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Full text of "Le brahmanisme"

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LE BRAHMANISl 



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^s^aa^J 



LES RELIGIONS DES PEUPLES CIVIL 



LE 



BRiVHMiNISI 



r 



PAR 



L. DE l^ILLOUË 

CONSERVATEUR DU MUSÉE GUIMET 




PARIS 

D U J A R R I C ET C ' % É D l T E U J 

50, RUE DES SAINTS-PÈRES, 50 
1905 



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97558 'Z^^^?- 
JUN 2 7 1906 

LE BRAHMANISME 



Malgré sa grande antiquité, ce n'est guère que 
depuis un siècle que la possession de ses livres sa- 
crés et la connaissance du sanscrit, sa langue litur- 
gique, nous ont fourni des données précises sur h» 
religion du groupe ethnique qui, au jour de la sépa- 
ration et de Texode du berceau familial, a pris sa 
route vers rinde, tandis que les autres branches de 
la race aryenne ou indo-européenne venaient peu- 
pler et civiliser TEurope. Jusque-là, nous ne la con- 
naissions très vaguement que par de rares allusions 
d'historiens et géographes grecs et latins, particu- 
lièrement de Mégasthénès, l'ambassadeur de Séleu- 
cus Nicatorà la cour de Sandracottos ou Tchandra- 
goupta (i), roi de Magadha, par les récits trop 
souvent fantaisistes ou erronés de voyageurs doués 
de plus d'imagination et de crédulité que de science 

(I) Candragupta, fondateur, vers 312 avant Jésus-Christ, de 
la célèbre dynastie Maurya qui réunit un moment l'Inde en- 
tière sous son sceptre. 



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LE BRAHMANISME 

îervation, et par les renseignements, ceux-là 
: exacts, de quelques auteurs arabes. Sa décou- 
I fut une véritable révélation qui révolutionna 
onde savant et concourrut puissamment à la 
iion de la science nouvelle de Thistoire compa- 
ies religions. 

même que les Grecs et les Latins, les anciens 
ms n'ont point donné de nom particulier à leur 
mce nationale ; ils la nommaient simplement, 
jrs descendants la nomment encore, le Dhaiifna, 
à-dire la Loi ou le Devoir. Nos anciens auteurs 
elèrent Religion des Brachmanes, d'où l'on a 
ensuite le terme Brahmanisme. A leur tour, 
, les savants qui Tétudient de nos jours ont cru 
ir la diviser en trois périodes distinctes, qu'ils 
Lommées Védisme, Brahmanisme, et Brahmanisme 
ire ou Hindouisme. Bien que correspondant en 
à des modifications profondes, ces termes ont 
•être le double inconvénient d'être arbitraires 
r il est impossible de tracer une ligne de démar- 
n nette entre les époques qu'ils représentent — 
induire à croire qu'il s'agit de trois religions 
rentes, tandis que ce sont de simples phases 
3 seule et môme religion évoluant insensible- 
;, sous l'influence de spéculations philosophi- 
, du naturalisme polythéiste au panthéisme sans 
)re pour cela la chaîne des antiques traditions 
itives, et comme l'un de ses traits caractéris- 
as saillants est la suprématie universelle de la 



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LE BRAHMANISME 3 

caste sacerdotale des Brahmanes, le nom de Brah- 
manisme nous paraît convenir mieux que tout autre 
à cette croyance en\isagée dans son ensemble. 

Les Védas. — La religion indienne repose tout en- 
tière sur de très anciens livres appelés Védas, tenus 
pour être la source et le réceptacle de toute vérité 
et de toute science, que la tradition prétend avoir été 
dictés ou révélés par le dieu Pradjâpati (1) ou 
Brahmâ à des sages inspirés, nommés Richis (2), 
que Ton représente comme des fils et quelquefois 
comme les pères des dieux (3). Ce mot, Véda, signifie 
« connaissance, science » (racine vid « savoir ») ; 
mais c'est exclusivement la science divine, consi- 
dérée tantôt comme le souffle exhalé volontairement 
ou involontairement par l'éternel Brahma (4), tantôt 
comme étant Brahma lui-même, tantôt enfin comme 
un son éternel, science qu'on ne peut acquérir par 
l'étude, mais qu'on reçoit par intuition ou, en d'au- 
tres termes, par révélation ; c'est pourquoi les Vé- 
das qui la renferment ne peuvent être utilement 
communiqués que par une tradition orale de maître 
à disciple et non par l'écriture. Ces Védas, recueils 
d'hymnes versifiés, sont actuellement au nombre de 
quatre : le Rig, le Sàma, le Yadjour (5) et TAtharva, 

(1) Prajâpati. 

(2) Rsls. 

(3) Les Védas abondent en contradictions de ce genre. 

(4) L'Ame universelle. 

(5) Yajur et aussi Yajus. 



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LE BRAHMANISME 

jais pendant longlemps, môme jusqu'à l'époque de 
lanou, les écritures indiennes n'ont jamais men- 
onné que les trois premiers, le Triple Véda ; silence 
ignificalif qui, à défaut des indications fournies par 
5 style de ce livre, suffirait à affirmer la date re- 
itivement moderne de la composition de l'A- 
larva. 

Avant tout, une question capitale se pose. Quel est 
âge des Védas? 

Il est évident qu'on ne peut accepter les dires sur 
3 point des auteurs indiens qui n'ont aucune notion 
e chronologie et jonglent à plaisir avec les milliards 
'années, et depuis plus d'un siècle, les savants in- 
ianistes, mythologues et linguistes, discutent sans 
arvenir à se mettre d'accord sur une solution même 
pproximative. Après leur avoir attribué au début, 
ans l'enthousiasme de leur découverte, une anti- 
uité peut-être exagérée de plusieurs milliers d'an- 
ées, on en est venu à prétendre les ramener à une 
poque postérieure à l'invasion d'Alexandre le Grand 
ans l'Inde, sous le prétexte, d'ailleurs loin d'être 
rouvé, que l'alphabet sanscrit, d'origine phéni- 
enne, aurait été introduit dans l'Inde par les sol- 
ats du conquérant macédonien, et qu'il était im- 
3ssible que des ouvrages d'une étendue aussi con- 
dérable aient pu se conserver pendant des siècles 
ms le secours de l'écriture. Récemment enfin, se 
isant sur le calcul astronomique de la position dans 
^cliptique de quelques constellations lunaires, les 



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LE BRAHMANISME 

Nakchatras (1), mentionnées dans le tUg-Véda, 
savants allemands, MM. Jacobi et Oldenberg 
avancé, comme étant celle de la composition 
livre, le premier la date de 4.800 ans, et le s( 
de 2.600 ans avant notre ère. 

En réalité, tout ce que Ton peut dire, dans 
actuel de nos connaissances, c'est que le plus a 
de ces livres, le Rig Véda, est forl vieux, non s 
ment en raison de Tarchaïsme de sa langue, 
encore et surtout par l'état très primilif de civ 
lion qu'il nous révèle, civilisation bien plus 
mentaire que celle dont le vieil Homère nous a 
le tableau. De plus, les similitudes frappanles i 
relève entre sa langue et sa mythologie et la m 
logie et la langue grecques permettent de crc 
leur parenté et d'admettre que, s'il a dû cerl 
ment subir de nombreuses modifications de 1 
au cours des siècles, il peut remonter quant i 
fondàTépoque encore indéterminée de la se 
tion de la famille indo-européenne. D'un autre 
l'objection tirée de l'ignorance de récriture ju 
rinvasion des Grecs dans Tlnde ne pourrait { 
se soutenir, lors même que cette ignorance î 
prouvée, par le fait bien connu que, dans Tantic 
l'enseignement religieux se donnait oralemei 
peur qu'il ne tombât entre des mains profanes 
par exemple, que celui des mystères ou de la rel 

(1).Nak.?alra. 



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6 LE BRAHMANISME 

des Druides) et que cet usage est de nos jours encore 
en vigueur dans Tlnde où, prétend-on, il n'est pas 
rare de trouver des brahmanes capables de réciter 
un Véda d'un bout à l'autre. Il est probable, d'ail- 
leurs, que les Védas se sont conservés à l'état frag- 
mentaire dans plusieurs familles sacerdotales, que 
prétendent représenter actuellement les gotras (1) 
(tribus) et les çâkhâs (2) (écoles) brâhmai^iques, et 
n'ont été réunis et classés dans l'ordre et sous la 
forme que nous connaissons que quand on s'est dé- 
cidé à les confier à l'écriture, œuvre que les Indiens 
attribuent à un ancien sage, nommé Vyâsa (3). Bien 
que leurs hymnes servent dans toutes les cérémonies 
publiques et privées, on ne lit pas les Védas : le 
prêtre officiant doit réciter, ou chanter, de mémoire 
les hymnes exigés par la liturgie; c'est de vive voix 
que le maître religieux, le Gourou, doit enseigner et 
expliquer vers par vers les textes sacrés à son dis- 
ciple; le livre écrit ne sert que de guide ou de 
mémento. 
S'il est le plus ancien, le Rig-Véda est aussi le plus 



(1) On compte 81 gotras de brahmanes. Ce terme a pris cepen- 
dant une acception plus large et plus générale ; aujourd'hui la 
gotra est proprement la famille restreinte à la parenté au 
sixième degré ; ses membres sont appelés Sapindas, 

(2) Ecoles dans lesquelles se conservent certaines traditions 
d'interprétation et de prononciation des textes védiques ; on en 
compte 1.130, dont 1.000 pour le Sâma, 100 pour le Yadjour, 
21 pour le Rlg, et 9 pourl'Atharva. 

(3) Personnage mythique auquel on prête la fondation du 
Védânta et la composition du Mahâbhârata et des Putânas. 



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LE BRAHMANISME 7 

important pour la connaissance de la religion primi- 
tive de ]*Inde; mais il serait dangereux de prétendre 
en tirer des indications sur l'histoire ancienne du 
peuple aryen, en dehors de l'état de civilisation 
encore très rudimentaire qu'il laisse soupçonner. 11 
se compose de mille dix-sept hymnes, versifiés en 
mètres divers, attribués à de nombreux Richis ins- 
pirés, dont les noms sont soigneusement relatés en 
tête de chaque hymne, et répartis d'une manière 
arbitraire, à ce qu'il semble, en dix sections ou 
Mandalas, à l'exception de la neuvième entièrement 
consacrée au dieu Soma. Pour les Indiens, il ren- 
lerme les éléments de toute science et de toutes les 
lois civiles et morales, et, de fait, à force d'en appro- 
fondir les textes, de les soumettre aux commentaires 
et aux spéculations les plus subtils, ils ont fini par 
en tirer réellement toutes leurs institutions reli- 
gieuseé et politiques. Pour nous qui, dégagés des 
traditions séculaires et des préjugés dans lesquels 
l'Indien est enserré, l'étudions à la lumière d'une 
critique impartiale, sans parti pris d'y découvrir 
autre chose que ce qui y est, il reste ce qu'il a très 
certainement été à son origine, le livre du rituel et 
de la liturgie de l'acte le plus important de la vie de 
l'Hindou, c'est-à-dire du sacrifice (1). 

Le Sâma-Véda et le Yadjour-Véda sont, sauf quel- 
ques légères variantes de forme, entièrement com- 

(I) A. Brrgaigne : La Religion védique. 



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LF. BRAHMANISME 

posés d'hymnes ou de fragments d'hymnes emprun- 
tés au Rig-Véda, disposés dans Tordre exigé par les 
règles liturgiques à l'usage des prêtres spécialement 
chargés de les chanter dans les sacrifices, VOudgâ- 
tri (1) et ïAdhvaryou (2). Le premier est affecté sur- 
tout aux cérémonies en l'honneur du dieu Soma et 
aux sacrifices funéraires ou Çrdddhas, Le second, 
qui se divise en deux collections appelées Taittiiiya 
(Yadjour noir) et Vadjasaneyi (Yadjour blanc) ne 
différant guère que par la disposition de leurs ma- 
tières, est d'un usage plus général et a sa place dans 
tous les sacrifices. On utilise des fragments de Tun 
et de l'autre dans les cérémonies du culte domes- 
tique, concurremment avec les hymnes du Ilig-Véda. 
VAtharm Vcda^ composé d'hymnes pour la plupart 
originaux et quelques-uns inspirés du Rig Véda, 
paraît être beaucoup plus récent que les trois autres. 
Ses textes, en général très obscurs, sont des for- 
mules d'incantation sur lesquelles se sont appuyées 
plus tard les pratiques de magie, de divination, de 
sorcellerie et de démonolâtrie qui ont abouti, vers 
le commencement de notre ère, aux rites supersti- 
tieux et dégradants du Tântrisme. Ses prêtres, nom- 
més if/iarrans, passent pour avoir été primitivement 
les descendants du mythique Atbarvan, instituteur 
du culte du feu avant la séparation des Aryei^ et des 
Iraniens. 



(t) Udgâtri. 
(â) Adhvaryu. 



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LE BRAHMANISME ^ 

Les hymnes, appelés jfa/i^m^, constituent la 
tie la plus ancienne et la seule originale de cl 
des Védas, qui se complètent, suivant les doi 
traditionnelles des brahmanes, par trois autr 
ries d'écritures, les Brâhmanas, les Oupanicliads 
les Ai^anyakas, qui, bien que beaucoup plus réc( 
sont également considérées comme divinemei 
vélées ou inspirées et compris dans l'appel 
deÇrouti (2) ou Révélation. L'ensemble des 
tras, des Brâhmanas et des Oupauichads con 
ce qu'on appelle la Samhitâ de chaque Véda. 

Les Brâhmanas sont des ouvrages en prose 
mentant et expliquant les textes des Mantr 
point de vue du rituel et de la liturgie du sac 
et développant les nombreuses légendes qi 
germe, mais à peine indiquées dans les Véda 
constitué en grande partie la mythologie des I 
postérieurs. Le fait même que de tels livres é 
devenus nécessaires indique qu'à l'époque de 
composition la langue et le sens des Mantras éi 
devenus obscurs et peut s'invoquer comme 
preuve convaincante de la grande aiitiquit 
Yédas. Quant aux Oupanichads et aux Aran 
(ces derniers expressément réservés aux médit? 
deô Vânaprasthas ou solitaires qui vivent dài 
forêts), ils ont pour but de dégager et d'expliq 
sens mystique et ésotérique des mythes védiq 

(1) Upanisad. 

(2) Çruli. 

1. 



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LE BRAHMANISME 

en particulier des sacrifices. Conçus avec une très 
remarquable ampleur d'idées et d'une audace de 
pensée allant parfois jusqu'à la négation de la toute- 
puissance et môme de l'existence des dieux, ces 
livres peuvent à bon droit être considérés comme 
Torigine de la philosophie indienne. 

Chaque Véda possède un nombre variable, quel- 
quefois considérable, de Brâhmanas et d'Oupani- 
chads dont quelques-uns sont relativement récents«t 
peut-être ne remontent guère plus haut que le cin- 
quième siècle avant l'ère vulgaire. 

Dieux et Démons, — Les hymnes du Rig-Véda nous 
fournissent les noms de nombreuses divinités aux- 
quelles ils s'adressent et dont les principales subsis- 
teront, nominalement au moins, dans la mythologie 
postérieure; mais nous n'y trouvons rien qui res- 
semble aux attributions de fonctions nettement 
définies et à la classification méthodique des dieux 
d'Homère ou d'Hésiode. Bien que la manière dont 
on les décrit les revête d'une sorte d'anthropomor- 
phisme, les dieux védiques sont vagues, indécis, 
sans personnalité précise, souvent sans attributions 
bien déterminées, se remplacent et se confondent, 
ou bien, à tour de rôle, l'un d'entre eux, Agni sur- 
tout, réunit tous les autres en sa personne, au ^é 
de la dévotion et de l'enthousiasme reconnaissant de 
l'adorateur, de telle façon qu'on peut se demander 
s'ils ne sont pas de simples épithètes d'un Dieu uni- 



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LE BRAHMANISME il 

que, si l'on est, avec eux, en présence d'une con- 
ception polythéiste ou monothéiste. 

Un point acquis, c'est qu'ils ne sont pas éternels 
(les Aryas primitifs ne paraissent pas plus avoir 
conçu la notion d'éternité que celle de Tinfini absolu 
et cela n'a rien qui doive nous étonner étant donné 
leur état probable de civilisation) ; mais par suite 
des contradiations coutumières aux écritures védi- 
ques, leur origine demeure dans une incertitude com- 
plète. Tantôt ils semblent être sortis spontanément 
du chaos ou d'une entité négative préexistante (1) : 
(( Dans le premier âge des Dieux, Texistant naquit 
de l'inexistant)) [liig-Véda X, 1\, 3); tantôt on les 
fait naître d'un couple primordial, Dyâvâprithivî (2) 
c'est-à-dire Dyos « le Ciel )) et Prithivî « la Terre )) 
(R. F. I, 159, 1); tantôt ce sont les fils de Brahma- 
naspati (3) [R, V. II, 26, 3), de Soma (4) (R. K. IX, 
96, 5), d'Aditî (5) (R. V. I, 89, 10), d'Ouchas (6) 
(R, V, 1, 113, 19), ou bien encore d'Agni (7), c'est-à- 
dire du sacrifice même, tantôt ils remplissent alter- 
nativement les uns envers les autres, les rôles de 
pères et de fils. 



(1) Vu rinsuffisance de la traduction de Langlois, ces citations 
sont empruntées aux Original Sanskrit Texts de J. Muir. 

(2) Dyâvâprthivt. 

(3) « Le Seigneur de la prière » . 

(4) La libaUon divinisée. 

(5) L'espace ou Tôther. 

(6) Usas, l'aurore. 

P) Le feu, le dieu du feu, assimilé au sacrifice. 



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12 LE bbahmânismë 

Le Véda les dit immortels, Amartyas, toutefois ils 
ne tiennent pas ce privilège de naissance: ils Tac- 
quièrent par différents moyens, et sont même sus- 
ceptibles de le perdre, ou tout au moins de décheoir 
de leur puissance. D'après certains passages des 
Védas et des Brâhmanas, c'est Agni qui leur a donné 
l'immortalité quand ils l'ont honoré au moment de 
sa naissance; d'autres fois ils la doivent à Savitri (1), 
ou bien ils ont vaincu la mort et gagné le ciel par la 
continence, la ferveur de leurs austérités et par la 
pénitence (tapas), ou encore en proférant et médi- 
tant la syllabe mystique Om. Le plus souvent, les 
textes sacrés nous apprennent que mortels les dieux 
sont devenus immortels pour avoir bu Yamrita (2), 
ou par les sacrifices qu'ils ont accomplis, sans qu'on 
nous dise, toutefois, à qui pouvaient s'adresser ces 
sacrifices alors que les dieux n'existaient pas encore, 
à moins qu'il ne s'agit du sacrifice pour le sacrifice, 
c'est-à-dire d'un acte sacré et méritoire en lui-môme 
et par lui-môme, ainsi qu'il semble résulter de ce 
passage du Rig-Véda (<\): « Avec le sacrifice, les 
Dieux honorèrent le sacrifice ; ce furent les pre- 
miers rites. Ces grandes puissances ambitionnaient 
le ciel, là où sont les antiques Sâdhyas, les Dieux 
(X, 90, 16). 



(1) Un des noms du soleil déifié. 

(2) Amrta, liqueur de vie, identique au Soma, c'est-à-dire à 
la libation. 

(3) J. Mum : Original Sanskrit Texls, V. p. 17. 



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LE brahmanisme: 13 

Si les textes sacrés nous laissent indécis en ce qui 
concerne l'origine et rimmortalité des dieux védi- 
ques, notre incerlitude n'est pas moindre au sujet 
du degré de puissance qu'ils leurallribuent. Ce sont 
évidemment, des êtres supérieurs aux hommes par 
la grandeur, la force et Tintelligence; ils comman- 
dent en maîtres aux éléments et aux phénomènes de 
la nature; ils gouvernent et protègent l'univers; ils 
accordent faveurs et grâces à leurs adorateurs et les 
défendent contre leurs ennemis; mais, eu dépit des 
hymmes où on la magnifie, leur puissance n'est pas 
sans limite. Continuellement elle est mise en échec 
par celle, non moins grande des démons, et s'ils 
finissent toujours par sortir vainqueurs de leurs 
éternels combats, les dieux ne s'en tirent pas sans 
blessures, ni sans défaites temporaires; peut-être 
même succomberaient-ils, si les hommes ne soute- 
naient leurs forces et leur courage par les sacrifices, 
les offrandes, surtout par les oblalions de Soma, la 
liqueur enivrante dont ils sont avides. Bien plus, 
par leurs méditations, leurs sacrifices et leurs péni- 
tences austères, les saints anachorètes peuvent ac- 
quérir sur la nature une puissance au moins égale 
à celle des dieux, les chasser du ciel par une simple 
malédiction et même se substituer à eux dans leurs 
fonctions et leur gloire divines, éventualité redouta- 
ble que ceux-ci s'évertuent continuellement à pré- 
venir en induisant en tentation ceux de leurs com- 
pétiteurs qui menacent de devenir dangereux. Enfin 



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LE BRAHMANISME 

sans aller jusque là, TAtharva-Véda enseigne les in- 
cantations par lesquelles Thomme peut asservir la 
volonté des dieux à la sienne propre, et mettre leur 
pouvoir au service de ses intérêts. 

Par ce qui précède il est aisé de concevoir à quelles 
difficultés se heurte le mythologue qui cherche à dé- 
terminer la nature de ces dieux. L'opinion courante, 
d'accord du reste avec la tradition des brahmanes, 
est qu'ils personnifient les forces, les éléments et les 
grands phénomènes de la nature: le ciel, l'atmos- 
phère, la terre, le soleil, la lune, le jour, la nuit, la 
pluie le feu, le vent, etc., et il est certain que telles 
ont été leurs attributions dans la mythologie des 
temps postérieurs; mais cette répartition de fonc- 
tions semble être le résultat souvent arbitraire du 
classement opéré par les brahmanes lors qu'ils se sont 
avisés de mettre quelque ordre dans leur panthéon 
devenu trop vague. En effet, à part Agni, Indra, 
Varouna, Sourya, Ouchas et Yama, aucun des Dieux 
védiques ne remplit un rôle nettement déterminé, 
ou n'a une personnalité absolument distincte. D'un 
autre côté le nom collectif même qu'on leur à donné 
Dévas {i) «les brillants», indique ou semble in- 
diquer qu'au début du moins, ils ont représenté 
exclusivement des phénomènes d'ordro lumi- 
neux. Cette considération, et aussi la découverte 



(1) Deva, de la racine div a briUer ». Cf. divus, dew, 

0£o; ,8to; 



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LE BRAHMANISME 15 

da fait que le Rig-Véda n'est en réalité qu'un ri 
du sacrifice, ont amené M. Bergaigue (1) à conc 
que ces Dieux représentent les éléments du sacr 
«t spécialement ses éléments ignés, le feu et la 
tière inflammable qui l'entretient. Allant plus 
encore dans cette voie, M, Regnaud (2) voit dans 
ces dieux de simples épithètes du feu et de la libat 
A l'appui de cette hypothèse, ou pourrait cite 
nombreux passages des Brâhmanas, des Oup 
cbads, des Castras et des Pourânas, où l'identilica 
de quelqu'un des grands dieux au sacriûce est m 
m«nt formulée ; dans la Bhâgavad-Gîtâ (3) e 
autres, lorsque Krichna révèle sa véritable na 
à son ami Ardjouna, il déclare être tout ce qui es 
dans l'univers, l'univers lui-même, le sacrifice. 

Mais ce n'est pas ici la place de discuter de la 
ritable nature des dieux, et quelle qu'elle pu 
être nous devons les présenter sous Taspectetave 
attributions qjie leur donne la tradition brâhm 
que. En prenant à la lettre le sens apparent des h 
nés du Rig- Véda, les Dévas nous apparaissent déjà 
thropomorphisés et, si on n'en rencontre pas dei 
criptions physiques, comme dans les ouvrages d 
date postérieure et surtout dans les Pourânas, 

{{) La Religion védique. 

(2) Le Rig-Véda et les origines de la mythologie indo-e 
péenne. — Les premières formes de la religion et de la ti 
lion dans l'Inde et la Grèce. 

(3) Poème mysUque intercalé comme épisode dans le dix 
livre du Mahâbbârata . 



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' 16 LE BRAHMANISME 

sent implicitement nu'ils ont des corps assez sem- 
blables à ceux des hommes, de même qu'ils eu pos- 
sèdent les passions, amour, haine, colère, aflection, 
antipathie, reconnaissance, ressentimenls, et même 
les besoins, car il leur faut pour soutenir leurs 
forces et entretenir leur immortalité la nourriture 
que leur fournissent les sacrifices accomplis à leur 
intention. Très nombreux, on pourrait presque dire 
innombrables, ils ont des sexes différents; mais, 
bien que presque chaque dieu ait pour compagne 
une déesse, qui n'est souvent qu'une forme fémi- 
nisée de son nom, à part Aditi, Diti, Pârvalî ou Pri- 
thivî, Ouchas et les Apsaras, l'élément féminin rem- 
plit un rôle très effacé dans la mythologie védique. 
D'après de nombreux passages du Rig-Véda, il y au- 
rait seulement trente-trois dieux : — a vous, 
Dieux, qui êtes onze dans le ^ciel, qui êtes onze sur 
la terre, et qui, dans votre gloire, êtes onze habi- 
tants des eaux, accueillez favorablement cette of- 
frande qui est nôtre » (I, 139, 2) ; « Puissent les trois 
en plus de trente Dieux, qui ont rendu visite à notre 
gazon (1) du sacrifice, nous reconnaître et nous 
rendre le double » (VII, 28, 1) ; — « Vous qui êtes les 
trois et trente Dieux adorés par Manou, ainsi loués, 
puissiez-vous devenir les destructeurs de nos enne- 
mis » (VIII, 30, 2) ; et, plus explicite le Çatapatha- 
Brâhmana répartit ces trente-trois divinités en 

(1) C'est-à-dire l'autel recouvert d'herbe Kuça. 



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LE BRAHMANISMK 17 

douze Adityas, on^e Roudras et huit Vasous, aux- 
quels il adjoint soit Dyôs et Prithivî, soit Indra et 
Pradjâpati. Mais il est évident que ce chiffre de 
trenle-lrois adopté pour une raison qui nous 
échappe ne représente pas et n'a jamais représenté 
le nombre total des dieux, car le Rig-Véda lui- 
même, selon son habitude de contradictions conti- 
nuelles, mentionne dans d'autres passages les 
trente trois Qieux augmentés, suivant les circons- 
tances, d'Agni, de Soma, des Açvins, des Nâsatyas, 
etc. Ailleurs encore, il va plus loin et déclare : 
— « Trois cents, trois mille, trente et neuf Dieux 
ont adoré Agni » (III, 9, 9). 

De bonne heure les Brahmanes ont senti la néces- 
sité de mettre un peu d'ordre et de hiérarchie dans 
celte multitude confuse d'êtres divins, et déjà plu- 
sieurs siècles avant notre ère, le célèbre Yâska(l) 
en enireprit dans son Niroukta (2) un classement 
méthodique, ou plutôt deux classements différents. 
Dans un premier passage, il les répartit en grands 
et petits, vieux et jeunes, sans dire toutefois sur 
quelles données il se fonde pour établir cette divi- 
sion que les hymnes védiques ne paraissent ni jus- 
tifier, ni même suggérer : — « Respect aux grands, 
respect aux petits, respect aux jeunes, respect aux 



(1) Probablement le premier des exégôtes indiens du Véda, 
qui vécut, croit-on, entre 500 et 4'JO avant Jésus- Christ. 

(2) Nirukta « Explication ». Interprétation des termes védi- 
ques obscurs. C'est le quatrième des Véddngas. 



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18 LE BRAHMANISME 

vieux. Adorons les Dieux autant que nous le pou- 
vons ; puissé-je, ô Dieux, ne pas négliger d'iionorer 
les plus grands » (I, 27, 13). Mais un peu plus loin, 
(VII, 5), il donne en ces termes une autre classifi- 
cation, plus conforme, d'ailleurs, au contexte gé- 
néral des hymnes et aux notions traditionnelles : 
— (( D'après les commentateurs du Véda, il y a trois 
Dieux, savoir : Agni, qui est placé sur la terre; 
Vâyou ou Indra, qui réside dans l'air* et Sourya, 
dont la place est au ciel. Ces Dieux reçoivent plu- 
sieurs appellations différentes en raison de leur 
grandeur ou de la diversité de leurs fonctions, de 
même que les termes de hotri (1), adhvaryou (2), 
brahmane (3) et oudgâtri (4), s'appliquentà une seule 
et même personne suivant le rôle particulier qu'elle 
se trouve remplir dans le sacrifice. Ces Dieux peu- 
vent être tous distincts, car les louanges qu'on leur 
adresse et leurs noms sont différents (5). » Puis, 
partant de là, Yâska répartit les manifestations di- 
verses de ces dieux en trois classes ou groupes : les 
dieux terrestres, les dieux atmosphériques ou in- 
termédiaires, et les dieux célestes. Cette classifica- 
tion paraît avoir été généralement adoptée dans ses 
grandes lignes par les théologiens brahmaniques, et 

(1) Le Hotri est le prélre qui récite les hymnes du Rig-Véda 
et verse la libation de Soma. 

(2) Adhvaryu, chantre du Yajur-Véda. 

(3) Directeur du sacrifice. 

(4) Udgâlr, chantre du Sâma-Vôda. 

(5) J. Muir: Original Sanskrit Texts^ vol. V, p. 8. 



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LE BRAHMANISME 19 

a été suivie également par la plupart des iadianis- 
tes européens, qui y ont ajouté cependant une qua- 
trième catégorie, celle des divinités des eaux. 

On a généralement coutume de considérer le ciel, 
Dyôs (1), comme le plus ancien et, primitivement, le 
plus important des Dieux védiques, sans doute à 
cause du titre de « père » (ptfar) que lui donnent 
habituellement les hymnes, et peut-être en raison 
de sa grande similitude de nom avec le Zeus (2) des 
Grecs (zeOo- noLvnp, Jupiter, Dtepater) et de fonctions 
avec où/5«vo<T, le dieu initial de la mythologie hellé- 
nique : cependant, la part restreinte d'invocations 
que lui fait le Rig-Véda ne permet guère de suppo- 
ser qu'il ait jamais été un dieu suprême compara- 
ble à Zeus. Pour expliquer ce fait, quelques auteurs 
ont émis l'hypothèse que Dyôs, grand dieu primitif 
de la race indo-européenne, était déjà une divinité 
vieillie et délaissée à Tépoque où furent élaborés 
les hymnes de ce Véda ; mais aucun indice sérieux 
n'appuie cette supposition, et il paraît plus proba- 
ble que nous sommes ici en présence d'un mythe 
imparfaitement évolué, qu'une cause quelconque a 
arrêté dans son développement. 

Il est rare que Dyôs soit invoqué seul. Presque 
toujours le /{ijf-Ferfa l'associe à PrithM (3), déesse 



{l)GénUif, Divas. 

(2) DiAs et Zeus proviennent tous deux de la même racine ini- 
tiale div. 

(3) Prthivî « la large, l'étendue ». 



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LE BRAHMANISME 

la terre, avec laquelle il constitue le groupe 
iteur Dyâvâ-PritliM, Père et mère de tous les 
!S, Dyôs et Prithivî ont engendré les dieux, les 
imesel les animaux, quelquefois aussi les plan- 
et même tout l'univers; essentiellements bien-^ 
lanls, ils dispensent avec libéralité leurs faveurs 
ur nombreuse progéniture : — « Dans les céré- 
lies j'adore avec des offrandes et je chante les 
ingesdeDyôs et de Prithivî, promoteurs de la 
ice, grands, énergiques, qui sont les parents des 
jx et qui dispensent, comme les Dieux, les grâ- 
les plus précieuses en récompense de nos of- 
des. — Par mes invocations j'adore la pensée du 
) bienfaisant pour tous et la force puissante qui 
îelle de la Mère. Ces parents prolifiques ont en- 
iré toutes les créatures, et par leur grâce ont 
éré à leurs rejetons une grande immortalité » 
V. 1, 159, 1), — Peut être aussi constituent-ils le 
initial de la famille, car, suivant une concep- 
à peu près générale chez les peuples primitifs, 
5 et Prithivî sont unis par les liens d'un véri" 
3 mariage, contracté avec des rites solennels, 
i que nous le révèle ce passage de TAitaréya- 
mana (1) : — « Jadis, ces deux mondes étaient 
. Plus tard ils se séparèrent. Après leur sépara- 
la pluie cessa de tomber, le soleil cessa de bril- 
^lors les cinq classes d'êtres ne restèrent point 

L'un des decx Brâhmanas annexés au Rig-Veda. 



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LE BRAHMANISME 21 

en paix les unes avec les autres. Alors, les Dieux 
amenèrent la réconciliation de ces deux mondes. 
Tous deux contractèrent un mariage selon les rites 
observés par les Dieux )) (IV, 17). 

Comme celle de tous les autres Dieux, l'origine de 
Dyôs et de Prilhivî est obscure, les récits qui la con- 
cernent sont contradictoires ; tantôt il semble qu'ils 
soient éternels ou apparus spontanément ; tantôt ils 
sont l'œuvre d'un dieu innommé, du plus habile des 
dieux : « Au loin étendus, vastes, infatigables, le 
Père et la Mère protègent tous les êtres. Il était le 
plus habile des Dieux habiles, celui qui a fait ces 
deux mondes qui sont bienfaisants pour tous, qui, 
désirant faire une œuvre excellente, a étendu ces 
régions et les a consolidées par des supports indes- 
tructibles )) (R. V. I, 160, 2) D'autres fois c'est 
Soma (1), Pouchan, Tvachtri (2) ou Indra (3) qui les 
a créés ; ou bien ce dernier les a engendré de son 
propre corps, les soutient dans ses mains et les 
étend comme une toison ; ou bien encore un 
hymne (4) les fait sortir de la tête et des pieds de 
Pouroucha (5), et un autre les fait naître dans les 
eaux. D'un autre côté, Prithivî est dite le support 
ou la demeure de Dyôs qui, en somme,, plutôt que le 
ciel paraît personnifier la lumière par excellence ou 

(1) Le dieu de la libaUon. 

(2) Pu«aD,Tvastr, personniflcutions du soleil. 

(3) Dieu de Féciair et de la pluie. 

(4) R. F, X, 90. 

(5) Purusa, la victime mysUque immolée par les Dieux. 



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22 LE BRAHMANISME 

le jour et que ses relations de parenté avec Soma, 
Pouchan, Tvachtri, Indra, Agni (qu'ondit tantôt son 
frère et tantôt son fils, ou encore sa tête), Mitra et 
Savitri désignent, comme ayant été primitivement 
un des éléments ignés du sacrifice, un équivalent 
d'Agni, d'Indra et de Sourya. On peut aussi invo- 
quera l'appui de cette hypothèse le fait qu'on lui 
substitue parfois Pardjanya (I), divinité assez indé 
cise qui parait présider au tonnerre, à la pluie, à la 
procréation, à la fructification, et dont le nom, pris 
adjectivement, est une épithète assez fréquente d'In- 
dra et de Sourya. 

Le plus souvent, on attribue le rang suprême 
parmi les êtres célestes à un autre dieu du ciel, 
Varouna (2) qui, après avoir très certainement per- 
sonnifié comme Dyôs le ciel lumineux, est devenu, 
déjà à l'époque védique, le ciel nocturne constellé 
d'étoiles. Varouna remplit des fonctions aussi hautes 
que nombreuses. Il réside dans tous les mondes 
dont il est le souverain régulateur ; il a créé la nuit, 
il soutient la terre ; c'est par ses soins que les ri- 
vières coulent et vont verser leurs eaux dans l'Océan, 
sans jamais le remplir ; ses lois et ses ordres sont 
immuables et inviolables ; sa puissance s'exerce 
sans restriction sur les destinées des humains dont 



(1) Parjanya. 

(2) Varuna « celui qui enveloppe, qui enserre ». On le rapppo- 
ciie de l'Ouranos grec avec lequel il a beaucoup de simili- 
tude. 



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LK BRAHMANISME 23 

il connaît tous les actes, les pensées Jes plus secrè- 
tes, qu'il récompense et punit, dont il délie et retient 
les péchés ; il connaît le vol des oiseaux dans le ciel, 
la route des poissons dans les eaux, la course du 
vent, et voit tout ce qui a été, ce qui est et ce qui 
sera. « Le grand Être qui règne sur ces mondes les 
voit comme s'il était tout près. Si quelqu'un pense 
faire quelque chose en secret, ce Dieu le sait, et voit 
quiconque se tient debout, marche, se glisse secrè- 
tement, se retire dans sa maison ou dans quelque 
cachette. Ce que complotent deux personnes assises 
ensemble, en tiers avec elles Varouna le sait. Cette 
terre est le domaine du roi Varouna et aussi ce vaste 
ciel dont les extrémités sont si distantes. Les deux 
océans sont les mammelles de Varouna, et il réside 
dans ce petit étang. Celui qui fuirait au delà du ciel, 
ne pourrait pas échapper au roi Varouna. Descen 
dant du ciel, ses messagers traversent le monde ; 
avec leurs mille yeux, ils regardent sur toute la 
surface de la terre. Varouna perçoit tout ce qui 
existe entre le ciel et la terre et au delà. Il compte 
les clignements d'yeux des hommes. Il lient en ses 
mains toutes les choses comme le joueur les dés 
qu'il va jeter. Varouna, que tes filets enlacent 
rhomme qui profère des mensonges et qu'ils s'é- 
cartent de celui qui dit la vérité (1) ». Le respect et 
Tadoration éclatent en termes d'une grandeur et 

(1) Alharva-Véda. IV, 16, 26. 



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24 



LE BRAHMANISME 



d'une élévation incomparables dans les hymnes qui 
lui sont consacrés, et où ses adorateurs lui associent 
souvent son frère Mitra (1), une des nombreuses 
personnifications du soleil, à qui Ton donne le ciel 
de jour pour empire, mais qui ne participe qu'en 
faible partie au caractère de justicier de Vârouna. 

Toutefois, il ne faut pas attacher trop d'impor- 
tance à cette apparente attribution du rang sou- 
verain à Varouna ; car, d'un côté, les hymnes l'at- 
tribuent également à d'autres dieux, et de l'autre 
Indra le lui dispute victorieusement et s'en empare 
à la suite d'une sorte de traité qui dépossède Va- 
rouna de l'empire du ciel et lui laisse celui des eaux, 
mythe qui prépare le passage de Varouna à la fonc- 
tion exclusive de dieu de l'océan qui lui sera dévo 
lue dans la mythologie post-védique. Plusieurs hym- 
nes du Rig-Véda renferment d'ailleurs des allusions 
à la connexion de Varouna avec les eaux, — eaux 
réelles ou eaux du sacrifice, c'est-à-dire les liba- 
tions, — notamment les deux passages suivants : 
— (( Vous désirant, vous fils de la force, les Marouts 
(2) s'avancent à travers le ciel ; Agni sur la terre, 
Vâta (3) dans l'atmosphère, et Varouna sur les eaux, 
l'océan (4) w. — « Que me protègent les eaux célestes, 
et celles qui coulent, celles pour lesquelles sont 



(1) L'Ami 

(2) Mapul : dieux des éclairs ou des vents. 

(3) Vâta ou VAyu, dieu du vent. 

(4) R. V. I 161,14. 



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LE BRAHMANISME ^5 

creusés des canaux, et celles qui se produisent 
spontanément, celles qui vont à l'océan, qui sont 
brillantes et purifiantes ! Que ces eaux, au milieu 
desquelles se meut le Dieu Varouna^ surveillant la 
véracité et la fausseté des hommes, qui distillent la 
douceur et sont brillantes et purifiantes, me protè- 
gent! Que ces eaux dans lesquelles Varouna, Soma 
et tous les Dieux goûtent le plaisir de la nourriture, 
dans lesquelles est entré Agni-Vaiçvânara, me pro- 
tègent! (1) » — (( Mitra et Varouna, vous les deux 
rois, protecteurs de la grande cérémonie, puissants 
seigneurs de la mer, venez ici ; envoyez-nous du ciel 
de la'nourriture et de la pluie ! (2) ». 

A Varouna est étroitement apparenté le groupe 
des Àdityas dont il est le premier et le chef. Les 
Adityas sont de grands Dieux lumineux se ratta 
chant tous au mythe solaire, sans en excepter Va- 
rouna qui, assez souvent, se substitue au Dieu-Soleil 
Savitri ou Sourya, mais dont le nombre et les noms 
varient d'un hymne à l'autre. Le llig-Véda en men 
tionne tantôt six : Varouna, Mitra, Aryaman, Bhaga, 
Dakcha (3) et Amça ; tantôt sept, en adjoignant Sa- 
vitri aux précédents ; tantôt huit par l'addition de 
Mârttânda. Mais, même dans ce cas, on n'en compte 
jamais que sept, Mârttânda, dit-on, ayant été repoussé 

(1) R V. VII, 49, 2. Il est à remarquer que le dernier vers de 
cette citation désigne pettement les eaux —libations. 
[2)R. V, VII, 64,2. 
(3) Daksa. 



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LE BRAHMANISME 

aie par leur mère commune. La Taittirîya- 
itâ du Yadjour-Véda et le Taittirîya-brâhmana 
nment également huit ; mais substituent Dhà-. 
dra etVivasvat à Dakcha, Savitri et Mârttânda. 
ard, les Brâlimanas et les Pourânas porteront 
ombre à douze, sans doute pour les faire pré- 
lux douze mois de Tannée. D'après les hymnes 
ies, ce sont les plus grands, les plus puissants, 
is bienfaisants et les plus vénérables des Dieux ; 
à part Varouna, Mitra, Savitri, Indra et Vivas- 
li ont par ailleurs des fonctions déterminées, 
icha qui paraît remplir le rôle de créateur ou 
^créateur des êtres animés, on ne les invoque 
que collectivement pour obtenir leur protec- 
t des faveurs, la plupart du temps matérielles, 
que longue vie, puissance, richesse, nombreuse 
•ité de fils vaillants, abondance de bétail, etc. 
vant la donnée généralement fournie par les 
, les Adityas sont les fils, sans père, d'Aditi, 
5s a conçus après avoir mangé les restes du 
ice qu'elle avait offert aux dieux appelés 
^as ; mais, ensuite, la littérature post-védique 
it naître du mariage d'Aditi avec le sage Richi 
ipa, personnage mythique qui personnifie, dit- 
crépuscule, et dont on fait à l'occasion le père 
plupart des autres dieux. D'un autre côté, le 
atha-brâhmana leur donne pour origine douze 
es d'eau céleste engendrées par Pradjâpati. 
ti (( la libre » ou « l'illimitée, Tinfinie », est 



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(:. 



LE BRAHMANI 

une déesse fréquemment citée 
dont, malgré cela, la nature n 
terminée avec précision. On h 
existant par elle-même, tantôt 
et fille des dieux, mère des h 
êtres : « La terre naquit d'Oui 
naquirent les régions ; Dakcl 
Aditi de Dakcha. Car Aditi fut 
fille, ô Dakcha. Après elle naqi 
reux, ayant en partage l'immo 
qui étaient nés de son corps, a 
cha des Dieux et rejeta Mârtt 
Aditi approcha la première gé 
elle enfanta ensuite Mârtlând 
aussi bien que pour la mort (1) 
maintenant, duquel de tous 
nous invoquer le nom propice 
vers la grande Aditi, afin que 
mon père et ma mère?lnvoquo] 
le premier des immortels ; il i 
grande Aditi, afin que je puisse 
et ma mère (2) ». Suivant les 
sonnifier l'espace infini et lum 
ture universelle: « Aditi est 1( 
Aditi est la mère, et le père et 
les Dieux et les cinq races ; Ac 



(1) /?. F. X, 72, 4 5, 8-9. 

(2) R, V. I, 24, 1. 



i^ 



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!28 LE BRAHMANISME 

né; Aditi est tout ce qui naîtra (1) ». Yâska Tidea- 
lifie avec Prithivî, la terre, avec le couple Dyâvâpri- 
thivî, avec Vâtcli (2), déesse de la parole et du sacri- 
fice, elle même confondue avec Sarasvatî, déesse des 
eaux; enfin un passage du Rig-Véda Tassimile aux 
eaux du sacrifice : « A tous vos noms, ô Dieux, on 
doit respect, adoration et culte; vous qui êtes nés 
d'Aditi, des eaux, vous qui êtes nés de la terre, écou- 
tez mon invocation (3) », assimilation que corrobo- 
rent deux autres passages du même Véda (4), où il 
est dit que les dieux sont « fils de TAmrita », c'est-à- 
dire de la libation de Soma (5). 

En réalité, le plus grand des dieux védiques, — 
peut-être à l'origine le seul. Tunique, le prototype 
de tous les autres dont il serait ainsi véritablement 
le père, — est Agni (6), le Feu : les Védas eux- 
mêmes nous en fournissent sinon la preuve posi- 
tive, du moins une présomption sérieuse. Des raille 
dix-sept bymnes du Rig, près de la moitié lui sont 
consacrés, et les expressions d'admiration, d'amour, 
de reconnaissance et d'adoration par lesquelles ils 
glorifient sa beauté et sa puissance, célèbrent ses 



(1) R. V. 1,89, 10. 

(2) Vûc. 

(3) R. V. X, 63, 2. 

(4) R. V. Vr, 52, 9 ; et X. 13, 1. 

(5) Cf. P. Rbgnaud : Le Rig Véda et les origines de la my- 
thologie indo-européenne, p. 192. 

(6) Cf. lo latin Ignis ; cf. aussi les mythes d'IIestia et de 
Testa. 



