six nacelles sont chargées, la première 
qui a accompli un tour complet occupe la même 
position qu'au moment de son chargement; la vais- 
selle qu’elle renferme se trouve alors stérilisée et 
essuyée par suite de sonséjour dans l’eau bouillante. 

A partir de ce moment, il ne reste plus qu'à 
enlever de chaque nacelle les paniers de vaisselle 
sèche pour les remplacer par d'autres et ainsi de 
suite. Du reste, les hommes n'ont pas besoin 
d'équilibrer les paniers, car le plongeur porte des 
freins destinés à modérer la vitesse de rotation du 
tambour et à l'empêcher de tourner en arrière 
lorsqu'on enlève des paniers de la nacelle. 

Le temps nécessaire au déchargement el au 


Ne 1150 


chargement de chaque nacelle (dix secondes envi- 
ron) est suffisant pour que la vaisselle prenne la tem- 
pérature de leau bouillante et sèche immédiate- 
ment. 

En définitive, les assiettes restent vingt secondes 
dans l'eau puisqu'il y a toujours deux nacelles im- 
mergées. Comme chaque panier contient 20 assiettes 
environ, il sort donc de l'appareil 40 assiettes rin- 
cées et essuyées toutes les dix secondes, soit 
240 par minute et 14 400 par heure environ. 

Le fonctionnement du plongeur automatique 
Hamet ne nécessite qu’un minime effort de la part 
du laveur, le poids des nacelles qui montent éga- 


COSMOS 


o11 


lant à peu près celui des nacelles descendantes. 
Comme d’autre part la vaisselle sort de la machine 
absolument sèche et brillante ainsi que nous avons 
pu le constater lors de notre visite, nul doute que 
dans les hôtels, les restaurants, les hospices, les 
lycées et autres établissements similaires, on 
n'installe cet appareil simple qui réalise une éco- 
nomie de main-d'œuvre très appréciable sur le 
lavage à la main. 

Pour les cuisines de moindre importance, 
M. Hamet a fait construire un petit plongeur repo- 
sant sur le même principe. L'appareil comprend 
un double balancier supportant une seule nacelle 





équilibrée par un contrepoids; laxe de ce double 
balancier tourne dans deux paliers que l'on fixe 
sur deux côtés d’un bac à eau bouillante. On dis- 
pose la machine de façon que la nacelle reste 
stable lorsqu'elle est à la position de chargement 
ou quand elle est immergée, quel que soit le poids 
des assiettes contenues dans les paniers. 

L'homme met la vaisselle qu'il vient de laver 
dans les paniers, comme il a été dit pour le grand 
appareil. Une fois les deux paniers garnis, il les 
place dans la nacelle qu'il fait descendre dans 
l'eau bouillante et revient continuer son lavage. 
Lorsque deux autres paniers sont pleins, il soulève 


MACHINE A LAVER LES ASSIETTES (1% 000 PAR HEURE). 


la nacelle, retire les paniers de vaisselle rincée qui 
sèche presque instantanément et les remplace par 
d'autres. En laissant la nacelle une minute dans 
l'eau bouillante on peut, avec le petit plongeur 
automatique, rincer et essuyer 2 400 assiettes par 
heure, quantilé que l’on peut augmenter en 
réduisant la durée de l'immersion. 

Souhaitons à M. Hamet d'inventer prochaine- 
ment une machine pour remplacer les cuisinières, 
la question des domestiques sera alors résolue, 
la paix reviendra dans les ménages bourgeois, et 
toutes les maitresses de maison le béniront! 

JACQUES Boyer. 


COSMOS 


7 NOVEMBRE 1942 


TÉLÉGRAPHIE SANS FIL ®© 


Réception à domicile 


des signaux horaires 


et des radiotélégrammes météorologiques de la tour Eiffel. 


II. Réception à de plus grandes distances. 


Bobine d’accord, 


L'idéal, avons-nous dit, serait d'établir une 
antenne équivalente à celle du poste d'émission. 
Pour la tour Eiffel, dont l’antenne est formée de 


"| 


m 


| 


I 


y 
u 


OHO 


Fia. 10. — BOBINES DE FIL POUR SONNERIES ÉLECTRIQUES 
UTILISÉES COMME BOBINES D'ACCORD. 


six fils de 425 mètres et dont la longueur d'onde 
est de 2200 mètres environ, il faudrait un fil de 
550 mètres (le quart de la longueur d'onde) ou 
plusieurs fils de moindre longueur. 

Outre l'avantage de présenter une très grande 
surface collectrice, une pareille antenne aurait 
surtout celui de posséder la même période propre 
d'oscillation que celle de la Tour, de se trouver 
« en résonance » avec elle, et d'entrer par suite 
elle-même en vibration avec le maximum d'inten- 
sité sous l'influence des ondes reçues. 

Cet idéal ne sera en pratique presque jamais 
alteint, les dispositions locales obligeant à peu près 
toujours à se contenter d’une antenne de dimen- 
sions beaucoup moindres. A défaut de la grande 
urface co Ilertrice que nous ne pourrons réaliser, 
il nous sera cependant possible de mettre notre 
petite antenne exactement en résonance avec celle 
de la tour l'iffel, de l’«aceorder » avec elle, comme 
on accorde ensemble deux instruments de musique. 


(1) Suite, voir p. 435. 


Puisqu'elle se trouvera presque sûrement beau- 
coup trop courte pour vibrer à l'unisson de celle 
du poste d'émission, nous devrons tout simplement 


. lui « mettre une rallonge ». A nolre antenne trop 


peu développée nous ajouterons, à l’intérieur 
même du poste de réception, une longueur de fil 
suffisante pour obtenir l'accord. 

Ce fil, qui pourrait être disposé d’une façon quel- 
conque (en zigzags, par exemple, à distance suffi- 
sante des murs), recevra le plus souvent la forme 
d'une bobine, forme sous laquelle la longueur 
nécessaire sera beaucoup réduite, à cause de la 
self-induction beaucoup plus grande dans une 
bobine que dans un fil rectiligne (la longueur 
d'onde propre d’une antenne étant proportionnelle 
au produit de sa capacité par sa self-induction). 

On pourra utiliser, par exemple, des bobines de 
fil de 0,9 mm pour sonneries électriques, telles 
qu'on les trouve dans le commerce (fig. 40). Avec 
une antenne à deux fils de 12 à 145 mètres, on se 
trouvera à peu près à l'accord en intercalant dans 
l'antenne deux bobines de 500 grammes (1140 mètres 
environ). L’intensité de la réception augmente très 
rapidement à mesure qu'on approche de la réso- 
nance; elle ne diminue ensuite que plus lentement 
lorsqu'on ajoute une plus grande longueur de fil. 
I vaut donc mieux en employer un peu trop que 
pas assez. On essayera donc si l’adjonction d'une 
troisième bobine ou seulement d’une demi-bobine 
n'’améliorerait pas les résultats. 

La recherche de l’accord exact sera grandement 
facilitée en faisant usage d’une bobine à une seule 
couche de fil dont les spires seront dénudées sui- 
vant une génératrice sur laquelle glissera un cur- 





-m f 
eoe 
r 7 z 
A f A 
LA H a 
PA h 5 
y f A 


LL nd 


NLL L 





F16. 11. — BOBINE D'ACCORD A UNE SEULE COUCHE 
AVEC CURSEUR (COUPE LONGITUDINALE). 


seur. Outre qu'on pourra ainsi faire varier pro- 
gressivement ka self-induction et s'arrêter exacte- 
ment au point convenable, la réception sera un 
peu meilleure avec une bobine à une seule couche 
qu'avec les bobines de fil pour sonnettes. 


No 41150 


On trouve dans le commerce des bobines d'ac- 
cord à des prix variables suivant le soin apporté 
à leur fabrication, mais il est assez facile d’en con- 
struire une soi-même. Il suffit, en effet, d'enrouler 
une couche de fil isolé sur une petite caisse d'em- 
ballage ou mieux sur un tube de carton de 8 à 
40 centimètres de diamètre (fig. 14). 


Ne pas prendre un cylindre de bois dont le dia- 
mètre pourrait varier légèrement sous l'influence 
de l'humidité ou de la sécheresse. Au bout d'un 
certain temps, les spires arriveraient à chevaucher 
les unes sur les autres et le bobinage serait à 
refaire. Si l’on veut employer du bois, il faudra le 
choisir de section carrée ou rectangulaire (comme 
la caisse d'emballage) pour que le jeu minime que 
chaque spire pourra prendre ne puisse se trans- 
mettre à ses voisines. 


Le tube de carton sera renforcé à sesextrémités, 
et au besoin en son milieu, par des disques de 





ANT Us 


DOn 
E fl) 


F1G. 12. — MONTAGE EN DÉRIVATION SUR LA SELF. 





bois. On enroulera sur lui 100 à 150 mètres de fil 
émaillé de 5 à 7 dixièmes de millimètre, qu'il sera 
très facile de dénuder au couteau suivant une 
génératrice. Une règle de laiton de 5 à 7 milli- 
mètres d'épaisseur, sur laquelle se déplacera le cur- 
seur, sera fixée aux disques de bois des extrémités. 
Ce curseur sera lui-même constitué par un mor- 
ceau de tube de laiton carré coulissant exactement 
sur la règle, et sur lequel sera soudé ou vissé un 
ressort doux qu'on se procurera chez un horloger. 
Il sera bon de vernir le curseur ou d'enrouler sur 
lui un peu de chatterton pour l'isoler de la main qui 
le fera mouvoir. Les deux bouts du fil seront réunis 
à des bornes vissées sur les deux disques de bois 
des extrémités. Une troisième borne sera reliée 
à la règle de laiton. 


Avec l'emploi d'une bobine d'accord (à curseur 
ou non), il y aura avantage à ne pas laisser le 
détecteur intercalé dans le circuit antenne-terre, 
mais à le monter, avec le téléphone et la pile, en 


COSMOS 


513 


dérivation sur la bobine suivant l'un des schémas 
des figures 12 et 13 (1). 

Pendant la réception d'un télégramme, on dépla- 
cera progressivement le curseur jusqu'à ce que le 
son le plus intense soit obtenu dans le téléphone. 


Detecteurs à cristaux. 


Un dernier moyen d'augmenter la sensibilité du 
poste de réception pourra être d'employer un détec- 
teur à cristaux au lieu du détecteur électrolytique. 
On peut, en effet, avec ces détecteurs, obtenir une 
très grande sensibilité. Ils ont, de plus, l'avantage 
d'être d’une construction assez simple et de fonc- 
tionner sans pile avec la plupart des minéraux 
employés, mais ils présentent, d'autre part, plu- 
sieurs inconvénients. On ne peut d'abord pas tou- 
jours se procurer facilement des cristaux naturels 
convenables ou en préparer d’artificiels qui donnent 


AL 





He 


O-O 
E M 


F1G. 13 — VARIANTE DU MONTAGE EN DÉRIVATION 
SUR LA SELF, 


des résultats vraiment satisfaisants. Quand, dans 
un lot de cristaux, on en a trouvé un bon parmi 
d’autres ne présentant qu'une sensibilité médiocre 
où nulle, il faut chercher ses points sensibles. 
Lorsqu'enfin on a trouvé un de ces points, il suftit 
souvent d'un choc ou de trépidations pour le faire 
perdre, à moins d'employer des dispositifs spéciaux 
de fixation. 

Ces réserves faites, on peut, avec un bon cristal, 
obtenir une sensibilité dépassant très notablement 
celle du détecteur électrolytique. 

On se procurera chez un marchand de produits 
chimiques une certaine quantité de galène en cris- 
taux, de pyrite de fer ou de carborundum dont on 
essavera successivement les morceaux. Avec le 
carborundum, l'emploi d'une pile est necessaire, 
comme avec le détecteur électrolytique. C'est la 
galène qui nous a donné jusqu'ici les meilleurs 
résultats; dans un kilogramme provenant de la 


(1) Voir Cosmos, t. LXVI, n° 1412, p. 185. 


51% 


maison Poulenc, nous avons trouvé un morceau 
présentant de nombreux points très sensibles; 
mais, par contre, dans plusieurs autres kilo- 
grammes, nous n’avons pu trouver un seul mor- 
ceau comparable au premier (1). 

Le détecteur lui-même servira à l'essai des cris- 





F1G. 14. — DÉTECTEUR A CRISTAL IMPROVISÉ. 


taux. On pourrait le constituer, très rudimentaire- 
ment, en enserrant le cristal à étudier dans une 
boucle de fil de cuivre, et en faisant reposer sur 
lui l'extrémité appointée d’un autre conducteur 
semblable (fig. 14), mais il est presque indispen- 
sable de recourir à un dispositif quelconque assu- 


7 7 
ALL CTI Ltd I 17e AE ÉLUS LU 
nr” 


7 
7 
L 





F1G. 15. — DÉTECTEUR A CRISTAUX. 


rant un peu plus de stabilité et qu'on pourra ima- 
giner facilement. 

Voici celui que nous employons (fig. 15) : 

Le socle et les bornes proviennent d’une petite 
bobine de Ruhmkorff hors d'usage. Le levier coudé 
est un ancien crochet-commutateur de téléphone 
d'appartement dont la courbure a été redressée et 
forme maintenant la branche horizontale du levier. 
A cette branche est soudé un morceau de fil de 
cuivre de 0,5 mm de diamètre dont l'extrémité 
recourbée et soigneusement appointée à la lime 
douce repose sur le cristal. L'autre branche du 
levier est garnie d'un morceau d’ébonite prove- 
nant d'un bouchon d'accumulateur. C’est sur lui 
qu'on agit pour soulever la pointe. Le cristal est 
placé sur une plaque métallique (morceau de 
boîte de fer-blanc) clouée au socle. Du papier 
d'étain froissé forme matelas plastique entre la 
plaque et lui, épousant les inégalités de sa surface 


(1) On trouve dans le commerce de la galène spé- 
cialement choisie pour T. S. F., mais naturellement 
à des prix beaucoup plus élevés que celle des mar- 
chands de produits chimiques. 


COSMOS 


7 NOVEMBRE 149412 


et assurant un bon contact. Une des bornes est 
reliée au levier, l’autre à la plaque métallique sur 
laquelle on déplace par glissement le cristal pour 
explorer la sensibilité de tous les points de sa sur- 
face. 

On montera le détecteur à cristaux dans le cir- 
cuit récepteur exactement comme le détecteur 
électrolytique, sauf suppression de la pile (fig. 46). 
La pointe peut être à peu près indifféremment 
reliée à l'antenne ou à la terre. 

La recherche des points sensibles se fera, soit 
à un moment où l’on sait qu'a lieu une transmis- 
sion de la tour Eiffel, soit en utilisant les ondes 
émises jusqu'à quelques mètres par la petite étin- 
celle de rupture qui se produit au trembleur d'une 
sonnette électrique. Cette sonnette sera démunie 
de son timbre; on écartera le plus possible le trem- 


DA 





F1G. 16. — MONTAGE D'UN DÉTECTEUR A CRISTAUX. 


bleur de l’électro-aimant pour éviter le bruit que 
produit l’armature en venant frapper les noyaux 
de celui-ci, et le réglage sera fait de façon à obte- 
nir des vibrations amples et peu rapides. L’antenne 
de ce poste émetteur en miniature consistera en 
un fil d'un mètre environ partant du ressort du 
trembleur ou de la vis de réglage (fig. 17). On le 
disposera au voisinage de l'appareil de réception. 





F10. 12. — DISPOSITIF D'ESSAI. 


En cas de faible sensibilité du cristal employé, on 
pourra même le relier directement à un point quel- 
conque du circuit récepteur. Les vibrations du 
trembleur produiront dans les téléphones un bruit 
d'autant plus intense que le point en essai sera 
plus sensible. 


N° 1450 

Cristaux artificiels. — La galène (sulfure de 
plomb naturel) peut être remplaeée par du sulfure 
de plomb artificiellement préparé. M. Flajolet (1) 
et le P. Alard (2) ont indiqué cette préparation. Il 
suffit de faire chauffer dans un tube à essais un 
mélange de fleur de soufre ou de soufre en canons 
pulvérisé et de limaille fine de plomb (soufre, 1 g; 
plomb, 5 g; ou parties égales en volume). Au bout 
de quelques instants, la combinaison se produit 
avec incandescence. Après refroidissement, on 
brise le tube et on casse en morceaux le sulfure 
obtenu. Les points sensibles se trouvent, soit sur 
la croûte extérieure, soit sur les petites aspérités 
cristallines de l’intérieur. 

Nous n’avons pu personnellement obtenir par ce 
procédé des cristaux aussi sensibles que la bonne 





COSMOS 


13 


galène naturelle. Il nous a paru qu'il y avait inté- 
rêt à effectuer la combinaison avec un excès de 
soufre ; il ne faut donc pas faire l’opéralion dans 
une capsule présentant à l'air une grande surface 
et dans laquelle une partie du soufre pourrait 
brüler. 

Nous avons essayé l'emploi de plomb en poudre 
au lieu de limaille. Le sulfure résultant est 
amorphe et souvent très friable. Il est cependant 
possible, dans des conditions encore mal détermi- 
nées de préparation, d'en obtenir de plus consistant, 
sous forme d’une sorte de scorie poreuse, nulle- 
ment cristalline, relativement peu fragile et pré- 
sentant de nombreux points plus sensibles que 
ceux des meilleures galènes. 

D" PIERRE CORRET. 


Le pancréas et ses ferments. 


Le pancréas est une grosse glande annexée au 
tube digestif, et dont le nom fait allusion à son appa- 
rence charnue (de zžv, tout, et xpćas, chair); le ròle 
de cette glande, qui a fait l'objet en ces derniers 
temps d'assez nombreux travaux, est complexe, sa 
destination essentielle étant de sécréter des fer- 
ments propres à poursuivre et à achever la diges- 
tion des substances de nature variée qui parviennent 
dans l'intestin après avoir subi déjà l'action de la 
salive et du suc gastrique. 

La forme générale de l’organe est celle d’une 
langue; il s'étend en travers dans la cavité abdo- 
minale, un peu en arrière de l'estomac, de telle 
manière qu’il n’est bien visible que lorsque celui-ci 
est ôté. Il a un aspeet granuleux qui, joint à sa 
couleur grisâtre, le fait à ce point ressembler aux 
glandes salivaires que les anciens anatomistes ne 
le nommaient pas autrement que la glande sali- 
vaire de l'abdomen. 

Sa longueur moyenne est de 45 centimètres sur 
4 centimètres environ de largeur; son épaisseur 
est très faible (4 centimètre), son poids est de 
60 à 80 grammes. Il est renflé à son extrémité 
droite, qui en constitue la tête, et qui se loge dans 
l’anse du duodénum; la partie opposée (la queue) 
est effilée et s’arrète à proximité de la rate. 

Le pancréas se rattache par sa structure aux 
glandes en grappe, dont font partie aussi les 
glandes salivaires; les cellules chargées de puiser 
dans le sang les éléments nécessaires à la synthèse 
des sécrétions pancréaliques se groupent en petites 
ampoules (les acini), dont les canaux se réunissent 
en tubes de plus en plus gros, aboutissant finale- 
ment dans un conduit qui parcourt la glande d'un 
bout à l’autre. 

(1) Voir Cosmos, t. LXVI, n° 4417, p. 332. 

(2) Voir Cosmos, t. LXVI, n° 1419, p. 372. 


Ce conduit est nommé le canal de Wirsung; il 
a le calibre à peu près d’une plume d'oie; près de 
l'intestin, il s'unit au canal cholédoque, qui amène 
la bile du foie, et il débouche à còté de ce canal, 
mais par un orifice distinct, au fond de l'ampoule 





f 2\ Aurte 
à ` 
o Aoa cœliagite 
; 
Artere departi g N | Vs À Ne Ar! err srlenique 
: Es 5 + i A or He se H~ m 
Z a > 5 ré =. en es \ | / AA É E I M A na 
/ a 7 + k . NRC | j i ? y S3 4 X, À ue a 
X Se k à a a i Ten ni ` ` $ ; ~ Y 
D: . a SU 
ile l'ANCRENS Š E ol 
t i ., b / (A à i : n No Re JS J 
TS T 5 ke i i tte AS 
Lt je : Ar. ' ; Fe ir AU 
Ra i -. an \ : ` ae — - LE 
Rue i F AE t í 4" TS 4 
ie ae “if LR Ar n FT — 
a y aF f | 1 | T 
i 1 w [a | | 
Es Taea i 
A n Fi 5 | 
K ci Se 








F1G. 1. — PANCRÉAS HUMAIN, 
AVEC LES ARTÈRES QUI L’ALIMENTENT. 


de Water, sorte de petit entonnoir formé par la 
paroi interne du duodénum; un peu plus haut dans 
celle portion de l'intestin est encore un orifice, 
par lequel débouche un conduit accessoire greffé 
sur le canal de Wirsung. 

A l'inverse des glandes salivaires de la bouche, 
qui sont en fonctionnement permanent avec surex- 
citation au moment de la mastication, le pancréas 
n’est actif que par intermittences. La sécrétion du 
liquide pancréatique se produit à chaque fois que 
l'estomac, forçant la résistance du pylore, lance 
dans l'intestin une portion de son contenu, masse 
plus ou moins volumineuse d’aliments brassés, 
pétris et imprégnés de suc gastrique, 


516 


Cette sécrétion n’est pas, comme on pourrait le 
penser, un réflexe nerveux, mais la conséquence 
d’une excitation chimique. L’acide chlorhydrique du 
suc gastrique imprégnant le chyme, c’est-à-dire la 
bouillie alimentaire réalisée par l’action mécanique 
et chimique de l’estomac, provoque dans les cellules 
épithéliales de la muqueuse intestinale la forma- 
tion d'une substance particulière, la sécrétine, qui, 
rapidement entrainée par le sang, excite à son 
arrivée dans le pancréas l’activité spéciale des 
cellules sécrétrices des acini. Une solution alcaline 
introduite dans l'estomac arrète brusquement la 
sécrétion pancréalique. 

Il y a entre l'estomac et le pancréas, sous la 
dépendance du fonctionnement chimique propre 
de ces deux organes, une curieuse relation méca- 





F1G. 2. — COUPE (DEMI-SCHÉMATIQUE) 
DANS LA TÊTE DU PANCRÉAS. 


nique, qui montre comment tout s’enchaine avec 
une admirable simplicité dans la merveilleuse 
machine humaine. L'étude aux rayons X a permis 
de constater que, contrairement aux idées reçues, 
l'estomac en travail de digestion ne se vide pas en 
une seule fois, mais par flots successifs. L’évacua- 
tion dans l'intestin de chacun de ces flots néces- 
site l’ouverture du pylore, ouverture qu'il y a tout 
lieu de croire produite par un excès d'acide libre 
dù à la saturation de la masse alimentaire; d'autre 
part, l'acide ainsi déversé dans l'intestin fait, par 
voie réflexe, fermer le pylore, et arrête les con- 
tractions de l'estomac jusqu’à ce qu'il ait été neu- 
tralisé par les sécrétions alcalines du pancréas et 
de l'intestin. Ainsi, tant qu’il y a de l'acide dans 
le duodénum, l'estomac ne se contracte pas, et le 
pancréas excité sécrète un liquide neutralisant; 


COSMOS 


7 NOYEMBRE 1912 


quand il n’y a plus d'acide, l'estomac reprend son 
travail, jusqu’à ce qu'un nouvel excès d'acide pro- 
voque une nouvelle ouverture du pylore et la 
reprise des mêmes phénomènes. 

Le suc pancréatique est un liquide visqueux et 
clair, alcalin comme la salive et le suc intestinal. 
Sa sécrétion est assez abondante et, observée chez 
des hommes portant une fistule, a atteint par jour 
entre 300 et 800 grammes. Il est composé pour une 
proportion très grande d’eau contenant en disso- 
lution des éléments minéraux ou inorganiques et 
une partie albuminoïde ou vivante. Les éléments 
minéraux sont du carbonate, du phosphate et du 
chlorure de soude, ce dernier étant le plus abon- 
dant (7 millièmes); la partie organique est repré- 
sentée par quatre ferments solubles, dont chacun 
exerce son aclion propre sur une catégorie 
d'aliments. 

A leur arrivée dans l'intestin, et lorsque le repas 
a comporté les substances variées qui le composent 
d'ordinaire, ces aliments peuvent se ranger en 
deux séries; les uns ont subi, par le fait des fer- 
ments de la salive et du suc gastrique (ptyaline, 
pepsine, lipase), un commencement de digestion : 
ce sont les substances azotées, les féculents, les 
graisses et les maltoses; les autres n'ont pas été 
attaqués : ce sont les sucres de saccharose. Les 
quatre sortes d'aliments de la première série, 
à l'exclusion de ceux de la seconde, sont justiciables 
des ferments du suc pancréatique, dont voici res- 
pectivement les noms et le mode d'action. 

Ces ferments, au nombre de quatre aussi, sont 
l'amylase ou diastase pancréatique, la maltase, la 
trypsine et la lipase pancréatique. L'amylase du 
pancréas est identique à la ptyaline de la salive et 
a comme elle, mais à un degré beaucoup plus 
énergique, le pouvoir de transformer l'amidon des 
aliments féculents en sucre de maltose; elle reprend 
donc et achève la digestion de cet amidon seule- 
ment commencée par la salive. 

Les maltoses formées par l'action de la ptyaline 
et de l'amylase pancréatique sont, pour une partie, 
hydratées par la maltase qui les dédouble en deux 
molécules de glucose assimilable, et, pour lautre 
partie, échappée à la maltase, transformées en 
glucose par le suc intestinal. 

La trypsine n'est pas autre chose qu'une pepsine 
pancréatique ; elle a, comme la pepsine gastrique, 
le pouvoir de digérer les substances azotées, qu’elle 
transforme en diverses albumines solubles et 
assimilables : peptones, albumoses, etc. A l'inverse 
toutefois de la pepsine, qui magit qu'en milieu 
acide et exige pour accomplir normalement son 
rôle la présence d’au moins 2 à 3 millièmes d’acide 
chlorhydrique, la trypsine n'opère que sur des ali- 
ments neutres ou basiques; la neutralisation du 
chyme, qui parvient acide dans le duodénum, est 
obtenue par la bile, qui se déverse avec le suc pan- 


N° 1450 


créatique dans la même région de l'intestin; les 
éléments azotés de ce chyme ne sont attaqués par 
la trypsine que lorsque l'acide chlorhydrique qu'il 
contient a été à peu près totalement neutralisé par 
la bile; une faible proportion d'acide (4 millième) 
suffit à entraver l’action digestive de la trypsine. 

On estime que, dans les conditions normales, la 
quantité d'aliments azotés digérée dans le duo- 
dénum par la trypsine est sensiblement égale 
à celle digérée dans l'estomac par la pepsine. 
Exceptionnellement, ce rdle de la trypsine peut 
s'exagérer et se substituer mème complètement 
à celui de la pepsine; c'est ainsi que chez des 
animaux carnivores ou omnivores (le chien, le 
chat, le cochon) on a pu suturer expérimentale- 
ment le cardia au pylore sans troubler sensible- 
ment la nutrition générale, et que l’ablation chirur- 
gicale de l'estomac peut être pratiquée chez 
l’homme, par exemple dans le cas de cancer; les 
sécrétions pancréatiques assurent alors la digestion 
des albuminoïdes dans la proportion nécessaire 
à la santé. 

Le quatrième ferment du suc pancréatique est 
une lipase, qui reprend et achève la digestion des 
graisses commencée par la lipase du suc gastrique. 
Cette digestion consiste, d’une part, en une émul- 
sion, d'autre part, en une saponification; elle est 
donc le fruit d'une action partiellement physique 
et partiellement chimique. L'émuilsion d’une huile 
par le liquide pancréalique est presque instantanée 
et durable; l’huile ainsi émulsionnée devient direc- 
tement assimilable. 

Quant à la saponification, c'est une réaction chi- 
mique dans laquelle la lipase dédoub!e les graisses 


COSMOS 


517 


en glycérine et en acides gras (oléique, stéurique, 
margarique), dont une partie se combine avec les 
sels de soude du liquide pancréatique pour former 
des oléates, des stéarates et des margarates de 
soude, C'est-à-dire des savons alcalins, dissous et 
assimilables. 

La trypsine comme la lipase w'existent pas dans 
le suc pancréatique à l'état de ferments im média- 
tement aclifs, mais à l’état de proferments dont 
l'activité ne s'éveille que par un mélange avec 
d'autres sécrétions de organisme. Le proferment 
de la trypsine, le frypsinogène, ne-se convertit en 
trypsine active que quelques heures après le repas, 
lorsqu'il s'est mélangé avec le suc intestinal, lequel 
contient une entérokinase qui a la vertu spéciale 
d'opérer celte conversion; celui de la lipase doit 
être mélangé avec la bile pour devenir une lipase 
active. 

En outre de ses ferments directement utiles à la 
digestion, le pancréas élabore encore dans cer- 
taines de ces cellules une substance qui, absorbée 
par le sang, permet l'assimilation des glucoses 
introduits dans la circulation. L’ablation totale 
du pancréas fait cesser cette assimilation et prs- 
voque, chez les animaux où elle est pratiquée, un 
intense diabète, rapidement mortel: diabète qui 
est évilé si, en un point quelconque du corps, on 
greffe un fragment de pancréas qui, n’intervenant 
plus dans la fonction digestive, continue cepen- 
dant de fournir au sang le produit nécessaire à la 
digestion des sucres. En résumé, le pancréas doit 
ètre considéré comme un organe important, dont 
les maladies peuvent jeter un trouble grave dans 


la nutrition de l'organisme. À. ACLOQUE. 





Les travaux d’alimentation d’eau de Mexico. 


On donne, et avec raison, de plus en plus d'im- 
portance aux questions d'alimentation d'eau: eau 
pure en abondance pour les puissantes aggloméra- 
tions qui se constituent un peu de tous côtés, et où 
la vie agglomérée n’est possible que si l’on trouve 
à sa disposilion de la bonne eau en quantité suf- 
fisante. Or, presque jusqu'à ces temps derniers, 
Mexico, qui est réellement une grande ville, et 
remarquable à tant d'égards, n'avait que de l'eau 
en quantité insuffisante, et une eau qui, au point 
de vue hygiénique, laissait beaucoup à désirer. 

Depuis des siècles, la population de la ville 
n'avait à sa disposition que les sources qui se 
trouvent à la base de l'élévation dite de Chapul- 
tepec, dans la banlieue Ouest de la ville. Ces 
sources n’ont qu'un débit assez réduit, elles sont 
loin de donner toute sécurité; enfin Mexico, à 
l'heure actuelle, compte plus de 400 000 habitants. 
C'est pour cela que, en 1900, la municipalité de la 


ville décida de faire faire toutes les études néces- 
saires et ensuite les travaux indispensables pour 
doter Mexico d'une alimentation très abondante 
deau pure, destinée à répondre, non seulement 
aux besoins actuels, mais aux besoins de lavenir. 

Bientôt une Commission spéciale fut nommée 
pour l'exécution de ces importants travaux, Com- 
mission à la tète de laquelle se trouvait notre émi- 
nent collègue M. José Limantour, connu d'autre 
part comme ministre des Finances du Mexique, et 
qui avait comme directeur technique M. Manuel 
Marroquin y Rivera, auquel nous devons les détails 
les plus complets sur ces travaux, et une abondante 
moisson de photographies dont nous faisons par- 
tiellement profiter nos lecteurs. Cette Commission 
compte, d'ailleurs, des ingénieurs français sortis 
des Arts et Métiers, comme M. Feuillebois et 
d’autres. C'est l'ingénieur en chef Marroquin, un 
des ingénieurs les plus connus du Mexique, qui a 


518 


eu à dresser complètement les plans et les projets, 
et à diriger toute la construction de ce vaste sys- 
tème d'alimentation ; construction qui n’a pas 
demandé moins de cinq années, à partir du mo- 
ment où les projets définitifs ont été arrêtés, à la 
suile d'études prolongées sur lesquelles nous 
avons pas à insister. Tous ces travaux sont parti- 
culièrement intéressants, et par leur nouveauté 
dans le pays, et par l’usage que l’on y a fait fort 
savamment du béton armé, et par les machines 
très ingénieuses que l’on a mises à contribution 


COSMOS 


7 NOVEMBRE 1919 


pour activer l'élablissement des conduiles, des 
réservoirs, le creusement des galeries, etc. 

On avait constaté que, au pied des montagnes 
dites d’Ajusco, qui bordent la vallée de Mexico au 
Sud, il se trouvait souterrainement un vaste bassin 
d'eau artésienne. Ces eaux élaient tout naturelle- 
ment indiquées comme susceptibles d'alimenter de 
façon satisfaisante Mexico. Ce sont elles-mêmes 
qui remontent à la surface sous la forme de quatre 
sources qui se contentaient jusqu’à présent d'ali- 
menter le lac Xochimilco. En lui-même, ce lac 





CONSTRUCTION DE L'AQUEDUC : LA CARCASSE MÉTALLIQUE. 


vaut la peine d’être connu. Il est actuellement 
recouvert sur les deux tiers de sa superficie par 
des sortes de jardins flottants extrêmement fertiles, 
qui portent le nom local de Chinampar. Ils sont 
formés de détritus végétaux et de vases extraites, 
du fond du lac, que l'on fixe en plantant des arbres 
sur les bords des massifs ainsi obtenus. C'est la. 
végétation arborescente seule qui empêche ces 
détritus de tomber au fond de leau. Il va sans 
dire que ces accumulations de vases et de détritus 
présentent une intensité de végétation et une fer- 
tilité rares, grâce aussi à l'humidité abondante qui 


y est distribuée par les eaux artésiennes remontant 
naturellement jusqu’au niveau du sol. Ces eaux 
arlésiennes se présentaient avec les meilleures 
qualités; elles ont commencé par traverser des 
masses de basalte, de cendres volcaniques, pour 
descendre profondément à labri des laves qui 
forment les derniers contreforts de la montagne. 
On peut dire que ce sont de véritables eaux de 
source, en y attachant le sens favorable du mot. 
D'ailleurs, comme presque toujours en matière 
d'eau artésienne, on se trouve en présence d’un 
vaste réservoir souterrain qui forme vase commu- 


N° 1450 


niquant avec l'extérieur, et assure une régularité 
rare de la sortie de l’eau. On n'a aucune crainte 
que le débit de cette eau diminue pendant les mois 
de sécheresse, et l’expérience déjà faite a confirmé 
les conclusions auxquelles on était déjà arrivé en 
cette matière. Les analyses bactériologiques les 
plus sûres ont été failes, qui ont donné une 
tranquillité complète au point de vue de l'hygiène. 
Pour ce qui est de la composition chimique, on 
trouve un peu d'acide carbonique, très peu de car- 
bonate de chaux et de sulfate de chaux, de sulfate 


COSMOS 519 


de magnésie et de chlorure de sodium, celui-ci en 
quantité extrêmement faible. Toute l’année, ces 
eaux ont une température moyenne de 13 degrés 
centigrades. 

Naturellement, on ne s’est pas contenté de capter 
les eaux qui remontaient d’elles-mêmes pour ali- 
menter le lac Xochimilco. On a foré tout à coté 
des puits artésiens, qui ont augmenté considérable- 
ment le débit de l’eau disponible. On se borne, 
il est vrai, à l'heure actuelle, à utiliser et à capter 
effectivement 2000 litres par seconde; mais on 





LE CHASSIS POUR LE COULAGE DU BÉTON; LA GRUE DE TRANSPORT ET LE MALAXEUR. 


estime que le débit de l’eau que l’on pourrait 
envoyer sur Mexico dépasserait largement au besoin 
2500 litres par seconde. Un pareil débit per- 
mettra de fournir facilement 450 litres d'eau par 
tête et par jour, lorsque la population de la ville sera 
de 600000 habitants, ce qui n’est pas encore tout 
prochain. En fait, le niveau auquel se présentent 
les eaux en sortant des puits artésiens est à peu 
près le même que le niveau de Mexico; aussi fal- 
lait-il prendre des mesures pour assurer l’arrivée 
de cette eau jusque dans les réservoirs de la ville 
et jusque dans les maisons mêmes à desservir. On 


s’est décidé pour une combinaison qui peut paraitre 
bizarre au premier abord, mais qui donne de très 
bons résultats. 

On a voulu éviter de soumettre à une pression 
considérable la conduite de 30 kilomètres environ 
qui aurait à amener l’eau depuis le point de cap- 
lation jusqu'à la ville. Aussi bien ne faut-il pas 
oublier que l’on est dans un pays de tremblements 
de terre, où des fissures peuvent se produire assez 
facilement dans des conduites de ce genre. La solu- 
tion adoptée a consisté à installer sur place même 
une station de pompes, qui relèvent les eaux four- 


520 


nies par les puits artésiens à une hauteur maximum 
de 12 mètres. C’est de ce niveau ensuite que, sous 
la seule influence de la gravité, l’eau s'écoule vers 
Mexico et vers les réservoirs. Mais, avant d'arriver 
à ceux-ci, cette eau passe par une station de 
pompes qui la relèvent à une hauteur convenable et 
mettent, par conséquent, l’eau sous pression pour 
la distribution en ville et à domicile. Il ne faut 
pas croire que celte solution ait été particulière- 
ment coùteuse; la municipalité a pu s'entendre 
avec la Compagnie mexicaine de lumière et de 


Y 


f; ir. 
Fi `Ţ 
SN ! 


COSMOS 


e 


7 NOVEMBRE 1912 


force motrice. Elle paye simplement à cette Com- 
pagnie la quantité d'eau pompée, suivant la hau- 
teur à laquelle elle est pompée ; la municipalité 
n’a point eu à immobiliser de fonds sous la forme 
d'installations de pompes ou autres. Les pompes 
sont, du reste, des appareils centrifuges actionnés 
électriquement, qui donnent les meilleurs résultats. 
Tous les engins sont en double, pour remédier & 
un accident imprévu. 

Nous avons dit que les installations ont été assez 
malaisées à mener à bien; que, d'autre part, on a 


. 


A À 


ES Sy 

| 
a 
S 


g 
D 





CONSTRUCTION DES RÉSERVOIRS. 


fait appel couramment au ciment armé. C’est ainsi 
que, pour les stations de pompes, on a dù con- 
struire de vastes chambres dans lesquelles les eaux 
artésiennes s'écoulent naturellement, et où puisent 
les appareils centrifuges. Ces chambres ont été 
construiles en béton armé très solide, pour éviter 
l'influence des poussées inférieures provenant des 
eaux d'infiltration. Elles sont susceptibles, pour 
ainsi dire, de flotter dans les terrains très mobiles 
et très aquifères où elles ont été installées. 

Si nous considérons l'aqueduc, qui est destiné à 
amener sous l'influence de la gravité, comme nous 


le disions, leau depuis la station de départ jusqu’à 
la station de compression, nous verrons qu'il offre 
une pente de 30 centimètres par kilomètre, et que 
sa capacité, de débit est de 2300 litres par seconde 
environ. Cette conduite est de forme circulaire; 
son diamètre est variable entre 1,45 m et 1,80 m. 
C'est un véritable tube en ciment armé d'une 
épaisseur de 18 centimètres; le ciment ou plutôt 
le béton étant composé d’un volume de ciment, de 
trois volumes de sable et de trois volumes de 
pierre; la pierre est obtenue par trituration des 
laves volcaniques. L’armature est faite en barres 


No 4460 


d'acier ondulé. Elle a été construite sur place. Bien 
entendu, des joints d'acier ont dù être prévus de 
place en place, toujours pour lutter contre ces 
tremblements de terre dont l'influence est si redou- 
table au Mexique. On a disposé des cheminées de 
ventilation et des valves de contròle tous les 
333 mètres. Cela permet d'isoler des sections et 
de faciliter les réparations sans vider complètement 
la conduite. Elle est entièrement au-dessus de 
terre, car on n'a pas à redouter la congélation 
sous le climat de Mexico et des environs. Tous les 
cinq kilomètres, on a établi une sorte de déversoir 
permettant aux eaux de s'écouler, si elles arrivaient 
en trop grande abondance par rapport à la con- 
sommation. Les eaux qui se déverseraient ainsi 
rejoindraient un canal situé à peu de distance. 
Tout le long de la conduite, et pour en faciliter la 
construclion, on avait posé une voie ferrée légère, 
qui a permis d'amener sur place à bon marché les 
matériaux nécessaires. La construction s’est faite 
dans les conditions les plus curieuses et les plus 
pratiques. Pour le coulage du béton autour des 
armatures, les cintres intérieurs élaient en tôle; 
ils étaient démontables, et on les transportait à 
l'intérieur du tube sur une voie fixée à la partie 
inférieure de ce qui allait devenir la conduite. La 
forme extérieure de celle-ci était donnée par des 
châssis en bois, qui étaient transportés au fur et à 
mesure à l'avant des travaux par une grue, après 
décintrage de la portion coulée ayant fait prise. 
Cette grue circulait sur la voie ferrée parallèle à 
la conduite. Un malaxeur mécanique à béton avait 
été prévu, et était monté sur un chariot qu’on fai- 
sait glisser sur la voie servant également à la 
grue et aux wagons de transport; si bien que la 
fabrication et la coulée du béton se faisaient avec 
une rapidité rare. 

Nous ne dirons rien de la station des pompes 
élévatoires devant relever l’eau jusqu'aux réser- 
voirs. Ce sont des pompes centrifuges mues élec- 
triquement. Pour ce qui est des réservoirs, 1is sont 
au nombre de quatre, et tous circulaires. Comme 
on peut le voir en se reportant à la photographie 
qui représente la construction de la partie inférieure 


COSMOS 


921 


de ces réservoirs, et des piliers en béton armé, 
comme le reste, devant soutenir leur toiture, l’éta- 
blissement en a été fait suivant les méthodes les 
plus modernes. Ces réservoirs sont à une altitude de 
90 mètres au-dessus de la ville. Ils ont 100 mètres de 
diamètre et une capacité moyenne de 50 000 mètres 
cubes chacun. Ensemble ils peuvent répondre à la 
consommation actuelle pendant une trentaine 
d'heures. On a rapporté des terres par-dessus, de 
façon à les maintenir bien au frais; on a planté 
des fleurs, des plantes, des arbres; et maintenant 
les terrains qui les recouvrent constituent une 
annexe du parc de Chapultepec, une des principales 
promenades de Mexico. Ajoutons encore que, de 
la vaste chambre en bélon armé qui reçoit leau 
provenant de ces réservoirs, part une grande ga- 
lerie carrée qui traverse toute la ville de l’ouest à 
l'est; galerie en béton, sorte de souterrain de 1,8 m 
de large. On y a placé les grandes conduites d’ali- 
mentation, et on y a réservé d’autre part de la 
place pour les fils télégraphiques, les fils télépho- 
niques et les distributions de lumière et d'énergie. 
L'établissement même de cette galerie s’est fait 
dans des conditions toutes particulières. On a 
commencé par creuser la grande tranchée; puis 
on y a descendu et maçonné successivement des 
éléments en forme d'U, et fails de béton armé, 
qui constituaient les parois et la base; on a procédé 
de mème pour le toit de la galerie. C'étaient les 
voies de tramways de la ville qui servaientà amener 
à pied-d'œuvre ces éléments de construction, L’ex- 
trémité orientale de ce souterrain est en relation 
directe avec le grand égout collecteur de la ville; 
de sorte que, si quelque canalisation venait à se 
rompre dans cetle sorte de voie souterraine, les 
eaux s'écouleraient toul naturellement sans pouvoir 
inonder les rues. 

La ville de Mexico aura dépensé quelque 45 mil- 
lions de francs quand ce service d'alimentation des 
eaux sera absolument terminé; mais il est tout à 
fait remarquable, et il fait grand honneur et à 
M. l'ingénieur en chef Marroquin et à tous ses 
collaborateurs. DANIEL BELLET, 

prof. à l'Ecole des sciences politiques. 





L'avenir du chauffage électrique. 


Née d'hier, l’industrie qui s’occupe de produire 
et de distribuer l’énergie électrique a pris, au cours 
des quinze ou vingt dernières années, un essor 
véritablement prodigieux. Par elle, les transports 
en commun et l’éclairage d’une part, de l'autre la 
fabrication des produits chimiques ont été rénovés, 
tandis que le traitement des minerais, l'usinage 
des métaux et, d'une façon générale, tout lappa- 
reillage mécanique ont modifié de fond en comble 


leurs méthodes traditionnelles. Sans exagération 
aucune, on peut dire que, si les hommes du 
xix° siècle ont assisté au triomphe de la vapeur, 
ceux du xx° verront l’apothéose de l'électricité. 
Cependant, il n’est pas douteux que les usines 
génératrices de courant seraient, à l'heure actuelle, 
infiniment plus prospères qu’elles ne le sont s’il 
leur était pratiquement possible de fournir à leurs 
clients la chaleur, en même temps que la lumière 


522 


et la force motrice. Il y a là pour elles un grave 
problème à résoudre, celui d'engager avec des 
chances de succès la lutte contre les divers com- 
bustibles d'usage courant, et de supplanter défini- 
tivement, pour le chauffage domestique, le bois, le 
charbon, le gaz et le pétrole. 

Ce problème est-il insoluble? C'est ce que s'est 
appliqué à examiner le dernier Congrès interna- 
tional des applications électriques, et les spécialistes 
du monde entier, réunis à Turin pour prendre part 
à ses travaux, ont été saisis à ce sujet par M. Ro- 
sander d’un rapport substantiel dont les conclusions 
doivent être méditées. 

Il faut tout d’abord se rappeler que, pour de 
moment, trois moyens seulement sont employés 
dans le but de transformer l'électricité en chaleur : 
arc électrique, courants de Foucault et effet Joule. 
Les deux premiers conviennent à peu près unique- 
ment aux applications industrielles, notamment 
aux fours électriques : seul, l'effet Joule parait 
susceptible d'applications domestiques et ména- 
gères. 

Le mode de production de chaleur qui participe 
de lui réside entièrement dans la transformation 
de l'électricité en énergie thermique par son pas- 
sage à travers une résistance ohmique appropriée, 
résistance qui peut, suivant les cas, être non métal- 
lique, métallique ou agglomérée. 

Les résistances non métalliques sont constituées 
par des filaments de charbon placés dans une 
ampoule purgée d'air, mais contenant un gaz inerte, 
qui est généralement un carbure d'hydrogène, et 
dont le rôle est d’atténuer l'éclat lumineux du fil 
en même temps que de rayonner par convection 
une partie de la chaleur produite. On peut, du 
reste, pour constituer le filament, remplacer le 
charbon par du silundum, c'est-à-dire par un sili- 
ciure de carbone particulièrement dur et résistant, 
qui est réputé infusible. 

Les résistances métalliques, beaucoup plus fré- 
quemment employées, sont en général formées 
d'alliages très peu oxydables, à coefficient de tem- 
pérature assez bas, mais qui, néanmoins, subissent 
à la longue des modifications de structure par les- 
quelles leur solidité se trouve compromise; de 
plus, fusibles à des températures relativement peu 
élevées, elles ne sauraient se prèter à tous les 
usages. … 

Quant aux résistances agglomérées, elles sont 
représentées par des mélanges de métaux conduc- 
teurs, nickel, chrome, platine, ou de sels divers, 
avec des substances non conductrices, argile, gra- 
phite, silice, par exemple. 

Quelle que soit la résistance employée, il est 
d'ailleurs incontestable que de grands progrès 
restent à réaliser dans les appareils de chauffage 
actuellement en usage; ces progrès portent sur 
trois points d'une extrème importance: robustesse, 


COSMOS 


7 NOVEMBRE 4919 


prix de revient, facilité de réparation. Les con- 
structeurs ont, par conséquent, le devoir primor- 
dial d'étudier chacun d'eux avec le plus grand soin 
afin d'améliorer autant qu'ils le peuvent les types 
commerciaux dont ils proposent l’achat au grand 
publie. 

_ Parmi les appareils de vente usuelle destinés à 
assurer le chauffage domestique, les uns donnent 
ce qu'on pourrait appeler une chaleur directe : ce 
sont les bouillottes électriques, qu'il est possible 
de tenir à la main, pendant que l’eau dont elles 
sont emplies est portée à l’ébullition, cequitémoigne 
d'un rendement utile élevé; les autres donnent 
une chaleur indirecte : ce sont des fourneaux sur 
lesquels on place les objets à chauffer. Dans les 
premiers, plus de 90 pour 400 de la chaleur pro- 
duite sont utilisés; dans les seconds, le rendement 
est beaucoup moindre, mais, en revanche, ils sont 
d'une application beaucoup plus commode puis- 
qu'ils rendent possible l'utilisation des ustensiles 
habituels. On conçoit sans peine que les radiateurs 
destinés à fournir uniquement la chaleur aux 
appartements peuvent être pratiquement assimilés 
aux appareils du second type; dès lors, la déter- 
mination de leur « valeur chauffante » peut être 
très logiquement faite en précisant leurs appli- 
cations culinaires normales. 

Citant des chiffres donnés par M. Ritter dans 
l'Elektrotechnische Zeitschrift, M. Rosander in- 
dique dans son rapport qu'il faut dépenser 240 watts- 
heure pour cuire 850 grammes de poisson, 320 w-h 
pour cuire 4 500 grammes de viande de bœuf et 
800 w-h pour rôtir À kilogramme de veau. D’autre 
part, M. Goisot a indiqué qu'il faut de 0,4 à 0,5 ki- 
lowatt-heure pour cuire un kilogramme de viande 
de boucherie. Si l’on rapproche cette consomma- 
tion de courant de celle que le gaz nécessiterait, 
toutes conditions étant égales, on constate qu'un 
kilowatt-heure est l'équivalent thermique de 
0,415 m° de gaz, ce qui revient à dire que pour 
être économiquement applicable à la cuisine, le 
courant électrique devrait être fourni à un prix 
tel que le kilowatt-heure ne coûtât pas plus cher 
que 0,415 m? de gaz. 

Il convient de noter que ces chiffres ne sont 
pas admis par tous les spécialistes qui ont éludié 
la question : les opinions formulées à ce sujet sont 
mème assez contradictoires. C’est ainsi, parexemple, 
que l’Electricien (17 févr. 1912, p. 109) a signalé, 
d'après l Electrical Review, l exemple d'un ménage 
d'employés habitant la banlieue de Londres, et 
qui, en 4907 et en 1908, dépensa 512,35 fr. et 
427,10 fr. pour payer le gaz et le charbon dont il 
se servit pour la cuisine, l'éclairage et le chauffage 
de l'eau destinée aux besoins domestiques; en 1909, 
la comptabilité ne fut pas tenue, mais on la reprit 
en 1910 et en 1911 en même temps qu'on adoptait 
l'éclairage et le chauffage électriques : les dépenses 


N° 1450 


furent de 556,35 fr. et 555,40 fr. pour ces deux 
années, notablement supérieures, par conséquent, 
aux dépenses correspondantes de 1907 et 1908. 
Toutefois, alors que, pour ces deux dernièresannées, 
les notes de boucherie furent respectivement de 
1 258,25 fr. et 4 350,90 fr., elles n’atteignirent que 
962,90 fr. en 19140 et 835,10 fr. en 1911, sans que rien 
ait été changé dans l'alimentation du ménage. 
Cette sensible diminution des achats, résulte, 
d'après notre confrère, de ce que les pertes de 
viande à la cuisson sont bien moindres avec l’élec- 
tricité ‘qu'avec les anciens modes de chauffage. 
Il en résulte, pour le ménage considéré, une éco- 
nomie annuelle de 400 à 500 francs, très supérieure 
à la différence des frais nécessités par l'électricité 
et par le charbon ou le gaz. 

Toutefois, M. Rosander ne croit pas devoir par- 
tager cet optimisme; il a institué de nombreuses 
expériences comparatives, à la suite desquelles il 
estime être dans le vrai en affirmant que un 
kilowatt-heure équivaut, au point de vue pratique 
de la dépense nécessaire, à un peu plus de 0,5 m*, 
mais à un peu moins de 4 mètre cube de gaz. 

Or, en Europe, les fournisseurs de courant font 
payer le kilowatt-heure de 0,15 fr à 0,25 fr, ce 
qui rend la cuisine électrique notablement plus 
dispendieuse que la cuisine au gaz. 

Par suite, il ne saurait être possible à l’électri- 
cité de lutter contre le gaz pour le chauffage domes- 
tique qu'à la condition d’abaisser le prix du 
kilowatt-heure entre 0,08 fr et 0,15 fr. C’est là une 
nécessité inéluctable, et les industriels, propriétaires 
ou exploitants de stations aussi bien que fabricants 
d'appareils de chauffage, doivent s'en bien péné- 
trer. Tant que ces prix ne seront pas atteints, le 
chauffage domestique à l'électricité sera un luxe 
véritable, ce qui revient à dire qu'il ne se vulgari- 
sera pas. 

A tous les points de vue cependant, il faudrait 
souhaiter sa généralisation rapide. La cuisson 
électrique offre sur la cuisson au gaz de tels avan- 
tages qu’elle doit être considérée comme ayant un 





COSMOS 


523 


avenir certain : sécurité contre l'incendie, propreté, 
valeur hygiénique, rendement commercial élevé, 
facilité de réglage, commodité, tout milite en sa, 
faveur. Quelques boulangers l'ont appliquée à leurs 
fours, et le pain qu’ils fabriquent est parfait; la. 
marine de guerre, après en avoir doté ses cuirassés,. 
vient de l’étendre à tous les navires de sa flotte 
armée; ce sont là des expériences pratiques dont 
la portée est concluante. 

Par suite, on peut prédire que, le jour où son 
adoption sera devenue économiquement possible, 
elle sera sans retard réalisée partout. Les débouchés 
actuels des usines productrices de courant s’en 
trouveront grandis dans des proporlions insoup- 
çonnées. 

Il faut donc que l’abaissement à 0,08 fr environ 
du ptix du kilowatt-heure soit étudié de façon très 
sérieuse : l’utilisation rationnelle des innombrables. 
chutes d’eau de notre territoire facilitera, dans un 
avenir prochain, cette réforme industrielle vrai- 
ment démocratique. En attendant, peut-être pour- 
rait-on se contenter d'accorder au public le double 
tarif, usité en Suède et en Suisse, où, pour éviter 
que les charges maxima de l'énergie consommée 
par la cuisine ne coïncident avec celles de la lu- 
mière, les stations consentent presque partout un 
prix réduit pour le courant fourni en dehors des 


. heures d'éclairage. Cette mesure est, à coup sùr, 


gênante pour les consommateurs, qui ne peuvent 
pas préparer leur cuisine aux moments de leur 
choix; elle est néanmoins préférable aux tarifs uni- 
formes et rigides des stations françaises. Du reste, 
elle est déjà adoptée depuis peu sur quelques-uns. 
de nos réseaux dans les régions de houille blanche. 

Mais elle ne saurait avoir qu'un caractère provi- 
soire. 

L’abaissement définitif du prix de vente du. 
kilowatt-heure apparait, au contraire, comme une: 
nécessité à laquelle les usines génératrices ne 
peuvent pas se soustraire, si elles veulent lutter à. 
armes égales contre les divers combustibles actuel 
lement en usage. FRANCIS MARRE. 


——_——_—_—————— 


Des moyens propres à assurer aux pommes de terre 


une bonne conservation. 


La conservation du premier de nos légumes, la 
pomme de terre, le pain de certaines régions, ne 
cesse de préoccuper les agronomes et les savants. 

Si la plante a, en plein champ, ses ennemis, 
insectes et champignons, sans compter les gelées; 
-les tubercules, eux, ne sont pas à l’abri de toute 
vicissitude, quand on les a entassés dans un local 
où on les croit, trop souvent, en toute sécurité. 
Or, il y a à craindre pour eux,]| outre le gel, la 


germination et, ce qui est plus grave, la pourri- 
ture. 

La germination prématurée est surtout favorisée 
par une douce température. La pourriture, elle, 
est engendrée par des germes de microorganismes 
divers qui sont comme sollicités par l'humidité et. 
la chaleur. I] faut, également, compter avec cer- 
tains insectes, tel ce minuscule papillon ou teigne 
de la pomme de terre, dont la larve faisait tant. 


524 


parler d'elle, hier encore, par ses ravages sur le 
littoral varois : il s'agit du PAtorimæa solanella. 
On peut, il est vrai, combattre assez facilement ce 
petit lépidoptére en traitant plusieurs fois de 
suite les pommes de terre réunies dans un endroit 
clos, avec du sulfure de carbone ou de l’oxyde de 
carbone, corps qui, malheureusement, ne sont pas 
sans danger pour les opérateurs, le premier don- 
nant des vapeurs très inflammables, le second 
étant un gaz très toxique. 

Il est toujours préférable de prévenir le mal, 
c'est-à-dire, en l'espèce, d’empècher l'insidieux 
insecte de pondre sur les tubercules. Dans la 
région d'Hyères, nous apprend M. le Dr Vidal, les 
horticulteurs mettent en las les pommes de terre 
immédiatement après l’arrachage, les recouvrent, 
pendant la journée, d'une étoffe quelconque, puis, 
le soir venu, les transportent dans un endroit frais 
et obscur. D’autres se contentent, après les avoir 
entassées au pied d'un arbre, de les ensevelir sous 
une couche de sable ou d’algues marines. Cette 
dernière couverture, dit l'auteur, agit-elle parce 
qu'elle abrite complètement les tubercules, ou 
est-ce son odeur qui écarte les papillons? Un ne 
sait. 

Mais l'aire d'action de ce nouveau fléau est assez 
restreinte pour espérer qu'on en aura, sans donte, 
bientôt raison. Il n'en est pas de mème des mala- 
dies cryptogamiques et, en particulier, de celle 
qui est occasionnée par le champignon PAyto- 
phtora infestans ou mildiou de la pomme de terre, 
malheureusement trop connu. Tout tubercule qui 
provient d'un pied attaqué est presque irrémédia- 
blement voué aux germes de la pourriture, impos- 
sible, par conséquent, à conserver sain. Aussi con- 
seille-t-on, avec juste raison, non seulement de 
traiter convenablement aux bouillies cupriques 
les champs attaqués, mais, en outre, de brùler sur 
place les fanes et les tubercules atteints, que l'on 
a generalement la fAcheuse habitude de laisser sur 
le sol apres la récolte; de ne pas cultiver pendant 
un certain temps les terrains infestés, ou, mieux, 
de n'ensemencer que des sols neufs, ce qui ne 
peut ètre qu'un cas particulier. Enfin, on ne doit 
employer, comme semence, que des tubercules 
sélectionnés, parfaitement sains, ne provenant pas 
de champs où a sévi le Phytophtora, ou toute 
autre maladie. Ce choix s'opère au moment mme 
de la révolte, en mettant de colé les plus mürs, 
de bonne grosseur moyenne. 

Il est préférable de ne pas semer en mélange 
des varièlés différentes comme époque de matu- 
ritė, car il en est, parmi ces dernières, qui se con- 
servent plus difficilement, telles la saucisse, la 
rouye farineuse, etc. La récolte doit se faire 
quand les fanes sont bien sèches, car les pommes 
de terre incomplètement mures, trop aqueuses, 
se rident ou pourrissent facilement. De mème, il 


COSMOS 


7 NOVEMBRE 41919 


ne faut procéder à l’emmagasinage que lorsque les 
tubercules sont secs, non mouillés par les pluies, 
par exemple. Il faut toujours les laisser se res- 
suyer, au besoin, sous un abri aéré, si le temps 
n'est pas propice. 

Il ne suffit pas, ensuite, de laisser la récolte 
entassée dans un coin quelconque, une cave ou 
autre local chaud, peu aéré, parfois humide et 
malsain. Dans un tel milieu, les tubercules s’al- 
tèrent, pourrissent ou germent prématurément. 
Dans ce dernier état, ils « s’usent », s'épuisent, se 
vident d'autant plus vite que les pousses sont plus 
longues, et ils sont alors chargés d’un produit 
toxique, la solanine. La fubérisation, le filage, la 
filosité, sont caractérisés par des germes longs et 
grèles. 

Dans les ménages, où l’on n’a pas, généralement, 
de grandes quantités de produits à conserver, on 
peut mettre à contribution un procédé simple, qui 
ne réclame qu'un peu de patience, et qui est, 
parait-il, assez courant dans les fermes du Nord. 
l! suffit, à l’aide d'un couteau ou d'un porte-plume 
armé d'une plume retournée, d'enlever les yeux 
du tubercule en les extirpant sur une épaisseur de 
2 à 3 millimètres. Il est préférable de ne procéder 
à cette opération que lorsque les germes sont très 
apparents, ordinairement à l'approche du prin- 
temps. 

Mais, le plus souvent, on se contente d’égermer 
à la main, de temps en temps, tous les mois, par 
exemple, si la cave est chaude. 

La méthode Schribaux permet de traiter une 
grande quantité de produits à la fois. Mais elle 
demande quelques précautions dans les manipula- 
tions de l’acide sulfurique employé comme agent 
actif, qui doit brùler les yeux, les germes. Il suflit 
de laisser tremper les tubercules dix à douze heures 
dans une solution à 1 à 2 pour 100 ď'’acide du com- 
merce, marquant 66° B., contenue dans un récipient 
en bois. On doit toujours verser les 1 à 2 litres de cor- 
rosif dans les 100 litres d'eau, tout en agitant celle-ci, 
et ne pas faire le contraire, sinon on s'exposerait 
à des projections. Au prix de 0,30 fr le kilogramme 
d'acide sulfurique, un hectolitre de solution à 
1 pour 100 revient à 0,55 fr, et au double si elle 
est à 2 pour 100. 

Après le trempage des tubercules, on les lave à 
l'eau, puis on les sèche. On les conserve ensuite dans 
un endroit bien aéré, un grenier, par exemple. 

On comprend aisément que le degré de sensibi- 
lité des germes au regard de l'acide soit variable 
avec leur état physiologique. Ils sont, par exemple, 
plus fragiles quand ils commencent à végéter. Le 
traitement sera donc plus efficace si on l'applique 
au printemps plutôt qu’à la récolte. Il est presque - 
superflu de dire qu'il importe de choisir, ici aussi, 
des tubercules bien sains, de bonne garde, et préa- 
lablement lavés. S'ils sont souillés de terre cal- 


N° 145 


caire, par exemple, celle-ci saturera une partie de 
l'acide, abaïissant ainsi le degré de concentration 
de la solution. Enfin, toutes les variétés ne sont 
pas également sensibles. En un mot, il est bon, 
surtout si l'on a à traiter une grande quantité, de 
faire un essai préalable sur quelques tubercules, 
et en employant trois solutions à 4 pour 400, 
4,5 pour 100 et 2 pour 100. On les examine trois 
jours après la sortie du bain, en les coupant sui- 
vant les yeux. On voit si ces derniers sont mor- 
tifés. On vérifie également si la peau n'est pas 
altérée. On en déduit, alors, la solution qu'il faut 
adopter. 

On a cité un habile agriculteur qui, chaque 
année, et depuis très longtemps, traile ainsi avec 
succès 3 000 kilogrammes de pommes de terre 
dès qu'elles commencent à germer. Il utilise, 
comme matériel, de vieilles futailles en bois, 
défoncées par un bout, et des corbeilles de 60 litres 
environ, contenant des légumes. Ces corbeilles 
peuvent être tenues dans la solution à l'aide de 
perches passées dans l'anse ou, mieux, en s'aidant 
d'une potence à poulie, qui facilite les manipula- 
tions. 

On a encore préconisé l'emploi de l’eau bouil- 
lante, dans laquelle on laisse les tubercules une 
à deux minutes, temps suffisant pour détruire les 
germes, mais quil est bon de controler, au préa- 
lable, sur quelques pommes de terre. 

Les ménagères trouveront peut-être toutes ces 
manipulations bien compliquées. Pour de petites 
quantités, on a bien décrit des procédés de conser- 
vation plus simples, mais moins sùrs. Par exemple, 
les pommes de terre saines et bien sèches sont 
mises dans une cuve, un tonneau, etc., en proje- 
tant sur les couches de la cendre ou du sable bien 
sec. Enfin, on couvre le tas avec de la menue 
paille. On peut, d'ailleurs, utiliser aussi d'autres 
matières mauvaises conductrices de la chaleur, ou 
absorbant l'humidité, comme poussier de charbon 
de bois, poussière de tourbe, paille sèche. On 
accuse les balles de céréales de retenir trop d’eau 
dans leur cavité. Quand on emploie un tonneau, 
une bonne précaution, c'est de couler du plätre 
sur le fond remis en place. Il importe beaucoup, 
dans tous les cas, de ne mettre en réserve que des 
tubercules bien secs et, mème, d’'absorber l'humidité 
qui pourrait se condenser par un excipient appro- 
prié. Ainsi, on peut les saupuudrer avec de la chaux 
récemment éleinte. Il ne faut guère que 5 à 6 kilo- 
grammes de cet ingrédient par 4 000 kilogrammes 
de pommes de terre. On a proposé encore de sau- 
poudrer avec de la fleur de soufre (1 kilogramme 
par 1 000 kilogrammes) pour détruire les germes 
de champignons et empêcher les cloportes de les 
transporter. 

Le procédé de conservation dans des matières 
pulvérulentes n’est efficace que pour de petites 


COSMOS 


525 


quantités. En effet, les pommes de terre, bien que 
détachées de la plante-mère, ne conservent pas 
moins un certain degré de vie ralentie : elles res- 
pirent et transpirent, rejetant donc du gaz carbo- 
nique, qui est toxique pour elles, et de la vapeur 
d'eau, qui doivent être expulsés. Mais, précisé- 
ment, quand les tubercules sont entassés en masse 
et enfouis dans une matière isolante, l'air ne peut 
circuler, et l'atmosphère ambiante se sature de 
gaz carbonique stagnant, d'ailleurs plus lourd que ce 
dernier. Il faut remarquer, aussi, que les phénomènes 
qui accompagnent la vie physiologique des tissus 
se traduisent par une élévation de température 
qui favorise les germes d’altération et la végétation 
des yeux. M. Parisot a montré que le gaz carbo- 
nique solubilise les matériaux utiles à cette végé- 
lation, et d'autant plus que les pousses sont plus 
longues. 


En résumé, il faut s'attacher à faire des tas peu 
volumineux, dont l'épaisseur ne devrait pas dé- 
passer, si possible, 70 à 80 centimètres, et en res- 
tant, au besoin, au-dessus de 7000 kilogrammes 
pour éviter les frais, en un lieu sain, non humide, 
bien aéré, à l'abri de la gelċe, et à favoriser, par 
un dispositif approprié, la libre circulation des 
gaz, sans excès, car il y aurait perte trop marquée 
d'eau des tubercules, qui se rideraient. Le local 
qui convient le mieux, c'est le magasin; mais les 
celliers, les caves saines peuvent ètre utilisées 
aussi, car ils sont mieux à l'abri des variations de 
température, qui exposent les tubercules aux 
gelées et aux condensations de la vapeur d'eau. 
On évitera à ces derniers le contact direct avec 
les parois, en tapissant les murs de planches ou 
de paille, en disposant sur le sol des fagots ou un 
plancher à claire-voie. En outre, on placera dans 
la masse mème du tas des tuyaux en poterie ou de 
simples fagots qui feront oflice de cheminées 
d'aération. La chaux, le soufre, dont nous avons 
parlé plus haut, sont avantageusement employés 
ici aussi. Les petits tas doivent être recherchés, 
avant tout, car ils permettent de brasser souvent 
la masse, par exemple toutes les cinq semaines et 
plus souvent encore à la fin de l'hiver et au prin- 
temps, alors qu'à l'approche du renouveau le tra- 
vail physiologique des cellules s'accélère, que 
deviennent maximum, par conséquent, la produc- 
tion du gaz carbonique et celle de la vapeur d'eau. 
D'ailleurs, pour entraver cette activité naturelle 
des tissus, il serait très utile d'entretenir dans la 
masse des tas volumineux une assez basse tempé- 
ture, + 7° à + 8", par exemple. Mais le brassage 
a l'avantage de briser les germes longs. On peut 
encore y procéder à la main, quelquefois, mème, en 
passant au four. Dans tous les cas, il faut enlever 
les tubercules qui auraient pu ètre blessés dans le 
brassage. 

On a signalé l'appareil Holtz pour la ventilation 


526 


forcée avec de l'air refroidi, au besoin, ou en met- 
tant à profit, au printemps et à l'automne, les 
heures matinales. Le dispositif réclame, naturelle- 
ment, une force motrice, mais il n’exige pas la 
présence de tuyaux au sein du tas pour le ventiler. 
Une heure de travail suffirait pour préserver, pen- 
dant une semaine, le tas de la pourriture. M. Holtz 
{propriétaire à Bruchau, cercle de Tuchel, en 
Prusse occidentale) a, dit-on, installé son appareil 
dans la cave de pommes de terre de la distillerie 
coopérative de Frankenhagen, près Konitz. « Dans 
Je but de conserver les pommes de terre jusqu'à 
l'été, dit l’auteur, on construit de grandes sécheries 
qui coûtent de 30000 à 70 000 marks. Or, mes 
appareils ne coùtent que quelques centaines de 
marks, et ils fournissent un meilleur résultat, puis- 
qu'ils conservent les pommes de terre intactes. » 

On garde encore les pommes de terre comme on 
le fait des betteraves, c'est-à-dire en silos, mais moins 
volumineux. Ils ont, d'ordinaire, 1,5 m de largeur 
à la base et 4 mètre de hauteur, pour la plus grande 
partie dans le sol. On les établit quelquefois rez de 
terre, en les entourant d'un fossé. Ici aussi, lors de 
l'établissement du tas et avant de couvrir de paille, 
buis de terre tassée, on ménagera des canaux 


COSMOS 





7 NOVEMBRE 19412 


d'air, des cheminées. Si en silo les pertes de poids 
brut sont moins élevées qu'en cave, celles de 
matière sèche et de fécule sont, par contre, très 
marquées. En outre, la saveur des tubercules est 
moins appréciée, à la fois plus aqueuse et plus 
sucrée. Ce procédé est donc le dernier à proposer, 
sans compter qu'il rend la surveillance très difficile. 
Il faut, en effet, examiner de temps en temps 
les pommes de terre, et non seulement les couches 
supérieures, mais surtout le milieu du tas, là où 
s’amorce généralement la pourriture, pour gagner 
de proche en proche. S'ils’agit d'un silo, on vérifiera 
les points d’affaissement qui pourraient se produire. 
Disons, en terminant, que les tubercules gelés 
ne doivent pas être considérés comme perdus. 
Avant le dégel, on les fait tremper dans de leau 
dégourdie, le temps strictement nécessaire pour 
les dégeler. S'ils restaient plus longtemps, ils pour- 
raient devenir acides et se corrompre. A leur 
sortie de l’eau, ils sont coupés en tranches, échau- 
dés par les procédés ordinaires du blanchiment, 
puis desséchés au four ou dans une étuve et con- 
servés ainsi pour être utilisés après avoir été 
trempés et cuits comme tout autre légume des- 
séché. ROLET. 


R propos des récentes expériences de M. Raoul Pictet. 


M. B. Latour a résumé récemment (1) pour les 
lecteurs du Cosmos les expériences très intéressantes 
de M. Raoul Pictet relativement à l'influence des 
très basses températures sur les combinaisons 
chimiques et sur les êtres vivants. M. Latour a fait 
justementremarquer l'absurdité et arbitraire des 
conséquences que M. Pictet a prétendu en tirer au 
point de vue philosophique. On se rappelle que le 
savant de Berlin prétendait que les êtres soumis à 
ces tres basses températures, après être morts réel- 
lement, ressusritaient quand la température remon- 
tait, « la vie étant une propriété générale de la 
matière qui se manifeste spontanément ausssitòt 
quun tissu organisé, quoique tué par le froid, 
serait mis dans des conditions convenables de tem- 
«pérature ». 

Cette hypothèse, dont M. Latour a bien fait res- 
sortir le caractère arbitraire, se rattache à la 
-théorie que nous avons discutée ici même à propos 

des idées de M. Loeb, à savoir que la vie serait 
due uniquement aux forces physico-chimiques de la 
-matière. 

Mais il nous semble que les expériences de 
M. Raoul Pictet, loin de justifier cette théorie, 
ajoutent, au contraire, une réfutation nouvelle et 
“vraiment expérimentale à celles que nous avons 
déjà données. 

(1) Voir le Cosmos, n° 1442. 


M. Pictet a démontré, en effet, que les combi- 
naisons chimiques sont absolument arrêtées au- 
dessous d'une température de — 425°. Certains 
êtres soumis à celte température sont atleints 
d'une sorte de léthargie qui disparait aussitot que la 
température est redevenue normale. 

La vie a donc persisté en eux, alors que les phé- 
nomènes physico-chimiques avaient entièrement 
cessé. La conséquence logique de ce fait très impor- 
tant, c’est que la vie n'est pas de nature physico- 
chimique, sans cela elle eùt disparu avec les phé- 
nomènes de cet ordre, car la vie une fois vraiment 
disparue ne reparait jamais. 

La vie, disons-nous, une fois disparue ne revient 
pas. Cela est un fait d'expérience constante et uni- 
verselle sur lequel il pourrait paraître oiseux 
d'insister. Mais puisque M. Pictet semble le mettre 
en doute et affirme que la vie renait dans certaines 
circonstances, il n’est pas inutile de montrer qu'il 
n'en est rien. Et ce sont les propres expériences de 
M. Pictet qui vont encore nous le démontrer. 

Car si la vie est une propriété universelle de la 
matière qui se manifeste spontanément aussitôt 
qu'un tissu organisé est dans des conditions conve- 
nables de température, comment expliquer qu'il 
y ait pour chaque espèce d'êtres une limite de 
température, au-dessous de laquelle la vie disparait 
définitivement sans qu'on puisse jamais la faire 


N° 1450 


réapparaitre. Et remarquons que cette limite ne 
coincide nullement avec la cessation ahsolue des 
phénomènes chimiques, ce qui est encore une 
preuve que les deux ordres de phénomènes chimique 
et biologique ne sont pas identiques. 

Ainsi, tandis que les infusoires et les rotifères 
résistent à des températures de — 80° à — 90°, que 
les grenouilles subissent un refroidissement et une 
congélation de — 28° sans périr, les œufs d'oiseaux, 
ceux de fourmis sont tous tués à des températures 
variant de 0° à — 5°, températures auxquelles pour- 
tant les phénomènes physico-chimiques ne sont 
nullement arrêtés, 

S'il suffisait qu'un assemblage de cellules orga- 
nisées soit mis dans des conditions convenables de 
température pour que la vie s'y manifeste sponta- 
nément, comment se fait-il qu'un être préalable- 
ment vivant, congelé au-dessous d’une certaine 
limite, ne puisse jamais plus revivre? 

Voici, par exemple, des poissons, assemblage de 
cellules organisées, que l’on soumet à des tempé- 
ratures de — 15°; leur vie semble disparaitre; elle 
subsiste cependant d’une façon latente, puisque, 
ramenés à la température normale, ils reprennent 
le cours de leur vie, tandis que si l’on abaisse la 
température jusqu’à — 20°, la vie ne réapparait 
jamais. Si l'hypothèse de M. Pictet était exacte, 
la vie devrait se manifester à nouveau, quelle que 
soit la température à laquelle ont été soumises ces 
cellules organisées, ausssi bien à — 150° qu'à — 20° 
ou qu'à 0°. 

On se souvient des théories audacieuses dont 


COSMOS 


927 


M. Loeb s'est fait récemment l'écho et que nous 
avons discutées ici même. M. Loeb prétend — avec 
l'école matérialiste dont il est le franc adepte — 
que la science arrivera un jour à faire la synthèse 
d'un être vivant et à créer la vie. Les expériences 
de M. Pictet nous permettent de juger la valeur 
de cette prétention. Car, enfin, cette synthèse d’un. 
être vivant — qui est le premier point à obtenir, — 
elle se trouve réalisée dans ces expériences. 

Voici des œufs, des infusoires qui ont été refroidis 
à des températures de — 100° à — 15500 et desquels la 
vie s’est bien définitivement retirée; leur organisme 
subsiste intégralement; il n'y a pas de différence 
entre ce qu’il était à — 60°, par exemple, et ce qu'il 
est à — 100°. Le savant a donc sous la main un orga- 
nisme complet, bien oufillé pour la vie, qui vivait 
il y a quelques minutes à peine. Et cependant, st 
l'on fait remonter la température, la vie ne repa- 
rait plus dans cet organisme. 

Qu'est-ce à dire? sinon que de créer un orga- 
nisme ne suffit pas pour créer la vie; que celle-ci 
ne résulte pas d’un assemblage de cellules orga- 
nisées mises dans des conditions matérielles con- 
venables, mais qu’il faut en outre quelque chose 
de spécial, ce que nous appelons un principe, pour 
les animer? 

Et ainsi ressort une fois de plus cette conclusion 
qui est d'ordre rigoureusement scientifique — on 
peut même dire d'ordre expérimental, — à savoir 
que la vie n’est pas de nature matérielle et ne 
dépend pas uniquement des lois physico-chimiques 
de la matière. PIERRE COURBET. 





SOCIETES SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 


Séance du 28 octobre 1912. 


PRÉSIDENCE DE M. LIPPMANN. 


Observations du Soleil faites à Observa- 
toire de Lyon pendant le premier trimestre 
de 1912. — M. Guriravue donne, comme de coutume, 
les tableaux de ces observations qui portent sur 
soixante jours pour ce trimestre. 

Il résulte de leur interprétation que le phénomène 
des taches passe actuellement par un minimum d'ac- 
tivité. La surface totale des groupes de facules est peu 
différente de celle notée précédemment, malgré que 
leur nombre soit plus élevé d’un tiers. 


Principe d’une nouvelle méthode de mesure 
de la vitesse de la lumière. — Cette méthode 
dérive du procédé classique du miroir tournant où 
l'on évalue, comme on sait, le temps que met la 
lumière à parcourir une distance connue par celui 
que met à tourner d’un angle mesuré un miroir dont 
la vitesse angulaire est connue. 

Pour éviter la mesure délicate de cette vitesse angu- 


laire, M. Cu. FéRy a imaginé un dispositif où le miroir 
concave est fixé sur l'une des branches d'un diapason. 


Sur les différents modes de décomposition 
photochimique du glucose et du galactose 
suivant la longueur d'onde des radiations. 
— MM. Daxiez BEnTuELOT et HENRY GAUDECHON ont pré- 
cédemment indiqué que, dans les décomposilions par 
la lumière, la fréquence vibratoire des radiations joue 
un rôle parallèle à celui de la température dans les 
décompositions par la chaleur. Les rayons visibles et 
l'ultra-violet initial (0,4 & à 0,3 u) agissent comme une 
élévation de température modérée qui n'attaque que 
les corps les plus altérables; J'ultra-violet moyen 
(0,3 p à 0,2 p) produit, comme la température du 
rouge, les décompositions pyrogénées el les combus- 
tions totales des matières organiques; l’ultra-violet 
extrème enfin (0,2 w à 0,1 u) dissocie les composés les 
plus stables, tels que l’eau ou l'anhydride carbonique, 
comme font les très hautes températures. 

De là ressort l'utilité de procéder méthodiquement: 
avec des radiations de fréquences croissantes et de 
déterminer pour chaque réaction les premières radia- 
tions elficaces. 


528 


Les auteurs poursuivent cette étude pour les 
sucres. La décomposition du glucose et des sucres 
aldéhydiques commence avec l’ultra-violet moyen 
entre 0,30 u et 0,15 p, la fonction aldéhyde COH est 
seule gazéifiée, et la pheotolyse donne exactement 
2 volumes d'oxyde de carbone pour 1 volume 
d'hydrogène. Puis, sous l’action de vibrations plus 
rapides, les fonctions alcooliques sont entamées, la 
proportion d'hydrogène augmente et finit par dominer 
dans le mélange. 


Influence de la lumière sur la transpiration 
des feuilles vertes et des feuilles sans chlo- 
rophylle. — Les études de M. LECLERC DU SABLoN 
l'ont conduit à constater que l'influence des radiations 
solaires sur la transpiration est du mème ordre pour 
des feuilles qui ont de la chlorophylle et pour celles 
qui n’en ont pas. On ne peut donc pas dire que l’aug- 
mentation de la transpiration au soleil est due essen- 
ticllement à l'absorption des radiations par la chloro- 
phylile. 

La cause principale de l'influence de la lumière sur 
la transpiration existe aussi bien dans les feuilles 
blanches que dans les feuilles vertes. On doit la cher- 
cher dans les variations de perméabilité de la mem- 
brane protoplasmique. 

Les expériences faites à la lumière diffuse et à l’obs- 
curité concordent avec celles qui ont eu lieu au soleil 
et à l'ombre. La transpiration est plus forte à la 
lumière diffuse qu’à l'obscurité, aussi bien pour les 
feuilles blanches que pour les feuilles vertes. 

L'intensité de la transpiration des plantes est donc 
surtout réglée par le degré de perméabilité des mem- 
branes protoplasmiques. 


Nouvelle lampe à rayonnement ultra-violet 
très puissant et son utilisation à la stérilisa- 
tion de grandes quantités d’eau. Note de 
MM. Victor HENRI, ANDRE ITELBRONNER et Max pe Reck- 
LINGHAUSEN. — Les auteurs ont constitué une lampe. 
formée d'un tube en U en quartz dont les branches se 
touchent presque, et qui fonctionne sur un réseau de 
500 volts, en absorbant 397 volts et 3 ampères. Bien 
que ne consommant qu'une puissance # à 5 fois plus 
grande, la nouvelle lampe présente un rayonnement 
ultra-violet 50 à 60 fois plus intense qu’une lampe à 
110 volts brülant au régime de 75 volts et 3,+ampères. 

Deux lampes de ce genre, en service dans une instal- 
lation urbaine de stérilisation de l’eau, n'avaient 
encore rien perdu de leur puissance de rayonnement 
après douze cents heures de fonctionnement 


Recherches sur l'urée. — L'urée est-elle pro- 
duite uniquement par les animaux? Les investigations 
que M. R. Fosse poursuit depuis plusieurs années 
l'ont amené à reconnaitre qu'elle existe au moins en 
minime quantité dans une foule de végétaux, et il 
émet ces conclusions: 

L'urée est fréqueniment contenue dans les végétaux 
supérieurs, généralement en très faible proportion. Sa 
présence peut être caractérisée dans les plantes dont 
Jes noms suivent : 

Cichorium endiria (endive et chicorée friste): Cu- 
curbita martmna (potiron); Cucumis melo (meloni; 
Brassica oleracea (choux-Ileurs); Brassica napus 


COSMOS 


7 NOVEMBRE 1912 


(navet); Spinacia oleracea (épinard); Daucus carotta 
(carotte); Solanum tuberosum (pomme de terre). 

Il serait prématuré d’en conclure que l'urée doit 
être considérée comme un produit physiologique de 
la cellule végétale. 

Il est possible que son origine, beaucoup plus loin- 
taine, remonte, soit partiellement, soit en totalité, 
à la terre végétale, où l’urée existe etse forme d'après 
les nombreuses expériences de l’auteur. 


Streptocoque sensibilisé et sarcome. — Un 
fait connu, c'est l’antagonisme du streptocoque de 
l'érysipèle humain à l'égard des tumeurs malignes 
et, en particulier, les sarcomes, quel que soit le siège 
des néoplasmes ou cancers. 

M. RosenT Ooier a réussi à rendre le streptocoque 
inoffensif pour l'organisme, tout en lui conservant ses 
propriétés antagonistes vis-à-vis de l'élément malin. 

Le premier point est réalisé par la sensibilisation 
des streptocoques dans le sérum antistreptococcique, 
selon la méthode de Besredka. 

La sensibilisation, et c'est là le point important, ne 
lui fait pas perdre ses propriétés antagonistes vis-à-vis 
de la cellule maligne sur laquelle le virus exerce une 
action nocive, quel que scit le point de l'organisme où 
on l'injecte. 


Acide dilactylique racémique et acide dilactylique 
inactif. Note de M. E. JuncrLEIscH. — Sur la mutation 
gemmaire culturale de Solanum immite Dunal. Note 
de M. Évouarv HecxeL. L'auteur donne des détails sur 
ses nouvelles expériences pour arriver à la mutation 
de ce tubercule; par le fait, le Solanum Jamesii Torray, 
cultivé depuis trois ans, n'a pas encore donné 
mutation de ses tubercules, sinon une transformation 
de la couleur. — Éléments provisoires de la comète 
1912 b. Note de M. A. ScHauMasse. — Identité probable 
de la nouvelle comète 1912 à avec la comète périodique 
Tuttle. Note de M. G. Fayer. — Observations de la 
comète 1912 a (Gale), faites à l'Observatoire de Mar- 
seille. Note de M. BonnELLy. — Sur certains systèmes 
conjugués. Note de M. À. PEror. — Remarques sur 
certains théorèmes d'existence. Note de M. Maurice 
GEvREY. — Le théorème de M. Picard et les fonctions 
multiformes. Note de M. Geonces Rémorxpos. — Écla- 
teur électrométrique constitué par deux sphères con- 
ductrices. Calcul des charges, des potentiels, de l’action 
mutuelle de disruption. Note de MM. A. Guizcer et 
M. AUBEnT. — Cryoscopie dans le sulfate de soude 
à 10 molécules d’eau. MM. A, Bouraric et C. LEENHARDT. 
— Hydrolyse photochimique des solutions trèsétendues 
d'acides chloroplatiniques. Note de MM. Pare Jos et 
Mancez Bozz. — Sur l'écrouissage. Note de M. HaxrioT; 
l’auteur donne une nouvelle définition de l’écrouis- 
sage el propose de l’apprécier par un nombre, rapport 
des duretés du métal considéré et de ce même métal 
complètement recuit. — Étude sur les sulfites doubles 
alcalins et de mercure. Note de M. H. Baubienr. — 
Action de l’eau oxygénée sur le trithiényle. Note de 
M. Maurice Laxray. — Action de l'acide formique sur 
les triarylearbinols. Note de MM. A. Guyor et A. KovAcHE. 
— Sur quelques nouveaux dérivés de la phénylisoxa- 
zolone. Note de M. Axnré Meyer. — Recherches sur les 
méthodes de dosage des saponines. Note de M'™ MArie 
Konsakopr. — Calcul du débit des pelites rigoles et des 


N° 1450 


caniveaux. Note de M. RiIXGELMANN. — Synthèses de glu- 
cosides d’alcools à l’aide de l’émulsine. Isopropygluco- 
side 8 etisoamylglucoside 8. Note de MM. Eu. Borrque- 
LoT et M. BaioEez. — Le rôle de la caféine dans l'action 
diurétique du café. Note de MM. M. Tirrexeac et H. Bus- 
quer ; les auteurs établissent que la décaféination fait 
perdre au café la majeure partie de ses etlets sur la 
sécrétion rénale, et la caféine est l'agent, sinon exclusif, 
tout au moins principal de l’action diurétique du café. 
— Sur la nutrition minérale du bacille tuberculeux. 
Note de M. B. Sautox. — Sur quelques points de l'ana- 
tomie des organes génitaux mâles des Lémuriens. 
Note de M. Max KoLumanx. 





ASSOCIATION FRANÇAISE 
POUR L'AVANCEMENT DES SCIENCES!) 
Congrès de Nimes. 
Météorologie et Physique du globe. 


Section présidée par M. le chanoine V. Raczor, 
directeur de l'Observatoire de Langres. 


M. E. DuRAND-GRÉVILLE présentetroiscommunicalions: 
1t La « Loi des grains » complétée par la « Loi des 
crochets de grains ». = Ce nom de crochet de grain est 
le véritable nom de ce qu'on appelle souvent nez 
d'orage ou crochet d'orage. W\ peut affecter les formes 
les plus variées : sa forme dépend, d'ailleurs, unique- 
ment de l'angle que fait le ruban de grain avec la 
trajectoire du centre de la dépression dont il fait 
partie. Tout crochet de grain est marqué dans le 
barogramme par une déviation qui peut, même dans 
certains cas, n'être qu’une cessation brusque de la 
baisse, ou, mieux encore, une simple diminution 
brusque de la rapidité de la baisse; tous les points du 
crochet se trouvent toujours au-dessus des points 
correspondants du barogramme régulier qui aurait 
été tracé si la dépression n'avait pas eu de ruban de 
grain. 

% Les rubans de grains et l'aviation. — I faut, dans 
l'intérêt des aviateurs, arriver à établir un service 
d'annonce rapide des grains. En attendant, voici les 
précautions à prendre : quand l'aviateur voit paraître 
à l'horizon la masse nuageuse le plus souvent conco- 
mitante au grain, ou quand il aperçoit 'au loin la 
poussière du sol soulevée par le vent de grain, il doit : 
1° s'élever à quelques centaines de mètres pour éviter 
les remous; 2? manæœuvrer pour se diriger exactement 
contre le vent de grain (ordinairement, dans nos 
régions, le vent de grain se déplace vers l'E. ou 
l'E.-N.-E.). Le vent redevenant ensuite modéré, il 
reprendra sa route. Ainsi sera évité le danger d'être 
culbuté par le vent violent pris obliquement. 

3° Mise au point de quelques objections à la théorie 
des grains et de la grèle de M. Durand-Gréville. 
M. GABRIEL Guicperr (Caen). — De la prévision des 
orages. La conclusion de ce travail est que toute pré- 
vision d'orage doit se baser sur l'examen simultané 
de la situation barométrique et des successions nua- 
geuses, Plus que les dépressions, les nuages indiquent 


(1) Suite, voir p. 500. 


COSMOS 


529 


pour le lendemain la direction et la vi'esse de l’orage 
attendu qui suit une direction rectiligne ou du moins 
une courbe de très grand rayon, vingt-quatre ou qua- 
rante-huit heures d'avance. L’orage, le cirro-nimbus, 
n'existe donc que dans les hautes régions, et dès lors 
il ne peut y avoir aucun moyen d'action ni sur leur 
trajectoire ni sur leurs effets. 

La descente progressive des nuages supérieurs est 
peut-être une cause de destruction des orages. 


M. le D' E.-J. Marovès (Toulouse). Opinions sur l'ori- 
gine du magnétisme terrestre. — L'auteur fait l'his- 
torique de la question depuis 1660, où Gilbert avanca 
que la Terre devait ètre considérée comme un aimant 
puissant. L'auteur admet que chacune des diverses 
théories énoncées parait contenir une part de vérité 
et qu'on devrait admettre que le magnétisme terrestre 
résulte de trois phénomènes principaux que l'on 
pourrait désigner, suivant leur localisation : 1° dans 
la lilosphère :2° dans l'atmosphère ; 3° dans le noyau 
central. Il recherche ensuite d’où viendrait le champ 
magnétique inducteur. Il rappelle à ce sujet la théorie 
de M. Bigelow, l'argument qui lui est contraire de 
lord Kelvin. Suit une étude des orages magnétiques. 
Les variations du champ magnétique inducteur et les 
ébranlements électro-magnétiques seraient produits 
par une cause unique, et ces deux etlets d’une même 
cause nous arriveraient simultanément du Soleil, 
avec la vitesse de la lumière, pour modifier les cou- 
rants électriques normaux de notre atmosphère et du 
noyau central de notre sphère, modifications que nous 
percevrions sous forme de perturbations et d'orages 
magnétiques. 


Recherches sur les causes des perturbations de latino- 
sphère. M. ALBERT Novos (Bordeaux), — Ces recherches 
ont été faites en s'aidant des documents suivants : 
t° Les cartes publiées par le ministère de l'Agricul- 
ture des États-Unis d'Amérique: % l'état de la sur- 
face solaire d’après les relevés mensuels de l'Obser- 
vatoire de Cartuja; 3° les positions planétaires par 
rapport au Soleil d'après des relevés en collaboration 
avec M. de Cointeville, d’après les tables du Bureau 
des Longitudes; + les positions de notre satellite 
d'aprés les annuaires astronomiques; à les relevés 
de l’état général de l’atmosphère, particulièrement en 
Europe. Etude qui porte sur les trois années 1909, 
1910, 1911, proches du minimum solaire actuel 1911- 
1912. 


M. Raphaez Dusois (Lyon) présente une Vote pour 
servir à l'étude du méranisne de la formation de la 
gréle, dans laquelle il attire l'attention des météoro- 
logistes sur le fait que chaque grèlon contiendrait, ainsi 
qu'il l'a constaté à laide da microscope, des pous- 
sivres. Ce fait, d'après un certain nombre de metċoro- 
logistes et particulièrement selon l'opinion du D' Vidal 
(d'Hyères), pourrait ouvrir une voie nouvelle de 
recherches dans le domaine sì peu connu encore des 
orages de grèle. 


Des orages en général. Le D'E. Vivar (Hyères) pré- 
sente sur ce sujet un important mémoire dans lequel 
il étudie : la genèse des orages, les tourbillons (pro- 
duction de la gréle}), la direction des orages. Sa con- 
clusion est qu'il faut : 1° que l’État favorise non 


530 


seulement les divers procédés ayant donné depuis 
plusieurs années des résultats favorables dans la lutte 
contre la grêle, mais encore celui proposé par M. de 
Beauchamp; 2° que la question de la lutte contre la 
.grèle soit reportée au prochain Congrès, dans lequel 
M. Vidal compte s'occuper des orages de grele en 
particulier. 


MM. L. Povez et le professeur ALserTt TurParn (Poi- 
tiers). Observations, enregistrements et prévisions 
d'orages faits au poste de Paris-la-Nation (rue de 
Lagny) de juillet 1911 à juillet 1912. — L'emploi 
d'appareils d'enregistrement et cohéreur à aiguilles a 
pu éviter au parc paragrèle de Montreuil la dépense 
d'un tir inutile à maintes reprises, soit environ 
200 francs chaque fois. Les enregistrements de cette 
station constituent de plus des documents météoro- 
logiques de grande valeur. Les indications combinées 
qu’elle donne permettent également parfois de prévoir 
vingt-quatre heures à l'avance des temps orageux, 
comme cela est arrivé pour la prévision du 3 juillet. 


Coups de foudre et mise à terre. M. ALBERT TURPAIN. 
— Pour que l'effet des paratonnerres soit efficace, 
‘il résulte de ce mémoire qu'il est nécessaire : 1° que 
le conducteur vertical soit exactement rectiligne, pre- 
nant terre au point même qui le projette sur le sol; 
V que la réduction soit égale au minimum de la self- 
induction. 


COSMOS 


7 NOVEMBRE 41912 


Atertissements météorologiques agricoles donnés 
par l'Observatoire de Perpignan au cours de 1913 et 
leur opportunité suivant les conditions de milieu. 
M. O. MENGeL. 


M. le chanoine V. Raccor : 4° Vague de froid du 
2 au 6 février 1912 sur le plateau de Langres. — 
Il ressort de son diagramme que les brusques et forts 
refroidissements, l’hiver, sont plutôt l'effet des dépres- 
sions que du vent et de la nébulosité. 

2° Anomalies de la direction du vent de janvier 1911 
a mars 1912. — Elles ont consisté en ce que, de 
janvier jusqu'à septembre 1914, les courants polaires 
avaient sensiblement prédominé, mais depuis sep- 
tembre 1911 jusqu’à mars 1912, la prédominance est 
revenue aux équatoriaux, au point non seulement 
de rétablir l’équilibre en leur faveur, mais de leur 
donner mème une prépondérance de vingt-trois jours. 

3° Prévision du temps à longue échéance de juin 1911 
a mai 1912. — Deux méthodes ont permis toutes 
les prévisions, dont une ‘pour les trimestres. La pre- 
mière méthode n’a eu que des succès pour le baro- 
mètre et le thermomètre, tandis que la deuxième n’a 
eu que des échecs, et pourquoi? À raison de la pré- 
pondérance, cette année, de la loi de période sur celle 
d'équilibre. Quant à la pluie, il n’y a eu que des 
échecs, qui portent sur les deux méthodes. 

(A suivre.) E. HÉRICHARD. 





BIBLIOGRAPHIE 


Conférences sur quelques thèmes choisis de 
la chimie physique, pure et appliquée, par 
SVANTE ARRHÉNIUS, directeur de l'Institut Nobel 
scientifique à Stockholm. In-8° de 112 pages, 
avec figures (3 fr). Librairie scientifique A. Her- 
mann et fils, 6, rue de la Sorbonne, Paris, 1912. 


Le savant suédois a donné ces conférences à 
l'Université de Paris, du 6 au 13 murs 1911. Elles 
ont trait aux objets suivants : 

4° La théorie moléculaire. L'auteur constate 
qu'elle a triomphé aujourd’hui des attaques des 
énergélistes, tel le chimiste Ostwald, qui concède 
que la matière n'est pas continue, mais divisée en 
particules distinctes, qui ne sont autres que les 
molécules de la chimie; il loue hautement la va- 
leur ct l'élégance du travail de M. J. Perrin, sur 
la détermination du nombre de particules conte- 
nues dans une molécule-gramme; 

2° Les suspensions et les phénomènes d’absorp- 
tion. Il montre les rapports de continuité qui 
existent entre les solutions proprement dites et les 
suspensions colloïdales; 

30 L'énergie libre et la mesure de l'affinité 
chimique; 

+ Les atmosphères des planètes ; 

9" Les conditions physiques de la planète Mars. 
Arrhénius estime très peu probable que la planète 


soit susceptible de porter quelque végétation. La 
température moyenne y serait d'environ — 28° C., 
la sécheresse extrème, le climat désertique ; les 
nuages qui cachent parfois une partie de la surface 
du sol martien seraient dus à la poussière fine 
soulevée par le vent. D’auteur estime que le pro- 
blème martien doit être résolu en se servant le plus 
possible des analogies terrestres. Les « canaux » 
de Mars sont assimilables à telles lignes de brisure 
de l'écorce terrestre reconnues par les géologues 
en Bohème, en Calabre, dans l'Amérique du Nord 
et du Sud. 


Encyclopédie Roret. — Librairie Mulo, 12, rue 
Hautefeuille. 


Conducteur de chaudières à vapeur, par P. BLa- 
CARNOUX, ingénieur A. M. (3 fr). 


Les nouvelles chaudières, munies de systèmes 
tubulaires compliqués de surchauffeurs, etc., de- 
mandent à ceux qui les conduisent un peu plus de 
science que celle qui suffisait à leurs prédécesseurs. 

Dans ce petit ouvrage, écrit pour les ouvriers, 
M. Blancarnoux leur apprend une foule de choses 
qu'ils devraient tous connaitre. Son livre parle 
successivement de la combustion et de la vapori- 
sation, des chaudières et de leurs accessoires: enfin, 
de leur conduite et de leur entretien. 


N° 1450 


L'ouvrage se termine par une longue liste des 
accidents causés par les générateurs, véritable 
leçon de choses qui montre ce qu’il faut faire et 
ce qu’il faut éviter pour échapper aux catastrophes. 


Nouveau manuel complet du jeu de cartes, par 
E. Lones, receveur des postes en retraite (3,50 fr). 


Il parait que l'on joue aux cartes plus que jamais; 
nous nous inclinons devant cette asserlion, quoique 
nous soyons loin de l'avoir constatée autour de 
nous. 

Au surplus, il ne serait pas étonnant que cette 
passion se soit développée, si nous en jugeons par 
la liste formidable de jeux divers que M. Lones 
nous révèle. Nous ne savons où l’on pourrait trou- 
ver ailleurs des règles de jeux si nombreuses et si 
variées. On les a souvent données pour les jeux 
principaux : écarté, whist, bridge, piquet, etc., etc., 
mais où trouver celles de la sizette, de la tritride, 
et de vingt autres? M. Lones a comblé cette lacune 
pour les amateurs de ce genre de curiosités, mais 
il a fait plus; non seulement il expose les règles 
des jeux, mais aussi la facon de les utiliser, et leur 
philosophie. 


Manuel pratique de chauffage central, par 
L. PREISNER, ingénieur. Un vol. in-8° de 46 pages 
(broché, 1,75). Librairie Desforges, 29, quai des 
Grands-Augustins, Paris. 


Nos ancêtres ne connaissaient, pour se chauffer 
en hiver, que les cheminées, qui consomment énor- 
mément sans donner de chaleur; les poêles, et 
surtout les poêles mobiles, sont plus économiques, 
mais donnent des craintes permanentes d’asphyxie. 
Le seul mode pratique de chauffage est le chauffage 
central, qui peut se placer indifféremment dans les 
bâtiments nouveaux et dans les anciennes con- 
structions. 

La brochure de l’auteur a pour but de mettre au 
courant de la question un grand nombre de per- 
sonnes qui ignorent tout du chauffage central. Ces 
quelques pages leur montreront {ous les avantages 
de ce système en même temps que sa simplicité et 
son économie. 

L'auteur décrit une installation de chauffage par 
la vapeur à basse pression, une autre par l'eau 
chaude, montre dans quel cas l’une est préférable 
à l’autre, indique les calculs nécessaires pour con- 
naitre d'avance l'importance de l'installation à 
faire et donne des conseils pour la bonne marche 
et l'entretien des appareils. 


Nos mitrailleuses, ce qu’elles sont, ce qu'il 
faut en attendre, par le L' DuPsyré. Un vol. 


COSMOS 


531 


in-8° de 98 pages, avec gravures (2 fr). Librairie 
Berger-Levrault, 5, rue des Beaux-Arts, Paris. 


La mitrailleuse apparait pour la première fois 
sur les champs de bataille pendant la guerre de 
Sécession. En 1870, la France possédait des mi- 
trailleuses qui, mal connues des servants et des 
officiers, ne donnèrent pas de bons résultats. Depuis 
cetle époque, diverses campagnes, et surtout la 
guerre russo-japonaise, ont montré toute la valeur 
de cet engin meurtrier, appelé par les Russes 
« l'arrosoir du diable ». 

Comme toutes les armées européennes. l’armée 
française est dotée d’une mitrailleuse. Par ses qua- 
lités, celle-ci peut ètre comparée avec avantage à 
celles des autres puissances. L'effet que peut produire 
cet engin meurtrier est considérable, à la condition 
qu'il soit entre les mains d'hommes très exercés et 
d'officiers spécialement aptes à les commander. 

Le lieutenant Dupeyÿré à voulu donner, dans cet 
ouvrage très intéressant, une idée précise de lor- 
ganisalion des mitrailleuses en France : répartition 
entre les différentes armes, organisation des sec- 
tions, approvisionnement et matériel affecté à 
chaque section; puis il étudie les conditions d’uti- 
lisation des engins en tempsde guerre, soit à l’avant- 
garde, soit pour soutenir l'infanterie ou la cava- 
lerie, dans l'offensive et dans la défensive. Des 
exemples tirésde la guerre russo-japonaise montrent 
éloquemment la puissance meurtrière de cette arme 
et le rôle si considérable qu’elle sera appelée à 
jouer dans la prochaine guerre. 


La puissance navale nécessaire, par le contre- 
amiral Darrieus. Une brochure de 62 pages 
(0,25 fr). Librairie Bernard Grasset, 61, rue des 
Saints-Pères. 


Par le développement de ses côtes, la France 
doit avoir une marine militaire puissante: une 
armée très forte qui ne serait pas soutenue par une 
flotte nombreuse et entrainée serait pratiquement 
insuffisante pour assurer la sécurité de notre 
pays. 

En effet, sans marine militaire, nous assisterions 
en temps de guerre à la destruction de nos navires 
de commerce, chargés de nous approvisionner, au 
débarquement des troupes ennemies sur nos côtes 


et au bombardement de nos ports, à l'impossibi- 


lité de transporter notre armée d'Afrique. 

La puissance navale n’est pas un luxe pour la 
France, c'est une nécessité; cette vérité, longtemps 
méconnue, ne semble pas encore admise actuelle- 
ment. Souhaitons que le cri d'alarme de amiral 
Darriens soil enfin entendu de nos gouvernants. 


COSMOS 


7 NOVEMBRE 1912 


PETITE CORRESPONDANCE 


Adresses des appareils décrits : 

Télégraphie sans fil: Fil émaillé pour bobines d’ac- 
cord, ébonite, règles et tubes de laiton carrés : quin- 
caillerie Doré, 26, rue des Écoles, Paris. — Bobines 
d'accord: Ducretet et Roger; Ancel, 91, boulevard 
Pereire; Chaudet, 10, rue Dupetit-Thouars, Paris. — 
Tubes de carton 0,08 X 0,80: Chouanard, 190, quai 
Jemmapes (0,40 fr); tubes plus forts : Ruggieri, 
94, rue d'Amsterdam. — Galène, plomb en poudre : 
Poulenc, 122, boulevard Saint-Germain. — Galène spé- 
cialement sélectionnée pour T. 8. F.: Pellin, 5, avenue 
d'Orléans; Ancel. — Pyrite de fer sensible: Ducretet 
et Roger, Ancel. 


M. L. L., à P. — Oui, les articles sur la télégraphie 
sans fil que nous publions en ce moment seront tirés 
à part en une brochure. — Pour lire au son, il n'y a 
pas d’autre procédé que la persévérance. Au début, 
s'habituer à écrire les signes Morse transmis par la 
Tour, surtout à 8° et 140*49" du matin et 3* du soir, 
moments où la transmission n'est pas trop rapide, 
puis les traduire. Au bout d'une quinzaine de jours, 
vous les saurez bien par cœur, et il vous sera facile 
de les comprendre sans écrire. Pour les nouvelles 
données entre huit et dix heures du soir, il vous faudra 
plus longtemps pour pouvoir les comprendre, à cause 
de l'allure rapide de la transmission. 

M. P. B., à S. S.-P. (Réunion). — Les cylindres 
moulès pour phonographes sont en cire. Pour effacer 
l'impression devenue défectueuse, il faut prendre un 
morceau de peau de chamois, verser quelques gouttes 
d'essence de térébenthine et frotter légèrement en 
faisant tourner lentement le cylindre à la main; quand 
les traces de l'enregistrement ont disparu, on frotle à 
nouveau de la même façon, mais en remplaçant la 
térébenthine par de l'alcool du commerce. Ce procédé 
amollit la partie superficielle de la cire. Peut-être 
qu'en procédant de suite à une nouvelle impression 
du rouleau vous obtiendriez un bon résultat. Le moyen 
que vous proposez ne semble pas pratique, car la sur- 
face du cylindre doit rester parfaitement cylindrique. 

M. M. T., à F. — Nous avons dit quelques mots du 
vieillissement artificiel des eaux-de-vie. (Voir Cosmos, 
t LVII, n°1193, p. 607.) — Pour plus de détails, re- 
portez-vous à l'ouvrage de M. E. DouzaL: Production 
électrique de l'osone et applications industrielles 
(43 fr). Librairie Béranger, 15, rue des Saints-Pères, 
Paris. 

M. A. L., à M. — Les moulins électriques à café et 
à épices, décrits dans le numéro 1428 du 6 juin der- 
nier, se trouvent à la Société française Oerlikon, 
9, rue Pillet- Will, Paris. 

M. P. V., à S. — Le Cosmos a donné un article sur 
l'industrie de la bauxite dans le numéro 14143 du 
92 décembre 1906. Vous y trouverez les renseigne- 
ments que vous demandez. Ces renseignements sont 
forcément assez restreints. Vous en trouverez de plus 
complets dans l'ouvrage: l'Aluminium, par Moisson- 
NIER (7,50 fr). Librairie Gauthier-Villars, 55, quai des 
Grands-Augustins, Paris. Nous vous faisons envoyer 
le numéro du Cosmos. 


R. P. H. B., à O. — Nous n'avons pas d'autre 
adresse que celle donnée dans l’article. Elle suffit, 
d'ailleurs. La Société pour la fabrication de la pompe 
Rotoplunge a son siège à Cardiff (Angleterre). 


M. H., à H. — Nous avons donné autrefois un for- 
mulaire pour faire réapparaitre l'encre pâlie. Veuillez 
vous reporter au tome XLIV, n° 856, p. 798. Mais il 
faudra apporter quelque précaution à l'opération et 
faire d’abord un essai sur de petites dimensions. — 
Nous pensons qu'il s’agit d'un article de M. l'abbé 
Breuil (« Sur la présence d'éolithes à la base de 
l’éocène parisien ») qui a été publié dans la revue 
l'Anthropologie (librairie Masson), t. XXI, 1910. 


R.P.P.F..à M.(Canada). — Librairie numismatique 
Rollin et Feuardent, #, rue de Louvois. On vous y 
fournira les renseignements demandés. — Pour les 
tableaux muraux d'enseignement, librairie Émile 
Deyrolle, 46, rue du Bac, Paris. — Ces décalcomanies 
se font surtout pour projections et en ont le format. 
Le service des projections de la Bonne Presse pourra 


vous procurer celles dont vous avez besoin. 


M. G. L., à D. — Dans ces conditions, nous vous 
conseillons plutôt le livre de DE VALBREUSE. — Ce livre 
et les articles que nous publions actuellement vous 
permettront de faire les expériences nécessaires. Nous 
ne connaissons pas d'ouvrage répondant directement 
à cette question. 


R. J., à T. — 1° Chaque mètre de votre self repré- 
sente une certaine longueur équivalente sjoutée à 
l'antenne, longueur que l’on peut noter par la lettre y. 
Soit zx la « valeur » (en mètres) de votre antenne. Vos 
essais variés vous permettent de former diverses 
équations d'où vous dégagerez T et y. Exemple : pour 
la tour Eiffel, longueur d'onde, 2 200 mètres, correspon- 
dant à une antenne équivalente de 550 mètres : l’équa- 
tion serait æ + 42 y — 550; le nombre 42 élant la 
longueur de self que vous indiquez. Si la station Mar- 
coni travaille avec une longueur d'onde de 4000 mètres, 
vous obtenez une autre équation : æ + 80 y — 1 000. 
Essayez ainsi d'obtenir au moins une première 
approximation, que vous contrôlerez, si vous con- 
naissez la longueur d'onde de divers autres postes. — 
Plusieurs incertitudes subsistent. D'abord, êtes-vous 
en accord avec la longueur d'onde fondamentale ou 
avec une des harmoniques? D'autre pert, une spire 
ou une longueur / de votre self a une « valeur » qui 
est susceptible de varier avec la position du curseur. 
Quand la hauteur de la bobine est double de son dia- 
mètre, une longueur l de fil enroulé (en une seule 
couche) équivaut sensiblement à une longueur l d'an- 
tenne ; si la bobine est très courte, relativement à son 
diamètre, une longueur l de fil équivaut à une lon- 
gueur nl d'antenne, n étant plus grand que 1 et pou- 
vant mime devenir assez grand. — 2 Vous trouverez 
la réponse à celte autre question dans l’article de 
M. P. Corret, en cours de publication. 


1 


Imprimerie P. Fenon-Vaav. B et B, rue Bayard, Paris. VIII®. 
Le gérant: A FaAiGLs. 


No 1451 — 14 NOVEMBRE 1912 


COSMOS 


533 


SOMMAIRE 


Tour du monde. — Encore une nouvelle comète 1912 c (Borrelly). L'identité de la comète 1912 b (Schau- 
masse) avec la comète de Tuttle. Le Soleil est-il une étoile variable? La foudre et les arbres. La pluie 
augmente -t-elle à Paris? Les puits artésiens de Londres. Les poissons du Sahara. L’ « électrit », un 
nouvel abrasif. Engrenages en étoffes comprimées. L'industrie des gants à Grenoble. Refonte des papiers 
imprimés. Le papier de genèts. Éponges en papier. L'emploi de l'ozone dans les frigorifiques, p. 533. 


La grue flottante de sauvetage de l’arsenal de Pola, Beer, p. 537. — L’huile de ricin et l'aéroplane, 
F. Marre, p. 540. — Télégraphie sans fil : réception à domicile des signaux horaires (suite), 
D' Pigare Corner, p. 541. — La boussole gyroscopique Sperry, Mancuaxp, p. 545. — Les méthodes 
modernes de diagnostic sérologique, D' Go6&i4, p. 549. — L’astronomie physique et la théorie 
cinétique des gaz, D' Nono, p. 552. — Sociétés savantes : Académie des sciences, p. 555. Société 


astronomique de France, B. Latour, p. 
HércHaRD, p. 557. — Bibliographie, p. 558. 


556. Association française pour l'avancement des sciences (suite). 








TOUR DU MONDE 


ASTRONOMIE 


Encore une nouvelle comète, 1912 c (Bor- 
relly). — Alors qu'on n'avait découvert aucune 
comète pendant les sept premiers mois de l’année, 
elles se suivent maintenant avec une rapidité 
déconcertante. 

La troisième a été trouvée le 2 novembre au 
soir, à l’antique Observatoire de Marseille, fondé 
en 4702 par la Compagnie de Jésus. L'auteur de 
la découverte est M. A. Borrelly, qui, comme on 
sait, n’en est pas, sous ce rapport, à son coup 
d’essai. Le 2 novembre, à 71397,9 temps moyen 
local, la comète occupait la position apparente 
suivante : 


R =A Q = —+ 3857, 


e'est-à-dire près de f Hercule, à 42 degrés environ | 


à l’ouest de Véga de la Lyre. L’astre se dirigeait 
vers Le Sud-Est et son éclat était de 10° grandeur. 
Le lendemain, 3 novembre, M. Kritzinger, l'obser- 
vant avec le grand équatorial de 29 centimètres 
de l'Observatoire de Bothkamp (Holstein), près de 
6 Hercule, lui trouvait un éclat total de grandeur 8, 
une condensation centrale de grandeur 9, et une 
faible chevelure elliptique mesurant 5’ sur 4. 
_ Ce même jour aussi, M. Abetti lui trouvait à 
Areetri (Florence) l'éclat d’une étoile 9,5. 

Les éléments paraboliques provisoires du nou- 
vel astre ont été caleulés par M. H. Kobold d'après 
les observations des 3, 4 et 5 novembre et publiés 
dans le cireulaire n° 437 de la Centralstelle de 
Kiel (7 novembre). Les voici : 


T = 1912 oct. 21,9879 T. M. Berlin 


w = :401°31,21 

= 144 52,69 ? 1912,0 

i = 424 9,604 

q = 0,04572 — 166 097 000 km. 


Ne 1451. 


M. Kobold en a tiré l’éphéméride suivante qui 
permettra de trouver l’astre sans difficulté : 


| DISTANCE 
naATe 1912 
ASCENSION | Aa] Flat 
Minuit noi DEGLINAISON | oy 41 a 
| Berlin. Soleil, | Terre. 
Ü Nov. 8] 1832 4e | + 2853,4 
0! 49 38 4 | + 27 20,2 
| 10 | 48 43 38 | 2048,3 | 
| I 48 58 58 + 2419,7 11,16011,071| 8,5 
121 18 54 2 | + 2253,3 
| 131 A8 58 51 | Æ 21 29,8 
| 141 19 325 | + 20 7,8 
| 151 19 746 | + isis 9 [1,18011, 1481 8,7 
| 16 | 19 1156 | L 1732, 
| 17 | 49 1555 | — 16 19,2 
| 18 | 491943 | +15 8, 
| 49 | 19 2321 | + 12596 |1,2031/1, 236| 8,9 


On voit, d'après ces données, que la comète a 
déjà passé au plus près du Soleil le 21 octobre, 
donc avant sa découverte, et que depuis lors elle 
s'éloigne à la fois de l'astre central et de la Terre. 
Par suite, son éclat doit théoriquement diminuer. Il 
est possible qu’il ait été plus considérable le mois 
dernier et qu’on retrouve l’astre sur des photogra- 
phies. | 

Pendant tout le mois de novembre, la comète 
pourra être aperçue dans une petite lunette. File 
a passé au sud de la Lyre, va traverser la Flèche 
et entrer dans l’Aigle, où nous la perdrons de vue 
en décembre. 

Cette comète est, croyons-nous, la septième que 
découvre M. Borrelly. 


534 


L'identité de la comète 1912 b (Schaumasse) 
avec la comète de Tuttle. — M. G. Fayet, con- 
sidérant les grands écarts entre les dates du passage 
au périhélie et les déclinaisons géocentriques de 
Ja comète Schaumasse et de la comète de Tuttle, 
avait exprimé certains doutes sur l'identité des 
deux astres. Il était certain qu'ils se mouvaient 
dans des orbites presque semblables, mais l'erreur 
de 5° dans l’anomalie moyenne et la différence de 
presque 4” dans le moyen mouvement auraient pu 
conduire à croire que la comète de Tuttle s'était 
divisée, comme autrefois celle de Biéla, et que 
M. Schaumasse n'en aurait retrouvé qu'un des 
fragments. 

L'habile calculateur de Nice a cependant re- 
cherché si les écarts constatés ne pouvaient pas être 
attribués aux perturbations survenues depuis 1899 
et négligées dans l'éphéméride publiée pour cette 
année, et il a trouvé qu'à la fin de 1900 la comète 
de Tuttle s'était approchée de Jupiter jusqu’à une 
distance minimum inférieure à 0,8 (119 600 000 km). 
Recherchant ensuite rapidement l’effet approximatif 
de ce passage de la comète aussi près de la plus 
grosse planète de notre système, M. Fayet trouve 
que le passage au périhélie se produit le 9 octobre 
1912, c’est-à-dire {rois mois plus tôt que ne l'indique 
l'orbite de 1899. Et dans ces conditions, M. Fayet 
conclut que l'identité de la nouvelle comète décou- 
verte par M. Schaumasse avec celle de Tuttle est, 
sinon certaine, du moins assez probable. 

Il serait néanmoins fort intéressant que le calcul 
complet des perturbations pour l'intervalle 1899-41912 
soit entrepris et qu’on ne néglige plus, à l'avenir, 
un travail aussi ulile. 

Ajoutons encore qu'il résulte d'une communica- 
tion de M. William R. Brooks, le célèbre « chasseur 
de comètes » de Geneva (Etats-Unis), que celui-ci 
découvrit indépendamment la comète de Tuttle 
deux jours après M. Schaumasse, le 20 octobre au 
malin. Il en avisa télégraphiquement les astro- 
nomes de Cambridge le 20 à 6 heures du matin, 
alors qu'il n’apprit qu’il avait été devancé par son 
collègue français que dans l'après-midi du même 
jour. 


Le Soleil est-il une étoile variable? — 
Science (25 octobre) signale le retour en Amérique 
de l'expédition scientifique faite en Algérie par 
M. Abbot, directeur de l'Observatoire astrophysique 
smithsonien. Celte mission a résidé durant cinq 
mois à Bassour (Algérie) pour compléter et achever 
l'étude de la variabilité du Soleil. : 

Voici sept ans que l'Observatoire gmithsonien 
poursuit des mesures au mont Wilson (Californie) 
concernant la quantité de chaleur solaire reçue 
quotidiennement soit à la surface de la Terre, soit 
à la limite supérieure de l'atmosphère. 

Les premiers résultats indiquaient que le Soleil 
est une étoile variable; la variation de son rayon- 


COSMOS 


14 NOVEMBRE 1942 


nement atteindrait une amplitude de 5 à 10 pour 
400, et la périodicité, irrégulière, serait de cinq à 
dix jours. 

L'an dernier, comme nous l’avons dit (Cosmos, 
t. LXVI, n° 1443, p. 197), M. Abbot a déjà observé 
en Algérie, tandis que son collègue, M. Aldrich, 
exécutait des mesures analogues au mont Wilson, 
en Californie. Voici la raison de ces observations 
simultanées. Les mesures exécutées au mont Wil- 
son peuvent avoir été affectées par les conditions 
atmosphériques locales. Mais, l'Algérie et la Cali- 
fornie étant distantes d’un tiers de la circonférence 
terrestre, il est peu probable que les circonstances 
locales viennent affecter les deux stations, au 
même jour, de la même manière. Les observations 
de 1911 supportaient bien l'hypothèse de la varia- 
bilité solaire, mais la nébulosité n’a pas permis 
de multiplier suffisamment les jours d'observation 
pour rendre l'expérience décisive. Aussi M. Abbot 
a cru devoir la reprendre cette année. 

Il a été assisté en Algérie par M. Anders Knutson 
Angström, d'Upsala (Suède), le petit-fils d’Anders 
Angström, dont le nom est à jamais associé à l’his- 
toire de la spectroscopie; le fils de Knut Angstrôm, 
qui a inventé nombre d'instruments remarquables 
pour mesurer la radiation solaire. i 

Les observations faites à Bassour cette année 
sont, parait-il, très satisfaisantes. Elles ont occupé 
soixante-quatre jours, sur lesquels cinquante au 
moins correspondent à des observations simultanées 
exécutées par M. Fowle au mont Wilson. On a 
tout lieu de croire qu'elles seront décisives et per- 
mettront de répondre catégoriquement par oui ou 
non à la question de la variabilité du Soleil. 


ÉLECTRICITÉ ATMOSPHÉRIQUE 


La foudre et les arbres. — Le service forestier 
des États-Unis publie dans son Bulletin 4144 un 
relevé des incendies de forèts causés par la foudre; 
les données ont été fournies par 3000 employés 
du service. Une fois de plus, on reconnait là que 
la prétendue préférence de la foudre pour cer- 
taines espèces d'arbres est un préjugé populaire. 

Voici, d'après le Scientific American du 19 oc- 
tobre, les conclusions énoncées dans le Bulletin : 

41° Les arbres sont, de tous les objets, les plus 
fréquemment frappés par la foudre, parce que : 
a ils sont très nombreux; b ils sont comme une 
extension du sol lui-même vers les nuages orageux; 
c leurs branches étendues dans l’air et leurs racines 
rayonnant dans le sol représentent une forme 
idéale pour conduire une décharge électrique vers 
la terre. 

2 Toutes les espèces d'arbres sont indifférem- 
ment frappées par la foudre. 

3° La majorité des individus frappés dans une 
localité appartient à l'espèce qui domine par le 
nombre. 


N° 1151 


4° Le danger de foudroiement d’un arbre est 
plus grand : a s'il domine par sa taille les arbres 
environnants; b s'il est isolé; c s'il pousse sur une 
hauteur; d s'il est bien enraciné (en profondeur); 
e s’il est bon conducteur au moment de la 
décharge, c'est-à-dire si des conditions temporaires, 
par exemple, l’humectation par la pluie le rendent 
momentanément plus conducteur pour l'électricité. 

3° La foudre peut incendier les forêts en met- 
tant le feu, soit à l’arbre lui-même, soit à l’humus 
au pied de l'arbre: ce dernier cas semble le plus 
fréquent. 

Ces conclusions s'accordent bien avec l'opinion 
exprimée par certains de nos inspecteurs forestiers 
de France (Voir Cosmos, t. LIX, n° 1236, p. 364.) 
et avec les conclusions qui se dégageaient d’un 
travail très étendu publié par M. Vanderlinden, 
assistant au service météorologique de Belgique. 
(Voir Cosmos, t. LVII, n° 1196, p. 704.) 


MÉTÉOROLOGIE 


La pluisaugmente-t-elle Paris ?—M.C.Flam- 
marion a publié un relevé des pluies à Paris depuis 
le règne de Louis XIV. Il conclut à une augmenta- 
tion séculaire de la pluie à Paris, augmentation 


1806-1810............. 464 1841-1845.,... 
1811-1815......,....., 492 1846-1850... 
1816-1820............. 509 1851-1855..... 
1821-1825..,.......... 502 1856 1860..... 
1826-1830...,......... 526 1861-1865..... 
1831-1835............. 472 1866-1870..... 
1836-1840..,.......... 518 1871-1875..... 


La moyenne générale est 510 millimètres: le 
premier tiers de la série donne 502, le second 521, 
le dernier 508; il n'y a donc aucune apparence 
d'augmentation progressive dans les trente der- 
nières années, malgré les quantités de pluie très 
élevées recueillies en 1909 et surtout en 1910, qui 
a fourni le maximum absolu (724 millimètres) des 
cent cinq années considérées. 


GÉOLOGIE 


Les puits artésions de Londres. — D'après 
une note publiée par le Journal of the royal So- 
ciety of Arts (25 octobre), Londres possède mainte- 
nant un très grand nombre de puits artésiens. 

Les anciens puits sont ceux de la Banque d'An- 
gleterre, de 102 mètres de profondeur (creusé en 
1852); de Trafalgar Square, de 121 m (1847); de la 
brasserie Meux, Tottenham Court Road, de 110 m 
(1843), plus tard approfondi à 349 m (1876); de 
la gare Victoria, de 410 m (1861), et d'un grand 
nombre de brasseries, distilleries et usines. Pour 
tous ces puits, on est descendu à travers l'argile 
de Londres pour commencer ensuite le forage 
proprement dit jusqu'à ce que l’eau monte dans le 
puits. 


COSMOS 


535 


bien marquée surtout depuis le début du xıx® siècle, 
date à laquelle ont commencé les mesurés pluvio- 
métriques très précises. (Cf. Cosmos, n° 1442, 
12 sept. 1912, p. 281.) | 

M. A. Angot n'admet pas cette conclusion (An- 
nuaire de la Soc: météor. de France, juill.). 

Pour former son tableau, dit-il, M. Flammarion 
a pris les nombres fournis par le pluviomètre de 
l'Observatoire de Paris (Terrasse) jusqu’en 1872, 
et, depuis le 1° janvier 1873, ceux de Montsouris, 
en ajoutant simplement : « Les conditions restent 
à peu près les mêmes. » Or, c’est précisément de 
ce changement de station que résulte l’augmenta- 
tion apparente de la pluie. La comparaison des 
observations faites simultanément dans les deux 
stations pendant trente ans (4881-1910) montre, en 
effet, que les hauteurs de pluie y sont dans le rap- 
port de 4 à 1,14. Il n'est donc point légitime de 
mèler les deux séries. 

Le tableau suivant donne, en millimètres d'eau, 
les hauteurs moyennes de pluie par périodes de 
cinq ans, pendant les cent cinq années 1806-1910, 
de l'Observatoire de Paris (Terrasse), où les condi- 
tions sont restées les mêmes pendant toute la pé- 
riode. | 


eos 513 1876-1880............. 540 
ss 047 1881-1885............ 478 
reas 514 1886-1890...........,. 470 
ses 543 1891-1895. ennnen 467 
TRS 462 1R96G-1900............. 504 
han 523 1901-190$......,,..... 939 
rte 241) 1906-1910,,.,,, ...... 09 


Par contre, dans les dernières années, on n’a eu 
recours qu'au système du forage; les puits arté- 
siens se sont extraordinairement multipliés, à 
usage des bains publics, des stations génératrices 
d'électricité, etc. On peut mentionner ceux du 
Central London Railway, station de Shepherd’s 
Bush, 14146 m; des bains de St. Pancras, 122 m; des 
bains de Bethnal Green, 155 m; du dépôt de tram- 
ways du London County Concil, à Greenwich, 
407 m; de la station d'électricité de Hackney, 
137 m; et une douzaine d’autres puits, dont la pro- 
fondeur est comprise entre 120 et 150 mètres. 

La profondeur à laquelle on atteint la craie 
varie beaucoup : 25 m à Hackney, 32 m à Green- 
wich, 49 m à St. Pancras, 741 m à Queen Anne's 
Gate et 78 m à Ashley Gardens. 

Observation analogue pour les débits, qui varient 
suivant le district et la porosité des terrains, ainsi 
que la puissance des pompes; le débit des puits 
va de 23 à 230 ou mème 369 mètres cubes par jour. 


ZOOLOGIE 


Les poissons du Sahara. — Il peut paraitre 
extraordinaire de parler des poissons du Sahara. 
On se représente mal, en effet, que ces animaux 


536 


esseniiellement aquatiques puissent s'adapter à la 
vie dans 'ces régions sablonneuses et désertiques 
où tout grand cours d'eau fait aujourd’hui complè- 
tement défaut. Il existe cependant quelques pois- 
sons dans le Sahara; au sud de l'Atlas, dans les 
Chotts, dans les puits, dans les sources chaudes 
ou froides, on rencontre une population ichtyolo- 
gique assez nombreuse sinon variée. On voit appa- 
raitre là les premiers Cichlidés, qui, bien que 
coexistant parfois avec quelques Cyprinodontes à 
facies européen, représentent des types de la zone 
équatoriale, 'nettement africaine (Pellegrin, A. F. 
A. S., Dijon, 1941). 

Plus au Sud, même en plein désert, dans le 
massif du Tassili des Azdjers, existent à Ifédil des 
sources qui ne tarissent jamais. Le capitaine Cor- 
tier en a rapporté au Muséum deux espèces de 
barbeaux, le Barbus deserti et le B. biscarensis. 
Ce sont là incontestablement les résidus d’une 
faune jadis beaucoup plus abondante. Le Sahara, 
aujourd'hui presque complètement privé d’eau, 
avait à une époque relativement peu reculée un 
régime hydrographique bien différent de ce qu'il 
est aujourd'hui. Mème à une période historique, 
du temps des Carthaginois et des Romains, il y 
avait cerlainement des cours d'eau importants 
dans certaines régions aujourd'hui désertiques. Là 
où elles ont pu, les espèces aquatiques se sont 
maintenues, mais ces points deviennent de plus en 
plus rares. 

Aussi l'étude zoologique de M. Pellegrin apporte- 
t-elle une confirmation intéressante aux conclusions 
géologiques formulées par MM. Gautier et Chudeau. 

(Revue scientifique.) P. L. 


INDUSTRIE 


L’ « Electrit », un nouvel abrasif., — L’Ame- 
rican Machinist signale un nouvel abrasif, 
l’E£lectrit, obtenu en fondant l'oxyde pur d’alumi- 
nium dans un four électrique, à une température 
voisine de 3 000° C. Son poids spécifique est moins 
élevé que celui de l’émeri et que celui du corin- 
don, mais sa dureté est beaucoup plus élevée ; 
elle occuperait le rang 9 1/4 sur l'échelle admise 
qui a 40 pour maximum. Les grains d'électrit, à peu 
près amorphes, résistent à la pression et aux chocs, 
étantélastiques et non cassants. Pour les employer, 
on les noie dans une pâte céramique dont on fait 
des meules; l’humidité et les acides ne les 
attaquent pas, et on peut les employer pour 
meuler, soit mouillées, soit à sec. 


Engrenages en étoffes comprimées. — Depuis 
quelque temps on utilise aux Etats-Unis des roues 
d'engrenages fabriquées en étoffes de toile ou de 
coton comprimées à la presse hydraulique, à plu- 
sieurs tonnes par centimètre carré. Les essais de 
ces engrenages ont porté sur une durée de deux 
ans et ont parfaitement réussi. 


COSMOS 


14 NOVEMBRE 4191412 


Les avantages de ce genre d’engrenage sont les 
suivants : résistance à l’humidité, à la sécheresse, 
à la chaleur, aux changements de temps, marche 
silencieuse, résistance aux choes violents, suppres- 
sion du graissage, longue durée. Ces engrenagessont 
surtout utilisés pour la commande des machines- 
outils, des grues, des métiers à tisser, des machines 
dans les fabriques de papier, etc. 


L'industrie des gants à Grenoble. — Tout le 
monde sait que Grenoble est un des grands centres 
de fabrication des gants, mais peu de personnes se 
figurent l'importance de sa production. 

A Grenoble, 3 000 ouvriers, hommes ou femmes, 
travaillent pour cette industrie dans les fabriques, 
tandis que 20 000 se livrent aux mêmes occupations 
à domicile. Leur production annuelle atteint 
4 500 000 douzaines de paires. 

Pour soutenir la concurrence étrangère en obte- 
nant de meilleurs résultats dans la fabrication, 
on a fondé une école spéciale, annexe de l’école 
Vaucanson, où les élèves doivent passer trois ou 
quatre ans et apprendre tout ce qui concerne l’ori- 
gine, la qualité, la manutention des peaux employées, 
leur commerce, leur préparation et la technologie 
de leur mise en œuvre. On compte que l'école 
fournira chaque année unedizaine d'élèves dipldmés, 
capables de diriger les grandes fabriques et très 
au courant de toutes les questions commerciales 
qui concernent cette industrie spéciale. 


LE PAPIER 


Refonte des papiers imprimés. — Les impri- 
més, vieux journaux ou vieux livres, sont repris en 
papeterie pour confectionner du carton, du papier 
d'emballage ou du papier teinté, mais il est très 
difficile d'en faire du papier blanc : l'encre qui les 
a noircis communique à la pâte une coloration gri- 
sâtre qui résiste aux agents chimiques. Ce que l’on 
peut tenter, c’est de dissoudre l’huile ou la sub- 
stance résineuse qui a servi de véhicule au pigment 
noir, afin d’entrainer ensuite celui-ci par des 
lavages. 

On a ainsi essayé des solvants divers: solution 
savonneuse, pétrole et soude caustique, etc. (Cf. 
Cosmos, t. LVIT, p. 511.) D'Amérique nous vient 
un procédé (brevet n° 4 029848) qui doit, d’après 
l'inventeur, M. Burby, donner satisfaction plus 
complètement que ses devanciers. 

Les vieux papiers imprimés destinés à la refonte 
sont traités dans une dissolution bouillante de 
borax : 45 mètres cubes de solution à 2 pour 100, 
pour traiter une tonne de papier. Le véhicule du 
pigment de l'encre d'imprimerie se dissout. Le 
traitement se fait progressivement, par doses 
réduites de pâte de papier et de solution. La ma- 
tière est ensuite déversée dans une cuve munie 
d’agitateurs, lavée à l’eau fraîche, puis amenée sur 
des tamis où on déverse de l’eau en pression pour 


Ne 1451 


enlever les dernières traces du pigment coloré. 
Voilà peut-ètre pour obvier partiellement à la 
crise du papier et au danger du déboisement. 


Le papier de genêts. — Le nombre des ma- 
tières qu'on a proposées pour remplacer le bois 
dans la fabrication du papier est considérable. 
Beaucoup ont été essayées, maïs, pour diverses 
raisons, on n'est pas arrivé à les utiliser d’une 
façon pratique. Les unes, comme le bambou, le 
mürier, l’alfa, donnent un papier de bonne qua- 
lité, mais d'un prix de revient trop élevé; les 
autres, comme Îles sarments de vigne, sont trop 
peu abondantes pour alimenter l’industrie. 

On fait actuellement en Italie des essais avec le 
genêt. Cette plante, très riche en fibres textiles, 
croit spontanément dans les terrains incultes, est 
très résistante et ne demande aucun soin. Un 
mème pied peut, pendant une vingtaine d’années, 
produire des rameaux longs et flexibles, et les seuls 
frais proviennent de la récolte et du transport. 

Voici, d’après le Génie civil (5 octobre), un 
résumé des opérations du traitement qu'on fait 
subir au genêt. 

La plante est d’abord desséchée à Pair, puis 
découpée et passée dans un premier broyeur. On 
trempe une huitaine de jours dans la soude caus- 
tique, on broie à nouveau, et on passe la matière 
ainsi traitée à la presse hydraulique pour éliminer 
toute la partie humide qui constitue les sous- 
produits utilisables. Puis on procède à l’éfaufile- 
ment, au lavage ef au blanchissage. 

La pâte ainsi obtenue est de bonne qualité, et 
peut faire du papier à lettre, à dessin; elle se 
vend environ 40 francs par 100 kilogrammes. 

Les sous-produits contiennent une grande quan- 


COSMOS 


537 


tité de liquides alcalins qui conviennent parfaite 
ment à la fabrication des savons. Cessous-produits 
représentent une valeur d'une trentaine de francs 
pour chaque quintal de pâte fabriquée. 


| Éponges en papier. — Il n’est pas question ici 
du papier buvard, mais d'un nouveau procédé, dů 
à un ingénieur de Francfort, pour la fabrication 
d'éponges en pâte à papier. La cellulose, traitée 
au chlorure de zinc, forme une masse visqueuse à 
laquelle on ajoute du sel ordinaire; elle subit 
ensuite un raffinage, après quoi elle se prête à la 
fabrication des éponges. 

On emploie à cet effet une presse spéciale garnie 
de nombreuses pointes métalliques qui plongent 
dans la pâte et forment des petits canaux comme 
ceux des éponges véritables. Ainsi agitée dans tous 
les sens, la pâte finit par acquérir l’aspect de 
l'éponge naturelle et peut être divisée en fractions 
de toutes dimensions. (Courrier du Livre.) 


VARIA 


L'emploi de l’ozone dans les frigorifiques 
(Génie civil, 17 août). — MM. G. Bouvier et 
E. Saint-Père préconisent lemploi de l'ozone dans 
les frigorifiques pour la conservation des denrées. 
Le pouvoir désinfectant de ce gaz est considérable. 

Des fruits couverts de moisissures, mis à proxi- 
mité d'un courant d'air ozonisé, ont été débar- 
rassés de leurs moisissures qui, malgré un état 
hygrométrique de 0,80, sont tombées en poussière. 

Des viandes ont pu être conservées, à la tempé- 
rature de 4°, pendant plus de trois semaines, 
moyennant l'intervention d'un appareil ozonisateur 
ordinaire. 





La grue flottante de sauvetage de l’arsenal de Pola. 


La grue flottante à double cantilever, autrement 
dit à double porte-à-faux, dont nous voulons 
parler aujourd'hui, présente cet intér't, non pas 
seulement d'offrir une disposition toute particulière 
dont on peut juger à première vue, mais encore de 
pouvoir s'appliquer fort utilement, et d’une façon 
qui semble assez pratique, au relèvement des 
sous-marins coulés, des épaves quelconques, en 
même temps qu’au levage et à la manutention des 
charges les plus diverses. Un coup d'œil sur l’une 
des photographies que nous devons au construc- 
teur de cette machine, la Société Prager Maschi- 
nenbau Actien Gesellschaft, fait saisir immédiate- 
ment l'apparence bizarre tout d'abord, mais par- 
faitement étudiée de cet appareil de soulèvement 
qui peut supporter des charges de 420 tonnes. 

C’est l'administration de l'arsenal naval de Pola, 
arsenal que possède l'Autriche sur l’Adriatique, 


qui a commandé la grue en question aux chantiers 
de Prague. Il s'agissait de posséder une grue 
susceptible au besoin de relever, ou tout au 
moins de soulever à peu près jusqu'à la surface 
de l’eau, un sous-marin pas trop pesant, en mème 
temps que de mettre à bord des navires de guerre 
des grosses pièces d'artillerie, des chaudières, et, 
en général, tous les objets de poids considérable, 
En fait, l'appareil est double, car il est muni de 
deux chariots-treuils qui ont chacun une puissance 
unitaire de soulèvement de 120 tonnes; des dispo- 
sitions ont été prises pour que les deux treuils 
puissent prendre deux positions respectives bien 
différentes, suivant les cas. S'il s’agit de soulever, 
par l'avant de l'appareil, une charge submergée par- 
ticulièrement pesante, on amènera les deux treuils 
roulant sur les chemins supérieurs, de manière 
qu'ils travaillent, l’un à une distance maximum de 


538 


4,5 m de la ligne extrème de l’avant du ponton 
portant les dispositifs de soulèvement, le second 
treuil se trouvant immédiatement en avant (fig. 1). 
On voit qu'on les fait travailler simultanément 
sur une seule poulie de levage. Mais on a prévu, 
d'autre part, dans la coque même du ponton, un 
vaste panneau mesurant 7,6 m de long sur 3,4 m 
de large; quand ce panneau est ouvert, on peut 
faire descendre, par cette vaste ouverture, le treuil 
et ses câbles de levage à l'aplomb mème d’une 
charge qui se trouverait sous l'avant du ponton. 
S'il s’agit du soulèvement d'un sous-marin, on 
amène le ponton de manière que le panneau soit 
au-dessus d’une des extrémités de ce petit navire. 
On y frappe le treuil arrière tandis que le treuil 
avant, qu’on aura conduit sur le chemin de roule- 
ment, sera relié par des câbles de levage à l’autre 
extrémité (fig. 2). On estime que, dans ces condi- 
tions, on a la possibilité de soulever le bateau 
jusqu’à faire émerger la tourelle de commande- 
ment et lorifice d'introduction des hommes; il 


PE —— 


RTS 





- —— — - — - 








F1G. 1. — LYS DEUX TREUILS 
TRAVAILLENT AU MÊME POINT. 


est possible de déboulonner cette tourelle, de 
venir au secours de l'équipage, en attendant que 
l’on puisse transporter le sous-marin en un endroit 
où l’on !procédera à son sauvetage définitif. Les 
dispositifs de soulèvement, les palans, les câbles, 
les treuils, sont disposés de telle sorte qu’on peut 
soulever en une seule opération une charge immer- 
gée à une profondeur de 40 mètres, et même au 
besoin aller ja chercher jusqu’à 50 mètres. Disons 
tout de suite que, à la suite d'études complexes et 
très savantes, les ingénieurs de la maison de con- 
struction de Prague, plutôt que de recourir à des 
chaines pour faire passer sur les treuils et pour 
soulever les charges, se sont montrés favorables à 


l'emploi de câbles en fil métallique, faits de fils 
d'acier galvanisé et élablis dans des conditions 
toutes particulières, 

Si nous examinons l'appareil dans son ensemble, 


nous constatons que le ponton a une longueur de 
33,9 m pour une largeur de 23,5 m; le creux de ce 
ponton est de 4,5 m jusqu'à ses parties supérieures. 
Tout l'intérieur est pour ainsi dire consacré à la 


COSMOS 


14 NOVEMBRE 141912 


machinerie et aux pompes, en mème temps qu’au 
réservoir à ballast, qui permet d'équilibrer ce 
ponton par rapport à la charge et aux déplace- 
ments qu'on lui fera subir. A l’arrière de la con- 
struction supérieure abritant les divers treuils, 
cabestans, se trouve une sorte de tourelle métal- 
lique où vont passer les câbles de renvoi, avant de 
commander les mouvements variés des chariots 
portant les treuils de levage. La hauteur maxi- 
mum de soulèvement d'une charge au-dessus de 
leau est de 24 mètres. Nous avons indiqué tout à 
l'heure la position extrême que peut occuper le treuil 
arrière, quand le treuil avant est lui-même à son 
maximum de porte-à-faux, avec charge maximum. 
A ce moment, on peut soulever une charge de 
240 tonnes, l’axe vertical de cette charge se trou- 
vant à une distance de 3,6 m de l’avant mème du 
ponton. Il va sans dire que l’appareil a été essayé 
dans les conditions les plus rudes; on a fait porter 









DD | 


B l < 
į 


F1G. 2. — LES DEUX TREUILS 
AGISSENT SUR DEUX POINTS DIFFÉRENTS. 


à chacun de ses treuils, simultanément, une charge 
de 150 tonnes, le treuil avant se trouvant à une 
distance de 14,5 m de la ligne correspondant à la 
paroi avant extrème du ponton. Normalement, 
pour les travaux d'arsenal, c'est seulement le 
treuil avant qui est employé, soulevant une charge 
de 120 tonnes à cette distance de 14,5 m, et une 
charge de 90 tonnes à 18 mètres en avant du pon- 
ton. Bien entendu, chaque crochet de soulève- 
ment dépendant d’un des treuils peut prendre un 
mouvement transversal par rapport aux chariots 
portant le treuil. Tous les câbles de soulèvement 
et autres sont placés symétriquement, et toutes 
les forces convergent vers un centre commun. Les 
câbles de mouvement transversal sont doubles 
pour chacun des crochets et pour chaque direction 
de déplacement. Ils sont du système sans fin; ils 
vont tourner autour de poulies à l'extrême avant 
du porte-à-faux. Naturellement, vu l'importance 
des charges à soulever, on a adopté un système 
de mouflage particulièrement robuste et de grandes 
dimensions. 


N° 1451 


Donnons rapidement quelques indications sur les 
câbles employés dans cet appareil, dont la solidité 
doit être à toute épreuve : ils ont été fabriqués par 
une grande usine spéciale de Vienne, la Compa- 
gnie « Saint-Egyder et Torons »; il sont toujours 
doubles et disposés de telle sorte que chacun agisse 
contre la tendance que pourrait avoir l’autre à se 
dérouler. Les deux câbles de soulèvement propre- 
ment dit, de 8 mètres de long, ont 55 millimètres 
de diamètre ; ils sont faits de fil d'acier de 1,4 mm 
(acier fondu). Cet acier est donné comme ayant 
une résistance à la rupture de 160 kg: mm, ce 
qui assure à chacun des câbles une résistance à 


LA 


7 
A 
À 


COSMOS 


539 


la rupture de 792 tonnes. Ces câbles pèsent 
11,4 kg par mètre courant. A l’intérieur de chacun 
d'eux, il y a toujours un câble central formé de 
chanvre goudronné, autour duquel se tordent 
d’abord neuf torons, quinze autres étant enroulés 
par-dessus ces premiers. Les élingues servant à 
rattacher les charges à la poulie de soulèvement 
comportent un câble central en chanvre goudronné 
autour duquelsont enroulés des câbles métalliques, 
chacun de ceux-ci élant formé de 18 torons 
autour d'un câble central en chanvre goudronné 
également; chacun des torons est fait de 44 fils 
d'acier fondu de 1,25 mm de diamètre. Si bien que 





F1G. 3. — GRUE DE L’ARSENAL DE POLA, 


le câble d’élinguage, dans son ensemble, a un 
diamètre de 82 millimètres et une résistance à la 
rupture de 278 000 kilogrammes. 