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LE BRAHMANISME 29 

bienfaits et affirment sa suprématie, ne le cèdent ni 
en élévation d'idées, ni en enthousiasme aux invo- 
cations et aux louanges qu'ils prodiguent à tour de 
rôle aux autres grandes divinités. Le doyen des 
exégèles du Véda, Yâska (i), reconnaît celte prédo- 
minance lorsqu'il ramène tous les Dieux à la triade 
Agni, Vâyou ou Indra, et Sourya, et que, ailleurs, 
il établit qu'Indra et Sourya eux-mêmes représen- 
tent l'Agni terrestre dans Tatmosphcre et le ciel. 
Cette prééminence, du reste, ne doit pas nous sem- 
bler extraordinaire si, — nous dégageant des préju 
gés qui nous font attribuer le rang suprême à Dyôs 
à cause de sa ressemblance avec le Zeus grec, ou à 
Varouna en raison du caractère moral qu'on lui 
prête et qui, en réalité, n'est pas beaucoup plus 
développé chez lui que chez les autres Dieux, — nous 
considérons, d'un côté, le rôle capital d'Agni dans 
l'acte le plus saint et le plus obligatoire de la vie re- 
ligieuse de l'Indien, le sacrifice, et, de l'autre, l'im- 
portance que devait avoir la possession et l'entretien 
du feu chez un peuple très primitif qui semble avoir 
gardé un souvenir vivace de l'époque de misère où 
cet élément si précieux de l'existence lui était in- 
connu (2). 

Agni est le plus grand, le premier, le plus ancien 
des dieux, leur père, leur roi; il est tous les dieux. 

(1) Voir note I, page 17. 

(2) Voir P. Rkonaud : Les premières formes de la religion et 
de la tradition dans Vlnde et la Grèce. 



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30 LE BRAHMANISME 



Il a trois places: sur la terre, dans ratmosphère et 
dans le ciel. Dans le ciel, il est le poiirokita (i) des 
dieiMc, leur directeur religieux ; il préside aux sa- 
crifices qu'ils accomplissent et célèbre lui-même leur 
culte. Sur la terre, le plus sage et le plus divin des 
|} sages, bienveillant pour Thumanité et ne méprisant 

"\ personne, il est le Seigneur, le guide du peuple qu'il 

protège eu mettant en fuite et détruisant les dé- 
mons, un père, une mère, un fils, un frère, un 
parent, un ami pour tous les hommes. Réunissant 
en sa personne les qualités et les fonctions des diffé- 
rents ordres de prêtres, il est le hotri par excellence 
qui s'éveille avant l'aurore pour adorer et nourrir 
les dieux, le sacrificateur expert dans tous les rites 
qui dirige, protège et mène à bien toutes les céré- 
monies: « Agni, connaissant les saisons (ou les épo- 
ques) qui conviennent aux Dieux, corrige les nom- 
breuses erreurs que nous autres, hommes ignorants, 
nous commettons contre vos prescriptions, ô Dieux 
très sages. Les choses relatives aux sacrifices que 
nous ne comprenons pas, nous mortels de peu cl-in- 
telligence et de science imparfaite, Agni, le prêtre 
vénérable qui les sait toutes, les exécute avec préci- 
sion et adore les Dieux au moment convenable (2) ». 
Agni est le messager rapide qui assure les commu- 
nications entre la terre et le ciel, entre les hommes 
; et les dieux à qui il fait parvenir les hymnes et les 

(1) Purohita a prèlre-domeslique ou famUial, chapelain ». 

(2) B, V. X, 2. 4 5. 



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LE BRAHMANISME 31 

prières, qui leur porte sur ses flammes les offran- 
des de leurs adorateurs. C'est le héraut qui convo- 
que les dieux aux sacrifices des hommes, qui les y 
guide ou les amène sur son char et partage le culte 
qui leur est rendu. Il est la bouche et la langue par 
lesquelles les dieux goûtent et mangent l'holo- 
causte, ou bien il les devance et se nourrit le pre- 
mier des .offrandes. 

Agni est immortel; il est même éternel, existant 
par lui-même antérieurement à la naissance de tou- 
tes choses : au commencement, il résidait inmani- 
festé dans le ciel avant que Mâtariçvan, l'émissaire 
de Vivasvat (1), l'apportât sur la terre et le confiât 
aux soins des Bhrigous (2). Ce qui n'empêche que, 
suivant leur habituelle insouciance des contradic- 
tions, les textes sacrés le représentent comme créé 
par ces mêmes dieux dont on nous a dit qu'il est le 
père : (( Pendant la nuit, Agni est la tête de la 
terre (3) ; alors il naît soleil levant au matin. Les 
Dieux créèrent d'abord Thymne, puis Agni, ensuite 
Toblation. Il fut leur sacrifice protecteur : Dyôs, 
Prithivî, lés Eaux le connaissent. Par leur puis- 
sance, les Dieux engendrèrent Agni qui remplit les 
mondes ; ils le façonnèrent pour une triple exîs- 



(1) Le soleil. 

(2) Bbrgu, demi-dieux sacrificateurs, doués d'une grande 
habileté, qui ont enseigné aux hommes le moyen d'aUumer le 
feu. 

(3) Le Rig-Véda dit aussi qu'U est la tête de Dyôs. 



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32 L£ BRAHMANISME 

tence (1), il mûrit les planles de toute espèce. Quand 
les Dieux adorables Teurent placé clans le ciel lui, 
Sourya (2) fils dAdili, lesjumeaux (3) actifs viarentà 
Texistence, alors ils virent toutes les créatures (4) ». 
On pourrait croire, peut-être, vu l'époque relative- 
ment récente où vivait Yàska, qu'il s'agit ici d'une 
conception propre à cet auteur et résultant de ce be- 
soin de groupement et de syncrétisme des mythes 
qui se révèle presque unfversellement dans toutes les 
religions parvenues à un certain point de dévelop- 
pement, si le Rig-Véda lui-même ne nous donnait 
de nombreuses filiations divines d'Agni résumées, 
pour ainsi dire, dans le texte du Niroukta. Nous y 
lisons en effet, qu'Agni a été créé, façonné ou engen- 
dré par les dieux ; qu'il est fils de Dyôs, ou dé Dyôs 
et Prîthivû qu'il réjouit par sa naissance ; fils de 
l'Aurore ou plutôt des Aurores; fils d'Indra ou de 
Viclinou; qulndra l'a engendré entre deux nuages 
ou deux pierres (l'éclair jaillissant du choc de deux 
nuages ou Tétincelle produite par la percussion de 
deux cailloux) ; enfin qu'il est né dans les eaux, for- 
mule qui se prête à deux sens, soit que Ton consi- 
dère qu*il s'agit des eaux naturelles (pluie ou riviè- 
res) dans lesquelles, dit-on, le feu est virtuellement 



(1) Dans le ciel, sur la terre et dans les eaux 

(2) Ici, Agni est expressément identifié au soleil. 

(3) Les Açvios. Cependant Yâska déclare que ces Jumeaux sont 
Usas et Sûrya. 

(S) iVtrw/fe^a, VII, 27, G-11. 



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LK BRAHMANISME 33 

contenu, soit qu'on entende les eaux ou libations sa- 
crificatoires, c'est-à-dire la liqueur alcoolique et le 
beurre fondu employés à vivifier et développer la 
faible étincelle obtenue par les procédés primitifs 
d'ignition en usage au début de la civilisation. 

Mais outre sa naissance divine spontanée ou œuvre 
des dieux, Agni a aussi une naissance terrestre et, 
en réalité, celle-ci est de beaucoup la plus impor- 
tante, car elle constitue l'acte capital du sacrifice. 
Chaque jour, en effet, à l'instant où l'aurore point à 
l'horizon, Agni naît sur l'autel entre les mains des 
sacrificateurs habiles à le faire sortir de la « sombre 
retraite qu'il possède dans les eaux et dans les plan- 
tes », et particulièrement dans les deux morceaux de 
bois sec, les Aranis, qu'on nomme pour cette raison 
les (( mères d'Agni ». L'une de ces pièces de bois, 
solidement maintenue sur le sol, porte une encoche 
ou est percée d'un trou dans lequel vient s'insérer 
l'autre arani, taillée en pointe, à qui l'on imprime 
un mouvement rapide de va-et-vient, soit entre les 
deux mains, soit au moyen d'un archet. L'échauffe- 
ment résultant de ce frottement produit une élin- 
celle que l'on avive à l'aide de la liqueur enivrante 
appelée so7na et de libations soigneusement dosées 
de beurre ou autre matière grasse jusqu'à ce que le 
feu sacré flambe dans tout son éclat. L'Atharva- 
Véda (1) nous donne une description inléressanle de 

(1) III. 29, 1. 



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I >d 



LE BRAHMANISME 

icte OU plutôt de ce rite : « Cet acte de friction, 
énération, a commencé: apportez cette maîtresse 
peuple (1) ; comme jadis, faisons-en sortir Agni 
friction. Ce Dieq est déposé dans les deux aranîs 
me Tembryon dans les femmes enceintes. Agni 
être adoré quotidiennement parles hommes qui 
ortent leurs oblations dès leur réveil. Experts 
is cette opération), mettez le morceau de bois su- 
eur en contact avec l'inférieur gisant couché ; 
it fécondée, cette Aranî enfante rapidement le 
mreux Agni (2)» qui, aussitôt né, dévore sa mère 
les parents. D'autres hymnes, en grand nombre, 
différents Védas stipulent de quelle manière doi- 
t être faites les libations de Soma et de beurre 

d'activer et d'alimenter ce feu nouveau-né 
angeur de beurre et de graisse », jusqu'au mo- 
it où il sera assez fort pour consumer des obla- 
is plus substantielles: gâteaux, riz cuit, grains 
H verses sortes, et chair des victimes. C*est alors 

commence son rôle de messager et d'intermé- 
re entre les dieux et les hommes, de prêtre et de 
[•ificateur, de protecteur et de créateur des êtres 
il procrée, produit ou façonne avec l'aide de Soma. 
gni, nous l'avons vu, a trois places ou demeures, 
jur la terre, dans le ciel et dans les eaux, — et 
s fréquemment encore sur la terre, dans Tatmos- 

I Selon Muir, l'arani inférieure, celle qui repose sur le 
) J. Ml'iu : Original Sanskrit texts, l. V, p. 209. 



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LE BRAHMANISME 35 

phère et dans le ciel, où il se manifeste sous les 
formes, diverses en apparence, mais identiques en 
réalité, de feu sacré et domestique, d'éclair et de 
soleil : de là son appellation habituelle de Triple 
Agni ; de là aussi les triades qu'il constitue avec 
Indra, feu atmosphérique, et Sourya, le soleil, feu 
céleste ; avec Vâyou, remplaçant parfois Indra, et 
Sourya ; ou encore avec Soma (1) et Indra, ou Sourya, 
triades qui sont de véritables trinités, puisque leurs 
éléments s.e réduisent tous à des formes apparentes 
et nominales d'Agni. Sur la terre, même, le Triple 
Agni se manifeste en trinité sous la forme des trois 
feux sacrés, nommés Ahavanya, Dakchina (2) et 
Garhapatya, que tout brahmane orthodoxe doit pieu- 
sement allumer et entretenir dans sa demeure et 
dans lesquels il accomplira chaque matin et chaque 
soir les holocaustes obligatoires, feux distincts de 
celui qui sert aux usages domestiques. Agni est, en 
effet, l'hôte choyé de chaque maison, son protecteur, 
son maître ; sa présence sanctifie la demeure du 
Dvidja (3) et en éloigne les démons et les mauvais 
esprits. Ce feu sacré, domestique, pourrait-on dire, 
est le paladium, le symbole de' la famille. On l'al- 
lume solennellement le jour du mariage du jeune 

(1) Soma pavamâna, la libation enflammée, devient identique 
à Agni. 

(2) Dalcsina. 

(3) Dvila (( Deux fois né », titre de l'Arya des trois castes su- 
périeures qui reçoit une seconde naissance du fait de l'initia- 
tion. 



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36 LE BRAHMANISME 

ludieu devenant maître de maison (1), et il ne doit 
s'éteindre qu'après la mort de son possesseur. C'est 
avec ce feu que sera allumé le bûcher funéraire du 
"""Hre de maison ; car Agni rend les éléments du 
)s à la nature et conduit l'âme du mort vers les 
leures des dieux. C'est aussi avec un brandon 
e feu que le Dvidja enflammera le bûcher de sa 
pagne fidèle, si elle meurt avant lui. Son rôle 
eslre ne le cède ni en grandeur ni en importance 
ux qu'il remplit dans les deux autres mondes ; 
il est l'inventeur du sacrifice, qui ne saurait' 
ter sans lui, des hymnes et de la prière dont ses 
llements ont été les premiers accents, le civili- 
ur par excellence de Thumanité, Torganisateur 
a société et de la famille qu'il a constituée par 
ois du mariage et réunie autour du foyer dômes- 
e ; il est enfin l'inventeur de tous les arts et de 
es les industries, celles principalement qui corn- 
ent Tutilisation du feu. 

)utefois, Agni n'agit pas en personne dans cette 
lière fonction d'inventeur de l'art et de Tindus- 
; il y est suppléé par ses deux doublets, 
*Àtri (2) et Viçvakarman, Sans que son rôle soit 
i nettement défini, Tvachtri tient en partie dans 
ythologie védique la place qu'occupe Héphaeslos 
5 celle de la Grèce. C'est l'habile artisan divin, 
rgeron expert dans le travail des métaux qui 

Grhasta . 
Tvastr. 



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LK BRAHMANISME 37 

façonne la hache et le vadjm (I) d'Indra, le tcha- 
kra (2) de Vichnou, les flèches de Roudra, des 
Marouts et des autres dieux ; prototype de toutes les 
formes, c'est lui qui a donné aux dieux leur aspect 
et les formes multiples avec lesquelles ils se mani- 
festent ; il a fait le ciel et la terre ; tous les mondes 
et les êtres, créés par lui, lui appartiennent ; avec la 
coopération du ciel, de la terre, des eaux et des 
Bhrigous,il a engendré Agni, dont, par contre, il est 
aussi quelquefois le fils ; il est le beau-père de 
Vâyou, le Dieu du vent, et de Vivasvat, le Soleil, à 
qui il a donné en mariage sa fille Saranyou, mère 
des Açvins ; il façonne toutes les formes diverses 
des hommes et des animaux ; il crée Tun pour 
l'autre Tépoux et l'épouse ; il dispense la puissance 
génératrice et donne une nombreuse postérité de 
fils énergique», vaillants et pieux ; il nourrit et pro- 
tège ses adorateurs, possède et répartit la richesse ; 
lesRibhous,ces habiles artisans divins, sont ses dis- 
ciples, et il est jaloux de l'art qu'il leur a enseigoé. 
La légende védique en fait quelquefois le père 
d'Indra, avec qui elle le met en hostilité pour la pos- 
session du Soma dont tous deux sont également 
avides (3) : dans la lutte provoquée par cette compé- 
tition, son fils, le monstre à trois têtes, six yeux et 
six bras, Trita Aptya ou Viçvaroupa, perd la vie, et 

(1 ) Va jra. foudre. 

(2) Cakra, disque, roue, autre forme de la foudre. 

(3) A. Bergaigne : Religion védique, t. III, p. 58. 

3 



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38 V LE BRAHMANISME 

Tvachtri lui-môme est tué par Indra au moment où 
il va prononcer contre le meurtrier de son fils une 
malédiction infailliblement mortelle. 

Avec des termes un peu différents, nous retrou- 
vons en partie les mêmes traits dans le mythe de 
Viçvakarman, à qui on semble attribuer cependant 
de préférence le côté artistique, si l'on peut s'expri- 
mer ainsi, de la création. Viçvakarman, dont le nom 
parait avoir été primitivement une épithète d'Indra, 
est le grand architecte de l'univers ; il a construit 
les palais des dieux, les forteresses des Asouras et 
quelquefois aussi les murs des cités des hommes ; il 
est le seul créateur du ciel et de la terre qu'il a pro- 
duits par le souffle ou le vent provoqué par le mou- 
vement de ses bras et de ses ailes ; père et généra- 
teur universel, tout ce qui existe est sa propriété ; il 
connaît tous les mondes ; il voit tout-, il possède de 
tous côtés des visages, des yeux, des mains et des 
pieds ; c'est lui qui a donné aux Dieux leurs noms ; 
personnification de la puissance divine qui produit 
et gouverne Tunivers, il ne peut être connu par les 
mortels ; pour séduire et affoler les hommes, il a 
créé la première femme ; il a inventé le sacrifice 
universel de l'offrande de tous les mondes, et s'est 
sacrifié lui-même. 

Bien qu'on le relègue souvent à un rang secon- 
daire, en raison sans doute de son origine natura- 
liste et matérielle trop apparente sous le voile du 
mythe, il est impossible da séparer Soma, d'Agni, à 



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LE BRAHMANISME 30 

cause de leur intime parenté et de la communauté 
de leur action dans le sacrifice. De même qu'Agni 
personnifie le feu matériel et le dieu de cet élément, 
Soma est à la fois le dieu de la libation et la libation 
elle-même, le soma. Le soma est en effet un liquide 
alcoolique, produit par le jus fermenté d'une plante 
que Ton croit être Vasdepias acida, que Ton versait 
pour Tactiver sur le feu sacré au moment où il nais- 
sait, faible étincelle, au point de contact des deux 
aranîs. Cette liqueur fortifiante et excitante est la 
boisson chère aux Dieux, à Indra surtout, qui y 
puisent le courage et la force nécessaires pour rem- 
plir leur rôle divin de protecteurs de Tunivers et 
lutter victorieusement contre les démons. Le soma, 
identique à Vamrita, donne Timmortalité (la vie, 
l'activité) ; c'est par lui que les dieux ont acquis 
leur rang sublime et leur puissance ; c'est pour le 
posséder à leur tour que les Asouras livrent aux 
dieux de perpétuelles batailles. Bu par les sacrifi' 
cateurs et les Richis, il leur procure la sainte ivresse 
qui inspire leurs chants sacrés et, lorsque leur car- 
rière terrestre sera achevée, il leur donnera dans 
Tautre monde la vie éternelle et un rang quasi 
divin. D'origine divine, il était jadis jalousement 
conservé dans le ciel, d'où il fut volé et apporté sur 
la terre par le faucon Çyéna ou par la Gâyatrî (1), ou 

(1) Gàyatr, hymne consacré au soleil, considéré comme le plus 
sacré de tous les hymnes du Rig-Véda. C'est aussi le mètre 
poétique dans lequel cet hymne est composé. 



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) LE BRAHMANISME 

icore par l'oiseau Souparna qui l'apporta à Indra. 
En tnnt que Dieu, Soma joue dans la mythologie 
îdique un rôle dont Timportance est indiquée par 
fait que tout le neuvième Mandata du Rig-Véda 
'est-à dire 108 hymnes) lui est consacré, sans 
)mpter les nombreux hymnes où il est invoqué en 
)mpagnie d'autres dieux. Comme Agni, il est sacri- 
Bateur puisqu'il fait naître et nourrit le feu sacré ; 
est chantre et poète puisqu'il inspire les chantres ; 
est le sacrifice lui-même qui ne saurait exister 
uis lui. 11 est le père et le générateur habile de 
)us les dieux, même d'Agni ; associé à Agni il a 
igendré tous les mondes et les créatures ; il assiste 
idra et lui donne la victoire dans ses combats con- 
e les éternels ennemis du sacrifice et du monde ; il 
)nne l'immortalité ; il est le prêtre des dieux, le 
us sage des Richis, le plus inspiré des poètes. De 
êmequ'Agni, avec qui il est toujours étroitement 
ni, il a une triple existence : dans le ciel où il est 
& en tant qu'essence divine du feu, et où il remplit 
s mêmes fonctions sacrificatoires que dans le 
onde des hommes ; dans l'atmosphère où son feu 
j^uide pénètre et vivifie les gouttes de la pluie fé- 
indante ; enfin sur la terre comme élément pri- 
ordial du sacrifice, le feu sacré ne pouvant s'allu- 
er rituellement que grâce à sa collaboration. 
De tous les dieux du panthéon védique, Indra est 
icontestablement celui que les hymnes représentent 
►m me le plus fort, le plus énergique, le plus vail- 



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LE BRAHMANISME 41 

lant, le plus puissant, et le plus généreusement dis- 
posé à exaucer les suppliques de ses adorateurs ; ils 
lui donnent déjà le rang de Roi des Dieux qu'il con- 
servera dans toute la littérature sacrée postérieure, 
même chez les hérétiques Djains et Bouddhistes. 
Forme du dieu du feu, ainsi que Tindique son nom, 
—Indra « Tardent », — il personnifie TAgni atmosphé- 
rique qui se manifeste sous l'apparence de l'éclair. 
Son origine est obscure et contradictoire, comme 
celles de tous les autres dieux, car tantôt il semble 
qu'il soit né spontanément, existant par lui-même, 
selon le terme consacré ; tantôt on le dit fils de Dyôs, 
d'Agni, de Tvachtri ou de Soma ; tantôt son père et 
sa mère innommés sont le plus habile des dieux et 
la plus féconde des déesses, et, impatient d'une trop 
longue gestation, il sort du sein de sa mère avec une 
telle violence qu'il lui donne la mort (1) ; tantôt en- 
fin, mais à une époque postérieure à celle des pre- 
miers hymnes du Rig-Véda, il est fils d'Aditi et 
compte par conséquent parmi les Adityas. 

Indra est le dieu guerrier par excellence; à peine 
né, son premier acte est de s'enquérir des ennemis à 
combattre et des autres dieux à détrôner ; à ce point 
de vue, il est bien réellement le patron tout indiqué 
des Aryas conquérants de l'Inde et de la caste belli- 
queuse des Kchatrîyas. C'est sans doute aussi à ce 
rôle de protecteur des armées, de dispensateur de la 

(I) Cf. Agni qui dévore ses parents. 



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LE BRAHMANISME 

5toire, qu'il doit d'avoir conservé jusque dans 
[indouisme le rang suprême de Roi des Dieux. 
s plus que ses congénères, Indra n'était immortel 
ns le principe : il a acquis l'immortalité et la divi- 
té par ses tapas (1), et par la conquête de TAnirita 
du soma, à qui il doit sa vigueur et son courage, 
ur la possession duquel il n'a pas reculé devant 
; meurtres de Trita Aptya et de Tvacblri ; mais sa 
andeuret son pouvoir sont instables : des hommes 
me piété transcendante, de sages ascètes peuvent 
s'efforcent de parvenir à le détrôner en le surpas- 
at par la rigueur de leurs tapas, par le nombre, 
pulence et la durée de leurs sacrifices (2), et sa 
éoccupation constante est de leur faire perdre le 
lit de leurs œuvres méritoires en les exposant aux 
itations de quelque Apsaras (3) qui les f^ra tom- 
r dans le péché de luxure ou provoquera leur co- 
•e par le trouble apporté à leurs pieux exercices, 
uble alternative qui produit le même résultat; 
xi acte passionnel, de quelque nature et si passa- 
r qu'il soit, détruisant radicalement les mérites 
iigieux le plus longuement et le plus péniblement 
cfuis. 

l) Ardeur, chaleur intense, pénitences et austérités religieu- 

î) Les sacrifices des Richis en vue de i'obtention du rang 
in durent souvent des milliers d'années. 
3) Nymphes célestes d'une beauté irrésistible et réputées 
is l'art de séduire, courtisanes du Svarga, ou paradis d'In* 



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LE BRAHMANISME 

Sous beaucoup de rapports, la manière do 
hymnes du Rig-Véda nous décrivent Indra ne d 
pas sensiblement de la formule, en quelque 
universelle appliquée à tous les dieux. Ils 
disent, en effet, qu'il est le créateur, ou plul 
générateur du ciel et de la terre; « qu'il a éta 
ciel dans l'espace vide ; qu'il remplit les deux 
des (ciel et lerre) et l'air (ou l'atmosphère) ; qi 
soutenu «t étendu la terre et que tout cela il 1 
compli sous l'influence de l'ivresse du soma i 
qu'il est le chel de la race humaine et des d 
qu'il est le dispensateur de tous les biens, le ni 
de la pluie fécondaute. Plus que les autres, c€ 
dant, il est toujours bienfaisant et généreux 
ses adorateurs, et on l'investit de certaines fonc 
morales analogues à celles de Varouna : il déci( 
la destinée des hommes, punit la fraude et su 
l'irréligion : « ne nous tues pas pour un péch 
pour deux, ni pour beaucoup, ô héros ! (1)» lui c 
on ; maiscompatissant et indulgent par nature 
toujours prêt à pardonner à ses fidèles Arya 
échange de riches sacriûces et de copieuses ras 
de soma. Il a pourtant un rôle spécial et tout è 
personnel, celui de champion des dieux et des 1 
mes contre les puissances des ténèbres et de 1 
cheresse, les démons qui mettent obstacle au s 
iice. Les combats qu'il livre conlre ces ennemis 

(1) k V. II, 15. 



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44 LE BRAHMANISME 

nels, Vritra, Abi, Çambara, Namoutchi, Piprou, 
Çuchna, Oiirana, etc. , font le sujet de la plupart des 
deux cenls hymnes que lui consacre le Rig Véda, 
surtout ceux, particulièrement terribles, qu1l sou- 
tient contre Vrilra et Abi, démons décrits comme 
des serpents ou des dragons monstrueux et que Ton 
considère généralement comme des personnifica 
tions des nuages qui retiennent la pluie et obscur- 
cissent la lumière du soleil. Assisté de Vichnou, des 
Marouts, d'Agni, de Soma, des Ribbous, soutenu 
par les hymnes d'encouragement et les sacrifices 
des hommes, ivre du soma qu'il a bu avidement, il 
terrasse, perce et déchire de son vadjra (la foudre) 
ses redoutables adversaires, délivre les vaches céles- 
tes retenues prisonnières dans leurs flancs, fait cou- 
ler à flot leur lait (la pluie) sur la terre altérée, et 
fraye de nouveau la route aux rayons du soleil. 

Ce mythe est facile à expliquer par les phénomè- 
nes météorologiques de Torage et la lutte tradition- 
nelle entre la lumière et les ténèbres ; mais ce n'est 
pas seulement contre ces démons qulndra prend les 
armes : il guerroie aussi sur terre pour ses fidèles 
Aryas, il frappe et abat leurs ennemis, les Dâsas et 
les Dâsyous. Tantôt il prend une part active au com- 
bat, tantôt il se contente d'assurer la victoire par sa 
seule présence ; mais dans tous les cas, le butin, 
chevaux, vaches, femmes et autres richesses, devient 
tout entier la propriété des Aryas. Un point reste à 
élucider : la nature de ces Dâsas et de ces Dâsyoûs. 



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LE BRAHMAJSISME 45 

Quelques auteurs voient en eux les populations au- 
tochthones conquises ou dépossédées par les Aryas : 
il paraît toutefois plus probable qu'il s'agit simple- 
ment d'autres démons, analogues sinon identiques 
aux Râkchasas, des empêcheurs du sacrifice. 

En raison même du rôle et des fondions qu'on lui 
attribue, il était naturel" que ce dieu guerrier se 
présentât plus ou moins à l'imagination de ses ado- 
rateurs sous la forme, évidemment magnifiée, d'un 
guerrier humain ; c'est, en effet, ce qui est arrivé, et 
Indra est, sans contredit, le plus authropormorphisé 
des dieux. On lui donne une taille imposante, une 
belle prestance, une carnation rouge ou dorée, de 
longs bras, et, il faut bien l'avouer, avec l'apparence 
d'un homme on lui en attribue aussi les passions et 
les faiblesses : son courage subit parfois des défail- 
lances, témoin sa fuite devant Vritra, et son pen- 
chant pour la luxure est l'objet d'assez nombreuses 
allusions qui se transformeront plus tard aux légen- 
des peu édifiantes qui lui donnent une ressemblance 
frappante avec le Zeus grec auquel il s'identifie du 
reste par beaucoup d'autres côtés. On lui donne des 
armes diverses : une hache, tantôt en pierre, tantôt 
en airain, que Tvachtri aiguise ou forge, le vadjra 
ou foudre qui est son attribut le plus habituel, un 
arc et des flèches, enfin, comme à Varouna, un filet 
ou un lacet avec lequel il saisit et lie ses ennemis. Il 
a pour monture un éléphant, Airavata, le plus beau, 
le roi des éléphants, ou bien il traverse l'atmos- 

3. 



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LE BRAHMANISME 

e son domaine, sur un char d'or étineelant 

ié par deux chevaux rouges ou bais, attelés par 

ière, dont la course est aussi rapide que le vol 

mcon. Parfois Vâyou, le dieu du vent, lui sert 

)cher. 

'occasion du combat d'Indra contre Vritra, nous 

s nommé Vichnou (1), parmi les alliés ou acco- 

du grand vainqueur des démons. La place faite 

dieu dans le Rig-Véda est loin de laisser prè- 
le rang suprême auquel il s'élèvera dans la rajr 
>gie postérieure ; à peine s'il est invoqué dans 
ques hymnes qui lui donnent les attributs ap- 
rès d'une façon courante à tous les dieux. Son 
l'indique comme une divinité solaire ou ignée 
tement apparentée à Agni et à Sonia, en tout 
comme un dédoublement d'Indra, lui-même, 

le savons, identique à Agni. Il possède une 
le nature, brillante et sombre ou obscure 
îu avant qu'il luise ou le soleil avant qu'il 
ve) et sa demeure invisible est aussi celle des 
s. 11 est habile, rusé, fertile en ressources, et 
nieux qu'Indra venir à bout de l'ennemi si re- 
ible qu'il soit. Quand Indra l'appelle à son aide, 
nchit le monde en trois pas, dont les deux pre- 
3 sont visibles et le troisième invisible. Son 

est le tchakra (2) ou disque, forme de la foudre 
ique au Vadjra, ou bien peut-être le disque so- 

ïsnn. 
akra. 



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LE BRAHMANISME 47f 

laire. On explique le mythe des trois pas d( 
nou, que nous retrouverons plus tard dac 
de ses^ nombreux avatars, par les trois positi 
soleil à^ son lever, au milieu du joue et à so 
cber, ou bien par les trois mondes céleMe, te 
et infernal que le soleil parcourt dans sa 
quotidienne, et on les rapproche, avec raiso 
trois demeures d'Agni et de Soma, 

Avec Sourya (1) — qui prend aussi 1q& n( 
Savitri ou Savitar, de Pouchan, de Pardjaiiyj 
Mitra, peut-être de simples épithètes, mais 
dant représentés souvent clans les textes le 
anciens comme ceux de divinités solaires dis 
de lui — nous nous trouvons en présence de ] 
sième» manifestation et la plus élevée d'Agni, 
céleste. Il semble que ce Dieu^ personnificai 
l'astre du jour, devrait remplir un rôle pr 
nant, étant donné surtout le caractère solaire 
s'accorde généralement à attribuera la religî( 
mitive de llncie, et cependant il n'occupe 
rang tout à fait secondaire. Contrairement à 
nous constatons pour les autres grandes div 
on ne dit jamais qu'il soit né ou existant p 
même. Il est créé ou engendré, placé dans le c 
les dieux pour éclairer le monde, fils du ciel, 
%ôs, d'Aditi (quoiqu'il ne figure pas dans I 
primitive des sept Adityas), des Aurores, d 

|l)Sûrya. 



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LE BRAHMANISME 

i OU de Sonia. Il semble que, chez lui, le carac 
pour ainsi dire matériel, de luminaire ait 
é la divinité, ainsi qu'on peut le conjecturer 
s dénominations habituelles d'oeil du monde, 
i ciel, œil d*Agni, feu sacrificatoire des dieux, 
)mparaisons avec un char ou avec une roue 
ant dans le ciel. Il paraît, en un mot, beau- 
plus matérialisé que le feu terrestre, Agni lui- 
I, tout contradictoire que ce fait puisse sem- 
Sourj^a ne laisse pas cependant que de posséder 
ues caractères divins : protecteur et âme de 
;e qui existe, ciioses immobiles ou douées de 
îmenf, il voit tout, il voit de loin, il connaît 
Lions des hommes ; monté sur son char rapide 
lense la lumière, règle les jours et les nuits, 
t les saisons ; quelquefois même on l'identifie 
e sublime Varouna, ainsi que le montre ce 
^e d'un hymne du Rig-Véda (1) : « Les hérauts 
isent vers les hauteurs ce Dieu Sourya, qui 
ît tous les êtres, le manifestant à tous les re- 

Eclipsées par tes rayons, les étoiles, sembla-, 
des voleurs, se dérobent devant toi, luminaire 
is tout. Tes rayons, révélant ta présence, sont 
js pour toute l'humanité, brillants comme des 
es. Traversant le ciel, toi qui vois tout, tu as 
i lumière, ô Sourya, et éclairé tout le firma- 

Tu te lèves et tu te fais voir en présence des 

V. I, 50. 



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LK BRAHMANISME 

Dieux, des hommes et du ciel tout entier, 
éclat qui t'est propre, ô illumiiiateur, ô Vai 
surveilles la race affairée des hommes. Ti 
pli le ciel, ô Sourya, le large firmament, i 
les jours, épiant tous les êtres. Sept jumen 
t'emportent dans ton char, ô Sourya cla 
Dieu à la flamboyante chevelure. Le solei 
les sept juments brillantes, filles du char ; a 
qui s'attèlent toutes seules, il s'avance. Po 
regards vers la lumière d'en haut, par del 
nèbres, nous nous sommes élevés jusqu 
sublime des astres, Sourya, Dieu pa 
Dieux. » 

Avec Sourya peut se clore la liste des grai 
védiques, car si, de la multitude de ces 
sans fonctions réellement essentielles qui 
guère que des noms divers donnés, à 
semble, par pures métaphores et par une 
fantasmagorie, à des manifestations variées 
et de phénomènes entièrement analogues sii 
tiques, il s'en dégage encore quelques-unes 
d'une apparence de grandeur et de puissar 
ble de produire quelque illusion, célébrées 
formules pour ainsi dire banales appliquée: 
remmentà tous les dieux, telles que Vâyou, 
les Marouts, les Açvins, Yama, Kâma et K 
rôle secondaire et l'incertitude de leurs i 
réelles les classent à un rang presqu( 
terne. 



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LE BRi\HMA^SMB 

inblerait, par exemple, que Vâyou(\)o\i Vâta^ 
ent )), en sa qualité d'élément essentiel de 
lage du feu et de personuification du raouve- 
la chaleur et le mouvement sont les caractér 
les de toute vie), dût occuper une place pré- 
ranle, et cependant c'est à peine s'il possède» 
les hymnes qui lui soient consacrés en propre* 
u'ii soit associé avec Indra. Les chantres védi- 
le se donnent pas la peine de nous renseigner 
a origine et, en fait de parenté, nous apprenr 
eulenient qu'il est le gendre de Tvachtri. On le 
if, rapide, beau; mais plutôt que les sien»es 
is, c'est la beauté de son char étincelant, lai 
té de ses coursiers qu'on célèbre : « Je chante 
redu char de Vâta, dont le bruit déchire et 
le. Touchant le ciel, il s avance, rougissant 
les choses, et il marche, chassant devant lui 
ssière de la terre. Les bouffées d'air se préci- 
à sa suite et se réunissent dans lui comme des 
is dans une assemblée. Assis avec elles sur son 
e Dieu, roi de l'Univers, est porté eu avant, 
ant, droit devant lui, par les routes de l'atmos- 
il ne s'arrête jamais un seul jour. Ami» des- 
premier né, saint, en quelle place est-il né? 
st-il sorti? Ame ^es Dieux, origine de TUni- 
le Dieu se meut au gré de sa fantaisie. On 
l son bruit, mais on ne voit pas sa forme. 



yu- 



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LE BRAHW'AMSMË 51 

Adorons ce Vàta avec une obhUion (1). » WMfi, 
quand on l'invoque, on lui demande la richesse, 1^ 
santé, une longue vie, faveur» dont ii délient la dis- 
pensation concurremuieut avec Rendra. En réalité, 
yâyoui se présente plutôt sous^ l'a&pect d'mi dieu du 
tonnerre et de l'orage que sous celui de dieu du 
vent bienfaisant, et ce caractère orageux nous ex- 
plique son association intime avec Indra et sa fré- 
quente substitution à ce dernier dans la trinité des 
trois feux terrestre, atmosphérique et céleste, Agni, 
Vâyou, Sourya. 

jRtJurfm (2), (( le Hurleur » ou peut-être mieux en- 
core (( le Rouge », est généralement présenté, tant 
par les Indiens que par les indianistes, comme la 
personnification de Torage, de l'ouragans du cyclone 
dévastateur, et celte identification correspond bien, 
en effet, aux nombreux passages des hymnes qui 
respirent la terreur de la colère du redouda^ble Rou- 
dra. Mais ii ne faut pas oublier qne ce n'est là qu'un des^ 
côtés de la personnalité de ce d ieu': il possède une dou- 
ble nature, tantôt terrible et presque démoniaque, tan- 
tôt bienfaisante, et cette dernière a bien au moinsan- 
tant d'importance que l'autre; aussi, croyons-nous 
qu'il ne manque pas de raisons, aussi nombreuses que; 
solides, pour l'assimiler de préférence à un dieu du 
feu, feu destructeur à la vérité, éclair ou soleil ar- 



(1) R. V. X, 168, 1-4. 

(2) Rudra. 



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i Lia BRAHMANISME 

3nt qui dessèche, brûle et dévore, mais également 
u bienfaisant, générateur et fécondateur indiqué 
îr ses fonctions de guérisseur des maladies des 
3rames, de multiplicateur et de protecteur spécial 
îs troupeaux. D'un côté, en effet, il est fréquem- 
ent assimilé d'une manière explicite à Agni, et, de 
iutre, on lui donne pour épouse Priçni, le nuage 
ms le sein duquel se forment, d'où naissent les 
)\a\rs, ce que \g Rig-Véda affirme du reste en lui 
tribuant la qualification de vache qui caractérise 
s nuages dont les eaux sont le lait. De plus, Rou- 
-a est lui aussi un archer, et sa flèche fait couler 
s rivières comme la foudre dlndra fait couler les 
\ux prisonnières dans les nuages, mythes absolu- 
ent identiques. Enfin, il est possesseur et gardien 
î Tamrita ou du soma au même titre que Dyôs, 
arounaetïvachtri.Roudra,eucorecomme Varouna, 
t un justicier : sa colère est provoquée par les con- 
aventions aux lois divines et humaines et surtout 
ir la négligence du sacrifice, pefc/ies qui ont les ma- 
dies pour châtiment, comme aussi les remèdes 
faillibles (Vamrita, le soma) qu'il dispense sont la 
compense de Tadorateur pieux et généreux et du 
icheur sincèrement repenti. Ce rôle, on en con- 
endra, n'est guère celui d'une personnification de 
)uragan. 

A Indra, Vâyou et Roudra, le ItigVéda associe, 
iguement et à des titres différents, un groupe de 
larante-neuf Dieux dénommés collectivement 



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L£ BHAHMANISMG 53 

Marouts (1), mais qui n'ont point de noms person 
nels, personnages dont la filiation, la nature et les 
fonctions sont encore très discutées. En effel, on les 
rattache quelquefois à Indra ou à Vâyou, et le plus 
souvent on leur donne pour parents Roudra et Priçnî, 
en en faisant des dieux du vent et de l'orage. Mais 
si nous considérons qu'ils ne sont que très rarement 
associés avec Vâyou et Roudra, tandis que le Rig- 
Véda en fait presque continuellement les alliés 
d'Indra dans ses luttes contre les démons et parfois 
même les désigne comme ses frères (2); qu'ils sont 
comme lui avides de soma; que si, comme Roudra, 
ils sont investis des fonctions de guérisseurs, ces 
fonctions appartiennent également et même plus 
liabituellement à Agni, à Soma et même à Indra; que 
rien n*est moins certain que l'application qu'on leur 
a fait du nom de Roudras ou de Roudrîyas, puisque 
par ailleurs les Védas parlent presque toujours 
de onze Roudras seulement; qu'ils les dépeignent 
comme brillants, vêtus d'habits et d'ornements bril- 
lants, possesseurs de chars étincelants et bruyants, 
eonverts d*armures et armés de lances, d'épieux et 
de flèches étincelantes et aiguës, il semble plus indi- 
qué de les assimiler aux éclairs qu'aux vents, et 
peut-être même aux flammes du sacrifice. Quoi qu'il 
en soit, ils sont fréquemment invoqués, et tou- 
jours comme des dieux favorables et bienfai- 

(1) Maruta. 

(2) R. V. I, 170 



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54 LE BRAHMANISME 

sants, éiuinents et actifs protecteurs des hommes. 
Les deux dieuxjumeauxappelésiçmn5(l)sontpour 
nous d'une nature tout aussi énigmatique, quoique 
les hymnes en fassent invariablement les fils de 
Sourya et de Saranyou, fille de Tvachtri, ou de 
Sanjnâ, fille de Dakcha. Quelle que soit la déesse, 
leur mère, la légende de leur naissance est toujours 
identique : mariée à Sourya, c'est à-dire au Soleil, 
Saranyou ou Sanjfiâ ne peut supporter l'ardeur de son 
époux et, substituant à sa personne une remplaçante 
illusoire revêtue de toute son apparence, Tchâyâ (2), 
s'enfuit sur la terre où elle se cache sous la forme d'une 
jument. Sourya la poursuit, transformé en étalon, 
et de leur union naissent les Açvins(3). On les re- 
présente tantôt à cheval, tantôt montés sur des chars, 
souvent assis sur un seul char ou chevauchant sur le 
même cheval. Ce sont des dieux éminemment et 
toujours bienveillants : ils font couler les eaux et, 
avant tout, se présentent comme des médecins fai- 
seurs de cures merveilleuses, mais se distinguent, 
sur ce point, de Roudra et des Marouts en ce qu'ils 
ne provoquent jamais les maladies qu'ils guérissent 
et ne possèdent pas, par conséquent, le même carac- 
tère de justicier; leur sollicitude s'étend également 
sur les bestiaux et sur les hommes. Us prennent 
part au sacrifice en qualité de prêtres et de chantres. 

(1) Açvinau (forme du duel). 

(2) Câyâ « Tombre ». 

(3) Racine Açva, « cheval ». 



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LE BRAHMANISME 

Ce sont enfin les protecteurs et parfois les insp 
teurs des Rlchis. 

Malgré de nombreuses tentatives d'explication 
ne sait jusqu'à présent à quel phénomène nat 
les identifier, tout en reconnaissant leur na 
solaire ou ignée. Ils précèdent l'aurore et dissi] 
les ténèbres, et de ce fait on a proposé de les i 
miler aux crépuscules, interprétation à laquell 
se prête guère leur char unique. On les comi 
aussi à Indra, feu céleste, et à Agni, feu terres 
dissipateurs des ténèbres; ou bien encore on 
identifie au soleil levant et au sacrifice matina 
faut bien reconnaître qu'aucune dé ces interpi 
tions n'explique leur mythe d'une manière satl 
faisante. 

Bien qu'il ne tienne qu'une place très second 
dans les Védas, Yama est encore une Divinité ( 
est important de signaler moins en raison du 
qu'il remplit dans la religion primitive que de c 
que lui donnera la mythologie postérieure. Ces 
dieu d'une nature t'ellement indécise qu'on pei 
demander s'il est un dieu ou un simple morli 
semble, en efïet, d'après le Rig et l'Atharva V 
qu'il soit au début un homme et qu'il n'ait ac 
l'immortalité et la divinité qu'après sa mort. Il e 
premier mort. Il a frayé la route vers l'autre nu 
que les Pilris ont suivie après lui, et la connais 
il y guide les âmes des morts vers la directio 
sud, au royaume brûlant d'Agni. De ce rôl 



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56 LE BRAHMANISME 

psychopompe à celui de juge et de roi des morts il 
n'y avait qu'un pas, et ce pas a été vite franchi. 
Souverain du moude des Morts, Yama est bientôt 
devenu le dieu de la mort et la mort elle-même. Il 
surveille et connaît toutes les actions des étrés;il 
préside à leur naissance, règle leur destinée, fixe la 
limite de leur existence, et quand cette limite est 
atteinte ses satellites et ses deux chiens, Çyâma et 
Çabala (les Sârameyau fils de Saramà, la chienne 
d'Iudra, prototypes de Cerbère) amènent les âmes des 
défunts devant son redoutable tribunal. Est-ce en 
raison de ses fonctions de juge inexorable et incor- 
ruptible? est-ce à cause de sa vertueuse résistance 
aux propositions incestueuses de sa sœur Yamî? (1) 
Toujours est-il que dès l'antiquité védique, Yama 
personnifie la loi ou le devoir, Dhaima, et reçoit le 
titre de Dharma-râdja « Roi de la Loi » qui le suivra 
jusque dans la mythologie du bouddhisme. 

En raison môme de son naturalisme très primitif 
et de sa conception pour ainsi dire familiale qui 
donne à chaque dieu une compagne, la mythologie 
védique doit naturellement être riche en déesses; 
mais la plupart de celles-ci sont des entités purement 
nominales, féminisation du nom du dieu auquel elles 
sont associées, telles Indranî, Varounanî, etc. Il en 
est cependant quelques-unes qui remplissent un 
rôle réellement important et parmi lesquelles figu- 

(1) R. V. IX, \o. 



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LE BRAHMANISME ^7 

rent en première ligne Prithivî, Aditi, Dilî, ( 
et les Apsaras. 

Nous connaissons déjà les deux premiè 
n'avons pas à revenir sur leur compte. Diti 
qu'elle soit fréquemment nommée dans les V^ 
une nature complètement incertaine, tout ce 
peut en dire c'est qu'elle paraît avoir été in 
pour servir de contrepartie à Aditi, et persoi 
les ténèbres en opposition avec la lumière. E 
la mère des Daityas, démons géants, les plusj 
tables des ennemis des dieux, qui ont une au 
frappante avec les Titans de la mythologie gre 

Mais, même en tenant compte du rôle cos 
nique et théogonique de Prithivî et d'Aditi, 1 
mière et la plus adorée des déesses, celle 
laquelk les chantres védiques trouvent les a 
les plus enthousiastes, c'est Ouchas (1), l'Aun 
l'on peut facilement expliquer cet euthousi 
môme en faisant abstraction de toutes meta] 
mythologiques, parla joie que procure la pre 
apparition du jour chassant les ténèbres de 1 
avec ses terreurs de l'inconnu, des fantômes e 
et des bêtes fauves, objets de l'efïroi de toutes ] 
pulations primitives. Ouchas est la plus iém 
des déesses de cette période. On la compare 
jeune fille coquettement parée, à une amant 
jeune épouse amoureuse qui dévoile pudiquer 

(1) U^as. 



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LR BRAHMANISME 

époux les trésors de sa beauté, à une danseuse 
delà perfection de ses formes, a L'aurore, riche- 
t vêtue, est comme Tépouse amoureuse qui 
5 en riant aux regards de son époux les trésors 
a beauté (1) » — « Gomme la femme vient à son 
IX, elle arrive chaque jour au lieu du sacrifice 
de celui qui Thonore. — Telle une vierge aux 
les légères, ô Déesse, tu accours vers le Dieu du 
ifice. Jeune et riante tu devances le soleil et dé- 
ïves ton sein brillant. — Pareille à la jeune fille 
sa mère vient de purifier, tu révèles à l'œil l'écla- 
e beauté de ton corps. Aurore fortunée, brille 
excellence (2). » — « Comme une danseuse, 
rore révèle toutes ses formes (3). » Ouchas est 
du ciel (Duhitâ Divas, cf. e^jyàznp àtàç désignation 
héné (4)), mère, épouse ou fille de Sourya, ou 
encore fille de Brâhmanaspati ou de Soma, 
tion qui la rattache aux éléments du sacrifice, 
jours bienfaisante, partout où elle passe elle ré- 
i sur les demeures des hommes, santé, bonheur, 
esse; elle fait prospérer et se multiplier les trou- 

IX. 

/ec les Apsaras nous rentrons dans la catégorie 
divinités de caractère changeant et par suite 

R. V. II, 1, II, 7. 

R. V. II, 1, 11,9. 

R. F. I, 6, XII, 4. Ces citaUons sont empruntées à la tra^ 

on de Langlois. 

P. Regnaud : Les premières formes de la religion et de la 

itiondans VInde et la Grèce, p. 72. 



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LE BRAHMANISME 59 

quelque peu démoniaque. Identiques aux Nymphes, 
aux Péris, aux Fées, ces déesses représentent Téïé- 
ment humide, les vapeurs légères qui flottent dans 
Tatmosphère, et probablement aussi, comme la plu- 
part des divinités féminines, les eaux du sacrifice. 
Belles d'une beauté divine, expertes dans tous les 
artifices et les séductions, ce sont les danseuses, les 
chanteuses, les musiciennes, en un mot les houris du 
Svarga ou paradis d'Indra, chargées de la délicate 
mission de récréer les dieux, et aussi les dangereux 
instruments de perdition suscités par le roi du ciel 
pour troubler et anéantir les méditations pieuses et 
les pénitences des sages dont les mérites religieux 
excitent la jalousie soupçonneuse des dieux qu'ils 
naenacent dans leur puissance et même dans leur 
existence. Parmi ces séductrices on cite comme les 
plus redoutables Ourvaçî, Rambhâ et Ménakà. Les 
Apsaras sont les épouses des Gandharvas, dieux mu- 
siciens, eux aussi apparentés à l'élément aqueux et 
que l'on rapproche des Centaures. 

Çii (1), Lakchmî (2), ces déesses qui rempliront 
un si grand rôle dans la mythologie postérieure, 
sont à peine nommées dans le Rig-Véda, et Yaml n'y 
paraît qu'accessoirement, associée avec son frère 
Yama. Deux Déesses cependant méritent une men- 
tion spéciale : Vâtch (3), créée et employée par les 

(1) çr. 

(2) Laksml, déesse de la fortune et de la beauté. 

(3) Vâc « la parole et peut-être la prière ». 



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LK BRAHMANISME 

ux pourséduireles Asouras elles frustrerdela pos- 
;ion de l'amrita qui les aurait rendus immortels, 
ue nous retrouverons plus tard comme instru- 
it actif de la création (1) ; Sarasvati « la Riche en 
X, celle qui coule », personnification de la liba- 
i de môme qu lia et Ida, qui se confond souvent 
z Vâtch (peut-être parce que les paroles de la 
îre coulent comme de Teau) et qui deviendra la 
sse de la rivière sacrée qui porte le même 
1. 

es Dénions, — Il n'est guère d'hymne des Védas 
1 ne soit fait mention des démons. Us sont in- 
ibrables et sous les noms divers d' Asouras (2), 
tyas, Dânavas, Nâgas, Râkckasas (3), Bhoutas (4), 
stituent des familles ou groupes, distincts plutôt 
leurs dénominations que par les rôles qu'on leur 
ibue. Ils ne reçoivent aucun culte, même propi- 
)ire (ou du moins il n'en existe point de trace), 
B n'est, sans doute, qu'à la suite de l'infiltration 
superstitions grossières des peuplades auloch- 
les qu'on est arrivé à instituer certaines cérémo- 
destinées à conjurer leurs maléfices. Les dé- 
is indiens sont les ennemis des dieux plutôt que 



D'après plusieurs textes des Bràhmanas, c'est par la pa- 
:[ue Prajâpaticrée les mondes et les élres. 
Asura. 
Ràluasa . 
Bhûta. 



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LE BRAHMANISME 61 

des hommes, et la plupart d'entre eux ne nuisent à 
ces derniers que d'une manière pour ainsi dire indi- 
recte en s'efforçant de leur persuader de négliger le 
culte des dieux, de leur inspirer le mépris des Védas 
et des lois divines, de détourner à leur propre profil 
les sacrifices, surtout d'entraver et de souiller ces 
sacrifices afin d'en priver les dieux, toutes choses 
impies desquelles découlent les maux moraux et 
matériels qui accablent l'humanité. 

Les Asouras soDi les plus grands et les plus puis- 
sants de ces démons. Ils sont de même nature et ont 
la même origine que les dieux, — certains lextes 
nous disent même qu'ils en sont les frères aînés, — 
et s'ils leur sont inférieurs en puissance, s'ils ne 
sont pas immortels eux aussi, c'est que par force ou 
par ruse les Dieux ont réussi à accaparer l'auirita, 
c'est à-dire le soma ou la libation des sacrifices des 
hommes. De là la haine qui les anime, de là les in- 
cessants combats qu'ils livrent aux cohortes céles- 
tes pour reconquérir l'amrita et les dépouiller à leur 
tour de la puissance et du rang divins. Chose qui 
nous paraît étrange, ces démons sont pieux, se li- 
vrent à des pénitences et à des austérités religieuses, 
et célèbrent eux aussi des sacrifices dont les mérites 
leur permettront de détrôner leurs ennemis. Quel- 
quefois même on leur donne le titre de prêtre et de 
brahmane. Tel est le cas de Vritra, d'Ahi, Çambara, 
Piprou, etc., ces éternels ennemis dlndra, si bien 
que ce dernier, après sa victoire sur Vritra est 

4 



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62 LE BRAHMANISME 

obligé de se soumettre à la pénitence imposée pour 
le meurtre d'un brahmane. Un peu moins puissants 
peutêlre, les Daityas, fils de Diti, et les Dânavas, fils 
de Danou, remplissent un rôle analogue, sinon iden- 
tique, à celui des Asouras et souvent se confondent 
avec eux sous une même dénomination. Quant aux 
Nâgas, démons-serpents, leur caractère d'ennemi 
des dieux est peut-être moins accusé, mais par con- 
tre ils sont plus nettement malfaisants pour les 
hommes. Dans le Rig-Véda, les Râkchasas se présen- 
tent presque exclusivement en perturbateurs du sa- 
crifice qu'ils entravent, arrêtent ou souillent de 
façon à lui enlever son efficacité ; mais la qualifica- 
tion de mangeurs de chair qu'on leur donne prépare 
déjà leur transformation en dévoreurs d'hommes, 
en ogres, rôle tout mythique d'ailleurs, bien que 
quelques auteurs penchent à en faire les représen- 
tants de peuplades indigènes sauvages et anthropo- 
phages. Sous le nom de Bhoutas, enfin, on désigne 
les fantômes et les revenants qui harcellent et terro- 
risent les hommes pendant les ténèbres de la nuit ; 
plus tard ce deviendront spécialement les ombres 
tristes et malfaisantes des êtres impies et pervers, 
des grands criminels, des hommes morts de mort 
violente ou bien privés de sépulture, surtout des sa- 
crifices funéraires destinés d'abord à faciliter le pas- 
sage de leur âme, ou de leur esprit, dans l'autre 
monde et ensuite à satisfaire ses besoins, à la nour- 
rir dans son existence d'outre-tombe. Quant aux 



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LE BRAHMANISME 63 

Dâsas et aux Dasyous, il est difficile de décider si ce 
sont de mythiques démons analogues à ceux que 
nous connaissons déjà par leur nature et leurs allri- 
butions, ou bien s'il s'agit d'ennemis réels du peuple 
Arya, des aborigènes contre lesquels il lutte pour la 
possession du sol, ainsi que le supposent beaucoup 
d'auteurs des plus sérieux et que l'affirment les exé- 
gètes indiens des Védas. Il semble toutefois que, 
dans le principe, c'était bien de démons perturba- 
teurs du sacrifice qu'il s'agissait, et que peu à peu, 
par sui te des tendances évhéméristes dont les Indiens 
sont encore plus coutumiers que les autres peuples 
primitifs, ils sont devenus des adversaires vivants, 
des représentants de races autochthones belliqueu- 
ses pour l'asservissement desquelles les Aryas im- 
ploraient l'assistance efficace de leurs dieux, princi- 
palement d'Indra le plus énergique et le plus vail- 
lant de tous. 

Le Sacrifice. — Qu'il s'agisse d'honorer les dieux, 
d'invoquer leur intervention contre les démons ou 
des ennemis réels, d'obtenir d'eux le pardon des 
péchés ou des grâces matérielles (les seules que de- 
mandent les Indiens), fortune, santé, longue vie, 
nombreuse postérité, victoire, riche butin de guerre, 
ou bien de nourrir les morts, le moyen employé est 
toujours le môme, le sacrifice. Qu'est-ce donc que le 
sacrifice. Multiple début et d'intention, cet acte, qui 
résume en lui toute la vie religieuse de l'Indien, est 



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LE BRAHMANISME 

que de forme, sauf de légères variantes de détail 
! l'on peut considérer comme insignifiantes au 
d. Cérémonie quotidienne ou occasionnelle, pri 
ou publique, le sacrifice consiste uniformément 
is l'allumage rituel d'un feu, considéré comme sa- 
qu'on avive au moyen de libations de matières 
lides alcooliques ou grasses et dans lequel on fait 
1er des offrandes de diverse nature destinées à l'a- 
enter d'abord, puis à s'élever jusque vers les dieux 
ses flammes et dans sa fumée, le tout accom- 
né de récitations et de chants d'hymnes de louan- 
ou d'invocation dont l'emploi, variant suivant 
^ircoDstances et les intentions, est méticuleuse- 
it et strictement réglé par une liturgie déjà très 
Bloppée (1), et en partie définitivement fixée, 
n acte aussi sacré ne va pas sans de multiples 
îarations préalables. Tout d'abord, il s'agit de 
isir le terrain, — une surface bien plane sur un 
iticule ou une place plus élevée que l'espace eu- 
nnaut ; — d'en déterminer les limites et de l'en- 
e de façon à ce que le sacrifice ne puisse être 
lié par le contact, la présence ou le regard d'é- 
impurs; d'en nettoyer scrupuleusement l'aire 
îisant disparaître toutes les aspérités; d'élever 
entre de l'enclos un autel de terre recouvert de 
> de l'herbe sainte appelée Kouça (sorte de chien- 
) disposées les pointes en dehors ; d'y réunir la 

A. Bergaigne : La Religion xédique. 



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LE BRAHMANISME 65 

provisijDQ de bois sec nécessaire, le soma, le beurre 
clarifié et les oblations qu'on se propose d'offrir. On 
fixe alors sur l'autel la pièce de bois, appelée Aranî 
inférieure, on introduit dans le trou dont elle est 
percée la pointe d'un autre morceau de bois appelé 
Aranî supérieure et, par un mouvement rapide de 
rotation, on en fait jaillir une étincelle qui, re- 
cueillie sur un amas de matières inflammables, est 
ensuite avivée et développée par des libations de 
soma et de beurre. Les offrandes consumées dans ce 
feu consistent habituellement en gâteaux, riz cuit, 
sésame et grains divers ; les holocaustes de victimes 
sont plus rares, réservés à ce qu'il semble aux sacri- 
fices solennels ; il est possible, mais pas certain, 
qu'on ait sacrifié parfois des victimes humaines, en 
tout cas, le fait n'est pas explicitement exprimé dans 
le Rig-Véda, où le sacrifice déclaré le plus méritoire 
est celui du cheval, ou Açvamédha. Môme, en ce qui 
concerne les sacrifices d'animaux, il y a peut-être 
lieu de supposer qu'ils n'étaient pas pratiqués ou 
ne l'ont été que tardivement à l'époque védique, 
les hécatombes de vaches, de brebis, de chèvres (il 
est à remarquer que c'est presque toujours de fe- 
melles qu'il est question) que mentionnent les trois 
premiers Védas pouvant très bien viser les femelles 
mythiques au lait desquelles on assimile si souvent 
les eaux ou les libations du sacrifice, qui se seraient 
transformées en animaux réels lorsque, le sens mé- 
taphorique des hymnes sétant obscurci, on a pris 

4. 



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66 LE BRAHMANISME 

à la lettre ce qui n'était dans le principe qu'images 
poétiques (1). 

Mais ici se présenté une question aussi importante 
que difficile à résoudre : Quelle est l'origine et la na- 
ture première de ce sacrifice si puissant que non 
seulement il établit la communication entre les 
hommes et les dieux et donne la possession de 
toutes les faveurs désirables, mais encore qu'il ' 
crée toutes les choses de l'univers et les dieux eux- 
mêmes, qu'il leur octroie l'immortalité et les élève 
au rang divin? Comment les premiers Aryas — de 
même d'ailleurs que presque tous les peuples — 
ont-ils pu avoir l'idée d'honorer les dieux en allu- 
mant un feu et en lui faisant consumer des offrandes 
qu'il est censé transmettre ou porter aux Êtres cé- 
lestes ? L'hypothèse d'une révélation ad hoc étant 
inadmissible, de même que celle d'une invention 
géniale de quelque habile civilisateur, nous ne pou- 
vons chercher cette origine que dans Tordre des phé- 
nomènes concrets — seuls concevables pour l'homme 
primitif incapable de s'élever à la notion de l'abstrait 
— d'une action bienfaisante et d'une utilité assez 
universellement reconnues indispensables pour 
qu'on lui prêtât une origine et des attributions 
divines, telles que celles de créateur, de' dispensa- 
teur de l'immortalité et de la divinité et de souve- 
rain bienfaiteur. Or, si nous nous reportons par la 

(1) p. Regnaud : Les premières formes de la religion et de 
tradition dans l'Inde et la Grèce. 



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LK BRAHMANISME 

pensée aux temps où i'humanité primitive 
ses premiers pas dans la civilisation, nous c 
tons que sa conquête la plus précieuse, mais 
la plus difficile et la plus délicate, a élé celle ( 
qui a mis dans ses mains ces deux éléments 
préciables du bien-être, la chaleur et la lumiè 
Il ne serait donc pas impossible que le po 
départ, l'origine du sacrifice, ait été le vu 
allumage du feu, si difficile à obtenir et à a 
ver avec les moyens rudinientaires que pos 
l'homme primitif, acte tout utilitaire solenn 
sanctifié par la suite en môme temps que c 
bienfaisant était élevé au rang divin (1). Les o 
des qui sont la nourriture du feu divinisé et 
le charge de fajre parvenir aux autres dieu: 
raient été dans le principe les matières facil( 
inflammables, graisses et alcools, qu'on emp 
pour assurer et activer sa combustion. Créés 
mage de l'homme, les dieux agissent dans le c 
la même manière que l'homme sur la terre, et 
s'expliquent les sacrifices, autrement sans b 
sans raison d'être, qu'ils accomplissent sanî 
nous puissions savoir à qui ils les offrent. « A 
sacrifice, les Dieux honorèrent le sacrifice ; c 
rent les premiers rites (2) » . 



(1) P. Regnaud : Les premières formes, etc. 

(2) R. V. 164, 50. 



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LE BRAHMANISME 



Le Sacerdoce. — Le sacrifice et le culte qui s'y 
rattachent paraissent être presque exclusivement 
individuels, non seulement en ce qui concerne les 
cérémonies dites domestiques (grihya) (1), compre- 
nant les trois sacrifices quotidiennement obligatoires 
[sandhyâ] du matin, de midi et du soir, les libations 
d'eau et les offrandes d*aliments aux ancêtres (les 
pitris) et aux esprits errants, mais même les rites 
occasionnels plus solennels, tels que les sacrifices 
(poudjâ) (2) en vue d'obtenir des enfants, la santé, la 
fortune et les cérémonies funéraires, ou Çrâddhas. 
Dans toutes ces circonstances, le père de famille, 
le maître de maison (grihasta) (3) officie, assisté de 
sa femme et entouré de ses enfants et de ses servi- 
teurs. Même, le caractère essenliejlement familial 
de ces cérémonies s'affirme par le fait que le maître 
de maison ne peut les accomplir sans l'assistance de 
sa femme, qui, au moment de Toblation au feu, doit 
tenir sa main droite sur Tépaule droite de son mari, 
en signe d'union parfaite. Du reste, tant qu'il n'est 
pas marié, le brahmane ne peut célébrer aucun sa- 
crifice (sauf les offrandes aux ancêtres), et s'il de- 
vient veuf, il, est obligé de se faire suppléer pour les 
sacrifices obligatoires par un parent marié jusqu'à 
ce qu'il ait contracté une nouvelle union. A cette 
époque, le rôle religieux de la femme paraît avoir 

(1) Grhya. 

(2) Pujâ. 
(3)Grhasta. 



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LE BRAHMANISME 69 

été plus considérable et plus actif que dans les temps 
plus rapprochés de nous. Non seulement sa présence 
est indispensable pour la validité et refficacité du 
sacrifice, mais elle a la charge de préparer et d'ap- 
porter les offrandes dans l'enceinte sacriflcatoire, de 
faire chaque soir avec les reliefs du repas familial 
l'offrande bali aux esprits errants, et, en cas d'ab- 
sence de son mari, le soin lui incombe d'entretenir 
le feu sacré domestique. 

Chaque père de famille exerçant ainsi les fonctions 
de sacrificateur, de prêtre, pour lui et les siens, il 
n'existait donc point de sacerdoce constitué, de corps 
ou de caste dont les membres fussent qualifiés 
exclusivement, par droit de naissance ou d'élection 
pour procéder aux divers rites divins. On est même 
en droit de supposer qu'il n'existait alors aucune 
caste, la seule mention précise à cet égard se ren- 
contrant dans l'hymne célèbre, appelé Pouroucha 
Soukta (1), qui fait naître les Brahmanes de la 
bouche de Pouroucha sacrifié par les dieux, les 
Kchatrîyas (2), de ses épaules, les Vaiçyas de ses 
cuisses, et les Coudras de ses pieds, hymne que l'on 
a tout lieu de croire interpolé et beaucoup plus ré- 
cent que les autres hymnes 6u Rig-Véda. Le terme 
de Brâhman se rencontre cependant assez souvent 
dans les Védas, mais pas comme dénomination 



(1) Purusa Sùkta. R. V. X, 90. 

(2) Ksatrtya. 



1 . 



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70 LE BRAHMANISME 

d'une caste sacerdotale : parfois, il sembler désigner 
la prière, d'autres fois, il s'applique bien à un prê- 
tre, mais exclusivement à celui qui a la charge de 
présider et de diriger le sacrifice. 

Néanmoins, quand il s'agit de sacrifices public», 
intéressant toute ia tribu ou le village, nous 
voyons intervenir certains personnages investis 
de fonctions spéciales : le Hotri, qui chante les 
hymnes du Rig-Véda et procède à l'allumage du 
feu, YAdhvaryou, chantre du Yadjour-Véda, VOud- 
gâtri, qui verse le Soma et chante les hymnes du 
Sâma-Véda ; mais ce paraissent être des fonctions 
toutes passagères, dévolues probablement à des 
individus particulièrement versés dans Tétude de 
chacune de ces Védas, et ne constituant pas un ti- 
tre permanent. Le sacerdoce n'a dû se constituer 
que lorsque le développement et la complication du 
rituel ont exigé une connaissance profonde de la 
liturgie,^ connaissance transmise de père en fils 
comme un héritage. 

Morale. — Immortalité de Vâme. — Transmigration. 
— On s'est souvent demandé si les Aryas védiques 
possédaient des notions de morale et à quel 
point elles étaient développées chez eux ? Étant 
donné leur état apparent de civilisation, ils devaient 
connaître et pratiquer tout au moins les quatre ou 
cinq principes moraux sans lesquels aucune société 
ne saurait exister; mais le Rig-Véda ne nous ren- 



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LE BRAHMANISME 71 

seigne pas à ce sujet, et il serait difficile qu'il en fut 
autrement en raison de son caractère tout rituel et 
liturgique. Nous y voyons bien que certains dieux, 
surtout Varouna et Roudra, surveillent les actions 
des hommes, punissent et récompensent, pardon- 
nent les péchés; mais, en réalité, les crimes ou les 
offenses qui suscitent leur colère ne sont pas à pro- 
prement parler des transgressions morales ; ce sont 
plutôt des erreurs, des omissions, des négligences 
rituelles, peut-être même de simples prononcia- 
tions défectueuses qui rendent inefficaces et même 
retournent contre le suppliant les formules sacrées 
(mantras) dont une seule syllabe n'aura pas été pro- 
férée avec l'accentuation imposée par la liturgie, 
ainsi qu'on peut le présumer par les hymnes sui- 
vants, souvent cités comme preuves du rôle moral 
de Varouna. 

« Je cherche, ô Varouna, m'efforçant de compren- 
dre ce péché ; je m'adresse au Sage pour le consul- 
ter. Tous les sages me répondent uniformément : 
c'est Varouna qui t'en veut. Quel est donc le grand 
péché, ô Varouna, en punition duquel tu veux tuer 
ton adorateur et ton ami? Dis-le moi, ô*Dieu inat- 
taquable et ne dépendant que de toi-même, et, dé- 
livré du péché, j'accourerai avec adoration près de 
toi. Délivre nous des péchés de nos pères, etdeceux 
que nous avons commis personnellement. roi, 
pardonne à Vasichtha comme à celui qui a volé du 
bétail pour se nourrir; délie-le comme un veau de 



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72 Lli BflAHMAN[SME 

ses entraves. Ce n'est pas notre volonté, ô Varouna, 
qui nous a égaré, mais quelque séduction : le vin, 
la colère, la passion du jeu de dés, rinconscience. 
Le plus fort entraîne le plus faible. Môme le som- 
meil est une occasion de péché (1) ». — « roi Va- 
rouna, ne me fais pas aller dans la demeure de la 
terre I Sois clément, ô Dieu puissant, sois clément! 
Je marche, ô maître du tonnerre, tremblant comme 
une outre gonflée; sois miséricordieux! Dieu 
brillant et puissant, si j'ai péché c'est par manque 
de force, sois miséricordieux ! La soif a accablé ton 
adorateur alors môme qu'il était au milieu des eaux; 
sois miséricordieux ! Quelle que soit l'otïense, ô Va- 
rouna, que nous ayons commise, nous mortels, con- 
tre le peuple du ciel; de quelque manière que 
nous ayons inconsciemment violé tes lois, sois mi- 
séricordieux, ô Dieu puissant, sois clément ! (2) ». 

Dans ces deux hymnes rien n'indique la nature 
du péché dont le suppliant demande la remise ; 
en l'absence de toute allusion aux prescriptions mo- 
rales, il semble bien qu'il s'agit ici d'un péché 
liturgique, et les autres textes du môme genre n'é- 
tant pas plus explicites, il est permis d'en conclure 
qua cette époque la morale proprement dite n'exis- 
tait pas dans la religion. 

Une autre question non moins controversée est de 



1) R. F. VII, 86, 3. 
(2) R. V. VII, 89, 1. 



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LE BRAHMANISME 73 

savoir si les Indiens védiques croyaient à l'immor- 
talité de l'âme. La solution de ce problème soulève 
une autre question préjudicielle; celle de savoir 
quelle nature ils prêtaient à ce que nous appelons 
l'âme ; question insoluble puisque les philosophes 
indiens ont discuté jusqu'à nos jours si c'était le 
souffle vital (âtman), Tesprit {manas), l'entende- 
ment, la conscience, la mémoire, etc. Pour trancher 
la difficulté, admettons qu'il s'agit de la survivance 
de la personnalité ou de Vego de l'homme après la 
mort. Ainsi posée, la question semble résolue d'une 
manière affirmative par les textes où il est question 
des Pitris ou ancêtres. De nombreux passages des 
hymnes nous disent, en effet, que les morts suivent 
deux routes : celle des dieux (Devayàna) et celle des 
ancêtres (Pitriyàïia) selon les mérites qu'ils ont 
acquis par la ferveur de leurs austérités. On peut se 
demander toutefois s'il s'agit de morts véritables ou 
d'éléments morts du sacrifice, précisément à cause 
de l'opposition entre la voie des Dieux qui conduit 
au ciel jet celle des Pitris qui semble devoir être le 
chemin des régions ténébreuses, domaines de 
Yama. Un autre fait encore peut militer en faveur 
de l'assimilation des Pitris, aux feux éteints, c'est la 
situation méridionale du séjour qui leur est attribué 
car c'est dans la région brûlante du sud que se 
trouve le monde ou le ciel d'Agni. D'un autre côté les 
sacrifices funéraires (çrdddha) accomplis soit au mo- 
ment de la mort, soit plus tard à époque fixe, aux anni- 

5 



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74 LE BRAHMANISME 

versairesdu décès, soit enfin quolidiennemeot, à la 
fin de chaque Sandhyâ, impliquent bien la croyance 
à la survivance d'une partie plus ou moins étbérée 
ou matérielle de l'individu. Peut-être, cependant, 
serait-il dangereux d'attribuer à cette survivance le 
caractère d'immortalité. Il serait plus sûr et plus 
exact de dire que c'est une nouvelle existence que 
vit dans Tautre monde Vego du défunt, existence 
dont le bonheur et la durée dépendent des sacrifices 
accomplis à son intention par ses descendants. Les 
ancêtres négligés ou ceux dont la postérité est 
éteinte subissent une seconde mort par inanition, 
mort définitive cette fois. 

Gomme complément à cette question de Timmor- 
talité de l'âme, il est à remarquer qu'on ne ren- 
contre dans les Védas aucune donnée précise relati- 
vement à la conception de la Transmigration ou Mé- 
tempsycose qui deviendra plus tard la base fonda- 
mentale de tout le système eschatologique du Brah- 
manisme et de la théorie de la rétribution des actes. 
Mais n'oublions pas que les Védas sont la source et 
le réservoir de toutes vérités, de toutes connais- 
sances et de toutes lois et que les brahmanes sont 
experts à en tirer la sanction de tous leurs usages 
et leurs préjugés. Toutefois ce n'est que dans les 
Brâhmanas et les Oupanichads que nous verrons 
poindre et s'affirmer le dogme fondamental de la 
Transmigration. 



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II 



BRAHMANISME PHILOSOPHIQUE 



Mythologie, théologie, cosmogonie, théorie de 
l'immortalité de l'âme, transmigration, morale, lois 
sociales, sacerdoce, castes, toutes choses qui n'exis- 
taient pas dans les Védas, ou n'y existaient qu'à 
l'état d'allusions vagues susceptibles de toutes sortes 
d'interprétations, naissent, se développent ou se 
précisent dans la seconde période de la religion in- 
dienne que nous croyons pouvoir qualifier de Brah- 
manisme philosophique (i), afin de marquer l'action 
prépondérante exercée sur son développement par 
les premiers efforts méthodiques du raisonnement, 
par la curiosité inquiète de Tau delà, par un esprit 
de recherche et une liberté de pensée et de parole 
parfois étonnants d'audace. Trois faits priucipaux, 
d'une importance considérable, caractérisent cette 
période où se constitue définitivement la société in- 

(1) C'est du reste le terme adopté par Sir MoDier Monter 
Williams dans Religions Thought and Life in India. 



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76 LIS BRAHMANISME 

dieniie : l'éclosion du Panthéisme, la suprématie 
religieuse et sociale du sacerdoce par rinstitution 
des castes, et ravènement de la philosophie. 

A quelle époque s'est produite celte transforma- 
tion ? On a souvent soulevé cette question : on la 
discute encore de nos jours. Les spécialistes les plus 
autorisés dans Tlnde et en Europe ont émis à ce su- 
jet de savantes hypothèses, proposant des dates qui 
varient de 1.200 à 500 avant notre ère ; mais faute de 
chronologie et de toute donnée de comparaison avec 
l'histoire d'autres peuples, elle demeure aussi inso- 
luble que celle du passage du paléolithique au néo- 
lithique et de ce dernier aux âges du bronze et du 
fer dans nos régions. Elle a été, selon toutes proba- 
bilités, une modification lente, insaisissable dans 
ses progrès, œuvre non seulement de nombreuses 
années, mais de siècles. 

Littérature sacrée. — Notre seul critérium à cet 
égard est la littérature sacrée dont nous pouvons 
établir et suivre le développement et la séquence ra- 
tionnelle, s'il nous est impossible d'assigner des 
dates, même approximatives, à ses divers monu- 
ments. Très riche et éminemment instructive, cette 
littérature se divise, d'après les brahmanes, en deux 
sections bien distinctes: l'une appelée Çrouti (1), 
renfermant les quatre Védas et les ouvrages desti- 

(1) Çruti, « ce qui a été entendu », révélation. 



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LE BRAHMANISME 77 

nés à en élucider le sens et la portée, c'est- à dire les 
Brâhmanas, les Araoyakas et les Oiipanichads ; 
l'autre, nommée Smriti(i), comprenant des livres 
de composition plus récente que les plus anciens 
Brâhmanas et Oupanichads : les Védângas, les Sou- 
tras (Kalpa, Grihya etSâmayatchârika), les Dharma 
Castras et les Nili Castras (2). 

Nous avons déjà fait plus haut une rapide allu- 
sion aux livres qui composent le Çrouti, mais il est 
cependant nécessaire, croyons nous, d'y revenir 
avec un peu plus de détails afin d'en bien détermi- 
ner la nature et le but, et ce qu'ils peuvent nous 
fournir de renseignements sur la mythologie, les 
croyances de leur époque et les manifestations exté- 
rieures de ces croyances, c'est à-dire les sacrifices 
publics, les cérémonies domestiques et funérai- 
res. 

Chaque Véda, on s'en souvient, a ses Brâhmanas 
et ses Oupanichads, en nombre variable, qui le com 
plètent et font partie intégrante de son ensemtle ou 
Samhitâ. Ainsi le Rig-Véda possède YAitaréya-brâh- 
mana, le Kauchitaki (3)-brâhviana et l Aitaréya-oupa 
nichad\ le Yadjour noir a le Taittinifa-brâhmaiia et 
la Taittmya-oupanichad, le Yadjour blanc le Çatapa- 
tha-brâhmana, Vlça-oupanichad et la Brihad-ârciîiya- 



(1) Smrti, «ce dont oo se souvient », tradiUon inspirée. 

(2) Les Indiens modernes font rentrer dans la SmriU, les Iti- 
hasas (poèmes épiques) et les Purânus. 

(3) Kausitald. 



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78 LE BRAHMANISMK 

ka-oupanichad (1) ; le Sâma-Véda, plus riche et peut- 
être aussi employé dans un plus grand nombre de 
cérémonies, possède huit Brâhmanas, dont le plus 
intéressant porte le titre de Chadvinça (2), et deux 
Oupanichads intitulés Kôna et Tchandogya (3) ; enfin 
l'Atharva-Véda se contente du seul Gopatha-brâhma- 
na, mais s'attribue par contre cinquante-deux Oupa- 
nichads, tenues d'ailleurs pour les plus modernes de 
toutes. Ces ouvrages sont naturellement de dates 
très différentes et ceux annexés à TAtharva, entre 
autres, doivent être rangés à une époque sensible- 
ment postérieure au cinquième siècle avant notre 
ère. Parmi les Brâhmanas, l'Aitaréya, le Kauchitaki 
et le Taittirîya sont considérés comme les plus an- 
ciens, tandis que le Çatapatha est classé comme rela- 
tivement moderne. C'est cependant pour nous le 
plus précieux par la quantité et la variété des docu- 
ments qu'il nous fournit, surtout en ce qui concerne 
les légendes mythologiques. 

Considérés dans leur ensemble — sans même faire 
exception de ceux tenus pour relativement moder- 
nes qui, en somme, ne font que broder des varia- 
lions nouvelles sur le thème antique des Védas et 
surtout du Rig — les Brâhmanas se présentent à 
nous comme les plus anciens rituels, les plus an- 
ciennes traditions, les plus anciens essais de philo- 

(1) Brhad-AraDyakaUpani^ad. 

(2) Sadvinça. 

(3) CcaDdogya. 



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LE BRAHMANISME 79 ' 

Sophie et de linguistique que nous connaissions. 
Simples recueils d'hymnes à Tusagedu sacrifice, les 
Védas ne donnent aucune indication précisé sur les 
phases, les applications, les formes multiples de ce 
sacrifice eu égard aux intentions diverses que les 
circonstances peuvent faire naître ou imposer. Cette 
lacune, les Brâhmanas la comblent. Ils exposent 
avec grand luxe de détails toutes les cérémonies vé- 
diques, non point sans doute telles qu'elles se célé- 
braient dans l'antiquité, mais telles qu'on les prati- 
quait à l'époque de leur composition suivant une 
tradition transmise par les pères à leurs fils sans 
plus en saisir complètement le sens et la portée ; 
aussi entrent ils à propos de chaque rite en de lon- 
gues et minutieuses explications, souvent diffuses et 
même puériles, sur leur origine, leur raison d'être 
et leur sens soit pratique, soit mystique, à l'appui 
desquelles ils font intervenir de nombreuses lé- 
gendes, presque toujours inspirées par des allusions 
mythiques du Rig-Véda^ copieusement développées 
et souvent dénaturées par l'imagination du ou des 
auteurs du Brâhmana, qui sont le point de départ de 
toute la mythologie subséquente. Mais là ne se borne 
pas leur rôle : ils spécifient et expliquent avec une 
extrême précision l'usage qui doit être fait des 
hymnes, de certains de leurs vers, voire même des 
divers mètres poétiques, suivant la nature delà céré- 
monie et les cas particuliers qui requièrent sa célé- 
bration, et deviennent par là de véritables manuels 



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LE BRAHMANISME 

ivres d'offices des sacrificateurs, prêtres et chan- 
, Holris, Adhvaryous, Oudgalris, Ritvidjs, Bràh- 
les, chargés d'officier suivant les prescriptions 
seulement des Védas, mais môme des écoles li- 
rgiques (Çâkhds) que chacun des Brâhmanas 
résente. 

insi qu'on le voit, il n'est pas trop aventuré d*a- 
cer que la composition de ces ouvrages a été 
voquée par l'incertitude où Ton était à un mo- 
it donné sur le véritable sens et l'application des 
tes védiques qu'ils étaient chargés d'expliquer et 
}réciser — ce qu'ils ont fait la plupart du temps 
le manière tout empirique —et que le fait môme 
eur nécessité est La preuve la plus convaincante 
a très haute antiquité des Védas, devenus obs- 
5 et incompris. 

robablement un peu plus récentes, les plus an- 
ines Oupanichads (1) ont un tout autre caractère. 
s se préoccupent peu de la partie technique — si 
n peut s'exprimer ainsi — du sacrifice et du sens 
litionnellement accepté des hymnes des Védas. 
si que leur nom môme (« Doctrine Esotérique ») 
iique, elles ont un but plus élevé, plus spirituel, 
Bcherche du sens mystique et de renseignement 
érique, renfermés dans les Mantras. Elles sont 
mées par là à aborder des questions abstraites, 
îlument inconnues aux Brâhmanas, et frayent à 

UpaDisad. 



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LE BRAHMANISME 

Tesprit indien la voie de la philosophie et de la m 
taphysique où il ne terdera pas à se jeter à cor 
perdu. Ne se contentant plus des légendes mytl 
ques. complaisamment développées parles Brâhm 
nas, les Oupanichads traitent de Torigine de Tui 
vers, de sa création en tant qu'œuvre divine ( 
génération spontanée, de la nature et de la puissan 
des dieux, de la nature de Tâme humaine et de s 
rapports avec Tâme divine, de la nature et des ra 
ports de l'esprit et de la matière, et dans toutes c 
questions elles font preuve d'une liberté, d'une ind 
pendance de pensée qui va jusqu'au matérialisme 
même à Tathéisme. En ce qui concerne les dieu 
notamment, il semble que leurs auteurs aient eu e 
core présente à l'esprit, avec une lucidité étonnani 
l'ancienne origine naturaliste et purement ima^ 
naire de ces personnifications des forces de la r 
ture et des éléments du sacrifice. 

Un point très intéressant à noter est leur indépe 
dance de tout excluvisme brahmanique, si marq 
cependant dans les autres livres religieux. Il semt 
qu'à leur époque la suprématie de la caste sacerd 
taie n'était point encore entrée dans Tordre des fa 
établis, car elles nous montrent souvent des brâhm 
nés allant chercher la science sacrée auprès d 
saints rois de la race kchatrîya. 

La même liberté de pensée se rencontre égaleme 
dans les Aranyakas, autres ouvrages religieux q 
traitent, comme les Oupanichads, du sens mystiq 

5. 



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82 LB BRAHMANISME 

des cérémanies, de la nature des dieux, de la créa- 
tion, etc.. et qui parfois même les dépassent en au- 
dace agnostique ; phénomène qui se comprend si Ton 
songe que ces écrits s'adressent exclusivement aux 
Vanapi'achtas, c'est-à-dire aux brahmanes qui, 
ayant accomplis tous leurs devoirs sociaux, aban- 
donnent le monde et vont vivre en ascètes dans les 
forêts, indifférents à tout, supérieurs aux lois et aux 
prescriptions humaines et divines, désormais inca- 
pables, quoiqu'ils fassent, de commettre un péché, 
les crimes mêmes qu*ils pourraient perpétrer se 
changeant pour eux en actes méritoires. 

En tête de la section des Ecritures dénommée 
Smriti (1). « Tradition » qui jouit, en tant que divi- 
nement inspirée à ses sages auteurs, d'une autorité 
presque égale à celle de la Çrouti, les Indiens pla- 
cent les Védângas ou (( Membres des Védas » ainsi 
qualifiés parce qu'on les compare aux membres 
corporels par l'intermédiaire desquels l'esprit agit. 
Au dire des brahmanes, les Védângas résument les 
six sciences indispensables pour comprendre et ap- 
pliquer les Védas, représentées par autant de séries 
d'ouvrages très variables de forme, d'étendue et de 
date, dont quelques-uns même sont incontestable- 
ment postérieurs à notre ère, et, n'était l'application 
qui en est faite aux textes védiques, seraient mieux 
ù leur place dans la littérature bindouiste, appelés 

{{) Smrli. 



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LE BRAHMANISME 83 

Kalpa- Soufras, Çikchâ, Tehhandas, Nirouhtay Vydka- 
rana et Djyotkha. 

Les Kalpa-Soutras, intitulés aussi Çrauta-Soutras 
à cause de leur connexion intime avec le Çrouli, 
sont des guides ou manuels pour Tapplication tra- 
ditionnelle et efficace des Mantras (ou hymnes védi- 
ques) et des prescriptions rituelles des Brâhmanas 
aux rites du sacrifice. Les dogmes et les règles litur- 
giques y sont exprimés en de courtes formules dans 
lesquelles les syllabes et les lettres, employées à 
la façon des termes algébriques, représentent sou- 
vent toute une idée, et dont Textrême concision a 
nécessité par la suite de nombreux commentaires et 
gloses, d'ailleurs fréquemment contradictoires. Il a 
été impossible, jusqu'à présent, de leur attribuer 
une date ; cependant on suppose que quelques-uns 
d'entre eux pourraient peut-être reoionter jusqu'au 
sixième siècle avant notre ère. Chaque Véda possède 
ses Çrauta-Soutras spéciaux : ainsi au Rig-Véda 
ont annexés les Soutras intitulés Açvalâyana, Çân- 
khâyana et Çaunaka; au Sama-Véda, le Maçaka^ le 
Ijityâyana^ei le Drâhyâyana; au Yadjour noir, VApas- 
tamba, le Baudhâyana, le Satyâchadha, le Mânava, le 
Bhâradvadja,\e Vâdhûna, le Vaikhanasay leLaugakchi, 
le Maitra, le Katha et le Yârâha ; au Yadjour blanc, 
le Kâtyâyâna ; et enfin à l'Atharva-Véda, le Kauçika. 

La Çikchâ (1), « Prononciation », comporte la con- 

(1) Çiksa. 



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84 LE BRAHMANISME 

naissance parfaite des lettres et de leur valeur 
mystique, des accents, de la quantité de chaque 
syllabe, et de l'articulation exacte de chaque lettre, 
syllabe ou mot. Son importance découle de ce fait 
que chaque vers, mot ou lettre, possède une valeur 
mystique qui lui est propre, et que Tomission d'un 
mot ou d'une lettre, une simple erreur d'accentua- 
tualion enlève à l'invocation toute son efficacité. Cette 
science était représentée jadis, dit-on, par de nom- 
breux traités en vers : il n'en reste plus aujourd'hui 
que quatre Prâtiçâkhyas, se rapportant au Rig-Véda 
au Yadjour noir, au Yadjour blanc et à l'Atharva- 
Véda, un chapitre de la Taittiriya-âranyaka, et un 
court traité attribué au célèbre grammairien 
Pénini. 

La section intitulée Tchandas (l), « Prosodie », ex- 
pose les règles de la poésie religieuse et stipule les 
mètres poétiques applicables dans les diverses cir- 
constances qui peuvent se présenter. Son utilité 
tient, elle aussi, à la croyance en l'efficacité mystique 
du mètre. Sauf quelques passages empruntés au 
Brâhmanas, elle ne se compose que de traités de 
date récente, tous postérieurs à l'ère vulgaire. 

Le Niroukta, « Explication », n'est représenté que 
par un seul traité, tellement concis qu'il a nécessité 
plusieurs glossaires, où son auteur, Yâska, donne une 
explication étymologique (souvent fantaisiste ou ar- 

(1) Gcandas. 



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LE BRAHMANISME 85 

bilraire) et rinterprétation les termes obscurs ou 
vieillis qui se rencontrent dans les Yédas. On ne 
connaît pas exactement répo({ue où vécut Yâska ; 
mais le fait que le Niroukta est cité par Pânini 
permet de supposer que cet ouvrage date au moins 
du sixième siècle avant notre ère. 

Le Vydkarana, « Grammaire », n*est également 
représenté que par un seul ouvrage ancien, la 
Grammaire de Pânini, qui naquit dans le Gandhâra, 
au commencement du cinquième ou à la fin du 
sixième siècle. Toutefois cet auteur cite dix autres 
traités, dont particulièrement ceux de Gargya et de 
Bhàradvadja, antérieurs à son temps. La grammaire 
de Pânini, qui fait toujours loi en fait de linguisti- 
que sanscrite, a été l'objet de deux importants com- 
mentaires critiques par Kâtyâyana et Patandjali. 

Quant au Djyoticka (1), « Astronomie et Astrolo- 
gie » (ces deux sciences se confondent toujours dans 
rinde), à part un court traité de trente- six vers que 
l'on croit pouvoir faire remonter au quatrième siè- 
cle avant notre ère, il ne se compose que d'ouvrages 
relativement modernes portant le titre collectif de 
Siddhânta. On en cite neuf principaux, dont le plus 
important et le plus fréquemment cité est le Sou- 
rya-Siddhânta. 

Les Soutras (2), dénommés fréquemment Smarta- 
Soutras ou Smarta-Çàstras pour les distinguer des 

(1) Jyo(i«a. 

(2) Sûtra. 



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8(> LE BRAHMANISME 

Çrauta ou Kalpa-soutras eomprls dans les Védân- 
gas, constituent la seconde division de la Smriti. 
Ils comprenneut deux séries de livres : 1» les Gri- 
hya-Soutras (1), collection de nombreux ouvrages 
traitant des règles qui président au culte domesti- 
que, sacrifices quotidiens obligatoires, cérémonies 
ou sacrements qui consacrent la vie individuelle et 
familiale de Tlndien depuis sa conception jusqu'à 
sa mort, sacrifices aux ancêtres, cérémonies funé- 
raires ou Çrâddha^^ et attribués pour la plupart à 
des sages déjà connus comme auteurs de Védângas, 
Açvalâyana, Çànkhàyana, Gobhila, Pâraskara, Kà- 
thaka, Baudhayana, Bhâradvâdja, Apastamba, etc., 
2o les Samayâtchâra-Soutras (2) guides des pratiques 
quotidiennes conventionnelles, des usages et de la 
bonne conduite. Il serait téméraire de tenter de fixer 
des dates à la composition de ces Soutras, mais ce 
que l'on peut affirmer c'est qu'ils sont tous anté- 
rieurs à Manou qui les cite parfois et leur emprunte 
des passages entiers de son célèbre code. 