Sans pouvoir insister malheureusement plus 
longtemps sur cette grue si intéressante, disons 
que l'appareil de soulèvement et le ponton sont 
faits en acier à navire de la meilleure qualité. En 
regardant la photographie, on a remarqué l'arti- 
culation des jambes métalliques supportant le pont 
sur lequel circulent les treuils de soulèvement. 
Bien entendu, le ponton est muni d'un dispositif 
de propulsion qui lui permet de se rendre à pied 
d'œuvre. Ce ponton est partagé en dix comparti- 
ments étanches, pour éviter toutes chances d’ac- 


cident; les compartiments arrière servent au lest, 
une parlie d’entre eux étant remplis d'un lest fixe 
formé de béton; les choses sont prévues de telle 
sorte qu'avec n'importe quelle charge la grue 
demeure sensiblement horizontale. Des poutres 
longitudinales et transversales consolident le pon- 
ton, surtout à l’aplomb des jambes supportant la 
passerelle, et aussi à l’aplomb des cabestans qui 
servent à faire papillonner le pontonet à l’amener 
exactement en place, en le maintenant fixe à cette 
place. Normalement, le ponton a un franc-bord de 
1,8 m. En service régulier, cette grue puissante 
peut soulever une charge de 30 tonnes à une 
vitesse de 4,5 m par minute; l'allure se réduit à 


340 


75 centimètres par minute quand il s’agit de sou- 
lever 120 tonnes, et enfin moitié moins quand on 
se trouve en présence d’un poids de 240 tonnes à 
lever. 

Cet appareil est aussi intéressant que curieux 


COSMOS 


14 NovemBer 1942 


dans sa disposition générale; les ingénieurs de 
l’arsenal de Pola affirment qu'il leur rend déjà des 
services tout à fait précieux. 

| DANIEL BELLET, 

prof. à l'École des sciences politiques. 





L'huile de ricin et aéroplane. 


D'une façon presque générale, les aviateurs 
ont adopté, pour lubrifier les organes mobiles de 
leurs appareils, l'huile de ricin dont le publie con- 
nait surtout les propriétés purgatives. Les raisons 
de ce choix sont aisées à comprendre. 

L'huile de ricina possède, en effet, des qualités 
exceptionnelles au point de vue du graissage des 
moteurs. À l'encontre de ce qui caractérise les 
autres huiles végétales, elle ne renferme ni palmi- 
tine ni oléine et fort peu de stéarine. Son consti- 
tuant principal est la triricinoléine, qui est un 
glycéryde de l'acide triricinoléique. Sa densité 
(0,966 à + 15°,5), la range parmi les huiles les plus 
lourdes, très près de l’huile de résine, et au niveau 
des huiles artificiellement épaissies par « soufflage » 
d'air à haute température. Pratiquement, sa des- 
siccalion à l’air est nulle, et elle offre une grande 
résistance au rancissement, à coadition d'être par- 
faitement raffinée. Elle ne se solidifie qu’au-dessous 
de — 10°, et sa fluidité n’augmente pas sensible- 
ment du fait de l'élévation de température. Ce 
dernier caractère est tout à fait remarquable, 
étant donné surtout que l'huile de ricin présente 
la viscosité la plus élevée de toutes les huiles, 
exception faite des huiles « soufflées » dont il vient 
d’être dit un mot. En outre, son insolubilité pra- 
tiquement complète dans les pétroles et les huiles 
minérales en fait un lubrifiant précieux pour les 
moteurs, d'autant qu'elle n’attaque pas le caout- 
chouc, 

Mais ce sont là les propriétés spéciales à l’huile 
de ricin soigneusement préparée en vue des usages 
pharmaceutiques; comme cette huile aurait prati- 
quement un prix de revient trop élevé pour pou- 
voir être employée au graissage industriel, ce sont 
en réalité les huiles de deuxième et troisième pres- 
sions qui servent à cet usage. 

Aussi les frères Galliot, qui ont fait d’elles dans 
Omnia une étude intéressante et complète, se 
sont-ils demandé si, dans la pratique, ces huiles 
constituent bien le meilleur des lubrifiants. Tout 
d'abord, ils font remarquer que, pour peu que 
l'huile de ricin industrielle soit adultérée par une 
autre huile (colza, lard-oil, etc.), son insolubilité 
dans les pétroles et les huiles minérales disparait, 
ce qui peut avoir pour conséquence de fâcheux 
gr'ippages dans les moteurs rotatifs. 

Il est donc fort important de ne jamais employer 


d'huile de ricin sophistiquée, et, à ce propos, il 
n'est peut-être pas inutile de rappeler Fessai de 
Finkener qui permet d'en apprécier rapidement La 
pureté. Dans un tube en verre gradué, on verse 
10 centimètres cubes de l'huile à essayer at 
50 centimètres cubes d'alcool à 90° ; on agite pour 
assurer la mise en dissolution. A la température 
de + 15°, le liquide obtenu est parfaitement lim 
pide et brillant. Si l’huile de ricin essayée conte- 
pait au moins 5 pour 400 d'huile étrangère, la solu- 
tion est trouble et son louchissement persiste, même 
si on élève à + 20° la température du mélange 
alcool plus huile. 

De plus, une bonne huile de graissage doit être 
absolument neutre. Or, si l'huile pure de ricin 
obtenue par première pression ne renferme que 
des quantités infimes d'acides gras libres, il men 
est pas de mème des huiles de seconde et de troi- 
sième pressions, dont l'acidité libre est souvent 
assez élevée pour causer la détérioration rapide 
des pièces métalliques qu’elle a pour mission de 
lubrifier, en sorte que souvent l’économie assurée 
par une bonne lubrifaction est perdue par l’usure 
résultant d’un excès d’acidité de l'huile. 

Mais, par-dessus tout, l’inconvénient le plus 
sérieux que présente l'huile de ricin réside dans 
sa très faible combustibilité. Arrivée dans la 
chambre d'explosion du moteur, elle donne, sous 
l'effet des hautes températures qu’elle y supporte, 
un dépôt gluant qui encrasse les clapets d'autant 
plus malheureusement que le pétrole ne le dissout 
pas. Force est donc de nettoyer, c'est-à-dire de 
démonter fréquemment le moteur. 

En un mot, on peut dire que si l’huile de ricin 
possède des qualités lubrifiantes de premier 
ordre qui la font très justement rechercher pour 
les moteurs d'aéroplane et d'automobile, ces qua 
lités sont compensées dans une certaine mesure 
par des défauts graves: dès lors, on est en droit 
de se demander si, pour employer une expression 
célèbre, ceci ne tuera pas cela. C'est ua peu 
l'avis de MM. Galliot: à la suite de toute uue 
série d'essais comparatifs, ils n'hésitent pas à 
déclarer que, tout au moins pour les moteurs 
normaux qui ne réclament pas de lubrifiants 
exceptionnellement parfaits, ils n'ont pas observé 
de différences bien sensibles entre l'huile de ricin 
et une très bonne huile spéciale, 


N° 4451 


Ïl semble cependant que le problème puisse 
comporter une solution tout autre que le rempla- 
cement pur et simple de l'huile de ricin. Cette 
solution comporterait le développement de la cul- 
ture du ricin : celui-ci, qui n’est à l’heure actuelle 
pas autre chose qu’une plante médicinale ou orne- 
mentale, pourrait fort bien devenir une plante 
industrielle et être cultivé de façon intensive, de 
manière à accroitre la production de ses graines et 
à en abaisser le prix de revient. L n'est pas douteux 
que si ua large débouché s’offrait à la culture des 


COSMOS 


541 


graines du ricin, la technique d’extraction de l'huile 
contenue en elles ferait bien vite des progrès suff- 
sants pour que J'industrie ait à sa disposition un 
produit très pur et de tous points analogue au pro- 
duit pharmaceutique actuel. Il est certain qu'alors 
on trouverait un artifice quelconque pour combattre 
l'encrassement des clapets, c'est-à-dire pour sup- 
primer le plus grave des reproches adressés aujour- 
d'hui à l'huile de ricin. 
La parole semble donc ètre aux cultivateurs. 
Francis MARRE. 





TÉLÉGRAPHIE SANS FIL © 


Réception à domicile 


des signaux horaires 


et des radiotélégrammes météorologiques de la tour Eiffel. 


III. Réception à très grande distance. 


Plus on sera éloigné de Paris, plus développée 
devra ètre l'antenne qu'il faudra établir. Il arri- 
vera alors qu'avec celte grande antenne on enten- 
dra beaucoup d’autres postes que celui de la tour 
Eiffel. Quand ceux-ci transmettront en mème temps 
qu'elle, ils pourront gèner considérablement la 
réception, ou même l'empêcher tout à fait, s'ils 
sont assez puissants ou suffisamment rapprochés. 
U importera donc de pouvoir choisir, parmi plu- 
sieurs transmissions simultanées, celle qu’on vou- 
dra écouter, en augmentant le plus possible l'inten- 
sité de sa réception et en atténuant celle des 
signaux perturbateurs. 

On y arrivera, à condition que les longueurs d'onde 
des signaux simultanés soient suffisamment diffé- 
rentes, au moyen des montages dits « par induc- 
tion » ou « en Oudin ». 


Montage par induction. 


Nous avons vu qu'une antenne accordée pour une 
certaine longueur d'onde possède la propriété d'en- 
trer en vibration avec le maximum d'intensité 
sous lPinfluence d’ondes de cette longueur. 

Si, dans l’espace qui l’environne, existe un mé- 
lange d'ondes d'intensités semblables, mais de 
longueurs différentes, elle choisit, pour ainsi dire, 
dans ce mélange, d’abord les ondes qui se rap- 
prochent le plus de la sienne propre, et ensuite, 
avec des intensités décroissantes, celles qui en dif- 
fèrent davantage. En sorte que le mélange d'ondes 
existant dans l'antenne à la suite de ce choix dif- 
fère de celui de l’espace environnant. Dans celui-ci, 
nous avons supposé que toutes les ondes avaient 
même intensité; dans l'antenne, elles ont été 
« classées » en ordre décroissant : celles qui cor- 


(1) Suite, voir p. 512. 


respondent à l'accord exact prédominent; les 
autres n'ont été captées que dans une proportion 
moindre, et d'autant plus faible qu’elles diffèrent 
plus des premières. 

L'antenne accordée a donc opéré une sorte de 
triage qui peut suflire si les ondes simultanées sont 
de longueurs assez différentes ou si l'intensité de 
celles qu’on désire recueillir est déjà dans l’espace 
notablement plus grande que celle des autres. 
Cest ce qui a lieu pour la réception des signaux 
de la tour Eilfel lorsqu'on ne se trouve pas à une 
très grande distance de Paris. 

Les dispositifs décrits jusqu'ici, qui n'utilisent 
que cette proprièté sélective de l'antenne accordée, 
conviennent alors parfaitement. Mais, à grande 
distance, lorsque, malgré l'accord, les signaux de 
la four ne surpassent plus en intensité ceux de 
postes moins puissants, mais plus rapprochés, il 
devient nécessaire d'opérer un triage d'ondes plus 
rigoureux. Dans le mélange existant dans l'antenne 
et qui résulte déjà d'un premier triage, il faut 
faire un deuxième choix, conservant le plus pos- 
sible leur intensité aux ondes qu'on veut recueillir 
et affaiblissant encore les autres. Ce deuxième 
choix se fait exactement comme le premier, en 
utilisant de nouveau les propriétés sélectives des 
circuits accordés. 

L'antenne n'est plus alors reliée directement au 
circuit récepteur. Complétée par sa bobine d'ac- 
cord, elle agit sur lui à petite distance, tout comme 
agit sur elle à grande distance l'antenne du poste 
d'émission. On fait, pour ainsi dire, de la télégra- 
phie sans fil « en chambre » avec un poste d'émis- 
sion et un poste de réception très voisins: la bobine 
d'accord de l'antenne sert de poste d'émission; le 
circuit récepteur, muni également d'une bobine 
d'accord, constitue le poste de réception (fig. 48). 

Les oscillations qui, sous l'influence des ondes 


542 


recueillies, se produisent dans l’antenne réceptrice, 
sont, en effet, toutes proportions gardées, exacte- 
ment comparables à celles qu’on provoque violem- 
ment dans celle du poste d'émission. La bobine 
d'accord, qui réunit dans un faible espace une 
notable portion du circuit antenne-terre accordé, 
émet donc jusqu’à une petite distance un mélange 
d'ondes où un premier triage a déjà été fait. En 
accordant le circuit récepteur sur les mêmes ondes, 
il opère à son tour un second triage, en tout sem- 
blable au premier, qui augmente beaucoup la pré- 
dominance des ondes à recueillir sur les ondes per- 
turbatrices. 

On pourrait, pour augmenter encore la sélection, 
faire agir ce second circuit sur un troisième égale- 
ment accordé, et ainsi de suite (méthode des cir- 
cuits intermédiaires purificateurs de Stone). Dans 
la pralique ordinaire, l’utilisation d’un seul circuit 
induit est suffisante. Sa bobine d'accord, disposée 








MORE SEC M 
br po HP 
5ni + | hi y i i 
LU plan 








F1G. 18. — SCHÉMA DE LA RÉCEPTION PAR INDUCTION. 


à proximité de celle du circuit antenne-terre, lui 
sert en mème temps d'antenne réceptrice, pour 
poursuivre la comparaison de télégraphie en 
chambre faite plus haut. 

Avec une bonne antenne, on peut recevoir les 
télégrammes de la tour Eiffel à plusieurs centaines 
de kilomètres au moyen du dispositif schématique 
de la figure 18 qui n’est, en réalité, qu'une sorte 
de dédoublement des montages précédemment 
indiqués (cf. fig. 13). L'écartement des deux 
bobines peut aller jusqu’à un ou deux mètres, sui- 
vant les distances et suivant les dimensions de 
l'antenne. 


Accouplement. — A mesure qu'augmente cet 
écartement, l'induction de la bobine antenne-terre 
sur celle du circuit récepteur diminue : les radio- 
télégraphistes disent que l'accouplement du secon- 
daire avec le primaire devient de plus en plus lâche 
ou de moins en moins serré. L'intensité des signaux 
diminue en mêmetemps; mais, s’ilexiste dessignaux 


COSMOS 


14 NOVEMBRE 191% 


perturbateurs qui n'ont pas encore été entièrement 
éliminés par le second triage, on remarque que 
leur intensité diminue beaucoup plus vite que celle 
de ceux pour lesquels l’accord a été réalisé. Si les 
différences de longueur d'onde sont suffisantes, on 
peut arriver à les réduire tous successivement au 
silence en ne laissant subsister que les signaux 
choisis, un peu affaiblis, eux aussi, mais encore 
nettement perceptibles. 

Il se produit pour la « télégraphie en chambre » 
le même phénomène que dans les communications 
à grande distance. Dans Paris (accouplement rigide 
entre le poste de réception et celui d'émission), les 
signaux de la tour Eiffel impressionnent n'importe 
quelle petite antenne, accordée ou non, et il est 
impossible de se débarrasser d'eux pour écouter 
une transmission lointaine. À grande distance, au 
contraire (accouplement lâche), ces mêmes signaux 
ne peuvent plus agir que sur les antennes spéciale- 
ment accordées pour eux; un accord différent les 
élimine facilement. 

La diminution de l'accouplement est donc un 
moyen précieux pour aider au second triage pro- 
duit par l'accord des circuits primaire et secon- 
daire. Elle facilite même cet accord dans une cer- 
taine mesure en diminuant la gêne que s’apportent 
mutuellement les deux circuits par leurs réactions 
réciproques. On constatera, en effet, que souvent 
l'intensité maximum du son n’est pas obtenue en 
rapprochant le plus possible le secondaire du pri- 
maire, mais, au contraire, en l'en écartant à une 
certaine distance : le son augmente d’abord avec 
l'écart, pour diminuer ensuite progressivement. 


Amortissement. — En manœuvrant les curseurs 
du dispositif schématique de la figure 18, on remar- 
quera immédiatement une grande différence entre 
l'accord obtenu au primaire et au secondaire. Le 
premier sera très net: l'intensité du son croitra 
jusqu’à une certaine position du curseur, pour 
décroitre ensuite. Le second sera, au contraire, 
très peu net, ou même manquera tout à fait : plus 
grand sera le nombre de spires soumises à l'induc- 
tion introduites dans le circuit, plus intense sera 
le son obtenu. 

Il n’y aurait à cela que des avantages, si des 
signaux étrangers ne devaient pas être éliminés 
par le triage que doit effectuer l’accord du circuit 
secondaire qui justement fait défaut. 

A quoi tient donc cette fâcheuse non-accordabi- 
lité du secondaire? Elle tient à la présence du 
détecteur et des récepteurs téléphoniques en série 
dans le circuit récepteur. 

Une antenne ou un circuit oscillant entrant en 
vibration sous l'influence d'ondes pour lesquelles 
ils sont accordés sont tout à fait comparables 
à une balançoire à laquelle on donne périodique- 
ment, au bon moment (c'est-à-dire avec le même 


N° 1451 


rythme que celui de ses oscillations propres), une 
série de nouvelles impulsions. 

Lorsque, à la fin de la première oscillation, elle 
revient à portée de la main, prête à repartir dans 
l’autre sens, elle a conservé l'effet presque entier 
de la première impulsion. Abandonnée à elle- 
mème, elle effectuerait une seconde oscillation 
presque égale à la première; si une deuxième im- 
pulsion lui est donnée au moment convenable, son 
effet s'ajoute à presque tout l'effet de la première, 
et l’amplitude d’oscillation augmente. Elle aug- 
mentera encore à la troisième impulsion et ainsi 





F1G. 19. — TÉLÉPHONES EN DÉRIVATION SUR LE DÉTECTEUR. 


de suite: c’est un effet de résonance mécanique. 

Il n’en est plus de même si les impulsions sont 
données à contre-temps (cas d'une antenne non 
accordée dont la période propre d'’oscillation est 
différente de celle des ondes à recevoir) ou si les 
frottements auxquels est soumise la balançoire 
sont très considérables. 

Dans ce dernier cas, s’il n’est pas donné de nou- 
velles impulsions, les oscillations ont tendance à 
s’amortir d'autant plus vite que les frottements 
sont plus grands. Si de nouvelles impulsions sont 
données, leur effet ne s’ajoute plus qu’à un faible 
reste de celui des précédentes. L’amplitude d’oscil- 
lation n’augmente que peu, ou même n’augmente 
pas du tout si les frottements sont tellement 
grands que tout l'effet d'une impulsion soit dépensé 
au cours de l’oscillation qui la suit: la balançoire, 
après un léger déplacement, revient presque im- 
médiatement s'arrêter dans la position verticale. 
Peu importe alors le moment où lui sera donnée 
une nouvelle impulsion : elle doit chaque fois 
repartir de la position de repos complet et ne fait 
que suivre passivement et sans « préférence » pour 
aucun rythme les mouvements qu'on lui imprime. 
Il n’est plus possible d'obtenir des oscillations de 
grande amplitude par addition des effets d'im- 
pulsions successives: la balançoire n’a plus de 
période propre d’oscillation, il n'y a plus ď’ « ac- 
cord » possible entre ses mouvemenis et ceux de 
la personne qui voudrait la faire osciller. 

Il en est de même du circuit secondaire compre- 
nant en série le détecteur et le récepteur télépho- 


COSMOS 


GNN ve nY 543 
nique. Leur grande cé.t-<urtout la self- 
induction considérable des téléphones jouent le 
même rôle que les frottements dans le cas de la 
balançoire : ils amortissent les oscillations jusqu’à 
extinction complète. Nous avons employé, comme 
moyen d'accord, une bobine à self-induclion mo- 
dérée, pour ralentir les vibrations trop rapides 
d'une antenne trop courte et augmenter ainsi sa 
longueur d'onde; la self-induction très grande des 
téléphones ralentit les oscillations au point de les 
arrêter tout à fait. Comme la balançoire à grand 
frottement, le circuit secondaire n’a plus de période 
propre d'oscillation, il n’est plus accordable sur 
une longueur d'onde définie. 

Cette particularilé a été utilisée dans les mon- 
tages en simple dérivation sur la self, où nous 
ne pouvions, avec notre unique curseur, accorder 
que le circuit antenne-terre; le circuit récepteur, 
en partie confondu avec lui et ne présentant pas 
de période propre d'oscillation, obéissait passive- 
ment aux différences de potentiel alternatives se 
produisant à ses extrémités. S'il avait été débar- 
rassé de son amortissement considérable, il aurait 
eu, lui aussi, une période propre d'’oscillation et 
aurait dû être accordé, comme le circuit antenne- 
terre, sur la longueur d'onde à recevoir. Les dis- 
positions du circuit récepteur que nous allons 
étudier maintenant ne conviendraient donc pas 
au montage en dérivation sur la self. Il faudrait 
disposer d'un second curseur pour accorder le cir- 
cuit récepteur; c'est ce qui sera fait dans le mon- 
tage en Oudin. 

Un premier moyen pour diminuer l’amortisse- 
ment du circuit récepteur consiste à ne pas dis- 








Fia. 20. — UN CONDENSATEUR INTRODUIT DANS LE CIRCUIT 
~ SECONDAIRE EMPÊCHE LA BOBINE D'ACCORD DE MBTTRE 
LE DÉTECTEUR EN COURT-CIRCUIT. 


poser les téléphones en série avec le détecteur 
dans le circuit secondaire, mais à les monter en 
dérivation sur lui, en dehors de ce circuit (fig. 49), 
comme nous l'avons fait dans le premier montage, 
qui ne comportait pas de bobine d'accord en déri- 
vation (cf. fig. 4 et 10). 

Mais il est facile de se rendre compte que la 
présence de cette bobine très peu résistante met 
maintenant en court-circuit les bornes du détecteur. 
De sorte que, dans le cas d'un détecteur électroly- 
tique, il est impossible d'appliquer à ses bornes la 
force électromotrice nécessaire ; et, dans le cas 


514 


d'un détecteur à cristaux, le courant engendré par 
les oscillations au niveau du détecteur passe 
presque tout entier par la bobine d'accord et non 
par le téléphone, beaucoup plus résistant. 

Il faudrait pouvoir barrer le passage au courant, 
tout en permettant aux oscillations de s'établir 
librement dans le circuit secondaire. 

Or, il existe justement un appareil jouissant de 
la propriété d'opposer un obstacle infranchissable 
aux courants ordinaires, tout en se laissant très 
facilement traverser par les oscillations alterna- 
tives. C'est un condensateur. On lintercalera, 
comme le montre la figure 20, dans le circuit se- 
condaire (1). Ce circuit, ne présentant plus mainte- 
nant qu'un faible amortissement, sera suscep- 
tible d'un accord beaucoup plus précis qu'’aupara- 
vant, et le second triage d'ondes dù à cet accord 
deviendra beaucoup plus rigoureux. 

Le condensateur pourra ètre de dimensions à 
peu près quelconques. On le constituera par une 
dizaine de feuilles de papier d’étain de 8 à 10 cen- 





F1G. 21. — LE DÉTECTEUR EST PLACÉ EN DÉRIVATION SUR 
UN CONDENSATEUR. (MONTAGE FMPLOYÉ A LA TOUR EIFFEL 
AVIC DÉTECTEUR ÉLECTROLYTIQUE.) 


mètres de côté, par exemple, séparées par des 
feuilles de papier huilé ou paraffiné. Le tout sera 
serré par des vis entre deux planchèttes un peu 
plus grandes portant deux bornes qui seront 
reliées, l’une aux feuilles de rang pair, l’autre à 
celles de rang impair. Le condensateur qu'on trouve 
dans le socle d'une petite bobine de Ruhmkorff 
convient parfaitement; ses connexions avec le 
trembleur et le bobinage devront être supprimées. 

Dans cette première disposition du secondaire, 
le détecteur reste intercalé dans le circuit, et sa 
résistance est encore une cause non négligeable 
d'amortissement (2). La précieuse propriété des 
condensateurs permet de le faire sortir, lui aussi, 


(1) Ce condensateur a été oublié dans le montage 
indiqué par la figure 11 bis de la brochure du Bureau 
des longitudes. Tel qu'il est figuré, ce montage est 
donc défectueux et ne peut donner aucun résultat. 

(2) C'est pour éviter l'amortissement produit dans 
le circuit antenne-terre par la présence du détecteur 
que nous avons monté celui-ci en dérivation dès que 
nous avons employé une bobine d'accord. 


COSMOS 


1% NOVEMBRE 191% 


du circuit secondaire. On peut, soit le placer en 
dérivation sur un nouveau condensateur (fig. 24), 
soit monter le détecteur en dérivation sur un con- 
densateur et les téléphones en dérivation sur un 
autre (fig. 22). Le condensateur des téléphones 
peut être celui qui nous a servi précédement ; il 
y a avantage à ce que celui du détecteur soit 
réglable. 

& Ce montage peut ètre simplifié, en n'employant 
plus qu’un seul condensateur réglable (fig. 23). On 





F1G. 22. — LE DÉTECTRUR EST PLACÉ EN DÉRIVATION SUR 
UN CONDENSATEUR, ET LES TÉLÉPHONES EN DÉRIVATION 
SUR UN AUTRE CONDENSATEUR. (MONTAGE EMPLOYÉ A LA 
TOUR EIFFEL AVEC DÉTECTEUR A CRISTAUX. 


a alors la possibilité de faire varier rapidement 
lamortissement du circuit secondaire et d'obtenir 
ainsi à volonté un accord peu précis ou un accord 
très net. Si la valeur des surfaces en regard dans 
le condensateur est réduite à zéro, on retombe en 
elfet dans le cas du montage en série, à grand 
amortissement, à selection médiocre et à réglage 
imprécis. On peut alors entendre, avec le mème 
réglage, des postes de longueurs d'onde différentes; 
c'est la position d'attente qui permet de s'aperce- 
voir qu'une transmission est faite, même si on se 
trouve sur un réglage assez éloigné de celui que 
nécessiterait sa parfaite réception. En augmentant, 
au contraire, la valeur des surfaces, l'amortisse- 





F1G. 23. — SIMPLIFICATION DU MONTAGE PRÉCÉDENT, 


ment diminue, la sélection s’améliore et le réglage 
se précise (1). C’est la position dite de « syntonie », 
qui permet d'écouter un poste bien déterminé sans 
être gêné par d'autres transmissions simultanées 
de longueurs d'onde différentes. 


(A suivre.) D" PIERRE CORRET. 

(1) L’'accouplement se relâche en mêmetemps, comme 
on le verra, ce qui contribue à augmenter l'efficacité 
de la sélection. 


Ne 1451 


COSMOS 


45 


La boussole gyroscopique Sperry. 


Toutes les marines du monde s'occupent actuel- 
lement de la boussole gyroscopique; cet instrument 
remarquable a atteint en peu de temps un degré 
de perfection très élevé; il est dans la navigation 
un auxiliaire précieux; son introduction y constitue 
une étape aussi importante que le fût, il y a six 
siècles, la mise en pratique de la boussole magné- 
tique ; depuis six ans que fut imaginé le premier 
instrument de ce genre, le système s’est répandu 
d'une façon merveilleuse; dans ce laps de temps. 
il s’est développé plus que la boussole magnétique 
sur ses six siècles d'existence. 

Les principes sur lesquels est bàsée la boussole 





FIG. 1. 


gyroscopique sont bien connus; il n’est plus permis, 
en tout cas, de les ignorer en France, dans le pays 
où ils furent reconnus, étudiés et énoncés par 
Foucault (1). 

On sait qu'un gyroscope lancé tend à se main- 
tenir par l'effet de l’inertie dans le plan où il a été 
mis en mouvement; s’il est soumis à une force 
angulaire extérieure, son plan se déplace jusqu’à 
ce que son axe de rotation soit parallèle à la force 
agissante et que la direction de la rotation et celle 
de la force concordent. 

Prenons un gyroscope ordinaire; munissons-le, 
pour la facilité, d’un petit disque en carton portant 
les points cardinaux, comme il est montré à la 
figure 1; fixons à la carcasse, de la façon indiquée 
par cette même figure, deux bouts de ficelle: 
lançons-le ; puis, le tenant par les ficelles, tournons 


(1) Voir Ccsnos, n° 1385, t. LXV, p. 181. 


sur les talons, comme il est montré à la figure 2, 
nous verrons le gyroscope s'orienter de telle façon 
que l’une des extrémités de son axe se dirige vers 
notre tête qui représente, soit le pèle Nord de la 
Terre (si nous tournons de droite à gauche), soit 
le pôle Sud (si nous tournons en sens contraire). 
Sans entrer dans l'étude théorique du phéno- 
mène, nous pouvons dire que le déplacement du 
gyroscope donne lieu à l'apparition d’une force 
dite de précession qui est d’ailleurs la conséquence 


PÔLE 
NORD 





PÕLE 
SUD 


FIG. 2. 


logique de l’inertie, car le système n’est en équi- 
libre que si le gyroscope tourne dans un plan paral- 
lèle au couple auquel il est soumis et dans la 
direction de ce couple, comme nous l'avons dit 
plus haut. 

Un gyroscope abandonné à lui-même en un point 
quelconque de la surface de la Terre modifie son 
orientation par le seul fait de la rotation terrestre: 
il ne se trouve dans une position de stabilité défi- 
nitive que si son axe est placé dans le plan du 
méridien géographique. 

On voit par là que, théoriquement, la boussole 
gyroscopique est excessivement simple et, en outre, 
qu’elle échappe aux causes d'erreur et de variation 
qui affligent la boussole magnétique; en pratique, 
cependant, on rencontre certaines difficultés: à 
réaliser d’abord un système dont le mouvement 
soit convenablement entretenu et ensuite une sus- 
pension qui laisse à l'instrument la liberté voulue ; 


546 


enfin, de même que le mouvement terrestre, le 
mouvement du bateau sur lequel est placée la 
boussole tend à faire dévier le plan de celle-ci 





FıG. 3. — BOITE ÉTANCHE 
RENFERMANT L'’ALTERNOMOTEUR GYROSCOPIQUE. 


d'une façon plus ou moins marquée, selon la 
vitesse et la direction de marche et suivant la lati- 





FIG. 4. — LA MÊME, VUE DANS UNE AUTRE POSITION 
AVEC SON ANNEAU (ÉLÉMENT € SENSIBLE » DE LA BOUSSOLE). 


tude, ces trois données modifiant la grandeur des 
forces agissantes. 
Le mérite de M. Sperry, comparativement à la 


COSMOS 


{4 NOVEMBRE 1912 


plupart des inventeurs qui se sont occupés de 
l'étude et de la construclion de boussoles gyrosco- 
piques, est d’avoir su établir un instrument qui 
satisfil à ces différentes conditions sans comporter 
la suspension par flotteur à mercure que l’on em- 
ploie dans d’autres systèmes et sans que les lec- 
tures demandent les correclions mathématiques 
exigées ordinairement; nous allons décrire som- 
mairement les dispositions qu'il applique dans 
ce but. 

L'appareil comprend en premier lieu une roue 
gyroscopique en acier sur laquelle est monté le 


p 4 Tr. ta pur eps” 


A 


EN 


A Oege e 





F1G.5.— L'ANNEAU € FANTÔME » PORTANT LE LIMBE GRADUÉ. 


rotor de l'alternomoteur électrique qui met le sys- 
tème en mouvement; la roue avec le rotor et le 
stator de l’alternateur sont placés dans une boite 
où l’on fait le vide; la roue y tourne à une vitesse 
de 8600 tours par minute sur des paliers à billes 
graissés automatiquement ; la vitesse de rotation 
est sensiblement moindre que dans les gyroscopes 
allemands, par exemple, qui marchent à plus de 
20 000 tours par minute : le système moteur absorbe 
une puissance d’un peumoins d’un quart de kilo- 
wall. 

La boite du gyroscope est montrée à la figure 3 
qui fait voir la tubulure par laquelle en est aspiré 


N° 1451 


l'air, ainsi que lemanomètre; la boite est elle-même 
montée sur un anneau vertical sur lequel elle est 
soigneusement équilibrée, de façon à pouvoir 
prendre une position quelconque, comme il est 
représenté à la figure 4. 

L'anneau vertical constitue avec la boite ce que 
l'on appelle l'élément sensible; il est suspendu par 
des fils de piano sur un second anneau vertical (fig.5) 
où il peut pivoter autour d'un axe vertical. 

C'est par l'intermédiaire de cet anneau, portant 


COSMOS 


547 


à cette fin des bagues de contact, que le courant 
est introduit dans la boite pour aller au moteur 
aclionnant la roue gyroscopique. 

L'anneau à son tour pivote dans un palier 
à billes supporté par un croisillon à quatre branches 
(fig. 6) qui est fixé sur le bâti de l’appareil; ce 
bâti est monté sur une suspension à la Cardan et 
le tout est agencé de la façon indiquée par la 
figure 7. 

L'anneau vertical montré par la figure 5 est con- 





F1G. 6. — BOUSSOLE COMPLÈTE, VUE PAR-DESSUS. 


jugué à l'élément sensible électriquement; il þorte, 
en effet, une roue dentée dans les dents de laquelle 
engrène le pignon d’un petit moteur monté sur le 
bâti. 

La boite de la roue gyroscopique porte deux 
galets de contacts; l’anneau susmentionné, deux 
paires de contacts fixes; tout mouvement de lélé- 
ment sensible par rapport à l'anneau vertical 
modifie les contacts; ceux-ci contrôlent le circuit 
du moteur dont nous venons de parler et le font 


marcher dans un sens ou dans l’autre, selon le 
sens de la déviation. | 
L'anneau de suspension se déplace donc aussitôt 
et il suit fidèlement tous les mouvements de lélé- 
ment sensible, ce qui lui a fait donner le nom 
d'anneau fantôme. 
L'anneau fantòme porte, ainsi qu’on le voit à la 
figure 5, le limbe gradué. 
. Sur le bâti sont, d'autre part, agencés les dispo- 
sitifs mécaniques qui corrigent automatiquement 


518 


les erreurs de l'instrument; ils sont actionnés à la 
main au moyen de boutons moletés; ils servent, 
l’un à la correction des erreurs de vitesse, l’autre 
à la correction des erreurs de latitude. 

Un indicateur de niveau permet de vérifier si 
l'axe de rotation est bien horizontal et si le compas 


aD. RS RES 
A z De 


Pre 
Pr 





F1G. 7. — BOUSSOLE SPERRY, HABITACLE OUVERT. 


gyroscopique se trouve effectivement dans le plan 
du méridien; d'autre part, un amortisseur est 
inséré entre le fantôme et l'élément pour éliminer 
les oscillations de l'instrument, dont les indications 
sont ainsi rendues rapides et sûres. 


COSMOS 


1% NOVEMBRE 1912 


Au mécanisme du fantôme est adapté un dispo- 
sitif de transmission composé essentiellement d'un 
commutateur distributeur qui commande les cir- 
cuits des appareils indicateurs. 

La boussole gyroscopique n'est pas employée 
directement; elle sert comme appareil central, 
mais les indications sont données au personnel 
à l’aide de répétiteurs. 

Le répétiteur est formé d'un disque gradué 
actionné par un petit électromoteur dont le mou- 
vement est controlé pas à pas par le distributeur 
du compas principal; chaque émission, due à un 
déplacement de l’élément dans un sens ou dans 
l'autre, produit un déplacement concordant du 
disque indicateur, et tous les appareils mis en cir- 
cuit marchent synchroniquement avec le compas 
principal. 

L'installation comprend, pour le surplus, un 
panneau de distribution, un moteur générateur 
pour la production des courants alternatifs et des 
courants continus nécessaires à l’actionnement du 
gyroscope et des répétiteurs, des fusibles, des 
lampes-pilotes, etc. 

Elle est naturellement à peu près analogue à 
celle des autres systèmes de boussole gyroscopique, 
mais l'appareil central est beaucoup plus robuste 
et sensiblement moins complexe que les appareils 
antérieurs; le mode de suspension qui y est em- 
ployé lui donne notamment une supériorité très 
appréciable au point de vue du rendement et il en 
résulte qu'avec une puissance absorbée équivalente 
on arrive à un couple directeur notablement plus 
fort (dix fois); ce couple est ainsi considérablement 
plus grand que dans les meilleures boussoles ma- 
gnétiques (250 fois). 

Le compas gyroscopique Sperry se prête, en 
outre, très bien à l’enregistrement des directions 
de marche, problème que l’on n'est guère parvenu 
à résoudre de façon satisfaisante avec la boussole 
magnétique. H. MARCHAND. 





Les méthodes modernes de diagnostic sérologique. 


La lutte entre les microbes pathogènes et Îles 
cellules de l'organisme malade donne lieu à la for- 
mation de certaines substances spécifiques conte- 
nues dans le sang et les humeurs. La détermination 
exacte de ces substances, produits des réactions de 
défense de l'organisme, s'obtient moyennant plu- 
sieurs procédés de laboratoire, dont quelques-uns, à 
cause de leur extrême délicatesse, ne donnent des 
résultats appréciables qu'entre les mains de cher- 
cheurs expérimentés, tandis que d’autres, exigeant 
moins de précautions et comportant moins de 
chances d'erreur, sont des procédés diagnostiques 
à la portée de tous les médecins. 


Nombre de lecteurs du Cosmos, qui, sans être 
médecins, s'intéressent aux problèmes de la bio- 
logie appliquée à la médecine, liront peut-être 
avec profit ces quelques notes sur les différents 
procédés modernes de diagnostic sérologique, c’est- 
à-dire de diagnostic fondé sur les propriétés des 
sérums d'individus atteints de différentes maladies. 

Nous nous dispenserons de rappeler les théories 
sur l’immunité en général, la vaccination, la for- 
mation des anticorps et des antitoxines dans l'or- 
ganisme, la lutte des microbes, de leurs poisons, 
et, en général, de tous les principes organiques 
hétérogènes avec les éléments phagocytaires fixes 


No 1461 


et mobiles et avec les substances défensives ver- 
sées dans le sang et les humeurs, soit par ces élé- 
ments phagocytaires, soit par les différentes cel- 
lules des tissus. Nous supposerons tout cela connu 
de nos lecteurs, pour lesquels ce journal a publié 
nombre d'articles où ces questions ont été sufi- 
samment, développées et remarquablement éclair- 
cies, entre autres par le regretté D° L. Menard. 
On trouvera dans ces articles une foule de rensei- 
gnements précieux qui nous dispenseront d'entrer 
dans les détails des théories immunitaires aux- 
quelles se rattachent les procédés modernes de 
diagnostic sérologique. 


l. L'épreuve de l’agglutination. 


De tous les procédés de diagnostic sérologique 
des maladies microbiennes, celui de l'agglutination, 
ou séro-diagnostic, est, sans contredit, le plus uni- 
versellement connu et apprécié, le plus générale- 
ment employé dans la pratique médicale. Il ne 
faudrait pas croire, cependant, qu'il puisse être de 
quelque secours dans tous les cas de maladies 
d'origine douteuse: on l’a essayé pour le diagnostic 
différentiel entre les maladies causées par Îles 
principaux microbes : il n’a donné de résullats 
vraiment satisfaisants, c'est-à-dire sûrs et facile- 
ment appréciables, que dans l'infection causée par 
le bacille d'Éberth et ses proches parents: la fièvre 
typhoîïde. 

C’est le premier des séro-diagnostics cliniques 
trouvé par Widal. 

« Lorsqu'on regarde au microscope une goutte 
d’une culture en bouillon de bacilles typhiques, 
les microbes, très mobiles, isolés les uns des 
autres, sont régulièrement répartis dans le liquide : 
la suspension est homogène. Si l’on ajoute un 
peu de sérum d'un animal préparé par des injec- 
tions de bacilles typhiques, ou dun homme qui a 
la fièvre typhoïde, les bacilles perdent leur mobi- 
lité et s’assemblent en amas: on dit qu’ils sont 
agglutinés par le sérum. Si l’on ajoute le sérum 
dans un petit tube contenant une culture en bouil- 
lon, on voit à l’œil nu des grumeaux se former 
et se déposer au fond du tube; l'agglutination est 
aussi une sédimentation. Les sérums normaux ne 
jouissent pas de cette propriété ou ne la possèdent 
jamais au même degré. On mesure le pouvoir 
agglutinant en éprouvant, sur un liquide conte- 
nant des microbes en suspension, des dilutions 
plus ou moins étendues de sérum. On dit que 
tel sérum agglutine à 4 pour 50, 4 pour 100, 
1 pour 1000, etc. » (1) 

N a été démontré que les sérums normaux pré- 
sentent assez souvent des propriétés agglutinantes, 
quoique à un taux toujours très faible. Ces pro- 
priétés semblent dépendre de la présence dans le 


(1) E. Bunaner, Microbes et toxines, p. 291. 


COSMOS 


549 


sang et les humeurs de certaines substances appe- 
lées « agglutinines », qui réunissent en amas les 
microbes contenus dans les cultures liquides. La 
quantité de ces substances augmente notablement 
lorsque, soit à cause d'un traitement immaunisant 
au moyen des injections répétées de microbes 
atténués ou morts, soit à cause d’une infection 
accidentelle, les éléments cellulaires de l'orga- 
nisme entrent en activité défensive vis-à-vis des 
microbes infectieux. La production intensive des 
agglutinines dans l’organisme semble bien liée à 
l'activité des processus défensifs, car le taux de 
l’agglutination dans les cas de fièvre typhoïde très 
grave s’abaisse et peut même se réduire à zéro. 

Il n'existe pas seulement des agglutinines micro- 
biennes ; il y a des agglutinines globulaires, ca- 
pables d’agglutiner les globules rouges du sang. 
Par exemple, le sérum de cobaye agglutine les glo- 
bules rouges du lapin et de la poule; celui du lapin 
agglutine faiblement les globules rouges du cobaye, 
de la poule, du rat et mème de l’homme: celui de 
la poule agglutine faiblement les globules rouges 
du chien, du rat, du lapin, du cobaye, du pigeon; 
celui de la chèvre agglutine fortement les globules 
rouges du rat, etc. De mème que les agglutinines 
microbiennes, les agglutinines globulaires se 
trouvent en grande quantilé dans le sérum des 
animaux inoculés méthodiquement avec des glo- 
bules rouges ou avec le sang d'animaux d'espèces 
différentes. 

L’agglutination du bacille typhique, qui permet 
de pratiquer si aisément le diagnostic de la fièvre 
typhoide, n'est donc pas un cas parliculier et 
rentre dans une grande loi de la pathologie géné- 
rale. Mais, pour des raisons qui, en partie au moins, 
nous échappent, l'organisme ne réagit pas toujours 
de la méme façon aux infections, spontanées ou 
expérimentales, causċes par les bactéries patho- 
gènes. L'organisme humain, par exemple, peut 
lutter avantageusement contre l'infection causée 
par le pneumocoque, l'agent infectieux de la pneu- 
monie; et pourtant, le pouvoir agglutinant des 
malades et des convalescents de pneumonie s'est 
toujours montrée vis-à-vis du pneumocoque remar- 
quablement faible. Il faut en conclure que, dans 
le mécanisme complexe de la défense antimicro- 
bienne de l'organisme, entrent en jeu différents 
processus selon la nature des diverses infections. 
Par exemple, dans certaines maladies microbiennes, 
entre en jeu spécialement l'activité productrice 
des agglutinines: c'est le cas de la fièvre typhoide. 

Voyons comment s'exécute, pratiquement et faci- 
lement, le séro-diagnostice typhique dans la plu- 
part des laboratoires de bactériologie clinique. 
La méthode la plus rapide, qui exige cependant 
l'emploi du microscope, est la suivante : 

Aussitôt qu'on a décidé de pratiquer le séro-dia- 
gnostic dans un cas suspect de fièvre typhoïde, on 


550 


prélève d’abord, au moyen d’une légère saignée au 
bras du malade, la petite quantité de sang néces- 
saire, qu’on recueille dans une éprouvette et qu’on 
laisse en repos dans un endroit frais, de façon à 
permettre au sérum de se bien séparer du caillot. 
D'autre part, on ensemence avec une petite quan- 
tité de cullure sur gélose de bacilles typhiques un 
ou deux tubes de bouillon peptonisé, qu'on laisse 
à l’étuve à 37° pendant douze à vingt-quatre heures, 
jusqu'à ce que le bouillon se présente uniformé- 
ment et légèrement trouble. Dans une goutte de 
cette culture examinée au microscope, on aperçoit, 
comme nous l'avons déjà dit, des myriades de 
bacilles typhiques isolés les uns des autres et ani- 
més de rapides mouvements de rotation et de 
translation. 

On aspire alors dans une pipette en verre quelques 
centimètres cubes de culture, et on en fait tomber 
successivement 25, 50, 100 gouttes, etc., dans une 
série de petites capsules en porcelaine ou de verres 
de montre. Ensuite, avec la même pipette, soigneu- 





F1G. 1. — BOUILLON DE CULTURE DE BACILLES TYPHIQUES. 


À, avant l'agglutination ; B, après. 


sement lavée et séchée, on prélève une petite 
quantité de sérum, dont on laisse tomber une 
goutte dans chacune des capsules. On mélange 
bien le contenu de chaque capsule au moyen d’une 
anse de platine, et après quelques minutes de repos 
on dispose le matériel pour l’examen microsco- 
pique. 

A cet effet, on se sert généralement d'une 
grande lame de verre épais, creusée sur une des 
faces de plusieurs godets arrondis. On dépose une 
goutte de chaque mélange sérum-bouillon sur une 
lamelle en verre très mince (lamelle couvre-objet); 
puis on retourne avec précaution chaque lamelle, 
et on la pose délicatement sur un des godets de la 
lame porte-objet, dont le bord a été enduit de va- 
seline de façon à empêcher l'évaporation de la 
goutte suspendue, par capillarité, à la lemelle. On 
réalise ainsi, comme disent les techniciens, une 
série de cultures ex cellule, ou en goutte pen- 
dante, qui peuvent être examinées très commodé- 
ment au microscope. 

L'aspect des gouttes pendantes dans lesquelles 
s'est réalisée l’agglutination est, dans les cas fran- 


COSMOS 


1% NOVEMBRE 1919 


chement positifs, tellement caractéristique qu'il 
ne saurait y avoir facilement d'erreur d’apprécia- 
tion. Les bacilles typhiques apparaissent dans le 
champ du microscope réunis en amas confluents 
ou distincts, les uns très considérables, les autres 
plus petits. On ne saurait mieux caractériser 
l’aspect de la culture agglutinée qu’en la comparant 
à la carte d'un archipel (1). 

Les bacilles agglutinés ont perdu leur mobilité; 
cependant, ce n’est pas sur cette perte de mobilité 
qu'est fondé le séro-diagnostic. Celui-ci peut s'exé- 
cuter aussi bien avec des bacilles vivants qu'avec 
des bacilles tués à la chaleur. 

Lorsqu'on ne dispose pas d'un bon microscope, 
on peut exécuter le séro-diagnostic en plaçant les 
mélanges titrés de sérum-bouillon dans une série 
de tubes à essai ou de petites éprouvettes, qu'on 
laisse en repos dans l’étuve à 37°. « Au bout d'un 
temps variant entre quatre et sept heures — dit 
M. Widal, — quelques grumeaux apparaissent 
(dans le tube où se produit l’agglutination), et, en 
douze à vingt-quatre heures, le tube a pris un 
aspect tout à fait caractéristique : les microbes se 
sont amassés au fond du tube pour y former un 
précipité de petits flocons blanchâtres et laissent 
le bouillon presque complètement clair. Par agita- 
tion, ces flocons n'arrivent pas à se dissoudre com- 
plètement; ils laissent toujours un précipité nageant 
dans le liquide sous forme d’une poussière très 
fine. » Le tube témoin (celui où on n’a mis que du 
bouillon typhique) est trouble dans son ensemble, 
et la distinction entre la culture agglutinée et la 
culture normale éclale au premier coup d'œil. 

Il y a des cas où le malade présente des symp- 
tòmes cliniques qui déposent pour la fièvre typhoïde, 
tandis que le séro-diagnostic est douteux ou faible. 
Il faut alors envisager deux possibilités: ou le 
malade est en des conditions très graves et ne peut 
fabriquer des substances agglutinantes, ou bien le 
microbe qui est la cause de sa maladie n'est pas 
tout à fait identique, quoique semblable et même 
proche parent, au bacille typhique, c’est-à-dire 
appartient à la catégorie des bacilles paratyphiques, 
dont on connait et lon cultive dans les labora- 
toires plusieurs variétés. Le doute sera éclairci 
lorsqu'on aura répété le séro-diagnostic au moyen 
d'une culture de bacilles paratyphiques, car ces 
bacilles sont, eux aussi, facilement agglutinés par 
le sérum des sujets qu’ils ont infectés. 

D'autre part, le séro-diagnostic peut être positif 
en l'absence de symptòmes de fièvre typhoide, 
lorsque le malade a déjà souffert de cette maladie, 
car les propriétés agglutinantes du sérum des 
typhiques se conservent, après la maladie, pendant 
plusieurs années. 

L'agglutination a été appliquée au diagnostic de 


(1) Tarcuerri et Goccra : Microscopie et bactériologie 
clinique, p. 473. 


N° 1451 


plusieurs maladies infectieuses, mais elle donne 
les meilleurs résultats dans la fièvre typhoide, 
maladie que tous les praticiens ont l’occasion de 
soigner. Nous devons cependant rappeler qu'elle 
rend aussi des services très appréciables pour le 
diagnostic de la dysenterie bacillaire, de la ménin- 
gite cérébro-spinale épidémique et du choléra. 
MM. Arloing et Courmant l'ont essayée dans des 
cas douteux de tuberculose, selon une méthode qui 
exige, cependant, beaucoup de pratique. Somme 
toute, la réaction agglutinante ou réaclion de 
Widal reste encore l'épreuve de choix pour le dia- 
gnostic de la fièvre typhoide. 

On a recours à l’agglutination pour identifier 
sûrement les germes suspects que l'on trouve, en 
temps d’épidémie, dans les eaux douteuses et dans 
les selles des malades. La réaction, en effet, per- 
met très bien, lorsqu'on a en main un sérum agglu- 
tinant, par exemple le bacille typhique, d'identifier 
à celui-ci tout germe facilement agglutinable trouvé 
dans l’eau d’une citerne ou d’un puits. De même, 
en temps de choléra, on emploie le sérum agglu- 
tinant d’un animal préparé par plusieurs injections 
immunisantes d'un vibrion cholérique pour s'assu- 
rer de l'identité des germes microbiens isolés d’une 
eau suspecte ou d’une diarrhée cholériforme. 

L'agglutination est donc aussi une pierre de 
touche pour l’étude des races microbiennes. Elle 
est d'un grand secours au médecin hygiéniste. 


Il. Le précipito-diagnostic. 


Toutes les albumines, végétales et animales, 
injectées à plusieurs reprises à des animaux du 
laboratoire, déterminent le développement dans 
leur sang et leurs humeurs de certains anticorps 
appelés « précipitines », qu’on trouve en plus ou 
moins grande abondance dans le sérum et qui con- 
fèrent à celui-ci la propriété de former un préci- 
pité lorsqu'on le mélange à des solutions limpides 
des susdites albumines. 

Par exemple, lorsqu'on injecte à un lapin, à plu- 
sieurs reprises, du sérum de cheval, le sérum du 
lapin ainsi immunisé forme un précipité lorsqu'il est 
mélangé ou porté simplement ‘en contact avec du 
sérum de cheval. 

On connait les remarquables résultats que peut 
fournir à la médecine légale l’emploi du précipito- 
diagnostic. « Un homme est accusé d’assassinat, 
on a saisi chez lui un vêtement taché de sang; 
l'accusé (c’est, je suppose, un boucher) prétend 
que c’est du sang de bœuf; la justice demande que 
l’on fasse le séro-diagnostic (le précipito-diagnostic) 
de ces taches. On en découpe quelques-unes dans 
le vêtement, on les lave dans de l’eau salée, et 
avec ce liquide on fait l’épreuve de la précipitation : 
le liquide donne un précipité avec un sérum d’ani- 


COSMOS 


So! 


mal préalablement traité avec du sang humain, si 
la tache était de sang humain. » (4) 

Il y a des précipitines albuminoïdes et des 
précipitines bactériennes, lesquelles ne sont qu'une 
espèce des premières. Prenons une culture en 
bouillon de bacilles typhiques; en la filtrant, 
nous obtenons un liquide clair ne contenant pas 
de microbes. Ajoutons-y un peu de sérum antity- 
phique très actif; le mélange se trouble; il se forme 
un précipité qui se dépose au fond du tube. Au 
lieu d’agglutination, nous avons eu une précipita- 
tion, c’est-à-dire la formation d’un nuage de petits 
flocons blanchâtres, dû à une réaction qui se pro- 
duit entre le sérum antityphique, riche en anti- 
corps spécifiques pour le bacille d'Eberth, et les 
substances protoplasmiques, provenant du corps 


SEE 





FIG. 2. — MATÉRIEL 
EMPLOYÉ POUR LE PRÉCIPITO-DIAGNOSTIC. 


A, tube à essai; B, pastilles de chlorure de sodium; C, enton- 
noir filtrant spécial; D, éprouvette; E, sérum précipitant. 


ou du métabolisme des bacilles, contenues dans le 


bouillon de culture filtré. 


On a essayé d'utiliser la réaction précipitante 
pour le diagnostic de différentes maladies infec- 
tieuses. Le sérum des malades contenant des anti- 
corps spécifiques pour les microbes auxquels est 
due la maladie, il n’y a qu’à mettre en contact ce 
sérum avec un extrait aqueux et limpide des bac- 
téries auxquelles on croit devoir attribuer la 
maladie. Cependant, cette épreuve est, dans la pra- 
tique, beaucoup plus délicate que celle de l’agglu- 
tination, ce qui fait qu'on y a recours plus rare- 
ment. Il est préférable, afin d'éviter plus facilement 
les chances d’erreur, de ne point mélanger brus- 
quement et intimement les deux réactifs — sérum. 


(4) E. Burner, op. cit., p. 294. 


552 


et extrait microbien, — mais de les porter lente- 
ment en contact, de façon à les stratifier l’un sur 
l’autre. Il se forme de la sorte après quelques 
minutes, dans l’éprouvette où se produit la réac- 
tion, une opacité circulaire bien évidente à la sur- 
face de contact du sérum et de l'extrait micro- 
bien. C’est ce qu’on appelle la « réaction zonale ». 

I est facile d'exécuter, même hors du labora- 
toire, la réaction zonale moyennant un petit appa- 
reil très simple, proposé par M. Ascoli de l'Institut 
sérothérapique milanais. Cet appareil comprend : 
4° Une éprouvette à pied, qu'on remplit d’abord, 
jusqu’à une certaine hauteur, de sérum ; 2° un petit 
entonnoir, dont le tuyau très mince est recourbé 
de façon que son orifice se trouve en contact avec 
la paroi de l’éprouvette, tout près de la surface du 
sérum; 3° un filtre en amiante, qu'on place dans 
l’entonnoir pour filtrer l'extrait microbien. 

L'usage de cet appareil est très simple. On super- 
pose l’entonnoir, muni du filtre en amiante, à 
l’éprouvette contenant le sérum, et on y verse l’ex- 
trait microbien ou, tout simplement, un bouillon 
de culture. Le liquide contenant les substances 
protoplasmiques microbiennes vient en contact 
tout doucement avec le sérum, et si celui-ci contient 
des anticorps correspondants, la réaction zonale 
apparait d'une facon évidente (1). 


COSMOS 


14 NOVEMBRE 1942 


Lorsqu'il s’agit d'identifier la nature de certaines 
bactéries contenues, par exemple, dans le pus, les 
eaux suspectes, etc., on dissout le matériel à exa- 
miner dans de l’eau salée physiologique et on verse 
le mélange dans l'entonnoir après avoir mis dans 
l’éprouvette un sérum d'animal immæmunisé au 
moyen d'injections convenables des bactéries qu'on 
cherche à identifier dans le matériel soumis à 
l'examen. 

Nous ajouterons, par curiosité, que le précipito- 
diagnostic est également utilisé pour le dépistage 
de certaines fraudes dans la fabrication des pro- 
duits alimentaires. « Un marchand est accusé de 
vendre de la saucisse de cheval sous l'étiquette de 
saucisse de porc. On fait avec de l'eau un extrait 
de la viande incriminée. Si la saucisse est de 
viande de cheval, cet extrait donne un précipité 
avec un sérum d'animal préalablement traité au 
moyen d'injections d'extrait de viande de cheval. 
Le diagnostic est encore possible avec des viandes 
fumées et desséchées. Par la même méthode, on 
peut diagnostiquer le lait de vache, de chèvre, etc. 
La réaction est sensible au 1/100 009, c’est-à-dire 
qu'elle donne une réponse avec un extrait ne con- 
tenant que le 1/100 000 de son poids de l’albumine 
à déterminer. » (4) 

(A suivre.) 





Lastronomie physique et la théorie cinétique des gaz. 


Les récentes découvertes dues à l'application des 
théories cinétiques et ionistiques des gaz vont nous 
ouvrir un vasle champ d'études astrophysiques. 

Nous savons que la lumière constitue le prin- 
cipal moyen d'investigation dans le champ céleste; 
aussi est-ce à cette forme vibratoire de l'énergie 
que nous nous adresserons de préférence pour 
étudier la structure physique et chimique des 
astres, ainsi que leurs constantes dynamiques. 
L'astronomie physique, de création relativement 
récente, est redevable de ses rapides progrès à 
l'étude spectroscopique des gaz ainsi qu'aux rela- 
tions qui existent entre l'émission et l’absorption 
lumineuse. C’est ainsi que nous avons appris à 
connaitre la structure probable du Soleil et des 
étoiles, ainsi que l'unité dans la composition chi- 
mique de l'univers. 

C'est anssi, par l'application du principe Döppler- 
Fizeau, que de nouvelles voies ont été ouvertes à 
la physique céleste, et c’est à l'application du phé- 
nomène de Zeeman, reliant étroitement les effets 
lumineux aux effets électromagnétiques, que nous 
avons pu prendre connaissance du champ magné- 
tique solaire. Le déplacement des raies spectrales 
par la rotation ou la translation des astres, ou 


(1) A. Ascour: Eléments de séroloyie, p. 126. 


seulement d'une partie de leur masse, fournit de 
précieuses indications pour la mécanique céleste. 
Le déplacement des raies par la pression gazeuse 
donne, de son côté, un moyen d'évaluer la pression 
de la chromosphère. Enfin, les lois du rayonnement 
des corps noirs constituent une méthode d'évalua- 
tion de la température extérieure des astres, grâce 
aux récentes études de divers physiciens, en parti- 
culier de MM. Buisson et Fabry (2); ce nouveau 
champ d’études de la physique céleste s'annonce 
comme devant être fertile en découvertes. 

Ces nouvelles études sont basées sur les varia- 
tions que subissent la largeur des raies spectrales 
suivant la pression, la température et la masse des 
particules gazeuses. 

Des relations simples paraissent exister entre 
les trois variables précédentes, et la connaissance 
de deux d'entre elles conduit facilement à la déter- 
mination de la troisième. 


(1) E. BunxeT: op. cit., p. 214. — On prétend que la 
réaction précipitante a réussi même surdes émulsions 
de parcelles de momies de 3 000 à 5 000 ans. 

(2) Comptes rendus de l’Académie des sciences, 
t. CLIV. Avril-mai 19142. Journal de physique, juin 1912, 
La largeur des raies spectrales et la théorie cinétique 
des gaz, Buisson et Fasrr. 


No 1451 


Rappalons brièvement le principe sur lequel se 
sont besés MM. Buisson et Fabry pour atteindre ces 
résultats. 

La rotation des atomes autour des molécules, et 
des électrons autour des atomes, dans un milieu 
gazeux très raréfié, s'effectue avec une vitesse 
excessive, autour d’orbites minuscules. 

Les passages de la particule aux deux extrémités 
d'uamèmediamètre orbital constituent.une véritable 
vibration, dont la période peut atteindre celle des 
ondes lumineuses et dont l'amplitude ou diamètre 
orbital est de même ordre que eelle des lougueurs 
d'ondes lumineuses. 

Les vibrations électro-magnétiques qui résultent 
de la rapide oscillation de le particule chargée 
d'électricité se transmettent au loin, sous forme 
de vibrations lumineuses, par l'intermédiaire de 
l’éther environnant. Telle est du moins l’explica- 
tion que l’on donne actuellement des effets lumi- 
peux dans les gaz raréfés! 

L'onde lumineuse se manifeste à nos yeux sous 
la forme d'ume raie speetrale, dont la largeur 
dépend de la vitesse oscillatoire de la particule, 
laquelle est elle-même déterminée par le rapport V 
déduit de la théorie einétique des gaz: 


V = A y I 
m 
dans lequel : 


À est une constante connue. 

T est la température du gaz raréfié. 

m est [la masse de Ia particule en mouvement. 

La largeur L de la raie est elle-même calculée 
à l’aide de la relation : 


L= y T 
m 


dans laquelle 1 représente la longueur d'onde de 
la vibration moyenne à laquelle appartient la raie 
spectrale. 

Cette dernière relatior montre que les raies les 
plus étroites sont produites, pour une longueur 
d'onde déterminée, par les particules en mouve- 
ment qui ont la masse la plus grande, et qui sont, 
en outre, soumises à la température la plus basse. 

En pratique, il est possible de mesurer facile- 
ment la largeur des raies, à l'aide des phénomènes 
d’interférence. ° 

En effet, si l'on considère un système ordinaire 
de franges d’interférence, à deux ondes lumineuses, 
dans lequel ła différence de marche est égale à x, 
l'ordre d’interférence n est donné par: 


n = 


ts 


Les franges deviennent nettement visibles quand 
n est petit; puis cette visibilité décroit au fur et à 
mesure que # croit, jusqu’à une limite où elle dis- 
parait. 


COSMOS 


553 


Cette limite est précisément donnée par ls 
relation suivante : 


N = 0,441 





À __ à 
e 23Xe 
avec e égal à la largeur. 


En faisant: 2,3 : = å, on a: N = À. 

La limite de visibilité des franges est done 
atteinte quand il y a discordance entre les interié- 
rences produites par les radiations de la longueur 


d'onde à et celles de la longueur d'onde : 
â 
1+ 3 


Le nombre N peut être appelé la finesse des raies, 
et, d’après la théorie cinétique des gaz, ce nombre N 
pourra être également exprimé par la relation sui- 
vante : 


N — 1,2 1 y 2 
x< T 


Dans la pratique, c'est cette dernière relation 
que l’on applique expérimentalement. 

Si l’on admet que les gaz sont suffisamment raré- 
fiés pour que les perturbations dues aux chocs 
moléculaires soient pratiquement négligeables, 
l'effet Dôüppler-Fizeau subsiste seul, et la relation 
précédente est applicable avec une rigueur suffi- 
sente. 

Diverses vérifications expérimentales ont, du 
reste, permis de vérifier l'exactitude des données 
théoriques. (est ainsi que Michelson a déterminé 
expérimentalement les radiations produites par 
des vapeurs métalliques à faible pression, et la 
limite N d’interférence concorde avec celle déduite 
de la théorie. 

On détermine en valeur absolue la température F 
de l’étuve où le gaz est chauffé ainsi que la masse 
atomique m du corps. C'est ainsi que l’on trouve 
pour le mercure : 

m = 200) 
T = 400 absolus. 


L'observation donne : 

N = 770 000 
La théorie donne : 

N = 860 000 
Pour le cadmium on trouve : 


mga = 112 
T = 600! 


L'observation donrie : 


N = #50 000 
La théorie : 
N = 520 000. 
Si l'on étudie des gaz simples tels que l’hélium, 
le néon, le krypton, en opérant à la température 


St 


ordinaire, c'est-à-dire à 290° absolus, puis à la tem- 
pérature de l'air liquide, soit 91° absolus, on trouve 
des résultats dont la concordance est remarquable. 
Le tableau ci-après en fait mention: 


TEMPÉRATURE 
ORDINAIRE Air 


a 


Nasse | Longueur 
atomique| d'onde 
m x 


liquide 
N observe N calcule IN” observe 


5 876 
5 852 |324 0001321 000| 515 000 
5 5:0 | 600 000! 597 000! 950 000 


Hélium . $ 
Néon... 20 
Krypton.| 83 


144 000! 1## 0001251 000! 1,66 


1,60 
1,58 


N' ; , ; 

Les rapports N sont égaux à la racine carrée 
du rapport inverse des températures absolues; ces 
rapports devraient être sensiblement égaux à 1,78: 
il suffit d'une petite différence entre la température 
du gaz et celle de l'enceinte de létuve pour expli- 
quer le léger écart qui existe entre ce dernier chiffre 
et ceux du tableau. Des mesures plus précises con- 
firmeront très probablement ce résultat. 

Si Pon détermine par lexpérience les limites 
d'interférence pour l'hélium et l'hydrogène, on 
constate que les diverses raies spectrales qui sont 
émises par ces gaz à l'état incandescent se rap- 
portent à des masses qui correspondent à leurs 
poids atomiques respectifs. 

Il parait donc logique de conclure de ce fait que 
la masse des particules incandescentes en mouve- 
ment, qui constituent les centres d'émission lumi- 
neuse, sont les atomes eux-mêmes et non des parti- 
cules de masse moindre. i ' m 

D'autre part, si l'on cherche à déterminer la 
température des molécules gazeuses d'une masse 
déterminée produisant des effets interférentiels 
donnés, on arrive à deux conclusions opposées. 
Dans l'une. la température seule est la cause de la 
luminosité des gaz; dans l’autre, le gaz émet de la 
lumière à une température extrèmement basse, 
voisine du zéro absolu. 

Il semble cependant possible de concilier ces 
deux faits opposés en admettant que les effets 
cinétiques dans Îles gaz où ils se manifestent ne 
procèdent pas de causes semblables. 

L'influence de la pression et des chocs molécu- 
laires ainsi que les effets d'ordre purement ionis- 
tique doivent s'y manifester d'une façon complè- 
tement différente. 

Les résuitats d'ensemble étant acquis, il a été 
possible de les appliquer aux recherches d'astro- 
physique. 

On peut déjà en déduire une méthode indirecte 
pour determiner la température extérieure du Soleil. 
En cet, si l'on étudie les raies noires de l'hydro- 
gene, du sodium et du fer qu'émet l'atmosphère 


COSMOS 





14 NOVEMBRE 1912 


solaire, et si l’on admet une pression de six atmo- 
sphères dans cette couche gazeuse, d’après la 
mesure du déplacement de ces raies vers le rouge, 
on calcule que, dans la région 4400 du spectre 
solaire, les raies du fer auraient une largeur de 
0,068 angstrôom, au lieu de 0,070 que donne 
l'observation directe, la température extérieure dn 
Soleil étant supposée de 6 000° absolus. 

On voit immédiatement que la concordance est 
suffisamment évidente pour en conclure que le 
chiffre de 6 000? admis pour la température exté- 
rieure du Soleil doit être bien voisine de la réalité. 
Ce résultat important vient, du reste, confirmer 
ceux qui ont été déjà obtenus dans ces dernières 
années à l’aide de méthodes entièrement diffé- 
rentes. 

On a toutefois constaté que les raies H et K du 
calcium ont une largeur incomparablement plus 
grande que celle déduite de la théorie. Il y aurait 
probablement un grand intérét à rechercher la 
cause de l'exception précédente, qui n'est, sans 
doute, qu'apparente. Il résulterait peut-être de 
ces recherches quelque découverte intéressante 
dans la cinétique des gaz ou dans l'étude de la 
constitution physique du Soleil. 

Il serait également très intéressant de déterminer 
la largeur des raies spectrales qu'émettent les pro- 
tubérances solaires. Si l’on admet une faible pres- 
sion dans ces masses gazeuses, ce qui semble pro- 
bable, on aurait un moyenindirect d’en déterminer 
la température. L'intérêt n’est pas moindre dans 
la détermination de la température des nébuleuses. 

Si l’on étudie, par exemple, la nébuleuse d'Orion, 
l'analyse spectrale y décèle, à còté de l'hydrogène 
et de l'hélium, la présence de deux corps inconnus, 
dont l'un a été appelé nébulium. Ce corps est carac- 
térisé par deux raies 4939 et 5007, dont l'intensité 
lumineuse est remarquable. Un autre corpsinconnu, 
non dénommé, est caractérisé par une forte raie 
ultra-violetle 3726. — Dès que nous serons fixés 
sur la nature des substances qui émettent les raies 
spectrales précédentes, nous connaitrons, par cela 
mème, les poids atomiques de ces substances, et il 
nous deviendra possible, par l'application de la 
méthode interférentielle de MM. Buisson et Fabry, 
d'en déduire la température de la nébuleuse. 

Inversement, la congaissance de cette tempéra- 
ture nous permettra de déduire le poids ato- 
mique des substances inconnues, dont les raies spec- 
trales donnent des franges d'interférence détermi- 
nées. 

Les méthodes physiques actuellement connues 
restent impuissantes pour nous renseigner sur les 
diverses questions précédentes, et l’on prévoit faci- 
ment tout l'intérêt qu'il y aurait à les résoudre 
par la nouvelle méthode de MM. Buisson et Fabry. 

On connait déjà la raie 3726 qu’émet la nébu- 
leuse d'Orion, et l'on suppose qu'elle pourrait bien 


N° 1451 


appartenir à l’oxygène; mais on ignore encore la 
valeur exacte de la longueur d'onde correspon- 
dante. Il ne nous est donc pas possible de trancher 
cette question d'une façon définitive. 

Il sera également facile de déterminer les 
vitesses radiales des divers points d’une nébuleuse 
et d'en étudier la circulation gazeuse lorsqu'on 
aura mieux précisé les données du problème 
précédent. 

MM. Buisson et Fabry ont déjà commencé une 
étude expérimentale de ces intéressants problèmes 
d’astrophysique. 

Ils ont établi un appareil interférentiel que l'on 
dispose au-devant d'une lunette ou d'un télescope. 
L'image amplifiée de la nébuleuse ainsi que l’image 
des anneaux interférentiels sont projetées sur une 
plaque photographique où elles se superposent. 

Les premiers résultats qui ont été déjà obtenus 
par ces habiles expérimentateurs sont des plus 
encourageants. 

C'est ainsi que, après une pose de quarante-cinq 
minutes, les clichés ont montré de beaux réseaux 
d’interférence correspondant à une différence de 
marche de 4 millimètres, sous le numéro 3 726, 
qu’on al{tribue à l'oxygène. . 


COSMOS 


555 


Bien qu'on ignore encore le poids atomique exact 
de ce corps, il semble probable qu’il est peu élevé, 
et l'on peut déjà conclure de ce premier résultat 
que les interférences d’ordre 10 600 correspondent 
à une basse température de la nébuleuse d'Orion. 

Si cette conclusion se confirme on devra admettre 
que l’incandescence des gaz qui composent cette 
nébuleuse est probablement d'origine électrique. 
On voit immédiatement quelles conséquences 
importantes l'astronomie physique peut déjà tirer 
de ces premières déterminations. . 

Lorsque, d’autre part, il nous aura été possible 
de préciser la température absolue de la nébuleuse 
d'Orion, nous aurons en main les données néces- 
saires pour déterminer le poids atomique du nébu- 
lium et des autres substances inconnues qui con- 
stituent la masse principale de ces mondes éloignés. 
D'autres déductions pratiques importantes surgi- 
ront probablement de la précieuse découverte de 
MM. Buisson et Fabry. Les astronomes ne sauront 
trop remercier les habiles physiciens français de 
leur avoir ouvert cette nouvelle voie dans l'étude 
de la physique stellaire. 

A. NODON, 
Président de la Soc. astr. de Bordeaux. 





SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 


Séance du 4 novembre 1912. 


PRÉSIDENCE DE M. LIPPMANN. 


Élection. — M. Mancuaz a été élu membre de la 
section d'Anatomie et de Zoologie par 42 suffrages sur 
60 suffrages exprimés, en remplacement de M. Joannès 
Chatin, décédé. 


La Conférence internationale de Pheure, — 
M. Bicourpax résume les travaux de la première Con- 
férence internationale de l'heure qui s’est réunie à 
Paris, à l'Observatoire, le 45 octobre, et qu'il a présidée: 
quinze gouvernements étrangers étaient représentés. 

M. Cu. Lazemanp fait hommage à l’Académie d’un 
exemplaire du Projet d'organisation d'un service inter- 
nalional de l'heure qu'au nom du Bureau des longi- 
tudes il a présenté à la Conférence internationale de 
l'heure, et il y joint quelques explications sur la 
genèse et la portée de ce projet. 

Dans ses grandes lignes, ce projet a été unanime- 
ment adopté par la Conférence. En outre, sur la pro- 
position du chef de la délégation allemande, M. le pro- 
fesseur W. Fæœærster, Paris a été choisi comme siège 
du futur Bureau international de l'heure, avec la tour 
Liffel comme poste central de signaux, huit stations 
auxiliaires réparties sur le globe devant recevoir de 
celle-ci l'heure universelle à transmettre ensuite 
autour d'elles. 

La liste ci-après indique les stations qui seront vrai- 


semblablement en état, au 4° juillet 1913, de jouer le 
ròle de centres d'émissions horaires, et les heures 
auxquelles devront être faites ces émissions: 


Heures, 
temps civil de Greenwich, 
h 
Par rer 0 (minuit) 
San Fernando (Brésil) ........... 2 
Arlington (Etats-Unis)............ 3 
Mani: ut 4 (provisoire) 
Mogadiscio (Somalie italienne)... 4 
Tombon t toUs cnni sree ia G 
PADS iaae aE NAER 410 
Norddeich-Wilhelmshaven ....... 42 (midi) 
San Fernando iBrésil)}............ 16 
. Arlington (Etats-Unis)....,,,..... 17 
Massaouah (Erythrée).,.......... I8 
San FrAnCiSCO mcm ends 20 
Norddeich-Wilhelmshaven........ 22 


Les centres d'émissions horaires feront usage d'une 
longueur d'onde uniforme d'environ 2500 mètres. 

L'émission de ces signaux se fera d’après un schéma 
uniforme, différent du schéma actuel de la tour Eiffel : 
ils dureront en tout trois minutes, y compris les 
signaux d'avertissement, depuis 51"0° jusqu'à 600". 
Nous reproduirons prochainement ce schéma. 


Sur l'origine des planètes et de leurs 
satellites. — Guidé par des analogies expérimen- 
tales, M. Ka. BinkELAXD a été amené à penser qu'il 
existe, dans les systèmes solaires en évolution, des 


556 


forces d’origine électromagnétique du même ordre de 
grandeur que celle de la gravitation, et que ces forces 
agissant de concert ont donné naissance autour du 
Soleil à des planètes ayant des orbites presque circu- 
laires, situées à peu près dans le mème plan, à des 
lunes et à des anneaux autour des planètes, à des 
nébuleuses en forme d'anneaux ou de spirales. 

M. Birkeland expose les calculs auxquels l’ontconduit 
ces considérations et décrit les expériences qui sont 
venues confirmer sa théorie. Il est inutile de dire que 
dans une démonstration de ce genre les hypothèses 
“ouent un certain ròle. 


Sur une cause d’explosion de tubes conte- 
nant un mélange comprimé d’air et d’hydro- 
gène. — Au mois d'août 1911 deux ouvriers furent 
tués à Chalais par l'explosion de tubes à hydrogène 
comprimé remplis par l’industrie privée. Ces ouvriers 
étaient chargés de mesurer la pression des tubes el 
la densité du gaz, qui se trouvait accidentellement 
mélangé d’air pur. | 

M. LeLancE a obtenu d’effectuer au laboratoire d'aé- 
ronautique militaire des expériences destinées à éta- 
blir le bien-fondé de l'hypothèse suivante : 

L'inflammation du mélange comprimé d'air et d’hy- 
drogène contenu dans le tube a été causée par la 
compression rapide (par le gaz comprimé) de l'air 
enfermé dans le tube du manomètre. 

Comme objection à cette hypothèse, on peut ètre 
tenté de dire : le gazcomprimé, lorsqu'il pénètre dans 
le tube manométrique, est laminé par le pointeau; il 
y a, en conséquence, mélange intime de ce gəz, re- 
froidi par sa détente,avec l’air du manomètre, qui n’a 
dès lors aucune raison de s'échauffer. A cela l’auteur 
répond qu’il se forme dans le tube manométrique des 
vortex d'air qui refusent de se mélanger au gaz com- 
primant et subissent une compression se rapprochant 
d'autant mieux de la compression adiabatique qu'ils 
ne touchent pas les parois du tube. 

L'auteur a aussi expérimenté avec succès un dispo- 
sitif de sécurité contre Je retour de pareils accidents, 
consistant à remplir, avec des rondelles de toiles 
métalliques, un tube interposé entre le manomètre et 
le tube à gaz. Ces toiles doivent avoir une masse 
calorifique telle qu’elles ne soient pas échauffées sen- 
siblement par la combustion du mélange contenu dans 
le tube manométrique. 

Il convient aussi d’éviter tout cul-de-sac dans les 
canalisations d'un gaz comprimé pouvant être acci- 
dentellement explosif; les culs-de-sac obligés doivent 
être munis d’un dispositif de toiles métalliques propre 
à empêcher la compression adiabatique ou à éteindre 
les gaz qui s'enflammeraicnt dans ce cul-de-sac. 


Le théorème du dernier multiplicateur de Jacobi, 
rattaché à la formule dite d’Ostrogradsky ou de Green. 
Note de M. Part APPELL. — Sur l’âge des schistes lus- 
trés des Alpes franco-italiennes. Note de MM. W. KILIAN 
et Cu. PrssexoT. — Éléments elliptiques de la comète 
1912 (b) Schaumasse, identité de cet astre avec la 
comète de Tuttle. Note de MM. Fayer et SCHAUMASSE. 
— Observations spectroscopiques de la comète 1912 a 
{Gale} faites à l'Observatoire de Meudon. Note de 
M. P. Inrac. — Découverte et observations de la co- 
mète 1912 c, faites à l'Observatoire de Marseille. Note 


COSMOS 


14 NOVEMBRE 1912 


de M. Bonneity. — Les problèmes de Cantor et de 
Dubois-Reymond dans la théorie des séries de poly- 
nomes de Legendre. Note de M. MicHEL PLANCHEREL. — 
Sur le spectre de rotation magnétique de la vapeur de 
brome. Note de M. G. Rinaup. — Sur l'ionisation 
des gaz par les rayons de Schumann. Note de MM. Léon 
et Eucène BLoca. — Sur les couples thermo-électriques. 
Note de M. GroRGEs MEsLIN. — Nouvelle méthode pour 
déterminer le rapport y des deux chaleurs spécifiques 
des gaz. Note de M. A. Lenuc. — Des actions opposées 
du champ magnétique sur la conductibilité électrique 
des gaz raréfiés en fonction de la valeur du champ 
et du degré de vide. Note de M. HENRI STASSANO. — 
Sur une météorite du Hedjaz (Arabie). Note de 
M. J. Couxar. — Variation périodique des caractères 
spécifiques. Note de M. Pavz VuiLzLemiN. — Non- 
fixation de l’acide phosphorique par une terre acide 
de forèt. Note de M. A. Psrir. — Sur les formes que le 
phosphore et le calcium affectent dans la caséine du 
lait. Note de M. L. Lixpsr. — Sur l'existence de prin- 
cipes cyanogénétiques dans une nouvelle centaurée 
(Centaurea crocodylium L.) et dans une commélinacée 
(Tinantia fugax Scheidw.}). Note de M. ManceL MIRANDE. 
— L'antigène dans la réaction de Wassermann. Note 
de M. A. DEsmouLIÈRE. — Observations relatives aux 
manifestations vocales d’un anthropoïde (Hylobates 
leucogenys Ogilby). Note de M. Louis BouTan; nous 
nous proposons de donner plus qu'une analyse de 
cette intéressante communication. 





SOCIÉTÉ ASTRONOMIQUE DE FRANCE 


Séance du mercredi 6 novembre. 


PRÉSIDENCE DE M. P. PUISEUX. 


M. KF. Quoéxisser, astronome à l’Observatoire de 
Juvisy, intéresse vivement les membres présents de 
la Société en parlant de la réception des signaux 
horaires et des dépèches météorologiques du poste -de 
télégraphie sans fil de la tour Eiffel, ainsi que de la 
construction des appareils d'amateurs. Il se réfère 
avec éloges aux articles de M. P. Corret en cours de 
publication dans le Cosmos (1). 

En terminant, le distingué astronome projette une 
très curieuse photographie, toute récente, de la comète 
Gale, qui est maintenant pourvue de deux queues: 
une queue normale et assez étendue, dirigée à l'op- 
posé du Soleil, et une autre queue anormale, plus 
faible, dirigée presque à angle droit; confondue 
d'abord avec la queue normale, elle s’en est écartée 
graduellement pour arriver à l’angle actuel de diver- 
gence de 86°. 

M. Mouronvar, ingénieur, présente un dispositif 
permettant d'effectuer, avec la mème lunette, des obser- 
vations simples, tant micrométriques que photogra- 
phiques, avec ou sans agrandissement. B. L. 


(1) À la demande de nos lecteurs, nous avons décidé 
de tirer à part, en une brochure de format maniable, 
les articles de M. Corret sur la T. S. F. quand la série 
en sera terminée. Le Cosmos donnera avis, en temps 
convenable, de l'apparition de cette brochure. 


N° 1451 


ASSOCIATION FRANÇAISE 
POUR L’AVANCEMENT DES SCIENCES {1 
Congrès de Nimes. 


Géologie et minéralogie. 


Cette section était présidée pear M. F. Roman, chargé 
de cours à la Faculté des sciences (Lyon), qui rem- 
plaçait M. le professeur W. Kilian (Grenoble). M. Ga- 
BRIEL CARRIERE (Nimes) fut nommé président d’hon- 
neur, et M. Pauz LEuoixe (Paris) vice-président. 

M. Grorces Courry (Paris), à propos du forage d'un 
puits à Etrechy (Seine-et-Oise), au lieu dit « La patte 
d'oie », à une altitude de 130 mètres, indique que l’on 
trouva les sables stampiens de Fontainebleau sur une 
épaisseur de 43 mètres; à la base, un banc de 3 mètres 
de mollasse. Les couches sannoisienmes étaient d’un 
développement analogue à celui indiqué sur la feuille 
géologique. Le calcaire de Brie y atteignait 7 mètres, 
avec blocs de silice hydratée. L'argile verte alter- 
nait avec Îles marnes blanches hydrauliques sur 
30 mètres. Puis une grosse lacune de sédimentation : 
du sannoisien on passe brusquement au sparnacien, 
qui est là une formation laguno-fluviale. L'argile plas- 
tique grise est intercalée sur 40 mètres entre de fortes 
assises sableuses, où se rencontrent des galets roulés. 
Ces sables granulitiques sont meubles. 

Ce forage s’est terminé sur la craie supérieure À 
Belemnitella mucronata, par 39 mètres d’épaisseur. 
L'anticlinal du Hurepoix a donc favorisé les régressions 
lutétiennes, bartonniennes et ludiennes, jusqu'au 
moment où les dépôts stampiens vinrent recouvrir le 
dôme crétacé de Sermaise, dans les environs de 
Dourdan. 


L'avalanche du glacier de Sollières et la crue gla- 
ciaire du début du xix’ siécle en Maurienne. 

M. Pauz GiranniN (Fribourg, Suisse). Les glaciers de 
Maurienne étaient en état de maximum en 1814. 
L'existence du'glaeier du vallon de Sollières descendant 
jusqu'à la zone de la forêt est particulièrement in- 
struetive ; ses avalanches répétées, dans la suite des 
temps, ont dù rejeter l’Are vers la gauche, et, formant 
barrage de glace compacte au fond de la vallée, 
lorsque le glacier s’avançait plus bas, elles ont dù 
transformer à plusieurs reprises la plaine de Sollières 
à Termignon en lac de barrage; ainsi s'expliquent les 
terrasses d'alluvions anciennes, mises à nu par l'Arc 
sous la moraine quaternaire et qui ont comblé ce 
petit bassin, le transformant en plaine unie. 


M. Pauz Lemoixe (Paris) a fait la Bibliographie de la 
géologie de l'Afrique occidentale française. Les tra- 
vaux géologiques sur la plus grande de nos colonies 
sont très nombreux, quoique très dispersés et présen- 
tant de fréquentes lacunes. L'auteur a fait œuvre très 
utile de réunir les titres de ees diverses notes. Cette 
bibliographie n’est du reste que provisoire; ce sont 
les préliminaires d’un travail très important qu'il 
poursuit en ce moment. 


MM. W. Kiuax et P. Resouz (Grenoble) étudient 
quelques Æolcodiscus nouveaux de l'Hauteribien de 
La Bègüe, près La Palud (Basses-Alpes). 


(1) Sæite, voir p. 529. 


COSMOS 


587 


M. W. Krutax est Fauteur d’une Carte de la réparti- 
tion du glaciaire urgaonien dans le sud-est de la France. 
I y décrit l’urgonien du Jura, du Vivarais, de la 
Provence : à l’est de la région delphino-provençale 
règne exelusivement le facies vaseux. 


M. A. Joy (Constantine) continue son étude sur la 
tectonique des Hautes-Plaines constantinoises ; il 
remarque toutefois que rien n'est stable encore dans 
ce pays-là, la fréquence des sismes ne le dit que 
trop. 

Du même auteur, note sur le jurassique de Chellala 
(province d'Alger). 


M. Pauz LEOINE conclut, d’un travail sur la présence 
probable des roches anciennes dans les alluvions de la 
Marne à Chelles, bien connues par la découverte 
qu'Ameghino y a faite en 1881 de graviers à Elephas 
antiquus Felc., à un niveau à peine plus élevé que le 
fond des vallées actuelles, que les roches anciennes 
provenant des Vosges ont été dispersées, à une 
époque vraisemblablement pliocène, sur les plateaux 
qui vont de la Moselle à la Marne. Les parties les plus 
occidentales de ces lambeaux de dispersion, reconnus 
par Bleicher, auraient été remaniées par la Marne 
quaternaire. Il sera nécessaire de reprendre, à ce 
point de vue, l'étude des alluvions de la Marne, sur- 
tout dans les parties hautes de son cours. Des recherches 
dans ce sens sur les diverses rivières du Bassin de 
Paris pourront d’ailleurs être très fructueuses, car 
elles pourront faire connaitre l’évolution des phéno- 
mènes d'érosion et des cycles hydrographiques qui 
ont dù se succéder dans le Bassin de Paris depuis le 
commencement du miocène et dont il ne reste plus de 
trace visible. 


M. le chanoine Acrernr Duraxp (Nimes) lit une 
étude sur le pliocène de la réyion de Saint-Laurent- 
des-Arbres. — C'est une synthèse rapide des connais- 
sances considérées comme acquises sur une série 
stratigraphique de la région. Ce travail est terminé 
par une intéressante bibliographie de la question. 


M. Savonnix (Alzer) présente deux mémoires : 1° Sur 
la stratigraphie et la tectonique des réqions de Ber- 
rouaquia el Boyhari (Algérie). — Il n’y a pas d’aeci- 
dent singulier véritablement dans la structure de tout 
ce pays. Les nombreux étages qui s’y présentent en 
beaux aflleurements sont harmoniquement plissés avec 
tendance au déversement méridional de toutes les 
boucles anticlinales. Ils sont, en outre, de plus en 
plus récents à mesure que l’on progresse du Nord au 
Sud, depuis Berrouaguia jusqu'aux steppes de Boghari. 

> Remarques sur une importante ligne architecto- 
nique au sud du Tell alyéro-constantinois. 

Le pays ehevauchant sur le revers Sud de la chaine 
des Biban peut être envisagé comme l’avant-pays d'une 
région de nappes poussé vers le Sud et énergique- 
ment plissé. Les plis ont parfois déferlé sur les dòmes 
démantelés qui font partie de l’Atlas saharien par 
rapport à l'Atlas tellien. Cette antériorité a cependant 
été méconnue et même niée, récemment encore, par 
d’habiles géologues qui semblent avoir mal inter- 
prété la pensée d'Etienne Ritter sur la constitution des 
Monts du Djebel-Amour et des Ouled-Nail. 


M. Douxaui (Lille). Carte géologique et carte agrono- 
mique. — On devra, pour éviter les inconvénients que 


558 


présente la carte géologique actuelle, exécuter une 


Carte au 





1 
mo W est celle adoptée pour le plan 


d'assemblage des plans cadastraux. Cette carte 
agrogéologique représentera tous les sols le plus sim- 
plement et le plus clairement possible. Ces cartes 
devront porter tous les renseignements géologiques 
qui peuvent intéresser directement ou indirectement 
les agriculteurs. Aux agronomes appartiendrait la 
tâche d'analyser les différents sols ou sous-sols et 
d'en déduire des conclusions pratiques. 


M. Cosswanx (Paris) donne son cinquième article 
d'un travail général sur les Pélécypodes jurassiques 
recueillis en France. 


M. GABRIEL CARRIÈRE (Nimes) donne, sous le titre de 
Contacts du pliocéne marin et du sannoisien avec 
l'hauterivien aux environs de Nimes, un commen- 
taire de l’excursion géologique faite le 2 aoùt par la 
section aux environs de Nîmes. On a pu recueillir vers 
le sommet de la colline de Puech d'’Autel les espèces 
suivantes : Limnæa longicosta Brg, Planorbis steno- 


COSMOS 


14 NOVEMBRE 1919 


cylotus Font, Melania Juliani, nov. spec., Melanoïdes 
albigens Noulet (variété Dumasi, Font), Melanopsis 
acrolepta Font, Vivipara soricinensis Noulet, Veritina 
Lautricensis Noulet, Sphærium Besteranæ Font. 

Malgré son étendue restreinte, le sannoisien de ce 
gisement est intéressant à visiter, {ne serait-ce que 
comme exemple des plissements et des ablations que 
la formation lacustre a subis depuis son dépôt. 


M. Rowan examine les zones à Céphalopodes du Turo- 
nien du Gard et.du Vaucluse. — il conclut que les gise- 
ments de la vallée du Rhône seraient caractérisés par 
une faune de céphalopodes comportant principalement 
des formes septentrionales analogues à celles de la 
vallée de la Loire à laquelle vient s’adjoindre un 
certain nombre de types à affinités africaines, démon- 
trant ainsi une libre communication avec le Sud pen- 
dant toute la période ligérienne qui se continue pen- 
dant l’angoumien avec un facies plus côtier, prépa- 
rant les facies à rudistes et à lignites du sommet du 
crétacé. 


(A suivre.) E. HÉRICHARD. 





BIBLIOGRAPHIE 


Mesure des angles. Hyperboles étoilées et 
développantes, parle commandant D. GAUTIER, 
ancien élève de l'Ecole polytechnique. In-8° 
(23 X 14) de 1v-84 pages avec 14 figures (2 fr). 
Gauthier-Villars, Paris, 1914. 

Les hyperboles étoilées et l’'hyperbole dévelop- 
‘pante peuvent servir à constituer des graphiques, 
pour la solution non seulement du problème de la 
trisection de l'angle, mais encore du problème 
général de la division des angles, avec une étroite 
approximation. | 

Il faut avouer qu'Archimède avait déjà fourni 
une solution analogue du problème, faisant inter- 
venir l'emploi d’une courbe transcendante : en 
effet, la spirale d’Archimède permet de trouver 
deux longueurs dont le rapport soit celui de deux 
angles donnés. Mais, de l'avis de M. Gautier, 
l’hyperbole développante est, de toutes les courbes 
transcendantes à employer, celle qui donne les 
meilleurs résultats, parce qu’elle est la plus simple 
et parce qu elle fournit les tracés les plus précis. 

La mème courbe permet de résoudre d’une façon 
pratique et très approchée la quadrature du cercle. 

Indépendamment de ces applications, la théorie 
des hyperboles étoilées a son intérêt propre et 
mérite sa place dans le cadre de la géométrie. 


Principes d'organisation scientifique des 


usines, par FREDERIC WixsLow TayLior. Traduc- 


tion de J. RoYer, ingénieur. Un voi. in-80 de 
152 pages (4 fr). Librairie Dunod et Pinat, Paris. 
Nous avons indiqué autrefois ici même (Cosmos, 
aout 1903, t. LIH) les résultats remarquables obtenus 


aux États-Unis par l’organisation scientifique du 
travail dans les usines. Le livre de M. Taylor est 
une étude très approfondie et très documentée sur 
ce sujet. 

La production journalière d'un ouvrier dépend 
de beaucoup de facteurs, principalement des condi- 
tions physiologiques inhérentes à sanaturehumaine, 
de la perfection des outils mis à sa disposition, de 
l'organisation du travail réglée par ses chefs d'ate- 
lier. En étudiant ces différents facteurs et en les 
faisant varier pour trouver la combinaison la plus 
favorable, on arrive à obtenir de la part de l’ou- 
vrier un travail trois ou quatre fois plus considé- 
rable sans fatigue supplémentaire. On parvient 
à ces résultats en chronométrant au dixième de 
seconde chaque mouvement de l'ouvrier et suppri- 
mant les mouvements inutiles. On cherche ensuite 
à accélérer la vitesse de chaque mouvement utile 
en mettant sous la main de l'ouvrier tous les outils 
ou matériaux quil doit remuer, en étudiant les 
conditions de fatigue physiologique : intensité de 
l'éclairement, alternance de repos et de mouve- 
ment, [valeur la plus favorable de l'effort muscu- 
laire. 

Ce n'est qu'après un travail de plusieurs années 
que M. Taylor a pu déterminer ces règles scienti- 
fiques. Elles lui ont donné de magnifiques résultats 
dans l'industrie du travail du fer, la maçonnerie, 
la construction automobile. Pour chaque branche, 
il lui a fallu faire de nouvelles applications de sa 
méthode. Mais ce qui a été le plus difficile, ç'a été 
de faire accepter des ouvriers le nouveau mode de 
travail. Ceux-ci, en effet, routiniers et défiants, 


N° 1451 


n'ont accepté la discipline très stricte qui leur est 
imposée que moyennant une augmentation de 
salaire, de plus en plus forte suivant l’augmenta- 
tion de production fournie par eux. 

L'application systématique de ces méthodes per- 
mettrait certainement de doubler du jour au len- 
demain la produetion et par suite la richesse de 
tous les pays. Mais cette organisation nouvelle du 
travail ne pourra être réalisée que par des ingé- 
nieurs profondément imbus de la méthode scienti- 
fique. 

Heureusement, on commence à s’en préoccuper 
en France, et les ingénieurs auront profit à lire ce 
très intéressant travail. 


La renaissance de l’orgueil français, par 
M. Eriexxe Rey. Un vol. in-18 jésus (collection : 
les Études contemporaines) de 214 pages (2 fr.). 
Bernard Grasset, éditeur, 61, rue des Saints- 
Pères, Paris. 


Ce fut un beau mouvement, celui qui, après le 
coup d'Agadir, dressa la France entière en face de 
l'Allemagne arrogante et provocatrice. Cette atti- 
tude était tout ensemble une résultante et une 
cause dans la renaissance de l'orgueil français. 
M. Rey cherche à se rendre compte et de cet 
esprit nouveau et des facteurs visibles ou cachés 
auxquels il est dû. Son analyse ne provoquera pas 
l'unanimité des suffrages, car l'auteur, malgré ses 
intentions que nous croyons sincères, s’y montre 
en fait partial et même injuste. Au gouvernement 
de la République il attribue le mérite principal du 
changement constaté. L'auteur a-t-il oublié les 
faveurs dont, durant de trop longues années, ont 
joui les apôtres de l’antimilitarisme, les rédacteurs 
des fiches qui ont saboté notre armée? M. Rey 
se montre injuste vis-à-vis de l’Église de France et 
haineux envers le Pape. Lisez plutôt : « Depuis 
dix ans, elle n’a su qu'une chose, s’asservir à un 
pape qui a fait de l’incompréhension universelle 
un système de gouvernement. » (P. 129.) Cette 
phrase dit aux catholiques l'esprit de M. Rey. 


Les pratiques chirurgicales chez les Arabes, 
par le D" H.-J. Briox. Un vol. (25 X 16) de 113 pages. 
Jouve, 15, rue Racine, Paris. 


En contact intime pendant plusieurs années avec 
les Arabes de l'Algérie et du désert, de par ses 
fonctions de médecin et comme voyageur, l'au- 
teur a recueilli des notes sur les pratiques chirur- 
gicales arabes et s’est trouvé amené à les com- 
parer aux pratiques anciennes, telles qu’elles se 
trouvent consignées dans les auteurs arabes, notam- 
ment Abulcasis. 

En fait, la chirurgie moderne des Arabes est 
celle d’un peuple quasi fossile. Non point que les 
procédés opératoires manquent de hardiesse et 
d'ingéniosité, mais les pratiques usitées aujour- 


COSMOS 


559 


d'hui sont textuellement, souvent, celles des siècles 
d'autrefois. La chirurgie arabe était issue de la 
science grecque; elle avait. apporté quelques nou- 
veautés : usage éventuel, dès le x° siècle, de Panes- 
thésieopératoire par desdécoctionsd'ivraie,d’opium, 
de jusquiame; sutures au moyen de pinces de 
fourmis, etc. Les traités de chirurgie de la Renais- 
sance ont beaucoup hérité des auteurs arabes. 

La chirurgie arabeignore, bien entendu, l’asepsie; 
mais, dit l’auteur, elle n’en a presque pas besoin: 
l’Arabe présente une résistance extraordinaire aux 
infections et suppurations, grâce au climat sec et 
à la vive lumière, qui sont des antiseptiques mer- 
veilleusement efficaces. ° 


Notre pain quotidien, par A. Rousser (4 fr). 
Librairie de la Bonne Presse, 5, rue Bayard, Paris. 


La collection scientifique de la Bonne Presse 
vient de s'enrichir de ce nouveau volume dont 
l'éloge n’est pas à faire puisqu'il est dû à notre 
distingué collaborateur M. Rousset. 

Il fallait tout son talent et sa pleine possession 
des faits si complexes qui touchent à ‘cette ques- 
tion pour condenser en une centaine de pages 
un sujet aussi vaste, en le traitant cependant com- 
plètement. Une simple nomenclature des chapitres 
indique le plan adopté : la terre et ses secrets; — 
le bon grain; — le blé qui lève; — la moisson; 
— du grain å la farine; — notre pain; — le pain 
aliment. Chacun de ces chapitres donne lieu aux 
développements les plus intructifs et d'autant plus 
intéressants que le livre est largement et sagace- 
ment illustré. 

L'auteur ne s’est pas borné à l'étude matérielle 
de la question; dans des lignes sincères et pleines 
de foi, il dit et fait comprendre la reconnaissance 
que nous devons au Dispensateur de toutes choses 
qui nous donne le pain quotidien, l’aliment sacré. 


Aide-mémoire du photographe, par G. MEÉNÉ- 
TRAT. Tomel : Mathématiques, physique, chimie. 
Une brochure de 70 pages (0,75 fr). Charles 
Mendel, éditeur, 118, rue d’Assas, Paris. 


Il existe des aide-mémoire pour beaucoup de 
branches de sciences; en voici un créé tout spé- 
cialement pour les photographes. Il comprendra 
huit volumes qui emorasseront toutes les connais- 
sances pouvant être notées, mises en formules ou 
en tableaux, et qu'il est indispensable au photo- 
graphe de posséder ou tout au moins de pouvoir 
retrouver en cas de besoin. 

Ce premier tome comprend les documents 
mathématiques, physiques et chimiques relatifs à 
la photographie (mesures, vitesses des mobiles; 
points de fusion, d'ébullition, mélanges réfrigé- 
rants; poids atomique, propriétés et conservation 
des substances employées; corps toxiques et anti- 
dotes, elc.). 


COSMOS 


14 NOVEMBRE 41919 


FORMULAIRE 


Pour dégeler les prises d’eau. — En hiver, 
on voit souvent, à Paris, les cantonniers brüler des 
balais entiers sur les plaques de prises d’eau pour 
tâcher de les dégeler. Ce procédé très primitif est 
souvent inefficace. Les pompiers ont recours, en 
général, aux lampes à souder, mais ce moyen 
demande beaucoup de temps. 

La Rerue générale de l'Acétylène indique que des 
expériences très complètes ont été faites par des 
pompiers allemands pour le dégel des prises d’eau 
d'incendie. On eut l’idée de répandre du carbure 
de calcium sur la couche glacée, et d'allumer le gaz 


engendré. Une prise recouverte d'une forte couche de 
glace ne demande, par ce procédé, que neuf minutes 
pour permettre l'enlèvement de la plaque de prise. 

On répandit de nouveau du earbure dans la 
cavité, et au bout de huit nouvelles minutes, on 
put se servir de la prise d’eau. Cependant, ce pro- 
cédé nécessite quelque prudence, car il se produit 
parfois une série d’explosions. 

On peut encore étendre une couche de chaux 
vive que l’on arrose pour l’éleindre. La chaleur 
progressivement dégagée par la chaux fond la 
glace des tuyaux. 





PETITE CORRESPONDANCE 


Adresses : 

La grue de Pola a été construite par la Compagnie 
Prager Maschinenbau Actien Gesellschaft, 36, Marien- 
gasse, à Prague (Bohème). 


M. C. N., à A. — La brochure reproduisant les 
articles sur la télégraphie sans fil qui paraissent 
actuellement dans le Cosmos sera prète dans un mois 
environ. Elle se trouvera à nos bureaux. Nous ne sau- 
rions vous dire le prix, mais il sera peu élevé. 


M... 76, rue d'Oultremont., — Nous avons reçu 
votre curieuse communication, et nous nous sommes 
reportés à la source indiquée; nous croyons intéres- 
sant de reproduire la note de 1802. Nous regrettons 
de n'avoir su lire votre signature, et nous ne pouvons 
dire à qui nous devons ce renseignement; consenti- 
riez-vous à combler cette lacune? 


R. P. L.,à G. — Pour la destruction des rats, vous 
pouvez prendre la poudre de Méring, 84, faubourg 
Saint-Honoré, ou encore le virus contagieux Laroche 
à Villemomble (Seine). : 

hf. C. B., à GC. F. — L'édition francaise du livre: 
les Macroleépidoptéres du globe, se trouve à la librairie 
Le Soudier, 174, boulevard Saint-Germain, Paris. Nous 
ignorons le prix, qui doit varier avec chaque volume. 


M. G. P., au G. — Le fil de platine de un dixième 
de millimètre est trop gros pour pouvoir être employé 
à la fabrication d’une électrode de détecteur électro- 
lytique. Vous pouvez d'ailleurs essayer d'en construire 
une, l'opération n'étant pas compliquée. — Nous ne 
pouvons vous fixer sur ce point. Le détecteur électro- 
lytique est plus régulier; le détecteur à cristaux 
(quand le cristal employé est bien choisi) est plus 
sensible, et permet de travailler avec un récepteur 
quelconque.— Les machines statiques peuvent servir, 
évidemment; mais celles ont l'inconvénient de ne 
fournir que des courants intermittents avec lesquels 
il ne serait pas possible d'obtenir des séries de traits et 
de points. Il est plus simple de prendre une bobine de 
Rüuhmkortf. 


M. P.R.,à P. — Ces nombres sont relatifs: si en 
décembre, à midi, on a obtenu une bonne épreuve en 


posant pendant deux secondes, par exemple, il faut 
poser moitié moins à la même heure en juin; toutes 
choses égales, d'ailleurs : ouverture du diaphragme, 
rapidité des plaques, état du ciel, etc. 


M. H. H., à A. — Voyez les adresses données dans 
le dernier numéro. — S'il s’agit d'appareils de T.S. F. 
pour amateurs, cet ouvrage n'existe pas. — Stérilisa- 
tion des eaux par rayons ultra-violets: Société fran- 
çaise pour les applications des rayons ultra-violets, 
73, boulevard Haussmann: Billon-Daguerre, 8, rue de 
Normandie, Asnières: Méran frères, 155, faubourg 
Poissonnière, Paris. Par l'ozone, Compagnie générale 
de l’ozone, 11 bis, boulevard Haussmann; E. Douzal, 
7, rue Dutot, Paris. 


M. l’abbé C., à St.-S. du P. — Nous n'avons pas 
d’autres détails sur le détecteur « KK >» que ceux 
parus dans l'£lectricien. Adressez-vous. directement 
à cette dernière revue.— Fabrique d’aimants:Splindler, 
41, rue du Chäteau-d'Eau, Paris. 


M™ A. A., à A. — Le renseignement que vous 
demandez est tout à fait en dehors de notre compé- 
tence et nous ne savons où nous pourrions le décou- 
vrir. 

M. L. T. C., à T. — Ces matières ne se trouvent pas 
en un seul ouvrage. — Télégraphie sans fil: Pre- 
mières notions de télégraphie et de téléphonie sans 
fil, par BéGésé (4 fr). Librairie Omnia, 3%, rue Pergo- 
lèse, Paris. Courants alternatifs: l'Électricité indus- 
trielle (3° partie}, par Lesors (4 fr). Librairie Dela- 
grave, 15, rue Soutillot, Paris. 


M. B. S., à M. — Lampes électriques à vapeur de 
mercure: Westinghouse electric Company, $, rue 
Auber, Paris. — Nous avons bien souvent parlé de 
cette lampe, notamment dans le numéro 946 (14 mars 
1903). 


M. H., au M. — Nous avons donné une formuie pour 
la désinfection des puits dans le numéro 1287 du 
25 septembre 1909. Veuillez vous y reporter. 





I imerie P. Frnon-Vaas. 3 ot 5, ruo Bayard, Paris, VIR., 
E $o pérant : A. Paran. 


No 4452 — 91 NovEMBRE 1912 


COSMOS 561 


SOMMAIRE 


Tour du Monde. — L'éclat de la Lune à ses diverses phases. Service d'avertissement météorologique par 
T. S. F. pour les aviateurs en Allemagne. La désintégration de la matière sous l’action des rayons 
cathodiques. La station radiotélégraphique américaine d’Arlington. Pour augmenter l'intensité du son 
téléphonique. Une balle incendiaire contre les dirigeables. Écran métallisé Fulgor pour projections et 
cinématographe. La force motrice qu’on peut tirer d'une ionne de charbon, p. 564. 


Recherches sur la toxicité des champignons, J. PanrisoT. p. 564. — Les premiers habitants du globe, 


P. Couses, p. 566. — Télégraphie sans fil 


: réception à domicile des signaux horaires (suite), 


P. ConreT, p. 568. — L’acoustèle Daguia-Diénert, Fouanier, p. 571. — L’industrie du chauffage 
central, Mancaann, p. 572. — Le barrage de Galveston, GnapEnwiTz, p. 574. — Les méthodes 
modernes de diagnostic sérologique (suite), D” Goccia, p. 576. — Un coup d’œil sur le passé : 
les animaux qui guérissent, Coupix, p. 579. — La coagulation du sang, Accootr, p. 581. — Sociétés 
savantes : Académie des sciences, p. 583. — Association française pour l'avancement des sciences (suite), 


HéricHarb, p. 585. — Bibliographie, p. 586. 








TOUR DU MONDE 


ASTRONOMIE 


L’éclat de la Lune à ses diverses phases. — 
La clarté de l'astre des nuits a plus inspiré les 
poètes que les astronomes, qui n’ont pas souvent 
pensé à faire la mesure des éclats relatifs aux 
diverses phases de notre satellite. Ce n'est qu'à 
une époque récente que de pareilles mesures ont 
été effectuées, d’un côté, par W. H. Pickering, de 
l’autre, par Stebbins et Brown; le premier opérait 
à l’aide d’une lampe étalon au pentane par la 
méthode de l'égalisation des ombres; les autres 
employaient un photomètre au sélénium. 

Sans avoir connaissance des travaux des auteurs 
précédents, l’astronome de Prague, le D"A. Scheller, 
a aussi comparé, en 1906-1907, la clarté des diverses 
phases de la Lune; nous trouvons les résultats 
qu'il a obtenus résumés dans Prometheus (9 nov.). 
Scheller se servait d'une méthode de photométrie 
photographique : au moyen d’un appareil sans 
lentilles, il opérait le noircissement des plaques 
sensibles, d’une part, sous l'effet de la lumière 
lunaire; d'autre part, sous l'action d’une lampe 
étalon Hefner. 

Des 42 déterminations qu'il a exécutées, il con- 
clut d’abord que la lumière lunaire est extraordi- 
nairement actinique, comme disent les photo- 
graphes, c'est-à-dire capable d’impressionner la 
plaque photographique. L’éclat photographique de 
la Lune correspond à celui de 2,45 bougies placées 
à une distance de un mètre de la plaque sensible 
(les bougies en question sont des unités Hefner, 
égales chacune à 0,9 bougie internationale, ce qui, 
en notations photométriques françaises et interna- 
tionales, donne à la Lune un éclat photographique 
de 2,20 bougies-mètre). Ainsi, mesuré par la mé- 
thode photographique, l'éclat lunaire parait envi- 
ron dix fois plus fort que s'il est mesuré par des 


T. LXVII. N° 1452. 


comparaisons visuelles, car ces dernières indiquent 
seulement 0,25 bougie-mètre s'il s'agit d'unités 
Hefner, 0,22 bougie-mètre, s'il s'agit d'unité inter- 
nationale. 

Fait très intéressant : l'éclat photographique de 
la Lune à l'époque du dernier quartier dépasse 
énormément celui du premier quartier : en repré- 
sentant par 60 l'éclat (photographique) de la pleine 
Lune, celui du premier quartier vaudrait 6 et celui 
du dernier quartier 10. Ces différences s'expliquent 
par l'inégale répartilion des montagnes et des 
a mers » à la surface de la Lune. Le rapport des 
mers au reste de la surface visible est de 4 : 4,23 
pour le premier quartier et de 1: 2,65 pour le 
dernier quartier. Les régions lunaires désignées 
sous le nom de mers renvoient done une lumière 
plus actinique que les montagnes. 


MÉTÉOROLOGIE 


Service d'avertissement météorologique par 
T. S. F. pour les aviateurs en Allemagne. 
— Depuis le 4° juin, un nouveau service d’avertis- 
sement pour les aviateurs a élé organisé en Alle- 
magne. Outre la centrale de l’Observatoire aéro- 
naulique de Lindenberg, qui était déjà en service, 
on a inauguré celle de Francfort-sur-le-Mein, qui 
est reliée au Bureau météorologique de cette ville. 
Ces deux centrales donnent radiotélégraphique- 
ment à tous les intéressés des renseignements sur 
l’état de l'atmosphère et la prévision du temps. Les 
deux centrales de Lindenberg et Francfort, qui 
sont pourvues du service météorologique ordinaire, 
reçoivent télégraphiquement tous les jours, de 8 à 
9 heures du matin, de 15 stations allemandes et 
de quelques stations étrangères, des renseignements 
sur les conditions du vent. Elles recoivent, en outre, 
dé 600 bureaux de poste allemands un avis télé- 


graphique avant ou au moment où un orage se 
produit. Les centrales sont donc en mesure de 
communiquerauxaviateurs,par laradiotélégraphie, 
des renseignements sur l'état probable de l’atmo- 
sphère, qui peuvent être très importants pour eux. 


PHYSIQUE 


La désintégration de la matière sous l’ac- 
tion des rayons cathodiques. — Le radium et 
les autres corps radioactifs ont habitué les physi- 
ciens et les chimistes à l'idée de la transmutation 
des éléments: il est hors de doute que l'atome de 
radium, par une série de dégradations, aboutit 
à n'être plus qu'un alome d'hélium, substance 
chimique toute différente du radium et classée en 
chimie parmi les corps simples. 

L'habile expérimentateur sir William Ramsay 
montra, en outre, dès 1907, que, soumis au bombar- 
dement des particules « émises par l'émanation du 
radium, le cuivre lui-même se transmue en lithium, 
corps de la mème famille, mais de poids atomique 
plus faible; puis, en 1909, que les éléments de la 
famille du carbone, à savoir : le silicium, le titane, 
le zirconium, le plomb, le thorium, soumis durant 
quatre semaines à l'action de l'émanation radio- 
active, se désagrègent partiellement en abandon- 
nant tous du carbone, qui mexistait point aupa- 
ravant. (Cf. Le radium et la transmutation des 
éléments chimiques. Cosmos t. LXT, n° 1278, p. 93, 
el n° 4299, p. 673.) 

Sir William Ramsay signalait encore, il y a 
quelque temps (Vature, 18 juillet), deux autres 
constatations qu'il a faites en collaboration avec le 
professeur Norman Collie, et qui s'expliquent bien, 
toujours dans l'hypothèse de la désintégration des 
atomes chimiques. ' 

Ayantà sa disposilion quatre ampoules à rayons X 
noircies par l'usage et devenues inutilisables, il les 
brisa, mit les morceaux de verre noircis dans un 
tube relié à une pompe à vide, commença par 
enlever tout l'air adhérent au verre par des lavages 
répétés à l'oxygène pur; puis il chauffa le tube au 
rouge pour faciliter le dégagement des gaz qui 
avaient pénétré dans le verre et en avaient diminué 
la transparence. Ces gaz ayant été recueillis, il éli- 
mina loute ła parlie facilement condensable (en 
Vabsorbant au moyen de charbon de bois refroidi) 
de manière à ne conserver que l'hydrogène, lhé- 
hum et le néon, s’il s'en trouvait. Le gaz résiduel 
recueilli dans un tube capillaire et illuminé par la 
décharge électrique montra surtout le spectre de 
l'hélium ; il v avait aussi une trace de néon. L’ori- 
gine de ces deux gaz ne peut guère provenir que 
des décharges cathodiques, qui auraient désagrégé 
la matière de l’ampoule à rayons X. 

L'autre expérience consisla à exposer du fluo- 
rure de calcium, préalablement chauffé au rouge, 


COSMOS 


21 NOVEMBRE 1912 


à l'action prolongée des rayons cathodiques. La 
surface est portée au rouge sous le choc des élec- 
trons lancés à d'énormes vitesses; quelques gaz se 
dégagèrent : fluorure de silicium, oxygène, oxyde de 
carbone. On les pompa de temps en temps, durant 
quelques jours, pour éliminer toute cause d'incer- 
titude dans l'expérience finale; comme l’ampoule 
à rayons cathodiques n’est pas capable de fonc- 
tionner si on n’y fait le vide parfait, il fallait y 
introduire un peu de gaz de temps en temps : on 
employait à cet effet l'oxygène. Les gaz dégagés 
ayant été épuisés à quatre reprises, la cinquième 
fois on les recueillit pour les analyser : après éli- 
mination des gaz facilement condensables, on 
reconnut que le résidu était du néon pur, sans 
trace d'hélium. Il est vraisemblable que ce néon 
avait été produit par les rayons cathodiques aux 
dépens du fluorure de calcium. 

Ces expériences diffèrent de celles qui furent 
exécutées en employant le radium en ceci: le 
radium, ou plutôt son émanation, produit des par- 
ticules «a, c'est-à-dire des atomes d'hélium chargés 
d'électricité et animés de grandes vitesses: ces 
boulets, comparables en grosseur aux alomes de 
matière, se montrent, par le fait, capables de 
démolir ces atomes, de les désintégrer en d'autres 
atomes plus simples. Dans le cas des rayons catho- 
diques, il y a bien encore bombardement des atomes 
matériels: mais le boulet, ici, n'est plus compa- 
rable, comme masse, aux atomes qu'il vient cho- 
quer ; le boulet est l'électron, c'est-à-dire une’masse 
mille fois plus petite que l'atome d'hydrogène, 
quarante mille fois plus petite que l’atome de cal- 
cium..... Ilest vrai qu'il est expulsé par la cathode 
à une vitesse énorme, presque comparable à celle 
de la lumière. En fait, l'expérience de Ramsay 
semblerait indiquer que, si minime que soit sa 
masse, ce boulet est, lui aussi, capable de démolir 
les atomes chimiques proprement dits. 


ÉLECTRICITÉ 


La station radiotélégraphique américaine 
d’Arlington. — La stalion d'Arlington est une 
de celles qui ont été agréées comme centres d'émis- 
sions horaires par la Conférence internationale de 
l'heure : elle enverra les signaux horaires chaque 
jour à 3 heures et à 17 heures, temps civil de 
Greenwich. 

Erigée par le département de la Marine des Etats- 
Unis, à Fort Meyer, Arlington (Virginie), elle aura, 
à son achèvement, coùté un million de dollars. 
Elle a été essayée dans la nuit du 28 octobre, où 
des dépèches furent expédiées aux stalions de Key 
West et de Colon. Son rayon d'action atteindra, 
espère-t-on, 4 800 kilomètres dans les conditions 
normales. 

ll convient de signaler le dispositif de l'antenne, 


Ne 4452 


qui est supportée par trois tours d'acier, réunies 
à leur sommet par des séries de 23 conducteurs; 
les trois tours sont disposées aux sommets d’un 
triangle dont le centre est occupé par la cabine de 
manipulation. 

Les tours sont inégales: l'une, située à l'Ouest, 
s élève à 183 mètres, sur un soubassement de 
i+ mètres carrés, tandis que les deux autres n’ont 
qu'une hauteur de 137 mètres, sur une base de 
11 mètres carrés. 

L'équipement radiotélégraphique de la station, 
bien que spécial à la Marine, n'est pas absolument 
nouveau, car il a élé soumis à des essais complets 
de huit mois, en 1910, à la station Fessenden de 
Brant Rock (Massachusetts): il comprend un groupe 
moteur-générateur de 100 kilowatts, entrainant, 
en bout d'arbre, un éclateur synchrone. 


Pour augmenter l'intensité du son télépho- 
nique. — Un inventeur danois, M. Petersen, direc- 
teur de banque à Nykæbing (ile de Falster), aurait, 
suivant l'Électricien du 2 novembre, obtenu un 
important perfectionnement dans les transmissions 
téléphoniques en échauffant le pavillon du récep- 
teur. Cet échauffement agit évidemment sur la 
densité de l'air voisin du diaphragme ; comment 
l'intensité du son est-elle augmentée? Mais le fait 
est que les sons téléphoniques sont extraordinaire- 
ment renforcés et distincts, quelle que soit la 
nature de la membrane : mica, charbon, métal; 
en outre, il importe peu que cette membrane soit 
fortement ou faiblement tendue. 

Lors de conversations téléphoniques échangées, 
à titre d’essai, entre Nykæbing et Copenhague, les 
sons parvenaient si intenses que les correspondants 
pouvaient percevoir les mots transmis après avoir 
placé leur récepteur sur une table et s’en être 
éloignés sensiblement. 


ART MILITAIRE 


Une balle incendiaire contre lesdirigeables. 
— On a essayé, en Allemagne, une balle spéciale 
destinée au tir contre les aérostats ou les diri- 
geables, et capable, non pas seulement d'agir par 
perforation comme les projectiles ordinaires, mais 
de déterminer l'inflammation du gaz contenu dans 
les ballons. Cette balle, qui se tire avec l’ancien 
fusil de guerre allemand modèle 714, du calibre de 
11 millimètres, est un projectile creux muni de 
petites ailettes qui s'ouvrent en s’écartant, dès la 
sortie du fusil, par l’action d’un petit ressort qui 
était bandé durant le trajet dans l'âme. 

Outre que ces aileltes ainsi écartées déterminent 
dans la « peau » du ballon des déchirures irrégu- 
lières, beaucoup plus étendues que le trou rond et 
net percé par les balles ordinaires, lequel n’occa- 
sionne qu’une déperdition lente et insignifiante du 
gaz, la poussée d'avant en arrière qu'elles subissent 


COSMOS 


563 


de la part de l'enveloppe est, parait-il, assez forte 
pour actionner une petite gâchette enflammant 
par choc une composition fulminante, disposée à 
l'intérieur du projectile. Il men faudrait pas davan- 
tage, malgré la rapidité avec laquelle la balle tra- 
verse la carène, pour allumer l'hydrogène si 
inflammable du ballon et déterminer l'incendie, 
l'explosion et la perte totale de l’engin. Les expé- 
riences récemment faites au polygone de Neu- 
manswald ont donné des résultats satisfaisants, et 
chaque coup tiré aurait mis le feu au but. 

Comme il suffit que la balle incendiaire ren- 
contre la paroi du ballon, cette balle serait done 
utilisable à toutes les portées du fusil, soit jusqu'à 
1 800 mètres, si les portées anciennes du modèle 71 
ont pu, ce qui est douteux, être conservées avec ce 
projectile spécial. 


PROJECTIONS 


Écran métallisé « Fulgor » pour projections 
et cinématographe. — Pour obtenir des projec- 
tions très brillantes avec un agrandissement con- 
sidérable, il faut avoir à sa disposition un puissant 
éclairage. C’est pourquoi les constructeurs ont 
cherché à perfectionner les sources lumineuses, 
passant successivement de la lampe à pétrole à 
l’incandescence au moyen de différents procédés, 
puis à la lumière oxy-hydrique, oxy-acétylénique, 
enfin à l'arc électrique. 

Les résultats obtenus sont déjà très remar- 
quables. Mais les constructeurs ont voulu faire 
mieux encore; et, ne pouvant augmenter indéfini- 
ment la puissance des foyers lumineux, ils ont 
cherché à améliorer la surface sur laquelle les 
images sont projelées. Le simple calicot fut 
d’abord remplacé par une toile recouverte d'un 
enduit blanc; puis on essaya le verre dépoli et 
enfin l’écran métallisé. Ce dernier est très supé- 
rieur à la toile blanchie, au point de vue du ren- 
dement lumineux, et au verre dépoli qui est trop 
fragile. La grande difficulté était de trouver un 
enduit donnant une grande luminosité, ne s`écail- 
lant pas, et cependant facile à établir à des prix 
abordables. 

Le service de projections de la Bonne Presse 

met en vente un écran métallisé à la poudre d'alu- 
minium, le Fulgor, qui possède toutes les qualilés 
désirables pour ce genre d'écran. 
‘L'aspect général est celui d’une pièce de tissu 
souple, semblable à de la toile cirée, présentant 
une surface argentée, d'une grande uniformité, 
encadrée d'une marge noire dans laquelle sont 
ménagés les «œillets. Cet écran se tend sur un 
châssis démontable de la mème facon que les 
modèles ordinaires et il peut se rouler sans incon- 
vénient, ce qui facilite le transport. 

Nous avons assisté à des essais faits avec cet 


H64 


écran, et les résultats sont tout à fait remarquables. 
On parvient trés bien à projeter sur cet écran des 
cartes postales ordinaires et même des vues ciné- 
matographiques avec un simple chalumeau à oxy- 
essence! 

Une expérience surtout fait bien ressortir la 
grande amélioration réalisée : elle consiste à pro- 
jeter une même plaque sur un écran fait de trois 
morceaux: un de calicot ordinaire, l’autre de toile 
rendue opaque par un vernis blanc, le troisième 
de toile métallisée. On se rend ainsi parfaitement 
compte de la valeur respective de chaque échan- 
tillon. D'ailleurs, le procès-verbal d'essai officiel 
effectué au laboratoire des Arts et Métiers montre 
que le Fulgor est 3,7 fois plus lumineux que Le 
calicot et 2,9 fois que l’écran opaque (en l'espèce, 
un écran Phebe). 

Le seul inconvénient du nouvel écran, inconvé- 
nient qui existe déjà avec les autres, mais plus 
atténué, tient à sa nature même. En effet, le Ful- 
gor n’est si lumineux que parce qu'il absorbe très 
peu de la lumière reçue, et la réfléchit en presque 
totalité. Mais il la réfléchit surtout dans une direc- 
tion normale à sa surface, el assez peu obliquement. 
De sorte que le spectateur voit très bien s’il est en 
face de l'écran, mais moins bien s’il est placé de 
côté. Il suflit, d’ailleurs, de connaitre ce défaut 
pour en éviter les ennuis, on fera les projections 
dans une salle plus longue que large, ou bien les 
spectateurs seront avertis de ne pas occuper les 
places trop éloignées de la normale. 

Grâce à cet écran tout à fait remarquable, les 
projectionnistes pourront soit augmenter beaucoup 


COSMOS 


21 NOVEMBRE 1912 


l'agrandissement de leurs projections, soit employer 
des sources lumineuses moins puissantes, soit 
encore, en conservant leurs anciens dispositifs, 
améliorer la luminosité et le relief des vues qu'ils 
montreront à leurs spectateurs. 


VARIA 


La force motrice qu’on peut tirer d’une 
tonne de charbon (Revue électrique, 25 octobre). 
— Dans un groupe : chaudière à vapeur-turbine, 
la consommation de charbon est d'au moins 0,7 kg 
par cheval-heure; c'est donc 41 428 chevaux-heure 
que fournit une tonne de charbon dans ces condi- 
tions. Mais on peut en retirer une quantité d’éner- 
gie bien plus considérable si, au lieu de brüler 
cette tonne de charbon dans le foyer d’une chau- 
dière, on la soumet à la distillation. 

Cette distillation fournit, en effet : 1° 400 mètres 
cubes de gaz qui, à raison de 0,5 m°’ par cheval- 
heure, produiront dans un moteur à explosion 
800 chevaux-heure; 2° 55 kilogrammes de goudron 
donnant 17 kilogrammes d'huile lourde d’une den- 
sité moyenne de 4,10 et d'une puissance calorifique 
de 9500 calories par kg qui, brülées dans un moteur 
Diesel, produiront 85 chevaux-heure; 3° 700 kilo- 
grammes de coke, qui, dans un gazogène, produiront 
une quantité de gaz pauvre pouvant donner, dans 
un moteur à explosion, à raison de0,6 kg de coke par 
cheval-heure, une énergie de 1166 chevaux-heure. 
Dans ces conditions, une tonne de charbon donne 
donc 2 051 chevaux-heure, soit 43 pour 100 en plus 
de ce qu’elle donne avec une turbine à vapeur. 





Recherches sur la toxicité des champignons. 


Leur pouvoir hémolytique. “ 


Plusieurs intoxications à la suite d’ingestion de 
champignons s'étant produites dans notre région, 
nous avons été conduits par l'examen du sang à 
considérer l’ictère présenté par quelques-uns des 
malades comme relevant d’une origine hémolytique. 
Ces constatations nous ont engagés à poursuivre 
des recherches sur la toxicité des champignons et 
tout particulièrement sur le pouvoir destructif du 
sang que possèdent leurs extraits. 

Depuis les travaux de Kobert en 1894 et surtout 
ceux de W. Ford (1906-1911), on admet qu’il existe 
dans Amanita phalloides Fr, une substance hémo- 
lytique; pour le premier de ces auteurs, il s'agit 
d'une toxalbumine qu’il appelle phalline, et pour 
Ford d'un glucoside qu'il dénomme amanita-hémo- 
lysine (qu'il a également retrouvé dans Amanita 


(1) Comptes rendus, 30 septembre 1912. 


rubescens Pers). René Ferry, dans son étude sur 
les amanites (1914), a d’ailleurs donné un exposé 
très complet de la question en y joignant les résul- 
tats de ses recherches personnelles et de celles entre- 
prises avec Schmitt sur la toxicitéde ces Agaricinées. 

Les nouvelles acquisitions sur l’hémolyse et les 
ictères hémolytiques nous ont permis d'envisager 
cette question en utilisant les procédés et Ja tech- 
nique qu'on doit suivre aujourd'hui en pareille 
matière. 

Des champignons, fraichement récoltés, sont 
broyés et mis en macération dans un nombre de 
centimètres cubes de NaCi à 9 grammes pour 
1 000, égal à moitié de leur poids. Au bout d’une 
demi-heure, on recueille par expression toute la 
portion liquide et l’on ramène au taux de 9 grammes 
NaCI pour 1 000. C'est avec cet extrait qu'est faite 
la recherche du pouvoir hémolytique in vitro et 


Ne 1452 


in vivo. Nous ne pouvons donner ici le détail de 
la technique utilisée: elle est identique à celle 
qu'on suit pour la mise en évidence des hémoly- 
sines bactériennes, organiques, etc. Ainsi nous 
a-t-il été possible d'obtenir des résultats expéri- 
mentaux comparables entre eux et de mettre en 
parallèle les différentes espèces au point de vue 
de l'intensité de leur toxicité hémolytique. Nos 
recherches ont porté sur un nombre de champi- 
gnons, comestibles et toxiques, appartenant aux 
principales familles, en particulier aux Agarici- 
nées, Polyporées,Hydnacées, Clavariées, Pézizacées. 

Nous avons étudié, dans les mêmes conditions 
d'expérience, l'action des extraits modifiés par la 
chaleur, par certaines substances chimiques; l’in- 
fluence d'agents antihémolytiques, etc. 

Ou peut dire que, d'une façon générale, le pou- 
voir hémolytique des champignons, lorsqu'il existe, 
est très intense in vitro et qu'il se manifeste 
d’une façon aussi marquée in vivo. Par exemple, 
l'injection intraveineuse, à un lapin adulte, de 
moins de dix gouttes d’un de nos extraits d'Ama- 
nite phalloides Fr., tue l'animal en quelques 
secondes. On constate par examen du sang, pré- 
levé presque immédiatement après l'injection, que 
le sérum a une coloration rouge cerise (hémoglo- 
binémie) et que les globules hémolysent dans des 
solutions salées même hypertoniques (10 et 11 
pour 1000). Par voie sous-cutanée et avec de plus 
faibles doses, on peut obtenir une survie de quelques 
jours et la production d’un véritable ictère hémo- 
lytique (fragilité globulaire, anémie, urobilinurie; 
à l’autopsie, infiltration pigmentaire de la rate, du 
foie, etc.). 

Sans conteste, Amanita phalloides Fr. possède 
le pouvoir hémolytique le plus considérable; mais 
la plupart des champignons vénéneux ont égale- 
ment une action hémolysante intense, bien que 
moins marquée. Seul Entoloma lividum Fr. nous 
en a semblé dépourvu. Fait important, beaucoup de 
champignons comestibles exercent également cette 
action destructive du sang, non seulement A manita 
rubescens Pers., mais encore Hydnum repandum 
Lin., Zricholomia nudum Fr., Laccaria laccata 
Be. et Br., Craterellus cornucoepiodes Fr., etc. 
Dans certains cas, en plus de l’hémolyse, il y a 
très rapidement début de mutation de l’oxyhémo- 
globine en méthémoglobine, hémoglobine réduite, 
par exemple. 

Les diverses parties d'un champignon hémoly- 
sant possèdent chacune ce pouvoir hémolytique, 
volve et pied, chapeau (ce dernier à un plus haut 
degré peut-être). 

Des espèces non hémolysantes quand le champi- 
gnon est jeune et frais peuvent le devenir par 
vieillissement. Ces faits sont à rapprocher de ceux 
observés pour nos extraits liquides, qui, aban- 
dunnés à eux-mêmes pendant douze heures, hémo- 


COSMOS 


565 


lysaient alors qu’ils étaient auparavant sans action, 
Gette constatation semble devoir être rapportée 
à la présence d'hémolysines bactériennes secon- 
daires; ainsi s'expliquent ‘certaines intoxications 
par les champignons n'ayant plus une fraicheur 
absolue. 

D'une façon générale, le chauffage atténue ce 
pouvoir hémolytique. L’autoclave à 120° pendant 
vingt minutes l’abolit complètement dans certains 
cas; dans d'autres il faut deux ou trois opéra- 
tions. L'ébullition pendant cinq minutes à feu au 
semble presque toujours suffisante, les liquides 
n'hémolysant plus, mais les précipités formés dans 
leur sein conservant quelquefois un certain pouvoir 
hémolytique. 

Ces phénomènes semblent devoir être attribués 
aux transformations chimiques plus ou moins 
complètes d'un glucoside; nos recherches engagent 
à conclure, en effet, que le pouvoir hémolytique 
des champignons est dù (en grande partie lout au 
moins) à l'aclion d'un glucoside. Par exemple, nos 
extraits, après chauffage, réduisent la liqueur de 
Fehling, ce que, auparavant, ils ne faisaient pas, 
ou seulement après une ébullition beaucoup plus 
longue, nécessitée parle dédoublement du glucoside. 

Certaines substances, en particulier la cholesté- 
rine, ont le pouvoir de diminuer l’action hémoly- 
tique des glucosides (Ransom, Hausmann, ete.). 
Or, le lait, le jaune d'œuf (qui renferment de la 
cholestérine) ont atténué et ralenti, dans des pro- 
portions très notables, le pouvoir hémolytique 
d'extraits éminemments actifs d’'Amanita phal- 
loides Fr. Par contre, le charbon animal, même 
après un contact de plusieurs heures, laisse sub- 
sister l'action hémolysante. 

Lorsqu'un extrait chauffé n'est plus hémoly- 
tique, il perd une grande partie de sa toxicité in 
vivo (10 fois moins toxique avec nos extraits 
d'Amanita phalloides Fr.) parfois toute sa toxicité. 

Mais lorsque le champignon en totalité est traité 
suivant les méthodes culinaires il garde souvent 
un certain pouvoir hémolytique; ce fait est à rap- 
procher de la constatation faite par Radais et Sar- 
tory que le poison d’oronge ciguë estencore retenu 
par la trame fongique après coction à 100°. 

En mettant en évidence le pouvoir hémolysant 
de bon nombre de champignons, même comes- 
tibles, nos recherches permettent de saisir la 
pathogénie des ictères hémolytiques qu'ils peuvent 
produire. Elles rendent compte des accidents sur- 
venant malgré la cuisson, que celle-ci soit insuffi- 
sante, que la toxicité hémolyÿtique (variable chez 
une même sorte de champignons) soit plus marquée. 
Elles prouvent la nécessité de faire subir aux cham- 
pignons une cuisson très prolongée et à assez haute 
température (utilité de l’adjonction d'huile), afin 
de déterminer lhydrolyse complète du glucoside 
hémolytique. Jacours PARISOT et VERNIER. 


566 


COSMOS 


94 NOVEMBRE 1912 


Les premiers habitants du globe. 


Topffer, dans ses Voyages en zsiyzag, a plai- 
samment raillé les géologues, qui, le dos tourné 
aux plus splendides paysages, détachent des es- 
quilles de roches à grands coups de marteau et les 
examinent ensuite curieusement à la loupe. 

Il faut avouer que l'outillage hétéroclite, les 
vêtements salis et poudreux, les allures bizarres 
des géologues sont autant de raisons pour attirer 
sur eux la curiosité et les railleries des non initiés. 

Citons Töpffer : « En ce moment arrivaient les 
trois géologues..... dans quel état! ruisselants par 
les coudes, par les poches, par le nez, par les cinq 
doigts; des hannetons flottant dans le cataclysme 
d’une ornière, des noyés du déluge nageant vers 
et néanmoins attentifs encore aux 
cailloux, regardant du coin de l'œil les stratifi- 
cations », 

Les quelques centaines de pionniers de la science 
qui, sur toute la terre, affrontent les durs climats 
et les éléments déchainés pour arracher au solses 
secrets, mériteraient mieux; nous allons en donner 
une preuve. 

Feuilletant ce grand livre des couches terrestres, 
dont chaque strate est une page, les paléontolo- 
gistes cherchent, depuis environ un siècle, à con- 
naitre la faune primordiale, celle qui a peuplé le 
globe à ses débuts, lorsque l'écorce terrestre fut 
assez froide pour que le Créateur y semàt la vie. 

C'est l’historique de leurs patients progrès que 
nous voulons faire ici. 

Au-dessus des terrains cristallophylliens (gneiss 
et micaschistes), qui constituent le substratum des 
couches sédimentaires, se développent les terrains 
primaires inférieurs, dont voici la succession: 


\ supérieur ou gothlandien à graptolithes 


“AIRES | inférieur ou ordovicien à Calymene — 
\ supérieur ou potsdamien à Olenus z 

Cambrien < moyen ou acadien à Paradoxides » 
| inférieur ou géorgien à Olenellus E 

Précambrien ou algonkien à Beltina Danai / 


Jusqu'au milieu du xix° siècle, les plus anciens 
fossiles connus provenaient du silurien. Dès 1840, 
l'illustre géolugue Murchison publiait, sous le titre 
de Siluria, un ouvrage dans lequel il décrivait 
950 espèces d'animaux éteints (1). 

Aujourd'hui, le nombre en est immense, et ces 
espèces se répartissent dans presque toutes Îles 
divisions du règne animal. 

La faune silurienne comprend : des éponges, des 
polypiers, des hvdroïdes, des échinodermes, des 
bryozcaires, des brachiopodes, des mollusques, des 
annélides, des arthropodes, notamment des scor- 


Ri) Voir Cuances DEPéRET, les Transformalions du 
monde animal. Flammarion, 1907, p. 330 et suiv. 


pions à respiration aérienne, enfin des poissons. 

Comme ces animaux si variés étaient déjà très 
perfectionnés, il fallait leur supposer des ancêtres. 
Ce fut Joachim Barrande, un Français, qui les dé- 
couvrit dans le cambrien moyen de Bohême, et les 
décrivit à partir de 4852 (1). Cette faune comprend 
de nombreux trilobites (crustacés), quelques bra- 
chiopodes, un mollusque ptéropode et des échino- 
dermes. Appelée primordiale par Barrande, elle ne 
tarda pas à être retrouvée en France, en Angle- 
terre, en Espagne, en Suède, en Amérique, etc., 
chaque découverte nouvelle lenrichissant d'une 
facon inattendue. 

D'ailleurs, le D" f. Hicks exhumait entre temps, 
au promontoire de Saint-David’s, dans le pays de 
Galles, les premiers fossiles caractéristiques du 
cambrien le plus inférieur (Geol. Soc. Lond., XXVII, 
P. 384; XXXVII, p. 68). Tout près de la base, il re- 
cueillait des fragments de trilobite, crustacé du 
genre Olenellus (fig. 2) (Geol. Mag., 1892, p. 24). 

Il semblait qu'après cela tout espoir de ren- 
contrer des formes plus anciennes devait ètre aban- 
donné. 

Cependant, sous le cambrien inférieur se déve- 
loppent, dans plusieurs régions du globe, d'énormes 
masses de terrains stratifiés: calcaires, grès, 
schistes et conglomérats, désignés sous le nom 
général de prérambrien. 

Longtemps on qualifia cet ensemble de terrains 

soiques où, ce qui est plus prudent, de couches 
agnostosoiques. 

Dans certaines régions, où le métamorphisme 
n'a pas trop altéré la texture originelle des sédi- 
ments précambriens, de vagues traces de vie 
furent signalées, notamment des pistes ou des per- 
forations d'organismes problématiques, observées 
dans les grès des Highlands d'Écosse et retrouvées 
par Lebesconte dans les schistes des environs de 
Rennes. 

Le 8 aoùt 41892, le D" Charles Barrois annonçait 
à l'Académie des sciences la découverte de radio- 
laires dans les phtanites précambriens de Lam- 
balle (Còtes-du-Nord) (2). 

L'examen approfondi de ces phtanites révélait à 
M. Cayeux l'existence, dans cette roche, de radio- 
laires (3) incontestables (fig. 4), de foramini- 


(4) BanRaNuE, Syst. silurien du centre de la Bohème. 
24 parties. Prague, 1852-94 ; gr.in-4° avec 1220 planches. 

(2) Dr Cuances Banrois, Sur la présence de fossiles 
dans le terrain asoique de Bretagne. C. R. Ac. SC., 
8 aoùt 1892, p. 326-328. 

(3) Lucien Cavevx, les Preuves de l'eristence dorga- 
nismes dans le terrain précambrien. Première note 
sur les radiolaires précambriens. Bull. Soc. Géol. de 
Fr., 3° série, t. XXI, 4894, p. 197-228, pl. XI. 


Ne 1452 


fères (1) et de spicules d’éponges (2). Cette faune 
possédait bien les caractères les plus vraisem- 
blables d’un monde animal encore très près de ses 
origines. Il fallut bientôt renoncer une fois de 
plus à cette manière de voir simpliste. 

En avril 4899, M. Charles Walcott publiait dans 


COSMOS 


567 


le Bulletin de la Société géologique d'Amérique 
a'travail sur les formations fossilifères précam- 
briennes du grand cañon du Colorado et de ceux 
de Deep-Creeck et de Sawsmill (Montana (1). 

Il décrivait des restes de colonies d’'hydroides 
voisines des stomatopores, des mollusques à coquille 





F1G. 1. — RADIOLAIRES DES PHTANITES PRÉCAMBRIENS DE LAMBALLE (CÔTES-DU-NORD). 


conique (genre Aspidella) rappelant les patelles 
(fig.3),d'incertains ptéropodes pélagiques,unanneau 
de trilobite, des pistes d’annélides, enfin de nom- 
breux débris de grands crustacés, dont la forme la 
mieux caractérisée a recu le nom de Beltina Danai. 





FIG. 2. — « OLENELLUS KJERULFI » 
TRILOBITE DU CAMBRIEN INFÉRIEUR DE NORVÈGE. 


Enfin, le Cosmos signalait, au début de l’année (3), 


(1) L. Cayeux, Sur la présence de restes de forami- 
nifères dans les terrains précambriens de Bretagne. 
C. R. Ac. Sc., 1894, p. 1433-1435, 6 figures. 

(2) L. Cayeux, De l'existence de nombreux débris d2 
spongiaires dans le précambrien de Bretagne. Ann. 
Soc. Géol. du Nord, 23, 1895, p. 52-65, 2 planches. 

(3) Pauz LEMOINE, les Plus anciens fossiles (Cosmos, 
n° 1406, 4 janv. 1912, p. 5; ide Revue scientifique). 


la découverte par M. Lucien Cayeux, de restes d'en- 
crines dans le terrain huronien des États-Unis (2). 

Cet ensemble de découvertes conduit aux conclu- 
sions suivantes : 

1° L'époque précambrienne (huronien-algonkien) 
possède une faune très différenciée qui comprend 
des animaux relativement élevés dans l'échelle des 
êtres: échinodermes, mollusques, gigantostracés. 

20 Le globe terrestre était suffisamment refroidi 





F1G. 3. — « ASPIDELLA »; GENRE DE MOLLUSQUE 
VOISIN DES PATELLES (PRÉCAMBRIEN DES ETATS-UNIS). 


au précambrien pour permettre la vie, dans les eaux, 
à des animaux à corps mou ou revêtu de chitine. 


“{4) C. D. Warcorr, Pre-Cambrian Fossiliferous For- 
mations (Bull. of the Geol. Soc. of America. Vol. X, 
avril 1899, p. 199-244, pl. XXII à XXVIII). 

(2) Lucrex Cayeux, Eristence de restes organiques 
dans les roches ferrugineuses associées aux minerais 
de fer huroniens des États-Unis (C. R. Ac. Sc., t. CLIII, 
p. 910, 1911), 


568 


4 Les arguments des monistes perdent de leur 
valeur en présence d’une telle différenciation des 
êtres au premier âge de la Ferre. 

Nous ne doutons pas que ła longue patience et la 
ténacilé des géologues, dont nous parlions au dé- 


COSMOS 


21 NOVEMBRE 1919 


but de cet article, n’amènent de nouvelles décou- 
vertes encore plus étonnantes, élargissant chaque 


fois plus le champ grandiose de la science. 


Parn Coupes fils. 





TÉLÉGRAPHIE SANS FIL © 


Réception à domicile 


des signaux horaires 


et des radiotélégrammes météorologiques de la tour Eiffel. 


III. Réception à très grande distance. 


Self d'antenne. — En réglant le ou les condensa- 
teurs à capacité variable placés en dérivation dans le 
circuit, on constatera que plus on augmentera les 
surfaces en regard, moins il faudra prendre de 
spires sur la bobine d'accord pour maintenir à son 
maximum l'intensité du son. (Pour conserver con- 
stant le produit de la capacité par la self qui carac- 
térise la longueur d'onde propre du circuit, on 
diminue le facteur self à mesure qu'on augmente 
le facteur capacité.) Cette diminution du nombre 
des spires soumises à l'induction exercée par 
le circuit antenne-terre aura, à son tour, une autre 
conséquence. Elle est équivalente à la réduction 
des dimensions de l’antenne réceptrice dans la com- 
paraison de la télégraphie sans fil en chambre. 
Comme l'écarlement entre les deux circuits, elle 
est donc un moyen de diminuer l’action du pri- 
maire sur le secondaire, c'est-à-dire de relâcher 
l'accouplement entre ces deux circuits. 

On combinera avantageusement ce second moyen 
avec le premier, et on le complétera par un troi- 
site qui est une diminution analogue du nombre 
des spires actives de la bobine inductrice. Les dis- 
positifs employés dans la pratique ne permettent 
pas, en effet, un très grand écartement entre le 
primaire et le secondaire. Il peut donc être utile, 
dans bien des cas, de disposer d’un autre moyen 
de réglage de l'accouplement. C’est la diminution 
. du nombre de spires actives des bobines primaire 
el secondaire. 

Cette double diminution permet d'obtenir un 
accouplement très lâche, mais elle a en mème 
temps l'inconvénient de faire disparaitre l'accord 
du cireuit antenne-terre, puisque celui-ci n'est 
obtenu qu'au moyen d’un nombre bien déterminé 
de spires de la bobine primaire. 

Si on diminue le nombre de ces spires, l'accord 
ne pourra ètre maintenu qu'à condition de coim- 
penser cette diminulion en un autre point du cir- 


cuit primaire, exactement comme la diminution 


(1) Suite, voir p. 541. 


du nombre de spires de la bobine induite était 
compensée, dans le circuit secondaire, par l’aug- 
mentation de capacité des condensateurs. 


sb Di 
Audi 


| 


f 
i 


! 
ul 


1 
e- 





F1G. 24. — INTRODUCTION 
D'UNE SELF D'ANTENNE DANS LE CIRCUIT ANTENNE-TERRE. 


On opérera cette compensation au moyen d’une 
seconde bobine d'accord, dite self d'antenne, 
introduite en série dans le circuit antenne-terre 
(fig. 24) à distance telle du circuit secondaire qu’elle 
soit sans elfet notable d’induction sur lui. Chaque 
fois que des spires auront été supprimées à la 
bobine primaire, on en donnera un nombre équi- 
valent à la self d’antenne. La valeur de l’accouple- 
ment pourra ainsi être diminuée autant qu’on 
voudra, tout en conservant l’accord. 

Comme il n’y aura jamais intérêt à avoir un 
accouplement très serré, une grande partie de l'ac- 
cord sera toujours obtenue au moyen de la self 
d'antenne, et il ne restera à la bobine primaire 
quun nombre de spires relativement restreint. H 


N° 1452 


sera donc inutile de donner à cette bobine de 
grandes dimensions et de la rendre capable, en 
particulier, de fournir à elle seule l’accord néces- 
saire. Celle du secondaire devra, par contre, être 
plus grande. Nous savons, en effet, que dans le cir- 
cuit antenne-terre un nombre de spires d'autant 
moins grand doit être pris sur la bobine d'accord 
que l'antenne est plus développée. Dans le circuit 
secondaire, qui ne comporte aucune antenne, Île 
nombre de spires correspondant à l'accord pour 
une longueur d'onde donnée sera porté à son 
maximum, et toujours plus grand, par conséquent, 
qu'au primaire. 


Condensateur d'antenne. — Avec une pelite an- 
tenne, on est toujours sùr de n'avoir à recueillir que 





Fia. 25. — INTRODUCTION D'UN CONDENSATEUR RÉGLABLE 
EN SÉRIE DANS LE CIRCUIT ANTENNE-TERRE. MONTAGE 
COMPLET KMPLOYÉ À LA TOUR EIFFEL AVEC DÉTECTEUR 
A CRISTAUX. 

des ondes plus longues que celle propre à cette an- 

tenne. Lesréglagesà effectuer se fontdoncloujoursen 

augmentant la self-induction du circuit antenne- 
terreau moyen d’une bobine d'accord. Mais, avecune 
grande antenne, le cas contraire peut se présenter. 

I faut alors pouvoir diminuer sa longueur d'onde 

propre au lieu de l’augmenter. Pour cela, au lieu 

d’augmenter le facteur self-induction, on diminue 
le facteur capacité au moyen d’un condensateur 
réglable intercalé en série dans le circuit antenne- 
terre. Les propriétés des condensateurs varient en 
effet avec leur montage. En dérivation, ils aug- 

mentent la capacité; en série, ils la diminuent. H 

se passe là quelque chose d'analogue aux varia- 

tions qu’on produit dans Îles propriétés d’une bat- 


COSMOS 


569 


terie de piles ou d'accumulateurs suivant qu’on en 
groupe les éléments en quantité ou en tension. La 
longueur d'onde propre de l'antenne diminuera 
d'autant plus qu'on diminuera davantage les sur- 
faces en regard dans le condensateur. Lorsqu'il 
n’y aura pas lieu de recourir à cette diminution, 
les armatures seront mises en court-circuit par la 
fermeture d'un interrupteur placé entre leurs 
bornes. 

Un poste complet à grande antenne pour la 
réception par induction d'ondes de longueur quel- 
conque comprendra donc au primaire: antenne, 
self d'antenne, bobinage primaire, condensateur 
d'antenne réglable et court-circuitable, terre; et 
au secondaire : bobinage secondaire, détecteur 
(avec pile ou potentiomètre, s’il est électrolytique), 
téléphones et condensateurs réglables (fig. 25). C’est 
le montage complet employé à la tour Eiffel avec 
détecteur à cristaux. 


Construction d'un dispositif de réception par 
induction. — Le dispositif schématique d'induetion 
à deux bobines juxtaposées, qui a servi aux explica- 


‘4 
ui 


| 


NN 


m TS 


i i I 
| WTG | j 


F1G. 26. — BOBINE SECONDAIRE. 





⁄ 
J 
2 
4 
7 
j 
$ 
À 
4 
A 
A 
A 


SS 


tions précédentes, ne permet d'obtenir qu’un accou- 
plement assez lâche qui serait souvent insuffisant 
pour la réception de signaux peu intenses. Dans la 
pratique, ces deux bobines juxtaposées sont rempla- 
cées par deux bobines concentriques qu’on peut 
faire rentrer plus ou moins l'une dans l'autre (1). 

La bobine secordaire est très analogue à une 
bobine d’accord ordinaire. Comme la bobine pri- 
maire doit l’entourer et se déplacer sur elle, le 
réglage par curseur est remplacé par un réglage par 
commutateur à plots (2). Le bobinage, d'autre 
part, ne s'étend pas sur toute la longueur du tube 
de carton servant de carcasse. afin que le primaire 
puisse ne recouvrir à volonté qu'une partie plus 
ou moins grande du secondaire (fig. 26). 


(1) La maison Ducretet construit un dispositif de 
réception par induction dans lequel les circuits pri- 
maire el secondaire sont formés de deux spirales dis- 
posées en regard l'une de l'autre dans deux plans 
parallèles et tout à fait analogues aux classiques spi- 
rales de Matteucci. L'accouplement varie avec l'écar- 
tement entre les spirales, deux commutateurs à 
45 plots permettent d'introduire dans les ciréuits un 
nombre plus ou moins considérable de spires. 

(2) On peut aussi employer plusieurs secondaires 
interchangeables à réglages fixes différents. 


570 


On pourra laisser sans bobinage une longueur 
du tube de carton égale à la moitié environ de la 
partie bobinée. A bobinage égal, une bobine secon- 
daire sera donc moitié plus longue qu'une bobine 
d'accord ordinaire permettant les réglages corres- 
pondants. Le fil émaillé, facile à dénuder pour 
l'etablissement d'un réglage à curseur, mais d'un 
prix relativement élevé, pourra ètre remplacé par 
du simple fil pour électros isolé à une ou deux 
couches de coton. Un commutateur à plots sera 
disposé sur la joue de la bobine correspondant 
au côté bobiné. Ce commutateur pourra être à 
8, 10 ou 15 plots suivant la longueur du bobinage. 
Les plots en seront reliés intérieurement à des 
points équidistants du secondaire, par exemple 
de 25 en 25 spires si le commutateur est à 15 plots 
el si la bobine porte 375 spires. Des clous de tapis- 
sier, à tête dorée presque hémisphérique, consti- 
tueront des plots très pratiques et très bon marché. 

Ce réglage par plots est évidemment moins 
précis que le réglage par curseur, mais la présence 
de condensateurs réglables dans le circuit secon- 
daire permet de parfaire exactement l'accord dans 
les limites comprises entre deux plots consécutifs. 

Avec un bobinage long, permettant l'accord sur 
de grandes longueurs d'onde, il sera bon de prévoir 
une ou plusieurs coupures reliées à des interrup- 
teurs qui pourront ètre placés sur la mème joue 


que le commutateur à plots. Lorsque l'accord ne, 


sera fait que sur des longueurs d’onde moyennes 
ou courtes, ces coupures permeltront d'isoler la 
partie du bobinage non utilisée dont l'effet pourrait 
être nuisible à la réception. | 

Il sera utile enfin de recouvrir entièrement la 
bobine secondaire d'une feuille de bristol collée 
sur elle, qui facilitera le glissement de la bobine 
primaire tout en protégeant les spires contre 
l'usure pouvant résulter de ce glissement. 


+ 






F1G. 27. 
BOBINE PRIMAIRE MOBILE SUR LA BOBINE SECONDAIRE. 


La bobine primaire ne diffère d'une bobine d'ac- 
cord ordinaire que par la longueur moindre de 
son bobinare, qui sera égal au quart environ du 
bobinage serondaire (fig. 27). Le tube lui servant de 
carcasse devra ètre de diamètre suffisant pour 
pouvoir glisser sans grand frottement sur la bo- 
line induite. Les deux planchettes formant les 
joues présenteront un orifice circulaire sur le pour- 
tour duquel sera collé et cloué le tube de carton. 


COSMOS 


21 NOVEMBRE 1912 


On obtiendra la variation de l'accouplement en 
faisant avancer plus ou moins la bobine primaire 
sur le bobinage secondaire, ou au contraire en la 
ramenant sur la partie dépourvue de spires. 


Construction de condensateurs réglables. — 
Les condensateurs réglables que l'on trouve 
dans le commerce sont d’un prix assez élevé. Il 
est facile d'en constituer un donnant d'excellents 








Fic. 28. — CONDENSATEUR RÉGLABLE. 


résultats au moyen de deux tubes de laiton ren- 
trant Pun dans lautre à la manière des tubes 
d'une longue-vue (fig. 28). On prendra, par exemple, 
deux tubes de 60 à 70 centimètres de longueur. 
L'un aura de 30 à 35 millimètres de diamètre. 
L'autre sera de diamètre un peu plus faible. On 
l'isolera du tube plus gros dans lequel il doit entrer 
au moyen de papier fort, de toile d'architecte ou 
de diachylon, collés sur toute sa surface extérieure. 
La toile d'architecte est moins facile à coller que 
le diachylon, mais, étant plus mince, elle permet 
l'emploi de tubes de diamètres moins différents 
constiluant, à volume égal, des condensateurs de 
plus grande capacité et, par conséquent, d'effica- 
cilé plus grande. Une pince-borne sera fixée sur 
chacun des tubes pour l’établissement des con- 
nexions. 

Pour diminuer l'encombrement, on pourra faire 
usage simultanément de plusieurs condensateurs 
constitués par des tubes moins longs et réunis en 
parallèle. On en facilitera la manœuvre en fixant 
de part et d’autre les tubes à deux planchettes 
qu'il suflira de rapprocher ou d’éloigner l’une de 
l'autre pour augmenter ou diminuer la capacité 
(fig. 20). 

On peut encore construire un condensateur ré- 
glable de la manièse suivante : 

Sur une pellicule de Kodak dégélatinée par 
immersion dans de l'eau chaude ou de l'eau de 
Javel, on colle une bande de papier d’étain un peu 
moins large qu'elle au moyen de colle au cel- 
luloïid (1). Une deuxième pellicule reçoit de la 
mème manière une autre bande de papier d'étain. 
Ces deux pellicules, éloignées l’une de l'autre sur 
tout le reste de leur étendue, sont fixées par une 


(1) Cette colle se prépare en dissolvant des rognures 
de celluloid dans un mélange par parties égales d’act- 
tone et d’acétate d'amyle. Elle constitue, d'autre part, 
un excellent vernis isolant pouvant servir en parti- 
culier à protéger contre les frottements les spires 
d'une bobine ou à les coller entre elles si elles avaient 
tendance au chevauchement. 


N° 1452 


de leurs extrémités à une bobine de bois sem- 
blable à celles sur lesquelles les livrent les mar- 
chands de fournitures photographiques, de façon 
que la feuille d’étain collée sur une des pellicules 
soit au contact de la face celluloid de l'autre. En 
enroulant ensemble les deux bandes sur le cylindre, 


‘+ 


LL LL LU UUU UAU LL LL LL 











PLLLLL LILI LIL LL LIL LL LL LL LL LL A LL LA LL 


F1G. 29. — CONDENSATEUR RÉGLABLE 
FORMÉ DE PLUSIEURS TUBES RÉUNIS EN PARALLÈLE. 


on augmente de plus en plus les surfaces métal- 
liques en regard et, par conséquent, la capacité 
du condensateur ainsi formé. Pour la commodité 
de l'emploi, il est utile de fixer les extrémités 
libres des bandes de celluloïd à deux autres bo- 


COSMOS 


571 


bines servant à enrouler la partie non utilisée et 
munies d'un ressort de rappel fonctionnant comme 
celui des stores de wagons de chemins de fer. Les 
deux bandes abandonnent ainsi progressivement 
les bobines magasins à mesure qu'on les enroule 
sur la bobine condensateur, et regagnent de la 
même façon leur place primitive quand on n’en 
utilise qu'une moindre longueur (fig. 30). 





F1G. 30. — CONDENSATEUR RÉGLABLE A ROULEAUX. 


Si l’on ne dispose pas de pellicules photogra- 
phiques suffisamment larges, on pourra coudre 
les feuilles d’étain entre deux bandes de toile 
d'architecte et les enrouler sur des cylindres de 
bois de 4 à 5 centimètres de diamètre, comme des 
rouleaux de pâtissier, par exemple. 


(A suivre ) D" PIERRE CORRET. 


m 


L’Acoustèle Daguin-Diénert. 


L'acoustèle Daguin, destiné primitivement à 
percevoir les bruits éloignés et à en reconnaitre la 


nature, na pas tardé à recevoir une application 
plus pralique. Il a paru logique, en effet, aux 





F1G. 1. — APPAREIL DAGUIN, MODIFIÉ PAR M. DIÉNERT. 


chercheurs d’eaux souterraines de l'appliquer à 
leurs travaux, et les résullats obtenus ont été tout 
à fait concluants (1). 


(1) Voir la note donnée à l'Académie des sciences 
par MM. Diénert, Guillerd et Marrec, le 1‘ juin 1908. 


L'appareil n’est pas destiné à rendre inutile l'in- 
tervention des sourciers; ces derniers possèdent 
une faculté spéciale qu'aucun instrument ne peut 
remplacer; mais cette faculté appartient à fort 
peu d'individus, et, en général, on ne fait inter- 


©e 


venir le sourcier que dans le cas où des travaux 
importants sont à prévoir. Le simple particulier 
est donc forcé de s'en rapporter à ses vagues con- 
naissances géologiques en usant des moyens 
empiriques que chacun connait pour chercher lui- 
même la rigole souter- 
raine dont il désire capter 
leau. 

L’acoustèle Daguin peut 
alors venir en aide au 
plus inexpérimenté des 
chercheurs de sources. 
C'est un cône à pavillon 
évasé terminé par une 
trompe que l’on place dans 
l'oreille. Si l’on a soin de 
creuser dans le sol un 
trou de 20 à 30 centimètres 
de profondeur, à endroit 
où l’on suppose la pré- 
sence d’une eau souter- 
raine, et que l’on y place 
le pavillon de lacoustèle 
en le recouvrant de terre 
sur ses bords, on supprime 
à peu près complètement 
l’action du vent sur l'ap- 
pareil. Tout bruit souter- 
rain, en particulier le bruit 
que fait l'eau roulant sur 
des cailloux, des roches, et surtout en tombant 
en cascade, devient très perceptible à une profon- 
deur de plusieurs mètres et même à une distance 
de cinquante mètres à droite ou à gauche du drain. 

M. Diénert est parvenu à augmenter la sensibi- 





F16G. 2. — DÉTAIL 
DE L’ACOUSTÈLE DAGUIN. 


)72 COSMOS 


21 NOVEMBRE 1912 


lité de cette sorte de cornet acoustique en l’enfer- 
mant dans une pyramide de bois dont en enfonce 
encore la grande base dans le sol, comme précé- 
demment. De plus, l’espace libre entre le pavillon 
et les côtés de la pyramide est garni de feutre sur 
une certaine hauteur. Enfin, le bec recourbé de 
l'acoustèle primitif a été remplacé par un tube 
acoustique souple se terminant par deux écouteurs 
qui se fixent aux oreilles. L'appareil ainsi con- 
struit est parfaitement étanche aux bruits du 
dehors. 

Il y a lieu d'observer que l'acoustèle ne saurait 
révéler la présence de l’eau dans tous les cas. Si 
l’on se trouve au-dessus d'une nappe stagnante, ou 
mème d'une rivière souterraine coulant sur un 
lit de sable, l'instrument demeure muet parce que 
l'eau est silencieuse. Pour qu’il remplisse la fonc- 
tion pour laquelle il est construit, il est absolument 
nécessaire que l’eau fasse du bruit. On voit que la 
supériorité du sourcier demeure acquise. 

L'acoustèle peut ètre utilisé dans d'autres circon- 
slances, comme, par exemple, pour reconnaitre 
une fuite dans une canalisation souterraine. Il a 
toujours été employé avec succès, dans ces condi- 
tions, par les entrepreneurs, qui s'évitent ainsi des 
fouilles parfois importantes. 

D'autres applications sont à prévoir, par exemple 
en cas d'accident dans les centres miniers, en révé- 
lant les efforts faits par les victimes pour attirer 
l'attention des sauveteurs et indiquer la place où 
elles se trouvent. On pourrait même l'utiliser å la 
chasse, comme pour la recherche des furets dans 
les terriers; mais il suffit qu'il soit à même de 
rendre des services aux chercheurs d’eaux pour 
mériter qu'on s'y intéresse. LUCIEN FOURNIER. 





L'industrie du chauffage central. 


Les procédés de chauffage central sont plus 
anciens qu'on ne se l’imagine généralement. 
Lorsque, quittant les régions clémentes qu'ils 
avaient habitées jusqu'alors, les Romainsenvahirent 
les parties plus froides de l'Europe, ils imaginèrent, 
pour se chauffer, des installations de chauffage 
central, les hypocaustes, dont des vestiges ont été 
retrouvés en plusieurs endroits. Les installations 
de chaulTage central ne furent pas non plus incon- 
nues au moyen âge : il y én avait alors dans beau- 
coup d'établissements publics, dans les cloitres, 
dans les habitations de la classe riche, etc. Elles 
disparurent presque complètement, il est vrai, 
pendant les premiers siècles de la période moderne, 
mais la méthode reprit un nouvel essor, considé- 
rable cette fois, dès le second quart du xrxe siècle, 
lorsque l’on apprit à employer, comme véhicule 
de la chaleur, non seulement l'air, mais l’eau et 


la vapeur; dès ce moment, les procédés de chauf- 
fage central s’améliorèrent et s’industrialisèrent 
beaucoup; de grands établissements de fabrication 
mécanique s’outillèrent pour la construction des 
appareils nécessaires, et, peu après, il s’en constitua 
pour cette fabrication exclusivement. 

Vers 1860 déjà, les avantages du chauffage cen- 
tral étaient généralement appréciés; depuis plu- 
sieurs années, on les avait remis en honneur, dans 
les établissements de bain, dans les serres chaudes, 
dans les fabriques, etc. ; l’on admettuit sans réserve, 
à cetle époque, l'utilité de la méthode dont il 
s’agit pour les locaux d’administration, les hôpi- 
taux, les écoles, etc., bref, pour tous les bâti- 
ments où un chauffage régulier et constant est 
nécessaire; dès ce moment aussi, l'on établissait 
des inslallalions centrales pour le chauffage de 
groupes de bâtiments, à l'effet de supprimer les 


N° 1452 


ennuis résultant, avec les méthodes ordinaires, de 
la nécessité d'entretenir des feux, de la production 
des poussières du charbon, des dégagements des 
fumées par les foyers, etc.; on avait en outre 
reconnu que les dangers d'incendie sont beaucoup 
moindres avec les installations de chauffage cen- 
tral qu'avec les autres; cette circonstance était 
considérée comme particulièrement importante 
pour les hòpitaux, musées, etc., et plus encore 
pour les théâtres. 

Un ouvrage publié en 1878 évalue à 460 le 
nombre de théâtres détruits par le feu de 1775 à 
1875, et à 625 millions de francs les pertes maté- 
rielles qui en résultèrent ; à la suite de l'introduc- 
tion de l'emploi du chauffage central, les sinistres 
devinrent sensiblement moins fréquents; une étude 
parue en Allemagne indique, pour les années 1882, 
1883, 1884, 1885 et 1886, 25, 22, 10, 8 et 8 incen- 
dies de théâtre; il est vrai que cette époque fut 
marquée également par la mise en vigueur de 
dispositions de police plus rigoureuses, par une 
surveillance plus attentive des bâtiments dangereux 
et par l'introduction de l'éclairage électrique, 
toutes circonstances qui contribuèrent à diminuer 
les risques d'incendie. 

Quoi qu'il en soit, on peut dire que la période 
de prospérité de l’industrie du chauffage central 
a commencé il y a cinquante ans; elle rencontra 
d'abord un réel engouement, auquel succédèrent 
bientôt des désillusions : dans beaucoup de loca- 
lités, des installations de chauffage central ne 
donnèrent pas satisfaction; lon eut à se plaindre 
notamment du peu de régularité du fonctionne- 
ment de certains appareils; mais ces insuccès ne 
furent qu'un stimulant pour les constructeurs, et 
ils les incitèrent à améliorer leurs systèmes. 

D'une façon générale, l'utilité du chauffage cen- 
tral, en dehors des qualités particulières de cette 
méthode, peut dépendre de deux éléments princi- 
paux : en premier lieu, le prix plus ou moins élevé 
du charbon ; en second lieu, la proportion de grands 
immeubles dans la localité intéressée. 

Que le prix du charbon influe sur la multiplica- 
tion des installations de chauffage central, cela se 
comprend facilement, l'économie de la méthode 
est naturellement d'autant plus manifeste que le 
prix du charbon est plus élevé, puisqu’alors appa- 
rait mieux l'avantage de la réduction des dépenses 
de combustible. 

De même, c’est naturellement pour les grands 
immeubles que le chauffage central a le plus 
d'intérêt; dans les petits, on ne chauffe ordinaire- 
ment qu'une partie des locaux avec le chauffage 
central, l'installation peut de la sorte être mul 
utilisée; de ce seul chef, les pertes peuvent devenir 
anormales, comparativement au service rendu, et 
détruire le bénéfice de l'augmentation de rende- 
ment du foyer même. 


COSMOS 


573 


Un facteur de succès nouveau a encore été 
apporté dans la suite au chauffage central; c’est la 
cherté de la main-d'œuvre; le recrutement de la 
domesticité est partout de plus en plus difficile, et 
les exigences des serviteurs s’accentuent sans 
cesse, de sorte qu'il est de plus en plus urgent de 
substituer aux procédés anciens, demandant beau- 
coup de soins, des procédés nouveaux diminuant 
le personnel nécessaire. 

Les trois facteurs indiqués ci-dessus se sont parti- 
culièrement fait sentir dans les dernières années, par 
suite des grandes transformations entreprises dans 
la plupart des villes importantes, de la démolition 
et de la reconstruction des vieux quartiers, etc. 

Dans certaines villes, on constate une augmen- 
talion extraordinaire des installations de chauffage 
central; on cite, notamment, le cas de localités alle- 
mandes où, sur les nouvelles habitations édifiées, les 
six dixièmes appliquent le système dont il s’agit. 

Le chauffage central est aussi d’un emploi général 
aujourd'hui dans les grandes fabriques. 

Le prix des appareils a d’ailleurs diminué sensi- 
blement depuis l'origine ; la construction du maté- 
riel, qui d'abord s'était surtout développée en 
Amérique, est aujourd'hui implantée en Europe; 
elle n'y est pas encore aussi avancée, au point de 
vue technique, qu'aux États-Unis; néanmoins, des 
spécialistes européens ont apporté une part de con- 
tribution importante au perfectionnement de la 
fabrication ; l’amélivration la plus intéressante qui 
ait été réalisée est l'uniformisation de l'outillage, 
permettant d'arriver avec un nombre restreint de 
constituants types à la réalisation des installations 
les plus diverses. 

Les principes mis en œuvre dans les appareils 
actuels ne sont pas différents de ceux utilises dès 
4840, tout au plus l'application en est-elle plus 
rationnelle; mais, à l'heure présente, deux ten- 
dances opposées se manifestent: d'une part, on 
cherche, dans les immeubles loués par partie, à 
substituer aux installations de chauffage général, 
avec un seul fover central, des installations où 
chaque locataire a son propre foyer; d'autre part 
on seflorce de centraliser la production de la 
chaleur pour plusieurs immeubles, pour un groupe 
de maisons, pour un quartier. 

Celte dernière méthode est particulièrement en 
faveur aux État-Unis; elle y a élé essayée dès 1880, 
mais ce n'est que depuis quelque temps qu'elle 
donne vraiment satisfaction: les installations de 
chauffage central y ont été combinées aux instal- 
lations génératrices d'électricité, pour le plus grand 
profit des unes et des autres. 

Tel est l'avantage de cette combinaison que, 
dans des installations moins importantes et ne 
servant que pour un établissement donné, on 
adjoint aux équipements de chauffage des machines 
électrogènes utilisant toute la vapeur disponible 


574 COSMOS 


pour la production de l'électricité et vendant à 
des tiers leur excédent d'énergie électrique. 449 

Les conditions sont malheureusement beaucoup 
moins favorables pour la distribution de la chaleur 
que pour la distribution de l'électricité, et aujour- 
d’hui se marque de mieux en mieux le besoin d’une 
centralisation aussi complète que possible; on 





21 NOVEMBRE 1919 


peut prévoir que l'électricité jouera plus tard un 
rôle important comme intermédiaire dans la dis- 
tribution du chauffage. 

Dans l’état actuel de la science, de la technique 
et de l’industrie, c’est incontestablement la dis- 
tribution électrique qui fournit la solution la plus 
élégante du problème. MARCHAND. 


naf 


Le barrage de Galveston. 


La technique américaine vient d'achever une 
œuvre grandiose en convertissant l'ile de Galveston 





en presqu'ile par un barrage monstre qui franchit 
la baie en mettant les produits de toute une moitié 


Z ` 


K 


VUE GÉNÉRALE DU BARRAGE DE GALVESTON. 


du coniinent en relation avec le port le plus im- 
portant du Sud-Ouest. 

Ce barrage, fait de terre, d'acier et de béton, se 
compose de trois parties, à savoir de deux barrages 
proprement dits, respectivement de 1 400 et de 
1660 mètres de longueur (vers le continent de 
Texas et lile de Galveston), et d'un pont immense 
en arches de béton de 742 mètres de longueur, qui, 
au milieu, donne passage aux navires par un pont 
à bascule de 30 mètres d'ouverture. 

Ce pont à bascule, large de 13,2 m, porte la 
roule carrossable, deux voies de chemins de fer 
à vapeur et une voie de chemin de fer électrique 
desservant la ligne suburbaine de Galveston-Hous- 
ton. Le pont en béton a une largeur plus grande 
de 6,6 m. Les deux barrages proprement dits 
ont, au sommet, une largeur de 36 mètres, dont 


15 mètres destinés aux chemins de fer à vapeur, 
8,1 m aux chemins de fer suburbains et 12,9 m 
à la route carrossable. L’axe de la construction tout 
entière,sa ligne médiane, est presque parallèle aux 
ponts de chevalets du chemin de fer de Santa-Fé. 

La partie la plus imposante de cette construction, 
c'est le pont à bascule, avec Ja jetée puissante sur 
laquelle il repose. Lorsque le pont a été soulevé 
pour donner passage aux navires, il monte librement 
dans l’air à une hauteur d'environ 50 mètres; il pèse 
près de 1 500 000 kilogrammes, dont 700 000 kilo- 
grammes d'acier et le reste en béton. 

Afin de supporter un poids si énorme, il a fallu 
construire une jetée de dimensions extraordinaires. 
Après avoir creusé l'argile dure au fond de la baie 
de Galveston jusqu'à 3,3 m-5,4 m de profondeur, 
on y a enfoncé 32 piliers de pin créosoté de 


=- fr h. Aa P 


mm, tél nn Le FD €» 


N° 1452. 


2 mètres de longueur, et sur cette fondation on 
a déversé plus de 3000 mètres cubes d’un mélange 
de béton (d’un poids d'environ 3500 000 kilo- 
grammes) renfermant environ 1 500 kilogrammes 
d'armatures d'acier. C'est sur cette jetée qu'on 
plaça le pont métallique pesant, à son tour, envi- 
ron 1 500 000 kilogrammes. 

Malgré la construction si robuste du pont à bas- 
cule, on a si bien équihbré les poids que le pont 
est soulevé et abaissé avec une dépense d'énergie 
très faible. Ce n’est, en effet, que pour vaincre les 
frottements qu'il faut dépenser de l'énergie; le 
pont s'arrête en toute position voulue. Sur le côté 
Ouest du barrage (vers le continent), se trouve un 





COSMOS 575 


bâliment en béton où sont installées les machines 
actionnant le pont. Cette installation se compose 
de deux moteurs électriques de 50 chevaux, ali- 
mentés par lusine de force motrice du chemin de 
fer électrique Galveston-Houston, d'un moteur à es- 
sence de 50 chevaux et de batteries d’accumulateurs 
d'une capacité suffisante pour entretenir, pendant 
plusieurs jours, le service du pont (lors d'une 
interruption du service de l’usine d'électricité, etc.). 
Afin d'assurer en toute éventualité le service du 
pont, on a toutefois ajouté un engrenage à main. 

Le pont en béton ne comporte pas moins de 
28 arches d'une portée individuelle de 21 mètres et 
de 2,7 m de flèche. Ces arches prennent appui sur 


est. ‘2 


A NEA th T 


m arr = "ec bá RACE. Ce 
mms a N 
a S T A SA SLETE 
7% L 22 re 3 ‘4 
SITES NA AHE, 
Le Ahh $ 
VERE 
` +. 3 
SRE Es 
= Ti ML ve | Te LE Con ~ -ý M1" z 
r CRE sa ee b 
agn T a EA EE et 
E r T a 
ff ÆE- af" -e - MET x » 
Ea T~ f : "4 | , G, : 
= de 22: AE. EE sur. tre LOT ES 
| p n à r =. 
2 E pT n PTO RS 
ae i ER met "Orr fE + 
Em t LR. 
- L 6 uet CE 


d 


cv n 
Fu sf n 


LE BARRAGE DE GALVESTON, AU PASSAGE D'UN TRAIN ET D'UN TRAMWAY. 


des barrages reposant sur le fond argileux de la 
baie. Afin de donner une idée de la construction de 
ces barrages de fondation, nous ferons remarquer 
que chaque barrage renferme environ 1 200 mètres 
cubes de béton, qu'il est à sa base d'une largeur de 
8,1 m et n'arrive qu'à peine de 0,6 m au-dessus 
du niveau des eaux. Plus de la moitié des frais de 
construction correspond à ces fondations et à la 
construction du pont en arcs. 

Chaque travée du pont se compose de deux sec- 
{ions longitudinales; la section destinée au service 
des chemins de fer est de 13,5 m et celle de la 
route carrossable de 6,5 m de largeur. 

Après qu’on eùt terminé la construction des arcs 
armés de barres d'acier, l’espace superposé et lin- 
tervalle des parois de soutènement furent remplis 
de sable provenant du fond de la baie. 


Les barrages proprement dits ont, au sommet, 
36 mètres et, au niveau de l'eau, 46,2 m de 
largeur. Ils se composent d’un double pilotis en 
bélon armé, enfoncé à environ 1,5 m de profon- 
deur dans le fond argileux, et qui pénètre d'à peu 
près 0,9 m au delà du niveau moyen de basse 
marée; les piles sont assemblées en versant du 
mortier dans leurs rainures cylindriques latérales. 

Après avoir ensuite appliqué à ce double pilotis 
des calottes en béton armé, on a disposé entre les 
deux rangées, à environ 3 mètres de distance, des 
barres d'ancrage. On a ensuite rempli les inter- 
valles de sable monté du fond de la mer, et, après 
avoir recouvert les talus du barrage de plaques de 
béton de 12 centimètres d'épaisseur, on a calfeutré 
les joints avec du feutre goudronné. 

D' ALFRED GRADENWITZ. 


576 


COSMOS 


21 NOVEMBRE 1919 


Les méthodes modernes de diagnostic sérologique."” 


Ill, La fixation de l’alexine. 


Rappelons, très sommairement, quelques notions 
sur les phénomènes de l’immunité acquise, soit par 
la vaccination, soil par une infection accidentelle. 

Selon la théorie généralement acceptée, celle de 
M. Ehrlich, le développement de l’immunité pour 
les différentes substances biotoxiques A, B, C, etc., 
dépend — au moins en partie — de ce que, sous 
l'influence de ces substances sur les cellules des 
tissus, il se développe dans l'organisme certains 
principes antagonistes spécifiques A’, B', C, ete., 
appelés « sensibilisatrices » ou « anticorps », dont 
la propriété est de rendre sensibles les substances 
biotoxiques — auxquelles on donne le nom d’«an- 
tigènes » — à l’action neutralisante et protectrice 
de l’ « alexine » ou « complément », lequel n’est 
pas proprement un produit d'immunisation et se 
trouve dans tous les sérums neufs et frais. 

Ainsi, lorsqu'un antigène A pénètre dans un 
organisme animal capable d'en ressentir les effets 
nuisibles, il se forme dans celui-ci une sensibili- 
satrice spécifique A’ qui met l’antigène A dans les 
conditions favorables pour s'unir avec la substance 
générique protectrice des humeurs, l’alexine. Le 
groupe moléculaire anfigène À + anticorps (sen- 
sibilisatrice) À + alexine est neutre, incapable 
d'exercer aucune influence nuisible ou bienfaisante 
sur les cellules de l'organisme. 

L'alexine disparait d'un sérum lorsqu’on le 
chauffe à 56° pendant une demi-heure. Les sensibi- 
lisatrices, au contraire, ne sont point détruites par 
la chaleur. Par conséquent, un sérum frais, riche 
en sensibilisatrices A’, devient inactif envers l’anti- 
gène A s'il est chauffé à 56°; mais, si on lui ajoute 
un peu d'un sérum frais quelconque — c’est-à-dire 
un peu d'alexine, — il reprend toutes ses propriétés. 

On a imaginé des représentations graphiques 
(Voir fig. 3.) pour expliquer clairement comment, 
dans un mélange de plusieurs sensibilisatrices spé- 
cifiques contenues dans un même sérum actif, 
chaque sensibilisatrice trouve facilement son anti- 
gène correspondant, sur lequel l’alexine devient 
alors capable de se fixer. (On appelle aussi l’alexine: 
substance fixatrice.\ 

MM. Bordet et Gengou ont utilisé ces remar- 
quables propriétés des sérums pour leur méthode 
de diagnostic sérologique, laquelle se perfectionne 
de jour en jour et, à cause de son extraordinaire 
sensibilité, donne des résultats très brillants pour 
le diagnostic des maladies infectieuses, des affec- 
ions vermineuses et mème des tumeurs malignes 
(sarcomes, cancers). 


(1) Suite, voir p. 548. 


L'alexine se trouve dans les sérums en quantité 
limitée. Une dose déterminée d'un sérum très actif 
envers un antigène À ne peut donc neutraliser 
qu'une quantité limitée de cet antigène. Si dans 
un tube on mélange, par exemple, un centimètre 
cube d’un sérum actif quelconque avec une sub- 
stance capable de fonctionner comme antigène, 
après quelque temps il n’y a plus d’alexine libre 
dans le mélange. Si l’on pouvait constater facile- 
ment cette disparition de l’alexine libre dans le 
sérum examiné, on aurait un moyen pour déceler 
dans les sérums la présence de sensibilisatrices 
(anticorps) spécifiques. Si, par exemple, l’antigène 
est un extrait de bacilles typhiques, on pourrait 
conclure que le sérum contenait des sensibilisa- 
trices ou anticorps pour le bacille d’Eberth et, par 
conséquent, que l'individu fournisseur du sérum 





E Alexine 


FiG. 3. — DANS UN SÉRUM CONTENANT DE L'ALEXINE, 
CHAQUE SENSIBILISATRICE S’UNIT A SON ANTIGÈNE COR- 
RESPONDANT. L’'ANTIGÈNE SENSIBILISÉ S'UNIT ALORS AVEC 
L'ALEXINE. 





i 3 Sensibrhisatrices Antiqénes 


(s'il s’agit d'un malade) est très probablement 
atteint de fièvre typhoïde. Mais comment démon- 
trer la disparition de l’alexine? On y parvient faci- 
lement, grâce à un procédé très simple et très 
ingénieux que nous allons exposer. 

Lesérum d'un animal appartenant à une espèce A 
acquiert la propriété de dissoudre les globules 
rouges des animaux d’une autre espèce B lorsqu'on 
injecte à plusieurs reprises à l'animal d'espèce A 
des globules rouges de l'espèce B. Ce phénomène, 
appelé « hémolyse », rentre lui aussi dans la caté- 
gorie des réactions immunitaires. Une suspension 
de globules rouges en eau salée physiologique 
devient, au bout de quelque temps, limpide et 
incolore, à cause de la précipitation des globules 
rouges au fond du tube à essai. Mais si on a mé- 
langé la suspension de globules avec un sérum 
hémolytique actif (non chauffé), la dissolution plus 
ou moins rapide des globules rouges est cause que 
l’'hémoglobine se mélange à l’eau salée et la teint 


Ne 1152 


uniformément en rouge. On dit, dans ce second 
cas, qu'il ya eu hémolyÿse. — L’hémolyse, elle 
aussi, s’accomplit à la suite de la fixation de 
l’alexine sur les globules rouges sensibilisés par la 
sensibilisatrice spécifique hémolytique. 

Voici comment s'exécute la réaction de Bordet 
et Gengou, qu’on appelle aussi « épreuve de la 
déviation (ou fixation) de l’alexine ». 

Soit, par exemple, le cas d’un malade qu'on 
suppose atteint de fièvre typhoide et dont le sérum, 
par conséquent, est censé contenir des principes 
défensifs antityphiques, des sensibilisatrices spéci- 
fiques pour les bacilles d'Eberth. Nous mélangeons 
dans une petite éprouvette des bacilles typhiques 
avec de l’alexine (c’est-à-dire un sérum quelconque 
non réchauffé) et avec du sérum inactivé (réchaufté 
à 56° et, par conséquent, privé d’alexine) du ma- 
lade (sensibilisatrice antityphique), et nous laissons 
le mélange à l’étuve pendant un temps convenable. 
D'autre part, nous mélangeons dans une autre 
éprouvette une suspension en eau salée physiolo- 
gique de globules rouges de lapin avec du sérum 
de cobaye hémolytique pour le lapin, mais inactivé 
lui aussi à 56° (sensibilisatrice hémolytique). I ne 
reste, après quelque temps, qu’à mélanger ensemble 
le contenu des deux éprouvettes et à observer s’il 
se produit ou non l'hémolyse. Dans le premier cas, 
on conclut que le sérum du malade ne contient pas 
de sensibilisatrices pour le bacille d'Eberth, car, 
en cas contraire, ceux-ci auraient élé sensibilisés 
et, par conséquent, auraient absorbé, dévié l'aiexine 
durant leur contact avec celle-ci et le sérum du 
malade inactivé. Dans le second cas, l’absence 
d’hémolyse signifie clairement que, durant le con- 
tact des bacilles typhiques avec le sérum du ma- 
lade et l’alexine, celle-ci a été absorbée, déviée par 
l’antigène typhique moyennant l'intermédiaire de 
la sensibilisatrice contenue dans le sérum du ma- 
lade ; le mélange ne contenant plus de l’alexine 
libre, l’'hémolyse ne peut plus se réaliser lorsqu'on 
mélange le contenu des deux éprouvettes. 

On comprendra mieux le mécanisme de la réac- 
tion de Bordet et Gengou en se rapportant à notre 
schéma n° 4. 

Cette réaction, dont nous avons indiqué simple- 
ment les lignes générales, ne peut donner des 
résultats sérieux qu’à la condition de faire d'abord 
une série d'expériences préalables. Il faut, en effet, 
préalablement : 4° S'assurer que les globules rouges 
ne s’hémolysent pas spontanément ; 20 déterminer 
l'activité du sérum hémolytique; 3° déterminer 
l'activité de l’alexine, qui varie selon l'ancienneté 
du sérum; 4 déterminer le mélange optimum 
pour que l’hémolyse se fasse à 37°, en un quart 
d'heure, avec le minimum de sérum hémolytique 
pour un centimètre cube d'émulsion au vingtième 
des globules dans l'eau physiologique ; 5° voir si l’an- 
tigène à lui seul ou le sérum à lui seul ne dévie 


COSMOS 


877 


pas l’alexine. 11 faut savoir, en effet, que, si l’on 
enfploie de fortes doses de n'importe quelle ma- 
tière contenant des albuminoïdes, il peut y avoir 
une déviation mécanique de ľalexine, déviation 
qui peut se produire même avec des particules 
figurées de différentes natures. Tout cela démontre 
bien que la déviation de l’alexine dans un but dia- 
gnostique n'est pas à la portée de tout le monde. 

En revanche, la méthode de Bordet et Gengou, 
exactement appliquée au diagnostic d'une longue 
série de maladies, a denné des résultats inattendus. 
En se servant, comme antigène, du liquide des 
kystes hydatiques, M. Ghedini a pu diagnostiquer 
l'échinocoque, et, en utilisant de la mème façon des 
extraits de tumeurs malignes fraichement préparés, 











. Bacilles 
V Alexine l 
` lyphiques 
& 
v 
NX 
d sE 
o densibihsatrics Globules 
£ rouges 
Bacrlles 
lyphiques 
6 m 
V 
` 
Q 
À 
T Globules 






Alexine 


rouges 
4’ 





. 


F1G. 4. — LA RÉACTION DK BORDET ET GENGOU. 
SCHÉMA DE LA COAGULATION DU SANG 


plusieurs expérimentateurs ont réalisé des diagno- 
stics très précoces du cancer de l'estomar. Appli- 
quée au diagnostic précoce de la tuberculose, la 
méthode de la déviation de l’alexine a donné des 
résultats bien plus sensibles que l'épreuve de l'ag- 
glutination. 

On peut lui reprocher qu’elle n'indique pas si 
l'individu fournisseur du sérum est vraiment en 
proie à un processus tuberculenx, ou bien s’il n’est 
que porteur dans son sang de principes antitu- 
berculaires dépendant d'une infection bacillaire 
éteinte. Mais c'est là, malheureusement, un défaut 
qui est propre à toutes les épreuves diagnostiques 
sérologiques. 

La « réaction de Wassermann », qui sert 
à reconnaitre, moyennant l'examen du sérum, 


578 COSMOS 


certaine maladie très répandue dans le genre 
humain et causée par un spirille découvert par 
Schaudinn, est une application de la réaction de 
Bordet et Gengou à la recherche de l’anticorps spi- 
rillique. 

Quoique non rigoureusement spécifique — on 
peut voir se produire la réaction dans des cas 
de lèpre, de scarlatine, de trypanosomiases, — la 
méthode n'en est pas moins applicable en clinique, 
où elle rend, de très grands services. 


IV. La meiostagmin-réaction. 


Mettons en présence l'un de l’autre du sérum 
d'un individu atteint de la fièvre typhoide avec 
une émulsion ou un extrait aqueux de bacilles 
typhiques. On se demande s’il ne pourrait y avoir 
d'autre moyen que la réaction très délicate de 
Bordet et Gengou pour mettre en évidence la com- 
binaison dessubstances protoplasmatiquestyphiques 
(antigène) avec l’alexine par l'entremise des sub- 
stances spécifiques défensives (sensibilisatrices) du 
sérum. 

Partant de l’hypothèse formulée par MM. Wei- 
chardt et Ciuffo, selon laquelle les réactions mises 
en lumière par l'inhibition de l'hémolÿse dans 
l'épreuve de Bordet et Gengou s'accompagneraient 
de certaines modilications d'ordre physico-chimique 
des mélanges de sérum et d’antigène, M. Maurice 
Ascoli, de l’Université de Pavie, a essayé un nou- 
veau procédé de séro-diagnostic très original : la 
« meiostagmin-réaction ». Nous en exposerons 
rapidement la théorie et la technique. 

Tout le monde connait le compte-gouttes, con- 
stitué par un tube à extrémité allongée et à ori- 
fice très étroit. Le liquide introduit ou aspiré dans 
le compte-gouttes, au lieu de s'écouler en mince 
filet par l'orifice inférieur, en sort sous forme de 
gouttes plus ou moins grosses selon le diamètre 
de cet orifice, la matière dont est fait le compte- 
gouttes et la nature du liquide. Ce phénomène est 
dù à la capillarité : l'adhérence du liquide avec le 
bord de l'oritice capillaire de la pipette — le phé- 
nomène ne se produit pas dans le cas, par exemple, 
du mercure, lequel n’adhère pas au verre — em- 
pèche le liquide de s'écouler librement et l'oblige 
à former un globule dont la surface, à cause de la 
tension superficielle des liquides, se comporte 
comme une membrane élastique (ou ménisque 
convexe). La goutte se détache et tombe chaque 
fois que se rompt l'équilibre entre son poids, d'une 
part, la force d’adhérence et la tension superficielle 
du liquide, d'autre part. 

En remplissant successivement une pipette avec 
différents liquides et en comptant le nombre des 
gouttes qui s'écoulent chaque fois de l'instrument, 
on mesure les tensions superficielles relatives de 
ces liquides. Cette tension s'exprime généralement 


21 NovEMBRE 1912 


moyennant un chiffre relatif à la tension super- 
ficielle de l’eau distillée, selon la formule : 


Z 
v=kD;zZ 


dans laquelle y indique la tension superficielle 
relative du liquide en expérience, D sa densité, 
Z et Z' le nombre des gouttes qui s'écoulent de la 
pipette selon qu’on l’a remplie du liquide en ques- 
tion ou d'eau distillée, Æ une constante fixe. 
(La température ne doit pas varier pendant l'ex- 
périence.) 

Au lieu d'une simple pipette, on se sert, pour 
ces expériences délicates, d’un instrument appelé 
« stalagmomètre » (de orarxyuég — distillation, 
écoulement goutte à goutte), consistant en une 
petite ampoule située le long du trajet d'un tube 
très mince, bien calibrė, replié à baïonnette, dont 
l'extrémité inférieure a la forme d'un disque hori- 
zonlal percé en son milieu d'un orifice capillaire. 
On remplit l’instrument, bien lavé et dègraissé, 
avec de l’eau distillée, et on compte le nombre de 
gouttes qui s’écoulent pendant le temps employé 
par l’ampoule pour se vider. On recommence 
l'opération avec le liquide dont il s’agit de déter- 
miner la tension superficielle relative à l’eau dis- 
tillée (à la température de 15°). 

M. Maurice Ascoli, ayant observé que la tension 
superficielle d’un sérum frais contenant des anti- 
corps s'abaisse d'une façon sensible, quoique assez 
faible, lorsqu'on mélange ce sérum à lantigène 
correspondant, a proposé d'utiliser le stalagmo- 
mètre pour la mise en évidence de la fixation de 
lalexine. La « meiostagmin-réaction » (de peiwv 
= plus petit et otáypa = goutte) s'exécute facile- 
ment selon la technique que nous avons exposée 
pour la détermination de la tension superficielle 
relative des liquides. Supposons qu'on ait affaire à 
un cas suspect de tuberculose. On prépare, d’une 
part, une dilution à 5 pour 100 de sérum frais du 
malade en eau salée physiologique; de l’autre, une 
dilution à 2 pour 100 d'un extrait de bacilles 
tuberculeux, dont le mode de préparation n'inté- 
resserait pas les lecteurs, et qui doit remplir la 
fonction d’antigène. A un centimètre cube de cet 
antigène, on ajoute 9 centimètres cubes de la dilu- 
tion de sérum, après quoi, on compte immédiate- 
ment le nombre de gouttes que donne le stalag- 
momètre pour l'unité de volume choisie à la 
température de 15°. Ce qui reste du mélange anti- 
gène-séruim est laissé à l’étuve à 37° pendant deux 
heures (ou bien dans un bain-marie à 30° pendant 
une heure). On répète lopération au stalagmo- 
mètre après avoir laissé refroidir le mélange à 15°. 
Si l’on trouve une différence tant soit peu évidente, 
mais exactement contrôlée, entre le nombre des 
gouttes comptées à chaque opération, c'est-à-dire 
si l'unité de volume du mélange antigène-sérum 
tenu deux heures à l’étuve donne un nombre de 


N° 1452 


gouttes supérieur à celui donné, pour la même 
unité de volume, par le même mélange fraiche- 
ment préparé, on conclut que le sérum examiné 
contient des anticorps spécifiques capables, durant 
le séjour à l'éluve, de s'unir à l’antigène tubercu- 
leux. 

Voici quelques exemples relatits à la tuberculose 
qui nous dispenseront de recourir à d’autres expli- 
calions : 


Nombre de gouttes, 
AVANT | APRÈS 


Un cas de tuberculose disséminée. 
Un cas de méningite tuberculeuse. 
Un cas de tuberculose pulmonaire. 
Un cas de péritonite tuberculeuse. 


Un cas de bronchopneumonie..... 
Un cas de gastro-entérite...... 
Un cas de rachitisme ............. 





Bien entendu, on doit contrôler aussi le nombre 
de gouttes donné par le stalagmomètre rempli 
successivement de sérum frais et de sérum tenu 
à l'éluve pendant deux heures sans addition d’an- 
tigène. La différence doit êlre minime. 

La valeur pratique de la meiostagmin-réaction 
a été discutée et mérite d’être confirmée par une 
longue série d'expériences. Cependant elle so donné, 
dans des cas de fièvre typhoiïde, des résultats non 
moins sirs que l’agglulino-réaction de Widal. Elle 
a été employée avec succès pour le diagnostic de 
la tuberculose. On l’a essayée, concurremment avec 
l'épreuve de Wassermann, dans les cas suspects de 





COSMOS 


519 


maladie causée par le microparasite de Schaudinn. 
Elle a permis à MM. Ascoli et izar, moyennant 
lemploi d'extraits de tumeurs comme antigène, de 
diagnostiquer le développement du cancer dans des. 
cas où l'épreuve de MM. Bordet et Gengou n'avait 
donné aucun résultat. 

Sa 

Nous ne voulons pas terminer cette revue sans 
signaler un nouveau procédé de séro-diagnostic 
qui a élé proposé par M. Freund dans les cas sus- 
pecls de cancer. Cette réaction est basée sur le 
fait que le sérum des sujets non cancéreux détruit 
par un phénomène de cytolyse les cellules cancé- 
reuses el respecte, au contraire, les cellules nor- 
males, tandis que le sérum des cancéreux n’exerce 
qu’une aclion cytolytique limitée sur les cellules- 
des tumeurs malignes. Il est facile de se rendre 
compte de la destruction des cellules cancéreuses 
dans le sérum d'un sujet sain en comptant à plu- 
sieurs reprises au microscope le nombre de ces 
cellules, lequel diminue rapidement à chaque nou- 
velle observation. La différence entre l’évolution 
de la cytolyse dans le sérum normal et dans celui: 
des cancéreux est clairement appréciable et per- 
meltlrait, parait-il, quelquefois de reconnaitre l’exis- 
tence d'une tumeur maligne qui n'est encore révé- 
lée par aucun symptòme clinique. 

C’est là un résultat des plus encourageants, car 
on sait combien il importe de diagnostiquer le 
cancer lorsqu'il est encore temps de l’extirper 
complètement et facilement. Tel est, du reste, le 
but principal de tous les procédés de séro-dia- 
gnostic: reconnaitre la présence et la nature d'une 
maladie avant qu'il soit trop tard pour la soigner 
et la guerir. 

D P. GOGGIA. 


Un coup d’œil sur le passé : les béles qui guérissent. 


Tandis que les médicaments actuels sont presque 
tous du domaine de la chimie et de la botanique, 
plusieurs autrefois étaient tirés des animaux. Et si 
l'on jette un coup d'œil sur ceux-ci, on est étonne 
de voir que nos pères, ou plutòt nos grands-pères, 
aient pu croire à leur vertu. Dans un ouvrage 
qui date de 1765 — ce qui, en somme, n'est pas 
très vieux — et qui s'intitule : « Les plantes et les 
animaux d'usage en médecine, décrits dans la 
Matière medicale de M. Geoffroy, médecin », on 
ne trouve pas moins de cent trente-quatre animaux 
susceptibles de nous guérir. 

Et parmi ces animaux, on n'est pas peu étonné 
de trouver l’homme et la femme. Voici, d'après 
l'auteur, leurs « vertus et usages ». La cendre de 
cheveux, en infusion dans le vin, est désobstruante. 
La dose est depuis un demi-gros jusqu'à un gros. 


Les ongles des doigts râpés font un purgatif et 
vomitif très violent, à la dose d’un scrupule en sub- 
stance et de deux scrupules en infusion. L'’urine 
est apérilive, atlénuante, résolutive et désob- 
struante : la dose est de cinq ou six onces, récente et 
tiède. La momie d Egypte, qui est des corps an- 
ciennement embaumés par les Egypltiens, est 
céphalique, désobstruante, à la dose d'un demi- 
gros jusqu'à deux serupules. La poudre de crâne 
humain est antiépileptique, depuis douze grains 
jusqu’à deux scrupules. Le lait de femme est 
béchique, restaurant, à la dose du lait d'Anesse {pas 
flatteur, le médecin!). Extéricurement, les cheveux 
brülés et sentis sur-le-champ calinent les vapeurs 
hystériques. La cire des oreilles est savonneuse, 
détersive. La salive est détersive, adoucissante. Le 
sang en poudre est astringent. L'urine est adoucis- 


580 


sante, fortifiante. Les excréments pulvérisés sont 
émollients, adoucissants, digestifs, maturatifs: La 
graisse est anodine, émoiliente. La momie d'Egypte 
est vulnéraire, détersive; elle entre dans l’emplâtre 
opodeldoch, styptique. Le crâne humain fait partie 
de l'eau d'hirondelle, la poudre de guttete, anti- 
spasmodique; son esprit volatil entre dans les 
gouttes d'Angleterre, céphaliques, anodines. 

Parmi les « autres » animaux, citons-en quelques- 
uns, peu connus à ce point de vue ; remarquez que 
celui qui les recommande n'est ni un charlatan 
ni un sorcier, mais un médecin sérieux — pour 
l’époque. 

La cendre d'une taupe calcinée est détersive, 
adoucissante, depuis un demi-gros jusqu’à un scru- 
pule. Son cœur, en poudre, est astringent. Son 
foie, en poudre, est antihystérique. Extérieurement, 
la cendre de laupe est détersive; le sang récent de 
même. 

Le fiel de l'ours est incisif, pénétrant, céphalique : 
la dose est depuis deux ou trois gouttes jusqu'à 
huit. Extérieurement, la graisse est émolliente, 
fortitiante; elle entre dans l’onguent martiatum. 

Certains organes de la truie, cuits et mangés, 
sont un très bon remède contre l'incontinence 
d'urine. Extérieurement, la graisse récente fon- 
due, qu’on nomme saindoux, est anodine, émol- 
liente; le vieux lard fondu est détersif, consoli- 
dant; le vieux oing, qui est la vieille graisse em- 
puantie, est émollient, résolutif; la ficnte est 
détersive, résolutive. 

Le sang du rhinocéros, en poudre, ainsi que les 
ongles et surtout la corne, sont sudorifiques, alexi- 
tères, depuis un scrupule jusqu’à deux. 

La fiente de brebis et de mouton est discussive, 
apéritive, depuis deux scrupules jusqu'à un gros. 
Les bouillons de poumons d'agneau sont béchiques, 
adoucissants. La caillette est alexitère. 

Les vertus de la souris et du rat sont les mêmes: 
la fiente, en poudre, est purgative, diurétique, 
depuis douze grains jusqu'à un gros. Extérieure- 
ment, l’auimal, réduit en cendres, est détersif: le 
sang est discussif, résolulif. Les crottes de rat sont 
détersives. 

Extérieurement, la chair de la fouine bouillie 
dans l'huile est anodine, résolutive, nervine: la 
fiente est résolulive, émolliente; le fiel est ophtal- 
mique. 

Les quatre pierres (?) qu'on trouve dans la tète 
du Jlamentin sont fébrifuges, diurétiques, depuis 
douze grains jusqu’à un scrupule. 

Le cœur. le foie, les poumons, le sang pulvérisés 
du lièvre sont un remède astringent, céphalique, 
dinurélique, hystérique, à la dose d'un scrupule 
jusqu'à un gros. Les reins sont diurétiques À la 
méme dose. Le poil calciné est dinrétique, depuis 
douze grains jusqu'à un demi-gros. La présure ou 
matière caséeuse du fond de l'estomac est cépha- 


COSMOS 


21 NOVEMBRE 41942 


ique, alexitère. Le talon ou astragale est cépha- 
lique ou adoucissant. Extérieurement, le fiel est 
ophtalmique ; la graisse est maturative. 

Extérieurement, un chat vivant, fendu par le 
dos, appliqué tout chaud sur le côté dans la 
pleurésie, l’y laissant huit ou dix heures, est dis- 
cussif, résolutif. La graisse est émolliente, péné- 
trante, résolutive. 

Le sabot de l'âne, pulvérisé, peut être substitué 
à l'ongle de l'élan, qui est céphalique et antiépi- 
leptique. La fiente, en poudre, est astringente. 
Le sang d'ânon, reçu sur un linge et séché au 
soleil, est céphalique. 

Toutes les parties du cerf suivantes sont diapho- 
réliques, alexipharmaques : la râpure de corne, 
la gelée de corne, l'os du cœur, le sang en poudre, 
la moelle récente. 

Le poumon de renard est béchique. Extérieure- 
ment, l'huile de renard, qui est une décoction de 
l'animal dans l'huile d'olive, est adoucissante, 
nervine, de même que la graisse. 

La graisse du chien est vuinéraire, détersive, 
consolidante. La fiente (qu'on nomme album gre- 
cum) est détersive, atténuante, résolutive. Exté- 
rieurement, la graisse est vulnéraire, détersive: la 
fiente est incisive, pénétrante, résolutive. On pré- 
pare, avec de petits chiens entiers, un baume for- 
lifiant, nervin, résolutif. La peau préparée est 
détersive. 

Le sang du taureau est astringent, antihysté- 
rique. Le fiel, à la dose d’un gros, en lavement, 
est laxatif; les cornes et les ongles, en poudre, sont 
antiépileptiques. L'urine de la vache, qu’on nomme 
eau de mille-fleurs (cette épithète ne manque pas 
d'une certaine poésie.....), chaude, à la dose de 
deux verres, est purgative. Les tendons, réduits en 
poudre, sont fébrifuges, sudorifiques; l'os de la 
jambe, en poudre, est fortifiant, nervin; la pierre 
ou bézoard de la vésicule du fiel, en poudre, est 
sudorifique, apéritive, alexitère, à l’intérieur, 
tandis qu'à l'extérieur elle est sternutatoire. 

La cendre de pie estophtalmique. La poudre des 
os du pic vert est diurétique. Le fiel du faisan est 
ophtalmique, de même que celui de la perdrix 
grise, du paon. Le roitelet cuit ou sa poudre est 
diurétique. La fiente du moineau, à la dose de deux 
ou trois grains, dans la bouillie, « lâche le ventre » 
aux petits enfants. Le hoche-queue, en poudre, 
est très apéritif. L’hirondelle est céphalique, inci- 
sive, antihystérique, ophtalmique; sa fiente est 
très chaude, âcre, diurétique; extérieurement, le 
nid d’hirondelle est résolutif. Extérieurement, un 
jeune cygne, cuit dans l'huile, est adoucissant. Le 
bouillon de coucou est céphalique, adoucissant; la 
fiente, en infusion, est bonne contre la rage. Le 
cerveau du corbeau est céphalique, nervin. 

La cendre de salamandre est détersive. La poudre 
et les cendres de crapaud sont diurétiques, sudori- 


Ne 1452 


fiques; l’infusion du erapaud dans l'huile de lin 
est anodine, détersive. Les grenouilles sont humec- 
tantes, incrassantes, béchiques: on en fait des 
bouillons; le foie est céphalique; le sang est vul- 
néraire. Les lézards sont fortiliants, résolutifs; 
leur fiente est ophtalmique. La vipère est cor- 
diale (!), diaphorétique, alexitère. Les petits os 
qu’on trouve dans la tête de la perche, vers l'ori- 
gine de son dos, réduits en poudre, sont apéritifs, 
absorbants. Le fiel du brochet est apéritif, fébri- 
fuge. Le foie et le fiel de l’anguille, réduits en 
poudre et mêlés ensemble, sont diurétiques, hysté- 


COSMOS 


581 


riques, ainsi que la peau en poudre. Les poux sont 
apéritifs (!)}, fébrifuges. Le bouillon d'écrevisse 
purifie le sang. L’extrémité des pinces des crabes, 
en poudre impalpable, est apéritive, absorbante, 
adoucissante, antiseorbutique. Extérieurement, la 
soie d'araignée est astringente et consolidante. Les 
abeilles, séchées et mises en poudre, sont diuré- 
tiques. La poudre des coquilles de moules est 
sudorifique et fébrifuge. 

Tout cela nous semble bien bizarre. Mais n’en 
sera-t-il pas de même plus tard de nos médications 
actuelles? HENRI COUPIX. 





La coagulation du sané. 


Lorsqu'on recueille le sang sans précautions par- 
ticulières au sortir d’un vaisseau et qu’on laban- 
donne au repos dans un vase, il subit une décom- 
position spéciale qui a pour résultat de le séparer 
en deux parties : l’une qui se prend en une masse 
gélatineuse, dense, rouge, tombant lentement au 
fond du vase, et que l’on nomme le caillot ; l'autre, 
liquide et légèrement jaunâtre, constituant le 
sérum. 

C'est le phénomène de la coagulation; sa marche 
se caractérise par une rétraction progressive du 
caillot, qui, d’abord homogène, se contracte de 
plus en plus en laissant exsuder le sérum en pro- 
portion de plus en plus grande. A la fin, le caillot 
devient dur, élastique, spongieux, et se trouve 
comme en suspension dans le sérum exsudé. 

La cause mécanique de la formation du caillot 
est l'apparition dans le sang d'une substance nou- 
velle, la fibrine, qui n'existait pas en cet état dans 
le plasma sanguin, c'est-à-dire dans le liquide qui 
véhicule par tous les vaisseaux du corps les glo- 
bules rouges et les globules blancs du sang. La 
fibrine se présente sous la forme de très fins fila- 
ments entrecroisés; entrainés par leur poids, ces 
filaments tombent au fond du vase, emprisonnant 
tes globules et les enserrant en une masse progres- 
sivement plus compacte, qui devient le caillot, 
tandis que la partie liquide est exprimée au dehors 
pour former le sérum. 

Les leucocytes, plus légers que les hématies, 
tendent à remonter vers la surface du caillot, où, 
se mélangeant avec la fibrine, ils forment une 
couche spongieuse blanchâtre plus ou moins appa- 
rente, le couenne; celle-ci n'est bien visible que 
dans le sang des espèces où la coagulation ne se 
fait spontanément qu'avec une certaine lenteur (le 
cheval, par exemple), ou dans celui des animaux 
où la coagulation, normalement rapide, est artifi- 
cieHement retardée par le froid, l’aldition de sucre 
on d'une solution alcaline. 

La coagulatior, ou séparation du sang d'une 


part en sérum, ď'’autre part en un mélange de 
fibrine, d’hématies et de leucocytes, n'a lien qu’au- 
tant que le liquide est abandonné au repos au 
sortir du vaisseau qui le fournit. On peut l’empi- 
cher, c’est-à-dire, pour employer un langage plus 
scientifique, pousser plus loin la décomposition du 
sang, et obtenir séparément le sérum, les globules 
et la fibrine, en battant le liquide frais avec un 
agitateur de verre ou un petit balai de brindilles 
d'osier. 

Si l’on prive par ce moyen le sang du repos 
nécessaire à la constitution du raillot, la fibrine 
s’altache à l’agitateur ou aux brindilles du balai à 
mesure de sa formation, en flocons filamenteux et 
élastiques. Les globules dès lors cessent d’itre 
emprisonnés et demeurent en suspension dans le 
sérum, dont on peut aisément les séparer en le fil- 
trant simplement sur papier; quant à la fibrine, 
rien n’est plus facile que de la débarrasser des 
globules qui y sont restes adhérents par un lavage 
sous un filet d’eau; elle apparait alors sous forme 
de filaments grisätres, semblables au gluten du 
pain. Un litre de sang donne en moyenne de 2 à 
3 grammes de fibrine seche. 

La fibrine, quni est le l'acteur mécanique essentiel 
du phénomène de la coagulation, est formée plus 
ou moins rapidement, dans le sang extrait du 
corps, aux dépens d'une albumine spéciale, le 
fibrinogène, existant dans le plasma du sang vivant 
au {aux, très faible, de 2? à 4 grammes par litre. 
Le fibrinogène ne se retrouve plus en aucune pro- 
porlion, lorsque la coagulation est complète, dans 
le sérum où baigne le caillot: si, en effet, on chauffe 
ce sérum à 56”, température de coagulation du 
fibrinogène, il reste limpide et ne prend pas le 
caractère trouble qui révélerait la presence de 
cette albumine spéciale 1). 

Donc, le fibrinogène disparait totalement du 


(t) Les autres albumines du plasma nè commencent 
à se troubler qu'au-dessus de 60°. 


582 


sang pendant la coagulation; mais, d'autre part, il 
n’est pas en enlier emplọyé à la formalion de la 
fibrine; en effet, le même volume de sang contient 
toujours, dans les vaisseaux, plus de fibrinogène 
qu'il ne renferme de fibrine après la constitution 
du caillot. Il y a tout lieu de supposer que la por- 
tion de fibrinogène qui ne se convertit pas en 
fibrine donne naissance à une nouvelle matjère 
protéique, la fibrino-globuline, dont on constate 
la présence dans le sérum et qui n'existe pas dans 
le plasma. Le sérum entourant le caillot présente 
d’une manière générale la même composition que 
le plasma, mais il ne renferme plus de fibrinogène 
etil contient en plus de la fibrino-globuline. La 
portion de fibrinogène employée à la formation de 
la fibrine oscille entre 60 et 70 centièmes; le 
reste se converlit en fibrino-globuline. 

Ces faits permettent assez légitimement de con- 











SON WY vii 
Z ` purs 
— p 
YY X XY! 


UW AY 


O NIK 





— 


e 


SCHÉMA DE LA COAGULATION DU SANG. 


sidérer la coagulation du sang comme la consé- 
quence mécanique d’un dédoublement du fibrino- 
gène du plasma en fibrine, qui s'unit aux globules 
pour former le caillot, et en fibrino-globuline, qui 
reste dans le sérum. Ce dédoublement est un acte 
chimique d’une nature particulière, une fermenta- 
tion, qui impose l'idée d'un ferment capable de 
transformer le fibrinogène; c’est, en effet, dans 
cette voie que les physiologistes ont cherché la 
cause initiale et biologique de la coagulation, cause 
sur laquelle la rétraction de la fibrine se greffe 
comme un facteur secondaire et purement phy- 
sique. 

L'assimilation de la coagulation à un phénomène 
diaslasique repose sur quelques faits précis, qu’il 
est utile de connaitre parce qu’ils mettent en 
lumière les conditions dont le concours est néces- 
saire à cetle fermentation spéciale du fibrinogène. 
Il est, par exemple, établi que trois facteurs em- 
pruntésà l'organisme lui-même sont indispensables 


COSMOS 


21 NOVEMBRE 1912 


à la genèse du ferment coagulant; parmi ces fac- 
teurs, deux sont de nature organique, les leucocytes 
ou globules blancs et le plasma sanguin; l’autre 
est minéral, la chaux. 

L'intervention obligatoire des leucocytes a été 
mise en évidence par une expérience d'Alexandre 
Schmidt, réalisée sur du sang de cheval, qui a la 
propriété d'abandonner facilement ses globules. 
Recevant de ce sang dans un vase refroidi, l’expé- 
rimentateur en décantait le plasma et le filtrait, 
enle maintenant à basse température ; les globules, 
rigidifiés par le froid, restaient sur le papier. Dans 
ces conditions, le plasma, presque complétement 
déglobulisé, ne se coagulait pas, ou se coagulait 
seulement avec une extrême lenteur: si alors on 
ajoutait des globules restés sur le filtre, un caillot 
compact se formait immédiatement. D'autres expé- 
riences ont démontré que les hématies, ou globules 
rouges, sont sans action sur la coagulation; c'est 
donc, parmi les éléments figurés du sang, aux 
seuls globules blancs que l'on doit attribuer une 
intervention nécessaire dans le phénomène. Cette 
intervention est supposée s'effectuer par la sécré- 
tion d'une substance spéciale, la {hrombokinase 
(encore appelée thrombozyme ou leucothrombine). 

En second lieu, il est reconnu que les leucocytes 
sont impuissants à provoquer la formation du fer- 
ment coagulant si on les laisse agir seuls et indé- 
pendamment du plasma qui les baigne, si par des 
lavages successifs on les débarrasse de ce plasma. 
Celui-ci fournit son appoint au phénomène par un 
élément qui lui est propre, le {hrombogène. 

Enfin la chaux est indispensable à la coagulation 
par la part qu'elle prend à la constitution de la 
fibrine. Dès 1890, des expériences d’Arthus et Pagès 
avaient établi que, si l’on reçoit du sang dans une 
solution contenant { millième d'oxalate de potasse, 
le sang ainsi alcaliné cesse d'ètre coagulable. On 
a reconnu depuis que toutes les substances capables 
de précipiter le calcium produisent le même 
résultat. Inversement, si à du sang rendu incoagu- 
lable par l'addition d'une solution alcaline on re- 
stitue du chlorure de calcium, la coagulabilité repa- 
rait. L'intervention de la chaux n'est d'ailleurs 
indispensable qu'au moment de la formation de la 
diastase coagulante; si, en effet, lorsque ce fer- 
ment est constitué, on décalcifie le sang par un 
oxalate alcalin, l'aptitude à la coagulation n'en 
persiste pas moins. 

La réunion et l’action combinée des trois fac- 
teurs qui viennent d’être énumérés, thrombokinase 
des leucocytes, thrombogène du plasma, sels de 
calcium fournis également par le plasma, ont pour 
résultat la synthèse du ferment coagulant, désigné 
par les physiologistes sous les noms de fibrine-fer- 
ment, thrombine ou plasmase. Cette substance se 
range dans le groupe des ferments solubles; c'est 
proprement un aucléo-albuminate de calcium. La 


No 4452 


nucléo-albumine qui entre dans sa composition est 
elle-même un composé de l’albumine du plasma 
sanguin avec la nucleine, substance constitutive 
des noyaux des leucocyles, mise en liberté par la 
décomposition de ces cellules dans le sang extrait 
des vaisseaux. À mesure que la nucléo-albumine se 
répand dans le plasma, elle se combine avec les 
sels de chaux de ce plasma et réalise du nucléo- 
albuminate de calcium. Tous les physiologistes 
cependant n’admeltent pas ce mode de formation 
du ferment coagulant, et il en est même qui pré- 
fèrent le considérer comme un produit de sécré- 
tion directe des leucocytes. 

Quoi qu'il en soit de sa genèse, la diastase de la 
coagulation sanguine n'’agit pas immédiatement 
par le fait même de sa formation; elle ne possède 
que l'aptitude à dédoubler le fibrinogène, et pour 
que les effets de cette aptitude se manifestent, cer- 
taines conditions physiques sont encore nécessaires. 
On voit que le phénomène ne manque pas de com- 
plication. Des expériences de Zahn ont démontré 
que, si l’on introduit dans le cœur d'animaux 
vivants des baguettes de verre lisse, on ne provoque 
aucun phénomène de coagulation; si, au contraire, 
les baguettes introduites ont été au préalablerayées 
à la lime, un caillot se montre sur le trait. De 
mème du sang recu dans un vase dont les parois 
intérieures ont été rendues très lisses par une 
couche de paraffine ou de vaseline peut conserver 
pendant très longtemps son caractère liquide, bien 
que les conditions biochimiques nécessaires à la 


COSMOS 


583 


coagulation soient réalisées; si à ce sang on ajoute 
du éharbon en poudre ou du verre pilé, le caillot 
se forme immédiatement. | 

Il semble bien qu’on ne puisse faire appel, dans 
ce curieux phénomène, qu’à une intervention pure- 
ment physique. On a supposé avec quelque vrai- 
semblance que les divers éléments en présence 
dans le sang fraichement extrait du corps forment 
un complexe colloïdal en équilibre instable, qui 
persiste dans cet état tant que n'intervient pas la 
cause physique capable de rompre l'équilibre. Cette: 
cause physique étant fournie, par exemple par 
l'état rugueux des parois du vase ou par l'addition 
de corps pulvérulents, la rupture de léquilibre 
permet la réaction réciproque des facteurs en pré-- 
sence et la succession des phénomènes dont le- 
dernier terme est la coagulation. 

En résumé, celle-ci apparait, d'après l’opinion 
assez générale des physiologistes modernes, comme 
une digestion, dont l'agent est un ferment qui, 
après avoir dédoublé et coagulé le fibrinogène du 
plasma sanguin, attaque et dissout la fibrine. 
formée. C'est une fibrinolyse — un mode par con- 
séquent de l'antolyse digestive par laquelle se dé- 
truisent après leur mort les tissus vivants. Lors- 
qu'elle se produit dans un organisme en vie, elle 
conduit à deux résultats opposés: bienfaisante 
dans les cas d’hémorragie, où Ja formation du. 
caillot arrète l'écoulement du sang, elle devient 
pathologique lorsqu'elle lance une embolie dans le- 
torrent circulatoire. A. ACLOQUE. 





SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 


Séance du 11 novembre 1912. 


PRÉSIDENCE DE M. LIPPMANN. 


Conductibllité intermittente des minces 
couches diélectriques.— Entre deux disques mé- 
talliques horizontaux de 32 millimètres de diamètre, 
à faces parfaitement planes et servant d’électrodes, 
M. Évouaru BraxLy interpose une couche trés mince 
d'une substance diélectrique, c'est-à-dire isolante pour 
l'électricité, et il augmente lentement la pression entre 
les deux disques. 

L'auteur a essayé des lames minces diélectriques 
diverses : feuilles de gutta-percha de 25 à 10 microns, 
lames de collodion de 15 à 10 u, feuilles de mica de 
5 p, résine, gomme laque, enduits de celluloïd ou de 
paraffine. 

Toutes les lames minces se sont montrées conduc- 
trices pour une certaine pression, généralement infé- 
rieure à un demi-kilogramme par centimètre carré et 
souvent beaucoup plus faible avec une force électro- 
motrice suffisante. Leur conductibilité s’est montrée, 


dans une certaine mesure, comparable à la conducti- 
bililé des conducteurs métalliques. 

Tout comme pour les radioconducteurs proprement 
dits, quand une conductibilité suflisante avec quelques 
éléments de pile thermo-électrique avait été acquise 
par ces lames, une étincelle de décharge de conden- 
sateur produite à distance diminuait brusquement et 
notablement la résistance d'une facon persistante, un. 
choc approprié la rétablissait. 


Le Congrès de l’Association francaise du 
froid. — M. Anmann Gautier, délégué, avec M. d'AR- 
soNvaz au Congrès du froid, à Toulouse à la fin de 
septembre, rend sommairement compte des travaux. 
du Congrès, dont les six sections ont eu à examiner 
cent dix Conimunicalions. 

La 1'° section avait à s'occuper des gaz liquéfiés et. 
du matériel frigoritique. 

La 2°, des nouvelles applications du froid à la con- 
servation des matières périssables. 

La 3°, des principales applications du froid à l'in- 
dustrie nationale. 

La £° a étudié l'état actuel des transports frigori- 
fiques en France. 


58% 


La 5° s’est préoccupée de l'enseignement de Ia science 
du froid et de ses applications. 

Enfin la 6° a eu à examiner les applications du 
froid à l'hygiène. 


Sillage et saccien à l'arrière des navires. 
— Des expériences effectuées par le Creusot sur le 
contre-torpilleur S 7, bâtiment de 470 tonneaux à trois 
lignes d'arbres, viennent de jeter un jour nouveau 
sur le problème de la propulsion en général et sur 
l'emploi des hélices des turbines À allure rapide en 
particulier. M. Poincet en rend compte et les discute; 
il ressort de son étude que ces expériences mènent 
aux conclusions suivantes : 

1° La justification des essais de petit modèle et la 
possibilité de résoudre complètement le problème de 
la propulsion pour le cas des bâtiments à deux hélices 
latérales ; 

2 Le rendement des hélices de turbines correcte- 
ment établi et dans les limites où la cavitation n’'ine 
tervient pas peut atteindre 70 pour 100; 

3° 11 paraît nécessaire de compléter les expériences 
de petit modèle sur le cas de la marche à plus de 
deux hélices afin d’élucider les questions de succion 
et surtout de sillage qui ont une répercussion consi- 
dérable sur le rendement propulsif. 


Au sujet de l'emploi, dans la construction 
de l’aéroplane, des empennages porteurs. — 
L’'empennage de la plupart des aéroplanes actuels 
contribue à leur sustentation; c'est, en d'autres termes, 
un empennage porteur. 

Le V longitudinal de l'aéroplane, c'est-à-dire l'angle 
que font entre eux la voilure et l’empennage, présente 
donc nécessairement, dans ce cas, une valeur intérieure 
à celle qu'offre l'incidence de régime de la voilure, et 
cela d'autant plus que l’empennage porte davantage: 
et c'est un inconvénient, car ce V longitudinal est, 
comme on sait, un élément primordial de stabilité. 

M. DocuÈNE montre qu'il conviendrait d'adopter des 
dispositions de construction telles que l'empennage fût 
aussi peu porteur que possible, neutre s’il se pouvait 
ou, mieux encore, négatif, c'est-à-dire attaqué, en vol 
de régime, par-dessus. 

Avantage supplémentaire entrainé par le dernier 
dispositif: la voilure principale ne serait plus placée 
en avant du centre de gravité, comme maintenant, 
pour équilibrer la force sustentatrice de l'empennage 
porteur, mais en arrière, et agirait donc comme 
une girouette qui s'efface devant le vent relatif, au 
lieu de se braquer dangereusement. 


Sur une formule de vitesse applicable aux 
aéroplanes. — M. ALphovse BERGET a établi pour 
les aéroplancs une formule analogue à celle qu'il a 
donnée en janvier 4909 pour les ballons dirigeables. 

Dérignons par V la vitesse de l’aéroplane en myria- 
mètres par heure; par F la puissance du moteur 
évaluée en chevaux: par S la surface portante des 
ailes, évaluée en mètres carrés, et par À un coeffi- 
cient numérique; on a la relation empirique simple 


v= a VE 
S 


Le coefficient À, quel que soit le type d’atroplane 
pris parmi ceux qui existent actuellement, est toujours 


COSMOS 


21 NOVEMBRE 191% 


pratiquement compris entre 7 et 8; sa vateur fournit 
une appréciation du cocflicieat d'utilisation de l'ap- 
pareil. 

Voici le tableau où sont reproduites les données 
relatives aux avions considérés et les valeurs corres- 
pondantes du coefficient. 


Avions. Surface Puissance Vitesse 

m = monoplan. portante du moteur en myriamétres 

b = kipa. am? chevaux. par beure. (Coefficient 4. 
Astra (b.). 48 70 9,0 7,80 
Acviatic (m.). 30 100 11,5 7,10 
Blériot (m.). 15 50 10,5 7,10 
Caudron (b.). 20 25 8,0 7,35 
Clément-Bayard (b.). 28 50 9,0 7,37 
Goupy (b.). 27 50 9,5 7,72 
Morane (m.). 14 50 41,5 7,95 
Rep (m.). 24 60 10,5 Ti? 
Sommer (m.). 16 50 10,0 6,86 
Tellier (m.). 28 50 9,0 7,40 
Zodiac (b.). 32 50 9,5 8,10 


La formule est empirique, indépendante de toute 
théorie et de toute hypothèse; elle n'est valable que 
pour les types usuels d’aéroplanes et pour des vitesses 
de S0 à 130 kilomètres par heure. Dans ces limites, 


elle permet de calculer d’avance la puissance mini- 


mum nécessaire à la propulsion d’un avion. 

Le coefficient À, coefficient d'utilisation, est d'autant 
meilleur que sa valeur est plus haute; mais cette 
qualité ne regarde que la vitesse; un coefficient de 7 
seulement n'indique pas nécessairement un mauvais 
avion. si on n’a pas cherché, dans sa construction, à 
développer sa vitesse. 


Sar des phénomènes de pseudo-résonance 
électrique. — Au cours de ses recherches sur les 
tubes luminescents au néon, M. GForGEs CLAUDE a 
observé un phénomène qui paraît susceptible de se 
reproduire dans différentes circonstances. 

Il a été amené à éludier l’emploi de condensateurs 
montés en série avec les tubes au néon. À ce propos, 
il a placé sur une différence de potentiel alternative 
de # 000 volts (50 périodes : s) un circuit constitué par 
le montage en série d’un condensateur de 0,67 micro- 
farad, d’un ampèremètre thermique de ? amptres et 
d’un nombre variable de tubes à néon de 7,50 m de 
long et #4 centimètres de diamètre. Or, il a eu la sur- 
prise de constater que, contrairement à toutes les pré- 
visions, l'intensité allait en croissant avec le nombre 
des tubes montés en série dans le circuit. Partie de 
0,7 ampère avec le condensateur seul, l'intensité passe 
de 6,88 avec un seul tube, 14,10 avec deux, 1,22 avec 
trois, et atteint 1,26 ampère pour quatre tubes en 
série! Un cinquième tube, cependant, dont l'insertion 
rend d’ailleurs l’allumage très difficile, a provoqué 
une légère diminution de l'intensité, qui paraît ainsi 
présenter un maximum pour quatre tubes. 

L'auteur expose ce qu'il suppose l'explication du 
phénomène, et cette explication le porte à lui donner 
le nom de pseudo-résonance, en raison de ses rapports 
avec une vraie résonance. 

Une autre particularité accompagne le phénomène. 
Si l'on photomètre l'un des tubes en essai pendant 
qu'on augmente le nombre des tubes, on constate que. 
bien que le courant augmente énormément, l'intensité 


N° 1452 


lumineuse du tube diminue légèrement, alors que 
l'éclat d’une lampe à incandescence, placée dans le 
circuit, augmente énormément. 


Capacité pulmonaire minimum compatible 
avec la vie. — Comme le rein et les glandes surré- 
pales, les poumons ont une capacité fonctionnelle 
bien supérieure à celle que nécessite l'entretien de la 
vie. Pour le montrer, MM. LÉON BrnnaRo, A. LE PLAY 
et Cu. Maxroux ont, chez le chien, réduit les poumons 
à l’inactivité presque complète par l'opération du 
pneumothorax : ils refoulent complètement l'un des 
poumons et partiellement l'autre, en injectant de 
l'azote dans la cavité pleurale. Le chien était sacrifié 
après vingt-quatre heures; et des mesures indirectes 
montraient qu’il avait vécu avec un sixième seule- 
ment de ses poumons en fonction. 


Observations à Marseille de la comète Borrelly 
(1912 c) par M. BorreLLY, par M. Coccia et par 
M. Es{ıoL; à Paris, par M. GiacosiNi; à Lyon, par 
MM. Lurzer et GuiiLaume; à Besançon, par M. Cuor- 
FARDET et par M. P. Bruck. — Observations de la 
comète Schaumasse (1912 b) à Lyon, par M. GUILLAUME. 
— M. Louis Fasry indique une méthode d'identifica- 
tion des petites planètes. — Sur un système ditféren- 
tiel formé par M. Schlesinger. Note de M. Jean Csuazy. 
— Sur l'unicité du développement trigonométrique. 
Note de M. C.-). be LA VALLÉE Poussix. — Nouveau 
héorème sur les effets des moments. Note de M. HıseLy. 
— Les franges des lames cristallines holoèdres à 
faces parallèles. Note de M. C. Raveau. — Sur l’étirage 
des métaux. Note de M. HanrioT. — Sur le dosage des 
tipoïdes dans le sérum sanguin. Note de MM, L. Griw- 
BERT @t M. LauDaT. — Sur le spléno-diagnostic de la 
fièvre typhoïde. Note de M. H. VincexT. — Sur l'in- 
fluence de la température sur la marche du dévelop- 
pement de Maïa squinado Herbst. Note de M. C. Scule- 
GEL. — Répartition des ossements humains trouvés 
dans le gisement moustérien de La Quina (Charente). 
Note de M. Henri ManrTix. — Sur la structure des 
Pyrénées cantabriques et leurs relations probables 
avec les Pyrénées occidentales. Note de MM. Lron 
Benrranp et Louis MENGauD. — Découverte d’un gise- 
ment de vertébrés dans l’Aquitanien supérieur de 
l'Agenais. L'âge géologique de la faune de Saint- 
Gérand-le-Puy. Note de M. G. Vasseur. 





ASSOCIATION FRANÇAISE 
POUR L’AVANCEMENT DES SCIENCES (1) 
Congrès de Nîmes. 


Botanique. 


Présidée par M. Flahault, professeur à la Faculté 
des sciences (Montpellier), cette section a nommé pré- 
sident d'honneur M. de Waldeman, directeur du Jardin 
botanique de l'Etat (Bruxelles), et M. C.-E. Bertrand, 
professeur à la Faculté des sciences (Lille), comme 
vice-président. 


(1) Suite, voir p. 557. 


COSMOS 585 


M. Cananès (Nimes) étudie quelques plantes méditer- 
raníennes rares, Lavatera punctata All.. Centaurea 
diffusa Lamk (variété à feuilles blanches). Convo/vu- 
lus althesidens L. et Parietaria lusitanica L. Les 
trois dernières espèces constituent des nouveautés 
pour la flore du Gard, 


M. C.-E. BenTranp (Lille) présente ses observations 
sur certaines particularités de la structure de quelques 
plantes anciennes : 1° Ditférenciation histologique du 
bois secondaire des Dicotylédones et le défaut de loca- 
lisation de ses gros vaisseaux. 2 Le bois secondaire 
sans vaisseaux avec lame fibreuse et rayons ligneux 
alternants. 3° Le bois secondaire du style des Spheno- 
phyllum, états différents de ce tissu devant les régions 
polaires et sur les faces latérales du bois primaire. 
Complexité plus grande de tissus des rayons. £ La 
différenciation du secteur ligneux secondaire des 
stipes du Calamodendron. Les bandes mécaniques laté- 
rales opposées à sa masse aquifère médiane. # Les 
ilots cribles extérieurs du liber primaire dans le stipe 
de Sigillaria spinulosa. 6” Comment on arrive à lire 
les organisations réduites. La trace foliaire de Sigil- 
laria spinulosa, dans la couche subéreuse du stipe 
dans la fronde. 

Une fois encore la connaissance des structures fos- 
siles se montre indispensable pour la compréhension 
des formes réduites qui ont persisté. Pour la plupart 
de ces réduites, la lecture n’est possible que quand 
on a trouvé des traces foliaires suffisamment larges 
et développées pour montrer toutes leurs complica- 
tions. 


M" MarGuERITE BELÈZE (Montfort-l'Amaury). Le Goo- 
dyera repens R. Br. Cest le Satyrium repens L., le 
Neothia repens Sw.-D. C., l'Epipactis repens All. 
Crantz, en français la Goodyċre rampante dont l'aire 
de dispersion s'étend, d’après le D: X. Gillot, depuis 
l'Ecosse, la Laponie et la Sibérie, au Nord (70° de lati- 
tude Nord), jusqu'aux confins de la Sibérie orientale 
(163° longitude Est). Dissiminée en Scandinavie, Dane- 
mark,surtout dans l'Europe australe, clleest assez com- 
mune en France, dans les Vosges, le Jura, les Alpes 
dauphinoises et les Alpes de Savoie, les Pyrénées, 
mais rare dans le Massif central. Cette plante a tou- 
jours apparu soudainement dans les environs de 
Paris; elle pousse sous les pins sylvestres générale- 
ment. M" Belize l'a découverte dans la fort de 
Rambouillet, à 1tkilomètres;aux Essarts-le-Roise trouve 
la localité la plus rapprochée. L'hypothèse de l’intro- 
duction des rhizomes de cette orchidée sous terre 
quand on plante de jeunes pins est à écarter, puisque 
les pins de la forèt de Rambouillet ont été semés sur 
place; quant au transport des graines par le vent, la 
distance citée plus haut le rend difticilement admis- 
sible. 


M. FE. Decrocx (Marseille). -- L'£rithronium dens 
canis croit normalement dans les forêts, les bois, 
clairières et landes de la zone des hètres et de la zone 
subalpine, aussi est-il surprenant de la rencontrer 
aux environs de Marseitle, dans la zone essentiellement 
caractérisée par le pin d'Alep. Cette plante est actuel- 
lement connue dans la seule localité de Pichauris 
pour les Bouches-du-Rhône, dans les bois de La Garde 
Freinet, au Défens (Var), et sur les hauteurs de la 


586 


région niçoise à partir de 800 mètres pour les Alpes 


Maritimes. +. 


M. J. Lacanoe (Montpellier). — Répartition topogra- 
phique de quelques champignons aux environs de 
Montpellier. — Cet aperçu de la végétation fongique 
sur un espace limité suffit à mettre en évidence deux 
notions fondamentales applicables à l'étude biogéogra- 
phique des champignons. D'une part, la notion de 
dénombrement spécifique qui correspond à la fré- 
quence des individus, d'autre part, la notion d'habitat 
normal, c'est-à-dire le rapport étroit des espèces avec 
le sol et la végétation. L'une est une vue d'ensemble, 
l’autre une appréciation critique des détails. Elles se 
complètent mutuellement et concourent à la connais- 
sance méthodique, raisonnée, de la biologie de ces 
végétaux. Les conditions de vie et de répartition des 
espèces communes sont plus intéressantes, au point 
de vue biologique, que la découverte d'espèces rares 
ou nouvelles. 


M. J. Pavizzarp (Montpellier). L'évolution périodique 
du plankton végétal dans la Méditerranée occidentale. 
— La conclusion de ce travail est que cette évolution 
périodique est en rapport avec les migrations des 
poissons, et, par conséquent, avec l'économie des pêches 
maritimes. 


MM. les D'* Cuauzes GERBER et P. FLouRENS (Marseille) 
Sur le Latex de « Calotropis procera » R. Br. — Cette 
.asclépiadée est un arbuste assez grand, caractéris- 





COSMOS 


21 NOVEMBRE 1912 


tique des régions désertiques de l'Afrique du Nord. 
Elle n'est en usage encore que pour les fibres libé- 
riennes de la tige et les aigrettes des graines ; il serait 
tout au plus possible de tirer une gutta de son latex 
abondant; mais dans ce latex les auteurs signalent la 
présence d’un ferment protéolytique appartenant au 
groupe présures du lait bouilli. Il est très résistant 
à la chaleur. À certaines doses, les alcalis sont nette- 
ment accélérateurs. En cela le ferment protéolytique 
de cette plante se rapproche de celui de la belladone 
et de la diastase. 


M. Decrock. — Le bois de Lansac. — Contribution 
à l'étude de la végétation de Plan-du-Bourgy. — Cette 
localité est située entre Arles et Fos-sur-Mer. Il existe 
un bois dans ses terrains salés! C'est un bois de 
genévriers de Phénicie (J/unipera phœnica), comme il 
s'en rencontre en Camargue, mais ici les arbres sont 
assez régulièrement plantés à des distances de 3 à 
10 mètres. Les assauts du mistral les ont empèchés 
de s'élever à plus de 3 à + mètres. L'auteur donne la 
liste des espèces qui vivent à l'abri de ce bois 
d'aspect sporadique. Les dépressions sont fréqueim- 
ment inondées en hiver, la proximité des marais 
salants donne à l’eau une salure assez prononcée 
pour que, dans la saison sèche, le sol imprégné de 
sel ne puisse porter que des espèces franchement 
halophiles. 


(A suivre.) S. HÉRICHARD. 


—— m 


BIBLIOGRAPHIE 


La résonance du toucher et la topographie 
des pulpes, par M™° Mare Jaëzz. Un vol. in-8° 
de xv-161 pages, avec 17 planches hors texte, 
(6 fr). Librairie Félix Alcan, Paris. 1912. 

Le nouvel ouvrage de Mme M. Jaëll apporte une 
contribution des plus intéressantes à l'étude des 
rapports qui peuvent exister entre nos différentes 
sensations. | 

En faisant intervenir l'idée de couleur dans l’édu- 
calion de la sensibilité manuelle, M'"° Jaëll réalise 
-des rapports de sensations sous l'influence des- 
quels l'harmonisation du toucher et l'audition 
mentale des sons, transformées déjà par les alti- 
tudes de la main, se développent et se perfec- 
tionnent. Me Jaëll établit aussi par de nouvelles 
expériences la relation absolue de la topographie 
des pulpes avec la sensibilité de la main. Les per- 
ceptions mentales que nous sommes susceptibles 
de former volontairement constituent ainsi un 
réseau d'influences capables de rendre nos fonc- 
tions tactiles spontanément cohérentes, les émis- 
sions des sons spontanément harmonicuses. 

Si quelque lecteur conçoit un doute sur l'objec- 
livilé de certains des phénomènes d'associations 
allégués en ce livre, il pourra néanmoins s'inté- 
resser à l'étude de la psychologie de l’art ou de 


l'artiste. Les musiciens surtout rencontreront là 
des idées nouvelles qu’ils sont à même de contrôler. 


Construction et installation moderne des 
usines et des ateliers, par PauL Razous, pro- 
fesseur à l'École spéciale des travaux publics. 
Un vol. in-8° de 500 pages (45 fr). Librairie 
Monroty, 30, rue Jacob, Paris. 


La construction d’une usine et son installation 
n’est pas chose aussi aisée qu’on pourrait le croire; 
il faut d'abord observer les règles générales impo- 
sées par ce genre d'édifices; puis faire entrer en 
ligne de comple le genre d'industrie à laquelle elle 
est destinée; enfin observer les réglementations 
sur l'hygiène des ateliers. En général, les établis- 
sements industriels sont construits légèrement, 
avec économie, et de façon à pouvoir s'agrandir 
si l'affaire prend de l'extension. 

L'auteur indique dans une première partie les 
formes générales qu’on doit donner aux bâtiments, 
ainsi que les matériaux susceptibles d'être em- 
ployés suivant les besoins: bois, fer, maçonnerie. 

Dans un second chapitre, M. Razous étudie 
l'installation des usines; en premier lieu sont 
passées en revue les machines motrices: moteurs 
hydrauliques, à air, à vapeur, à gaz, à pétrole, 


No 1152 


à alcool, etc. Cette partie, très développée, donne 
les considérations qui doivent faire adopter un 
système plutôt que l’autre, suivant l'usage auquel 
est destinée la machine. Ensuite vient l’étude dela 
transmission de la force motrice, soit par électri- 
cité, par air comprimé, par poulies et courroies. 

Enfin l’auteur donne tous les conseils pratiques 
relatifs au transport des matières premières à 
l'usine, à l'éclairage, au chauffage des ateliers, 
à l'outillage mécanique pour tous les corps d'in- 
dustrie. Un chapitre spécial étudie les hauts four- 
neaux et les fours industriels tels qu'ils sont réa- 
lisés dans la grande industrie. 

Ce livre est très complet. Quand il ne peut don- 
ner tous les détails d'une question trop complexe, 
il renvoie à des ouvrages spéciaux sur le sujet. 
C'est donc une mine inépuisable de renseignements 
qui ont la plus grande valeur pour les chefs d’in- 
dustrie. Grâce à lui, on peut d'avance préparer un 
plan complet d’une installation nouvelle et éviter 
des surprises parfois lourdes de conséquences dans 
l'établissement d’une usine. 


Maryland Geological Survey.TheJohns Hopkins 
Press, 1911. Baltimore. 


Nous venons de recevoir trois volumes et un 
atlas de cartes de ce service du Maryland, volumes 
édités avec le luxe habituel de toutes les publica- 
tions américaines, où abondent les belles gravures 
et les cartes d'une grande perfection d'exécution. 
Voici la liste de ces volumes : 


l. Neuvième volume. Ce nouveau volume de la 


série des rapports généraux du service géologique 


comprend quatre parties : Les deux premières sont 
consacrées au tracé, à la construction et à l’entre- 
tien des routes; de nombreuses cartes permettent 
de juger des résultats obtenus. Ce sont les derniers 
rapports que le Geological Survey donnera sur ce 
sujet. Désormais, cette question des routes sort de 
ses attribulions, un service spécial, la Commission 
des routes de l'État, ayant été créé en 1910. — 
Les rapports contenus dans ce volume sont dus à 
M. WazcrTer WiLson Crosgy et à M. WiLLiaȚM BULLOCK 
CLARK, superintendant. 

La troisième partie traite des gisements de mine- 
rais de fer dans l’État, de la métallurgie et de Fin- 
dustrie de ce métal. Elle a pour auteur M. Joseru 
T. SINGEwWALD, Jr. 

La quatrième partie, la plus courte, a pour auteur 
M. L. A. Bauer. C’est une étude sur la ligne d’égale 
déclinaison magnétique de l'État du Maryland. 


Il. Maryland Lower Cretaceous by Wizzrau But- 
LOCK CLARK, ARTHUR B. BiBBiNs and EDWARD 
W. Berny. 

De premiers rapports sur la géologie systéma- 
tique et sur la paléontologie du Maryland ont 
traité de léocène, du miocène et du plio-pleisto- 


COSMOS 


587 


cène. Celui-ci termine la série en traitant du cré- 
tacé inférieur, terrain qui occupe une grande place 
dans cet Etat. 

Le volume se termine par 447 planches, d'une 
admirable exécution, représentant les fossiles re- 
cueillis dans ce terrain. 


HI. Prince Georges County. Différents auteurs 
ont contribué à létude de cette partie du Mary- 
land. Après avoir indiqué sa position dans l'État 
et les principales caractéristiques physiques, les 
auleurs examinent successivement sa physiogra- 
phie, sa géologie, ses ressources minérales, son 
sol, son climat, son hydrographie, ses éléments 
magnétiques, ses forêts. 

L'ouvrage, largement illustré, est accompagné 
d'un atlas. 


Livres parus récemment : 


Utilisation du flux et du reflux surtout sur 
le littoral de la Manche, par Jurres SéveriN. Extrait 
des comptes rendus de PAFAS, 28, rue Serpente, 
Paris. 

Le vol des grands reptiles et insectes disparus 
semble indiquer une pression atmosphérique 
élevée, par M.-E. et A. HarLé. Extrait du bulletin 
de la Société géologique de France, 28, rue Ser- 
pente, Paris. 

Catalogue alphabétique des livres, brochures 
et cartes de la bibliothèque de l'Observatoire de 
Belgique. à l'crle. ayez, imprimeur, 112, rue de 
Louvain. Bruxelles. 

Annales de l'Observatoire astronomique de 
Zà-sé (Chine), t. V, année 1909. Chang- Hai, im- 
primerie de la Mission catholique, orphelinat de 
T'ou-sè-wè. 

Annual report of the Director of the Weather 
bureau for the year 1908. WE partie : meteorolo- 
gical observalions made at the secondary stations 
during the calendar vear 1908. Manille (Philippines). 
Bureau of printing, 

Alrune misure maynetiche eseguite nell Est- 
A/rica inglese e nella Somalia italiana; 


La carta magnetica del Benadir: 


I compiti dell Ufficio centrale di meteurologia 
nella Libia italiana, par Luisi Parazzo, directeur 
de l'Office central de météorologie. Rome, Typo- 
graphie nationale Bertero, via Umbria. 


Coordenadas geograficas determinadas por el 
mapa fisico y politico de Venesuela, par F. AGUER- 
REVERE. Typographie Cosmos, à Caracas. 

A propos de l'appel des savants étrangers rela- 
tif aux droits de la Finlande, par le professeur 
BERENDTS, traduit du russe par le comte DU CHAYLA. 
Saint-Pétersbourg, imprimerie Kirchbaum, Novoi- 
saakievskaya, 20. 


COSMOS 


21 NOVEMBRE 1912 


PETITE CORRESPONDANCE 


Adresses : 


T. S. F. — Fil isolé une ou deux couches coton: 
Bazar d'Électricité, 34, boulevard Henri IV; Grand 
Bazar de l’Hôtel-de-Ville. — Tubes de laiton : Quin- 
caillerie Doré. — Feuilles d’étain pour condensateurs : 
Ancel. — Diachylon: chez tous les pharmaciens. — 
Toile d'architecte: chez les principaux papetiers. 

L'acoustèle Daguin-Diénert est construit par la 
maison Ducretet et Roger, 75, rue Claude-Bernard, 
Paris. 


M. J. D., à V. — Les renseignements donnés dans 
le numéro 1450, p. 513, el ceux qui paraissent aujour- 
d'hui fournissent toutes les indications nécessaires 
pour construire les bobines primaire et secondaire 
dans le cas de montage par induction. La grosseur 
et la longueur du fìl sont indiquées pour la bobine 
secondaire; pour la bobine primaire, la grosseur du 
fil est la même, mais la longueur est environ quatre 
fois moindre. 


M. V. D., à S. — Nous m’avons pas l'adresse de 
l’ « Electrit ». L’American machinist, World Building, 
New-York (Etats-Unis). — M. de Recklinghausen babite 
au Bas-Meudon. Comme cette adresse n’est pas sufi- 
sante, vous pourriez en avoir une plus complète par 
la maison Pucech-Chabal, 34, rue Ampère, Paris, qui 
exploite le procédé Henry, Ielbronner et Reckling- 
hausen. 

M. C. P., à L. — L'Étude pratique des roches, de 
F. RiNNE, a été éditée par la librairie Lamarre, 4, rue 
Antoine-Dubois, Paris. Il vient de paraître une seconde 


édition de cet ouvrage, revue et augmentée, du prix 
de 16 francs. 


M. G., à R. — La brochure reproduisant les articles 
sur la télégraphie sans fil en cours de publication 
dans le Cosmos paraîtra vers le milieu du mois de 
décembre prochain. 


M. l'abbé D., à S. — Si vous ne prenez pas la pré- 
caution de couvrir la mèche de votre lampe à alcool 
après l'avoir éteinte, l'alcool s'évapore à lair, ce qui 
a pòur résultat un affaiblissement du degré de l'alcool. 
La mèche n'est plus imbibée que par de l’eau. — 
Nous ne savons s’il existe des mèches de lampe en 
amiante. Vous pourriez vous adresser à l’Amiante, 
de Flers (Orne). 


H. 0. V. E. — Les renseignements que vous cher- 
chez sur l'extraction du tartre des lies de vin et sur 
la fabrication de l'acide tartrique se trouvent dans des 
dictionnaires de chimie; par exemple, dans le tome HI 
du Dictionnaire de chimie pure et appliquée, de 
Wvrrrz, et son deuxième supplément, volume VH. 
Librairie Hachette, 79, boulevard Saint-Germain, Paris. 

M. le V" de B., à B. — Machine à calculer légère : 
le « comptator », poids 700 grammes (195 fr). H. Eggers, 
42, rue de Chabrol, Paris. 

M. B., n° 4149-4239, à S.-G. (Indes anglaises). — 
Pour empêcher le cuir de moisir, il suftit d’enduire 
de temps en temps les objets en cuir d'essence de 
térébenthine. Il n’est pas possible d'empêcher l'humi- 


dité de l’air de se déposer sur les murs ou les par- 
quets, sauf en chauffant les appartements. — Il nous 
paraît difficile de vous donner satisfaction sous ce 
dernier rapport (tables) au moins pour le moment, 


M. J. M. C., St-P. (Brésil). — Vous auriez avantage, 
pour la filtration et l’épuration biologique de l’eau, 
à avoir recours aux filtres à sable. Vous trouveriez 
des modèles de différents débits à la Société générale 
d'épuration Asepl'eau, 28, rue de Châteaudun, ou à la 
maison Chevalet, 111, rue Mozart, tous deux à Paris. 


M. À. B., à M. — Les caractères distinctifs des divers 
styles d'ameublement vous seront parfaitement indi- 
qués, avec %44 planches à l'appui, dans le volume : 
Menuiserie d'art contemporaine (32 fr). Librairie 
Mulo, 12, rue Hautefeuille, Paris. 

M. C. N., à A. — Mesurer la hauteur à laquelle se 
trouve un cerf-volant est un problème des plus 
simples en trigonométrie. On en trouve la solution 
dans les ouvrages élémentaires. Le problème est 
résolu aussi dans les géométries sous ce titre : déter- 
miner la hauteur d'un point inaccessible. Si la trigo- 
nométrie ne vous est pas familière, vous obtiendrez 
un résultat approché, par la méthode graphique, en 
faisant un dessin soigné à une échelle d'un centième, 
par exemple. Un appareil du genre graphomètre 
pourrait servir dans tous les cas. Peut-être le dendro- 
mètre Morin, 11, rue Dulong, Paris, vous permettrait-il 
d’avoir directement et sans calcul cette hauteur. 


M. J. Q., à E. S. (Danemark). — La stérilisation des 
eaux par rayons ultra-violets, par les procédés 
V. Henry, A. Helbronner et de Recklinghausen est 
exploitée par la maison Puech-Chabal, 34, rue Ampère, 
Paris. — Un article général sur les applications des 
rayons ultra-violets a paru dans le tome LXVI, n° 1422, 
p. #73. — Si vous voulez bien nous envoyer là note 
en question, nous tàcherons d'en tirer le meilleur 
parti possible. 


M. R. de M. — La note publiée indique que ces 
condensateurs-réducteurs en sont seulement à la pé- 
riode d'essais. D'ailleurs, il y a tous les renseigne- 
ments nécessaires pour les construire. Des condensa- 
teurs de ce genre sont employés en téléphonie dans 
les postes à batterie centrale; vous en trouverez pro- 
bablement à la Société industrielle des téléphones, 
25, rue du Quatre-Septembre, Paris. 


Un abonné, à G. — Baromètres, thermomètres de 
précision, Tonnelot, 25, rue du Sommerard; enregis- 
treurs, Richard, 25, rue Melingue; géodésie et mathé- 
matiques, Morin, 11, rue Dulong, tous à Paris. Pour 
une réponse plus précise, veuillez indiquer de quelle 
branche des sciences il s’agit. 

M. Y.,à P. — 11 y a longtemps que l’on a proposé 
l'élevage des lapins ‘pour se faire des rentes; peu de 
personnes y ont réussi: nous croyons pouvoir affirmer 
que celui des rats n'a jamais été rémunérateur. 

M. A. R., à D. — Un vernis quelconque à l'alcool! 
y suffit. 


imprimerie P. F&rON-VRau. 8 et 5, rue Bayard, Paris. VIII°, 
Le gérant: À. Faious, 


—_———— 2 ——— ————— 


No 1453 — 98 NOVEMBRE 1912 


COSMOS 


569 


SOMMAIRE 


Tour du monde. — L'électricité des gouttes d’eau. Le développement des chemins de fer du monde depuis 
soixante-dix ans. Statistiques téléphoniques pour 1911. L'emploi des souris et des oiseaux pour déceler 
l’oxyde de carbone après les incendies et les explosions de mines. Les lieux de ponte de l’anguille 
vulgaire dans l’Atlantique. La culture du camphrier en Amérique. Les dimensions des canaux maritimes 
et des navires de l'avenir. La désignalion des canons de marine. Le gruyère, p. 589. 


Télégraphie sans fil : réception à domicile des signaux horaires (suite), D' Pienn& CoRRET, p. 593. — 
Un navire transporteur de sous-marins: le « Kanguroo », M. HIEGELBACHER, p. 595. — Ondemètre 
à lecture directe, BERTHIER, p. 596. — Nouvel explosif à l’oxygène liquide du D' Nodon, p. 598. 
— L'achèvement du réseau des chemins de fer du Jura: la ligne Morez-Saint-Claude, 
RevercuoN, p. 601. — Les oscillations de la péninsule balkanique, P. Couses, p. 605. — Le canal 
de Panama, L'-C' Jeaxxez, p. 606. — Expériences sismologiques sous l’empereur Justinien, 
DE MONTESSUS DE BALLORE, p. 608. — Piocheur pulvériseur automoteur Chouchak, ForrxiEr, p. 610. 
Sociétés savantes : Académie des sciences, p. 611. — Association française pour l'avancement des 
sciences (suite), HÉricHaunb, p. 612. — Bibliographie, p. 613. 








TOUR DU MONDE 


PHYSIQUE 


L’électricité des gouttes d’eau. — Quand un 
jet liquide se divise en gouttes dans l'air, on sait 
que ces gouttes se chargent positivement, l'air 
étant chargé négativement. Cet effet a été utilisé 
par lord Kelvin comme tin moyen de créer des 
charges électriques; on l'utilise pour les mesures 
de l'électricité de atmosphère. Cependant, la nature 
des causes qui produisent ces charges est encore 
inconnue. 

Le D" Von Bernalak, de l'Université d'Heidelberg, 
dans un article des Annalen der Physik d'octobre, 
émet cette opinion que cette production des charges 
électriques est intimement liée avec la formation 
de gouttes infiniment petites qui accompagnent les 
gouttes principales. Il constate que si le nombre 
de ces gouttes secondaires est accru en produisant 
rapidement de grosses gouttes primaires à l'issue 
d’un tube dont le bout inférieur est élargi, l'en- 
semble de la charge produite est considérablement 
augmenté. 


STATISTIQUE 


Le développement des chemins de fer du 
monde depuis soixante-dixans.—La Chronique 
des ingénieurs civils de septembre emprunte à 
un inléressant tableau, paru dans Archiv für 
Eisenbahnivesen, l’esquisse du développement des 
chemins de fer mondiaux depuis 1840 jusqu'à 1910. 
Voici les chiffres pour les dates principales. 


1840..... 7700 km 1880... 372 400 km 
1850.... 38600 — 1890.... 617 300 — 
1860.... 108000 — 1900,... 190100 — 
1870.... 209000 — 4910.... 1030000 — 


Le développement le plus considérable s'est pro- 
duit dans la période de 4880 à 1890, où l'accrois- 


T. LXVII. N° 1453. 


sement a été de 244 900 kilomètres; une grande 
partie provient des Etats-Unis, où l'augmentation 
a été de 417000 kilomètres. On peut mentionner 
aussi le développement des chemins de fer de 
l'Asie et de l'Afrique, qui a influé notablement sur 
l'accroissement de 239 900 kilomètres qui s’est pro- 
duit dans la période de 4900 à 1910. 

Les 1030000 kilomètres existant en 1910 se 
répartissent de la manitre suivante : 


AMORUIUÉ Si sreéeter ed 526 000 km 
Europe..................  AS3No0 — 
NS et res aues 101900 — 
AIT Reda 365850 — 
AUS LE. ls.ns sa ei stolið — 


Les 333850 kilomètres des chemins de fer de 
l'Europe se répartissent comme suit en ne comp- 
tant que les pays qui possèdent plus de 10000 ki- 
lométres de voies ferrées : 


AlGINAUne., sr osseuse 61 150 km 
FESSES See RUES 59 560 — 
PAS sas ne 49380 — 
Autriche-Hongrie......... $4370 — 
Grande-Bretagne ..,....... 37 850 — 
FR ue a ets 16160 — 
Espagne orso iaeaea 45 000 — 
EL | PP NT 43 980 — 


Les autres contrées européennes se partagent 
les 35 600 kilometres restants. 

On peut estimer approximativement à 284 mil- 
liards de francs le coùt d'établissement de l'en- 
semble des chemins de ferdu monde, dont 30 pour 
400 environ appartiennent aux gouvernements des 
pays respectifs. 

(Voir, sur la mème question, le Cosmos, t. LXI, 
n° 1282, p. 197 : Les chemins de fer du monde 
entier en 1907: ett. EXUL, n° 4354, p. 676 : Les 
chemins de fer européens depuis cinquante ans.) 


590 


Statistiques téléphoniques pour 1911. 


D’après des statistiques américaines résumées par 
l'Électricien du 16 novembre, le nombre des postes 
d'abonnés au téléphone, pour toute la Terre, au 


4°" janvier 1912, s'élevait à 142,5 millions d’unités;' 


et à la même date, le développement des conduc- 
teurs téléphoniques atteignait 47,5 millions de 
kilomètres, de quoi entourer la Terre, à l'équateur, 
de poteaux portant plus de mille fils. L'augmen- 
tation pour l’année, tant du nombre des postes 


que de la longueur des conducteurs, représente en 


moyenne 40 pour 100; pour l'Europe pourtant, 
l'augmentation n'est que de 8 pour 100. 
Du nombre mondial des postes d'abonnés, 26 


pour 100 reviennent à l’Europe, et 67 pour 1400 aux 


États-Unis d'Amérique, qui, on le voit, possèdent 
une énorme avance sur les autres pays au point 
de vue de l'utilisation du téléphone : là-bas, les 
posles d'abonnés sont répartis d'une manière 
presque équivalente à l’intérieur et à l'extérieur 
des grandes villes, tandis qu'en Europe, la majo- 
rilé des postes d'abonnés se trouve dans les 
villes de plus de 100 000 habitants, bien que leur 
population ne représente que 14 pour 100 de lą 
population totale. A noter qu'en Europe, dans ce 
qui était la Turquie d'Europe, trois grandes villes, 
Constantinople, Andrinople et Salonique, ne pos- 
sédaient encore, au 1‘ janvier 4914, pour ainsi 
dire, aucune installation téléphonique mise à la 
disposition du public. | 

Au 4° janvier, sur 100 habitants, on rencon- 
trail dans les grandes villes d'Europe et d'Amé- 
rique les nombres de postes d'abonnés ci-après : 


EUROPE AMÉRIQUE 

Stockholm 19,9 Los Angeles 24,0 
Copenhague 7,0 Chicago 41,0 
Chrisliania 6,9 Boston 9,2 
Berlin 5,3 Philadelphie 8,6 
Hambourg 4,7 New-York 8,3 
Londres 2,8 

Paris 2,7 

Vienne 2,3 


Saint-Pétersbourg 2,2 


Par comparaison aux recettes des télégraphes, 
les revenus des téléphones sont, en France, sur le 
pied d'égalité; ils sont moindres en Italie, en Russie 
et en Espagne; par contre, dans les autres pays 
comme la Suède, le Danemark, l'Allemagne, etc., 
où la téléphonie est très développée, les recettes 
brules données par l'exploitation téléphonique 
l'emportent énormément sur celles données par le 
télcgraphe. 


HYGIÈNE 


L'emploi des souris et des oiseaux pour 
déceler l’oxyde de carbone après les incen- 
dies et les explosions de mines (Revue géné- 
rale des Sciences, 15 novembre). — La pøésence 


COSMOS 


28 NOVEMBRE 1912 


de loxyde de carbone dans l'atmosphère des 
mines après une explosion ou un incendie a causé 
la mort d’un très grand nombre de mineurs. Ce 
gaz n'est pas seulement l’un des plus dangereux 
qui puissent se produire, mais encore l’un des 
plus difficiles à déceler. Il est moins sensible aux 
réactifs chimiques que le grisou. par exemple, et 
sa recherche demande le concours d’une personne 
un peu versée dans l'analyse des gaz. 

Chargé par le Bureau des mines des États-Unis 
d'étudier cette question, M. G.-A. Burrell s’est livré 
à de patientes recherches qui l’ont amené à con- 
sidérer l'emploi des pelits animaux comme supé- 
rieur aux réaclifs chimiques pour déceler la pré- 
sence de l’oxyde de carbone (1). Cette méthode n'est 
pas absolument nouvelle : Haldane avait déjà pré- 
conisé l'usage de la souris; mais M. Burreil paraît 
être le premier à avoir déterminé exactement 
l'effet de quantités connues d'oxyde de carbone sur 
ce petit animal, ainsi que sur un oiseau, le canari. 
Voici le résumé de ses observations : 


POURCENTAGE 
be CO EFFET PRODUIT 
Souris. 

0,16 Très léger malaise au bout d'une heure. 

0,20 Malaise en 8 minutes; collapsus partiel 
en 15 minutes. 

0,31 Malaise en #£# minutes; collapsus en 
7,5 minutes ; perte du pouvoir muscu- 
laire en 35 minutes. 

0,46 Malaise en 2 minutes; collapsus en 
& minutes. 

0,57 Malaise en une minute; collapsus en 


2 minutes; perte du pouvoir muscu- 
laire en 7 minutes; mort en 16 minutes. 


0,77 Malaise en une minute; perte du pou- 
voir musculaire en 6,5 minutes: mort 
en 12,5 minutes. 

Canari. 

0.09 Très léger malaise au bout d’une heure. 

0,12 L'animal se trouve plus faible au bout 
d'une heure que dans le cas précédent. 

0,15 Malaise en 3 minutes; tombe de son 
perchoir au bout de 8 minutes. 

0,20 Malaise en 1,5 minute; tombe de son 
perchoir au bout de 5 minutes. 

0,29 Tombe de son perchoir en 2,5 minutes. 


On voit que les canaris sont bien supérieurs aux 
souris pour indiquer la présence de gaz nocifs 
dans l'atmosphère des mines, puisqu'ils donnent 
plus rapidement des signes de malaise en présence 
de petites quantités de CO; d'autre part, leurs 
symptômes d'intoxication sont bien mieux définis. 

M. Burrell a employé les canaris pour explorer 
l'air de diverses mines après explosion. Les ani- 
maux élaient placés dans des cages portées par 


(i) Le D' Menard a jadis préconisé dans le Cosmos 
cet emploi des petits oiseaux pour le méme objet. 


No 1453 


des hommes pourvus d'appareils respiratoires. Les 
observations, contrôlées par des analyses d'air, 
ont été tout à fait démonstratives, et l’auteur 
recommande fortement la généralisation de ce 
moyen très simple d’investigation. 


ICHTYOLOGIE 


Les lieux de ponte de l’anguille vulgaire, 
dans l’Atlantique. — En 1856, le professeur 
Kaup décrivait, parmi les poissons apodes réunis 
dans les collections du British Museum, un petit 
poisson comprimé, transparent comme du cristal, 
de 8 centimètres de long, provenant du détroit de 
Messine, qui fut dénommé ZLeptocephalus brevi- 
rostris. ll fallut attendre quarante ans pour que, 
en 1895, deux savants italiens, Grassi et Calan- 
druccio, découvrissent que ce leptocéphale n’est pas 
une espèce indépendante, mais la forme larvaire 
de l’anguille commune (Anguilla vulgaris Tur- 
ton). Ces deux auteurs pensaient, en outre, que 
ces larves vivaient à grande profondeur, et que 
seuls les tourbillons du détroit de Messine étaient 
capables de les ramener à la surface. 

Pendant dix ans, le problème de la biologie de 
l’anguille resta au même point. Or, en 41904, 
M. J. Schmidt, à bord du navire de recherches 
océanographiques, le Thor, captura, à la surface 
de l'Atlantique, mais au-dessus d'une grande pro- 
fondeur, à l’ouest des iles Féroé, un spécimen un 
peu plus jeune (7,5 cm) de Leptocephalus brevi- 
rostris, et ce fait donna une impulsion nouvelle 
aux recherches de la Commission danoise pour les 
explorations de la mer, dont M. Schmidt est 
membre : pour celte Commission, la question offre 
ua intérêt particulier, le Danemark étant le pays 
où la pêche des anguilles joue le plus grand ròle 
(J. Scaminr, Bull. Soc. centr. Aquiculture et 
Pêche, sept.-oct.). 

Après la campagne de 1905 sur le Thor, qui ren- 
contra des centaines de larves jeunes (de 8,8 cm à 
6,0 cm) entre l'Islande et la Bretagne, M. Schmidt 
pouvait conclure déjà que toutes les anguilles 
vivant dans les bassins de la mer du Nord ou de 
la Baltique, ainsi quen Norvège, sont originaires 
de l'Atlantique. | 

Les explorations de 1908 et 1910, cette fois en 
Méditerranée, montrèrent que l'anguille ne se 
reproduit nullement dans la Méditerranée; les 
larves sont amenées de l’Atlantique, par le détroit 
de Gibraltar, où toute l'année les couches d'eau 
supérieures, où vivent ces larves, se meuvent vers 
l'Est à une vitesse de 12 à 18 milles par jour. 


Réuaïissant tous les renseignements fournis par. 


d'assez nombreuses captures de larves jeunes en 
plein Atlantique, M. Schmidt ne doute pas que les 
champs de ponte de l’anguille ne se trouvent bien 
loin dans l'Océan et que, pendant leur évolution, 


COSMOS 


591 


les larves ne parcourent des milliers de kilomètres, 
entrainées par le courant du Gulf-Stream et ses 
rameaux. Comme on n'a pas encore trouvé de 
larves mesurant moins de 3,5 cm, et qu'on ne 
connait pas suffisamment la direction des courants 
de l’Atlantique central ni leur vitesse, on ne peut 
préciser les lieux où sont nées ces larves, mais il 
est probable que la mer des Sargasses est un 
champ principal de ponte de notre anguille. 

On ne peut plus assurer, avec Grassi en 1896, 
que celte ponte se fait dans les grandes profon- 
deurs et près du fond, depuis que J. Schmidt a 
établi en 1908 que les œufs et les larves d’un grand 
nombre de murénidés habitent normalement la 
surface. On serait plutôt porté à croire que l’an- 
guille se reproduit dans des couches intermédiaires, 
sans contact avec le fond; toutefois, on ne peut 
l'affirmer. Les plus petites larves que lon con- 
naisse ont été prises près de la surface, au-dessus 
des profondeurs de l'Atlantique central. 


SYLVICULTURE 


La culture du camphrier en Amérique 
(Revue scientifique, 9 novembre). — Depuis une 
quarantaine d'années, on cultivait le camphrier 
dans la Floride, mais seulement comme arbre 
d'ornement ou pour former des haies brise-vent, 
comme les cyprès de Provence. Cependant, cette 
culture est devenue assez importante pour qu'un 
certain pépiniériste vende jusqu à 15 000 pieds par 
an à des clients disséminés dans une trentaine 
d'Etats de l'Union. 

En 1905, le département de l'Agriculture résolut 
de lancer la culture du camphrier aux fins indus- 
trielles; à ce moment-là, tout le camphre employé 
aux Etats-Unis provenait du Japon, et il s'agissait 
d'essayer d'échapper à cette sujétion. Il distribua 
des plants dans tous les Etats du Sud. 

Actuellement, la tentative a réussi à souhait, 
l'Union n'importe presque plus de camphre et 
même elle pourra bientôt en exporter. Le cam- 
phrier prospère dans des terrains pauvres, sablon- 
neux, où nulle autre culture ne peut se développer. 
Une plantation de sept ou huit hectares suffit pour 
rémunérer Ja construction d'une distillerie. La 
production du camphre varie de 3,0 à 4,5 tonnes 
par hectare, et le prix de vente en gros oscille 
entre 8 et 12 francs par kilogramme. 

Le camphrier est exploitable dès la cinquième 
année, alors qu’il atteint environ 2.50 m. Alors 
qu'en Asie on retire le camphre du bois de l'arbre 
même, en Amérique on n'utilise que les feuilles et 
les menus branchages, d'où énorme accroissement 
de la productivité d'une plantation. | 

La distillation s'opère à souhait par le procédé 
le plussimple. On remplit de feuilles et de ramilles 
une cuve que l'on fait traverser par la vapeur. 


592 


Celle-ci, vite chargée de camphre à l'état volatil, 
passe dans un condenseur, où la matière se dépose 
sur les parois en masse semi-solide tandis que 
l'huile surnage. A. CR. 


MARINE 


Les dimensions des canaux maritimes et 
des navires de l'avenir. — L'augmentation 
rapide des dimensions des navires de commerce 
dans ces dernières années, et l'incertitude qui en 
résulte dans les prévisions des projets de construc- 
tion et d’agrandissement des ports et des canaux 
maritimes donne un intérêt particulier à la ques- 
tion des dimensions probables des navires de 
l'avenir, qui a été traitée au Congrès international 
de navigation, en mai, à Philadelphie. 

M. S. E. L. Corthell, rapporteur pour les États- 
Unis, a noté que ses prédictions de 1898 ont 
été justifiées. A l’heure actuelle, le chiffre de 
30 000 tonnes a été dépassé par les déplacements 
de quelques transatlantiques géants. M. Foster 
King, ingénieur en chef de la British Corporation, 
prévoit que les dimensions ci-dessous, exprimées 
en mètres, seront atteintes en 1970 : 

LONGUEUR LARGEUR 


Paquebots transatlantiques.... 550 67 
Paquebots des lignes africaines 

et asiatiques........:....... 274 34 
Gros cargos................. si 483 27 


tandis que M. Corthell indique, pour 1948 il est 
vrai, des dimensions un peu moins colossales, soit 
333 m X 33 m pour les plus gros navires, avec un 
tirant d’eau de 12,2 m. 

Le « tirant d'air ». est une donnée également 
intéressante en vue des travaux d'art, la télégra- 
phie sans fil nécessite des antennes d’une hauteur 
considérable : un navire de 9,4 m de tirant d'eau 
présente un tirant d'air de 62,8 m; 

Le rapporteur général, M. C. E. Grunsky, avait 
présenté au Congrès les conclusions suivantes : 

1° Il est désirable que le tirant d’eau des navires 
au long cours soit limité ; 

2° Les gouvernements n’accorderont aucune sub- 
vention aux navires d’un tirant d'eau supérieur 
à 9,8 m; 

3° Les dimensions maxima à admettre pour les 
navires construits ou exploités avec l’aide des gou- 
vernements seraient: 

Longueur totale hors tout......,... 275 m 
Lairet s éusdaeratoueiresssntsese 32 m 
Tirant d'eau.............s..os.sve. 


Longueur utile.,.................. 305 m 
ÉAFOCRES LAS 33,6 m 
Hauteur d'eau sur buses.........., 10,7 m 


satisferait les exigences raisonnables du trafic; 
5 La section mouillée d'un canal maritime 


COSMOS 


28 NOVEMBRE 1914 


devrait être égale à cinq fois la section immergée 
du maitre-couple du plus grand navire transilant, 
et la profondeur devrait laisser 4 mètre d’eau sous 
la quille de ce navire; ces dimensions sont cepen- 
dant fonction de la vitesse et de l'importance du 
trafic et seraient déterminées par les conditions 
locales. 

Les quatre premières conclusions, qui tendent à 
la limitation des dimensions des navires, ont été 
rejetées après discussion. 


La désignation des canons de marine. — 
On sait que les canons sont désignés d'après leur 
calibre. Néanmoins, il s'établit encore des confu- 
sions fréquentes; par exemple, pour les grosses 
pièces qui arment nos cuirassés, on entend dire, 
suivant les auteurs, canons de 305 ou canons de 
30 centimètres. 

Nous trouvons dans notre confrère la Ligue 
maritime la règle qui doit présider aux dénomina- 
tion des bouches à feu. Les canons sont désignés 
par leur calibre; le calibre est le diamètre de 
Pame. Ce diamètre se mesure en centimètres pour 
les pièces dont le calibre est supérieur à 10 centi- 
mètres, et en millimètres pour celles qui sont 
en dessous de 100 millimètres. 

On doit donc dire: un canon de 30 centimètres, 
de 24 centimètres, pour les pièces de gros ealibre, 
et canon de 65 millimètres, de 47 millimètres, pour 
la petite artillerie. 

Ajoutons ce petit renseignement ; un canon de 
30 centimètres pèse à peu près 50 tonnes 
(50 000 kg). Or, le prix des canons étant d'environ 
7 francs par kilogramme, on voit qu'une seule de 
ces bouches à feu revient approximativement à 
350 000 francs! 


VARIA 


Le gruyère. — Jadis, nos ménagères, quand elles 
achetaient du fromage de gruyère se contentaient, 
après un examen sommaire, de constater l’état des 
yeux, plus ou moins humides; elles distinguaient le 
grand pleureur et le petit pleureur; cela suffisait 
à justifier leur choix, et nous, les consommateurs, 
nous nous en trouvions bien. Mais les temps ont 
marché depuis ; on fait du gruyère un peu partout, 
mème à Paris, avec le lait laissé pour compte chaque 
jour dans les crémeries, et on livre au commerce 
les produits les plus divers: la distinetion de nos 
ménagères de jadis paraitrait enfantine. 

Néanmoins, les yeux ou trous caractérisentencore 
les fromages de gruyère et disent s'ils sont sains 
ou non. Nous lisons dans la Revue scientifique 
(9 novembre) que M. Grandvoinuet a entrepris de 
comparer au moyen de la photographie les mala- 
dies des fromages manqués. 

Les fromages gonflés sonnent creux, ont des 
yeux énormes et des criques intérieures. Cette 
maladie est causée par des fermentations trop 


N° 1453 


rapides. On y remédie en atténuant la présure et 
salant fortement pour éviter les fermentations 
secondaires. 

Les fromages lainés présentent sur la tranche 
des fissures aplaties au lieu d'avoir des yeux ronds. 
La maladie provient de causesinversesde la gonflure. 

Les fromages mille-trous proviennent de lait 
acide. La påte présente un goùt désagréable. 

Les fromages multipliés ou chargés ont les yeux 
mal répartis par suite du manque d'homogénéité 
du caillé. 

Les fromages bréchés ou faux-grain ont des 


COSMOS 


593 


yeux irréguliers comme forme et comme dimen- 
sions. Les temps orageux contribuent parfois à cet 
état. Il faut augmenter la pression et changer sou- 
vent les toiles. | 

Les fromages cuiteux ont des poches volumi- 
neuses, véritables « géodes » garnies parfois de 
moisissures; on doit affiner le grain du caillé. 

La sonde des fromagers doit rencontrer quatre 
yeux dans les pièces bien réussies. 

Voilà des renseignements intéressants pour les 
acheteurs, et cependant combien en est-il qui les 
uliliseront ? 





TÉLÉGRAPHIE SANS FIL © 


Réception à domicile 


des signaux horaires 


et des radiotélégrammes météorologiques de la tour Eiffel. 


Montage en Oudin. 


Le montage en Oudin, que représente la figure 34 
et qu’on réalise au moyen d'une bobine d'accord 
à deux curseurs indépendants, est intermédiaire à 
la dérivation et à l'induction. 

On peut, en effet, le considérer soit comme un 
montage en dérivation sur la self dans lequel le 





F1G. 31. — MONTAGE EN OUDIN. 


circuit récepteur, débarrassé de son amortisse- 
ment, est réglable au moyen d'un second curseur, 
indépendamment du circuit antenne-terre (cf. 
fig. 43 et 20), soit comme un montage par induc- 
tion dans lequel les bobinages primaire AC et se- 
condaire BC, en partie confondus sur une même 
bobine, ont une partie commune AC qui détermine 
leur accouplement (cf. fig. 18). 

Les résultats obtenus au moyen de ce montage 
sont également intermédiaires à ceux que pro- 
curent la dérivation et l'induction. La sélection 


(1) Suite, voir p. 568. 


est meilleure que dans la dérivation simple, en 
raison de l'accord possible du circuit récepteur. 
Elle est moins bonne que dans l'induction parce 
que l’accouplement des deux circuits reste toujours 
serré, le secondaire comprenant toujours la tota- 
lité du primaire. 

Il est cependant possible de relâcher cet accou- 
plement par deux procédés, que l’on peut employer 
ensemble ou séparément. 

Le premier consiste à faire usage d'une self 





F1G. 32., — EMPLOI DE TROIS CURSEURS, 


d'antenne au primaire et de condensateurs ré- 
glables au secondaire, comme dans le montage 
par induction. On peut ainsi diminuer à volonté le 
nombre des spires primaires et secondaires con- 
fondues sur la bobine et utiliser pour le montage 
en Oudin tous les dispositifs indiqués à propos de 
l'induction. 

-Le second procédé consiste à employer une bo- 
bine à trois curseurs indépendants (fig. 32). Le 
réglage du primaire est déterminé par le nombre 
de spires comprises entre A et C; celui du secon- 
daire par le nombre de spires entre B et D. 

Une fois ce dernier réglage effectué, on peut dé- 


594 


placer « en bloc » les deux curseurs B et D vers 
l’une ou l’autre extrémité de la bobine, en main- 
tenant constant leur écartement. L'accord obtenu 
persiste, mais le nombre des spires communes aux 
deux circuits diminue si l’on éloigne les deux cur- 
seurs B et D de l'extrémité C, ou augmente au 
contraire si on les en rapproche. 

On pourrait employer de même une bobine à 
quatre curseurs (fig. 33) permettant de réaliser des 
combinaisons encore plus variées entre le bobinage 
primaire AC et le secondaire BD, mais les avan- 
tages de ce dispositif sur le précédent ne paraissent 
pas justifier la complication apportée par l'emploi 
d’un quatrième curseur. 


Principaux postes qu’on peut entendre. 


Dès qu’on disposera d’une antenne un peu déve- 
loppée, on pourra chercher à entendre le poste 
allemand de Norddeich, situé à l’embouchure. de 
lFElbe. On le reconnaitra à sa note musicale aiguë 


A 


us 


WA: l AHAS EE 
à |: ™ + HAUT 
brun 
DA 1 B 


F16. 33. — EMPLOI DE QUATRE CURSEURS. 


et comme un peu enrouée, aux signaux horaires 
qu'il émet à midi et à minuit, à l'indicatif KND 
dont il signe ses télégrammes et à son réglage 
particulier. [l envoie les nouvelles aux paquebots 
(Zeitungsdienst) le matin à 9h30" et le soir à 
40°30®. Ses signaux horaires sont ainsi donnés : 
vers 1155", série de v, à 11"57"475, signal appel 
suivi des lettres KND (indicatif de Norddeich), 
puis de MGZ (initiales allemandes des mots : temps 
moyen de Greenwich); à 11"58"383, nouveau signal 
appel, à 1158746" et à chacune des quatre secondes 
suivantes, un trait; de même à 11"58"56° et à 
44596; ensuite pose de 26 secondes, puis trois 
nouvelles séries de cinq traits, de seconde en se- 
conte, commencant respectivement à 11"59"365, 
à 14159465 et à 11"59756%. Le dernier trait est 
donné à midi ou minuit juste. Six secondes après 
est enfin envoyé le signal fin de transmission. Un 
télégramme météorologique, manipulé très len- 
tement, suit les signaux horaires de midi; sa 
transmission dure une dizaine de minutes. La self 


COSMOS 


28 NOVEMBRE 1912 


nécessaire pour obtenir l’accord de Norddeich est 
égale aux 3/4 environ de celle que demande la 
tour Eiffel (3/4 FL). 

À 40 heures du matin et à 10 heures du soir, on 
entendra le poste de Cleethorpes, situé au nord- 
est de Lincoln en Angleterre, envoyer le bulletin 
météorologique général de Grande-Bretagne (Wea- 
ther report) avec prévisions (forecast). Durée de 
la transmission : 43 à 20 minutes. Émission mu- 
sicale à note un peu bitonale et changeante, moins 
aiguë que celle de Norddeich. Self d'accord : 
double de celle de la tour Eiffel (2 FL). 

Ce même poste envoie également jour et nuit, 
aux heures et aux demies, un court télégramme 
qui, à 1430" du soir, par exemple, est ainsi conçu : 

Compris CQ CQ vsa (ou vsz) . Jofubo .?. Jofubo . 
23 30 compris . z. 


Cette transmission est souvent en retard ou en 
avance de quelques minutes. Les lettres CQ CQ 
constituent le « signal de recherche », analogue 
au « tous » de la tour Eiffel, employé par une sta- 
tion qui désire entrer en communication avec des 
navires sans cependant connaître les noms de 
ceux qui se trouvent dans son rayon d’action. Les 
points sont des points abrégés (à deux groupes de 
deux points, au lieu de trois groupes). 

Pour les premiers essais, on écoutera de préfé- 
rence les nouvelles et signaux horaires de Nord- 
deich ou le bulletin météorologique de Cleethorpes 
envoyés le soir. La portée des ondes hertziennes 
de moyenne longueur étant beaucoup plus consi- 
dérable la nuit que le jour, la réception est beau- 
coup plus facile le soir que le matin. 

À 11°30® du soir, la station de Poldhu, au cap 
Lizard, en Angleterre, envoie les nouvelles pour la 
rédaction du Journal de l'Atlantique imprimé 
tous les jours à bord des paquebots ayant traité avec 
la Compagnie Marconi. Cette transmission dure 
environ deux heures avec plusieurs arrêts de courte 
durée. Elle est plus facile à entendre que celles de 
Norddeich et de Cleethorpes. Emission musicale à 
note grave ronflée; manipulation mécanique très 
régière. Self d'accord : 1 2/3 à 1 3/4 FL. 

Entre 90" et 100" du soir, en entendra 
souvent Madrid (MAD) et Barcelone (BM) corres- 
pondre avec Ceuta et le cuirassé Giralda. Emis- 
sion musicale à note un peu moins aiguë que celle 
de Norddeich: manipulation en général mauvaise 
et difficile à suivre. Self d'accord un peu moindre 
que celle de Norddeich. 

Clifden (Irlande) échange presque constamment 
de longs télégrammes avec Glace-Bay (Canada). 
Émission musicale à note analogue à celle de 
Poldhu, mais moins grave et non ronflée. Sa très 
grande longueur d'onde (6 FL environ) le rend 
difficile à entendre malgré sa puissance lorsqu'on 
ne dispose pas d’une grande antenne. Il en est de 
mème de Coltano, en Italie. 


N° 1453 


Outre ces grands postes, on pourra entendre 
ceux du service de la marine et ceux de l'Est 
répondre à la tour Eiffel ou correspondre entre eux. 

Ils sont presque tous à émission non musicale. 
L'accord de Dunkerque, de Cherbourg, de Brest, 
de Lorient, de Rochefort et d’Ajaccio est obtenu 
avec une self égale à environ 1/4 FL; il y a d’un 
poste à l’autre de légères différences en plus ou en 
moins. Celui des escadres et de Toulon (instruction) 
avec moitié moins de spires (crépitement souvent 
très lent). Toulon (Mourillon), Bizerte et Oran 
sont de longueurs d'onde plus grandes : Toulon 
(son grinçant) demande à peu près 1/2 FL, Bizerte 
un peu plus; Oran (note demi-musicale un peu 
bitonale) se rapproche davantage du réglage de 
Norddeich : il est à peu près à égale distance entre 
1/2 FL et 3/4 FL. 

Verdun est entre Dunkerque et Toulon, Belfort 
a à peu près le réglage de Toulon, Toul celui 
d'Oran, Epinal celui de Norddeich. 

Dans la région parisienne on entendra, au mo- 
ment de l'instruction des sapeurs télégraphistes, 
les exercices des forts formant le « petit réseau » : 
Mont Valérien (MV), Palaiseau (PL), Villeneuve- 
Saint-Georges (VG), etc. 

Le matin, de 9"0m à 10"45", et le soir, de 50m 
à 70", on pourra suivre les essais autorisés 
des constructeurs parisiens d'appareils de T.S. F., 
notamment ceux de la Compagnie Générale Radio- 
télégraphique entre son poste de la rue des Plantes 


COSMOS 595 


(CGR) et un poste installé par elle en Angleterre, 
où entre la rue des Usines (RDU) et Harfleur (HFR). 
Le mot lux est souvent répété un très grand 
nombre de fois. Des airs musicaux sont assez fré- 
quemment transmis, soit au moyen d’un poste à 
émission musicale variable, soit dans des essais de 
téléphonie sans fil. Ces derniers sont presque tou- 
jours reconnaissables aux crachements caractéris- 
tiques des arcs servant à la production des ondes 
entretenues. La transmission des airs musicaux 
est, en général, assez satisfaisante. La Paimpolaise, 
lé Biniou, l'hymne national anglais et Au clair 
de la lune sont les principaux morceaux du réper- 
toire. La transmission de la parole, au contraire, 
laisse presque toujours beaucoup à désirer. Au 
milieu du bruit des arcs, on devine, plutôt qu'on 
ne comprend, des mots ou des lambeaux de 
phrases : Allo, allo, allo, allo,..... çà va? ça va 
bien? on vous cause, entendez-vous ?..….. Elle est 
cependant parfois très nette et tout à fait exempte 
des bruits parasites qui la couvrent le plus souvent. 

Nous n'avons indiqué ici que les postes princi- 
paux. On pourra en entendre un très grand nombre 
d’autres dont on trouvera la liste avec indicatifs 
d'appel, longueur d'onde, portée normale, et tous 
autres renseignements dans la Nomenclature of fi- 
cielle des stations radiotélégraphiques publiée à 
Berne parc lẹ Bureau international de l'Union 
télégraphique. 

D' PIERRE CORRET. 





On navire transporteur de sous-marins. 


LE « 


-= Nous avions annoncé, il y a un an, dans notre 
numéro 1373 du 20 mai 1911, que la Société 





— 






Heee E 


KANGUROO » 


Schneider faisait construire un navire spécial des- 
tiné au transport des sous-marins commandés 





k e CA 
us - MO ' f 
TLA 

< » 


+ ve. 


AMÉNAGEMENTS INTÉRIEURS DU TRANSPORTEUR DE SOUS-MARINS « KANGUROO ». 


à cette Société par les gouvernements d'outre-mer. 


Le navire vient d'achever sa première traversée 


de Toulon à Callao (Pérou). 


Hâtons-nous de dire que l'expérience est con- 


cluante. Examinons comment a été réalisé le 
projet dont nous avions parlé. 

Le Kanguroo est divisé en trois parties princi- 
pales : 


ie 


. où. 


596 COSMOS 


1° La partie arrière contenant la machinerie, les 
pompes, les logements pour quatre officiers, trois 
mécaniciens, treize marins et chauffeurs, deux 
mousses, composant l'équipage du navire; elle 
contient, en outre, les cabines et dortoirs du per- 
sonnel du sous-marin transporté, personnel qui 
s'élève à six officiers et seize hommes; elle ren- 
ferme enfin une soute spéciale pour le transport 
des torpilles. 

2° La partie centrale, constituée par une cale 
dans laquelle est placé le sous-marin. Cette cale 
mesure 58 mètres de long et elle a un volume de 
3 300 mètres cubes; elle est fermée à sa partie supé- 
rieure par des panneaux qui s’enlèvent à volonté au 
moyen d’un pont roulant circulant sur le pont du 
navire; ses côtés et sa partie inférieure sont à 
double paroi; l'espace compris dans cette double 
paroi forme caissons d'air sur les côtés et caissons 


28 NOVEMBRE 1912 


à eau ou « water-ballast » dans la partieinférieure. 
La cale communique avec la mer d'une part, par 
la partie avant du navire, d'autre part, par des 
vannes de fond. 

3° La partie avant est constituée par une sorte 
de caisson limité en arrière par une porte d’acier 
étanche la séparant de la cale; sur les côtés et au 
fond par une double paroi formant trois water- 
ballasts; en haut par un pont métallique fixe. 

L'introduction du sous-marin se fait de la facon 
suivante : le Xanguroo est d’abord dans sa position 
normale; on modifie cette position en faisant relever 
l'avant du navire légèrement au-dessus de l’eau, et 
ceci grâce aux water-ballasts de l'avant qu'on 
a vidés d’une partie de leur eau; on obtient ainsi 
une seconde position. Alors on enlève la partie de 
lavant du navire dont on ouvre la porte de com- 
munication avec la cale; on ouvre les vannes du 





LE TRANSPORTEUR DE SOUS-MARINS « KANGUROO ». 


fond de la cale, puis, au moyen des water-ballasts 
de la paroi de la cale qu'on remplit d'eau, on donne 
au navire une position n° 3 dans laquelle l’avant 
plonge dans l'eau, mettant ainsi en communication 
la cale et la mer par l'intermédiaire de la partie 
avant du navire. On fait alors pénétrer le sous- 
marin dans le Aanguroo; une fois cette opération 
délicate terminée, on fait émerger l'avant du 
navire toujours par le jeu du water-ballast; on 
ferme la porte d'acier, on replace la partie avant 
et on ferme les vannes de communication de la 
cale et de la mer; on enlève l'eau de la cale au 
moyen des pompes que porte le Aanguroo; on a 
eu soin, au préalable, de placer sur le fond de la 
cale des tins qui soutiendront le sous-marin pendant 
la traversée. 

A l’arrivée, on effectuera les opérations inverses 
sans aucun secours extérieur, comme au départ. 

Il faut noter que l'opération d'enlèvement et de 


remise en place de la partie avant du navire est 
relativement longue, car elle comporte dérivetage 
et déboulonnage de membrures d'abord, rivetage 
et reboulonnage ensuite. 

Le Aanguroo, construit à Bordeaux par la Société 
des chantiers et ateliers de la Gironde, d’après les 
plans de la maison Schneider et Ci, s'est rendu 
d’abord de Bordeaux à Toulon sans incident. 

Dans son premier voyage de Toulon à Callao, il 
a transporté un sous-marin de 46,25 m de long, 
appelé Ferré, et dont le tonnage en immersion 
complète est de 435 tonneaux. 

Le Aanguroo a une longueur de 93 mètres, une 
largeur de 12 mètres. Il est entièrement en acier; 
son moteur est une machine alternative à triple 
expansion d’une puissance de 850 chevaux, lui per- 
mettant une vitesse de 10 nœuds environ. 1l peut 
porter un poids utile de 3 830 tonneaux. 

MARCEL HEGELBACHER. 


N° 1453 


COSMOS 


597 


Ondemètre à lecture directe. 