Cette nomenclature des écritures sacrées tradi- 
tionnelles se clôt par la série des Castras (3), com- 
prenant les Dhavma- Castras on Codes de lois, et les 
Niti-Çdstras ou livres de morale. Les premiers ont 
été très nombreux, et à l'heure actuelle on en coo- 
naît encore vingt dont les articles, trop souvent con- 

(1 Grhya sûtra. 

(2) SamayâcAra-sûtra. 

(3) Çâslra, « livre, traité, règle ». 



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L£ BRAHMANISME 87 

tradictoîres, sont appliqués de temps à autre par 
les tribunaux locaux ; mais en réalité les deux seuls 
qui jouissent d^une autorité universelle sont ceux 
de Manou et de Yâdjnavalkya. Le plus connu, le 
Mânava-Dharma-Çâstra, ou code des lois de Ma- 
nou (1), ne ressemble guère à ce que nous appelons 
un code. C'est un volumineux ouvrage, divisé en 
douze livres ou chapitres (dont le premier et le der- 
nier sont incontestablement des interpolations ré- 
centes), qui commence par un récit de la création, 
expose ensuite les devoirs religieux des brahmanes 
et des membres des deux autres castes supérieures, 
les règles relatives aux sacrifices et en particulier 
aux Çrâddhas (sacrifices funéraires), la législation 
civile et criminelle, les peines de ce monde et de 
l'autre et consacre un chapitre tout entier aux de- 
voirs poKtiques du souverain. 

Quant aux Niti-Çâstras, livres d'éducation popu- 
laire comparables à ce que nous appelons « Morale 
en action », ce sont des recueils, en prose entremê 
lée de vers, de préceptes de morale et de conduite, 
de proverbes et de maximes, ou bien encore de con- 
tes et de fables. Le Pantchatantra (2) et VHitopadéça 
sont les types parfaits de ce genre de littérature. 

Quelques auteurs croient pouvoir rattacher à la 
Smriti de cette période les Itikasas ou Poèmes épi- 

(1) Pettt-ètre serait-il plus exact de dire Code des lois de la 
tribu des Mânayas. 

(2) ï>aîica-tantra. 



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88 LE BRAHMANISME 

ques, dont le Mahâbhârata et le Râmâyana peuvent 
être pris pour types. Que ces poèmes qui, de même 
d'ailleurs que toute la littérature même profane de 
rinde, ont pris leur source dans les idées et les lé- 
gendes des Védas et des Brâhmanas, aient pu com- 
mencer à s'élaborer à cette époque, c'est à peu près 
certain ; toutefois leur caractère nettement sectaire 
et la prédominance qui y est donnée aux Dieux 
Vichnou et Çiva nous paraissent devoir les classer 
dans la littérature de la troisième période du Brah- 
manisme ou Hindouisme. 

Ecoles philosophiques . — Par contre nous pensons 
qu'il convient de rapporter à Tépoque brahmanique 
proprement dite, si non le développement complet, 
du moins l'éclosion et les premières affirmations des 
six Darçanas ou grandes écoles de la philosophie in- 
dienne, malgré l'opinion, assez répandue, qui pré- 
tend voir en elle le produit de l'influence de la civi- 
lisation grecque répandue dans l'Inde à la suite de 
la célèbre expédition d'Alexandre et de la constitu- 
tion du royaume indo-grec de Bactriane. En tout cas 
si Ton admet cette influence, il faut la faire remon- 
ter bien plus loin que l'invasion d'Alexandre, car le 
Bouddhisme, qui lui est antérieur d'environ deux 
siècles, implique nécessairement l'existence d'au 
moins cinq de ces écoles dont on retrouve chez lui 
non seulement les idées fondamentales, mais encore 
des propositions tout entières. Sans nier la possibi- 



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LE BRAHMANISME 89 

lité d'une certaine influence de la Grèce sur l'Inde 
qui la connaissait dès le sixième siècle peut-être, 
car Manou parle des Yavanas (1), réputés pour leurs 
talents militaires, leurs sciences et leurs arts, il 
nous semble difficile de lui attribuer l'inspiration 
première et la formation de la philosophie indienne. 
De ce que Pythagore et Platon ont enseigné le 
dogme de la métempsycose, par exemple, il ne s'en 
suit pas fatalement que l'Inde le leur ait emprunté, 
et si Ton veut s'embarquer dans la théorie des em- 
prunts le contraire serait plus vraisemblable, car 
cette conception philosophique constitue de temps 
immémorial la base de la religion des Indiens, et on 
en trouve les premières indications dans les Oupa- 
nichads et les Brâhmanas et même les germes, in- 
formes à la vérité, dans les Védas. S'il y a d'ailleurs 
d'assez nombreuses analogies entre les conceptions 
philosophiques des deux peuples (ce qui n'a rien 
d'étonnant au fond, étant donnée leur parenté d'ori- 
gine) elles se séparent aussi par de profondes diver- 
gences tant dans leur fond que dans leurs méthodes 
de recherches et de raisonnement. 

Les six Darçanas (2) — qu'on nomme Nyâya, Vai- 
çéchika, Sânkhya, Yoga, Mimânsâ, et Védânta et aux- 
quelles on attribue respectivement pour fondateurs 
les sages Gotama, Kanâda, Kapila, Patandjali, Djai- 
mini et Vyàsa, — sont bien toutes essentiellement 

(1) Nom sanscrit des grecs. 
(2) Darçana « démonstratioD ». 



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90 , LE BRAHMANISME 

indiennes aussi bien de forme que de fond, et de la 
première à la dernière filles des Oupanichads et des 
Brâhmanas, des Oupanichads surtout dont elles 
constituent le développement normal. Elles se dis- 
tinguent des systèmes philosophiques des autres 
peuples, de celui de la Grèce en particulier, par ce 
caractère spécial, — qui s*est perpétué dans toutes 
les autres productions postérieures, — qu'au lieu 
d'avoir uniquement pour but la recherche ration- 
nelle et scientifique, pour ainsi dire désintéressée, 
de la vérité, elles sont toujours intimement liées à 
la religion, en font partie intégrante. Si elles s'effor- 
cent de déterminer la nature des dieux, de Tâme 
humaine, de l'esprit et de la matière, Torigine du 
bien et du mal, les rapports entre l'homme et la 
divinité, ce n'est pas pour satisfaire une noble cu- 
riosité de Tau delà, de l'absolu, de l'infini, mais 
pour découvrir le meilleur moyen, le plus certai- 
nement efficace, de délivrer l'humanité de l'exis- 
tence, — le plus grand des maux, la source de totis 
les maux dans l'idée d'un Indien, — en lui procurant 
quelque procédé infaillible pour s'absorber dans 
l'essence divine de Tâme universelle. Tenter de 
fixer une date à la fondation de ces écoles, voire 
même de leur attribuer un ordre de succession, 
serait une entreprise aussi téméraire que de vou- 
loir établir l'authenticité historique de l'existence 
de leurs fondateurs dont nous retrouvons les noms 
parmi les auteurs mythiques de Védângas, de Sou- 



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LE BRAHMANISME 

tras, de Castras, et dont l'un même est le 
« Arrangeur » (Vydsa) des Védas, le com) 
UQÎversel à qui l'on attribue la parenté de 
ouvrages anonymes. Toutefois, les Indianist 
péens s'accordent à peu près unanimement 
dérer le Sânkhya de Kapila comme la plus a 
de ces écoles. L'ordre dans lequel se succè( 
Darçanas est tout arbitraire : c'est celui 
adopté les philosophes indiens, sans qu 
connaissions de raisons de ce classement, 
tion faite pour le Védànta, qui semble bien 
dernier en date, étant donnés les emprunts c 
aux autres systèmes, et aussi parce qu'il r 
son plein développement qu*à une époque i 
dive, du huitième au neuvième siècle de Tèi 
tienne, sous l'impulsion de Çânkarâtchârya, 1 
apôtre de l'Hindouisme et l'adversaire achî 
Bouddhisme. 

Le nom de Golama, attribué au fondateui 
cole Nyâya, ne nous est pas inconnu ; nou 
rions dire au contraire qu'il nous est trop 
car il est porté par trois personnages célèbr 
compter nombre d'autres de moindre reno 
légendaire Gotama, souche de la famille du B 
Gautama) : le Richi auteur d'hymnes du Rig 
ancêtre de l'une des plus importantes Gotra 
ou famille) brahmaniques, — le sage ascète 
de la belle Ahalyé, traité par Indra de h 
manière que Zeus en usa avec Amphitryon, 



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92 LE BRAHMANISME 

grammairien, auteur présumé d'un Dharma-Çàstra. 
Il est probable que c'est ce dernier, guère moins 
mythique que les deux autres, qui est visé dans le 
cas présent. 

Le terme Nyàya o Analyse » définit bien la ten- 
dance et le but de cette école qui s'est proposé d'éta- 
blir une méthode philosophique précise pour les 
recherches sur tous les sujets et les objets de l'acti- 
vité spirituelle humaine et, en particulier, de déter- 
miner les voies et moyens par lesquels la pensée et 
le raisonnement peuvent parvenir à la connaissance 
de la vérité dans Tordre moral et matériel. C'est 
ainsi qu'elle définit, par exemple, quatre moyens 
(pramàna) d'acquérir la notion exacte, d'un sujet 
quelconque: perception par les sens (pratyakkcha), 
déduction (anoumàna), comparaison {oupamàna), 
témoignage digne de foi (sabda) ; ce dernier compre- 
nant la révélation renfermée dans les Védas et autres 
écritures sacrées. C'est elle, également, qui a inventé 
ou consacré la quintuple division du raisonnement 
méthodique en: proposition (pratidjnd), raison (he- 
lou), exemple (oudàharana), application de la raison 
(oupanaya), conclusion (nigamàna) ; procédé adopté 
et suivi à son exemple par toutes les écoles philoso- 
phiques de l'Inde qui l'exposent sous la forme de ce 
syllogisme devenu classique : « Il y a du feu sur 
cette montagne, — car elle fume ; — où il y a de la 
fumée, il y a du feu ; — or cette montagne fume, — 
donc il y a du feu sur cette montagne ». 



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LE BRAHMANISiME 93 

La part 1res large, presque prédominante, faite 
par cette école aux règles du raisonnement, lui a 
valu la réputation d'être exclusivement logique ; 
réputation injustifiée, car, si elle s'abstient de trai- 
ter ou ne traite qu'accidentellement de la nature des 
dieux et du monde matériel, elle étend ses recher- 
ches et ses spéculations à l'àme, au corps, aux sens, 
aux objets des sens, à l'entendement ou intelligence, 
à Tesprit, à l'activité humaine, aux fautes ou péchés,» 
à la transmigration ou métempsycose, aux consé- 
quences résultant des actes, à la souffrance et à la 
délivrance finale des mau'x de l'existence. Elle ré- 
sume ses vues sur la question de l'exiîslence, véri- 
table obsession pour tous les Indiens, dans ce court 
Soutra — « misère, naissance, activité, fautes, notions 
erronées ; en détruisant successivement chacun de 
ces éléments, on détruit aussi celui qui le précède 
immédiatement; alors vient la délivrance finale », — 
que l'un de «es commentateurs, Vatsyâyana, déve- 
loppe en ces termes : « D'une notion fausse naissent 
la partialité et le préjugé ; de là découlent les fautes 
de calomnie, envie, tromperie, enivrement, orgueil, 
avarice. Agissant revêtu d'un corps, un individu 
commet des injustices, des vols, des actes sensuels 
interdits, devient faux, insensible, meurtrier. Cette 
activité vicieuse produit le démérite. Mais accomplir 
dans un corps des actes de charité, de bienveillance 
et de dévouement, être véridique, utile aux autres, 
désintéressé et respectueux, cela produit le mérite. 



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94 LE BRAHMANISME 

Donc le mérite et le démérite sont nourris par l'ac- 
tivité. Cette activité est la cause des nais'sances viles 
aussi bien que des honorables. La douleur accom- 
pagne la naissance. Ceci comprend les sentiments 
(ou plutôt sensations) de malheur, de souffrance, de 
maladie et de chagrin. L'émancipation est la déli- 
vrance de tous ces maux. Quel être intelligent ne 
désirera pas être délivré de tout mal? Car on dit 
qu'il faut rejeter loin de soi les aliments empoison- 
nés. Il faut éviter le plaisir, inséparable de la 
peine (!) ». Cette conception nyâyiste de la cause 
des misères de l'existence et des moyens d*y mettre 
fin pénètre toute la philosophie indienne, et nous 
la retrouverons comme base fondamentale des doc- 
trines hétérodoxes des deux grands schismes, le 
Djainisme et le'Bouddhisme. 

Doit-on considérer le Vaiçéchika (2) comme une 
école distincte ou comme un simple développement 
ou supplément du Nyâya? Les avis sont partagés sur 
cette question. Les Indiens le tiennent pour un sys- 
tème à part, et nous ne voyons point de raison pour 
ne pas les suivre dans cette voie, sous la réserve 
cependant que cette école a adopté les principes et 
la méthode du Nyâya, et par là peut en être consi- 
dérée comme une branche. Nous ne parlons pas de 
son prétendu créateur, Kanâda ou Oulouka (3), qui 

(1) Sir MoNiER MoNiER Williams : Indian Wisdom^ p. 6o. 

(2) Vaiçesika. 

(3) Ulûka. 



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LE BRAHMANISME 95 

paraît être un personnage entièrement mythique. A 
part cette question de méthode et de principes géné- 
raux de raisonnement, l'écoïe Vaiçéchika se sépare 
nettement du Nyâya par le fait qu'elle a pris le 
monde physique et matériel, négligé ou exclu par 
le Nyàya, pour objet principal de ses recherches, 
qu'elle répartit dans sept Padàrthas ou catégories: 

1° Substances, dravya, comprenant la terre, l'eau, 
la lumière, l'air, l'éther, le temps, l'espace, l'âme et 
l'esprit ; 

2° Qualités ou propriétés, gouna (1), des neuf subs- 
tances : couleur, saveur, odeur, tangibilité, quantité, 
extension, individualité, connexion, disjonction, 
priorité, postériorité, compréhension, plaisir, peine, 
désir, aversion, volition ; 

3° Actes, Karman; 

40 Généralité ou communauté de qualités, sama- 
nya; 

50 Particularités, viçécha (2), qui distinguent les 
neufs substances les unes des autres ; 

6° Relations intimes constantes, samavâya, telles 
que celles qui existent entre une substance et ses 
propriétés, entre un objet composé et la substance 
dont il est formé, etc. ; 

70 Inexistence ou Négation de l'existence, abhaca. 

Un point intéressant à noter, à cause de ses conse- 
il) Guna. 
(2) Viçesa. 



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â^-^ 16 LE BRAHMANISME 

quences dans la théorie de la créatioa ou plutôt de 
la formation de l'univers matériel, consiste dans ce 
fait que le Vaicéchika considère cinq des neuf subs- 
tances — la terre, l'eau, la lumière, l'air et l'esprit — 
comme atomiques. Par atome, anoiis, il entend quel- 
que cliose d'existant sans cause, éternel, iiifiuiment 
petit, invisible, impalpable, indivisible et impercep- 
tible pour les sens. La création des mondes et des 
êtres est le résultat de Tagrégation de ces atomes 
sous l'impulsion et par la puissance irrésistible 
d'une force iuvisible, nommée Àdrichta (1), qui est 
constituée parles actes des mondes antérieurs. Il n'y 
a donc pas d'intervention divine dans la création, 
bien que le Vaicéchika comme le Nyâya admettent 
l'existence d'une âme universelle suprême, appelée 
Paramâtrmin, distincte du Djivâtman (2), ou âme in- 
dividuelle des êtres. 

Les âmes individuelles sont éternelles, éternelle- 
ment séparées les unes des autres, distinctes du 
corps, des sens, et de l'esprit, infinies, douées d'ubi- 
quité, répandues et circulant partout dans l'espace, 
mais ne peuvent agir que dans le lieu où se trouve 
leur corps. Ce corps lui même est de deux sortes: un 
corps matériel grossier que l'âme revêt au moment 
de la naissance et dont elle se dépouille au moment 
de la mort, et un corps subtil, enveloppe éternelle 
de l'âme, qui la met à même de goûter les récom- 

(1) Adr.s/a. 

(2) Jivâtman. 



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LE BRAHMANISME 97 

penses célestes ou de subir les peines infernales. 
, Avec le Sânkhya de Kapila, école matérialiste et 
presque athée, évolutionniste au sens exact que nous 
attachons aujourd'hui à ce terme, nous entrons dans 
un ordre d'idées tout différent. 11 établit quatre 
axiomes fondamentaux, d'ailleurs adoptés d'après 
lui par la presque unanimité des autres écoles: 
l^Rien ne peut sortir de rien: 2^ Ce qui n'est pas ne 
peut pas évoluer en ce qui est; 3° La matière ne peut 
pas sortir de l'esprit; 4° Rien ne se crée, rien ne se 
perd. Partant de là il proclame l'éternité indestruc- 
tible de la matière, ou plutôt de deux matières : l'une 
subtile, appelée Pouroucha (\); l'autre grossière, 
Prakriti (2). Pouroucha est légion, car c'est en réalité 
la multitude innombrable des âmes qui existent de 
toute éternité distinctes les unes des autres, conser- 
vant éternellement leur individualité propre. Ces 
âmes sont intelligentes, mais passives; seules dépo- 
sitrices du principe de vie, elles ne peuvent cepen- 
dant créer et assistent seulement comme de simples 
spectatrices désintéressées aux actes et aux phéno- 
mènes de la création. On les décrit d'ordinaire 
comme de petites flammes d'un pouce de dimension. 
Prakriti, par contre, est inintelligente mais active, 
et renferme en elle à l'état virtuel les germes de 
toutes les existences matérielles qui constituent 
vingt-trois tattvas ou entités, se développant par évo- 

(1) Puro^a. 
(2)Prakni. 



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ï'^ 



98 LE BRAHMANISME 

lution et comprenant: le Bouddhi(i), ou Intellect, 
VAhankâra, ou conscience de l'individualité ou du 
moi, les cinq Tanmâtras, éléments subtils qui produi- 
sent les cinq éléments grossiers : Ether, Air, Lumière, 
Eau et Terre, et enfin onze organes : les cinq organes 
des sens, les cinq organes d'action ei\eManas, ou es- 
prit, produits par l'Ahankâra. Elle possède de plus les 
trois qualités, gouttas, de pureté (sattva), d'activité ou 
de passion (radjas) (2), et d'ignorance ou d obscurité 
(tamas). Toutefois, livrée à elle-même Prakriti ne peut 
produire que des apparences, des illusions (mâiiâ); 
pour créer des objets réels il lui faut la coopération 
de Pouroucha, qui seul peut donner la vie à ses créa- 
tions. Isolée, Prakriti est au repos, ses trois gounas 
sont en équilibre parfait. Qu'un Pouroucha (ou une 
âme) s'aventure dans son voisinage, aussitôt elle 
entre en mouvement et déploie toutes ses ressour- 
ces d'illusions multiples pour exciter sa curiosité, 
le séduire et l'attirer dans son orbitre (les auteurs 
indiens la comparent à une danseuse experte en sé- 
ductions); si elle réussit, elle l'enveloppe aussitôt 
d'un corps matériel et un être est né, minéral, plante, 
animal ou homme suivant que l'une des trois gou- 
nas prédomine en lui. Le Pouroucha ainsi captivé 
conserve la conscience de son état antérieur de 
liberté et de félicité, et ressent la misère de sa situa- 
tion actuelle et tous ses efforts tendent à se dégager 

(1) Buddhi. 

(2) Rajas. 



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LK BRAHMANISME 99 

de cette enveloppe matérielle qui l'étreint ; mais il 
ne peut y parvenir qu*à la longue en usant par d'in- 
nombrables transmigrations sa gangue grossière, 
parcourant lenteoient toute Téchelle des conditions 
de Texistence, du minéral ou de la plante à l'animal, 
à l'homme et au dieu. Comme on le voit, il n'y a 
point de place dans ce système pour un dieu créa- 
teur, — bien que certaines écoles Sânkhyistes admet- 
tent l'existence d'une Ame universelle suprême, 
Paramâtman, distincte des âmes individuelles, — ni 
même pour la divinité qui n'est qu'une étape de la 
pénible pérégrination du Pouroucha captif de 
Prakriti. L'objectif, le but de la philosophie du 
Sànkhya est d'enseigner au Pouroucha humain la 
voie la plus sûre et la plus expédilive de se libérer 
des liens de Prakriti, et celte voie est la science qui 
dévoile l'inanité et l'irréalité des œuvres de 
Prakriti en en faisant connaître à l'initié les origines 
et les procédés. 

C'est la même obsession du salut, c'est-à-dire de 
la délivrance de la transmigration, qui remplit et 
dirige la doctrine du Yoga de Patandjali (1), école 
philosophique que l'on pourrait considérer, jusqu'à 
un certain point, comme un rameau du Sâokhya, si 
elle ne s'en séparait radicalement par le fait qu'elle 
admet l'existence d'un Dieu suprême, Içvara, « le 
Seigneur », identique à l'âme universelle, souverain 

(1) Patanjali. 



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100 LE BRAHMANISME 

régent de Tuaivers, bien que n'exerçant pas les 
fonctions de créateur (1). Il n'est môme pas certain 
que ce Dieu souverain exerce une action quelconque 
d'impulsion ou de direction sur la création, qui pa- 
raît rester le résultat d'une évolution fatale réglée 
par les Karmas (2) des mondes antérieurs. Un autre 
point important de divergence entre le Sânkhya et 
le Yoga, c'est que ce dernier considère les âmes 
individuelles comme des émanations ou des fractions 
infinitésimales de l'essence même d'Içvara. De là 
découle sa conception du salut effectué par l'union 
intime (yoga) de l'âme individuelle avec Içvara, 
union que les écoles subséquentes transformeront 
en absorption. La question ainsi posée et résolue, il 
restait à trouver et à formuler les voies et moyens 
de parvenir à cette union avec l'Etre suprême, et le 
Yoga en impose trois : la concentration de l'esprit 
dans la méditation abstraite sur la nature et lès qua- 
lités de l'Etre suprême; le maintien de l'esprit dans 
un état de calme imperturbable; la destruction ou 
suppression absolue des passions. L'absorption de 
l'esprit dans la méditation s'obtient par l'observation 
simullanée de huit pratiques rigoureuses : conti- 
nence, observances des prescriptions et rites reli- 
gieux, posture du corps, suppression ou régulation 
de la respiration, maîtrise des sens, application de 
l'esprit, contemplation et extase. Le maintien de 

(1) Acles. 

(2) Voir R. Ballantyne : Yogasùtra. 



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LE BRAHMANISME 101 

l'esprit dans le calme exige le détacbement de toutes 
les choses et les préoccupations du monde, et par 
conséquent la vie érémilique. La destruction des 
passions, vayrâgya, qui amène à la connaissance 
d'Içvara, à qui tout se rapporte, découle de la stricte 
observation des deux autres pratiques, auxquelles 
viennent s'ajouter comme particulièrement eflicaces 
les tapas, austérités ou pénitences religieuses, pous- 
sées jusqu'aux plus incroyables tortures corporelles, 
que les ïogis pratiquent de nos jours encore avec 
ferveur. Il est vrai que les tapas passent pour assu- 
rer au religieux qui les accomplit dans toute leur 
rigueur non seulement Tuniou posthume avec Içvara, 
mais encore, en ce monde, l'acquisition et la posses- 
sion de pouvoirs surnaturels, autrement dit le don 
de faire des miracles de tout temps en grand hon- 
neur dans rinde. Un mysticisme et un ascétisme 
extravagants sont les résultats naturels de ces doc- 
trines poussées à leurs conséquences extrêmes; nous 
devons, toutefois, constater qu'il serait injuste de 
rendre le Yoga responsable de ces extravagances 
ascétiques : elles existaient et étaient en grande 
faveur longtemps avant son apparition, ainsi que les 
Oupanichads et les Brâhmanas nous en fournièsent 
de nombreuses preuves; mais le Yoga a certainement 
contribué dans une large mesure à leur diffusion 
dans toutes les sectes religieuses de l'Inde. 

La Mimânsâde Djaimini, ou Pûrva Mimânsâ^ ainsi 
qu'on l'appelle souvent pour la distinguerduVédânta 

6. 



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102 LE BRAHMANISME 

qualifié Uttara Mîmânsâ, ne justifie à vrai dire son 
titre de philosophie que par sa méthode logique de 
poser et résoudre les questions, exposant d'abord les 
opinions qu'elle tient pour erronées et développant 
ensuite ses objections et sa doctrine sur le sujet. Elle 
est du reste purement ritualiste. Ecartant de parli- 
pris tous les problèmes relatifs à la nature des dieux, 
de l'âme, de l'esprit, de la matière et à leurs rapports 
mutuels, elle se consacre exclusivement à l'interpré- 
tation de l'antique rituel védique avec, semble-t-il, 
la prétention passablement ambitieuse de redresser 
les fausses interprétations des diverses sectes ratio- 
nalistes et panthéistes, déjà nombreuses à cette 
époque, et de les mettre finalement d'accord sur le 
dogme orthodoxe en leur prouvant leurs erreurs 
respectives. Pour elle, le Véda est tout; toute vérité 
y est renfermée; il possède en lui-même et par lui- 
même une autorité absolue indiscutable qui n'a 
besoin d'être appuyée par celle d'aucun dieu. Elle 
n*aflîrme ni ne nie l'existence d'un dieu suprême : 
il peut exister, mais son existence n'est ni indispen- 
sable, ni même nécessaire (1). On doit à la Mîmânsâ 
l'invention ou tout au moins renonciation de la théo- 
rie — qui a pris par la suite une si grande impor- 
tance dans le mysticisme indien — de l'éternité des 
mots et des sons. La parole proférée ne se perd jamais^ 
elle conserve éternellement sa valeur et son action. 

(1) Sir MoNiER MoNiER Williams : Indian Wisdom, p. 99. 



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LE BRAHMANISME 103 

Ainsi que nous l'avons dit précédemment, il est 
probable que le Védânta, lui aussi, a fait son appa- 
rition à peu près k cette époque, en raison des traces 
qu'on en trouve dans les doctrines bouddhiques; 
mais il a eu une telle influence sur le panthéisme 
postérieur et n'a reçu son plein développement à 
une époque si tardive que nous croyons devoir ren- 
voyer à la troisième partie de ce volume l'exposé de 
ce système philosophique. 

Mythologie. — A première vue, il semble qu'il n'y 
ait pas grands changements dans la mythologie de 
cette époque. Nous retrouvons tous les dieux védi- 
ques, nominalement au moins; seulement ils se sont 
anthropomorphisés, ils ont pris l'apparence de mo- 
narques ou de guerriers; les mythes à peine indiqués 
dans le Rig-Véda ont pris consistance, se sont déve- 
loppés en légendes ; enfin les fonctions souvent 
vagues des dieux se sont précisées: les uns ont gagné 
en importance, d'autres ont déchu, d'autres encore 
ont totalement changé d'attributions. 

Au premier rang parmi les favorisés se range 
Indra. Il a conservé sous l'anthropomorphisme la per- 
sonnalité et les traits grandioses que lui donne le 
Rig-Véda; il est définitivement reconnu pour le Roi 
des dieux, et le paradis où il réside, le Soarga, est 
le lieu le plus parfait de béatitude céleste. C'est tou- 
jours le guerrier vaillant et invincible éternellement 
prêt à combattre les démons ennemis des dieux 



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104 



LE BRAHMANISME 



el des hommes; mais ses sempiternelles batailles 
sont reléguées au rang des antiques traditions héroï- 
ques; le monarque du ciel a déposé sa foudre et ne 
le reprend que lorsque quelque grand danger menace 
ses fidèles Aryas. La plupart du temps, il préside 
royalement et partage avec les héros les délices du 
Svarga, entouré de la troupe des danseuses et des 
musiciens célestes, les Apsaras et les Gandharvas. 

Roudra, dont le rôle était si peu marqué, devenu 
le dieu destructeur de Torage et de l'ouragan, tend 
à se placer parmi les grands dieux et prélude ainsi 
au rôle grandiose qu'il remplira par la suite sous le 
nom, encore inconnu, de Çiva. 

Vichnou également, ce doublet d'Agni simple 
satellite d'Indra, voit sa personnalité s'affirmer et 
grandir, sans que pourtant rien en lui ne fasse encore 
présager de sa grandeur future, sauf peut être sa 
réputation de conseiller subtil. 

Sourya conserve ses fonctions de dieu du soleil, 
auxquelles il ajoute celles de générateur et de fécon- 
dateur, s'assimile définitivement les mythes simi- 
laires au sien de Savitri et de Pouchan, reste et res- 
tera toujours l'un des plus grands dieux du panthéon 
indien. 

Par contre, Agni, Varouna et Sonia subissent une 
déchéance marquée. Le premier, peut-être parce 
qu'il était difficile de l'anthropomorphiser étant 
donné son aspect matériel toujours visible, bien qu'il 
ait sa place et son culte dans toutes les maisons en 



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LE BRAHMANISME 

qualité de dieu du foyer domestique, sembl 
devenu spécialement le dieu des Brâhraan 
même qu'Indra est devenu le patron attiti 
Kchatrîyas. 

De souverain du ciel, Varouna tombe au 
secondaire de dieu des eaux, avec des fpncti 
une légende qui rappellent, en plus effacé, cel 
Poséidon et de Neptune. Soma, qui n'est plus 
invoqué, reçoit la souveraineté de la Lune, si 
prétexte assez difficile à expliquer que cet as 
le réservoir inépuisable du soma. Quant à Dy 
antique père de l'univers, il n'est plus qu'une 
purement nominale. 

Mais à côté de ces modifications, en somme ( 
d'importance, il s'est passé un fait capital : 1 
ception d'un Etre suprême, éternel ou tout au 
antérieur ^u monde, créateur de l'univers, P 
pati (1), Poiiroucha (2) ou Bralima (3). Le point 
part de cette conception de l'Etre suprême 
être l'hymne 90 du dixième Mandala du Rig 
dans lequel les dieux sacrifient Pouroucha, « 1 
du Sacrifice », afin de constituer l'univers a\ 
fragments de son corps; seulement, là, les 
sont coexistants avec Pouroucha, au lieu d'êt 
créations ou ses émanations comme dans les r 



(1) Prajâpati « le Seigneur des créatures ». 

(2) Purusa a le mâle ». 

(3) Il s'agit ici du Brahma, neutre, de qui Brahmâ, 
lin, est une émanation. 



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106 LE BRAHMANISME 

postérieurs, tels que nous les trouvons exposés dans 
les dIus anciens Brâhmanas, l'Aitaréya, le Taittirlya 

Çatapatha. Les récits de ces livres présentent 
>ez grandes différences, souvent même un même 
âge donne des variantes presque contradictoires ; 
i est-il difficile de déterminer avec quelque pré- 
n la nature de cet Etre suprême, esprit ou ma- 

primordiale, intelligence ou force, 
nsi le Taittirîya-Brâhmana (1), après avoir dé- 
\ que Pradjâpati est identique à l'univers, nous 
end qu'au commencement cet univers n'était 

qu'il n'existait ni ciel, ni terre, ni air. Quand 
xistant désire se manifester à l'existence, il en- 
m fermentation ou en combustion spontanée. 
s il se produit de la fumée, du feu, de la lu- 
e, de la flamme, des rayons, puis Teau, le ciel, 
rre. S'appuyant ensuite sur la terre comme 

solide, rinexistant devenu Existant, lait naître 
.souras (2) de son abdomen, les êtres vivants de 
rganes de génération, les saisons de ses ais- 
s et les dieux de sa bouche. Mais quelques li* 

plus bas, le même Brâhmana déclare : « L'es- 
naquit de llnexislant. L'esprit créa Pradjâpati. 
jâpali créa la succession des êtres. Tout ceci, 
3S les choses qui existent, repose absolument 
/esprit )). 

Taittirlya Aranyaka nous fournit un récit de 

II, 2, 9, 1. 
Asura, démon. 



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LE BRAHMANISME 107 

la création très différent dans ses détails et môme 
dans son fond. Dans le principe tout était eau, et au 
sein de cette eau, Pradjâpati (1) naquit sur une 
feuille de lotus. Possédé du désir de créer il se livra 
à une pénitence ardente, puis secouant son corps, 
de sa chair il créa le richi Arouna-Kétou, et de sa 
partie fluide une tortue, qui se changea en Pou- 
roucha, l'homme à mille tètes, mille yeux, mille 
pieds. Alors, Arouna-Kétou, sur l'ordre de Pradjâ- 
pati, prenant de l'eau dans le creux de ses mains, 
la porta aux six points cardinaux, créant ainsi ces 
six régions et les dieux Sourya, Agni, Vâyou, Indra 
et Pouchan qui président respectivement à Test, au 
sud, à l'ouest, au nord et au nadir, et en créant le 
zénith il fit naître en même temps les Dévas, 
les hommes, les Pitris, les Gandharvas et les 
Apsaras. Des gouttes d'eau tombées de ses mains 
pendant cette opération naquirent les démons 
Asouras, Rakchasas et Piçatchas. En somme ce pas- 
sage peut se résumer ainsi : les eaux primordiales 
fécondées par la sagesse, produisirent Brahma 
Svayambhou, le générateur de toutes choses. Tout est 
donc Brahma Svayambhou, et tout provient des 
eaux. 

Dans les nombreux passages où il traite de l'ori- 
gine et de la création de l'univers, le Çatapatha- 
Brâhmana nous présente une conception plus mo- 

(I) Identique à Brahma Svayambhu. 



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108 LE BRAHMANISME 

derne et plus méthodiquement exposée de ces deux 
questions. Sans spécifier quelle est la nature de 
Pradjâpati, un passage (1) identifie Pradjépati avec 
l'univers et rapporte l'œuvre de la création comme 
accomplie par le moyen du souffle. (( Pradjâpati était 
dans le principe cet univers, seul uniquement». 
Il eut ce désir : « Créons de la nourriture et multi- 
plions-nous ». 11 forma des animaux de son souffle, 
un homme de son âme, un cheval de son œil, un 
taureau de sa respiration, un mouton de son oreille, 
un bouc de sa voix ». Ailleurs (2) encore, l'auteur du 
Brâhmana revient sur cette môme idée: « Pradjâpati 
créa les êtres vivants. De ses airs vitaux supérieurs, 
il créa les dieux : de ses airs vitaux inférieurs, les 
créatures mortelles. Ensuite il créa la Mort dévo- 
reuse des créatures ». Dans un autre passage (3), 
où Pradjâpati est de nouveau identifié à Tunivers, 
nous avons un récit de la création qui paraît être la 
source de la légende pourânique : « Cet univers 
était primitivement une âme seulement, sous la 
forme de Pouroucha. Regardant autour de lui, il ne 
vit rien que lui même. 11 dit d'abord : Ceci est moi. 

Alors il devint un être ayant le nom de Moi 

Il eut peur. C'est pourquoi un homme seul a 
peur. Il fit cette réflexion : « Il n'existe aucune autre 
chose que moi : de quoi suis-je effrayé? » Alors sa 

(1) Vif, 5, 2, 6. 
(2)X, 1,3,1. 
(3) XIV, 4,2, 1. 



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LE BRAHMANISME i09 

crainte sa dissipa. Car pourquoi eut-il eu peur? 
C'est d'une secoude persoiiné que l'homme a peur. — 
Il n'éprouva pas de satisfaction. C'est pourquoi une 
personne seule n'éprouve pas de satisfaction. Il dé 
sira une compagne. Il était alors, semblable i\ un 
homme et une femme étroitement enlacés. Il parta- 
gea en deux parties son individualité. De là appa- 
rurent un mari et une femme (Manou et Cala- 

roûpâ)(i) 

11 cohabita avec elle. D'eux les hommes naquirent. 
Elle pensa : « Comment, après m'avoir tirée de 
lui-même, ose-t-il cohabiter avec moi? Ah ! cachons 
nous! — Elle devint une vache et l'autre un taureau, 
et il cohabita avec elle; d'eux naquirent les ani- 
maux de la race bovine 

De celte manière naquirent par paires les créa- 
tures de toutes espèces, jusqu'aux fourmis ». 

11 est inutile d'insister sur l'intérêt de ce récit où 
se dessine, plus nettement que dans les autres Brâh- 
nianas, le mythe du Dieu suprême androgyne dans 
son état d'inactivité primordiale et se scindant en 
mâle et femelle, c'est-à-dire développant son éner- 
gie représentée par le principe féminin, quand il veut 
faire œuvre de création, mythe qui se retrouve dans 
la mythologie pourânique en la personne de Çiva 
Ardha-nârî, dans le brahmanisme et le bouddhisme 
tantriques. Mais il nous faut nous arrêter un ins- 

(1) Çatarûpâ «qui a cent formes», un des noms de Vàc, U 
déesse de la parole. 



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no LE BRAHMANISME 

tant à un autre procédé d'action du créateur, celui 
delà création par la parole, dont nous trouvons 
également un curieux exemple dans le Çatapatha- 
Brâhmana (1) : « En prononçant bhûh, Pradjâpati en- 
gendra la terre. En prononçant 6/ium/i, il créa l'air 
et en prononçant svah, il créa le ciel. Cet univers 
est aussi vaste que ces mondes. Le feu est placé 
dans le tout. En disant bhûh, Pradjàpali engendra 
le Brahmane; en disant bhuvah, il engendra le 
Kchattra : (2) et en disant si?a/i, il engendra le Viç (3). 
Le feu est dans le tout. Disant bhûh, Pradjâpati s'en- 
gendra lui-même, disant bhuvah, il engendra la pos- 
térité; disant svalt, il engendra les animaux. Ce 
monde comprend le Moi, la descendance et les ani- 
maux. Le feu est dans le tout )). La Vàdjâsanéyi- 
Samhitâ (4) nous fournit une autre forme de ce 
mythe, qui se rattache au dogme de l'efficacité et de 
l'éternité de la parole et du son (5); mais ici, c'est 
en articulant les nombres impairs de un à trente et 
un que Pradjâpati créa les mondes, les Dieux, les 
hommes et tous les êtres (6). 

Cette conception encore bien vague et surtout va- 
riable du Dieu suprême se précise peu à peu sous 
rinfluence des spéculations philosophiques, prend 

(1)11,1,4, II. 

(2) Ksatrlya, la caste des guerriers. 

(3) Valçya, caste des commerçaDts. 

(4) Ou Yajur blaoc. 

(5) Voir page, 102. 

(6) Vâjasaneyi-samhiiâ, XIV, 28. 



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LE BRAHMANISME 111 

de plus eu plus une allure spiritualiste et aboutit 
enfin à celle de l'Ame universelle, essence et ori- 
gine de toutes choses, existant en tout, en qui tout 
doit s'absorber, fondement du Panthéisme hindou, 
nettement exposée pour la première fois dans le 
Mânava-Dharma-Castra (1). Suivant Manou, Brah- 
ma (l'Etre existant par lui-même, l'Ame universelle) 
voulant tirer les êtres vivants de son propre corps, 
créa les eaux et y déposa un œuf d'or renfermant 
son émanation, Brahmâ le démiurge, qui en sortit 
au bout d'un an, brisant l'œuf eu deux parties, dont 
la supérieure constitua le ciel, l'inférieure la Terre. 
A ce moment Brahmâ, lui aussi, est androgyne. Il 
se sépare en deux parties, mâle et femelle, et crée 
ainsi Sarasvatî (personnification de la libation) ou 
Vâtch (déesse de la parole), avec laquelle il engendre 
Virâdj, père de Manou Svâyambhouva, lui-même 
père des Dieux, des Richis, des hommes, des dé- 
mons et de tous les autres êtres. Toute la création 
se trouve ainsi issue de Brahmâ ou de l'Ame uni- 
verselle suprême. 

Cosmogonie. — Ces divers récits de création nous 
amènent naturellement à des mythes cosmogoniques 
qui étaient, eux aussi, inconnus aux Védas ; car on 
ne saurait sérieusement accepter même comme un 
rudiment primitif de cosmogonie la mention des 

(1) G. Stréhly : Lois de Manon, I. 



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112 LE BRAHMANISME 

Trois Mondes, ciel, air ou atmosphère, et terre. Avec 
les Brâhmanas surgit un système de cosmogonie et 
de cosmologie, non moins mythique mais plus éla- 
boré que celui des Védas, inspiré sans doute par les 
données nouvelles de la mythologie. La terre, — qui 
comprend la surface terrestre, lePatala^ région sou- 
terraine mais cependant lumineuse (?), demeure des 
génies (Asouras, Daityas, Yakchas, Nâgas), et les 
Narakas, ou enfers, région ténébreuse, — est la base 
solide de tout l'univers. Elle repose sur les eaux 
d*un océan, appelé souvent Mer de Lait, qui Fenserre 
de toutes parts (1), et dont les convulsions produi- 
sent les phénomènes sismiques. A son centre se 
dresse le mont Mérou, gigantesque pilier qui sup- 
porte le ciel, et sur les flaucs duquel s'étagent les 
demeures ou paradis des différents Dieux, celui d'In- 
dra, le Svarga, en occupant le sommet. Quant à la 
surface terrestre, elle est divisée, suivant les épo- 
ques, en trois, quatre ou sept continents disposés 
concentriquement autour du Mérou et séparés les 
uns des autres par des océans ; le continent central 
celui où se dresse le Mérou, est leDjamboudvîpa (2), 
l'heureuse et sainte contrée des Aryas, c'est à-dire 
l'Inde, appelée aussi Bhârata Varcha ou Pays de 
Bharata, du nom de son premier roi. 
((Tout composé doit fatalement subir des modifi- 

(1) Cf. le Grand Océan qui enveloppe la terre dans la mytho- 
logie grecque. 

(2) Jambudvipa. 



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LE BRAHMANISME 113 

cations constantes et finalement périr par la désa- 
grégation et la dissolution des éléments qui concour- 
rent à sa formation », est un axiome unanimement 
acceplé par tous les sages de l'Inde, déistes ou pan- 
théistes, ralionalistes ou matérialistes. L'univers, 
quelle que soit son origine, émanation de l'essence 
divine, œuvre d'un démiurge, ou évolution sponta- 
née d'une matière éternelle, n'échappe pas à cette 
loi. Son existence est limitée à la durée d'un Jour de 
Brahmà, au terme duquel il subit une dissolution 
complète, suivi d'une Nuitée nrahmàdeduvée égale 
pendant laquelle ses éléments disassociés se repo- 
sent pour se réagréger de nouveau au réveil du dé- 
miurge. L'ensemble du Jour et de la Nuit de Bralimâ 
constitue ce qu'on appelle un grand Kalpa, Mahâ 
Kalpa. Un Jour de Brahmâ se compose de mille Kal- 
pas, comprenant chacun quatre Yougas ou Ages, 
nommés Krita, Trétà, Dvàparaei Kali, à l'expiration 
desquels l'univers subit une destruction partielle et 
momentanée, châtiment des crimes et de l'impiété 
des hommes du dernier âge. LaduréeduKrita-youga 
est de 4.800 années divines ; celle du Trétâ de 3.600 ; 
celleduDvâparade 2.400 ; et celle du Kali de 1.200; 
soit un total de 12.000 années divines, ou de 
4.320.000 années terrestres, un jour des Dieux équi- 
valant à une année humaine. Le Jour de Brahmâ 
représente donc 4.320.000.000 d'années terrestres, et 
pendant ce temps le monde est gouverné et protégé 
par quatorze monarques divins, nommés Manous, 



I 



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114 LE BRAHMANISME 

doQt les règnes successifs et égaux eu durée sont 
appelés Manvantaras, Sept Manous se sont manifes- 
tés jusqu'à présent dans leKalpa actuel, dont le der- 
nier est Manou Vaiimsvata, fils du soleil, le généra- 
teur de la race humaine après la catastrophe du dé- 
luge, mythe d'ailleurs récent dont on ne trouve 
aucune trace dans les Védas. 

Les Castes, — Il existe dans Tlnde, on le sait, qua- 
tre Castes rigoureusement fermées, ne pouvant con- 
tracter entre elles aucune alliance matrimoniale, ne 
pouvant même pas entretenir de Tune à l'autre des 
relations d'amitié intime, ni surtout partager le 
même repas, celle des Brahmanes, classe sacerdotale, 
des KchatnyaSy guerriers, des Vaiçyas, marchands, 
et des Coudras^ artisans et agriculteurs, avec, au- 
dessous d'elles, une multitude de liejetés ou Hors- 
Castes, êtres impurs dont la présence, l'attouche- 
ment ou le simple regard constituent une souillure 
nécessitant des purifications pour les hommes de 
Castes, et rendant inefficaces les sacrifices. 

A notre point de vue européen, les Castes consti- 
tuent une institution purement sociale. Il n'en est 
pas ainsi dans l'Inde, où, de toute antiquité, elles 
ont le caractère d'une institution religieuse, divine, 
déterminant et limitant les droits et les devoirs des 
différentes classes de la population, non seulement 
dans leurs relations mutuelles, mais surtout en ce 
qui concerne les cérémonies cultuelles et, avant 



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LE BUAIIMANI^MIC 115 

tout, le privilège de Ylnitiation et de la connaissance 
des Ecritures sacrées exclusivement réservé aux 
membres des trois Castes supérieures, qualifiés 
Dcidjas (1) « Deux fois nés » en raison de la nais- 
sance spirituelle que leur confère l'Initiation, et dont 
les Coudras, a plus forte raison lesHors Cast.s, sont 
inexorablement exclus. Chez les Indiens, cette insti 
tution se rattache intimement aux mythes de la 
création : ils la font même remonter jusqu'aux 
Védas, bien qu'on n'en trouve point de traces préci- 
ses dansces livres, en invoquant l'autorité de Fhymne 
du RigVéda célèbre sous le nom de Ponroiicha- 
soukta (2) : 

(( Pouroucha a mille tètes, mille yeux, mille 
pieds. De tous côtés enveloppant la terre, il la dé- 
passe d'une longueur de dix doigts. — Pouroucha 
est lui-même cet univers tout entier, tout ce qui a 
été, tout ce qui sera. Il est aussi le Seigneur de 
rimmortalité quand, étant nourri, il s'étend. — 
Telle est sa grandeur, et Pouroucha est supérieur à 
cela. Toutes les existences réunies constituent un 
quart de sa personne, et ses trois autres quarts sont 
tout ce qui est immortel dans le ciel. —Avec trois 
quarts, Pouroucha est monté vers les hauteurs. Un 
quart de lui est de nouveau né ici-bas. Il s'est alors 
répandu dans les choses qui mangent et celles qui 
ne mangent pas. — De lui naquit Virâdj et de Virâdj 

(1) Dvija. 