En général on mesure indirectement la longueur 
des ondes électriques en mettant en résonance avec 
le circuit étudié un autre circuit dont les formes 
géométriques rendent facile le calcul de la self et 
de la capacité et, par suite, de la longueur d’onde. 
Les ondemètres de Donitz, Drude, Slaby, Fleming, 





F1G. 1. —— ONDEMÈTRE HUTH, PROFIL. 


reposent, sur ce principe. L'appareil Huth, de Berlin, 
utilise également la résonance, mais il se différencie 
des précédents en ce qu'il ne nécessite pas la 
recherche du point de résonance : la détermination 
de la longueur d'onde, et respectivement de la fré- 
quence d’un circuit oscillant s’obtiennent par une 






. 
PETEERE 


| 





F1G. 2. — ONDEMÈTRE HUTH, FACE, 


simple lecture, comme dans les appareils ordinaires 
de mesure : voltmètres, ampèremètres..….. 


Les figures 1 et 2 donnent un schéma du dispo- 
sitif imaginé par M. Hutb. C représente un conden- 


z ” K o ae 4 
WEARER SR pr 
s Pad 


n G € 
he. s ` : Ft à LE 
20 NUE 
ETE n oa > CA T 





F1G. 3. — ONDEMÈTRE DE LABORATOIRE. 


salteur constamment réglable, L une self-induction 
également réglable, A un tube de verre (rempli de 





FIG. 4. — ONDEMÈTRE POUR TABLEAU. 


néon ou d’hélium comme dans le kummètre de 
Fleming), qui est monté en parallèle avec la self 


598 


ou la capacité et indique la résonance en s'illumi- 
nant. Pour que l’on ne soit pas obligé de procéder 
par tâtonnements et que l'appareil donne des indi- 
cations immédiates, l’une des grandeurs variables 
— dans le cas considéré, on a choisi la capacité — 
est soumise à des fluctuations rapides grâce à un 
mouvement d’horlogerie ou à un petit moteur élec- 
trique M, de manière à lui faire parcourir toute 
l'échelle de ses variations. }] en résulte qu'à chaque 
rotation le point de résonance est atleint, tandis 
que le tube témoin s'illumine. Ce phénomène se 
produisant toujours au même endroit, le point de 
résonance se trouve marqué par un mince trait 
lumineux. Le tube témoin tournant sur une échelle 
graduée en longueur d'ondes B (fig. 2), on peut lire 
directement la longueur d'onde et respectivement 
la fréquence du circuit à étudier. 


COSMOS 


28 NOVEMBRE 1919 


Cette méthode présente l’avanlage de permettre 
non seulement la lecture immédiate de la longueur 
d'onde, mais encore de donner des résultats irès 
précis, les résultais oblenus étant toujours les 
mêmes, ce qui n'est pas le cas avec les autres pro- 
cédés qui dépendent de l’habileté de l'opérateur. 
De plus, les lectures sont extrèmement rapides. 

L'appareil Huth est représenté par les figures 3 
et 4. Dans le premier modèle (fig. 3), destiné au 
laboratoire, l’ondemètre et le moteur sont disposés 
sur une fourche montée sur un pied ; dans le second 
(fig. 4), l'axe de l’ondemètre est horizontal; les 
lectures se font sur une échelle verticale. (On voit 
le mince trait lumineux indiquant 2600 m.) Le 
premier appareil est transportable, le second est 
destiné à demeurer fixé à une paroi ou à un tableau 
de distribulion. A. B. 





Nouvel explosif à l'oxygène liquide du D" Nodon. * 


On connait déjà les propriétés explosives que 
possèdent Jes mélanges d'oxygène liquide avec de 
l'alcool, du pétrole, du coton, de la cellulose, du 
papier, du charbon en poudre. Mais ces divers 
explosifs n'ont été encore essayés que dans les 
laboratoires, et, tels qu'ils se présentent, ils ne 
sont susceptibles d'aucune application pratique 
dans l'artillerie et dans l'industrie minière. 

Ils sont effectivement très instables, et ils dé- 
tonnent souvent spontanément au moment même 
où l’on effectue le mélange; ils possèdent, en 
outre, des propriétés extrêmement brisantes dues 
à une combinaison instantanée de toute la masse; 
ces propriétés sont opposées à l'emploi de tels 
explosifs dans les armes à feu, où l’on exige, au 
contraire, des qualités balistiques progressives et 
accélératrices. En dernier lieu, l'oxygène liquide 
s’évapore très rapidement dans le mélange, et la 
composition de celui-ci se modifie entièrement au 
bout de quelques instants. 

L'invention du D° Nodon consiste précisément à 
réaliser des explosifs composés d'oxygène liquide 
et de produits carburés qui possèdent toutes les 
qualités exigées par les poudres de guerre, en 
évitant toutefois les graves inconvénients de la 
plupart de ces dernières. 

Il convient d’abord que l’explosif soit suscep- 
tible de provoquer des effets progressifs el accélé- 
rateurs, ayant pour résultat de vaincre graduel- 
lement l'inertie du projectile, et de communiquer 
à celui-ci une vilesse sans cesse croissante jusqu’à 
la sortie du canon. 

On obtient ce résultat en utilisant des poudres 


(1) Ce nouvel explosif a fait l’objet d'un récent 
brevet d'invention, 


constituées par des grains distincts, de dimensions 
sensiblement égales, dont l’inflammation com- 
mence d'abord par la surface extérieure avec une 
certaine lenteur, puis qui se communique graduel- 
lement à toute la masse des grains d’explosif. 

C'est, du reste, la méthode généralement adoptée 
dans les poudres modernes sans fumée à base de 
nitroglycérine et de pyroxyle. 

Dans le cas de l’explosif nouveau désigné par 
l'inventeur sous le nom d'’explosif intégral, on 
atteint un but analogue, en fabriquant de petites 
masses comprimées, destinées à représenter les 
grains de poudre, sous forme de cubes, de paral- 
lélépipèdes, de cylindres ou de sphères. Ces grains 
sont obtenus à l'aide de diverses substances 
inertes ou combustibles. Nous signalerons d’abord 
l'emploi de la silice fossile, telle qu’elle sert à 
fabriquer la dynamite, la ponce pulvérisée, etc.; 
on imprègne ces substances poreuses d’un carbure 
liquide tel que de l’alcool ou de la glycérine, qu'on 
additionne d’une quantité variable d’eau de com- 
binaison dans le but de régler la vitesse explosive. 
On peut également employer de la benzine, du 
pétrole, etc. On agglomère la poussière à l’aide 
d’une substance agglutinante appropriée, telle, par 
exemple, que la paraffine, le goudron sec, etc., et 
lon conduit l’agglomération de telle sorte que la 
surface de chaque grain soit sensiblement moins 
poreuse que l'intérieur. 

Ces grains de combustible aggloméré sont en- 
tassés dans des gargousses spéciales. 

Ces gargousses sont constituées par un petit 
réservoir cylindrique en laiton argenté bien 
poli sur les deux faces; ce réservoir est par- 
faitement clos après l'introduction des grains 
agglomérés, sauf une petite ouverture par laquelle 


No 1453 


on introduira loxygène liquide. Ce cylindre est 
pourvu d’une amorce au fulminate; il est entouré 
d'une subslance calorifuge, telle que la laine de 
verre, le feutre, etc., dont le but est d'éviter tout 
mouvement convectif de lair extérieur, lorsque 
l'enveloppe métallique est amenée à la très basse 
température de l'oxygène liquide. 

Le calorifuge est entouré d’une seconde enve- 
loppe métallique également en laiton argenté par- 
faitement poli sur les deux faces. Le but que l’on 
se propose d’atteindre en utilisant des surfaces en 
métal argenté bien poli est d'éviter les pertes de 
frigories par rayonnement. En fait, des réservoirs 
combinés comme nous venons de le dire per- 
meltent de conserver de l'oxygène liquide pendant 
une heure sans perte importante. Pendant l’espace 
de quelques minutes que dure l'opération du rem- 
plissage de la cartouche, de sa mise en place et de 
sa mise à feu, la perte d'oxygène liquide par 
évaporation est très faible et négligeable en pra- 
tique. C’est là un point très important. 

La quantité d'oxygène que l'on verse dans la 


SO 





AAA" J'AI RREINE. 
COR Te CPR RO EE 
T T E T T T A RO 
















DENT ET 


E LL kii ahaaa 


AA 


COSMOS 








anne LIL 
mer con cm 
1 N 


he DD Le 


599 


cartouche est du reste calculée pour qu'elle corres- 
ponde à une combinaison intégrale avec le com- 
buslible, en tenant compte de la perle du liquide 
par évaporation pendant la durée des manœuvres. 

La méthode qui consiste à verser directement 
l'oxygène liquide au sein même de la matière 
combustible peut être utilisée quand la combinaison 
ne s'effectue pas spontanément pendant l'opération. 
Ce fait se produit parfois sans cause apparente; 
aussi est-il prudent d'utiliser une cartouche d’un 
modèle un peu différent du précédent qui permet 
d'éviter complètement le grave danger de cette 
méthode. Dans ce but, on dispose au milieu de la 
cartouche, au sein même des grains agglomérés, 
un tube réservoir en métal mince. Ce réservoir 
est muni d’une tubulure qui débouche à l’exté- 
rieur de la cartouche. C’est par cette tubulure 
qu’on introduit l'oxygène liquide dans le réservoir. 

Sous l’action des frigories de l’oxygène liquide, 
l'enveloppe métallique de ce réservoir devient 
fragile comme le verre, et il suffit du choc violent 
d'un percuteur extérieur au canon pour briser 





COUPE D'UN CANON CHARGÉ AVEC LA GARGOUSSE A OXYGÈNE LIQUIDE. 


celte enveloppe en mille pièces, et permettre à 
l'oxygène liquide d’inonder en un instant tout l'in- 
térieur de la cartouche. On introduit dans le ré- 
servoir une quantité d'oxygène liquide supérieure 
à celle qui est nécessaire afin de prévoir l'évapo- 
ration qui se produira au moment du contact de 
ce liquide avec les grains agglomérés. La percus- 
sion précédente est accompagnée d’une seconde 
percussion qui effectue la mise à feu au moyen 
de la capsule de fulminate de mercure que ren- 
ferme la cartouche. 

Les grains agglomérés peuvent être constitués 
par une poudre absorbante de nature organique 
au lieu d'être constitués par une poudre minérale 
de nature inerte. On utilise, suivant les résultats 
que l’on désire obtenir, de la poudre de sucre, 
d'amidon, de dextrine, etc., ou bien encore du 
coton, de la cellulose, etc. On prend le soin d’ag- 
glomérer ces diverses substances à l’aide d’un 
agglutinant approprié, tel que la paraffine, par 
exemple, et lon s'arrange de façon que la sur- 
face de chaque grain ait une porosité moindre que 
l’intérieur. 


On peut utiliser ces substances telles quelles ou 
bien accroitre leurs propriétés explosives en y 
introduisant une quantité variable d’un carbure 
liquide tel que l'alcool, la glycérine, la benzine, le 
pétrole, etc. 

On introduit ensuite cette poudre dans la car- 
touche décrite précédemment. 

Ces indications démontrent combien sont nom- 
breuses les combinaisons que l’on peut adopter 
pour obtenir des explosifs pour armes à feu don- 
nant des effets progressifs réglables à volonté. 
Nous savons que l’on peut également donner à 
l'explosif intégral les effets brisants les plus vio- 
lents lorsqu'on veut l'utiliser pour désagréger les 
roches dans les mines. 

L'ensemble des diverses combinaisons précé- 
dentes fait l’objet des brevets du D" Nodon. 

Rappelons que l'emploi de l'explosif intégral 
sous l’une quelconque de ses formes présente sur 
les poudres actuelles l’avantage indiscutable de ne 
pas nécessiter de provisions préalables; qu'il ne 
peut jamais donner naissance à des explosions 
accidentelles dans les navires de guerre et que sa 


600 


production peut être obtenue d'une façon continue 
et indéfinie, puisque son principe actif, l'oxygène 
liquide, est puisé directement dans l’air. 

Ajoutons que le prix de revient de cet explosif 
est très minime et hors de proportion avec celui 
des explosifs actuels. Une première dépense doit 
être faite pour la fabrication des cartouches, com- 
prenant les grains combustibles, l’amorce, les 


enveloppes et le projectile, mais, en réalité, c’est la 
plus grosse dépense que l’on aura à faire; car, 
le prix de l'oxygène liquide fabriqué à bord et 
conservé pendant plusieurs heures dans des réser- 
voirs appropriés est minime. 





APPAREIL CLAUDE, PETIT MODÈLE, 
POUR LA FABRICATION DE L'OXYGÈNE LIQUIDE. 


En effet, un matériel tel que le construit cou- 
ramment la Société de lair liquide, à Boulogne- 
sur-Seine, peut fabriquer 125 kilogrammes d’oxy- 
gène liquide par heure, avec une puissance de 80 che- 
vaux environ. Si l’on compte le prix de revient à 
raison de 40 centimes par cheval-heure, comme 
on l’oblient environ à bord des navires de guerre, 
la dépense ressortirait à 0,064 fr par kilogramme 
d'oxygène liquide. En comptant les frais provenant 
de l'absorption de l’acide carbonique et de la vapeur 
d'eau de l'air, ainsi que l'amortissement et l'entre- 
tien du matériel, cette dépense serait approxima- 
tivement de 40 centimes par kilogramme. 

En admettant que l'on perde la moitié de l'oxy- 


COSMOS 


28 NOVEMBRE 1912 


gène liquide pár évaporation, ce prix ne s'élèverait 
encore qu'à 20 centimes par kilogramme. 

Or, un kilogramme d'oxygène liquide peut pro- 
duire 41,5 kilogramme d’explosif; on voit donc à 
quel prix infime tomberait le kilogramme d'explosif. 

D'autre part, une installation industrielle, qui 
serait susceptible de produire 125 kilogrammes 
d'oxygène liquide par heure, telle qu’elle existe, 
par exemple, à l'usine de Boulogne en travail cou- 
rant, permettrait d'alimenter à bord d'un navire 
de guerre la totalité des pièces d'artillerie. 

Le coût d'une telle installation n’est du reste 
relativement pas élevé, si on le compare à tous les 
autres frais que nécessite l'artillerie actuelle ; ce 
coût s’élèverait à 125 000 francs environ. 

La puissance de 80 chevaux se trouverait facile- 
ment à bord des cuirassés. Dans les batteries de 
forteresse, il serait nécessaire d’adjoindre un moteur 
à pétrole à l'installation. 

Enfin, l’encombrement d’une telle installation 
n'est pas considérable, et il u’excéderait certaine- 
ment pas celui des provisions d'artillerie à bord 
des navires de guerre actuels. 


+ 
a è 


Il est possible de comparer la puissance explosive 
de l'explosif intégral du D" Nodon, à base d’oxy- 
gène liquide, à celle des explosifs les plus puis- 
sants tels que la nitroglycérine. 

Le calcul de la chaleur fournie par l'explosion 
se fait en retranchant de la chaleur qui est dégagée 
par la formation des produits (anhydride carbo- 
nique, vapeur d’eau, etc.) qui prennent naissance 
lors de l'explosion la chaleur qui avait élé dégagée 
par la formation de l'explosif à partir de ses élé- 
ments. 


Nitroglycérine. — Lors de la réunion des élé- 
ments de la nitroglycérine, la combinaison 
Ci + Ho Az3 + O9 — C3 H5 (AzO5)' 
a dégagé 98 calories. 
D'autre part, lors de la formation des produits 
d’explosion : 
3C + 60 = 3C0 dégage 3 X 94 — 282 calories. 
5H + 2,50 — 2,5H:0 dégage 2,5 X 69 — 172 calories. 
Total : 454 calories. 
La chaleur fournie en définitive par l'explosion 
est donc (454 — 98), soit 356 calories par molécule- 
gramme, c'est-à-dire par 227 grammes de nitro- 
glycérine, ce qui correspond à 4570 calories par 
kilogramme. MM. Sarrau et Vieille ont trouvé par 
l'expérience un chiffre très voisin du chiffre théo- 
rique. 
Explosif intégral. — Admettons le mélange 
dosé d’alcool et d'oxygène: 


C*HsO + 60 
Lors de la réunion des éléments de l'alcool : 
C? + H’ + O = C'H‘O a dégagé 70 calories. 


N° 1453 


D'autre part, lors de la formation des produits 
d'explosion ; 
2C + 40 — 2C0* dégage 2 X 94 — 188 calories, 
6H + 30 — 3H°0 dégage 3 X 69 — 207 calories. 
Total : 395 calories. 
La chaleur fournie par l'explosion est donc 
(395 — 70), soit 325 calories par molécule-gramme, 
c'est-à-dire par 66 grammes d'alcool. Mais il faut 
déduire la chaleur nécessaire pour réchauffer 
l'oxygène liquide, dont Ia température est de 
— 190°, et pour le vaporiser. La chaleur latente de 


COSMOS 


601 


volatilisation de l'oxygène est d'environ 200 ca- 
lories par kilogramme, ce qui correspond à 19 ca- 
lories pour les 96 grammes (60) employés. En 
définitive, la chaleur fournie par l’explosion est 
de (325 — 19), soit 306 calories par 66 grammes 
d'alcool et 96 grammes d'oxygène, c’est-à-dire par 
162 grammes d'explosif. 

On voit qu'un kilogramme d’explosif à oxygène 
liquide dégagera 1 890 calories, c'est-à-dire que la 
puissance de l'explosif intégral sera sensiblement 
supérieure à celle des plus puissants explosifs usités. 





L’achèvement du réseau de chemins de fer du Jura. 
La ligne Morez-Saint-Claude. 


Il a déjà été question à diverses reprises, dans les 
colonnes du Cosmos, de la montagne du Jura, de 
ses sites et de ses voies de pénétration. Le Jura 
français n’a qu'un défaut, c'est de n'être pas en 
Suisse! Mais c'est encore par le temps qui court 
un bien gros défaut, un défaut incurable, on peut 
le dire! On a beau répéter aux touristes que le 
Jura français est très beau, et qu’on y peut passer 


SP YORBIER 
11686 bd 





F1G. 1. — MOREZ ET SES ENVIRONS. 
PLAN DE LA BOUCLE DE REBROUSSEMENT DE MOREZ A MORBIFR. 


ses vacances aussi agréablement qu'en Suisse, et à 
bien meilleur compte, les touristes restent scep- 
tiques et continuent de traverser la frontière 
jurassienne en pleine nuit pour aller promener 
leur snobisme ennuyé dans les stations helvétiques 
consacrées par la mode et par une savante et 
ingénieuse réclame. 

Je n’ai aucunement ka prétention de guérir les 
fanatiques de la Suisse en leur parlant encore du 
Jura, mais il me semble intéressant de signaler 


Ta 6luse., x 
T Lyon. 


i 
aux amis de la nature l'achèvement des voies de 
pénétration de cette région poélique où règne en 
maitre le sapin idéal et magnifique, puissamment 


e r e à a’ 
Ners Lons te ` ersTinene ` DoubA 
Dunner z Je Haut ~or 
7 wo a Q W 
À -laurenà à Ke, N 
D 7 
e 
Morbid” a e/i 
a E4 s 
P E Morez. 7 
Tree, f i I, ; 
L CA b 
-p í 
s f. A Russes 
Jura. © fA A LA | 
Voir 'a -Piven ÍI n epo Ai 
ARR ‘ LE ts 
v r "+, s La Cur 
j e Sd 
rs | LL i 
A ci a Suifsc 
N á DR ait 
sex 
Yu, lon le \ f- z se . 
Caumer È ; ox `; 
St Claude OS ` 


D? savons o ` 
6 Para S 
f pl mercel i ts, s 
= ‘ s Pa 


b- yers T 







et Genève j 


Vore feroce ELM 
Trarnway 

Route nationale 

ne depertementales. €. 
ationf TLAL 


a 
sFerney 
p A CIO) 






« ` 
mr? Me 


sta yers W Genève 
FIG. 2 — PLAN DE LA LIGNE DE MOREZ A SAINT CLAUDE. 


campé dans une terre solide et forte; où les rivières 
courent, gambadent, cascadent; où des lacs char- 
manis et parés de verdure appellent la rêverie; où 
les cluses profondément déchiquetées alternent 
‘avec les horizons infinis. 

Depuis une vingtaine d’années, les chemins de 
fer et les tramways s'ingénient à escalader les 
rampes et les gradins de ce coin de la Franche- 
Comté. Il ne leur restait plas qu’à joindre, pour 
terminer leur œuvre sociale, les deux villes indus- 


602 


trielles de Morez et de Saint-Claude : de Morez; 
pays des horloges et des lunettes; de Saint-Claude, 
pays des pipes. 

C'est fait. 

Tout cet été, les trains du P.-L.-M. ont circulé 
sur ce tronçon de ligne dont l'inauguration officielle 
a eu lieu le 43 octobre. 

Aujourd'hui, le voyageur intéressé peut se rendre 
de Paris à Saint-Claude et à Morez en moins de 
temps qu'il ne lui en faut pour aller à Lucerne ou 
à Thoune. - ' 

Et il peut aller de Paris à Genève en passant par 


COSMOS 


a ŠĀ ASSET 1 





28 NOVEMBRE 1912 


les deux intéressantes petites cités jurassiennes. 

Il y a exactement, par la nouvelle voie ferrée, 
24 kilomètres entre Morez et Saint-Claude. Le pre- 
mier est à 734 mètres d’allitude, le second à 439. 
C'est donc une différence de niveau de 295 mètres 
qui sépare les deux extrémités du tronçon. La 
pente augmente progressivement, partant de 4 mil- 
limètres par mètre pour atteindre 20 et 22. Mais 
que d’accidents dans le parcours! 

Tout d’abord, la ligne sort de Morez au moyen 
d'un rebroussement comme en présentent les che- 
mins de fer andins. Nous donnons le plan‘de la 


> 
~- S - 
L 2 d 


La SN SCO i a a 
Les 


ace RE A X à 


FıG. 3. — LIGNE DE MOREZ A SAINT-CLAUDE : LE GRAND VIADUC DE MORFZ. 


gare de Morez et de ses envi‘ons d’après les docu- 
ments officiels de la Compagnie P.-L.-M. Nous don- 
nons également une vue perspective de ce coin de 
terrain d’après une photographie de M. Laheurte, 
arliste morézien. Cette vue est suggestive (fig. 3). Ẹlle 
montre nettement quelle accumulation formidable 
de travaux d'art il a fallu faire entre deux com- 
munes qui se touchent : Morbier et Morez. 

La distance des deux gares à vol d'oiseau ne 
dépasse pas un kilomètre. Mais pour racheter une 
différence de niveau de 125 mètres, il a fallu 
donner à la ligne un développement de 6 kilo- 
mètres, sur lequel on rencontre 1181 mètres de 
souterrains et 627 mètres de viaducs. 


Lun de ces viaducs, que l'on voit en haut à 
gauche de la ‘photographie de M. Laheurte, est 
particulièrement impressionnant. Il est curviligne 
et se détache de la montagne pour venir s'y res- 
souder après une excursion de 165 mètres dans le 
vide. Ce viaduc surplombe d'une centaine de 
mètres celui du premier plan également curviligne 
et sur lequel passent les rails de Morez à Saint- 
Claude. 

Ce viaduc, le plus long de la section et qui fran- 
chit les maisons de Morez-le-Bas, mesure 180 mètres 
de long. ll a une courbure de 250 mètres de rayon. 

La ligne comporte en outre huit autres viaducs 
formant, avec celui dont il est question, 647 mètres. 


N° 1453 


Elle passe également à travers 4728 mèlres de 
souterrains, c'est-à-dire que, sur près d'un quart 
de son parcours, elle emprunte des travaux d'art 
considérables et curieux. 

Voici la liste de ces travaux: 


80 mètres. Haateur i7 m. 
180 mètres. Hauteur 38,26 m. 
223 mètres. 

73 mètres. Hauteur 44,77 m. 


Viaduc de la Source... 
Viaduc de Morez....... 
Souterrain des Essards. 
Viaduc dru Saillard..... 


Souterrain des Batail- 

IAE: rire 148 mètres. 
Souterrain de Lézair... 341 mètres. 
Souterrain de la Pointe. 18 mètres. 


COSMOS 


603 


213 mètres. 

248 mètres. 

60 mètres. 
54 mètres. Hauteur 14,26 m. 
25 mètres. Hauteur 12,93 m. 


Souterrain du Grépillón. 
Souterrain du Chalet... 
Souterrain de Tancua... 
Viaduc du Puits........ 
Viaduc du Cret......... 
Souterrain des Apla- 
126 mètres. 
Viaduc de la Culée..... 15 mètres. Hauteur 12,16 m. 
Souterrain de la Gouille 


BOT Lu cet 1742 mètres. 
Souterrain de Sous la 
COMM urine ira 78 mètres, 


213 mètres. 
60 mètres. Hauteur 26,55 m. 
513 mètres. 


Soulerrain des Frettes. 
Viaduc de Valfin....... 
Souterrain de Yalfin.... 





F1G. 4. — UN ATELIER DE LUNETIERS A MOREZ. 


Souterrain du Crapaud. 246 mètres. 


Viaduc de la Grande 
Roche ....... rs duss 70 mètres. Hauteur 8,60 m. 
Souterrain du Champ 
de Bienne............ 39 mètres. 
Souterrain de Mada- 
BABCEP. sus ctmusaesa 80 mètres. 
Viaduc du Pain de 
SUCRE rome venue 90 mètres.Hauteur 15,64 m. 
Souterrain du Pain de 
DROLO sécu aitas 102 mètres. 
Souterrain de la Serre. 52 mètres. 
Souterrain de Saint- 
CAN: Es ous 286 mètres. 


Longueurtotale des souterrains et viaducs. 5375 mètres. 


J'ai parcouru cette ligne quelques jours après 
son ouverture à la circulation. Elle est ravissante, 
et j'avais tant de plaisir à regarder par la portière 
de mon compartiment la Bienne qui serpentait 
capricieusement à 200 mètres au-dessous de moi, 
que j'en oubliais complètement le misérable aspect 
des wagons lépreux et branlants de troisième classe 
que la Compagnie P.-L.-M. exile en service là-bas 
en attendant que, croulant de tous còtés et inondés 
par tous leurs ais, ils ne puissent plus être utilisés 
que comme roulottes d'occasion par des bohémiens 
calamiteux ! 

Plus de cent ruisseaux ou ravines sillonnent la 
pente rapide au bas de laquelle, tourmentée, 


60% 


bruyante, gonflée par les pluies d'été, la Bienne 
roule ses eaux agitées et crache son écume aux 
innombrables obstacles rocheux qui entravent sa 
course. À droite, à gauche, elle se gave de cascades 
et de cascatelles qui dévalent par les sentiers 
escarpés comme par les lits rocailleux de petits 
torrents fantasques. Il semble qu'elle se souvienne 
du temps où, puissante et gigantesque, elle striait 
` et zébrait la roche énorme de ses flots indomptés, 
arrachant, raclant, pulvérisant, entrainant vers le 
Rhône des millions de mètres cubes de pierre! 

Mais on a beau aller lentement, on finit toujours 
par arriver. 

Je suis donc arrivé à Saint-Claude. 

J'ai déjà eu l'honneur de présenter cette pitto- 
resque ruche industrielle aux lecteurs du Cosmos. 
Je n’en dirai rien aujourd hui, sinon que la fièvre 
des constructions y bat son plein, ni plus ni moins 
qu’à Paris, et que les propriétaires y font des 
affaires d'or. On construit jusque sur les talus du 
chemin de fer, et les appartements se louent en 
moyenne 150 francs la chambre. Si le proverbe est 
vrai qui prétend que tout va bien quand va le båti- 
ment, les habitants de Saint-Claude nagent dans 
la prospérité! 

Revenons donc à Morez, si vous voulez bien. 

Morez fut longtemps seulement le pays des com- 
toises, de ces grandes et robustes horloges à poids, 
aux sonneries multipliées, aux boites pansues déco- 
rées de couleurs étourdissantes. Aujourd'hui, le 
mouvement de Morez est en baisse. Faute d’avoir 
renouvelé leurs vieilles méthodes d’établissage et 
d'avoir adopté la falrication mécanique intense 
et l'extrême division du travail, l'horlogerie moré- 
zienne périclite et se meurt. 

Mais en revanche prospère la lunetterie qui, 
elle, a franchement embrassé le progrès. 

Elle fut introduite dans la petite ville par Pierre- 
Hyacinthe Caseaux, vers 1796. En 1810, il ny 
avait encore que treize lunetiers, et la production 
annuelle ne dépassait pas 300 douzaines de lunettes 
représentant une valeur de 6000 francs. En 1848, 
on fabriquait 60000 douzaines valant 300 000 francs, 
et, en 1383, 912 000 douzaines pour 3 millions de 
francs. 

En 1903, dans une plaquette fort documentée 
sur la ZLunetterie dans le canton de Morez, 
M. Rouyer estimait la production à 4 million de 
douzaines représentant 4 millions de francs. 

Je crois qu'aujourd'hui on peut évaluer à environ 
> millions de francs l'importance de fabrication 
morézsienne en lunetterie. 

J'ai eu l’occasion de visiter à Morez deux fabriques 
de lunetterie, celles de M. Lancon et de MM. Jac- 
quemin. Gräce à l'amabhilité de ces derniers, il 
n'est possible de faire passer sous les yeux des lec- 
teurs du Cosmos une vue d'atelier exécutée par 
l'artiste émérite qu'est M. Laheurte. 


COSMOS 


28 NOVEMBRE 19412 


Dans ces ateliers, la matière première métallique 

entre sous la forme de fil ou de petites barres. 
. Les barres sont découpées en petits morceaux, 
les fils sont laminés de manière à ménager dans 
leur longueur la rainure qui servira à loger le 
verre. 

Le nombre des passes nécessaires pour amener 
une paire de lunettes ou un pince-nez à l’état com- 
plet est considérable. Certains ouvriers donnent au 
fil de la carcasse une simple courbure rudimen- 
taire, alors que d’autres percent seulement un 
trou ou donnent un coup de fraise. Certains sont 
occupés à entortiller autour des pièces à souder un 
mince fil de soudure que le chalumeau fondra tout 
à l'heure. Pour donner une idée de l'attention 
qu'apportent les grands fabricants à réduire au 
minimum la main-d'œuvre, je dirai que, par 
exemple, chez M. Lançon, c'est une ingénieuse 
petite machine-outil qui se charge de lentortille- 
ment de ce fil de soudure. 

Le développement prodigieux de l'automobile 
a récemment favorisé la naissance d’une nouvelle 
branche de cette intéressante industrie, celle des 
lunettes d’auto. Il s’en fait de toutes les formes, 
de toutes les grandeurs, de tous les aspects, d'or- 
dinaires, de luxueuses, des jaunes, des vertes, des 
brunes. Les unes protègent simplement l'œil, les 
autres descendent sous le nez, d'autres encore sont 
de véritables masquescachant entièrement la figure. 

La lunette d'auto est une spécialité de la maison 
Jacquemin, qui fournit cet article aux marchands 
d'accessoires et aux magasins de nouveautés. Elle 
possède un véritable atelier de confection dans 
lequel des dames et des demoiselles habillent, avec 
toute l’élégance qu'elles comportent, ees lunettes 
bizarres et compliquées. 

A côté de ces comtoises et de ces œils-de-bœuf, 
de ces lunettes et de ces pince-nez, Morez fabrique 
aussi des cadrans et des plaques émaillées, ainsi 
que des horloges de clocher. 

L'horloge morézienne de clocher se distingue 
essentiellement de celle dite de Paris par son mé- 
canisme de sonnerie qui est celui de nos pendules 
dites à rteau ou à crémaillère et qui est théori- 
quement et à peu près pratiquement indécomptable, 
alors que le mouvement de Paris est à roue de 
comple ou à chaperon, comme il l'était au temps 
de S. M. Charles le Sage. 

Il résulte de cette différence de système une dif- 
férence d'aspect des deux mouvements. 

Morez est le gros fournisseur d'horloges publiques 
de France. Ses produits sont sensiblement moins 
chers que ceux de Paris (lesquels, entre parenthèses, 
sont généralement fabriqués loin de eette ville). 

On raconte dans la région, à propos de lhorlo- 
gerie morézienne de clocher, une petite histoire 
que vous me permettrez de vous conter sous sa 
forme poétique. 


Ne 1453 


En ce temps-là, il n’y avait pas encore de voie 
ferrée entre Saint-Claude et Morez. On ne pensait 
même pas qu’il y en put avoir une un jour. Malgré 
la petite rivalité existant entre les deux cités, 
Saint-Claude avait, par l'intermédiaire de son 
maire Reydellet, commandé une horloge à Morez 
dans la personne du fabricant Odobey, un nom 
fort connu dans le monde de la grosse horlogerie. 

Cette horloge une fois installée, il surgit entre 
maire et fournisseur une contestation qui retarda 
le règlement de compte pendant assez longtemps. 

L'horloge sonnait les quarts sur trois cloches 
donnant les notes sol, la, si, et les heures sur un 
do grave. 

Les loustics de Saint-Claude eurent tòt fait de 
mettre des paroles sous ces quatre notes. Lorsque 
l'heure sonnait, on entendait chanter : 

Reydellet, 
Entends-tu 

Odobey 

Qui te dit: 

Paye, Paye, Paye... 


Les oscillations de la 


Il semble que le caractère turbulent et belli- 
queux des peuples balkaniques soit la résultante, 
ou la répercussion sur eux, de l'instabilité du sol 
qu'ils habitent. 

En effet, depuis la plus haute antiquité, l’his- 
toire a enregistré les mouvements du sol dans la 
Méditerranée orientale, mouvements bien anté- 
rieurs à l’homme et qui se continueront longtemps 
encore, jusqu’à la mort de le Terre. 

Selon le témoignage de plusieurs auteurs anciens, 
Hélice et Bura, dans l'Archipel grec, furent englou- 
ties dans la mer par un tremblement de terre, 
en 373 avant Jésus-Christ; et Ovide prétend qu’on 
voyait sous les eaux les murs de ces deux villes. 
Près du même point, en 1847, Vatitza fut réduite 
en ruines par l'effet d'une secousse souterraine. 

Les traditions relatives aux grandes inondations 
que l’on dil avoir eu lieu en Grèce, ainsi que sur 
tes confins des établissements grecs, et qui, des 
âges les plus reculés, sont parvenues jusqu'à 
nous, ont eu, sans doute, pour origine quelques 
séries de catastrophes locales dues, pour la plupart, 
à des tremblements de terre. 

Le déluge de Samothrace donna lieu à l’inonda- 
tion des rivages de cette petite fle et de la partie 
voisine du continent asiatique, par les eaux de la 
mer. Suivant Diodore de Sicile, les habitants eurent 
le temps de se réfugier sur les montagnes et 
d'échapper par la fuite au danger qui les mena- 
çait. On ne saurait douter qu'à cette époque il ne 


COSMOS 


605 


Pendant que d’autres répondaient sur le mème 
air : 
Odobey, 
Entends-iu 
Reydellet 
Qui te dit: 
P, 9, Pana, 


Vous m'excuserez de ne point écrire ce que cou- 
vrait le do dans cette réponse qu’on eùt pu tra- 
duire poliment par zut, si zut eùt existé à cette 
époque lointaine ! 

Cela n'empêche pas, du reste, les horloges de 
clocher fabriquées à Morez de se comporter très 
convenablement dans les mairies et dans les églises 
où elles sont installées. 

Ni les Moréziens et les Saint-Claudiens de $se 
traiter en frères et de s’aller voir les uns les autres, 
depuis qu’ils ont un chemin de fer, un joli chemin 
de fer qui ne redoit rien à ceux de la Suisse et dont 
ils ne demandent qu'à faire les honneurs aux Fran- 
çais de France. 

LÉoPozp REVERCHON. 





péninsule balkanique. 


se soit produit un abaissement de la còte, accom- 
pagné de tremblements de terre et d'invasions de 
la mer. 

Mais, à côté de ces phénomènes . violents — 
parmi lesquels on peut classer l'apparition de l'ile 
de Santorin, de ses satellites et de l'ile Julia, — il 
en est d'autres bien plus vastes, bien plus lents, 
mais qui ont un intérèt primordial : nous voulons 
parler des oscillations des lignes de rivages. 

Ce sont des mouvements embrassant une grande 
étendue et capables, à la longue, de modifier sen- 
siblement les conditions réciproques de la terre 
ferme et de l'océan. La réalité de ces oscillations, 
toujours très lentes, est attestée par le déplace- 
ment que les lignes des rivages maritimes subissent 
en de nombreux points du globe, et par suite des- 
quels d'anciennes plages se montrent aujourd’hui 
sensiblement plus haut que le niveau de la mer, 
tandis que des plaines ou des côtes, autrefois 
émergées, sont maintenant sous-marines. 

C'est ainsi que de nombreux indices de submer- 
sion se manifestent sur les rivages de l'Albanie et 
de la Grèce. Dans l'Attique, certaines voies ro- 
maines du golfe d’Arta sont aujourd'hui recou- 
vertes de 1,2 m d’eau. L'isthme de Corinthe est 
plus étroit qu’autrefois, et d'anciennes villes ne 
sont plus que des amas de ruines submergées (1). 

Pour ce qui concerne le sol de la Grèce et des 
régions voisines, ces phénomènes ont été fort bien 


(1) À. Issez, Dradisismi. Genova, 1883. 


606 


étudiés par M. Ph. Négris, dans de nombreuses 
publications (1). p 

Les géologues les plus autorisés sont aujourd’hui 
séparés en deux camps. Les uns considèrent les 
dernières oscillations des rivages comme dues 
uniquement à des mouvements propres aux conti- 
nents, qui se déforment, et supposent le niveau de 
la mer stable. Les autres, au contraire, attribuent 
les oscillations à des mouvements eusfatiques du 
niveau de la mer. ` 

Il ne semble pas qu'on soit en droit de rejeter, 
de prime abord, l'une ou l’autre de ces deux opi- 
nions, car l'histoire du passé, éclairée par les 
brillants travaux d’'Édouard Suess (/a Face de la 
Terre), nous montre les deux phénomènes 8e 
répéter à plusieurs reprises. 

La succession des phénomènes tectoniques qui 
se sont produits en Grèce depuis l’époque plio- 
cène est le meilleur exemple que l’on puisse invo- 
quer en faveur de ces deux théories. 

Au pliocène, les plis pindiques, ces rameaux 
des plis alpins, avaient fait émerger toute la 
Grèce, en soulevant les conglomérots de la Mes- 
sénie; la mer du deuxième étage méditerranéen 
avait taillé sur ces plis les terrasses d’abrasion. 
Cependant, à la suite de la surrection définitive 
des Alpes, des fosses sillonnent le pays et sont 
occupées, les unes par la mer, les autres par des 
eaux douces qui y déposent surtout des sédiments 
marneux. Certaines de ces fosses, comme celle du 
golfe de Corinthe, semblent s’approfondir à mesure 
que le dépôt augmente d'épaisseur; elles ne 
tardent pas à recevoir des couches épaisses de con- 
glomérats, probablement à la suite de la nou- 
velle surrection pliocène qui se prépare. D’autre 
part, dans le sud du Péloponèse, les marnes sont 
souvent recouvertes directement par un calcaire 
compact. 

Bientot, la surrection pliocène est à son apogée, 
portant les couches levantines à 1 759 mètres d’al- 
tilude au nord du Péloponèse, et à près de 
4 000 mètres dans la Locride, tandis que les ter- 
rasses d'abrasion antérieures au pliocène sont 
elles-mêmes soulevées contre le Ziria et le Chelmos 
à 1 500 et même à 1 700 mètres. 

L'écorce ne tarde pas à se fracturer sous l’ac- 
centuation des pressions latérales. Les formations 
pliocènes se disloquent et se disposent en marches 
d'escalier gigantesques, tandis que les éboulis pro- 
venant des cassures s'entassent sur les couches 


(1) Pu. Nécris, Délos et la transgression actuelle des 
mers. Athènes, 1907, Les terrasses du nord du Pelopo- 
nèse et la rêgression quaternaire. Athènes, 1910. 


COSMOS 


28 NOVEMBRE 1912 


pliocènes redressées, et que la mer s’acharne sur 
ces éboulis en les aplanissant à 600 mètres. Celite 
mer taille des terrasses au même niveau sur 
d'autres couches tendres, comme les marnes levan- 
tines de Corinthe, ou le flysch de la vallée de 
Pournarokastro. 

Les efondrements de l'écorce, prenant encore 
plus d'importance et englobant, sans doute, à cette 
époque, l’Atlas oriental, la Tyrrhénide et d’autres 
terres dans l'océan Atlantique, la faune boréale 
pénètre jusqu’à Rhodes. C’est à ces effondrements 
qu’il faut rapporter la régression du pliocène 
supérieur, du niveau de 600 mètres, à celui de 
390 mètres. 

À ce niveau, la mer stationna pour former des 
bancs de quelques mètres de conglomérats sableux 
coquilliers, qui reposent encore aujourd’hui hori- 
zontalement sur les marnes levantines en discor- 
dance. 

La mer continua à baisser par étapes de faible 
durée et de faible amplitude, comme le montrent, 
d'un côté : la succession presque continue de per- 
forations de pholades sur les rochers, l'absence de 
ressauls sur les terrasses quaternaires; de l’autre, 
la similitude des coquilles, trouvées aux points les 
plus élevés comme aux points les plus bas, atteints 
par la mer en recul, avec les coquilles actuelles. 
Cette dernière régression parait connexe de l’effon- 
drement de l’Egéide, qui a été accompagné de la: 
dislocalion des conglomérats coquilliers horizon- 
taux, et d’autres effondrements dans la Méditer- 
ranée, la mer Rouge et l'océan Atlanlique. 

Enfin la régression cesse et la transgression 
commence. L'arrêt de la régression marque la fin 
des grands effondrements, et la transgression qui 
suit montre que les voussoirs écroulés se res- 
serrent de nouveau par le développement des pres- 
sions latérales : quelque fond de mer commence 
encore, sans doute, à se bomber, sur l'emplace- 
ment de quelque chaine future. 

Ce résumé des grands phénomènes de la vie de 
la Terre — dans cet endroit favorable aux observa- 
tions qu'est la péninsule balkanique — est riche 
en enseignements. 

On y saisit sur le vif les mouvements de la 
croûte terrestre (lithosphère), cherchant à épouser 
les contours du noyau central métallique (bary- 
sphère) sans cesse modifiés et amoindris par les 
oxydations intenses d'où résulte la zone ignée 
(pyrosphère). 

Ces mouvements ne cesseront que le jour où la 
Terre, comme la Lune, aura absorbé ses fluides ; ce 
sera la mort de notre planète. 

Pau Couses fils. 


N° 1453 


COSMOS 


607 


Le canal de Panama. 


Les travaux d'achèvement du canal de Panama 
sont poussés activement, et l’on peut déjà entrevoir 
l'époque où les navires passeront à travers l’isthme 
d'un océan dans l'autre. 

On a suivi, dans ces colonnes, de mois en mois, 
les modifications des plans et les travaux de cette 
œuvre gigantesque; on a signalé les péripéties 
continuelles qui ont marqué les différentes phases 
de l’entreprise. Le moment semble venu de jeter 
un coup d'œil d'ensemble sur la situation actuelle 
et de dire le point auquel les efforts des Américains 
ont conduit cette entreprise extraodinaire dont 
la France a eu l’iniliative, mais qu'elle n’a malheu- 
reusement pas su mener à bonne fin. 

La direction générale du canal entre Colon sur 
l'Atlantique et Panama sur le Pacifique est du 
Nord-Ouest au Sud-Est. Panama est situé à 35 ki- 
lomètres à l'est de Colon. Sa longueur totale, y 
compris les chenaux balisés dans la baie de Limon 
d'une part, et däns celle de Panama de l’autre, 
est de 80,5 kilomètres. 

On peut considérer le canal comme commençant 
à l'entrée de la baie de Limon. Pour protéger 
l'intérieur de cette baie contre les vents du Nord- 
Ouest très violents en hiver, on a construit une 
jetée de 3 300 mètres de longueur entre la pointe 
Toro et l’ouverture du canal. Le chenal balisé dans 
la baie de Limon a une longueur de 7 kilomètres 
environ. À partir du point où il entre sur la terre 
ferme, le canal a 150 mètres de largeur sur 
12,5 m de profondeur. À 14 kilomètres de la côte, 
se trouvent les écluses et le barrage de Gatun. 

Ces écluses sont réparties en trois groupes de 
deux écluses accolées. La différence de niveau entre 
le bief supérieur et le bief inférieur est de 
26 mètres. Quant à la digue, elle barre la vallée 
de Chagres et transforme cette vallée en un vaste 
lac qui n’a pas moins de 42 474 hectares de super- 
ficie. 

A partir de Gatun jusqu’à Pedro Miguel, c'est- 
à-dire sur une longueur de 63 kilomètres, le canal 
est de niveau, mais sa largeur n'est pas uniforme. 
Elle est d’abord de 300 mètres près de Gatun et 
diminue progressivement jusqu'à n'être plus que 
de 90 entre le 48° et le 63° kilomètre, c'est-à-dire 
dans la partie qui correspond à la tranchée de la 
Culebra. 

Immédiatement après la tranchée de la Culebra, 
on arrive à l’écluse de Pedro Miguel, sur le versant 
de l'océan Pacifique. Après cette écluse qui abaisse 
le niveau d'eau de 9 mètres, le canal traverse le 
lac artificiel de Miraflores, formé par la réunion 
des eaux de trois rivières, le Rio Grande, le Pedro 
Miguel et le Cocoli, et d’une longueur de 3 kilo- 
mètres environ. A la sortie de ce lac, le canal 


franchit les deux écluses doubles de Miraflores et 
arrive ainsi au niveau de l'océan Pacifique. Entre 
le 72*et le 73° kilomètre, le canal quitte la terre 
ferme et se prolonge dans la baie de Panama par 
un chenal balisé de 7 kilomètres. Pour s'opposer à 
l'envasement rapide de ce chenal, on a dù con- 
struire à l'Est une jetée de 5 kilomètres de lon- 


gueur entre la Punta Mala et les iles Naos. 


Le tracé du canal est assez sinueux, et sur la lon- 


gueur totale de 80 kilomètres, il n’y a pas moins 


de 22 coudes dont quelques-uns sont presque à 
angle droit. Fn chacun de ces coudes, on a eu soin 
d'élargir le canal pour permettre aux navires de: 
les franchir plus facilement. On estime que le pas- 
sage complet exigera de dix à douze heures, dont 
{rois pour les écluses. 

En ce qui concerne l’excavation du canal, on 





TRACÉ DU CANAL DE PANAMA. 


pense que le total des déblais ne sera pas inférieur 
à 153 millions de mètres cubes, dont 69 millions 
pour la Culebra. Ce chiffre pourtant sera sans 
doute dépassé, parce qu'il se produit fréquemment 
des glissements de terrain qui occasionnent des 
travaux supplémentaires de déblaiement. Pour 
rendre ces glissements moins dangereux, on sera 
obligé de raser sur une certaine hauteur le sommet 
des collines qui avoisinent le canal. 


Écluses. — Les écluses méritent certainement 
une mention particulière parce qu'elles sont de 
dimensions colossales et qu’elles ont été construites 
avec un soin extrême dans le but d’écarter toute 
chance d’accident. Comme nous l'avons dit ci- 


‘dessus, chaque écluse est double, l’une servant à 


la montée et l’autre à la descente. La longueur de 
chaque bief entre les portes d'amont et d'aval est 
de 300 mètres, mais comme il y a beaucoup de 
navires dont la longueur ne dépasse pas 180 mètres, 
on a disposé dans chaque écluse une porte inter- 


608 


médiaire qui permet de la partager en deux biefs, 
l’un de 180, l’autre de 120 mètres; on économisera 
ainsi l’eau nécessaire au passage. La largeur est 
de 33 mètres et la profondeur de 12 mètres. Les 
deux écluses jumelles sont séparées par un mur de 
25 mètres de hauteur sur 18 d'épaisseur. 

La hauteur des vantaux des portes varie entre 
44 mètres et 24 mètres; la largeur est de 20 mètres 
et l'épaisseur de 2,1 m au centre. Le poids d’un 
vantail varie de 300 à 600 tonnes. Inutile d'ajouter 
que pour remuer des masses pareilles on emploie 
l'électricité. En outre, pour faciliter le mouvement 
de ces vantaux, on a donné à leur partie inférieure 
la forme d'une caisse étanche remplie d'air. La 
dimension de cette caisse est telle que le vantail 
est en équilibre sur l'eau. Quand la porte est fermée, 
on introduit de l’eau dans la partie supérieure des 
vantaux qui s’enfoncent alors et viennent reposer 
sur le fond de l’écluse, ce qui assure l'étanchéité 
du fond. 

Comme ilest de la plus haute importance d'éviter 
tout accident, on a imaginé toute une série de 
dispositifs pour protéger les portes contre les 
chocs. 

En premier lieu, le mur qui sépare les deux 
écluses accolées est prolongé sur une longueur de 
300 mètres en amont et en aval des portes extrêmes. 
Tout navire avant de franchir l'écluse doit s'arrêter 
près de ce mur. À partir de ce moment, le navire 
ne doit plus progresser par ses propres moyens, 
mais il est pris à la remorque par des locomotives 
électriques circulant des deux côtés de l’écluse sur 


Expériences sismologiques 


On sait le rôle considérable que les Japonais 
ont su donner à l’expérimentation en sismologie, 
et leur table à chocs, destinée à produire sur des 
matériaux divers et même sur des éléments de 
constructions les effets de tremblements de terre 
artificiels, a rendu et rendra sans doute encore les 
plus grands services à l'étude des effets des 
sismes naturels sur les édifices, en un mot servira 
aux progrès de l’art de construire dans les pays 
à tremblements de terre. Ce n'est cependant pas 
d'aujourd'hui (Vil novi sub sole) que des expé- 
riences ont été instituées pour l'étude des tremble- 
ments de terre, et dès le vi siècle de notre ère, 
sous Justinien, vers 550 ou 560, nous trouvons 
qu'un philosophe byzantin avait cherché à produire 
artificiellement ces phénomènes. 

Il ne sera pas sans intérêt de lire le curieux récit 
qui se rencontie dans Agathias le Scholaslique, 
l'historien du règne du célèbre empereur Justinien 
et son contemporain (Agatiæœ Scholastici de Im- 
perio et Rebus gestis Justiniani Imperatoris libri 


COSMOS 





28 NOVEMBRE 1912 


des voies à crémaillères. Le nombre de ces locomo- 
tives varie naturellement suivant le tonnage des 
navires. On estime qu'il en faudra douze pour un 
paquebot de la taille de Olympic. 

On a prévu le cas où, par suite d’une fausse 
manœuvre, le navire ne s’arrêterait pas avant de 
franchir l’écluse et continuerait à s’avancer, de 
manière à rendre un choc inévitable ; pour obtenir 
l'arrêt du navire, on a disposé à une trentaine de 
mètres en avant de la porte une chaine dont les 
deux extrémités sont fixées à des freins hydrau- 
liques puissants encastrés dans les murs latéraux. 
Cette chaine, en temps normal, repose sur le fond 
du bief, mais, en cas de danger, elle peut ètre 
relevée instantanément et barrer la route au navire 
qu’elle force ainsi à s'arrêter. 

Dans chaque groupe d’écluses, c’est évidemment 
l’écluse la plus élevée qui est la plus importante 
et qui doit être protégée avec le plus de soins. 
A cet effet, on a placé une double porte à chaque 
extrémité de cette écluse, de sorte que, si un acci- 
dent arrive à la première porte, la seconde assu- 
rera la retenue de l’eau. 

Comme nous l’avons dit en commençant, tous 
ces travaux sont assez avancés pour qu’on puisse 
en apercevoir la fin. On ne saurait toutefois fixer 
une date précise, parce que des accidents imprévus 
sont toujours à craindre. Si tout se passe norma- 
lement, les ingénieurs espèrent que l’inauguration 
du canal pourra avoir lieu au mois d'août 1913. 


Lt-C! JEANNEL. 


sous l’empereur Justinien. 


quinque. Venetiis. MDCCXXIX, 1. V, p. 4104-106). 
Ce document est, à bien des titres, fort intéressant. 
A cette époque régnaient sur les tremblements de 
terre, et sans conteste, les théories d'Aristote, 
d'après lesquelles ces phénomènes sont dus à des 
vents déchainés dans les cavernes souterraines, 
à des espèces d'explosions ou de tempêtes hypo- 
thétiques. Ces théories ont traversé victorieusement 
tout le moyen âge; elles n'ont même pas encore 
désarmé, et si elles ont changé de vètement, elles 
nous restent sous la forme des théories sismicovol- 
caniques et de quelques autres analogues dont les 
partisans ou les inventeurs du xx° siècle ne veulent 
pas se rendre à l'évidence des observations qui en 
démontrent le peu de bien fondé. 

Quoi qu’il en soit, les réflexions dont Agathias 
fait suivre la description de ces expériences sont 
pleines de bon sens lorsqu'il nie qu'on puisse en 
déduire que la nature se conforme à ces procédés 
artificiels dans la production des tremblements de 
terre. Et cependant Agathias partageait les idées 


N° 1453 


de son temps, c'est-à-dire celles d’Aristote, et ces 
expériences mêmes semblent avoir été destinées 
à imiter l'hypothétique procédé naturel, car on 
peut négliger le caractère épisodique du document. 

On sait aussi que le colonel de Rochas a autre- 
fois exhumé d'anciens textes d’où il ressort que les 
physiciens de l'antiquité connaissaient la machine 
à vapeur, quoiqu'ils ne semblent pas en avoir tiré 
d’applications industrielles. Le récit d’Agathias 
confirme les résultats obtenus par ce savant oflicier. 

«..... I y avait à Byzance (i) un certain Zénon, 
inscrit au ròle des rhéteurs, d'ailleurs homme 
fameux et très familier de l'empereur. Il habitait 
auprès d’Anthémius; aussi les voyait-on souvent 
réunis dans le domicile de l’un ou de l’autre et 
comme renfermés dans les bornes d'une mème et 
unique propriété. Mais, avec le temps, survint entre 
eux quelque dispute et même de la haine, soit à la 
suite de regards indiscrets, ce qui peut-être n'avait 
pas lieu au début, soil parce qu’un nouvel édifice, 
monté à trop grande hauteur, faisait obstacle à la 
lumière, soit par tout autre motif, ainsi qu'il doit 
se produire des querelles entre voisins. Ne pouvant 
lutter à armes égales sur le terrain des fortes 
paroles et de l’éloquence, un art qu'il ignorait, 
Anthémius voulut se dédommager de ses ennuis. 
L’habitation de Zénon était haute, très vaste et 
artistement ornée; il avait coutume de s'y tenir 
souvent et d'y convier ses meilleurs amis à des 
festins. Les pièces basses non seulement étaient 
contiguës à la maison d'Anthémius, mais en fai- 
saient pour ainsi dire partie, de sorte qu'une même 
toiture intermédiaire s’étendait du haut de l’une 
vers la base de l’autre. Ce fut là que dans plusieurs 
pièces de sa propre maison Anthémius disposa de 
grands chaudrons remplis d’eau, dont il ferma 
hermétiquement le tour extérieur au moyen de 
larges pièces de cu:ir, qui se prolongeaient d’abord 
en forme de tuyaux, puis en forme de tubes plus 
étroits, dont il fixa les extrémités aux poutres et 
aux solives en les y accrochant soigneusement. De 
la sorte, toute vapeur tendant naturellement à 
s'élever par ces tubes serait poussée d’un libre élan 
vers le haut et se trouverait amenée jusqu'au fai- 
tage de la toiture auquel ils atteignaient, sans 
pouvoir fuir ni s'épandre au dehors. Les choses 
ainsi disposées en cachette, Anthémius alluma un 
grand feu sous les chaudrons et en aviva la flamme. 
Aussitòt que leau fut échauffée et se fut mise 
à bouillonner avec violence, la vapeur produite 
s'éleva rapidement, et, n'ayant pas d'autre issue que 
les tubes, elle s'en vint choquer contre les pièces 
de charpente de la toiture qu'elle mit en état de 
commotion en les faisant trembler et craquer, 
sans que personne püt en deviner la cause. Les 
convives de Zénon, saisis de crainte et de terreur, 


(1) La traduction n’est pas absolument littérale, 
quoique fidèle. 


COSMOS 


609 

s’enfuirent à la rue, implorant le ciel et poussant 
des cris, tant ils étaient frappés de l’imminence du 
péril, Anthémius se rendit en hâte au palais de 
Zénon et, les interrogeant sur ce qu'ils avaient 
senti du tremblement de terre, leur demandait 
s’il leur en était résulté quelque détriment. Il les 
consola de bonnes et amicales paroles dans ces 
circonstances malheureuses, mais il ne put insister 
trop longtemps de crainte de se découvrir à des 
personnes qui n'auraient pas longtemps tardé 
à l’accuser lui-même. Il avait donc reproduit arti- 
{iciellement les arguments de ceux qui attribuent 
les tremblements de terre à des exhalaisons ou 
à des explosions gazeuses, et il avait employé tout 
son art à imiter la nature. Mais si ces choses me 


- paraissent ingénieuses elinventées avec adresse, en 


aucune façon ce ne sont d'évidentes démonstrations 
de ce qu'il en est réellement... D'ailleurs, quoique 
ces expériences ne doivent pas ètre considérées 
comme méprisables ou impropres, il n’en faut pas 
moins chercher quelques autres causes des fléaux 
terrestres, si toutefois il convient de le faire. An- 
thémius n’ourdit pas que cette seule machination 
contre Zénon, mais encore il lui déchaina des 
éclairs et des tonnerres..…. (Les expériences à ce 
sujel sont trop puériles pour qu'il vaille la peine 
de les rapporter.....) Ce fut au point que Zénon, 
ayant fini par se rendre comple avec chagrin d’où 
lui venaient toutes ces choses singulières, vint se 
jeter publiquement aux pieds de l'empereur pour 
accuser Anthémius de méchanceté et de scéléra- 
tesse, en déployant toutes les grâces et l'élégance 
de sa parole pour justifier son courroux. Faisant 
allusion à ses souvenirs poétiques, il proclama iro- 
niquement devant le Senat qu'il lui était impossible 
de lutter à armeségales contre Jupiter tonnantetdis- 
pensateur de la foudre, ni contre Neptune fauteur 
des tremblements de terre. Ces applications de l'art 
sont aussi louables qu’intéressantes, mais il n'est 
cependant pas forcé que la nalure les imite ou les 
reproduise. Quelque opinion qu’on en veuille avoir, 


il ne m'en faul pas moins revenir à ma narration 


antérieure... » 


A cela ne se bornent pas les enseignements que 
l’on peut tirer de l'histoire de Juslinien par 
Agathias le Scholastique. Séjournant à Alexandrie 
pour y subir des épreuves de jurisprudence, dit-il, 
on y ressenlit, mais déjà fort atténué, le tremble- 
ment de terre qui détruisit Béryte (Beyrouth) 
en 551. Il fait alors très judicieusement observer 
que, pour être sans importance réelle, cet événe- 
ment n'en était pas moins fächeux, parce que les 
édifices une fois ébranlés seraient plus tard une 
plus facile proie pour les secousses de l’avenir. Or, 
justement l'étude détaillée des grands tremble- 
ments de terre modernes a montré de la plus claire 
façon combien les dégâts sont augmentés quand 
on n'a pas eu le soin de réparer les avaries dues 


610 


à des sismes antérieurs, pour insignifiantes qu'elles 
aient été. 

Les briques cuites au soleil sont de tempsimmémo- 
vial un des plus communs matériaux de construction 
dans les pays d'Orient, et il semble qu’elles aient élé 
employées pour ériger la tour de Babel. Elles ont 
suivi la civilisation arabe vers l'Ouest, et avec les 
Espagnols elles prédominent encore dans les répu- 
bliques hispano-américaines, et l’on professe ici 
assez généralement celte opinion erronée qu’elles 
résistent bien aux tremblements de terre. Ce n'est 
pas le lieu d'exposer les circonstances qui ont 
donné occasion à cette erreur d’appréciation, mais 


COSMOS 


98 NOVEMBRE 1912 


il est piquant de lire qu'Agathias la condamnait 
déjà. Se rendant, en effet, par mer d’Alexandrie 
à Constantinople, il s'arrêta à l'ile de Cos, qui 
venait d’être ravagée par un tremblement de terre 
en 554. Après avoir décrit de la façon la plus pré- 
cise, presque scientifique même, l’aspect lamentable 
des décombres de la capitale, il ajoute (/.c., p.38): 

Les édifices construits, comme il convient, de 
pierre et de chaux, ou même de matériaux plus 
solides et plus durables, ne résistèrent pas mieux 
que les petites habitations élevées par la méthode 
agreste de briques non cuites et d'argile. 

DE MonNTEssus DE BALLORE. 





Piocheur-pulvériseur automoteur Chouchak. 


La motoculture ne comporte pas seulement des’ 


machines puissantes destinées aux labours profonds; 


* elle commence également à mettre en service des 


engins moins lourds répondant à des besoins 


autres, non moins impérieux, comme le travail, 
superficiel du sol dans les plantations en ligne. Un: 


agronome russe, M. Dimitry Chouchak, vient de 
faire construire dans les aleliers de M. Bajac, à 





= PÉIRAI EEE 


Liancourt (Oise), une machine de ce genre que 
représente notre gravure. 

L'appareillage est porté par un châssis automo- 
bile muni de trois roues; les deux roues avant 
sont motrices et celle d’arrière est directrice. A 
l'arrière, ce châssis est relevé en arc de cercle pour 
laisser une place au tambour. Le siège du conduc- 
teur prolonge ce châssis qui porte la tige de direc- 


PIOCHEUR-PULVÉRISEUR CHOUCHAK. 


tion sur laquelle est calé le volant de manœuvre, 
A l'avant est placé le moteur de 8-9 chevaux et le 
radiateur circulaire. 

Le moteur actionne, par l'intermédiaire d'un 
embrayage à friction, un changement de vitesse 
renfermé dans un carter à bain d'huile. L'arbre 
transversal transmet son mouvement à un arbre 
intermédiaire qui commande, par l’une de ses 
extrémités, l'essieu moteur et par lautre l'arbre 
du système piocheur. Cette dernière commande 


étant facultative est supprimée lorsque l'appareil 
doit simplement se déplacer sans effectuer aucun 
travail. 

Le système piocheur comporte un châssis rigide 
articulé sur l'arrière des coussinets de l'arbre in- 
termédiaire, les têtes d’articulation permettant de 
tendre à volonté la chaîne de commande. Ce châssis 
porte un arbre transversal sur lequel sont calées 
six pioches rotatives constituées chacune par quatre 
bandes d'acier fixées à demeure sur un croisillon 


Ne 1153 


et quatre raclettes mobiles rappelées par des res- 
sorts. À chaque tour, en un point convenablement 
déterminé, et sous la poussée d'un doigt qui heurte 
un butoir fixé sur le cadre, ces raclettes sont 
poussées en arrière et rappelées ensuite par leurs 
ressorts. Ce mouvement a pour effet de projeter 
vers l'arrière de la machine, en la pulvérisant, la 
terre détachée par la pioche. 

L'ensemble du système piocheur peut se relever 
et se régler à volonté en profondeur au moyen 
d'une commande à vis à pas rapide placée à portée 
de la main du conducteur. La vitesse d'avancement 
des roues motrices étant de 2 kilomètres par heure 


COSMOS 


611 


tandis que celle dés pioches, à la pointe, est de 
8 km : h, on voit que chaque pioche, à son pas- 
sage, détache une certaine quantité de terre et que 
la résistance due à ce travail agit dans un sens 
favorable à l'avancement du véhicule. | 

Le travail exécuté par cette piocheuse atteint au 
maximum une profondeur de 10 centimètres sur 
une largeur de 1,08 m. La couche superficielle du 
sol est complètement divisée et pulvérisée. Les 
vilesses sont à volonté et selon la profondeur at- 
teinte de 2, 4 et même 8 kilomètres par heure. La 
piocheuse pèse 800 kilogrammes environ, en ordre 
de marche. L. F. 





SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 
Séance du 18 novembre 1912. 


PRÉSIDENCE DE M. LIPPMANN. 


Élection. — M. Iuseaux est élu Correspondant 
pour la section d'économie rurale par 33 suffrages sur 
49 exprimés, en remplacement de Æ. Arloing, décédé. 


La chaleur spécifique des corps à basse 
température. — Des recherches récentes ont 
montré que tous les corps s'écartent à basse tempé- 
rature de la loi indiquée par Dulong et Petit, d’après 
laquelle la chaleur spécifique atomique des éléments 
solides et liquides est égale à 6 environ. En effet, la 
chaleur spécifique diminue très rapidement au voisi- 
nage de — 200° et semble devenir nulle au zéro absolu. 
Einstein a essayé de rendre compte de cette diminu- 
tion par une théorie qui se rattache à celle du rayon- 
nement; M. Jacques Duccaux indique une autre cause 
possible. 

Les éléments qui, à la température ordinaire, 
S’écartent le plus de la loi de Dulong et Petit, sont le 
carbone (chaleur atomique du diamant 1,35, du gra- 
phite 1,92), le bore (3,3) et le silicium (4,7). Or, ces 
éléments, et particulièrement le diamant, sont ceux 
que les chimistes considèrent comme étant le plus 
fortement polymérisés. On peut étendre cette remarque 
aux corps composés, et se demander s’il n’y a pas là 
un fait général, et si la diminution de la chaleur spé- 
cifique à basse température ne peut pas être due sim- 
plement à une polymérisation de plus en plus avancée. 


Éveil tardif des centres bulbaires. — Lors- 
qu'un nouveau-né ne respire pas aussitôt après la 
naissance, on éveille ses centres respiratoires bul- 
baires au moyen d'aspersions froides de la face, dont 
le nerf {rijjumeau transmet l'excitation au bulbe. C'est 
Ce qu'on fait également pour la syncope des centres 
Cardiaques. On peut aussi exciter la muqueuse nasale 
par l'éther, l'ammoniaque, l'iodure d'éthyle, le 
datura, etc., et faire ainsi cesser divers désarrois bul- 
baires, asthme, ébriété, palpitalions, vertiges. 

Üne cautérisation infiniment légère de la muqueuse 
nasale, suivant la méthode pratiquée par M. PIERRE 


BoxxiEr, peut servir à éveiller tous les centres bul- 
baires et à mettre ainsi en branle ou à rectifier un 
très grand nombre de fonctions. 

L'auteur a ainsi guéri complètement une fillette 
àägée de douze jours qui n'avait encore pu téter ni 
boire correctement et était, par inanition, descendue 
à la moitié de son poids initial. 

Les sphincters sont quelquefois réglés tardivement ;. 
d'où les incontinences fécales et urinaires; ce procédé 
permet de les résoudre souvent en une séance, même 
chez l'idiot, le myxædémateux ou l’épileptique. 

On peut également éveiller ou réveiller les centres 
qui président aux diverses sécrétions externes ou 
internes. C'est ainsi qu'on peut, chez le nourrisson, 


faire disparaitre l'intolérance digestive à l'égard de 


certains laits, ou plus tard, chez l'enfant et chez 
l'adulte, vis-à-vis de certaines espèces alimentaires. 

De même pour les sécrétions internes qui servent 
à la croissance, au développement intellectuel et 
physique. 

Les lois du travail professionnel. — Les 
études physiologiques se poursuivent avec ardeur 
depuis plus de vingt ans pour approfondir la science 
du moteur humain; de nombreux instruments ont 
été imaginés pour en saisir toutes les phases. 
M. Jeres Asar s'est livré à des expériences sur l'art du 
limeur. Grâce à la relation quantitative entre l’oxygène 
consommé par l'ouvrier et sa dépense d'énergie, 
gràce à l'emploi des procédés graphiques de Marey, 
on peut évaluer les efforts musculaires, le travail 
utile et la dépense énergétique correspondante. Faisant 
varier ensuite chaque élément du travail, sa vitesse, sa 
durée totale, les attitudes de l'ouvrier, la forme et les 
dimensions de l'outil, on a cherché les conditions du 
travail maximum. De cette étude, M. Amar a pu con- 
clure le mode de travail le plus favorable quant au 
rendement, à la moindre fatigue, à l'hygiène. Il 
indique quelle doit être la position du corps de 
l'ouvrier, avec quelle vitesse il doit poursuivre son 
travail, etc., pour obtenir un rendement maximum 
avec un minimum de fatigue. 


De l’inoculation intraveineuse des bacilles 


typhiques morts à homme. — MM. Cua, NicoLLE, 
A. Coxon et E. Conseiz, qui ont immunisé plusieurs 


612 


sujets contre la dysenterie par inoculation veineuse 
de microbes lavés, bieu isolés par des centrifugations 
successives et en suspension dans une quantité notable 
d'eau physiologique, ont étendu leur méthode au 
bacille typhique, mais avec cette différence qu'ils 
n'emploient ici, par surcroit de précaution, que des 
cultures mortes. 

Les bacilles sont tués par un chauffage de trente 
minutes à 52°, lavés et émulsionnés en eau physiolo- 
gique, de telle sorte qu'une goutte du produit repré- 
sente 400 millions de microbes. 

Soixante personnes de la Régence de Tunis ont reçu 
deux inoculations, pratiquées à quinze jours g'in- 
tervalle: la première d'une goutte, diluée dans l’eau 
physiologique, la seconde de trois gouttes. 

La production des anticorps est notable et immé- 
diate. Le procédé est remarquable par l'absence de 
réaction et de douleurs locales. 

A la suite de ces essais, les auteurs ont créé un 
service public de vaccinations antityphoïdiques, basé 
sur cette méthode (cultures mortes); il fonctionne 
régulièrement à l’Institut Pasteur de Tunis. 


Sur la polyvalence des sérums antity- 
phiques. — Les auteurs qui se sont occupés de pré- 
parer des sérums antityphiques au cours de ces der- 
nières années tendent à utiliser, pour l’immunisalion 
des animaux producteurs d’anticorps, des races de 
bacilles d'Eberth de provenances diverses mélangées 
à des souches différentes de bacilles paratyphiques, 
attachant une importance de plus en plus grande à la 
polyvalence des sérums ainsi obtenus. 

MM. AUGrsTE LUMIÈRE et JEAN CHEVROTIER ont voulu 
élargir cette idée de polyvalence en ne la limitant pas 
aux seules races de bacilles d’Eberth et de paraty- 
phique et en y comprenant encore le bacille Coli. 

Ils ont bien vérifié, sur des animaux, que dans le 
sérum complexe les propriétés antilosiques se rap- 
portant à chacune des espèces microbiennes se ren- 
contrent rigoureusement réunies. 

Ils poursuivent l'étude en ce qui regarde tout 
d'abord les bacilles de Lôfller, le streptocoque et le 
staphylocoque associés, et comptent étendre ensuite 
leur expérimentation aux infections mixtes les plus 
diverses, 


Etude et mensurations de 100 vagabonds 
francais. — MM. A. Mane et L. Mac-Auirre ont 
étudié les mensurations de 100 vagabonds d'après les 
documents du service anthropométrique de la Pré- 
fecture de police, et ils les ont classés par région et 
par types. 

L'étude morphologique de ces individus permet de 
les considérer dans leur ensemble comme ayant eu 
un développement physique irrégulier, 53 d'entre eux 
sont des types absolument indécis, 7 étaient des céré- 
braux tres déformés, porteurs d'asymétries considé- 
raules et quelques-uns microcéphales; 37 peuvent être 
rangés parmi les musculaires; mais chez ceux-ci, 
l'étude des segments des membres révèle des allonge- 
ments ou des raccourcissements monstrueux, ? étaient 
des digestifs, I seul respiratoire. 

Sur 100, 12 étaient macrocéphales, 4 microcéphales. 
99 présentaient de l'asymétrie faciale, 49 avaient les 
yeux bleus ou à peine piquetés de jaune, 19 seulement 
présentaient un iris de couleur foncée allant du 


COSMOS 


98 NOVEMBRE 191% 


marron en cercle au marron absolu; les cheveux ont 
été trouvés chätains 73 fois et blonds 22 fois, 2 étaient 
roux, 2 seulement étaient porteurs de cheveux noirs. 

Fait très curieux sur cet ensemble de 100 individus 
(dont plus des trois quarts avaient entre trente et cin- 
quante-neuf ans) 5 seulement avaient les cheveux gris. 

Ces mensurations n’ont révélé aucune caractéris- 
tique véritable. 


Tremblements de terre d’origine épirogé- 
nique problable dans le Michigan et le Wis- 
consin. — Le Michigan et le Wisconsin sont le 
théàtre de rares et faibles tremblements de terre. Les 
ingénieurs du pays considèrent les sismes en ques- 
tion comme dus aux Airblasts, ou Bergschlæge, fré- 
quents dans cette région minière. Ce seraient des 
tremblements de terre d’origine artificielle, causés par 
l'exploitation mème des mines. M. pe MoxTEssts LE 
BaLLonE estime que cette explication est inadmissible. 
Écartant l'hypothèse de l'exploitation des mines et celle 
de l’origine tectonique. il pense qu'il ne reste qu'une 
explication possible, celle d'une relation avec les 
simples mouvements épirogéniques dont la région a 
été le théàtre pendant la période glaciaire. 


Sur la migration verticale des animaux 
bathypélagiques. — Au cours des deux dernières 
croisières scientifiques de S. A. S. le prince de Mo- 
naco à bord de son yacht Hirondelle, M. BounÉE a 
procédé, avec le filet de remorque de son invention, 
à des séries de pêches faites de jour et de nuit à des 
profondeurs semblables. 

Il a été amené à la curieuse constatation que de 
nombreux animaux, et notamment des poissons dont 
l'habitat normal pendant le jour est situé à une profon- 
deur dépassant {'OUU mètres, montent pendant la nuit 
à une faible distance de la surface. On voit donc qu’en 
l'espace de quelques heures ces ètres peuvent subir 
une variation de pression d'une centaine de kilo- 
grammes au moins par centimètre carré et passer 
de la température de 6° environ à celle de 17° et méme 
plus. Cette dernière constatation contredit la croyance 
assez généralement répandue qui veut que les ani- 
maux de chaque espèce vivent à des températures à 
peu près constantes. 

Les animaux qui obéissent à cette migration verti- 
cale semblent ètre spécialement ceux à organes lumi- 
neux. On sait par les dernières recherches que cer- 
tains rayons du spectre solaire peuvent ètre décelés 
jusqu’à la profondeur de 1000 mètres dans l'eau. Il 
semble que, la nuit venue, les animaux lumineux 
des couches plus basses remontent dans la zone de- 
venue obscure pour y chercher leur alimentation en 
attirant leurs proies gräce à la phosphorescence qu'ils 
émettent. N'est-ce pas de la sorte et pour des raisons 
analogues que certains pêcheurs attendent la nuit 
pour pratiquer l'opération si destructive de la pêche 
au feu? 


Dugastella marocana, crevette primitive nouvelle 
de la famille des Atyidés. Note de M. E.-L. Bouvtæn. 
— Sur quelques généralisations des théorèmes de 
M. Picard. Note de M. Pauz MonTeL. — Sur les inva- 
riants du calcul des variations. Note de M. Tas. ps 
Doper. — Le principe de relativité et la loi de varia- 
tion des forces centrales. Note de M. LÉmERAY. — Sur 


Ne 1453 


un galvanomètre amorti à aimant mobile. Note de 
M. Cu. FéÉny; le perfectionnement apporté par l'au- 
teur donne une grande sensibilité à l'instrument. — 
Nouveau réactif du chlore et du brome libres et com- 
binés. Note de MM. G. Dexicës et L. CHELLE ; ce réactif 
est d'un emploi très rapide et d’une sensibilité ex- 
trème ; en quelques minutes, par son emploi, on a pu 
constater que l’eau du bassin d'Arcachon renferme, 
à l’état de bromure, 0,060 g de brome par litre; celle 
du Fayet-Saint-Gervais, 0,014 g; celle de Chätel-Guyon 
(Gubler), 0,006 g; celle de la Bourboule (Choussv), 
0,004 g. — Éthers-sels dérivés des cyclanols et des 
acides forméniques. Note de MM. J.-B. SeXpERENS et 
JEAN ABouLENC. — Sur la photolyse du saccharose par 
les rayons ultra-violets. Note de MM. Danigz BERTHELOT 
et HENRI GauorcHon, — Transformation d'un alcool 
en sulfure ou en peroxyde, au moyen de l'hydrogène 
sulfuré ou de l’eau oxygénée. Note de M. R. Fosse. — 
Sur quelques composés complexes du chlorure plati- 
neux avec l'amino-acétal. Note de MM. J. TCHOUGAEFF 
et B. ORELKINE. — Formation des chromosomes hété- 
rotypiques chez le Polypodium vulgare L. Note de 
M. R. oe LirTanDière. — Influence combinée de la 
température et du milieu sur le développement du 
Maucor Rourii. Note de M. Maurice DurANbARD. — Sur 
la présence de la gentiopicrine dans la Swertie vivace. 
Note de M. Marc Brivez. — Sur le rôle biochimique 
des peroxydases dans la transformation de l'orcine en 
orcéine. Note de M. J. Wor. 





ASSOCIATION FRANÇAISE 
POUR L'AVANCEMENT DES SCIENCES!) 


Congrès de Nimes, 


Zoologie, Anatomie, Physiologie. 


Le président de cette section était M. Gaston Dar- 
boux, professeur à la Faculté des sciences de Mar- 
seille, fils du savant mathématicien. 


M. Max. KoLLuann (Paris) présente un mémoire 
1° sur les organes génitaux males des Lémuriens; 2° sur 
les mitochondres de quelques épithéliums. 


La mytiliculture en France. M. Henri MarcHaxn. — 
Les choses ont empiré depuis 1890, où M. le professeur 
Raphaïl Dubois, de Lyon, les signalait : 1 200 000 kilo- 
grammes de moules vendues aux Halles sont d'origine 
étrangère et 13500 d'origine française ! 

Pour arriver à contre-balancer la concurrence étran- 
gère il conviendrait : 1° de confier le choix des empila- 
cements des parcs à des spécialistes; 2° d'établir une 
carte océanographique de toutes nos côtes; 3° de créer, 
à Tamaris, par exemple, un parc modèle, et de faire 
là une série de conférences auxquelles seraient conviés 
les marins de la flotte; 4° d'assurer par une surveil- 
lance effective le respect de la propriété des parcs; 
5 d'étudier toutes les circonstances susceptibles de 
polluer ou de contaminer les parcs; 6° enfin, de pré- 
voir une ṣérie d'améliorations décrites dans le mémoire 
de M. Marchand. Ces parcs pourraient encore rendre 


(4) Suite, voir p. 585. 


COSMOS 


643 


de signalés services à la spongiculture et à l’ostréi- 
culture. 


M. le D'R. JEANxEL indique et décrit la Faune des 
hautes montagnes de l'Afrique orientale. — Plusieurs 
centaines de mille individus animaux invertébrés 
et un millier d'échantillons botaniques, ont été rap- 
portés pour le Muséum par l’auteur. On y trouvera un 
grand nombre de formes nouvelles. 


M. Jacques PsiLiecuin. Les vertébrés des eaux 
douces du Maroc. — Ce pays possède dans la famille 
des Cyprinidés un nombre relativement élevé d'espèces 
particulières d'un genre largement représenté en 
Europe, le genre barbeau ; par contre, la présence de 
poissons comme la truite et toutes les formes ana- 
dromes et catadromes communes à ses eaux et aux 
nôtres, contribuent à donner à l’ensemble de sa faune 
ichtyologique un facies européen très prononcé. 


Recherches sur la croissance de la sardine (Clupea 
pilchardus Walb). — M. Louis Face (Banyuls-sur- 
Mer) arrive à conclure dans ce travail que cette Clupe 
peut atteindre, au moins dans l'océan, sa septième ou 
sa huitième année. Par ce caractère, la sardine avec 
le sprat qui vit six ou sept ans et le hareng qui 
atteint facilement sa douzième année, s'opposent 
aussi à l'anchois, dont on ne connait encore pas d'in- 
dividu ayant dépassé sa troisième année. Une crois- 
sance lente semble donc, dans ce cas, ètre en rap- 
port avec une longévité plus grande. C'est ainsi que 
les caractéristiques biologiques viennent à l'appui des 
caractères morphologiques qui ont engagé les auteurs 
à séparer les £Engarulideæ des Clupeidre. 


Distribution géographique de rertaines larres (Ülu- 
riennes)des poissons apodes. — L'étude de M. le D' Louis 
RouLE (Paris) le conduit aux résultats suivants comme 
conclusions : 

4° La ponte des apodes générateurs de larves tilu- 
riennes (qui sont sans doute des ophychyidés) s'ac- 
complit à proximité et au-dessus des grandes profon- 
deurs (zone mésoabyssale au-dessous du niveau 
franchement pélagial). 

2° Les espèces de ces générateurs habitent la Médi- 
terranée et l'océan Atlantique : elles font partie de la 
faune commune aux deux mers. 

3° Les dates de reproduction et celles du dévelop- 
pement embryonnaire sont en avance dans la Méditer- 
ranée et les parties chaudes de l'Atlantique, par 
rapport aux régions océaniques, plus froides, ainsi 
que cela se remarque chez plusieurs autres espèces 
de poissons. 


Notes sur les migrations des Chiroptères. M. Albert 
HuGves (Saint-Genies-de-Malgoirès, Gard). — Il semble 
résulter des observations de l'auteur faites dans deux 
grottes du département des Bouches-du-Rhône et 
dans une vingtaine de celles du Gard que les chauves- 
souris, plus particulièrement abondantes dans ces 
grottes du 1» octobre au 15 décembre, deviennent 
rares et méme introuvables par la suite, pour ne repa- 
raitre qu'au mois de mars. L'auteur signale, pour les 
quelques espèces et pour la petite région qu'il a pu 
observer, les dates qui lui paraissent ètre les époques 
les plus actives des passages, des déplacements ou 
des migrations. 


61: 


Observations sur la faune cécidologique de Provence. 
M. Jules Corre (Marseille). — Le catalogue de ces 
cécidies comprend 750 galles dont beaucoup sont 
nouvelles : la liste des cécidozoaires a été accrue de 
dix-huit espèces qui ont permis la création de deux 
genres nouveaux de microlépidoptères. L'auteur 
indique, dans son mémoire, quels sont, parmi les 
-cécidozoaires recueillis, ceux qui aident à donner à la 
faune provençale sòn caractère méditerranéen. 


M. Paul Paris. 1° Un cas de myase intestinale. — 
Des cas analogues chez l'homme ne sont pas rares : 


les espèces de diptères dont les larves peuvent para- 
siter notre tube digestif sont nombreuses : Anfhomya, ` 


Pogomya vivant aux dépens des végétaux; le Driso- 
phila melanogastra vivant dans la crème aigrie; le 
Piophila casei du fromage ; le Teichomyra fusca 
des urinoirs et des lieux d'aisance sont les espèces 
les plus fréquemment observées. Un cas spécial chez 
Thomme est signalé dans le mémoire. 

2° Curieux cas de tératologie chez une grenouille. — 
La voùte palatine portait en son milieu un œil normal 


de dimension et d’aspect, dont les bords étaient en 


continuité absolue avec la muqueuse buccale. 


MM. Macxan et J. Le LaniBoisiÈère. 1° Nouvelles re- 
cherches sur la densité des poissons. — Ces recherches 


COSMOS 


LA 


28 NOVEMBRE 1912 


ont porté sur 72 espèces’; on peut les diviser en deux 
groupes : 

1° Ceux dont la densité est inférieure à 1. 

2 Ceux dont la densité est supérieure à 1. Dans le 
premier se placent seulement des poissons d’eau 
douce; les poissons marins sont toujours plus lourds 
que leur milieu, l’eau de mer. 

Les poissons plats vivant au fond de la mer ont 
toujours une densité très supérieure à leur milieu. 

2 Nombre de myotomes chez les poissons. — Ce sont 
les squalides qui ont le plus de myotomes et les acan- 
thoptérigiens qui en ont le moins. 

La conclusion de ce travail est la suivante: 

Chez les poissons, le nombre des myotomes croit 
avec la rapidité de l'animal et décroit au fur et à 
mesure que la souplesse du corps diminue. De plus, 
le nombre de ces myotomes est sensiblement le même 
chez des espèces à vitesse ou rigidité identiques. 


Le poids des muscles pectoraux et le poids du cœur 
chez les animaux, M. A. MAGNAN, — Le poids du cœur 


. est directement en rapport avec le poids des muscles 


pectoraux. Pour les planeurs, l’effort fait pour voler 
est petit, le cœur l’est également. Pour les rameurs, 
le cœur est très développé. 


(A suivre.) E. HÉRICHARD. 





BIBLIOGRAPHIE 


La géographie humaine. Essai de classification 


positive. Principes et exemples, par JEAN 
BRUNES, professeur de géographie humaine au 


Collège de France, professeur honoraire de géo-. 


graphie aux Universités de Fribourg et de Lau- 

sanne. 2e édition, revue et augmentée, avec 

272 gravures et cartes dans le texte ou hors 

texte. Un fort vol. grand in-8° de xv-802 pages 

(20 fr). Librairie Félix Alcan, Paris. 

Le Cosmos a eu l’occasion, lors de la première 
édition de cette œuvre, de dire longuement tout le 


bien qu'il en pensait (Voir Cosmos, n° 4374 du 27- 


mai 4911, p. 574). Nous ne sommes pas étonnés 
de voir au bout d’un an et demi seulement paraitre 
une deuxième édition. Unique en son genre, 
capitale par sa maitrise el sa portée, la Géographie 
humaine de M. Jean Brunhes, dont nous saluons 
ici la récente nomination au Collège de France, 
s'est assurée une place dans toutes les bibliothèques 
sérieuses. Les développements nouveaux introduits 
par l’auteur concernent surtout les relations entre 
la géographie proprement dite et l'ethnographie, 
c'est-à-dire que l’auteur y perfectionne celles de 
ses idées personnelles qui avaient le plus intéressé 
le monde savant. 


Fisica medica (fisiologia, clinica, terapia), 
par le professeur C. P. Gocaia (8,50 lires). Ulrico 
Hœæpli, éditeur à Milan. 

Ce manuel appartient à la collection Hæpli dont 

l'éloge n'est plus à faire; mais pour nos lecteurs il 


a une autre recommandation, le nom de son 
auteur, dont ils connaissent par expérience la clarté 
et le talent d'exposilion. 

Il serait difficile de rendre compte en quelques 


. lignes d'un ouvrage traitant de matières aussi 


importantes résumées en 68 chapitres et environ 
1 000 pages. Qu'il nous suffise de dire qu'il est très 
complet et que les méthodes électriques qui se sont 
introduites sous toutes les formes dans la théra- 
peutique y tiennent une large place; les dernières 
découvertes y sont l’objet de chapitres spéciaux. 

Nous le recommandons à tous les étudiants en 
médecine, et aussi à toutes les personnes curieuses 
des choses de la science, qui connaissent la langue 
italienne. 


La théorie du navire, par M. BocRDELLE, ingé- 
nieur principal de Ia marine, du cadre de 
réserve. Deux vol. in-18 jésus, cartonnés toile, 
formant 750 pages, avec 249 figures dans le 
texte (10 fr). Librairie O. Doin et fils, 8, place 
de l'Odéon. 


La librairie Doin a déjà publié dans son Ency- 
clopédie scientifique deux ouvrages: Constructions 
navales, de M. Rougé, et Machines et chaudières 
marines, de M. Drome; celui que nous signalons 
aujourd'hui complète un ensemble sur l'état actuel 


> de la science et de l'architecture navale. Nous 


estimons que ce dernier ouvrage aurait dû prendre 
le premier rang dans cette série. 
Le premier volume de cette théorie des navires 


Ne 1453 


comprend l’étude géométrique et stalique des 
navires et les méthodes pratiques de calcul des 
carènes. | 

Le second volume est relatif à l'étude de la 
résistance des carènes, aux mouvements du roulis 
et aux qualités nautiques. 

Quoique l’auteur se soit efforcé de choisir les 
démonstrations les plus simples parmi les plus 
rigoureuses, de manière à faciliter dans la plus 
grande mesure Ja lecture de l'ouvrage, nous devons 
prévenir nos lecteurs que M. Bourdelle n'a pu 
éviter dans bien des cas le domaine des mathéma- 
tiques supérieures. Son livre s'adresse donc plutôt 
aux spécialistes qu'au grand public. 


Œuvres de Charles Hermite, publiées sous les 
auspices de l’Académie des sciences, par Émire 
Picard, membre de l'Institut, t. IHI. Volume de 
iv-527 pages avec un portrait {18 fr). Librairie 
Gauthier-Villars, Paris, 4942. 

Les Mémoires ici reproduits vont de 1872 à 1880. 
Ce volume commence toutefois par un travail iné- 
dit Sur l'extension du théorème de Sturm à un 
système d'équations simultanées, datant de la 
jeunesse d’Hermite, retrouvé récemment dans les 
papiers de Liouville. On lira aussi dans ce tome 
divers chapitres empruntés au Cours d'analyse de 
l'École polytechnique, une note publiée dans l’A[- 
gèbre supérieure de Serret sur les équations réso- 
lubles par radicaux, et enfin une lecon sur l’Équa- 
tion de Lamé, faite à l'Ecole polytechnique pen- 
dant l'hiver de 1872-1873, qui semble bien contenir 
les premières recherches d'Hermile sur une question 
qu’il devait approfondir quelques années plus tard. 

Le portrait placé au commencement du volume 
représente Hermite vers l’âge de soixante-cinq ans. 


Annuaire du Bureau des longitudes pour 
19138 (1,50 fr). Librairie Gauthier-Villars, Paris. 


Cet annuaire, si précieux par le nombre des do- 
euments qu'il contient, renferme pour cette année 
4913, après les documents astronomiques, des 
tableaux relatifs à la métrologie, aux monnaies, à 
la géographie, à la stalistique et à la météorologie; 
on sait que c’est la part réservée aux années de 
millésime impair, les années paires contenant, 
outre les documents astronomiques, communs à 
toutes les éditions, les tableaux détaillés relatifs à 
la physique et à la chimie. 

Le volume se termine par d’intéressantes notices : 
du commandant FERRÉ sur l'Application de la 
télégraphie sans fil à l'envoi de l'heure, et de 
M. Bicourpan sur l'Éclipse de Soleil du 17 avril 
1912 (résumé des observalions qu’elle a permis 
d'effectuer). 


La pêche au bord de la mer, par L. JOUENNE et 
J.-H. Perreau. Un vol. in-48 de 324 pages, illustré 


COSMOS 


615 


de nombreuses photogravures (cartonné : 4 fr.). 
Librairie J.-B. Baillière et fils, 49, rue Haute- 
feuille, Paris. 


La pêche au bord de la mer est un des plus 
grands plaisirs qu'on puisse trouver pendant les 
séjours annuels que tant de baigneurs vont faire 
sur nos côtes françaises. Elle présente plus de 
variété et plus d’attraits que la pêche en eau douce, 
et chacun peut trouver, parmi les différents genres 
de pêche, celui qui convient le mieux à ses goûts 
et à son tempérament. Bien que, depuis quelques 
années, se dessine chez nous un mouvement en 
faveur de ce sport sain et captivant, nous sommes 
encore loin d'égaler les Anglais, chez qui la pêche 
en mer, surtout la pèche à la ligne, est pratiquée 
avec passion. 

C'est pour développer en France la pèche en eau 
salée que les auteurs ont écrit cet ouvrage. Ces 
deux fervents de la mer ont une grande connais- 
sance et une longue pratique de la pèche. Aussi 
trouvera-t-on dans ce livre des conseils prutiques 
qui feront en peu de temps, de l'amateur le plus 
inexpérimenté, un pêcheur très averti. À côté des 
ines distractions de la vie active, l'hôte passager 
de nos plages se passionnera à l'attrait imprévu 
des choses de la mer. 

Ajoutons aussi que le simple lecteur suivra 
avec plaisir les descriptions remplies d'intérèt 
des différents genres de pêche: pèche des grèves, 
pêche de rocher, en bateau, dans les estuaires, 
dans les ports; l'énumération des engins faciles 
à se procurer, des amorces qui se trouvent sur le 
bord mème de la mer, des poissons qu'on peut 
prendre; et tout cela, joint aux sensations mul- 
tiples éprouvées et racontées par les auteurs, aura 


pour résultat de transformer à l'occasion de simples 


baigneurs en pêcheurs convaincus. 


Conférences sur la cinématographie, par 
M. E. Kress, organisées par le Syndicat des 
anteurs et gens de lettres. Librairie Charles 
Mendel, 4418, rue d'Assas, Paris. 


4 conférence: L'appareil de prise de vues 
cinématographiques (0,75 fr). 

5° conférence : La prise des vues cinéematogra- 
phiques ; éclairages et couleurs (0,30 fr). 

6° conférence: La décoration, le costume, le 
maquillage (0,75 fr). 

7° conférence : Trucs et illusions (0,30 fr). 

8° conférence: Le geste et l'attitude: l'art 
mimique au cinématographe (0,30 fr). 

Ces conférences, très documentées, s'occupent 
de la prise des vues; elles sont donc particulièrement 
utiles aux fabricants de films, mettleurs en scène, 
acteurs, à tous ceux qui désirent composer un 
tableau à reproduire par la cinématographie. 


———— —— 2 -c MMM 


616 


COSMOS 


28 NOVEMBRE 1912 


FORMULAIRE 


Imperméabilisation du béton. — Obtenir un 
béton imperméable est la préoccupation des con- 
structeurs. Au sixième Congrès de l'Association 
internationale pour l’essai des matériaux, qui s'est 
tenu à New-York au mois de septembre, M.Grittner, 
de Budapest, a fait connaitre que les produits offerts 
par le commerce pour imperméabiliser le béton 
sont peu satisfaisants. Deux procédés seulement 
lui ont réussi : 

4° La fluatation, c'est-à-dire le traitement super- 
ficiel par des fluosilicates qui, en se décomposant 
au contact du carbonate calcaire, donnent lieu à 
des corps insolubles, comme la silice et le fluorure 
de calcium, qui remplissent les pores du béton; 
mais ce traitement exige beaucoup de travail; 

2° L'emploi d'une solution de savon de potasse 
(savon noir mou) à 8 pour 100, au lieu d’eau, pour 
la préparation du béton, à condition d'employer 
un dosage d'au moins 300 kilogrammes de ciment 
par mètre cube de béton. 

Au même Congrès, M. Gary a déclaré avoir fait 
des essais sur vingt matières imperméabilisantes 
diverses : au début, les résultats sont souvent 


excellents, notamment avec le mortier à 5 pour 100 
de savon de potasse et à 4-5 pour 100 d'huile lourde 
en émulsion; mais toujours quand l'eau est par- 
venue à passer, les produits ont perdu toute effica- 
cité. Le meilleur moyen d’imperméabiliser le béton 
est, selon lui, de le revêtir de plusieurs eaduits 
successifs de ciment pur, puis de le badigeonner 
au goudron. 

Le Génie civil du 16 novembre nous apprend 
que, à Paris, au laboratoire de l’École des ponts et 
chaussées, on a de même reconnu que les produits 
imperméabilisants du commerce, qui donnent par- 
fois une étanchéité parfaite aux faibles pressions 
(quelques décimètres d'eau), se laissent tous tra- 
verser aux fortes pressions; et alors, généralement, 
le mortier constitué avec eux devient plus per- 
méable que celui qui ne les contient pas. Un béton 
à forte dose de ciment, recouvert de goudron, 
parait le mieux résoudre le problème de l'étan- 
chéité à l’eau. Les enduits trop gras augmentent 
peu l'étanchéité, car ils se fissurent par le retrait, 
conséquence de leur dosage excessif en ciment, et 
adhérent mal au bélon moins riche. 





PETITE 


H. O. V. E. — Nous complétons ici les renseigne- 
ments qui vous ont été donnés dans le dernier numéro 
à propos de l'extraction du tartre des lies de vin. 
Vous trouverez un chapitre très documenté sur cette 
question dans l'ouvrage les Dérivés tartriques du vin, 


par M. P. Cares (4,90 fr). Librairie Mulo, 12, rue 
Iautefeuille, Paris. 
M. G. L., à D. — Pour la construction des cerfs- 


volants, vous trouverez à la librairie aéronautique, 
32, rue Madame, Paris, le Constructeur de cerfs- 
tolants avec indications et plans, par Dunoucuer et 
Paorcue, Il y a plusieurs séries : la première sur les 
cerfs-volants simples (1,50 fr); nous croyons que 
d'autres ont déjà paru. Voir aussi le livre de Leconntu : 
les Cerfs-volants (3,50 fr), que vous trouverez à la 
mème librairie. | 

M. J. Z., à V. (Espagne). — Le fil servant à la con- 
fection de la bobine primaire et de la bobine secon- 
daire est le mème; d'ailleurs, vous avez dù trouver 
dansle dernier numéro toutes les indications qui vous 


manquaient pour constituer le montage en induction. 
Dans celui-ci, vous aurez les renseignements voulus 
pour recevoir les signaux de Norddeich. 

M. L. R, à M. — Nous ne vous conseillons pas de 
construire vous-méime un récepteur téléphonique: il 
est bien plus simple d'en acheter un tout fait spécial 


pour la T. S. F. Vous pouvez très bien en construire 
un de $900 ohms de résistance avec lequel vous 
entendrez beaucoup moins nettement qu'avec un 
Simple appareil de bazar. La fabrication de ces récep- 


CORRESPONDANCE 


teurs trés sensibles est très délicate. — L'Élertricien, 
librairie Dunod et Pinat, 49, quai des Grands-Augus- 
tins, Paris (0,50 fr le numéro). 


D' T., à C. — Le lessivage du tabac utilisé pour la 
fabrication du « caporal doux » lui fait perdre environ 
les deux tiers de sa nicotine. La teneur en nicotine du 
tabac ordinaire variant entre 2,5 et 2,9 pour 100 
{matières sèches), le caporal doux n’en contient plus 
que de 0,8 à 1,0 pour 100. Vous pouvez faire d’ailleurs 
vous-même le dosage de la nicotine par la méthode 
Schlæsing, que nous avons décrite dans le naméro 
1417 du Cosmos (21 mars 1912). — Ouvrages sur 
l'électricité : L’ Electricité et ses applications, par 
L. GrærTz (12 fr). Masson, 126, boulevard Saint-Ger- 
main, Paris. 

M. J. D., à B. — Un kilogramme de matière grasse 
extraite du lait donne un peu plus de un kilogramme 
de beurre, car le beurre commercial contient en plus 
de 10 à 1# pour 100 d'eau et 2 pour 100 de matières 
diverses (sels, caséine.....). 100 kilogrammes de ma- 
tière grasse fournissent 106 à 112 kilogrammes de 
beurre commercial. — La crème extraite du lait ren- 
ferme, suivant la provenance des laits, de 20 à 40 pour 
100 de matières grasses. Un kilogramme de crème 
donne donc de 200 à 400 grammes de beurre. — N 
n'est pas possible de trouver le renseignement demandé 
par votre troisième question; cela dépend de trop de 
facteurs. 





Imprimerie P. Fenon-Vaac. 3 et 5, ruo Bayard, Paris, VII’. 
Le gérant: A. FaioLt. 


No 1454 — !j DÉCEMBRE 1919 


COSMOS 


617 


SOMMAIRE 


Nécrologie. — Le R. P. VINCENT DE PauL BaiLzy, p. 617. 


Tour du monde. — Un cas de foudre globulaire double. L'origine des rayons 8 et y des substances radio- 
actives. Les plantes-boussoles. Signaux horaires internationaux. Le dragage de l'or. Tissus de coton 
incombustibles. L'Association des sciences anglaise, p. 618. 

Revue de l’aviation : le Salon des avions en 1912, Fournier, p. 622. — L’hygiène du beurre, 
G. CHARRIÈRE, p. 624. — Les pyrèthres, AcLoQuE, p. 626. — Thermomètre à contact électrique, A.B. 
p. 629. — Nouveau phototélégraphe portatif Ed. Belin, Boyer, p. 630. — Les races humaines néo- 


lithiques, G. Driorx, p. 633. — Sismographe Cartuja à composante verticale, R. P. Navarro, 
NEUMANN, S. J., p. 635. — Perceptions successives de l’infiniment petit, Rousser, p. 636. — Obser- 
vations relatives aux manifestations vocales d’un anthropoïde, L. BouTax, p. 638. — Sociétés 


savantes : Académie des sciences, p. 639. — Association française pour l'avancement des sciences (suite), 


HéricHanD, p. 641. — Bibliographie, p. 642. 


ES 
LE R. P. VINCENT DE PAUL BAILLY 


Le Cosmos, qui s'abrite depuis vingt-huit ans à 
la Maison de la Bonne Presse, dépose aujourd'hui 
ses regrets et ses prières sur la tombe du vénéré 
P. Vincent de Paul Bailly, le fondateur de cette 
Maison, celui qui, en 1884, un mois après la mort 
de M. l'abbé Moigno, recueillait notre revue, à côté 


du Pèlerin et de la Croix, pour la faire vivre et 
grandir. 

Il s'est doucement éteint à Paris le lundi 2 dé- 
cembre, au matin, ayant juste achevé sa quatre- 
vingtième année. 

Né le 2 décembre 1832, il vit passer dans les 





salons de son père et à la Société des Bonnes 
Etudes tout ce que la renaissance catholique 
comptait dhommes apostoliques. De ce centre 
d'œuvres allait bientôt germer notamment l’œuvre 
des Conférences de Saint-Vincent de Paul. 

En 1852, il entra dans l'administration du télé- 
graphe, qui venait de naitre et dont on entrevoyait 
seulement les immenses applications qui devaient 


T. LXVII. No 1454. 


révolutionner} le monde. Le personnel était bien 
peu nombreux alors, et le P. Bailly a conté com- 
ment il eut l'idée de correspondre avec des sta- 
tions de plus en plus lointaines et fit ainsi nota- 
blement progresser l'invention en se passant des 
relais que l’on avait cru d'abord nécessaires. 

Il fut quelque temps attaché comme télégra- 
phiste au service personnel de l’empereur. 


618 


S'étant à diverses reprises retrouvé à Nimes 
auprès du P. d’Alzon, qu'il avait connu à Paris 
dans les salons de M. Baïlly, il entra à vingt-huit 
ans dans la Congrégation nouvellement fondée 
des Augustins de l'Assomption, en même temps 
que son plus jeune frère Emmanuel, aujourd'hui 
Supérieur général de la Congrégalion. 

Ordonné prètre à Rome, directeur du collège de 
Nimes, aumônier des zouaves pontificaux, aumo- 
nier militaire à la guerre de 1870, il avait bien 
mérité déjà de la religion et de la patrie. Mais 
dès lors, les œuvres de presse allaient principale- 
ment prendre son activité, sans l’empècher de 
travailler aux œuvres des cercles ouvriers et des 
pèlerinages à Lourdes, Rome et Jérusalem. 

Depuis douze ans, la persécution dirigée contre 
les Congrégalions tenait le vénérable religieux 


à l'écart de la Croix, fondée et dirigée par lui. 


M. Paul Feron-Vrau assuma la lourde tâche de la 
Maison de la Bonne Presse, qu'il a dù, à cause des 


COSMOS 


Ə DÉCEMBRE 1942 


décisions de la justice, acheter et payer deux fois. 

Une belle et haute pensée a dominé toute la vie 
du P. Vincent de Paul Bailly, la pensée que le 
P. d’Alzon a résumée dans la devise de l’Assomp- 
tion : Adveniat regnum tuum. Faire régner Dieu 
dans les esprits d’abord: le P. Bailly avait voulu 
que le Cosmos eùt, lui aussi, ce ròle, à côté des 
autres publications catholiques de la Bonne Presse, 
en montrant que la vérité scientifique s'allie sans 
peine à la vérité intégrale telle que nous la pré- 
sente l'Eglise catholique. 

M. Bernard Bailly, le frère du vénéré défunt, a 
assumé auprès de lui cette tâche depuis l’année 1884, 
époque où il a pris la direction du Cosmos. 

Nous le prions très particulièrement, en cette 
douloureuse circonstance, d'agréer l'hommage de 


notre vive sympathie, à laquelle nous osons joindre 
celle de tous nos lecteurs. 


La Rédaction du Cosmos. 


RE 
TOUR DU MONDE 


MÉTÉOROLOGIE 


Un cas de foudre globulaire double. — Un 
cas remarquable de foudre en boule vient d'être 
décrit par MM. H. Dember et U. Meyer (Ciel et 
Terre, sept.). L'endroit où le phénomène se pro- 
duisit, quoique des nuages orageux fussent visibles 
à proximité, n’élait pas à ce moment visité par 
l'orage, et, fait exceptionnel, aucun éclair ordinaire 
ne précéda la foudre globulaire. Au moment où le 


météore fut aperçu, il était composé de deux globes 


situés l’un au-dessus de l'autre et reliés par un 
mince cordon faiblement lumineux d'apparence 
granulaire. 

Les deux globes, de couleur orange, étaient 
animés d'un mouvement horizontal commun dirigé 
vers le Nord-Est (tandis qu'à un kilomètre de là, 
au point où se tenaient les observateurs, le: vent 
soufflait du Nord); le globe supérieur, le plus 
gros des deux, se tenait à distance constante du 
sol; l'autre descendit jusqu’à la surface du sol et 
le cordon lumineux s'éteignit, et les deux globes 
continuèrent de se mouvoir horizontalement, en se 
tenant tonjours sur une verticale commune. Le 
météore resta visible pendant deux minutes, durée 
exceptionnelle qui fut peut-être favorisée par 
l'absence de pluie ou d'agitation atmosphérique. 
Enfin les deux globes s'étcignirent sans coup de 
foudre final, d'une manière complètement silen- 
cieuse. m; 

Le cas précédent diffère sensiblement du cas 
typique de foudre globulaire tel qu'il était déerit et 


expliqué par le professeur W.-M. Thornton, du col- 
lège Armstrong, de Newcastle-sur-Tyne; d’après 
cet auteur, la foudre globulaire descend lentement 
d’un nuage, généralement après un violent coup de 
tonnerre, sous la forme d’une boule lumineuse 
bleuätre; elle rebondit du sol lorsqu'elle le touche, 
puis se déplace encore quelques mètres horizonta- 
lement. Ces boules suivent volontiers un conducteur 
électrique, par exemple une conduite de gaz, et 
éclatent lorsqu'elles entrent en contact avec l’eau; 


l'explosion se produit aussi quelquefois en l'air. 


La boule disparait alors instantanément en produi- 
sant une violente explosion qui peut causer des 
dégâts importants et qui dégage une forte odeur 
d'ozone. L’ozone est un composé d'oxygène à trois 
atomes 0°, qui se forme notamment avec accom- 
pagnement d'une lueur bleuâtre, lors des décharges 
atmosphériques intenses, sous l'action de l'étin- 
celle électrique, aux dépens de l'oxygène ordinaire 
de l'air, dont la molécule est diatomique, O°. 
Thornton prétend justement que la foudre glo- 
bulaire est principalement constituée par une 
masse d'ozone : dans cette hypothèse, on s'explique 
que la teinte de la boule soit généralement bleuûtre, 
que celte masse lumineuse descende lentement à 
travers l'atmosphère, vu que la densité de l'ozone 
est environ 1,7 fois celle de l'air, et enfin que la 
disparition instantanée de cette boule bleuâtre se 
fasse avec explosion, car la transformation de 
l'ozone en oxygène libère une graade quantité 
d'énergie. L'’ozone serait engendré lors d'une dé- 
charge atmosphérique de la mème manière qu'il 


No 145% 


prend naissance à l'extrémité d'une pointe elec- 
trisée, qui est le siège d’une intense ionisation. 

Les cas de foudre globulaire peuvent fort bien, 
comme on l’a vu plus haut, ne pas se conformer 
tous au schéma classique de M. Thornton. 


PHYSIQUE 
L'origine des rayons 8 et ; des substances 
radio-actives. — Une subslance radio-active, en 


se désagrégeant, émet dans l’espace avoisinant de 
l'énergie sous la forme de trois rayonnements dis- 
tincts, qu'on a désignés par les trois premières 
lettres grecques a, 8, y. Les rayons « sont formés 
par un flux, une succession de particules a, qu'on 
sait être des particules matérielles chargées d'élec- 
tricité positive et expulsées par l'atome radio-actif 
à l'instant où il se transforme; M. Rutherford a 
montré que la particule « n’est pas autre chose 
qu'un atome d'hélium (de masse quadruple de celle 
de l'atome d'hydrogène : H = 1; He = 4) et qui 
porte avec lui deux fois la charge élémentaire 
d'électricité positive (car, comme la matière, l’élec- 
tricité a une structure corpusculaire, on est arrivé 
à la conception d’un atome d'électricité indivisible ; 
les quantités d'électricité que l’on mesure sont tou- 
jours un multiple entier de cet atome et les valeurs 
intermédiaires n'existent pas). Pour chaque sub- 
stance radio-active, la vitesse initiale d'émission 
des particules a est bien déterminée; elle est tou- 
jours la même pour l’atome radio-actif considéré. 
Ainsi l'émission des rayons « est assez simple. 

Dans le cas des rayons 8, la complexité est un 
peu plus grande. Est-il nécessaire de rappeler 
d'abord quelle est la nature de ce rayonnement? Il 
est analogue au rayonnement cathodique des am- 
poules à vide : c'est un flux de particules 8, c'est- 
à-dire de parcelles élémentaires d'électricité néga- 
tive (ou électrons), dont chacune a une masse 
égale à environ un millième de celle de l'atome 
d'hydrogène. Les rayons 8 ne diffèrent les uns des 
autres que par la vitesse initiale avec laquelle les 
particules B sont expulsées, soit par la cathode de 
ampoule à rayons X, soit du sein de l'atome 
radio-actif : vitesse qui est d'ailleurs toujours 
énorme et comparable à celle de la lumière. 

Or, les travaux de V. Baeyer, Hahn, Meitner ct, 
plus récemment, ceux de Danysz ont fait voir 
qu'une substance radio-active déterminée expulse 
non pas une, mais plusieurs sortes de rayons 3 ca- 
ractérisés chacun par une certaine valeur bien 
déterminée de vitesse initiale. Le fait a été mis en 
évidence par Hahn sur les produits radio-actifs 
Thorium D et Mésothorium 2; Danysz, en déviant 
par l'aimant le faisceau émis par le Radium B et 
le Radium C, a constaté que le spectre des rayons 8 
ainsi étalé comporte 23 groupes distincts, corres- 
pondant à autant de valeurs distinctes de la vitesse 
des particules 6. 


COSMOS 


619 


Comment s’expliquer que le rayonnement $, à 
la différence du rayonnement a, ne soit pas homo- 
gène? M. Rutherford propose l'explication sui- 
vante (Revue scientifique, 23 nov.) : 

En principe, loutes les parlicules 8 émises par 
une substance radio-active délerminėe sont chas- 
sées avec la mème vitesse. Mais latome chimique 
d'où prend naissance ce corpuscule 8 est un monde : 
un monde en miniature, sans doute, mais un 
monde quand mème très vaste, eu égard aux 
dimensions du corpuscule 8. On sait en effet que 
J.-J. Thomson a comparé d'une façon suggestive 
l'atome chimique à une sorte de système astrono- 
mique minuscule, constitué, en guise de planètes, 
par plusieurs anneaux concentriques d'électrons; 
ceux-ci gravitent autour d'un centre d'électricité 
positive, et ils sont généralement en équilibre 
stable sous l’action des attractions et répulsions 
électriques mutuelles ainsi que de la force cen- 
trifuge; mais chez les atomes radio-actifs, pour 
une raison d'ailleurs jusqu'ici inconnue, cet équi- 
libre se trouve à certains moments détruit, l’un 
des petits asilres de ce système astronomique 
s'échappe, et les autres reprennent pour un certain 
temps un élat d'équilibre différent et constituent 
un corps chimiquement différent. 

Il arrive donc que le corpuscule 8 (électron), 
avant d'avoir quitté définitivement le système, 
rencontre une fais, deux fois, trois fois, etc., les 
autres éléments constitulifs du groupe, d'où, à 
chaque fois, une perturbation, un choc, qui lui fait 
perdre une fraction déterminée de sa vitesse : cer- 
tains électrons sortent de l'atome sans choc, 
d'autres après un choc, d’autres après plusieurs. 
On comprend assez bien, en cette hypothèse, com- 
ment le Radium B et le Radium C peuvent 
émettre jusqu'à 23 sortes de rayons 4. 

En mème temps sont émis des rayons +. Les 
rayons y sont identiques aux rayons X; ce sont des 
perturbations électriques qui prennent naissance 
aux endroits heurtés brusquement par un corpus- 
eule 3. En fail, on constate que les substances 
radio-actives, telles que le Radium C, le Thorium D, 
le Mésothorium ?, qui possèdent des rayons 3 de 
diverses sortes, émettent aussi des rayons y péné- 
trants. Toujours dans la théorie de Rutherford, on 
saisit bien l'origine des rayons y en question; ils 
ont pris naissance à l'intérieur mème de l'atome 
radio-actif et ils représentent justement l'énergie 
soustraite aux corpuscules 8 en mouvement, lors 
des chocs et des pertes de vitesse que ceux-ci ont 
eu à subir. 


BOTANIQUE 


Les plantes-boussoles (Ciel et Terre, sep- 
tembre).— Sous ce nom, les botanistes américains 
et allemands désignent certaines plantes dont les 
feuilles se placent naturellement dans un plan plus 


620 


ou moins rapproché du méridien. La plus connue, 
dans les prairies du Far-West, est le Si/phium 
taciniatum; elle alteint là une hauteur de près de 
3 mètres et est dénommée vulgairement compass 
plant. Ce sont les plantes jeunes qui présentent 
l'orientation la plus nette; les feuilles radicales se 
tordent de façon à présenter leurs faces à l'Ouest 
et à l'Est, les pointes au Nord et au Sud par con- 
séquent. Depuis longtemps, les chasseurs de la 
prairie utilisent cette propriété pour s'orienter par 
ciel couvert. De même, sir Joseph Hooker, en che- 
min de fer, reconnaissait bien vite les changements 
de direction à l’apparence générale des Si/phium 
éparpillés dans la plaine (Cosmos, t. XXXV, p. 255). 
_ En Europe, cette propriété curieuse est frappante 
chez la laitue sauvage (Lactuca scariola), et il est 
étonnant qu'elle n’ait pas plus tôt attiré l’attention, 
quoiqu’on eût remarqué le parallélisme des plans 
verticaux des feuilles rares de cette plante, sans 
y reconnaitre le plan méridien. Un savant alle- 
mand, Stahl, a récemment publié une intéressante 
monographie de cette plante dans laquelle il met 
en évidence les raisons physiologiques de la parti- 
cularité qu'elle présente. 

On peut l'attribuer, d'après lui, à ce que, pour 
assurer son existence et le développement de ses 
graines, la laitue sauvage doit utiliser le plus long- 
temps possible le rayonnement solaire et éviter 
en même temps une insolation trop active; la rigi- 
dité de ses tiges empècherait d’aillenrs les feuilles 
de se déplacer aisément, comme le font celles de 
tant d’autres plantes héliotropiques. Il faut écarter 
ici des hypothèses, comme celle d'une défense in- 
stinctive contre la violence de vents constants, qui 
pourrait cependant avoir une certaine valeur dans 
le cas des plantes des prairies (Texas-Arizona) et 
en tout cas celle assez bizarre d'une protection 
naturelle contre ła grêle qu'a émise autrefois le 
botaniste Delpino. On sait que certains arbres, 
comme les eucalyptus, se font remarquer par la 
position particulièrede leurs feuilles, qu’ils exposent 
le moins possible aux rayons solaires; mais pour 
eux, il s'agit d'éviter l’évaporation trop rapide du 
liquide des cellules épidermiques, et les plans ver- 
ticaux variés des feuilles n'ont rien de particuliè- 
rement astronomique. 


TÉLÉGRAPHIE SANS FIL 


Signaux horaires internationaux. — La Con- 
férence internationale de lheure, qui s'est ouverte 
à Paris le 15 octobre 1912, s’est préoccupée de 
l'unification des méthodes d'envoi de l'heure par 
la radiotélégraphie. Jusqu'ici, les signaux sont très 
différents pour les divers postes d'émission (Paris, 
Norddeich, Washington, Halifax). Is se répartissent 
à «les intervalles irréguliers : ainsi Paris et Nord- 
deich, la nuit, n’émettent leurs signaux qu’à un 
quart d'heure d'intervalle, à 23°45" et à 24"Om. La 


COSMOS 


5 DÉCEMBRE 1912 


Conférence a jugé désirable qu’en chaque point du 
globe on puisse toujours recevoir un signal horaire 
de nuit et un signal horaire de jour, le nombre 
total des signaux perceptibles en ce point ne 
dépassant pas, en principe, quatre par 24 heures. 

La répartition définitive des centres d'émissions 
horaires sera confiée à la Commission internatio- 
nale de l'heure. La liste ci-dessous indique les sta- 
tions qui seront vraisemblablement en état, au 
4°" juillet 1913, de jouer le rôle de centres d'émis- 


0 





pp EE 
s/ xX HO 
PL ST Pa 
Ÿ 


DIAGRANME INDIQUANT LE GENRE ET LA DISTRIBUTION 
DES SIGNAUX HORAIRES INTERNATION AUX. 


De 57% o° à 575o : signaux d'avertissement. 
De 57755" à 58® 0° ; 

De 58e 8 à 59® 0" > signaux horaires. 

De 59= ü* 4 60% 0° 


sions horaires, et les heures auxquelles devront 
être faites ces émissions : 


Heures. 

temps civil de breenwieh. 
Parisiens it en aa 0 (minuit). 
San Fernando (Brésil)........... 2 
Arlington (États-Unis) ........... 3 
ManHle:ssss secs este 4 (provisoire). 
Mogadiscio (Somalie italienne)... 4 
Tombouctou .................... 6 
PaTIB ii semis ie 10 
Norddeich-Wilhelmshaven....... 42 (midi). 
San Fernando (Brésil) ........... 16 
Arlington (États-Unis)........... 17 
Massaouah {Erythrée)............ 18 
San Francisco ….................. 20 
Norddeich-Wilhelmshaven....... 22 


Toute station horaire autre que les précédentes, 
qui viendrait à être créée, ne pourra, en principe, 
faire ses émissions qu'à des heures (de Greenwich) 
rondes, différentes des heures ci-dessus. 

Les signaux horaires seront uniformément pro- 
duits conformément au schéma ci-dessus. 


N° 1154 


Les signaux d'avertissement de 570 à 57530 
seront effectués à la main par l'opérateur télégra- 
phiste; mais les signaux horaires proprement dits, 
figurés en traits et en points plus gros sur le 
schéma, seront effectués automatiquement par la 
pendule : les traits couvrent une durée d'une 
seconde et les intervalles sont aussi d'une seconde; 
les points couvrent un quart de seconde. 

Le nouveau système de signalement de l'heure 
ne prendra, comme on voit, que quatre minutes, et 
il fournira plus de trente tops horaires nets et suf- 
fisamment précis pour répondre aux besoins pré- 
sents de la navigation, des services de chemins de 
fer, de la météorologie, de la sismologie et de 
l'étude du magnétisme terrestre. 

Lescentresd'émissionshoraires ferontusage d'une 
longueur d'onde uniforme d'environ 2 500 mètres. 


MINES 


Le dragage de l’or. — En 1941, la production 
aurifère mondiale s’est chiffrée à 3330 millions de 
francs; sur celte somme considérable, près de 
102 millions de francs représentent la valeur de 
l'or extrait, à l’aide de dragues, de sables alluvion- 
naires. Parmi les contrées où le métal précieux est 
recueilli de cette manière, la Californie occupe le 
premier rang avec une production de #41 millions 
de francs. Les districts aurifères de l'Alaska et du 
Yukon viennent ensuite avec 17,5 millions de 
francs, puis la Nouvelle-Zélande, qui a vu naitre 
cette industrie, et dont le rendement dépasse 
7,5 millions de francs. Enfin, la production de la 
Sibérie est supérieure à 14 millions de francs. 

On estime qu'un nombre total de 390 dragues 
est actuellement en activité, depuis les appareils 
primitifs en usage aux Philippines et les petites 
dragues employées dans la Guyane hollandaise, 
jusqu'aux formidables engins d’une capacité de 
presque un demi-mètre cube qui servent aux dra- 
gages de l'or en Californie et au Yukon. 

La première tentative de dragage de l'or a été 
effectuée en 1867, dans la Nouvelle-Angleterre. 
Cette industrie a, par la suite, fait de rapides pro- 
grès, et, en 1889, il y avait en Nouvelle-Zélande 
toute une flottille de bateaux-dragues d’un tonnage 
restreint et dont le prix par unité n’excédait pas 
400 000 francs. 

La première grande drague a été mise en service 
en Californie dans le courant de l'année 4898; 
c'est elle qui a servi depuis de modèle à toutes les 
autres employées, soit dans l'Alaska, soit dans le 
Yukon ou la Sibérie. 

La production du Colorado, en 19114, a atteint envi- 
ron { 750000 francs;celle du Montana,3:00000 francs, 
et le rendement de l’Idaho, 1 050 000 francs. D'autre 
part, pendant cette mème période, des dragages 
aurifères ont été effectués avec quelque succès 
dans le South Dakota, l'Arizona et dans l'Etat de 





COSMOS 


621 


Nevada. Dans ces régions, les travaux sont relali- 
vement faciles; il n'en est pas de mème dans 
l'Alaska et le Yukon, à raison de ce fait que le gra- 
vier y est presque toujours durci par le gel. 

Dans l'Amérique du Sud, le dragage des sables 
auritères a réalisé quelques progrès au cours de 
ces dernières années, notamment au Brésil, dans 
l'Argentine, la Colombie, ainsi que dans les Guvanes 
hollandaise et française. En Sibérie, cette indus- 
trie prend de plus en plus d'importance. 

Il a été installé récemment une drague puissante 
près du lac Baikal, et il doit s'y en établir plusieurs 
autres. 

L'industrie du dragage de lor tend à se déve- 
lopper également dans la partie méridionale de 
l'Amérique du Sud, de la Terre de Feu; en Asie, 
dans la péninsule malaise, ainsi qu'à la Gòte de FOr 
et dans la Guinée française, en Afrique occidentale. 


INDUSTRIE 


Tissus de coton incombustibles (Technique 
moderne, 15 novembre). — On a de tout temps 
cherché à se prémunir contre le feu, en rendant 
incombustibles le bois et les étoffes. On a successi- 
vement employé un mélange de vinaigre et d'ar- 
gile, l'argile et le gypse, le mélange d'alun, de 
borax et d'acide sulfurique, l'alun et le sulfate de 
fer, puis le silicate de soude et la craie, le sulfate 
de cuivre, le phosphate d'ammoniaque, enfin le 
chlorure de zinc pour ignifuger le bois. 

Les substances preéconisées jusqu'à présent pour 
ignifuger les tissus de coton — solution d'alun, 
solution formée de trois parties de phosphate 
dammoniaque, deux parties de chlorure d'ainmo- 
nium et une partie de sulfate d'ammoniaque dans 
quarante parties d'eau, sels d'ammoniaque et 
tungstate de sodium — ont le défaut de ne pas 
résister au lavage. 

Les expériences de MM. W.-H. Perkin et L. Brad- 
bury, commenvées sur les sels d'acide tungstique, 
montrèrent que, parmi eux, le tungstate de zinc et 
le tungstate d'étain offrent la plus grande résis- 
tance au lavage par leau et le savon. 

Les expériences, poursuivies sur des sels de presque 
toutes les espèces, montrèrent que certains sels so- 
lubles, telsque les aluminates, les antimoniates, les 
zincales, les plombates, dans lesquels l'oxvde métal- 
lique joue le ròle d'acide, donnent, notamment 
avec les sels de zine et d'étain, des précipités qui 
résistent beaucoup mieux aux lavages que les sels 
insolubles ordinaires, tels que le sulfate de baryte 
et le phosphate de magnésie. 

Les essais portèrent alors sur les sels d’étain : 
les stannites, les stannates s'unissent à la fibre de 
coton plus intimement qu'aucun des sels précé- 
dents. 

Les premiers tissus ignifugés mis sur le marché 
étaient traités de la facon suivante : le morceau 


622 


de flanelle était plongé d’abord dans une solution 
de stannate de sodium, puis dans un bain formé 
de tungstate de sodium, d’acétate de zinc et d'acide 
acétique. Mais les tissus ainsi préparés avaient le 
défaut d’être hygroscopiques, de conserver l'odeur 
de l'acide acétique, de n'être pas complètement 
incombustibles, et enfin de revenir trop cher. 
Après divers essais, le procédé suivant fut adopté : 
le morceau de flanelle est plongé dans une solu- 
tion de stannate de soude, de façon à en èlre 
complètement imprégné, il est ensuite débarrassé 
de l'excès de liquide par compression entre des 
cylindres, complètement séché sur un tambour de 
cuivre chauffé, immergé dans une solution de 
sulfate d’ammoniaque, puis de nouveau essoré et 
séché. Le tissu s'imprègne ainsi, outre l'oxyde 
d'étain, de sulfate de soude qu'on élimine par lavage 
à l’eau. 

Un grand nombre d'expériences ont établi que 
le tissu ainsi préparé est complètement incom- 
bustlible et que la couche protectrice ne s'en va 
pas par un lessivage à l'eau chaude et au savon; 
les couleurs délicates du tissu ne sont pas allérées, 
l'étoffe devient plus souple, plus pleine et plus 
solide. D'après les essais de la Chambre de com- 
merce de Manchester, la résistance à la traction 
est augmentée de 20 pour 100. 

Actuellement, cette flanelle incombustible est 
fabriquée par W. Lipp Bros et Tod, à Manchester, 
sous le nom de « Non-Flam »; le prix élevé de 





Revue 
LE SALON DES 


Officiellement l'aéroplane n'existe plus : cest 
l'avion. Du moins le ministre de la Guerre en a 
décidé ainsi, et comme l'aviation est devenue une 
« arme », nous devons nous incliner. Le mot est 
d’ailleurs excellent, puisqu'il appartient à Ader, 
le premier homme qui ail volé. 

Les avions de cette année ressemblent à ceux de 
l'an dernier; aucun n'est encore capable de navi- 
guer sans deux ailes solides, tendues d’une toile 
vernie. À l'avant, le moteur, l'hélice. Patins et roues 
occupent toujours la mème place, avec parfois 
d'excellentes simplifications. 

Mais l'appareil est entièrement habillé de toile. 
On ne voit plus ou presque plus de squelettes de 
bois ou de métal. Plusieurs fuselages sont devenus 
de vérilables coques de périssoires, renflées à 
Javant, très eflilées à l'arrière. Encore triangu- 
laires ou quadrangulaires l'an dernier, ce sont 
maintenant de vrais cônes parfaitement réguliers. 


COSMOS 5 


DÉCEMBRE 1912 


Pétain a empèché jusqu'ici usage de ces tissus de 
se répandre rapidement. 


VARIA 


L'Association des sciences anglaise. — Notre 
excellente Association des sciences tient ses Con- 
grès dans les principales villes de France, chan- 
geant chaque année le lieu de ses réunions : elle 
la même fixé en Algérie il y a quelques années. 

Mais cet exode n'est rien, comparé à l'initiative 
de l'Association anglaise. Celle-ci a tenu ses ses- 
sions : trois fois au Canada, une fois dans le Sud 
africain, et voici qu'elle prépare sa réunion de 
4914 en Australie, à Sydney et à Melbourne. 
Malgré la distance, on compte sur la présence de 
200 à 300 membres, venant de toutes les posses- 
sions britanniques. 

Du reste, le gouvernement fédéral consent à 
tous les sacrifices pour attirer ces visiteurs; il a 
voté une somme de 375 000 francs pour faire face 
aux dépenses, des navires seront mis à la disposi- 
tion des congressistes pour leur permeltre de 
visiter toutes les còtes du continent, partie du 
Pacifique occidental, etc. 

Les premières réunions tenues hors d’Angle- 
terre ont eu les meilleurs et les plus encourageants 
résultats. Ces visites dans les colonies, stimulent 
l'ardeur des Sociétés savantes locales, les font con- 
naitre el leur apportent un concours très apprécié. 


de ľaviation. 


AVIONS EN 1912 


Le còne se termine au moteur, qu'il enrobe parfois 
dans une carapace métallique, laquelle se prolonge 
sous toute la partie contenant les « œuvres vives » 
de l'appareil. 

Les constructeurs, qui s’appliquent avant tout à 
salisfaire aux exigences de leur clientèle militaire, 
se sont encore jetés pêle-mêle sur l'avion marin, 
l'hydroaéroplane qui a tant fait parler de lui cette 
année. Presque tous ls stands en exposent un 
modèle, et dans celte voie les constructeurs ont 
imaginé des choses réellement neuves et intéres- 
santes, comme par exemple le canot glisseur, qui 
remplit les fontions de flotteur, surmonté d'ailes 
d'aéroplane. 

Si nous observons sommairement les détails, 
nous remarquerons que les constructeurs s'efforcent 
d'éliminer les résistances nuisibles en diminuant 
le nombre des haubans, en remplaçant les nom- 
breuses cordes à piano par des lames ou des cäbles 


N° 145% 


d'acier. Les sièges des pilotes disparaissent dans 
le fuselage, et la planche des débuts a fait place 
à des « carrosseries » capitonnées. Les aviateurs 
ne s’en plaindront pas. Le bois cède peu à peu la 
place au tube d'acier et même à la tôle emboutie. 
En somine, il y a progrès incontestable, et on le 
constate d'autant mieux que le règne des appareils 
dits de démonstration a disparu dans la grande 
nef. On rencontre encore, par-ci par-là, comme 
honteux de se produire au grand jour, quelques 
modèles réduits, mais le public parait s’en désin- 


COSMOS 623 


téresser. Les hélicoptères eux-mêmes n'osent plus 
se montrer. Cependant les aviettes se sont réservé 
un emplacement dans une galerie. Ce doit être 
une concession à perpétuité. 

Nous allons décrire quelques-uns des principaux 
appareils exposés, les types créés dans l’armée en 
vue des conquêtes futures. Disons d'ores et déjà que 
le monoplan gagne du terrain: les biplans nous 
font l'effet d'ètre de vieilles machines. Cepen- 
dant ils présentent beaucoup d'avantages et leur 
disparition n’est passi proche qu'on pourrait lecroire. 





UN COIN DU SALON DE L'AÉRONAUTIQUE. 
1, double monoplan Bréguet. — 2, monoplan REP. — 3, monoplan Blériot, 


Double monoplan Bréguet. — Cet appareil, des- 
tiné à l’armée, est d'une construction particuliè- 
rement intéressante. Ses caractéristiques sont les 
suivantes : envergure 13,65 m, longueur 8,75 m, 
surface portante 36 mètres carrés, hauteur 3,35 m, 
poids à vide 550 kilogrammes. Les ailes sont tou- 
jours construiles comme nous l’avons dit l’an der- 
nier (n° 1411, p. 155, 8 février 1912), c'est-à-dire 
qu'elles sont souples et peuvent se replier pour le 
transport. Pour cela, on leur fait subir, autour 
d’une genouillère à deux axes appropriés, un pre- 
mier mouvement de rotation qui ramène le plan 
de chaque aile presque vertical, puis un deuxième 
mouvement autour d'un axe vertical qui les- 
applique le long du fuselage. 


La queue, cruciforme, est constituée par deux 
surfaces orihogonales; la surface horizontale ne 
porte que son propre poids; elle se compose de 
deux parties qui se raballent verlicalement le 
long de la surface consliluant le gouvernail de 
direction pour permettre le repliage complet des 
ailes. 

Le båti du motcur est fait de tubes d'acier sup- 
portant le moteur à l'avant el le réservoir d'essence 
en charge. Un capot protège le passager contre 
le vent et les projections d'huile, et met à l'abri 
le cartoscope et la planchette où s'inscrivent les 
observations de route. 

Le châssis d'atterrissage est constitué par un tri- 
cycle dont la’ roue avant est supportée par une 


62% 


fourche en tubes d’acier. Les deux autres roues 
sont légèrement en arrière du centre de gravité. 
L'amortisseur avant comporte un tube à l’intérieur 
duquel se déplace un second tube appuyant sur un 
piston comprimant un ressort à boudin. Les deux 
roues arrière sont munies de dispositifs oléopneu- 
matiques capables d'absorber des chocs très violents. 


Bi-monoplan Goupy. — La grande particularité 
de ce modèle réside dans le système de commande 
C. A. D., qui a été adopté. Il est constitué par 
une gaine extérieure en cuivre ou en aluminium 
dans laquelle se trouve un ressort spiral dit 
flexible dont les spires se touchent. Un câble ou 
âme occupe l'intérieur du flexible. Les extrémités 
se terminent par deux tiges rigides. La commande 
C. A. D. transmet donc mécaniquement dans les 
deux sens tous les mouvements que l'on désire : 
le câble intérieur par la traction et le flexible qui 
l'entoure par la poussée. 


Blériot. — A côté des appareils de construction 
courante exposés au stand Blériot figure un nou- 
veau monoplan militaire à deux places, qui diffère 
sensiblement de ses voisins. C’est un avion rapide 
destiné aux reconnaissances à grand rayon et 
capable d'emporter des approvisionnements néces- 
saires pour quatre heures de vol. Un moteur Gnome 
de 80 chevaux peut lui communiquer une vitesse 
de 120 kilomètres par heure. Les commandes et 
organes de manœuvre sont semblables à celles des 
autres appareils. Les ailes sont quelque peu recu- 
lées afin de permettre une plus grande visibilité : 
le pilote et le passager, étant placés côte à côte, 
très près du moteur, peuvent voir le sol jusqu’à 
l'aplomb de l'avant des ailes. L'appareil est. blindé 
par une ceinture en acier spécial trempe qui pro- 
tège le pilote et le passager; elle résiste, à 500 m, 
à la balle d'un fusil. D'autre part, la vulnérabilité 
est encore diminuée par la forme arrondie adoptée 
à l'avant. 

Cet avion comporte une coque en liège agglutiné 
entre des spires de toile collée. A l'avant, une tôle 
très puissante ferme la coque et protège le groupe 
propulseur. Le châssis d'atterrissage est rendu 


me 


COSMOS 


5 DÉCEMBRE 1912 


très souple par un amortisseur à air comprimé 
freiné par de la glycérine. En cas d'accident, on 
le démonte en enlevant seulement deux boulons. 
Quant à la voilure, elle est semblable à celle des 
autres avions Blériot et elle se démonte facilement. 

Toutes les saillies ont été supprimées le long du 
fuselage sur lequel lair glisse sans rencontrer 
d'obstacle. Les sièges et le réservoir d'essence se 
trouvent au centre de gravité de l'appareil, ce qui 
permet un équilibrage longitudinal indépendant 
du poids des aviateurs et de la consommation 
d'essence. Les caractéristiques de cet appareil sont 
les suivantes : longueur 8,9 m, envergure 42,25 m, 


poids à vide 373 kilogrammes, hélice de 2,60 m 


de diamètre, surface alaire 25 mètres carrés, gou- 
vernail au pied, gauchissement et stabilisateur à 
Ja main, plan arrière très légèrement porteur. 


Nieuport. — Le petit monoplan Nieuport, muni 
d'un moteur Nieuport de 30 chevaux, est assez sem- 
blable à celui que nous avons décrit lan dernier 
(n° 14411, p. 153). Quelques modifications y ont été 
cependant apportées, notamment en ce qui touche 
le haubanage des ailes qui est constitué par huit 
câbles placés au-dessus, et huit cordes à piano en 
dessous. Ce mode d'attache permet aux ailes de 
supporter une charge de 4 000 à 5 000 kilogrammes. 

La dernière création Nieuport est représentée 
au Salon par un monoplan de 50 chevaux, con- 
siruit d'après les données établies par l'ingénieur 
Nieuport, mais allégé. Le train d'atterrissage a 
été réduit à sa plus simple expression, la suspen- 
sion étant constituée par une simple lame remplis- 
sant les fonctions d'essieu pour les roues. De plus, 
le démontage a été rendu extrèmement rapide 
grâce à une pyramide spéciale permettant de 
replier les ailes ie long du fuselage et de mettre 
l'appareil en état de transport sur les routes. 
Enfin la question du freinage a été réalisée en per- 
mettant aux ailes de se cabrer dès que l'appareil 
a pris contact avec le sol. Ses dimensions sont les 
suivantes: envergure 8,72 m, longueur 6,91 m, sur- 
face totale 13 mètres carrés, poids 260 kilogrammes. 


(A suivre.) L. FOURNIER. 





Lhygiène du beurre 


La fabrication du beurre remonte à la plus haute 
antiquité. A l'époque idyllique où l’homme se 
nourrissait du lait de ses brebis, des fruits de sau- 
vageons et de l'eau pure des sources fraiches, les 
pâtres avaient déjà remarqué que les globules 
imtyreux s'assemblaient en crème à la surface du 
lait en repos dans les jarres d'argile grossièrement 
p'trie, et qu'il suffisail de battre et de mélanger 
d'une facon assez rudimentaire celte crème pour 
assuier la soudure intime des corpuscules gras et 


faire du beurre. Depuis, les siècles ont coulé sans 
qu'aucun perfectionnement vraiment important 
ait été réalisé dans cette technique primitive. A 
l'inverse des autres industries dont la vie, comme 
celle des individus, est faite de modifications in- 
cessantes, d'améliorations et d’adaptations conti- 
nuelles dans ce « struggle for life » universel, 
inéluctable pour tout ce qui ne veut pas disparaitre, 
l'industrie beurrière, à peu près indifférente aux 
conquêtes de la science ét aux bouleversements 


N° 4451 


économiques, semble avoir traversé lessiècles dans 
un élat léthargique. En maintes fermes, les jarres 
où la crème monte naturellement à la surface du 
lait ne différent pas sensiblement des vases gros- 
siers de l'antiquité, et la rudimentaire baratte en 
bois où cette crème est battue ne témoigne pas 
d'un esprit inventif ni de moyens de réalisation 
bien avancés. Dans les grandes laiteries, toutefois, 
la nécessité de faire face à une demande grandis- 
sante a obligé, pour produire plus vite, à substituer 
les moteurs inanimés à la main-d'œuvre lente et 
peu puissante de l'homme, et à créer, par suile, 
un matériel qui puisse résister aux efforts brutaux 
des machines. De là sont nés les écrémeuses cen- 
trifuges, les barattes et les malaxeurs modernes, 
mais c'est à peu près tout ce que l'industrie beur- 
rière a consenti pour sacrifier au progrès. Dans 
quelques usines peu nombreuses, cependant, où la 
présence d'hommes scientifiques a permis de ne 
plus laisser la fabrication au seul hasard, on a 
renoncé aux fermentations spontanées qui assurent 
la maturation de la crème, pour ne plus laisser tra- 
vailler que les ferments utiles. A cet effet, par une 
pasteurisation préalable, vers 75°-80°, on détruit 
tous les germes naturels, bons et mauvais, de la 
crème, qu'on ensemence ensuite de cultures pures. 
Mais c'est là l'exception; et encore la méthode 
reste-t-elle fort imparfaite, bien qu'elle assure de 
plus grandes qualités au beurre en le débarras- 
sant de germes nuisibles ou pathogènes. Ce beurre 
n’en reste pas moins, en effet, éminemment alté- 
rable puisqu'il peut être conservé pendant huit 
jours à peine, en été, et au-delà sa conservation n’a 
pu être prolongée que de quelques semaines par la 
stérilisation des eaux servant à son lavage. MM. Dor- 
nic et Daire sont arrivés à ce résultat en soumet- 
tani l'eau aux rayons ultra-violets d'une lampe à 
vapeur de mercure (Ac. des sciences, 1909, CXLIN, 
p. 394-356). La stérilisation directe du beurre, de 
la crème et mème du lait n'a conduit qu'à des 
résultats défectueux, l'action des rayons ultra-vio- 
lets se traduisant par l'apparition d'une odeur et 
d’un goùt de suif dans le beurre qui devient, de ce 
fait, invendable. Néanmoins, ces expériences ont 
très nettement fait ressortir l'importance du fac- 
teur eau dans la fabrication du beurre, en mon- 
trant que les microbes causant le rancissement 
sont le plus souvent apportés par leau. Or, celle-ci 
est employée en grande quantité en beurrerie, non 
seulement pour le nettoyage des locaux et des 
vaisseaux, mais aussi pour le délaitage du beurre. 
Ce dernier doit ètre, en effet, lavé copieusement pour 
être purgé de son sérum où babeurre dont la pré- 
sence, en quantité appréciable, compromettrait 
singulièrement la conservation du produit. 


On est très généralement pénétré aujourd'hui de 
l'importance de ces lavages du beurre dans la 
baratte, et ils sont effectués à peu près partout. 


COSMOS 


625 


Certains ont même trop bien vu l'intérêt de cette 
pratique dont ils ont aperçu, non seulement l'avan- 
tage technique, mais encore l'avantage économique. 
Rien n'est plus facile, en effet, que d'oublier, au 
cours du malaxage, une notable quantité d'eau 
dans son beurre; au besoin, on en augmente encore 
la proportion en y laissant aussi un peu de caséine 
ou v ajoutant un caséinate, le caséinate de soude, de 
préférence, qui possède la propriété de se gonfler 
abondamment dans l’eau dont il se charge. C'est 
chose bien tentante que vendre l'eau au prix co- 
quet qu’atteint le beurre. Et c'est pourquoi on ren- 
contre si souvent, de nos jours, des beurres renfer- 
mant 20, 25 et 30 pour 100 d’eau alors que la 
teneur normale, sous nos climats, oscille entre 14 
et 17 pour 100. Si, d'aventure, l'expert trouve sus- 
pect un beurre aussi chargé d’eau, on ne manque 
pas de lui objecter la bonne foi du producteur dont 
il faut seulement accuser le mauvais outillage et 
l'ignorance. Cela peut se produire quelquefois, 
mais il devient inconcevable d'obliger, par une 
tolérance excessive, le consommateur à payer 
d'autant plus cher un produit que celui-ci est plus 
mal fabriqué. C’est une véritable prime à l'igno- 
rance et aussi à la malhonnètelé, car, profitant de 
cette tolérance, des fraudeurs scientifiquement 
organisés fabriquent des beurres mouillés dans la 
proportion maximum autorisée par la jurisprudence. 
Le malheur est qu'on ne porte pas seulement at- 
teinte au porte-monnaie, mais aussi, et bien plus 
gravement, à la santé du public. Les eaux ainsi 
employées sont, on s’en doute, loin d'avoir la 
pureté bactériologique désirable. Les puits et ci- 
ternes, mis le plus souvent à contribution, consti- 
tuent un danger dont la gravité n'échappera à per- 
sonne, car ils sont le réceptacle de toutes les souil- 
lures des toits, et, parce que rarement étanches, ils 
reçoivent des eaux de ruissellement ou d'intiltra- 
tion entraînant en suspension mille débris orga- 
niques et les germes dont ils sont chargés, sans 
compter que, dans de très nombreuses fermes mal 
lenues, le voisinage du tas de fumier aggrave en- 
core cette situation. 


Or, par une aberration étrange, qu'il s'agisse de 
lait, de fromage ou de beurre, leur seule composi- 
tion chimique est envisagée dans l'établissement 
de leur valeur. On n'a tenu aucun compte de leurs 
qualités bactériologiques, qui cependant, en toute 
logique, devraient primer leurs qualités alimen- 
taires. Il ne faut pourtant pas se le dissimuler, par 
l'extrème facilité avec laquelle ils se laissent in- 
fecter, ces aliments sont redoutables. Le D° Bruck 
a établi, il y a une dizaine d'années, qu'en ense- 
mencant soit le lait, soit l'eau servant à rincer 
les vases, avec des bacilles typhiques, on retrou- 
vait ces microgermes dans le beurre, où ils res- 
taient vivants pendant près d'un mois. Plus récem- 
ment, on a fait aux Etats-Unis des recherches dont 


Fe 


tb 


626 


MM. Ch. F. Briseol et W. J. Mc Neal ont donné 
les peu rassurants résultats suivants (University 
of Illinois Agricult. Experim. Station; Bulletin 
n° 149, février 1911): 

Sur 1233 échantillons de beurre examinés, 163, 
soit 13,2 pour 100 ont été reconnus infectés par le 
bacille de la tuberculose, et ces bacilles conservent 
leur virulence pendant plus de cing mois dans les 


beurres salés normalement. En comparant ces - 


recherches avec les travaux effectués depuis vingt 
ans sur cette question, on constate que la propor- 
tion des beurres contenant le bacille de Koch ne 
diminue pas. 

Or, tout le beurre consommé ne passe pas par 
la cuisine et n’est pas porté à une température de 
100°. Une notable partie est consommée telle quelle 
sur la table, constituant, par conséquent, un dan- 
ger permanent pour la santé publique. Alors qu’il 
existe une police sanitaire dont le but est d’em- 
pêcher les viandes malsaines d'arriver jusqu’au 
consommateur, il est effrayant de songer qu'au- 
cune réglementation ne nous préserve contre 
l'ignorance et la malpropreté des fabricants de 
beurre. Et ceux-ci n’ont vraiment pas le droit de 
s'étonner si de plus en plus le public les délaisse 
en faveur de certaines graisses végétales dont lin- 
dustrie, née d'hier, a su, par exemple, transformer 
l'huile repoussante de coprah en une matière 
grasse qui, comme la végétaline, est d’une pureté 
absolue et d'une conservation pratiquement illimi- 
tée. On ne voil pas bien pourquoi les producteurs de 
beurre n'arriveraient pas, comme les fabricants de 
celte graisse de coco, à obtenir un produit anhydre 
offrant une remarquable résistance aux infections 
microbiennes et aux fermentations pathologiques. 
Toute l’activité des industriels beurriers ne doit 
pas se borner à affirmer que le beurre est un pro- 


COSMOS 


5 DÉCEMBRE 191% 


duit de luxe et à réclamer sans cesse aux pouvoirs 
publics protection contre ceci ou cela. C'est à eux, 
et à eux seuls, qu'il appartient de perfectionner 
leur fabrication et surtout de redonner la sécurité 
au consommateur en lui fournissant un aliment 
qui soit toujours dénué de germes nocifs. Par sa 
sapidité, certes, le beurre restera toujours préféré 
aux graisses végétales, mais c'est à peu près la 
seule supériorité qu’il ait actuellement sur la graisse 
de coco, laquelle se recommande, par contre, par 
ses qualités nutritives indiscutables, sa digestibilité 
supérieure, sa propreté bactériologique absolue et 
son bon marché, ce qui a bien aussi son impor- 
tance à notre époque de « vie chère ». Que les 
beurriers y prennent garde : sous forme de végèta- 
line, la production de cette graisse atleint déjà 
plus de 8000 tonnes par an contre 60 tonnes la 
première année. Or, après celle-ci, ce sera le tour 
du beurre de Karité, du beurre de Galam, de palme, 
de Shea, de mango, etc., de l’une ou plusieurs de 
ces quelque vingt espèces végétales dont les graisses 
concrètes viendront concurrencer dangereusement 
le beurre lorsque leur fabrication aura atteint le 
degré de perfection réalisé aujourd’hui dans celle 
de la végétaline. Et ce n'est pas l'arsenal des lois, 
si favorable qu’on puisse le souhaiter, qui pourra 
sauver le beurre. Un produit ne s'impose ou ne se 
maintient que par ses qualités propres et non point 
par celles qu'il pourrait tirer momentanément 
d'une législation de faveur. C’est là une fatalité 
économique dont il conviendrait de se féliciter, en 
l'espèce, si elle avait pour résultat de secouer vic- 
torieusement la torpeur des producteurs de beurre 
en les obligeant à travailler d’une façon plus scien- 
tifique et surtout plus conforme à l'hygiène. Mais 
il n’est que temps! G. CHARRIÈRE, 
ingénieur agronome. 





Les pyrèthres. 


Sous le nom de pyrèthres, on groupe vulgaire- 
ment un certain nombre d'espèces de la famille 
des Composées, ayant des traits de parenté assez 
évidents et appartenant, au point de vue botanique, 
à des genres voisins. Ces plantes, par la délicatesse 
de leurs fleurs rayonnées et l'austère élégance de 
leur feuillage, offrent quelques ressources à l'hor- 
üiculteur pour la formation de corbeilles ou de 
plates-bandes; quelques-unes, sans se soustraire 
à cetle deslination ornementale, possèdent, en 
outre, de très uliles vertus thérapeutiques ou insec- 
ticides. Voici quelques mots sur celles qui méritent, 
à ce triple point de vue, une mention spéciale. 

L'usage médicinal étant évidemment, dans la 
subordination des ulilités des plantes, celui auquel 
il convient de donner le premier rang, je commen- 


cerai par l'espèce qui porte plus particulièrement, 
dans les officines, le nom de pyrèthre. Elle est alliée 
aux séneçons, et la nomenclature botanique lui 
a attribué le nom d’Anacyclus pyrethrum (D. C.). 

C'est sa racine que l’on emploie en médecine; 
cette racine cest longue d'une dizaine de centi- 
mètres, fusiforme ou cylindrique, ordinairement 
non rameuse, de consistance charnue, blanchâtre 
à l'intérieur, grise et ridée à l'extérieur. La plante 
croit indigène dans les endroits montueux de l'Al- 
gérie, de lľ’Arabie, de la Syrie; sa racine nous est 
expédiée sèche de Tunis. 

Si on place sur la peau une tige de pyrèthre 
fraichement cueillie, elle y produit instantanément 
une sensation de froid. L'odeur de la plante est 
aromalique, mais désagréable; sa saveur est âcre 


N° 145% 


et irritante; un fragment introduit dans la bouche 
provoque une abondante salivation. 

La racine contient un alcaloïde, la pipérovatine. 
Elle est employée à titre de sialagogue, dans les 
cas où l’excitation fonctionnelle des glandes sali- 
vaires peut être directement ou indirectement utile. 
On la prescrit, par exemple, dans certaines mi- 
graines, dans les affections névralgiques et rhuma- 
tismales de la face, dans la paralysie de la langue 
ou du pharynx, et aussi quelquefois dans l’embarras 
gastrique lorsqu'il y a lieu, par hypersécrétion sali- 
vaire, de débarrasser la bouche de son enduit épi- 
thélial et muqueux. 

La racine de pyrèthre s’administre sous forme 
de poudre, d'extrait fluide ou de teinture. Ces deux 
dernières préparations sont d’énergiques irritants 





F.G. 1. — RACINE PHARMACEUTIQUE 
D’ « ANACYCLUS PYRETHRUM ». 


locaux qui trouvent leur emploi à l'extérieur contre 
les différentes espèces de poux et qui détruisent 
ces insectes et leurs œufs sans être préjudiciables 
à la peau; ce traitement des phtiriases est moins 
dangereux que celui par le sublimé ou l’onguent 
mercuriel. Cependant, chez des sujets particulière- 
ment sensibles, il peut être toxique; on ne doit 
donc y avoir recours qu'avec prudence et sous le 
contrôle d’un médecin. 

Après l'espèce directement utile à la thérapeu- 
tique humaine, en voici d’autres auxquelles nous 
devons aussi quelque reconnaissance, parce qu'elles 
nous procurent la possibilité d’une lutte efficace 
contre les menus insectes sanguinaires, comme les 
puces et les punaises, qui s'installent dans nos 
maisons avec le dessein de vivre à nos dépens. 

Il y a déjà longtemps qu'on a fait remarquer 


COSMOS 


627 


que les plantes « pulicifuges » réellement efficaces 
se rangent dans la famille des Composées. Elles 
doivent cette vertu à la toxicité de certaines 
substances élaborées dans leurs tissus; celles qui 
jouissent à ce point de vue d’une réputation popu- 
laire sont la vulgaire Pulicaire, si abondante dans 
nos marécages et qui peuple même la berge des 
fossés bordant les chemins, et la grande margue- 
rite (Chrysanthemum leucanthemum), qui, em- 
ployée en Bosnie et en Dalmalie pour la litière des 





F1G. 2. — « PYRETHRUM ROSEUM », 


animaux domestiques, en chasse les parasites avec 
tant d'efficacité que la rareté des puces dans ces 
pays à pu être signalée comme un fait biologique 
digne d’être particulièrement mis en relief. 

Mais c’est surtout chez quelques pyrèthres, dont 
il va être parlé, que ces propriétés insecticides sont 
hautement développées, au point de justifier et de 


‘rendre très rémunératrice l’exploitation écono- 


mique qui est faite de ces plantes en vue d’en 
obtenir un produit spécifique pour la destruction 
des insectes parasites de nos maisons. 

Les espèces accueillies pour cet objet dans le 


628 


commerce de la droguerie sont principalement le 
Pyrethrum carneum et le P. roseum, qui sont 
depuis longtemps cultivés dans nos jardins pour 
leurs qualités ornementales, et dont la patrie 
d'origine est la Perse et le Caucase. Le mélange 
pulvérisé des fleurs de ces deux espèces fournit la 
poudre commercialement désignée sous le nom de 
« pyrèthre du Caucase ». 


Aux yeux du botaniste, ce sont deux plantes très: 


étroitement apparentées et difficiles à distinguer 
lune de l'autre par des caractères précis. Chez le 
roseum, les capitules sont d’un rose plus ou moins 
intense; cette teinte est, au contraire, très diluée 
sur les demi-fleurons du carneum. De plus, dans le 
premier, les feuilles sont moins découpées, à divi- 


> 


N, na ia i 1e 3 ~ ` 
mak TD So: RE Va 
E en then B 
P EE) 7 
CEE SE + 
or w > j s~n S 5 
Ui Sy N, Nog ; 
{ NSN paS 
X < 3 
\ \ 
Le ATAS E 
% `~ H 
\ , r, A à 
Fe , 
s 7 \ i f 
A y \ iD n 
FA \ 4 | > 
wan '. rs : À “i 
š A QE i # 
: \ h 
$s ` 5 G 
in - il 
Ñ KT h lent av 
`s 19 4 a ‘+ zA FT 
LA sV AA TES 
s o eA ET 
Ti | nA NS 7j 4 > 
A | SR} D 
X 4 | noX LN 
N \ : 27 la 
` S \i =" Sy À 
` Y ' PN loa V 
ij a 
NS į À 1: 
OR A o 
O EE) i 
LE NA | ! 
TA Pe is 
E 4° 
LE ` En Í z la A 
x ; $ 
PA Vo 5 Ne > 
N + Na AT r hA 
Lay di g A pe et vi 
P tt À 
\ Fe 
à ; Fe < 
\ i = TTNA 
j o 
No 
-~ 
„ty . 


FIG. 3. — e CHRYSANTHEMUM PARTHENIUM ». 


sion plus étroites, à dentelures rapprochées et non 
divergentes, et les pédoncules sont volontiers réunis 
en petits groupes au mème point des rameaux, 
tandis qu'ils sont plus ordinairement solitaires 
chez le roseum. 

Dans leur patrie, ces deux pyrèthres, auxquels 
s'applique indifléremiment le nom de camomille 
rouge où de eamonille perse, sont vulgairement 
désignés sous les termes de « tueur de puces », 
« herbe de puce ». Ce sont de pelits arbrisseaux 
assez trapus dont la rusticité dans nos jardins 
s'explique par le fail que, dans les montagnes cau- 
casiennes sur les pentes desquelles ils s'élèvent 
jusqu à une grande hauteur, ils ont à subir des 
froids rigoureus; ils se tirent d'ailleurs à leur 
avanta,se deces défavorables condilions biologiques. 


COSMOS 5 DÉCEMBRE 491% 


et un abaissement du thermomètre à 20° au-dessous 
de zéro les laisse parfaitement indemnes. 

Ces deux espèces sont cultivées en grand, pour 
leurs propriétés insecticides, dans divers cercles 
et districts de la Russie méridionale. Particularité 
curieuse, leur exploitation économique, mème en 
Caucasie, où elles sont indigènes, serait relative- 
ment récente et ne remonterait pas au delà de la 
première moitié du x1x° siècle. Les débuts de cette 
exploitation auraient eu une origine un peu fortuite. 

On raconte, en effet, qu'un marchand arménien, 
voyageant dans l’Asie méridionale, observa que les 
habitants, pour se défendre des piquüres des insectes 
domestiques, employaient une certaine substance 
pulvérisée. [i reconnut que cette substance n’était 
autre chose que des capitules de camomille rouge 
réduits en poudre. Rentré dans son pays, le mar- 
chand, qui s'appelait Sumbitoff, fit part de son 
observation à son fils, lequel n’y attacha, à ce mo- 
ment, que peu d'importance. 

Mais, quelques années plus tard, ce fils, ayant 
perdu sa fortune, se souvint du secret que son père 
lui avait révélé; il se mit à cultiver des pyrèthres 
et à fabriquer de la poudre insecticide; ce com- 
merce lui rapporta immédiatement de beaux béné- 
fices. En 1818, il vendait 35 roubles (près de 100 fr) 
le poud (environ 20 kilogrammes) de poudre de 
pyrèthre; naturellement le secret de son rapide 
enrichissement transpira, et il eut bientôt de nom- 
breux imitateurs; des villages entiers s’adonnèrent 
à la culture de la précieuse plante dont le trafic, 
malgré cette concurrence, est, parait-il, demeuré 
assez rémunérateur. 

La floraison de la camomille rouge commence 
en juin et se prolonge pendant plus d’un mois; 
c'est le moment de la récolte des capitules, qui 
doivent étre cueillis par un temps sec; un bon 
ouvrier pcut en récolter en un jour de 45 à 40 kilo- 
grammes. Les fleurs sont, pour plus de commodité, 
séchées au soleil, quoiqu'on ait remarqué que 
celles que l'on fait sécher à l'ombre conservent des 
propriétés insecticides plus énergiques. On pulvé- 
rise grossièrement à la main les fleurs sèches, 
puis on obtient une poudre très fine à l’aide de 
petites meules ou d'un moulin à bras. 

Les propriétés insecticides du pyrèthre sont dues 
à la présence dans ses fleurs d’une grande quantité 
d'huile essentielle et d’oléorésine. Il convient 
d'ajouter qu'en dehors de leurs vertus si spéciales 
contre l’engeance malfaisante des parasites domes- 
tiques, les Pyrethrum roseum et carneum possèdent 
des qualités ornementales qui leur avaient ouvert 
l’accès des jardins bien avant qu'ils ne fussent 
introduits dans le commerce de la droguerie. Ce 
sont de belles plantes, très rustiques et offrant, en 
outre, l'avantage de s'accommoder de tous les ter- 
ains et de végéter aussi volontiers dans un sol 
humide qu'à une exposition sèche. 


N° 1454 


Enfin, pour terminer cette liste des pyrèthres 
intéressants, je signalerai une petite espèce indi- 
gène qu'on désigne assez communément sous ce 
nom, bien qu'elle porte en botanique celui de 
Chrysanthemum parthenium; c'est une plante 
d'un vert gai, aux feuilles découpées en segments 
assez larges. Dans le type sauvage, les demi-fleu- 
rons sont blancs et le disque jaune; mais on en 
cultive une variété où les capitules sont presque 
entièrement blancs et simulent des fleurs doubles. 





COSMOS 


629 


Cette espèce est très utile pour la décoration des 
massifs et des plates-bandes; elle a donné une 
variété à feuillage d'un vert jaune, le « pyrèthre 
doré » (golden Feather des Anglais), qui est 
de plus en plus employée pour les bordures. 
Le type et ses variétės se reproduisent, soit 
de semis, soit par éclats ou boutures de pousses 
feuillées. 


A. ACLOQUE. 


m e aea aaas 


Thermomètre à contact électrique 


pour étuves à température constante.’ 


La précision toujours plus grande des épreuves 
que doivent subir les chronomètres et les montres 


Fe 


G 


a 

a 

a 

(E H 
teg i 
i gr 
à J 

4 





THERMOMÈTRE A CONTACT ÉLECTRIQUE (RÉDUIT DE MOITIÉ). 


marines dans les concours a incité les constructeurs 
à établir un matériel spécial permettant d'obtenir 
automatiquement dans une étuve une température 
aussi constante que possible. 


Les usines Lecoq et Ci* (Acacias-Genève) viennent 
de donner de ce problème délicat une solution 
aussi pratique qu'élégante. Elle repose sur l'emploi 
d'un thermomètre formé d’un réservoir lenticulaire 
rempli d'un liquide volatil. Le disque, analogue 
à celui de certains baromètres ou thermomètres 
enregistreurs, est rempli sous pression : à cet effet, 
les deux flasques étant écartées — grâce à leur 
élasticité, — on introduit le liquide volatil, puis 
on le ferme hermétiquement. On a constaté que 
lon obtenait ainsi des résultats incomparablement 
plus précis. Les mouvements de la paroi libre du 
réservoir sont transmis électriquement à l'appareil 
d'utilisation par un dispositif convenable. 

La figure 1 représente 
pareil : 

A est le réservoir lenticulaire dilatable: 

B, le levier amplificateur pivotant en C: 

D, le contact électrique; 

E, l'appareil de réglage de la température; 

F, les pièces de contact du réservoir et du 
levier ; 

G, la cloison de l'étuve; 

H, le support de fixation. 

Le réglage, à fonctionnement éxtérieur (mo- 
lette E), permet de choisir, dans une certaine -> 
limite, la température que l'on désire atteindre et 
ne pas dépasser (par exemple, de 32° à 38°). 

La sensibilité est telle que l’on obtient facilement 
une température constante à quelques dixièmes 
de degré. 

Les applications de cet appareil sont nom- 
breuses: étuves employées dans l'horlogerie, sté- 
rilisation, culture microbienne, couveuses, etc. 


le schéma de lap- 


A. B. 


hd. 


pv! 
nn 


-e 


mgr >- 


=- > 


eng ne e AMM M GR «0 + 
2 s .? 
$ 
‘ 


. 


he GO 7 ne ne 


mrep 


ox Qg e 


OP Ce nn MlM a- OTa a e t o- 00 M 
a n mnd a 


å 


meeen eien re are dapre eree yaga n e à 


4 rme meiak mro a PTa. 


rea reani e 1e PQ JE De aata | 






| 
| 
| 
| 
| 


le. 2 TE, 22 27" 






rvehes merter N On a x À 
te gerer eme nn `a. 


-< 


tam À he Qu 
PT ET 


S à — 


| 


| 
| 


se = Arte D € pme ce Yom ue 7e 


€ 
: 
| 


RL GET 


ae. 
-n 


TAA: do 
. 
ep 





LE 


a e EL a i o e a 


a h ns RE, DE PDU ER CE DE PRE 


TT PONS 
ES a a 


| 
i 
i 


i 
l 


r 
2! 
LE 


RENÉE 


e - - 
CPE Ty A A ue "gr 


raes 


Re TVR 





CT a to + ae - or y m PR pp ER EE PONS rm 


PR DE Gt ns À ED En ft 0-00 Cpanst apar, 


enrere mea M N 


(adet 


e 
his di 
. 

. 





yT 


t- éter 


oY 


Lu RE ET 


w sdp tp p O~ 


LL 2: ay 
ef 


8 


Ph; 


er 


e ~- 
pè 


p~ 


Fine 


> wta pfr v- 
. 


. 2 
craf- 


> apu 
bre 2 à 


| 


Ka a 
. 
7e 


e : tA pa 
LR 





- 
= 

ppan 
. 





Lio. 
+ re ee = 


. 
RGP SET 


wte 
sp UN, 
LT 


630 


COSMOS 


D DÉCEMBRE 1912 


Nouveau phototélégraphe portatif Édouard Belin. 


Un physicien français déjà connu par de remar- 
quables travaux électriques, M, Edouard Belin, 
vient d'inventer un appareil à mains permettant le 
reportage photographique par téléphone (1). 

Ce nouveau phototélégraphe (fig. 1), d'un vo- 
lume et d'un poids minimes, constitue un poste 
transmetteur complet qu'on peut brancher sur 
une ligne téléphonique aboutissant à la station 
éloignée, dont nous verrons plus loin les organes 





de réception. La transmission repose sur les pro- 
priétés que possède la gélatine bichromatée. On 
sait, en effet, que dans la méthode dite « au 
charbon », inventée par Poitevin, les épreuves 
photographiques s’obtiennent avec du papier sen- 
sibilisé à la gélatine bichromatée, qui devient 
insoluble lorsqu'on l’expose au jour. Une fois 


sorties du châssis-presse, on les lave à l’eau chaude, 
et la gélatine se dissout plus ou moins selon le 


FIG. 1. — NOUVEAU PHOTOTÉLÉGRAPHE PGRTATIF EDOUARD BELIN, APPAREIL TRANSMETTEUR. 
A, cylindre sur lequel s'enroule la photographie à transmettre. — B, barillet renfermant le ressort moteur. 
C, rhéomicrophone. — M, milliampèremètre. — R, régulateur. 


degré d'opacité des différentes parties du cliché. 
Finalement, on a des épreuves présentant des 
creux et des reliefs qui correspondent respective- 
ment aux blancs et aux noirs du négatif original. 

Les demi-leintes se traduisent par des hauteurs 
intermédiaires el rigoureusement proportionnelles 
à leurs intensilés. 

On tend alors cette épreuve sans la coller sur le 
cylindre À du phototélégraphe portatif mis en 


(4) Voir dans le Cosmos 1907, n° 1192, p. 600-603, 
notre arlicle sur le premier phototélégraphe Belin non 


portatif, 


mouvement par un ressort puissant contenu dans 
un barillet B. Ce ressort, qui se remonte de l’exté- 
rieur au moyen d'une vis, aclionne également, 
par l'intermédiaire de roues multiplicatrices, un 
régulateur R assurant au cylindre une vitesse 
constante qu'on contròle d'ailleurs à l’aide de l'in- 
dex gradué vu sur le devant de l'appareil. Un mil- 
liampèremètre M se trouve, en outre, sur la 
gauche de la boite. 

Dans sa rotation, la vis provoque le déplacement 
de la pointe exploratrice d’un rhéomicrophone C 
composé d'un cadre formant comme les côtés 


N° 1454 


d’une boite dont une plaque isolante constitue le 
fond, et dont le couvercle est une lame flexible 
conductrice en charbon destinée à traduire les 
variations de relief de l’image en courants d’inten- 
sité différente dans la ligne. Pour cela, on inter- 
cale des résistances convenablement calculées 
entre dix plots disposés sur la plaque isolante. Le 
courant venant d’une petite batterie de piles arrive 
au premier plot, toujours en contact avec la lame 
conductrice, puis sort par le fil rattaché au dernier 
plot. Par suite des pressions plus ou moins fortes 


COSMOS 


631 


exercées sur elle, selon les creux ou les reliefs du 
cliché à la gélatine bichromatée, ceite lame, en 
s'infléchissant plus ou moins, vient toucher un 
nombre de plots variable et croissant avec la force 
de l’impulsion reçue. D'où variations successives 
de l'intensité du courant envoyé dans la ligne. 
D'autre part, grâce à l'emploi de contacts micro- 
phoniques, on évite la brusque mise en court-cir- 
cuit des bobines, et on obtient beaucoup plus de 
douceur dans la transmission des photographies. 

Nous n'entrerons pas dans plus de détails au 





F1G. 2. — APPAREIL RÉCEPTEUR DE LA STATION D'ARRIVÉE. 


A1, lampe Nernst. — B,, oscillographe Blondel. — C;, lentille aplanétique et gamme de teintes. — D,, chassis photographique 
contenant le cylindre et la préparation sensible. — M;,, moteur électrique. 


sujet des organes du phototélégraphe portalif, 
long peut-être à décrire, mais d’un maniement aisé 
et sûr. Ajoutons seulement que des mécanismes 
convenables assurent un synchronisme parfait des 
cylindres et un réglage rapide du rhéomicrophone. 

Rendons-nous compte maintenant de la façon 
dont notre reporter-photographe va pouvoir luti- 
liser. 

Après avoir pris une vue avec son kodak ou son 
détective, il en tire une épreuve à la gélatine bi- 
chromatée qu'avant séchage il dispose sur le 
cylindre du phototélégraphe, puis il entre dans 


une cabine téléphonique quelconque, met son appa- 
reil en communication avec la ligne. A la station 
d'arrivée, son correspondant relie l'extrémité des 
mêmes fils téléphoniques au poste récepteur d'un 
grand pholotélégraphe Belin sur le cylindre duquel 
se trouve mis le papier à impressionner, protégé 
par une sorte de châssis photographique hexagonal. 

Tout est prêt alors pour l'envoi de la photogra- 
phie. Les opérateurs, après avoir échangé les si- 
gnaux nécessaires et synchronisé leurs appareils, 
opèrent la transmission. Il faut remarquer, du 
reste, que la mise du phototélégraphe en dériva- 


632 


tion sur la ligne ne nuit d'aucune manière au fonc- 
tionnement simultané du poste téléphonique. 
Inspectons, pendant les quatre minutes que va 
durer la transmission de la photographie, les or- 
ganes du poste récepteur. Une lampe NernstA,(fig.2) 
sert de source lumineuse ; elle projette ses rayons 
sur la surface sensible à impressionner à travers un 
oscillographe Blondel B,.Ce dernier se compose de 
deux grosses bobines entre lesquelles oscille un 
miroir dont}les mouvements sont proportionnels 
à l'intensité des courants recus. Le faisceau émis 





Fıc. 3. — PORTRAIT TRANSMIS 
AU MOYEN DU PHOTOTÉLÉGRAPHE BELIN. 


par la lampe Nernst se réfléchit sur cette petite 
glace, puis il passe au travers d'une lentille apla- 
nétique C, contre laquelle l'inventeur applique une 
gamme de teintes ou lame de verre nuancée gra- 
duellement de droite à gauche, depuis le noir jus- 
qu'à la transparence parfaite. D'autre part; grâce 
au moteur électrique M, (vu sous la table de l'ap- 
pareilet dont la vitesse est rigoureusement accordée 
avec celle du mécanisme du poste transmetteur au 
moyen d’un rhéostat spécial et d'un fréquence- 
mètre à lames), le cylindre récepteur, de dimensions 


COSMOS 


5 DÉCEMBRE 1912 


identiques à celui du poste transmetteur, tourne 
dans une boite en bois D,. Cette chambre noire est 
percée, contre la préparation sensible enroulée, 
d’une ouverture circulaire de un tiers de millimètre 
de diamètre à raison de l’écartement 'choisi pour 
les spires. Par cet orifice, excessivement ténu, pé- 
nètrent les rayons lumineux seuls, tandis que les 
parois de la boite arrêtent les irradiations du fais- 
ceau qui donneraient du flou à l’épreuve finale. 

Comme les reliefs de l’image du phototélégraphe 
transmetteur impriment à la lame du rhéomicro- 
phone de continuels déplacements, le courant 
envoyé prend une intensité qui varie proportion- 
nellement aux creux et aux saillies de l’épreuve 
originale. 

Ces variations électriques communiquent au 
miroir de l’oscillographe des déviations succes- 
sives très rapides. Par suite, le faisceau lumineux 


… réfléchi oscille lui-même de droite à gauche, du 


centre au bord de la lentille ; il rencontre lagamme 
de teintes qui réduit plus ou moins son intensité 
lumineuse. D'autre part, puisqu'on a disposé la 
pellicule sensible au foyer conjugué du miroir par 
rapport à la lentille, le trou est continuellement 
éclairé. Donc, quand le faisceau tombe au centre 
de la lentille, la transparence absolue de la gamme 
ne produisant aucune extinction, l'impression 
lumineuse devient maximum, et on obtient sur 
l'épreuve originale un noir photographique. Au 
contraire, si le faisceau lumineux réfléchi tombe 
sur le bord de la lentille, l'opacité absolue de la 
gamme produit une extinction complète et par 
suite un blanc. Pour toutes les positions intermé- 
diaires du faisceau réfléchi, l'échelle de teintes 
détermine l’affaiblissement convenable, et l'effet 
photographique désiré se réalise. 

Divers moyens mathématiques ou mécaniques 
permettent de graduer exactement la gamme de 
teintes, de régler la rotation du cylindre et la sen- 
sibilité de l'oscillographe. L'image reçue est alors 
entièrement conforme à l'original. Une de nos 
illustrations — reproduction sans retouche d’une 
phototélégraphie originale (fig. 3) obtenue récem- 
ment par M. Edouard Belin — témoigne de la 
finesse du procédé, essayé il y a quelque temps 
sur une ligne téléphonique française d’environ 
150 kilomètres de longueur. D'ailleurs, l'inventeur 
espère mème réduire la durée de transmission au 
cours des prochaines expériences publiques qui 
auront lieu entre une grande ville du Sud-Ouest et 
Paris, afin de consacrer définitivement la valeur 
de son phototélégraphe portatif. 


JacouEs BOYER. 


Ne 425% 


COSMOS 


633 


Les races humaines néolithiques. 


Les différentes races humaines qui, aux temps 
paléolithiques, peuplaient l’Europe centrale et occi- 
dentale, rentrent, si l’on en juge d'après les docu- 
ments actuels, dans la série dolichocéphale (4). Il 
nen est pas de même des races néolithiques. Le 
type brachycéphale apparait et se répand; les deux 
types se trouvant en contact donnent naissance à 
de nombreuses variétés et formes intermédiaires. 
Aussi l'étude des races néolithiques est-elle très 
complexe. « Au lieu d’un petit nombre de formes 
nettement définies et susceptibles d’être groupées 
dans le cadre d'une classification simple, nous ren- 
controns des types multiples comportant de nom- 
breuses variétés. Aussi, malgré les efforts persévé- 
rants des spécialistes, les théories relatives à Pori- 
gine et à la répartition des anciennes races 
européennes, théories nombreuses et souvent 
confuses, ne procurent à l’histoire primitive de 
l’humanité que des données trop probléma- 
tiques. » (2) 

Dans les Iles Britanniques et la Russie, le type 
dolichocéphale est seul représenté; en Espagne, 
en Portugal, en Suède, les deux races dolichocé- 
phale et brachycéphale sont mélangées, mais la 
première domine; en France, en Suisse, en Alle- 
magne, en Autriche, le mélange est bien plus 
accentué (3). 

Pour ce qui est de la France en particulier, on 
peut cependant répartir les squelettes de l’âge de 
la pierre polie en deux groupes principaux : un 
groupe dolichocéphale et un groupe brachycéphale. 
Ce dernier est représenté surtout dans la France 
orientale, le premier dans les provinces de l'Ouest 
et du Sud-Ouest. 

4° Le groupe dolichocéphale ou groupe des 
Baumes-Chaudes. — Il tire son nom des grottes 
de Baumes-Chaudes, près de Saint-Georges-de- 


(1) Cf. Cosmos, n° 1430. Pespère revenir d'une façon 
plus détaillée sur la découverte d'Ipswich, signalée 
dans ce dernier article. Qu'il me suffise pour l'instant 
de constater combien étaient nécessaires les réserves 
de ma conclusion: l’ancienneté du squelette en ques- 
tion serait en effet actuellement abandonnée par plu- 
sieurs savants anglais et français, parmi lesquels 
M. Boule. Cf. Revue du Clergé français, À. Bouyssoxte, 
le Squelette d'Ipsivrich, numéro du 15 sept. 1912. 
M. Boule, d’ailleurs, avait déjà fait part de ses doutes 
dans l’Aathropologie: « Si l'antiquité du squelette d'Tps- 
wich était scientifiquement démontrée, nous serions 


en présence d’une découverte de tout premier ordre; 


mais il me parait prudent d'attendre pour ètre fixé 
les témoignages de géologues et de paléontologistes 
avertis. » Janvier-février 1912, p. 118. 

(2) DÉcueLeTTE, Manuel, p. 482. 

(3) Cf. J. pe Moncan: les Premiéres civilisations, 
p. 158. 


Lévejae (Lozère). Ces grottes, fouillées (4875-1878) 
par le D' Prunières, à qui d’ailleurs l’on doit en 
grande partie l'étude des stations analogues de Ja 
Lozère et du Gard, formaient de véritables ossuaires. 
dans lesquels étaient amoncelés sans ordre de 
nombreux débris humains: l'une d'elles a livré les 
restes de près de 300 cadavres de tout sexe et de 
tout âge. Le mobilier funéraire, comme il arrive 
souvent dans les ossuaires néolithiques, était 
extrêmement pauvre. 

Ce type des Baumes-Chaudes a de grandes affi- 
nités avec celui de Cro-Magnon, tout en ayant un 
aspect général plus harmonieux. Le crâne est doli- 
chocéphale; trente-cinq ont été mesurés et ont 
fourni des indices céphaliques variant entre 64,3 
et 75,1, avec une moyenne de 72,6 (1); le front 
est haut, très développé, les arcades sourcillères 
peu saillantes ; le prognathisme est nul, la région 
occipitale, en revanche, présente une saillie en 
forme de chignon; la capacité crânienne est grande, 
en rapport avec la tète, volumineuse comme celle- 
du type Cro-Magnon, mais à contours plus affinés. 
Les tibias sont platycnémiques (rìazvs, large, 
xvrur, jambe, tibia), c'est-à-dire aplatis en lame- 
de sabre, particularité fréquente chez les néoli- 
thiques, mais très rare dans les populations 
actuelles. Le squelette est élancé; la taille est 
médiocre, 4,60 m environ pour les adultes; cette 
taille a été calculée sur 15 férnurs dont la longueur 
moyenne était de 423 millimètres. 

Au type des Baumes-Chaudes se rattache le type 
dit de l'}omme-Mort, de la grotte du mème nom, 
située à Saint-Pierre-des-Tripiers (sud-ouest de la 
Lozère). Là encore, le mobilier funéraire était très 
pauvre; quant aux squelettes, ils étaient une cin- 
quantaine environ. Le tvpe est encore dolichocé- 
phale, mais présentant des marques évidentes de 
métissage brachvcéphale, quoique peu prononcées. 
Sur 19 crânes, en effet, 17 ont un indice céphalique 
compris entre 6N.2 et 76,7, les deux autres avant 
respectivement 78,5 et 78,8 (mésaticéphales). Le 
squelette est relativement grêle et la taille varie 
entre 4,48 m et 1,65 m. 

A ces deux types, le Dr Lucien Mayet vient 


(1) Rappelons pour mémoire la nomenclature crà- 


nienne de Broca, basée sur l'indice céphalique. Sur 
ce dernier, Cf. Cosmos, art. cit. 
Dolichocéphales....,.... au-dessous de 75. 
Sous-dolichocéphales...,. au-dessous de 77,7 
jusqu'à %5. 
Mésaticéphales ou méso- 
CÉPDRAIUSS.. sas entre 77,7 et X0. 
Sous-brachycéphales ..., au-dessus de S0 
Jusqu'à 83,3. 
Brachycéphales ,........ au-dessus de 83,3. 


63% 


d'ajouter celui de #ontouliers (Hérault) (1). Ce 
dernier, lui aussi, est dolichocéphale, avec infiltra- 
tion brachycéphale un peu plus accentuée que 
dans le précédent. « Les crânes recueillis sont en 
majorité dolichocéphales et forment une série assez 
homogène de douze crânes dont les indices s’éche- 
Jonnent entre 72,1 et 77,9. Deux crânes ayant res- 
pectivement un indice de 82,2 et 80 traduisent 
neltement l’infiltralion du sang brachycéphale 
dans cette ancienne population dolichocéphale. 
Celle-ci était d'une race plutòt affinée, avec un 
squelette plutôt grèleque massif, une taille moyenne 
de 1,60 m, un crâne aux lignes harmonieuses avec 
front bombé et bien développé. La face était 
courte avec des orbites basses et élargies trans- 
versalement.... Le degré de prognathisme ne sau- 
rait être déterminé avec les pièces mal conservées : 
ce prognathisme me parait minimum et sans 
aucun rapport avec celui des races humaines infé- 
rieures actuelles, non plus qu'avec celui des hommes 
fossiles du quaternaire moyen » (2). 

2° Le groupe brachycéphale. — Ce groupe a 
aussi reçu les noms de groupe de Grenelle {à 
Paris), de Furfooz (près Dinant, Belgique), ou 
encore de La Truchère (Saône-et-Loire). Cette race, 
de taille moyenne, avait tout d'abord été classée 
par MM. de Quatrefages et Hamy parmi les races 
paléolithiques; mais on a reconnu plus tard que 
cette race était néolithique: la méprise, d’ailleurs, 
est compréhensible : ces corps avaient très bien 
pu être déposés soit fortuitement (Grenelle), soit 
intentionnellement (Trou du Frontal, à Furfooz) à 
la surface de dépôts paléolithiques. 

L'habitat de la race brachycéphale était, nous 
l'avons déjà dit, les provinces orientales de la 
France; on peut mème encore distinguer deux 
centres principaux: un centre belge au Nord-Est 
(Pas-de-Calais, Aisne, Meuse, Oise, Marne, Seine- 
ct-Marne, Seine-et-Oise), un centre allobroge 
(Savoie, Isère, Drôme). Il me semble intéressant 
de noter ici une particularité que l’on rencontre 
souvent chez les néolithiques belges, le T sincipi- 
tal, espèce de cicatrice tracée plus ou moins pro- 
fondément le long de la suture unissant les deux 
pariétaux, se terminant au sommet de la tête 
(sinciput) par un autre sillon perpendiculaire au 
premier (3). 


(1) Lucien Maver, les Néolithiques de Montouliers. 
Etude sommaire d'un ossuaire néolithique découvert 
& Montouliers (Hérault), dans l'Anthropologie, janvier- 
février 1912. 

(2) D° Maver, l'Anthropologie, art. cit., p. 91 et 68. 

(3) On a déjà réuni un certain nombre de textes 
de l'antiquité et du moyen äge susceptibles d'expli- 
quer cette étrange coutume. Il en résulte que, depuis 
l'époque classique, l'usage existait de pratiquer par- 
fois, sur le sommet de la tċte, des incisions ou cauté- 
risalions en forme de croix, soit dans un but théra- 


COSMOS 5 DÉCEMBRE 1912 


Quelle est la cause de l'introduction dans nos 
régions de cette race qui, par son union avec la 
précédente, devait donner naissance à de nombreux 
types mixtes et finalement constituer nos races 
modernes? Je ne veux pas entrer dans les discus- 
sions soulevées par cette question; qu'il suffise de 
savoir que des deux hypothèses proposées : lutte 
violente au cours de laquelle la race nouvelle aurait 
vaincu et conquis la race antérieure ou bien infil- 
tralion pacifique et progressive, la dernière semble 
être la plus probable; l'a:cord cependant est loin 
d'être fait, et l'hypothèse de l'invasion violente 
garde encore de savants défenseurs. Quant à l'opi- 
nion émise par le D' Adolphe Bloch: transforma- 
tion du type dolichocéphale en type brachycéphale 
par des modifications successives dues à l’influence 
du milieu, elle ne semble pas avoir été admise 
par les anthropologistes. 


IL nous faut, pour être complet, signaler parmi 
les races vivant aux temps néolithiques la présence 
en certains endroits d'individus nains ou « pyg- 
mées ». Leur proportion est parfois si forte qu’on 
a pu se demander s'ils ne formaient pas un groupe 
humain spécial, analogue aux négrilles actuels, 
plutôt que d'attribuer leur existence à un arrêt 
pathologique de la croissance dů à des causes 
purement locales. « Certaines sépultures néoli- 
thiques de la Suisse ont livré les restes osseux 
d'individus de très petite taille, qui ont rappelé le 
souvenir des pygmées de l'antiquité, bien connus 
par les textes et les monuments des époques 
grecque et romaine. La première mention de ces 
nains se rencontre déjà dans l’Iliade. Hérodote les 
signale sur le cours supérieur du Nil. Plusieurs 
écrivains grecs alexandrins connaissent les pyg- 
mées de l'Inde et de l'Afrique équatoriale. Aristote 
mentionne dans les marais situés au sud de 
l'Égypte, et d'où sort le Nil, une race de petits 
hommes qui vivaient dans ces trous. L’ethnogra- 
phie moderne a démontré que ces asserlions des 
auteurs de l’antiquité n'étaient nullement, comme 
on lavait cru, de simples récits fabuleux. On con- 
nait de nombreuses tribus de nains dans l'Inde, en 
Océanie et surtout en Afrique, où les nains (né- 
grilles) sont dispersés, d'après M. Deniker, sur une 
large zone qui s'étend à 3° au nord et au sud de 
l'Equateur, à travers tout le continent africain, 
depuis l’Ouganda jusqu'au Gabon. 

» L'Europe a également possédé aux temps néo- 
lithiques quelques tribus de nains ou tout au moins 


peutique ou préservalif, soit comme signe de consé- 
cralion ou d'initiation analogue aux tonsures des 
clercs, soit encore comme simple ornement rappelant 
la scarification de la face. L’archéologie préhistorique 
établit la haute antiquité de ces pratiques. » DÉGuE- 
LETTE, Op. eil., pe ASi. 


Ne 145% 


d'hommes de très petite taille. On les a signalés 
en Suisse dans les stations du Schweizersbild (près 
Schaffouse) et du Dachsenbüel..…. Dans le premier 
abri, M. Nüesch trouva, à côté de sépultures con- 
tenant des individus de taille moyenne (1,60 m et 
au-dessus), cinq squelettes dont M. Kollmann a 
évalué la taille moyenne à 1,38-1,42 m. Toutes 
ces sépultures ont élé classées au néolithique. Dans 
la caverne du Dachsenbüel, près de Herblingen, 
canton de Schaffouse, le D°' Von Mandach ren- 
contra, en 4874, une tombe néolithique fermée par 


COSMOS 





635 


des dalles, renfermant plusieurs corps d'adultes et 
d'enfants, notamment une femme de très petite 
taille... 

» En France, on reconnait çà et là, à l’aide des 
mensurations de squelettes néolithiques, la présence 
sporadique d’adultes de petite taille, par exemple 
dans l'allée couverte des Mureaux (Seine-et-Oise), 
où la taille des femmes n'alteint en moyenne que 
1,55 m, tandis que celle des hommes s'élève à 
1,70 m. La plus petite taille des squelettes de 
femmes arrive à peine à 41,50 m. » (1) G. Drioux. 


o 


Sismographe Cartuja à composante verticale. 
Modèle de démonstration. 


Avant de construire une puissante composante 
verticale comparable aux bifilaires Cartuja de 425 
et de 305 kilogrammes de masse et au Cartuja ver- 
tical de 280 kilogrammes, nous avons voulu nous 
essayer d’abord avec un petit instrument utilisable 
comme modèle de démonstration. 

Son poids total est de 2750 grammes, sa hauteur 
32 centimètres; il est donc de dimensions très 
réduites. La masse pendulaire est de 273 grammes, 
la période propre de 2,1 secondes; le grossissement 
peut varier entre 10 et 25 fois, et un amortissement 
jusqu’à l’apériodicité s'obtient très facilement par 
le moyen d’un petit cylindre en bois susceptible 
d’être fixé à la masse pendulaire el qu’on immerge 
plus ou moins dans la vaseline liquide contenue 
dans un réservoir cylindrique. Cet amortisseur peut 
rapidement être adapté ou, par contre, mis de côté. 

La formule générale qui donne la période, en 
secondes, d'une composante verticale en fonction 
de l'élongation du ressort sous le poids de la 


masse est: à 
LES VE 
g 


ou dans le système métrique: 

Tyg 
à peu près. Si comme à Comrie, en 1844 (4), l'appli- 
cation du ressort à boudin ne se fait pas directe- 
ment à la masse, mais par l'entremise d'un levier 
dont les bras (distances entre le point d'application 
du ressort et le centre de gravité de la masse, et 
enire le point d'appui et le point d'application du 
levier) soient L et / respectivement, la formule pré- 
cédente se transforme en : 


LES EE 
\ l 


Si le point d'application du ressort se fait plus 


(1) Cosmos, n° 1328 (9 juill. 19410), p. 32-34, fig. 2. 
(2) D' R. EnLerT, Zusammenstellung, etc., der Seismo- 
meter (Beitræge cur Geophysik, III, 2, S. 424, Fig. 55). 


bas que le centre de gravité de la masse, la période 
de l'instrument se rehausse, de même qu'avec l’ac- 
tion de ressorts qui opposent une certaine résis- 
tance aux déplacements de la masse en fonction de 





SISMOGRAPHE A COMPOSANTE VERTICALE DE CARTUJA. 


la gravité et de l’élasticité du ressort à boudin. Des 
poids convenablement disposés à l'opposé de la 
masse et plus haut augmentent aussi la période. 

Tous ces dispositifs sont réunis dans ce petit 
modèle de démonstralion, que nous désignons, tout 
comme les autres instruments également construits 
sous notre direction par des Frères coadjuteurs de 
notre Compagnie de Jésus, sous le titre de Cartuja, 
du nom de la station sismologique actuellement à 
notre charge. 


(1) DÉCHELETTE, Manuel, p. 483. 


636 


Le ressort à boudin est en laiton écroui de 
2,5 mm de diamètre; les spires de l’hélice me- 
surent 42 millimètres de diamètre, et la longueur 
totale du fil métallique est de 3640 millimètres. 
Une livre anglaise (453 grammes), convenablement 
suspendue, produit une élongation de 43 milli- 
mètres, ce qui permet le calcul du module de rigi- 
dité (G, second module de Young, constante u de 
Lamé), d’après la formule : 


__2LRM 2» 3640 X 440 X 0,453 
am E 3,146 X 2,44 X 43 
— 4,3 X 10" (C. G. S.). 


= 4 400 = 


Le module de torsion ou coefficient de Coulomb 


est : 
zG 


Y= 32 


= 4,25 X 10" (C. G. S.). 


Dans la supposition que la valeur du coefficient 
de Poisson ou c soit = 0,3, le module d'élasticité 
de Young serait: E = 11,2 X 101! (C. G. S.). 

La masse directement suspendue produit une 
élongation de 27 millimètres, correspondant à une 
période de 0,33 seconde. L'élongation qu'elle 
devait produire avec L = 2 /, en tenant compte du 
poids de son étrier en fer, ne devrait pas dépasser 
de 60 à 65 millimètres. Le reste de l’étirage jus- 
qu’à 410 millimètres est produit par les deux res- 


———_—— 


COSMOS 





5 DÉCEMBRE 19412 


sorts plats d'acier trempé bien que très minces, 
qui servent d’axe d’oscillation à la messe. Si le 
centre de gravité de celle-ci était à la même hau- 
teur que le point inférieur d'application du ressort 
à boudin, la période serait de 0,94 seconde, tandis 
qu’elle est de 2,1 secondes (correspondant à une 
élongation de 1 100 millimètres), avec le petit poids 
supplémentaire et le levier multiplicateur-inscrip- 
teur avec son spiral de réveille-matin monté, et de 
1,5 seconde correspondant à 560 millimètres 
d’élongation dans les mêmes conditions, mais sans 
le poids. 

Malgré sa masse insignifiante et ses dimensions 
qui le font apparaitre comme un petit jouet scien- 


tifique plus que comme un instrument sérieux, le sis- 


mographe à composante verticale Cartuja, modèle 
de démonstration, est capable, non seulement de 
donner des graphiques de tremblements de terre 
sensibles, faibles, moyens ou un peu sévères, mais 
aussi d'accuser des mouvements artificiels, y com- 
pris même ceux produits dans le sol par le fonction- 
nement des petits moteurs à explosion, quoique, 
pour ces derniers, une masse de plusieurs kilo- 
grammes soit presque nécessaire. 

Exx.-M°-S. Navarno NEUMANX, S. J., 

directeur de la Station sismologique, 

de Cartuja (Grenade). 


Perceptions successives de linfiniment petit. 


L'infiniment petit ? Il semble que, de par sa 
nature même, il soit impossible sinon de le conce- 
voir, du moins de le percevoir et de le mesurer. 
De fait, il est ainsi théoriquement et en principe. 
On ne peut, en pratique, que chercher à se 
rapprocher davantage de cet infini qui, malgré les 
étonnants progrès accomplis, demeure et sera tou- 
jours insaisissable. Il n’est pas moins intéressant 
d'examiner la suite des efforts faits par les savants 
des diverses spécialités en vue de diminuer les 
divers aspects de l'infiniment petit perceptible. 

Plusieurs moyens, en effet, s'offrent pour per- 
mettre d'imaginer nettement l'extrême petitesse. 
Les plus simples sont le raisonnement et la com- 
paraison, alliés de la plus admirable façon dans la 
page bien connue de l'illustre philosophe catho- 
lique auteur des Pensées. Un autre moyen, en 
quelque sorte analogue, est donné par les mathé- 
maliques : un grand nombre de décimales, un 
chitfre à puissance élevée indiquent nettement des 
ordres de grandeur extrêmement petits. Toutefois, 
on n'exprime ainsi que des notions abstraites. 
L'esprit simple et aimant la clarté peut préférer 
à ces spéculations elles-mêmes infinies des chiffres 
sans doute moins petits, mais exprimant des réa- 
lités, des faits tangibles et mesurables. A l’intérèt 


philosophique de la connaissance de tehes notions, 
se joint un intérêt autrement considérable : dans 
les diverses sciences, il est de la plus haute utilité 
de progresser dans la connaissance de l'infiniment 
petit analysable. Ainsi est rendue possible la véri- 
fication plus exacte des lois, ainsi devient mieux 
connue la structure intime des choses. l 

On jugera des progrès accomplis à ces points de 
vue par les savants des temps modernes d'après 
la rapide histoire que nous allons retracer des con- 
ceptions successives de l’infiniment petit visible 
d'une part, et de l'infiniment petit pondérable 
d'autre part. 


L'infiniment petit microscopique. — Sans aucun 
des moyens perfectionnés du laboratoire, il est 
évident que l’extrèmement petit visible l’emporte 
de beaucoup sur celui qu'on peut usuellement 
peser : une patte de mouche ou un grain de pollen 
ne feront nullement osciller l'aiguille du pèse- 
lettre. Nous verrons se conserver cette supériorité 
due à l’extrème perfection de l'œil. Toutefois, la 
puissance visuelle peut être aisément multipliée, 
et il est souvent utile de le faire. La loupe, qui est 
bien le plus simple des instruments d'optique, 
connu dès la plus haute antiquité, permet ainsi de 


Ne 11454 


grandir jusqu'à cinquante fois le diamètre apparent 
des objets (1). 

* Le pouvoir grossissant de la loupe est limité 
assez étroilement par l'imperfection forcée du 
mécanisme rudimentaire de l'appareil. C'est pour- 
quoi on imagina d'associer deux éléments optiques : 
le doublet, formé de deux loupes accolées, permet 
d'atteindre un grossissement de 400 diamètres. 
H s'agit d'ailleurs, dans ce cas, d'appareils mo- 
dernes très perfectionnés, dont la puissance est 
supérieure aux premiers mieroscopes imaginés en 
Hollande à la fin du xvr siècle par Zacharias Jan- 
sen, le lunettier de Middlebourg. Le microscope 
véritable, formé de deux éléments : l’oculaire et 
l'objectif, montés aux extrémités d'un tube, ne 
permit guère d'obtenir de forts grossissements qu'au 
début du siècle dernier. C'est plus tard encore, vers 
4850, qu'on construisit les premiers appareils à 
multilentilles calculées de façon à se corriger entre 
elles. On imagina ensuite les objectifs à immer- 
sion, réunis à l’objet examiné par une goutte 
d'huile transparente, ce qui permet de supprimer 
la réfraction au contact de l'air. Les appareils à 
immersion sont indispensables pour les travaux de 
bactériologie où l’on doit examiner couramment 
des microbes extrêmement petits, tels que le bacille 
de Koch, par exemple (tuberculose), à des grossisse- 
ments d'au moins 1 000 diamètres. On peut d’ail- 
leurs arriver à 4500 et 2000 diamètres, mais à 
l’aide de microscopes très délicats, véritables chefs- 
d'œuvre de fabrication. 

Au cours de ces dernières années, un nouveau 
perfectionnement de haute importance devait être 
apporté au microscope, qui permit de reculer beau- 
coup la limite de visibilité. Nous ne voyons rien 
habituellement dans lair de la maison. Qu'un 
rayon de Soleil pénètre pourtant par la fenètre, 
son trajet illumine une infinité de poussières 
microscopiques en suspension. De même, au lieu 
d'éclairer les objets regardés au microscope par 
transparence ou par réflexion, qu’on y dirige trans- 
versalement un rayon de vive lumière, et sur le 
fond sombre du champ apparaitront des taches 
brillantes formées par des corpuscules reflétant un 
peu de clarté. Lultra-microscope ainsi réalisé, per- 
met la vue de poussières si fines qu'elles n’altèrent 
nullement la transparence des liquides où elles 
sont et passent à travers les filtres les mieux faits, 
qu'on ne peut voir leur forme réelle, mais seule- 
ment les taches qui indiquent leur présence. Ainsi, 
les particules solides du métal contenu dans une 
solution d’or colloïdal peuvent mesurer à peu près 
six cent-millièmes de millimètre! 

Est-ce là tout ? Non; il paraissait impossible de 
pouvoir pénétrer plus loin, étant donné que la 


(4) Breswster a présenté en 1852, à la Société royale 
de Londres, une loupe de cristal de roche retrouvée 
au cours de fouilles à Ninive. 


COSMOS 


637 


lumière est formée d'une vibration d'une certaine 
amplitude au delà de laquelle les choses ne peuvent 
plus donner d'image visible. Pour surmonter cette 
impossibilité apparente, on eut l'idée d'employer, 
pour voir ces choses « étonnantes par leur peti- 
tesse », des rayons de lumière nouvelle. L’ultra- 
violet, fait de vibrations à amplitudes extrêmement 
courtes, sert à l'éclairage de certains microscopes 
et révèle de nouveaux détails ignorés. Sans doute, 
il est invisible à l'œil, maisil est capable d'impres- 
sionner la plaque sensible, qui permettra indirecte- 
ment de voir malgré tout quelques secrets aupara- 
vant insoupçonnés..... (1) 


Mesure pondérale de l'infiniment petit. — On 
sait que les chimistes effectuent les pesées à l’aide 
de balances remarquablement sensibles. Une bonne 
balance de laboratoire permet d'apprécier facile- 
ment le dixième de milligramme (0,000 1 g); et 
s’il s’agit d'un appareil destiné aux essais de haute 
précision, on peut même atteindre la sensibilité 
au centième de milligramme (0,00001 g). On 
obtient cela avec des dispositifs somme toute 
analogues à ceux de la balance classique à fléau : 
l'appareil ne diffère que par le soin extrème pris 
dans la construction, lechoix des matièresemployées 
et la minutie avec laquelle on effectue les essais. 
A l'établissement international des poids et me- 
sures de Meudon, par exemple, certaines balances 
reposent sur un massif de maconnerie s'enfoncant 
dans le sol sans contact avec le plañcher, et l’opé- 
rateur manipule à distance de plusieurs mètres 
pour que son soutlle ne fasse pas varier la tempé- 
rature. En effet, quand on opère avec une telle 
précision, les moindres changements de tempera- 
ture, de pression atmosphériques apportent des 
perturbations capables de fausser les résultats. 

Déjà, dans certaines de ces balances, les dépla- 
cements du fléau sont observés à l'aide d'un micro- 
scope : comme l'angle forméavec l'horizontale varie 
selon l'excès de charge, on conçoit que, par visée 
d'un point du fléau et comparaison avec une gra- 
dualion micrométique, on puisse apprécier des 
fractions de matière pesante plus petites encore que 
celles dont nous avons noté l’extrème petitesse : 
on peut arriver ainsi au millième de milligramme 
(0,000 001 g). 

La fameuse balance, récemment imaginée par 
l'illustre physicien anglais W. Ramsay (2), est 
bien autrement sensible: elle donne moins du 
cent-millième de milligramme (0,000 000003 g)! 
Elle est micro-manométrique, c'est-à-dire qu’un 
déplacement du fléau est apprécié par un micro- 
scope et qu'il est provoqué par une variation de 


(t) Toutes choses égales, on peut voir à l’ultra-violet 
un objet égal à 0,36 fois de celui tout juste visible 
à la lumière blanche. (Cotton-Mouton.) 

(2) Cf. description et gravure données dans le Cos- 
mos, t. LXVI, n° 1418, p. 344, 28 mars 1912. 


638 


pression manométriquement mesurée. Ce fléau est 
en silice, matière à la fois très dure (ce qui permet 
de tailler les couteaux porteurs dans la substance 
même) et presque insensible aux variations de 
température (on évite ainsi une cause d'erreurs et 
d'ennuis). La balance est contenue dans une boite 
métallique étanche reliée à une pompe pneuma- 
tique. Dans ces conditions, si l'on a suspendu à 
l'une des extrémités une ampoule de quartz con- 
tenant quelques millimètres cubes d'un gaz à 
peser, le tout étant lesté par une charge placée 
de l'autre còté, il suffit de faire varier la pres- 
sion pour que S'établisse exactement l'équilibre. 
Ainsi, l’artifice permet de remplacer des poids — 
pratiquement impossibles à fabriquer — par un 
manomètre. L'équilibre établi, on brise la pointe de 
l’ampoule qui tombe dans une cupule placée des- 
sous, on fait le vide, on laisse rentrer l'air : le gaz 
de l'ampoule est de la sorte éliminé. Finalement 
on établit à nouveau l’équilibre : la pression néces- 
saire pour cela diffère de celle constatée en premier, 
puisqu’au gaz de l'ampoule est substitué de lair, 
dont la densité diffère. Connaissant le volume de 
l'ampoule et la densitė de l'air, il devient possible 
de calculer le poids de gaz d'après la différence des 
deux pressions manométriques. 

Les poids de substance déterminée de la sorte 
sont-ils à la limite de l'infiniment petit pondéral ? 
Non, et on peut apprécier des quantités plus faibles 
encore de malière. Toutefois, c'est à laide de pro- 
cédés en général assez peu précis; on peut moins 
obtenir des chiffres que des ordres de grandeur. 
On sait que le spectroscope, qui permet d'analyser 
la substance des étoiles au rayonnement de leur 
lumière, est extrêmement sensible ; c’est ainsi qu'on 
peut apprėcier 0,000 000 000 2 g d'hélium, gaz rare 
que contiennent l'atmosphère du Soleil et certains 


COSMOS 


B DÉCEMBRE 1914 


minéraux terrestres. Nous possédons chacun un 
appareil encore plus compliqué et sensible que le 
spectroscope, c'est le nez, qui est capable de sentir 
les odeurs produites par des quantités infiniment 
petites de certaines substances très parfumées. 
Ainsi, un produit chimique à très mauvaise odeur, 
combinaison d'alcool et d'hydrogène sulfuré (le 
gaz que dégagent les œufs pourris), donne, à dose 
de 0,000 000 000 01 g, une sensation très percep- 
tible. 

Et ce n'est pas là un record ! 

Il est encore un moyen d'appréciation plus sen- 
sible, au moins en ce qui concerne le radium, dont 
on connait la curieuse propriété de décharger à 
distance un condensateur électrique. L'électroscope 
de Curie, basé sur cette propriété pour per- 
mettre la mesure du radium, permet de constater 
la présence de cet élément à dose minimum de 
0,000 000 000 001 g, soit un milliardième de milli- 
gramme! « Si, dit Ramsay, un milligramme de 
radium élait partagé enlre les deux milliards 
d'hommes vivant à la surface de la Terre, chacun 
deux en posséderait assez pour décharger cinq 
électroscopes et pouvoir ainsi, s’il était assez habile, 
étudier les propriétés les plus importantes de ce 
COrpS..... » 

si On a peine à concevoir qu'il puisse exister 
un tel atome imperceptible. Et pourtant, il faut 
évidemment voir là, peut-être, « une infinité de 
mondes dont chacun a son firmament, ses planètes, 


sa terre... danscetle terre, des animaux..... ettrou- 
ver encorè dans les autres la même chose, sans fin 
ni repos... » Quels vastes et riches champs nos 


savants ont-ils encore à moissonner! Et quelles 
nouvelles poussières d'alomes nous feront-ils bien- 
tôt voir dans le champ de nouveaux mystérieux 
appareils ? Henri ROUSSET. 





Observations relatives aux manifestations vocales 


d’un Anthropoïde (Hylobates leucogenys Ogilby)". 


J'ai suivi pendant plus de cinq années l’évolulion 
d'un gibbon (Hylobates leucogenys Ogilby), et j'ai 
noté avec soin ses manifestations vocales. 

Ces observations ont de l'intérêt, parce que 
l'animal ayant été placé dès son jeune âge dans 
des conditions particulières (isolement de ses sem- 
blables), la comparaison de ses manifestations 
vocales avec celles des anthropoiïdes de la mème 
espèce, sauvages ou vivant en captivité dans leur 
pavs d’origine, nous renseigne sur la nature des 
sans émis par ces mammifères. 

Indépendamment du grand chant caractéristique 


r 


(1) Comptes rendus, % novembre 1912, 


qui traduit chez l’adulte un état d'excitalion, j'ai 
noté chez cet hylobate treize manifestations vocales 
principales, traduisant des états de satisfaction ou 
de bien-être, de malaise ou de crainte, et des états 
intermédiaires. 

Voici le tableau des principales émissions vocales 
de l'/ylobate leucogenys : 

4° État de satisfaction ou de bien-être. — Hoc 


hooc hoc; hoc hous houc, hag couag, gouacgac: 
hein, hem (à la fois toux et han causé par un 
effort); koui, hiig, hig (avec écartement des 
lèvres). 


Ne 1154 


2 État de malaise ou de crainte. — Hoc 
hoouc, hoc; koc, hog, koug hiiig; ook, okouk 
(grave et saccadé) ; crucg, crenng (avec grincement 
des dents). 

3 État intermédiaire. — Thuinng (doux et 
plaintif); hoooougig (plaintif et long); kou hig, 
ook; preutt, prurrt (avec vibration des lèvres). 

# Grand chant d'excitation (avec roulades). 

Malgré leur variété et leur nombre, les sons 
émis par l’anthropoïde que j'ai observé ne servent 
à indiquer que des notions assez vagues : dangereux, 
agréable, bon, mauvais, amitié, inimitié. 

Je ne crois pas qu’on puisse leur donner la 
valeur des mots et les considérer comme les termes 
d'un langage, ainsi que voudrait le faire M. Gar- 
ner ({) pour les singes qu’il a étudiés. 

Ces sons ne représentent pas un langage rudi- 
mentaire, mais constituent quelque chose de très 
différent du langage, tel qu’on doit le définir 
scientifiquement. Ils n'ont que la valeur d’un 
pseudo-langage, parce qu'ils différent des mots 
quanlitativement, et aussi qualitativement. 

. Je base cette affirmation sur les faits constatés 
pendant l'évolution de l’hylobate que j'ai élevé. 

Je dois remarquer qu’au moment où j'en ai pris 
possession, il ne prenait contact avec le monde 
extérieur que pour prendre sa nourriture, et qu'à 
partir du jour de sa captivité il est resté sous ma 
surveillance et pratiquement à l’abri de tout con- 
tact avec ses semblables. 


COSMOS 


639 


Cependant, tous les sons que j'avais entendu 
émettre par les hylobates de la même espèce, 
libres ou captifs, dans leur pays d'origine, ont été 
reproduits par lui, spontanément et sans éducation. 
Ceci est particulièrement remarquable pour le chant 
caractéristique de sa race. 

A son arrivée en France (février 1909), l'animal 
très jeune, puisqu'il mavait pas complété sa denti- 
tion de lait, n’avait encore jamais essayé d'émettre 
le grand chant. Ce n’est que plusieurs mois après 
son arrivée qu'il commença quelques tentatives. 

Peu à peu, le chant mal ébauché devint plus 
fort et plus complet. Enfin, plusieurs mois après, 
enregistré sur le phonographe, il ne parait différer 
en rien du chant si caractéristique que j'ai entendu 
à maintes reprises dans les forèts de Annam et 
du Tonkin. 

On peut conclure de ces faits que les sons émis 
par les gibbons de la même espèce et à l’élat sau- 
vage sont spontanés. 

Etant donné que le gibbon est le mammifère 
qui présente les manifestations vocales les plus 
étendues, il semble permis d'étendre cette conclu- 
sion aux autres mammifères et de dire : 

Que les sons émis par les mammifères consti- 
tuent un pseudo-langage el diffèrent des sons du 
langage proprement dit en ce qu’ils ne sont pas le 
produit d’une éducation, qu'ils n'ont rien de con- 
ventionnel et représentent des sons spontanés. 


Louis BOUTAN. 





SOCIETES SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 


Séance du 25 novembre 1912. 


PRÉSIDENCE DE M. LIPPMANN. 


Sur le vol à voile. — L'oiseau voilier entretient 
son énergie et, par suite, son vol en manœuvrant de 
manière à être actionné à certains moments par une 
force tangentielle propulsive. M. Thouvexy établit que 
les conditions dans lesquelles la propulsion prend 
naissance sont les suivantes : 

À. L'oiseau ayant vent debout décrit une trajec- 
toire dont la pente est plus ascendante ou moins des- 
cendante que celle de la vitesse du vent prise en sens 
inverse. 

B. L'oiseau ayant vent arrière décrit une trajectoire 
dont la pente est plus descendante ou moins ascen- 
dante que celle du vent. 

C. Par vent horizontal, l’oiseau décrit dans un plan 
horizontal une trajectoire opposant sa convexité au 
vent. 

A l'aide des principes et des formules établis, l’au- 
teur a pu trouver des explicalions rationnelles pour 


(2) Garner, Speech of Monkey. 


presque toutes les manıruvres connues et suffisam- 
ment décrites, Cette méthode a montré, notamment, 
que le voilier ne fait pas usage d'un mécanisme unique; 
tout en n'appliquant qu'un nombre très restreint de 
principes, il varie assez ses procédés d'exécution pour 
que chaque type d'évolution comporte sa théorie par- 
ticulière. 

Sur une méthode expérimentale pour déter- 
miner à l'avance les tensions qui se produi- 
ront dans les constructions. — Pour un projet 
de pont de 97 mètres d'ouverture, à arc encastré et 
tablier partiellement solidaire de l'arc, M. MESNAGER 
a fait faire un modèle en verre à l'échelle de 3 mil- 
licmes. La méthode qui consiste à fabriquer des 
pivces en réduction el à étudier la répartition des 
efforts et des tensions qui s'y produisent en faisant 
tomber normalement en chaque point un rayon de 
lumière polarisé n'élait usitée que pour des pièces de 
forme simple; la raison est que le verre est coùteux 
à tailler, qu'il est ditlicile de faire des blocs évidés, 
qu'on ne peut souder les pièces sans produire des 
eflets de trempe importants. L'auteur à pu cependant 
réaliser un modèle compliqué en collant simplement 
avec de la gélatine, rendue soluble à froid, les unes 
sur les autres, des pièces de verre découpées dans 
des feuilles de glace recuiles avec soin. 


610 


Pour le modele de pont, il a été possible d'obtenir: 
l° les points où se produiront les plus grandes ten- 
sions; 2’ les combinaisons de charges les plus défa- 
vorables; 3° la valeur des plus grandes tensions ou 
pressions. 

La dépense du modèle n'a pas atteint le millième de 
celle de l'ouvrage. 


Radiotélégraphie : Sur la réception d’an- 
tennes au ras du sol. — M. EE. RoTué complète 
sa note du 22 janvier {912 en signalant les nouveaux 
essais faits près de Saint-Dié: les résultats dilfèrent 
un peu de ceux qu'a obtenus M. Jégou près de Saint- 
Brieuc, àù une distance de Paris à peu près égale à 
celle de Saint-Dié, inais dans la direction opposée. 
L’antenne dont il s’est servi était un fil de cuivre 
unique placé sur des potelets de 15 centimètres de 
haut, très mal isolé, touchant parfois l'herbe. 

La longueur a varié d’un minimum de 15 mètres 
jusqu'à un maximum de 35 mètres. Cette antenne 
communiquait avec une conduite d'eau {conduite 
d'arrosage du jardin), par l'intermédiaire d'une bo- 
bine de self de 0,005 henry. Elle n’était pas orientée 
dans la direction Paris. Le circuit du détecteur, com- 
prenant en série le détecteur, le téléphone et les piles, 
était en dérivation entre le sol et le point d'attache 
de l'antenne et de la self. Dans ces conditions, on 
entend parfaitement la tour Eittel. 


Micromanomètre. — Le manomètre extrme- 
ment sensible construit par M. A. Henry est constitué 
par une sorte de niveau d'eau : dans le tube hori- 
zontal qui joint les deux réservoirs. le liquide est 
séparé en deux parties à l’aide d’une bulle d’air jouant 
le rôle d’index. Le meilleur liquide à employer est le 
tétrachlorure de carbone, ininflammable, inaltérable 
à l'air et peu visqueux. Dans un de ces micromano- 
mètres, un grain de plomb de 2,2 mm de diamètre, 
mis dans un des réservoirs qui mesurent #5 milli- 
mètres de diamètre, déplace très nettement la bulle : 
l'appareil accuse donc une variation de pression de 
0,005 millimètre d’eau. 


Influence de la radio-activité sar le déve- 
loppement des plantes. — Comme substance 
radio-active, M. J. STokLasa a employé du nasturan, 
qui accuse une teneur en radium de 0,136 mg par 
kilogramime; le nasturan était enfermé dans des réci- 
pients de verre, immergés à leur tour dans la solu- 
tion nutritive, au contact des racines des plantes. 

Après trente jours de végétation, surtout dans le cas 
du maïs, on constate de grandes différences avec les 
témoins : le poids de neuf plantes venues sans nasturan 
était de 20,16 g; avec 0,5 g de matière radio-active, la 
végétation était plus toutfue et a donné, après trente- 
deux jours, 36,24 g de récolte, En revanche, 1 gramme 
de nasturan n'a plus donné que 3,88 g; avec ? grammes, 
la récolte s'est encore abaissée à 3.26 g, et avec 
t grammes à 262 g. 

La quantité Ja plus favorable de matitre active a 
donc été de 6,5: au delà de cette dose, elle est devenue 
franchement nuisible. 

L'auteur a constaté aussi un développement remar- 
quable de graines et plantes diverses : blé, orge, fève, 
pois, trèfle, arrosées avec les eaux très radio-actives 
de Joachirustal, puisées chaque jour à la source, car 


COSMOS 


5 DÉCEMBRE 4942 


leur activité disparait assez vite. Ces eaux ont, par 
contre, une influence empéchante sur certains microor- 
ganismes. 


Sur la faune ichtyologique des côtes de 
l’Angola. — En se basant sur les collections de pois- 
sons comestibles rapportées de cette région au 
Muséum de Paris, par M. Gruvel, M. Jacoves PELLE- 
GRIN examine les rapports qui peuvent exister entre la 
faune ichtyologique de parties du littoral africain 
situées, au nord et au sud de l'Atlantique, à des lati- 
tudes sensiblement analogues. 

Sur 34 espèces recucillies, une seule est spéciale à la 
région; 18 appartiennent à la faune des côtes de 
France et # autres, qui ne se rencontrent pas en France, 
existent cependant en Méditerranée. 

La conclusion qui s'impose, c'est que la faune ichtvo- 
logique marine du sud de l’Angola, comme celle des 
côtes de Mauritanie et du Sénégal, comprend un mé- 
lange de formes tempérées et de formes tropicales, 
les premières semblant prédominer. 

En outre, abstraction faite des espèces à distribu- 
tion géographique très étendue, un grand nombre de 
poissons communs de la Méditerranée et des parties 
avoisinantes de l'Atlantique se retrouvent aussi en 
abondance sur le littoral Sud de l’Angola, tandis qu'ils 
disparaissent complètement ou sont tout à fait acci- 
dentels sous l'équateur, à la surface, ou près des côtes 
africaines. 

Ces similitudes de faune semblent correspondre sur- 
tout à des similitudes de conditions de milieu et de 
température. 


Cinquième liste de nébuleuses découvertes à l'Ob- 
servaloire de Paris. Note de M. G. Bicourpan. — Sur 
la détermination du coefficient respiratoire réel. Note 
de MM. L. MaouEexxe et E. Demoussy. — Sur l’action 
simultanée de la pesanteur et du champ magnétique 
uniforme sur un gaz ionisé. Note de M. Gouy. — La 
Commission des paratonnerres, composée des membres 
de la section de Physique et de MM. Vire et LE 
CHATELIER, a été priće par le sous-secrétaire d'État 
des Postes et des Télégraphes de donner son avis sur 
les dispositifs électriques dits « Niagaras », et sur les 
dangers auxquels peuvent étre exposés les bureaux 
centraux télégraphiques et téléphoniques établis dans 
le voisinage. — Sur la valeur asymptotique de la 
meilleure approximation des fonctions analytiques. 
Note de M. Serce BERNSTEIN. — Remarques sur la note 
de M. Kr. Birkeland, relative à l'origine des planètes 
et de leurs satellites. Note de M. Cane STŒœRMER. — Sur 
l'ionisation de l'air par l'arc au mercure sous quartz. 
Note de MM. Léon et Eucixe BLocu. — Le coefficient 
critique et le poids moléculaire des corps au point cri- 
tique. Note de M. À. BourTanic. — Sur les propriétés 
therme-électriques du système fer-nickel-carbone. 
Note de MM. Eveèxe-L. Duprey et A. Ponrevin. — Sur 
les réactions chimiques de l'or f et sur l'or cristallisé. 
Note de MM. M. Haxuior et F. Raout. — Sur la car- 
piline, nouvel alcaloide du jaborandi. Note de 
MM. E. Lécer et FenniNAND Roques. — Sur l’introduc- 
tion et sur la réussite du giroflier au Gabon. Note de 
M. Avg. CHEVALIER. — Le gamétophyte des Marchan- 
liales. De l'importance de ses caractères anatomiques. 
Note de M. À. LamoTuE. — La vérité du schéma hété- 
rohoméotvpique. Note de M. V. GrÉçGoine. — Nou- 


No 1454 


velle contribution à l'étude des substances hémoly- 
tiques dérivées du sérum et du vitellus de l'œuf, 
soumis à l’action des venins. Note de M.C. D8LEZENNE 
et M'™ S. Lenrsr. — Propriétés physiologiques de cer- 
tains lipoiïdes. Les lipoiïdes homo-et hétéro-stimulants 


des organes. Note de M. Hexar Iscovesco. — Sur la 
durée de la circulation pulmonaire. Note de 
MAL. J.-P. LaNczois et G. Dessotis. — L'antigéne dans 


la réaction de Wassermann. Note de M. A. DEsuoc- 
LIÈRE. — Variations du ventricule succenturié et du 
gésier entrainées chez les canards par divers régimes 
alimentaires. Note de M. A. MaGxanx. — Sur les divi- 
sions de l’éocène en Égypte. Note de M. R. FourTac. 
— Sur la faune de vertébrés découverte dans l'aqui- 
tanien supérieur de l'Agenais. Note de M, G. Vasseur, 
. 





ASSOCIATION FRANÇAISE 
POUR L’'AVYANCEMENT DES SCIENCES!” 
Congrès de Nîmes. 
Anthropologie. 


Sous la présidence du D’ Marian, directeur du 
musée arlésien d’ethnographie, la Section a nommé 
M. ADniEN bpe MonrTtILLET président d'honneur, et 
MM. Félix Mazaunic et GaLiEex MEXGaup (Nimes) vice- 
présidents ; le secrétaire était notre aimable collabora- 
teur, M. GÉNEAU. 


M. L. Ginaux (Paris) 1° a étudié les Monuments 
mégalithiques des communes de Lussos, de Laville- 
dieu et de Saint-Laurent-sur-Coiron, canton de Ville- 
neuve-de-Berg (Ardèche). Ce canton a déjà été exploré, 
il y a une quarantaine d'années, par M. Ollier de 
Marichard; au lieu des vingt dolmens cités dans son 
ouvrage les Monuments mégalithiques du Vivarais, 
M. Giraux en a reconnu vingt-cinq, qu'il a explorés 
complètement. L'auteur est intimement persuadé qu'il 
retrouvera sur le territoire de la dernière de ces com- 
munes d’autres monuments encore. Les dolmens 
sont alignés sur des parallèles, il se propose de re- 
chercher si cet alignement se continue pour les monu- 
ments d'autres communes plus au Sud. L'entrée de 
tous ces dolmens est située du côté du Soleil levant, 
variant seulement de l'E.-E.-S. au S.-S.-E. 

2 Description des ossements utilisés provenant de la 
grotte de Bize (Aude). — Recherches très anciennes 
de Tournal, d'autres très nombreuses ont été faites 
depuis. M. Jean Miquel est l'auteur de celles que 
M. Giraux expose. La grotte a été occupe pendant 
toute la durée du solutréen, ainsi que pendant le 
magdalénien et le quaternaire. Les fouilles exposées 
dans ce travail ont permis de récolter des silex taillés 
et un très grand nombre d'ossements travaillés : 
pointes, lissoirs, aiguilles. La faune nombreuse de 
celte grotte appartenait au bœuf, au cheval, au renne 
et à l'ours. 

Ces instruments présentent des traces d'utilisation, 
dépécement, des traces gravées intentionnelles, des 
traces de morsures. 


MM. les D” Lrcies Mayer (Lyon) et A. Gazer (Olonzac) 


(1) Suite, voir p. 613. 


COSMOS 


611 


ont exploré la Grotte des Poteries, à Fauzan, décou- 
verte par M. Gazel. 

Cette grotte a dù servir d'ossuaire au début du 
néolithique, a été habitée vers la fin du néolithique 
et pendant la fin des temps préhistoriques, et a enfin 
été retrouvée et utilisée comme salle, passagèrement, 
à la fin du moyen àge. | 


M. Marits Daizoxr (Alger) étudie les /ndustries de 
la pierre dans le nord de l'Oranie et en conclut que 
l'industrie préhistorique est à peu près la mme dans 
tous les gisements du Tell qu'il a pu explorer; elle a 
de grandes analogies avec celle des Hauts-Plateaux et 
du Sahara, sinon une complète similitude. Les sta- 
tions du Sud se distinguent par l’abondance extraor- 
dinaire des belles pointes de flèches et la présence de 
rares types (hachettes plates, pointes à écusson) que 
l'on peut espérer, sans doute, rencontrer un jour plus 
au Nord. 


Céramique ancienne trouvée a Marseille. — M. Sra- 
NISLAS CLASTRIER avait la surveillance archéologique de 
la rue Rouge, de celle des Grandes-Maries et de la 
rue des Phocéens ; une ample moisson a été récoltée, 
M. Clastrier en présente des spécimens. 


M. L. FraxcHET (Asnières) étudie la Technique réra- 
mique chez les negres de l'Afrique centrale. — On ne 
compte guère que 10 pour 100 des tribus où cette 
industrie soit pratiquée par les hommes. Ce sont habi- 
tuellement les femmes qui s’y consacrent. On trouvera 
dans cet important mémoire des renseignements sur 
l'argile employée, les dégraissants, le façonnage, le 
séchage, la décoration, la cuisson. Une intéressante 
bibliographie termine le mémoire. 


M. D. Peyvrosy (Les Eyzies de Tayac) a effectué de 
Nouvelles fouilles aux Champs-Blanes. — Il y a décou- 
vert des sculptures appartenant à une phase très an- 
cienne du magdalénien, et qui doivent ètre presque 
synchrones du niveau inférieur de la Madeleine. Les 
découvertes de ce genre ouvrent des horizons nou- 
veaux sur l'art et les murs des Paléolithiques supé- 
rieurs. 

Une conséquence importante semble pouvoir être 
tirée de là: chaque tribu devait ètre indépendante, 
avoir son chef, son sorcier, son habitat, son temple, 
avec ses dieux particuliers. 


M. GEunues CorrTY (Paris). La schematisation du 
chariot «à l'époque préhistorique. — L'auteur a récem- 
ment relevé sur une roche de la forèt de Fontainebleau 
« l'abri Jean La Fontaine », un pétroglyphe qui peut 
se rapprocher de ce que M. Reber a appele une deui- 
roue (pétroglyphe d'HubelwWangen, Suede), Le signe 
de Mance-Scoul, près Guérande, est sans doute du 
méme groupe que ceux de Lardy ou celai de la grotte 
du Bourrelier à Matesherbes. La cupule qui entoure 
ces signes symboliserait łe chariot tont entier. Les 
pétroglyphes de la région parisienne présentent évi- 
deminent un aspect plus archaique que ceux du lac 
des Merveilles, par exemple, mais leur sens est ana- 
logue. 


M. G. RorxEL (Cherbourg) a trouvé des vestiges 
d'habitations protohistoriques dans la baie de Nacque- 
viile (Manche). 


M. le D' Jees (Joyeuse, Ardèche) a relevé sous les 


642 


parois de la salle terminale de la grotte de Caïre-Crès 
des graffiti historiques, trois figures de bouquetins 
et de chèvres. 


M. Couvoxr (Amiens) donne une chronologie et une 
stratigraphie des industries néolithiques et paléoli- 
thiques dans les dépüts holocènes et pléistocènes du nord 
de la France. 


M. Corre (Pertuis). Les idées actuelles sur le pléisto- 
cène provençal. — Dans ce travail sont résumés les opi- 
nions de MM. Rutot, Penck, Marcelin Boule, D. Martin, 
Joleaud, Répelin, et un essai de concordance des élé- 
ments des travaux de ces deux derniers et de ceux 
de M. Penck. 


Les Umbranici. = M. le D' ManiGxaN rappelle que 
les anciens historiens et géographes grecs ou romains 
disent que ces peuples habitaient le Bas-Languedoc, 
antérieurement aux Ligures et aux Ibères. La table 
de Peutinger place l'habitat de ceux-ci entre l'Hérault 
et le Rhône. L'auteur démontre que ces Umbranici 
étaient des peuples de la pierre polie. Il s'appuie sur 
les travaux concordants de M. Gabriel Carrière (pa- 
léoethnologie des Cévennes) et de M. Mayet (ossuaire 
néolithique de Mont-Louis), et sur les observations de 
Lapouge sur la platycnémie commune à l'époque néo- 
lithique; fréquente encore dans la population actuelle 
du Bas-Languedoc, cette forme est devenue un caractère 
racial. D’après de Lapouge, c'est aux Umbranici qu'il 


COSMOS 


5 DÉCEMBRE 19192 


faut attribuer les inscriptions en caractères grecs, 
antérieures aux Gaulois, inscriplions trouvées dans le 
Gard, l'Hérault, la Vaucluse et les Bouches-du-Rhône. 

La langue parlée était aussi voisine du latin que 
l'osque ou l'ombrien. 


M. Boyard (Nan-sous-Thil, Côte-d'Or) continue ses 
fouilles de l'abri sous roche du Poron des Cuëches. — 
Elles ont atteint la couche magdalénienne en 1911- 
1912, elle est formée de terre jaunâtre, quelques poches 
de sable grossier existent le long de la paroi et dans 
l'épaisseur de la couche. Cette couche est épaisse de 
£ mètres, il ne semble pas qu'il y ait de différence 
dans son industrie. La faune aussi est la mème. La 
base actuelle de la fouille remonterait au moins au 


magdalénien inférieur. 5 


M. le D’ Marcez Baupocin (Paris) a découvert un 
polissoir à stries de charrue, enfoui sous les sables de 
l'ile de Riez (Vendée). — Ce polissoir néolithique est 
le premier découvert dans cette partie de la Vendée 
maritime, il était enfoui sous le sable d'une dune fort 
ancienne préromaine, fait extrêmement rare, peut-ètre 
unique jusqu'ici. M. Baudouin en a fait l'étude com- 
plète. En plus de nombreuses cuvettes, ce polissoir 
présente des stries superposées, d'âge différent, qui 
ne peuvent ètre dues qu’au soc de la charrue, et même 
une gravure de sabot d'équidé. 


(A suivre.) E. Héricuaro. 





BIBLIOGRAPHIE 


Exploitation des mines métalliques. Méthodes 
d'extraction des minerais, par W.-R. CRANE, 
professeur et doyen de l'Ecole des mines et de 
métallurgie du State college de Pensylvanie, 
traduit et augmenté par ALBERT BORDEAUX, ingé- 
nieur des mines. In-8 de vur-182 pages avec 
65 figures (broché, 9 francs; cartonné, 10,50 fr). 
H. Dunod et E. Pinat, éditeurs, 47 et 49, quai 
des Grands-Augustins, Paris, 14912. 


Il n'existait jusqu'ici aucun ouvrage où l'on 
puisse trouver une description systématique et 
détaillée des méthodes d'extraction des minerais. 

C'est avec cette pensée que M. Crane a rédigé 
cet ouvrage, uniquement consacré aux méthodes 
d'extraction des minerais, espérant ainsi rendre 
service à la fois à l'étudiant et à l’exploilant pour 
acquérir la connaissance de l'extraction et pour 
comparer les méthodes. Pour que l'ouvrage soit 
aussi ulile que possible, les descriptions sont courtes 
et accompagnées d'illustrations nombreuses. En 
oulre, lapplivation de chaque méthode a été fixée 
par un excimple, avec les avantages et les incon- 
vénients de son emploi. 

La classilication adoptée pour les diverses m“- 
thodes est fondée sur l'étendue du gite, plutot que 
sur le genre de minerai ou de métal, ou le carac- 
tère du gisement; re procédé semble être à la fois 


le plus simple et le plus logique. L'auteur n’a eu 
l'intention de décrire que les méthodes qui ont 
fait leur preuve par le succès, et cela non seute- 
ment dans un endroit, mais dans plusieurs; il n’a 
voulu étudier ni les méthodes à l'état de projet ni 
celles qui sont en cours d'expérience. 

Pour vérifier les descriptions et étudier les mé- 
thodes dans tous leurs détails, l’auteur a visité des 
mines en nombre suffisant pour voir toutes les 
méthodes exposées. 

M. A. Bordeaux a cru rendre service aux lecteurs 
français en traduisant le travail du savant amé- 
ricain. 

Les méthodes employées aux États-Unis pour 
l'extraction des minerais sont en effet très variées 
et diffèrent notablement de celles qu'on emploie 
pour les mines de charbon. Or, dans les traités 
d'exploitation des mines publiés en français, les 
méthodes décrites sont presque uniquement celles 
qui sont adoptées pour les mines de charbon. Il 
n'est fait aux mines métalliques que de rares 
allusions. 

Or, les Etats-Unis sont au contraire le théâtre 
d'une exploitation intensive des mines métalliques 
sur une très vaste échelle. 

Comme depuis quelques années il se fait en 
France un mouvement actif au sujet de l’exploita- 


No 1454 


tion des mines d'or, et comme beaucoup de per- 
sonnes s'intéressent aux mines métalliques de 
l'étranger, il a semblé d'autant plus à propos de 
présenter un ouvrage ayant un but utile et pou- 
vant servir aussi bien aux étudiants, comme le dit 
le professeur Crane, qu'aux ingénieurs des mines, 
aux administrateurs des Compagnies minières, et 
même aux actionnaires qui s'intéressent à autre 
chose qu'à la spéculation financière. 


Les moteurs Diesel, type fixe et type marine, 
par À. P. CHazkirY, B. Sc. (Londres), A. M. Inst. 
CG. E., A.L E. E., avec une introduction par le 
D° Ruporr Diesel, traduit de l'anglais par 
CH. LorpiæRr, ingénieur civil des mines. In-8° de 
xv1-250 pages avec 82 figures (broché, 12 francs, 
cartonné, 13,50 fr). Dunod et Pinat, éditeurs. 
47 et 49, quai des Grands-Augustins, Paris, 1912. 


L'intérêt que le moteur Diesel a suscité depuis 
quelques années est remarquable par son caractère 
de spontanéité et de généralité. Les questions sou- 
levées sont plutôt d'ordre commercial que technique. 
C’est ce que M. Chalkley a eu en vue en traitant 
ce sujet; il s’est efforcé de rendre ce livre pratique 
pour tous ceux qui, pour des raisons très différentes, 
ressentent la nécessité de se familiariser avec le 
moteur Diesel, et c’est avec intention que certaines 
notions élémentaires y ont été traitées pour venir 
en aide au lecteur non technicien. Jusqu'ici, on 
n'a publié aucun livre uniquement consacré à ce 
type de moteur, et il est inutile de dire que l’im- 
portance qu'il a prise depuis quelque temps est 
plus que suffisante pour justifier pareille entre- 
prise. 

En matière scientifique, il est quelquefois pos- 
sible, avec beaucoup d'attention, de se faire une 
opinion à peu près exacte quant à lavenir réservė 
è certaines questions. L'adoption générale des 
moteurs Diesel sur terre est un fait acquis, et 
comme il existe déjà environ 300 navires actionnés 
par ces moteurs, on peut prédire en toute sécurité 
qu'ils obtiendront un très grand succès, étant 
donné surtout que l’on touche presque à la fin de 
la période d'essais, si désirable en pareille matière. 
Même en admettant que les espérances du début 
n'aient été que partiellement réalisées, l’introduc- 
tion du moteur Diesel sur le marché aura peut-être 
plus d'importance qu'aucune autre invention ré- 
cente touchant la science de l'ingénieur. 

On étudie successivement dans cet ouvrage : la 
théorie des moteurs thermiques; le fonctionne- 
ment, la conduite, la construction, l'installation, 
la marche, l'essai et l'avenir des moteurs Diesel. 

Dans la traduction que M. Lordier donne du 
remarquable travail de M. A.-P. Chalkley, il a 
conservé intégralement le plan très clair adopté 
par l’auteur anglais, ainsi que sa division en para- 
graphes. Les notions de thermodynamique appli- 


COSMOS 


623 


quée, qui forment le premier chapitre du livre, 
ont été seules transformées, afin de les rendre faci- 
lement compréhensibles pour les lecteurs français. 


Les produits coloniaux. Origine, production, 
commerce, par MM. G. Carrs, docteur ès sciences, 
ancien directeur général de l’Agricullure en Indo- 

Chine, et D. Bois, assistant au Muséum d'histoire 

naturelle, professeur à l'École coloniale. Un vol. 
in-18 jésus de 680 pages, avec 202 gravures et 
cartes dans le texte (7 fr). Librairie Armand 
Colin, 5, rue de Mézières, Paris. 


Les personnes qui se décident à aller vivre aux 

colonies ont avant tout besoin de connaitre à quoi 
elles pourront employer leur activité. Voici un 
ouvrage très remarquable qui leur rendra service. 
C'est, en effet, une véritable encyclopédie, qui 
étudie les divers produits coloniaux selon leur 
origine; les auteurs ont puisé aux meilleurs sources, 
et donnent sur les différents sujets traités une biblio- 
graphie fort complète, qu'on pourra consulter si 
l'on veut être plus abondamment documenté pour 
certains cas spéciaux. Le plan du livre, très ra- 
tionnel, permet de trouver immédiatement les 
renseignements dont on a besoin, et des gravures 
fort bien exécutées illustrent le texte et donnent 
un aperçu très exact des différents produits colo- 
niaux, originaires de tout le globe, mais particu- 
lièrement des possessions françaises. 
L'ouvrage est divisé en trois parties : produits 
du règne végétal, du règne animal et du règne 
minéral; et pour chacun d’eux, on part de lori- 
gine pour aboutir à l'usage pratique que l'on en 
peut faire. C’est dire que le coté commercial lui- 
mème n'est pas laissé de côté. 

La première partie est de beaucoup la plus déve- 
loppee;, c'est, en effet, la culture qui est surtout 
pratiquée par les colons. La seconde partie s'oc- 
cupe des produits d'origine animale : soie, plumes, 
ivoire, pécheries et élevage. La partie minérale 
est plus restreinte, et la bibliographie, sur ce point, 
peu élendue. Cela tient à ce que les exploitations 
minicres sont le fait de Compagnies, et intéressent 
moins les colons isolés. Le but des auteurs est 
d'être utile aux élèves des écoles coloniales, aux 
planteurs et administrateurs de domaines colo- 
niaux : nous croyons qu'ils l'ont parfaitement 
atteint. 


Annales del Observatorio del colegio N. S.de 
Mont-Serrat. Observaciones meteorologicas de 
1911. Habana, imprimerie « Avisador comer- 
cial », Amargura 30. 

Après une brève description du nouvel Observa- 
toire, l'ouvrage mentionne divers cyclones et 
ouragans qui ont eu lieu à l'ile de Cuba, el indique 
les avantages que procure la méthode de notre 
ami M. Guilbert pour la prévision des ouragans. 


COSMOS $ 


5 DÉCEMBRE 19412 


FORMULAIRE 


Fermeture hermétique des bouteilles. — 
Les bouteilles d’eau gazeuse sont bouchées avec 
des bouchons très comprimés, nécessaires pour 
maintenir la pression intérieure, mais très difficiles 
à remettre quand on les a enlevés. Un de nos lec- 


— 


PETITE 


Erratum. — Une erreur typographique s'est glissée 
dans le dernier article (n° 1452} de notre collabora- 
teur M. Goggia. La seconde ligne de la légende de la 
figure # doit être supprimée. 


M. E. S., à S. — 1° A longueur de fil égale, la self 
est d’autant plus grande que le bobinage est moins 
long (fil fin, bobine de grand diamètre). Mais Îles 
résultats semblent d'autant meilleurs à la réception que 
la self nécessaire est obtenue avec une plus grande 
longueur de fil (fil gros, bobine de petit diamètre). 
Une bobine de petit diamètre permet aussi un réglage 
plus précis par suite de la longueur moins grande 
des spires que le déplacement du curseur met succes- 
sivement en circuit. — 2° Avec des bobines de grand 
diamètre et de faible longueur, on peut en effet faire 
varier l'accouplement par rotation d'une des bobines 
autour d'un axe perpendiculaire à celui de l'autre. 
2e procédé, qui est souvent employé, a aussi été uti- 
lisé pour la construction de certaines selfs d'antenne, 
dites variomètres, dans lesquelles les deux bobines 
sont reliées en série. La rotation d'une bobine par 
rapport à l'autre fait varier la self-induction de l'en- 
semble. 

M. H. de B., à G. — Le Cosmos a parlé des travaux 
du D' Carrel dans le numéro 1345 du 26 novembre 
4910 et dans le numéro 1407 du 1! janvier 1912; dans 
chacun d'eux, on indique dans quelles publications le 
D' Carrel a fait paraître ses communications. 


M. P. H., à Q. — L'article du D" Corret que nous 
venons de publier dans le Cosmos vous donnera tous 
les renseignements nécessaires pour établir un poste 
récepteur de T. S. F. Le récepteur peut ètre un 
simple récepteur téléphonique ordinaire; si vous ne 
le trouvez pas assez sensible, il faut en prendre un 
spécial pour T. S. F.; la résistance de ces appareils 
varie suivant les constructeurs. Le détecteur électro- 
lytique est très suffisant et, en pratique, très régulier. 
La longueur de l'antenne varie avec la distance qui 
vous sépare du poste émetteur; toutes les indications 
sont données dans l’article précité. La réception sera 
d'autant meilleure que les fils seront plus longs et 
plus élevés. Un fil nu est très sutlisant, pourvu qu'il 
soit isolé à ses deux extrémités. 

R. P. G., à T. (Perse). — Les condensateurs réduc- 
tours de tension, dont nous avons parlé dans le 
numéro 1449 du 31 octobre dernier, sont seulement 
dans là période d'essai, et ne se trouvent pas dans le 
commerce. Vous pourriez peut-étre, si vous voulez 
taire une installation à 30 volts, soit vous servir tou- 
jours des accumulateurs, soit adopter en plus un 
transformateur statique, pour marcher directement 
le soir sur le courant triphasé. 


M. 3. B., à P. — Nous avons soumis votre dispositif 


teurs nous signale que rien n'est pourtant plus 
facile quand on prend la précaution, avant de ren- 
foncer le bouchon, de le fendre avec un couteau 
dans la partie inférieure, suivant le diamètre, et 
sur le quart de la hauteur environ. 





CORRESPONDANCE 


à notre collaborateur. Il l’a trouvé intéressant, mais 
de construction assez compliquée. Son article ayant 
surtout pour but de permettre la réalisation facile des 
appareils nécessaires, il a préféré indiquer le conden- 
sateur réglable fait avec des tubes de cuivre rentrant 
les uns dans les autres, qui donne de bons résultats. 


M. J. S., F. — Les notions que vous semblez avoir 
sur le grisou ne sont pas suffisantes pour discuter 
cette question, qui est depuis longtemps étudiée très 
sérieusement par les ingénieurs. Des stations d’essai 
fonctionnent par exemple à Liévin, avec des galeries 
artificielles (voir Cosmos, t. LXII, n° 1326, p. 703), 
et des expériences vont étre faites dans la mine même, 
à Commentry. 


M. J. G., à C. — A propos du condensateur-réduc- 
teur de tension : si on intercale dans le circuit, ali- 
menté sous une tension E, un condensateur de capa- 
citéCet une lampe dont la tension normale est e, on a 
(l étant intensité efficace, w la pulsation, et induc- 
tance étant supposée négligeable): 


I X 105 
(0) yE: — e?. 

C est exprimé en microfarads.— L'intensité est don- 
née dans la note en question (n° 41449); c'est Pinten- 


sité normale, à quelques centièmes près, dans les cas 
les plus défavorables. 


Un abonné, à G. — Pour ces thermomètres de pré- 
cision, adressez-vous à la maison Tonnelot, dont vous 
avez l'adresse. — Les baromètres les plus précis sont 
évidemment ceux à mercure. Cependant, pour un 
amateur, le baromètre anéroïde est très suffisant, 
pourvu que son réglage soit vérifié de temps en temps. 


M. F. M. B., à A. — Bulletin de l'Institut Pasteur, 
bimensuel (26 fr par an); et Comptes rendus hebdo- 
madaires de la Société de biologie (28 fr par an). 
Librairie Masson, 120, boulevard Saint-Germain, Paris. 


M. E. L., à N. — La lumitre fournie par une lampe 
à filament métallique ordinaire est bien faible pour 
donner de bonnes projections, même peu agrandies; 
il y a avantage à ce que les filaments soient rappro- 
chés le plus possible. — La transformation est peu de 
chose et il est facile de la faire opérer dans votre ville. — 
Si votre rhéostat laisse passer encore trop de courant 
lorsque toutes les spires sont utilisées, il est facile, 
soit d'en augmenter le nombre, soit plutòt d'y ajouter 
un rhéostat liquide. 


M.H.V.T. W.,à T.— Ces pierres pourront vous étre 
fournies par les Carrières de Corbeil, 5, rue Lailitte. 
à Paris, ou par M. A. Desforges, carrières d'Orgenoy, 
à Ponthierry (Seine-et-Marne). 


0 a ae e A 


Imprimerie P. Fernon-Vaau. 3 et 5, rue Bayard, Paris, VIlle.. 
Le gérant: A. FAIGLs. 


Ne 1455 — 42 DÉCEMBRE 1919 


COSMOS 


645 


SOMMAIRE 


Tour du monde. — Le sondage des espaces stellaires par les grands instruments d'optique. Comparaison 
des deux étés 1911 et 1912. La Faculté de médecine de Beyrouth. Le gaz naturel aux États-Unis d'Amérique. 
Expériences sur la formation du charbon. Le tunnel sous la Manche. Éclairage du canal de Panama. 
Statistique des stations de télégraphie sans fil. Le réseau téléphonique le plus chargé du monde. Une 
centrale minuscule. Le Salon de l'automobile. Le cinématographe en couleurs, p. 645. 


Correspondance. — L'équalion de Képler et la règle à calcul, J. VrrrRanT, p. 650. 


Dans une forcerie de Boules-de-neige, J. Boyer, p. 650. — Hygiène alimentaire. Deux ennemis 
de l’enfance : le biberon et le lait anormal, D’ LanacHe, p. 652. — Revue de l’aviation : le Salon 
des avions en 1912 (suite), Fournier, p. 654. — Le pin noir d'Autriche, C. ve Kirwan, p. 656. — Les 
tourelles de transformateurs de la Société Oerlikon, D. Briuer, p. 657. — La culture du pommier, 
F. Marre, p. 660. — Ventilateurs mécaniques, A. B., p. 642. — L’introduction et la réussite du 
giroflier au Gabon, A. CHEvauirn, p. 663. — Le vieux neuf : le dactylophone, p. 664. — Sociétés 


savantes : 
graphie, p. 669. 


Académie des sciences, p. 666. Société astronomique de France, B. L., p. 667. — Biblio- 








TOUR DU MONDE 


ASTRONOMIE 


Le sondage des espaces stellaires par les 
grands instruments d'optique. Les progrès 
de l’astronomie sont liés à ceux de l’optique. Toute 
augmentation de la puissance des lunettes et des 
télescopes constitue un pas en avant dans notre 
connaissance de l’univers sidéral. 

Le professeur E. C. Pickering, dans une circu- 
laire de l’Observatoire de Harvard College, donne 
un tableau résumant les résultats photographiques 
obtenus avec des instruments de puissances diffé- 
rentes, jusqu’au plus puissant qui ait été construit. 
Voici quelques chiffres que la Gazette astronomique 
d'Anvers a empruntés à ce tableau. 

La pose était uniformément d’une heure; la der- 
nière colonne indique quelle est la grandeur des 
étoiles les plus faibles qui ont impressionné la 
plaque sensible. 


Ouverture de l'instrument. 





Etoiles Jes plus faibles 
qui ant ètè enregistrées. 


illimetres. Grandeur itrllaire. 

Lunette de 12 9,7 
— 2 11,5 

— 102 13,3 

— 200 45,0 
Télescope de 280 45,6 
— 330 16,8 

— 610 16,5 

= 915 18,9 


Enfin, avec le grand télescope de 152 centimètres 
d'ouverture du mont Wilson, on a réussi à photo- 
&raphier, mais avec uue pose de quatre heures, les 
étoiles de grandeur 24,0. 


MÉTÉOROLOGIE 


Comparaison des deux étés 1911 et 1912. 
(A. Ancor, Société nationale d'Agriculture, 


T. LXVII. N° 1455. 


9 octobre). — Les deux étés de 1944 et de 1913 
ont présenté tous deux des caractères absolument 
exceptionnels et que leur succession rend plus 
exceptionnels encore. Non seulement le mois d'août 
4944 a été le plus chaud mois d'août que l'on con- 
naisse à Paris depuis qu'on y possède des observa- 
tions comparables entre elles, mais jamais on 
n'avait observé jusqu'ici une suite de trois mois 
conséculifs, juillet, août et septembre, qui ait offert 
une température movenne aussi haute qu'en 1914. 
Jamais aussi on n’avait éprouvé dans un été un aussi 
grand nombre de jours très chauds : la tempéra- 
ture a atteint ou dépassé 32 fois 30° dans l’été de 
4911, à Paris, alors que le nombre le plus élevé 
connu antérieurement était seulement de 17. 

Les trois mois de juillet, aoùt et septembre 1912 
offrent, avec ceux de l’année précédente, le con- 
traste le plus violent que l'an puisse imaginer. 
Après de fortes chaleurs du 10 au 18 juillet, la 
température a baissé progressivement et est tombée 
au-dessous de la normale à partir du 28: elle est 
depuis restée continuellement au-dessous de la 
normale jusqu'au 29 septembre, sauf le 29 août; on 
ne trouverait pas d'exemples de froids aussi per- 
sistants en été dans la longue série des observa- 
tions de Paris. Les deux mois d'août et de sep- 
tembre 1912 sont, chacun individuellement, les 
deux mois de même nom les plus froids que l’on 
connaisse, le déticit des moyennes, par rapport à 
la normale, a été de 2,8 degrés en aoùt et de 3,2 de- 
grés en septembre; il est curieux de noter que ces 
deux mois ont été exactement l'opposé de ceux de 
mars et de février, qui avaient respectivement 
donné des excès sur la normale de 2,8 degrés et 
3,3 degrés, l'ensemble de ces quatre mois n influera 
donc pas sur la moyenne générale de l’année. 

En même temps que les températures moyennes 
d'aoùût et de septembre étaient aussi basses, les 


646 


maxima absolus de ces deux mois ont été eux-mêmes 
extraordinaires : 24°,7 en aoùt et 21°,1 en sep- 
tembre; depuis 1851 au moins, on n’en connait 
pas d’aussi bas, et il est curieux de les rapprocher 
des maxima 36°,5 et 35°,8, observés les mois dans 
correspondants de 1911. Par contre, les minima 
absolus, tout en étant bas, 7°,1 en août et 0°,9 en 
septembre, ne sont pas extraordinaires et ont 
déjà été dépassés. 

Cette persistance de temps froid est due à une 
prédominance remarquable des vents de la région 
Ouest en aoùt, où la mer est plus froide que la 
terre, et des vents de la région Nord en septembre. 
En aoùt, toute la moitié Nord de la France s'est 
trouvée sous l'influence d'une série de dépressions 
qui traversaient les iles Britanniques, dans une 
sorie de couloir séparant deux zones de hautes pres- 
sions sur les Açores et sur l'Islande. Les pluies 
amenées par ces dépressions ont causé en Angle- 
terre des inondations désastreuses et ont été géné- 
ralement fortes dans le nord de la France: 83 mil- 
limètres à Paris au lieu de la moyenne normale, 
50 millimètres. Par contre, les pays situés dans 
l'extrême Nord, Norvège, Islande, Spitzberg, jouis- 
saient généralement d'un temps beau, sec et rela- 
tivement chaud. En septembre, le régime domi- 
nant était tout diférent: une zone de hautes pres- 
sions se tenait d'ordinaire sur la mer du Nord ou 
la Scandinavie. La France recevait alors des vents 
de Nord à Est, qui amenaient avec eux une tem- 
pérature très basse, mais en mème temps un temps 
sec. La pluie de septembre 1912 est, en effet, une 
des plus fuibles que l’on connaisse à Paris; elle n’a 
donné en tout que 9 millimètres, soit moins du 
cinquième de la quantité normale, 49 millimètres. 
À part septembre 1895 qui a été pratiquement sans 
pluie, il faut remonter jusqu'en 1834 pour trouver 
un mois de septembre aussi sec à Paris. i 
-H n’y a donc, en somme, qu'un trait commun 
aux deux mois d'aoùt et de septembre 1912, leur 
température extrêmement basse. Mais ces basses 
températures ont été amenées par des condilions 
météorologiques très différentes, et ces différences 
se sont manifestées par l’opposition des quantités 
de pluie très grandes en août, excessivement faibles 
en septembre. : 

Les trois étés de 1910, 1941 et 1912, qui ont, tous 
trois, été extraordinaires à des titres très différents, 
montrent bien quel peu de confiance on doit avoir 
dans les hypothèses relatives à l’existence de 
périodes alternativement chaudes ou froides, sèches 
ou humides, et dans l'application de ces hypo- 
thèses vagues à la prévision du temps. Il importe 
peu aux agriculteurs qu'une certaine série d'années 
soit, dans son ensemble,un peu plus chaude ou un 
peu plus froide qu'une autre. Ce qui influe sur les 
récoltes, ce n'est pas le caractère moyen d'un 
groupe d'années mal défini, mais le caractère 


COSMOS 


12 DÉCEMBRE 1912 


propre de chaque année en particulier. Qu'il y 
ait ou non une périodicité plus ou moins vague, 
l'exemple néfaste de 1910, 19141 et 1912 vient de 
nous prouver que deux années consécutives peuvent 
présenter des caractères tellement différents, que 
l'on rencontre dans l’une et dans l’autre les valeurs 
les plus extrêmes de la chaleur et du froid, de la 
sécheresse ou de la pluie. 


MÉDECINE 


La Faculté de médecine de Beyrouth. — 
Le 19 novembre ont eu lieu la bénédiction et 
l'inauguration de la nouvelle Faculté de médecine 
française de Beyrouth, élevée grâce à l’appui de la 
souscription ouverte en France et dans la presse 
de Paris. En présence du consul général, M. Couget, 
assisté des états-majors des navires de guerre fran- 
çais #enri-1V et Aontcalm, du délégué apo- 
stolique de Syrie, du jury d'examen français, des 
professeurs de la Faculté de Beyrouth, des notabi- 
lités des colonies française et syrienne, fut faite la 
délivrance des diplòmes aux nouveaux docteurs. 

Plusieurs discours ont été prononcés par le 
Dr Khoury, au nom des anciens élèves; par le pro- 
fesseur de Lapersonne, président du jury d'examen; 
par le D° Ramy bey, délégué du gouvernement 
ottoman; par le consul général de France et par 
le R. P. Cattin, S. J., chancelier de la Faculté. 


COMBUSTIBLES NATURELS 


Le gaz naturel aux États-Unis d'Amérique. 
— En 1901, il existait aux États-Unis 10000 puits 
fournissant du gaz naturel. Le débit moyen de ces 
puits était 4 600 mètres cubes par jour et quelques- 
uns avaient un débit journalier de 70Ù 000 mètres 
cubes. A l'heure actuelle, la production totale 
atteint 141 600 millions de mètres cubes. En 1904, 
la canalisation la plus longue destinée au transport 
de ce gaz avait 160 kilomètres de longueur. 
Actuellement, il en existe une de 640 kilomètres 
entre Buffalo et la Virginie occidentale. Il y a en 
projet une canalisation de 720 kilomètres de lon- 
gueur entre Saint-Louis et les puits du district de 
Caddo dans la Louisiane. La longueur totale de 
ces canalisations atteint 30 000 kilomètres. La 
pression du gaz, qui, dans certains puits, atteint 
80 atmosphères, suffit pour refouler celui-ci dans 
les conduites. Quand cette pression est insuffisante, 
on établit le long de la canalisation des relais de 
pompes dont la puissance varie entre 50 et 2000 che- 
vaux. Le gaz naturel contient 90 pour 100 de mé- 
thane et sa puissance calorifique moyenne est de 


8 200 calories par mètre cube. (R. 1.) 
Expériences sur la formation du charbon 
(/evue électrique, 22 nov.). — Des expériences 


faites par le D" Bergiers, de Hanovre, ont permis 


Ne 1455 


de se rendre compte d'une façon approximative du 
temps nécessaire pour la transformation de la 
tourbe et de la cellulose en charbon. 

La tourbe et la cellulose étaient chauffées dans 
un obus (du genre de l'obus calorimétrique), à des 
températures variant de 250° à 350°. La pression 
était certainement supérieure à 100 atmosphères. 
On obtenait ainsi un charbon très gras et en mème 
temps un mélange gazeux formé principalement 
d’anhydride carbonique et de méthane. La tourbe 
employée contenait 85 pour 100 d’eau environ; la 
détermination de sa composition, après élimination 
de l’eau, donnait les proportions centésimales sui- 
vantes. C: 52,4; O: 41,4; H: 5,50; Az : 0,70. La 
composition du charbon obtenu variait avec la 
température et la durée du chauffage; le tableau 
suivant, qui résume les résultats obtenus, montre 
que la teneur en carbone augmente à mesure que 
croissent celte température et cette durée; c'est le 
contraire qui a lieu pour la teneur en oxygène. 


Trmp'rature Temps Composition da charbon obtenu. 
z T OO se + 


è en E ——— 
Produit primitif. degrés ©. heures. C. (LA H. Az. 
Tourbe..… 250 8 74,3 194 520 1,07 
— 300 R 77,0 16,9 5,00 1,07 
= 340 8 N1,2 13,3 4,65 0,89 
— 340 24 840 104 $62 0,95 
= 350 A1 85,2 40,4 450 >» 
Cellulose. SIO 64 837 10,9 540 » 
_ 340 8 834 11,7 5,20 >» 


On voit donc que, par un chauffage suffisamment 
prolongé à une température d’environ 340°, on peut 
obtenir un charbon ayant la composition d'un 
charbon bitumineux naturel. 

Ces résultats permettent de se faire une idée 
très approximative de la durée de formation du 
charbon dans la nature. En partant de la cellulose, 
on obtiendra à peu près le même charbon par un 
chauffage de huit heures à 340° ou de soixante- 
quatre heures à 310°. Donc, pour un accroissement 
detempérature de 30 degrés, la vitesse de formation 
du charbon est doublée. D'après cela, la formation 
du charbon dans la nature aurait duré environ 
huit millions d'années. Cette conclusion concorde 

avec celle des géologues. 


GÉNIE CIVIL 


Le tunnel sous la Manche. — On parle de 
nouveau et avec une certaine activité du tunnel 
sous la Manche, si vivement combattu et malheu- 
reusement avec tant de succès par certains groupes 
intéressés en Angleterre. Mais l'exécution de ce 
tunnel s'impose et nombre de corps constitués ont 
émis des vœux pour qu'il soit au moins tenté. On 
commence même à escompter un établissement. 
M. W. Rose Smith vient, à ce sujet, de publier une 
brochure dont l'Électricien analyse une partie. 


COSMOS 


6147 


L'auteur propose la construction d'un chemin de 
fer électrique de Londres à Douvres. Ce chemin de 
fer serait prolongé par une ligne se rendant à 
Calais dans un tunnel creusé sous la Manche, puis 
par une autre ligne, également électrique, se ren- 
dant jusqu’à Paris. M. Smith annonce que des 
négociations vont être engagées avec un groupe 
de financiers parisiens en vue de la formation 
d'une Compagnie qui construirait la ligne électrique 
de Paris à Calais, ainsi que la partie du tunnel dont 
doit se charger la France. On évitera toutes com- 
plications dans la réalisation de l’entreprise en con- 
stituant une Compagnie anglo-française, laquelle 
aura mission d'obtenir des Parlements des deux 
pays toutes les concessions et autorisations néces- 
saires. La construction du tunnel, y compris l'in- 
térêt sur le capital engagé dans les travaux, qui 
dureront cinq ans, entrainera une dépense de 
4125 millions de francs, estimation qui nous parait 
bien faible. 


ACÉTYLÈNE 


Eclairage du canal de Panama (Electricien, 
23 novembre). Entre autres particularités inté- 
ressantes se rencontrant sur le canal de Panama, 
le Times Engineering Supplement signale un ingé- 
nieux système d'éclairage destiné à faciliter la 
navigalion durant la nuit. Aux entrées du canal et 
au travers du lac Gatun, une double rangée d'en- 
viron 60 bouées automatiquement allumées mar- 
quera le chenal. La fourniture des dispositifs 
d'éclairement de ces bouées a été contite à une 
entreprise de Philadelphie. Toutes les boutes en 
question porteront des lanternes avant une portée 
optique d'environ {9 kilomètres et chaque feu aura 
sa caractéristique distincte. À cet effet, chaque 
lanterne sera pourvue de projecteurs dont certains 
produiront des éclats simples et d’autres des éclats 
complexes. On évitera emploi de feux colorés. 

Deux feux, déjà installés à l'entrée, du côté du 
Pacifique, ont une portée optique de plus de 
32 kilomètres. Une soupape commandée par la 
radiation solaire sert à éteindre les feux au lever 
du Soleil et à les rallumer à l'approche de la nuite 
Cette soupape est formée d'un solide cylindre en 
verre qui renferme quatre tiges métalliques. La 
tige centrale porte une couche de noir de fumée 
qui lui permet d'absorber la lumière, tandis que 
les trois autres tiges étant polies réfléchissent les 
rayons lumineux. Exposée à la lumière, la tige 
centrale, par suile de sa surface absorbante, se 
dilate plus que les autres, et sa dilatalion entraine 
la fermeture de la soupape, d’où admission de 
l'acétylène, le corps éclairant employé, dans le 
brileur principal. Une flamme-veilleuse qui brile 
continuellement sert à allumer le gaz. — G. 

Rappelons aussi qu’une usine électrique pour 
éclairage et force motrice sera installée à Gatun. 


648 COSMOS 12 DÉCEMBRE 4912 


ÉLECTRICITÉ 


Statistique des stations de télégraphie sans 
fil. — M. H. Thurn, de Berlin, donne, dans une 
étude sur la télégraphie sans fil d’après les statis- 
tiques du Bureau international au 15 juillet 41912, 


des tableaux du nombre de postes établis dans les 
divers pays, tant à bord des navires que sur les 
côtes. Notre confrère l'Industrie électrique (25nov.) 
a, d'après ces tableaux, dressé le suivant, qui donne 
les principaux renseignements sur ces différents 
postes: 


NOMBRE NOMBRE 

DB STATIONS DE NAVIRES DE STATIONS COTIÈRES 
Aea Dole A ELEL 
| PAYS Ouvertes seulement 

al 
DR GUERBE DE COMMERCE TOTAL TOTAL serres officiel 

où en eas de danger 

sur aer. 


Belgique. ionsimissersuine n 
ET E E ETET 2 
BUIGAFIB Senna una 1 
CARAdR ns Sen uii et 2 


GTOCeL sa asie er 13 
Grande-Bretagne ................ 213 
Maheo dus en nn 1i 


Pays-Bas et colonies.......,...... 20 
Indes hollandaises .............. » 
NORVERO.: 5 sit Nan 1 
Autriche-Hongrie................ 
Portugais side 
Roumanie....................... 


ÉSDOgNe. ns sudia unes nue 


x 
"3 
œ 
5 
O 
œ 
m 
l dr 
1 m 


Uruguay. issus 5 





Il faut ajouter aux données de ce tableau les 
stations côtières des colonies suivantes: Congo 
belge, 1 ; Guinée britannique, 1 ; Indes anglaises, 10; 
Somalie anglaise, 2; Cocos keeling, 4; Curaçao, 3: 
Afrique française, 5; Indo-Chine, 3; Fidji, 3; Gi- 
braltar, 1; Somalie italienne, 7; Liberia, 2; Mada- 
gascar, 2; Malte, 4; Maroc, 7; Union sud-afri- 
caine, 2; Trinité, 4; Tunis, 1; Indes orientales, 3; 
Zanzibar, 2. 

En résumé, il y avait au 45 juillet 2 450 navires 
munis de stations de télégraphie sans fil, dont 


| 
| 
| 
| 
| 
| 
1 4 » 

5 60 » » | 
47 47 3 » 
47 17 i » | 

» 25 411 » | 

» 1 i » 

11 13 33 » 

» 11 4 å 

» 16 » » 

i 2 å : 

206 318 29 » 
68 209 17 6 
17 » » 
+59 668 43 27 | 
47 124 19 2 | 
30 100 7 » 

» { 5 » | 
t t4 1 » | 
36 56 9 6 | 

1 1 j » 
10 27 6 » | 
11 48 3 » 

t 9 5 » 

9 3 4 » 

3 73 19 13 

2 29 3 4 
27 34 10 5 ! 

» 2 b » | 

i 6 5 » | 

253 500 142 50 | 
1 262 2 450 37 114 


1 188 de guerre et 1 262 de commerce, et 440 sta- 
tions côtières dont 145 servant exclusivement 
aux services officiels, les 295% autres stations côtières 
étant ouvertes au service général ou à un service 
public restreint. 

Les chiffres suivants donnent une idée de l'im- 
portance qu'a prise la télégraphie sans fil. En 1941, 
les stations côtières allemandes ont reçu ou envoyé 
13 206 télégrammes privés avec 281 000 mots; les 
stations côtières anglaises ont envoyé, en 1911, 
D 640 télégrammes à des navires et reçu 34 161 télé- 


Ne 1455 


grammes de ces derniers; du 13 mai au 1° mars 
1914, des stations côtières françaises ont reçu ou 
envoyé 8 768 télégrammes privés avec 96 783 mots; 
parmi celles-ci, celle d'Ouessant avec 3 084 télé- 
grammes, et celle de Saintes-Maries-de-la-Mer avec 
3082 télégrammes, ont été les plus chargées. 

Un navire allant de Hambourg à New-York a, 
pendant un voyage aller et retour, envoyé ou reçu 
326 télégrammes avec 6 664 mots. 

Les « lettres de l’océan », qui sont écrites par les 
passagers à bord, et transmises par télégraphie 
sans fil sur mer, puis par la poste sur terre, ont eu 
également un grand succès; deux mois à peine 
après l'introduction de ce nouveau service, on en 
avait transmis 700 avec 21000 mots, rien que dans 
l’Amérique du Sud. 


Le réseau téléphonique le plus chargé du 
monde. — Dans les statistiques téléphoniques, la 
ville de Stockholm vient en tète avec un nombre 
extraordinaire de postes d'abonnés, 191,5 postes 
par 4 000 habitants, presque un poste par cinq habi- 
tants, tandis que Copenhague ne possède, relati- 
vement, que la moitié de ce nombre : 96,5 postes 
par 4 000 habitants. [l] convient de dire, pour expli- 
quer la position étrange de Stockholm au point de 
vue téléphonique, que la ville a deux réseaux qui 
pe communiquent absolument pas l’un avec l’autre, 
appartenant l'un à l'Etat et l’autre à une Société, 
de sorte que beaucoup de commerçants sont obli- 
gés d'avoir deux postes, un sur chaque réseau. 


` Une centrale minuscule. — La plus petite 
usine centrale d'électricité est certainement celle 
de l’humble bourgade du Sacramento, dans le 
Nebraska, et qui est signalée par l’Electrical 
World. Cette petite agglomération ne compte qu’une 
douzaine d'habitants: néanmoins, un M. E. G. An- 
derson n’a pas hésité à y construire une station 
d'électricité. Oh! celle-ci est fort modeste: une 
machine de trois chevaux, chauffée au charbon et 
au pétrole, suffit à tous les besoins représentés 
par 30 lampes au tantale réparties dans toute la 
localité. 


AUTOMOBILISME 


Le Salon de l’automobile. — Le Salon de 
l'automobile s’est ouvert le samedi 7 décembre, et 
doit durer jusqu'au 24 décembre prochain. L'af- 
fluence des visiteurs a été telle, les premiers jours, 
qu’il était presque impossible d'approcher des voi- 
tures exposées. C'est une preuve que la foule ne 
cesse pas de s'intéresser à l'automobilisme et 
tient à rester au courant des nouveautés et des 
perfectionnements apportés à la fabrication. 

Nous reviendrons plus en détail sur cette expo- 
sition; disons seulement aujourd’hui que l'industrie 
de l’automobile est plus florissante que jamais, si 
on en juge par la quantité de modèles exposés. On 
peut constater que les constructeurs semblent 


COSMOS 649 


s'éloigner des châssis moastres ; il y a peu de fortes 
voitures; au contraire, la majorité se tient dans 
les puissances moyennes, de 40 à 42 chevaux, et il 
y a un grand nombre de voiturettes plus faibles et 
de prix abordables. Les différents organes sont de 
plus en plus cachés, et les moteurs forment un 
bloc presque uni; les roues sont indifféremment 
métalliques ou en bois. En somme, pas de nou- 
veautés sensationnelles, mais des perfectionne- 
ments qui ont leur importance. 

La décoration des stands est très réussie; le 
Grand Palais à, lui aussi, revèiu une parure de 
fète, et la verrière du toit est recouverte dans toute 
son étendue de draperies aux vives couleurs parti- 
culiérement agréables à voir le soir, à la lumière 
de milliers de lampes électriques. Cette exposition 
est une preuve indéniable de l'état florissant de 
l'industrie automobile française. 


CINÉMATOGRAPHIE 


Le cinématographe en couleurs. — Si les 
établissements Gaumont se sont promis de nous 
étonner, ils y ont parfaitement réussi. Il y a peu 
d'années, nous avions déjà été à même d'apprécier 
leur cinématographe parlant; dernièrement, nous 
avons pu nous rendre compte de visu des magni- 
fiques résultats obtenus parleur dernière nouveauté: 
le cinématographe en couleurs. 

Voici par quel procédé M. Gaumont obtient cette 
vraie merveille. L'appareil de prise de vue possède 
trois objectifs superposés et disposés de telle sorte 
qu'ils prennent chacun la mème vue exactement. 
Devant chaque objectif est placé un filtre coloré : 
l'un bleu-violet, l'autre vert, le troisième rouge- 
orangé. Les vues sont donc prises trois par trois, 
superposées sur une même pellicule, mais chacune 
n'est impressivnnée que par les rayons sélectionnés 
au moyen des écrans-filtres. Le développement 
donne urne bande négative noire et blanche et le 
tirage de la bande positive se fait comme d'ordi- 
naire. La projection s'opère avec un appareil 
ayant, lui aussi, trois objectifs superposés et 
munis des mêmes écrans qui ont servi à la prise 
du négatif. Les trois images viennent coincider 
sur l'écran pour n'en former qu'une seule; il se 
forme alors une synthèse des trois couleurs fonda- 
mentales qui reproduit exactement celles de la 
nature. 

C'est simple à dire; c'est beaucoup plus difticile 
à réaliser, et les auteurs ont eu bien des obstacles 
à surmonter. D'abord, il fallait escamoter trois 
vues au lieu d'une à chaque changement. On a dû, 
pour cela, imaginer un mécanisme d'assez longue 
course qui cependant ne fut pas trop brutal. Pour 
faciliter la construction, on a diminué d'un quart 
la hauteur habituelle des images, de sorte que, 
pour un même sujet, la bande a deux fois et quart 


650 


la hauteur d’une bande ordinaire. Puis il a fallu 
étudier les filtres sélecteurs pour obtenir les cou- 
leurs réelles et en particulier le blanc pur. Enfin, 
de toute nécessité, la pellicule cinématographique 
devait être absolument panchromatique et aussi 
rapide pour le rouge que pour le bleu ou le violet. 

Toutes ces difficultés ont été résolues par les 
établissements Gaumont, et les vues que nous avons 
été invités à voir, le 6 décembre, nous ont montré 
que la réalisation de la cinématographie en couleurs 
par le procédé trichrome avait atteint du premier 
coup la perfection. La reproduction des couleurs 
est d'une exactitude rigoureuse, et il n’est pas de 
teinte, quelle qu’en soit la délicatesse, qui ne soit 
admirablement rendue. Nous avons pu voir toute 
une série de bouquets de fleurs et une collection 
de papillons aux reflets nacrés qui ont soulevé 
l'enthousiasme des spectateurs. Et les paysages, 
notamment des vaches à l'abreuvoir et une scène 
de la moisson, sont, en tous points, remarquables 
et donnent une impression de campagne enso- 
leillée de la plus parfaite réalité. 





CORRESPONDANCE 





L’équation de Képler et la règle à calcul. 

On sait que pour résoudre l'équation de Képler : 
u — e sin u = M, de manière à obtenir l'anomalie 
excentrique u d'un astre à orbite elliptique en 
fonction de l'excentricité e et de l’anomalie 
moyenne M, il faut procéder par approximations 
successives. Une méthode très simple (1) consiste 
à remplacer d’abord u sous le signe sin par la 
valeur M elle-même,ce qui donne: u, =M + esin M; 
puis par «,, d'où u, = M + e sin u,, et ainsi de 
suite. Le seul inconvénient est que, dans le cas des 
excentricités assez fortes, la convergence est lente, 
ce qui oblige à recommencer la même opération 


COSMOS 


12 DÉCEMBRE 1942 


un grand nombre de fois. I] y a alors avantage 
à employer la règle à calcul pour obtenir les pre- 
mières approximations, qui sont nécessairement 
assez grossières. Voici comment on peut procéder 
rapidement avec la règle Mannheim de 26 centi- 
mètres à curseur. 

Soit l'exemple (4) : e — 0, 554 94, M = 34°4936”. 
Arrondissant les données et prenant la minute 
pour unité d'arc, l'équation peut s'inscrire : 
34°20 + a sin ų = u. Il s’agit de former le 
second terme du premier membre, pour une série 
de valeurs de u et avec le moins de mouvements 
et de lectures possible. Pour cela, amenons l'index 
gauche de la réglette mobile sous le signe ' de 
Péchelle supérieure fixe (ce signe est situé un peu 


à droite de = et représente, on le sait : r carac- 
téristique 3), puis lisons sur l'échelle supérieure 
gauche de la réglette mobile les premiers chiffres 
de l’excentricité, soit 555, et amenons-y le curseur : 
nous marquons ainsi sur l'échelle supérieure fixe 
e 
sin 1’ 
faudra plus toucher au curseur. Retournant alors 
la règle, cherchons sur l'échelle des sin le trait 
fictif qui correspond à 34° 20’ et amenons-le sous 
le trait de repère tracé dans l'encoche droite de la 
règle : à ce moment, le curseur indique sur la 
réglette mobile les premiers chiffres du terme 
cherché, soit 1,08. Plaçant la virgule d'après les 
règles ordinaires, on a 4080’. On peut sans incon- 
vénient arrondir cette première valeur et la faire 
égale à 20°, ce qui donne w, — 54 20’, qu'on lira 
à son tour sur l'échelle des sin ; le nouveau résultat 
Ju sous le curseur (4600 environ) conduira à 
u, = 61°. Une troisième approximation faite avec 
plus de soin conduira à u, — 62° 31. Pour pousser 
plus loin, il faut recourir aux tables de logarithmes. 
JH. VITTRANT. 


qu'il est inutile de lire, mais il ne 





la valeur 





Dans une forcerie de « Boules-de-neige ». 


Les Boules-de-neige, dont les gracieuses gerbes 
viennent, depuis plusieurs années, concurrencer 
les lilas blancs pour la décoration hivernale des 
salons parisiens, n'arrivent pas en droite ligne de 
Cannes ou de Nice, comme plus d’un de nes lec- 
teurs Île croit peut-être. Ces fleurs, qui se vendent 
presque à poids d'or au moment des fêtes de Noël 
et du jour de l'an, sont nées simplement aux 
portes de l'aris : à Vitry-sur-Seine ou à Chätenay, 
à Sceaux, Châtillon ou Clamart! Les arbustes 
qui les produisent poussent dans l'atmosphère 


(1) Voir, par exemple, Arpezr et DAUTHEVILLE, Précis 
de mécanique rationnelle, p. 292. 


factice de sombres « usines » que nous allons 
visiter. 

Les Viornes, connues en France sous le nom de 
« Boules-de-neige », sont des arbrisseaux à feuilles 
opposées et pétiolées, produisant de gracieuses 
fleurs blanches groupées en corymbes. Aussi, depuis 
qu'on les cultive en hiver dans la banlieue de la 
capitale, ces jolies plantes sont très recherchées. 
Leur forçage s’opère à peu de choses près comme 
celui des lilas. 

On arrache les arbustes des pépinières à partir 
du 15 novembre, en ayant soin de laisser autour 


(1) Cf, ANvoyEr, Cours d'astronomie, t. I", p. 221. 


N° 1455 


de chaque pied une épaisse motte de terre. Puis on 
les rentre sous les hangars de l'établissement après 
avoir entouré leurs racines très flexibles d’une 
gaine de paille. A droite et à gauche de ces tiges 
dénudées, empilées les-unes sur les autres jusqu'au 
toit, et ressemblant beaucoup plus à des fagots de 
bois mort qu’à des plants destinés à fournir sous 
peu de blanches gerbes odorantes, courent les rails 
d’un petit Decauville. 

Au fur et à mesure des besoins, les jardiniers 
chargent les Viornes sur un wagonnet, afin de les 
amener jusqu'aux chambres chaudes construites 
des deux côtés d’une allée centrale. Dans ces serres 
spéciales, on les plante en leur conservant leur 
gaine de paille, comme la photographie ci-dessous 
permet de s’en rendre compte (fig. 1). 

La couche de terre qui recouvre le sol mesure 
10 à 45 centimètres de profondeur, et des généra- 





- FIG. 1. — PLANTATION DES VIORNES. 
ON LÉS ENTERRE AVEC LEUR EMBALLAGE DE PAILLE, 


teurs disposés au-devant de chaque porte main- 
tiennent à l'intérieur des cases une température 
de 28° à 30°, gråce à des tuyaux qui serpentent le 
long des murs. Une fois la plantation achevée, on 
tire les paillassons qui recouvrent les toitures 
vitrées afin qu’une obscurité presque complète 
règne durant les premiers jours dans les « cou- 
veuses » de Boules-de-neige; on soulève toutefois 
ces lattes quotidiennement, pendant quelques mi- 
nutes, afin de renouveler lair et de donner aux 
plantes juste la quantité de lumière nécessaire à 
leur développement, 

Au milieu de cette nuit factice, les fleurs de 
Viornes blanchissent en devenant chlorotiques. Pour 
leur donner un peu de montant et surtout les 
empêcher de jaunir, on ouvre les stores vers la 
fin de leur croissance, qui s'opère d'ailleurs rapi- 
dement dans l'atmosphère attiédie de ces serres. 

Après peu de jours de forçage, les bourgeons 


COSMOS 


651 


commencent à débourrer, et il faut procéder à 
l'ébourgeonnage. Cette opération consiste à con- 
server simplement au sommet de chaque tige deux 
à quatre bourgeons à fleurs et deux bourgeons à 
feuilles et à supprimer les autres, afin de reporter 
sur ceux qui restent la vigueur de la sève. Après 
une quinzaine de jours percent quelques pousses 
vert tendre, et les grappes de Boules-de-neige se 
montrent timidement. Puis, du vingt-cinquième au 
trentième jour, la serre entière s'épanouit en 
globes dont les blancs pétales sont d'un très bel 
effet décoratif. 

Les forceurs s'arrangent pour planter chaque 
chambre à quelques jours d'intervalle, de manière 
que les floraisons se succèdent sans interruption de 





F1G. 2. — CUEILLETTE DES BOULES-DE-NEIGE 
APRÈS UN MOIS DE FORÇAGE ENVIRON. 


la mi-novembre au commencement de mai. Durant 
ce temps, on cueille chaque soir les Boules-de- 
neige, en tranchant au sécateur les tiges fleuries 
(fig. 2). Au fur et à mesure de la cueillette, les 
jardiniers les portent ensuite par brassée dans une 
cave fraiche. Là, ils les mettent dans des cuves 
pleines d’eau où elles attendent que les femmes les 
prennent pour les parer avant leur expédition. 
Dès le lendemain matin, soigneusement entassées 
dans des paniers capitonnés, ces gerbes virginales 
partiront pour les Halles, et des commissionnaires 
les achèteront en mème temps que des roses et des 
lilas également forcés, pour les réexpédier aux 
grands fleuristes de Paris et même de Nice ou de 
Cannes. 

La saison des Boules-de-neige s’achève avec le 
printemps, lorsque les fleurs poussées en pleine 


terre arrivent sur le marché. 
Jacoues Boyer. 


652 


COSMOS 


12 péceupRe 1912 


HYGIÈNE ALIMENTAIRE | 
Deux ennemis de l'enfance : le biberon et le lait anormal 


Effrayé par l'accroissement régulier et constant 
de la mortalité infantile, le gouvernement allemand 
a décidé, il y a plusieurs mois, d’en rechercher les 
causes. 

Après une enquête approfondie, il les a trouvées 
dans les conditions défectueuses qui président à 
l'allaitement; mais ce n’est pas, comme certains 
pourraient le croire à priori, le lait lui-mème qui 
est incriminé, cest la façon dont il est donné 
à l'enfant. 

Il ne peut être question ici que de l'allaitement 
artificiel par le lait de vache. La mortalité infan- 
tile est, avant tout, causée par les gastrites et les 
entérites. Ces maladies sont beaucoup moins nom- 
breuses chez les enfants élevés au sein que chez ies 
enfants nourris aw biberon. Donc, d'après les auto- 
rités médicales allemandes, la cause principale de 
la mortalité ne peut être que le biberon. 

Le gouvernement a pris la résolution d'inter- 
venir et de réglementer l'usage du biberon. Les 
instruments plus ou moins fantaisistes, munis de 
tétines et de tuyaux en caoutchouc fort difiiciles 
à désinfecter, en usage actuellement, disparaitront 
poùr faire place à un modèle officiel unique plus 
conforme dans l'esprit du législateur aux condi- 
tions hygièRriques qui doivent présider à l'allaite- 
ment artificiel. i 

Il est bien évident que le mécanisme compliqué 
de la plupart des bibeïñons ne peut être favorable 
à l'hygiène de l'enfance, mais nous nous deman- 
dons s’il n’y a pas lieu de regarder au delà et 
d'examiner minutieusement si le lait lui-même 
répond toujours aux conditions réclamées par les 
estomacs des petits enfants. 

Ne nous occupons pas des laits mouillés et écré- 
més. Supposons que la police des denrées alimen- 
taires est parfaite et qu'aucune fraude de ce genre 
n'est possible, Mais, par ailleurs, peut-on affirmer 
que le lait, le lait pour l'enfance, ne laisse jamais 
à désirer ? 

La vache n’est point un ètre auquel on puisse im- 
poser les traitements les plus variés, que l’on puisse 
soumettre aux régimes alimentaires les plus dis- 
semblables sans que les constantes de son lait se 
ressentent du milieu, des obligations, des habitudes, 
du régime imposés. 

En ce qui concerne la composition de la matière 
sucrée, de la matière albuminoïde et de la matière 
grasse, le lait normal présente une régularité 
remarquable (4), et la nature a réglé la proportion 


(1) A condition que les vaches soient en bonne sanlè 
et éloignées de l'époque du vélage. 


des différents glycérides qui constituent la matière 
grasse avec une harmonie telle que cet aliment, 
soit à l’état d'émulsion naturelle, soit à l’état de 
crème, soit sous forme de beurre, est accueilli, 
digéré et assimilé avec le maximum de facilité. 
Mais cet équilibre n'est réalisé que dans certaines 
conditions bien définies, et rien n'est plus facile que 
de le rompre. 

Le régime le plus conforme à la nature des 
bovidés est le régime pastoral ; c’est celui qui les 
rapproche le plus de l'allure initiale de leur exis- 
tence avant leur asservissement à l’homme. Paitre 
au grand air pendant les saisons tempérées; pen- 
dant les saisons rigoureuses, être abrité dans des 
étables hygiéniquement construites en pleine cam- 
pagne, bien aérées, bien propres, et y recevoir 
comme nourriture à l’état sec les végétaux des 
prairies livréés à la pâture: telles sont les condi- 
tions idéales de l’organisation des troupeaux, et la 
qualité de leur lait est encore intimement liée à la 
nature des espèces herbacées. Sous ce rapport, les 
pelouses ou prairies d’allitude moyenne, celles qui 
couronnent les chaumes de la Forèt-Noire, des 
Vosges, du Jura, des monts du Vivarais, etc., con- 
slituent des habitats de choix. 

S'il est un lait parfait, un lait type, c’est bien 
celui des vaches appartenant à ces régions. 

À mesure que l'on s'écarte de ces conditions et 
qu'on déplace les laitières du milieu auquel elles 
sont le mieux adaptées, on modifie insensiblement 
la qualité de leur lait, et ces modifications suivent 
une gamme qui s'étend du lait parfaitement normal 
jusqu'aux laits franchement anormaux signalés 
depuis quelques années, et surtout depuis quelques 
mois, par différentes publications, entre autres par 
les Annales des falsifications. Quand on dit lait 
anormal, c'est matière grasse du lait anormal 
qu’il faut comprendre, car, jusqu'à présent, l'ana- 
lyse n’a décelé aucune déformation dans les ma- 
tières sucrées et les matières albuminoïdes du lait, 
quelle que soit l’alimentation imposée aux laitières. 

Les nécessités sociales cantonnent autour des 
grandes cités toute une armée de laitières dont 
l'existence sédentaire ne peut être comparée à celle 
des vaches suisses ou vosgiennes. La pénurie de 
fourrages verts, et surtout de fourrages choisis, 
oblige les éleveurs à recourir à des rations qui, sous 
un faible volume, renferment des substances très 
nourrissantes. 

Les statistiques publiées par le service de l’agri- 
culture en Allemagne nous renseigneront sur l'im- 
portance de ce genre d'alimentation. 

On peut évaluer la totalité des matières alimen- 


Ne 1455 


taires préparées pour le bétail et produites par les 
industries agricoles à : 


Résidus de brasseries. 60 millions de fr. par an 
Distilleries de pommes 

de terre........ e... 30 — 
Distilleries de grains.. $ — 
Féculeries et amidon- 

DOrIOB aie 10 — 


Sucreries.,....., Ses 45 — 


Ajoutons à ces spécialités les tourteaux de pail- 
mistes, de coco, de colza, de chanvre, de lin, d'œil- 
lette, de tournesol, de sésame, d’arachide, de graine 
de coton, de cameline, de germes de mais, de sons 
divers, de gousses de pois, et les tourteaux de ces 
mêmes substances alliées à la mélasse, et nous 
aurons le tableau à peu près complet de l'immense 
variété d'aliments industriels qui pénètrent dans 
les étables. Nous sommes vraiment loin de la pri- 
mitive nourriture herbacée à laquelle le Créateur 
adapta la dentition, l'estomac et l'intestin des 
ruminants. 

Il ne paraissait pas possible qu'un lait uniforme 
soit la résultante d’une alimentation établie d’après 
la nomenclature prodigieusement complexe que 
nous venons d'exposer, et dans laquelle les préfé- 
rences locales puisent largement pour l'entretien 
des troupeaux qui stabulent dans les banlieues des 
grandes villes. L'analyse chimique est venue con- 
firmer ces prévisions. 

Faire l’analyse de la matière grasse du lait n’est 
pas chose facile, et après cent ans de discussions 
et de recherches, l'incertitude est encore grande 
sur Îles proportions de butyrine, de caproine, de 
-palmitine, de stéarine qui la constituent, et sur la 
façon dont ces corps sont associés à l’oléine dans 
le beurre, si bien que, d’après le D' Haton, la vague 
définition donnée par Chevreul, il y a bien près 
d’un siècle serait encore aujourd'hui la seule exacte : 

a Le beurre est un composé de différents glycé- 
rides ». ; 

Néanmoins l'analyse chimique a constaté que 
certains rapports, certaines constantes donnaient 
à l’appréciation de la matière grasse du lait une 
base certaine; tels sont le rapport des acides gras 
volatils solubles aux acidesgras volatils insolubles, 
l'indice de saponification, la température crilique 
de dissolution dans l'alcool; et la physiologie et 
l’analyse coprologique nous apprennent que le 
coefficient d'utilisation de cette matière grasse, 
c'est-à-dire le rapport de la quantité assimilée à la 
quantité ingérée, est voisin de 0,94 quand le lait 
est normal. 

Cette dernière donnée surtout a une grande 
importance. Lorsque les vaches reçoivent une ali- 
mentation insuffisante ou capable de leur occa- 
sionner des diarrhées ou des inflammations intes- 
tinales, lorsqu'elles sont soumises à des travaux 
excessifs (ce n'est pas le cas des vaches urbaines), 


- 
s 


COSMOS 


653 


lorsqu'elles vivent dans une atmosphère trop con- 
finée, lorsqu'elles sont devenues tuberculeuses, lors- 
qu’on leur donne des résidus de brasserie avec 
abus, ce coefficient peut descendre de plusieurs 
unités. La vache se désuiffe et la matière grasse du 
lait se comporte comme si on l'avait additionnée 
de margarine ou de stéarine. Sa faculté émulsive, 
partant sa digestibilité, diminue. 

Lorsqu'on donne aux laitières une dose excessive 
de feuilles de betteraves, de tourteaux divers, tou- 
jours acides, de résidus de sucreries, la quantité 
des acides gras volatils du lait s'exagère et rend 
plus difficile l'action des sécrétions biliaires et 
pancréatiques sur les globules graisseux. 

S'il ne s'agissait que des désordres que ces ano- 
malies peuvent causer dans l'organisme de l'espèce 
humaine adulte, il serait déraisonnable d’en exa- 
gérer l'importance ; elles échappent à la dégusta- 
tion. Un estomac valide ne peut guère s’en aper- 
cevoir, et leur retentissement sur la santé générale 
a peu de portée et ne devient sérieux que chez les 
individus antérieurement débilités, tels les colo- 
niaux fatigués par les gastrites, les entérites, etc. 
Néanmoins, ces laits sont toujours suspects, car ils 
proviennent de vaches en mauvais état de santé, el 
la prolongation de cette situation aboutit générale- 
ment à la tuberculose. 

Un tel état de chose est autrement redoutable 
quand il s’agit des petits enfants, et le mélange des 
traites de toutes les étables où s’industrialise le 
lait des grandes villes, en supposant qu'il puisse 
donner toujours un lait marchand de composition 
régulière, est loin de constituer un aliment inof- 
fensif. 

Nous n'avons fait qu exposer briëévement ici cette 
question que nous avons éludiée avec plus de 
détails antérieurement (Voir Revue internationale 
de méderine et de chirurgie, ?5 fevrier et 25 mars 
4912: la Médecine pratique, avril 4912; la Presse 
médicale, 2S août 1912) et nous arrivons tout de 
suite aux conclusions. 

Les petits êtres privés du sein de leur mère 
n'ont pas à redouter le biberon seulement. Ils ont 
pour ennemi le lait des vaches âgées ou tubercu- 
leuses, le lait des vaches déprimées ou surmenées, 
le lait des vaches nourries avec des produits d'usine 
et qui ont été créées pour d’autres festins que ceux 
que nous leur offrons. 

Leur alimentation perfectionnée est peut-êlre un 
acheminement vers le bol des âges fulurs dont 
parlait le chimiste Berthelot, mais il y manque 
l'élément essentiel, primordial, que l'estomac des 
ruminants réclame à la flore variée des prairies 
de notre climat tempéré. 

En présence des désastres que cette siluation 
cause à nos petits enfants, notre devoir est de 
pousser inlassablement un cri d'alarme. 

E. LAHACHE. 


654 


Revue de 
LE SALON DES 


Biplan de place Sommer. — Cet avion a été 
construit pour permettre de longues reconnais- 
sances avec deux ou trois passagers. 

La stabilitė latérale est assurée par six ailerons 
dont deux, conjugués aux gouvernails de direction, 
peuvent être à volonté commandés par les pieds, 
les autres à la main. Le stabilisateur longitudinal 
est placé à l'avant et commandé par un levier agis- 
sant sur le gouvernail de profondeur et les quatre 
ailerons. 


COSMOS 


12 DÉCEMBRE 1912 


l'aviation." 
AVIONS EN 1912 


Biplan Caudron. — Il se caractérise par la lar- 
geur du châssis d'atterrissage, qui a été portée à 
3 mètres et augmente la sécurité. Les ailes sont 
à nervures flexibles corrigeant automatiquement 
les déplacements du centre de pression et s'effa- 
çant légèrement aux grandes vitesses. 