(2) Purasa-sukla, Rig-Véda, X, 9J. 



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LV: BRAHMANISME 

naquit Pouroucha. Uue fois né il s'étendit au delà de 
la terre, en arrière et en avant. — Quand les Dieux 
célébrèrent un sacrifice avec Pouroucha pour obla- 
lion, le printemps fut son beurre, Tété son combus- 
tible, Tautonine l'offrande. — Cette victime, Pourou- 
cha né au commencement, ils l'immolèrent sur le 
gazon du sacrifice. Les Dieux, les Sàdhyas et les 
Richis sacrifièrent avec lui. — Par ce sacrifice uni- 
versel le caillé et le beurre furent produits en abon 
dance. Il forma les créatures aériennes et les ani- 
maux sauvages et domestiques. — De ce sacrifice 
universel sortirent les vers du Rig et du Sâman, les 
mèlres et le Yadjous (1). — De lui naquirent les 
chevaux et tous les animaux qui ont deux rangées 
de dents, les bestiaux, les chèvres et les brebis. — 
Quand les Dieux sacrifièrent Pouroucha, en combien 
de parties le divisèrent-ils? Qu'était Sa bouche? 
Quels bras avait-il? Que dit-on que sont devenus 
ses cuisses et ses pieds ? — Le Brahmane fut sa bou- 
che, le Ràdjania (2) ses bras, l'être appelé Vaiçya 
ses cuisses; le Coudra sortit de ses pieds. — l>a Lune 
sortit de son âme, le Soleil de son œil, Indra et 
Agni de sa bouche, Vàyou de son souffle. — De son 
nombril sortit l'air, de sa tète le ciel, de ses pieds la 
terre, et de ses oreilles sortirent les quatre quartiers 
du monde. C'est ainsi que les Dieux façonnèrent les 
mondes ». 

(1) Yajus, le Yajur-Véda. 

(2) Râjania = Kchalrîya. 



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LE BRAHMANISME 117 

Il paraît évident que cet hymne, certainement 
plus ancien qu'on ne l'admet généralement, a été la 
source des divers récits des Brâhmanas sur Torigine 
des Castes, et de la légende, passée à Tétat de dogme , 
qui fait naître le Brahmane de la bouche de Brahmâ, 
leKchatrîya de ses bras ou de ses épaules, le Vaiçya 
de ses cuisses et le Coudra de ses pieds, établissant 
ainsi une hiérarchie d'ordre divin et une barrière 
infranchissable entre les différentes Castes. 

Le Taitlirîya Brâhmana leur donne cependant une 
autre origine. Dans un passage (1), il nous apprend 
que (( la Casle des Brahmanes est issue des Dieux et 
celle des Coudras des Asouras », et ailleurs (2) en- 
core H dit : (( Cet univers tout entier a été créé par 
Brahma. Les hommes disent que la classe du Vaiçya 
a été produite par les vers du Rig. Ils disent que le 
Yadjour-Véda est la matrice de laquelle naquit le 
Kchalrîya. Le Sâma-Véda est la source d'où sont 
sortis les Brahmanes. C'est ce que les anciens ont 
appris aux anciens ». 

L'existence des Castes à l'époque où les Brâhmanas 
ont été composés est un fait incontestable en raison 
même de la mention que ces livres en font ; mais il 
est douteux qu'elles aient eu, dès ce temps, le carac- 
tère de séparation absolue que leur donnent les livres 
sacrés et surtout que la supériorité et Tautorilé des 
brahmanes fussent reconnues sans conteste. Il pâ- 
li) I, 2, 6, 7. 
(2)111, 12,9,2. 

7. 



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118 LE BRAHMANISME 

raît probable qu'à l'arrivée des Aryas dans l'Inde, 
. au temps des Védas, la nation envahissante ne for- 
mait qu'un seul groupe, groupe de combattants, et 
que ce n'est que longtemps après son installation 
stable sur le terrain conquis, grâce aux loisirs d'une 
possession paisible, que se créèrent des groupements 
suivant les goûts et les occupations de chacun: les 
uns se livrant aux travaux des champs, les autres se 
consacrant aux charges du cuKe et à l'étude des 
sciences, d'autres enfin assumant la mission de dé- 
fendre la communauté contre ses ennemis et d'éten- 
dre son territoire par de nouvelles conquêtes. Ces 
derniers, dans la situation où se trouvaient alors les 
Aryas, devaient évidemment avoir une puissance 
prépondérante, d'autant plus que c'était de leurs 
rangs que sortaient les rois ou chefs de villages. 
Plusieurs passages des Oupanichads, qui montrent 
des brahmanes allant chercher auprès de Kchalrîyas 
la solution de questions religieuses difficiles, prou- 
vent qu'à un moment donné ceux-ci possédaient la 
science dogmatique et le droit de l'enseigner. D'un 
autre côté le Çatapatha-Brâhmana(l) nous fournit une 
preuve indisculable de la supériorité, au moins mo- 
mentanée, de la Caste des Kchatrîyas : « Brahma 
était primitivement cet univers, unique et seul. 
Etant unique il ne se multipliait point. Avec énergie, 
il créa une forme excellente, le Kchattra, c'est-à-dire 
ceux d'enlre les Dieux qui sont des puissances, 

(1) XIV, 4, 2, 23. 



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LE BUAHMANISMK 119 

Indra, Varouna, Soma, Roudra, Pardjanya, Yama, 
Mrityu, Içana. C'est pourquoi rien n'est supérieur au 
Kcliatlra. C'est pourquoi le brahmane siège au-des- 
sous du kchatrîya au sacrifice Râdjasanya ; il con- 
fère celle gloire au Kchallra ». On est en droit de se 
demander comment les kchatrîyas ont pu abdiquer 
celte puissance et se soumettre servilement à Tauto- 
rilé dédaigneuse de la Caste sacerdotale ? Les causes 
et les péripéties de celle soumission nous échap- 
pent ; mais il est certain qu'elle ne se fit pas san« 
luttes violentes que laissent soupçonner de nom- 
breuses allusions des livres sacrés, et dont le 
souvenir survit dans 1 origine exclusivement kcha- 
trîya des Tîrthamkaras-Djaiiis et dans la légende 
pour.ânique de Paraçou-Râma, le brahmane exter- 
minateur de la race des guerriers. 

Le Irait caractéristique de la Caste indienne, ce 
qui la distingue absolument des classes des autres 
nations, c'est qu'elle est strictement héréditaire. On 
naît Brahmane, Kchatrîya, Vaiçya ou Coudra ; mai& 
si grands que puissent être ses mérites, aucun indi- 
vidu ne saurait, en celle vie du moins, accéder à 
une caste supérieure à la sienne. Il faut à un coudra 
des milliers de renaissances pour devenir brah- 
mane. Par conire, on peut déchoir ; mais alors on 
perd toute caste et Ton tombe dans la catégorie in- 
fâme des rejelés, des Paryas. On perd sa casle par 
négligence des sacrements et des sacrifices, par mé- 
salliance, par le fait d'officier dans un sacrifice pour 



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120 LK BUAtlMANlSME 

un çoutlra ou un hors caste, ou de lui enseigner les 
Védas, par le meurtre d'un brahmane, par des rela- 
tions avec la femme d'un Gourou, par lafréquen- 
tion d'hommes indignes, etc. La déchéance de caste 
est la peine la plus grave qui puisse frapper un 
Indien : elle comporte non seulement une vérita- 
ble excommunication, mais encore la mortcivile(l). 
Dans les livres sacrés, la personnalité du brah- 
mane prime tellement toutes les autres qu'à part 
quelques rares prescriptions spéciales, c'est presque 
toujours exclusivement à lui que se rapportent les 
règles de conduite, lesdroits et les devoirs religieux 
afïérant aux Dvidjas. Tel est le cas, en particulier, 
pour l'idéal de la vie qui leur est tracé et qui serait 
absolument impraticable pour des hommes ayant 
d'autres occupations et d'autres obligations, que 
l'exercice exclusif du cuUe et la pratique de la dé- 
votion : il parait probable que seules les deux pre- 
mières de ces prescriptions visent également les 
kchatrîyas et les vaiçyas. A partir de l'âge de huit à 
douze ans, époque où il reçoit l'Initiation, la vie du 
Dvidja, ambitieux de parvenir au salut final ou tout 
au moins de s'assurer une bonne transmigration, 
doit se diviser en quatre phases comportant les con- 
ditions de Bi^alimatchàri (1), Grihastha (2), Vànapra- 
chtha, el Parivràdjaka ou SaîinyàsL Le Brahraatchâri 

(1) Voir E. Sénart : Les castes dans VInde. 

(2) BrahmacArin. 

(3) G/hjstha. 



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LE BUAHMANISME i2l 

est un étudiant confié, aussitôt après l'Initiation, aux 
soins d'un maître ou Gourou, brahmane versé dans 
les Védas, qui lui enseigne les écritures sacrées et les 
pratiques du culte, et auquel il rend en échange cer- 
tains devoirs domestiques. Le respect, l'obéissance 
à son maître, l'applicalion et la chastelé sont les 
principaux devoirs imposés au BrabmatchAri. Ses 
études terminées, ordinairement au bout de douze 
ans, le jeune Dvidja se marie et devient Grihastha 
ou Maître de maison. Quand ses enfants sont mariés 
h leur tour, et qu'il a vu ses petits enfants, on estime 
que la vie sociale active du brahmane est terminée : 
il devra alors partager ses biens entre ses enfants et, 
emportant avec lui son feu sacré domestique, aller 
vivre en ermite, Vânaprachtha, dans la forêt, se li- 
vrant à la méditation, accomplissant religieusement 
les sacrifices quotidiens obligatoires, se nourrissant 
de grains, de racines et de fruits sauvages, ou bien 
de ceux qu'il cultive de ses mains. Enfin, quand ses 
cheveux blanchis et ses forces déclinantes lui annon- 
cent rapproche du moment fatal, qu'il abandonne 
tout et s'en aille errer sans famille et sans abri, 
mendiaQt sa nourriture, dormant au pied d'un arbre 
ou dans les cimetières, indifférent à tout hormis à la 
pensée de l'Ame suprême, jusqu'à ce que la mort, 
qu'il ne doit point hâter, le débarrasse de l'existence 
et lui donne l'union souhaitée avec l'Etre existant 
par lui-même. 11 a alors accompli le devoir austère 
du Parivràdjaka. 



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122 LE BKAHMANISMii: 

« Le Brahmane doit vivre dé l'autel, le Kchalrîya 
de ses armes, le Vaiçya de son commerce, ei le Cou- 
dra de sa charrue i>, telle est la règle de vie imposée 
aux quatre castes. Et de fait, les fonctions sacerdo- 
tales sont Tapanage exclusif des brahmanes, et Ton 
peut estimer que la complication de plus en plus 
grande de la liturgie et du rituel des sacrifices, en 
exigeant des sacrificateurs une connaissance pro- 
fonde des Védas et une science parfaite des riles, a 
été pour beaucoup dans la constitution de la casle 
sacerdolale des brahmanes, possesseurs par voie iié- 
rédilaire des anciennes Ir.iditions. Ils ne paraissent, 
en effet, s'être conslitnés en caste que lorscjue les 
pratiques cultuelles sont devenues trop nombreuses 
et trop absorbantes pour re>ter, comme à l'époque 
védique, la charge de chaque Maître de maison. Dé- 
positaires de toute science, les brahmanes sont na- 
turellement par cela môme les dispensateurs de cette 
science, les inslituleurs vénérés de la nation. iMais 
les fonctions sacerdotales et l'enseignement, encore 
que rétribués grassement si nous en croyons les ré- 
cits des livres religieux et les prescriptions des 
codes, ne pouvaient |)as suffire h faire vivre la multi- 
tude croissante des brahmanes: il a fallu accepter des 
acconnnodemeuts avec les prescriptions trop sévères 
de Tantiquité, autoriser les brahmanes à remplir 
des emplois dans lesquels la science est nécessaire, 
conseillers des rois, ministres, magistrats, et Manou 
va môme jusqu'à leur permettre, en cas de besoin 



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LE BRAHMANISME J 23 

exlrênie, toutes sortes de fonctions, même serviies 
(celle de cuisinier par exemple) au service du gou- 
vernement ou même de gens riches des deux autres 
castes supérieures, pourvu que ce ne soit point de 
celles qui entraînent une souillure et la perte de la 
caste. Les poèmes, le Mahâbhârata entre autr. s, 
nous montrent même des brahmanes guerriers. 

Culte et sacrements. — Le culte brahmanique com- 
porte deux sortes de cérémonies : les sacrifices pu- 
blics et les cérémonies domestiques. Autant qu'il 
nous est permis de le supposer, à la pompe pr6s, on 
avait conservé dans les premiers le rituel des sacri- 
fices védiques. L'acle initial et principal est toujours 
Tallumagedu feu sacré, soit par le procédé anlique 
de la friction rapide de deux morceaux de bois, soit 
par la concentration de» rayons du soleil au moyen 
d'un morceau de cristal, soit enfin à l'aide d'un 
brandon enflammé emprunté au feu sacré (|ue-tout 
brahmane orthodoxe doit entretenir perpétuelle- 
ment dans sa maison. Dans ce feu, activé par des li- 
bations de beurre fondu et de soma, on faisait 
ensuite brûler des offrandes de grains, de gâleaux et 
la chair des victimes, tandis que les brahmanes otïï- 
cianls récitaient ou chantaient les hymnes des Védas 
indiqués suivant les cas par la liturgie. Cinq olTi- 
ciants sont requis pour la célébration de ces sacri' 
lices: le directeur de la cérémonie qu'on nomme 
Brâhman, le Hotri qui récite ou chante les hymnes 



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124 LE BRAHMANISME 

du Rig-Véda, l'Adlivaryu ceux du Yadjour, l'Udgâ- 
tri ceux du Sâma, et rAlharvaii qui prononce les 
formules magiques de l'Atharva ; toutefois la pré- 
sence de ce dernier ne paraît pas élre toujours obli- 
gatoire, et il n'est pas indiqué dans lesplus anciens 
rituels. 

Le culte domestique comprend également deux 
ordres de cérémonies : les sacrifices quotidiens 
obligatoires et les sacrifices occasionnels ou obliga 
toires seulement à certaines époques déterminées. 
Dans tous les rites de la première catégorie c'est le 
père de famille, le Maître de maison, qui officie en 
présence de sa femme, de ses enfants et de ses ser- 
viteurs, qui tous ont part au bénéfice du sacrifice. 
Pour les cérémonies occasionnelles, c'est presque 
toujours un brahmane qui les accomplit ; il n'est 
pas certain cependant que l'assistance du brahmane 
soit prescrite, sauf pour les cérémonies funéraires 
ou Çrâddhas, surlout si le sacrifiant est lui même de 
la caste sacerdotale, mais la présence d'un ou plu- 
sieurs de ces saints personnages, savants dans les 
Védas et de vie exemplaire, ajoute au mérite et à 
l'efficacité du sacrifice. 

Tout brahmane, et probablement tout dvidja, doit 
réserver une pièce de sa maison au feu sacré do- 
mestique. C'est dans cette pièce et devant ce feu 
que s'accomplissent chaque jour les trois Sandhyâs 
^obligatoires du culte domestique. 

La première, dite Sandhyà matinale, doit se celé- 



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LE BRAHMANISME 125 

brer à Taube, au moment précis du lever du soleil, 
et comporte des rites nombreux et compliqués. Aus- 
sitôt éveillé, le Maître de maison procède aux rites 
purificatoires, préliminaires obligés de tout sacri- 
fice, bain rituel (on se baigne habillé), rincement de 
bouche, onction de cendres prises sur Tautel du feu, 
et trois suspensions de respiration. Ceci fait, il 
adore les instruments du sacrifice, vase à eau, con- 
que, et sonnette dont le leintement appelle les 
dieux et met en fuite les démons, lave trois fois et 
tord pour le sécher son cordon sacré, f)uis s'appro- 
chant du feu sacré il le dégage des cendres sous les- 
quelles il est conservé, y place quelques morceaux 
de bois qu'il arrose de beurre fondu ou d'huile tout 
en récitant l'hymne au feu et la célèbre Gâyatrî, ou 
hymne au soleil : « Om ! Méditons sur la splendeur 
du divin soleil ! Puisse-t-il daigner éclairer nos in- 
telligences! », et fait dans ce feu ranimé des offran- 
des de quelques brins de l'herbe sacrée Koitça, de 
grains et de gâteaux. (Si rofiiciant appartient aux 
sectes strictement orthodoxes des Agni-Hotris ou 
des Vaidikas qui entretiennent trois ou cinq feux 
sacrés, le môme rite doit se pratiquer pour chacun 
des feux en commençant par celui qui est placé au 
milieu). Ce premier acte, et le plus imporlant, ac 
compli, le sacrificateur adore successivement, en 
renouvelant ses offrandes dans le feu, les Eaux, le 
Soleil, Brahmâ, tous les Dieux réunis, les cinq divi- 
nités protectrices du foyer domestique, et les mânes 



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126 LE BRAHMANISME 

deses ancêtres. Pour ces derniers il ajoute une liba- 
tion d'eau. Ces adorations successives sont accom- 
pagnées, cela va sans dire, de la récitation des hym- 
nes védiques que ia liturgie attribue à chaque divi- 
nité, entrecoupés par des répétitions de la Gâyalrî, 
deThymneauxEaux (« Eaux qui donnez le bonheur, 
accordez nous noire pain quotidien el une grande 
et heureuse intelligence ; — Servez-nous vos ondes 
fortunées comme de tendres mères le font à leurs 
enfants ; — bien vite nous prenons noire refuge 
près de vous pour le pardon de nos péchés. Eaux 
divines, rendez-nous féconds en postérité 1 ») et des 
sept sons mystiques : Om ! Bhouh ! Om ! Bhoucah ! 
Om ! Svah ! Om ! Mahah ! Om ! bjanah ! Om ! Tapas ! 
Om I Satyam !. 

Moins compliquée que celle du matin, la Sandhyà 
du milieu du jour n'exige le bain ou les ablutions 
et autres rites purificato'res que si le sacrifiant a 
conscience d'avoir contracté quelque souillure. Elle 
consiste à réciter la Gâyatrî. l'hymne aux Eaux, un 
hymne à la Terre et un autre au Soleil, à faire une 
libation d'eau au Soleil et une offrande de riz cuit à 
tous les Dieux réunis. 

La Sandhyâ du soir, également simplifiée, com- 
porte la récitation de la Gâyatrî, d'un hymne au 
Soleil, aux Eaux, au feu et 5 Brahmâ, une offrande 
aux mânes des ancêtres des aliments préparés pour 
le repas de la famille, et, avec les restes de ce repas, 
une offrande aux esprits errants, aux revenants, 



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LE BRAHMANISME 127 

aux animaux sauvages, qqe la maîtresse de maison 
dépose au deliors près delà porte. On garnit alors le 
feu sacré d'un peu de bois, ou le couvrede cendres et 
de fumier de vache et on récite l'hymne à Varouna ; 
« Si peut-être, étant mortels, nous avons négligé 
quelque chose dans l'observation des rites de cha- 
que jour, ô Varouna, ne nous livre point au fer ven- 
geur du furieux ni à la furie de celui qui est en co- 
lère (1) ». 

Comme on le voit, ces services quotidiens ne lais- 
sent pas que d'être compliqués et absorbants: on 
estime que leur exécution consciencieuse ne pre- 
nait pas moins de cinq à six heures de la journée 
du fidèle. Si on y ajoute encore les rites de puriRca 
tion des souillures inévitables pour les causes sou- 
vent les plus insignifiantes on peut admettre que 
des devoirs religieux si absorbants ne pouvaient être 
observés que par des hommes entièrement voués au 
culte, et on comprend que de bonne heure kcha- 
trîyas et vaiçyas c'est-à-dire tous ceux qui devaient 
demander à une occupation lucrative leur subsis- 
tance et celle de leur famille, aient secoué leur joug, 
les aient réduits à leur plus simple expression ou 
les aient même complètement délaissés. 

Les cérémonies privées occasionnelles avaient 
pour objet, soit des denmndes de grâces toujours 
matérielles, fortune, réussite d'une entreprise, ob- 

(I) A. BouRQuiN : Brahmakarma. 



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128 LE BRAHMANISME 

ntion d'honneurs, naissance d'un fils, santé, lon- 
le vie ; celles obligatoires à époque fixe étaient les 
'âddhas ou sacrifices funèbres à l'intention des 
icêtres et parents défunts, qui devaient se célébrer 
I jour anniversaire de leur mort. Les premières 
nsistent, comme les sacrifices publics, en l'allu- 
age solennel du feu sacré, l'holocauste des of- 
^ndes. grains, gâteaux et victimes, et la récitation 
s hymnes et des formules spécialement consacrés 
i Dieu invoqué. Les Çrâddhas, tant ceux d'anniver- 
ires que ceux célébrés dix jours après le décès, 
nt plus compliqués. Trois brahmanes au moins 
ûvent y assister. Outre le sacrifice proprement dit 
ms sa forme habituelle avec accompagnement 
iligé d'offrandes et d'hymnes du Rig et du Sama. 
ida (i) aux Dieux le plus spécialement en relation 
ec les morts, Agni, Yama, Mrityu, Varouna, et aux 
tris, ancêtres de la race arienne, elles comportent 
le offrande au défunt d'aliments cuils, de fruits et 
gâteaux, en forme de boules, faits de fleur de 
rine, de beurre et de miel ou de sucre, appelés 
ndas. Ces gâteaux ne peuvent être offerts que par 
5 proches parents du mort jusqu'au sixième degré 
Lilement, d'où le nom de Sapinda, donné à cette 
rente. De plus, la cérémonie doit se compléter 
r un repas, aussi somptueux que possible, à 
tant de brahmanes que la fortune du sacrifiant lui 

I) Lo Sâma-Véda est le livre funéraire par excellence. 



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LIS, BRAHMANISME 129 

permet d'en inviter. A la fin du repas, il devra éga- 
lement faire à chaque brahmane un don aussi géné- 
reux qu'il le pourra, vaches, vêtements précieux, 
bijoux, espèces monnayées, ou tout au moins un pot 
d'eau, seulement le pot doit être de métal précieux, 
or, argent ou cuivre artistement travaillé. On peut 
juger de l'importauce attachée aux Çrâddhas par le 
soin que met Manou à en décrire les rites et à énu- 
mérer minutieusement les qualités requises des 
brahmanes, des parents et des auiis qui doivent y 
être invités (l). En somme le Çrâddha a pour but 
d'assurer le bien-être du mort dans l'autre monde et 
comme conséquence la prospérité de sa famille 
ici-bas. 

Mais les obligations religieuses de l'Indien ne se 
bornent pas à l'accomplissement de ces sacrifices 
publics et privés. La religion Tenserre à tout instant 
de son existence, dès et même avant sa naissance, 
dans un réseau de sacrements, auxquels il ne peut se 
soustraire sous peine d'encourir la déchéance de 
caste. Ces sacrements ou rites purificatoires sont 
nommés Samskâras : il y en a douze principaux. 

C'est d'abord le rite Garbhadhana. Il se pratique au 
moment de la consommation du mariage, c'est-à- 
dire quatre jours après la cérémonie nuptiale et a 
pour but de procurer une heureuse conception. 

Trois mois après ce premier rite, on accomplit 

(1) G. Stbéhly : Loii deUanou^ III, i23-286. 



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130 LE BRÂHMANISMIi: 

celui de Poumsavana afin d'obtenir un enfant mâle 
et (le prévenir les avortemenis. Il consiste à faire 
avaler à la jeune femme deux fèves et un grain 
d'orge dans du lait caillé, et à lui injecter dans la 
narine droite le suc d'une tige de Dourbâ. 

La séparation des cheveux, ou Simantonnayana a 
pour but de purifier la mère et d'assurer la santé de 
l'enfant qu'elle porte dans son sein. Cette cérémonie, 
qui doit être accompagnée de musique etcommence 
parla récitation de trois hymnes de l'Atharva et de 
Hiymne V, 25, 2 du Rig- Véda, consiste à tracer trois 
raies dans les cheveux de la femme avec trois brins 
de Kouça liés ensemble, en prononçant les in- 
terjections mystiques : Om ! Bhouh ! Bhouvah ! 
Svah! 

Immédiatement après la naissance de l'enfant, on 
pratique la cérémonie Djâta-Karman en vue de lui 
assurer une existence heureuse. Le père mêle du 
beurre et du miel, le remue avec une cuiller ou une 
baguette d'or, emblème de bonne fortune, et intro- 
duit quelques gouttes du mélange dans la bouche de 
l'enfant en récitant la prière suivante : « être doué 
d'une longue vie, puisses-tu vivre cent années en ce 
monde, protégé par les Dieux ! » 11 touche alors les 
oreilles de l'enfant avec la baguette d'or en disant : 
(( Que Savitri, Sarasvati et les Açvins te donnent la 
sagesse ! » Ensuite, il lui frotte les épaules et dit : 
« Deviens solide comme un rocher, tranchant comme 
une hache, pur comme l'or ; tu es le Véda sous le nom 



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LE BRAHMANISME 131 

de fils. Vis cent années. Puisse Indra t'accorder les 
trésors les plus précieux ! » 

La cérémooie Nâma-Karana, ou de dation de 
nom, se célèbre dix jours après la naissance, avec 
l'accompagnement obligé d'offrandes au feu et de 
récitation de textes védiques. 

La première sortie, Nichkramana, a lieu quatre 
mois après la naissance. L'enfant est porté hors de 
la maison au lever du soleil et on le tourne du côté 
de Tastre en récitant ce texte du Rig-Véda : « Ce 
luminaire, semblable à un œil, que les Dieux ont 
placé dans le ciel, se lève à l'orient ; puissions-nous 
le contempler pendant cent années ! » et cet autre 
du Yadjour : (( Puissions nous cent ans et plus voir, 
parler, être à l'abri de la pauvreté ! » 

Le rite Anna-Prâçana est celui de la première nour- 
riture solide donnée à l'enfant. Six mois après sa 
naissance, celui-ci est porté par son père au mi- 
lieu de la famille et des amis assemblés, et sa mère 
lui met un peu de riz dans la bouche, tandis que le 
prêtre de la famille récite un texte du Yadjour-Véda. 

La cérémonie appelée Tchaula, ou taille de che- 
veux, se pratique à l'âge de trois ans dans un but de 
purification, et celle dite Kêçânta, tonsure, un an 
après. Après avoir lavé la tête de l'enfant avec un 
mélange d'eau chaude, de beurre et de caillé, le 
père lui rase les cheveux en ménageant sur le som- 
met du crâne une, trois ou cinq touffes, selon 
l'usage spécial de sa tribu. 



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VOûpanauana, Initiation, se pralique de huit à 
seize ans, selon les castes. C'est le sacrement le plus 
important de la religion brahmanique puisqu'il 
consacre l'entrée de Tenfant dans la communauté et 
dans sa caste, lui confère le droit d'étudier les Védas 
et autres écritures sacrées, et lui donne le titre de 
Dcidja (( deux fois né », apanage des hommes des 
trois castes supérieures. Cette cérémonie comporte 
rinvesliture du cordon et de la ceinture sacrés, et la 
révélation de la prière sainte appelée Sàvitri ou 
Gàyatri. Le cordon sacré, Yadjnopamta, se porte eu 
sautoir de* gauche à droite. 11 se compose de trois 
fils de 300 coudées (120 mètres) de longueur, plies 
quatre fois en trois et tordus de manière à former 
un cordon de 81 fils et de trois coudées de longueur. 
Il se fait en coton pour les brahmanes, de chanvre 
pour les kchatrîyas, et de laine pour les vaiçyas. La 
ceinture sacrée, Maundji, est le symbole de la chas- 
teté que doit observer le jeune homme pendant sa 
vie d'étudiant, Brahmatchâri, et jusqu'à son ma- 
riage. Elle se compose de trois cordes tressées en- 
semble et nouées par un ou trois nœuds, suivant les 
usages familiaux. La ceinture d'un brahmane est 
faite d'herbe moundja, celle du kchatrîya de mourtà^ 
et celle du vaiçya est en chanvre. Elle se porte 
jusqu'à ce qu'elle soit usée et ne se remplace 
pas. 

L'investiture du cordon sacré est un acte trop 
important dans la carrière de Tlndien pour que 



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LE BRAHMANlSxME 133 

nous ne disions pas un mot de la manière dont se 
passe la cérémonie. 

Après que le père de famille a fait choix pour son fils 
d'un iiourou, c*est-à-dire d'un brahmane savant et 
estimé qui doit lui servir de précepteur et de directeur 
de conscience, le jour favorable étant venu, ou fait 
prendre à Tenfant le bain rituel et on l'amène devant 
le Gourou. Celui-ci, après s'être rincé la bouche et 
avoiraccompli leritedela Restriction de respiration, 
proclame la résolution de procéder à l'Initiation de 
son pupille, et prononce la Gayatrî (1). Il lave alors le 
cordon et le tord en récitant l'hymne : « Eaux qui 
donnez le bonheur, etc. (2) » ; puis il récite une 
invocation à Pradjâpati. En détordant le cordon, il 
dit : « J'attribue la syllabe sacrée Om au premier fil, 
Agni au second, les serpents divins au troisième, 
Soma au quatrième, les Mânes de mes ancêtres au 
cinquième, Pradjâpati au sixième, Vâyou au sep- 
tième, Sourya au huitième, tous les Dieux au neu- 
vième », et récite dix fois la Gâyatrî. 11 retord le cor- 
don en récitant l'hymne : « Le divin Soleil, qui voit 
tous les êtres, s'élève éclatant aux yeux de l'univers, 
traîné par ses brillants coursiers. — Avec les ombres 
de la nuit, les étoiles, semblables aux voleurs, s'en- 
fuient devant le Soleil, cet œil de l'univers, — Tels que 
des feux étincelants ses rayons lumineux éclairent 
les êtres ». Il passe alors le bras droit et la tête de 

(1) Voir page 125. 

(2) Voir page 126. 



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134 LE BRAHMANISME 

l'adepte dans le cordou, de manière que celui-ci 
repose sur l'épaule gauche et dit : « Om ! Mets le 
cordon sacré et glorieux qui a été conçu en même 
temps que Pradjâpati et même avant lui, qui pro- 
cure la vie, Texcellent, le brillant ! Que ce cordon 
sacré l'apporte force et honneur ! » Enfin la céré- 
monie se termine par des récitations de la Gâyatrî. 

Le rite de Samâvartana, ou du retour à la maison 
paternelle, s'accomplit lorsque le jeune dvidja, ses 
études religieuses terminées, prend congé de son 
précepteur. Il se compose d'un bain rituel, de 
prières, d'ablutions et de dons au Gourou propor- 
tionnés à la richesse de la famille du jeune homme. 

Le rite du mariage, Vivâha, a pour l'Indien une 
importance presque égale à celui de l'Initiation, car 
c*est celui qui fait de lui un maître de maison, Gri- 
hastha, lui confère le pouvoir d'olBcier dans tous les 
rites domestiques obligatoires et, s'il est brahmane, 
dans les sacrifices publics. La cérémonie du mariage 
se fait avec grande pompe et au milieu d'une nom- 
breuse assistance de parents, d'amis et de voisins. 
Le jeune homme commence par allumer le feu sacré 
devant ou dans sa maison en accomplissant tous les 
rites consacrés. Il fait alors une oblation au feu, 
puis prend les mains de sa fiancée et lui fait faire 
sept fois le tour du feu sacré, en disant : « Je suis 
homme, tu es femme. Viens, marions-nous. Ayons 
des enfants. Unis en affection, illustres, bien dispo- 
sés l'un pour l'autre, puissions-nous vivre ensemble 



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LE brahmanisme: 135 

cent années! » A la fin du septième tour, le mariage 
est consacré. Le jeune Maître de maison fait alors 
une oblation de beurre dans le feu sacré ( 
cite l'hymne 85 du dixième maniala du 
Véda. 

Transmigration. — Un autre fait caractéris 
du Brahmanisme philosophique et non moins ii 
tant cfue la conception du Dieu suprême de 
universelle et que Tinstitution des castes, est 
vention du dogme de la Transmigration ou Mé 
sycose, c'est-à-dire du passage de Tâme indivic 
dans une succession presque éternelle d'exist 
bonnes ou mauvaises jusqu'à ce qu'elle se soit 
samment épurée pour mériter de se réunir, 
l'élernilé cette fois, avec l'Ame universelle don 
est une émanation ou une particule selon les e 
déistes, pour rentrer dans la sphère lumineuse 
son intempestive curiosité l'a fait sortir d'api 
théorie du Sânkhya. Dogme qui sert merveill 
ment aux Indiens, d'un côté, pour affirmer et € 
quer l'immortalité de l'àme, de l'autre, pour n 
compte de l'inégalité des conditions humain< 
qui est devenu la base universellement admii 
toutes leurs religions, même de celles, comme le 
nisme et le Bouddhisme, qui se sont posées e 
versaires du Brahmanisme. Naturellement, su 
leur usage constant, les brahmanes prétendent 
remonter l'origine de cette conception aux V 



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136 LE BRAHMANISME 

source de tous leurs dogmes et de toutes leurs con- 
naissances, et citent à cet effet plusieurs passages 
obscurs du RigVéda, dont le plus applicable est le 
vers de l'hymne I, 110, 4 où il est dit « étant morts, 
ils ont obtenu la non mortalité », cest-à-dire la 
vie (1). Eu réalité, il faut arriver aux Oupanichads 
pour trouver des textes où la Transmigration sem- 
ble se révéler en germe, et encore n'est-ce que dans 
les écoles philosophiques qu'elle a reçu son plein 
développement. 

La Brihad-Aranyaka Oupanichad (2) dit en effet: 
(( Ceux qui conquièrent les mondes au moyen du 
sacrifice, de la libéralité et de la pénitence, passent 
dans la fumée, de la fumée dans la nuit, de la nuit 
dans la quinzaine lunaire décroissante, de la 
quinzaine lunaire décroissante dans les six mois 
pendant lesquels le soleil se dirige vers le Sud, de 
ces six mois dans le monde des Pitris, du monde des 
Pères ils passent dans la lune. Là, les Dieux, de 
môme qu'ils mangent le roi Sonia en disant « crois, 
décrois », les mangent. Lorsque cette nourriture qui 
est la leur (celle des Dieux) passe au delà, ils (ceux 
qui transmigrent) s'unissent à l'éther, de l'élherils 
vont dans l'air, de l'air dans la pluie, de la pluie 
dans la terre. Ayant atteint la terre,, ils deviennent 
la nourriture. Ils sont de nouveau versés dans le 

(i) P- Reunaud : Les premières formes de la religion^ 
p. 268. 
(2) IV, 2, 16. 



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LE BRAH^iANlSME 137 

feu de riiomme, puis ils naissent dans le feu de la 
femme. Se redressant, ils suivent ainsi le mouve- 
ment des mondes (1) ». 

On invoque un autre passage du même livre (2) à 
Tappui de la théorie de la délivrance par la cessation 
définitive de la Transmigration : (( Ceux qui con- 
naissent cela et ceux qui, dans la forêt (3), se sont 
approchés de la çraddhâ (4) et du satya (5), ceux-là 
s'unissent à la flamme, de la flamme ils passent dans 
le jour, du jour dans la quinzaine lunaire claire, de 
la quinzaine lunaire claire dans les six mois pendant 
lesquels le soleil se dirige vers le Nord, de ces six 
mois ils passent dans le monde des Dieux, du monde 
des Dieux dans le soleil, du soleil dans l'éclair. 
L'homme fait de manas étant survenu, fait passer 
les éclairs dans le monde de Brahma. Tout en haut, 
en avant, ils prennent résidence dans ces mondes de 
Brahma. Pour eux, il n'y a plus de retour (6) ». 

On voit que, si Ton peut considérer les passages 
cités comme renfermant en germe la théorie de la 
Tiansmigration, on est loin avec ces texte's obscurs 
et bizarres du système, méthodiquement coordonné 
par la philosophie postérieure, qui fait évoluer l'âme 
de la plante ou de l'animal au démon, au génie, à 

(1) P. Rbgnaud : 1. c, p. 269. 

(2) Brhad-Aran, Up. VI, 2, 15. 

(3) Où ils vivaient eo ermites. 

(4) Foi. 

(5) Réalité. 

(6) P. Regnaud : I. c, p. 279. 



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138 LE BRAHMANISME 

rhomme, au Dieu, et fait dépendre chaque degré de 
la Transmigration des actes d'existences antérieures, 
système qui serait nettement évolutioniste s'il n'ad- 
mettait des déchéances et des chutes pouvant avoir 
pour effet de faire rétrograder une âme qui a près 
que atteint la délivrance et de l'obliger à recommen- 
cer tout ou partie de son pénible calvaire. 

Tout en reconnaissant et même en codifiant les 
conséquences des actes comme éléments des trans- 
migrations/ Manou (1) fait dépendre l'attribution des 
diverses conditions bonnes ou mauvaises de la pré- 
dominance chez l'individu de Tune des trois Gounas. 
« Je vais, dit-il, brièvement exposer par ordre les 
Transmigrations à travers tout cet (univers), aux- 
quelles (l'âme) est soumise, suivant (qu'elle possède) 
chacune de ces trois qualités. — Ceux qui ont la 
qualité de Bonté (sattva) parviennent à la condition' 
divine, ceux qui ont la qualité de Passion (rajas), à la 
condition humaine, ceux qui ont la qualité d'Obscu- 
rité (tamas), descendent toujours à la condition ani- 
male ; telles sont les trois (sortes) de Transmigra- 
tions. — Mais sachez que ces trois sortes de Trans- 
migrations dues aux (trois) qualités (se subdivisent 
à leur tour) en trois (degrés), inférieur, moyen et 
supérieur, suivant les différences des actes et du sa- 
voir (de chacun). — Etres inanimés, verset insec- 
tes, poissons, serpents, ainsi que tortues, bétail et 

(1) G. Stréhly : Lois de Manou ^ XI I, 39-51. 



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LE BRAHMANISMIC 139 

animaux sauvages (composent) la condilion infé- 
rieure que produit l'Obscurité. — Éléphants, che 
vaux, coudras et barbares méprisés, lions, tigres, 
sangliers, (composent) la condition moyenne que 
produit rObscurité. — Baladins, oiseaux, hypo- 
crites, démons et vampires (composent) la condition 
supérieure ])aimi celles que produit l'Obscurité. — 
Bâtonnistes, lutteurs, comédiens, gens qui subsis- 
tent d'un métier vil, joueurs et buveurs (compo- 
sent) la condilion inférieure prociuile parla Passion. 
— Rois guerriers, prêtres, domestiques des rois, 
et les hommes qui excellent dans la controverse 
(composent) la condition moyenne produite par la 
Passion. — Muî?iciens célestes, Gouhyakas, Yakchas, 
Génies au service des Dieux, ainsi que les Nymphes 
célestes (composent) la condition supérieure pro- 
duite par la Passion. — Ermites, ascètes, brahma- 
nes, les troupes des divinités aux chars aériens, les 
astérismes lunaires et les Daityas (composent) la 
condition inférieure produite par la Bonté. — Sa:ri- 
ficateurs, sages. Dieux, védas, constellations, années, 
Mânes et Sàdhyas (composent) la condition moyenne 
produite parla Bonté. — Brahmâ, les créateurs de 
l'univers, la Loi, le Grandet VIndsible (composent), 
au dire des sages, la condition suprême produite par 
la Bonté. — Ainsi a été expliqué en entier tout ce 
(système de) Transmigrations (produit) par les trois 
sortesd'actes, (composé) de troisclasses, (dont chacune 
a) trois divisionset qui embrasse toutes les créatures ». 



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140 LE BRAHMANISME 

Si les actes et leurs conséquences produisent et 
déterminent les conditions ou degrés de la Transmi- 
gration, il est curieux de constater le peu d'impor- 
tance accordée aux œuvres à côté de l'efïicacité attri- 
buée aux sacrifices, aux pénitences et à la méditation 
pour parvenir au salut ou à la délivrance finale. Les 
légendes des sages éminenls, dont sont remplies les 
écritures sacrées de l'Inde, nous montrent ces saints 
personnages pratiquant, en vue d'atteindre au Mok- 
clia, des sacrifices d'une durée prodigieuse (ceux 
de Viçvamilra et de Vasichtha continuent sans in- 
terruption pendant mille ans) ; la rigueur de leur 
pénitence effraye môme les Dieux; ils méditent pen- 
dant des centaines d'années sur l'Être suprême; 
mais on ne nous cite pas une seule bonne action 
accomplie par eux. Cela tient évidemment à cette 
donnée védique, développée par les Brâhmanas, 
que c'est par les sacrifices et les austérités que 
les Dieux ont acquis l'immortalité. C'est là une 
lacune du brahmanisme, lacune qui persistera dans 
l'hindpuisme et qu'il appartiendra au bouddhisme 
de combler en partie par sa doctrine de la Maîtri, 
charité et amour des êtres. 

Institutions sociales. — Pour terminer ce tableau 
succint du Brahmanisme philosophique, il nous 
reste à dire un mot des institutions sociales qui 
existaient ou qui sont nées à cette époque, sous son 
impulsion ou son égide ; tâche bien courte, du reste, 



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LE BRAHMANISME 141 

car la religioa envahissante a pris soin de transfor- 
mer en devoirs religieux presque toutes les obliga- 
tions sociales de quelque importance. 

La caste est le pivot, la pierre angulaire de tout l'é- 
difice; elle gouverne tout, toutse rapporte à elle. Fort 
de son origine divine, de l'autorité sans limite que lui 
confère sa qualité de représentant des Dieux sur la 
terre, le brahmane se dit et est reconnu le premier des 
hommes, presque un Dieu incarné, et par une fiction 
qu'il s'efforce de faire croire réalité il est le souverain 
seigneur et maître de tout cequi existe dans Tunivers; 
si les autres castes jouissent de biens hériditaires 
ou des fruits de leurs peines, c'est à la générosité du 
brahmane qu'ils le doivent et par un juste retour ils 
ont l'obligation de Tentretenir par leurs dons, leurs 
aumônes et une large rétribution de ses services. En 
réalité, kchatriyas, vaiçyas,, coudras, sans excepter 
les impurs Tcliandalas, n'ont d'autre raison d'exister 
que de nourrir les Brahmanes. Celui-ci, en échange, 
n'a envers eux que des devoirs religieux comme in- 
termédiaire entre eux et les Dieux, comme institu- 
teur et conseiller, et ne leur accorde guère qu'une 
bienveillance générale, tant soit peu dédaigneuse. 

L'organisation sociale de l'Inde, à cette époque, se 
rapproche encore beauboup de l'état patriarcal. Il 
n'y avait sans doute point de gouvernement cen- 
tral, mais de nombreuses tribus, groupées par vil- 
lages, dont les rois ou chefs exerçaient dans leur 
sphère un pouvoir soi-disant absolu, réunissant 



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142 



LE BRAHMANISME 



entre leurs mains les attributions militaires, admi- 
nistratives et judiciaires, dirigés et gouvernés eux- 
mêmes par les brahmanes, leurs conseillers et leurs 
ministres, et s'ils avaient parfois quelque velléité 
d'indépendance, faisaient mine de vouloir secouer 
un joug trouvé trop pesant, de nombreuses légendes 
le rappelaient à la prudence en leur montrant où 
pouvaient tomber les monarques insoumis aux 
brâlimanes. 

Dans sa sphère, le Maître de maison, le père de 
famille, paraît avoir joui d'une autorité absolue. Sa 
fem me, ses enfants, ses serviteurs lui doivent respect 
et obéissance passive. Il est un Dieu pour eux A son 
tour, il leur doit amour, affection, protection et jus- 
tice. Il doit veiller attentivement sur sa femme et lui 
faire une vie heureuse; il doit pratiquer pour ses 
enfants les sacrements prescrits, donner à son fils 
un précepteur vertueux et savant, marier sa fille en 
temps voulu, c'est-à-dire dans les trois années qui 
suivent sa puberté. 

Les enfants doivent à leurs parents, amour, res- 
pect et obéissance, même quand ils ont fondé une 
nouvelle famille, et si le père meurt, l'aîné prenant 
la charge de chef de famille, devra subvenir aux be- 
soins de sa mère, protéger ses frères, marier ses 
sœurs selon leur rang. 

La condition de la femme est particulièrement in- 
téressante à cette époque. Tenue en suspicion par la 
religion qui voit en elle le pire obstacle au salut et 



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LE BRAHMANISME 143 

redoute l'effet de ses séductions, et par le législateur 
qui lui reproche sa légèreté, son inconstance, son 
amour de la parure et du plaisir, elle est toute sa vie 
en tutelle. « Une petite fille, une jeune ferame, une 
femme mure, dit Manou (1), ne doivent jamais rien 
faire de leur propre autorité, même dans leur mai- 
son. — Dans l'enfance la femme doit être dépen- 
dante de son père, dans la jeunesse de son époux, et 
si son mari est mort, de ses fils; elle ne doit jamais 
jouir de Tindépendance ». Par contre, père, mari et 
fils ont le devoir de protéger la femme, de la garder, 
de satisfaire ses goûts et ses désirs: a Là ou les 
femmes sont honorées, les Dieux sont contents, là où 
elles ne le sont pas, tous les sacrifices sont sté- 
riles (2) ». Elle ne peut pas disposer de sa personne, 
c'est à son père de la marier; mais s'il laisse passer 
le délai de trois ans après la puberté, la jeune fille 
a le droit de se choisir un époux à son gré: il seuible 
aussi qu'elle peut refuser un prétendant qui lui 
déplaît. Mariée, elle doit à son mari amour, obéis- 
sance, fidélité et respect: « Même indigne, débauché 
dépourvu de qualités, un époux doit toujours être 
révéré comme un Dieu par une femme vertueuse (3) ». 
Veuve, il lui est interdit de se remarier, même si le 
mariage n'a pas été consommé, et si elle n'a pas 
d'enfants elle doit vivre chastement dans la famille 



(1) G. Stréhly : Lois de Manon, V, 147-151, 

(2) Ibid., lll, 56. 

(3) lbid.,y, 154. 



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LE BRAHMANISME 

mari ou dans la sieooe. Des peines sévères, 
jusqu'à celle de mort, punissent les violences 
ises contre une jeune ûlle ou une femme 
^ La femme n'a droit à aucune instruction 
use, la lecture des Védas lui est interdite; le 
^e lui tient lieu d'initiation, et Faccomplisse- 
le ses devoirs envers son époux remplace pour 
!S sacrifices. On ne trouve à cette époque 
e trace de l'immolation des veuves sur le 
r funèbre de leur mari. 

lariage, fondement de la famille et de la société 
acte à la fois social et religieux (1). Il se con- 
généralement de bonne heure: entre douze et 
î ans pour la femme, dix-huit à vingt-cinq ans 
'homme. Manou et les autres législateurs raen- 
nt huit modes de mariage légaux, dont le rapt 
ossession violente par surprise; mais le ma- 
conclu par le père de la jeune fille, et celui 
)nsentement mutuel des contractants sont les 
considérés comme vraiment honorables. La 
on de savoir s'il est légal de donner et de 
►ir une dot, et de faire en vue d'un mariage 
deaux aux parents de la jeune fille est conlro- 
et, sur ces points, Manou lui-même se con- 
à plusieurs reprises; mais un fait certain, 
]ue les cadeaux de toute nature faits à une 
fille au moment de son mariage par ses pa- 

>ir pagf» i34. 



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LE BRAHMANISME 145 

rents, son fiancé et les amis de sa famille sont et 
restent sa propriété personnelle. En principe, le 
mariage parait pouvoir être dissous par répudiation 
ou divorce pour inconduile de la femme, stérilité, 
manque d'eufants mâles et mauvais caractère; dans 
ce cas la femme reprend sa dot et son bien personnel. 
Strictement, l'Indien ne peut avoir qu'uue seule 
femme légitime de même caste que lui; mais en fait 
la polygamie a existé de tout temps à l'état légal; 
seulement il semble que pour contracter un nouveau 
mariage il faille le consentement de la première 
femme, la seule vraiment légitime, qui reste la véri- 
table maîtresse de maison, est seule qualifiée pour 
assister son mari dans les cérémonies et sacrifices 
domestiques, et dont les enfants ont le pas sur ceux 
des autres femmes. 

L'usage de la polygamie paraît avoir eu pour 
excuse, dans le principe, le désir ou même la néces 
site d'avoir des fils qui célèbrent pour leur père et 
ses ancêtres les çrâddhas ou sacrifices funéraires in- 
dispensables au repos des défunts dans l'autre 
monde. A cette même nécessité répond l'adoption 
d'un fils, généralement de la même famille, et quel- 
ques autres usages qui peuvent à bon droit nous 
paraître étranges. Le père de famille qui n'a pas 
d*enfants mâles peut marier sa fille sous la condition 
que soA premier enfant mâle deviendra son fils à lui. 
Dans ce cas la fille est dite substituée et son fils hérite 
de tous les biens de son grand père. Si un homme 



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146 LE BRAHMANISME 

meurt sans enfants mâles, son frère, ou à défaut son 
plus proche parent, est tenu d'engendrer avec la 
veuve un fils, qui deviendra le fils du mort et jouira 
de tous les droits d'un enfant légitime. 

L'héritage paternel se partage entre tous les fils, 
Taîné âyantdroità deux parts: les filles, non mariées 
n'y ont aucun droit mais leurs frères sont tenus de 
pourvoir à tous leurs besoins. Par contre les filles, 
même mariées, héritent, à l'exclusion de leurs frères, 
des biens propres de leur mère. Le fils adopté hérite 
des biens paternels comme un fils légitime (1). 

La loi frappe de peines très sévères les quatre 
crimes de meurtre, de vol, d'adultère et de men- 
songe ou, dans l'espèce de faux témoignage. Le 
meurtre d'un supérieur est puni de mort, sauf quand 
le meurtrier est un brahmane, auquel cas la peine 
prononcée est l'exil, un brahmane ne pouvant être 
mis à mort; le meurtre d'un égal ou d'un inférieur 
se rachète par une forte amende. Le vol a main 
armée est puni de mort; le vol simple de mutilation 
et d'amende, ou d'amende seulement. L'adultère 
avec une femme mariée de caste supérieure est 
puni de mort; avec une femme de même caste, de 
l'exposition et d'une amende; avec une femme de 
caste inférieure, d'amende seulement; mais la peine 
de mort peut toujours être prononcée contre la 
femme. Le faux témoin est passible d'une amende 

(1) G. Stréhly : lots de Manou, IX. 



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LE BRAHMANISME 147 

proportionnée à la gravité du cas. S*il s'agit d'un dé- 
biteur ou d'un dépositaire qui nie une dette ou un 
dépôt, l'amende est du double de la somme ou de la 
valeur de l'objet en litige. 



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III 



BRAHMANISME SECTAIRE 
OU HINDOUISME 



jscriptions aussi astreignantes que mul- 
Brahmanisme propremenl dit ont-elles ja- 
jppliquées et surtout observées dans toute 
lur, ainsi qu'on pourrait le croire à la lec- 
3 écritures sacrées ? Il est permis d'en dou- 
upposer que nous sommes ici en présence 
ata de la caste sacerdotale qui ne furent 
aucun temps que par un nombre restreint 
is exclusivement voués à la vie religieuse : 
te observation n'eût laissé aucune place 
mces impérieuses de la vie sociale. De 
3si, quelque respect presque divin qu'on 
oujours témoigné, et si grande qu'ait été 
ence politique, les Brahmanes, ces DieiLc 
ne paraissent pas avoir jamais exercé 
lent cette puissance souveraine qu'ils récla- 



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LE BRAHMANISME 149 

maient comme représentants de la divinité, et leur 
supériorité a toujours été d'ordre moral : indépen- 
damment du droit de naissance, ils ont surtout do- 
miné par la science, dont ils étaient à peu près les 
seuls délenteurs, et plus encore par la terreur qu'ins- 
pirait la puissance surnaturelle qu'ils s'attribuaient 
et que l'ignorance superstitieuse leur accordait. 
Néanmoins, les institutions religieuses et sociales 
que nous venons d'esquisser ne se trouvèrent plus 
en rapport, à un moment donné, avec les nouvelles 
conditions matérielles et morales résultant de l'évo- 
lution incessante de la civilisation : les classes infé- 
rieures qu'elles tenaient jalousement à l'écart vou- 
lurent, sans doute, avoir leur part et leur place dans 
la société et la religion, et peu à peu, par un lent 
processus dont nous constatons le résultat sans pou- 
voir nettement distinguer ses étapes, l'ancien Brah- 
manisme fermé et intransigeant se démocratisa, sans 
renier cependant ses origines et ses dogmes anti- 
ques qui demeurèrent, nominalement du moins, la 
base de la nouvelle forme religieuse qu'on appelle 
Brâhmanisjîie sectaire et plus habituellement Hin- 
douisme. 

C'est entre le cinquième et le premier siècle avant 
notre ère que paraît s'être élaborée cette transforma- 
tion, caractérisée par le développement du Pan- 
théisme, la déchéance de Brahmâ, l'apparition des 
deux sectes rivales des Vichnouites et des Çivaïtes, 
elles-mêmes subdivisées en de nombreuses sous- 



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LE brâhmanismiî: 151 

moins comme une religion nationale que comme une 
sorte d'institution sociale groupant, sous un nom 
communies éléments les plus hétérogènes et les plus 
antagonistes, à la seule condition de paraître prati- 
quer certaines formes extérieures du culte tradition- 
nel, de témoigner aux brahmanes un respect appa- 
rent qui va souvent jusqu'à l'adoration et, avant 
tout, de se conformer aux exigences étroites de la 
loi des castes, fondement intangible de l'édifice so- 
cial et religieux. 

Littérature. — Indépendamment des Védas, Brâh- 
manas, Oupanichads, Çâslras, Soutras, Védângas 
(une partie de ces derniers, entre autres le Djyo- 
licha ou Astronomie, a été composée seulement à 
l'époque hindouiste) demeurés les autorités fonda- 
mentales de la religion et du culte, l'Hindouisme 
possède une littérature très riche qui va se déve- 
loppant chaque jour par les travaux dogmatiques, 
théologiques et philosophiques des Pandits moder- 
nes. Les limites restreintes de cette étude ne nous 
permettent pas d'aborder l'examen de cette littéra- 
ture récente malgré l'intérêt que présenteraient cer- 
tains de ses ouvrages, et nous devons nous borner 
à un rapide aperçu de ceux seulement de ces livres 
qui servent de base à la religion actuelle et que les 
Hindous considèrent comme faisant partie de la 
Smriii, c'est à-dire comme divinement inspirés, les 
Itihasas, les Pourânas et les Tantras. 



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152 LK BRABMAMSME 

litre â'Itihasas on comprend les deux 
oèmes épiques du Râmdyana et du Mdhâ- 
aus lesquels paraissent pour la première 
ies rôles prééminents, Vichnou et Ci va, les 
K suprêmes de Thindouisme. LeRâmâyana, 

un auteur nommé Valmiki, se compose 
rme actuelle de 24.000 çlokas ou versets, 
irfaîte de sa composition, Tharmonie de 
parties permettent de le considérer comme 
un seul auteur et de supposer qu'il nous 
u sans trop d'interpolations ou de retou- 
îte probable peut être reportée au second 
nt notre ère (1). Ce poème célèbre les 
î Râma-Tchandra, prince d'Ayodhyâ, sep- 
târ ou incarnation de Vichnou, personni- 
éale de la justice et de la droiture, repré- 
endant sous un aspect humain; car il 
même jusqu'à la fin, son origine divioe qui 
élée par Brahmâ au moment où il est près 
au découragement. Comme dans tous les 
iens de ce genre, c'est-à-dire destinés à 
m du lecteur, les aventures de Râma sont 
îcasion d'un enseignement de haute mo- 
5 dévotion, et la mythologie y est repré- 
t par l'intervention directe des Dieux dans 
i drame, soit parles récits faits parde sages 

légendes empruntées aux Védas et aui 

NIER Williams : Tndian Wùdom^ p. 317. 



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LE BRAHMANISME 133 

Brâhmaaas. Quelques auteurs croient pouvoir attri- 
buer à ce poème une valeur historique et y voir un 
souvenir de la conquête de l'Inde du Sud par les 
Aryens ; toutefois cette suposition n'est pas admise 
généralement. 

Beaucoup plus (Considérable — il renferme 107.389 
çlokas — le Mahâbhârata est aussi plus ancien, car 
il était déjà connu et célèbre, dit-on, à l'époque où 
l'historien grec Mégasthènes fut envoyé comme am- 
bassadeur à la Gourde Tchandragoupta (312 av. J. C). 
On en attribue la composition à Vyâsa, le mythique 
compilateur et arrangeur des Védas, ce qui revient à 
constater que son auteur est inconnu. Il paraît, du 
reste, avoir été Tœuvre de plusieurs aèdes et porte 
la trace indiscutable de nombreux remaniements et 
d'interpolations relativement récentes, notamment 
en ce qui concerne le magnifique épisode de la Bhâ- 
gavad Gîtâ. Ge poème, que l'on compare souvent, et 
non sans raison, à l'Iliade, relate les aventures des 
cinq Pdndavas, lits putatifs du roi Pândou (en réalité 
nés des œuvres des dieux Yama, Vâyou, Indra et des 
deux Açvins), leurs luttes contre leurs artificieux 
cousins, les cent fils de Dhritarachtra, leur victoire 
^finale et enfin l'ascension au Svarga (paradis d'Indra) 
des cinq Pândavas et de leur épouse commune, 
Draupâdî. Les dieux, les richis, les ascètes et les 
démons interviennent dans l'action du Mahâbhârata 
comme dans celle du Ràmâyana, surtout Indra, Çiva 
et Agni. Vichnou y paraît sous la forme de Krichna, 

9. 



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15i 



LE BRAHMANISME 



quoiquecependantcedernieriieprenuepositivemeat 
Taspect d'une incarnation divine que dans le célèbre 
épisode mystique de la Bhâgavad Gîtâ où il révèle sa 
véritable nature à son ami Ardjouna. Dans ce poème, 
le côté moral est peut-être moins développé que 
dans le Râmâyana, mais, par cotrtre, il traite, sous 
forme de récits, de sujets variés, mythologiques, cos- 
mogoniques et soi-disant historiques, qui lui don- 
nent une certaine analogie avec les Pourânas. 

Sous le nom de Pourânas ( I ) « récits de choses an- 
ciennes», on désigne une collection de livres religieux 
où sont exposés la mythologie, la cosmogonie et les 
doctrines de l'Hindouisme, accompagnées d'aperçus 
sommaires des principales notions historiques et 
scientifiques du temps. Ces ouvrages sont assez mo- 
dernes, tous postérieurs à notre ère et quelques-uns 
même ne remontent peut être pas au delà du 
XIll® siècle ; toutefois les Indiens prétendent que ce 
sont des compilations d'antiques Pourânas perdus, 
assertion qui n'est peut-être pas dépourvue de quel- 
que fondement, car non seulement leurs légendes 
mythiques, mais encore tout leur fond en général, 
sont tirés des Védas et des Brâhmanas ; de plus leurs 
auteurs sont inconnus et on attribue leur composi-^ 
tion à l'universel Vyâsa. 

Les Pourânas ont été composés, dit-on, afin de 
donner des notions suffisantes de la religion aux 



(1) Purawâ. 



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LE BRAHMANISME 155 

femmes des différentes castes et aux Coudras, à qui, 
on le sait, la lecture et l'étude des livres sacrés rêvé 
lés sont interdites ; en fait, ce sont aujourd'hui les 
seuls livres où la grande majorité des Hindous pui- 
sent leurs connaissances religieuses. Il y a dix huit 
Pourânas, complétés par autant d'Oupa-pourànas (1), 
qui portent chacun le nom du Dieu à la glorification 
duquel il est consacré, ou qui passe pour l'avoir ré- 
vélé ; on les répartit d'après la même classification, 
en Sâttvikas, Râdjasas et Tdmasas dédiés respective- 
ment à Vichnou, à Brahmâ et à Çiva : aux Sâttvikas 
appartiennent les Pourânas, intitulés Vichnou, Blia- 
gavata, Naradiya, Garonda, Padma et Vârâha ; aux 
Râd jasas, Brahmâ, Brahmânda, Brahma-valmrta, 
Mârkandéya, Bhavichya et Vâmana; aux Tàmasas, 
Çiva, Linga, Skanda, Agni, Matsya et Kourma. En 
règle générale, tout Pourâna doit se composer de 
cinq sections traitant : 1" de la création de l'univers; 
2° de sa destruction et de sa reconstitution ; 3" de la 
généalogie et de l'histoire des Dieux, des richis et des 
grands sages ; 4° des Manvantaras ou règnes mythi- 
ques des Manous ; 5® de l'hisloire légendaire des 
dynasties solaire et lunaire ; toutefois cette règle 
n'est pas toujours observée et certains Pourânas 
abordent des sujets variés qui leur donnent une 
sorte d'allure encyclopédique. En raison de leur 
monotonie et de la ressemblance presque identique 

(1) Upapurâna « sous-pourâna ». 



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156 LE BRAHMANISME 

de leur contexte, à part le Bhâgavata et le Vichnou, 
aucun Pourâna n'a été traduit intégralement ; nous 
ne les connaissons donc que par des analyses suc- 
cinctes et quelques traductions fragmentaires de 
passages originauxparticulièrementintéressants (1). 
Les Tantras (2), que quelques sectes, surtout Çi- 
vaïtes, tiennent pour un cinquième Véda, sont des 
livres mystiques qui traitent des cérémonies et pra- 
tiques magiques susceptibles d'influencer la volônlé 
des Dieux afin d'assurer au fidèle les biens quil am- 
bitionne en ce monde ou dans Tautre, et exposent 
les mythes relatifs aux Çaktis, déesses représentant 
l'énergie active, créatrice ou destructrice des Dieux 
et les formes diverses du culte qu'il convient de leur 
rendre, culte en général éminemment licencieux. 
Les Tantras représentent une phase relativementtrès 
moderne de l'Hindouisme, et leur composition ne 
remonte guère plus loin que le quatrième ou cin- 
quième siècle de notre ère. Ils sont très nombreux, 
mais peu connus jusqu'à présent, en raison du soin 
jaloux avec lequel les Brahmanes les cachent aux 
Européens, D'après ce que l'on en sait, ils paraissent 
être en grande partie imités, sinon même tirés de 
TAtharva-Véda, avec les formules mystiques et ma- 
giques (3) duquel ils ont une grande analogie. 

(1) Voir la préface du Bhâgavata puràDa, par Eug. Burnouf 
et l'Introduction du Vishnu-purâna de H. H. Wiison. 

(2) Tantra « livre, traité ». 

(3) Voir V. Henhy : La Magie dans VInde antique. 



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LE BRAHMANISME 157 

Comme les Pourânas, chaque Tantra se compose de 
cinq sections qui traitent : !<> de la création; 2° de la 
destruction de l'univers ; 3<^ du culte à rendre aux 
dieux et déesses ; 4» de l'acquisition de pouvoirs 
surnaturels ; 5^ des quatre modes d'union avec le 
Dieu suprême, le tout entremêlé d'exaltations du 
principe féminin, c'est à-dire de l'énergie toute 
puissante des Çaklîs, et de formules infaillibles pour 
obtenir lous les biens ou accabler un ennemi de tous 
les maux imaginables. 

Mythologie. — A première vue, un esprit superfi- 
ciel pourrait s'imaginer que THindouisme n'a rien 
changé à l'antique mythologie des Brâhmauas et des 
Védas. Et défait, nous retrouvons dans ses écritures 
sacrées et profanes tous les anciens Dieux, Indra, 
Agni, Varouna, Soma, les Açvins, elc, dans leurs 
fonctions et avec leurs attributs habituels, et les 
Pourânas développent avec complaisance leurs 
vieilles légendes, en appuyant souvent, à la véiilé, 
sur ce qu'elles ont de défavorable, notamment sur 
les penchants lubriques qu'elles leur prêtent, à 
Indra surtout, dont les aventures amoureuses, d où 
il ne sort pas toujours à son avantage, n'ont rien à 
enviera celles de Jupiter. Mais ces Dieux, si on les 
dit toujours immortels, quoi qu'en réalité ils doi- 
vent disparaître comme tous les autres êtres à la fin 
du Kalpa, ne possèdent plus la puissance illimitée 
qu'ils avaient autrefois; ils se montrent à nous 



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158 LE BRAHMANISME 

comme de simples fonctionnaires préposés pour un 
temps à la protection et à la direction des diverses 
parties de l'univers ou de ses éléments, et subor 
donnés h une Puissance supérieure ; de plus, et 
c'est une conséquence fatale du système panthéiste, 
ce sont des créatures ou des émanations de Tun ou 
de l'aulre des deux Dieux qui occupent, selon le cas, 
le rang suprême, Viclinou et Çiva. 

On n'a pas encore pu, jusqu'ici, expliquer d'une 
manière satisfaisante comment et dans quelles cir- 
constances ces deux Dieux, des parvenus, pourrait- 
on dire, en loutcas des nouveaux venus dans la my- 
thologie brahmanique se sont substitués au Brahma 
(neutre) en qualité de Paramâtman ou Ame suprême 
et universelle. Par contre, il est possible de fixer 
approximalivement leur apparition entre le cin- 
quième et le premier siècle avant notre ère. Ils 
n'ont, en effet, aucun rôle dans le Mânava Dharma 
Castra, où Vichnou n'est nommé qu'une seule fois 
et seulement dans le douzième livre beaucoup plus 
récent que le reste de l'ouvrage, et figurent pour la 
première fois comme grands Dieux, Vichnou sur- 
tout, dans le Mahâbhârata et le Râmâyana. C'étaient 
donc des divinités qui occupaient déjà une place 
importante dans la croyance populaire à l'époque 
de la composition de ces poèmes, où, même, leur 
rivalité est déjà indiquée. 

Cette rivalité, affirmée de plus en plus dans les 
récits pourâniques, permet de conclure que, dès le 



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LE BRAHMANISME 159 

début, Vichnou et Çiva ont représenté deux reli- 
gions ou sectes importantes antagonistes : quelques 
auteurs supposent que Vichnou personnifiait Télé- 
ment aryen et Çiva l'élément dravidien de la popu- 
lation indienne, mais cette hypothèse, pour vrai- 
semblable qu'elle puisse être, n'est appuyée par au- 
cune donnée probante. A une époque assez récente, 
des motifs inconnus, peut-être la nécessité de réu- 
nir toutes les forces brahmaniques afin de résister 
à Tenvahissement du Bouddhisme, ont amené une 
réconciliation et une fusion apparentes entre les 
deux croyances rivales qui ont abouti à la constitu- 
tion de la Trinité brahmanique ou Trimourti (i), 
réunissant en une s(;ule personne le Dieu jadis tout- 
puissant et maintenant délaissé, Brahma, Vichnou 
et Çiva, en leur attribuant respectivement les rôles 
de créateur, de préservateur et de destructeur, ainsi 
que les qualités primordiales (gunos) d'activité ou 
de passion (rajas), de bonté (saîtva) et d'obscurité ou 
d'ignorance (tamas). Fusion apparente car pour ses 
adorateurs, les Vichnouites (2), Vichnou est le seul 
Dieu suprême, l'Ame universelle avec tous les attri- 
buts de l'antique Brahma, Çiva et Brahmâ n'étant 
que ses émanations supérieures, tandis que Çiva 
rem plit exactement le même rôle chez les Ci vaïles (3) . 
Dans Tun et l'autre groupe, Brahmâ assume les 

(1) Trimûrti « Trois Dieux, ou trois formes divines ». 

(2) Ou Vaisnavas. 

(3) Çaivas. 



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160 . LE BRAHMANISME 

fonctions de créateur, en tant que mourti ou éraana- 
tioQ occasionnellement sensible et visible de l'Ame 
universelle, mais il n'a plus de culte personnel et, à 
part au temple d'Adjmir son seul refuge, ne reçoit 
d'adorations que dans les sanctuaires dédiés à ses 
deux puissants confrères, surtout dans ceux de Vich- 
nou avec lequel il garde plus d'affinités et qui lui 
em prunte trois de ses. Irafars(l), ceux du poisson(iWrtf- 
sya), de la tortue (Kourma) et du sanglier ( Vârâha). 

Mais les récits pourâniques eux-mêmes semblçnt 
prendre à tâche de nous ramener à une origine com- 
mune, à une unité initiale de ces trois Dieux, à une 
sorte de monothéisme, en un mot. (( Au commence- 
ment du jour (de Brahmâ), dit le Vâyou-pourâna, (2) 
Mahôçvara, le Seigneur suprême, né de Prakriti, 
entrant dans l'œuf, agita avec une extrême intensité 
Prakriti (pradhâna) et Pouroucha (3). 

(( De Pradhâna, lorsqu'il l'eut ainsi agitée, naquit 
la qualité de passion (ou d'activité, Rajas), qui fut 
alors une cause stimulante, de même que l'eau pour 
les graines. 

(( Quand il se produit une rupture d'équilibre entre 
les Gounas, alors apparaissent les divinités qui ré- 
gnent sur elles. Des Gounas, ainsi agitées naquirent 
trois Dieux habitant en elles, suprêmes, mystérieux, 
animant toutes choses, pourvus de corps. 

(1) Avatâra « descente, incarnation ». 

(2) V, 11-20. 

(3) L'influence des théories Sânkhya est Ici visible. 



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LE BRAHMANISME 161 

« La qualité de Rajas sMncarna en Brahmâ, celle 
de Tamas (obscurité ou ignorance) en Agni, celle de 
Sattva (lumière ou bonté) en Vichnou. 

« Brahmâ, manifestation de Rajas, agit comme 
créateur ; Agni, manifestation de Tamas, remplit le 
rôle du Temps (1). 

(( Vichnou, manifestation de Sattva, demeure dans 
un état d'indifférence (ou d'équilibre). Ces Dieux 
sont les trois mondes, les trois qualités, 

« Les trois Védas, les trois feux ; ils sont mutuel- 
lement indépendants, mutuellement liés. 

« Ils existent Tun par l'autre et se soutiennet Tun 
l'autre ; ils sont les parties jumelles l'un de Tautre ;. 
ils subsistent Tun par l'autre. 

« Pas un seul moment ils ne se séparent ; jamais 
l'un d'eux n'abandonne l'autre. Içvara (Mahâdeva, 
Çiva) est le Dieu suprême (2), Vichnou est supérieur 
au Mahat (principe de l'intelligence), et Brahmâ, 
plein de Rajas, fait œuvre de créateur. On doit tenir 
Pouroucha pour un être suprême et de même aussi 
Prakriti (3). » 

Allant plus loin encore, le Bhâgavatâ pourâna (4) 
aflSrme l'unité primitive absolue des Védas, des Dieux 
et de la famille humaine : « Il n'y avait dans le prin- 
cipe qu'un seul Véda, le Pranava (la syllabe mysti- 



(1) Çiva est donc identique à Af?ni. 

(2) Le Vâyu-purâna est un livre Çivaïle. 

(3) J. MuiR : Original Sanskrit texts, I, p. 74. 

(4) IX, 14, 48. 



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16â LE BRAHMANISME 

que Om) essence de tout langage, un* seul Dieu 
Narâyana (d'abord Brahmâ puis Vichnou), un seul 
Agni, une seule casle. Pouroûravas fut l'auteur du 
Triple Véda au commencement de Tâge Tréta. » 

Dans cette combinaison trinitaire, qui peut nous 
sembler arbitraire, mais découle en réalité de la 
théorie de Tinfluence irrésistible des trois Gounas, 
incarnées ou personnifiées en autant de divinités, 
Brahmâ est définitivement sacrifié. On pourra lui 
donner les épithêtes d'Etre suprême, de souverain 
Maître du monde, de Grand Aïeul des Créatures, il 
n'en sera pas moins un Dieu secondai-re, une simple 
émanation de l'Etre véritablement suprême, sans 
énergie, sans initiative, toujours prêt à fuir les res- 
ponsabilités, donnant aux autres Dieux l'exemple 
d'une retraite prudente toutes les fois que se présente 
quelque difficulté grave, ne sachant, en cas de dan- 
ger, qu'en appeler à l'habileté et à la vaillance de 
Vichnou. Il est réduit au rôle de Créateur ou de Dé- 
miurge, et relégué, une fois l'œuvre de la création 
accomplie, dans un arrière-plan d'inaction et d'inuti- 
lité. Parfois, cependant, une timide réminiscence de 
sa souveraine puissance de jadis le posera un instant 
en antagoniste avec les autres Dieux, lorsque, par 
exemple, il accordele don d'invincibilité aux Daityas 
Bâii et Hiranyakcha et au Râkchasa Ràvana, ou 
fournit de redoutables armes divines aux ennemis, 
démons ou hommes, des puissances célestes. Les 
écritures vichnouites consacrent sa déchéance en le 



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LE BRAHMANISME 163 

faisant naître au sein d'un lotus sorti du nombril de 
Vichnou au moment où ce Dieu tout-puissant et 
préexistant s*éveille du long sommeil pendant lequel 
le serpent Çécha (1) l'a bercé sur les flots de TOcéan 
chaotique. Plus respectueuses de la tradition antique, 
les légendes çivaïtes en font une émanation person- 
nelle de Çiva déposée par lui, ainsi qu'un germe 
fécond, dans l'œuf d'or qui contient à l'état virtuel la 
création tout entière. On donne à Brahmâ un teint 
rouge (vague réminiscence peut-être de son origine 
ignée), quatre tètes (l'un desVédas est sorti de cha- 
cune de ses bouches) et quatre bras dont les mains 
tiennent le disque solaire (tchakra), une conque ma- 
rine (çankha), un chapelet et une cuillère à sacrifice. 
Jadis, dit-on, il eut cinq lètes, mais en perdit une 
brûlée par un regard de Çiva au cours d'une querelle 
violente avec ce Dieu. 

Dieu bon, préservateur et protecteur de la créa- 
tion, essentiellement bienveillant, ne ressentant de 
colères et n'exerçant de justes rigueurs que contre 
les ennemis des Dieux et des hommes, démons, 
tyrans ou impies, Vichnou paraît avoir hérité des 
attributs principaux et des fonctions d'Indra en tant 
que protecteur attitré des Aryas, héritage qu'expli- 
que et justifie du reste le rôle d'allié, d'aller ego de 
ce Dieu que lui font jouer les quelques hymnes du 
Rig-Véda où il est mis en scène. La littérature pos- 

(1) Çésa, roi des serpents, symbole deFinfini. 



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i4 LE BRAHMANISME 

Heure, tantbrâhmamiquequ'hindouiste, accuse de 
us en plus son caractère de protecteur et de sau- 
îur du monde, le montre toujours prêt à partir en 
lerre contre les perturbateurs du bon ordre sans 
innaître les hésitations pusillanimes des autres 
îeux (souvent d'ailleurs compromis par des conces- 
ons ou des faveurs imméritées arrachées à leur 
iblesse), surtout toujours habile à trouver les 
oyens de tirer l'aéropage divin des situations dif- 
îiles où il se trouve fréquemment acculé. Celte 
lesse ou cet astuce est, dans toute la mythologie, 

note dominante du caractère de Vichnou. 
Les mythologues, tant Indiens qu'Européens, 
ïccordent presque unanimement à considérer 
chnou comme une personnification d'un mythe 
laire ; on invoque d'ordinaire à l'appui de celte 
ânioii, son caractère incontestablement lumineux, 

légende de ses trois pas que l'on assimile aux 
3is positions du soleil dans le ciel, ses luttes contre 
3 démons, puissances des ténèbres autant que du 
al, et enfin la tradition indienne. Il ne faut pas 
iblier cependant que le plus antique de nos do- 
ments, le Rig-Véda, le présente comme un dou- 
Bt d'Agni, le feu, dont Indra lui-même, à qui 
chnou est si étroitement apparenté, n'est très pro- 
blement que la manifestation atmosphérique. Les 
ns pas de Vichnou, le grand argument invoqué en 
i^eur de son rôle solaire, peuvent aussi bien et 
îeux encore se rapprocher des trois positions ou 



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LE BRAHMANISME 165 

demeures d'Agni sur la terre, dans l'Htmosphère et 
dans le ciel, que des trois positions du soleil à son 
lever, au milieu du jour et à son coucher ; toutes les 
lois que Vichnou se manifeste dans les récits 
brahmaniques et pourâniques, ce n*est jamais dans 
le ciel, mais sur la terre, sur Tautel et dans le feu du 
sacrifice, avec un teint rouge, jaune ou noir, enve- 
loppé de vêtements divins dont la couleur jaune d'or 
ou noire rappelle celle des flammes ou de la fumée ; 
enfin, dans de nombreux passages, Vichnou est 
explicitement identifié au sacrifice, c'est-à-dire au 
feu sacré, essence et origine de toutes choses. Le ca- 
ractère igné de Vichnou paraît, en somme, se déga- 
ger nettement des descriptions qu'on en fait el des 
fonctions qu'on lui attribue; mais, pour concilier 
toutes les opinions, il suffit de se souvenir de 
l'étroite parenté que les hymnes des Védas nous ré- 
vèlent entre les mythes solaires et ignés, entre le 
soleil, feu céleste, et le feu terrestre de qui le soleil 
et l'éclair ne sont que des manifestations localisées. 
En réalité, Vichnou paraît personnifier le sacrifice, 
ou plus exactement le feu sacré du sacrifice. 

Etant données ses fonctions de préservateur et de 
prolecteur de l'univers et des êtres, il est naturel, 
indispensable même, que Vichnou intervienne fré- 
quemment dans les affaires du monde, et ces inter- 
ventions constituent, en effet, toute sa légende my- 
thique. Seulement nous nous trouvons ici en 
présence d'une conception toute spéciale à l'esprit 



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166 LE BRAHMANISME 

indien qui, non seulement, considère le repos ab- 
solu, l'inactivité physique et morale comme le bien 
et le bonheur suprêmes, mais encore fait de cette 
inactivité, la qualité primordiale d'une divinité sou- 
veraine. L'absence de passion, même dans le bon 
sens, est la caractéristique de la perfection. Or, toute 
activité comporte la passion ou le désir d'agir, et 
constitue par conséquent un état d'infériorité in- 
compatible avec la perfection qui est l'attribut pre- 
mier d'un grand Dieu. Qu'on le nomme Brahma, 
Paramâtman, Vicbnou ou Çiva, le Dieu suprême ne 
saurait, sans perd-re la perfection qui fait sa supré- 
matie, faire un acte quelconque impliquant action, 
mouvement, peut-être même volition. Entité médi 
tative, inerte, pure raison, il n'agira pour créer, 
protéger et détruire que par des substituts qui se 
ront tantôt des émanations ou des incarnations de 
son essence divine (c'est le cas de Vichnou),' tantôt 
des manifestations sous forme féminine de son éner- 
gie (les Çaktîs de Çiva). Conformément à ce prin- 
cipe, lorsqu'arrive le moment de la création, Vich- 
nou, s'éveillant du loug sommeil pendant lequel, 
couché sur les replis du serpent Çécha (i) il a été 
bercé sur les flots de l'océan chaotique, fait naître de 
sa propre personne Brahmâ, le démiurge, qui façon- 
nera les mondes et créera ou engendrera les êtres 
suivant le plan préconçu par la volonté divine, et 

(i) Çesa ou Ananta, le temps infini. 



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LE BRAHMANISME 167 

quand plus tard de grands cataclysmes ou des actes 
pernicieux des démons mettront en danger l'œi 
de la création, il interviendra par voie d'inca 
tiens partielles de soa essence se manifestant 
blâment dans le monde sous des formes diverses 
propriées à ses desseins et aux perturbations, î 
quelles il sera urgent de parer. Ces incarnati 
nommées Avatars (i),\Sineui fréquemment denc 
de nombre et de détails selon Tintention ou Tira 
nation de l'auteur des récits; toutefois, le Bhâga\ 
pourâna, qui fait autorité en la matière, en rapp 
vingt-deux et, le plus souvent, les traités orthod» 
ne font allusion qu'à dix Avatars principaux, ceu 
poisson, en tortue, en sanglier, en homme lion 
nain, en Paraçou Râma en Râma-Tchandra, 
Krichna, en Boudha et en Kalki. Il est à 
marquer que ces incarnations progressent d 
façon régulière de l'animal inférieur à l'hoii 
et au Dieu suivant la voie normale du systèm 
la transmigration et semblent être les précurs 
imprévus de la théorie moderne de l'évolution 

1° Matsyâvatâra. Incarnation de Vichnou 
poisson pour sauver du déluge le Manou Vaivasv 
— Cette légende a soulevé de vives controverses 
lativementà l'existence du déluge dans l'Inde, c 
clysme dont la jRigf-Fedane fait aucune mentio 

(1) Avatâra a descente ». 



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1 



168 LE BRAHMANISME 

dont il est question pour la première fois dans le 
Çatapatha-brâhmana (1). On a voulu y voir un em- 
prunt à la tradition biblique. Cet emprunt, à la tra- 
dition non biblique mais chaldéenne, n'aurait en 
soi rien d'impossible, étant donné la proximité de 
rinde et de la Chaldée ; mais la relation indienue 
présente de sérieuses différences avec le récit chal- 
déen du déluge et paraît être toute mythique. L'évé- 
nement se place à la fin du Kalpa précédant l'âge 
actuel du monde et se rapporte à Tune des destruc- 
tions partielles périodiques de l'Univers. Le sage 
Manou Vaivasvata, fils du soleil, faisait ses ablu- 
tions au bord d'une rivière (2), lorsqu'un petit pois- 
son vint se réfugier entre ses mains en le suppliant 
de lui sauver la vie menacée par voracité des autres 
poissons, et pour cela de le garder dans son vase à 
eau. Bientôt à l'étroit dans cet espace exigu le pois- 
son pria Manou de le placer dans un récipient plus 
vaste, et successivement, à mesure qu'il grandis- 
sait, de le transporter dans un étang, dans le Gange 
et enfin à Tocéan. Là, prenant tout à coup une di- 
mension prodigieuse, le poisson révéla à Manou la 
prochaine destruction du monde par un déluge et 
lui commanda de construire un navire sur lequel il 
s'embarquerait afin de sauver sa vie (3). Le déluge 

(1)1,8, i,!. 

(2i Chaque récit donne un nom différent. 

(3; Récit du Çatapatha-brâhmana et du Mabâbhârata. Le 
Rhâf2favata, i'Agni, et le Matsya Pouranas font envoyer le navire 
par les Dieux. 



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^ 



LE BRAHMANISME 

étant arrivé, le poisson prend le vaisseau à 
morque, au moyen d'un câble attaché à sa coi 
conduit en sûreté au sommet de l'Himalaya et 
àManou sa nature divine. Les eaux ayant 1 
Manou sort du navire pour offrir un sacrifie 
flammes duquel naît une femme, Ida ou lia 
laquelle Manou engendre une nouvelle race c 
mes. 

2p Kourmâoatâra, Incarnation de Vichnou e 
tue. — Les Dévas (dieux) et les Asouras (déi 
en lutte pour la prédominance, convienne 
faire alliance afin de chercher l'Amrita (1), qi 
leur donner la puissance et l'immortalité, coi 
dans les eaux du grand Océan ou mer de lait 
pour obtenir l'Amrita, il faut baratter l'Océan, 
effet, Vichnou se métamorphose en tortue (Â1 
prend sur son dos le mont Mérou autour duqi 
Dévas et les Asouras attachent en guise de co 
serpent Çécha, et le tirant les uns par la tête, 1 
très par la queue font enfin sortir de l'Océan 1 
cieuse liqueur, de laquelle, naturellement, les 
ras sont frustrés par la ruse de Vichnou qui 
nant la forme d'une femme à la beauté irrési 
Mohinî, séduit et égare si bien les démons 
laissent les Dévas s'emparer de toute TAmrita 

(1) Amrta, ambroisie, liqueur d'immortalité. 

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géant qu'on lui offrit les sacrifices qui leur étaient 
destinés. Ce démon avait un fils, nommé Prahlàda, 
fervent adorateur de Vichnou, qu41 aurait plusieurs 
fois fait périr sans l'intervention opportune de ce 
Dieu. Un jour que le père et le fils se disputaient 



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LE BRAHMANISME 

au sujet d€ l'omniprésence de Vichnou, H 
kaçipar frappa du poing une colonne de soe 
en défiant le Dieu d'y être enfermé ; mais d 
lonne entr'ouverte Viehnou surgit sousl'aspi 
homme-lion (par conséquent ni Dieu, ni hon 
animal) et mit en pièces le démon contemp 
sa puissance. 

5° Vâmanâvatâra, Incarnation en Nain, 
autre démon, Bali, également roi des Daitya 
acquis par sa pi^té une telle puissance qu' 
conquis l'univers et était sur le point de ôéiri 
jyieux et de les chasser du ciel. Ceux-ci, i 
danger, eurent recours aux artifices inépuisî 
Vichnou qui, prenant l'aspect d'un brâhms 
petit, vint demander à Bali comme don brâ 
que l'espace de terrain qu'il mesurerait en tr 
Très généreux, Bali agréa aussitôt sa requét 
alors Vichnou, reprenant sa forme divine, 
premier pas franchit la terre, du second le ci 
s'arrêtant au seuil du monde infernal il en 1 
possession à Bali en récompense de sa piété 
générosité. (Nous retrouvons ici à peine déni 
mythe védique des trois pas de Vichnou ve 
aide à Indra). 

6» Paraçou'Bâma. — Incarnation en un bri 
guerrier, fils de Jamadagni, afin de mettre i 
son la race des Kchatrîyas révoltés contre l'i 



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Z LE BRAHMANISME 

périeure des brahmanes. Pour venger son père, 
é par les fils du roi Kârtavîrya, il fit en vingt et 
le rencontres un tel massacre de kchatrîyas que 
3 brahmanes durent s'unir aux femmes kchatrîyas 
in de reconstituer cette race totalement éteinte. 

70 Râma-Tchandra. — Incarnation de Vicbnou en 
1 prince de la dynastie solaire, fils de Daçaratha, 
i d'Ayodyâ (actuellement Oude), afin de délivrer la 
rre de la tyrannie du démon Râvana, roi des 
ikchasas, de détruire la race des Ràkchasas (ogres) 
de conquérir Ceylan (Lanfcd) et llnde méridionale. 
n moment où il va être appelé à partager l'autorité 
iternelle, Râma est exilé pour quatorze ans sur un 
dre arraché à la faiblesse de son père par Fastu- 
euse Kékéyî qui veut ainsi assurer le trône à son 
opre fils, Bharata, et malgré les efforts et les sup- 
ications de sa mère, Kauçalyâ, Râma va vivre en 
mite dans la forêt avec sa femme Sîlâet son frère 
ikchmana. Daçaratha meurt de chagrin. Bharata 
lurt après son frère pour le déterminer à prendre 
pouvoir royal, mais celui-ci, fidèle aux volontés de 
n père, refuse de rentrer à Ayodhyâ avant la fin de 
n lemps d'exil. Sîtâ est enlevée par Râvana et, 
>urla délivrer, Râma vient mettre le siège devant 
inkâ à la tête d'une armée de singes et d*ours, 
•mmandée par le roi des singes, Sougriva, et Hanou- 
an, le dieu-singe fils du vent. Après de terribles 
•mbats où les Ràkchasas périssent par milliers, il 



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LE BRAHMANISME 

lue Râvana, s'empare de la cité et de l'île de 
reconquiert Sîtâ et revient, couvert de gloire 
à Ayodhyâ que son frère, Bharata, a gouver 
lui pendant sa longue absence. Ràma est le t 
fait de la justice, du respect de la parole doi 
la piété filiale et de Tamour conjugal (1). 

80 Krichna. — A la fin du troisième âge du 
ou Dvâpara Youga, la terre gémissait sous la 1 
de Kamsa, roi de Mathourâ, et lasse de s< 
frances vint se plaindre aux Dieux, et à leur 
Vichnou consentit à s'incarner en Krichn 
Dieu fait homme pour le salut des êtres, fili 
vakî, sœur ou nièce de Kamsa, et du prince 
déva. Averti par une voix céleste que le filî 
vakî doit lui ravir la royauté et la vie, Kai 
jeter Dévakî et Vasoudéva dans une prisor 
reusement gardée. Mais les dieux déjouent 
seins et aussitôt que Krîchna est né, grâci 
assistance, Vasoudéva peut l'emporter et, tn 
à pied sec la Yamounâ débordée, le confier 
royaume de Mathourâ aux soins du berger 
tandis que, furieux à la pensée que sa victim 
lui échapper, Kamsa fait massacrer tous les 
mâles nouveau-nés. Cependant Krichna gra 



(1) Nombre d'auleurs croient, et peut-être non sai 
que ces deux derniers avatars reflètent d'antiques 
historiques. 

(2)Krsna, le noir. 



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174 LE BRAHMANISME 

au milieu des bergers et des bergères partageant 
leurs travaux et leurs plaisirs, non sans soutenir de 
temps à autres de victorieux combats contre les dé- 
mons émissaires de Kamsa ou ennemis de ses com- 
pagnons les bergers, parmi lesquels sa victoire sur 
le serpent Kaliya, qui empoisonnait de son haleine 
les alentours de la Yamounâ, rappelle d'une manière 
curieuse celle d'Hercule sur Thydre de Lerne. Enfin 
Kamsa réussit à l'attirer à Mathourâ sous le prétexte 
de jeux athlétiques afin de le faire périr. Mais 
Krichna, aidé par son frère Bala-Râma, tue successi- 
vement tous les séides de Kamsa et le met à mort lui 
niéme. Attaqué dans Mathourâ par une coalition des 
parents de Kamsa, il quitte cette ville et avec ses 
compagnons, les Yadavas, va fonder la cité de Dva- 
rakâ, sur la côte du Gouzerat. Lors delà guerre entre 
les Pàndavas et les Kauravas, il prend parti pour les 
premiers et guide dans la bataille le char de son ami 
Ardjouna ; puis, après la victoire de ses parents, les 
Pàndavas, nous le voyons se mesurer victorieuse- 
ment avec Indra, et enfin il tombe mortellement 
frappé au talon par la flèche d'un chasseur impru- 
dent après avoir vu ses sujets s'entretuer jusqu'au 
dernier dans une orgie, et la brillante cité de Dvarakâ 
engloutie par l'Océan (1). 



(1) Le Bhâgavata-purâna est consacré à Thisloire et à la glori- 
fication de Krichna . 



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LE BRAHMANISME 175 

9° Bouddha. — Au commencement de l'âge Kali, 
Vichnou s'incarne en la personne du fondateur du 
Bouddhisme afin de précipiter la perte des impies en 
leiir enseignant de fausses doctrines, le mépris des 
Dieux et l'abandon des sacrifices. 