Appareils Marcel Besson. — Ce sont des aéro- 
planes et hydroaéroplanes entièrement métalliques. 
lls appartiennent au type Canard sans empennage 





F1G. 2. — APPAREIL DRZEWIECKI-RATMANOFF. 


et comportent deux plans en tandem; la surface 
alaire avant est très réduite. L’hélice est placée à 
l'arrière du plan principal. Les surfaces, très 
épaisses contre le fuselage, vont en s’amincissant 
jusqu’à l'extrémité, qui est relevée. Le principe de 
la construction de ses ailes permet de réduire le 
travail des haubans. L’abaissement du centre de 
gravité, le dièdre des ailes, leur relèvement à 
l'extrémité, ainsi que les deux ailerons non porteurs 
assurent la stabilité transversale. La stabilité lon- 
gitudinale est oblenue par l'emplacement des 
centres et par le petit plan fixe situé à l'avant. Ce 
plan permet de limiter l'angle de chute. A l'arrière 


(1) Suite, voir p. 622. 


du fuselage et en dessous se trouve le plan dit de 
dérive, sorte de quille qui assure la stabilité de 
route en annihilant les mouvements pendulaires 
que pourrait occasionner l’abaissement du centre 
de gravité. Le gouvernail de direction est à l’avant. 
Le pilote, très éloigné du moteur, se trouve un 
peu en avant du centre de gravité. Les deux pas- 
sagers sont derrière lui, en tandem. 


Le Tubavion. — La grande originalité de cet 
appareil réside dans l'emploi d'un tube unique 
longitudinal, constituant en quelque sorte l'âme 
de l’aéroplane. Tous les organes : châssis d'atter- 
rissage, axe de gauchissement, support du moteur, 
qui est placé à l’arrière des ailes, sont solidaires 


N° 1155 


de ce tube central. Le moteur rotatif est vissé à 
l'extrémité du tube par sa flasque de distribution; 
la poutrelle formant la queue est fixée sur le carter 
du moteur par un double roulement à billes; deux 
tubes travaillant à la compression la rattachent 
également au châssis. Les gouvernails sont entiè- 
rement en aluminium ainsi que l’empennage fixe. 
Les ailes sont également métalliques; mais alors 
que primitivement elles étaient constituées par une 
simple feuille d’aluminium, celles du modèle actuel 
sont mi-partie aluminium (voilage inférieur) et 
mi-partie toile (voilage supérieur). 


Obus Borel. — Cet aéroplane joint la légèreté à 
la puissance du vol. Le fuselage est une charpente 
de longerons entretoisés recouverte d’un plaquage 
très léger tenant lieu d'entoilage. Cette sorte de 
coque, qui mesure 5 mètres de longueur, ne pèse 
que 17,5 kg et supporte sans flexion appréciable 
une charge de 500 kilogrammes. Les longerons 
des ailes sont en bois creux, armés sur leurs faces 
de plaques de tôle d'acier au nickel. 


Biplan Clément-Bayard. — Caractéristiques : 
plan supérieur 46 mètres, plan inférieur 414 mètres, 
largeur des plans 2 mètres, surface portante 
50 mètres carrés, poids à vide 650 kilogrammes, 
charge utile 600 kilogrammes. 

Le fuselage, en tubes d'acier au nickel, est à sec- 
tion penlagonale à l’avant. A l'arrière du siège du 
pilote, la section devient triangulaire et va en 
diminuant jusqu’à l'extrémité qui supporte l'em- 
pennage et le gouvernail; il constitue ainsi une 
carène donnant le minimum de résistance à 
l'avancement. 

Les ailes sont emmanchées dans le fuselage par 
des articulations métalliques permeltant un dé- 
montage rapide. Le haubanage est assuré par 
des câbles souples en acier pourvus de tendeurs. 
L'empennage et les gouvernails sont également à 
carcasse métallique. 

Les commandes sont montées à billes afin d'éviter 
tout effort nuisible dü à des frottements. Les 
câbles de commande sont épissés sur des cosses 
constituées par des poulies en aluminium; on 
obtient ainsi une articulation parfaite, et le câble 
travaille normalement à la traction. Le gouvernail 
de profondeur et le gauchissement sont commandés 
par un levier unique, et le gouvernail de direction 
par une barre au pied. 

Devant le pilote, protégé par un capot, se 
trouvent les deux places des passagers; devant 
eux, un tablier en acajou reçoit les instruments 
d'observation, d'orientation, le porte-carte; un 
téléphone leur permet d'être en communication 
constante avec le pilote. Devant ce dernier, un 
tablier en bois porte tous les accessoires du con- 
trôle : compte-tours, manomètre de pression, alti- 
mètre, niveau d'essence. 


COSMOS 


655 


La maison Clément-Bayard construit également 
un monoplan à une seule place, sur les données du 
biplan. Il est également métallique; le fuselage, 
les ailes, les commandes, les organes de direction 
sont semblables; seul le châssis d'atterrissage dif- 
fère. Ce monoplan mesure 9,2 m d'envergure, 
7,5 m de longueur totale. L'appareil pèse 290 kilo- 
grammes et peut enlever une charge utile de 
330 kilogrammes. 


La stabilité automatique. — La stabilité pro- 
prement dite a fait peu de progrès chez la plu- 
-part des constructeurs, qui conservent les moyens 
empiriques suggérés dès l'origine de l'aviation. 
Cependant on remarque une tendance à abaisser 
le centre de gravité et à rendre les plans fixes 
d’empennage de moins en moins porteurs. 

M. Drzewiecki expose au stand Ratmanoff un 
appareil automatiquement stable (fig. 2), où les 
parties lourdes sont réparties tout le long du fuse- 
lage; le moteur est à l'arrière, les réservoirs au 
centre, le pilote et le passager à l'avant. L'inven- 





0 


F1G. 3 — SCHÉMA DU STABILISATRUR AUTOMATIQUE 
DES FRÈRES MOREAU. 
P, nacelle. — A, aile. — B, point d'oscillation de la nacel'e. 
H, fuselage. — C D E F, leviers, — G, stabilisateur. 


teur affirme que la dispersion des poids assure à 
son appareil une plus grande inertie aux forces 
déséquilibrantes. D'autre part, l'inventeur a posé 
en principe que la variation d'incidence de l'aile, 
obtenue par rotation autour d'un axe transversal, 
suffit à conduire l'appareil dans le plan vertical. 
Dans le plan horizontal, deux ailerons verticaux 
conjugués, disposés sur les extrémités des surfaces 
arrière, assurent la direction. Le plan arrière est 
fixe. Les deux plans avant sont indépendants et 
commandés chacun par un levier vertical placé 
devant le pilote. Celui-ci demeure donc le maitre 
absolu des mouvements des ailes en agissant sur 
l'un ou l’autre levier, ou sur les deux à la fois. L’équi- 
librage des poids est très facile, quel que soit le 
nombre des passagers : on agit sur l’incidence des 
ailes de manière que, dans tous les cas, la résul- 
tante de sustentation passe par le centre de gravité. 

La stabilité automatique proprement dite est 
représentée par le dispositif des frères Moreau, 
basé sur l’action du pendule. Ils ont exposé au 
Salon leur curieux appareil dans lequel le pendule, 
à oscillations longitudinales, est constitué par le 


656 


siège de l’aviateur. Ce siège est articulé sur un 
axe transversal passant par le centre de pression 
de la voiture et relié par un système de bielles et 
de leviers au stabilisateur arrière. 

Nous donnons un dessin schématique du sys- 
tème. On voit que si l'appareil vient à piquer, pour 
une cause quelconque, la nacelle P est portée vers 
lavant, entrainant le système de leviers articulés 
en C D E et F. La queue oscille vers le bas et 


COSMOS 


12 DÉCEMBRE 19412 


diminue ainsi l'incidence de l’'empennage. L'appareil 
se cabre immédiatement. Mais si un changement 
violent survient dans la vitesse de l'appareil, en 
cas de gros temps, par exemple, le système agirait 
à contre-sens. Afin de parer à cet inconvénient, 
les inventeurs ont conçu un système également 
automatique qui bloque immédiatement le stabi- 
lisateur. 


(A suivre.) L. Fournise. 





Le pin noir d'Autriche. 


Dans les nombreux travaux ou entreprises ayant 
pour objet soit le repeuplement des forèts plus ou 
moins ruinées ou clairiérées, soit le boisement ou 
reboisement de terres incultes ou de sols autrefois 
boisés, le pin laricio d'Autriche, race très distincte 
du laricio de Corse bien que ne s’en séparant pas 
spécifiquement, mais plus connue et plus répandue 
sous la dénomination de « pin noir d'Autriche », 
joue souvent un rôle important. 

L'un des avantages de cette essence, et des plus 
appréciés, est la facilité avec laquelle elle s’accom- 
mode des sols calcaires les plus arides et les plus 
secs, comme aussi des climats les plus froids. Ce 
sont là des facultés précieuses, notamment pour 
l'utilisation de ceux de ces terrains dont la mise 
en culture ne serait pas réalisable, ou ne le serait 
que moyennant des frais hors de proportion avec 
le résultat à obtenir. 

Mais ce serait une erreur de croire que notre 
pin ne réussit que dans le calcaire. Il peut pros- 
pérer même dans les sols argileux et argilo-siliceux. 
Seuls lui sont contraires les sables siliceux purs, 
qu'affectionne au contraire le pin sylvestre; encore 
peut-il sen accommoder à la rigueur s'ils reposent 
sur un fond humide. 

Dans les travaux de reboisement des montagnes 
du département du Puy-de-Dôme, commencés il y 
a une soixantaine d'années par l'initiative de 
M. Leclerc, inspecteur des forêts à Clermont- 
Ferrand, on a employé sur le flane des puys 
(volcans éleints), sur les cheyres (anciennes cou- 
léėes de lave), le pin noir d'Autriche concurremment 
avec l’épicea, le mélèze, le pin d'Auvergne (race 
locale du pin sylvestre). Plus tard, on y a ajouté 
le chêne, le châtaignier, le hêtre et le sapin. Ces 
terrains sont à base de trachyte, de basalte, de 
gneiss, de granite, etc. 

Toutes ces essences ont plus ou moins bien réussi 
durant leur jeunesse, Peu à peu, une certaine 
sélertion s'est opérée. Les mélèzes ne dépassent 
pus l'âge de vingt-cinq ou trente ans et dispa- 
raissent. Les sapins prospèrent à partir de 500 ou 
600 mètres d'altitude, et les châtaigniers au-dessous 


de 750 et 700 mètres. Le hêtre, comme essence 
subordonnée, se comporte assez bien. Le chêne 
réussit seulement par places; et les peuplements 
d’épicea, qui, il y a moins de trente ans, offraient 
encore toutes les apparences d’une végétation luxu- 
riante, paraissent aujourd’hui bien compromis. 

Le pin noir d'Autriche s'est très bien comporté 
jusqu'ici, ce qui prouve que les sols à base grani- 
tique ne lui sont pas contraires. Mais, bien qu'âgé 
déjà de cinquante à soixante ans, il ne se régénère 
pas encore de lui-nième, alors que normalement il 
doit fructifier dès l'âge de trente ans et donner sa 
semence tous les deux ou trois ans. Par suite de 
cette circonstance, les forestiers du pays le consi- 
dèrent seulement comme une essence transitoire, 
destinée à être ultérieurement remplacée. Aussi 
bien, le bois qu'il donne dans ces contrées y est-il 
peu eslimé. 

Reste le pin sylvestre indigène ou pin d'Auvergne; 
ii vivote modestement, mais persévéramment, et 
parait destiné, avec le sapin, à se fixer définitive- 
ment sur le sol ingrat des montagnes volcaniques. 


e 
© a 


De ce qui précède il résulte que le pin noir 
d'Autriche n’est pas encore naturalisé en Auvergne, 
puisque jusqu'ici il ne s’y est pas ressemé de lui- 
mème. Il n'en est pas moins vrai que, depuis 
soixante ans, il végète et croit sans donner encore 
de signes de dépérissement, dans des terrains d'ori- 
gine ignée où prospèrent le sapin commun (Abies 
pectinata), le hêtre, le pin sylvestre et, aux alti- 
tudes moyennes, le châtaignier, ce dernier essence 
calcifuge. 

Dans son pays d'origine, en Wienerwald, aux 
environs de Vienne, le pin noir d'Autriche se ren- 
contre naturellement sur des terrains détritiques 
à gros éléments où le carbonate de chaux est rare. 


a 
e © 


Quelle est au juste, dans la classification bota- 
nique, la place qu'occupe notre pin? On a dit plus 
haut que, tout en étant très distinct du laricio de 


N° 1455 


Corse, il ne s’en sépare pas spécifiquement ; il en 
serait une variété stable, une race. Telle est du 
moins la classification la plus récente. Il n’en a pas 
été toujours ainsi. C’est Linné qui, considérant ce 
pin comme une espèce légitime, l'avait dénommé 
Pinus nigra, nom qui lui est resté, augmenté du 
nom de son pays d'origine, Austriæ ou austriaca. 

Mais Endlicher et après lui deux professeurs 
successifs d'histoire naturelle (botanique et zoo- 
logie) à l’école forestière de Nancy, A. Mathieu et 
Paul Fliche (1), ont attribué à une seule espèce, du 
type laricio, les cinq pins botaniquement voisins, 
de Corse, de Calabre, d'Autriche, des Cévennes 
ou de Montpellier, et des Pyrénées, nonobstant les 
différences assez sensibles qui les distinguent. 

Le pin noir d'Autriche, notamment, se sépare en 
bien des points du laricio de Corse,le type de l’espèce. 

Tandis que ce dernier peut parvenir, rarement, il 
est vrai, à une hauteur de 45 mètres avec un diamètre 


à la base de 1,8 à 2,0 mètres, le laricio d'Autriche 


ne dépasse pas (quand il les atteint) 30 à 35 mètres 
avec 1,00 à 1,35 mètre de diamètre. La tige du 
laricio de Corse, très droite, se maintient presque 
cylindrique jusqu'à une grande hauteur; il perd 
rapidement ses branches latérales, et son feuillage 
peu abondant est d’un vert franc, mais médiocre- 
ment foncé. 

Au contraire, son congénère autrichien, aux 
fortes branches et à l’épais feuillage d'un vert 
sombre, offre rarement un fit aussi régulièrement 
droit. En revanche, il étend sur le sol un couvert 
abondant et y laisse tomber chaque année une 
masse de feuilles mortes et autres détritus qui, en 
se décomposant, l'enrichit promptement d'une 
riche couche d’humus. 

Le couvert du pin de Corse est relativement léger 
et laisse peu de détritus sur le sol; son enracine- 
ment est faible comparativement aux dimensions 
de l’arbre et ne lui donne pas une assiette solide 
contre l’action des grands vents. C’est tout l'opposé 
pour le pin noir d'Autriche: ses racines nom- 
breuses, fortes, traçantes, s'étendent au loin, s'in- 
sinuent à travers la pierraille ou dans les fentes 
et fissures des rochers et donnent à l'arbre une 
grande force de résistance à l'effort des grands 
vents et des orages. Cette solidité d’assiette le 
rend précieux pour établir des abris et des brise- 





COSMOS 


— 


~ 


vent sur les plateaux exposés aux vents violents et 
où l'épicea, aux racines exclusivement traçantes et 
superficielles, serait infailliblement renversé dès 
qu'il aurait acquis une certaine force en diamètre 
et en hauteur. 

Une particularité remarquable du pin noir d'Au- 
triche, c'est de supporter, mieux qu'aucun autre de 
ses congénères, le couvert des arbres, se rappro- 
chant en cela de l'if et du sapin. Après avoir 
dominé (pourvu que ce ne soit pas pendant trop 
longtemps), il peut, découvert à propos, redevenir 
vigoureux et bienvenant. Arrivé à un certain déve- 
loppement, il réclame, en massif, des éclaircies un 
peu fortes, précisément du fait de sa large ramure. 


—— 





© v 

En résumé, le pin noir d'Autriche, Pinus nigra 
austriaca (puisque c’est sous ce nom qu'il est le plus 
connu), est une essence qui, pouvant supporter des 
climats très froids, se plait aussi bien sur les pla- 
teaux que sur les pentes et ne craint pas les gorges 
resserrées. [l réussit à loutes les expositions, bien 
qu'il se plaise davantage sur les versants exposés 
à l'Ouest et au Sud. Il s’accommode, sauf l'excep- 
tion signalée plus haut, de toute espèce de terrains. 
En dehors des sables siliceux secs qui lui sont 
nettement contraires, il accepte à la rigueur les 
sols les plus médiocres, les plus rebelles, tout en 
manifestant parmi ceux-là une préférence marquée 
pour ceux où domine le calcaire et où le pin syl- 
vestre ne végète que difficilement. On le rencontre 
jusque parmi des pierres calcaires à peine recou- 
vertes d’une mince couche de terre végétale, maigre 
el improductive. 

A la vérité, il n'acquiert pas, dans des sols aussi 
ingrats, les dimensions de 35 mètres de hauteur et 
de 4,35 m de diamètre dont nous parlions tout à 
l'heure; mais il peut encore atteindre 15 à 18 mètres 
d’élévation avec 50 centimètres de diamètre, ce qui 
est fort appréciable en des sols aussi nuls. Sans 
compter que la présence prolongée sur eux d'un 
peuplement forestier de ce genre accroitrait et amé- 
liorerait fort sensiblement l’épaisseur si minime de 
la couche de terre végétale recouvrant ces pierres. 

Aussi « ne doit-on pas être étonné, dit un syl- 
viculteur des Ardennes, de voir le pin noir d’Au- 
triche réussir admirablement dans notre terrain 
crayeux de Champagne » (4). C. DE KIRWAN. 


Les tourelles de transformateurs de la Société Oerlikon. 


En matière d'électricité, c’est-à-dire de dis- 
tribution du courant électrique et de fabrication 
de ce courant, plus qu'en toute autre matière, on 


(1) Cf. La Flore forestière de A. Marnier, 4° édition, 
complétée ét publiée par Pavz FLicue. 1897, Paris et 
Nancy. 


applique de jour en jour davantage les principes 
de concentration: c’est-à-dire que l’on tend, dans 
tous les pays, à installer des usines de production 


(4) Jures FuérorT, propriétaire-sylviculteur à Aus- 
sonce (Ardennes): Notice sur le pin noir d'Autriche 
employé pour boiser les plaines de la Champagne. 


x sg 
graadse 
\ .- 657 
Ve © tes a TT 
~ 


658 


de courant, des centrales toutes-puissantes, desser- 
vant une clientèle et par conséquent une surface 
plus étendues. Ce mouvement de concentralion 
peut s’observer là même où la génération du cou- 
rant électrique se fait à l'aide de machines à vapeur 
chauffées au charbon ; à plus forte raison se produit- 
il là où l’on recourt à des chutes d’eau pour obtenir 
l'énergie électrique. Comme conséquence, on est 
alors amené à envoyer le courant à des distances de 
plus en plus grandes ; les centaines de kilomètres 


yo 


bin fy: > 
Ns M #44 E 
ES 


oi 
Lt : 






l T 4 
ps) 
| 1 


© 


ent 





Ki 
or 
+ or 
` A " 
ar i 


INTÉRIEUR DE LA CABINE ET VUE DU TRANSFORMATEUR. } 


n’effrayent plus les lechniciens à l’heure présente. 
Mais il est indispensable, dans ces conditions, que 
le courant suive des canalisations qui ne coùtent 


point trop cher, par conséquent n'aient pas une 
section trop forte; et l’on n'arrive au résultat voulu 
qu’en transmellant des courants à très haute 


tension. 

Toutefois, ces courants à haute tension ne 
peuvent être admis à l'intérieur des habitations, 
des constructions où ils seront praliquement uli- 
lisés ; et il faut par suite toujours les transformer, 


COSMOS 


12 DÉCEMBRE 1912 


ce qui, en réalité, consiste seulement à abaisser 
leur tension, en les faisant passer par des postes 
de transformateurs. Quelquefois ces derniers seront 
installés à l'entrée des lieux habités, et le courant 
circulera alors à tension réduite à l’intérieur de 
ces agglomérations ; quelquefois on a intérêt à 
n'opérer la transformation que tout près des 
maisons où le courant sera distribué sous faible 
tension. Parfois même on installe le poste de 
transformateurs (mais ce n’est pas toujours sans 
inconvénient) dans la construction même où le 
courant, une fois abaissé comme tension, doit être 
distribué. 


Comme de plus en plus le débit de tés 
électrique se fait dans de petites localités éloignées 
de la centrale, n’exigeant qu’un poste de transfor- 
mateurs de faible puissance, la construclion des 
maisonnettes où d'ordinaire l’on installe les trans- 
formateurs devient beaucoup trop coûteuse par 
rapport à l'énergie consommée. C’est pour remé- 
dier à cet inconvénient, et pour fournir ;à l'installa- 
tion de transformation des constructions aussi 
sommaires, aussi simples et aussi peu coûteuses 
que possible, que la Société Oerlikon, dont les ate- 
liers se trouvent près de Zurich, mais qui a une 
filiale en France, a combiné des tourelles métal- 
liques qui peuvent être amenées sur place entière- 
ment construites et montées, et dans le bas 
desquelles on disposera de la façon la plus écono- 
mique le poste de transformation nécessaire. Les 
photographies que nous donnons de ces tourelles 
font presque immédiatement comprendre leurs dis- 
positions essentielles et très simples. Elles sont 
constituées, en réalité, par un poteau en treillis 
métallique, comportant à sa partie inférieure une 
cabine, également métallique et munie de deux 
grandes portes de visite, qui renferme le transfor- 
mateur et les appareils divers. Il va sans dire que 
ce pylône métallique, monté sur un soubassement 
de béton ou de maconnerie proprement dite, fournit 
un point d'appui des plus solides pour les canalisa- 
tions aériennes qui vont apporter le courant sous 
haute tension, et pour celles qui distribueront aux 
alentours ce courant transformé. La cabine au bas 
du pylône est suffisamment large pour que l'on 
visite et entretienne sans aucune difficulté les 
appareils divers qu'elle renferme. Le plus généra- 
lement, les cabines comportent, comme nous 
l'avons dit, deux portes de service, une pour le 
côté haute tension, l’autre pour le còté basse ten- 


sion. Au besoin, on peut les disposer de manière 


qu'elles s'ouvrent des quatre côtés. L'entrée des 
conduites primaires s'effectue par un tuyau en 
tôle galvanisée de 30 à 60 centimètres de diamètre. 
A chaque extrémité de ce tuyau est disposée une 
pièce de fonte en forme d'étoile, sur laquelle est 
fixé un tendeur pour trois ou six conducteurs en 
fil de cuivre nu. Les conducteurs sont dirigés vers 


N° 1455 


l'extérieur par des passe-fils en porcelaine, protégés 
contre la pluie par un avant-toit. Le tuyau est 
naturellement disposé pour que la pluie ne puisse 
y pénétrer et parvenir dans la cabine. On aperçoit 
à la base de la tourelle, ou plus exactement de la 


COSMOS 


659 


cabine, des ouvertures ménagées pour laisser entrer 
librement l'air frais à l'intérieur de cette cabine. 
lse produit un tirage grâce au tuyau dont nous 
parlions, et on assure ainsi une ventilation éner- 
gique et constante du transformateur. On a d'ail- 





a 
(5S d WL 


RL" _ 7 
MIS? TT. 


: 
ENZ TRO 


» 
| 


Ln n 
UN 


IN 7 


LU 


A 


K 


EE 


\ VA NA 


-Ai 


de © Tii + 


re À “à 
« pr. LS PS _ Le pon Cut. e 
4 ka 
A 4 





T ANIR- ANIU AI AT D mn ee à mme du 


J 


ENY ATA 





p— 


T NOE a i rsimtnidtes n 






D 


IE 





n 
G 





Icn A 





A 





l 


Z 







UNE TOURELLE OERLIKON DANS UN VILLAGE SUISSE. 


leurs prévu également un dispositif grâce auquel 
leau qui se forme inévitablement par condensa- 
tion, au moins aux basses températures, sur les 
parois du tuyau, s'échappe par une ouverture pra- 
tiquée à la partie inférieure de ce tuyau. 


Les tourelles de transformateurs de la Société 
Oerlikon s'exécutent en trois grandeurs, pour 
répondre aux divers besoins des circonstances 
locales. Pour le type de grandeur maximum, les 
dimensions réservées aux transformateurs sont de 


660 


1,3 m de long sur 1,5 m de haut et 4 mètre de 
large. En fait, ce grand modèle est suffisamment 
spacieux pour abriter deux petits transformateurs 
au lieu d'un grand. Au cas où l’on recourt à deux 
petits transformateurs, on installe des barres col- 
lectrices pourvues de secteurs de ligne, si bien que 
les transformateurs peuvent fonctionner indivi- 
duellement ou en parallèle. Ce sont là des détails 
d'installation qui n’ont pas grande importance, 
étant donné que nous voulions surtout attirer l'at- 
tention sur une combinaison fort ingénieuse de 
poste de transformateur. Ainsi que nous le lais- 
sions entendre tout à l'heure, ces tourelles peuvent 
ètre complètement montées dans les ateliers, sans 
Jes transformateurs, bien entendu, et expédiées de 
la sorte. Arrivées au lieu de destination, on les fixe 
sur leurs fondations. On peut rapidement effectuer 
les connexions des conduites primaire et secon- 
daire, ainsi que celles des transformateurs, et la 


mise en service se fera presque immédiatement. 


COSMOS 


12 DÉCEMBRE 1919 


Il va de soi que les pylônes métalliques ainsi éta- 
blis en fers profilés de type courant ne reviennent 
qu'à un prix assez minime. Le jour où des modifi- 
cations s’imposent dans la distribution d'électricité, 
on peut les déplacer sans grand'peine ; il suffit de 
faire ailleurs une nouvelle fondation en maçon- 
nerie. Quant à leur aspect, il n’a rien de désa- 
gréable, aujourd’hui du moins que nous sommes 
si habitués aux constructions métalliques en treillis: 
on peut donc les disposer un peu n'importe où, et 
à proximité des maisons, sans nuire à l'aspect 
général du pays. On peut les fermer complètement 
au moyen de feuilles en métal à base de cuivre, 
et le revètement ainsi constitué sera peint d'une 
couleur pouvant s’harmoniser avec le voisinage. 
Les distributions d'électricité à la campagne 
vont être certainement facilitées par la mise à con- 
tribution de ces curieuses tourelles de transfor- 
mation. DaxieL BELLET, 
prof. à l'École des sciences politiques. 





La culture du pommier. 


Le pommier semble ètre originaire d'Europe, où 
on l'a rencontré de tout temps à l’état sauvage, 
mêlé aux essences les plus diverses. Sa culture, en 
France, remonte au v° siècle, et l’on prétend, sans 
trop de preuves d’ailleurs, que l’art d'extraire 
de ses fruits une boisson fermentée nous vient des 
Hébreux par l'intermédiaire des Espagnols. Quoi 
qu’il en soit, les Romains faisaient déjà du cidre, 
et cependant on s'accorde généralement à fixer au 
xvi® siècle seulement le début de la production 
cidrière en Normandie. Il est certain que, depuis 
cette époque, d'importants progrès ont été réalisés. 

L'aire géographique du pommier est considé- 
rable. On le rencontre dans presque tous les jar- 
dins, et, bien que ses préférences semblent devoir 
le limiter aux zones tempérées, mais plutòt froides, 
où règne la brume, on en trouve de très jolis spéci- 
mens dans les vallées fraiches du Var et de l'Au- 
baye, ainsi qu’aux environs de Naples. 

Le gros de la production toutefois se cantonne 
dans la Bretagne et dans la Normandie. Les seuls 
départements de l'Ille-et-Vilaine, de la Manche, du 
Calvados, de l'Orne, de la Seine-Inférieure, des 
Cotes-du-Nord, du Morbihan et de l'Eure repré- 
sentent les deux tiers de notre production natio- 
nale qui, bon an mal an, se chifre par 40 mil- 
lions d’hectolitres de pommes et 14 millions d’hec- 
tolitres de cidre. Les récoltes sont, en effet, 


extrèmement variables suivant les années: en 1883, 


24 millions d’hectolitres de cidre; en 1884, 11 mil- 
lions; en 1885, 6 millions seulement, et en 1893, 
30 millions. Les conditions météorologiques de 
l’année ne suffisent pas toujours à expliquer ces 


énormes saules dans la production. Il faut y voir 
surtout l'indifférence culturale dans laquelle s'en- 
dorment trop souvent encore les pommiculteurs. 
Beaucoup d'entre eux ne font rien pour prolonger 
la longévité de leurs arbres, non plus que pour 
régulariser la fructification, et leurs soins s'en vont 
aux autres cultures. I] est cependant indéniable 
qu'après une récolte exceptionnellement heureuse, 
l'arbre est affaibli à la fois par la grosse perte 
d'éléments utiles et par l'aclion mécanique pro- 
longée de tout le poids des fruits : de nombreuses 
branches peuvent être abimées ou cassées; le sol 
lui-même, qui a dû fournir la matière première 
nécessaire à une énorme production, est sensible- 
ment appauvri tout autour du réseau des racines, 
aggravant l'état de dépression de l'arbre. Il con- 
vient donc de restituer au sol au moins ce qu'il 
a perdu, et de faire une toilette soignée du pom- 
mier en le débarrassant des branches mortes ou 
cassées, en élaguant les touffes intérieures, de 
façon à assurer un large accès à l'air, à la lumière 
et aux rayons calorifiques du Soleil. 

Cette opération se fait évidemment pendant le 
repos de la végétation au cours de l'hiver. On sec- 
tionne à la serpe, près du tronc, avec un léger 
empåtement pour que le tronc lui-même ne puisse 
pas être intéressé par les complications possibles. 
La section doit être bien nette, toute hachure ou 
meurtrissure équivalant à upe blessure vérilable 
et rendant plus facile l'infection parasitaire; aussi 
doit-on protéger sans retard toute solution de con- 
tinuité des tissus par une couche de coaltar ou de 
maslic. 


Ne 4455 


On doit aussi mettre à profit cette période de 
moindre travail pour pourchasser sans merci les 
insectes qui ont profité de la moindre fissure, de 
la moindre crevasse, pour se mettre sous l'écorce 
à l'abri des rigueurs de l'hiver. Toutes les vieilles 
écorces sont enlevées au gant de fer et brülées aus- 
sitòt. On badigeonne leur place au lait de chaux. 
De même les lichens et les mousses, qui nuisent 
doublement parce que parasites eux-mêmes et parce 
que abritant de nombreux insectes, doivent être 
rigoureusement détruits. À l’aide d'un pulvérisa- 
teur ordinaire et d'une lance un peu longue, on les 
inonde d'une dissolution de sulfate de fer à 8 ou 10 
pour 100, en prenant la précaution de nettoyer lap- 
pareil aussitôt après s’en être servi, car la solution 
employée a une action corrosive sur le cuivre du 
pulvérisateur. La mousse noircit et se détache faci- 
lement au gant métallique deux ou trois jours après 
l'opération. 

Le gui, qui s'installe si volontiers sur les pom- 
miers, absorbe par ses nombreux suçons une im- 
portante quantité de sève élaborée destinée aux 
rameaux qui, n'en recevant plus qu'en quantité 
insuffisante, se dessèchent et meurent. Pour dé- 
truire le gui, il suffit d'inciser l’écorce en un point 
au moins de chacun de ses jets. 


A part les terrains trop calcaires ou trop argi- 
leux, le pommier vient dans tous les sols Il aime 
particulièrement les terrains frais, mais non hu- 
mides, dont le type semble être un sol argilo- 
siliceux, graveleux, où la prédominance de l'argile 
sur la silice n'est pas très marquée. Le pommier 
redoute à la fois la sécheresse et l'humidité dans 
le sol, mais affectionne particulièrement les atmo- 
sphères chargées de vapeur d’eau. 

Il faut donc, en conséquence, éviter pour lui les 
expositions chaudes ou trop ventées, et, naturelle- 
ment, les points où sévissent les gelées printanières. 


La multiplication la plus usitée, parce que la 
meilleure, se fait par le greffage. Quand on pré- 
fère recourir au bouturage, les arbres restent peu 
vigoureux et donnent toujours des fruits acides. On 
ne greffe guère que sur pommier frane, sur Doucin 
ou sur Paradis. Le pommier franc qui provient de 
semis donne des sujets très vigoureux, convenant 
parfaitement pour le plein vent. Les deux autres, 
d’origine inconnue, sont bien moins vigourenx; on 
les réserve aux vergers, le Paradis étant choisi 
pour les petites tailles. On greffe généralement en 
fente sur pied franc et en écusson sur les deux 
autres. Le plus exigeant au point de vue de la fer- 
tilité du sol est le Paradis et surtout le P. noir de 
Vitry. 


[l existe un très grand nombre de variétés clas- 


sées, suivant les uns, d'après l’époque de la florai- 
son, suivant les autres, d'après l’époque de la ma- 


COSMOS 


661 


turation, les ordres de ces deux époques n'étant 
pas identiques; suivant d’autres enfin, d’après la 
forme, la couleur et la saveur des fruits. 

Ce sont là, d'ailleurs, des classifications d’une 
importance seulement théorique. Ce qui intéresse 
dans la culture industrielle des pommes à cidre 
est la composition du jus. On ne recherche vrai- 
ment que les qualités donnant des jus à haute den- 
sité, et on entend par là des jus renfermant en 
moyenne 44 pour 400 de sucre, 5 pour 4000 de 
tannin, 42 pour 1000 de mucilage, 4 pour 4 000 
d'acidité. Lorsque, toutes choses restant égales par 
ailleurs, la teneur en sucre augmente, les pommes 
sont à saveur douce. Si c'est je tannin, elles sont 
à saveur amère, et à saveur acide, si la proportion 
des acides malique et tartrique dépasse 1 pour 
1000. Ces dernières sont à rejeter, car, pour pro- 
duire un bon cidre, l'acidité est largement sufti- 
sanle dans les douces et les douces-amères. 

Il est aujourd'hui admis que les pommes de troi- 
sième saison ou pommes dures, mürissant en dé- 
cembre-janvier, donnent des cidres se conservant 
le plus longtemps. 

On est moins bien fixé en ce qui concerne l'in- 
fluence de l'époque de floraison. En dépit de nom- 
breuses observations qui n'ont fait que nous doter 
de la classification en hätives, demi-hâtives, inter- 
médiaires, demi-tardives et tardives, on n'a pu 
encore dégager de conclusion pratique. Il apparait 
cependant que les premières sont plus exposées 
aux effets désastreux des gelées printanières, des 
fameux « saints de glace » si redoutés dans nos 
campagnes où on attribue leurs méfaits à la lune 
rousse, qui n'en est évidemment que l'indifférent 
temoin, puisque ces fameuses gelées se produisent 
en avril dans le Midi et les 11, 12 et 13 mai sous 
le climat de Paris. La raison en est beaucoup plus 
simple. Vers cette époque, en effet, où l'atmosphère 
est généralement peu nébuleuse et la terre encore 
peu couverte de végétation, la radialion noc- 
turne est assez intense, et par suite l’abaissement 
de température assez considérable pour provoquer 
la formation de la gelée, dont les effets sont d'au- 
tant plus nuisibles que les bourgeons sont plus 
tendres. On pourrail à la rigueur faire, come 
dans certaines régions méridionales pour les aman- 
diers, les pêchers ou les cerisiers, retarder le 
départ de la végétation en déchaussant les pieds 
vers la fin de l'hiver. Mais c'est là un bien gros 
travail pour un résultat bien incertain. Nous 
n'avons malheureusement aucune action sur lat- 
mosphèére, mais si les arbres sont bien soignés, 


s'ils ont reçu avec le labour d'hiver un bon apport 


de scories de déphosphoration et de kaïnite, et si, 
au printemps, on leur donne en deux fois 150 à 
200 kilogrammes de nitrate, ils résisteront beau- 
coup mieux aux intempéries. 


Le pommier est sujet à un certain nombre de 


602 


maladies et d'accidents. Il arrive souvent que, par 
suite d’inégalité dans le développement, il se pro- 
duit un étranglement de la tige. fl faut dans ce 
cas, et du côté le plus faible, pratiquer, sur toute 
la longueur de la tige, une incision n'intéressant 
que l'écorce : l'assise des cellules génératrices ou 
cambium s’accroft alors plus aisément. 

Nombre d’arbres sont atteinis de chancres et de 
la pourriture des racines. Ces deux affections pro- 
viennent d’un excès d'humidité et du manque d'’aé- 
ration dans le sol, où s'établissent des fermentations 
aux produits nocifs. [Il convient d’assainir par des 
labours profonds et au besoin par un drainage.. 

La carie se manifeste fréquemment sur les sujets 
très âgés et provoque l'excavation intérieure du 
tronc. où s'installent de nombreux champignons. 
ll faut intervenir dès que possible, lamber l'exca- 
vation avec de la paille, la combler de pierres et 
cimenter l'ouverture de façon à éviter les infections 
ultérieures. 

Parmi les insectes nuisibles, pyrale, puceron 
lanigère, anthonome, chématobie, etc., il est plus 
particulièrement malaisé de se débarrasser du 
puceron lanigère et de l’anthonome. Le premier 


D, 


Ventilateurs 


On connait le petit éventail « Zéphir », formé 
d'ailettes légères mues par un mouvement d’hor- 
logerie placé dans le support de l'appareil. Un dis- 





VENTILATEURS TRIUMPH ET AQUILON. 


positif analogue a été appliqué par divers construc- 
teurs à des appareils de plus grandes dimensions. 
Il existe actuellement de véritables ventilateurs 
marchant plusieurs heures, grâce à un puissant 
ressort. C'est ainsi que les divers modèles du ven- 
tilateur « Triumph » fonctionnent pendant une à 
cinq heures, le nombre de tours par minute étant 
de 250 à 650, le volume d'air déplacé de 60 à 


COSMOS 


12 DÉCEMBRE 1912 


est, en effet, protégé par un duvet laineux qu'il 
faut d'abord dissoudre pour atleindre efficacement 
l'insecte. Le mieux est de badigeonner ses colonies 
au pétrole pendant l'hiver, alors qu'il n'y a pas de 
feuilles, et à l’alcool à brüler en été, car le pétrole 
tuerait les feuilles. Pour l’anthonome, il n’y a guère 
que l’anthonomage, encore qu'il soit coùteux et pra- 
tique seulement pour de petits espaces. Comme 
l'insecte pond ses œufs à l'intérieur des boutons 
à fruit non épanouis, il faut ramasser ces boutons 
desséchés et les brüler. Le matin, de bonne heure, 
alors que le charançon est encore engourdi, on 
secoue l'arbre au-dessus d’une toile et on brüle 
tous les insectes ainsi précipités. 


Pour terminer enfin, on ne saurait trop recom- 
mander de ménager l'arbre à la récolte en ne le 
gaulant pas, mais en secouant les branches à l’aide 
d’un crochet, et de conseiller aux pomiculteurs, 
désireux que leurs fruits ne s’abiment pas dans 
leur chute, de bécher le sol au-dessous de l'arbre 
ou mieux de tendre une toile au-dessus du sol. 


FRANCIS MARRE. 





mécaniques. 


600 mètres cubes par heure. Le diamètre des 
ailes de l'appareil est de 25 centimètres. 

Il suffit de quelques secondes pour effectuer le 
remontage (30 tours de manivelle environ). 

Les avantages de ces appareils sont: le poids 
relativement peu élevé (il oscille entre 1,8 kg pour 
les ventilateurs de table et 25 kilogrammes pour 
les ventilateurs les plus puissants, les dimensions 
étant de 50 cm X 28 cm X 20 cm), le prix très 
modéré (40. à 125 francs), la consommation nulle: 
ils sont extrèmement économiques, puisqu'ils ne 
nécessitent aucune installation, aucune canali- 
sation et n'emploient ni courant ni eau $ous pres- 
sion. 

Dans le ventilateur « Aquilon », fabriqué en 
France, le mouvement est transmis aux ailettes 
mobiles non par une courroie, mais par une cré- 
maillère et une vis sans fin qui ne peuvent pas 
prendre de jeu. L'appareil, remonté avec une 
manivelle, peut marcher, suivant le modèle, d’une 
demi-heure à une heure et demie sans arrêt. Un 
système de frein spécial permet de bloquer à 
volonté l’hélice ou de la mettre en mouvement 
instantanément. 

Ces divers appareils peuvent être employés dans 
une foule de circonstances. Ils peuvent servir soit 
de ventilateurs d'appartement pour changer l'air de 
la chambre des malades, disperser et évacuer la 
fumée du tabac, rafraichir l'atmosphère..... on les 


Ne 1455 


place volontiers sur les tables au milieu des con- 
vives; soit de ventilateurs de laboratoire, pour 
sécher, évaporer. 

Ils peuvent rendre service aux amateurs photo- 
graphes pour le séchage rapide, à température peu 
élevée, des couches sensibles: papiers et plaques 
émulsionnées, gélatine, gomme bichromatée, 
orthochromatisme..... Comme ils portent en eux- 
mêmes leur moteur, ils sont complètement indé- 
pendants; on peut donc les transporter dans les 
locaux les plus divers. 

Ne pourrait-on pas, par exemple, les combiner 
avec certains brûleurs à pétrole destinés au chauf- 
fage ou même à l'éclairage, de manière à obtenir 
une combustion plus parfaite et à supprimer toute 
odeur, tout en obtenant une meilleure utilisation 
du combustible ? : 

CR 

Ventiler est bien, purifier est peut-être encore 
mieux. Il est des cas, en effet, où la ventilation n'est 
pas chose facile; dans les chambres de malades, 
par exemple, la crainte des courants d'air ne permet 
pas toujours de renouveler l’atmosphère comme il 
serait cependant utile de le faire. Pour arriver à 
remplacer l'oxygène absorbé sans qu'il soit néces- 
saire d'ouvrir les fenêtres, on a imaginé divers 
petits appareils susceptibles de produire ce gaz 
économiquement. Signalons notamment le « Bio- 
come », construit sur les indications de M. Joubert, 
l'inventeur de |l’oxylithe. 

100 grammes d’oxylithe produisent 45 litres 
d'oxygène chimiquement pur (99,9 pour 400), quan- 
tité suffisante pour un homme pendant une heure, 
à supposer qu'il ne reçoive pas d'air d'autre part. 


COSMOS 





663 


Mais dans une chambre même bien close, il suffit 
d'ajouter à l'air l'oxygène produit par 100 ou 
200 grammes d'oxylithe toutes les vingt-quatre 
heures pour avoir une atmosphère respirable sans 
ouvrir les fenêtres et en évitant ainsi les change- 
ment de température dangereux pour le malade. 

Le « Biocome »est une sorte de petit seau divisé 
en deux compartiments superposés. On met dans 
le compartiment inférieur un petit cube d’oxylithe. 
On remplit d’eau aux deux tiers le compartiment 
supérieur et on dévisse très légèrement le pointeau 
de façon à laisser couler l’eau à raison d’une goutte 
par trois secondes. Aussitôt que l'eau est en contact 
avec l’oxylithe, l'oxygène se dégage; il sort par le 
tuyau de caoutchouc qui communique par une de 
ses extrémités avec la partieinférieure, et l’on plonge 
l'autre extrémité dans le réservoir supérieur afin 
de laisser dans l’eau les particules de soude que 
l'oxygène peut entrainer à sa suite. 

Les résidus de l’oxylithe forment une dissolution 
de soude caustique qu'on peut employer pour le 
lavage en ayant soin de l'étendre d'environ quatre 
fois son volume d’eau, car trop concentrée elle 
mange les couleurs. Cette dissolution est également 
utile dans une chambre de malade, où, exposée à 
l'air, elle absorbe l'acide carbonique en formant 
des cristaux de carbonate de soude. 

Ainsi, d’une part, on enrichit l'atmosphère en 
lui fournissant de l’oxygène, et, d'autre part, on 
enlève les produits nuisibles en fixant l'acide car- 
bonique. Peut-être obliendrait-on de meilleurs 
résultats en se servant d'un jet d’eau ou d'un pul- 
vérisateur alimentés par la solution caustique? 

A. B. 


L'introduction et la réussite du giroflier au Gabon. ” 


Le giroflier (Caryophyllus aromaticus L.), ori- 
ginaire de l'archipel indomalais et cullivé dans 
la région de Zanzibar, d’où sort la plus grande 
partie des clous de girofle consommés dans le 
monde, était totalement inconnu dans l'Ouest 
africain il y a vingt-cinq ans. 

Au cours d'un récent voyage en Afrique tropi- 
cale, nous avons constaté que cet arbre précieux 
croit aujourd’hui en de nombreux points du Gabon 
et du Congo. Il n’existe que quelques exemplaires 
en chaque endroit, mais ils trouvent, au Gabon 
surtout, des conditions climatériques très favo- 
rables : ils sont vigoureux, exempts de maladies, 
fleurissent et fructifient abondamment chaque 
année. 


(1) Comptes rendus de l’Académie des sciences, séance 
du 2% novembre 1912. Note de M. AuG. GHEVALIER, pré- 
sentée par M. Édouard Perrier. 


- L'introduction de cette essence précieuse n'est 
pas le résultat du hasard. Nous publions ci-après 
quelques notes inédites permettant de préciser 
l'histoire de cette introduction et montrant avec 
quelle volonté Maxime Cornu, professeur à la 
chaire des cultures du Muséum, s'attache à doter 
notre colonie de cette utile ressource. 

Ces notes sont extraites de lettres de M. Cornu 
au R. P. Klaine, décédé récemment, et auquel ła 
science doit tant de matériaux de haute valeur. 

Les premiers plants furent apportés par le jardi- 
nier E. Pierre, élève de M. Cornu, fondateur du 
Jardin d’essai de Libreville, embarqué à Cherbourg 
le 6 février 1887, ainsi qu'en témoigne Île passage 
suivant d'une lettre du 18 mars 1887: 

« Nous essayerons de vous envoyer le giroflier 
dont nous avons une jolie série. Pour cette dernière 
espèce je vous recommande tout particulièrement 
de ne point ‘toucher le moins du monde aux 


66% 


racines: la plante ne le supporte pas. Il faudra 
placer la petite plante avec sa motte de terre bien 
entière et intacte dans le lieu qui lui aura été 
choisi et qui sera définitif. On lui aura fait sa place 
à l’avance de façon à ne point froisser le système 
des racines (sol ameubli, enrichi, etc.). La plante 
poussera avec vigueur une fois reprise. Je vous 
prie de communiquer cette note à M. Pierre. Je 
lui ai remis du reste un ou deux pieds de giroflier. 
Il ne devra pas essayer de les déplacer sous aucun 
prétexte: ce seraient des arbres perdus. » Peu 
après il écrit encore : « Nous avons eu beaucoup 
de peine à nous procurer des girofliers. J'en ai 
reçu bon nombre de graines de Java. Actuellement 
nous en durcissons des petits plants pour vous les 
expédier, mais c'est très difficile. Les graines 
voyagent aussi très diflicilement. Nous arriverons 
surement à introduire la plante au Gabon; c'est 
une question de mois. » 

L'occasion d'un envoi se présente au début 
d’avril 4887. Dans une lettre datée du 4°° avril 
adressée au R. P. Klaine, M. Cornu joint une « liste 
de plantes et graines expédiées à M. Ballay, gou- 
verneur du Gabon, en le priant de vouloir bien 
partager avec le P. Klaine ». Il y figure quatre 
plants de giroflier pour lesquels on renouvelle les 
recommandations ci-dessus. Il faut croire que les 
deux premiers envois n'ont pas réussi, car le 
dt octobre 1887 Cornu écrit : « Je vous adresse 
selon votre demande deux muscadiers et deux 
girofliers. » Ce second envoi n'eut pas plus de 
succès, car une lettre d'avril 4888 de M. Cornu à 
E. Pierre apprend que tout est à recommencer. Le 
professeur s'attache alors à faire parvenir au 
Gabon des graines de la même plante. 

Le 3 aoùt 1888, il écrit : « Comment vont vos 
semis de girofliers ? » le 1°° septembre 1888 : « Je 
suis heureux que les graines de giroflier aient bien 
réussi »; le 2 juin 1891 : « Je vous adresse par la 
poste quatre petites boites renfermant des graines 
stratilices de giroflier. Dites-moi comment elles 
auront supporté le voyage. J’envoie cinq boites à 
M. de Brazza et une boite à Mer Carrie (évêque de 
Loango). Essayez de répandre cette espèce si utile 
et d'une si haute valeur. » 

Puis le professeur du Muséum apprend que les 
plants vont bien, car le 4° décembre 1891 il écrit : 
« Je vous envoie la copie d’une courte note sur la 
culture des girofliers à Zanzibar, je vais envoyer 
la même note au gouverneur général alin de lui 
montrer l'importance de cette culture. Je crois 
avoir, à l'aide du concours très bienveillant de 


COSMOS 


12 DÉCEMBRE 1912 


M. le D' Ballay, réussi à faire parvenir au Gabon 
et sur la côte occidentale d'Afrique les premiers 
girofliers. » 

Enfin, en 14893, les plans âgés de six ans fleurissent 
pour la première fois à Libreville ainsi qu'en 
témoignent les extraits suivants : 

24 septembre 1893 : « L'état si florissant des giro- 
fliers me comble de joie... Enfin! ne laissez 
perdre aucun des fruits, cela est de première 
importance pour la colonie ! Parlez-m'en souvent. » 
2 janvier 1894 : « Le giroflier est enfin en fleur à 
Libreville; il a même donné des fruits, voilà une 
espèce à multiplier. » 

Dans les correspondances qui suivirent, Maxime 
Cornu continua à s'intéresser à cette introduction 
et fit tous ses efforts pour faire répandre la culture 
du giroflier au Gabon. Quand il mourut, en 1901, il 
n'existait encore dans l'Ouest africain comme giro- 
fliers fleurissant et fructifiant que les quelques 
plants cultivés au Jardin d’essai et à la mission 
catholique de Libreville, ainsi que je pus le con- 
stater en juillet 1902. 

Ces plants ont fourni un grand nombre de 
graines qui ont permis de répandre l'espèce en les 
points les plus divers de l’Afrique équatoriale fran- 
çaise et du Congo belge. Il existe actuellement des 
girofliers en production dans les environs de 
Libreville et dans les principales plantations bor- 
dant les rives du Como, dans le Bas-Ogooué, dans 
la région de Loango, au Jardin d'essai de Brazza- 
ville. Au Congo belge, nous en avons observé au 
Jardin botanique d’Eala, à la mission des Jésuites 
à Kisantu, à la station forestière de Calamou près 
Boma, à la plantation de Temvo au Mayumbe. 
Nulle part cependant  giroflier n’atteint un aussi 
beau développement qu'au Gabon équatorial. Là il 
pousse vigoureusement, mème dans les terrains 
argilo-sablonneux pauvres où ni le cacaoyer ni le 
caféier ne sauraient réussir; il se passe d'abri et 
doit seulement être protégé par des brise-vent; il 
développe ses boutons floraux en juin-juillet, en 
pleine saison sèche, à une époque où l'on peut les 
cueillir et les sécher facilement. Il produit dès la 
cinquième année; à partir de la dixième année 
un arbre peut fournir, sil est bien entreteau, 
3 à 10 kilogrammes de clous de girofle. Il demande 
peu de soins et pourrait, comme à Zanzibar, faire 
la base d’une culture familiale pour les indigènes 
et les petits colons. C'est en définitive une acqui- 
sition très précieuse pour notre belle colonie du 
Congo. 

A. CHEVALIER. 


No 1465 


COSMOS 


665 


Le vieux neuf, le dactylophone. 


Dans le numéro 14418 du Cosmos (24 octobre 1912), 
on signalait l'intéressante invention, faite par le 
D" M.-A. Legrand, d'un appareil baptisé le dacty- 
lophone, destiné à rendre faciles les communica- 
tions avec les sourds. 

Or, le célèbre spécialiste ne se doutait certaine- 
ment pas qu’il ressuscitait une invention datant 
de plus d'un siècle ; cela n'enlève rien à son mérite, 
mais le fait est intéressant : 

Nous avons à ce sujet reçu la lettre suivante : 

« Cet appareil est décrit dans le numéro du 
25 messidor an X (14 juillet 1802), du Journal de 
Paris, sous le nom de féléloque ou opltilogue, 
comme inventé par le citoyen Belprey, avec son 
clavier et ses mots apparaissant à la vue. 

» Vous pouvez vous en assurer en consultant 
une collection de la Bibliothèque nationale. » 

Nous nous sommes empressés de nous reporter 
à la source indiquée, et nous avons trouvé le très 
curieux article suivant, auquel le style de l'époque 
n'enlève rien de sa saveur, au contraire; nous 
sommes convaincus que sa reproduction intéressera 
nos lecteurs. 


De loptilogue, ou du cylindre parlant, appliqué à la 
transmission des idées chez les sourds-muets, à la 
communication lointaine des habitants de la cam- 
pagne, à l'interprétation des ballets pantomimes, àla 
célébration des fêtes nationales età la publication des 
ordres du gouvernement, avec une planche explica- 
tive, par le citoyen BeELPREY. Prix : 1,50 fr, et 1,80 fr 
franc de port. A Paris, chez Dabin, libraire, au bas 
de l'escalier de la Bibliothèque du tribunat, et chez 
l’auteur, rue de Grenelle-Saint-Germain, n° 334 (1). 


Condillac dit quelque part que le secret des décou- 
vertes consiste dans l’art de décomposer et de recom- 
poser. Le citoyen Belprey vient de prouver matériel- 
lement la justesse de ce principe et en a fait une 
heureuse application à la figure des signes écrits. H 
a imaginé de décomposer celle de nos lettres en figures 
partielles et élémentaires rassemblées dans une Letour 
mére, dont les autres ne sont plus que les différentes 
fractions, et qui peut les engendrer toutes : c'est à 
cette idée qu'est due l'invention du cylindre parlant. 

Cette machine, qui a déjà été l'objet d'un rapport 
favorable, et dont les journaux parlérent dans le temps, 
a été perfectionnée depuis par l’auteur. Il en otire 
aujourd’hui un nouveau modèle, sous la forme d'un 
meuble d'appartement appelé télélogue domestique. 
et destiné à mettre en communication lointaine les 
habitants de la campagne. | 

Avant de considérer le cylindre parlant dans ses 
diverses applications, rappelons en peu de mots ses 
propriétés. 

Ce cylindre, lorsqu'on le fait tourner et qu'or touche 


(1) Journal de Paris, 25 messidor an X, p. 1841. 


sur un clavier qui lui est adapté, présente subitement 
des lettres plus ou moins colossales qui, après avoir 
tourné autour de lui et s'être montrées vers tous les 
points, viennent s’eflacer d'elles-mémes immédiatement 
a côté de celui où on en fait paraître d'autres en con- 
tinuant de toucher sur le clavier. Par ce moyen, toute 
la pensée de celui qui transmet s'écrit et se dévide 
autour de cet instrument qui récite à l'œil le plus 
long discours par une succession de syllabes écrites, 
précisément comme on Île réciterait à l'oreille par une 
succession de syllabes articulées : ainsi, dit l’auteur, 
il rend l'écriture aussi fugitive que la parole, la fait 
voler comme elle, et lui donne les mèmes propriétés 
à l'égard du sens auquel il la transmet. Le jour, les 
lettres se tracent en vide et en ombre sur la surface 
blanche du cylindre; la nuit, elles se montrent en 
transparent au moyen d’une lumière placée dans le 
centre et d’un voile blanc qui entourela zone tournante. 

Parler à la vue, parler au loin, parler à tous et 
parler dans le tumulte, tels sont les avantages à con- 
sidérer dans l'’optilogue. 

Exécuté en petit et renfermé dans une espèce de 
chiffonnière qui laisse voir son côté de transmission, 
et dans laquelle on le fait tourner avec les pieds pen- 
dant qu’on touche sur son clavier, c’est un meuble 
élégant et transportable avec lequel un sourd-muet 
peut parler à une assemblée de 2000 à 3 U0O personnes. 

Exécuté en plus grand et élevé à hauteur de croisée, 
sur quatre pieils à roulettes, le même meuble devient 
un féléloque domestique. qui, soumettant la pensée à 
l'action des lunettes de longue vue, la transmet au 
loin, sans lui faire subir la double traduction des 
idées en signaux et des signaux en idées. Il faut voir 
dans l'ouvrage mème comment le secret des conver- 
sations lointaines se concilie avec cette précieuse pro- 
priété. 

En développant les applications du télélogue, l'au- 
teur n'oublie pas de supposer deux amans se par- 
lant dans une belle nuit d'été, et d'un bord à l'autre 
d’un lac, de leur union prochaine. Il prédit un temps 
où l'usage de ce meuble, devenu universel, aura trans- 
porté à la campagne tous les plaisirs de la communi- 
cation sociale et les aura dégagés des entraves de la 
distance pour les marier à ceux de la nature; où les 
vallées et les plaines seront devenues des salons de 
conversation; où l'horizon s’animera de pensée; où 
l'on pourra voir celle d’un ami ou d'une femme 
aimable dans l'éloignement d'un riant pavsage: ou 
les habitans de tout un pays, se secourant muluel- 
lement dans l’échange de leur transmission, seront 
présens les uns aux autres malgré leur éloignement 
physique; où leurs relations se seront nécessaire- 
ment multipliées par ce voisinage moral; où les bul- 
letins de santé, les civilités réciproques, les commis- 
sions données, les secours réclamés, les rendez-vous 
concertés, les visites annoncées, les nouvelles pu- 
blique» et domestiques, les tendres propos des amans, 
les enquètes curieuses des femmes circulant avec une 
rapidité électrique sur un vaste théàtre et échappant 
à toutes les lois de la distance et de l'opacité, auront 
précipité le mouvement social, uni l'état de société 


066 


à l'état d'absence, associé de nouveaux plaisirs à 
l'amour et à l'amitié, et enfin totalement changé l’art 
de l'intrigue, à la grande satisfaction des romanciers 
de ce temps-là. 

Sans examiner si l’auteur n’exagère point ici les 
développements possibles de son invention, nous pas- 
sons à la plus importante des applications qu'il pro- 
pose d’en faire. 

Un optilogue colossal, renfermé dans un édifice cir- 
culaire percé de plusieurs ouvertures ou bouches 
dirigées vers tous les points, lui donne la propriété 
de réciter au loin, par toutes ses bouches, de tous les 
côtés, à une très grande multitude d'hommes, la nuit 
comme le jour et dans le tumulte d'une sédition ou 
d'une fète publique, le discours qui se dévide autour 
du cylindre. 


COSMOS 


42 DÉCEMBRE 1912 


Deux hommes, dont l'un touche sur le clavier placé 
au centre et l’autre fait tourner l’optilogue comme un 
jeu de bague en marchant circulairement dans l'inté- 
rieur de l'édifice, suffisent pour animer un publicateur. 

Le pavillon médial du Palais consulaire, coëtfé 
d'un publicateur à deux bouches, parlerait d'un côté 
à tout le jardin des Tuileries jusqu'à la place de la 
Concorde, et de l’autre à toute la place du Carrousel. 

Si, dans la suite, les publicateurs ou les tours par- 
lantes se multipliaient assez sur le sol de la France 
pour être à portée de se copier mutuellement en se 
fixant avec de bonnes lunettes, un discours prononcé 
par le publicateur de la capitale, s'étendant tout 
autour et par une ondulation rapide jusqu'aux extré- 
mités de la France, aurait pour auditoire la nation 
qui l'habite. 





SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 


Séance du 2 décembre 1912. 


PRÉSIDENCE DE M. LIPPMANN. 


Élections. — M. Pu.-A. GuYE a été élu Corres- 
pondant pour la Section de chimie par 44 suffrages 
sur 47 exprimés, en remplacement de M. Adolf von 
Baeyer, ċlu Associé étranger. 

M. Bazcaxp a été élu Correspondant pour la Section 
d'économie rurale par 32 sutfrages sur #3 exprimés, 
en remplacement de #. Pagnoul, décédé. : 


Contribution à l’étude de la scintillation. 
— La scintillation stellaire se manifeste par des chan- 
gements brusques d'éclat, accompagnés, dés que la 
distance zénithale est assez grande, de changements 
de coloration. Nous avons aujourd’hui l'explication 
du phénomène, qui apparaît comme une conséquence 
de la non-homogénéité de l'air et de son agitalion, 
Toutefois, certaines apparences, qui semblent liées à 
l'éclat et à la couleur de l'astre observé, restent 
encore mystérieuses et échappent à la théorie qu'ont 
permis d'édifier les nombreuses recherches antérieures. 
M. Cu. Gazussor à etfectué à son tour différents essais 
pour tächer d’en déduire une explication du phéno- 
mène. 

Ses observations ne lui ont pas donné des résultats 
détinilifs, mais cette étude préliminaire montre que 
le phénomene de la sciutillation comporte une partie 
subjective qu'on ne peut négliger, soit au point de 
vue de ses apparences, soit au point vue de ses 
eflets sur les estimations d'éclat, et les résultats 
obtenus jettent quelque lumiċre sur certains faits 
d'observations. 


A propos de la communication de M. Gouy : 
« Sur la théorie des gaz ionisés etle principe 
de Carnot ».— M. Gouy, dans sa note du 14 octobre, 
imaginait un dispositif où un champ magnétique hori- 
zontal combiné au champ vertical de la pesanteur 
communiquait des mouvements permanents en sens 
contraires aux ions des deux signes: d'où un courant 


électrique permanent, dont la production serait contra- 
dicloire avec le principe de Carnot. M. C.-G. Darwin 
montre que la séparation des ions, telle qu'elle était 
alléguée par M. Gouy, ne se produit pas, et que le 
second principe de la thermodynamique reste sauf. 


Sur la réflexion des rayons cathodiques 
lents. — M. L. HocrLeviGte a indiqué que les élec- 
trons émanés d’un filament de carbone incandescent 
peuvent, sous l’aclion du champ électrique créé par 
une différence de potentiel voisine de 100 volts, 
donner un pinceau cathodique bien délimité, dont la 
vitesse approche de 5 000 kilomètres par seconde; ce 
pinceau est visible sur tout son parcours, gràce à la 
présence de traces de vapeurs de mercure dans 
l'espace, privé de tous autres gaz, où il se propage. 
Lorsqu'il vient à frapper la paroi de verre du réci- 
pient où il se propage, il se réfléchit nettement; il se 
réfléchit également sur une lame métallique placée 
à l’intérieur du récipient. Ce fait s'explique diflicile- 
ment par un rebondissement des électrons, étant 
données les dimensions exiguës de ces électrons par 
rapport à celles des éléments matériels qui constituent 
les parois; en réalité, cette réflexion est due à un 
phénomène électrostatique; elle a pour cause l'inflexion 
des trajectoires des électrons dans le champ électrique 
maintenu à l'intérieur du récipient. 

L'auteur présente un dispositif où l’on voit cette 
réflexion apparente se faire, soit au contact de le lame 
de verre ou de métal, soit à une certaine distance de 
la lame. 


Sur la limite de formation des composés 
dits « endothermiques » aux températures 
très élevées. — D'après le principe du déplacement 
de l'équilibre chimique de Le Chatelier-Van't Hoff, la 
production, aux températures élevées, de réactions 
absorbant de: la chaleur aboutit, dans certains 
Systèmes, à la formation de composés dits endother- 
miques; tel, par exemple, l’oxyde d’azote, 

Celle formation est-elle favorisée sans limite par 
l'élévation de la température? Si oui, beaucoup de 
composés, oxydes d'azote NO, N,0, ozone, chlorure 
d'azote, cyanogène, sulfure de carbone, existeraient 


N° 1455 


dans les régions de plus en plus chaudes, à des con- 
centrations de plus en plus élevées. 

Cette conséquence du principe de Le Chatelier- 
Van’t Hoff heurte le sens chimique, habitué à conce- 
voir la destruction des édifices moléculaires par des 
températures suffisamment hautes; elle est en contra- 
diction avec l'analyse spectrale, qui prouve la nature 
élémentaire et non complexe des corps existant sur 
les astres les plus chauds. 

Cette contradiction tombe en faisant intervenir la 
dissociation des molécules en atomes; or, quelques 
travaux récents l'ont mise en évidence pour plusieurs 
éléments et permis l'évaluation de la chaleur de for- 
mation des molécules à partir des atomes; celle-ci est 
toujours considérable: par exemple, à 2427°, deux 
atomes dissociés d'hydrogène H s'unissent pour former 
une molécule H? en dégageant 130 calories par molé- 
cule-gramme. Ainsi, aux températures suffisamment 
élevées, la formation des corps dits endothermiques 
(ils ne sont endothermiques que parce que leur cha- 
leur de formation est évaluée à partir des molécules) 
deviendra exothermique, et leur concentration dimi- 
nuéra aves l'élévation de température; M. E. BRINER 
établit un théorème qui montre qu'elle passe par un 
maximum. 

En somme, à partir des atomes, tous les composés 
sont exothermiques. 


Des applications de diathermie comme ra- 
tion énergétique d’appoint. — Chez l'homme et 
chez les animaux homéothermes, une partie de l'éner- 
gie des aliments est dépensée pour maintenir la tem- 
pérature du corps constante, en dépit des déperditions 
extérieures, variant d'après la surface du corps, la 
température ambiante, la protection du vétement, elc., 
et aussi l’état de santé du sujet. Cette quantité d’éner- 
gie peut étre la moitié ou plus de l'énergie repré- 
sentée par les aliments. Pourquoi, dans ces condi- 
tions, ne pas lui fournir, en nature, cette grande 
quantité de chaleur, au lieu de la lui laisser tirer des 
aliments qu’il faut digérer et brüler, en surmenant 
les appareils physiologiques qui servent à cette diges- 
tion et à cette combustion ? C’est ce que M. J. BERGONIÉ 
fait par la diathermie, c'est-à-dire par l'application 
des courants électriques de haute fréquence suivant 
la technique de M. d'Arsonval, courants qui sont sans 
danger. En appliquant sur le corps des électrodes 
larges (30 dm? au total), on peut envoyer dans l'orga- 
nisme une intensité efficace de 2 à 3 ampères, sous 
une différence de potentiel de 4 000 à 2500 volts, sans 
aucune autre sensation que celle de la chaleur; on 
fournit ainsi à l'homme, en une heure, un millier de 
calories, le tiers de la ration alimentaire de sa 
journée. l 

Nombre de maladies: marasme, hypotherinie, ina- 
nition, anémies, sont justiciables de ce traitement. 


Sur la vaccinothérapie de la fièvre ty- 
phoïde. — MM. ArDpiN-DELTEIL, L. NÈGRE et MAURICE 
RavNaub ont entrepris, depuis plus d'un an, l'élude 
du traitement de l'infection éberthienne par les vac- 
cins antityphiques et, en particulier, par le vaccin 
sensibilisé vivant de Besredka. Leurs recherches leur 
permettent de conclure que : 4° la vaccinothérapie 
semble bien diminuer la gravité de la maladie; sur 
trente-sept cas, ils n'ont eu aucun décès, tandis que 


COSMOS 


667 


les non-vaccinés fournissent une proportion de 8,38 
pour 100; 2° elle diminue le nombre des rechutes : 
5,4 pour 100 au lieu de 9,75 pour 100; 3° elle paraît 
abréger la durée de la maladie, d'autant plus que le 
traitement est institué plus près du début de l'in- 
fection. 


Action de doses infinitésimales de diverses 
substances alcalines, fixes ou volatiles, sur 
la vitalité des microbes. — MM. A. TriLiat et 
M. Fouassier établissent que les bases volatiles prove- 
nant de la décomposition organique agissent différem- 
ment sur Îles microbes qui se trouvent à l’état de 
souffrance, comme c’est le cas lorsqu'ils sont en sus- 
pension dans l'air ou dans l’eau, non seulement en 
neutralisant ou alcalinisant les milieux, mais surtout 
en leur fournissant une nourriture gazeuse. Celle-ci 
pourrait ètre considérée, non comme une alimenta- 
tion normale, mais comme une alimentation d'attente 
leur permettant de prolonger leur existence. 


Observations sur les glandines à Verrières- 
le-Buisson. — M. Bouvier, qui avait reçu des glan- 
dines du Mexique, en a remis vingt-cinq exemplaires 
à M. Pu. DE ViLuorix pour étudier les mœurs de ces 
gastéropodes à Verrières-le-Buisson. 

Il résulte des observations qui y furent faites que la 
grosse glandine du Mexique est très avide d'escargots, 
qu’elle ne touche pas aux limaces ni aux plantes, 
qu'elle s’accouple dans la région parisienne et qu'elle 
peut mème y pondre. Reste à savoir si la ponte sera 
féconde et si le mollusque pourra subir l'hiver de nas 
climats: ces questions présentent un intérêt pratique 
évident; elles méritent d'ètre résolues et le seront 
sans doute au cours de l'année prochaine. En tout 
cas, on sait qu'une petite espèce de glandine est 
répandue dans la région méditerranéenne où M. Bou- 
vier a fait mettre en observation plusieurs lots de 
Glandina olivacea. 


Développement «in vitro » de blastodermes 
et de jeunes embryons de mammifères, — 
M. A. BracHET a employé, quelque peu modifiée, la 
méthode que Harrison et Burrows ont imaginée, et 
dont Carrel a tiré de si remarquables applications. 
Dans du plasma bien clair extrait par ponction caro- 
tidienne du sang d’une lapine et tenu à l’étuve à 
39°,5, il met les jeunes blastouystes retirés des cornes 
utérines de l'animal: ces vésicules blastodermiques 
n'ont que cinq à six jours et aucune ébauche em- 
bryonnaire n’est encore constituée. Or, immobilisés 
dans le plasma coagulé, ces œufs ne se maintiennent 
pas seulement en vie, mais ils se fixent et se déve- 
loppent, au moins durant quarante-huit heures, en 
absorbant activement les éléments du plasma ambiant. 
Ainsi, le changement de milieu n'a modifié en rien le 
déterminisme héréditaire de l'œuf. 


Sur l'existence de roches à néphéline dansles schistes 
cristallins de Madagascar. Note de M. A. Lacroix. — 
L'oligoctne du bassin de Roanne et ses faunes de 
mammifères fossiles. Note de M. Cnanzes DEPÉRET, — 
M. Pienre TEnuiEn présente à l'Académie et recom- 
mande très chaleureusement un mémoire de M. KOBER, 
de Vienne, sur la structure des Alpes Nord orientales. 
— Sur un problème d'inversion posé par Abel. Note 


668 


de M. Paraicx Browxe. — Sur la réduction des équa- 
tions à trois variables aux formes canoniques que 
comporte la méthode des points alignés. Note de 
M. M. D'Ocacxe. — Le régime des crues dans le réseau 
fluvial congolais. Note de M. Rovssixe; cet ingénieur 
hydrographe dirigeait la mission Congo-Oubangui- 
Sanga, qui a été amenée, pour la rédaction de cartes 
hydrographiques, à étudier soigneusement le régime 
des crues dans le Congo et ses affluents. — Cartes de 
la deuxième expédition antarctique française. Note de 
M. CuarcorT; en présentant ces cartes dues au hieute- 
nant de vaisseau Bongrain et à l'enseigne de vaisseau 
Godfroy, M. Charcot fait remarquer qu'elles com- 
plètent, avec les cartes de la première expédition dues 
au lieutenant de vaisseau Matha, un ensemble qui, en 
dehors de l'intérèt scientifique, a déjà donné des 
résultats pratiques considérables en permettant aux 
baleiniers de naviguer avec plus de sécurité dans ces 
régions, et trente-six navires ont ainsi pu réaliser 
d'énormes profits. — Inversion du saccharose par les 
rayons ultra-violets. Note de MM. HENRI Bignry, Vicron 
Henni et ALperT Raxc. — Photolyse des diverses caté- 
gories de sucres par la lumière ultra-violette. Note de 
MM. Darie BertneLoT et Henry Gavpecton. — Action 
de la potasse caustique sur le cyclohexanol; synthese 
du cyclohexanyleyclohexanol et du dicyclohexanylcy- 
clohexanol. Note de M. Mancez GUENBET. — M. LUCIEN 
Dai a réussi la grefle du cresson de fontaine sur 
le chou moellier: cette réussite montre que, en rédui- 
sant les ditférences existant entre les capacités fonc- 
tionnelles de deux plantes d'habitat différent par une 
adaptation progressive rationnelle, on peut arriver 
à réussir des grelles qui échouent avec les méthodes 
ordinaires. — Sur les cultures de mousses en milieux 
stérilisés. Note de M. M. Senverraz. — Recherches sur 
la variation des matières grasses, des sucres et de la 
saponine au cours de la maturation des graines de 
Lychnis Githago. Note de M'™™ Manie Konsakorr. — 
Sur la présence de la gentiopicrine, du gentianose ct 
du saccharose dans les racines fraîches de la gentiane 
à feuille d’asclépiade. Note de M. Marc Brinez. — Les 
terres noires de la vallée de l’oued R’Dom au Maroc. 
Note de M. G. Gin. — Étude agrologique du manga- 
nese. Note de M. P. Norris; cette étude permet de 
constater que la terre arable insolubilise et retient le 
manganèse d'une façon analogue à celle dont elle 
absorbe l’ammoniaque, la potasse et l'acide phospho- 
rique. — Les réactions humorales dans la vaccine 
humaine ou expérimentale et dans la variole (réac- 
lions d'infection, réactions d'immunilé}. Note de 
MM. Pierre Teissier et Paenne GastineL. — De la relation 
qui unit le temps de latence de la réaction à l'intensité 
de l'excitation. Note de M. HENRI Piénox. — Action de 
l'aluminium activé sur les extraits alcaloïdiques. Son 
emploi en toxicologie. Note de M. E. KOHN-ABREST. — 
Influence comparée du potassium, du rubidium et du 
cwsium sur le développement et la sporulation de 
l'ispergillus niyer. Note de M. B. SauTox. — Activation 
de certains processus d’o\ydation microbiens par Îcs 
sels d'urane. Note de MM. AucLuon et R. SAzEnac. — 
Les dépôts glaciaires locaus du Vercors et des envi- 
rons du Villard-de-Lans. Note de M. CHARLES JACOB. — 
Etude morphologique sur les terrasses des environs 
de Lvon. Nolc de M. I. Assapa. — Le rôle magnétique 


COSMOS 


12 DÉCEMBRE 1912 


des océans et la constitution de l'écorce terrestre. 
Note de M. ALpuoxse Bercer; nous reviendrons sur 
cette note intéressante. — Sur les tremblements de 
terre des provinces baltiques de la Russie (Esthonie, 
Livonie et Couriande). Note de M. px MonTEssus LE 
BazLore. — Etude de ia radio-activilé des sources de 
Vichy et de quelques autres stations. Note de 
MM. A. Lasonpe et A. LEPAPE. 





SOCIÉTÉ ASTRONOMIQUE DE FRANCE 
Séance du mercredi 4 décembre. 
PRÉSIDENCE DE M. P. PUISEUX. 


Après que M. Puiserx, membre de l'Institut et astro- 
nome à l'Observatoire de Paris, a donné quelques 
échos de la Conférence internationale de l'heure, 
qui s’est tenue le 15 octobre et les jours suivants 
à l'Observatoire, M. Daniez BERTHELOT parle sur les 
rayons ultra-violets et leurs applications praliques. 

Les rayons ultra-violets, c’est, pour le physicien, le 
summum de la lumière; leur fréquence d’oscillation 
est plus grande que celle de la lumière visible, et, à 
raison de cette fréquence même, ils posstdent une 
plus grande énergie. Quand l'atmosphère ne joue 
plus vis-à-vis d'eux son ròle absorbant, ces rayons 
attaquent la peau, produisant le coup de soleil des 
régions alpines ou des déserts privés de vapeur d’eau. 
ils tuent rapidement les microorganismes; aussi le 
conférencier traite-t-il avec dédain l'hypothèse de la 
« panspermie interastrale », de l'ensemencement des 
astres par des germes vivants microscopiques enlevés 
à la surface d’autres astres, car de tels germes vivants 
seraient rapidement tués, en leurs pérégrinations à 
travers l’espace, par les rayons ultra-violets des soleils. 

L'ultra-violet est invisible, mais il est révélé facile- 
ment soit par la plaque sensible, soit par un écran 
fluorescent (platinocyanure de baryum, verre d'urane, 
sulfate de quinine, etc.), qui dégrade l'énergie de la 
radiation à haute fréquence en restituant une radiation 
à moindre fiéquence, comprise dans les limites du 
spectre de la lumière visible. 

Presque tous les milieux sont très absorbants pour 
les rayons ultra-violets : l’air, le verre ordinaire les 
arrètent, et, à ce point de vue, ces rayons sont aux 
antipodes des rayons X, qui traversent même les 
métaux. Le quartz ainsi que la fluorine ou spath fluor 
se laissent traverser par l’ultra-violet. Depuis quelques 
années, on a réussi à fabriquer des lampes à vapeur 
de mercure en verre de quartz, qui fournissent « à 
torrents » les rayons ultra-violets qu’on ne produisait 
que parcimonieusement autrefois par les tubes à gaz 
raréfiés ou les arcs électriques jaillissant entre métaux 
à l'air libre. Finsen avait déjà appliqué avec succes 
larc entre électrodes de fer à la guérison des lupus. 
Aujourd'hui qu'on les produit en grand, les rayons 
ultra-violets reçoivent des applications nombreuses et 
importantes. Aussi, de mème qu'on a créé en chimie 
le chapitre de l’électrolyse, il faudra bientôt donner 
une place à part aux réactions de photolyse (décompo- 
sitions chimiques très énergiques et très rapides 
opérées par la lumière ultra-violette), ainsi qu'aux 


N° 1455 


réactions de pholosynthèse. On peut dire désormais 
que l’action de la lumière sur les substances chimiques 
est aussi générale et aussi importante que l'action 
bien connue de la chaleur et de l'électricité. 

L'action destructrice des rayons ultra-violets de la 
lampe en quartz sur les tissus et organismes vivants est 
presque foudroyante : à regarder cette lampe durant 
une dizaine de secondes, on risquerait une grave ophtal- 
mie, à moins de se protéger par des lunettes de verre 


COSMOS 


669 


ordinaire. En une durée de ÿ à 60 secondes, les bacilles 
de la fièvre typhoïde, du tétanos, de la tuberculose, 
le vibrion cholérique exposés à 10 centimètres d'une 
lampe en quartz à 110 volts sont tués. Aussi les rayons 
ultra-violets sont-ils employés dans des installations 
très importantes pour la stérilisation des eaux de 
ville, notamment par les services municipaux de 
Paris et de Marseille. ; 
B. LATOUR. 





BIBLIOGRAPHIE 


Précis d’optique publié d’après l'ouvrage de 
PauL Drue, refondu et complété par Marcri 
BoLL, professeur agrégé de l'Université. Préface 
de PauL Langevin, professeur au Collège de 
France. T. [Il : Optique électro-magnétique; 
Optiqueénergétique.In-8° (25 X 16) deiv-362 pages 
avec 64 figures (12 fr). Gauthier-Villars, Paris, 
1942. 


En analysant le tome le du Précis d'optique, 
nous avons dit quel est le caractère de cet ouvrage, 
remarquable adaptation du Lehrbuch der Optik 
que Drude publia en 1900 (Cosmos, t. LXV, n° 13914, 
p. 362). Ce premier tome contenait l'Optique géo- 
métrique et l'Optique ondulatoire. 

Le second tome, qui termine l'ouvrage, contient 
l'exposé systématique de la théorie électro-magné- 
tique et de la théorie électronique de la lumière, 
ainsi que l'étude des lois et des théories du rayon- 
nement. Chacune de ces deux parties : Optique 
électro-magnétique et Optique énergétique, dé- 
bute, dans l'édition française, par deux chapitres 
d'introduction où se trouvent résumées les notions 
indispensables d'électro-magnétisme et de thermo- 
dynamique. 

Divers physiciens, Fresnel spécialement, avaient 
constitué des théories mécaniques bien cohérentes 
et assez complètes de la lumière : la lumière était 
un phénomène ondulatoire assimilable au son, 
mais avec cette première différence qu’elle se pro- 
pageaït non dans l'air, mais dans un milieu hypo- 
thétique, l’éther, qu’on a imaginé justement pour 
sauver les théories mécaniques; et avec cette autre 
différence que les vibrations lumineuses sont trans- 
versales, c'est-à-dire s'effectuent dans une direc- 
tion perpendiculaire au sens de translation de la 
lumière, tandis que les fluides comme l’eau ou 
l'air ne transmettent que des vibrations longitu- 
dinales. Diverses difficultés rencontrées par les 
théories mécaniques de la lumière ont été sur- 
montées victorieusement, au prix de quelques 
complications supplémentaires. Le reproche vrai- 
ment sérieux qu'on peut leur faire et qui a été la 
cause de leur décadence, c’est qu'elles restent 
muettes sur les rapports qu’on sait exister entre 
l'optique et l'électricité; aussi, après avoir tiré 


de l'optique ondulatoire tout ce qu'elle pouvait 
donner, il convient de poursuivre l'étude de 
l'optique en empruntant le point de vue électro- 
magnétique : tous les résultats acquis par les théo- 
ries précédentes subsistent, et, en outre, des avan- 
tages tout nouveaux sont immédiatement acquis 
du chef de la théorie électro-magnétique. 

À la base de cette théorie, on suppose, avec 
Faraday, Maxwell et Hertz, que la propagation de 
la lumière dans un milieu transparent est identique 
à la propagation d'une onde électro-magnétique 
dans un isolant. Voici les avantages spéciaux de la 
théorie. D'abord la transversalité des ondes, qui 
paraissait si étrange dans la théorie mécanique, 
résulte directement des théories générales de 
Maxwell sur l’électro-magnétisme. En second lieu, 
le fait que la vitesse de la lumière et la vitesse des 
ondes électro-magnétiques (employées en télé- 
graphie sans fil sont égales s'explique aisément, 
si l’on admet que la lumière n’est pas autre chose 
que des ondes électro-magnétiques. Voilà l’avan- 
tage essentiel de la nouvelle théorie: grâce à elle, 
deux parties de la physique, tout d’abord si diffé- 
rentes comme l'optique et l'électricité, se rejoignent 
par suite d'expériences quantitatives très précises. 
Enfin, la théorie électro-magnétique a permis d’in- 
terpréter et même parfois de prévoir différents 
phénomènes électro-optiques et magnéto-optiques : 
phénomène de Faraday, phénomène de Zeeman, 
phénomène de Kerr, etc. : toutes questions qui 
sont développées dans l'ouvrage indiqué, et avec 
le secours de l'analyse mathématique. 

A l'optique électro-magnétique se rattache la 
question très débattue : L’éther reste-t-il toujours 
en repos, ou bien subit-il de la part des objets en 
mouvement un entrainement partiel? H.-A. Lo- 
rentz, pour satisfaire aux observations physiques, 
et notamment pour expliquer l’aberration des 
étoiles, a admis que l'éther reste toujours en repos; 
mais alors l’éther, étant immobile, devrait pouvoir 
servir de point de repère pour les corps en mouve- 
ment; s'il s'agit de la Terre en particulier, on de- 
vrait pouvoir déceler son mouvement par rapport à 
l'éther, au moyen de certaines expériences optiques; 
par exemple, étant donné une longueur AB mesurée 


670 


à la surface de la Terre, la lumière emploiera à la 
parcourir des durées différentes suivant que la 
longueur AB est dirigée dans le sens de la transla- 
tion terrestre ou au contraire dans le sens perpen- 
diculaire. L'expérience a été faite par Michelson; 
le résultat a été négatif. Faut-il donc abandonner 
l'hypothèse de l'éther immobile ? On peut se tirer 
autrement de cette difficulté. Lorentz et Fitzgerald 
émettent cette nouvelle hypothèse que la longueur 
d’un corps solide dépend de son mouvement dans 
l'espace : deux règles parallèles et égales, d'un 
mètre, par exemple, ne sont plus égales quand 
elles sont disposées l’une dans le sens du mouve- 
ment de la Terre el l’autre à angle droit. Et c’est 
ce qui fait que les deux longueurs AB de tout à 
l'heure, bien que différentes, ont pourtant l'air 
d'être égales, car le mètre avec lequel on les 
mesure se raccourcit ou se rallonge, suivant la 
direction, de manière à établir une exacte com- 
pensation. D'ailleurs, la contraction en question 
est extrêmement faible : le diamètre terrestre qui 
coïncide avec la direction de son mouvement de 
translation dans l’éther est diminué de 13 centi- 
mètres par rapport au diamètre qui lui est perpen- 
diculaire. 

Plus récemment, à la suite des expériences de 
Rayleigh (1902) et de Brace (1904), Lorentz a dù 
admettre en outre que cette même contraction se 
produit pour les électrons en mouvement. 

Il semblerait que la nature se joue de nos phy- 
siciens pour leur dérober tous les moyens par les- 
quels ils espéraient surprendre le mouvement des 
corps relativement à l’éther immobile. Aussi un 
postulat très général et très solide de la physique 
moderne est le principe de relativité : Il n'existe 
aucun moyen de mettre en évidence le mouvement 
absolu des corps (on entend ici par mouvement 
absolu le déplacement mesuré par rapportàl'éther). 

Je ne m'étendrai point sur la dernière partie : 
Optique énergétique, qui est également très 
riche en résultats récents. Au livre de rude, le 
traducteur a ajoulé des développements impor- 
tants relatifs aux différentes méthodes de mesure 
de l'énergie rayonnante, aux constantes des lois 
du rayonnement, à l'étude des pyromètres, à 
l'émission des corps gris et des corps colorés, 
ainsi qu’à la photoluminescence. 


Mémoires sur l'électricité et l’optique, par 
A. Poter, membre de l'Institut, publiés et anno- 
tes par A. BLONDEL, avec une préface de H. Poix- 
CARE. [n-8" (25 Xx 16) de xv-330 pages, avec 
T4 figures et un portrait de A. Potier (43 fr). 
Gauthier-Viliars, Paris, 1912. 

Alfred Potier (1840-1905) a joint l'activité scien- 
tfique la plus large à la plus austère modeslie. 
Conme la dit son ami, le regretté A. de Lappa- 
vent, « il est presque merveilleux qu'il puisse se 


COSMOS 


12 DÉCEMBRE 1912 


trouver des savants capables d'exceller en n'im- 
porte quelle matière et de se montrer, dans tous 
les domaines où leur activité pénètre, des maitres 
incontestés. Ce privilège, nul ne l’a possédé de 
nos jours à un degré plus éminent que Alfred 
Potier, et, de plus, par une rencontre bien peu 
commune, sa maitrise a eu ce caractère de s'exer- 
cer avec d'autant moins de bruit qu'elle était plus 
unanimement acceptée. » Il ne lui a point suffi, en 
effet, de toucher à toutesles parties de la physique; 
professeur à l'Ecole des mines aussi bien qu'à 
l'Ecole polytechnique, il était aussi estimé des géo- 
logues que des physiciens; pendant de longues 
années, il a pris une part active aux travaux de la 
carte géologique détaillée de la France, et il tra- 
vailla aussi en commun avec A. de Lapparent en 
1876, à l'exploration et aux sondages du détroit du 
pas de Calais pour le compte de la Compagnie du 
tunnel sous-marin qui devrait déjà relier l'Angle- 
terre au continent. 

M. Blondel, élève et ami de Potier, a recueilli 
les mémoires épars du maitre pour les rendre 
facilement accessibles à tous; mais, pour diverses 
raisons qu'il expose, il a laissé de côté ceux qui se 
rapportent aux études de géologie et quelques 
autres qui, relatifs à l'électricité ou l'optique, n'ont 
plus d'intérêt immédiat. Les mémoires reproduits 
ici avec annotations sont classés en trois parties, 
suivant qu’ils se rapportent à l'Électricité théo- 
rique (y compris la théorie électro-magnétique de 
la lumière, car Potier a beaucoup contribué à 
populariser Maxwell en France), à l’Électrotech- 
nique et à l'Optique respectivement. 

C'est surtout aux électriciens que s'adresse ce 
recueil. C’est parmi eux, du reste, que Potier est 
le mieux connu, à la fois par ses travaux d'électro- 
technique, qui ont occupé toute la dernière partie 
de sa vie, et par les conseils éclairés qu'il n’a cessé 
de prodiguer à tous les physiciens ou industriels 
qui le consultaient sur les principes ou les appli- 
cations de la science électrique. 


Lever des plans et nivellement, par C.-L. Dr- 
RAND-CLAYE, ingénieur en chef des ponts etchaus- 
sées; ANDRÉ PELLETAN, ingénieur au corps des 
mines, et CHARLES LaALLEMAND, membre de l'Insti- 
tut et du Bureau des longitudes, inspecteur géné- 
ral au corps des mines, directeur du service du 
nivellement général de la France. Opérations sur 
Le terrain. Opérations souterraines. Nivellement 

‘de haute précision. Deuxième tirage des deux 
premières parties, deuxième édition, revue et 
augmentée, de la troisième partie. Un vol. grand 
in-8° de 786 pages avec 293 figures, de l’Ency- 
clopédie des travaux publics fondée par 
M.-C. Lechalas (25 fr). Librairie polytechnique 
Ch. Béranger,15, rue des Saints-Pères, Paris,1912. 


M.Durand-Clayetraitethéoriquement et pratique- 


Ne 1155 


ment des opérations de lever des plans et de nivel- 
lement à la surface du sol; puis M. A. Pelletan 
traite des opérations de topographie souterraine 
(mines et carrières), soit par le moyen plus usuel 
de la boussole suspendue et de l’éclimètre, soit par 
l'emploi du théodolite de mines ou des boussoles 
à lunetles, ainsi que des opérations assez délicates 
qui ont pour but de rattacher l'orientation des 
plans souterrains à la direction de la méridienne. 

La troisième partie, très étendue (de la page 350 
jusqu’à la fin), est un traité complet des nivelle- 
ments de haute précision. Quand l'opération du 
nivellement doit s'étendre à un grand territoire, 
elle devient excessivement compliquée; on ne peut 
plus supposer que les surfaces de niveau sont par- 
tout parallèles, à cause surtout de l’aplatissement 
terrestre : si l’on se contentait de faire un nivelle- 
ment purement géométrique, on trouverait autant 
de valeurs pour la différence de niveau de deux 
points qu'il y a de chemins pour aller de l’un 
à l'autre de ces points. Aux chiffres bruts donnés 
par le nivellement géométrique, il faut appliquer 
une correction qui tient compte de l'altitude et de 
la latitude des points en question ; pour réduire les 
erreurs de réfraction, il convient de limiter la lon- 
gueur de chaque nivelée à 120 ou 150 mètres et de 
placer toujours le niveau à distance égale des deux 
mires. M. C. Lallemand décrit les instruments, 
notamment la mire à compensation de température 
du colonel Goulier, les opérations sur le terrain 
ainsi que les systèmes de contrôle de la justesse de 
ces opérations et les détails des calculs, qui se font 
en double, à titre de contrôle, par deux méthodes 
et par deux calculateurs différents. Le niveau 
moyen de la mer, qui est la surface de comparai- 
son des altitudes, est déterminé par un médinaré- 
mètre très ingénieux et très simple que l’auteur 
a créé en 1885 pour le service du nivellement 
général de la France et dont il donne la théorie 
analytique. Une curieuse note de quelques pages, 
mises en appendice, concerne les primes et salaires 
des agents du service : en dehors du salaire normal, 
les agents employés aux travaux du nivellement 


COSMOS 


671 


général de la France reçoivent des primes calcu- 
lées de manière qu’à un accroissement du salaire 
total réponde un abaissement du prix de revient : 
c'est une sorte de participation de l’ouvrier aux 
bénéfices du patron. Avec ce mode de rémunéra- 
tion, le salaire journalier des porte-mines a presque 
doublé, tandis que le prix de revient kilométrique 
des nivellements de premier ordre, de 40 francs 
en 1884, s'est abaissé à 33 francs en 1888 et à 
31 francs aujourd'hui, les frais généraux ayant 
proportionnellement diminué au fur el à mesure 
de l’augmentation de rendement des opérateurs. 


Manuel d’agriculture tropicale, par J.-C. Wirus, 
directeur des Jardins botaniques de Ceylan, tra- 
duit par Ern. MonTépic, licencié ès sciences. Un 
vol. in-8° de 286 pages, avec 25 planches (8 fr). 
Librairie Dunod et Pinat. 49, quai des Grands- 
Auguslins, Paris. 


Les pays tropicaux comprennent une surface 
énorme de territoires; mais tous ne sont pas fer- 
tiles, il sen faut. D'autre part, il ne faudrait pas 
croire qu'il est facile de s'installer agriculteur dans 
ces pays neufs et que les récoltes se produisent 
abondantes sans beaucoup de travail et de soins. 

L'auteur, très au courant des questions d’agri- 
culture tropicale, donne d'excellents conseils qui 
seront profitables aux personnes tentées d'aller 
s'établir sur ces terres. Il indique les conditions 
que doivent remplir les terrains au point de vue 
climat, fertilité, voies de communication, prix de 
vente, les capitaux qu'il faut posséder suivant le 
genre de culture auquel on veut se livrer et la 
main-d'œuvre dont il est impossible de se passer. 
On trouve encore dans ce livre différents détails 
sur les populations, les outils, les travaux d'irriga- 
tion, de drainage, etc. 

Enfin, une grosse partie du livre est consacrée 
à l'étude des cultures diverses qu'on peut entre- 
prendre: riz, sucre, thé, café, cacao, palmiers, 
épices, fruits et légumes, tabac, opium, chanvre 
et autres textiles, cola, coca, caoutchouc. Un 
chapitre spécial est consacré à l’élevage du bétail. 





PETITE CORRESPONDANCE 


Avis. — Nous rappelons à nos lecteurs que nous ne 
répondons pas aux lettres non signées. 

Adresses : 

Les ventilateurs Triumph sont construits par la 
fabrique Stegmeier et Cie, à Stutigard (Allemagne). — 
Ventilateurs à ressorts genre Aquilon : M. Plan et Cie, 
24, rue des Pelites-Écuries, Paris. 

M. J. B. RK., à St-D. de G. — Nous ne saurions vous 
donner le renseignement demandé. Ecrivez directe- 
ment chez de Dion-Bouton, 34, quai National, à Pu- 
teaux (Seine), ou à la maison Brouhot, à Vierzon (Cher). 


H. P., à B. (Colombie). — Le verre Soleil: Y, rue 
Louis-le-Grand ; le prisme Luvfer: 44, rue de l'Aque- 
duc, Paris. — Les machines à diviser ne sont pas assez 
couramment demandées pour qu'on en trouve de 
toutes construites. Il faudrait la commander. Adressez- 
vous à la maison Morin, t1, rue Dulong, Paris. — Pour 
souder la fonte, s’il s’agit de pitces qui ne doivent pas 
s'échauffer, il faut frotter les parties à réunir avec 
une brosse de fil de laiton jusqu'à ce que la surface 
soit jaune. On soude ensuite à l’étain. Autrement, il n°y 
a que la soudure autogène qui puisse être assez solide. 


672 


M. L. B., à A. — L'adresse indiquée est exacte; nous 
sommes surpris qu'on ne vous donne aucun signe de 
vie. — Vous pourrez aussi vous procurer du fil émaillé 
chez Ducretet et Roger, 35, rue Claude-Bernard, Paris. 

M.J.P.,à R. — 1° Les montages à employer à la 
réception pour la téléphonie sans fil sont les mêmes 
que pour la télégraphie. Le montage par induction qui 
permet d'obtenir une meilleure sélection et une syn- 
tonie plus rigoureuse est cependant préférable. 2° Les 
transmissions n'ont pas lieu régulièrement tous les 
jours. Elles sont ordinairement faites, soit le matin, 
entre 9"0" et 10*45*; soit le soir, entre 5"0" et 7*0», 
heures auxquelles les constructeurs sont autorisés 
à faire leurs essais. 3° La longueur d'onde employée 
est généralement un peu inférieure à celle de Verdun: 
la self nécessaire est à peu près égale au tiers de celle 
que demande F. L. 

M. M. G., à ..... — Avec une pile Leclanché, votre 
potentiomètre devra présenter une grande résistance 
pour éviter la polarisation des éléments: 1000 ohms, 
par exemple, que vous obtiendrez avec 160 mètres 
environ de fil de ferro-nickel de 6,4 mm de diamètre 
ou avec une longueur moindre de fil plus fin. Vous 
trouverez au Bazar d'Electricité(3$, boulevard Henri IV, 
Paris) un modèle de rhéostat à trois bornes, de 
1195 ohms, coùtant une trentaine de francs et pou- 
vant être ulilisé comme potentiomètre dans le cas que 
vous indiquez. Avec deux accumulateurs, la polarisa- 
tion n'est pas à craindre et la résistance du poten- 
tiometre peut être beaucoup moindre (100 à 200 ohms). 
Les accumulateurs se déchargeront cependant d'au- 
tant plus vite que la résistance sera moins grande. 
La maison Ancel (91, boulevard Pereire, Paris) poarra 
vous fournir, à un prix relativement peu élevé, un 
potentiomètre à utiliser avec deux accumulateurs 
(25 fr). — Le rôle des condensateurs a été expliqué 
dans la série d'articles que nous venons de publier. 
Vous y verrez également que, des montages repré- 
sentés par vos trois schémas, lé premier n'est pas 
a conseiller, le second est employé de préférence avec 
détecteur à cristaux et le troisième avec détecteur 
“lectrolytique. Vous y trouverez enfin la raison de 
l'emploi d'une bobine à deux Curseurs (montage en 
Oudin). 


M. J. D., à G. — Les eristaux de galène sélectionnés 
sont certainement sensibles; il n'est pas utile de les 
essayer de nouveau. Pourtant, cette opération est 
facile: elle est indiquée dans le numéro 1850 du 
(osmos. Nous vous conseillons plutôt de construire un 
détecteur électrolytique, beaucoup plus régulier et 
toujours prêt, La construction des bobines d'accord 
est décrite dans le mème numéro. H faut environ 
150 métres de fil. Une seule bobine peut suffire, mais 
avec deux vous obtiendrez de bien meilleurs résultats. 
— Nous sommes très touchés de votre sympathie. 


M. G. L., à D. — Votre prise de terre est suffisante 
comme cela. — Vos fils peuvent être employés tels 
qu'is sont pour faire l'antenne. Pour celle-ci, une lon- 
gueur de 100 mètres semble suffisante. H n'est pas 
i“ressaire qu'elle soit absolument rectiligne. Vous 
pouvez donc ne pas trop tendre le fil, pour éviter la 
rupture. Essayez d'abord avee cette antenne. Vous 
l'allongerez seulement si elle ne suffit pas. — La 
distance entre les électrodes n'a qu'une importance 


COSMOS 


12 DÉCEMBRE 1912 


très secondaire; vous pouvez les éloigner d'un centi- 
mètre environ. — Le fil indiqué pour la bobine d’ac- 
cord peut servir, mais il en faudra une plus grande 
longueur, environ de 180 à 200 mètres. — Nous croyons 
que, si votre montage est bien établi, vous pourrez 
recevoir parfaitement les signaux horaires. Suivez 
attentivement les petites correspondances, qui donnent 
toutes des renseignements capables de vous inté- 
resser. 

M. H. H., à A. — Vous pouvez prendre le métal qui 
vous plaira pour votre détecteur à cristaux; mais les 
métaux inoxydables ne sont pas nécessaires. De mème, 
vous pouvez enfermer l’appareil dans une boîte, à la 
condition d'isoler les fils à leur entrée dans les parois 
de la boîte. 

M. A. E. L., à S. — Il n’y a pas d'autre remède que 
d'augmenter le tirage de votre cheminée pour vous 
débarrasser de la fumée; et, pour éviterles vapeurs et 
les odeurs de cuisine. il faut faire établir une prise 
d'air avec appel extérieur, soit par cheminée, soil 
à l’aide d'un ventilateur mú mécaniquement. 

M. V. L., à J. — Le Manuel de technique microsco- 
pique, par Bornx ot OpreL, traduit par E. pe RotviLLE, 
répond à vos deux premiéres questions : description 
de l'instrument, manière de faire une préparation, 
microtome, etc. (6 fr). Librairie Dunod et Pinat, 
49, quai des Grands-Augustins, Paris. A signaler 
aussi ke Guide élémentaire de technique microscopique, 
par L. ne Nanvaz (1,50 fr), mème librairie. — Pour la 
{roïsième, nous ne savons si vous voulez parler de 
dessins ou de photographies faits à l'aide du micro- 
scope. 

M. D. C. M., à G. — Le livre : Hydraulique agricole 
(t. 1“), de Levy Sarvaron et Fuicx (15 fr). Librairie 
Dunod et Pinat, 45, quai des Grands-Augustins, Paris, 
contient un chapitre détaillé sur la défense des berges 
des cours d'eau. — Notions élémentaires du calcul 
différentiel et du calcul intégral, par J. PavLy (8 fr). 
Librairie Béranger, 15, rue des Saints-Pères, Paris, ou 
bien Cours de mathématiques supérieures, par l’abbé 
Srorrags (2 vol., 10 fr). Librairie Gauthier-Villars, 
55, quai des Grands-Augustins, Paris. — Leçons sur 
l'électricité, par Eric Gérann (2 vol., 12 fr chacun). 
Gauthier-Villars; pour les petites iastallations domes- 
tiques : Tout le monde électricien, par H. DE Gaarri- 
eny (3 fr). Pratic-Bibliothèque, 1, rue du Pont-de-Lodi, 
Paris. 

M. E. L. 5. P. — Nous ne connaissons, dans cet 
ordre d'idées, que l'1f/as de poche des insectes de 
France utiles et nuisibles, par Donck, qui contient 
72 planches coloriées représentent 322 insectes (6,50 fr). 
Librairie horticole, 84 bis, rue de Grenelle, Paris. 


M. J. L. Q., à G.— Guide pratique d'éducation phy- 
sique, par G. Héexrr (8 fr). Librairie Vuibert, 63, bou- 
levard Saint-Germain, Paris. — La cuisine rationnelle 
des malades et des bien portants, par Moziz-Waniss 
(5,50 fr). Librairie Maloine, 25, rue de l’Ecole-de-mé- 
decine, Paris. Vous trouverez d'ailleurs une grande 
variété d'ouvrages sur cette question en demandant 
le catalogue de cette librairie. — Oui, le service de 
Commission peut se charger de vous procurer Îles 
ouvrages que vous désirez obtenir. 





imprimerie P. Fenou-Vaau. 8 et 6, rue Bayard, Paris. VINT°. 
Le pgérest : À. Pants. 


No 1456 — 19 DÉCEMBRE 1919 


COSMOS 


673 


SOMMAIRE 


Tour du monde. — Détermination spectroscopique de la parallaxe solaire. Verre de silice résistant à la 
chaleur. Glace opaque et glace transparente. Les gros œufs danois. Trutles de Provence. L'attaque des 
ustensiles en aluminium. Un nouveau tarif électrique à Boston. Supports permettant la cuisson électrique 
sur les fers à repasser renversés. L'emploi du béton armé pour l’asséchement du Zuyderzée. Le paquebot 
Jmperator. L'altitude en aéroplane. Nouveau porte-copie pour machines à écrire. Nouvel alliage d'alumi- 


nium : l’argental, p. 673. 


Les grandes centrales génératrices d’électricité, Manchanv, p. 678. — Les blattes, AcLooue, p. 680. — 
Appareil photographique à fentes, GRAbENwITz, p. 682. — Gravures et sculptures de l’époque 
aurignacienne, G. Drioux, p. 683. — La motoculture et le motoculteur, Fourier, p. 685. — Notes 
pratiques de chimie, J. Gançcox, p. 689. — Le nouveau bateau-feu du Havre, P. GribeL, p. 692. — 

- Sociètés savantes : Académie des sciences, p. 6%. — Association francaise pour l'avancement des 
sciences (fin), Hénichanv, p. 696. — Bibliographie, p. 697. 








TOUR DU MONDE 


ASTRONOMIE 


Détermination spectroscopique de la paral- 
laxe solaire (Revue scientifique, 1 déc. 1912). — 
La vitesse moyenne avec laquelle notre planète 
décrit son orbite annuelle autour du Soleil est voi- 
sine de 30 kilomètres par seconde. Si l’on suppose 
une étoile dans l'écliptique et en quadrature avec 
le Soleil, et si l’on détermine sa vitesse par la mé- 
thode spestroscopique, on obtiendra une valeur qui 
sera affectée par l'effet total de notre propre vitesse; 
il en résulte que des déterminations de cette espèce, 
effectuées lors de deux quadratures successives, 
devront conduire à des résultats différant entre 
eux du double de la vitesse terrestre. 

On dispose donc ainsi d'un procédé susceplible 
de fournir la distance de la Terre au Soleil ainsi 
que la parallaxe solaire, M. B. Turner a consacré 
tout récemment à cetle question une étude inté- 
ressante (1) dont nous allons citer les points prin- 
cipaux. 

Le problème n’est pas aussi simple qu'il peut 
apparaitre à première vue; tout d'abord, les étoiles 
présentant un type spectral et une grandeur favo- 
rable pour les déterminations de vitesses ne se 
trouvent pas exactement dans l'écliptique; ensuite 
l’orbite terrestre étant elliptique, la vitesse de notre 
globe est variable, sans compter que l'observateur 
lui-même possède, relativement à l'étoile, une 
vitesse qui dépend de l’heure à laquelle est faite la 
mesure. 

H faut également tenir compte de l'action de 
notre satellite qui modifie un peu notre vitesse 
elliptique; en outre, les observations ne peuvent 
pas toujours être effectuées à l'époque exacte d'une 


(1) Publication of the astronomical Soriety of the 
Pacific, n° 154. 


T. LXVII, Ne 1556. 


quadrature ; enfin, l'étoile considérée peut former 
un couple spectroscopique et avoir une vitesse 
variable relativement à l'observateur. 

On opère donc, en réalité, assez loin des condi- 
tions idéales, et il est nécessaire de tenir compte, 
dans les calculs, de nombreux termes correctifs; 
néanmoins, les travaux effectués dans celte voie. 
à l'Observatoire du Cap, montrent que la méthode 
en question est capable de conduire à une valeur 
précise de la parallaxe solaire. 

Les recherches dont il s'agit comprennent plus 
de 300 spectrogramimes pris sur les étoiles bril- 
lantes: a Taureau, x Orion, a Petit Chien, 3 Gé- 
meaux, a Bouvier, x Centaure et x Scorpion. Pour 
obtenir la vitesse stellaire, cinq clichés du Soleil 
ont été comparés avec un cliché de chaque étoile, 
à l’aide du spectrocomparateur de M. Hartmann; 
ensuite, le cliché stellaire a été comparé avec tous 
les autres spectrogrammes du mème astre. 

Sans entrer dans le détail des calculs intermé- 
diaires, contentons-nous de fournir le relevé des 
résultats relatifs à chacune des étoiles étudiées: 


Étoiles. Parallaxe solaire (7e). 
a Taurtcau..... eeose Peeni enai 57,52 
a Ar seee ET E E S R 530 
a Pont Chiem ece oira dei iesen aa 8,763 
P T E E E ETE 8 83 
IRON e osrceras tisa KE r EEEa S 507 
dy Centa éea earnen us art 8 ,7:3 
a SCOPO LL NME Se 8 805 


Ce qui donne, comme résultat moyen: 
m = 8,799 a- 0,0063. 

Cette valeur présente un accord remarquabie 
avec celle 8”.807 -- 0”.0027 que M. Hinks vient de 
conclure de la discussion de plusieurs centaines de 
clichés de la planète Eros, obtenus dans 12 Obser- 
vatoires différents, pendant l'opposition de 1900. 


67% 


D'ailleurs, on a entrepris au Cap une nouvelle 
recherche du même ordre, mais cette fois sur un 
nombre d'étoiles beaucoup plus considérable (plus 
d'une cinquantaine), de sorte que d'ici quelques 
années on pourra déduire, par cette méthode, une 
valeur vraisemblablement très précise de la paral- 
laxe solaire. G. F. 


PHYSIQUE 


Verre de silice résistant à la chaleur. — On 
sait utiliser maintenant le quartz fondu pour en 
fabriquer des récipients destinés à aller au feu, des 
lampes à vapeur de mercure laissant filtrer les 
rayons ultra-violets, etc.; ce verre de silice pure, 
ayant un très faible coefficient de dilatation, sup- 
porte sans se fendre les variations soudaines de 
température. Cependant, quand il est maintenu 
longtemps au voisinage de son point de fusion, il 
a tendance à recristalliser, ce qui lui fait perdre 
une partie de sa résistance mécanique. 

Pour retarder cette cristallisation, M. Thomas 
a trouvé qu'il suffisait d'ajouter à la silice un peu 
d'oxyde métallique, spécialement des oxydes de 
zirconium et de titane; une teneur en oxydes de 
4 pour 1000 accroit la résistance mécanique de 
20 à 50 centièmes. L'auteur pense que ces oxydes 
sont en suspension à l'état colloïdal dans la silice, 
et qu'ils s'opposent, par une sorte de frottement 
interne, à la cristallisation de la silice. 


Glace opaque et glace transparente. — Ja 
glace à rafraichir devrait toujours ètre transpa- 
rente; la transparence de la glace est, pour l'ache- 
teur, la garantie pratique de la valeur de la mar- 
chandise qu il acquiert. 

En effet, M. Taboury, au Congrès du froid de 
Toulouse, a signalé la difficulté qu'il y a à garantir 
la valeur frigorifique de la glace opaque. Tandis 
que la glace transparente, cn fondant, dégage tou- 
jours quatre-vingt calories par kilogramme, avec 
une approximation de seulement 5 pour 100, il 
parait que la glace opaque, quoique atteignant 
parlois cette mème valeur de quatre-vingt calories 
par kilogramme, présente d’autres fois un déficit 
qui irait Jusqu'à 35 et 40 pour 100. 


AGRICULTURE 


Les gros œufs danois. — fn quelques années, 
les agriculteurs danois sont arrivés à produire 
en quantités toujours croissantes des œufs auxquels 
lenr grosseur assure des débouchés faciles sur tous 
les marchés exportation. IH en est résulté une 
extension considérable de leur industrie avicole, 
et par suite une énorme augmentation des béné- 
fices fournis par leurs basses-cours. La Chambre 
de comimuvrce française de Londres publie à ce 
sujet des documents très significatifs : sur 
2109 caisses expédiées du Danemark à Londres 


COSMOS 


19 DÉCEMBRE 191% 


pendant la première semaine d'avril, 132 conte- 
naient des œufs pesant 83 kilogrammes par mille, 
272 des œufs pesant 72 kilogrammes par mille, 
174 des œufs pesant 64 à 65 kilogrammes par mille. 
Ce dernier chiffre, qui représente le minimum de 
poids des œufs danois, correspond au poids maxi- 
mum des œufs français. Or, chacun sait que, plus 
un œuf est à la fois gros et lourd, plus il est 
recherché, plus il est payé cher. Rien d'étonnant, 
par suite, à ce que le Danemark soit sur le point 
de nous supplanter complètement auprès des 
acheteurs britanniques. 

Cependant, nos races de poules et notre climat 
peuvent soutenir avantageusement toutes les com- 
paraisons. Mais l'élevage des pondeuses est, en 
général, laissé chez nous au hasard, et aucun prin- 
cipe de sélection intelligente n'intervient pour 
améliorer les sujets et faire sacrifier ceux qui 
s’abâtardissent. L’exemple de nos concurrents 
danois montre qu'il est grand temps de renoncer 
à ces pratiques roulinières. FRANCIS MARRE. 


Truffes de Provence. — On est tellement habi- 
{tué à accoler aux truffes le nom du Périgord que 
bien des personnes ignorent que la Provence en 
fournit quantité dans sa partie qui était jadis le 
Comtat- Venaissin, aujourd’hui département de 
Vaucluse. | 

Ce cryplogame est une des richesses de cette 
région. On le trouve surtout dans la partie monta- 
gneuse du département où il se multiplie dans 
les sols calcaires au voisinage des racines des chènes 
et tout spécialement dans la forèt de Sarrians, sur 
les pentes du mont Ventoux. 

Les marchés principaux de truffes sont à Apt et 
à Carpentras. On estime qu'il y passe annuellement 
500 000 kilogrammes de cryptogames, d’une valeur 
totale de cinq millions de francs. 

Un seul petit village, celui de Béduin, situé en 
plein district truffier, tire un revenu de 60000 francs 
du fermage de 25 000 parcelles produisant des 
truffes; terrains silués sur les terres appartenant 
à la commune. 


CHIMIE INDUSTRIELLE 


L'attaque des ustensiles en aluminium. — 
De nombreuses recherches ont été effectuées pour 
déterminer jusqu’à quel point les ustensiles en alu- 
minium supportaient sans attaque le contact avec 
l’eau, l'air, la bière, le lait, etc. 

Récemment, MM. F. Schonfeld et G. Himmelfarb 
(Woch. für Brau, 1942; Revue électrique, 22 nov.) 
ont étudié la façon dont se comportent les réser- 
voirs en aluminium employés pour les cuves de 
fermentation en brasserie. Ces réservoirs ont servi 
pendant quatre ans sans monirer aucune altéra- 
tion. Des plaques d'aluminium qu'on avait sus- 
penducs pendant cing mois dans les cuves, en 


N° 1456 


totalité ou en partie, ont montré une augmentation 
de poids par suite d'un dépôt, mais ce dépôt con- 
sistait surtout en phosphate de calcium, et si on 
l’enlevait avec de l’acide azotique, on trouvait 
au-dessous de l'aluminium nullement altéré. 

L'aluminium est moins résistant à l'air humide; 
il y subit une sorte de rouille avec formation de 
pointes efflorescentes d'oxyde d'aluminium et un 
piquage sous-jacent. | 

L’aluminium, en conséquence, peut être recom- 
mandé comme matière pour la construction de 
cuves à fermentation, mais il est utile dans ce cas 
d'en recouvrir l'extérieur et les parties intérieures 
non en contact avec le liquide d’une couche de 
laque, de poix ou de papier imperméable. 


ÉLECTRICITÉ 


Un nouveau tarif électrique à Boston. — 
L'Electrical World (Élertricien du 23 novembre) 
rapporte que la Compagnie d'éclairage Edison, de 
Boston, vient d'arrèter un nouveau tarif qui est 
entré en vigueur le 4e octobre et qui s'applique 
particulièrement à la vente du courant affecté à 
la charge des batteries d’accumulateurs, au chauf- 
fage, au repassage électrique, au service de réfri- 
gération, d'alimentation en eau et d'irrigation. 
En vertu du nouveau tarif en question, le courant 
est vendu au prix d'à peu près 0,50 fr par kilowatt- 
heure pour toute quantité ne dépassant point20 kw-h 
par mois, avec un minimum de 62 francs par 
compteur et par an. Au-dessus de 20 kw-h par 
mois, le prix de vente est réduit à 0,15 jusqu'à 
2 000 kilowatts-heure par mois. Pour les quantités 
de courant en sus de ce dernier chiffre, le prix de 
vente est encore abaissé et réduit à 0,10, pourvu 
que l’abonné s'engage à payer à raison de 0,50 fr 
par kw-h pour le courant utilisé durant certaines 
heures spéciales que la Compagnie fixe de temps 
à autre. Ces heures spéciales comportant une 
majoration de prix, ne peuvent pas ètre au 
nombre de plus de 500 durant l’année, ni au 
nombre de plus de quatre pour une journée quel- 
conque. Le nouveau tarif prévoit, en oulre, que, 
chaque fois que la consommation de courant s'élè- 
vera à moins de 520 francs pour un mois, l’abonné 
payera une redevance mensuelle de 26 francs pour 
l’utilisation de son compteur. Toutefois, si la con- 
sommation mensuelle de courant, bien qu'infé- 
rieure à 520 francs, est supérieure à 49% francs, 
l'abonné ne doit acquitter que la différence entre 
ces deux sommes à titre de frais de compteur. 


Supports permettant la cuisson électrique 
sur les fers à repasser renversés. — L'Æ/er- 
trical Revier and Western Electrician (cité par 
l'Électricien du 23 novembre) rapporte que la 
Compagnie Marion Light and Heating, de Marion 


COSMOS 


(Indiana, Etats-Unis), à récemment distribué à ses 
clients qui disposent de fers électriques à repasser 
400 petits supports destinés à maintenir ces fers 
dans une position renversée pour y cuire des ali- 
ments, chauffer de l'eau, etc. Ces supports sont 
construits avec des lames en fer de 9 millimètres 
et de 1,5 mm, solidement rivées ensemble ct 
peintes au bronze d'aluminium. Les supports en 
question, fabriqués par séries de 100, reviennent 
chacun à 0,68 fr, mais ils ont été distribués gratui- 
tement par la station centrale à {out abonné qui a 
manifesté le désir d'en recevoir un. Lesdits supports 
s'adaptent à un fer électrique quelconque et per- 
mettent d'utiliser la surface renversée de ce fer 
pour chauffer de l’eau, faire cuire des œufs, faire 
bouillir du café, etc. Il a été constaté que les 
abonnés ayant reçu ces supports avaient augmenté 
chacun leur consommation mensuelle en courant 
d'environ 0,68 fr, en sorte que les petits dispositifs 
précités se sont trouvés remboursés à la Compagnie 
au bout du premier mois de leur utilisation. — (r. 


GÉNIE CIVIL 


L'emploi du béton armé pour l’asséchement 
du Zuyderzée. — Une Commission du béton armé 
avait été nommée par la Zuidersee Vereeniging 
pour étudier les économies qu’on pourrait réaliser 
par l'application du béton armé aux travaux d'as- 
séchement partiel du Zuyderzée (Pays-Bas). 

C'est que le béton est corrode par les sels de ma- 
gnésie que renferme l’eau de mer. 

Le rapport de la Commission, que nous trouvons 
analysé brièvement dans le Genie civil du 30 no- 
vembre, conclut que les travaux en béton armé 
exposés à la mer, qui ont élé exécutés aux Pays- 
as ou à l'étranger, ne sont pas encore assez anciens 
pour qu'on puisse se prononcer d'une façon défini- 
live en ľaveur de ce matériau; toutefois, les résul- 
tals acquis semblent justifier cet emploi moyennant 
quelques réserves et l'observation de certaines 
règles, par exemple l'emploi de mortiers riches en 
citnent et le durcissement prolongé des blocs à l'air 
avant leur mise à la mer. 

En ce qui concerne le Zuyderzée, on pourrait 
employer surtout à la construction des écluses et 
des ponts fixes. L'avis est moins favorable pour Île 
revêtement des digues, tant à la mer que le long 
des canaux et lacs intérieurs, et cela à raison des 
tassements qui ne manqueront pas de se produire 
dans des ouvrages neufs. 

En ce qui concerne le travail principal, la grande 
digue de barrage, celle-ci se composera de deux par- 
ties : la digue barrant le Amsteldiep, de 2 300 mètres 
de longueur, et la digue reliant l'ile de Wieringen 
à Piaam (còte de la Frise), qui aura 27 kilomètres 
de longueur. Pour cette dernière partie, on forme- 
rait une ile artificielle en rehaussant un des bas- 


676 


fonds situés entre les points extrêmes. À partir des 
quatre points fixes établis de cette façon, on con- 
struirait les digues par les moyens habituels en 
usage pour ces travaux aux Pays-Bas (corps de sable 
et revêtement d'argile), de façon à réduire gra- 
duellement les passages libres offerts aux courants 
de marée jusqu’au moment où la force progressive 
de ces courants rendra impossible l'avancement 
des travaux. 


C’est ici que le rapport suggère l'emploi du béton 


armé à titre provisoire, pour opérer la fermelure 
des passages par des caissons en béton placés au 
moment propice. Ces caissons seraient ensuite 
incorporés dans la digue proprement dite et, par 
suite, soustraits à l’action prolongée de l’eau de 
mer. 


MARINE 


” Le paquebot « Imperator » (Bulletin de la 
Société des ingénieurs civils, octobre 1912). — Ce 
paquebot, le plus grand qui existe, puisque son 
déplacement atteindra 65 000 tonnes, soit 5 000 de 
plus que celui du malheureux Titanic, est construit 
pour la Hamburg Amerika Linie par les chantiers 
de Hambourg de la Société Vulcan; sa mise à l’eau 
a élé opérée en présence de l’empereur le 23 mai 
dernier. 

La longueur de l’Zmperator est de 900 pieds, 
soit 274,5 m; ce navire est le premier qui maura 
que 100 pieds de moins que la fameuse longueur 
de 1 000 pieds dont les constructeurs parlent depuis 
des années comme d’un chiffre qu’on doit atteindre 
dans un avenir plus ou moins rapproché. La lar- 
geur est de 29,3 m et le creux de 48,9 m. lya 
30,5 m de la quille au pont des embarcations, et 
la hauteur des pommes des måts au-dessus de la 
quille n’aura pas moins de 75 mètres. Ces mâts 
seront au nombre de deux, et il y aura trois chemi- 
nées de section ovale de 8,85 m sur 5,5 m, dont la 
partie supérieure sera à 55 mètres au-dessus de la 
quille. Le gouvernail pèsera 95 tonnes et sa mèche 
aura un diamètre de 0,75 m. 

Ce paquebot gigantesque sera propulsé par des 
turbines d'une puissance collective de 70 000 che- 
vaux, agissant sur quatre arbres qui lui assureront 
une vitesse de 22,5 nœuds. Un détail remarquable 
est que la vapeur sera fournie à ces turbines par 
des chaudières à tubes d'eau: c'est la première 
fois que ces générateurs sont appliqués à de très 
grands paquebots. 

Une disposition qui sera très appréciée par les 
passagers est l'installation des réservoirs antiroulis, 
du systèrug Frahm. On sait que ce système consiste 
à disposer de grandes capacités sur les deux côtés 
de la coque et à les mettre en communication par 
des canaux appropriés qui laissent passer l’eau d’un 
bord à l'autre selon les mouvements du navire, le 
passage étant contrôlé par des valves. L'expérience 


COSMOS 


19 DÉCEMBRE 4942 


acquise sur quelques paquebots à passagers a fait 
voir que le système Frahm est le meilleur procédé 
connu à ce jour pour contrarier les effets du roulis. 

Le récent désastre du Titanic amène tout natu- 
rellement à se demander quelles précautions ont 
été prises dans la construction du nouveau paquebot 
pour l'empêcher de sombrer en deux heures de 
temps, dans le cas d'un accident semblable à celui 
auquel nous venons de faire allusion. 

On a proposé divers moyens, par exemple l'em- 
ploi d'une double coque dans la partie immergée 
ou l'installation de cloisons longitudinales réser- 
vant des soutes à charbon sur les còtés dans le voi- 
sinage des chaudières. La division de la coque de 
lľ/mperator dans la partie au-dessous de la flot- 
taison a été faile sous la surveillance du Lloyd 
allemand et de la Commission pour l'émigration. 
Elle consiste en une série de cloisons transversales 
et longitudinales. Les premières sont au nombre de 
douze, s’élevant jusqu’au deuxième pont au-dessus 
de la flottaison, à l’exceplion de la cloison d'avant 
ou de collision, qui s'élève jusqu’au quatrième pont 
au-dessus de l'eau. Ces cloisons sont croisées par 
d’autres longitudinales, qui divisent les espaces 
consacrés aux machines et chaudières en vingt- 
quatre compartiments étanches dans la partie 
immergée. 

Il y a quatre chambres de chauffe; les soutes à 
charbon sont placées au-dessus des chaudières et 
sur les côtés de celles-ci. Les cloisons longitudi- 
nales se trouvent à 6,1 m environ des parois de la 
coque et vont de la cloison transversale n° 4 à la 
cloison n° 8. 

Derrière la chaufferie le plus à l'arrière est la 
chambre avant des turbines, laquelle est protégée 
par deux cloisons latérales; l’espace entre ces cloi- 
sons et la coque est occupé par les auxiliaires. La 
chambre arrière des turbines est divisée en deux 
parties par une cloison centrale disposée dans le 
sens de l’axe du navire. 

Un intérêt spécial s'attache à l'installation des 
turbines, à cause de leurs dimensions énormes. 

La partie tournante de ces appareils, qui a 3,4 m 
dediamètreet7,5 m de longueur, porte 50 000 aubes : 
les arbres ont tous 0,457 m de diamètre. Les hélices 
en bronze ont 5 mètres de diamètre. Bien qu'on 
ait parlé de 70000 chevaux, on estime que la puis- 
sance développée s'élèvera à 80 000-85 000 chevaux, 
soit 20 000-21 000 par turbine. 

Le gouvernement allemand, en exerçant sa sur- 
veillance sur la construction des navires destinés 
à transporter des passagers, s'attache autant à la 
protection contre l'incendie qu’aux risques de la 
navigation proprement dite. Il y a sur les paque- 
bots du genre de l’?Zmperator quantité de matières 
combustibles sous forme de cloisons, menuiserie, 
peinture, vernis, et comprenant tout ce qui tient à 
l'ornementation. Si le feu prend à quelque partie 


N° 1456 


de ce genre, il se propage sans obstacle sur de très 
grandes longueurs. On a prévenu cette facile pro- 
pagation par l'installation de cloisons légères en 
acier, munies de portes qu'on peut fermer en cas 
de besoin avec une extrème rapidité. 

La Hamburg Amerika Linie compte que le nou- 
veau paquebot pourra effectuer son premier voyage 
au commencement de l'été 1913. 


VARIA 


L’altitude en aéroplane. — L’aviateur Garros 
vient de reprendre le record de l'altitude en aéro- 
plane; il lui avait été ravi le 17 septembre der- 
nier par Legagneux, qui était monté à 5720 mètres. 
Après plusieurs essais infructueux à Marseille 
d'abord, puis à Tunis, il a réussi, le 44 décembre 
dernier, à s'élever à la hauteur de 5 800 mètres. A 
titre documentaire, voici les principales « étapes », 
en fin d'année, de ce record de la hauteur : 

18 décembre 1908 : Wright, 115 mètres. 

4° décembre 1909 : Latham, 453 mètres. 

9 décembre 1910 : Legagneux, 3100 mètres. 

4 septembre 1911 : Garros, 3 900 mètres. 

41 décembre 1912 : Garros, 5 800 mètres. 


Nouveau porte-copie pour machines à écrire. 
— Le porte-copie est un accessoire presque indis- 
pensable des machines à écrire. Il permet, pour tous 





F1G. 1. 


les travaux de transcription, d’avoir sous les yeux le 
manuscrit. Au contraire, quand celui-ci est posé 
sur la table, à côté de la machine, l'opérateur est 
constamment obligé de détourner la tête et de se 
pencher pour se reporter au texte. Il en résulte 
une fatigue du buste et de la vue et une sérieuse 
perte de temps. 

Ces porte-copie existent en grand nombre dans 


COSMOS 


677 


le commerce, et les dactylographes n'ont que l'em- 
barras de choisir. Les uns se posent sur la table, 
les autres s'adaptent sur le bâti de la machine. Ils 
ont chacun leurs avantages; ils ont tous un incon- 
vénient : une fois mis en place, le porte- copie a une 
position fixe qu'on ne peut modifier à son gré, sui- 
vant les circonstances. 

Le nouveau porte-copie « le Flexible » est, au 





F1G. 2. 


contraire, parfaitement mobile. Il se compose d'un 
pied, qu'on place sous celui de la machine (tig. 1) 
pour lui donner la stabilité voulue, et d'une pince 
qui ne présente rien de spécial. Ces deux pièces 
sont réunies par une tige, qui est la partie originale 
et vraiment intéressante de cet appareil. 

Cette tige, composée d’un alliage à base de plomb 
recouvert d'un tissu métallique tressé, est souple 
en tous sens. Elle se plie à toutes les exigences, 
s'approche du dactylographe myope ou s'éloigne, 
se hausse ou s'abaisse, en un mot, prend toutes 
les positions désirées par l’opérateur, et cela d'un 
seul mouvement de la main, par torsion de la tige 
flexible, sans qu'il y ait lieu de modifier quoi que 
ce soit dans la position du pied ou de la pince de 
l'appareil. 

La souplesse de la tige est vraiment remarquable; 
on croirait voir une couleuvre se tordant en tous 
sens et gardant la position qu'on l’oblige à prendre, 
et, malgré cette flexibilité, elle offre assez de résis- 
tance pour supporter le poids d’un fort block-notes. 
Enfin sa durée est illimitée, quel que soit le 
nombre de torsions qu'on lui fera subir. 

La figure 2 représente l'appareil dont la pince 
maintient un block-notes ouvert. On peut remar- 
quer sur cette pince une petite barre métallique, 
mobile en tous sens, qui sert de signet lorsqu'on 
doit interrompre le travail de copie. Ce perfection- 


678 


nement permel de retrouver tout de suite, quand 
on reprend son travail, l'endroit où on en était 
reslé. 

Comme on le voit, ce porte-copie est particulière- 
ment commode pour les dactylographes, pour qui 
il a élé spécialement combiné, mais il peut encore 
servir à d'autres usages; par exemple, en le plaçant 
complètement redressé sur une table ordinaire, il 
fera un très commode pupitre à musique pour les 
ioueurs de flüte ou de violon. 


COSMOS -7 


19 DÉCEMBRE 1919 


Nouvel alliage d'aluminium : l’argental. — 
Mc Adams, déjà connu par son alliage léger et 
résistant, Mc Adamite, lance un nouvel alliage 
d'argent et d'aluminium, qui a toutes les qualités 
de largent, sauf son poids, susceptible d'être tra- 
vaillé de toutes manières, prenant un beau poli. 
L’argental est destiné à remplacer l'argent en orfè- 
vrerie. Il est blanc comme l'argent, plus résistant 
que l'aluminium et l'argent pris isolément. Sa 
masse spécifique est le tiers de celle de l'argent. 





Les grandes centrales génératrices d'électricité. 


Lorsque, documents stalistiques en mains, l'on 
compare le développement actuel des installations 
d'électricité à celui des usines de la fin du siècle 
dernier, par exemple, on constale qu'un progrès 
considérable a été réalisé en ces dernières années. 

Les chiffres, cependant, ne donnent au profane 
qu'une impression assez faible et peu en rapport, 
en tout cas, avec les étapes franchies. Pour se faire 
mieux une idée de ce qui a été fait dans cette voie, 
il faut se rappeler les installalions du passé et 
évoquer l'image des groupes qui les constituaient, 
pour les mettre en regard de nos installations pré- 
sentes; au besoin, la revue illustrée est là pour 
remplacer les souvenirs que l’on n’a point. 

Feuilletez une publicalion technique d'il y a 
quelques années, vous y découvrirez bientòt la 
photographie ou le dessin d'une « grande » usine 
de l'époque, et vous resterez étonné de l'écart qui 
existe entre ces installations-là et celles que nous 
possédons aujourd'hui. | 

Et si, plus attentif, vous ne vous bornez pas à 
tenir compte uniquement des dimensions des ma- 
chines que l'on vous montre, si vous faites en 
outre le parallèle entre les puissances développées, 
vous vous apercevez que si les équipements actuels 
n’élaient incomparablement plus compacts el plus 
ramassés que les anciens, lesinstallations d’aujour- 
d'hui auraient une taille fantastique. 

Comme on le sait, ce nest guère à plus d'une 
trentaine d'années que remonte la fondation des 
premières usines d'électricité pour l'alimentation 
de distributions publiques. 

Ces premières usines furent généralement des 
plus modestes; elles ne comportaient que des équi- 
pements de puissance restreinte divisés en machines 
relativement faibles; le matériel dont on disposait 
alors étail encore rudimentaire et les applications 
réalisables, peu variées; l'électricité n’était em- 
ployée que pour l'éclairage, on alimentait d’ailleurs 
séparément les lampes à arc et les lampes à incan- 
desrenee ; ces deux catégories de lampes exigeaient 
des tensions différentes, et il fallait des machines 
spéciales pour alimenter chacune d'elles. 


Vers 1885, deux modifications importantes déter- 
minèrent un progrès notable dans le développe- 
ment des installations d'électricité en rendant l’uti- 
lisation de l'énergie électrique plus profitable et 
plus facile, et en permettant l'unification des 
réseaux. 

Ce furent l'apparition d'un nouveau système de 
lampes à arc et l'introduction du moteur électrique 
dans les usages industriels; dès ce moment, les 
centrales entrèrent dans une période de progrès 
tout à fait caractéristique; le matériel s’unifor- 
misa, on adopta des types plus gros et les installa- 
lions devinrent plus grandes et plus nombreuses. 

Une nouvelle étape commença lorsque l'on se 
rendit compte des avantages que présentent les 
courants alternatifs polyphasés, pour la réalisation 
de transmissions électriques économiques. On 
n'avait fait auparavant fonctionner les usines géné- 
ratrices que sur des réseaux limilés; on étendit 
les zones desservies par une mème installation, et 
l'on établit des usines dans les conditions les plus 
avantageuses. re 

Le progrès devint plus réel encore après la mise 
au point de machines capables de convertir écono- 
miquement les courants alternatifs en courant 
conlinu, mieux approprié aux applications usuelles, 
ce qui permit de bénéficier simultanément des qua- 
lités des deux syslèmes, à courant continu et à 
courant alternatif. 

Bientot les réseaux de distribution prirent une 
extension considérable; les usines s’agrandirent, 
dotées d'un outillage de plus en plus efficace et 
sûr; le matériel de génération et de distribution 
s'améliora d'une façon extraordinaire. 

Ainsi que nous l'avons dit plus haut, les progrès 
ont élé surtout considérables dans les dernières 
années; aujourd hui, l'on ne s'étonne plus de ren- 
contrer dans une centrale des équipements capables 
de fournir des milliers de kilowatts; les grandes 
capitales ont toutes de puissantes installations, et 
les groupes y atteignent généralement une puis- 
sance plus grande que celle des plus grandes cen- 
trales d'il y a dix ou douze ans. 


N° 1456 


C'est particulièrement l'adoption de la turbine 
à vapeur pour la constitution des groupes électro- 
gènes, en remplacement des machines à pistons, 
qui a conduit à cette augmentation des puissances, 
sans laquelle les usines génératrices se seraient 
trouvées dans l'impossibilité de faire face au déve- 
loppement des applications de l'électricité. 

Considérablement plus puissante, sous un volume 
donné, que la machine à pistons, la turbine à va- 
peur permet en effet,de concentrer en un seul groupe 
électrogène des puissances énormes, quadruples et 
quintuples de celles auxquelles on se bornait, au 
début du siècle, avec les machines à pistons. 


COSMOS 






yill- Le 
o 679 
LDPMAVE ICT 





Laconstruction électro-mécai A Lipérnit : 
jourd'hui couramment des groupes JE -T0 0 0 et 
12 000 kilowatts; à New-York, à Chicago, etc., plu- 
sieurs usines en ont de 45 000 et de 20 000 kilowatts; 
les constructeurs européens ne sont pas moins 
avancés, d'ailleurs, et on les voit à mème de fournir 
des groupes de 20 000, de 25 000 kilowatts. 

Quelle étape franchie en douze années: passer 
de 4 500 chevaux, puissance des turbines installées 
en 1900 à la centrale d’Elberfeld, les plus grosses 
à cette date, aux chiffres ci-dessus! 

Les turbines de grande puissance ont, d'ailleurs, 
sur les petites des avantages sensibles; l'obtention 





TURBINE BROW N-BOVERI-PARSONS DE 28 000 CHEVAUX. 


d'un fonctionnement économique est beaucoup 
plus simple; avec les petites, on doit admettre des 
vitesses de rotation élevées, moins bien compa- 
tibles avec une construction mécanique parfaite- 
ment robuste. Hé ; 
Aussi, en fait, c'est la dynamo, et surtout la 
partie tournante de celle-ci, qui fixe la limite 
maximum de puissance possible : car la construc- 
tion du rotor de la dynamo est délicate; la ma- 
chine est soumise à un travail très pénible ininter- 
rompu; des à-coups fréquents l’atteignent ; les réac- 
tions mécaniques y sont énormes, et le tout doit 
être étudié de telle sorte que l'équilibre soit encore 
parfait après un service de plusieurs années. 


Que l’on songe, par exemple, aux seules pertes 
d'énergie électrique qui se produisent dans le 
groupe et s’y transforment en chaleur; elles 
alteignent toujours au moins quelques millièmes; 
or, une perte de 4 millième seulement, dans une 
machine de 20000 kilowatts, cela représente 
20 kilowatts. 20 kilowatts dépensés d’une façon 
ininterrompue pour échauffer la machine, de quoi 
alimenter 4000 lampes de 16 bougies à filament 
métallique. 

On comprend facilement quelles difficultés 
entraine un pareil dégagement de chaleur et comme 
il faut que la machine soit ventilée soigneusement, 
que les paliers soient graissés avec soin, que tous 





GRO 


les organes soient convenablement équilibrés. 

Pour ce qui est notamment du seul point de la 
ventilation — les autres sont trop techniques pour 
que nous puissions en aborder l'examen ici, — il 
faut recourir à des méthodes de réfrigération par 
circulation énergique; les machines sont enfermées 
dans une enveloppe appropriée; on y fait passer 
un courant d'air énergique; des ventilateurs 
mettent l’air en circulation; tout un système de 
canaux est établi pour amener et éconduire l'air, 


des filtres à poussière sont insérés sur les con- 


duites, etc., etc. 


COSMOS 


19 DÉCEMBRE 191% 


Ainsi, dix questions qui paraissent au premier 
abord secondaires et qui ne sont, en effet, que des 
questions de détail comparativement à l’ensemble 
du problème, tant la portée de celui-ci est grande, 
ont chacune une importance considérable et ont 
demandé à être résolues d’une façon approfondie. 

Mais l’art de l'ingénieur marche en tout à pas 
de géani aujourd'hui, et les grandes centrales élec- 
triques actuelles, avec leurs grands groupes géné- 
rateurs monstres, fonctionnent d’une manière de 
plus en plus satisfaisante et s’acheminent vers une 
perfection presque idéale. H. MARCHAND. 





Les blattes. 


L'ordre des insectes orthoptères renferme beau- 
coup d'espèces que leur physionomie peu ave- 
nante, leurs instincts prédateurs, leur incommodité 
rendent en général antipathiques, et qui ne peuvent 
guère trouver grâce qu'aux yeux des naturalistes. 
Parmi cette engeance repoussante où se classent 
la forficule, la courtilière, les grillons, les criquets, 
les sauterelles, viennent assurément en bon rang, 
pour leur aspect odieux et l’importance de leurs 
méfaits, les Hattes, malodorantes bestioles que tout 
le monde maudit et pourchasse, aussi bien sous 
leur nom entomologique que sous leurs dénomina- 
tions vulgaires de cafards, kakerlacs el cancrelats. 

Les mœurs de ces insectes laids et répugnants. 
si pernicieux dans les maisons qu'ils ont envahies, 
offrent cependant quelques trails intéressants, qui 
leur méritent l'indulgence des zoologistes, et que 
d’ailleurs il est utile de connaitre, ne füt-ce que 
pour en tirer d’efficaces moyens de destruction. 

Il n’est pas nécessaire de faire le portrait des 
blattes; leur faciès elliptique et déprimé est bien 
connu. Les deux espèces qui, dans nos pays, s’in- 
troduisent le plus volontiers dans les maisons sont 
la blatte orientale (Blatta orientalis L.), à laquelle 
revient plus particulièrement le nom de cafard, 
et la blatte américaine (B. americana L.), plus 
spécialement désignée sous le nom de cancrelat. 

Celle-ci possède, à l'état adulte, des élytres (ailes 
supérieures) bien développés dans les deux sexes, 
non tronqués, et plus longs que l'abdomen; sa cou- 
leur est ferrugineuse; elle s’introduit surtout dans 
les magasins, les serres. La blatte orientale, plus 
commnne, ne manifeste pas, au contraire, de pré- 
férence bien marquée dans le choix d'un local et se 
plait indifféremment partout où elle trouve à se 
pourrir; elle se distingue de sa congénère en ce 
que ses élytres, bien développés el tronqués chez 
le mâle, sont réduits chez la femelle à de petits 
lobes latéraux: elle est brune avec les pattes rousses. 
La blatte américaine mesure de 23 à 32 millimètres 
de long; la blatte orientale de 19 à 25. 


L'une et l’autre sont d'ailleurs des insectes très 
malfaisants, et c'est à ce trait de leurs mœurs que 
fait allusion leur nom générique, lequel dérive du 
grec Shintw, Je nuis. Kiles sont omnivores, leurs 
mandibules très robustes étant aptes à entamer les 
substances alimentaires les plus diverses, depuis 
le pain jusqu'à la viande et mème le cuir. 

Les blattes, leurs méfaits el odeur nauséabonde 
qu'elles exhalent, et qui, comme celle de la punaise, 
persiste parfois assez longtemps sur les objets 
qu'elles ont touchés, étaient connus dès l’antiquité. 
Dans sa comédie de la Paix, Aristophane fait allu- 
sion à leur puanteur, et Horace les a placées, pour 
l'importance et la nature des dégäts, sur le mème 
rang que les teignes: 


Cui siragula vestis, 
Blattarum ac linearum epult, 
Putrescil in arca. 


« Dont la couverture pourrit dans un coffre, fes- 
{in des blattes et des teignes. » 

C'est surtout à nos provisions de bouche que 
s'attaquent les blattes, et cest en vue de leur con- 
quète qu’elles s’introduisent dans nos habitations. 
Aussi abondent-elles dans les locaux où sont em- 
magasinées ces provisions, surtout dans ceux où 
règne en mème temps une température assez éle- 
vée: cuisines, boulangeries, pâtisseries, cale des 
navires marchands. Elles dévorent et souillent tout, 
et il est très difficile de s’opposer à leur invasion, 
leur corps plat leur permettant de s'introduire dans 
les moindres fentes des caisses et des barils. A 
bord des bâtiments faisant les voyages au long 
cours, le seul moyen que l’on ait souvent d’empè- 
cher leurs méfaits est d’enfermer les provisions 
dans des boites de zinc ou de tôle bien soudées. 

Tout ce qui peut se manger est à leur goût; 
elles ont cependant des préférences : le pain blanc, 
par exemple, passe dans leur estime avant le pain 
noir, et la farine avant la viande. C'est ce qui 
explique comment, saisies dans la pâte d'où elles 


N° 1456 


n'ont pu se dégager, elles sont parfois portées au 
four et cuites avec le pain; le client qui trouve 
ensuite inopinément sous la dent ce peu attrayant 
morceau n’a qu'une ressource pour atténuer sa 
répugnance, cest de croire, sur l'affirmation du 
boulanger, qu'il a eu affaire, non à une blatte, 





F1G. 1. — LA BLATTE ORIENTALE (Blatta 
ou Periplaneta orientalis) ET SA LARVE TRÈS JEUNE. 


mais à un simple cri-cri, hôte inévitable, comme 
on sait, des fournils. 

Chamisso a raconté comment des marins, ayant 
ouvert pendant une traversée des barils qui avaient 
recu au départ du riz et du blé, les trouvèrent 
remplis, à leur grand désappointement, de mil- 
liers d'individus de la blatte germanique qui, 
pour trouver place dans ces récipients, avaient jugé 
bon d'en dévorer au préalable le contenu. 

En cas de disette, et si la farine, le pain ou la 
viande manquent, les blattes exercent leur appétit 
aux dépens de toute substance organique à leur 
portée, surtout animale : les fourrures, la laine, la 
soie deviennent en ce cas la proie de leurs man- 
dibules. On en a vu se mettre à ronger le cirage 
des bottes pour passer de là insensiblement au 
cuir que recouvrait le cirage. 

Les serres reçoivent aussi quelquefois leur visite 
intéressée et très préjudiciable. Boisduval rapporte 
dans son Entomologie horticole quelques exemples 
de grands établissements ayant subi, du fait des 
blattes, des pertes considérables, spécialement en 
orchidées et en autres plantes précieuses, que ces 
terribles insectes rongeaient avidement. Enfin, les 
amateurs de livres ont à faire pour leur part de 
graves reproches aux blattes, qui, si elles ont l’accès 
des bibliothèques, entament aussi bien le papier 


COSMOS 


681 


que les reliures, et qu'il convient par suite de 
ranger dans la catégorie assez nombreuse des 
insectes bibliophages. 

Tous ces dégâts sont plus particulièrement le 
fait de la blatte orientale; cependant, la blatte 
américaine, que nous avons reçue, à ce qu'on croit, 
des Antilles, est bien à redouter aussi dans les 
locaux qu'elle recherche plus particulièrement. A 
Paris, elle s’est établie dans les raffineries; dans 
les ports de mer, elle infeste les magasins et les 
entrepôts de sucres et autres denrées coloniales. 

Deux espèces qui, chez nous, habitent les bois, 
où elles vivent sous la mousse et les feuilles mortes 
aux dépens des détritus animaux et végétaux, se 
sont domestiquées dans les pays du Nord, où elles 
causent les mêmes dégàts que dans nos contrées 
les blaties orientale et américaine: ce sont les 
blattes germanique et laponne. Les Russes affirment 
que la blatte germanique fut importée de Prusse 
dans les bagages de leur armée après la guerre de 
Sept Ans (1756-1762). Jusqu'à cette époque, elle était 
inconnue à Saint-Pétersbourg où elle pullule aujour- 
d’hui. Dans les pays septentrionaux qu'elle infeste, 
la blatte laponne se rend particulièrement incom- 
mode en dévorant les poissons fumés qui consti- 
tuent en hiver la principale nourriture des habi- 
tants. 