10*» Kalki. — Forme apocalyptique que Vichnou 
revêtira à la fin du Youga actuel pour détruire le 
monde corrompu, châtier les impies et rétablir la 
piété et la pureté parfaites. 

Ainsi que tous les autres dieux Vichnou a une 
compagne, Lakchmi, déesse de la beauté et de la 
fortune, née de l'écume de Tocéan, lorsque les 
Dieux le barattèrent pour en retirer l'Amrita. Type 
de la fidélité et de Tamour conjugal, Lakchmi ne 
quitte jamais son époux et s'incarne toujours en 
même temps que lui ; c'est ainsi qu'elle devint Sitâ 
pour Râma, Roukminî et Râdhâ pour Krichna. 

Çiva est, lui, un nouveau venu dans la mytholo- 
gie brahmanique où son nom ne parait qu'à une 
époque assez tardive, et même, jusqu'à un certain 
point, l'opinion de ceux qui veulent voir en lui un 
ancien Dieu indigène des populations dravidiennes 
conquises peut se soutenir ou, tout au moins, se dis- 
cuter. Il est incontestable, en effet, que le caractère 
vindicatif et cruel que lui donnent nombre de ses 
légendes, les sacrifices sanglants avec lesquels on 
l'adore, ainsi que les divinités féminines et autres 



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176 LE BRAHMANISME 

qui orbitent autour de lui, semblent tenir davantage 
d'un culte sauvage que s'adapter au caractère plu- 
tôt doux et méditatif des Indiens. Mais, d'un autre 
côté, il est non moins certain que son rôle de des- 
tructeur découle naturellement de la conception des 
trois états de l'univers et de toutes choses, création 
ou formation, développement, destruction ou désa- 
grégation, sans impliquer obligatoirement un carac- 
tère de cruauté, que, du reste, Çiva n'a pas dans les 
doctt*ines élevées des philosophes de sa secte (1); 
qu'il ne manque pas, dans le Rig- Vida lui même de 
divinités pourvues d'attributs et de fonctions tout 
aussi redoutables; et enfin que si Ton se plaît trop 
souvent à le représenter sordide et recouvert de 
cendres, c'est en qualité de protopype des fameux 
ascètes dont il est le patron et auxquels il emprunte 
aussi son caractère irascible et vindicatif. 

Que son origine soit aryenne ou dravidienne, le 
Çiva que nous connaissons s'est emparé de tous les 
attributs du terrible Roudra védique; comme lui, 
il est destructeur, comme lui, il est justicier, et les 
maux dont il accable les hommes sont les châtiments 
de leurs fautes, de leurs transgressions de la loi di- 
vine et humaine; comme lui enfin, il est le protec- 
teur attitré des troupeaux et préside à leur multipli- 
cation ; mais de plus il est guérisseur, possède et dis- 



(1) Voir le Siva potham et le Siva gnâna siddhiar d'Ara- 
nandi Sivàlchârya. 



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LE BRAHMANISME 177 

tribuedes remèdes aux maux qu'il a lui-même causés. 

Tantôt on le représente comme un Dieu violent 
et jaloux, peu sympathique en somme, toujours prêt 
à se quereller avec les autres Dieux, à tirer des ven- 
geances terribles des injures qu'il reçoit; telle, par 
exemple, la légende fréquemment citée de son inter- 
vention dans le sacrifice de Dakcha. Tantôt on nous 
le montre les cheveux nattés relevés en touffe (djata) 
au sommet de la tête, coiffure des ascètes, le corps 
couvert de cendres, assis, plongé dans une profonde 
méditation sur un pic de l'Himalaya ou du Kailâsa,et 
alors il est dangereux de le troubler dans ses austé- 
rités : pour avoir tenté pareille aventure, pour l'avoir, 
au profit de la belle Oumâ, fille de l'Himalaya (1), 
blessé d'une de ses flèches armées d'un bouton de 
lotus, Kàma, le dieu de l'amour, fut réduit en cen- 
dres par un regard de l'irascible ascète et ce n'est 
que longtemps après, grâce aux supplications 
d'Oumâ, qu'il obtint de revivre en la personne de 
Pradyoumna, le fils de Krichna et de Roukminî. 

Quand on le représente sous sa forme divine on 
donne ordinairement à Çiva quatre mains dans les- 
quelles il tient un tambour enroulé d'un serpent, 
un trident, un daim, un vase de feu, ou bien encore 
un arc, une massue terminée par une tête de mort, 
ou un serpent. Sur sa tête brille le croissant de la 
lune et dans les nattes flottantes de ses cheveux ap- 

(1) Ou du dieu de celle montagne, Himavat 



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178 LE BRAHMANISME 

parait la déesse Gaogâ (i), en souvenir du service 
signalé que Çiva rendit à la terre en recevant sur sa 
tète et en canalisant le long de ses tresses la rivière 
sacrée lorsqu'elle descendit du ciel pour aller dans 
les profondeurs du Patala laver les cendres des fils 
de Sagara. Des serpents entourent son cou et ses 
bras. Une peau de tigre ou d'éléphant lui sert de vê- 
tement, souvent orné de tètes de mort quand on 
donne à Çiva son rôle de destructeur. Parfois aussi 
il a cinq têtes, d*où son nom de Pantchamouka (2). 

Quand Çiva se manifeste dans le monde, il n'ap- 
paraît pas, comme Vichnou, sous forme d'Avatars, 
mais sous quelqu'un de ses aspects divins ; quelque- 
fois aussi sous un déguisement humain, comme 
lorsqu'il prit Tappareace d'un chasseur monta- 
gnard pour éprouver dans un combat singulier la 
vaillance et l'habileté d*Arjouna ; une fois, cepen- 
dant, il créa de son essence même un être effroya- 
ble (3) afin de venger Toffense que lui avait faite 
Dakcha, son beau-père, en refusant de l'inviter au 
sacrifice qu'il offrait à tous les autres Dieux, et la 
mort de sa femme Sâti qui se suicida de douleur de 
rinsulte faite par son père à son époux bien-aimé. 

Au moment où le sacrifice allait s'accomplir, Vîra- 
Bhadra apparut soudain dans l'enceinte consacrée 
sous l'aspect d'un guerrier gigantesque enflammé de 

(1) Le Gange. 

(2) Pancamukha « cinq visages ». 

(3) Vtra-Bhadra. 



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LE BRAHMANISME 179 

fureur, mit en fuite les Dieux et les brahmanes, dis- 
persa les offrandes, et enfin trancha la tête de 
Dakcha qui roula et fut consumée dans le feu du sa- 
crifice. C'est pourquoi, quand plus tard, dans sa 
miséricorde, Çiva rendit la vie a Dakcha, il dût 
remplacer sa tête par celle d'un bélier (1). 

Mais s'il n a point d'avatars, par contre Çiva pos- 
sède deux fils illustres, investis de fonctions mul- 
tiples, Ganéça et Skanda. 

Ganéça, qu'on nomme aussi Ganapati (2), Hé- 
ramba, Vinâyaka, Vighnéça et Yighnarâdja (3), est 
généralement désigné comme le Dieu de la sagesse, 
le destructeur des obstacles aux entreprises des 
hommes, ceux surtout qui obscurcissent l'intelli- 
gence, la personnification du succès et du bonheur 
terrestre parfait, et considéré comme essentielle- 
ment bienveillant et bienfaisant. Il a cependant 
aussi un côté démoniaque, car s'il écarte les obsta- 
cles au profit de ses adorateurs, il sait également les 
accumuler devant les pas de ceux qui le négligent. 
Aussi est il l'objet d'un culte général et très fervent 
(on l'invoque au commencement de toutes les céré- 
monies religieuses, sauf des sacrifices funéraires, au 



(1) Les images de Vlra-Bhadra sont presque toujours accom. 
pagaées de ceUe de Dakcha sous la forme d'un petit personnage 
à tête de bélier dans l'attitude d'un suppléant. 

(2) « Seigneur des Ganas )). Les Ganas (litt. hordes) sont 
d'innombrables génies, tantôt bienveillants et tantôt malfai- 
sants, qui constituent les armées de Çiva. 

(3) « Seigneur ou Roi des obstacles ». 



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180 LE BRAHMANISME 

moment d'entreprendre un voyage, un travail ou 
une affaire quelconque, et tout spécialement au dé- 
but de tous les livres sacrés ou profanes). S'il a peu 
de grands temples, ses sanctuaires sont inaombra- 
bles et son image se voit dans tous les villages, aux 
carrefours des routes et dans toutes les maisons, où 
il figure parmi les cinq Dieux protecteurs du foyer 
domestique (1). Chez les populations tamoules, il re- 
çoit le nom de Poléar et a la charge de la garde des 
portes des villes, fonction dans laquelle on lui donne 
souvent deux visages, comme à Janus. Il a deux 
épouses, les déesses Riddhi « prospérité » et Siddhi 
(( succès ». 

Quant à Skanda, engendré par Çiva et Prithivi 
pour combattre et tuer le démon Târaka, habituel- 
lement qualifié Dieu de la guerre il est le général 
en chef des Ganas, placé à ce qu'il semble sous les 
ordres de Ganéça, et combat à leur tète les démons 
ennemis des Dieux, et ceux qui prennent possession 
des hommes. On le nomme aussi fréquemment Kârt- 
tikéya parce que, dit-on, il eut pour nourrices les 
six étoiles de la constellation Krittika (2), (une lé- 
gende populaire explique même les six têtes de ce 
Dieu par son désir de satisfaire ses six nourrices), et 
sous ce nom il est, bien involontairement sans doute, 
l'un des patrons des voleurs. Sous celui de Koumâra 



(1) Pancayatana. Ces cinq Dieux sont Vichnou, Çiva, Sourya, 
Ganéça et Pârvatî. 

(2) Kniikâ. Les Pléiades. 



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LE BRAHMANISME 181 

enfin, il personnifie la beauté masculine, en raison 
de quoi les femmes l'invoquent pour avoir de beaux 
enfants. Moins universellement adoré que Ganéça, 
Skanda a cependant beaucoup de temples, surtout 
dans rinde méridionale où, sous le nom de Sou- 
brahmanya, il est le prolecteur attitré des brahma- 
nes. On le représente habituellement, en tant que 
Dieu de la guerre, avec six têtes et douze bras, et un 
paon lui sert de monture et d'emblème. 

En raison de cette conception essentiellement 
indienne que l'absence de passion, de désir et 
d'action constitue la qualité indispensable, la ca- 
ractéristique de la nature divine, chaque Dieu, 
nous l'avons vu, est toujours accompagné, ou 
plutôt complété par une Déesse, son épouse, qui 
personnifie sa puissance, sa force, son énergie ac 
tive et accomplit en son lieu et place, les fonctions 
que la mythologie lui assigne. Les Dieux, la plu- 
plart du temps, sont monogames: Brahmâ a pour 
épouse unique Sarasvatî, Indra Indranî, Vichnou 
Lakchm! ; et quand, par hasard, la tradition pour 
le besoin des mythes multiplie leurs compagnes, 
elle leur donne des concubines (ainsi Tchâyâ dans 
la légende de Sourya) ou bien leur prête des amours 
illégales avec des nymphes ou de simples mortelles. 
Tel n'est pas le cas avec Çiva, nettement polygame, 
à qui la mythologie pourànique attribue six épouses 
(Çaktl (( énergie ») sans compter les multiples incar- 

11 



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482 LB BRAHMANISME 

nations, manifestations et transformations de deux 
d'entrés elles, Kâli et Dourgâ, En réalité, toutefois, 
ces Déesses, qui ont reçu des noms et des formes 
divers ne sont que des transformations d'une seule 
et même personnification correspondant aux attri- 
buts caractéristiques de Çiva, en tant que créateur 
et destructeur, et se résument en une seule Çaktî, ap- 
pelée Dévi « la Déesse » . 

De même que Çiva est tantôt blanc et bienveillant, 
tantôt noir et terrible, de même ses Çaktîs sont les 
unes blanches et les autres noires. Les blanches, 
représentant les aspects bienfaisants de la nature fé- 
conde et nourricière, portent les noms de Prithivî, 
la déessede la terre, Partiatî « la montagneuse» autre 
personnification de la terre, Oumâ, fille de THimâ- 
layaqui se confond avecPârvatî, Gaotma la jaune» ; 
quant aux noires, personnifications des qualités re- 
doutables (le Çiva, elles sont représentées par Kâli, 
Dourgâ (i) et leurs nombreuses incarnations. Mal- 
gré leur aspect rébarbatif et la cruauté de leur ca- 
ractère, Kâlî et Dourgâ ne sont pas toujours les 
Déesses de destruction et de carnage que décrivent 
les légendes tantriques: invoquées avec dévotion 
et avec les sacrifices qu'elles réclament, elles pro- 
tègent au même titre et plus efficacement même que 
leurs contre-parties blanches et passent surtout pour 
dispenser à leurs fidèles des pouvoirs surnaturels, as- 

(I) Dupgâ. 



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LE BRAHMANISME 183 

surer leur prospérité et les mettre à même de triom- 
pher de leurs ennemis, aussi sont elles, Kâlî, sur- 
tout, beaucoup plus adorées que leurs coinpagaesi 
mais l'amour du carnage, Tapélit de chair et la soif 
du sang qu'on leur attribue donne un caractère par- 
ticulièrement cruel et sanguinaire aux sacrifices 
célébrés en leur faveur, car on croitque, faute d'être 
rassasiées de sang d'animaux, elles répandront celui 
des hommes, qu'elles préfèrent d'ailleurs à tout 
autre : on dit que le sang d*un tigre satisfait Kâlî 
pour cent années et celui d'un homme pour mille. 
Les Çaktîs de Çiva sont représentées, selon le rôle 
qu'elles remplissent, tantôt avec un visage beau et 
serein, tantôt avec une face effroyablement grima- 
çante ; elles ont de nombreux bras (de quatre à douze) 
et portent avec les attributs de Çiva (le tambour et 
le daim) des armes mombreuses dont elles se ser- 
vent dans leurs combats contre les démons rivaux 
des Dieux ; elles sont coiffées de la tiare royale, vê- 
tues de riches vêtements et parées de bijoux, rem- 
placés le plus souvent, pour Kâlî et Dourgâ, par des 
colliers et des ceintures des crânes humains et par 
des bracelets de serpents. 

Le panthéon hindouiste compte, en plus de ces di- 
vinités de nombreux Dieux et Déesses secondaires, 
patrons tutélaires des villes, des villages et des par 
ticuliers, spéciaux à chaque localité et par cela 
même défiant toute énumération. Quant aux génies 



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184 LE BRAHMANISME 

et aux démons, ce sont les mômes que nous avons 
trouvés dans la brahmanisme philosophique et dans 
les Védas, et ils jouent les mêmes rôles à cela près 
qu'ils interviennent peut-être plus volontiers dans 
les affaires des hommes dont ils causent tous les 
maux et les malheurs. 

Création, Cosmogonie. — Le caractère particulier 
de THindouisme et du Védânta, qui est en réalité sa 
base, étant la conception d'un Dieu suprême, es- 
sence et auteur de tout ce qui existe, nous ne trou- 
vons plus, dans ces systèmes, qu'un seul mythe de cré- 
ation, considérée comme Tœuvre personnelle d'un 
Dieu émanation de l'Ame universelle, très rappro- 
ché pour le fond et la forme de celui qu'expose Ma- 
non, et dont les récits divers ne présentent que dés 
variantes peu importantes de détail, telles que celles 
qui distinguent la légende des Vichnouites de celle 
des Çivaïtes, à condition de se souvenir que Vichnou 
et Çiva personnifient l'Ame universelle, chacun pour 
ses adorateurs respectifs. 

Selon la version vichnouite, Vichnou plongé dans 
un profond sommeil, reposait couché sur les replis 
du serpent Çésha, mollement bercé sur les flots de 
l'océan chaotique, alors que rien n'existait dans l'uni- 
vers qu'une matière confuse. S'éveillant, il fut pris 
du désir de créer et de son nombril il fit surgir un 
lotus d'où sortit Brahmâ, le démiurge. Celui-ci, sé- 
parant les éléments confondus, créa le ciel et la terre 



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LE BRAUMAN[SME 

qui reposent sur les eaux de l'océan primor 
las de sa solitude, — il était androgyne, - 
gea son corps en deux parties, l'une mâle 
femelle à laquelle il donna le nom de Sa 
ou de Çataroupâ(2), et s'accouplant avece 
dra successivement les Dévâs, les démon 
ks hommes et les animaux de toutes esp 
vant une autre tradition, Brahmâ n'a pai 
personnellement la race humaine, mais a 
cette œuvre ses dix fils, les Pradjdpatis (3) ; 
façon comme de Tautre, les hommes et les 
identiques de nature avec les Dieux, et e 
sorte fils de Vichnou, puisqu'ils sont nés d 
ou indirectement de son émanation, Bral 
Suivant de plus près la tradition de M; 
légende çivaïte nous donne une version ] 
différente. Çiva, substitué en tant qu'Ai 
selle au Brahma primitif, désireux de cré 
d'abord les eaux, puis dépose dans Içur s 
d'or (Hi^^anyagarbha) renfermant à l'état 
Brahmâ. Au bout d'un an, Brahmâ brise 
de l'œuf, en sort, faille ciel de la partie 
de cette coque et, de sa partie inférieure 
Puis, séparant son corps en deux parts, ( 
mâle il fait Virâdj et de la partie femelle 



(1) La riche en eaux, celle qui coule. 

(2) Gelii'. qui a cent formes. 

' (3) Prajàpali « seigneur des créatures », 
(4) Voir page 111. 



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186 LE BRAHMANISME 

qui seront les progéoiteurs des Dieux, des démons, 
des hommes et des animaux d'une manière à peu près 
indentique à celle rapportée par les récits vichnouiles. 

Comme on le voit, la nuance est légère qui sépare 
les récits viclinouites et çivaïtes, et pourtant de cette 
différence, négligeable à première vue, découle une 
conséquence considérable qui séparera à tout ja- 
mais la conception philosopliique de ces deux sectes 
sur la question de Tunité (advaita) ou de la dualité 
(dvaita) de la nature de l'homme (ou du moins de son 
âme) et de celle du Dieu suprême, Ame universelle. 
En effet, fils de Vichnou (ou ce qui revient au môme 
d'une émanation de ce Dieu) les hommes et les êtres 
sont identiques de nature avec les Dieux et avec 
l'Ame universelle; tandis que, nés d'une créature de 
Çiva, les Dieux, les hommes et les êtres sont d'une 
nature distincte de celle de TAme universelle. La 
conséquence importante de cette distinction est 
que, pour les Vichnouistes, le salut final ou Mokcha 
consistera dans l'absorption dans l'Ame universelle, 
et que, chez les Çivaïtes, ce sera simplement l'union 
avec celte âme, c'est-à-dire avec Çiva. 

Le système cosmogonique de l'Hindouisme est 
également identique à celui de la phase religieuse 
précédente. Nous y trouvons en effet la mention des 
trois mondes, ciel, atmosphère et terre qui consti- 
tuent Tensemble de l'univers, et, de même aussi, la 
division du monde terrestre en sept continents dis- 
posés concentriquement autour du mont Mérou, 



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„^ 



LE BRAHMANISME 187 

centre de l'univers, soutien du ciel, résidence des 
Dieux inférieurs. Peut-être la seule variante est- elle 
celle du Bhâgavata-pourâna qui attribue la division 
de la terre en sept continents à la tentative insensée 
du roi Priyavarla qui avait entrepris de suppléer, 
pendant la nuit, le soleil, afin que le monde fut cons- 
tammenl délivré des ténèbres: les mers qui s*épa- 
rent les sept continents sont les ornières creusées 
par les roues du char de Priyavarta. La même iden- 
tité existe pour la composition et la durée des épo 
ques d'existence et de dissolution du monde, ainsi 
que pour la division du temps en Kalpas, Yougas, 
Manvantaras, années divines et humaines, saisons, 
mois, jours et heures. Les Indiens emploient cinq 
sortes d'années terrestres : année lunaire de trois 
cent cinquante-quatre jours, année solaire de trois 
cent soixante-cinq jours, année Sâvana de trois 
cent soixante jours, année Sidérale de trois cent 
vingt-quatre jours, année de Jupiter de trois cent 
soixante et un jours . Les années de Sâvana, Sidérale 
et dé Jupiter ne sont employées que par les astrono- 
mes et les astrologues ; Tannée solaire, d'adoption 
assez récente, est encore peu usitée et c'est Tannée lu- 
naire qui, aujourd'hui encore, sertexclusivement aux 
usages religieux publics et privés. Elle se compose 
de douze mois de trente jours, divisés chacun en 
deux quinzaines : quinzaine claire ou brillante, de la 
nouvelle à la pleine lune, quinzaine noire ou obs- 
cure de la pleine lune à la nouvelle. Pour la faire 



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i88 LE fiRAHMANISME 

concorder avec Tannée solaire, on ajoute tous les 
trois ans un mois intercalaire de trente jours ; sur 
trois années il y en a donc une de treize mois. 

Les jours de Tannée solaire sont censés corres- 
pondre à un degré. Ils se divisent en soixante gr/ia^t- 
A:45 ou heures de vingt-quatre de nos minutes; la 
ghatikâ, à son tour, se subdivise en soivante Palas 
ou Kalas et le Pala en soixante Vipalas. Pour les com- 
putations religieuses et astrologiques on se sert 
comme unité, d'une mesure de temps appelée Mou^ 
hoûrta qui correspond à deux ghatikâs, soit par con- 
séquent quarante huit minutes. 

Les vingt-neuf et demie divisions du mois lunaire 
ne sont pas à proprement parler des, jours : on les 
nomme Tithis. Une Tithi est le temps dans lequel la 
lune, s'éloignant du soleil, parcourt douze degrés 
de son orbite ; ces jours sont par conséquent varia- 
bles, — la rapidité de la course apparente de la lune 
augmentant ou diminuant, selon que, dans son mou- 
vement elliptique, elle s'approche ou s'éloigne de 
la terre, — et peuvent avoir une durée maximum 
de soixante-cinq ghatikâs (26 heures) et mininum 
de cinquante-deux ghatikâs (21 heures). Certaines 
Tithis renferment donc deux levers de soleil, tandis 
que d'autres n'en ont point. Ces dernières sont con- 
sidérées comme particulièrement néfastes et impro- 
pres à la célébration des cérémonies religieuses, 
môme des Çrâddhas,(ou sacrifices funéraires devant 
s'accomplir à date fixe, que l'on avance ou recule dans 



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LE BRAHMANISME 189 

ce cas, d'un jour), à Texceplion cependant des sacri- 
fices quotidiennement obligatoires. 

Culte, — Dans les cérémonies publiques, ou poiid- 
jâs (1) célébrées en l'honneur des divers Dieux et 
Déesses, aux jours consacrés à chacun d'eux, le culte 
est toujours réglé sur les antiques prescriptions du 
rituel védique, au moins quant au fond, c'est-à-dire 
qu'il consiste essentiellement en un holocauste d'of- 
frandes dans un feu sacré allumé ou avivé suivant 
les rites traditionnels, avec accompagnement des 
mômes prières, invocations et hymnes des Védas, 
dans le môme ordre et dans les mômes phases céré- 
monielies que prescrivent les Brâhmanas : on y 
ajouté seulement certaines invocations et certains 
hymnes de louanges spécialement consacrés au Dieu 
ou à la Déesse à qui s'adresse le sacrifice. Dans les 
détails, toutefois, les différences existent nombreu- 
ses, autant du moins que nous pouvons en juger par 
les descriptions de solennités religieuses que nous 
rencontrons dans les livres de liturgie et dans la lit- 
térature semi-profane, teîle que le Mahâbhârata et 
leRâmâyaua. 

Eq ce qui concerne le sacrifice en lui-môme, nous 
devons constater tout d'abord qu'il se célèbre habi- 
tuellement (2) dans Tanceintedes temples, au lieu de 

(1) Pujâ. 

(2) Les pujâs solenneUes, en l'honneur de Kâli et de Durgâ 
principatement, qui attirent des grandes foules d'assistants, se 

H. 



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190 Li: BRAHMANISME 

s'accomplir en plein champ sur une aire choisie, dé- 
limitée et consacrée chaque lois, ainsi qu'il semble 
que cela se passait à l'époque du védisme et du brah- 
manisme primitif, peut-être parce qu'alors il n'exis- 
tait point encore de temples (1). Une autre modifi- 
cation, et celle-là des plus importantes comme rup- 
ture avec l'antique tradition védique, est la suppres- 
sions des libations de soma (la plante qui le produi- 
sait est aujourd'hui inconnue des brahmanes) rem- 
placé exclusivement par le ghi, ou beurre fondu et 
clarifié, pour l'alimentation du feu sacré. 11 ne faut 
pas oublier, non plus, la distinction capitale que 
font entre les offrandes les cultes spéciaux vichnoui- 
tes et çivaïtes. Tandis que le rituel des Védas et des 
Brâhmanas spécifie desoblations d'animaux concur- 
remment avec celles de grains, de fruits et d'herbes 
sacrées, les sectes vichnouiles n'admettent pas que le 
saugcoulesurles autels de Vichnou, de Lakchmî,de 
Râina, de Krichna et des autres divinités de leur 
groupe: l'herbe de Kouça, les feuilles de tulasî et 
d'açoka, le riz, les graines oléagineuses, les gâ- 
teaux préparés de fine fleur de farine et de sucre 



célèbrent parfois sur la place publique, devant une grossière 
image d'argile de la Déesse, que l'on précipite ensuite dans une 
rivière à l'issue de la cérémonie. 

(!, l\ est à remarquer, en effet, qu'on ne connaît aucun édi- 
fice religieux antérieur au 2« siècle avant notre ère, bien que, 
cependant, les livres brahmaniques et bouddhiques traitant de 
l'époque précédente fassent souvent mention de temples et d'i- 
mages divines. 



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-^l^?»^^opl 



LE BRAHMANISME 191 

OU de miel, Teau pure du Gange ou de quelque autre 
rivière sacrée, sont les seules offrandes dignes de ces 
Dieux compatissants et bienveillants ; par contre, 
c'est avec des hécatombes de victimes de toutes sor- 
tes, môme humaines, dit-on, et des libations de li- 
queurs spiritueuses que les Çivaïtes honorent Çiva, le 
Dieu redoutable, et surtout ses Çaktis. Le culte de 
ces dernières dégénère même en de véritables orgies 
indescriptibles, où, au mépris des usages végétariens 
et de la tempérance habituelle aux Indiens, les assis- 
tants se gorgent de viandes, de poisson et de li- 
queurs fermentées en l'honneur de la Déesse dont ils 
célèbrent le culte. 

Les grandes fêtes solennelles, — dont les princi- 
pales sont celles de Çiva, le troisième jour de la nou- 
velle lune de Vaiçakha (avril-mai), de Krichna Dja- 
gannâtha, à la pleine lune de Djyéchtha (mai-juin) (1) 
et le deuxième jour de la nouvelle lune d'Achâdha 
(juin-juillet), delà Dola-Yâtrà (2) (autre fêle de Kri- 
chna et de Râdhâ) à la pleine lune de Çrâvana (juil- 
let-août), de Çiva et de Pârvatî, le septième jour de 
la nouvelle lune de Bhâdrapada, de Kâlî, le premier 



(1) Cette fêle se confond souvent avec la félo du printemps, 
appelée Holi. Elle est l'occasion de réjouissances populaires, 
rappelant un peu les confttti, pendant lesquelles les assistants 
se bombardent de poignées de poudre rouge, et quelquefois 
s'aspergent d'eau parfumée. 

(2) « Fête de la balançoire». Ainsi nommée parce qu'on ba- 
lance les images de Krichna et do Râdhâ sur une escarpolète 
richement ornée. 



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jfî^-^. 



192 



LE BRAHMANISME 



jour de la nouvelle lune crAçvina (septembre-octo- 
bre), de Dourgâ, Iç septième jour de Mârgaçîrcha 
(Qovernbre décembre), — durent souvent plusieurs 
jours et plusieurs nuits ; la fête de Krichna, dans le 
mois d'Achâdiia, notamment, se prolonge pendant 
huit journées, et celle de Kâlî, du mois d'Açvina, 
pendant neuf fois vingt-quatre heures. On compte 
par centaines, et môme quelquefois par milliers, les 
victimes (buffles, moulons et boucs) qui sont immo- 
lées aux sacrifices de Kâli et de Dourgâ. Eu général, 
ces fêtes comportent des processions diurnes et noc- 
turnes où les images divines sont promenées sur des 
chars monumentaux traînés par les fidèles, ou sur 
des pavois, avec accompagnement de musique, de 
chants et de danses qui revêtent presque toujours 
un caractère licencieux. Il esta peine besoin de rap- 
peler, croyons-nous, — tant le fait est connu, — que 
chaque sortie du char de Krichna Djagannâtha est 
marquée par le suicide de nombreux dévots qui se 
précipitent sous les roues du véhicule sacré dans 
l'espoir de parvenir d'emblée au paradis de Goloka, 
demeure bienheureuse de Krichna, où les fidèles de 
ce Dieu., délivrés désormais de l'obligation de re- 
naître sur la terre, jouissent dans une béatitude par- 
faite de réternelle présence de l'objet de leur adora- 
tion, suivant leurs mérites, dans Tun des trois états 
de Sâlokya « habitation dans le même lieu », Sa- 
mipya a proche voisinage », et Sâroûpya « ressem- 
blance ». 



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LE BRAHMANISME 193 

Mais ces ftUes, qu'accompagnent presque toujours 
des réjouissances populaires et des foires très acha- 
landées, ne sont que des cérémonies occasionnelles, 
indépendantes de celles qui se célèbrent quolidien- 
nement dans les temples. Chaque matin, au lever 
du soleil, lesdesservanls des sanctuaires, après avoir 
procédé à leurs ablutions et purifications rituelles, 
viennent dévotement adorer le Dieu auquel le temple 
est dédié, lavent son image avec de l'eau consacrée 
et du lait, Toignent de parfums, la parent de riches 
vêtements et de bijoux précieux, puis lui font les 
offrandes réglementaires de lumières, d'encens, de 
fleurs, de feuilles de tulasi et d'açoka (pour les divi- 
nités du groupe de Vichnou) ou de vilva (pour Çiva 
et ses Çaktis), de graines diverses, de riz, de gâ- 
teaux, de lait doux et caillé, etc., offrandes qu'ils ré 
pètent aux heures habituelles des repas, c'est à-dire 
à midi et au coucher du soleil. Au moment de la 
sieste, ils viennent respectueusement coucher le 
Dieu, qu'ils réveillent de nouveau vers 4 heures, 
pour enfin le faire reposer définitivement au cou- 
cher du soleil. Souvent aussi les dévots laïques vien- 
nent asperger l'image divine d'eau sainte et de par- 
fums, acte considéré comme éminemment méritoire, 
et faire en leur nom personnel, les offrandes rituelles ; 
mais ils ne prient guère dans les temples, qu'ils vi- 
sitent cependant assez régulièrement chaque jour. 

Outre ce culte extérieur et public, tout Hindou de 
caste est tenu de célébrer chaque jour les cérémonies 



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194 LIi BRAHMANISME 

domestiques des trois Sandhyâs du matin, de midi 
et du soir, et de coûsacrer plusieurs lieures de la 
jourflée à la lecture des Védas, s'il est brahmane, 
des Pourânas, s'il appartient à l'une des trois autres 
castes. Ces obligations, toutefois, paraissent être gé- 
néralement négligées, môme peut-être par les 
brahmanes qui ne sont pas spécialement voués au 
sacerdoce. Il est, cependant, une partie de ce rituel 
qui paraît être assez scrupuleusement observée par 
toutes les classes de la société, celle relative au culte 
des cinq divinités protectrices du foyer domestique 
(Pantchâyatana), Vichnou, Çiva, Sourya, Pârvatî et 
Ganéça, représentées soit par de petites figures d'ar- 
gent, de bronze, de pierre, de terre cuite ou de bois, 
soit sous la forme des pierres sacrées qui passent 
non seulement pour symboliser, mais même pour 
renfermer véritablement chacun de ces dieux: le 
Çâlagrâma (i) représentant Vichnou, le Vdna ou 
Hâna-linga (2) symbolisant Çiva, une pierre métalli- 
que figurant Pârvati, une pierre rouge pour Ganéça 
et un morceau de cristal pour Sourya. Figurine ou 
caillou, chacun de ces Dieux tour à tour (en com- 
mençant naturellement par le Dieu principal de la 
secte à laquelle appartient Tadorateur), placé sur 
une sorte de patère percée de trous, reçoit une ablu- 
tion ou bain d'eau consacrée (l'eau du Gange est la 

(1) Pierre noire poreuse, renfermant des ammonites, qui se 
récolle dans le Gange, la Bhagtrati et la Gandakt. 
(2 Quartz blanc très dense el opaque. 



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LE BUAHMÂNISME 195 

plus efficace), puis une offrande de parfums, de riz 
ou des mets préparés pour la famille, et finalement 
on leur fait une libation et une offrande communes. 
Les autres Dieux, les héros, fils de Ci va ou incar- 
nations de Vichnou, les génies reçoivent également 
un culte public, mais moins solennel, dans leurs 
temples ou bien dans ceux où leurs images accom- 
pagnent celle de Vichnou, deÇiva oudesÇaktisde ce 
dernier, et un culte domestique dans les maisons où 
on les a choisis comme patrons tutélaires. L'un de 
ces dieux secondaires dont le culte est le plus ré- 
pandu, est Hanoumân, le dieu-singe, fîls du vent, 
compagnon d'armes de Râma dans son expédition 
contre les Râkchasas de Ceylan, que beaucoup de 
villages prennent pour divinité lotélaire. Certains 
animaux, les singes (peut-être en souvenir d'Hanou- 
mân), les serpents, les vaches, etc., des arbres et des 
arbustes tels que le pipâl (ficus religiosa), Taçvatha 
(ficus indica), Tœgle marmelos, l'açoka, la tulâsi, le 
vilva, sont également l'objet d'un culte assez fré- 
quent soit pour eux-mêmes, soit comme syniboles 
et remplaçants des divinités à qui ils sont spéciale- 
ment consacrés. N'oublions pas, de plus, qu'au jour 
de sa fête patronale, chaque corps de métier ou pro- 
fession rend un culte de vénération accompagné 
d'offrandes aux instruments dont il se sert : le sa- 
vant adore ses livres, le scribe son encrier, le soldat 
ses armes, l'ouvrier ses outils, le tisserand son mé- 
• tier et sa navette, le laboureur sa charrue et les 



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196 LE BRAHMANISME 

bœufs qui la mènent, la femme ses aiguilles, etc. 

En général, les femmes assistent aux cérémonies 
religieuses publiques et privées, mais sans y pren- 
dre aucune part active ; on leur concède cependant 
le droit d'adorer, si elles sont vichnouites, la lulasi 
et Taçoka; si elles sont çivaïtes, le vilva, arbustes 
qu'elles cultivent avec un soin dévot dans la cour 
intérieure ou le jardin de leur maison. 

Actuellement, autant et peut-être plus encore que 
dans les anciens temps, les Hindous, ceux des bas- 
ses classes principalement, redoutent d'une terreur 
superstitieuse les démons de toutes catégories, les 
vampires, les revenants, auxquels ils attribuent les 
maladies, les accidents, les calamités et en général 
tous les maux dont eux et leurs bestiaux peuvent 
être atteints ; mais cependant ils ne leur rendent 
point de culte à proprement parler. On ne rencon- 
tre dans rinde aucun temple ou sanctuaire dédié 
aux démons ; mais seulement, parfois, en dehors 
des villages un tas de pierres ou de briques en forme 
de pyramide et peint de raies blanches érigé au 
pied d'un arbre. On n'adore pas les démons, on ne 
les prie pas, mais on leur adresse des incantations 
d'exorcisme accompagnées, en vue de les apaiser, 
d'offrandes de riz et de fruits et quelquefois du sa- 
crifice d'une poule ou d'un bouc dont on répand le 
sang sur la pjTamide. Quand quelque désastre ou 
épidémie désole la contrée ces offrandes sont accom- 
pagnées de danses avec gestes violents, de cris sau- 



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LE BRAHMANISME 197 

vages, de sonneries de cloches, de musique bruyante, 
destinés à mettre en fuite les persécuteurs redoutés, 
Ces sortes de cérémonies s'accomplissent toujours 
pendant la nuit et les étrangers en sont soigneuse- 
ment tenus à l'écart. 

Ainsi que nous l'avons vu dans le chapitre du 
Brahmanisme proprement dit, la religion enserre 
l'Hindou dans une succession de douze cérémonies 
ou sacrements qui le suivent du moment de sa con- 
ception jusqu'à sa mort. Ces sacrements existent 
toujours, nominalement au moins, en vertu d'une 
tradition que l'on se plaît à tenir pour divinement 
intangible, mais il paraît qu'ils sont habituellement 
négligés pour la plupart, sauf dans les familles 
brahmaniques, à l'exception de l'Initiation, du Ma- 
riage et des Çrâddhas funéraires. Us sont du reste 
restés conformes au rituel codifié par Manou. 
Nous pouvons cependant relever quelques différen- 
ces apportées dans leur observation par les modifi- 
cations de la vie sociale. 

Dans l'ancienne société brahmanique, l'initiation 
des jeunes Indiens ne s'accomplissait généralement 
qu'entre huit et douze ans et immédiatement après 
l'initié (1) était confié à un précepteur religieux 
(Gourou) pendant au moins une douzaine d'années. 
Ses éludes terminées, il célébrait la cérémonie du 
(( Retour à la maison » et se mariait aussitôt après. 

(!) Brahmacari. 



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198 LE BRAHMANISME 

La coutume des mariages prématurés (usage contre 
lequel protestent actuellement presque tous les In- 
diens éclairés et qui d'ailleurs tend à disparaître) a 
changé tout cela. Dès qu'un jeune garçon a atteint 
l'âge de quatre ou cinq ans, son père lui cherche 
une future femme parmi les familles de sa caste et 
de sa condition et aussitôt qu'il a Crouvé la fillette 
de deux ou trois ans qui répond à ses vues, on célè- 
bre les fiançailles (vâg-dâna) préliminaires indes- 
tructibles du mariage. Le jeune garçon reçoit l'ini- 
tiation eiitre 6 et 10 ans ; aussitôt après on procède 
à un simulacre de la cérémonie du retour à la mai- 
son, immédiatement suivie de la consécration du 
mariage suivant les anciens rites traditionnels. En- 
fin, quand il a terminé ses études — réduites à cinq 
ou six ans, sauf en ce qui concerne les brahmanes 
destinés au sacerdoce — et souvent môme avant, a 
lieu la troisième phase du mariage, c'est-à-dire la 
consommation de l'union pour laquelle le senti- 
ment d'aucun des deux époux n'a été consulté. 

Quant aux cérémonies funéraires, elles sont res- 
tées à peu près identiques à ce qu'elles étaient au- 
trefois, à celte seule différence près que la croyance 
superstitieuse en l'efficacité salvatrice des rivières 
sacrées fait considérer comme une cause certaine de 
salut et un bonheur inappréciable de mourir sur 
leurs bords et d'avoir leurs eaux pour sépulcre. 
Aussi n'est-il pas rare de voir les dévots suffisam- 
ment riches, apporter à grands frais, leurs parents 



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LE BRAHMANISME 199 

moribonds sur les rives du Gange afin de pouvoir y 
précipiter leurs cendres ou môme leurs cadavres. 
Ceux qui sont trop éloignés pour pouvoir accomplir 
le funèbre voyage, s'efforcent au moins de se pro- 
curer de Teau du Gange pour arroser les cendres de 
leurs morts et leur assurer ainsi l'entrée des para- 
dié de Vichnou ou de Çiva ou, tout au moins, une 
heureuse renaissance. 

Le trait le plus caractéristique de la religion et 
du culte hindouisles est certainement la doctrine de 
la Bhakti, c'est-à dire de la foi et de la dévotion in- 
tense et aveugle en un Dieu suprême, Vichnou ou 
Çiva, et la croyance que cette dévotion, plus puis- 
sante que les bonnes œuvres, les pénitences et les 
austérités, suffit à assurer le salut môme du pécheur 
le plus endurci : les Pourânas et les Tantras citent 
de nombreux exemples de criminels sauvés de l'en- 
fer pour avoir prononcé seulement au moment de 
leur mort, et môme inconsciemment ou dans un 
blasphème, l'un des mille huit noms sacrés de Vicli 
nou ou de Çiva. 

Celte dévotion, bien que répandue dans les deux 
sectes des vichnouites et des çivaïles, est surtout in- 
tense chez les vichnouiles où elle paraît, du reste, 
avoir pris naissance. Elle a pris son complet déve- 
loppement vers le huitième siècle de notre ère avec 
Tillustre Çankarâtchàrya (1) et la pléiade des philo- 

(1) ÇaDkarâcàrya . 



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200 LE BRAHMANISME 

phes religieux de son école, les véritables fondateurs 
THindouisme actuel ; mais elleest cependantbeau- 
up plus ancienne caron peut faire remonter son ori- 
ae, ou plutôt son exposition à la Bhagavad-Gitâ (1), 
Ki'ichua révélant sa nature divine et la doctrine 
salut à Ardjouna, ^'exprime en ces termes : 
(( Les hommes qui suivent mes commandements 
ec foi, sans murmure, sont eux aussi, dégagés du 
5n des œuvres (2). » 

« Celui qui connaît selon la vérité ma naissance et 
on œuvre divine, quittant son corps ne retourne pas 
une naissance nouvelle ; il vient à moi, Ardjouna. 
(( Dégagés du désir, de la crainte, de la passion, 
venus mes dévots et mes croyants, beaucoup 
bommes, purifiés par les austérités de la science, 
sont unis à ma substance. 

i( Car selon que les hommes s'inclinent devant 
oi, de même aussi je les honore (3). 
(( Mais pour ceux dans l'âme desquels la science a 
truit l'ignorance, la science, comme un soleil, 
umine en eux l'idée de cet Etre suprême. 
<i Pensant à lui, partageant son essence, séjour- 
int en lui, tout entiers à lui, ils marchent par une 
ute d'où l'on ne revient pas, délivrés parla science 
i leurs péchés. 



1) Célèbre ôpisoJe mystique intercalé dans le Mabâbhàrata, 
PS le 1*' ou le 2* siècle de notre ère. 

2) Eug. BuPNOUF : La Bhagavad-GUâ^ p. 51. 

3) ibid., p. 57. 



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LE BRAHMANISME 201 

« Ici-bas, ceux-là ont vaincu la nature, dont Tes- 
prit se lient ferme dans Tidentilé; car l'Identique 
dieu est sans péché ; c'est pourquoi ils demeurent 
fermes en Dieu. 

« Un tel homme ne se réjouit pas d'un accident 
agréable, il ne s'altriste pas d'un accident fâcheux. 
La pensée ferme, inébranlable, songeant à Dieu, fixé 
en Dieu, 

« Libre des contacts extérieurs, il trouve en lui- 
môme sa félicité, et ainsi, celui que l'Union mystique 
unit à Dieu, jouit d'une béatitude inépuisable (1) ». 

(( Quand on a banni les afiections nées des con- 
tacts, dirigé sa pensée et sa raison exclusivement 
vers la délivrance ; lorsque le désir, la crainte, la pas- 
sion étant bannis, parvenu vraiment à la délivrance, 

« On comprend que je perçois les sacrifices et les 
austérités, que je suis le grand Souverain des mon- 
des et l'Ami de tous les vivants, alors on obtient la 
béatitude (2) ». 

(( Celui qui me voit partout et qui voit tout en moi 
ne peut plus me perdre ni être perdu pour moi, 

« Celui qui adore mon essence résidant en tous les 
êtres vivants et qui demeure ferme dans le spectacle 
de l'Unité en quelque situation qu'il se trouve est tou- 
jours en moi (3) ». 

(( La terre, l'eau, le feu, le vent, l'air, l'esprit, la 

(1) Ibid., p. 75. 

(2) Ibid.. p. 77. 

(3) Ibid., d. 87. 



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LE BRAHMANISME 

îon et le moi, telle est raa nature divisée en huit 
fnents : 

C'est l'inférieure. Connais~en maintenant une 
re qui est ma nature supérieure, principe de vie 

soutient les mondes. 

C'est dans mon sein que résident tous les êtres 
anls; comprends-le; car la production et la dis- 
ition de l'univers, c'est moi-même. 

Au-dessus de moi, il n'y a rien, à moi est sus- 
idu l'univers comme une rangée de perles à un 

Je suis dans les eaux la saveur, fils de Kountî ; 
uis la lumière dans la lune et le soleil ; la louange 
is tous les Védas ; le son dans l'air, la force mas- 
ine chez les hommes. 

Le parfum pur dans la terre ; dans le feu la 
endeur, la vie dans tous les êtres ; la continence 
is les ascètes. 

Sache, fils de Prithâ que je suis la semence iné- 
sable de tous les vivants; la science des sages, le 
irage des vaillants. 

La vertu des forts exempte de passion et de 
lir ; je suis dans les êtres animés, l'attrait que la 
tice autorise. 

( Je suis la source des propriétés qui naissent de 
/érité, de la passion et de l'obscurité ; mais je ne 
s pas en elles, elles sont en moi (1) ». 

I) Ibid,, p. 95. 



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LE BRAHMANISME 203 

(( Je suis le père de ce monde, sa mère, son 
épouse, son aïeul. Je suis la doctrine, la purification, 
le mot mystique, le Rig, le Sâma et le Yadjour. 

(( Je suis la voie, le soutien, le Seigneur, le témoin, 
la demeure, le refuge, Tami. Je suis la naissance et 
la destruction ; la halte; le trésor; la semence im- 
mortelle. 

(( C'est moi qui échauffe, qui retiens et laisse tom- 
ber la pluie. Je suis l'immortalité et la mort, l'être 
et le non-être, Ardjouna (1) ». 