La destruction des blattes est rendue plus diffi- 
cile par ce fait que ce sont des insectes nocturnes 
qui se cachent pendant le jour. A bord des navires, 
le kakerlac américain explore la nuit les recoins 
du bâtiment, et il lui arrive, au cours de ses péré- 
grinations, de grimper sans scrupules sur le visage 
des passagers endormis. C’est aussi dans les 
ténèbres que la blatte orientale cherche sa nourri- 





Fic. 2. — TÊTE DE BLATTE (vue de face). 


ture; si, au milieu de la nuit, on entre à l’impro- 
viste avec une lumière dans une cuisine ou une 
boulangerie infestées par ces insectes, on les sur- 
prend attablés et courant avec une étonnante 
vélocité. 

Les blattes sont assez prolifiques, comme c'est 


682 


ordinairement le cas pour les espèces malfaisantes, 
qui, par leur nocuité, s’atlirent beaucoup d'’enne- 
mis; les femelles témoignent à l'égard de leurs 
œufs d’une certaine sollicitude maternelle. Au mo- 
ment de la ponte, elles laissent sorlir en partie, 
à l'extrémité de leur abdomen, un corps arfondi 
qui n’est autre chose qu’un amas d'œufs agglomé- 
rés, une oothèque. Elles portent cette oothèque 
pendant un temps variable, qui peut aller jusqu à 
plusieurs semaines, et, après l'avoir ainsi trainée, 
elles la déposent finalement, à l’époque opportune, 
dans quelque coin. 

C'est le moment de l'éclosion; les jeunes larves 
ne tardent pas à sortir de l'œuf et à s'évader de la 
coque de l’oothèque, assistées par la mère qui les 
aide à déchirer cette coque. Elles se répandent de 
nous côtés et se mettent aussitôt à chercher leur 
ourriture. Elles sont toujours agiles et revêtent 
progressivement la forme de l'adulte par une série 
de mues dont l'une, qui équivaut à une nymphose, 
leur confère des ailes. Dans les endroits où les 
blattes ont fait élection de domicile, on les voit 
grouiller en troupes nombreuses, composées d'in- 
dividus de tout âge et, par suite, de toutes dimen- 
sions. 

C'est surtout dans les pays chauds que les ravages 
des blattes atteignent une intensité désastreuse. 
Aux Antilles, elles constituent un véritable fléau, et 
il leur suffit parfois d’une nuit pour percer des 
malles, des caisses, des valises et arriver ainsi jus- 
qu'aux objets que l’on pouvait croire le mieux à 
l'abri de leurs attaques. Elles infestent parfois à ce 
point les murs, les lits, les tables, qu'il devient 
impossible de préserver les aliments de leur con- 
tact. Les espèces de nos pays ne sont d'ailleurs que 
des naines auprès de la ‘grande blatte géante de 


¿COSMOS 


19 DÉCEMBRE 1912 


Cayenne et du Brésil, qui peut atteindre 7 centi- 
mètres de long et 18 centimètres d'envergure et 
qui pousse la férocité, est-il affirmé, jusqu’à ronger 
pendant la nuit les ongles des personnes endormies. 

Dans ces contrées où les blattes se rendent si 
malfaisantes, la guerre leur est faile systématique- 
ment et avec une efficace ingéniosité. Aux colonies, 
on dispose pour les prendre des pièges formés de 
boites en bois ouvrant à charnière et percées sur 
un côté, près du fond, d’une ouverture horizontale 
longue, mais très étroite. Dans ces boites, on place 
comme appâls un morceau de lard ou de pain 
d'épice; les blaites qui y entrent, attirées par 
l’appât, restent dans les boites où elles trouvent 
l'obscurité; lorsqu'elles sont ainsi prises, on les 
écrase ou on les asphyxie en enflammant dans la 


_ boite quelques allumettes. 


Ce piège ingénieux trouverait certainement une 
utile application dans nos maisons, ainsi que d'autres 
plus simples qu'il est facile d'imaginer. On peut, 
par exemple, disposer dans les recoins habités par 
les blattes des pots à surface déclive très lisse où 
elles roulent au moindre faux pas sans avoir en- 
suite la possibilité de remonter ou, à moindres 
frais encore, des linges humides dans les replis 
desquels elles se réfugient et où il n’y a plus qu'à 
les recueillir pour leur infliger tel supplice que l’on 
voudra. La lutte contre cette malfaisante engeance 
peut se faire encore par quelques moyens plus 
scientifiques : insuftlation de poudre de pyrèthre, 
petits récipients contenant de la benzine ou du sul- 
fure de carbone. Cela, en attendant que l’on accli- 
mate le chlorion, guëpe qui, à Maurice et à Bour- 
bon, nourrit ses larves de blattes préalablement 
anesthésiées par son aiguillon. 

A. ACLOQUE. 





L'appareil photographique à fentes. 


On connait les appareils photographiques désignés 
sous le nom de slténopé, où la lentille est rem- 
placée par un simple trou fin, en général circulaire. 
Cet appareil, malgré sa remarquable simplicité et 
son bon marché incomparable, ne jouit pas d’une 
grande faveur, à raison du flou des clichés qu’il 
donne et du peu d'intensité lumineuse de l'orifice. 
Néanmoins, ce curieux appareil est employé de 
ternps en temps, pour les vues artistiques de 
paysages, où ses inconvénients se font moins sentir, 
tandis que ses avantages (estompé et profondeur 
des teintes, absence de réflexions et de déforma- 
tions) peuvent ètre pleinement utilisés. 

M. Wolfgang Otto, à Kiel, a eu l'idée de généra- 
liser d'une façon fort curieuse le principe de cet 
appareil photographique, en remplaçant lorifice 
circulaire par des fentes, rectilignes ou non. 


La figure 4 représente schématiquement la dis- 
position du nouvel appareil et l'allure des rayons. 
La paroi antérieure comporte, au lieu de l'orifice 
fin, une fente horizontale et, à une certaine dis- 
tance en arrière, une autre paroi étanche à la 
lumière où l’on a également pratiqué une fente, 
mais d'une direction différente de la première. 
Dans la plupart des cas, l'une des fentes est verti- 
cale, l’autre horizontale, mais d’autres combinai- 
sons donnent également d'intéressants résultats. 

L'ouverture, généralement assimilable à un 
point, de l'appareil à orifice circulaire, se trouve, 
on le voit, dédoublée en deux fentes que nous sup- 
poserons, pour plus de simplicité, d'une largeur 
négligeable. Plus ces deux fentes se rapprochent 
lune de l’autre, et plus l’image ressemblera à celle 
que fournit l'appareil à sténopé. Lorsque cette dis- 


N° 1:56 


tance s’annule, nous retrouvons, en effet, une seule 
ouverture rectangulaire. 

Dans la disposition représentée à la figure 1, 
toutes les lignes verticales de l’objet D sont repro- 
duites à la même échelle que si l'objectif se trou- 
vait à la dislance de la fente horizontale pg (voir 
le schéma explicatif, fig. 2); par contre, les dimen- 
sions des lignes horizontales de l’image sont déter- 
minées par la distance entre la fente verticale rs 
et la plaque A (voir le schéma explicatif, fig. 3). 

La figure 4, par exemple, a élé prise en dispo- 
sant la plaque A à 21 centimètres de la fente hori- 
zontale et à 44 centimètres de la fente verticale; 
les lignes verticales, telles que ab (fig. 2), y sont 





donc plus grandes que leslignes horizontales telles 
que cd (fig. 3). 

La figure 5 a été prise du même endroit, après 
avoir retourné les deux fentes de 90 degrés. L'effet 
que nous indiquions pour l’autre plaque est ici 
inversé. l 

Le raccourcissement de lune des dimensions 
n’est que peu frappant à première vue; ce n’est 
qu'en comparant les deux vues qu'on se rend bien 
compte de la différence. 

Cet appareil, loin d'être une simple curiosité 
scientifique, pourra servir à des usages pratiques. 
Les architectes pourront, par exemple, l'employer 
pour modifier rapidement leurs dessins, les carica- 
turistes pour produire des effets de déformations 
comiques, les peintres décorateurs pour varier à 


COSMOS 


683 


linfini les patrons de tissus et de tapis, et pour 
modifier les différentes formes de caractères typo- 





EA 


FiG. 4 ET 5. — DEUX VUES D'UN MÊME OBJET, PRISES DU 
MÊME ENDROIT, MAIS EN INVERSANT LA DIRECTION DES 
FENTES DE L'APPAREIL. 


graphiques. Dans bien des cas, on peut trouver par 
le calcul la forme de fente produisant une défor- 
malion donnée. D' A. GRADENWITZ. 


= — — — — 


Gravure et sculptures de l’époque aurignacienne. 


Jusqu'à ces dernières années, l’art de la gravure 
était considéré comme ayant pris naissance à 
l'époque magdalénienne. Ce n’est en effet qu'en 
1906 que M. l’abbé Breuil a constaté sa présence 
à l’époque aurignacienne : au cours de fouilles pra- 
tiquées dans la grotte du Trilobite, à Arcy-sur- 
Cure (Yonne), l’abbé Parat avait découvert un 


galet schisteux strié de figures de rhinocéros et de 
capridés, ainsi qu'un os de renne représentant un 
végétal. Le niveau auquel appartenaient ces objets 
était l’aurignacien supérieur; le caractère primitif 
des dessins était, lui aussi, d'autre part, un argu- 
ment en faveur de leur ancienneté; on était donc 
en présence de la plus ancienne gravure connue de 


GS 


l'époque aurignacienne. Mais ces spécimens étaient 
uniques. Aussi, tout en reconnaissant le style 
archaïque de ces gravures comparables, à ce titre, 
aux plus anciens dessins pariétaux des cavernes, 
dont les plus primitifs se classent précisément au 
niveau aurignacien, convenait-il, selon M. Déche- 
lette, « de se montrer encore circonspect sur les 
conclusions à tirer de ces découvertes » (1). 

Ces spécimens ne sont plus actuellement les 
seuls du genre. M. Eugène Pittard vient de donner, 
dans Anthropologie, la description d'un galet 
gravé provenant de la station aurignacienne des 
Rebières (Dordogne). Ce galet est un morceau 
irrégulier de grès verdâtre, d'une longueur de 
12 centimètres et demi et d'une largeur médiane 
de 6 centimètres. 

« Les incisions sont très fines. Elles ont été pra- 
tiquées à l'aide d'un burin aigu. Ces traits occupent 
presque toute la longueur du galet. L'artiste auri- 
guacien qui a gravé ces traits a dessiné un animal 


complet et l'esquisse d'un autre animal. C'était. 


déjà un homine maitre de son instrument, car 
pour l'animal qui est complètement figuré, il ne 
sv est pas repris à plusieurs fois, sauf peut-être 
pour un trait des pattes de devant. L'animal 
représenté en entier est vraisemblablement un 
cheval, reconnaissable surtout à la forme générale 
de sa tète, à son museau et au caractère de sa 
lèvre inférieure que l'artiste primitif a fort juste- 
ment indiqué. L'attitude donnée à ce cheval est 
évideninent très mauvaise, et, n’était la tête, on 
pourrait croire à la représentation d’un autre 
animal, d'un ours, par exemple. La queue fait 
défaut. Les extrémités des jambes ne sont pas 
terminées et les sabots ne sont pas indiqués. En 
outre, comme dans le dessin de rhinocéros sur 
schiste découvert par M. l'abbé Parat, le tracé des 
attaches des membres n'est pas figuré. Le corps et 
les membres sont limités par un contour presque 
eontinu. Il n'v a que la jambe gauche de derrière 
convrant la partie supérieure de la jambe droite 
qui interrompt ce contour continu. L'oreille est à 
peine indiquée, et l'œil ne l'est pas. Cette gravure 
est évidemment d'un style très archaïque. Quant à 
lautre dessin qui se trouve sur la même fare du 
galet, il est difficile de l'identifier. Peut-être s'agit-il 
de la représentation, plus simplifiée encore que 
celle du cheval, dun mammouth? Au premier 
moment, javais eru voir la tête très fruste d'un rhi- 
nocéros. L'autre face du galet porte aussi de nom- 
breux traits, gravés avec la mème technique. Mais, 
jusqu'à présent, il nous a été impossible de dis- 
cerner exactement ce que représentent ces 
traits. » (2) 


(1) Manuel, p. 127, 

(2) ECGÈNE Pirrans, Une gravure sur galet de l'époque 
auvigiavienne, dans Anthropologie, 19142, n° 3-4. — 
A la lin de sa note, M. Pittard annonce une nouvelle 


COSMOS 


19 DÉCEMBRE 1912 


Cetle découverte, s’ajoutant à la précédente de 
l'abbé Parat, la confirme, s'il en était besoin, et rend 
plus évidente l'existence de la gravure à la période 
aurignucienne. 


+ 
+. « 


Une autre découverte, qu'il est intéressant de 
signaler ici, est celle du D" Lalanne. Il explore, 
depuis 1908, labri sous roche de Laussel (Dor- 
dogne). Ce gisement, qui s'étend sur 126 mètres 
de long et sur une largeur jamais inférieure à 
45 mètres, lui a fourni de la base au sommet six 
niveaux distincts : 

4° Un niveau acheuléen: 

2° Un niveau moustėrien; 

3° Un niveau aurignacien moyen ou typique: 

4 Un niveau aurignacien supérieur ; 

y” Un niveau solutréen inférieur ; 

5° Un niveau solutréen supérieur. 

Ces distinctions ont été d'autant plus faciles à 
établir que les couches archéologiques sont régu- 
lièrement séparées les unes des autres par une 
couche stérile, ce qui laisserait supposer que cet 
abri fut alternativement occupé et abandonné. 
« Pour l’aurignacien supérieur, Laussel peut être 
considéré comme l’un des gisements actuellement 
connus les plus riches et les mieux caractérisés, et 
il peut être comparé à ce qu’est la station clas- 
sique de Laugerie haute pour le solutréen. En effet, 
tandis que les autres assises s'interrompent par- 
fois, l’aurignacien supérieur occupe toute l’étendue 
de labri, et cela sous une épaisseur considé- 
rable. » (1) Aussi bien est-ce à ce niveau que le 
D' Lalanne a eu la bonne fortune de mettre à jour 
quatre bas-reliefs à figuration humaine dont l'étude 
a quelque importance pour la connaissance anato- 
mique des races qui les ont sculptés: trois des bas- 
reliefs, en cffet, figurent des femmes, et le quatrième 
figure un homme. Le plus important représente 
une femme tenant en sa main droite une corne de 
bison. La sculpture a 46 centimètres de haut et 
porte des traces de peinture rouge; la tête n'est 
pas détaillée, mais le corps dénote, de la part de 
artiste, une grande habileté sculpturale. 

Si nous considérons les trois sculptures fémi- 
nines en question, « nous voyons que, provenant 


d'un même gisement, appartenant à une même 


époque, elles présentent un caractère commun, 


découverte du méme genre et du mème niveau, 
faite par un de ses collègues, M. Didon, de Péri- 
gueux. Cette dernière gravure sur pierre représen- 
terait un équidé. Pour être complet, il faudrait men- 
tionner encore ditférents objets gravés, rapportés par 
M. l'abbé Breuil à l'époque aurignacienne : l'existence 
de la gravure sur menus objets à cette époque ne fait 
maintenant plus de doute. 

(1) G. LALANNE, Bas-reliefs àa figuration humaine de 
Cabri sous roche de «a Laussel » (Dordogne), dans 
l'Anthropuloyie, 1912, n° 2, p. 130. 


N° 1456 


celui de figurer des femmes stéalopvges » (1). EL 
c'est précisément ce caractère de stéatopygie, déve- 
loppement exagéré des tissus adipeux recouvrant 
les muscles fessiers (o:éas. graisse; nr, fesse), 
qui fait en partie l'intérèt de la découverte. Cette 
dernière vient en effet grossir le nombre des sculp- 
tures stéalopyges déjà connues : statuettes de Bras- 
sempouy (Landes), des grottes de Grimaldi, près 
de Menton; de Willendorf (Autriche), pour ne 
parler que du paléolithique, car, à l'époque néoli- 
thique, les figurines de ce genre occupent une aire 
de dispersion très étendue. 

En présence de tous ces rapprochements, il est 
tout naturel de se demander si cette stéatopygie 
chez la femme ne constituerait pas un caractère 
ethnique, caractère que l’on rencontre d'ailleurs 
actuellement chez certains sauvages (Hottentots, 
Boschimans |2]}). Piette s'était déjà posé la ques- 
tion et l'avait résolue par l'affirmative. Le 
D' Lalanne la résout dans le même sens: « Cette 
stéatopygie doit-elle ċtre considéėrċe comme un 
caractère ethnique? Il y a toul lieu de le croire. 
Cette sorte de lipomatose (;:+::, graisse) semblait 
ètre pour la femme aurignacienne un caractere 
esthétique, constituait un idéal de beauté que les 
artistes de cette époque aimaient à reproduire avec 
leurs burins..... Cela nous permet de conclure qu’à 
l'époque aurignacienne, le midi de l'Europe, et pro- 
bablement tout le pourtour du bassin méditerra- 
néen, a été habité par une race probablement 
négroïde et caractérisée par une stéatopygie très 
marquée de la région pelvienne chez la femme. » 

Quant aux autres caractères anatomiques, plu- 
sieurs d'entre eux se rencontrent encore fréquem- 
ment chez les femmes des populations inférieures: 
« Le visage était allongé, le menton terminé en 
pointe, les pommettes saillantes. Les cheveux 
étaient courts et rassemblés en petits bouquets. 
Les seins étaient longs et pendants. Le ventre était 
volumineux comme chez les femmes grasses; les 
hanches faisaient une saillie énorme, au-dessous de 


COSMOS 


685 


laquelle une deuxième saillie correspondait à la tète 
du fémur. Un bourrelet charnu se dessinait sur la 
région externe des cuisses. La partie inférieure du 
membre était plutot grèle. ll en était de mème du 
membre supérieur, qui conservait une certaine 
finesse. » (4) 

Si maintenant nous examinons la quatrième 
sculpture représentant un homme, le contraste est 
frappant. L'aspect général est élégant et présente 
une finesse de corps « qui fait ressortir davantage 


les caractères stéalopyges de la femme ». 


Les analogies anatomiques sont nombreuses 
entre les races qui possédaient ces caractères, el 
certaines tribus sauvages actuelles, les tribus bos- 
chimanes en particulier. Ces analogies, d'autr 
part, ne sont pas les seules : on sait, en effet, que 
les peintures rupestres des Boschimans ressemblent 
d'une manière frappante aux peintures de certaines 
cavernes paléolithiques, de celles d'Espagne sur- 
tout. 

Toutes ces analogies sont telles que lon a pu 
examiner l'hypothèse d'une descenslance. La chose 
à la rigueur ne serait pas impossible. Il pourrait 
se faire que les Hotlentots, les Boschimans soient 
issus de lrogladytes quaternaires refoules suvces- 
sivement hors de leurs terres par des peuples de 
civilisation supérieure. La preuve est loin d'en ètre 
faite. « 11 serait sans doute prématuré, écrit avec 
raison le D Lalanne, de conclure que les Boschi- 
mans actuels sont des descendants de nos ar- 
listes sculpteurs et graveurs des temps aurigna- 
ciens. » (2) 

Ce qui, touchant Pévolution géncrale de lhuma- 
nité, est certainement plus important a considérer, 
c'est que — les découvertes archéologiques viennent 
à chaqueinstant le confirmer, — sous tous rapports, 
constitution anatomique, murs, coutumes, indus- 
trie, les anciennes races préhistoriques se rap- 
prochent beaucoup plus du sauvase actuel que du 
civilisé. 

1. D'RIOUX, 


La motoculture et le motoculteur. 


La culture mécanique a fait l'objet d'études tech- 
niques extrèmement nombreuses permettant de 
concevoir l'introduction dans les fermes d'un ma- 
tériel nouveau et intéressant. Les ingénieurs, dont 
l'attention s'est trouvée attirée vers cette voie, ont 
alors construit des machines labourceuses automo- 
biles répondant plus ou moins aux nécessités d’un 

(4) Art. cit.; p. 146. 

(2) Boschimansou Bochimans ou Bushmen (hommes 
des buissons): peuple sauvage de l'Afrique méridio- 
nale, sur le haut Orange, au nord de la colonie du 
Cap. 


excellent labour. H! semble, a priori, qwil suffise 
de retourner le sol purement et simplement, comme 
le font les charrues actuelles. Mais si Fon veut 
bien serrer la question de plus près, on ne tarde 
pas à s'apercevoir que le travail de la charrue est 
loin d'être parfait, loin de valoir le travail à la 
bèche tel que le pratiquent les jardiniers. D'ail- 
leurs, il suflit de comparer les résultats obtenus 
par le maraicher et le cultivateur pour juger com- 


(1) Zbid. 
(2) Zbid, 


686 


bien la manière de préparer la terre exerce une 
influence sur la production du sol. 

M. Julien, dans une conférence faite à la Société 
d'encouragement pour l'Industrie nationale sur le 
labourage mécanique, a résumé, avec une réelle 
maitrise, le question si complexe du labourage. 
Avant de passer à l'étude du motoculteur, il nous 
semble nécessaire d'exposer brièvement les idées 
émises par le conférencier, idées dont tous les 
agriculteurs peuvent tirer profit (1). 


Dombasle était d'avis que le plus parfait des 


labours est celui qui s'exécute à la bèche; on doit 
donc chercher à réaliser ce travail avec la charrue. 


COSMOS 


19 DÉCEMBRE 1912 
Le labour à la charrue peut égaler celui de la 
bèche au point de vue de la profondeur, mais il lui 
est très inférieur quant à la division de la terre. 
L'abbé Rosier était déjà de cet avis, et les techni- 
ciens modernes partagent tous cetle manière de 
voir, mais jusqu'ici aucun remède sérieux m'avait 
été tenté. | 

S'il était possible au cultivateur de profiter du 
moment favorable pour retourner ses terres, c'est- 
à-dire des quelques rares jours où le sol n'est ni 
trop humide ni trop sec, la charrue à soc pourrait 
suffire, car la terre est culbutée sans cohésion et 
s'effrile en se versant; mais cette condition n'est 





LE MOTOCULTEUR : LES GRIFFES SONT RELEVÉES ET DÉCOUVERTES, AINSI QUE LE BALAI DE RETENUE DES TERRES. 


jamais réalisable, le cultivateur laboure quand il 
peut, renverse une terre qui se tient en blocs ou 
bien une bande compacte. Il reste la ressource 
d'ameublir la terre; parfois la nature s’en charge, 
le gel et le dégel ayant pour effet d'efriter les 
mottes. C'est là un moyen empirique, qui ne con- 
vient pas sous toutes les latitudes et laisse souvent 
des déboires. Il faut bien ajouter aussi que l'émiet- 
tage mécanique, par la herse, les scarificateurs, 


(1) La librairie Hachette édite d'ailleurs, en ce mo- 
ment, un ouvrage complet sur cette question: Za 
motocullure (principes agrologiques, outillage méca- 
nique, méthodes culturales), par M. JuLIen, consul de 
France honoraire. 


n’est jamais que superficiel, les mottes demeurent 
telles quelles au fond du sillon et les racines des 
plantes les conlournent sans y puiser beaucoup 
d'aliments. De plus, les espaces vides entre les 
mottes, plus ou moins comblés de terre, ne sont 
d'aucune utilité à la plante. Enfin, le fond du sillon 
a été poli, comprimé par le soc de la charrue, et 
constitue une couche isolante placée entre la terre 
remuée et celle que n’a pas atteinte la charrue. Les 
racines des plantes éprouvent donc de grandes dif- 
ficultés à chercher leur nourriture dans un sous-sol 
aussi peu préparé à les recevoir. Aussi les labours 
doivent-ils être assez profonds pour que la plante 
trouve des aliments dans la partie du sol soumise 


Ne 1456 


à l’action de la charrue. Il est donc nécessaire 
d’émiciter, non seulement la surface, mais aussi 
le fond du labour afin de multiplier les points de 
contact entre lä couche travaillée et la couche 
sous-jacente, afin d'établir une certaine continuité 
permettant aux racines d'’atleindre les sucs nour- 
riciers demeurant dans les profondeurs du sous- 
sol. 

Ces données élant établies, comment est-il pos- 
sible de réaliser mécaniquement un labour don- 
nant le résultat cherché? Dans les ateliers où l’on 
travaille le bois et le fer, l'antique matériel : limes, 
burins, rabots, a fait place à un outil nouveau, la 
fraise. Est-il possible d'appliquer le principe de 





COSMOS 


687 


la fraise à l’agricullure ? Bien des chercheurs se 
sont altelés à ce problème, et diverses solutions 
sont apparues, comme les fraises rigides Koszegi 
et Quillenec. Leur rigidité entraine un poids excessif, 
car les outils doivent résister à tous les chocs, les 
briser, et si ce dernier résultat n’est pas atteint ils 
se brisent eux-mêmes. Les sols de culture étant 
loin d’être homogènes, il devient nécessaire de 
tenir compte de ce facteur dans la construction 
des fraises agricoles. L’émiettement convenable 
du sol ne peut donc se faire qu'avec des fraises à 
oulils élastiques agissant comme les griffes des 
animaux fouisseurs. L'ingénieur Meyembourg, 
s'inspirant de ces principes, a construit un appareil 





LE MOTOCULTEUR EFFECTUE DES ESSAIS D'ENSEMENCEMENT. 


dont les outils faits de simples tiges d’acier recour- 
bées en griffes grattent le sol et le réduisent en 
mietles. C'est de cet appareil que nous allons 
parler. 

Le châssis est porté par quatre roues; celles 
d'avant, rapprochées l'une de l'autre, sont direc- 
trices ; celles d’arrière, énormes, sont motrices. Le 
moteur, vertical, à quatre cylindres développe 25 
chevaux. L'axe des roues motrices porte une sorte 
d’étrier à l’extrémité duquel un axe horizontal 
sert de support aux griffes. Pendant le transport, 
cet étrier est relevé et les griffes sont maintenues 
éloignées du sol. L’axe central recoit trente ran- 
gées de supports soutenant chacun une série de 


quatre griffes. La machine travaille donc avec 
120 griffes. La mise en place de ces griffes, qui 
sont de simples crochets d'acier, coùlant 10 cen- 
times chacun seulement, s'effectue très simplement 
en engageant leur extrémité convenablement bou- 
clée dans la branche libre recourbée d'un ressort 
à boudin entourant le support. Ce ressort commu- 
nique à la griffe une souplesse remarquable en lui 
permettant de céder devant l'obstacle très résis- 
tant, ou de le soulever en le rejetant en arrière. 
Pendant les expériences qui eurent lieu récemment 
à Massy-Palaiseau, dans la propriété de MM. de 
Vilmorin-Andrieux, des blocs de meulière de 10 à 
15 kilogrammes furent placés en avant de la ma- 


688 


chine et chassés en arrière par les griffes sans que 
Pune d'elles ait subi le moindre dommage. 

Nous avons dit que le remplacement d'une griffe 
est instantané; celui d'une série de quatre griffes 
s'effectue avec autant de rapidité. L’axe qui les 
porte est engagé dans deux encoches, et les griffes 
ne sont maintenues que par l'extrémité libre des 
ressorts à boudin s'engageant sous un montant du 
support; il suffit de dégager ces ressorts avec un 
tournevis pour les libérer instantanément. L'outil 
travailleur apparait donc avec une simplicité décon- 
certante. 

Dès que l’on arrive à l’extrémité du champ à 
travailler, laxe des griffes est abaissé et em- 


COSMOS 


19 DÉCEMBRE 194192 


brayé : sa jhauteur est réglée en agissant sur le 
support de deux patins solidaires de cet axe à ses 
deux extrémités et dont la tige, glissant dans une 
gaine, donne la profondeur du labour. Le conduc- 
teur remonte alors sur son siège, et sans aucune 
aide embraye son moteur, et la machine se meten 
route. L'axe des griffes tourne à 180 tours par 
minute. 

A une telle vitesse, les griffes graitent énergique- 
ment le sol, le réduisent en miettes comme si le 
travail était effectué par un groupe de blaireaux 
dressés å cet usage. La terre est rejetée en arrière, 
si violemment que l’on a dü arrêter son élan en 
ajoutant, derrière les griffes, un balai métallique 





LE TRAVAIL DU MOTOCULTEUR DANS UN CHAMP RECOUVERT DE FUMIER. 


qui la retient et l'oblige à constituer un sol très 
uni. Ce travail est en réalité un travail de fraiseuse 
agricole, rabotant le champ dans les mêmes con- 
ditions qu'à l'atelier la fraise travaille le bois ou 
le fer que l’ouvrier amène à son contact. 

Le motoculteur pèse, en ordre de marche, 
1 320 kilogrammes. La quantité de travail dépend 
de la profondeur, la largeur de ce que nous appel- 


lerons toujours le « sillon » étant de 2,2 m. Sous 
une profondeur de 25 centimètres, elle laboure un 
hectare en une journée; mais s’il s’agit seulement 
de travaux superficiels, la surface labourée peut 
alteindre jusqu’à 8 et 10 hectares. 

On voit que les reproches qui peuvent être 


adressés à la charrue disparaissent totalement 


devant cet émiettement du sol. Or, il est incontes- 
table que cet ameublissement intense favorise dans 
la plus large mesure l’activité de la végétation. 
Les procédés ouest-américains du dry-farming ne 
sont pas autre chose: la culture s'effectue sans 
engrais ni fumier, et les récoltes sont abondantes 
par l’entretien constant de la surface des terres. 
Une nitrification intense se produit et les plantes 
s'assimilent intégralement toutes les matières orga- 
niques azotées tenues en réserve dans Île sol. 
Certains agriculteurs considèrent, cependant, 
que la présence des mottes, dans les labours 
d'hiver, est nécessaire. Si Pon veut bien se rendre 
compte que la production de la motte est simple- 
ment due à l’action de la charrue au lieu d’être 


N° 1456 


voulue par le cultivateur, on conviendra qu'elle 
n'a d'autre raison d'être que parce qw'elle est im- 
posée par l'outil. La gelée puis le dégel émiettent 
cette motte, et il est indispensable que cet émiette- 
ment se soit effectué avant qu'on ne confie lasemence 
à la terre. En réalité, on subit la motte en comp- 
tant sur l’action des agents atmosphériques pour la 
désagréger. C'est purement et simplement de la 
culture empirique. Combien serait préférable 
l'émiettement total du sol après la récolte, émiet- 
tement incorporant intimement les chaumes à la 
terre, facilitant l'aération et préparant ainsi la 
terre à un labour profond au printemps. 

Il nous reste à envisager la question de l’enfouis- 
sement du fumier, qui est essentielle dans nos 
régions. Il nous suffit, pour assurer que cet enfouis- 
sement s'effectue dans les conditions les plus avan- 
tageuses, de prier nos lecteurs d'étudier la photo- 
graphie que nous publions et qui montre « un 


COSMOS 





689 


sillon » accompagné d’une portion de sol recouvert 
de fumier et de la contreportion ameublie. Elle 
est extrêmement curieuse. Le fumier, au lieu d’être 
enfoui par paquets au fond du sillon, se trouve 
émietté dans les mêmes conditions que la terre, 
avec laquelle il se mélange par fragments ténus. 
Les essais ont même porté sur de longues pailles, 
qui n'ont pas résisté à l’action des griffes. 

Le motoculteur se présente donc comme un in- 
strument destiné à entrainer une méthode nouvelle 
de labour, méthode tout à fait indispensable à 
appliquer principalement dans les régions sèches 
où les labours d’été sont à peu près impossibles 
avec les moyens actuels. Par l'émiettement du sol 
on permettra aux racines des plantes de se déve- 
lopper normalement, sans aucune gène, et de 
recueillir tous les aliments dont elles ont besoin. 


LUCIEN FOURNIER. 


NOTES PRATIQUES DE CHIMIE 
par M. JULES GARÇON 


A travers les applications de la chimie: Corr D'OEIL GÉNÉRAL SUR LA CHIMIE. — SUR L'ÉMANATION DU 


THORIUM. — FABRICATION DES JOUETS EN VERRE POUR ARBRES DE NOEL. — MEULES EN CARBORUNDUM. — 
LA PORCELAINE DE MAGNÉSIE. — DRNTIFRICE À L'IObES: SIROP IODOTANNIQUE, — L'EUCALYPTOL N'EST PAS 
VERMIFUGE. — CUIVRAGE DU PLATRE. — PROTECTION DES SEMAILLES DE BLÉ CONTRE LES CORBEAUX. 


Coup d'œil général sur la chimie. — Ces notes 
ont accompli leur rôle si elles ont démontré que la 
chimie s'occupe de iout, touche à tout, et que nous 
pouvons appliquer les données de la chimie à tout 
en chaque instant de notre vie. La chimie peut donc 
être la meilleure des choses, pourvu que nous nous 
bornions à ne nous en servir que pour les bonnes 
choses, ainsi qu’on le doit de toute science. Sous le 
bénéfice de cette distinction, la chimie est la meil- 
leure des choses, parce que ses applications sont 
innombrables et journalières, aussi bien en méde- 
cine, en hygiène, en agriculture, en industrie que 
dans la sphère de l'économie domestique et de la 
vie quotidienne. Cette science prestigieuse s'occupe 
de tout le monde matériel, jusqu’à analyser la 
matière des astres qui circulent dans l'espace à des 
millions de lieues de l'astre que nous habitons. Ft, 
corollaire forcé, la chimie exerce son influence 
sur la situation industrielle des peuples et sur leurs 
relations commerciales. Jusqu'où nous mènera 
l'essor magnifique que cette science nous offre 
depuis un demi-siècle ? 

La chimie est donc l’une des sciences qu'il y a le 
plus grand intérêt à connaitre. C'est aussi, con- 
trairement à une croyance trop répandue, lune de 
celles qu’il est le plus facile de s’assimiler. Mais 
son enseignement doit être réformé dans le sens 
des applications rattachées à chaque propriété d’où 


elles dérivent. La chimie, ainsi comprise, offre 
à Pesprit une collection merveilleuse de faits utiles, 
inléressants et amusants. 

Pour plus grande simplification, la notation chi- 
mique n'est qu'un moyen de représenter symboli- 
quement les corps par la première lettre de leurs 
noms, et les équations chimiques sont, de mème, 
les représentations symboliques et abrégées des 
réactions. 

Quant à la nomenclature, elle repose tout entière 
sur le principe de la réunion dans une mème classe 
ou fonction des corps qui possèdent des propriétés 
générales voisines. Nous avons vu quelles sont les 
principales de ces fonctions: fonction acide, f. base, 
f. sel, f, hydrocarbure, f. alcool, f. aldéhvde, 
f. éther, f. hydrate de carbone; enfin, fonctions 
azotées : amine, amide, azine, azoïique, aleaioide 
naturel, albuminoïde, et nous avons étudié les 
applications principales de chacune de ces grandes 
fonctions. 

Il reste à montrer combien les lois qui président 
aux actions mutuelles des innombrables composés 
rentrant dans ces fonctions sont simples et peu 
nombreuses. 


Sur l'éemanation du thorium. — Les composés 
actifs du thorium peuvent être utilisés de diffé- 
rentes manières en thérapeutique. On peut les 


690 


inhaler par les poumons; on peut les ingérer; on 
peut prendre un bain de thorium X; on peut appli- 
quer des sachets humides renfermant des sels de 
thorium. Enfin, on peut injecter une eau radio- 
aclive, par exemple, dans des tumeurs ou dans les 
veines. Cet emploi nouveau est exposé par M. Dow- 
son Turner dans les Proceedings of the Royal 
Society of Edinburgh. 


Fabrication des jouets en verre pour arbres de 
Noël. — Dans les montagnes de Thuringe, à une 
trentaine de kilomètres de Cobourg, il existe une 
industrie toute spéciale, celle de la fabrication des 
jouets et petits objets en verre pour arbres de 
Noël; le village de Laoucha en est le centre. 
Un rapport du vice-consul d'Amérique à Cobourg 
nous donne des détails intéressants sur cette indus- 
trie. Les habitants y montrent une habileté élon- 
nante à souffler des petites boules, des étoiles, etc. 
de verre. Les souffleurs achètent des tubes en verre 
plus ou moins épais; ils les chauffent en un point 
à l'aide d’une soufllerie mue avec une pédale, 
comme le chimiste le fait dans son laboratoire. Et 
ces villageois arrivent ainsi à donner dans le tube 
des coups de souffle exactement dosés pour produire 
les résultats cherchés. Les effets obtenus sont éton- 
nants, puisque les souffleurs n'arrivent pas seule- 
ment à fabriquer des ballons, des étoiles, mais 
aussi des petits bateaux, des animaux aux membres 
les plus délicats, des fleurs même aux pétales 
diversement coloriés. La coloration se fait généra- 
lement à la main et extérieurement. 

Les véritables difficultés commencent lorsque 
l'article est tout fabriqué. En effet, ces objets sont 
si fragiles que, pour les expédier, on est obligé de 
prendre des soins tout particuliers. On les enrobe 
douillettement de coton et on les empaquette dans 
des boites en carton; le tout est si léger que les 
expéditions peuvent se faire par la poste. Mais 
à partir de la mi-novembre, le nombre des colis 
arrivant à Cobourg des montagnes environnantes 
pour ètre expédiés par la poste devient si consi- 
dérable que, non seulement on est obligé d'adjoindre 
au service postal des employés supplémentaires, 
mais même l'on est forcé de mettre aux trains 
des wagons supplémentaires pour enlever les nom- 
breux petits colis. | 


Meules au carborundum. — On obtient des 
meules très solides en soudant des cristaux de 
carborundum dans une masse de porcelaine. Pour 
cela, on commence par cribler les cristaux pour 
les avoir biep égaux et on ajoute au produit criblé 
poids égal d'un mélange de feldspath et de kaolin 
bien pulvérisés. On fait, avec un peu d’eau, une 
pâle épaisse qu'on presse dans des moules, sous 
une pression modérée de facon à ne pas écraser 
les cristaux. Il reste à cuire dans un four à porce- 
laine. 


COSMOS 


19 DÉCEMBRE 1942 


La porcelaine de magnésie. — M. A. Rigaud 
rappelle, dans l’un des derniers numéros de notre 
collègue la Revue scientifique, que Sainte-Claire- 
Deville et Caron, au cours de leurs recherches sur 
les températures élevées, ont montré le parti que 
l'on peut tirer de l'infusibilité et de la stabilité de 
la magnésie pour l'utiliser comme matière réfrac- 
taire. Nous citons textuellement sa note intéres- 
sante : 

« Par compression de la magnésie fortement cal- 
cinée, mélangée d'une faible proportion de magné- 
sie moins cuite, ils obtenaient les creusets et 
nacelles nécessaires à leurs expériences (1865 et 
1868). Dès 1869, les usines céramiques Muller, 
d’Ivry, appliquaient les revêtements de magnésie 
aux convertisseurs et aux fours Martin des aciéries, 
comme soles basiques déphosphoreuses et désulfu- 
reuses. M. Th. Schlæsing, dans une série de mé- 
moires (1884), a indiqué les principes qui ont servi 
à créer l'industrie des matériaux réfractaires en 
magnésie pour les fours de la métallurgie. Cette 
industrie est aujourd'hui très développée (Len- 
cauchez, Bulletin des Ingénieurs civils, 1893). La 
magnésie, provenant du carbonate ou du chlorure, 
est employée seule ou associée au charbon, à la 
chaux (dolomie), à l’oxyde de fer (7 à 8 pour 40), 
à l’oxyde de chrome, à la silice, à l’alumine. » 

Il est indispensable, dans lu fabrication des 
briques et des creusets de magnèsie, de ies porter 
à une température très élevée pouréviter le retrait. 
On sait que la densité de la magnésie croit avec la 
température à laquelle elle a été portée. 

Pour l’usage des laboratoires, la manufacture 
royale de porcelaine de Berlin fabrique, depuis 
quelques années, des creusets, nacelles, tubes en 
magnésie pure, dont l'aspect rappelle celui de la 
porcelaine, ce qui a fait donner à la magnésie 
ainsi façonnée le nom de porcelaine de magnésie. 
Tous les chimistes qui s'occupent des réactions aux 
températures élevées utilisent cette porcelaine de 
magnésie, en particulier dans les fours électriques 
à résistance. Cette porcelaine, aux températures 
élevées, ne subit pas de retrait. Elle ne convient 
plus cependant aux températures du four élec- 
trique, car alors elle se brise en nombreux frag- 
ments. Pour éviter le retrait, il est nécessaire de 
réaliser une véritable porcelaine par vitrification 
de la masse; la porcelaine de magnésie de Berlin 
n'est qu'une faience opaque. M. Binet de Jassoneix, 
pour des recherches sur les borures (Thèse, Paris, 
1909), est arrivé à préparer des creusets et nacelles 
en magnésie pure fondue au four électrique. La 
magnésie fond au four électrique plus difficilement 
que la chaux. Il faut prolonger la chauffe pour 
avoir une fusion complète (Revue de métallurgie, 
1907). 

Dentifrice à l'iode. — Le D' Carlès, de Bordeaux, 
donne la formule suivante pour l'emploi de l'iode 


N° 1456 


dans l’antisepsie buccale. « Dans 20 grammes de 
teinture d'iode, on dissout 1 gramme d'’iodure de 
potassium et on verse 1 à 3 goultes de cette tein- 
ture d’iode iodurée dans un quart de verre d’eau 
tiède. Avec ce topique, on se rince minutieusement 
Ja bouche. 

» Par ce rinçage, la muqueuse buccale se trouve 
tapissée d’une couche très légère d'iode libre, à 
dose non nuisible, mais suffisante pour désinfecter 
l'haleine et prévenir la formation des tartres et 
entraver l'évolution des caries ». 

D’après M. Carlès, l’iode ne jaunit pas les dents 
à cette dose très réduite. On peut l’admettre, car 
l'iode jouit, ainsi que le brome, des mêmes pro- 
priétés décolorantes que le chlore, pourvu qu’ils ne 
soient pas en proportion suffisante pour colorer par 
eux-mêmes les corps. 


Sirop iodotannique. — Comme tonique, le sirop 
iodotannique conserve sa vogue. 

Les formules proposées dans les diverses phar- 
macopées pour la teinture d’iode et pour le sirop 
iodotannique ont inspiré un nombre incroyable de 
notes. M. H. Pecker, pharmacien militaire à Bône, 
y ajoute une contribution (Journal de Pharmacie 
du 46 juillet 1912). Pour lui, le mode de prépara- 
tion du sirop iodotannique inscrit au Codex de 14908 
présente encore de nombreux désavantages, et par- 
ticulièrement il exige un temps fort long. On 
obtient un sirop iodotannique de formule satisfai- 
sante en ajoutant simplement du tannin à de la 
teinture d'iode, soit 4 grammes de tannin à 
20 grammes de teinture d'iode; on agite et on 
verse ensuite 976 grammes de sirop simple et on 
mèle. Il suffit de placer au bain-marie la fiole ren- 
fermant le mélange, après l'avoir bien bouchée; 
lorsque la couleur rouge vire au jaune acajou, ce 
qui demande environ un quart d’heure, on enlève 
la fiole. On s’assurera, au moyen d’un pain azyme, 
que tout l’iode est combiné. 

M. L. Grimber (revenant, dans le numéro du 
16 août, sur Ja question) passe en revue les nom- 
breuses récriminations qui ont vu le jour depuis 
que la pharmacopée de 1908 est devenue oflicielle, 
et il se rallie à la formule de Mauser: iode 2, 
tannin 4, eau 400, sucre 600; la conservation est 
parfaite. 


Leucalyptol n'est pas vermifuge. — L'eucalyptol 
ou cinéol est parfois ordonné comme vermifuge, 
principalement pour les enfants atteints d’asca- 
rides. [l faut absolument le prohiber, car, d'après 
M. H. Brüning, des doses même fortes n’ont aucun 
effet sur les ascarides, mais des doses même faibles 
provoquent chez les enfants des malaises et des 
vomissements. L’eucalyptol combiné au chloro- 
forme et à l’huile de ricin n’est donc vermifuge 
que grâce à la présence du chloroforme. 


COSMOS 


691 


Cuivrage du platre. — Pour obtenir un bon 
dépôt galvanique de cuivre sur le plâtre, M. A. Du- 
fay (Chemical News du 8 novembre) chauffe le 
plâtre dans une étuve bien ventilée à 50°, puis 
l'introduit dans un bain de paraffine à 50°-60°: il 
l'enlève lorsqu'il ne se dégage plus de gaz, et le 
laisse refroidir. On recouvre alors la surface avec 
une faible couche de collodion photographique, 
libre de sel d'argent et étendu de neuf fois son 
volume d'alcool et d'éther. On laisse sécher. On 
recouvre de graphite, on relie avec des conduc- 
teurs, on mel de nouveau une couche de graphite 
et on place le tout dans une solulion à 10 pour 400 
de sulfate d'aluminium ou d'alun. On l'y laisse 
quelques minutes seulement. On relie alors le 
moule de plâtre avec une source électrique de 
3 volts 4 ampère par décimètre carré, et on intro- 
duit dans un bain de sulfate de cuivre additionné 
de 3à 8 pour 100 d'acide sulfurique. On complète 
le circuil avec une anode de cuivre. Il se dépose 
très vite une mince couche de cuivre qui s’épaissit 
rapidement. 

On pourrait utiliser cette solution de sulfate 
d'aluminium et de sulfate de cuivre dans le raffi- 
nage du cuivre, pour produire économiquement 
lalliage d'aluminium et de cuivre, puisqu'il suffi- 
rait d'introduire dans le bain la quantité voulue de 
sulfate d'aluminium. On pourrait également l’uti- 
liser dans les laboratoires pour déterminer l’alumine 
par électrolyse. 


La protection des semailles des blés contre les 
ravages des corbeaux a inspiré à M. le professeur 
Henri Hitier les réflexions suivantes (correspon- 
dances du Journal d'Agriculture pratique). 

Pour protéger les blés, M. S. Tétard, de Gonesse, 
a signalé, il y a une vingtaine d’années déjà, un 
procédé qui lui donnait des résultats absolument 
efficaces. Sa méthode consiste à enduire le grain 
de goudron additionné de pétrole et d'acide phé- 
nique, mais il faut utiliser le goudron de gaz d'une 
odeur pénétrante et l’acide phénique en solution 
concentrée. : | 

Voici comment M. Hitier propose le mélange : 

« Mettre sur un feu doux la marmite contenant 
le goudron; au moment où les premiers signes 
d'ébullition indiquent qu’il est bien chaud, retirer 
du feu par crainte d'incendie, puis agiter le pétrole 
et enfin verser lacide phénique en remuant vive- 
ment la masse pendant quelques minutes à l'aide 
d’un bâton; on obtient un bon mélange qui, même 
après s'être refroidi, reste complètement liquide. 
6 litres de goudron de gaz, auxquels on ajoute 
3 litres de pétrole et 1 litre d'acide phénique, suf- 
fisent pour 10 quintaux de semences ». 

Pour prâliner les semences à l’aide de ce mé- 
lange, M. Tétlard agissait ainsi: sur une aire 
étanche, détacher à la pelle du tas de blé à traiter 


692 


un quintal environ sur lequel on verse un litre de 
melange: remuer aussitôt très vivement à l’aide de 
la pelle jusqu'à ce que chaque grain soil bien 
noirci et que la masse présente la nuance d’un 
tas de café grillé; continuer ainsi en traitant chaque 
fois un quintal de semence. 

La semence goudronnée ne peut être semée telle 
quelle: elle adhérerait aux cuillers du semoir et en 
rendrait le fonctionnement impossible. On remédie 


COSMOS 





149 DÉCEMBRE 1912 


à cet inconvénient en versant sur le tas de blé 
environ un litre de phosphate naturel pulvérisé par 
un brassage sommaire; le grain, complètement 
séché, se sème alors aussi facilement que le blé 
ordinaire. La semence ainsi traitée, les corbeaux 
n'y toucheront pas. 

Bien entendu, le blé de semence a du être sulfaté 
au préalable pour garantir les grains de semence 
de la carie et du charbon. 


Le nouveau bateau-feu du Havre. 


Un doit établir prochainement — avant la fin de 
cette année — un bateau-feu que réclamaient avec 
instance depuis longtemps les marins du Havre et 
qui sera destiné à faciliter l'atterrissage de ce port 
dans les temps de brume si fréquents dans la 
Manche. 

Ce bateau-feu sera mouillé à environ 7 milles 
(13 kilomètres) dans le N. 75" 0, du cap de la 
Hève, sur la route de Barfleur à l'entrée de la 
passe du Havre. Il sera constitué par un ponton de 
40 mètres de longueur et de 6 mètres de largeur, 
peint par bandes horizontales alternativement 
rouges et noires et portant en grosses lettres 
blanches les mots Le Harre peints sur chaque 
paroi. 

Ce ponton portera en son milieu, au sommet 
d'un mât militaire haut de 12 mètres, une lanterne 
dans laquelle tournera un appareil lenticulaire de 
0.25 m de distance focale, éclairé électriquement 
et émettant des éclats rouges groupes par deux 
toutes les dix secondes. 

La puissance lumineuse du feu sera de { NX) becs 
Carcel. Les portées lumineuses atteintes ou dépas- 
sées pendant les 50 centièmes et les 90 centièmes 
de l'année s'éléveront respectivement à 48 et 
6 milles (43 et 11 kilomètres). 

Une sirène à air comprimé, installée sur le roufle 
du bateau, émettra en temps de brume des sons 
groupés par trois toutes les minutes. De plus, une 
cloche sous-marine émettra également en temps 
de brume des sons groupés par trois toutes les 
guinze secondes. 

Plus tard, le nouveau feu flottant doit être muni 
d'un appareil hertzien comportant, en temps de 
brume, lémission régulière, toutes les trente 
secondes, de sisnaux produisant dans le téléphone 
le sonut 1, et rvthmés de manière à répéter pen- 
dant dix secondes à cadence lente la lettre H de 
l'alphabet Morse. 

On voit que ce nouveau bateau-feu sera muni de 
tous les perfectionnements modernes, et nul doute 
qu'il ne soit appel à rendre de grands services à 


la navigation maritime qui fréquente notre grand 
port de la Manche. 


Nous avons dit que les marins du Havre réclament 
depuis longtemps l'amélioration des conditions 
d'atterrissage sur leur port. 

C'est en 1901 que divers commandants de paque- 
bots de la Compagnie transatlantique adressèrent 
au ministre de la Marine des rapports lui signalant 
les difficultés qu'ils éprouvaient à atterrir au 
Havre en temps de brume, leur seul point de 
reconnaissance étant alors la bouée à sifflet, 
mouillée à deux milles à peine des petits fonds. 
L'insuffisance de ce signal sonore, son faible éloi- 
gnement des dangers ne répondaient nullement 
aux grandes vitesses des paquebots modernes. 

Ils faisaient ressortir en même temps combien 
l'atterrissage sur New-York est plus facile dans 
les mèmes conditions de temps, la route étant 
jalonnée par trois feux flottants munis de sifflets 
à vapeur puissants, mouillés par des fonds de 
99, 30 et 20 mètres quon peut toujours venir 
chercher à la sonde sans danger. 

Quand on fait le trajet inverse, de New-York au 
Havre, on a, il est vrai, la ressource de venir 
reconnaitre les iles Sorlingues ou le cap Lizard; et 
de là au Havre on peut admettre qu’il n’y a pas à 
craindre, pour un paquebot rapide, une erreur sur 
sa position de plus de quatre à cinq milles dans le 
sens perpendiculaire à la route. 

Mais cette incertitude, si faible qu’elle soit rela- 
tivement, n’en oblige pas moins les commandants 
à modérer leur vitesse en cas de brume, à rectifier 
leur route, à tâtonner pour reconnaitre la bouée 
à sifflet, en un mot à perdre du temps. 

Or, c'est surtout pour les grands paquebots 
modernes que le temps est de l’argent. 

Pouvait-on améliorer ces conditions d'atterrissage 
en se servant desindications fournies par la sonde ? 
Un sait qu'avec les appareils Thomson-Houston, 
basés sur la loi de Mariotte, les navires n’ont plus 
besoin de stopper comme autrefois pour sonder, 
et peuvent, sans ralentir sensiblement leur vitesse, 


N° 1456 


savoir la quantité d’eau qu'ils ont à un moment 
donné sous la quille. Mais pour en déduire un lieu 
géométrique relatif à leur position, il faut de 
bonnes cartes d'atterrissage et une connaissance 
exacte de la marée. Or, les cartes hydrographiques, 
levées à une époque où l’on ne connaissait pas la 
marine à vapeur à grande vitesse, ne donnaient 
que des renseignements très espacés sur les pro- 
fondeurs du large, et quant à la marée, elle pos- 
sède dans les parages de la baie de Seine un régime 
assez compliqué qui rend quelque peu aléatoires les 
réductions que lon doit faire pour ramener les 
profondeurs obtenues au zéro des cartes marines. 

Cependant, une nouvelle reconnaissance hydro- 










COSMOS 


693 


graphique des atterrages du Havre s'imposait sans 
plus tarder. Elle eut lieu en 1907 et 1908, sous la 
direction de l'ingénieur en chef Driencourt. 

Elle fit ressortir un relief sous-marin d'une forme 
telle qu'il est impossible de se servir commodé- 
ment des indications de la sonde pour atterrir au 
Havre, les courbes de niveau coupant sous un angle 
assez aigu la route des navires qui viennent de 
Barfleur pour chercher l’entrée de ce port. 

I fallut donc se rendre à l'évidence; on ne pouvait 
donner satisfaction aux capitaines de paquebots 
sans jalonner leur route par des appareils portant 
de puissants engins sonores. 

Cette question des engins sonores avait fait, du 


33 s Ce. 


7 Ed x 42 ye 
EE LENN e 38 4 36 22 
5 L 39 38 Cr 
— OT CSS Echelle 
TT 7e k CEEE à 26 5 6 
25 Re. 537) o 5 10 Milles. 40 #9 
"a g3 À f | (15 sr 
° *. des. 4 2; i j a 
a A o niee #4 36 Cd Antifef Fret 
20/10" Flers 2aM Sr! p z 2 i 
3 fa EO Jo” ms 27 A 
e 30 46 18 Jem y 
25 UY 
F8 S. 4 S Joun 
29 s. s 
36 A 
, Le FRET 1 
24: A X 
E 9 i oJe tevdig 
fu flottant ( 
PE r LE BORE 
5 EnA Fer D s a 
1q-- sd'Amfard 








N Epon TE; 17 NE gos 


I 
de, 4 san" a S 
ző bn Catia 
+ > à } les oille 
8 2 4 Aps 
Fro 


4 Trouville 





LA BAIE DE SEINE ET L'EMPLACEMENT DU NOUVEAU BATEAU-FEU, 


reste, un grand pas dans ces dernières années. 

Ces sortes d'engins autrefois en usage consis- 
taient uniquement, en ce qui concerne les appa- 
reils de pleine mer, en des cloches ou des sifflets 
montés sur des bouées et actionnés simplement par 
le mouvement des vagues. Tel est le cas, par 
exemple, de la bouée à sifflet de la Hève qui est 
mouillée à 4 milles à l’ouest du Havre, etconstiluait 
jusqu’à présent, comme nous l'avons dit, l'unique 
ressource des navigateurs cherchant à entrer dans 
ce port par temps de brume. Quand la mer est 
agitée, ces cloches ou sifflets, surtout ces derniers, 
peuvent s'entendre assez loin; mais il arrive préci- 
sément que les brumes les plus épaisses sont 
presque toujours accompagnées de calmes plats, 


de sorte que ces appareils ne peuvent servir au 
moment où on en a le plus besoin. On a pensé les 
actionner de terre, au moyen d'une transmission 
électrique d'énergie; mais aux abords de ports 
aussi fréquentés, les câbles électriques seraient 
bien vite détériorés par les ancres des bateaux qui 
viennent mouiller aux alentours ou par les chaluts 
des pêcheurs. | 

Un premier progrès fut la substitution de 
signaux sonores sous-marins aux signaux aériens. 
On sait que l'eau propage le son beaucoup mieux 
que l'air. Des expériences entreprises avec des 
récepteurs perfectionnés et des cloches à son très 
aigu donnèrent des résultats nettement supérieurs 
à ceux qu'on obtient dans l'air, non seulement 


69% 


pour l'étendue ct la régularité de la porlée, mais 
— chose très importante, on peut même dire essen- 
tielle, pour le navigateur — pour la direction d'où 
émane le son. 

Tous ceux qui se sont trouvés en mer pris par la 
brume savent en effet quelle espèce d'angoisse on 
éprouve en entendant une cloche ou une sirène. 
On est prévenu qu'il y a quelqu'un ou quelque chose 
dans le voisinage, mais il est impossible de savoir 
dans quelle direction et, par suite, de quel côté il 
faut se diriger pour le reconnailre ou l'éviter. 
C'est donc un progrès essentiel que celui qui permet 
au marin de se rendre compte d’une façon même 
grossière de la direction d'où provient le son. 

Inaugurés aux Etats-Unis, les signaux sonores 
sous-marins ne tardèrent pas à ètre fort appréciés, 
surtout par la navigation transatlantique, et leur 
usage se répandit rapidement sur les còtes d’Furope 
comme sur celles d'Amérique. En France, une pre- 
mière application en fut faite au feu flottant du 
Sandettié, près de Dunkerque, où fonctionne 
depuis 1906 une cloche à air comprimé. Une 
seconde fut réalisée aux abords de la digue de 
Cherbourg, avec une cloche actionnée électrique- 
ment. Enfin, on vient d'en établir une à Ouessant, 
portée à l'extrémité d'une grande poutre qui 
s'avance au loin dans la mer. 

Au Havre mime, on fit deux essais de signaux 
sous-marins; une cloche sous-marine actionnée par 
les vagues fut installée près de la bouée à sifflet, 
une autre actionnée par l'air comprimé, au pied 
du musoir de la digue Nord. Le fonctionnement de 
ces deux cloches et leur degré d'utilité furent 
éludiés par les commandants de la Compagnie 
transatlantique. On reconnut que la cloche du 
large rendait quelques ‘services: mais la portée des 
sons était trop faible et lenr défaut de rythme les 
rendait difficiles à saisir au milieu des bruits si 
variés de la mer et des navires. 

Quant à celle du musoir, on constata qu’elle 
était plutot dangereuse en raison de sa position 
sur un obstacle fixe et à l'intérieur des dangers 
qui entourent la rade, et ces essais furent bientôt 
définitivement interrompus. 

En résumé, ce que demandaient les marins pour 
pouvoir atterrir en toute sécurité, etsans perdre de 
temps en cas de brume, sur un grand port comme 
Le Havre, cest un signal sonore sous-marin puis- 
sant, mouillé assez au large des dangers pour qu'on 
puisse sans crainte venir le reconnaitre, et situé 
sur la ronte mème des bateaux qui en ont besoin. 

Tels sont les desiderata qui furent nettement 


COSMOS 


19 DÉCEMBRE 1912 


formulés au cours d'une Commission nautique qui 
réunit en 419410 les principales autorités, marins et 
ingénieurs, du port du Havre. 

Il fut reconnu unanimement qu'une simple bouée 
ne pourrail suffire à donner satisfaction à ces desi- 
derata, cette bouée pouvant être déplacée soit par 
suite d'un abordage, soit par le dragage des bateaux 
chalutiers qui viennent en si grand nombre, en cer- 
taines saisons, pêcher dans ces parages; et on en 
arriva forcément à la solution d'un bateau gardé, 
mouillé à environ 7 milles de l'entrée, distance 
suffisante pour qu'en venant le chercher on ne 
coure pas le risque de faire côte ou de s’échouer 
sur les dangers qui entourent la rade, et assez 
faible pour qu'un navire rapide soit assuré, dans le 
temps qu'il mettra à la franchir, de ne pas dévier 
assez pour manquer l'entrée du chenal. Cette solu- 
tion relalivement coùteuse — 800000 francs de 
frais de premier établissement et 40000 francs 
d'entretien annuel — s'impose cependant si l'on 
veut maintenir notre grand port de la Manche au 
niveau des nécessités de la navigation moderne. 

Une de ces nécessités, c'est, au moins pour les 
paquebots et la navigalion ď’escale, d'arriver à jour 
fixe et mème à heure fixe; et ce n’est pas seule- 
ment la Compagnie transatlantique, ce sont toutes 
les autres Compagnies dont les navires font escale 
au Havre qui réclamaient cette importante amélio- 
ration. Le nouveau bateau-feu leur donnera à tous 
une pleine satisfaction. L'emplacement qu'on x 
choisi ne favorisera pas exclusivement les navires 
venant d'au delà de Barfleur. Ceux en provenance 
des ports du Nord et de l'Angleterre n'auront qu'un 
léger détour à faire pour y passer en temps de 
brume. De plus, il est situé dans le voisinage de la 
route des cabotcurs qui vont du nord de la Manche 
aux ports du Calvados. Il correspond donc à toutes 
les routes suivies par la navigation dans ces 
parages, et servira non seulement aux navires 
qui fréquentent le port du Havre, mais encore à 
ceux de plus en plus nombreux qui se dirigent 
vers les ports de Rouen et de Caen. On estime 
que c’est à une navigation de plus de 15 millions 
de tonnes que servira le nouveau bateau-feu. 

Le feu du bateau sera visible de la digue Nord 
du Havre et de La Hève, ce qui permettra de sur- 
veiller son fonctionnement d’une façon continue. 
En outre, la proximité relative du bateau-feu au 
port facilitera la vérification de sa position, les 
remises en place après déradage et les substitutions 
d’un rechange à l’autre. 


(A suivre.) P. GUIDEL. 


Ne 1156 


COSMOS 


695 


SOCIÉTÉS SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 
Séance du 9 décembré 1912. 


PRÉSIDENCE DE M. LIPPMANN. 


Élections. — M, Havauanb est élu membre dans 
la Section de Géométrie, par 36 suffrages sur 57 expri- 
més, en remplacement de M. Poincaré, décédé. 


Une expérience nouvelle sur les rotations 
ionomagnétiques. — M. A. Ricui a donné ce nom 
aux mouvements de rotalion qui se produisent lorsque, 
sur un corps pouvant tourner aisément autour d'un 
axe et placé da:s un gaz raréfié et ionisé, on fait 
agir un champ magnélique dirigé suivant ledit axe. 

Les trajectoires des ions (et des électrons) entre deux 
chocs successifs deviennent alors curvilignes (des 
hélices si le champ est uniforme), et les directions des 
chocs sur la surface du corps mobile s'inclinent toutes 
dans un même sens, d’où la rotation. 

Les rotations ainsi observées ne sont que l'effet dif- 
férentiel des actions de sens contraire dues aux ions 
des deux espèces. 

Il'est clair que les rotalions ionomagnétiques devien- 
draient beaucoup plus considérables, méme avec faible 
ionisation du gaz, s’il était possible de supprimer les 
ions de l’un des deux signes. Or, l’auteur a obtenu un 
résultat analogue tout simplement en électrisant le 
corps mobile, qui alors peut jouer le rûle d'électrode. 
Si, par exemple, on le charge négalivement, ce seront 
seulement des ions positifs qui pourront produire leur 
effet, les particules négatives étant pour la plupart 
repoussées. 


Influence de la forme géométrique des corps 
solides sur les actions chimiques qu’ils su- 
bissent à basse pression. — Dans les conditions 
ordinaires de pression, le chimiste, en étudiant l'ac- 
tion d'un gaz sur un solide, n'a pas à s'occuper de la 
forme géométrique de ce dernier. Il n'en est plus de 
même aux basses pressions (1 à0,0l mm de mercure), 
où M. G. ResovL a obtenu des exemples d'action chi- 
mique montrant, de la manière la plus nette, l'influence 
de la forme géométrique d'un corps sur son attaque 
par un gaz. 

A une pression de 0,1 mm, une lame de cuivre, 
atlaquée par le soufre provenant d'un morceau de 
caoutchouc vulcanisé situé au voisinage, se recouvre 
de sulfure sur les bords, puis le noircissement gagne 
lentement les parties centrales, quelle que soit la posi- 
tion de la lame. L’altaque se poursuivant, il se forme 
des colorations de lames minces suivant des plages 
parallèles aux bords de la lame; ces colorations ren- 
seignent sur l'épaisseur de la couche de sulfure formé 
et, par suite, sur l'intensité de l’action chimique aux 
divers points de la lame: cette intensité est beaucoup 
plus vive sur les bords que sur la partie centrale. 

Tout se passe comme s'il y avait autour de la lame 
une atmosphère gazeuze protectrice qui se résorberait 
peu à peu, abandonnant les bords,se maintenant sur 


les parties centrales et s'opposant à la diffusion du 
gaz réagissant. 

Sur un ellipsoïde, attaque se produit en commen- 
cant par les sommets où le rayon de courbure est 
le plus pelit. Sur une sphère, l'attaque est uniforme; 
mais si l’on introduit ensemble dans l'appareil deux 
sphères de diamètre différent, par exemple, l’une de 
19 millimètres et l’autre de 2 millimètres de diamètre, 
on constate que la sphère la plus petite est celle qui 
est le plus rapidement attaquée. 


Essai d'évaluation de la cohésion diélectrique d'un 
gaz rare, avec de pelites quantités de malière. Note 
de M. E. Boutyr. — Sur l'emploi du manometre à l'étude 
de la respiration des plantes. Note de MM. L. MAQUENNE 
et E. Deuoussy. — L'expédition du capitaine Roald 
Amundsen au pôle Sud; M. CH. Lazueuanb présente la 
traduction francaise par M. Ragor de la relation de ce 
voyage. Parmi les observations faites au cours de ce 
voyage, il faut citer les preuves du caractère conti- 
nental de l'énorme glacier qui occupe la partie la plus 
méridionale de la mer de Ross. Les précédents voya- 
geurs l'avaient, au contraire, présenté comme une 
nappe flottante. — Dissipation et discontinuité de 
l'énergie. Note de M. Découse. — Sur la propagation 
de l'onde explosive dans les solides. Note de MM. J. Tar- 
FANEL et H. DauTricHe. — Sur un théorème de M. Eins- 
tein. Note de M. Léuenav. — Sur le rôle des ampères- 
tours longitudinaux au moment de la commutation 
dans les machines dynamo-électriques à courant con- 
tinu. Note de M. R. SwyxuEebauw. — Sur les propriétés 
optiques d'un liquide soumis à l'action simultanée de 
deux champs électrique el magnétique, et sur la symé- 
trie moléculaire. Note de M. A. Cortos. — Sur l'aiman- 
lation de l’eau et de l'oxygène. Note de MM. PIERRE 
Weiss et AUGUSTE Piccanv. — Nouvelle mesure de la 
décomposition magnétique des raies de la deuxième 
série secondaire du zinc, et vérilication quantitative 
de la loi de Preston. Note de M. R. Fortkar. — Sur le 
pouvoir ditfusif du noir de platine et le coeflicient de 
la loi de Stefan. Note de MM. Cu. Feny et M. Dreco. 
— Méthode de mesure des très grandes résistances. 
Note de M. Tounxien. — Sur de nouvelles formes de 
combustion gazeuse tourbillonnaire, et sur leur ana- 
logie d'apparence avec certains phénomènes astrono- 
miques. Note de M. JEAN MEUNIER. — Théorie de l’efflo- 
rescence des hydrates salins. Note de MM. Cu. Bov- 
LANGER et G. UnBaIX. — Action des acides sur l'oxyde 
uraneux. Note de M. A. Coras; l'auteur établit que 
l’oxyde uraneux se dissout lentement dans l'acide 
chlorhydrique et que la quantité d'oxyde dissous dans 
un temps donné varie énormément avec le mode de 
préparation de l'oxyde. — Synthèses au moyen des 
dérivés organo-zinciques mixtes. Cétones 2-polychlo- 
rées. Constitution de la trichloracétone ordinaire. 
Note de M. E.-E. Bras. — Éthéritication des cvcla- 
nols par les acides aromatiques. Note de MM. J.-B. SEN- 
LERENS et JEAN ABOULENC. — Sur la structure anormale 
de la tige du /ochea corrinea D. G. Note de M. Rav- 
MoNb HauerT. — Hybrides de cobaves sauvages (Cavia 
Cutleri, C. Aperea) el de cobayes domestiques 


696 


(GC. Cobayax. Note de MM. L. BuariNouEu et À. Prévor. 
— Contribution au traitement des enfants arriérés par 
les extraits endocriniens associés. Note de M. Roc 
Drerx. — Sur le développement du squelette de l'aile 
chez le pinsonin. Note de HM. R. AxXTuoxy et L. Gus. 
— Sur le développement de la muraille chez le Keno- 
balanus globicipitis Steenstrup. Note de M. A. GREVEL, 
— Sur une nouvelle varièté pæcilogonique du Paule- 
moneles varians Leach. Note de M. E. SorLacb. — 


L'action des rayons N sur la segmentation de l'œuf 


d'Asraris meyalorephala. Note de M. E. FAURÉ-FREMIET. 





ASSOCIATION FRANÇAISE 


POUR L’AVANCEMENT DES SCIENCES ‘!) 
Congrès de Nimes. 


Histoire et archéologie. 


Sous la présidence de M. J. TourTaix, membre du 
Comité des travaux historiques et scientifiques, cette 
section a nommé présidents d'honneur: M. R. Cagnat, 
Salomon Reinach, R. de Lastérie, membres de l'In- 
stitut; le commandant Espérandieu, correspondant de 
l'Institut, et M. G. Maurin, vice-président. 


M. Sr. CLasruien (Marseille) fait une communication 
sur la découverte de fours romains faits a Saint-Andre 
(Marseille), par M. M. Dubois, président du Comité du 
Vieu.r-Marseille, Ces deux fours à céramique sont des 
plus curieux. Jls sont construits en fragments de tuiles 
reliées avec de l'argile comme mortier. 


M. l'abbé Cuucrox (Septèmes ‘Bouches-du-Rhone ) 
étudie une sepulture a incineration à Gardanne. Ce 
monument à peu de similaires dans la Narbonnaise: 
il est rare de trouver le contraste qu'il présente, les 
précautions prises à l’intérieur pour assurer la con- 
servation de lurne et l'emploi, peut-ètre de fortune, 
d'une auge pour la contenir. 


M. Touts décrit un logement quulois de trois pieces 
a Alisia. C'est un des vestiges les plus importants de 
la cité gauloise au siège fameux de l'an 52. Elle a été 
découverte en 1912 au lieu dit « en Curiot ». On des- 
cendait par un escalier, dont quatre marches se sont 
conservées, dans cette excavation. Une première pièce 
que lon atteignait par cet escalier avait trois de ses 
parois formees par la roche ; la quatriċme paroi était 
demi-naturelle, demi-artificielle. La seconde pièce 
communiquait tres largement avec celle-ci qui était 
certainement la plus importante. L'ouverture qui 
donne sur la troisième pièce est assez étroite. Un 
enduit de chaux garnissait les murailles séparatives 
des trois pieces. Le fover antique est encore en place 
dans la troisième pièce. Le sol était formé pour les 
trois picces par la roche nue. Ce n'étaient pas là des 
caves, comme on l'a prétendu, la présence de ce foyer 
le prouve nettement. 

M. Er. Micuox (Paris) étudie l « Apollon » de Nimes, 
ami se trouve dans les galeries du Louvre; il fait l'his- 
torique du don de cette statuctte trouvée dans le 
teinple de Diane par la ville de Nimes, échange 


(D Fin, voir p. 6Hi. 


COSMOS 


19 DÉCEMBRE 191412 


contre « une collection de plàtres provenant des ate. 
liers de moulage du musée royal et un tableau destiné 
à orner la cathédrale de Nimes ». La conclusion de 
cet intéressant travail est que l'absence d'attributs 
rend la dénomination aléatoire, mais ne serait-on pas 
surtout porté à songer, comme M. Et. Michon lécrivait 
jadis, à quelque divinité. héros ou génie, en rapport 
avec les eaux ou la source. 


MM. Vassy (Vienne) et C. Gry (Givors) décrivent 
trois mosaãiques romaines formant le sol de trois pièces 
d'une habitation yallo-romaine, mosaïques qu'ils ont 
découvertes à Sainte-Colomhe-les- Vienne et Sainl- 
liomain-en-liier (Rhône). Ces deux localités, à l'époque 
romaine, formaient un quartier de Vienne, séparé par 
le Rhône. (Vienna pulchra était la dénomination de 
cette partie de la ville.) Ces trois mosaïques étaient 
situées tout à côté de celle d'Hylas (musée de Gre- 
noble) et semblent appartenir à la mème habitation. 
Description de ces trois mosaïques: d'après elles, 
l'habitation doit être datée du début du 1° siècle, qui 
est encore pour Vienne la belle période artistique 
gallo-romaine. Elles ne ressemblent en rien aux gros- 
sivres mosaïques d'Afrique, de Timgad et de la Tri- 
politaine, pas plus qu’à celles de Rome ou de Pompéi; 
elles ont une marque d'origine locale. Des sondages 
ont montré aux auteurs de ce mémoire qu'à 75 cenli- 
mètres de profondeur existait une autre mosaïque, 
très grossière, antérieure à la construction de la villa, 
qui aurait donc été bâtie sur l'emplacement d'habita- 
tions ordinaires. 


Agronomie. 


Présidée par M. Lacatu, professeur à l’École natio- 
nale d'agriculture de Montpellier. 


M. ALEXANDRE HÉBSERT (Paris) 1° donne la composition 
de divers produits, graines où tubercules amylacés ou 
féculents de l'Afrique occidentale française. Ce sont : 
du maïs blanc du Dahomey qui peut être comparé. 
au point de vue de la valeur, à nos produits indigènes ; 
des ignames assez comparables comme composition 
à la pomme de terre. Leur valeur est au moins sem- 
blable à celle du manioc soc. La moelle d'£Encepha- 
lastos Basteri est riche en hydrates de carbone : sucres 
et amidon; les indigènes fabriquent une espèce de 
pain avec la fécule qu’on en extrait. 

2 Étudie au point de vue chimique les fruits de 
Sorindebia oleasa. La pulpe du fruit est très sucrée; 
dans le pays d'origine on en obtient par fermentation 
une boisson analogue au cidre, mais très peu riche en 
alcool. Et l'amande, qui est le noyau du fruit, est très 
oltagineuse ; on s'en sert pour fabriquer de l'huile et 
du savon; les acides gras qu'il donne ont un point de 
fusion trop bas pour servir à la fabrication de bougies 
ou méme de chandelles. 


M. Vicron Mosséni (le Caire, Egypte) indique un nou- 
ceau système de dessolement des terres. 

Ce système occasionne une perte supplémentaire de 
terrain de 2 à + pour 100 suivant la nature de la terre 
et la disposition générale du réseau de drainage. Les 
frais supplémentaires de création sont d'environ 40 à 
5 francs par hectare avec des tuyaux de bois gou- 
dronné, 60 à 65 francs avec des tuyaux en tôle de 
12 centimètres de diametre et 2,5 millimètres 


N° 1456 


d'épaisseur. Les frais supplémentaires d'entretien ne 
dépassent guère 5 à 10 pour 100 des frais ordinaires: ils 
sont largement compensés par la réduction des frais 
annuels de curage de fossés, mais ce supplément est 
bien peu de chose vis-à-vis de la rapidité obtenue: on 
aurait avantage à recourir au système mixte préconisé 
dans ce travail. 


Hygiène et médecine publiques. 


Présidence de M. Henri de MoxrnichEr, ingénieur 
civil (Marseille). M. Jules Cocuwoxr (Lyon), président 
d'honneur : M. Rozanrs (Lille), vice-président. 


La question de la collecte et du traitement des ordures 
ménagères avait pour rapporteur M. Pacz Razocs, 
commissaire contrôleur au ministère du Travail et de 
la Prévoyance sociale. La conclusion de ce rapport est 
que la méthode économique consiste à retirer de ces 
ordures tout ce qui est particulièrement humide ou 
susceptible d'être employé comme engrais, puis à 
brüler le reste, les usines d'incinération pouvant, en 
période d'épidémie, brüler la totalité de ces ordures. 

Un rapport de M. le D' A. Rochaix (Lyon) mettait au 
point la question de l'épuration des eaur destinées à 
l'alimentation publique. Les divers procédés d'épura- 
tion y étaient exposés avec les résultats fournis par cha- 
cun d'eux. Le rapporteur concluait que les filtres ne 
donnent pas une épuration complète au point de vue 
bactérien. Actuellement, seuls, deux procédés, lozo- 
nisation et la stérilisation par les rayons ultra-violets 
après préfiltration, permettent, dansla majorité des cas, 
d'obtenir une épuration absolue et de fournir aux 
agglomérations urbaines une eau potable irréprochable. 

Sur la demande du D' Buffon, adjoint au maire de 
Nice, et après discussion, la Section établit ainsi la 
définition du mot clarifié appliqué à une eau d’ali- 
mentation: « C’est une eau qui permet la lecture des 
caractères d'imprimerie par vision opérée à travers 
un tube contenant une largeur de cinq mètres d'eau 
à observer. » 


M. Gacor décrit une installation transportable de 
stérilisation des eaux par les rayons ultra-violets qui 
fonctionne depuis plus d’un an à l'hôpital d'Oudjda. 
L'eau est utilisée comme boisson, sert à la préparation 
des polions et au lavage aseptique des mains des chi- 
rurgiens et au pansement des blessés et opérés. L'ap- 
plication du procédé est d’ailleurs possible aux navires 
en adoptant une suspension à la cardan et en ne fai- 
sant pas fonctionner la lampe sur un courant inférieur 


COSMOS 


697 


à 110 volts. La quantité de rayons émis par la lampe 
étant proportionnelle à la température, il y a donc 
intérét à ne pas immerger ni refroidir la lampe. 

M. Le Covprey be La Fonest rapporte la troisieme 
question mise à l’ordre du jour de la Section : Epura- 
hon des eaux d'éqoult: la solution de la question ne 
lui parait pas encore mème entrevue dans le lointain. 
M.de Moxrricuen fait une communication sur la S{a/ion 
d'épuration des euur degout d'Arr-en-Prorenre, Le 
svstème comprend quatre échelons: 1° élimination 
des sables et matières lourdes; 2 décantation du se- 
vage frais et dissociation des matières organiques; 
3" oxvdation de l'efluent sur lits percolateurs à 
sprinkler: 4° décantation finale. 


M. AureEGélo (Lyon) continue ses travaux relatifs à 
l'alimentation carnée des populations rurales el des 
soldats en garnison, en manϾurres el en Campagne. 


M. le D' Avriex Loin traite la question du luit von- 
densé et de la diarrhée d'eté. Le lait condensé ne 
contient, en plus du lait ordinaire, que du sucre: il 
n'offre que dés avantages pour l'alimentation des 
enfants du premier àge: il donne le moyen d'avoir du 
lait propre: ces deux éléments, lait condensé et diar- 
rhée d'éte, sont inséparables, 


M. ÉuiLe Cacuerx étudie les Bureau.r allemands de 
constructions relatives aur logements. Ces Baubera- 
tungstelle examinent les plans de maisons à construire 
et indiquent les modifications qu'il y aurait lieu d'y 
apporter concernant l'aspect extérieur. la distribution 
des logements, les appareils de chauffage et d'assai- 
nissement, l'économie à apporter dans les construc- 
tions. 

M. A. Avcikre (Nimes) indique les moyens de reme- 
dier aux inconvénients de Uair cicièé dans les locauwr 
d'habitation et de reunion par des aérateurs et des 
aspirateurs électriques disposés au-dessous des lustres 
et correspondant à des cheminées centrales d'évacua- 
tion d'air allant du plafond de la salle au-dessus de 
la toiture. 


M. Auuab Precu. — Filtration des grands rolumes 
d'eau. Ce mémoire peut se résumer par lapprécia- 
tion de M. Imbeaux à propos du systéme qu'il préco- 
nise : « Faire durer les filtres fins le plus longtemps 
possible, et cela en préfiltrant, en dégrossissant l'eau 
autant que faire se peut en avant d'eux; c'est là tout 
le secret. » 

E. Héuicuanb. 


mI ‘Iiii 


BIBLIOGRAPHIE 


Traité de chimie générale, par W. NeryNsr, pro- 
fesseur à l’Université et directeur de l'Institut 
de chimie physique de l'Université de Berlin. 
Ouvrage traduit sur la 6° édition allemande par 
A. Convisy. Deuxième partie : Transformations 
de la matière et de l'énergie. Un vol. grand in-8° 
de 422 pages (10 fr). Librairie scientifique 
A. Hermann, 6, rue de la Sorbonne, Paris, 4912. 


En somme, l'ouvrage tout entier, je veux parler 
de ce deuxième tome de la Chimie generale, est 
une théorie de l’aflinité chimique, dont le but final 
est de ramener à des actions physiques bien étu- 
diées toutes les causes qui agissent dans les trans- 
formations de la matière. Les philosophes grecs 
ont parlé de l'amour et de la haine des atomes 
comme causes des changements matériels: et 


698 


depuis leur époque lointaine, la question de la 
nature des forces chimiques n’a guère progressé 
que lorsqu'on abandonna les pourquoi pour exa- 
miner les comment ; les chimistes, renonçant pro- 
visoirement à la question de l'essence des forces 
qui agissent dans les transformations chimiques, 
se sont attachés à déterminer les modes d'action 
de ces forces et particulièrement leur dépendance 
des conditions extérieures, telles que le rapport 
des masses, la pression, la température. La magni- 
fique floraison actuelle de la chimie physique in- 
dique que la nouvelle voie était bien choisie. 


Le livre HI (les transformations de la matière) 
comprend la statique chimique et la cinélique chi- 
mique, c'est-à-dire l'étude de l'équilibre des sys- 
tèmes réagissants et celle de la vitesse de réaction. 
Toutes ces notions ont été vivement éclairées par 
la loi de l’action des masses, qui trouve en ce 
chapitre de la chimie physique des applications 
conlinuelles. Guldberg et Waage, deux savants 
norvégiens, ont la première fois formulé complète- 
ment cette loi remarquable dans un mémoire qui, 
pour le rappeler en passant, fut adressé en 1864 
à l'abbé Moigno et publié dans les Mondes (t. V, 
p. 407 et p. 627). Ces deux savants s'inspiraient de 
l'hypothèse que l’état d'équilibre de la matière ne 
doit pasèlre considéré comme statique, maiscomme 
dynamique. Ainsi, un récipient contenant de l’eau 
liquide surmontée de sa vapeur, à une ternpéralure 
constante, semble n'être le siège d'aucune varia- 
tion, or, l'équilibre que l’on observe là entre l’eau 
et la vapeur ne doit pas ètre envisagé comme ré- 
sultant de l'absence de vaporisation de l’eau liquide 
et de lu liquéfaction de l'eau gazeuse ; au contraire, 
ces deux phénomènes se produisent de facon inin- 
terrompue, et si l'équilibre existe pourtant, c'est 
qu'à un moment quelconque il y a autant de molé- 
cules d’eau qui traversent une portion donnée de 
la surface liquide dans les deux directions oppo- 
sées. Voilà un cas d’équilibre physique. De même 
si une réaction chimique est arrivée à l’état d'équi- 
libre, ce n'est pas que toute transformation ait 
cessé, mais il se produit généralement deux trans- 
formations inverses, et létat d'équilibre est carac- 


térisé là aussi par le fait qu'à chaque instant la 


quantité de matière qui subit l'une des transfor- 
mations est égale à celle qui subit la transforma- 
tion opposée (équilibre des réactions réversibles). 
C'est ce qui arrive si l'on mélange soit de l'alcool 
et de l'acide acélique, soit de léther (acétate 
d'éthyle) et de l’eau; si l’on a employé l'alcool et 
l'acide acetique, ces deux substances réagissent 
pour former de Péther et de l'eau; si l'on a em- 
ployé l'éther et l’eau, ces deux substances, inver- 
sement, produisent de l'alcool et de l'acide acé- 
tique. Dans les deux cas, la réaction est incom- 
plrle, c'est-à-dire qu'elle ne va pas jusqu'à la trans- 
formalion totale des constituants qu'on a mis en 


COSMOS 


19 DÉCEMBRE 1912 


présence, elle s'arrête auparavant et il s'établit un 
état d'équilibre dans lequel les quatre substances 
restent en présence. Mais les proportions finales 
dépendent des masses actives, autrement dit des 
concentrations initiales, des composants réagis- 
sants. La loi de Guldberg et Waage fait ainsi faci- 
lement connaitre comment l’état d'équilibre varie 
avec le rapport quantitatif des composants réagis- 
sants (statique chimique) et, en outre, la vitesse 
avec laquelle le système s'approche de cet état 
(cinétique chimique). 

Par contre, cette loi de l'action des masses ne 
nous dit rien de l'influence de la température; les 
lois qui régissent l'influence de la chaleur et aussi 
l'influence des autres formes d'énergie : électricité, 
lumière sur les réactions chimiques, remplissent le 
livre IV (les transformations de l'énergie). Nous 
abordons donc trois chapitres importants de chimie 
physique, à savoir : la thermochimie, l'électrochimie 
(piles et accumulateurs), la photochimie. Le pre- 
mier est de beaucoup le plus étendu. Il fournit 
l’occasion d'étudier, à la lumière de la thermodyÿna- 
mique, le cas général de l'équilibre chimique et 
des vitesses de réaction, cette fois en faisant inter- 
venir l'action de la température (explosions et 
inflammations ; propagation de la combustion dans 
les mélanges gazeux). On sait que Berthelot, en 
déterminant les quantilés de chaleur dégagées et 
absorbées par les réactions chimiques el en éta- 
blissant le principe du travail maximum, avait eu 
tout d'abord la prétention de prévoir le sens des 
réactions chimiques et de mesurer l’affinité des 
corps ; suivant lui, toute transformation chimique 
devrait donner naissance aux substances dont la 
formation dégage le plus de chaleur. Berthelot a 
bientôt reconnu l'insuffisance de son principe, et il 
a cherché à le corriger, mais sans parvenir à l'éta- 
blir sur une base solide, car ce principe est con- 
traire, en sa généralité, aux principes bien établis 
de la thermodynamique, et il ne peut guère servir 
que de règle empirique dans un nombre limité de 
cas. Par contre, M. Nernst expose brièvement un 
nouveau théorème de thermodynamique qu'il a fait 
connaitre en 1906 et qui permet de calculer les 
équilibres chimiques d’après les données ther- 
miques; c'est-à-dire qu'ainsi se trouve résolu le 
problème que Berthelot avait cherché à résoudre 
par son principe du travail maximum. Le théorème 
de Nernst est rapidement devenu classique. 

L'ouvrage de Nernst est aisément abordable, en 
son ensemble, à tout lecteur possédant les no- 
tions élémentaires du calcul différentiel et inté- 
gral. 


Konstant auftretende secundære Maxima und 
Minima in den jæhrlichen Verlauf der me- 
teorologischen Erscheinungen, von D" vAN 
RUCKEVORSEL, Sixième et septième parties. In-40 


No 1450 


de 23 et 39 pages. W. J. van Hengel, Rotterdam, 
1912. 


L'auteur poursuit minutieusement ses enquites 
pour dégager certains « maxima et minima secon- 
daires qui reviennent constamment dans le cours 
annuel des phénomènes météorologiques ». Il met 
en regard les courbes annuelles moyennes des 
taches solaires, de la température en certaines 
localités, de la variation du magnétisme terrestre, 
enfin de la mortalité en des localités déterminées, 
de la pression atmosphérique et des hauteurs de 
précipitations. La période qui mesure un douzième 
de l’année se rencontre plus fréquemment que les 
autres. 


Le blé, par MM. FRaxro1s et Pierre RBERTHAULT. Un 
vol. in-18 de 164 pages, avec 93 gravures (1,50 fr). 
Librairie de la Maison Rustique, 26, rue Jacob, 
Paris. 


Le blé, matière de première nécessité et dont la 
culture est si considérable en France, a besoin d’être 
bien connu de tous les agriculteurs. Le livre de 
MM. Berthault père et fils a été écrit à leur intention. 

Les auteurs exposent d'abord l'importance de la 
culture du blé et son historique, les caractères 
botaniques de la plante, les phases de son déve- 
loppement et les conditions climatiques qu'elle 
exige; ils passent en revue les principales variétés 
cullivées aujourd'hui, et abordent ensuite ce qui 
se rapporte à la culture : le terrain, les exigences 
du blé en principes fertilisants, sa place dans l'as- 
solement, le choix à faire entre les variétés sui- 
vant les circonstances. Des chapitres spéciaux sont 
consacrés au choix et à la préparation des semences, 
aux semailles, aux soins d'entretien pendant la 
végétation, aux méthodes de récolte, au rendement 
en grain et en paille. Le livre se termine par 
l'examen des maladies qui peuvent atteindre le 
blé et des parasiles qui l’aitaquent aux différentes 
phases de son existence. 

Ce livre constiluera le meilleur guide en vue de 
l'accroissement des rendements dont on doit se 
préoccuper de plus en plus. 


Zigzags au pays de la science, par A. ACLOQUE. 
Un vol. gr. in-8° (27 X 18) de 360 pages, avec 
illustrations (broché, 2.50 fr: cartonné, 3,25 fr), 
4912. Tours, maison A. Mame et fils. 


La science est un champ immense; M. Acloque, 
en sy promenant en zigzag, se serait exposé à ne 
recueillir que des observations bien incomplètes sur 
chaque sujet, et, en changeant à chaque instant de 
sujet, à ne nous donner qu'une sorte de pot pourri. 

Sa sagesse a évité ce danger. Comme tout bon 
cultivateur, il a divisé son cha:mp de la science en 
nombreux compartiments, chacun consacré à une 


COSMOS 


699 


culture différente. Dans ce premier volume, il ne 
s'occupe que de quelques-unes de ces parties, mais 
il promet de compléter son œuvre, et la suite sera 
attendue avec impatience à raison de l'intérêt 
que l'auteur a su donner à ce début. 

La plus grande partie du volume est consacrée 
à l'entomologie; c'est du Fabre du meilleur cru; 
de nombreuses pages s'occupent de botanique. 

Mais l'auteur ne s’est pas borné à ces branches, 
sujets favoris de ses éludes, qu'il a traitées avec 
toute la maitrise que son savoir pouvait y apporter; 
la météorologie, l’astronomie ne sont pas oubliées; 
le lecteur est même transporté par le pouvoir 
des fées dans le monde de l'automobilisme et de 
l'aviation, mais, hélas! avec une rapidité décon- 
certante. 

Quoi qu'il en soit, l’ouvrage est agréable, instruc- 
tif et bien fait pour inspirer aux jeunes gens le 
goût des sciences naturelles. Le texte, vif et alerte, 
est accompagné de nombreuses illustrations. 

Celles dues au crayon de M. Acloque sont impec- 
cables et ne laissent rien à désirer; mais celles 
choisies par l'éditeur sont trop souvent la repro- 
duction d'anciennes gravures faites à une époque 
où les dessinateurs ne se piquaient guère d’exacti- 
tude en malière scientifique, et dans un si beau 
livre, si réussi à d'autres points de vue, cela choque 
un peu. 


Aéro-Manuel 14912-41913. Repertoire sportif, 
technique et commercial de l'aéronautique, par 
Cu. Faroux, ingénieur, ancien élève de l'Ecole 
polytechnique, rédacteur en chefde la Vie aulo- 
mobile. Un vol. in-8° de 758 pages avec gravures 
(2° édition) (10 fr). Librairie Dunod et Pinat, 
Paris, 1912. 

Cet ouvrage a été publié pour la première fois 
en 1911. 

Son auteur s'est efforcé de présenter, dans un 
cadre clair et pratique, un ensemble coordonné de 
documents et de renseignements relatifs au sport, 
à la construction et à l'industrie aéronautiques, et 
qu'il est utile d'avoir sous la main, si l’on s'inté- 
resse, à quelque titre que ce soit, à la locomotion 
nouvelle. 

La seconde édition est tenue très au courant du 
progrès de cette branche spéciale. Certaines parties 
de l'ouvrage n'ont pas changé, par exemple, le 
dictionnaire des termes employés en aéronautique 
et en avialion. Mais la liste des pilotes brevetés, 
des records établis, tant français qu'élrangers, est 
complétée, et celle qui donne le nom et l'adresse 
des industriels spécialisés dans la construction des 
appareils plus légers et plus lourds que l'air a été 
complètement refondue et mise au point. Les 
renseignements fournis s'étendent jusqu'à sep- 
tembre 1912. 


100 


COSMOS 


19 DÉCEMBRE 19412 


FORMULAIRE 


Pour enlever les bouchons collés. — Les 
bouchons des bouteilles contenant un liquide 
sirupeux collent assez souvent à l’intérieur du 


goulot, et se cassent quand on veut les retirer. 
Pour les décoller, il suffit de les enfoncer d’abord 
légèrement. Ils se retirent alors sans difficulté. 





PETITE CORRESPONDANCE 


Adresses : 

Le porte-copie « le flexible » se trouve chez M. P. Scou- 
bart, 60, rue du Faubourg-Saint-Denis, Paris. 

M. M. T., à A. — Ces pages de couverture ne nous 
appartiennent pas, et nous ne croyons pas que votre 
désir soit possible à réaliser. 


M. L. D., à St-E-la-T. — Dans ces articles sur la 
télégraphie sans fil, le D' Corret ne conseille pas de 
faire les bobines d'accord en fil isolé au coton, mais 
en fil émaillé. De sorte que votre observation, très 
juste, d’ailleurs, n’était pas indispensable. On peut 
aussi employer, pour maintenir les fils isolés au coton, 
la colle au celluloïd indiquée dans le numéro 1452, 


p. 570. — Pour ce recueil du Bureau international de 


Berne, voir ici mème la réponse à M. A. M., à E. 


M.A.D.,à F.—Iln'y a pas moyen d'insérer d'aver- 
tisseur dans le circuit. — Les spires dénudées suivant 
une génératrice sont encore isolées quand on a soin 
de ne dénuder que la surface. Ceci, pour les bobines 
en fil émaillé. Pour les bobines faites en fil isolé au 
coton, il faut, avant ae dénuder, vernir les spires, soit 
avec le vernis au celluloïd (voir Cosmos, p. 570), soit 
avec du bitume de Judée dissous dans le benzol. Mais, 
le système que vous employez (dénudage d’une spire 
sur deux) est aussi très bon. 


M. A. P., au H. — Avec quatre fils de 7 mètres, 
placés à 1 mètre de distance les uns au-dessus des 
autres, vous entendrez certainement la tour Eittel. — 
Pour la construction des bobines d'accord, voyez la 
réponse ci-dessus. Il vaut mieux serrer les spires les 
unes contre les autres. Pour le montage, voir les 
articles parus ici même ou attendez la brochure que 
nous vous enverrons dès qu'elle sera prète. 


M. C. R.,àa C. — Au sujet de la lampe à incahdes- 
cence qui parle (Cosimos, ne 1450), si vous voulez des 
renseignements plus étendus, il faut vous reporter à 
la livraison du 15 juin de Physikalische Zeitschrift 
(Steinsgraben, Si, à Gattingue). — Vous avez fortui- 
tement réalisé un condensateur chantant: sur la 
théorie et la réalisation du condensateur parlant, voir 
Cosmas, t. LXIL, ne 1307, p. 172 (appareil des mèmes 
auteurs Ort et Rieger), et antérieurement Cosmos, 
t. LV n° 116$, p. 553, no 1165, p. 983; n° 11fx, 
p. 600. 

M. J. P., à N. — Nous vous remercions des observa- 
tions que vous nous envoyez; nous communiguons 
votre lettre à l'auteur. 

M. A. de la S., à P. — Vous pouvez parfaitement 
construire une bobine d'accord avec dutil de 0,2 mm: 
il faudra environ une cinquantaine de mètres. Naturel- 
lement le til doit étre isolé, Une seule bobine sutira, 
avec Ja longueur d'antenne indiquée. 


R. F. B., à St-G. (Indes anglaises). — Oui, la bande 
est nécessaire pour obtenir ici une réponse. — Nous 
pensons vous donner satisfaction l'an prochain pour 
une table bibliograhpique. — Les chambres à air 
interrompues Simplex sont fabriquées par la maison 
Michelin, à Clermont-Ferrand. — Za construction 
moderne, hebdomadaire, 13, rue Bonaparte: étranger, 
35 francs par an (abonnement partant du 4" avril ou 
du i” octobre}. — Merci pour les renseignemeuts sur 
les termites; nous les utiliserons. 


M. A. M., à E. — Cet ouvrage est publié par le 
« Bureau international de l’Union télégraphique » de 
Berne. Il est d’ailleurs épuisé en ce moment, mais va 
être réédité. C'est à cette adresse qu'il faut vous ren- 
seigner. — Il n’est pas possible, avec le bulletiu météo- 
rologique envoyé par la tour Eiffel, de faire la prévision 
scientifique du temps. I est loin d'être assez complet 
pour cela. 


M. G. de L., à L. — Reliures mobiles: Frank, 
4, rue de l'Échiquier; Terquem, 31 bis, boulevard 
Haussmann, à Paris. 


M. B. M., à B. — Le fil émaillé est du fil de cuivre 
recouvert d'un vernis émail au four, comme les cadres 
de bicyclettes. — Les tubes d’oxygène comprimé 
peuvent parfaitement éclater. Reportez-vous au Cosmos 
(n° 1178, 24 aoùt 1907, p. 219). 


M. J. H. S., à P. — Vous pouvez construire facile- 
ment une bobine d’accord pour percevoir les signaux 
de Clifden et de Coltano. Il suffit d'augmenter la lon- 
gueur du fil de la bobine. Pour Coltano, la self doit 
ètre un peu plus du double de celle de la tour 
Eiffel. Clifden est en deçà. — Le fil fin a l'inconvé- 
nient d'offrir plus de résistance; mais il donne une 
self plus grande; il en faut par suite une plus faible 
longueur. Il y a avantage à bobiner en spires de 
grand diamètre, les spires se touchant autant que pos- 
Sible, si on cherche l'économie et le faible encombre- 
ment. L'article du numéro 4451, p. 544, indique les 
dimensions des feuilles de condensateur. — Le bruit 
que vous entendez doit provenir de l'électrode posi- 
tive å fil de platine. Frottez-en légċèrement l'extrémité 
sur une feuille de papier émeri fin. — La brochure 
reproduira les articles du Cosmos. Jusqu'ici, nous 
n'avons rien vu de similaire au point de vue pratique. 
Pour la nomenclature publiée à Berne, voir réponse 
donnée plus haut à M. A. M., à E. — Nous croyons 
que le dispositif de détecteur électrolytique dont vous 
parlez a déjà été essayé. 


Imprimerie P. F&ron-Vaau. 3 ct 5, rue Bayard, Paris. VIN’. 
Le gérant: A. FarvLe. 


No 4457 — 26 DÉCEMBRE 1912 


COSMOS 


704 


SOMMAIRE 


Tour du monde. — Une remarquable pluie de météorites. Fortes pluies dans le Norfolk. Les hivers doux. 
Que signifie la griffe de Saint-Hubert? Les besoins en albumine des jeunes animaux. La téléphonie dans 
les mines. Les perturbations électriques de l'atmosphère et la télégraphie sans fil. Production directe du 
gaz dans les houillères. A propos d'un procédé de clarification des eaux. Les tansports frigorifiques en 
France. Altitude atteinte par un ballon-sonde. De Tunisie en Sicile en aéroplane. Notre brochure. Le carat 


décimal, p. 701. 


Un chemin de fer minier aérien, BELLET, p. 706. — Le rôle magnétique dəs océans etla constitution 
de l’écorce terrestre, A. BERGET, p. 708. — Le laboratoire d’une sucrerie, Rovsser, p. 709. — La 
configuration générale des chaînes de montagnes, Novon, p. 711. — Les fourrures modernes et 
leur préparation, J. Boyer, p. 712. — La crampe des télégraphistes, Fovaxier, p. 716. — Le nouveau 
bateau-feu du Havre {suite}, P. Guinez, p. 718. — Les nymphes de la baie de Shima, L. Kuenrz, 
p. 720. — Sociétés savantes : Académie des sciences : séance solennelle, p. 721. — Bibliographie, p.721. 








TOUR DU MONDE 


ASTRONOMIE 


Une remarquable pluie de météorites. — 
Elle est survenue le 49 juillet près de Holbrook, 
comté de Navajo, Arizona: un bolide passa sur la 
localité à 18"30™, avec un bruit énorme qui se pro- 
longea une demi-minule au moins. On vit des 
pierres tomber en grand nombre près Aztec, soule- 
vant le sable du désert; dans la suite, les gens de 
l'endroit en recueillirent une quantité, qui ont été 
examinées par M. W.-M. Foote (Vature, 12 déc.). 

Le morceau le plus gros pèse plus de 6 kilo- 
grammes; plusieurs de 2 kilogrammes ont été 
ramassés sur une aire allongée de 5 kilomètres de 
long sur 4 kilomètre de large. L'analyse témoigne 
qu’on se trouve en présence d’une météorite consti- 
tuée par : fer-nickel, 3,68 ; silice, 96,32. 

Les 14000 morceaux recueillis pèsent en tout 
220 kilogrammes ; ce nombre se décompose en : 

29 pierres pesant individuellement de 6665 à 
4 020 grammes; 6000 pierres pesant de 4000 à 
4 gramme et 8 000 pierres pesant moinsde { gramme. 


MÉTÉOROLOGIE 


Fortes pluies dans le Norfolk. (Annuaire de 
la Soc. météorol. de France, aoùt-septembre 4912). 
— Des pluies exceptionnellement abondantes sont 
tombées le 26 et le 27 aoùt 4942 dans le comté de 
Norfolk. A Norwich, on a recueilli, en vingt-quatre 
heures, 487 millimètres d'eau. Cette quantité n'a 
été dépassée que deux fois en Angleterre depuis 
41860 : le 12 novembre 1897, à Seathwaite, 204 mil- 
limètres, et le 6 février 4894, au Ben Nevès, 
497 millimètres. D’après la carte pluviométrique 
que les premières observations ont permis de tra- 
cer, Symons Meteorological Magazine évalue à 
4 300 kilomètres carrés la surface sur laquelle la 
tranche d’eau a atteint ou dépassé 150 millimètres. 


T. LXVII. N° 1457. 


Pour le comté de Norfolk, dont la superficie est de 
8$ 300 kilomètres carrés environ, la hauteur moyenne 
de pluie atteint 124 millimètres, ce qui correspond 
à un total de 600 millions de mètres cubes d’eau. 

Naturellement, cette énorme masse d’eau, tom- 
bant dans une région où les pluies torrentielles 
sont rares et sur un sol dont le relief est peu 
accusé, ont causé des dégâts importants; plusieurs 
personnes ont péri. 

La carte synoptique du 26 août à 7 heures du 
matin montre une dépression barométrique cou- 
vrant le sud de l'Angleterre (742 millimètres). La 
dépression se déplace lentement vers le Nord en se 
creusant; à 6 heures du soir, le baromètre des- 
cend à 736 millimètres à Norwich. La direction de 
la trajectoire s'infléchit vers la droite quelques 
heures plus tard, et, le 27 au matin, le centre de la 
dépression se trouve près de l’ile d'Helgoland. 

Dans les régions tropicales, et même parfois 
dans les pays de climat tempéré, on a noté des 
valeurs de la pluie encore plus exceptionnelles. 
(Les grandes pluies, Cosmos, t. LVII, p. 643.) 


Les hivers doux (l. Assapa, la Géographie, 
15 novembre). — Le professeur Hellmann a étudié 
dans Das Wetter, au point de vue de la lempéra- 
ture et de la pluviosité, les hivers de Berlin de 
1720 à 1898. Il en compte quarante-luril doux, c'est- 
à-dire pour lesquels la somme des anomalies ther- 
miques positives des deux mois de decembre et de 
janvier dépasse ? degrés. Voici les conclusions de 
celte étude, intéressant les périodes climatiques. 

4° Les hivers doux n'apparaissent jamais isolés, 
mais plutòt par groupes, et cela d'autant plus net- 
tement qu'il s’est écoulé une période un peu longue 
sans amener d'hiver doux. 

2° Les plus grands intervalles entre ces groupes 
ont été, en cent soixante-dix-huit ans, six fois de 
dix ans ou plus : moyenne, {1,7 années. Pour diverses 


raisons, il ne faut pas assimiler celle période à la 
période undécennale des taches solaires ; 

3° Les hivers doux sont généralement de longue 
durée. Souvent l’anomalie positive se manifeste 
déjà en novembre et se continue jusqu’en février 
et souvent mème jusqu’en mars. On peut parier 
19 contre 21 qu'après un hiver doux février aura 
aussi une moyenne élevée. Les périodes de froid 
tardif (février et mars) après un hiver doux sont 
exceptionnelles : 8 fois sur 178; 

4 Dans les hivers doux, l’anomalie thermique 
positive est ordinairement maximum en janvier; 

Ə Les hivers doux sont généralement humides. 


ZOOTECHNIE 


Que signifie la griffe de Saint-Hubert? — 
Normalement, le chien porte, aux membres anté- 
rieurs, cinq doigts dont un pouce très réduit qui 
n'arrive pas au contact du sol, et, aux membres 
postérieurs, quatre orteils seulement, le pouce 
ayant disparu. Mais certains individus, et notam- 
ment la plupart de ceux qui appartiennent à la 
race de Brie, ont à ce niveau un ergot, simple ou 
double, la griffe de Saint-Hubert des cynologues. 
Un grand nombre de chasseurs et d'éleveurs con- 
sidérent cet ergot comme un signe caractéristique 
d’une race spéciale, et, à l'appui de leur opinion, 
ils rappellent son existence régulière dans la 
descendance des animaux qui l'ont possédé; mais 
celte thèse n’est pas universellement admise. 

M. Boucher, professeur de zootechnie à l’école 
vétérinaire de Lyon, estime au contraire qu'il a 
seulement un caractère acquis, susceptible d'appa- 
raitre dans toutes les races, mais dépourvu de 
toute signification spéciale. D'après lui, la griffe de 
Saint-Hubert est tout simplement un accident; 
anatomiquement, elle est la phalange ordinaire- 
ment absente du gros orteil rudimentaire, qui se 
développe pour des causes quelconques et dont 
l'extrémilé libre se dédouble parfois, donnant le 
double ergot. Elle n'est donc qu'une anomalie qui, 
à l'égal de toutes les tares, se transmet fidèlement 
dans la descendance: elle ne marque, en lous cas, 
aucune espèce de supériorité. 

Du resle, l’ergol joue le ròle dun véritable 
harpon, accrochant au passage les ronces, les 
éteules, les herbes coupantes, et causant au chien 
des douleurs souvent fort aiguës. Les bergers 
briards, chez lesjuels il est presque constant, lui 
doivent des souffrances trés vives. Il est donc sage 
de condamner délinitivement la grilfe de Saint- 
Hubert, et pour cela d'écarter systématiquement 
de la reproduction les ehiens qui la possèdent. 


Les besoins en albumine de jeunes animaux. 
— Ün a souvent inédit de ce que les agronomes 
appellent des « normes alimentaires », c'est-à-dire 
des régles formulées une fois pour toutes au sujet 


COSMOS 


26 DÉCEMBRE 1949 


de la quantité d’aliments dont les animaux ont 
besoin. Nombre d’éleveurs se figurent que le maxi- 
mum d'effet ne peut être obtenu sans une alimen- 
talion maximum, et ils nourrissent leurs animaux 
jusqu’à refus. Outre les troubles digestifs dont une 
semblable pratique peut déterminer l'apparition, 
ils provoquent ainsi chez leurs élèves une ten- 
dance à la graisse qui diminue leur aptitude au 
travail et produit, s’il s’agit de reproducteurs, une 
dégénérescence fâcheuse de leurs organes les plus 
essentiels. Il est infiniment plus rationnel et plus 
sage de surveiller les animaux au moyen de la 
bascule, et d'augmenter ou de diminuer les rations 
suivant les indications qu’elle fournit. 

En ce qui concerne les bovidés en état de crois- 
sance, des essais ont été poursuivis pendant plu- 
sieurs années à la station de Hohenheim, par 
M. G. Fingerling, dans le but de vérifier si les 
normes d'affouragement proposées par Kellner 
doivent ou ne doivent pas être modifiées. Des 
bouvillons Agés de quatre à cinq mois au début des 
expériences et un bœuf de sept mois, tous de race 
précoce, ont reçu à cet effet des doses variables. 
Il a été reconnu qu'avec 1,5 kg d’albumines par 
4 000 kilogrammes de poids vif et par jour, on 
obtient une assimilalion sensiblement égale à celle 
qui correspond à des quantités plus élevées, à la 
condilion toutefois de faire figurer dans la ration 
une quantité suffisante de fécule ou d'amidon. 

Pour les bovidés en état de croissance, on ne 
saarait donc réduire sans inconvénient les doses de 
matières amylacées indiquées par les normes de 
Kellner, et, celte condition étant remplie, il n°y a 
aucun avantage à forcer la dose d'albumine, car 
on fait augmenter seulement la désassimilation 
d’azole, sans accroitre la quantité d’albumines 
fixée dans l'organisme, tout en augmentant la 
dépense matérielle, ce qui est loin d'être un 
avantage. Francis MARRE. 


TÉLÉGRAPHIE ET TÉLÉPHONIE 


La téléphonie dans les mines. — L'Écho 
des Mines décrit, d'après Zeits. des Ver. deutsch. 
Ingen.,le procédé employé aux mines de Caroli- 
nengluck, près Bochum (Prusse rhénane), pour trans- 
mettre des signaux téléphoniques sans aucun 
conducteur spécial entre divers postes de la mine 
et le poste du directeur des travaux installé au jour. 
Il consiste à utiliser comme conducteurs les con- 
duites, les rails, etc., de la mine et à lancer dans 
ces conducteurs des courants alternatifsde haute fré- 
quence, au moyen d'un poste de téléphonie sans fil. 

L'installalion, qui est alimentée par une petite 
batterie d'accumulateurs, comprend, outre ses 
postes transmetteur ct récepteurs, un dispositif 
d'appel. Le courant alternatif à basse tension et à 
haute fréquence passe directement par le mi- 
crophone du poste transmetteur; se tension est 


N° 1457 


ensuite élevée jusqu'à la valeur nécessaire à la 
transmission des signaux par une bobine d’induc- 
tion. La distance de transmission atteint 1,7km avec 
un courant primaire de 0,5 ampère, sous une tension 
de 142 volts aux bornes de la batterie. 


Les perturbations électriques de l’atmo- 
sphère et la télégraphie sans fil. — On sait que 
de pareilles perturbations sont très accentuées 
dans les pays tropicaux et qu’elles sont aussi très 
fréquentes dans nos régions en été, ainsi que dans 
le voisinage des montagnes; par contre, en haute 
mer, elles-paraissent être moindres. Elles pro- 
duisent dans le téléphone récepteur tantot des cra- 
quements, tantôt des sifflements, tantôt des bouil- 
lonnements et toutes sortes de bruits, en particulier 
le bruit connu sous le nom de friture. A cause de 
tous ces bruits parasites, la réception normale des 
dépêches est parfois malaisée, ou même complète- 
ment empêchée. L'emploi de la syntonie aiguë 
entre les postes ainsi que l’utilisation des émis- 
sions chantantes (à haute fréquence d’étincelles) 
et des dispositifs spéciaux de montage permettent 
d'obvier dans une mesure à ces ennuis. 

M. Mosler (Elektrotechnische Zeitschrift, 
31 oct.; Lumière électrique T déc.) a entrepris, 
d'août 1911 à la fin de juillet 4912, une série 
d'essais dans le but d'observer les perturbations 
perceptibles dans le téléphone récepteur aux diffé- 
rentes époques de l'année. La station installée dans 
ce but comportait une antenne à 6 fils de 18 mètres 
de hauteur. 

Sous le rapport des saisons, les perturbations 
sont très rares pendant l'hiver, de novembre à 
mars; puis leur fréquence croit d'avril jusqu’en 
août, pour diminuer ensuite. 

Chaque jour, on observe généralement un mini- 
mum aux heures matinales. 

Si des nuages orageux se trouvent au-dessus de 
l'antenne, la fréquence des perturbations croit, 
pour reprendre sa valeur normale après l’éloigne- 
ment des nuages. Cependant, dans les journées très 
chaudes, même en l'absence de nuages, la fré- 
quence des perturbations peut être relativement 
grande; mais les variations de fréquence sont 
moins brusques et moins changeantes que les jours 
de nuages orageux. D'une manière générale, 
M. Mosler put établir que la fréquence des pertur- 
bations varie, toutes choses égales d’ailleurs, dans 
le même rapport que le potentiel électrique de 
l’atmosphère ; elles sont dues à des phénomènes 
d'influence électrostatique et se manifestent au 
moment où les charges électriques de l'atmosphère 
viennent à s’égaliser brusquement, quoique en 
l'absence de tout éclair visible. 

Les éclairs, eux aussi bien entendu, produisent 
des sons dans les téléphones récepteurs, bruits 
bien caractérisés qui se distinguent nettement des 
bourdonnements et des craquements dus aux 


COSMOS 703 


décharges atmosphériques invisibles mentionnées 
plus haut. Mais la portée des ondes électro-magné- 
tiques engendrées par les éclairs n'est pas très 
grande, étant donnés leur faible durée et leur rapide 
amortissement. Ainsi, le 23 mars 1942, quoique 
un orage eut éclaté à 200 kilomètres seulement, 
M. Mosler n'observa pas de perturbations intenses 
ni fréquentes. L'intensité des bruits parasites dus 
aux éclairs va en décroissant rapidement avec la 
distance; aussi est-il aisé de se rendre compte que 
l'orage va en se rapprochant ou, inversement, en 
s'éloignant. 

La grèle et la neige, en touchant les antennes, y 
abandonnent des charges électriques. Cet effet, 
comme généralement celui des autres causes per- 
turbatrices, est surtout sensible sur les antennes 
très développées en hauteur et en surface. Les 
antennes terrestres (par exemple celle que M. Mos- 
ler établit au moyen de 2 fils de 150 mètres posés 
par terre sur un champ sec) sont peu sensibles 
aux perturbations : par temps assez couvert avec 
tendance à l’orage, l’auteur compte 24 perturba- 
tions par minute sur son antenne aérienne de 
18 mètres de hauteur, mentionnée ci-dessus, et 
47 seulement sur l’antenne terrestre. 

La fréquence des perturbations croit nettement 
avec la longueur d'ondes de l'antenne réceptrice, 
à peu près dans les rapporls suivants: 


LONGUEURS D'ONDES. FRÉQUENCES RELATIVES 


MÈTRES, des perturbations. 
5100 4 

1 900 10 

2 000 16 

3 000 19 


INDUSTRIE 


Production directe du gaz dans les houil- 
lères (Bulletin de la Sorivté des ingénieurs civils, 
octobre 4912). — A la récente exposition relative 
à la prévention de la fumée, tenue à Agricultural- 
Hall, à Londres, sir William Ramsay, le savant si 
renommé, fit connaitre pour la première fois ses 
idées sur la production directe du gaz aux houil- 
lères. Ces idées sont, comme on verra, bien hardies 
et, n'était la réputation universelle de leur auteur, 
pourraient passer pour une pure rèverte. 

Sir William a une longue habitude de la mani- 
pulation des gaz sur la plus pelite comme la plus 
grande échelle, rien n'est plus facile que cette 
manipulation; le gaz révèle toujours sa présence 
et peut ètre conduit par des tuyaux appropriés où 
on veut et en telle quantité qu'on le désire. 

On sait que pour l'exploitation des mines de sel 
gemmae, on envoie sous terre de l'eau qui dissout la 
roche saline et qu'on ramène à la surface sous forme 
de saumure; il ne parait ètre donc pas diflicile de 
décomposer le charbon souterrain et d'en faire du 
gaz qu'on aménera à la surface pour l'utiliser de la 


70% 


manière convenable pour le chauffage, l'éclairage 
ou la force motrice. Pourquoi, au lieu d'amener à 
grands frais le charbon aux cornues et aux fours 
placés loin des mines, ne mettrait-on pas ces appa- 
reils au fond des houillères, ou plutôt ne ferait-on pas 
de ces houillères de vastes appareils de distillation? 
Le gaz ainsi produit pourrait, par exemple, être 
employé dans des moteurs qui sont les producteurs 
de force les plus économiques qui existent, donnent 
30 pour 400 de l'énergie contenue dans le charbon, 
c'est-à-dire le double de ce que donnent les 
machines à vapeur; les moteurs actionneraient 
des générateurs d'électricité dont le courant serait 
envoyé sous des tensions élevées à de très grandes 
distances. 

Sir William Ramsay ajoute qu’il aurait pris des 
arrangements avec un propriétaire de charbonnage 
qui le mettrait à même, à une date rapprochée, 
d'entreprendre les essais nécessaires pour vérifier 
la justesse de ses idées. 

Les avantages à réaliser par ce procédé seraient 
les suivants : 

Production du courant électrique pour les che- 
mins de fer et l'industrie à un prix descendant au 
cinquième et peut-être au dixième du prix actuel; 

Electrification générale des chemins de fer et 
alimentation des usines en électricité au lieu de 
charbon; | 

Eclairage et chauffage domestiques à un prix 
ne constituant qu'une fraction des prix actuels; 

Réduction de la consommation des combustibles 
qui prolongera d’une manière presque indéfinie la 
durée des gisements houillers; 

Suppression presque complète d’une main- 
d'œuvre toujours plus ou moins dangereuse. 

Dans une récente interwiew, Sir William a dit que 
les essais qu'il a en vue pendant quelques mois, il 
compte les exécuter sur une couche de bouille de 
très faible valeur placée aussi près que possible de 
la surface du sol pour réduire la dépense. 

Pour atteindre cette couche, on fera un sondage 
qui n'a pas besoin d'avoir plus de 0,45 m de dia- 
mètre, dans lequel on descendra un tube de 0,15 m 
de diamètre pour le vider d’eau; ce sondage indi- 
quera la nature des diverses couches de terrain 
traversés. 

À l’intérieur du tube dont nous venons de parler, 
on placera deux autres tubes logés lun dans 
l'autre: le plus petit servira à l'extraction de l'eau, 
et le plus grand à introduire de l'air, de la vapeur 
ou même de faibles quantités d'eau servant à la 
combustion du charbon. L'allumage se fera farile- 
ment, par exemple au moyen dun fil électrique 
qu’on introduira ct qu'on retirera ensuite. Rien de 
tout cela ne parait présenter de sérieuses diffi- 
cultés. 

On pourra ainsi utiliser des gisements de char- 
bon qui ne valent pas actuellement la peine d'être 


COSMOS 


26 DÉCEMBRE 1912 


exploités; on brülera le comhustible sur place au 
lieu de l’extraire. On peut s'attendre à diverses 
objections; les propriétaires de houillères diront, 
par exemple, que cela consiste à mettre le feu eux 
mines; si le charbon brüle intérieurement, le sol 
s’affaissera, etc. 

On peut répondre que la même chose se produit 
dans les salines, l'effet est graduel et on l’accepte 
tout naturellement. Il ne s'agit pas, d'ailleurs, de 
supprimer les houillères, mais de les ménager 
comme des réserves; d'ailleurs, il faudra toujours 
du charbon; la marine en a besoin et on ne peut, 
pour cette immense application, recourir quant à 
présent à l'électricité produite dans les houillères. 

Interrogé sur le point de savoir si les gaz pro- 
duits dans ce système pourraient être utilisés 
autrement que pour aclionner des moteurs à com- 
bustion interne, sir William a répondu que c'était 
une question de prix. On ne peut pas conduire le 
gaz très loin à cause de la dépense relative aux 
conduites. Si la distance est modérée, 13 kilo- 
mètres par exemple, il y a intérêt à poser une 
canalisation. Autrement, le plus avantageux est de 
produire du courant électrique et de le distribuer. 
Avec de hautes tensions, le prix pourra ètre réduit 
à un centime pour l'unité qui coùte actuellement 
10 centimes, et 40 s'il s'agit d'éclairage. 

On pourra électrifier tous les chemins de fer à la 
fois et fournir de la force à toutes les usines. Les 
conséquences de cette révolution sont incalculables; 
le fait qu'on pourra réduire au dixième, mettons 
seulement au cinquième du prix actuel, le coût de 
la force motrice, entrainera un développement 
extraordinaire et un abaissement du prix de 
revient. 

Un autre avantage non moins important de la 
conversion directe de charbon en gaz et en élec- 
tricité est l'énorme économie de combustible. Sir 
William Ramsay a établi dernièrement que dans 
cent soixante-quinze ans les réserves de houille de 
la Grande-Bretagne seront bien près d’être entière- 
ment épuisées. Si on tient compte à titre de réserves 
des gisements non encore exploités, réserves peut- 
ètre un peu douteuses, on pourra poser comme 
limite extrème le chiffre de deux cent cinquante 
ans. La nouvelle méthode d'emploi du charbon 
reculerait l'échéance fatale dans des limites très 
étendues. 

On peut dire en passant que la production à ce 
prix extrèmement réduit du courant électrique 
pourrait amener une révolution dans les procédés 
de chauffage domestique en permettant d'employer 
les tapis traversés par des conducteurs d’électri- 
cité pour le chauffage des appartements. 

Il serait prématuré d'émettre dès à présent un 
avis sur la valeur du procédé préconisé par sir 
William Ramsay, surtout s’il doit être prochaine- 
ment l’objet d’un essai sur une échelle pratique. 


N° 1:57 


La question est évidemment du plus haut intérêt 
pour tous les pays où la production de la houille 
s'allie à un grand développement industriel. 


A propos d’un procédé de clarification des 
eaux. — On se souvient du procédé de traitement 
des eaux dures et chargées de sels, appelé lumi- 
nator, qui consistait à faire couler simplement les 
eaux sur une plaque d'aluminium ondulée exposée 
à la lumière. Nous lisons dans le Journal of the 
Franklin Institute (novembre) que M. H.-B. Lake 
a expérimenté le procédé dans des conditions 
diverses, variant la forme de la plaque d'alumi- 
nium (plaques à section en V, tubes), ainsi que les 
conditions d'éclairage, en déterminant chaque fois 
la dureté de l’eau, la teneur en sels solubles et 
insolubles avant et après le traitement de l'eau. 
L'auteur conclut que le procédé n’a point d'eftica- 
cité bien marquée en ce qui concerne la purifica- 
tion de l’eau. 


FROID ARTIFICIEL 


Les transports frigorifiques en France 
(Technique moderne, 15 déc.). — En France, les 
transports de denrées procurent aux chemins de 
fer un trafic considérable en grande vitesse. 

Une communication de M. Bougault, au Congrès 
du froid de Toulouse, assigne à chacun des grands 
réseaux, pour l’année 1911, le tonnage suivant : 


ÉSE his ch 2 478 000 tonnes. 
États seau 20 232 000 
Me re care tr 139 000 
NOPE eena aN 85 000 
Paris-Orléans...........,.. 159 000 
Paris-Lyon-Méditerranée ... 302 000 


1 29, 000 ‘onnes. 


Le transport en wagons frigorifiques ne repré- 
sente qu'une infime partie de ce trafic. Cependant, 
ce mode de transport a tendance à se développer, 
et le nombre de ces wagons va en augmentant. 

Actuellement, il existe en France 360 wagons 
frigorifiques : 33 circulent sur le réseau de l’admi- 
nistration des chemins de fer de l'Etat qui en est 
propriétaire; 327 circulent sur les divers réseaux 
pour le compte de Sociétés ou de particuliers. 

211 wagons sont affectés aux transports des 
viandes, beurres, poissons, volailles, fruits et pri- 
meurs, savoir : 

33 wagons appartenant aux chemins de fer de 
l'Etat; le public peut demander le transport dans 
ces wagons, en payant une taxe supplémentaire 
(10 pour 100 du prix du transport): 

478 wagons appartenant, les uns (la presque 
totalité) à trois Sociétés francaises de transports 
en wagons frigorifiques qui les mettent à la dispo- 
sition du commerce, soit en location, soit contre 
paiement d’un supplément de taxe: quelques autres 
appartiennent à des expéditeurs de produits de 
laiterie. 


COSMOS 


705 


449 wagons glacières appartenant aux grandes 
brasseries existant dans les départements des 
Vosges, du Doubs, de Seine-et-Marne, des Bouches- 
du-Rhône, sont affectés au transport des bières. 

La réfrigéralion est produite par de la glace 
placée dans des bacs, à l'intérieur des wagons. 
25 wagons, appartenant à l’une des Sociétés en 
question, sont munis d'appareils produisant le 
froid à l’aide d'un gaz liquétié, dont on utilise la 
chaleur latente de vaporisation; ces appareils com- 
prennent: un compresseur actionné par l'essieu du 
wagon à l’aide d’une courroie, un faisceau réfrigé- 
rant placé dans l’intérieur du wagon et un conden- 
seur supporté par le châssis, le tout fonctionnant 
automatiquement. 

D'après les renseignements recueillis, il semble 
que l’on puisse évaluer à 8 000 ou 10 000 tonnes le 
tonnage annuel approximatif des produits (laite- 
rie, viandes, volailles mortes, fruits et primeurs) 
transportés en wagons frigorifiques sur les grands 
réseaux français. 


AÉRONAUTIQUE 


Altitude atteinte par un ballon-sonde. — lUn 
ballon-sonde, lancé par l'Observatoire de Pavie, 
s'est élevé à la hauteur de 37 000 mètres, battant 
les records établis à ce jour pour ce genre d’ascen- 
sion. 

En effet, la plus grande hauteur atteinte jusqu'ici 
par un ballon-sonde avait élé enregistrée le 41°" sep- 
tembre 1910 à Huron (South Dakota); elle était de 
30,4km.(Voir Cosmos, t. LAVI, n° 1411, 8 févr. 1912, 
p. 141.) 


De Tunisie en Sicile en aéroplane. — Mer- 
credi 48 décembre, l’aviateur Garros, qui vient de 
gagner le record de l'altitude en aéroplane, a quitté 
Tunis vers 10 heures du matin, se dirigeant vers 
la Sicile. Des torpilleurs francais et italiens jalon- 
naient la route. L'aviateur a effectué la traversée 
en deux heures environ et a atterri à Marsala. 

La distance parrouvue au-dessus de la mer est 
de 240 kilomètres environ. 

Après avoir déjeuné, il reprit sa route vers Tra- 
pani; il v est arrivé à 2"20™. Continuant son 
voyage, les 2{ et 22 décembre, l’aviateur a gagné 
l'Italie, a suivi le rivage de la Calabre, et a terinine 
son voyage à Rome, où il a atterri le 22 à 225% 
de l'après-midi. 


VARIA 


Notre brochure. — Les articles de notre savant 
collaborateur le D? Pierre Corret sur la télégra- 
phie sans fil pratique, publiés dans une série de 
numéros du Cosmos, ont été tellement demandés 
que nous avons du renoncer à les fournir pour ne 
pas épuiser nos collections. Nous avons donc résolu 
de les réunir en une brochure pour donner satis- 
faction à nos correspondants. 


106 


Nous sommes heureux d'annoncer que cette bro- 


chure sera mise en vente aux bureaux de la Maison 


de la Bonne Presse, $, rue Bayard. à partir du 
4° janvier 4943, au prix de 4 franc (1,10 fr franco). 


Le carat décimal. — La France a adopté 
le carat métrique de 200 milligrammes, valeur 
se rapprochant de celles adoptées de différents 


COSMOS 


26 DÉCEMBRE 1919 


côtés, et dont les divergences n'étaient pas sans 
causer beaucoup de troubles, quelques-uns voulus, 
a-t-on dit quelquefois (1). Voici que les joailliers des 
États-Unis viennent d'adopter le carat métrique, et 
se proposent d'obtenir de la législation qu'il ait 
désormais, sur le territoire de l'Union, une exis- 
tence légale et obligatoire. C'est un grand point 
gagné pour la cause décimale. 





Un chemin de fer minier aérien. 


Nos lecteurs savent les services que les chemins 
de fer aériens rendent dans les pays de montagne, 
notamment pour l’exploitation des mines situées 
à grande altitude. En Espagne, depuis un certain 
temps déjà, les câbles aériens sont mis à contri- 


`~ 
Station d' RA Pr "w 


oai 


Ld 
Ü 
4 

{L 

o 








bution de façon courante pour transporter jusqu’au 
point d'utilisation les richesses minières. Il y a 
pour cela des raisons nombreuses. D'abord le sol 
de l'Espagne est très mouvementé, particulière- 
ment dans les régions où se rencontrent des mine- 
rais; d'aulre part, les voies ferrées, qui sont fort 
difficiles à établir, ne seraient pas rémunératriees 





PL i I AN TES 
“SPP  ! l i l N 

1 | 1 l i RS Station dangle 

| t l H s z, 

i ! 4 4 | i 3 Deea "RE 

I l $ t $ 2 RES O PE s 
i i b i à £ ! | A 

| l t l B i P l | À >" .v 

i l i i i l i l MaE: A RKA 
l { e D i i i I l t v-r r Saijan ~ 
i i i è } i j i | IE ce 
t t l ° I i i i l | MARR PEON 

t l i l l ] l l i l l l T ilzca- 2 Re 

l l i l ! ! t t l | N l ! i Méta 

hu 2h 

en 5, 10 a e 40 ao to w ao me no "o ras ue m ao ae 









PROFIL EN LONG DE LA LIGNE AÉRIENNF. 


si elles ne servaient qu’au transport de ces minerais. 
On sait d’ailleurs que le réseau ferré de l'Espagne 
est encore assez peu serré. Enfin, les routes elles- 
mêmessont peu abondantes et assez malentretenues. 

Récemment, une grande usine de construction de 
câbles porteurs, qui s’est fait une spécialité en la 
matière, la maison Bleichert, de Leipzig-Gohlis, 
vient d'établir une nouvelle voie aérienne qui a 
un intérêt particulier. Elle a été construite pour le 
compte de la Sociélé anonyme des mines Del 
Tessurero, qui a son siège à Madrid. Tesserero est 
situé dans la province de Grenade. Cette exploila- 
tion minière comporte dès maintenant une série 
de puits qui se trouvent à plus de 15 kilomètres 
de Hijate, ville desservie par la ligne de chemin 
de fer de Lorca Majale. Entre le lieu d'extraction 
et Hijate, il y a une différence de niveau de 
3» mètres. De plus, comme on peut le voir sur 
notre schéma (fig. 1), le chemin que l’on a dù 
suivre n’est nullement régulier, et l’on rencontre 
en un certain point, vers le milieu du parcours, 
un ressaut considérable du sol qui a compliqué 
l'établissement de la ligne. Celle-ci a été construite 
en deux troncons, avec station de chargement à 
la mine, station de déchargement à la gare de 
Iijate, et une station dite d'angle à une distance 
de 7,5 km de la station de départ. 


Pour atteindre la station de chargement, les 
minerais sont transportés sur des voies étroites 
qui arrivent au-dessus d’une trémie dans laquelle 
les wagonnets miniers sont culbutés. Cette trémie 
permet ensuite de répartir le minerai dans les 
wagonnets de la voie aérienne. Celle-ci comporte 
en réalité deux câbles, mais un seul, celui du 
haut, qui est câble porteur, forme la voie propre- 
ment dite, tandis qu'’au-dessous se trouve le câble 
tracteur, sur lequel les wagonnets s'accrochent, 
grâce à un dispositif de pinces placé en contre-bas 
des galets de roulement. Ce dispositif possède 
deux mâchoires qui viennent pincer le cäble trac- 
teur, uniquement sous l'effet du poids propre du 
wagonnet chargé. L'énergie du serrage ainsi obtenu 
permet de franchir les montées les plus raides, 
avec la charge la plus lourde. Pendant la marche, 
il est impossible que la pince se relâche et que le 
wagonnet demeure en place. Il existe néanmoins, 
entre les deux mâchoires de la pince, un jeu suffi- 
sant pour que cette pince puisse s'adapter à des 
câbles de diamètres différents. C’est là un dispo- 


(i) Le carat a encore des valeurs différentes; ceux 
de nos lecteurs qui désirent se renseigner sur cette 
curieuse question pourront consulter la collection du 
Cosmos où elle a été trailée très complètement (Voir 
t. LIV, p. 59, 113, t. LXIV, p. 32 et t. LXV, p. 415). 


N° 1457 


sitif fort ingénieux, car il a fallu établir des 
câbles tracteurs de diamètres différents suivant les 
parties de la ligne. 

Pour le passage de ce que nous avons appelé la 
station d'angle, et où la ligne remonte pour redes- 
cendre ensuite, les wagonnets arrivant à l'entrée 
de la stalion sont reçus par un ouvrier qui les 


t= 
C] 
AT 


Pd 
SAA 


c 


ge 


9 


N 





COSMOS 


707 


pousse à Ja main sur un court tronçon de rails 
suspendus. Le système automatique de la pince 
permet de passer facilement par celte station, 
étant donné que le désaccouplement des wagonnets 
d'avec le câble, au moment de l'entrée, et le réac- 
couplement au moment de la sortie, se font auto- 
maliquement, sans surveillance. C’est qu'en effet 


UNE SECTION DU CHEMIN DE FER MINIER AÉRIEN. 


le petit ehariot de chaque wagonnet porte latéra- 
lement un galet supplémentaire, qui vient passer 
sur des rails secondaires disposés dans les stations, 
rails présentant une courte montée à l'entrée et une 
courte descente à la sortie de la station. La montée 
du galet sur le rail a pour effet de soulever la 
charge qui assurait le coincement des mâchoires 


sur le câble, et la descente, au contraire, a pour 
résultat de laisser la charge venir assurer de nou- 
veau le coincement et l’action de la prise sur le 
câble. Ce même dispositif servira tout aussi bien 
dans la station de chargement que dans celle de 
déchargement; le wagonnet devient indépendant 
du câble, et on peut le pousser à bras sur une 


708 


voie d'évitement. Il s’accouplera ensuite de lui- 
même au câble tracteur, quand on l'aura ramené 
au point voulu pour son départ. 

Les câbles porteurs ont 31 ou 22 millimètres de 
diamètre, suivant qu'il s’agit de wagonnets pleins ou 
de wagonnets vides, car il y a, bien entendu, une 
voie de retour. Les deux voies sont distantes de 
2,5 m l’une de l’autre. La longueur de cette ligne 
aérienne a nécessité l’emploi de 148 pylônes, qui 
servent à la fois pour les deux voies. On rencontre 
d’ailleurs des portées de 613 mètres et de 672 mètres 
au sixième et au neuvième kilomètres. Des dispo- 
sitifs tendeurs de câbles ont été installés aux deux 
stations terminales, et, sur chaque tronçon, on a 
posé également une double station tendeuse, que 
les wagonnets franchissent sans aucune surveil- 
lance ni difficulté. A la station d'angle, on dispose 
d'une machinerie fournissant une puissance de 
417 chevaux pour la traction sur le premier tronçon 


COSMOS 


26 DÉCEMBRE 1942 


de la voie aérienne. Sur le second tronçon, on se 
trouve au contraire avoir un excédent d'énergie 
d'environ 30 chevaux, par suite de l’inclinaison 
suivie. Aussi a-t-il fallu installer un régulateur 
hydraulique, relié au treuil de commande, et 
compensant l'excédent d'énergie tout en régulari- 
sant la vitesse de déplacement du câble tracteur. 

Avant de finir, donnons quelques chiffres sur le 
débit de cette ligne, débit qui varie suivant la 
nature des minerais et leur degré d'humidité. 

Avec le minerai le plus lourd, le débit maximum 
est de 40 tonnes par heure; avec le minerai le 
plus léger, ce débit descend jusqu'à 31,5. Les 
wagonnets aériens marchent à la vitesse de 2,5 m 
par seconde, et, dans l’ensemble, cette installation 
rend déjà des services signalés. 


DANIEL BELLET, 
prof. à l'École des sciences politiques. 


r 





Le rôle magnétique des océans 


et la constitution de l’écorce terrestre !!). 


Dans un original et remarquable travail publié 
en i890, M. H. Wilde a décrit un appareil, qu'il a 
appelé le Hagnetarium et qui reproduit la distri- 
bution du magnétisme terrestre à la surface du 
globe terrestre. Le principe de cet appareil con- 
siste à se représenter le magnétisme reel de la 
Terre comme résultant de la combinaison de deux 
actions : celle du noyau central et celle de l’enve- 
loppe extérieure, c'est-à-dire de l'écorce propre- 
ment dite. . 

Pour faire agir deux forces correspondant à ces 
deux actions, M. H. Wilde a réalisé deux systèmes 
concentriques, mobiles autour d'axes inclinés lun 
sur l’autre d'un angle de 23°,5 et mis en rotation 
avec des \itesses inégales par une manivelle motrice 
unique. Chaque sphère est recouverte d’une couche 
de spires de tils conducteurs, formant ainsi une 
bobine sphérique, et joue le role d'un aimant per- 
manent quand le fil est parcouru par un courant. 
A la surface de la sphère extérieure sont collés les 
‘useaux qui figurent les terres et les mers du globe 
et donnent à l'instrument l'aspect classique d’une 
mappemonde. À laide d'une petite boussole de 
déclinaison, on peut déterminer, en chaque point 
de cetle mappemonde, la valeur actuelle de la 
déclinaison, et, en faisant {ourner convenablement 
la manivelle motrice, on peut, étant donnée l'iné- 
galité des vitesses angulaires qu'elle communique 
aux axes des deux sphères concentriques, espérer 
reproduire les variations de cet élément, non plus 
seulement dans l'espace, mais dans le temps. 

(1) Comptes rendus (2 décembre 1112). 


Les déterminations, faites sur l’instrument ainsi 
conçu et compris, ne reproduisirent que très im- 
parfaitement les particularités de la distribution 
du magnétisme terrestre. M. H. Wilde eut alors 
l'idée de recouvrir de feuilles de tèle les parties 
de la mappemonde correspondant aux surfaces des 
océans; à partir de ce moment, le résultat fut 
aussi prodigieux qu'inattendu. Non seulement, 
grâce au décalage des rotations, les variations 
séculaires de la déclinaison furent reproduites 
fidèlement pour les trois stations de Londres, 
Sainte-Hélène et Capetown, mais encore la distri- 
bution actuelle et sì capricieuse des isogones fut 
retrouvée avec tous ses détails, y compris les 
inflexions des isogones zéro, y compris l’ovale de 
déclinaison nulle de la Sibérie orientale et la courbe 
fermée de déclinaison minima à l’est du Paci- 
fique. Une reproduction si fidèle d’un phénomène 
naturel si complexe est un fait absolument remar- 
quable et qui ne permet pas de négliger les con- 
sidérations qui ont permis de la réaliser. 

Toutefois, on peut se demander à quoi corres- 
pond ce « rôle magnétique » joué par les océans, 
et qui semble inexplicable au premier abord. 
L'eau des mers n’a, en effet, pas de propriétés 
magnétiques, et il semble difficile de comprendre 


l'équivalence des masses océaniques avec celles 


d'immenses plaques de fer d’égale étendue. 

J'ai pensé qu'on pourrait expliquer ce fait si 
curieux en rapprochant des expériences de H. Wilde 
la si belle théorie de l'écorce terrestre suggérée il 
y a un demi-siècle par Airy, reprise par Pratt et 


N° 1457 


formulée récemment sous une forme précise par 
M. Gabriel Lippmann (4). 

M. Lippmann suppose que l'écorce terrestre ne 
s’est solidifiée que par morceaux, chacun de ces 
morceaux étant analogue aux « scories » qui 
prennent naissance à la surface d'un bain de métal 
fondu, et flottant à la surface du magma terrestre 
encore liquide. Peu à peu, les scories se sont sou- 
dées les unes aux autres pour donner naissance à 
cette « marqueterie » qui constitue l'écorce, comme 
l'a si heureusement figuré de Lapparent. Mais 
chaque morceau, alors qu'il flottait seul, était une 
sorte de radeau, soumis à la loi de la poussée 
archimédienne. Si l’un de ces radeaux supportait 
une forte masse, devant devenir plus tard un con- 
tinent, il devait avoir un « tirant d’eau » plus fort, 
et l’on conçoit que le radeau, portant ce qui devait 
ètre plus tard l’Himalaya, dut plonger plus profon- 
dément que celui qui portait la charge beaucoup 
plus faible d'un océan. L’écorce terrestre, d'après 
M. Lippmann, doit donc être plus mince sous les 
océans que sous les continents, où elle sera plus 
épaisse. 

D'autre part, on sait que les éléments qui consti- 
tuent le noyau interne sont fortement magnétiques. 
Dès lors, si l’on explique, à l’aide de la théorie de 
M. Lippmann, les inégalités d'épaisseur de l'écorce 
terrestre, on voit que, sous les océans, se trouvera 
une épaisseur supplémentaire de matières magné- 
tiques, par rapport à une surface parallèle au 
géoide et rencontrant toutes les saillies inférieures 
de l'écorce correspondant aux parties immergées 
des fragments initiaux supportant les continents. 

Une telle surface est figurée par un trait poin- 


COSMOS 709 


tillé sur le schéma ci-joint, et les masses magné- 
tiques supplémentaires, correspondant aux plaques 
de tôle du magnetarium, se voient en A, B,C: 
elles sont donc appliquées sous les surfaces océa- 
niques, et leur présence contre les surfaces des 
mers en explique ainsi simplement le rôle magné- 





tique, mis en évidence d’une facon si inattendue par 
l'appareil de M. H. Wilde. 

Remarquons que cette faiblesse de l'écorce au- 
dessous des mers explique fort bien l'abondance 
des volcans dans les grandes aires océaniques et 
concorde avec la notion tétraédrique de l'écorce 
terrestre, dont les faces submergees figurent les 
dépressions où se sont logces les eaux. 

ALPHONSE BERGET. 





Le laboratoire d’une sucrerie. 


On croit parfois que les laboratoires annexés 
maintenant à la plupart des usines de produits chi- 
miques, de matières alimentaires, de métallurgie, 
sont uniquement destinés à faire des recherches 
pour perfectionner les procédés de fabrication. On 
s'imagine parfois aussi que le laboratoire industriel 
est une sorte de luxe que se paye le gros fabricant 
et qui ne sert pas à grand’chose..... La réalité est 
différente : le laboratoire industriel est, à quelques 
exceptions près, un instrument de contròle, con- 
tròle absolument indispensable tant pour les trans- 
actions : achat de matières premières, vente de 
produits manufacturés, que pour le contrôle de la 
fabrication. C’est ce que nous permettra de montrer 


(4) G. Lippuanx, Sur la distribution de la matière à 
la surface de la Terre (Comptes rendus, t. CXXXVI, 
18 mai 1903, p. 4172 et 1173). 


la description de l'installation et du role des labo- 
ratoires qu’on trouve dans chaque sucrerie. 

On ne conçoit pas un épicier sans balance. A 
plus forte raison un industriel ne peut-il se passer 
d'instruments de mesure. Or, si connaitre le 
poids brut du charbon, de la betterave qu'achète 
l'industriel est évideminent indispensable ; con- 
naitre le poids net réel de matière utilisable l’est 
au moins aulant. Si, au lieu de livrer 4 000 tonnes 
de houille à 410 pour 100 de cendres et 2 pour 100 
d'humidité, le marchand donne le mème poids de 
matière contenant 15 pour 400 de cendres et 4 pour 
400 d’eau, c'est absolument comme s'il donnait 
plus de 70 tonnes en moins, Il est donc nécessaire 
d’analvser les diverses matières premières. En. ce 
qui concerne la betterave, qu’on achète pour le 
sucre qu'elle renferme, cela est bien plus indis- 
pensable encore : car, selon la variété de graine 


710 


employée et la nature des soins culturaux, le cul- 
tivateur peut à volonté obtenir un gros poids de 
racines pauvres en sucre ou un poids plus faible 
de betteraves riches. Si on ne vérifiait pas la 
teneur, il vendrait uniquement de la betterave 
pauvre et lourde! 

Aussi les betteraves sont-elles toujours achetées 
d'autant plus cher qu'elles contiennent plus de 





F1G. 1. — DÉTAIL DE LA RAPE. 


Coupe et profil. 


sucre. À la réception on prélève quelques racines 
dans la voiture ou le wagon, on les nettoie, et on 
les soumet à l’action d’une râpe (fig. 1) qui déchire 
en pulpe fine le tissu végétal, en formant dans la 
racine soit un trou, soit une fente-secteur. Il suffit 
de placer cette pulpe dans une serviette de tissu 
spécial, puis de soumettre le cachet à une forte 
pression (fig. 2) pour recueillir le jus sucré de la 
betterave. Comme ce liquide est d'autant plus 
dense qu'il est plus sucré, on peut aisément déter- 
miner la richesse approchée de la betterave en 
prenant la densité par plongée d’un aréomètre. 

Ce procédé, très souvent seul employé en pra- 
tique pour contrôler les petites livraisons, n'est 
toutefois pas très exact. Outre le sucre, le jus con- 
tient, en effet, plus ou moins de matières denses : 
sels, matières albuminoïdes, impuretés diverses, 
qui faussent les indications de l’aréomètre spécial 
ou saccharomètre employé en sucrerie. Aussi les 
dosages véritables du sucre se font-ils par une 
autre méthode. Le jus de pression — ou le résultat 
de l'épuisement à l'eau d’un poids de râpure — 
est additionné d'une solution de sous-acétate de 
plomb qui précipite les matières pectiques, si bien 
qu'on obtient facilement, en filtrant, un jus très 
clair. Toutes les manipulations se font en fioles 
jaugées et accessoires usuels des laboratoires 
(fig. 3). Finalement, le liquide est placé dans un 


long tube fermé aux deux extrémités par des ga-! 


lets de verre, après quoi on place le tube dans un 
« saccharimètre », appareil de précision coùtant 
plusieurs centaines de francs et permettant de 
faire traverser le liquide par un rayon de lumière 
polarisée, laquelle est déviée par les solutions 
sucrées proportionnellement au saccharose qu'elles 
contiennent. En regardant dans l'oculaire de 
l'appareil, avant mise en place du tube, on voit 


COSMOS 


26 DÉCEMBRE 1912 


deux « plages » également teintées ; dès que le tube 
est posé, une des plages fonce, et il faut, pour 
rétablir l'équilibre, tourner un bouton molleté qui 
provoque le jeu d'un compensateur neutralisant la 
déviation due au sucre : le degré de déplacement 
du dispositif, mesuré par lecture au vernier sur 
une échelle graduée, indique directement ou après 
calcul très simple la quantité de saccharose ou 
sucre cristallisable que contient le liquide. 

Connaissant de la sorte — au moyen d'analyses 
faites régulièrement plusieurs fois chaque jour — 
la teneur en sucre des betteraves, il est facile de 
calculer, d’après le poids de matières mises en 
œuvre, la quantité de sucre entré en fabrication. 
Des pesées et des dosages faits de même sur les 
matières fabriquées, sucres blancs et roux, mélasse, 
permettront de chiffrer le sucre sorti : on peut 
établir ainsi la comptabilité technique de fabrica- 
tion, le bilan étant complété par indication des 
différentes pertes faites au cours de la fabrication. 
On examine, en effet, au saccharimètre, après con- 
venable préparation, les divers résidus de fabrica- 
tion : « pulpes » presque épuisées qui servent à 
nourrir les bestiaux, « écumes » précipitées dans 
le jus pour l’épurer par combinaison de la chaux 
et du gaz carbonique. 

Ce contrôle des pertes diverses est d'autant plus 





F1G. 2. — PRESSE. 


nécessaire qu'industriellement la moindre imper- 
fection de travail produit une perte notable : 
qu’une sucrerie moyenne laisse 0,4 pour 1400 de 
sucre dans les pulpes résiduelles au lieu de 0,2 pour 
100, et voici, en fin de campagne, 200 000 kilo- 
grammes de sucre absolument perdus, le résidu 
étant vendu le même prix, qu’il soit riche ou non. 

Ainsi lé chimiste surveille indirectement, mais 


N° 1457 


sûrement, les ouvriers, qui doivent travailler de 
manière à laisser le moins de sucre possible dans 
tous les résidus. 

En outre, et pour compléter ce rôle, on n'assure 
pas seulement au laboratoire le contrôle des divers 
traitements de la sucrerie : il permet leur accom- 
plissement régulier en vérifiant la qualité des 
divers agents mis en œuvre. 

Le lait de chaux est pesé à l’aréomètre et on 
règle la quantité employée d’après le titre; le gaz 
est mesuré dans une cloche graduée, puis agité 
avec une solution de soude et mesuré à nouveau; 
la différence des volumes indique la quantité de gaz 
carbonique qu'il contient. On détermine le point 
convenable où doivent être arrètées la carbonata- 
tion, ia sulfitation des jus en mesurant un volume 
exact, puis ajoutant un peu d’un « indicateur », puis 
peu à peu, une liqueur « Litrée » acide coulant d'une 
burette mesurée : quand la teinte change, l’alcali- 
nité est neutralisée ; son intensité est fonction du 
nombre de centimètres cubes qu'on vient de verser. 

Dans les laboratoires de sucreries moyennes, il 
n'y a d'ordinaire qu'un chimiste, souvent secondé 
d’un aide qui fait le travail de nuit. La percée des 
betteraves, le prélèvement des échantillons, tout 
cela est fait par deux ou trois gamins convena- 
blement dressés. Si l'un d'eux est sérieux et soi- 
gneux, on peut même parfois lui confier un peu de 
besogne analytique. Somme toute, les essais chi- 
miques ne sont guère que des sortes de petites cui- 
sines, particulièrement minutieuses et compliquées. 

Outre la besogne en quelque sorte normale, 
essentielle, on fait au laboratoire, surtout pour 
occuper les loisirs de l'été — saison où les sucre- 
ries sont en complète inactivité, — divers essais de 
tous genres : analyse de charbon, des huiles de 
graissage, du calcaire dont on s'approvisionne; 
essais germinatifs pour contròler la valeur des 
graines de betteraves, parfois observations météo- 
rologiques, qui, échangées entre toute les sucre- 
ries d’un pays, permettent de prévoir si la récolle 
de betteraves sera bonne ou mauvaise, partant 
quelles seront les variations du cours du sucre. 
Besognes, somme toute, faciles, bien que très 
minutieuses, et point n’est besoin d'être chimiste 
pour les faire, pas plus que l'arpenteur ne doit 
être géomètre au sens élevé du mot pour mesurer 


— 


COSMOS 





711 


un terrain. Toutefois, dans les laboratoires d'usines 
importantes, le travail n'est pas seulement un 
pur contrôle en quelque sorte machinal: on fait 
là vraiment de la chimie; essais en petit de 
nouvelles inventions industrielles, vérification 
des résullats donnés par quelque changement de 
marche, recherches pour expliquer certaines ano- 
malies, obvier à certains insuccès. Tout cela est 
de la science chimique. Comme, d’ailleurs, les 
petites sucreries ne peuvent guère s'offrir le luxe 





F1G. 3. — PRISE DE DENSITÉ DES JUS. 


d'un laboratoire bien installé et d’un personnel 
parfaitement qualifié pour faire avec toute garantie 
de valeur les études sur de nouveaux procédés, 
les travaux divers d'intérêt général; les Syndi- 
cats de fabricants français, allemands et autri- 
chiens ont créé des laboratoires centraux qui 
rendent à tous les plus grands services. La sucrerie 
est une industrie chimique; c’est du laboratoire 
que vinrent la plupart des progrès réalisés dans 
sa technique; il est absolument indispensable, 
pour la fabrication bien faite, de continuer à en 
utiliser sans cesse les enseignements et les travaux. 


H. ROUSSET. 


La configuration générale des chaînes de montagnes. 


Dans une étude antérieure sur la configuration 
des chaines de montagnes (Cosmos, 17 septembre 
1904, p. 355), nous avions fait remarquer que la 
chaine des Pyrénées, observée des hauteurs de 
Capvern (Hautes-Pyrénées), présente un aspect 
très caractéristique. Les points culminants de la 


chaine forment les sommets de triangles dont le 
còté Ouest est très étendu, tandis que le còté Est 
est, au contraire, plus restreint. 

Le côté Ouest sous-tend avec l’horizon un angle 
moyen de 5° environ, le côté Est forme un angle 
beaucoup plus ouvert de 45° environ. 


112 


Il semble donc que l’ensemble de chaque massif 
ait été rejeté pour la plus grande partie dans la 
direction Ouest. 

Nous donnions, comme explication possible de 
ce phénomène, l'entrainement provoqué par le 
mouvement de la Terre à l’époque où la masse 
granitique, se trouvant encore à l'état pâteux, 
avait pu subir l'influence de l'action rotative ter- 
restre. 

Nous ajoutions : « En est-il de mème pour les 
autres chaines de montagnes ou, au moins, pour 
celles qui sont orientées dans la direction Est- 
Ouest? L'observation en serait intéressante à 
faire. » 

Depuis cette époque, nous avons pu poursuivre nos 
observations, et nous sommes arrivé à cette conclu- 
sion intéressante que le phénomène précédent était 
d'ordre général, et qu'il affectait, non seulement 
tous les massifs montagneux sans exception, mais 
également les dunes de sable qui se forment sous 
l’action du vent, soit au Sahara, soit sur les còtes 
telles que celles du golfe de Gascogne. 

Nous avons eu, du reste, la bonne fortune de 
retrouver des observations analogues déjà faites 
antérieurement par un éminent météorologiste 
anglais : l'amiral Fitz-Roy, qui les a consignées 
dans un manuel pratique de météorologie. Cet 
observateur avait noté les particularités suivantes : 

« Nous croyons devoir appeler l'attention sur la 
conformation très remarquable que présentent cer- 
taines parties du globe; c’est une inclinaison 
douce et graduelle de bas en haut, de l'Est vers 


COSMOS 


26 DÉCEMBRE 1949 


l'Ouest, et une pente rapide et escarpée des som- 
mets, du còtlé de l'Ouest. Cette conformation, com- 
mune à une grande partie du monde accessible du 
côté de la mer, l’est beaucoup moins à l'intérieur 
des grands continents. La Norwège, la plus grande 
partie de l’Europe, l'Afrique et ses iles, les deux 
Amériques, les Galapagos, les îles élevées de la 
Polynésie, les chaines de l'Australie, de la Chine, 
et généralement toutes les côtes de l'Asie, vues de 
profil, du Sud au Nord, ont la forme du « Bec de 
» Portland » si familier à nos compatriotes. 

» C'est au physicien et au géologue qu'il faut 
demander l'explication de ce phénomène, que nous 
avons plus d’une fois remarqué et considéré avec 
un vif intérèt. La première fois, c'est en arrivant 
aux Galapagos. À la distance de quelques milles, 
toutes ces iles semblaient ètre autant de « Becs de 
» Portland », d'un profil parfaitement identique. 

» Les nombreuses recherches auxquelles nousnous 
sommes livré depuis cette époque (1836) nous ont 
convaincu qu’à l'exception des grandes chaines de 
montagnes, Est et Ouest, de l'intérieur des conti- 
nents, ou des iles continentales (telles que l’Aus- 
tralie et Bornéo), les chaines de montagnes courent 
en général Nord et Sud, et que leur section a la 
forme d'un coin dont la pointe est tournée vers 
l'Est. » 

En fait, la question que je posais en 1904 était 
déjà résolue en 1836 par l'amiral Fitz-Roy, mais 
comme elle parait ètre assez mal connue, il est 
utile de la signaler à nouveau à l'attention des géo- 
logues. A. Novo. 


a ee —— nn — — 


Les fourrures modernes et leur préparation. 


Quand l'hiver est venu, le beau sexe veut se 
parer de fourrures vraies ou fausses. La paysanne et 
la riche citadine, l’ouvrière et la bourgeoise aiment 
à compléter leur toilette par des manchons en zibe- 
line ou des tours de cou en chinchilla, des cravates 
enastrakan ouen hermine plus ou moins truquées. Si 
leurs moyens le leur permettent, elles achètent des 
manteaux de loutre et de petit-gris. Aussi, devant les 
exigences féminines croissantes, les fourreurs ont 
di singénier pour satisfaire leur clientèle et, les 
animaux sauvages ne suflisant plus, ils deman- 
dèrent à la toison des..... lapins de remplacer les 
martres et les renards bleus devenus de plus en 
plus rares. Si bien qu’artucllement la France trans- 
forme, chaque année, 24 millions de peaux de ces 
mammifères rongeurs en « loutres de Ménilmon- 
tant »! Cest ainsi quon nomme ironiquement, 
dans l'industrie de la pelleterie, les fourrures bon 
marche, presque toutes les usines d'où elles sortent 
se trouvant dans ce quartier de Paris. 

Assistons donc à ces curieuses métamorphoses. 


Le chiffonnier, qui a récolté les peaux une à une, 
les fait sécher en les retournant, puis les vend à 
un négociant qui les centralise par millions et qui, 
à son tour, les cédera à l’appréteur. Elles y 
arrivent sous un aspect peu séduisant : retournées, 
toutes raides, maculées de chair et de sang. On 
commence par les trier en écartant celles qui 
paraissent impropres à subir l'apprêt et qu’on 
emploie ultérieurement à d’autres usages, comme 
nous le verrons plus loin. 

Une fois trites, on met les bonnes peaux dans 
un bain d’eau salée pour les amollir; on les y foule 
quotidiennement en les plaçant chaque jour dans 
un bain de moins en moins concentré; on termine 
par de l'eau pure. On les ouvre ensuite au moyen 
de la fendeuse (lig. 1). Cette machine se compose 
d'une sorte de cône en fonte formé de deux par- 
ties : l'une fixe, l'autre mobile, qu’une crémaillère 
actionnée par un volant permet d'écarter de la 
premicre. L'ouvrier tend la peau enfilée sur le 
còne en imprimant une rotation à la roue, coupe 


Ne 1457 


la queue, les pattes et la tète, et la sectionne lon- 
gitudinalement avec un tranchet. 

Après le fendage, on trie encore les peaux et on 
écharne celles qu'on conserve pour l'apprêt, c'est- 
à-dire qu’on enlève toutes les portions de chair ou 
de graisse adhérentes et qu’on égalise leur surface 
à l'aide d’un couteau fixé verticalement sur un 
banc. On arrache ensuite à la main les poils follets 
qui se feutreraient ultérieurement. Arrive alors le 
foulonnage, V'opération la plus importante de la 
pelleterie. r 


COSMOS 


713 


‘Au préalable, on enduit les peaux d’une couche 
de dégras. On les introduit ensuite dans la machine 
à foulon (fig. 2). Comme la photographie le montre, 
cet appareil comprend une auge en bois dans 
laquelle les peaux se trouvent malaxées en tous 
sens, grâce aux mouvements alternatifs de deux 
maillets. Sous l'influence des chocs répétés et de 
la température modérée qu'on maintient dans le 
récipient, le corps gras s’infiltre dans les pores des 
peaux, qui sortent du foulon chamoisées et rendues 
imputrescibles. 





F1G. 1. — OUVERTURE DES PEAUX AU MOYEN DE LA FENDEUSE. 


Il s’agit de les dégraisser pour qu’elles puissent 
poursuivre la série de leurs transformations. On 
les place pour cela dans des grands tonneaux 
tournant sur des tourillons. Une ouverture pra- 
tiquée sur la circonférence de chacun de ces 
appareils permet l'introduction des peaux dans 
son intérieur où l’on a mis au préalable de la 
sciure de bois et du plâtre. Au cours de la rotation, 
le mélange déshuile les peaux dont on achève le 
séchage dans la roue à battre, tonneau analogue 
au précédent, mais ayant des parois grillagées au 
lieu d’être pleines. Les peaux se débarrassent alors 


des parcelles de plâtre, de sciure ou poussières qui 
les imprègnent. Puis quelques coups de baguette, 
de peigne et de brosse terminent leur netloyage. 

Les peaux, définitivement transformées en pel- 
leteries, sont maintenant prêtes pour le /us/rage, 
ou ensemble de manipulations ayant pour objet de 
cacher leurs défauts, de rendre le poil brillant et 
d'en modifier la couleur. Là, le génie fertile du 
fourreur se donne libre carrière. Il va examiner 
une à une chaque toison, afin d'enlever au tran- 
chet les coupures, les parties de poil rare et autres 
endroits défectueux. Il les remplace au moyen de 


morceaux enlevés à d’autres peaux et cousus à 
l'aide de machines spéciales. D’ailleurs, sauf pour 
les peaux blanches destinées à imiter l’hermine et 
les peaux de couleur assez jolies pour s'utiliser telles 
quelles, il ne s'inquiète pas de la teinte des pièces 
rapportées., Qu'elles soient noires, grises, rousses, 
jaunes ou blanchâtres, peu importe, puisqu'on doit 
lustrer, c’est-à-dire passer à la teinture, les peaux 
entières. | 

Ce rapiécage achevé, on tire les peaux sur le 
banc d'écharnage afin de les assouplir, de les 
distendre et d'enlever les dernières parcelles de 
chair qui pourraient y adhérer. Dans certaines 





FıG. 2. — MACHINE A FOULON. 


usines, cette manipulation s'opère mécanique- 
ment. 

Mais, vu la plus ou moins grande longueur des 
poils, les toisons des lapins ne pourraient se juxta- 
poser ainsi sur un même vêtement, elles jureraient 
côte à côte. Leur assemblage produirait une four- 
rure d'aspect disgracieux. Il faut donc couper leurs 
poils à une longueur uniforme et variable selon 
l'animal sauvage qu'on désire imiter. 

La machine à raser (fig. 3) possède comme 
crganes essentiels deux rouleaux dont l’un supporte 
la peau amenée par une toile sans fin, l’autre de 
grandes lames disposées en hélice; l’écartement 
laissé entre eux deux règle la longueur définitive 
du poil. Après avoir cousu les peaux les unes à la 


COSMOS 


26 DÉCEMBRE 1912 


suite des autres, on les fait passer entre les deux 
cylindres, dont l’un, portant les lames, tourne à 
grande vitesse. Un disposilif spécial maintient, 
d'autre part, les poils dans la position requise pour 
assurer la régularité de la coupe. Toutefois, la 
toilelte des fourrures doit encore se compléter par 
l'épilage ou l’éjarrage, qui a pour but d'enlever les 
poils trop rudes ou mal plantés. Généralement, en 
effet, la toison d'un animal se compose de deux 
catégories de poils: le duvet, qui, en recouvrant 
immédiatement sa peau, le préserve du froid, et 
le jarre, rude, gros et plus long que le précédent. 
Comme ce dernier poil manque de souplesse, il se 





F1G. 3. — MACHINE A RASER LES PEAUX. 


redresse quand on plie la peau et donnerait aux 
pelleteries même lustrées un aspect hirsute. 
L'épilage mécanique repose sur la propriété que 
possède le jarre de rester droit lorsqu'il passe sur 
l'arète d'une lame. En conséquence, la machine à 
épiler comprend en principe une barre fixe etun 
rouleau tournant très lentement; ces organes 
servent à tendre une toile sans fin sur laquelle 
s'épinglent les peaux; d’autre part, des brosses, 
animées d'un mouvement très rapide et situées 
symétriquement par rapport à la barre taillée en 
forme de lame, couchent le duvet au fur et à 
mesure du passage des peaux, tandis que les jarres 
se relèvent en avant de l’arête de la barre. Là, 
un autre rouleau, porteur d'une lame tranchante 


Ne 1:57 


et tournant très vile, les coupe tout en respectant 
le duvet. 

Souvent, l’épilage s'exécute après la teinture. Le 
lustreur reçoit donc des peaux de lapin toutes 
rapiécées, de nuance unie ou diversement colorées. 
Il va les teindre soit en plein, soit en laissant le 
bout du poil d’un ton différent de celui du fond. 
Quoique ces manipulations constituent des secrets 


COSMOS 715 


de fabrication gardés jalousement par les intéressés, 
donnons une idée du travail compliqué des lus- 
treurs. 

Pour communiquer du brillant et du moelleux 
aux poils, ils les frottent avec une brosse imbibée 
d’un mélange d'alcool, de gomme laque, de glycé- 
rine, de jaune d'œuf et d'huile de coton. Ils 
repassent les toisons teintes avec des machines spé- 





F1G. #4. — MACHINE A COUPER LES PEAUX DE REBUT EN LANIÈRES SURNOMMÉES € VERMICELLES ». 


ciales, aux engrenages compliqués. La peau épouse 
successivement une série de tambours cylindriques 
et en sort parfaitement redressée. L'ouvrier qui la 
reçoit lui donne un ultime coup de brosse. Pour 
imiter les fourrures tachetées de blanc, on fait un 
mouchetage avec un pinceau trempé dans l'hydro- 
sulfite de sodium, etc. 

Toutefois, avant de terminer les métamorphoses 
d’une peau de lapin en fourrure de prix, les « fabri- 


cants » doivent assortir les toisons, les classer par 
longueur, par épaisseur de poil, par tailles, et sur- 
tout les parer, leur donner un aspect régulier. Les 
fourrures maquillées de la sorte passent alors aux 
mains des confectionneuses. 

De leur côté, les peaux blanches se teignent sou- 
vent à la brosse, en plusieurs fois, de manière à 
obtenir une nuance café au lait près du cuir et 
une coloration plus foncée un peu au-dessus. Cette 


1 16 


opération s'exécute en relevant le poil à contre- 
sens avec des peignes, puis on le rase à la lon- 
gueur voulue à l’aide de la machine précédemment 
décrite. Les fourrures sont ensuite brossées et 
battues afin d'enlever les rognures et une dernière 
fois élirées à sec. 

Pour les peaux de moutons, on les dessuinte, on 
les tanne et on sépare les touffes de poils par un 
peignage soigné. La teinture s'effectue ensuite à la 
brosse, ainsi que pour les peaux blanches, mais de 
façon à avoir des poils bruns près de la peau et 
noirs à l'autre extrémité. On peigne encore la 
fourrure sèche afin de faire onduler les poils sans 
les friser par touffes; on rase ensuite légèrement, 
on étire à sec, et on imite de la sorte les plus rares 
toisons. 

Là s'arrête ce qu'on pourrait appeler la partie 
industrielle du truquage des fourrures. Après vient 
l’utilisation commerciale des produits manufac- 
turés. Les queues de lapins se vendent aux fabri- 
cants de chapeaux en « vrai » castor, tandis que 
les rognures de peaux teintes, assorties par caté- 
gories et cousues ensemble, sont soldées à bon 
compte pour confectionner des blouses, des 
jaquettes ou des étoffes à des « prix défiant toute 
concurrence! » 

Les cravates en hermine à 2,95 fr se font avec 
du chat ou du lapin blancs à poils courts et drus; 
un petit morceau de peau teinte, roulée et assem- 


COSMOS 


26 DÉCEMBRE 1912 


blée après coup simule, à s’y méprendre, la queue 
du gracieux mammifère. La robe blanche d'un 
doux mouton, défrisée et teinte, se transforme, sur 
le catalogue des grands magasins, en toison d'un 
animal féroce. 
Probablement, nos lectrices se faisaient de la 
confection des fourrures qu’elles portent une idée 
plus simple. Il y a loin, en effet, des chasses d'au- 
trefois à l’industrie que nous venons de décrire! 
Quant aux peaux mises au rebut au cours de 
l’apprètage, on les utilise pour M chapellerie. 
Après les avoir fendues comme les précédentes, 
elles passent à l'atelier de secrétage. Cette opéra- 
tion consiste à imbiber les peaux, à l’aide d'une 
brosse de chiendent, d’une dissolution de mercure 
et d'acide nitrique. Le poil prend alors une consis- 
tance particulière nécessaire pour le feutrage. On 
les sèche ensuite dans une étuve, après quoi on les 
brosse, et, de là, on les dirige vers la machine à 
couper qui présente de grandes analogies avec la 
raseuse de tout à l’heure. Toutefois, la lame enlève 
non seulement le poil au ras de la peau, mais 
coupe celte dernière en lanières, surnommées 
« vermicelles » (fig. 4) par les techniciens. Avec 
les poils, on confectionne les chapeaux de feutre: 
avec le vermicelle, on fabrique de la colle, tandis 
que la peau des pattes et de la tête, les poils arra- 
chés et autres déchets des fourreurs s’emploient 
comme engrais. Jacores BOYER. 





La crampe des télégraphistes. 


Beaucoup d'écrivains deviennent les victimes d'une 
nervosité excessive qui rend leur écriture tout à fait 
illisible. Heureusement la machine vient à leur 
secours et certains d’entre eux usent des touches 
avec dextérité. Lestélégraphistes ont également leur 
crampe, de mème nature que la première, et qui 
se manifeste, non par l'impossibilité d'écrire, mais 
par celle de transmettre. Les morsistes sont les plus 
atteints, et beaucoup doivent cesser la manipulation 
vendant quelques mois. Ce repos de la main réta- 
blit le système nerveux, et ia transmission redevient 
bonne. Cependant, quelques-uns doivent abandon- 
ner définitivement le manipulateur. 

Jusqu'ici, on ne possédait que des éléments isolés 
sur cette maladie spéciale. Le Gencral Post Office 
britannique a eu l'idée de faire étudier scientifique- 
ment la maladie par une Commission. Le rapport 
de cette Commission a été communiqué au Journal 
téleqraplique; est fort intéressant. 

On remarque tout d'abord que la crampe des 
télégraphistes a augmenté d'intensité au fur et 
à mesure de la diffusion de l'appareil Morse. La 
picmière descriplion de cette affection fnt faite en 
belgique en 1855 par M. Ominus. En 1882, M. Fd- 


mond Robinson, chirurgien du General Post Office, 
à Lecds, souligna la similitude de cette affection 
avec celle antérieurement connue sous le nom de 
crampe des écrivains. Dans plusieurs pays, des cas 
isolés furent ensuite observés. et. en 41903, le 
le D" E. Cronbach publiait une monographie sur la 
« névrose d'occupation » dans laquelle il décrivait 
dix-sept cas observés à Berlin; sur ces cas, trois 
élaient des morsistes et les autres des hughistes. Le 
D" Cronbach démontre que l'affection est due au 
travail exclusif à l’appareil Hughes et que le rem- 
placement de ce travail par celui effectué au Morse 
ne serait d'aucun effet quant à la prévention de la 
crampe. 

Un remède très simple s'était présenté à l'esprit: 
faire alterner le travail au Hughes avec celui au 
Morse. Il est efticace, en effet, mais la diffusion 
croissante du système Morse ne permet plus cet 
alternat régulier. L'administration anglaise a donc 
demandé à la Commission nommée par elle de lui 
indiquer les moyens préventifs capables de sous- 
traire son personnel de télégraphistes aux atteintes 
de la crampe. En attendant, et dès le début de ses 
constatations, la Commission fut amenée à déclarer 


Ne 1457 


que, l'affection étant surtout sensible chez les vieux 
télégraphistes, il y avait lieu de considérer la 
crampe comme une maladie industrielle donnant 
droit au payement d'une indemnité comme pour 
les autres invalides du travail. C'était reconnaitre 
officiellement l'existence de ce mal professionnel. 

Diverses opinions se manifestèrent quant à la 
nature et à l'origine de la crampe des télegra- 
phistes. Elle fut considérée par certains comme un 
désordre musculaire, par d'autres comme une 
affection du système nerveux périphérique, et enfin 
comme une affection du système nerveux central. 
La Commission anglaise a admis cette dernière 
manière de voir; elle ajoute que la crampe est le 
résultat d’un affaiblissement ou d’une lésion du 
mécanisme cérébral directeur, provoqué par la 
surtension d'un groupe donné de muscles. La 
crampe est caractérisée par un spasme visible de 
Ja main ou du bras, ou de tous deux à la fois, durant 
la manipulation, et par une diminution de la faculté 
d'effectuer les mouvements coordonnés nécessités 
par la manipulation. Les premiers symptômes sont 
des malaises occasionnant ensuite une douleur 
dans la main ou le bras. Elle apparait au début de 
la manipulation, ce qui la distingue de la fatigue 
musculaire. 

Tout instrument qui exige des mouvements mus- 
culaires répétés, de mème nature et d'amplitude 
extrêmement limitée, peut provoquer un « spasme 
d'occupation » ou une « névrose professionnelle ». 
Or, la manipulation de la clé Morse exige ces mou- 
vements rapprochés et de très faible amplitude. 
Celle des claviers Hughes et Baudot engendre éga- 
lement une forme de crampe ayant tout à fait la 
forme de la crampe des pianistes. Dans chacun de 
ces cas, les centres nerveux engagés sont différents, 
puisqu’un morsiste atteint de la crampe peut ètre 
employé au Hughes sans manifester la moindre 
gène. Sur 177 télégraphistes hommes soumis à un 
questionnaire, 4,8 pour 100 se plaignirent de la 
crampe, 1,1 pour 1400 signalèrent une première 
période subjective, et 28,8 pour {100 se plaignirent 
de fatigue musculaire. Chez les dames, les divers 
pourcentages furent de 2,4, 0,8 et 23.8. 

La crampe des télégraphistes est une alfection 
nerveuse résultant de la combinaison de deux fac- 
teurs. une instabilité nerveuse et une fatigue 
répélée provenant de la transmission. La fatigue 
diffère de la crampe, puisqu'une personne de santé 
moyenne peut la supporter sans ètre atteinte de la 
crampe. En réalité, l'état du système nerveux seul 
cause la crampe qui, chez un mème individu, peut 
apparaitre à des époques différentes. La causeinitiale 
étant connue, la crampe peut apparaitre chez les 
sujets : présentant une faiblesse constitutionnelle, 
inaptes au service télégraphique. ayant une trans- 
mission défectueuse, subissant un travail excessif. 
La construction du manipulateur Morse intervient 


COSMOS 117 


également pour une forte proportion dans l'appa- 
rition de cette névrose professionnelle, La crampe 
est donc le résultat d'un affaiblissement ou d'une 
lésion du mécanisme central régulateur du cerveau. 

La Commission instituée par l'Office postal bri- 
tannique ne s'est pas seulement contentée d'étudier 
le mal, elle a cherché le remède. Ce remède existe 
tout entier dans le recrutement du personnel: à 
cet effet, les futurs télégraphistes doivent être sou- 
mis, avant leur admission dans les cadres de l'ad- 
ministration, à un examen médical très sévère. De 
plus, pendant leur stage, on doit s'efforcer de 
reconnaitre les aptitudes de chacun, de façon à ne 
conserver dans le personnel télégraphique que les 
sujets parfaitement aptes à n'être jamais atteints 
du moindre déséquilibre du système nerveux, les 
autres jeunes gens étant dirigés sur d'autres ser- 
vices. 

En réalité, la crampe des télégraphistes apparait 
à la suite du travail excessif à l'appareil Morse, 
chez les personnes possédant une excitabilité ner- 
veuse exagéree. Beaucoup de jeunes gens, en France 
surtout, prennent la mauvaise habitude, dès qu'ils 
savent transmettre, de travailler à une très grande 
vitesse, non en vue d'écouler rapidement le travail, 
mais pour se prouver à eux-mêmes qu'ils sont 
d'excellents télégraphistes. La pratique de ce régime 
conduit fatalement à la surexcitation nerveuse 
qui s’accroit très rapidement si le correspondant 
n'enregistre pas aussi vite qu'il les recoit les signaux 
transmis à toute vitesse. Il en résulte parfois des 
chicanes qui prennent vite le ton aigre el exas- 
pèrent de plus en plus les deux correspondants. Ce 
fait s'observe à tous les appareils, au Morse et au 
Hughes, particulièrement àce dernier, dont l'appren- 
lissage est long et dont la maitrise nécessite de 
longues années de pratique. Si Fun des correspon- 
dants est /aible et Vautre très fort et mal inten- 
tionné, ce dernier coupe à chaque instant la trans- 
mission, énerve très rapidement son collègue qui, 
en quelques minutes, devient complètement inapte 
à transmettre. Ces faits déplorables s'observent 
très fréquemment dans les bureaux télégraphiques. 
La crampe au Haghes et au Baudot nait, pour ainsi 
dire, toujours de cette facon. 

A l'appareil Morse, la mème cause subsiste, et 
elle prend d'autant plus d'importance que la con- 
struction du manipulateur est plus défectueuse. 
Les petites clès Morse sont, en effet, plus ou 
moins sures et nécessitent un cffort musculaire 
plus ou moins intense. Dès que le transmetteur 
commence às'énerver sous l'intluence de la grande 
quantité de travail, de la mauvaise volonté du cor- 
respondant, il coupe ses traits, qui se transforment 
en deux points si le manipulateur est doux, ou 
bien il manque les points si le manipulateur est 
dur. D'autre part, la manière de tenir le manipu- 
lateur excree également une influence très sensible 


718 


sur la naissance de la crampe. Normalement, le 
morsiste doit tenir le bouton avec les trois premiers 
doigts de la main droite, le pouce étant placé en 
dessous. Mais la plupart des jeunes gens se sont 
exercés, non dans des Cours, mais dans les petits 
bureaux de province, sous la seule direction de 
leurs collègues plus âgés qu'eux de quelques années. 
Is s’entrainent ainsi à une manipulation fantaisiste 
qui favorise la crampe. 

Dans presque toutes les administralions euro- 
péennes, le manipulateur est placé au bord de la 
table, laissant le bras et la main absolument libres. 
L'administration autrichienne estime que c'est là 
une faute : elle place ses manipulateurs à 40 cen- 
limètres en arrière du bord avant de la table. Le 
télégraphiste manipule donc en appuyant son 
coude. On prétend que la crampe des morsistes est 
inconnue en Autriche. En Angleterre, en Belgique, 
les jeunes gens sont habitués à manipuler avec la 
main gauche; ils peuvent ainsi, dès la moindre 
gène de la main droite, changer de main et se 
reposer. Il serait précieux de procéder ainsi chez 
nous, pour la raison admise par nos voisins et aussi 
parce que la position du manipulateur faciliterait 
la réception au lieu de la gêner. 

Ces faits, suggérés par l'expérience, nè sont nul- 
lement en désaccord avec les résultats acquis par 


COSMOS 


26 DÉCEMBRE 1 912 


la Commission anglaise. Il est certain que le télé- 
graphiste calme ne sera jamais une victime de la 
crampe; rien ne l’émeut, pas plus sa transmission 
défectueuse que la vitesse exagérée de son corres- 
pondant, que les retards éprouvés par les télé- 
grammes. Il va, comme on dit, son petit bonhomme 
de chemin et écoule parfaitement son travail. Le 
« paquet de nerfs » fera toujours un télégraphiste 
détestable à tous les points de vue, s’énervark lui- 
même pour une faute bénigne de la part de son 
correspondant et s'évertuant, par suite de sa ner- 
vosité excessive, à l’'agacer sans cesse. Si ce corres- 
pondant possède un système nerveux insuffisam- 
ment robuste, il s'énerve chaque jour davantage, 
et, en très peu de temps, il lui est devenu impos- 
sible de transmettre, quelque soit l'appareil qu’on 
lui mette dans les mains. 

Jusqu'ici, les administrations télégraphiques ne 
se sont pas préoccupées, dans le choix de leur per- 
sonnel, de la valeur du système nerveux des candi- 
dats. Elles doivent en tenir compte dans une très 
large mesure et n’admettre dans les rangs des télé- 
graphistes que ceux qui leur paraissent èlre d'une 
constitution très saine. Combien de télégraphistes 
sont incapables de transmettre correctement à un 
appareil quelconque après dix ou quinze ans de 
pratique ! LUCIEN FOURNIER. 





Le nouveau bateau-feu du Havre.” 


HI 


Nous avons donné au début les principales carac- 
téristiques du nouveau bateau-feu. Nous extrayons 
d'une communication faite au Xile Congrès de 
navigation tenu cet été à Philadelphie par M. de 
Joly, ingénieur en chef au service central des 
phares et balises, les détails suivants sur les parti- 
cularités du puissant engin qui va entrer prochai- 
nement en service. 

ÉNONCÉ DES CARACTÉRISTIQUES SANDETTIÉ | LE HAVRE 
Ė—_——__—_— (m 
Longueur enlre perpendicu- 

aires s.coos. rase 
Largeur à la flottaison 
Creux 
Tirant d’eau (quille saillante 


35,00 m 


comprise) aaki ean ra Te 


Déplacement 


| Bras de levier métacentrique 


transversal (9 —a) 
| Distance du métacentre lon- 
| gitudinal au-dessus du 
| centre de carène......... 


31,335 m | 44,290 m 


(1) Suite, voir p. 692. 





Les formes du bateau sont déduites de celles du 
Sandettié, en service depuis plusieurs années à 





£chelle de 0006 ar mehe 


COUPE AU MAÎTRE COUPLE DU BATEAU-FEU « LE HAVRE ». 


Dunkerque et qui, ayant donné les meilleurs résul- 
tats au point de vue de la tenue à la mer, a été 


N° 1457 


imité en plusieurs pays étrangers. On a augmenté 
seulement la longueur de manière à diminuer les 
oscillations de tangage qui étaient devenues pré- 
dominantes par la réduction des roulis et la faible 
longueur de la coque. 

Le tableau de la page précédente permet de se 
rendre compte des différencesentre les deux bateaux. 

Les oscillations de roulis seront amorties par 
des quilles saillantes et n'auront aucun synchro- 
nisme avec celle des lames de la baie de Seine. 


D: e bric 
o FES 


(5 ð pi J Mac hine : 
UTE 4 + 


ME se k 
TL 


5 H L 0 D (] 
CLU ReneR K 
+ 
, | ~ 
4 n = į 


€ EEE 
ES: Ne 





Echelle de 07005 par mètre 


COSMOS 


719 


Les considérations de stabililé ayant conduit à 
augmenter la longueur du bateau-feu, l’augmenta- 
tion correspondante du déplacement a pu être con- 
sacrée pour partie à l'installalion d'un appareil 
moteur et propulseur dont les feux flottants 
français n'avaient pas été pourvus jusqu’à ce jour, 
mais qui parait de nature à rendre des services 
notamment par gros temps pour soulager la chaine 
et en cas de déradage. Le feu flottant Le Havre et 
son rechange seront munis l'un et l’autre d'une 


| M J 


TETE J124 


Coupe horizontale a Ja flohaison 


DISPOSITION ET AMÉNAGEMENT DU FEU FLOTTANT GARDÉ « LE HAVRE ». 


machine compound de 150 chevaux indiqués et 
d’une hélice qui permettront de leur imprimer une 
vitesse de 6,5 nœuds en route libre et en eau 
calme. Deux chaudières tubulaires à retour de 
flamme, munies d’un appareil de réchauffage per- 
meltant leur mise en pression rapide, fourniront 
simultanément à l'appareil moteur la vapeur à 
12 kg par cm? nécessaire à la propulsion. 

La puissance et la robustesse de cet appareil 
évaporatoire conduisent à l'utiliser pour l'éclairage 
du feu flottant. Alors que le Sandettié et son 


rechange ont leur optique illuminée par un brü- 
leur à incandescence par le gaz d'huile, l'optique 
pendulaire du feu flottant Le Havre, dont les quatre 
panneaux de 0,25 m de distance focale disposés 
suivant un losange ouvert à ses deux extrémités 
produiront, par leur rotation en vingt secondes sous 
l’action d'une machine à poids ou d'un moteur 
électrique, le caractère de feu à éclats groupés par 
deux toutes les dix secondes, sera illuminée au 
moyen d’une lampe formée de 12 filaments Nernst 
répartis suivant les génératrices d’un cylindre ver- 


720 


tical de 30 millimètres de diamètre. L’éclal intrin- 
sèque d'un filament Nernst incandescent étant de 
33 becs Carcel, alors que les manchons incandes- 
cents par le gaz d'huile dépassent rarement 2 becs 
Carcel par centimètre carré de leur surface méri- 
dienne, l’intensité lumineuse horizontale de l'appa- 
reil atteindra 12000 becs Carcel en lumière blanche 
(au lieu de 3500 becs Carcel au Sandettié). Les 
circonstances locales conduisant à adopter la colo- 
ration rouge, le feu aura une puissance lumineuse 
effective de 2 400 becs Carcel. Les lampes Nernst 
ont déjà été utilisées comme source lumineuse par 
le service des phares pour divers feux de direction, 
les bAtonnets étant alors placés horizontalement 
au nombre de trois au foyer de projecteurs lenticu- 
laires et échauffés au moment de l'allumage par 
un dispositif électrique spécial. La lampe à bâlon- 
nets verticaux multiples sera munie d'un dispositif 
de réchauffage à gaz alimenté au moyen d’acétylène 
dissous provenant de bouteilles associées à la queue 
de l'appareil pendulaire. Ces bouteilles permet- 
tront aussi de réaliser éventuellement un éclairage 
de secours à l'incandescence par le gaz acétylène. 

L'énergie électrique nécessaire à l'éclairage normal 
sera fournie par lun ou l'autre des deux groupes 
électrogènes de 5500 watts installés dans la salle 
des machines. L'un de ces groupes sera muni d'un 
moteur à vapeur compound, l’autre d'un moteur 
à pétrole lampant. 

Chaque groupe électrogène pourra fournir du 
courant continu à 115 volts à la lampe et au mé- 
canisme de l'appareil optique, aux distributions 
d'éclairage des locaux, au poste de signaux hertziens 
qui sera installé plus tard, et éventuellement du 


courant triphasé au moteur de la cloche sous-marine 


dont sera muni le feu flottant. 

Ainsi que nous l’avons expliqué plus haut, le but 
de ce bateau est surtout de servir de support aux 
appareils sonores qui doivent guider la navigation 
en {temps de brume. Par temps clair, le feu dont 
aous venons de décrire les appareils ne jouera 
qu'un role secondaire, les éclats du phare électrique 
de La Hève devant porter bien plus loin que ceux 
du feu flottant. 

Celui-ci ne prendra d'importance véritable qu'en 
temps couvert ou bouché. Ce sont donc ses appa- 
reils sonores qui présentent le plus d'intérèt. 

Ces appareils consisteront: 

4" En une puissante sirène à air comprimé con- 
somiiant par heure, à la pression de 2 kg 
par cm, environ 150 mètres cubes d'air mesurés 
à la pression atmosphérique et émettant des groupes 
de trois sons brefs en succession rapide toutes les 
minutes. rvthmés par un distributeur automatique. 
L'air comprimé sera fourni au distributeur et à la 
sirène par un compresseur vertical à vapeur à deux 
eylindres installé dans la salle des machines. 

Ce compresseur fonctionnera soit à la pression 


COSMOS 


26 DÉCEMBRE 1919 


de 2 kg par cm? correspondant au régime de 
marche de la sirène, soit à la pression de 15 kg 
par cm? obtenus par étages successifs pour emma- 
gasiner dans. des réservoirs accumulateurs lair 
nécessaire à la mise en marche instantanée de la 
sirène dès l'apparition de la brume. 

2° D'une cloche sous-marine actionnée électri- 
quement et émettant en temps de brume des 
groupes de trois sons toutes les quinze secondes. 

30 D'un signal de brume hertzien comportant, 
avec la longueur d'onde de 80 mètres, l'émission 
régulière toutes les trente secondes de signaux pro- 
duisant dans le téléphone le son musical wf, et 
rythmés de manière à répéter pendant dix secondes 
au moins, à faible vitesse, la lettre H de l'alphabet 
Morse. 

Le matériel électrique comprendra : 

4° Un tronçon vertical traversant un isolateur 
vissé dans le plafond du roufle et s'élevant à 2,5 m 
en arrière du mât militaire portant l'appareil 
d'éclairage du feu flottant. 

2° Un tronçon presque horizontal isolé sur trois 
fils tendus entre le potelet supérieur de la lanterne 
et le mât de tape-cul du bateau. 

3° Dans la salle des machines, un alternateur à 
haute fréquence mů par un moteur électrique 
recevant le courant continu d’un des groupes élec- 
trogènes, un tableau de distribution et un manipu- 
lateur automatique. 

4 Dans une armoire vitrée placée dans le roule 
au-dessous du tronçon vertical de l'antenne, les 
appareils à haute tension comprenant le circuit 
oscillant, un éclateur du type tube-plateau et un 
ventilateur de soufllage mù par un petit moteur à 
courant continu. 

Le fonctionnement des divers signaux de brume 
sera assuré normalement sur chaque bateau par 
une des chaudiċres constituant l'appareil évapora- 
toire, qui devra également fournir la vapeur néces- 
saire à la marche d’un condenseur indépendant 
auquel tous les engins du bord ramèneront leur 
vapeur à travers un filtre à éponges; il en sera 
ainsi en particulier du guindeau à vapeur destiné 
à manœuvrer les ancres, dont la principale, de 
forme champignon et du poids de 2000 kilogrammes, 
sera frappée à l'extrémité d'une chaine de mouil- 
lage de 300 mètres de longueur et de 44 milli- 
mètres de calibre. Les chocs et rappels de la chaine 
seront amorlis par l'interposition de ressorts fixés 
sur bittes et formés de piles de rondelles Belleville 
pouvant supporter une charge d'aplatissement de 
45 000 kilogrammes. 

La dépense d'établissement du feu flottant Le 
Havre et de son rechange s'élève à 825 000 francs, 
dont la moitié est fournie par les Chambres de 
commerce du Havre et de Rouen. 


PIERRE GUIDEL. 


Ne 1457 


COSMOS 


721 


Les « Nymphes » de la baie de Shima. 


Dans le district de Shima, qui s'étend le long de 
la côte japonaise baignée par l'océan Pacifique, il 
existe une petite colonie obscure dont nombre 
d'ethnographes semblent ignorer l’existence. Cette 
colonie n’en est pas moins une curiosité qui mérite 
une mention spéciale. 

Datant de plus de dix siècles, elle ne comprend 
qu’un seul et unique village dont la population 
masculine se distingue par une insigne nullité, 
mais dont la population féminine est particuliè- 
rement intéressante. 

En effet, dans cette agglomération, je dirais 
minuscule, — elle ne compte que quelques centaines 
d'habitants — les femmes sont à la fois chef et 
soutien de la famille. Elles portent le nom de 
« Nymphes », parce que leur occupation princi- 
pale consiste à plonger dans la mer, souvent hou- 
leuse, de la baie de Shima pour rechercher les 
perles précieuses cachées dans les profondeurs de 
l'océan. 

Robustes et solidement bâties, le teint bronzé, 
les nymphes accomplissent un travail excessive- 
ment dur et pénible. Elles restent dans l’eau jus- 
qu’à dix heures par jour, et, même au plus fort de 
l'hiver, elles y demeurent deux ou trois heures. 
Plongeuses et nageuses émérites, elles passent à 
chaque plongée deux et même trois minutes sous 
l’eau. 

Et, quand elles reviennent de la mer, leur tâche 
n’est pas terminée. Elles s'occupent alors de leur 
ménage et de leurs enfants, tandis que les hommes 
cultivent le plus beau « dolce farniente ». Très 
rarement les femmes ont recours à eux. 

La naissance d’une fille est une cause de réjouis- 





sance et d'allégresse pour toute la gent féminine 
de ‘la colonie, alors que celle d’un garçon passe 
pour ainsi dire inaperçue, car elle est regardée 
comme une malchance. 

Dès l’âge de quatre ans, on mène les pelites 
filles dans l'élément liquide pour leur apprendre 
à nager et à plonger, et à treize ans elles sont 
déjà admises au rang des nymphes. À partir de 
cette époque, les nouvelles recrues travaillent pour 
leur trousseau de fiancée, et, la plupart du temps, 
elles arrivent à ramasser un pécule assez rondelet 
avant leur mariage. 

D'ailleurs, les plus expertes réussissent souvent 
à se marier avec des hommes fortunés et de bonne 
famille, car, à Shima, ce n'est pas tant la beauté 
qui décide dans la question matrimoniale, mais 
l'habileté plus ou moins grande d'une plongeuse. 

Les nymphes se marient d'habitude entre seize 
et vingt ans, mais elles continuent à plonger jusque 
vers la quarantaine. Lorsqu’'elles cèdent leur place, 
ce n’est point pour se reposer, car à elles encore 
incombe le soin d'élever leurs petits-fils, ce qui 
leur donne assez d'occupation pour que l’on puisse 
dire que les femmes de la baie de Shima peinent 
sans répit, jusqu'à la fin de leur vie, tandis que 
les hommes, qui ne sont que leurs serviteurs, et 
quels serviteurs! coulent une existence des plus 
insipides et des plus insigniliantes. 

Et, quoique le Japon passe pour ètre un des 
ennemis réputés irréductibles des suffragettes, il 
n'en offre pas moins un exemple vivant et instructif 
aux suffragettes du mondeentier dansles«nymphes » 
de Shima. 

L. KUENTZ. 


re 


SOCIETES SAVANTES 


ACADÉMIE DES SCIENCES 


Séancepublique annuelle du lundi16 décembre1912. 


PRÉSIDÉE PAR M. GABRIEL LIPPMANN, PRÉSIDENT. 


Le président ouvre la séance par le discours d'usage 
et rend un dernier hommage aux collègues disparus 
depuis un an. 

Le mois de décembre 1912 a été dur pour la Com- 
pagnie qui, en quelques jours, a perdu le naturaliste 
Bornet, le géomètre astronome Radau et le chirur- 
gien Lannelongue. Quelques jours plus tard, lord Lister, 
associé étranger, le grand chirurgien. Puis Joannes 
Chatin, le physiologiste, qu’elle avait accueilli en 
1900. Enfin, Henri Poincaré, mathématicien, astronome 
et physicien. 


Le président donne à la mémoire de ces savants un 
tribut d’éloges que nous reproduirons prochainement. 


Après la proclamation des prix, M. Ph, van Tiesheim 
a lu une notice sur la vie et les travaux de Jean- 
Baptiste Dumas, le célèbre chimiste, ancien secrétaire 
perpétuel de l'Académie des sciences. 


Prix décernés. 


GÉOMÉTRIE 


Grand prix des sciences mathématiques. — 
Prix biennal. Un grand prix de 3 000 francs est décerné 
à M. Pienre Bourroux, 

Un grand prix de 2 000 francs est décerné à M. JEAN 
Cuazy. 

Un grand prix de 2 000 francs est décerné à M. RENÉ 
GARNIER, 


722 


Prix Francœur (1 000 fr). — Le prix est attribué 
à feu Euize LEMOINE, pour l’ensemble de ses travaux. 


Prix Poncelet (2 000 fr). — Prix annuel alternatif, 
destiné cette année à récompenser l'auteur de l'ouvrage 
le plus utile au progrès des sciences mathématiques 
pures. 

Le prix est décerné à M. Evwoxo MAiLuer, ingénieur 
en chef des ponts et chaussées. 


MÉCANIQUE 


Prix Montyon (700 fr). — Le prix est décerné 
à M. Av. Dourre, pour son s{abilisateur automatique 
longitudinal des aéroplanes. 


Prix Fourneyron. — Un prix de 1 000 francs est 
décerné à M. G. ErreL, ingénieur, pour ses e.rpé- 
riences sur la résistance de l'air. 

Un prix de 700 francs est décerné à M. ARMAND DE 
GnawonxT, duc de Guiche, pour ses travaux intitulés : 
Essais d'Aérodynamique. 


Prix Boileau (1300 fr). — Le prix est décerné 
à M. A. Laray, professeur de physique à l'Ecole poly- 
technique, pour l’ensemble de ses travaux relatifs aux 
mouvements des fluides. 


NAVIGATION 


Prix extraordinaire de la Marine (6 000 fr). — 
Le prix est partagé entre : 

M. LE Pace, pilote-major de la flotte à l'Ecole de 
pilotage de Saint-Servan, pour l’ensemble de ses tra- 
vaux relatifs au pilotage; 

M. le commandant Roxacu, auteur d'un appareil de 
dragage pour déblayer les passes défendues par un 
champ de mines sous-marines; 

M. Maneec, ingénieur en chef de la Marine, sous- 
directeur de l'Ecole d'application du Génie maritime 
à Paris, pour son système d'écouvillonnage à air 
comprimé. 

Prix Plumey (4000 fr). — Le prix est partagé 
entre : 

M. Victron GauxiEr, directeur des constructions 
navales, à Marseille, pour son système perfectionné 
de périscope; 

M. HExRtT Faske, pour son invention des flotteurs 
pour hydroaéroplanes. 


ASTRONOMIE 


Prix Pierre Guzman (100 000 fr). — Décerné 


à celui qui aura trouvé le moyen de communiquer. 


avec un astre autre que Mars. À défaut de ce prix, les 
intérèts seront attribués, en 1915, à un savant qui aura 
fuit faire un progrès important à l'astronomie. 

Le prix n'est pas décerné. 

Prix Lalande (540 fr). — Le prix est partagé entre 
MM. HE. Kogorv et C.-WN, Winrz, astronomes à l'Observa- 
loire de Strasbourg, pour leurs travaux relatifs à la 
détermination exucte des coordonnées d’un très grand 
uvinbre de nébuleuses. 

Prix Valz (400 fr). — Le prix est décerné à 
M. ALEXANDRE SCHAUMASSE, astronome à l'Observatoire 
de Nice, pour ses travaux relatifs aux petites planètes 
et aux cometes. 

Prix Janssen (300 fr). — Ce prix, consistant en une 
médaille d'or, cst décerné à M. A. Peror, physicien- 


COSMOS 


96 DÉCEMBRE 1912 


astronome à l'Observatoire de Meudon, pour ses tra- 
vaux de physique pure, et en particulier pour ses 
recherches, faites en commun avec M. Fabry, qui ont 
conduit à une nouvelle méthode d’étude des spectres. 


GÉOGRAPHIE 


Prix Tchihatchef (3 000 fr). — Le prix est décerné 
au duc DEs ABnhUZZES, pour son voyage d’explorations 
scientifiques au Carakoroum et dons l'Himalaya occi- 
dental. 


Prix Binoux (2000 fr). — Le prix est décerné à 
M. Ficuor, ingénieur hydrographe de la Marine, pour 
son mémoire intitulé : Réduction au sphéroïde ter- 
restre des données fournies par les opérations de 
triangulation. 


Prix Delalande-Guérineau (2 000 fr). — Décerné 
à M. le capitaine Tizuo, pour ses travaux topogra- 
phiques en Afrique centrale. 


Prix Gay (1 500 fr). — Question posée : Etude des 
marées de l'écorce terrestre. 

Le prix n’est pas décerné. 

Une mention de 500 francs est accordée à M. DELauxEY, 
lieutenant-colonel en retraite, pour son mémoire inti- 
tulé : Znfluences sismiques. 


PHYSIQUE 


Prix Hébert (1000 fr). — Le prix est décerné à 
M. HouLceviGue, professeur à la Faculté des sciences 
de Marseille, pour l’ensemble de ses travaux relatifs 
à la physique. | 

Prix Hughes (2 500 fr). — Le prix est décerné 
M. ARNAUD LE GRAkoNT, pour l’ensemble de ses travaux 
de spectroscopie. 


Prix La Caze (10 000 fr). — Le prix est décerné 
à M. MarceL BriLLouiN, professeur au Collège de France, 
pour l'ensemble de ses travaux de physique pure et 
de physique mathématique. 


CHIMIE 


Prix Jecker (10000 fr) — Ce prix, destiné à 
récompenser l'auteur de travaux remarquables de 
chimie organique, est décerné à M. BourQuELoT, pro- 
fesseur à l'Ecole supérieure de pharmacie à Paris. 


Prix Montyon (Arts insalubres). — Le prix, d'une 
valeur de 2500 francs, est décerné à M. Pacz Abax, 
inspecteur général des établissements classés, à la 
Préfecture de police, pour l’ensemble de ses travaux 
relatifs à l’ygiène industrielle. 


Prix Cahours (3 000 fr). — Ce prix annuel, décerné 
à titre d'encouragement à des jeunes gens qui se 
seront déjà fait connaitre par quelques travaux inté- 
ressants et plus particulièrement par des recherches- 
sur la chimie, est partagé également entre M™* RAMARTÉ 
Lucas, MM. Pauz CLausuanN et OsTWALD. 


Prix La Caze (10 000 fr). — Le prix est décern- 
à M. Unsaix, professeur de chimie minérale à la Sor- 
bonne, pour l’ensemble de ses travaux. 


MINÉRALOGIE ET GÉOLOGIE 


Prix Victor Raulin (1 500 fr). — Ce prix, à cycle 
et à sujets variables, est destiné cette année à faciliter 
les travaux relatifs à la minéralogie ou à la pétro- 
graphie. 


No 1157 


Le prix est décerné à M. HENRI ARSANDAUX, profes- 
seur à l'Ecole municipale de physique et de chimie. 


BOTANIQUE 


Prix Desmarzières (1 600 fr). — Le prix est 
décerné à MM. Eu et Emize Mancuar, pour leur tra- 
vail intitulé : Aposporie et serualité chez les mousses. 


Prix Montagne (1 500 fr). — Un prix de 1 000 francs 
est décerné à M°° Pau Leuoixe, pour son travail sur un 
groupe d'algues incrustées de calcaire,les Mélobésiées. 

Ua prix de 500 francs est décerné à M. H. Cozuix, 
pour un travail sur le Botrytis cinerea. 


Prix de Coincy (900 fr). — Le prix est décerné 
à M. CauiLce SERVETTAZ pour sa Monographie des 
Eléagnacées. 


ANATOMIE ET ZOOLOGIE 


Prix da Gama Machado (1200 fr). — Ce prix 
triennal est décerné à M. J. Duesserc, chargé de 
cours à l’Institut d'anatomie de l'Université de Liège, 
pour ses recherches sur la spermatogenèse chez le rat. 


Prix Thore (200 fr). — Prix alternatif, destiné 
cette année à récompenser des travaux sur les mœurs 
et l'anatomie d'une espèce d'insectes d'Europe. Le 
prix est décerné à M. ANTOINE GROUVELLE, pour 
l’ensemble de ses travaux sur les Coléoptères clavi- 
cornes, et pour son ouvrage intitulé: Synopsis des 
Rhysodides et description d'espèces nouvelles. 


Prix Savigny (1500 fr). — Le prix est décerné 
à M. Lovis Germain, préparateur de zoologie au 
Muséum d'histoire naturelle, pour l’ensemble de ses 
travaux sur la Faune malacologique de l'Est africain. 


MÉDECINE ET CHIRURGIE 


Prix Montyon. — Trois prix de 2 500 francs cha- 
cun sont décernés à : 

M. V. Paco, pour ses travaux relalifs à ‘a Mesure 
de la pression artérielle chez l'homme; 

M. Caarces Nicozce, pour ses travaux surle Typhus 
exanthématique ; 

M. O. Josué, pour ses travaux sur l’Arfér:o-sclérose. 

Trois mentions de 1 500 francs chacune sont accor- 
dées à : 

M. H. Carré, pour ses travaux originaux, traitant de 
certaines affections du mouton sous la dépendance du 
microbe de la suppuration caséeuse ; 

MM. Marais et M. Lecer, pour leur ouvrage intitulé: 
Recherches de parasitologie et de pathologie humaines 
et animales au Tonkin; 

M. ETIENNE GINESTOUs, pour son mémoire intitulé : 
Ophtalmo-chromo-diagnostic et  photothérapie  ocu- 
laire. 

Des citations très honorables sont accordées à: 

M. JEAN Troisier, pour son travail intitulé : Role des 
hémolysines dans la genèse des pigments biliaires et 
de l’urobiline : 

MM. HENRI CLaune et STEPHEN CHaAuverT, pour leur 
travail intitulé : Semiologie réelle des sécrétions 
totales des nerfs mixtes périphériques ; 

M. ALBERT Sézary, pour ses Recherches sur les surre- 
nalites scléreuses; 

M. A. Maciror, pour son £tude de la survie de la 


COSMOS 


723 


cornée transparente de l'œil conservée en dehors de 
l'organisme. 

M. Louis REXoN, pour son ouvrage intitulé : Ze trai- 
tement scientifique pratique de la tuberculose pulmo- 
naire; 

Noer FiESsINGER, pour son ouvrage intitulé : Za cel- 
lule hépatique, particulièrement cheg les mammifères 
el chez l’homme; 

M. Gronëes ScHRe nER, pour son ouvrage intitulé : 
La poliomyélite épidémique. 


Prix Barbier (2 000 fr). — Le prix est décerné à 
M. EuGèxe Lécer, pharmacien à l'hôpital Saint-Louis, 
pour l’ensemble de ses travaux. 


Prix Bréant (100 000 fr) — Ce prix, destiné à 
récompenser celui qui aura trouvé le moyen de guérir 
le Choléra asiatigne, n’est pas décerné. 

L'Académie décerne, sur les arrérages de la fon- 
dation : 

Un prix de 2500 francs, à M. C.-J. Finlay, pour 
l'ensemble de ses travaux Sur le rôle des moustiques 
dans la propagation de la fièvre jaune; 

Ua prix de 2500 francs, à M. A. AGRAMONTE, pour 
l’ensemble de ses travaux sur le mème sujet. 


Prix Godard (1000 fr) — Le prix est décerné 
à M. Jacuces Panisor, pour ceux de ses travaux qui sc 
référent au fonctionnement du rein et des capsules 
surrénales : Pression artérielle et glandes à sécrétions 
internes. 


Prix du baron Larrey (750 fr). — Le prix est 
décerné à M. TroussainT, médecin inspecteur de l'armée, 
directeur du service de santé, pour son ouvrage inti- 
tulé : La direction du service de santé en campagne. 

Des mentions très honorables sont accordées à : 

M. Ca. Teissier, médecin-major de 1" classe, au 
5° régiment d'infanterie, à Paris, pour un travail inli- 
tulé : De l'albuminurie latente dans l'armée; 

M. Taron, médecin-major de 2° classe, à l'Ecole du 
Val-de-Grûce, pour son mémoire intitulé : Etude sur 
l'association de la srarlatine et de la rougeole; 

M. R. Picacue, rmédecin-major au 14° régiment 
d'infanterie, à Marseille, et M. G. Wouus, médecin 
aide-major au 74° régiment d'infanterie, à Nancy, pour 
leur mémoire intitulé: Recherches sur l'histologie 
normale et pathologie du thymus chez quelques mam- 
miferes: 

M. A. Coxon, médecin-major, chef du Laboratoire de 
bactériologie de l'hôpital militaire du Belvédire, à 
Tunis, pour son mémoire intitulé : Etude bartériolo- 
gique de l'épidémie de choléra qui a sévi, en 1911, sur 
les troupes de la division d'occupation de la Tunisie. 


Prix Bellion (i 400 fr). — Le prix est décerné à 
M°° Banpa-LEcnaIN, vice-présidente du patronage des 
aliénés du département de la Seine, pour la campagne 
anti-alcoolique à laquelle elle a dévoué sa vie. 

Une mention honorable est accordée à M.J. CAvail LÉ 
pour son ouvrage intitulé: Le Charbon professionnel. 


Prix Mège (10 000 fr). — Le prix n’est pas décerné. 

Le prix annuel (300 fr), représenté par les arrérages 
de la fondation, est décerné à M°’ Loxc-Laxony, chef 
de clinique adjoint des maladies nerveuses à la 
Faculté de médecine de Paris, pour son ouvrage inti- 
tulé: La maladie de Little, étude anatomique elt 
puthogénique. 


~I 
IC 
pa~ 


PHYSIOLOGIE 


Prix Montyon (Physiologie expérimentale). — Le 
prix, d’une valeur de 750 francs, est décerné à 
M. P. Portier, maitre de conférences à la Sorbonne, 
pour ses ouvrages intitulés : Æecherrhes physiolo- 
qiques sur les insectes aquatiques et Recherches phy- 
siologiques sur les champignons entomophytes. 

Des mentions très honorables sont accordées à : 

M. Max HozLuaxx, préparateur au Muséum d'histoire 
naturelle, pour ses travaux sur les Leurocytes; 

M. Tuéovore Rosser, directeur de l'Institut phoné- 
tique à l'Université de Grenoble, pour son travail 
intitulé : Æecherches e.rpérimentales pour l'inscription 
de la voir parlée; 

M. Jures GLoven. pour son mémoire intitulé : ?hysio- 
logie de la voir. Recherches sur la réception des ondes 
sonores vocales et applications. Dissociation auditive 
el graphique des timbres vocaur. 

Prix Philipeaux (! 800 fr). — Le prix est partagé 
entre : 

M. Marcer Lisbonne, pour son travail inlitulé : Sur 
deur conditions de milieu nécessaires à la saccharifi- 
cation de l'amidon par les amylases salivaires et pan- 
crealiques : 

M. Euize-F. TEnRoINE, maitre de conférences à l'Ecole 
des hautes études au Collège de France, pour l'en- 
semble de ses travaux, portant principalement Sur 
la constitution colloidale des constituants de lorga- 
nisme, sur les ferments du suc pancrealique, cte. 


Prix La Caze (10 000 fr). — Le prix est décerné 
à M. E. WeniuEimEen, professeur à la Faculté de méde- 
cine de Lille, pour l'ensemble de son œuvre physiolo- 
gique. 

Prix Martin-Damourette (1:00 fr). — Le prix 
est décerné à M. Macri ARrTHUS, pour son travail 
intitulé : Etude sur les sérums antivenimeur. 

Prix Lallemand (1 809 fr). — Le prix est partagé 
entre : | 

MM. Gagnez PErir, professeur à l'Ecole nationale 
vétérinaire d'Alfort, et L£éox MancuaNp, médecin en 
chef de la maison nationale de Charenton, pour leur 
mémoire intitulé : Recherches cliniques et anatomiques 
sur da patholoyie comparée du système nerreuc; 

M. GivsErre STERzI, professeur à l'Institut anato- 
mique de l'Université de Padoue, pour son ouvrage 
intitulé: X sistema nervoso central dei Vertebrati: 
vol. l, Ciclostomi; vol. U, Pesci. 

Une mention tres honorable est accordée à M. J. de 
Goyox, mcdecin-major de 2 classe des troupes colo- 
niales au 1° régiment d'artillerie à Rochefort-sur-Mer, 
pour son travail: Sur la conduction sensitive dans la 
moelle épiniere. | 

Prix Pourat (il 000 fr). — Question posée : Apporter 
des doruments nouveaur sur l'utilisation et Uassümi 
lation des albuwminoides de la ration alimentaire. 

Le prix est décerné à M. F. Macon, professeur de 
physiologie à l'Ecole nationale vétérinaire de Lvon, 
pour Son tasmoie inlitulé : Recherches sur le role des 
yiaisses duus Caulilisaätion de Calbumine alimentaire. 


STATISTIQUE 
Prix Montyon. — Un d’une valeur de 
S00 francs st décerné à M. IHENRt AUTERBR, pour <on 


prix 


COSMOS 


26 DÉCEMBRE 19492 


mémoire intitulé : Æssai d'ajustement des tables de 
mortalité du Comité des Compagnies françaises d'assu- 
rances sur la vie. 

Un prix de 600 francs est décerné à M. Loris pe Goy, 
directeur des contributions directes et du cadastre du 
département de l'Aube, à Troyes, pour ses travaux 
intitulés : Un coup d'œil sur nos finances départemen- 
tales et communales. — Les subventions de l'État et la 
mesure de leur effet utile. — Les voies ferrées d'in- 
térèt local et l'intervention financière de l'État. 

Une mention de 300 francs est attribuée à MM. E. Ja\- 
SELME, professeur agrégé à la Faculté de médecine de 
Paris, et A. BarsĖ, chef de clinique à la méme Faculté, 
pouc leur £tude statistique sur les cas de cancer traités 
à l'hôpital Tenon pendant la période 1901-1906. 

Une mention de 300 francs est également attribuée 
à M. BaoouiN-Lacouse, pour son travail intitulée : Sta- 
listique microscopique de l'air, de l'eau et du sol de la 
ville de Troyes. 


HISTOIRE DES SCIENCES 


Prix Binoux. — Un prix de 2 000 francs est décerné 
à M. J.-L. Ileisenc, professeur à l’Université de 
Copenhague, pour ses travaux relatifs à l Histoire des 
mathématiques anciennes, et plus particulièrement 
pour ses travaux sur le Traité de la méthode d'Archi- 
mede. 

Un prix de 1000 francs est décerné, sur les arré- 
rages de la fondation, à M. Marcez LANDRIEU, pour son 
volume sur La vie et l'œuvre de Lamarck. 


PRIX GÉNÉRAUX 


Médaille Arago. — Cette médaille d'or, décernée 
par l’Académie sur la proposition de son bureau, 
chaque fois qu'une découverte, un travail ou un ser- 
vice rendu à la science lui paraïitront dignes de ce 
témoignage de haute estime, est décernée au prince 
RoLaxD BONAPARTE. 


Médaille Berthelot. — Les médailles Berthelot 
sont décernées aux lauréats des prix de chimie, qui 
ne l'ont pas encore obtenue: MM. BourgueLoT, ParL 
ADau, M°° RauanT-Lucais, MM. PauL CLAUSMANN, OswaLn. 


Prix Gegner (4 000 fr). — Le prix est décerné à 
M.-J.-H. Fasre, correspondant de l’Académie. 

Prix Lannelongue (2 000 fr). — Les arrérages de 
celte fondation, due à la libéralité de M. le professeur 
Lannelongue, membre de l'Institut, sont partagés 
entre M* Cusco et M°° Rrucx. 


Prix Gustave Roux (1 000 fr). — Ce nouveau prix 
annuel, fondé par M®° V'"* Gustave Roux, en souvenir 
de son mari, est destiné à récompenser un jeune savant 
francais dont les travaux auront paru remarquables 
à l'Académie. 

Le prix est décerné à M. Anmann BILLARD, agrégé, 
docteur ès sciences naturelles, préparateur à la Faculté 
des sciences, pour ses travaux sur les animaux de la 
classe des //ydr'oides. 

Prix Trémont (i 190 fr). — Le prix est attribué à 
M. CuanLes FRÉMONT. 

Prix Wilde (4 000 fr). — Le prix est décerné à M. le 
commandant Feruié, pour l'ensemble de ses travaux 
sur la télégraphie sans fil. 

Prix Lonchampt (000 fr). — Ce prix annuel esl 
destiné à récompenser l'auteur du meilleur mémoire 


N° 4:57 


sur les maladies de l’homme, des animaux et des 
plantes, au point de vue plus spécial de l'introduction 
des substances minérales en excès comme cause de 
ces maladies. 

Le prix est partagé : Un prix de 2 000 francs est 
décerné à M. GRIMBERT; un prix de 1 000 francs est 
décerné à M. Bacros; un prix de 1 000 francs est décerné 
à M. Juzes Wozrr. 


Prix Saïîntour (3 000 fr). — Un prix de 2 000 francs 
est décerné à M. Macnice LauGenon, préparateur à la 
Faculté de médecine de Paris, pour ses travaux de 
Paléobotanique. 

Une mention de 1 000 francs est accordée à M. Wir 
DarviiLé, ingénieur, pour son ouvrage intitulé : L'eau 
å la ville, à la campagne et dans la maison. 


Prix Bordin (Sciences naturelles) (3000 fr). — 
Question posée : Recherches sur le délerminisme de la 
sexualité chez les êtres vivants. 

Le prix n'est pas décerné. 

Un encouragement de 2000 francs est accordé à 
M. R. RosixsoN, pour son mémoire intitulé: Contri- 
bulion à l'étude du déterminisme de la serualité chez 
quelques mammifères. 


Prix Houllevigue (5 000 fr). — Le prix est partagé. 

Un prix de 3 000 francs est décerné à M. H. LEBESGUE, 
maitre de conférences à la Faculté des sciences de 
Paris. 

Un prix de 2 000 francs est décerné à M. RaveĘu, pour 
ses travaux dans le domaine de la physique. 


Prix Caméré (4000 fr). — Le prix est décerné à 
l’œuvre de feu M. GiıscLarn, ingénieur civil, ancien chef 
de bataillon du génie, et plus spécialement à son sys- 
tème de pont suspendu rigide. 


Prix Jérôme Ponti (3500 fr). — Le prix est 
décerné à M. Georces Rovx, pour son ouvrage intitulé : 
Flore de France, de Corse et d Alsace-Lorraine. 


Prix Leconte (:0 000 fr). — Le prix n'est pas 
décerné. 

L'Académie a déjà couronné l’année dernière l’œuvre 
considérable de M. Cuanees TELuIER : elle lui accorde 
en outre, cette année, la somme de 8 000 francs sur 
les fonds Leconte. 

Elle donne, sur les arrérages de la fondation, un 
prix Leconte de 12 090 francs à M. Forest, pour l'en- 
semble de ses découvertes relatives aux moteurs 
à explosion. 


Prix Laplace (les Œuvres de Laplace). — Le prix 
est décerné à M. Jrces-AboLphe MEN, sorti premier de 
l'Ecole polytechnique et entré, en qualité d'élève- 
ingénieur, à l'Ecole des mines. 


Prix Félix Rivot (2:00 fr). — Le prix est partagé 
entre MM. JuULES-A DOLPHE MENJ et JULES-FRANCOIS-GABRIEL 
DavaL, entrés les deux premiers, en qualité d'éléves- 
ingénieurs, à l'Ecole des mines, et MM. ReNÉ-GAsToON- 
RaywonD MaBiLLEAu et Ravmoxb-EuMaAxtUEL BOLLAK. entrés, 
les deux premiers, au mème litre, à l'Ecole nationale 
des ponts et chaussées. 


Fonds Bonaparte (cinquième annuité: portée, 
à partir de cette année, à 50 000 fr). — Le prince 
Roland Bonaparte, par une lettre en date du 23 no- 
vembre 1911, publiée dans les Comptes rendus de la 


COSMOS 725 


séance du 27 novembre, a déclaré vouloir mettre à la 
disposition de l'Académie des sciences, pour l'encou- 
ragement es recherches scientifiques parmi les tra- 
vailleurs n'appartenant pas à cette Compagnie, cinq 
nouvelles annuités de 50 000 francs. 

Ces subrentions ont exclusivement pour but de pro- 
voguer des découvertes en facilitant la tache de cher- 
cheurs qui auraient deja fait leurs preuves en des 
travau.r originau.r el qui manqueraient des ressources 
suffisantes pour entreprendre où poursuivre leurs 
inves{igations. 

Attirés par cette largesse, les candidats ont afflué 
cette année, et ils ont atteint le nombre de 87. 

La Commission, à son très grand regret, n'en a pu 
retenir que 16, auxquels elle a attribué une somme 
totale de #1 000 francs, laissant en réserve 9 O0ù francs 
destinés à augmenter la somme disponible en 1913. 

Elle vous propose d'accorder : 

4°, 2, 3 et +, en # parts égales, 12 009 francs aux 
membres de la Mission scientifique du Maroc. 

La Société de Géographie envoie au Maroc une 
mission scientifique chargée spécialement de recherches 
géologiques, zoologiques, botaniques et agronomiques, 
à l'effet d'établir l'inventaire raisonné des richesses 
naturelles du pays. 

M. Loris Gesn, maître de conférences à la Sor- 
bonne, président de la Société géologique de France, 
était tout désigné par ses travaux et ses explorations 
antérieures pour diriger les recherches géologiques et 
minéralogiques. 

M. Paray, instituteur à Oran, qui étudie depuis 
quinze ans la faune du Maroc, s'occupera de la z00- 
logie et de la préhistoire. 

Pour la botanique, la Société de Géographie s'est 
adressée à M. J. Piranb, professeur à l'Ecole de méde- 
cine et de pharmacie de Tours, qui s'est voué depuis 
longtemps à l'étude de la flore et de l'agriculture dans 
l'Afrique du Nord. 

D'autre part, M. le gouverneur général de l'Algérie 
a bien voulu déléguer à la mission M. Bavariz, chef 
du service vétérinaire et du service pastoral de l'Algérie. 

Avec de telles compétences, avec l'appui du minis- 
tère de la Guerre, du ministère des Affaires étrangères 
et du ministère de l'Instruction publique, avec le con- 
cours de divers groupements et de généreux dona- 
teurs, le succés de la mission est certain. Mais si l’on 
veut que les résultats correspondent à l'effort accompli. 
il importe de laider pécuniairement. Nous sommes 
assurés de répondre ainsi à la pensée du prince Roland 
Bonaparte en contribuant à l'euvre de civilisation 
que s'est imposte la France et que préparent si glo- 
rieusement ses soldats. 

5 3000 francs à M. le professeur de ManToNxE, 
chargé d'un cours de géographie à la Sorbonne, et 
à ses collaborateurs, MM. Jean Brunhe<, professeur 
à l'Université de Fribourg, et Emile Chaix, professeur 
à l'Université de Genève, pour leur permettre de pour- 
suivre l'établissement et la publication d'une collection 
de documents morphologiques, intitulée Allas photo- 
graphique des formes du relief terrestre. Cette publi- 
cation à été entreprise, conformément à un vieu du 
IX° Congres international de Géographie, dans linten- 
tion d'établir, suivant un plan rigoureusement tracé, 
un ensemble de vues typiques de toutes les formes 


726 


actuellement connues du relief terrestre. La géogra- 
phie physique y trouvera, méthodiquement classés, 
des documents certains, tels que les réclame toute 
science naturelle descriptive. La subvention accordée 
allègera les charges financières des auteurs, en mème 
temps qu'elle constituera pour leur œuvre un encou- 
ragement précieux. 

6° 3 000 francs à M. Louis Duxoyer. — M. Dunoyer a 
déjà publié des travaux très remarqués, dans lesquels 
s'affirment de très rares qualités d'esprit. Ses dernières 
recherches sur la fluorescence de la vapeur de sodium 
pur ont particulièrement frappé les physiciens par la 
simplicité et la portée des résultats obtenus. La sub- 
vention actuelle serait employée à la construction 
d'appareils destinés à l'exploration complète des 
spectres de fluorescence et d'absorption fournis par 
les métaux alcalins. Ces appareils serviraient aussi 
à l'étude des dépôts métalliques que M. Dunoyer a très 
habilement réussi à obtenir par projection rectiligne 
matérielle, d'origine purement cinétique. Ils l'aideront 
à éclaircir quelque arcane du monde des atomes. 

7° 3 000 francs à M. Hamer. — M. Hamet a entrepris, 
en 1905, dans le laboratoire de notre confrère, M. van 
Tieghem, l'étude des Crassulacées. JI a acquis sur ce 
sujet une compétence telle que, de tous les points du 
globe, lui sont arrivés des échantillons vivants et des 
herbiers qui constituent actuellement un ensemble 
exceptionnel de matériaux. M. Hamet a déjà tiré de 
ces matériaux une œuvre considérable. Mais des cir- 
constances cruelles lobligent à demander une sub- 
vention, sans laquelle il ne pourrait pas achever son 
travail auquel s'intéressent les botanistes du monde 
entier, et que M. le professeur Engler doit insérer, 
aussitòt fini, dans sa grande encyclopédie botanique 
Das Pflansenreich. 

8° 2 500 francs à M. Boseen, aide astronome à l'Obser- 
vatoire de Meudon. — M. Bosler est un physicien 
astronome ayant fait ses preuves. Instruit à la spec- 
troscopie par notre confrère M. Deslandres, avec 
lequel il a visité, lors du Congrès de l’Union solaire, 
en 1910, les principaux observatoires des Etats-Unis, 
il veut, profitant de l'expérience acquise, étudier les 
spectres des planètes en vue de déterminer la rotation 
de ces corps et la nature de leur atmosphère. Un 
prisme à grande dispersion lui est nécessaire, et, par 
conséquent, le moyen de l’acquérir. 

9° 2 500 francs à M. BaLviT. — Après avoir été quelques 
années oflicier de marine, M. Baldit s’est consacré à 
l'étude dés sciences et principalement de la météoro. 
logie électrique, qu'il étudia au Puy de Dome avec le 
regretté Bernard Brunhes. Depuis deux ans, il effectue 
ponctuellement la mesure des charges électriques de 
toutes les pluies tombant sur son domaine du Puy- 
en-Velay et il est arrivé à des résultats fort intéres- 
sants, communiqués à l'Académie. Amené naturel- 
reiment à élargir son programme et à y comprendre 
tous les phénomènes d'électricité atmosphérique qui 
accompagnent les pluies d'orage, il a besoin d'instru- 
ments enregistreurs, à coté de ses électromètres à 
wesure directe. La subvention proposée servira äl'achat 
de ces instruments. 

10° 2500 francs à M. Pace Pasca, maître de confé- 
rences à l'Université de Lille. — Particulièrement 
attiré par l'étude phvsico-chimique des corps com- 


COSMOS 


26 DÉCEMBRE 1919 


plexes minéraux et organiques, M. Pascal a déjà 
fourni une somme considérable d’excellent travail. 
Les produits qu'il a obtenus, les déterminations qu'il 
a fuites de leurs propriétés magnétiques, ont été lar- 
gement utilisés par MM. Weiss ct Cotton dans leurs 
recherches sur le magnéton et sur la biréfringence 
magnétique. Aujourd’hui, M. Pascal se propose d'étudier 
l'absorption exercée dans l'ultra-violet par les corps 
dont il a déterminé les propriétés magnéliques. Il 
demande une subvention pour acheter les appareils 
indispensables, dont il tirera certainement bon parti. 

11° 2500 francs à M. Scuzecez. — M. Schlegel a 
entrepris dans les laboratoires de notre confrère 
M. Delage, à la Sorbonne et à Roscoff, sur le dévelop- 
pement des Crustacés Brachyoures, des recherches 
qu'il importe de lui voir poursuivre. Si la partie ana- 
tomique et les déterminations spécifiques peuvent et 
doivent être faites à Paris, les recherches et les collec- 
tions de larves pélagiques, et surtout les travaux 
d'élevage, imposent des séjours assez prolongés, l'été, 
dans les laboratoires maritimes, qui seuls offrent les 
conditions requises. La subvention présente couvrira 
une partie des frais de séjour et de recherches. 

12° 2 000 francs à M. Sauvaceav, professeur à l'Uni- 
versité de Bordeaux. — La récolte méthodique de 
nombreux exemplaires des espèces d’un mème genre 
semble éminemment propre à fournir des résultats 
intéressants sur leurs relations. La distribution géo- 
graphique convient particulièrement à fixer la filiation 
des espèces, si l'on sait rétablir le parcours qu'elles 
ont suivi. C'est à ce point de vue que M. Sauvageau 
s'est appliqué à observer la répartition des Cystoseira, 
plantes marines de grande taille, dans l’Océan et la 
Méditerranée. Il se propose de suivre cette répartition 
dans la Méditerranée orientale, le peuplement s'étant 
sans doute fait de l'Ouest à l'Est, 

13° 2 000 francs à M. Wezscu, professeur à l’Université 
de Poitiers, qui scrute depuis plusieurs années les for- 
mations quaternaires et récentes de l’ouest de la 
France, ainsi que les dépôts de tourbe littorale : phé- 
nomènes complexes, car ils touchent aux bossellements 
de l'écorce terrestre, aux changements de niveau de 
nos côtes, à la configuration ancienne de la France. 
La comparaison avec les phénomènes analogues, très 
étudiés dans le nord-ouest de l'Europe, s'impose, 
L'auteur l’a entreprise et demande les moyens de la 
continuer. 


14° 2 000 francs à M. Bierav, maître de conférences 
à l'Ecole des hautes études, pour la continuation des 
recherches entreprises par lui depuis dix ans au labo- 
ratoire de notre confrère M. Dastre, et qui ont porté 
spécialement sur les hydrates de carbone. M. Bierry 
a étudié d'abord les diastases qui concourent à la 
digestion des hydrates de carbone, puis l’action des 
rayons ultra-violets sur les sucres complexes. Actuel- 
lement, il s'occupe de l'assimilation du galactose chez 
le chien normal ou chez le chien dont le foie a subi 
des lésions. Il se propose, en outre, de suivre le méta- 
bolisme des différents sucres chez le chien dépancréaté 
ou chez l'homme diabétique, en notant parallélement 
la marche de l’acidose : questions d'un intérèt théo- 
rique certain et pouvant présenter un intérèt pratique, 
très grand pour le diabétique. 

15° 2000 francs à M. le D' Mawas, attaché au labora- 


Ne 1457 


toire d’embryogénie comparée du Collège de France, 
pour lui permettre de continuer ses expériences sur le 
mécanisme de l’accommodation de l'œil, particuliè- 
rement chez le chien. Il se propose de les diriger de 
façon à déterminer la forme du cristallin pendant 
l’accommodation, à savoir si, alors, le cristallin bas- 
cule ou tourne sur lui-mème, et à reconnaitre l’action 





COSMOS 727 


de certains nerfs, nolamiment du grand sympathique 
cervical, sur l'accommodation. 

46° 2090 francs à M. Gnuvez, maitre de conférences 
à l’Université de Bordeaux, chargé de mission en 
Afrique occidentale, pour l'aider dans l'exploration de 
la baie du Lévrier (Mauritanie) au point de vue zoolo- 
gique, océanographique et géographique. 


BIBLIOGRAPHIE 


Les nouveaux horizons de la science, par 
H. GuizcemiNor, chef des travaux de physique 
biologique à la Faculté de médecine, président 
de la Société de radiologie médicale de Paris. 
T. F°: la Matière; la Molécule; l'Atome. Un 
vol. 49 X 12 de 297 pages (4 fr). G. Steinheil, 
éditeur, 2, rue Casimir-Delavigne, Paris, 4912. 
Dans la série d'études que M. Guilleminot inau- 

gure par le volume en question, l'auteur s`est pro- 
posé « de grouper un cerlain nombre de connais- 
sances, de dale relativement récente, touchant la 
nature et la genèse de la malière et de la vie, et 
de montrer les déductions qu’on en peut tirer ». 

Il s'adresse à ceux qui en sont restés aux con- 
naissances physiques et chimiques acquises sur les 
bancs de l’école, ou à ceux qui, ayant achevé depuis 
un certain temps le cours de leurs éludes secon- 
daires, ont imparfaitement suivi depuis dix ans, 
vingt ans, le progrès des sciences. 

Ce premier volume explique quelle idée on doit 
se faire aujourd’hui de la constitution de la matière, 
surtout à la lumière des théories atomiques et mo- 
léculaires que nombre d'auteurs, et notamment, en 
ces dernières années, M. dJ. Perrin, ont mises en 
lumière. Atomes et molécules restent des hypo- 
thèses; mais ces hypothèses ont conduit à tant de 
vérifications heureuses que l’on parle maintenant 
couramment de la réalité des atomes et des molé- 
cules. En recourant le moins possible aux notations 
mathématiques même élémentaires, l’auteur nous 
donne un résumé généralement simple et clair de 
la chimie physique : les trois états de la maticre, 
liens inler-atomiques et liens inter-moléculaires; 
théories cinéliques; cryoscopie, osmose, capillarité; 
cristallisation; mouvements browniens; grandeurs 
des molécules déduites de la théorie cinétique. 


Idées paramédicales et médicosociales, par le 
D" Grasser. Un vol. in-46 broché (3,50 fr). 
Librairie Plon-Nourrit et Ci*, 8, rue Garanciċre, 
Paris. 

Ce volume s'adresse au grand public : rôle de la 
médecine dans la société, mode de recrutement 
du corps médical, tableau de la lutte engagée 
contre l’alcoolisme et la tuberculose, extension 


des maladies nerveuses, tout cela intéresse tout le 
monde. 

Nous atlirons spécialement l'attention ici sur 
deux chapitres, celui consacré à Auguste Comte, 
« demi-fou de génie » — où l'on peut voir à quelles 
simagrées un grand esprit peut descendre et quels 
dérèglements peuvent coexisler chez le même 
homme avec les plus fortes conceptions, — et celui 
qui a pour titre la morale scientifique et la morale 
de l'Évangile devant La sociologie. Le D' Grasset, 
avec la haute compétence qui lui appartient, y 
conclut que l'Évangile est la source unique de « la 
vérité qui rend libre ». 


Dernières inventions, dernières découvertes, 
par DaniEL BELLET. Un fort volume illustré de 
44 gravures, broché (3 fr). Paris, Hachette, 
79, boulevard Saint-Germain. 


Collaborateur du Cosmos, M. D. Bellet est 
bien connu et fort apprécié de nos lecteurs. Il 
réunit dans cet intéressant volume — qui est un 
volume d’étrennes pour futurs ingénieurs — in- 
nombrable série des dernières découvertes dans 
tout le champ de la science. Aéronaulique, météo- 
rologie, astronomie, géologie, géographie, voyages, 
agriculture, mécanique, médecine, hygiène, chi- 
rurgie, physique, chimie, télégraphie, photogra- 
phie, défense nationale, ces disciplines diverses 
nous livrent, grâce à lui, sous une forme attrayante 
qui n'exclut point la précision, leurs précieux 
secrets. M. D. Bellet a donc fait œuvre utile et à la 
fois agréable. Quant à son éditeur, nous ne pou- 
vons pas ne pas remarquer qu'il a fait un vrai 
tour de force de bon marché. A. GC. 


Agenda aide-mémoire agricole pour 1913, par 
G. Wery,sous-directeurde l’Institut national agro- 
nomique. Un vol. in-18 de 432 pages (1,50 fr). 
Librairie Baillitre, 19, rue Hautefeuille, Paris. 
Nous avons déjà signalé, les années passées, 

lagenda agricole de M. Wery; nous avons indiqué 

la somme de renseignements utiles aux agricul- 
teurs qu'il contient. Sous un format réduit, facile 

à mettre en poche, il rendra à toul cultivaleur ou 

gérant de propriété des services de toute nature. 


728 


COSMOS 


26 DÉCEMBRE 1912 


FORMULAIRE 


Pour boucher les fuites des seaux, arro- 
soirs, etc. — Prendre simplement du mastic de 
vitrier ou de la céruse en pâte et en mettre une 
petite boulette sur le trou ou la fente en l’étendant 
avec une lame de couteau. Un arrosoir qui ne vau- 
drait plus la peine d’être réparé peut encore durer 
plusieurs années en employant ce procédé. 


Consolidation des ossements fossiles. — 
Beaucoup d’ossements fossiles deviennent très 
friables, sous l'influence de l'air, peu de temps après 
leur extraction. On peut y remédier en les trem- 
pant, pendant une demi-heure, dans un bain com- 
posé de: 

Silicate de potasse chirurgical........ 

Eau ticde ........ PMR SES CRT UE 


Í partie 
1 partie 
On laisse ensuite sécher à l'ombre. Au bout de 
vingt-quatre heures, la pièce a acquis une grande 
résistance. On peut aussi employer le plàtrage qui 
consiste à enduire l’objet d’une légère couche de 
plâtre délayé très clair, qu'on applique au moyen 
d’un pinceau. Si plusieurs couches sont nécessaires, 
attendre que la première soit bien sèche avant de 
mettre la seconde. 





PETITE 


Avis. — Comme nous le disons dans le corps de ce 
numéro, la brochure qui réunit les articles du 
D' P. Corret sur la réception des signaux horaires et 
télégrammes méteorologiques par la télégraphie sans 
fil, sera mise en vente, à partir du 1” janvier 1913, au 
prix de 1 fr (franco 1,10 fr), à la Maison de la Bonne 
Presse, 5, rue Bayard, Paris. 

M. A. P. 55. — Le pneumatique, par H. PETIT (6,50 fr). 
Librairie Dunod et Pinat, #9, quai des Grands-Augus- 
tns, Paris, vous donnera tous les détails de la fabri- 
caton des bandages et des chambres à air. — Ma- 
chines pour la fabrication des pneumatiques : A. Olier, 
à Clermont-Ferrand, 


M. L. P.. àa P. — Veuillez vous reporter à l'article : 
l'hygiène du chauffye, paru dans le numéro 1424 du 
Cosmos, du % mar 1912. La question y est traitée tout 
au long. Les radiateurs à gaz et les porles à pétrole 
sans tuyau d'évacuation répandent dans l'air de la 
piece chauflée de l'acide carbonique, de la vapeur 
d'uau et méme de l'oxyde de carbone, celui-ci parti- 
culerement dangereux. Ces moyens de chautlage 
sont tout à fait à éviter dans ces chambres de malades. 


M. V. F., à La R. — Pour lẹ Biocome, décrit dans 
le numero du 12 décembre, il faudrait vous adresser 
à M. Jaubert, inventeur de l'oxvlithe, 155, boulevard 
Malesherbes, Paris, on à la Société l'Oxvlithe, 158. rue 
Vietor-Huwo, à Levallois-Perret, 


M. A. FF. 
plomb qui Jes entoure il faut les taire ehavtter de facon 


à V. — Pour débarrasser ces piéces du 


Le Manuel des recherches préhistoriques, à qui 
nous empruntons ces détails, indique aussi les pro- 
cédés à la parafline et au blanc de baleine. Dans 
les deux cas, on fait fondre ces matières et on en- 
duit les ossements avec un pinceau pendant qu’elles 
sont en fusion. 


Écran rouge inactinique pour éclairage de 
laboratoire photographique. — D'après Ombres 
et lumières (mars 1912), le rouge obtenu par la 
formule suivante est complètement inactinique et 
donnera une lumière dont on pourra ètre sûr avec 
les émulsions les plus sensibles : 


A Gélatine................... 110 grammes. 
Bou aane a gte 115 — 
Bichromate de potasse.... 20 — 

B Nitrate d'argent........... 20 — 

Eau distillée.......... se 28 — 


Faire gonfler la gélatine dans l’eau, puis la faire 
fondre et ajouter le bichromate. Mélanger les deux 
solutions À et B et étendre le mélange sur une 
glace propre. Il se forme une pellicule rouge rubis 
qu'on emploie pour les lanternes de laboratoire. 


CORRESPONDANCE 


que le plomb s'oxyde à l'air: il suffira ensuite de 
frotter pour qu'il s’en aille en poussière. 

M. A. B., à S. — Equation personnelle : temps qui 
s'écoule entre percevoir et enregistrer, qui varie avec 
les observateurs et qui entre comme élément dans la 
correction d'une observation. 

M. P. U., à A. — La brochure de M. W. Rose Smith, 
intitulée : Chemins de fer électriques erpress romme 
moyens défensifs, a été analysée par la revue Electri- 
cian. Nous ne savons où elle a été publiée. Vous pour- 
riez le demander à la revue The Electrician, Salisbury 
Court, à Londres. 

M. J. H. S., à P. — Sur la foi d'un ouvrage inexact 
nous vous avons donné quelques renseignements 
erronés. Notre collaborateur, le D' P. Corret, nous 
indique que la self nécessaire pour entendre Coltano 
est voisine de 6 FL. Pour Clifden, le réglage est voisin 
de celui de Coltano. 

M. G,,à ? — Les récepteurs de 4000 ohms vous don- 
neront dans tous les cas de bons résultats. Ils fonc- 
tionnent bien avec les détecteurs à cristaux et sont 
très supérieurs pour les détecteurs électrolytiques. 


M. L. G.,àù C. — Nous vous conseillons de faire con- 
struire votre habitalion d'après les procédés employés 
dans volre pays. Si vous vouliez avoir recours au 
béton armé ou au ciment coulé, il faudrait faire venir 
des ouvriers Spéciaux, et nous ne croyons pas que 
vous y auriez éronomie. 


Imprimerie P. FsRON-Vrau. 3 et 5, rue Bayard, Paris. ViIll°. 
Le gérant.: A. Failt. 


LE 


Supplément au *t COSMOS ” N° 1457. 


COSMOS 


SOIXANTE ET UNIÈME ANNÉE 


NOUVELLE SÉRIE 


TOME LXVII 


DEUXIÈME SEMESTRE 1912 





TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 


A 


Abrasif nouveau, p. 556. 
Accumulateur alcalin P. Gouin, 
p- 179- 
Accumulateurs : régénération des 
plaques, p. 112. 
Acide carbonique liquide (indus- 
trie) p. 227- 
En œnologie, p. 331. 
Acier et fonte, p. 316. 
— trempé (lubréfiant 
| travailler), p. 5o4. 
Acicrs à outils, p. 348. 
Acoustèle Daguin, p. 571. 
Actinomycose, p. 400. 
Aéroplane : équilibre 
vent, p. 60. 
— à ailes concaves, p. 325. 
Aéroplanes : formule de vitesse, 





pour 


dans Je 


p- 584. 
—  Empennages porteurs, 
p. 584. 
Affiches de couleur : lisibilité, 
p. 255. 


Albumines, p. 493. 

Alcaloïdes, p. 380. 

Alcools de la série grasse : absorp- 
tion des rayons ultra- 
violets, p. 472. 

Alcue : migration bizarre, p. 143. 

Alliage argent-aluminium, p. 658. 

Alpes françaises : triangulation, 
p- 499. 

Aluminium (Attaque des usten- 

siles en), p. 674. 

pêcheries de la Prusse, 

p. 480. 

Ampoules à incandescence : ré- 
sistance, p. 289. 
Animaux : répartition sur le 
globe, p. 246. 

— (Besoin en albumine des 
jeunes), p. 702. 
Anguille : leu de ponte, p. 591. 


Ambre: 


Antennes de T. S. F. Longueur 
d'ondes, p. 228. 
— horizontales, p. 499. 
— au raz du sol, p. 64o. 
Araignées: utilité et nocuité, 
p. 408. 
Arbres polaires : eroissance. p. 371. 
Arc au fer avec courant alter- 
natif, p. 443. 
Atmosphère : perturbations élec- 
triques, p. 703. 
Aurignacien : gravures et sculp- 
turcs, p. 683. 
Automobile chirurgicale Boulant, 
202. 
Automobiles : construction en 
Amérique, p. 5. 
— au Japon, p. 396. 
—— Salon, p. 649. 
Automotrices nouvelles de l'Etat, 


p. 174. 
— pétrolćo-électriques. p. 237. 
Aviation : altitude, p. 6, 254, 
341, 677. 
— Hauteur, distance, durée, 
p. 341. 
— Voyage. p. 306. 


— Victimes, p. 396. 
— D'ale en Corse, p. 425. 
— “Salon de 1912, p. 622. 654. 
— Voyase de Tunisie en Si- 
cile. p. 705. 
Avoine dans l'alimentation, p. 30. 
Azole aérien: fixation par cata- 
lyse, p. 170. 


B 


Bacilles typhiques morts inoculés 
à Phomme, p. Grr. 

Baguette des sourciers: juge- 
ment, p. 116, 5o8. 

Barry (R. P. Vincent de Pan, 
Pp. 61%. 


Baleine : chasse au Natal. p. 470. 


Balistique : étude cinématogra- 
phique des phénomènes, 
p. 88. 

Balkans : oscillations, p. 605. 
Balle incendiaire contre diri- 
geables, p. 563. 

Ballon (La plus grande distance 
en), p. 5O08. 
Ballons : nouvelle étoffe, p. 
Ballon-sonde : altitude 
p. 709. 
Barrage de Galveston, p. 574. 
Bassin de Southampton, p. 4oë. 
Bateau à fond de verre, p. 255. 
Bateau-feu du Havre, p. 692, 718. 
Batcaux-phares du Havre, p. 569. 
Benzine {Maladie causée par la), 

p. 339. 
Bètes comme remède, p. 579. 
Béton : impermćabilisation, p. 616. 
Beurre : conservation, p. 28, G1. 

— Humidité, p. 152. 

— ct margarine, p. 243. 

— liygiène, p. 624. 
Beurres anormaux, p. 235. 
Beyrouth : Faculté de médecine 

p. 646. 
Biberon et Jait anorimai, p. 65». 
Bibliothèque  Sainte-Sophie à 
Constantinople, p. 395. 


110. 
atteinte, 


kd 


Bière : conservation en bou- 
lenles, p. 945. 
Blattes (Les), p. 680. 
— Destruction, pe 112. 
Blé: Protection contre les cor- 


beaux, p. 601. 
Bots : conservation, p. 56. 
=- Métallisation, pe 404. 
bolide, p. 481. 
Bouchons collés : manière de les 
enlever, p. 700. 
Boutes-de-neige : forcerie, p. 
Boussole gyroscopique 
p- 545. 


650. 


Sperry. 


730 


Bouteilles (Machine à faire les), 
p. 069. 
-- (Fermeture hermétique des), 
p. 641. 
Bouvreuil, p. 173. 


C 


téléphoniques 
eleuses, pe 229. 
Faivre : composition, 
p. 8I. 
Caféine : action cardiaque, p. 164. 
Camion-grue électrique, p. 2590. 
Campagnols en 1912, p. 3067. 
Campanile de Venise: recon- 
struction, p. 312, boÿ. 
Camphrier : culture en Amé- 
rique, p. 997. 
Canal de Panama : 
. 298. 
—- Travaux, p. 313. 
— de Suez: dérocheur, p. 313. 
— de Panama: éboulement, 
p. 906. 
— Etat, p. 607. 
— Eclairage, p. 6437. 
Canon le plus gros, p. 285. 
Canons : causes d'éclatement, 
p- 309. 
— nouveaux, p. 
— de marine: 
p. Do». 
Cannot de sauvetage à 
p. 229. 
Caoutchone : synthèse, p. 176. 
—- Coloration, p. 309. 
Capitale créée de toutes pièces, 
4/40. 
Carat décimal, p. 706. 
Carbone ‘Oxyde de) 
p- 130. 
Carotte pigment, p. 195. 


Cabines silen- 


Cachets 


électricité, 


425. 
désignation, 


moteur, 


toximètre, 


Carte météorologique de l'Eu- 
rasie, p. 451. 

Cellules du cœur : battements 
rythmiques, p. 253. 

Centrale électrique minuscule, 
p. 640. 

Centrales d'électricité, p. 678. 


Centres bulbaires éveillés par cau- 
térisalion nasale, p. OJI. 

Chaleur comme ration d'appoint, 
p. Gti. 

Chambres à air de bicyclettes 
comme lbgature, p. 5o59. 

Champignons : toxicité, p. D6A. 

Charbon : examen par ravons X, 


p- 115. 
- Conservation, p. 115 
--. Substitut pour l'avenir, 


P. 479. 
—  Jnflammation 
p. Do8. 
- Force motrice d'une tonne, 
pe Doh. 

-. ‘Expériences sur la forma- 
ion du‘. p. 646. 
Classes: repeuplement par adop- 

tion, p. 44. 
Chauffage électrique en 
p. 195. 
— défectueux: dangers, p. 460. 
— électrique ? avenir, p. 521. 
— central, p. bza. 


spontanée, 


Suède, 


TABLE DES MATIÈRES 


Chaussures imperméables, p. 336. 


Chemin de fer de Key-West, 
p. 10. 
—  pan-américain, p. 145. 
— électrique urbain : capa- 


cité de trafic, p. 195. 
-— de Morez à Saint-Claude, 
p. 6or. 
— minier aérien, p. 706. 
Chemins de fer du monde, 
p. D89. 
— français après la guerre, 
p. 159. 
Chien parlant, p. 145. 
Chiens: envahissement, p. 477. 
Chimiques (Influence des formes 
des corps sur les réac- 
tions), p. 695. 
Chlorophylle (Synthèse de la) 
expérimentale par rayons 
ultra-violets, p. 24. 

à Tripoli et expédition 
italienne, p. 58. 
— donné par les 
p. 283. 

— combattu par le 
p. 253. 
Chronométrie moderne, p. 383. 
Chronoscope P. A. P., p. 2AA. 
Chrysanthèmes : culture au Ja- 

pon, p. 439. 

d'eau (Remblais 
par des), p. 450. 
Cigarettes turques d'Aden, p. 376. 


Choléra 
huîtres, 


tabac, 


Chutes créés 


Ciment armé et rouille, p. 224. 
Cinématographe sur plaques, 


p. 48. 

— à images rapides, p. 88, 
136, 286. 

— pour inspecter les viandes, 
p. 144. 

— à main, p. 490. 

— en couleurs, p. 649. 
Circulation des voitures, p. 340. 
Cloches et gongs, résonance mul- 
tiple, p. 473. 
les faire tenir 
plätre, p. 364. 
Cœur : survie en dehors du corps, 

AT, 
Coffre-fort géant, p. 341. 
Colle à fa dextrine, p. 476. 
Colombo de Ceylan : port, p. 3783. 
Combustion incandescente sans 
flamme, p. 149. 
Comete 1912 a (Gale), p. 333, 
365, 304. 


Clous : dans le 


— 1912 D (Futtle), p. 509, 
BSA. 
= 191 e (Borrelly), p. 533. 


Composés endothermiques : for- 
mation, p. 666. 
Compteurs kilométriques, p. 373. 
Conduites sous Peau: — pose, 

p. 126. 
Confisenrs : maladie profession- 
nelle, p. 355. 


Confitures : fabrication ration- 
nelle, p. 103. 

Constructions en béton : essais, 
p. 256. 


— Détermination des ten- 
sions, p. 639 


Coronium (Gco-), p. 142. 


Corps à basse température : cha- 
leur spécifique, p. 671. 
Côtes anglaises : érosion, p. 85. 
— protégées par ciment armé, 
. 98. 
Courants aériens en Afrique occi- 
dentale, p. 416. 
Crampe des télégraphistes, p. 716. 
Grâne de Descartes, p. 415. 
Cralères  Junaires : formation, 
p. 164. 
Crayons (Bois des), p. 60, 113. 
Crépe : nettoyage, p. 280. 
Cristallisations artistiques, p. 343. 
Cruciféres parasites : destruction 
par acide sulfurique, 
p. 84. 


Cuivres : conservation, p. 336. 


Culture mécanique : appareils, 
P. 209. 
D 


Dactylophone : ancienne inven- 
tion, p. 451. 665. 

Dentifrices à l’eau  oxygénée, 
p. 103. 

— à l'iode, p. 6go. 

Dés spéciaux pour loteries, p. 18. 

Désinfection des mains par tein- 
ture d'iode, p. 25. 

Diagnostic sérologique, p. 548, 
D76. 

Diélectriqnes minces : conducti- 
bilité, p. 583. 

Dirigeables (Tir contre 
p. 284. 

Disques sans dents pour coupage 
des mélaux, p. 5o. 

Dock flottant de 32 000 tonnes, 
p. 434. 

Dragage électrique dans exploi- 
tation aurifère, p. 153. 


E 


rendue 


les). 


oxygénće stable, 
p- 112. 

—  Epuration sur aluminium. 
p- 961. 

— de mer: valeur, p. 4Rr. 

Eaux du Nil: filtration. p. 118. 

— de Pougnes: origine, p. 420. 


Fau 


-— de Mexico: alimentation, 
p. 517. 
Procédé de clarification, 
p. 705. 


Eclairage au gaz : réglage, p. 108. 

— en air vicié, p. 257. 
Eclairages : gaspillage de l'éner- 

gie, p- 172. 
Eclipse du soleil du ro octobre 
1912, Pp. 421, 477. 

— observée en Babylonie. 
p. 491. 
terrestre : 
P. 708. 
Ecran métallisé pour projections, 

563. 
Ecrasés, p. 6. 
Écriture chinoise nouvelle, p. 218. 
Ecueil sous-marin à Toulon, 
p. 229. 
Eglise amhulante, p. 357. 
Egvpte : irrigations et desséche- 
ments, p. 264. 


Ecorce constitution, 


Electricité : grands réseaux de 
distribution, p. 33. 
— Nouveau tarif à Boston, 
p. 675. 

Embryons : développement in 
vilro, p. 667. 
Empoisonnement par capsules de 
fulininate, p. 381. 
Encéphale de Phomme de la 

Quina, p. 53. 
PESSOUrECCS 
p. 409. 
mortalité 
226. 
Engrais phosphatés : dégradation 
en terre. p. 196. 


Energie : mondiales, 


Enfants : en Europe, 


Engrenages en étoffe. p. 536. 

Ensilage et ferments lactiques, 
p- 220. 

Eponges en papier, p. 537. 


Eruption du Taal: suites pos- 
sibles, p- 4. 

Escargots : leçon d'observation, 
p. 202. 325. 


Espaces  stellaires : sondages, 
p. 645. 
Esquimaux d'Alaska : éducation 
q , 
p- 217. 
Essence : augmentation de prix, 
p. 200. 
Essences : dissolution de l'eau, 


. 243. 
Etat civil en aéronautique, p. 397. 
Etés 1911 ct 1912 : comparaison, 
p. 645. 
Etoile double à longue période, 
p. 366. 
Etoiles doubles : masse, p. 113. 
-- Explication des courants, 
p. 141. 
Eucalyptol comme 
p. 691. 
Evaporation du sol et temps plu- 
vieux, p. 333 
Explosif de sûreté nouveau, p. 5. 
— à l'oxygène liquide, p. 698. 


vermifuge, 


F 


Fers électriques à repasser pour 
cuisson, p. 675. 
Fermentation accomplie par une 
bactérie, p. 410. 


Feuilles vertes: transpiration, 
p. 528. 
Fièvre  typhoïde : vaccination, 


p. Ro. 665. 

—- Immunisation, p. 278. 
— récurrente transmise par 
les poux, p. 278. 
Filaments métalliques : résistance, 

289. 
Film voilé par décharges élec- 
triques, p. 396. 
Filtre-presse Berrigan, p. 34. 
Flacons : nettoyage, p. 168. 
Flore du bord de la mer, p. 64. 
— des montagnes, p. 214. 
Flotte de commerce française, 
p- 199. 
Fonte et acier, p. 316. 
Foies gras : industrie, p. 404. 
Forces hydrauliques nouvelles, 


p- 394. 


TABLE DES MATIÈRES 


coloniales françaises, 
p. 367. 

— Appauvrissement, p. 465. 
Fossiles des premiers âges, p. 560. 
Foudre : victimes, p. 309. 

— et les arbres, p. 554. 

—  globulaire double, p. 618. 
Fourrures modernes: prépara- 
tion, p. 712. 
crémaloires automobiles, 
p. 313. 

Fourneanux monstres. p. 146. 
Frigoriliques agricoles, p. 17. 
Froid : H° Congrès national, 
p. A1. 
Fromages paraffinés, p. 3$2. 
Fruits : toilelte et truquage, p. 8. 
Funiculaire aérien à voyageurs 
au Tyrol, p. 426. 


Forêts 


Fours 


Füls 3 assainissement, p. Do4. 
G 
Gants: fabriques à Grenoble, 


p- 536. 
bones des fosses 
tiques, p. 24. 
— jionisés: thćorie cinétique, 
p- 471, 552, 666. 
— naturel aux Etats-Unis, 
p. 646. 
— Production directe dans les 
houillères, p. 703. 
Gélatine pour tuberculeux, p. 283. 
Gelée: pénétration dans le sol, 
p. 394. 
Géologie : localités célèbres, p. 355. 
— et minéralogie, p. 557. 
Gibicr ct aéroplanes, p. 285. 
Giroflier : introduction au Gabon, 


Gaz des sep- 


p. 663. 

Glace transparente et opaque, 
p. 674. 

Glaciers : importance économique, 
p- 86. 

Globules rouges du sang aug- 


mentés par la choles- 
térine, p. 8o. 

Glucose : décomposition photo- 
chimique, p. 527. 

Gorges de Pfeffers, p. 321. 

Goudronnage des routes et auto- 
goudronneuse, p. 62. 

Goutte guérie par le cidre, p. 57. 

Gouttes d'eau : électricité, p. 5Ko. 

Grains et fermpéêtes, p. Bo. 

Gréôle el givre an Mont-Blane, 
D. 991. 

Grue flottante de Pola, p. 537. 

Gruyère, p. Do2. 

Gurres: résullats métallurgiques, 
p. 425. 

Gutta percha : arbres de PAfrique 
tropicale, p. 352. 


Xi 
Hélium : gisements, p. 108. 
Hématies, p. 280. 
Herbes : destruction 
allées, p. 78. 
— aquatiques : destruction par 
le chlore électrolytique, 
p. 19ô. 
conférence internatio- 
nale, p. 449. 555. 


dans les 


Heure : 


731 


Ilivers doux (Les), p. ot. 
Homme de la Quina : encéphale, 
p. 53. 
Horloge électrique sans fil, p. 171. 
Houille : gisements découverts 
par des Français, p. 317. 
—  Gaspillage, p. 467. 
-- . Pompage, pe 565. 
Huile de foie de requin, p. 33. 
— de ricin pour graissage, 
p. 540. 
Huìitres et choléra, p. 283. 
llydro-aćroplanes: concours, 
p- 201, 250. 
— Voyage, p. 341. 
—- Frein et flotteurs mobiles, 
p- 459. 
H\drogène : transport par cana- 
lisation, p. 4ŝ1. 
Hydroplane rapide, p. 257. 
Hypertension artérielle : traite- 
ment par électrisation 
de Pabdomen, p. 164. 


I 


Icebergs : forme probable, p. 131. 
Ile de soufre, p. 4. 
— de Zante: secousses sis- 
miques, p. 143. 
lies françaises : propriété mor- 
celée, p. 87. 
lmperméabilisation des 
p. 504. 
Imprimerie en Chine. p. 257. 
Infiniment petit : perceptions suc- - 
cessives, p. 636. 
Insectes parasites des végétaux : 
influence des fortes cha- 
leurs, p. 25. 
Ions : rotations ionomagnétiques, 
p. 695. 
Irrigations en Egypte, p. 264. 
— aux Etats-Unis, p. 293. 


tissus, 


J 
Jouets, 12° concours. p. 395, 
413, 441 
— en verre, p. 690. 
L 
Laboratoire aérodynamique Eiffel, 


p. 13. 
Laboratoire Krupp, à 
p. 394. 
Laes regularisant la température, 
p. 86. 
Lait hygiénisé, p. 220. 
—  Pasteurisation, p. 232. 
— anormal. p 659. 
Lampes à inecandescence : 
ment, p. 3o. 
incandescence 
mines, p. 259. 
---  Condensateurs  réducteurs 
de tension, p. 478. 

-— à filament métallique : so- 
lidité. p. 507. 

— à incandescence qui parle, 


p. 507. 


Essen, 


rende- 


dans les 


==, A 


Lanterne de projection : entre- 
tien. p. 3902 

Lave : ternpérature. p. 57. 

Lentilles: réflexions nuisibles. 
p. 395. 


732 


Leucocvtes, p. 344. 
Levures : vitalité, p. 254. 
Ligne électrique à 100 000 volts : 
rupture, p. 228. 
électriques à courants 
faibles, gênées par cou- 
rants industriels, p. 5S. 
— à haute tension : couronne, 
p. 87. 
Liniteurs de courant. p. 148. 
Liquides : stérilisation par elec- 
tricité, p 226. 
— inflammables : 
tion, p. 482. 
Lumière cendrée de la 
p. 15. 
— Variation d'intensité, p. 480. 
— Mesure de la vitesse, p. 527. 
Lune : lumière cendrée, p. 15. 
— Forme aplatie, p. 360. 
— Absorption sélective de la 


Lignes 


manuten- 


Lune. 


lumière, p. 449. 
— Eclat suivant époques, 
p. 561. 
Lunettes  grossissantes Zeiss, 
p. 230. 
M 
Machine à laver les assiettes, 
p. 9510. 
Madagascar : gemmes, p. 249, 
471. 
Maison la plus haute, p. 258. 
Manganèse : présence dans la 
série animale, p. 54. 
— dans le règne végétal, 
P. 193. 
Manomètre très sensible, p. 64o. 
Marasquin français, p 382. 
Marine de guerre au Japon, 
p. 58. 
— Marchande au Japon, 
p- 199. 


— Consommation du pé- 
trole, p. 425. 
-— marchande allemande, 
école, p. 480. 
Marmotte et peste, p. 137. 
Maroc : carte, p. 136. 
Marrons d'Inde, p. 302. 
Matière : nouvelles théories, 
P. 2192, 240, 960. 
—  Désacrégation par ra- 
dium., p. 56». 
Médecine : Accès des 
p. 201. 
Mévwarn (Chanoine), p 3. 
Mer: plus grande profondeur, 
p. A. 
Mercerisaue : nouveaux appareils, 
p. 454. 
Métallurgie du fer: nouveaux 
procédés, p. 205. 
transparence à hante 
température, p. 30. 
- Point d'éhullition. p. 
Meteorites Pluie de), p. 7or. 
Météorologie : héros, p. 107. 
— Avertissement anx avia- 
teurs par T. S. F 
p. 567. 
Meuies anu carborundum, p. ao. 


Facultés, 


Métaux : 


954. 


° 


TABLE DES MATIERES 


Microbes : vitalité en présence 
d'alcalis, p. 667. 
Microscope stéréoscopique à un 
objectif, p. 52. 

Miel : manipulations utiles, p. 342. 
Mimétisme : mécanisme, p. 114. 
Mines de la Clarence : catastrophe, 


p. 282. 
Miroirs pour aider la circulation, 
p. 540. 


— paraboliques : formation in- 
stantanée, p. 417. 
Moissonneuse avec moteur à pé- 

trole, p. 6o. 
Montagne de fer de 
p- 397. 
Montagnes : configuration des 
chaînes, p. 711. 
Morsures des vipères: 
p. 169, 243. 
Moteur à pétrole sur moisson- 
neuses, p. 6o 


Durango, 


remède, 


— à gaz: cinquantenaire, 
p- 453. 
— Rendement et vitesse de 


combustion, p. 499. 

Moteurs à explosion pour navires 
de gucrre, p. 94. 

Motoculture et motoculteur, 
p. 685. 

Mouches vivant dans le formol, 
P. 114. 

— Danger, p. 14A. 
Moulage des médaillons en plâtre, 


p. 140. 
Mousseux pour boissons, p. 244. 
Moustiques (Préservation des), 
p. 28. 


Moutarde, p. 300. 
Musée en plein air, p. 117. 


N 


Navire transporteur de sous-ma- 

rins, p. 595. 

proposition de réduc- 

tion. p. 88. 

— de guerre: moteurs to- 
nants, p. 94. 

— de plus en plus grands, 


Navires : 


D: 192: 

— Propulsion électrique, 
p- 173. 

— Dimensions futures, p. 592. 

Nébuleuses spirales : évolution, 
184. 


Négatifs photographiques : 
provisoire, p. 508. 

Nettoyage des rues par le vide, 

257: 

Nickelage épais, p 404. 

Nuages : nouvelle methode de me- 
sure, p. 262. 

Nymphes de Ja baie de Shima, 
p. 720. 


fixage 


O 


Objectif photographique de 4 m. 
de fover, p. 396. 


Observatoire de Cordoba : téle- 
scope, p. 85. 
— de Montserrat à Cuba, 
p. 404. 


Obus nouveaux, p 424, 454. 


Océanographie dans l'antiquité, 
p. 49, 77, 107, 133. 
Œufs : conservation par gaz 
incrtes, p. 208. 
— danois, p. 674. 
Ondemètre à lecture 
p. 597- 

Or : dragage, p. 621. 
Orages (Prévision des) : appareils 
Turpain, p. 159. 

Oxyde de carbone: souris et 

oiseaux révélateurs, 


p. 590. 
'P 


Palmiers : nouveau genre à Ma- 
dagascar, p. 193. 
Pancréas et ses ferments, p. 515. 
Papier (Industrie du) en France, 

p. 156, 368 
— de genûts, p. 537. 
Papiers imprimés pour faire du 
papier nouveau, p. 536. 
Paquebot Imperator, p. 676. 
Paquebots : sécurité, p. 32. 
Parallaxe solaire : détermination 
spectroscopique, p. 673. 
Paris : approvisionnement, p. 339. 
Peintures paléolithiques en Es- 
pagne, p. 95. 
Pendule de Foucault à Fourvière, 
=D. 
— entretenu 
p. 92. 
Pensées ct leur culture, p. 39. 
Peste : évolution chez la mar- 
motte, p. 137. 
PETITHENRY, p. 370. 

Pétrole : consommation dans la 
marine, p. 425. 
Phagocythose et immunité de la 
souris, p. 197- 

Pharmacie ancienne, p. 495. 

Photographie : appareils à fentes, 
p. 682. 

Photographies : contrôle de la- 
vage, p. 308. 

Photosphère solaire : spectre con- 
tinu des vapeurs solaires, 


directe, 


électriquement, 


p. 52. 
Phototélégraphe E. Belin, p. 630. 
Piérides, p. 233. 
Piles : emploi dans les télégraphes 
allemands, p. 32. 
Pin noir d'Autriche, p. 656. 


Piocheur automobile Chouchak, 
p. 610. 

Plans : lever par photographie, 
p. 284. 


Planètes transneptuniennes, p. 36. 
— Origine, p. 555. 
Plantes : respiration et tempéra- 
ture, p. 52. 
— Effet du courant électrique 
sur les cellules, p. 52. 
— décoratives: les tigridies, 
p. 177- 
—  Prétendue radio-activité, 
p. 227. 
— vertes : respiration, p. 499. 
— boussoles, p. 61g. 
— Effet de la radio-activité, 
p. 640. 
Plâtre : cuivrage, p. 69r. 


Pluie (Grosses gouttes de) et dé- 
charges, p. 295. 

— Evaluation des chutes, 
p. 226. 

Paris: augmentation, 
p. 281, 535. 

— artificielle, p. 809. 

Pluics en France, p. 142. 

— dans le Norfolk, p. 701. 
PoirxcaRé (H.), p. 80, 416. 
Poisson : transformation rapide 

d'une espèce, p. 478. 
Poissons du Sahara, p. 535. 


==," A 


— de grandes profondeurs : 
émigration verticale, 
p- 6r2. 
— des côtes de l'Angola, 
p. 640. 
Pommes de terre : conservation, 
p. 523. 
Pommier : culture, p. 660. 
Pompe à vide élevée Pfeiffer, 
p. 66. 


— à vide nouvelle, p. 423. 
Porcelaine de magnésic, p. 69o. 
Port de Londres : travaux, p. 59. 

—- de la Havane : agrandisse- 

ment, p. 349. 
Porte-copic pour machine à écrire, 
p. 677. 
Potasse : applications, p. 242. 
Poumons : quantité nécessaire à 
la vie, p. 585. 
Poussières de l'air, p. 4. 
— Transport par le 
p. 422. 

Pressions de chocs, p. 254. 
Prévision du temps en mer par 
T. S. F., p. 253. 

Prises d’eau (Dégeler les), p. 560. 
Prix Nobel de médecine, p. 452. 
Projectiles (Vol des), p. 436. 
Proprićté très morcelée, p. 87. 
Puériculture électrique, 65. 
Puits de nuit, p. 394. 

—- artésiens de Londres. 

p. 535. 
Pyrèthes (Plantes), p. 626. 
Pyrométrie stellaire, p. 272. 


Q 


Quartz transparent de Madagascar, 


vent, 


p. 305. 
R 
Races humaines néolithiques, 
p. 633. 


Ralium (Explosions de), p. 115. 
— Dans la chromesphère so- 
laire, p. 113. 
— Prix, p. 282. 

Rails : résistance, p. 369. 
Rayons cathodiques lents: ré- 
flexion, p. 666. 

Ravons X pour étudier le cœur, 
—  ultra-violets : influence sur 
les animaux, p. 30. 
— X: imperméabilité des tis- 
sus chargés de plomb, 
p. 471. 
Règle à calcul et équation de Ké- 
pler, p. 65o. 
Reliures : conservation, p. 168. 


TABLE DES MATIÈRES 


Réservoir d'eau servant de pis- 
cine, p. 59. 
Résonance  (Psendo-) 
p. 584. 
Restaurant automatique, p. 
Rogue artificielle, p. 200. 
Rosiers (Forçage des), p. 42. 
Rouville: enlèvement par courant 
électrique, p. 140. 
—  dissolvant., p. 294. 
Roulis (Reéservoirs contre le), 
507. 
Routes les plus élevées, p. 256. 
—- nationales: longueur, 


électrique, 


295. 


p. 284. 
— argileuses : cuisson, p. 305. 
Rues: nettoyage par le vide, 
. r 
R =~ 
> P- 297- 
Russie : invasion de sables, p. 143. 


S 


Sang (Analyse du) pour diagnos- 
tic, p. 548, 576. 

-— Coagulation, p. 581. 
Sauterelles : hutte en Amérique 
du Sud, p. 30. 

Savon phéniqué, p. 420. 
Scaphandre nouveau, p. 398. 
Scintillation : étude, p. 666. 
Sel ct sucre : rôle antiseptique, 
p- 500. 
Semoule (La), p. 357 
Sépultures préhistoriques : dé- 
couvertes, p. 256. 
rhum comme tonique 
du cœur, p. 438. 
Sérums antityphiques, p. 
612. 
Sidération par la douleur, p. 254. 
Sidérurgie française: avenir, 
p. 199. 
Signaux horaires: réception, 
p. 427. 45S. AN5, 5r2. 
54r. 569., 503. 
— horaires internationaux, 
p. 620. 
Silice de forme nouvelle, p. 481. 
Singe : pseudo-langage, p. 638. 
Sirop iodotannique, p. 691. 
Sisiographe Cartuja à compo- 
sante verticale, p. 635. 
Sismologie: point d'histoire, p. 21. 
— à l'île de Pàques. p. 415. 
— en Grèce, aux Balkans et 
en Turquie, p. 450. 
— sous l'empereur Justinien, 
p- ON, 
Sol : frémissements, p. 85. 
—-  Soulèvement au Japon, 


Sérum : 


Grr, 


P. 41. 
Solanum tuberosum : mutation. 
. 278. 
— Maglia: mutation, p. 305. 


Soleil : radium dans la chromo- 
sphère. p. 113. 
— Déplacement dans l'espace, 
141. 
— Minimum d'activité. p. 251. 
— Filaments et protubérances, 
p. 305. 409. 
— Eclipse du 10 octobre 1912. 
p. 309, 421, 477. 
— Effet chez l’homme et les 
animaux, p. 42%. 


733 


— A l'Observatoire de Lyon, 
p. 597. 

— Etoile variable, p. 534. 
Solulions : viscosité, p. 473. 
Soufre (He dei, p. A. 

— Action fertilisante, p. r33. 
Sourds (Appareils pour faire com- 

prendre les), p. 45r. 665. 
Sous-marins allemands et norvé- 
giens, p. 402. 
—  coulés: relevage, p. 
Spitzberg, terre résersée, p. 984. 
Sterilisation de l'eau : nouvelle 
lampe à rayons ultra- 
violets, p. 598. 

STIEGELMANN, p. 307 

Substances radio-actives : tabora- 
toire d'essais, p. 263. 

—  radio-actives : origine des 

rayons 3 et *, p. 679. 

Succion à l'arrière des navires, 
p. SARA. 

Sucrerie : laboratoire, p. 709. 

Suddite : combustible du Soudan, 

p. 479- 

: destruction électrolytique, 

p. 199. 

Tehad : phénomènes électriques. 
p. 28r. 


104. 


Tarets 


T 


Télégramme globe-trotter, p. 88. 
Télégraphie automatique nouveau 
système, p. 46. 

moderne. p. 260, 370. 
T. S. F.: secret des dépèches, 
p. 31. 
— Réception par les abonnés 
au téléphone, p. 31. 
— Station de Seattle, p. go. 
— Station de Nauen, p. r15. 
— À grande distance, p. 255. 
—- Poste portatif, p. 312. 
— dans l'Océan Pacifique et 


l'Amérique du Sud, 
p. 494. 
— transatlantique, p. 424. 


—- Réception des signaux 
horaires, p. 427. 458, 
A85. Bra., BAr. 560, 50%. 
aéroplane aux ma- 
noœuvres, p. 452. 
— pour expédition polaire, 
p. 452. 
— dans les mines. p. 
—  Ntation d’'Arlington, p. 56. 
—- Stations actuelles  meon- 
diales, p. 61% 
Téléphone à Pékin, p 334. 
— Augm ntaton de l'inten- 
site du son, p. 563. 
=. Ntatistique, p. DQO. 
— Reseau Le plus 
p. 610. 
Téléphonie automatique, p. 31. 
= Suppression des bruits pa- 
rasites, p 258. 
Télescope de l'Observatoire de 
Cordoba, p. 85. 
Temps pluvicux et évaporation du 
sol, p. 333. 
Terre : forme, dimensions, relief, 


p. 247, 275. 


—- en 


MEND, 


chargé, 


734 


Têtards vivant dans l’eau salée, 
p- 310. 

Thé : consommation, p. 430. 

Thermomètre à contact électrique, 
p. 629. 

Thorium : émanation., p. 689. 

Tissus chargés de plomb imper- 


méables aux rayons X, 
p. 471. 

— de voton incombustibles, 
p. 621. 


Toile goudronnée, p. 392. 

Torpille-canon Davis, p 32. 

Torpilles de guerre : agrandisse- 
ment, p. 008. 

Touage électrique, p. 346. 

Tour Eiffel: mouvements verti- 
caux, p. 52. 

-— Poids. p. 201. 


Transformateurs-tourelles  Oerli- 
kon, p. 6097. 
Transformisme et eau de mer, 


p- 120. 
Transfusion du sang de veine à 
veine, p. 309. 
Transports frigorifiques en France, 

705. 
Travail professionnel : 
tion, p. 6r1. 
Trèfle rampant (Acide cyanhi- 
drique dans le), p. 443. 
Tremblement de terre de Turquie, 
p. 169. 
— au Brésil, p. 225. 
— et taches solaires, p. 361. 


amclora- 


TABLE DES MATIÈRES 


— du 14 septembre, p. 389. 
Tremblements de terre: con- 
stance probable, p. 25. 
— Périodes de Bruckner, 
p. 105. 
Trombe du 3o juin 1912 à Ré- 
gina, p. 29. 
Trombes : trajectoire rectiligne, 
P. 114. 

Truffes de Provence, p. 674. 
Tuberculose : Congrès de Rome, 
pP. 72, 100, 129. 

—- Action des éthers de glycé- 
rine, p. 165. 
— Vitolité du bacille, p. 278. 
-— (Gelatine contre la), p. 283. 
Tubes de gaz comprimés : cause 
d'explosion, p. 556. 
Tumeurs et radio-activité, p. 29. 
Tunnel sous la Manche, p. 647. 
Turbines Tesla à disques paral- 
lèles, sans aubes p. 55. 
Tuyaux d'acier : fabrication, 
p. 181. 
— de vapeur : appareil de sé- 
curité, p. 452. 
Typhon au Japon (sept. 1912), 


p. 422. 
U 
Unité nouvelle: le siriomètre, 
20. 


Uranium : poids atomique, p. 8o. 
Urée : recherches, p. 528. 
Ustensiles de cave, p. 280. 


v 
Vaccination antituberculaire. 
P. 129. 
—  auntityphique à Avignon, 


p. 423, 499. 
Vagabonds : mensuration, p. 61°. 
Vapeur surchauffée : lois, p. 165. 
Ventilateurs mécaniques, p. 66. 
Vermifuges, p. 193. 
Verre de silice résistant à la cha- 
leur, p. 674. 
Vers parasites : fixation dans l'in- 
testin, p. 402. 
Vertébrés : dénombrement. p. 3637. 
Vie aux basses températures, 
p. 2906, 526. 
Vigne : effeuillage, p. 284. 
Vins de 1911, p. 244. 
Vipères du nord de la France, 
S11. 
Vitesse (Indicateurs de), p. 353. 
Voies ferrées : écartement, p. 5ot. 
Voitures à impériale, p. 255. 
Vol à voile, p. 639. 
Volcan Asama Yama, p. 142. 
— sous-marin en Océanie, 
. 225. 
Volcans de la Réunion: con- 
stitution minéralogique, 
p. 360. 


Z 


Zuyderzée (Asséchement du) : em- 
ploi du béton, p. 675. 


TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 


A 
ACLOQUE. — Les pensées : leur 
culture, p. 39. — Les vermi- 


fuges dans la thérapeutique 
moderne, p. 123. — Les ti- 
gridies décoratives, p. 177. — 
Les piérides, p. 233. — Les élé- 
ments figurés du sang, p. 259, 
344. — L'actinomycose, p. 400. 
— L'utilité et la novicité des 
araignées, p. 468. — Le pan- 
creas et ses ferments, p, 515. 
— La coagulation du sang, 
p. 9581. — Les pyrèthres, 
p. 626. — Les blattes, p. 680. 


B 
BeLLer. — Le filtre-presse con- 
tinu Berrigan, p. 34. — Les 


moteurs tonants dans la ma- 
rine de guerre, p. 94. — La 
difficulté de pose des conduites 
sous l’eau, p. 126. — La fa- 
bricalion des grosses conduites 
d'acier, p. 181. — Les grands 
travaux d'irrigation aux Etats- 
Unis, p. 293. — La transfor- 
mation du’port de la Havane, 
p. 349. — Cigarettes turques 
d’Aden, p. 336. — Le grand 
bassin en eau profonde de Sou- 


thampton, p. 406. — Sous- 
marins allemands et norvc- 
giens, p. 461. — Les travaux 


d'alimentation d'eau de Mexico, 
p. 517. — La grue flottante de 
sauvetage de l'arsenal de Pola, 
p. 535. Les tourelles de 
transformateurs de la Société 
Oerlikon, p. 657. — Un che- 
min de fer minier aérien, 
p. 706. 

Bergère. — Machine à fabriquer 
les bouteilles, p. 6g. 

Bercer (A.). — Le rôle magnt- 
tique des océans ct la consti- 
tution de l'écorce terrestre, 
p. 708. 

BERTHIER. — La pompe Pfeiffer 
à mercure et la mesure des 





vides élevés, p. 66. — Electri- 
cité industrielle : les limiteurs 
de courant, p. 148. — Accu- 


mulateur alcalin Paul Gouin, 
P. 179. — Les nouvelles théa- 
ries de la matière, p. 212, 240. 
269. — Indicateurs de vitesse 
et compteurs kilométriques. 
p. 373. — Ondemètre à lecture 
directe, p. 596. — Thermo. 
mètre à contact électrique. 
p. 629. — Ventilateurs méca- 
niques, p. 662. 


Brancnon (A.). - - La toilette et 
le truquage des fruits, p. 8. 
=- Le repeuplement des chasses 
par le systéme de l'adoption, 
p. 44. 

BONNAFFÉ (F.). — 
fer marilime de 
p. 10. 

BourAx (L.). — Observations re- 
latives aux manifestations vo- 
cales d’un anthropoïde, p. 648. 


Le chemin de 
Key-West, 


Boyer. — Le forcage des plantes: 
les rosiers, p. 42. — La filtra- 
tion des eaux du Nil dans 


l’isthme de Suez, p. 18. — 
Grillades et fourneaux monstres 


chauffés au gaz, p. 146. — Lu- 
nettes  grossissantes Zeiss, 


p. 230. — Nouvelles mé- 
thodes de mesure des nuages 
à l'observatoire de Montsouris, 
p. 2602. — Lle ponton déro- 
cheur du canal de Suez, p. 314. 
-- La fixation des vers para- 
siles dans l'intestin, p. 402. — 
tn cinématographe à main. 
p. 456. — Installation de sécn- 
rité Martini et Iluncke pour la 
manutention des liquides in- 
flammables, p. 482. — Ma- 
chine à laver r4 ooo assiettes à 
l'heure, p. 510. — Nouvean 
phototélégraphe portatif Be- 
lin, p. 680. — Dans une for- 
cerie de boules de neige, p. 650. 
— Les fourrures modernes et 
leur préparation, p. 712. 


C 
CaruazaA (EN. — Deuxième Con- 
grès national du froid, p. 431. 
CnanLes (F.). — La synthèse du 
caoutchouc, p. 176. 
CuanrièRe (G.Y. — L'hygiène dn 
beurre, p. 624. 
CuERPIN. — Le cinématographe 
pour tous, p. 48. — Les nou- 


velles automotrices électriques 
des chemins de fer de l'Etat, 
p. 174. — Le temps de pose 
exact en photographie, p. 244. 
— Un nouveau funiculaire aé- 
rien au Tyrol, p. 426. 


Couses (P,). -- Deux localités 
géologiques célébres : Uchaux 
et les Baux, p. 355. — L'ori- 
gine des eaux de Pougues, 
p. 4209. — Les premiers habi- 


tants du glohe. p. 566. — Les 
oscillations de la péninsule 
balkanique, p. 605. 

CoRRET (Pierre). — Télégraphie 
sans fil : réception à domicile 


des signaux horaires, p. 427, 
495, 489, 512, D41, 508, 5ys. 

CocviN. — La flore du bord de 
la mer, p. 64. — La flore des 
montagnes, p.214. — Ce qu'on 
voit dans un escargot : une le- 
çon d’observalion, p. 292, 328. 
— Un coup d'il sur le passé: 
les animaux qui guérissent, 
p. 579. 

Cour8eT (P.). — A propos des ré- 
centes expériences de M. Raoul 


Pictet, p. 526. 
D 
Dany (G.). — Pendule entretenu 
électriquement, p. 92. — Auto- 


motrices pétrolo-électriques, 
p. 237. 

Dioux (Abbé G.). — Les races 
humaines néolithiques, p. 632. 
— Gravures et sculptures de 
l'époque aurignacienne, p. 683. 


F 


Fournier 9. — Le nouveau la- 
boratoire aérodynamique de 
M. Eiffel, p. 13. -- En nonveau 
système de télégraphie automa- 
tique, p. 46. -- Le goudron- 
nage des routes et la nouvelle 
auto-goudronneuse, p. 62. — 
La voiture chirurgicale automo- 
bile Boulant, p. 20%. — Avia- 
tion : une idée nouvelle, p. 325. 
— Les jouets au concours Lé- 
pine, p. 387, 413, 441. — Per- 
fectionements aux hydro-acro- 
planes, p. 488. — L'acoustèle 

Daguin-Diċnert, p. 57r. — Pio- 
eheur pulvériseur auto-moteur 
Chouchak, p. 610. — Revue de 
l'aviation : le Salon des avions 
en r912, p. 622, 654. — La 
motoculture et le motoculteur, 
p. 685. — La crampe des télé- 
graphistes, p. 716. 


G 


Gançox. -— Notes 
chimie. p. 199, 24, 
ONY. 

Gocot. — La ceure spécifique anti- 
tubereuluire, p. 72. 100, r20. 
-= Les gorges de la Tamina ct 
les sources de Pfeffers, P. 91. 
—- Methodes modernes de dia- 


pratiques de 
SO, 405. 


N 


gnostice sérologique, p. 54S, 
oyo. 
GOUDALLIER, — Un tableau allé- 
gorique : la Pharmacie, p. 405. 
GUADENWITZ (A.). — Les rayons X 
au service du sport, p. 7. — Le 


ciment armé dans la protection 


736 TABLE ALPHABÉTIQUE DES AUTEURS 


des côtes et rivages. p. 98. — 
L'éducation des Esquimaux d'A- 
laska, p. 217. ~- Un camion- 
srue. électromobile, p. 230. — 
100 vou photographies par se- 


coude, pe 250. — La nature 
artiste, p. 343. — Une église 
ambulante, p. 377. — Un sea- 
phandre d'un nouveau genre, 
p. Syb. —- Les navires-écoles de 


la marine marchande, p. 489. 
— Le barrage de Galveston, 


p. 074. — Appareil photogra- 
phique à fentes, p. 082. 
GuiveL. — Le nouveau bateau- 


feu du Hävre, p. 69%, 718. 
H 


liéckLBacuzr. — Un navire trans- 
porteur de sous-marins, le Kan- 
guroo, p. 595. 

Hiiucuanp. — Association fran- 
vaise pour l'avancement des 
sciences, p- 417, 44h, 472, 5oo, 
529, 557, 585, 612, 640, 696. 


J 


Janet (C.). — Sur la forme pro- 


bable de la partie immergée de 
quelques icebergs, p. 131. 
JEANNEL (C1). — Les irrigations et 
les desséchements en Egypte et 
au Soudan, p. 204. — Le port 
de Colombo, p. 373 — Le 
canal de Panama, p. 606. 


K 


hiınwan (DE). — Le transfor- 
misme, ses variations et Peau 
de mer, p. 120. — L'appau- 
vrissement des forèts, p. 405. 
— Le pin noir d'Autriche, 
p. 050. 

huzvrz (L.). — La nouvelle écri- 
ture chinoise, p. 218 — la 
plus haute maison de l'univers, 
p. 255. — Une bibliothèque 
unique au monde, p. 398. — 
Les nymphes de la baie de 
Shima. p. 720. 


L 
Lanacue. — Les beurres anor- 
maux, p. 2385. — Les dangers 
d'un chauffage defectucux, 
p. 466. — Deux ennemis de 


l'enfance : le biberon et le lait 
anormal, p- 052. 


Larne MaND. -— La terre : sa 
forme et ses dimensions, p. 247, 
279. 

Lane. - La turbine Tesla à 


disques paraleles sans aubes, 
ES Le relevage des épaves 
et des sous-marins, pe 104. -- 
La combustion  incandescente 
ans flamme, p. 149. —. Le la- 
inratoire d'essais des substances 
radioactives à Gif, p. 709. 
Laroun. —- Le comportement 


des êtres vivants aux basses 
températures, p. 290. — 5o- 
ciété astronomique de France, 
p. 410., 550, 667. — Le vol des 
projectiles, p. 436. 

LoucuEux. — La 
p. 299. 


moutarde, 


M 


Maner (G. be). — La semoule et 
sa fabrication, p. 357. 
Marcuanp. — Les grands réseaux 
de distribution d'électricité : 
leur développement aux Etats- 
Unis, p. 37. — Station radio- 
télégraphique de Seattle, p. go. 
— Le dragage électrique dans 
l'exploitation des gisements au- 
rifères, p. 153. — Les apparcils 
de culture à vapeur, p. 209. — 
La télégraphie moderne, p. 260, 
371. — Le tonnage électrique 
sur le canal de Saint-Quentin, 
p. 346. — Les ressources mon- 
diales d'énergie, p. 4og. — Le 
nouveau dock flottant de 32 000 
tonnes de l’Amirauté anglaise, 
p. 434. — La boussole gyrosco- 
pique Sperry, p. 545. — L'in- 
dustrie du chauffage central, 
p. 572. —- Les grandes centrales 
génćratrices d'électricité p. 678. 
MarMĮMon. —- Prévision des orages 
et disposilifs paragrèles, p. 159. 
Manne. — Pucriculturc électrique, 
p. 65 — L'humidité des 
beurres, p. 152. — Les lois de 
la vapeur surchauffée, p. 163. 
— Les ferments lactiques dans 


l'ensilaye, p. 220. — Procédé 
nouveau de pasteurisation du 
lait, p. 232. — Suppression 


des bruits parasites dans les 
cominunications téléphoniques, 
p. 258. — Résistance des fila- 
ments métalliques dans les am- 
poules à incandescence, p. 288. 
— L'acide carbonique en œno- 
logie, p- 331. — L'avenir du 
chauflage électrique, p. 521. — 
L'huile de ricin et laéroplane, 


p. 540. — La culture du pom- 
mier, p. 660. 
MENNEVÉE. — [a répartition des 


animaux sur le globe terrestre, 
p. 246. 

MonTESSUS (DE) pe BALLORE. — 
Alexis Perrey : un point d'his- 
toire de la sismologie, p. 22. 
_ Expériences sismologiques 


sous l'empereur Justinien, 
p- UoN. 
N 
Niemann oR. P. Navarro). — Sis- 


mographe Cartuja à 
sante verticale, p. 035. 
Nopo CA. — la lumière cen- 
dree de la Lune, p- 15. = 
L'astronomie physique ct Ja 
théorie cinétique des gaz, 
p. 552. - Nouvel explosif à 


compo- 





———— —————————— EE se A Faaa 
190212, — Hinpranerie PAUL FEnox-VRaAr, 3 et 5, Tue Bavard, Paris, VIe. — Le gérant: A. Fault. 


Poxygène liquide, p. 598. — 
La configuration générale des 
chaînes de montagnes, p. 711. 

Numize. — Une contribution pos- 
sible à l’industrie du papier en 
France, p. 156. — Les arbres 
à gutta-percha de l'Afrique 
tropicale, p. 352. — La culture 
du chrysanthème au Japon, 
p. 439. 


P 


PLucneger. — L'avoine dans l'ali- 
mentation humaine, p. 320. 


R 


REVERCHON. — Pyromètre stel- 
laire, p. 272. — Le chrono- 
graphe moderne, p. 383. — 
L'achèvement du réscau de 
chemin de fer du Jura: la 


ligne Morez - Saint - Claude , 
p. or. 

RousszT. — Procédés modernes 
de métallurgie du fer, p. 205, 
316. — Les marrons d'Inde, 
p. 302. — Les aciers à outils, 
p. 348. — Nouvelles machines 
à merceriser, p. 454. — Per- 


ceptions successives de l'infi- ` 


niment petit, p. 636. — Le 
laboratoire d’une sucrerie, 
p. 709. 

Roy (F. pe). — Les quatre pla- 
nètes transneptuniennes O, P, 
Q, R, p. 36. — Redécouverte 
de la comète périodique de 
Tuttle (1912 b), p. 509. 


S 


SANTOLYNE (P.). — Les frigori- 
fiques agricoles, p. 17. — La 
conservation des œufs par le 
f.oid ct les gaz inertes, p. 208. 
— Les manipulations du miel 
utiles à sa conservation, p. 342. 
— [L'industrie des foies gras, 
p. 404. — Des moyens propres 
à assurer aux pommes de terre 
une bonne conservation, p. 523. 

SaponTa (A. DE). — Les chemins 
de fer français aussitôt après la 
guerre, p. 189. 

sée (A). — L'évolution des né- 
buleuses spirales, p. 184. 

STIEGELMANN. — Les peintures ct 
la stratigraphie paléolithiques 
en Espagne, p. 95. 


T 


Tèru (F.). — Dés spéciaux pour 
le tirage des loteries, p. 18 
Tuouzer. — L'océanographie dans 

l'antiquité, p. 49, 77, 107, 133. 


V 


Varor (J). — La grêle et le 
givre au Mont Blanc, p. ?21. 


mt 


D PE ER € 4 EE o 


E & ; A 


TY Yi 


"E. 


Dire 


n 


se a RE 





‘ 
i 
1 





DEPARTMENT ist 
"res en -3403 


RET URN AE 
.. 19 02 Main Library _— 
LOAN PERIOD \ ar P 











ma