« Ainsi donc ce que tu fais, ce que tu manges, ce 
que tu sacrifies, ce que tu donnes, ce que tu t'infli- 
ges, ô fils de Kountî, fais m'en l'offrande (2) ». 

« L'homme même le plus coupable, s'il vient à 
m'adorer et à tourner vers moi seul tout son culte, 
doit être cru bon ; car il a pris le bon parti. 

« Bientôt il devient juste et marche vers l'éternel 
repos. Fils de Kountî, confesse le, celui qui m'adore 
ne périt pas (3) ». 

(( Cette forme si difficile à apercevoir et que tu 
viens de contempler, les dieux mêmes désirent sans 
cesse la voir. 

« Mais ni les Védas, ni les austérités, ni les larges- 
ses, ni les sacrifices ne peuvent me faire apparaître 
tel que tu m*as vu. 

(( C'est par une adoration exclusive, Ardjouna, 

(l)/6îrf.,p. 119. 
{2)lbid.,p. 12i. 
(3)/6td.,p.l23 



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LK BUAUMANISME 

j Ton peut me connaître sous cette forme, et me 
r dans ma réalité et pénétrer en moi ( i ) ». 

Pense à moi ; sers-moi ; ofire-moi le sacrifice et 
loration : par là, lu viendras à moi ; ma promesse 
véridiqne et tu m*es cher. 

Renonce à tout autre culte ; que je sois ton 
que refuge ; je te délivrerai de tous les péchés; 
pleure pas (2) ». 

elle est donc, sans doute, l'origine première, le 
ni de départ de cette dévotion intense jusqu'à 
agération qui aurait pu être un merveilleux ius- 
menl pour le développement et l'élévation de la 
gion ; mais qui, par son extravagance, n'a 
uti qu'au fanatisme et au quiélisme le plus dan- 
eux. 

es Sectes. — D'après tout ce que nous venons de 
B, il est inutile d'insister, croyons- nous, sur Ter- 
r capitale que Ton commettrait en considérant 
brahmanisme à n'importe quelle période de son 
eloppement, voir même une quelconque de ses 
ises, comme un tout comparable aux religions 
ideniales passées et présentes, avec un dogme, 
) doctrine et un culte nettement arrêtés, întangi- 
^. Dans l'Inde, rien de semblable ; point de dogme 
verseilement accepté, sauf celui de la métemp- 



I Ibid,, p. 157. 
i6irf.,p. 119. 



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LE BRAHMANISME 

sycose ou transmigration, plus philosophiqu 
religieux, et celui des castes, institution essen 
ment sociale, placée simplement sous la sancl 
la protection de la religion. Si les Védas et les 
manas ont constitué jadis et restent encore ai 
d*hui la base nominalement fondamentale 
croyance religieuse, le vague des hymnes deî 
miers et les contradictions des légendes des sec 
n'ont pu donner une forme absolument précis 
la mythologie, ni à la doctrine. Dès le début, 
l'avons vu, elles ont été livrées aux spécul 
hardies des philosophes et interprétées au g 
leur raisonnement ou de leur imagination, i 
subi certainement l'influence des superstitioi 
pulaires et l'invasion des croyances des 
indigènes anâryennes, bien qu-e ces iutn 
échappent à nos connaissances actuelles. D( 
temps on a pu voir des sages, des ascètes expc 
prêcher des doctrines panthéistes, mystiqi 
même athées, sans pour cela être rejetés du se 
la communauté brahmanique, s'entourer de 
pies plus ou moins nombreux suivant leur tah 
leur réputation et créer des sectes, dont certai 
tels le Djainisme et le Boudhisme — sont deven 
véritables religions distinctes, tandis que d*; 
végétaient péniblement ou même disparaissaie 
mort de leur fondateur ou de ses disciples i 
diats. On ne doit donc pas s'étonner de voir 
douisme s'éparpiller en d'innombrables sec 



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206 LE BRAHMANISME 

-sectes séparées souvent par d'insignifiantes 
actions d'interprétation de doctrines ou de pra- 
s cultuelles. 

réalité, la société Hindoue actuelle se partage 
ois grandes sectes ou groupes principaux dé- 
nés Smartas, Vichnouites (1) et Çivaïtes (2), 
ivisés chacun en plusieurs sous-sectes dont cer- 
s n'ont plus rien de brahmanique que le nom. 
s Smartas (3) représentent à strictement parler, 
ligion orthodoxe, car ils suivent ou prétendent 
e scrupuleusement les Védas au point de vue 

doctrine aussi bien que du culte. Panthéistes, 
rofessent l'antique croyance brahmanique à 
itité absolue de l'âme ou de Tesprit humain 

l'esprit suprême, Paramâtman ou Brahma, 
e universelle qui anime l'univers entier, entité 
:aite infinie, éternelle, impersonnelle, invisible 
igible que Ton ne peut comprendre et connaître 
3ar la méditation parfaite qui met le dévot en 
ûunion intime avec cet Etre suprême, source et 

de toute science et de toutes aspirations. Néan- 
s, ils admettent la trinité hindoue (Trimourti), 

en considérant les trois Dieux qui la compo- 
et la foule des divinités inférieures comme de 
les manifestations de TEsprit suprême sous des 
es plus ou moins accessibles aux sens des hom- 

/ai^nava. 

^aiva. 

)e Smrli « tradition ». 



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-w^^m^W^' 



LE BRAHMANISME 207 

mes, et par là même plus à la portée des intelligences 
vulgaires, et comme devant se réabsorber dans cet 
Esprit au moment de la dissolution de Tuoivers. 

Les Smartas, qui attribuent leur organisation ac- 
tuelle à l'illustre Çankarâtch^rya (1), se divisent 
eux-mêmes, selon le Véda à Tétude duquel ils se^ 
sont consacrés, en trois écoles dites de& Rig-Védis, 
Sâma-Védis et Yadjour-Védis (ces derniers séparés 
en deux groupes, sectateurs du Yadjour blanc ou du 
Yadjour noir). Au point de vue des pratiques cul- 
tuelles, ils forment également trois groupes dis- 
tincts ; les Agnihotrîs, sectateurs d'Agni, qui entre- 
tiennent les cinq feux sacrés ; les Yadjnikas qui 
célèbrent le Yadjna ou sacrifice d'holocauste suivant 
les préceptes rituels et liturgiques des Brâhmanas ; 
les Vaidikas voués à l'élude et à l'enseignement des 
Védas. 

Les Vichnouites^ surtout nombreux au Bengale et 
dans les provinces centrales de l'Inde, constituent 
sensiblement la majorité de la religion hindoue. 
Ainsi que leur nom l'indique, ils adressent leur 
culte principal au dieu Vichnou, non seulement en 
qualité de Soutien ou de Protecteur de l'Univers, 
mais comme véritablement identique à l'Ame uni- 
verselle, tout en lui donnant une personnalité propre, 
et parla leur panthéisme se rapproche sensiblement 

(1) Çankarâcârya, le grand promoteur de rHindoulsme et 
l'adversaire infatigable du Bouddhisme, vécut vers la fin du 
VU' ou le commencement du VIII' siècle de notre ère. 



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du ra( 
ses in 
remai 
jouiss 
ratioi 

— sar 
un rai 

— et 
paraiî 
spécii 

Les 
relati 
l'Ame 
de Te 
par c 
salut 
unive 
tioQ l 
mi no; 
fidèle 
pas ai 
kouni 
résid( 
teint 
tude 



(3; S 
(4) S 



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LE BRAHMANISME 209 

ils se sont consacrés, d'être près de sa personne (1) ou 
enfin d'acquérir sa ressemblance (2), récompenses 
que Ton obtient par la dévotion (bhakti) plus sûre- 
ment que par les bonnes œuvres et autres actes mé- 
ritoires, lis s'accordent, du reste, tous, à quelque 
secte spéciale qu'ils appartiennent, dans l'adoration 
exclusive de Vichnou et de ses deux grandes incar- 
nations terrestres Râma etKrichna,dont le culte dé- 
passe comme ferveur et généralité, celui même de 
Vichnou, et pour exiger, en vue de l'admission dans la 
se3te une initiation spéciale où l'on révèle au néo- 
phyte la formule mystique d'adoration à Krichna ou 
à Râma, cérémonie à laquelle les enfants sont admis 
à partir de l'âge de six ou sept ans, et qui est suivie 
vers douze ou treize ans du sacrement dit de consé- 
cration qui remplace même parfois l'initiation brah- 
manique pour les membres des castes inférieures. 
Sans exception, les Vichnouiles se distinguent des 
aifiiiés aux autres sectes par une marque frontale, 
ou stimagte sectaire (3), composée de deux traits 
verticaux réunis par en bas, entre les sourcils, par 
un trait horizontal et affectant à peu près la forme 
d'un V, tracée avec de la couleur rouge, jaune ou 
blanche. En plus de cette marque, ils impriment 
avec de la poudre de santal rouge sur leur poitrine 
et leurs bras, la figure du ou des pieds sacrés de 

(1) Sâmlpya. 

(2) Sàrûpya. 

(3) Urdhva-puwdra. 

12. 



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210 LE BRAHMANISME 

îhnou, de la conque ou du disque, attributs carac- 
isliques de ce Dieu et de ses avatars. Certains dé- 
s s'impriment ces marques d'une manière iudélé- 
e au moyen d'une matrice rougie au feu ; mais 
usage est généralement condamné, surtout chez 
brâlimanes, comme attentatoire au respect dû au 
*ps d'un dvidja. 

L.es sous sectes vicbnouites sont trop nombreuses 
la plupart du temps séparées par des divergences 
doctrine trop insignifiantes pour qu'il soit possi- 
) et utile de les énumérer toutes ici : nous nous 
atenlerons donc de signaler les plus importantes, 
t par leurs doctrines ou pratiques particulières, 
t par le nombre de leurs adhérents (I). 
L-a plus ancienne et aussi la plus nombreuse est 
secte dite Râmânoudja ou nom de son fondateur, 
brahmane Râmânoudjàtchârya (2) qui vécut, dit- 
, vers le douzième siècle à Slri-Parambattur, 
Lite ville du voisinage de Madras. Voici quelles 
it ses principales doctrines : 
L'univers renferme trois principes — Içvara (3) 
Etre suprême, l'âme ou tchit (4), et ce qui n'a pas 
ime, atchit (5) — possédant chacun une existence 
irnelle distincte. L'Etre suprême est Vichnou ; les 



I) H. -H. Wilson : Religions Sects of the Bindùs. 
l) RâmAnuJâcârya. 
J) Le Seigneur. 
l) Cit. 
)) Acit. 



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LE BRAHMANISME 

âmes individuelles sont tchit ; le monde r 
est atchit. 

Les âmes individuelles sont dans la dépe 
de rame divine et doivent s'efforcer de pai 
Tunion consciente complète avec l'Etre supr 

L'univers subit de grandes destructions j 
quesau cours desquelles les âmes individuel 
réabsorbées dans l'Etre suprême en conser^ 
pendant leur conscience et leur individualité 

L'Etre suprême se manifeste dans le mon 
présente à l'adoration de ses fidèles de cinq 
res différentes : dans ses images ou idoles, d 
incarnations divines, dans des manifeslatioi 
plèles sous forme humaine, dans l'esprit r 
partout, dans l'esprit interne qui dirige Vé 
maine, chacune de ces manières correspom 
degré d'intelligence du fidèle adorateur. 

Dans l'ordre d'imporlance vient ensuite 
Mâdhva, fondée au treizième siècle par Madh 
tout répandue dans Tlnde méridionale. Ass 
blable en beaucoup de points à celle des Rân 
jas, sa doctrine en diffère cependant par Tî 
tion du dualisme. Suivant elle, il n'existe qi 
principes éternels distincts, un Dieu 
Vichnou, et des âmes placées à l'égard de V 
préme, dans la condition de serviteur à 
quant au monde matériel, ses éléments exi 
toute éternité dans l'Etre suprême qui les fa( 
les dispose à sa guise lorsqu'il veut créer l'i 



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212 LE BRAHMANISME 

Trois actes constituent le culle de ce Dieu : donner 
aux enfants l'un de ses mille-huit noms; l'adorer 
par la parole en récitant ses louanges et les hymnes 
des Védas, par le corps en secourant et protégeant 
les malheureux, dans le cœur parla pitié, Tamour 
et la foi ; enfin imprimer au fer rouge sur le bras 
droit, le disque et sur le gauche la conque afin d'af- 
firmer par cetle marque indélibile, la consécration 
du fidèle. 

Une autre secte très répandue dans la présidence 
de Bombay, le Gouzerat et l'Inde centrale est celle des 
Vallabhas fondée à la fin du quinzième siècle, par 
Mahâprahhou Vallabhàtchârya, qui enseigne que les 
âmes sont des particules, semblables à des éliucel- 
les, de l'Ame suprême, par conséquent identiques 
de nature et d'essence quoique momentanément sé- 
parées d^elle. Les membres de cette secte sont sou- 
vent nommés Gosains, corruption du sanscrit Gos 
vami (( Seigneur des vaches » épithète de Krichna 
adopté par eux comme représentation de l'Etre su- 
prême. Toutefois, chez eux, la dévotion à ce Dieu a 
peu à peu revêtu un caractère matériel et sensuel et 
a dégénéré en pratiques licencieuses, excusées par 
certaines légendes erotiques du mythe de Krichna. 
Leurs excès en sont même venus à tel 'point que la 
justice anglaise dut y mettre un frein en 1862. 
Les Hindous eux-mêmes n'avaient pas attendu jus- 
que là pour protester contre cette immoralité: dès 
1780. un membre de la secte, Svâmi-Nârâyana, ne 



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LE BRAHMANISME 213 

craignit pas de dénoncer hautement ces erreurs et 
ces vices, et vers Tan 1800 institua une sous-secte 
réformée qui porte son nom. 

De bonne heure aussi l'immoralité régnant dans 
le culte de Krichna, Tabus des sacrifices sanglants 
et l'idolâtrie avaient suscité le dégoût dlndiens 
éclairés, et vers le commencement du seizième siè- 
cle, ces sentiments trouvèrent leur interprète en la 
personne de Kabir, le fondateur de la secte réfor- 
mée des Kabir-Panthis, dont la doctrine, fortement 
imprégnée, à ce qu'il semble, d'idées musulmanes, 
préconise le culte d'un Dieu unique, Vichnou (qui 
peut cependant être représenté par ses incarnations 
Râma et Krichna), interdit l'idolâtrie et les sacrifi- 
ces d'animaux, et impose à ses adhérents une stricte 
moralité de vie. 

Ainsi que leur nom l'indique, les Çaivas ou Çimï- 
îes adorent Çiva à la fois comme Etre suprême uni- 
que, éternel, existant par lui-même, mais person- 
nel, et comme Dieu personnel quelque peu matéria- 
lisé de la destruction et de la régénération, bien que 
dans ces dernières fonctions il n'agisse que par l'in- 
termédiaire de ses Çaktîs (1), de ses fils et de ses 
émanations qui, du reste, partagent avec lui leur 
culte lorsqu'ils ne l'éclipsent pas dans la dévotion 
de la masse du vulgaire. Le plus souvent Çiva lui- 
même est adoré sous la forme matérielle du Linga, 

(1) Voir p. 181. 



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214 LE BRAHMANISME 

symbole de ses attributions génératrices. Les ÇivaF 
tes, tout en identiflant Çiva avec TAme universelle, 
professent la doctrine de la dualité (dvaita)^ c'est à- 
dire de la nature distincte de l'essence divine de 
Çiva et des âmes, i^ar suite, pour eux le salut ou dé- 
livrance finale ne consiste pas en l'absorption dans 
cette essence, mais dans une union consciente, et 
sans destruction de la personnalité, avec Civa dans 
son paradis de Kailâsa. Tous les Dieux, y compris 
Brahmâ et Vichnou lui-môme, ne sont que des ma- 
nifestations ou des formes sensibles (mot^rfi) créées 
par Çiva afin de se mettre à la portée de tous les de- 
grés d'intelligence, et c'est lui qui reçoit en réalité 
le culte qu'on leur rend. « Quel que soit le dieu 
qu*un homme adore avec foi et amour, dit le Siva 
Gnâna Sidcihiar (I), Çiva reçoit son culte, exauce 
ses demandes et se révèle sous cette forme dans le 
cœur de cet adorateur. » 

La marque sectaire qui distingue les Çivaïles 
d'une façon générale consiste en trois traits hori- 
zontaux de couleur blanche dessinés sur le front, la 
poitrine et les bras, auxquels certaines sectes parti- 
culières ajoutent l'impression au fer rouge de l'un 
des attributs de Çiva: linga, trident, ou tambour 
(damaru). Bien que le culte rendu à Çiva soit sensi- 
blement le même pour tous ses fidèles, qui Tadorent 



(1) Livre tamoul composé, dit-on, par Arunaodi Çivâcârya, 
vers le IX* siècle de noire ère. 



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LE BRAHMANISME 215 

par des sacrifices sanglants, par des' mortifications 
et des pratiques de tortures corporelles crui ' 
volontaires dont les Sannyasis donnent joi 
ment des exemples bien connus par les ré( 
voyageurs, les Givaïtes se divisent en plusiei 
tes différenciées par l'adoption spéciale de V\ 
nombreuses formes de ce Dieu, et par les sti 
sectaires qu'ils impriment sur leurs memb 
nombre de ces sectes est d'ailleurs beaucou{ 
dre que de celles des Vichnouites. Au ne 
siècle de notre ère Çankarâtchârya en compt 
qu'il désigne par les noms de Çaivas, Raudr; 
gras, Bhattas, Jangamas et Pâçoupatas; la | 
d'entre elles n'existent plus aujourd'hui en tt 
communautés organisées et se sont fondues c 
trois sectes des Lingavats ou Lingaites, des Ja 
et des Pâçoupatas, 

Les Lingavats portent, pour se distinguer, 1 
du linga sur leur front et un petit linga de 
ou de métal suspendu à leur cou par un cord 
adorent Çiva sous la forme du linga par des oi 
de parfums, des libations d'eau du Gange, c 
fraudes de feuilles de vilva et par des sa( 
d'animaux, principalement de moutons et de 
Ils sont généralement méprisés comme hère 
par les autres Hindous, à cause de leur répuc 
des distinctions de castes, de leur négation di 
torité des Védas et des brahmanes, de leur 
gence des sacrifices brahmaniques et de leu 



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21t) LE BRAHMANISME 

tume d'enterrer les morts au lieu de les brûler. 

La secte des Jangamas vénère surtout en Çiva le 
terrible ascète type, modèle et patron des Sannya- 
sis, à la chevelure nattée (d/ata) en désordre, lecorps 
émacié par les mortifications, couvert de cendres, 
vôlu d'une peau d'éléphant, de daim noir ou de ti- 
gre, paré d'un collier et d'une ceinture de crânes hu- 
mains, et de serpents enlacés autour de ses bras en 
guise de bracelets. Leur stigmate sectaire est le tri- 
dent (triçûla) et ils portent d'ordinaire un linga de 
pierre suspendu à leur cou. Actuellement, cette secte 
ne parait plus avoir qu'un petit nombre d'adhérents. 

Beaucoup plus nombreux que les membres des 
autres sectes, principalement dans l'Inde du Sud, 
sont les Pâçoupatas (1) qui impriment le linga sur 
leur front, leurs bras, leur poitrine et leur ventre ; 
mais ils sont partagés en deux groupes ou sous-sec- 
tes, séparés seulement, du reste, par une conception 
plus philosophique que religieuse de la nature et de 
la formation de l'univers. Les premiers — qui de- 
vraient rationnellement s'appeler Pdçapaçoupaîas — 
considèrent l'univers comme composé de trois 
principes, ou entités, éternels et distincts, mais dont 
les deux derniers sont dépendants du premier : 
Pati (( le Seigneur » (Içvara, Çiva) ou Pâçoupati « le 
maître du troupeau » ; Paçou «lesâmesou les êtres » 
(littéralement « bétail, troupeau ») ; Pâça «corde, 

(1) Pâçupata. 



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LE BRAHMANISME . 217 

entrave, lien », la matière qui lie et retient l'âme 
dans le monde matériel comme une corde attache 
un animal (1). Les autres — confondant en un même 
tout les âmes et la matière, ou considérant cette der- 
nière comme un pur mirage illusoire produit par la 
Mâyâ (puissance magique) d'Içvara — n'admettent 
que deux entités, Pati et Paçou. Les uns comme les 
autres adorent Çiva dans les différentes formes sous 
lesquelles il se manifeste et prétendent parvenir à 
s'unir mystiquement avec lui, non seulement par la 
dévotion, la foi, les mortifications et la méditation, 
mais même par des chants et des danses accompa- 
gnées de gestes frénétiques devant produire par réac- 
tion un état d'extase. 

En plus de ces sectes, pour ainsi dire orthodoxes, 
nous devons signaler encore les Sauras, adorateurs 
du soleil ; les Ganapatyas qui font de Ganéça le re- 
présentant de l'être suprême et dont les pratiques 
religieuses, ainsi que nous Tavons vu (2), sont sur- 
tout répandues dans les campagnes ; les Lokayatas, 
matérialistes et athées qui nient l'existence des 
dieux, des paradis et des enfers, ou du moins qui 
les assimilent aux joies et aux maux terrestes, et ne 
reconnaissent point d'autre divinité que la femme ; 
et enfin les Çâktas, peut-être plus nombreux qu'on 
ne se le figure, étant donné le soin qu'ils mettent à 

(1) E. s. W^ Sénathi-Râja : Quelques remarques sur la secte 
Çivaïte chez les Indoua de l'Inde du Sud. 

(2) Voir p. 180. 

13 



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218 LE BRAHMANISME 

cacher leur affiliation à cette secte, à bon droit fort 
ée. 

isi que leur nom Tindique, les Çâktas adorent 
alement la Çaktî (épouse et énergie active) du 
suprême. Ils appartiennent également au Vich- 
me et au Çivaïsme, mais de préférence au Çi- 
le, et se divisent en deux branches, les Vak- 
-mârgis « adorateurs de la main droite » et les 
rmârgis « adorateurs de la main gauche ». Bien 
1 aient une préférence marquée pour la divi- 
[éminine, les Dakchina-mârgis adorent aussi 
lou et Çiva, mais exclusivement sous leur forme 
)gyne. Ils prétendent régler leurs croyances, 
pratiques et leur culte sur les Pourânas et ob- 
nt une décence convenable dans leurs cérémo- 
sans rites mystiques ni mystères. Les Vâma- 
is, au contraire, adorent exclusivement les Çak- 
e Çiva sous les formes de Pârvatî, Kàlî ou 
^â, celle de Vichnou en la personne de Hâdhâ, 
îtresse préférée de Krichna. Ils empruntent aux 
as les rites et les pratiques de leur culte, et 
leurs cérémonies secrètes et nocturnes, rigou- 
ment interdites aux profanes, ils adorent la 
e de leur choix en la personne d'une femme 
avec des rites orgiaques indescriptibles, dans 
els ils violent les prescriptions les plus respec- 
u brahmanisme, entre autres la prohibition de 
rer ou même de boire des liqueurs alcooliques 
le de manger la chair des animaux et des pois* 



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LE BRAHMANISME 219 

sons. Ils ont eux-mêmes tellement conscience de 
rimmoralité et de l'infamie de leurs pratiques, qu'ils 
se cachent soigneusement pour les accomplir et 
qu*aucun d'eux n'oserait avouer publiquemei 
fait partie de la secte. Ces sortes decérémoni 
accompagnées des rites magiques enseignés 
Tantras comme exerçant une influence tout 
santé sur la volonté des Dieux et l'ordre d 
ments, incantations, formules (mantrasetbija 
clés magiques (fc/iafera etmandala), gestes myj 
(moudra), de tout temps employés par la son 
indienne (1). 

A ces sectes principales, toutes plus ou moi 
tachées à l'Hindouisme, il convient d'en ajout 
autre encore qui s'en est plus nettement sép 
constituée en religion indépendante, cell 
Sikhs (2) fondée à la fin du quinzième siëc 
Nâpak (1469-1538), auteur du livre sacré de la 
V Adi-Gi^antha ou « Livre par excellence». S 
tr9dition de ses fidèles, Nânak naquit d'une i 
brahmanique dans un petit village des envir 
Lahore. Au moment de sa naissance, tous les 
Hindous manifestèrent leur présence dans le 
proclamant la venue d'un sauveur du monde, 
plus tendre enfance, il fit preuve d'une pr 
d'intelligence et de savoir miraculeuse par s 



(1) Voir, V. Henry ; La Magie dans l'Inde ancienne. 

(2) Du Sanscrit Çisya a disciple ». 



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LK buahmanisme: 

mnaissance des écrituressacréesà l'âge où les 
enfants commencent à peine à les étudier, et, 
tation des anciens sages, passa sa jeunesse à 
e temple en temple, dans toute rinde(onpré- 
ême qu'il alla jusqu'à la Mecque) cherchant 
nation des mystères de la religion et la solution 
)blèmes sociaux de sou temps, voyages pen- 
squels il acquit une connaissance parfaite de 
isme et put se pénétrer des vices de Tin- 
le. Enfin, un jour, dit-on, il fut ravi person- 
ent au ciel en la présence d« Vichnou lui- 
de qui il recul mission de rénover son culte 
terre sous le nom deHarl. En réalité Nânak, 

proclamait disciple de Kabir, ne paraît pas 
îu jamais l'intention d'instituer une religion 
le, mais simplement de prêcher, à l'exemple 
jcoup de ses devanciers, une réforme philoso- 
> de l'Hindouisme en le dégageant de ses su- 
ions, de ses sacrifices sanglants, de son poly- 
e, de son idolâtrie et du fléau des castes, et 
ien marquer son rôle d'instituteur religieux, 
lonna jamais que la titre de Gourou « maître », 

également par ses successeurs à la tête de la 
On a souvent soupçonné Nânak d'avoir été 
inan ; il a certainement connu les doctrines de 
isme et a puisé en elles son aversion de l'ido 
ses idées monothéistes et son rejet de l'auto- 
s brahmanes, mais à part ces trois points il 
jours resté foncièrement Hindou. Même son 



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LE BHAHAJANISME 

monothéisme confine encore avec le panlh 
brahmanique dans sa conception de l'Etre su] 
auquel il donne indifféremment les noms de 
Paramêçvara (1), Brahma et même Govinda (2), 
que de la création de l'univers émané de Tesseï 
Paramêçvara dont il ne paraît distinct que pa 
illusion créée par sa Mâyâ, et dans sa doctrine 
védântine du salut obtenu seulement par k déi 
à Hari et la répétition incessante de ses noms s 
enseignés par le maître spirituel ou Gourou. A 
vérité près, sa morale, elle aussi, ne diffère en ri 
celle prêchée dans tous les temps par les i 
grands sages de l'Inde. Sa doctrine paraît 
fois caractérisée par un effort en vue d'amen 
rapprochement entre l'Hindouisme et le Mal 
tisme. 

Sous les huit premiers successeurs de Nànî 
religion des Sikhs a conservé fidèlement le can 
d'une secte purement philosophico-religieuse ; 
le neuvième de ces pontifes, Govind-Sinh, po 
pondre aux persécutions de l'empereur Aurer 
transforma sa secte en une communauté gue 
dont l'existence tout entière fut consacrée ji 
nos jours, à combattre sans trêve ni merci les I 
métans et qui, à l'exemple de ses persécu 
s'efforça de propager sa croyance par le fer et 



(1) Seigneur suprême. 

(2) L'une des épithëtes de Kriclma. 



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222 LE BRAHMANISME 

feu. On sait que les Sikhs constiluent aujourd'hui 
te de l'armée anglaise dans Tlnde. 

îs Castes. — S'il est permis de se demander si les 
es, à part probablement celles des brahmanes, 
jamais eu dans rinde ancienne, le caractère rî- 
reusement fermé que leur attribuent Manou et 
lutres auteurs de Dharma-Çâstras, il est incon- 
ible qu'elles ont joué et jouent encore un rôle 
tal dans la société indienne moderne (1). Mais il 
reconnaiire aussi qu'elles ont subi des modifica- 
s profondes et ne ressemblent plus guère, en 
il de leur exclusivisme, à celles de l'ancien 
ps, autant du moins que nous pouvons nous les 
»laer d'après les prescriptions, certainement 
Itérées, des livres sacrés et surtout des Dharma- 
ras qui paraissent proposer, à ce point de vue 
me à bien d'autres, un idéal Ihéologiqué dont 
plication à la vie courante doit avoir été de tout 
ps à peu près impossible sans de larges et fré- 
ates concessions aux nécessités de Texislence so- 
5. Telle qu'elle est aujourd'hui encore, la caste 
;titue la base intangible, en dépit de ses méfaits, 
a société hindoue, qu'elle^éparpille en fractions 
iles les unesauxautres, le plus grand obstacle à ses 
^rès. On peut croire ou ne pas croire aux dogmes, 
dévot ou athée, observer ou mépriser les céré- 

Voir, E. Sénart : Les Castes dans l'Inde. 



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LE BRAHMANISME 223 

monies et pratiques du culte ; mais on reste malgré 
tout dans le giron de l'Hindouisme tant qu*on res- 
pecte les préjugés de caste. Perdre sa caste est le 
plus terrible malheur qui puisse frapper un Hindou ; 
c'est la mort civile absolue, l'interdiction d'hériter, 
de posséder, de tester, d'adopter; c'est une excom- 
munication aussi formidable dans ses effets que 
celle que l'Europe a connue au Moyen Age ; l'infor- 
tuné qui en est atteint, ne peut non seulement plus 
pénétrer dans un temple ou assister à un sacrifice 
funéraire, sa présence est une souillure pour qui- 
conque l'approche ; nul ne peut lui parler, lui don- 
ner, quelle que soit sa détresse, ni nourriture ni eau ; 
sa femme et ses enfants eux-mêmes .l'abandonnent 
sous peine de partager la réprobation répandue sur 
sa personne; une expiation longue jet sévère peut 
seule le faire absoudre et rétablir dans ses droits re- 
ligieux et sociaux. 

Les castes anciennes n'existent plus de nos jours, 
sauf celle des brahmanes, ou plus exactement ne 
sont plus qu'une désignation nominale. Certes il y a 
de nombreuses familles qui se targuent encore d'ap- 
partenir aux castes kchatriya ou vaiçya, et s'énor- 
gueillisent du titre deDvidja; mais, de l'aveu des 
Hindous eux-mênjes, les nécessités de l'existence et 
les alliances avec des classes inférieures, réprouvées 
parla loi religieuse et lolérées, par force parla so- 
ciété, ont amené dans leur sang une telle confusion 
que ce ne sont plus, à proprement parler, des repré- 



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224 



LE BRAHMANISME 



sentants de ces deux hautes castes, subdivisées 
d'ailleurs en innonibrables sous castes qui semépri- 
sent ou se jalousent mutuellement et considèrent 
comme une souillure toute relation ou alliance de 
l'une à l'autre. Quant à leur titre de Dvidja, le seul 
privilège qu'ils en aient gardé est le droit à Tinitia- 
tion brahmanique et au port du cordon sacré de 
chanvre ou de laine, que beaucoup du reste négli- 
gent de porter dès qu'ils sont sortis de Tadolescence. 

Malgré leur prétention à la préservation parfaite 
de la pureté de leur race et au respect religieux dont 
même les plus indignes sont entourés, on peut ea 
dire autant des brahmanes eux-mêmes. Eux aussi 
se divisent en nombreuses castes qui affectent de 
n'avoir aucune alliance non seulement d'une pro- 
vince à Tautre, mais encore dans la même province 
ou dans la même localité. Naturellement, l'exemple 
donné par les classes supérieures a été suivi par les 
Coudras; puis par tous les rejetés, les hors-castes, 
qui, eux aussi, se sont groupés en castes et sous- 
castes rigoureusement fermées, et enfin par les popu- 
lations de races anâriennes, à mesure qu'elles parve 
naient à s'introduire dans les rangs de l'Hindouisme 
peut être même par ambition de s'y faire admettre, 
quelque inférieure que fût la place qui leur était 
accordée. 

Qu'est ce donc que la caste telle qu'on la voit fonc- 
tionner actuellement dans rinde? 

A première vue, et même d'après les noms de ses 



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LE BRAHMANISME 225 

fractions, il semble que la caste ait pour base la pro- 
fession. Peut-êlre en a-t-il été ainsi clans le principe ; 
peut-être ce point de départ est-il encore en partie 
vrai pour les brahmanes séparés en castes distinctes 
selon qu'ils se vouent au sacerdoce, ou à d'autres 
professions ; mais à coup sûril ne répond pas à l'or- 
ganisation actuelle des autres castes, car, d'un côté, 
une môme profession peut constituer plusieurs 
castes (on en compte, par exemple, trente parmi les 
cultivateurs et dix parmi les scribes ), et de l'autre, 
les membres d'une même caste exercent fréquem- 
ment des professions et des métiers différents. La 
caste paraît être plutôt un groupement, naturelle- 
ment héréditaire, d'individus réunis par des usages 
et des préjugés communs, tantôt religieux, tantôt 
purement sociaux, qui a pour caractéristique prin- 
cipale l'interdiction pour ses membres de contracter 
mariage et de prendre ses repas avec ceux d'un 
autre groupement, à son tour tout aussi exclusif sur 
ces points. Chacun de ces groupements possède un 
chef et un conseil (Pantchayet) chargés de prononcer 
en cas de contestations entre ses membres et exer- 
çant une juridiclion reconnue par la coutume com- 
pétente pour prononcer certaines peines, entre 
a'Jtres Texclusion temporaire ou définitive d'un dé- 
linquant ou d'un criminel, et ayant également le 
pouvoir de décider la réintégration le cas échéant. 

Renoncer ouvertement à la caste équivaut à. sortir 
de la société hindoue, aussi les réformateurs les plus 



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LE BRAHMANISME 

eux ont-ils toujours reculé à l'attaquer d'une 
rop directe. Cependant, ainsi que nous Tavons 
rtaines sectes religieuses, sans en prescrire 
lement Tabandon, professent de n'en tenir 
3 et admettent sans distinction de rang ou de 
tous les adhérents de bonne volonté. On 
ssi qu'au pèlerinage solennel de Djaggannâtha 
erins de toutes castes sont confondus dans une 
promiscuité et doivent prendre en commun 
as préparé par les prêtres du temple. Il est 
l'à la porte du sanctuaire, chacun s'empresse 
"endre son rang et ses préjugés (1). 

ir E. Senart : Les Castes dans VInde. 



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IV 



BRAHMA-SAMADJ 



Ce résumé, déjà trop succinct, du Brâh 
serait incomplet si nous ne disions au m( 
ques mots de la réforme qui, depuis prèsd 
tend à s'opérer dans la religion et la soi 
doues, suivant des tendances et avec des f( 
verses comprises habituellement sous le 
lectif de Brâhma-Samâdj (1). ^ 

Il n'avait pas été besoin d'attendre ju 
jours pour que des penseurs indiens décc 
les contradictions, les erreurs et les vices 
manisme, et nombreux sont les réformateu 
«urgi de la terre de l'Inde proposant, cli 
vaut sou tempérament, ses vues persoii 
Tétat d'esprit de son temps, les moyens q 
raissaient propres à épurer la morale publi 



(1) On emploie de préférence le terme bengali 
samaj. 



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ÎS hE BRAHMANISME ' 

ager la religion de ses monstruosités mytholo- 
iques et rituelles et à la ramener à un idéal de 
ureté et de simplicité grandioses qu'ils croyaient 
itrevoir soit dans les hymnes enthousiastes du 
ig-Véda, soit dans les spéculations hardies des 
ieilles Oupanichads. Longtemps avant notre ère, 
est au nom de la morale et de la raison que Mabâ- 
îra et Gautama s'élevaient contre l'autorité des 
râlimanes, la cruauté des sacrifices d'animaux, 
abus des mortifications corporelles et l'injustice 
es castes, et instituaient les religions plus pures du 
jainisme et du Boudhisme. Plus près de nous, nous 
3yous la pléiade des Râmanoudja, Râmànanda, 
cbaitanya, Nârâyana-Svâmi, Kabir, Nânak et tant 
autres, combattre de toutes leurs forces sans grand 
jccès d'ailleurs, les superstitions, les pratiques im- 
loraies, le polythéisme, l'idolâtrie et s'efforcer, in- 
)nsciemment peut-être, à transformer le pan- 
léisme hindou en monothéisme. 
iVJais c'est à notre époque qu'il appartenait de s'é- 
ver plus haut et d'étendre les réformes, jusque-là, 
urement d'ordre religieux et philosophique, à la 
)nstitution même de la société, en détruisant les 
bus et en améliorant la condition morale, intellec- 
lelle et physique de la population. Il est certain que 
1 contact des Européens, l'expérience de leurs ins- 
tutions, l'infiltration si superficielle qu'elle ait pu 
Te, de leurs idées dans les hautes classes en rap- 
orts fréquents avec eux, l'ambition de s'élever à 



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LE BRAHMANISME 

leur niveau, surtout la fondation 
ges et d'universités où de jeunes 
l'instruction de maîtres europée 
beaucoup dans l'extension de ce r 
forme que le gouvernement de 1 
encouragé de tout son pouvoir. 

L'bonneur du premier pas dans 
à l'illustre Râm-Mohun Roy (1774 
dhânagar, dans le district de Mu 
grande famille de brahmanes, il 
Vichnouisme orthodoxe le plus f( 
l'empêcha de se révolter dès son 
les superstitions et les pratiques 
coreligionnaires. A seize ans, il i 
cule contre Tidolâtrie qui souleva 
dale parmi ses proches et l'oblig* 
un temps la maison paternelle, 1 
mita profit pour aller étudier la li 
et arabe à Pâtna, le brahmanisme t 
et le boudhisme au Tibet. On dit i 
le grec, le lalin et l'hébreu afin de 
les livres sacrés des autres religions 
originale. 

La mort de son père, survenue 
chit des ménagements qu'il avai 
qu'alors et il devint de plus en 
ses controverses, tout en évitan 
toute démarche susceptible de lui 
caste, ce qui non seulement Teut p 



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LE BRAHMANISME 

fortune qui devait être Tune de ses armes les plus 
puissantes, mais encore lui eut enlevé toute considé- 
ration et autorité auprès de ses compatriotes. Il eut 
cependant le courage d'accepter des fonctions du 
gouvernement et remplit pendant plusieurs années, 
la charge de Devân ou conseiller des juges et des 
collecteurs d'impôts des trois districts de Rangpour, 
Bhâgalpour et Râmgard, fonction dans laquelle il 
sut rendre de signalés services à son pays. A ce mo- 
ment, il fit paraître un nouveau livre sur « l'Idolâtrie 
de toutes les religions » et bientôt après entreprit une 
campagne vigoureuse contre l'immolation des 
veuves, qui aboutit, en 1829, à Tinterdiction des 
Satîs, par un bill du Parlement anglais. 

Pénétré du désir de ramener ses coreligionnaires à 
la doctrine pure des Védas, il avait fondé, à Cal- 
cutta, en 48i6, VAtmiya-Sabhâ ou « société spiri 
tuelle » pour la discussion des questions de philoso- 
phie et de religion. L'admission d'Européens à ces 
réunions, et la publication en 1820, de son livre des 
;( Préceptes de Jésus )>, firent accuser Râm-Mohun- 
Roy, de s'être converti au christianisme, accusation 
toute gratuite, car il resta toujours foncièrement 
Hindou et n'eut d'autre objectif qu'une tentative de 
réconciliation entre les religions. Les relations ami- 
cales qu'il avait liées en 1828, avec le missionnaire 
anglican W. Adam, lui suggérèrent l'idée d'organi- 
ser, sur le plan des services protestants, des assem- 
blées hebdomadaires consacrées à la lecture de 



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LE BRAHMANISME 231 

textes védiques, accompagnée de sermons et de 
chants d'hymnes, auxquels les femmes étaient ad- 
mises ; ce qui Tamena, en 1830, à fonder sous le nom 
de BrahmaSahhà ou Brahmiya-Samâdj la première 
église hindoue réformée, dans un édifice construit et 
entretenu à s^s frais, « où hindous, chrétiens et 
mahométans pussent venir prier ensemble )). C'est 
sur ces entrefaites que l'empereur de Delhy lui con- 
féra le titre de Râdja ou prince et l'envoya comme 
ambassadeur en Angleterre pour défendre ses droits 
devant le Parlement, voyage au cours duquel Râm- 
Mohun-Roy mourut à Bristol, en 1833. 

Mais son œuvre ne périt pas avec lui. Après avoir 
végété quelque temps sous les deux successeurs de 
Râm-Mahun-Roy, Dvârkanâtha Tagore et Râmat- 
chandra Vidyâbâgish, le Brâhma-Samâdj prit un 
nouvel essort après la fusion avec lui de la TaUm- 
bodhinîsabhâ « société pour l'enseignement de la 
vérité )), que Dévendranâtha Tagore, fils du précé- 
dent, avait fondée avec quelques jeunes Hindous. 11, 
prit alors le nom d^Adi-Brâhma-Samâdj et enfin 
en 1844, celui de Brâhma-Samâdj de Calcutta pour 
le distinguer de quelques autres Brâhma-Samâdj 
institués dans d'autres localités. Le programme de 
cette religion peut se résumer en « adoration d'un 
Dieu unique par un culte d'amour et de bonnes 
œuvres ». Elle progressa si rapidement qu'en 1847, 
elle comptait 777 églises dans les différentes parties 
de l'Inde. Cependant, des divergences de vue s'étant 



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^32 LE BRAHMANISME 

produites entre les membres de cette Eglise, Déven- 
dranâtlia ïagara s*en sépara en 1850 et se mit à la télé 
d'une nouvelle communauté qui se dénomma 
Jirahma-Dharma « religion de Brahma ». Védânliste 
avec des tendances panthéistes, elle prétendait ap- 
puyer ses doctrines sur les Védas, les Brâhmanas 
et les Oupanichads et proclamait que son but était 
non de détruire, mais de purifier l'ancienne religion 
et les mœurs, de corriger les vices et les abus de la 
société, tout en tenant compte du caractère et du 
tempérament du peuple. 

Sur ces entrefaites, Je Brâhma-Samàdj reçut une 
mpulsion nouvelle par l'accession dans ses. rangs, 
d'un jeune homme enthousiaste et plein d'idées gé- 
néreuses, Kehab Chander Sen (1838-1884) qui, pen- 
dant quelques années, joua un si grand rôle dans la 
société indienne par Ténergie et le dévouement avec 
lesquels il poursuivit les deux réformes dont il 
s'était fait le champion: l'interdiction des mariages 
d'enfants et le droit pour les veuves ae se remarier. 
Toutefois, son caractère entier et autoritaire à ou- 
trance lui créa bientôt de telles difficultés avec 
les autres chefs de la communauté qu'il s'en sépara 
en 1866, pour fonder une nouvelle Eglise dite delà 
((Nouvelle Dispeusation ». L'histoire de cetle Eglise 
tient tout entière dans celle de Chander Sen lui- 
même; elle ne prospéra guère et ne survécut qu'avec 
peine à la mort de son fondateur, qui de son vivant, 
s'était aliéné les amitiés les plus fidèles par son au- 



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LE BRAHMANISME 2 )3 

toritarisine, ses tendances vers le christianisme pro- 
testant et par la contradiction où il se mit avec ses 
propres doctrines, en mariant sa fille, âgée seulement 
de quatorze ans, au Mahârâdja de Koutch Bihâr qui 
n'avait lui mêm€ que seize ans. 

Etant donné Tétat des esprits dans l'Inde, une réac 
tion était inévitable contre les tendances chrétiennes 
de Chander Sen et de plusieurs des Brâhma Smàdjs 
indépendants. Elle trouva son interprète dans le 
brahmane Dayânanda Sarasvati qui fonda en 1870, 
sous le nom d'Arya-Samâdjj une société religieuse 
en vue de ramener la religion et le culte à la simpli- 
cité védique primitive. L*Arya-Samâdj se déclare 
adversaire de l'idolâtrie, du polythéisme et du pan- 
théisme, n'admet l'existence et Tadoration que d'un 
seul Dieu unique, mais admet le dogme de la mé- 
tempsycose. C'est une sorte de brahmanisme philo- 
sophique basé sur les quatre Védas à l'exclusion des 
Brâhmanas et des Pourânas. Il a inscrit dans son 
programme, l'interdiction des mariages d'enfani?, 
l'amélioration de la condition des femmes et l'ins- 
truction du peuple; œuvre à laquelle Dayânanda 
Sarasvatî a consacré par testament sa fortune en- 
tière. 

Actuellement, le mouvement de réforme provoqué 
par le Brâhma-Samâdj se répand de plus ea plus 
dans l'Inde, où presque chaque année voit éclore 
quelqu'une de ces églises. A l'heure présente, deux 
courants les sollicitent : l'un purement hindou siii- 

14. 



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LE BRAHMANISME 

tracée par Tagore et Sarasvatî, l'autre 
traîné vers le christiaDisme et ouverte- 
agé -par le gouvernement et les sociétés 
anglo-indiennes. A l'avenir de décider 
3rtera. 



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INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 



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Sife/i5 ; Londres, 1877. 






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TABLE DES MATIÈRES 



Bràluiiaiii(iiiie 

Les Védas 

Les Dieux 

Les Démons 

Le sacrifice 

Morale. Immortalité de lame. Transmigration. 

Brahmaniame philosophique 

Littérature sacrée 

Ecoles philosophiques 

Mythologie 

Cosmogonie 

Les Castes 

Cultes et sacrements 

Transmigration 

Institutions sociales 

lIlBdoatame 

Littérature 

Mythologie 

Création. Cosmogonie 

Culte 

Les Sectes 

Les Castes 

Le Brâhma-Samâdj 

Index bibliographique 



Châteauroux. -rr imp. Langlois 



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la 



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