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LE BRAHMANISl
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-^—"^-^"^^^r^F^
^s^aa^J
LES RELIGIONS DES PEUPLES CIVIL
LE
BRiVHMiNISI
r
PAR
L. DE l^ILLOUË
CONSERVATEUR DU MUSÉE GUIMET
PARIS
D U J A R R I C ET C ' % É D l T E U J
50, RUE DES SAINTS-PÈRES, 50
1905
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'Goo^Ig
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97558 'Z^^^?-
JUN 2 7 1906
LE BRAHMANISME
Malgré sa grande antiquité, ce n'est guère que
depuis un siècle que la possession de ses livres sa-
crés et la connaissance du sanscrit, sa langue litur-
gique, nous ont fourni des données précises sur h»
religion du groupe ethnique qui, au jour de la sépa-
ration et de Texode du berceau familial, a pris sa
route vers rinde, tandis que les autres branches de
la race aryenne ou indo-européenne venaient peu-
pler et civiliser TEurope. Jusque-là, nous ne la con-
naissions très vaguement que par de rares allusions
d'historiens et géographes grecs et latins, particu-
lièrement de Mégasthénès, l'ambassadeur de Séleu-
cus Nicatorà la cour de Sandracottos ou Tchandra-
goupta (i), roi de Magadha, par les récits trop
souvent fantaisistes ou erronés de voyageurs doués
de plus d'imagination et de crédulité que de science
(I) Candragupta, fondateur, vers 312 avant Jésus-Christ, de
la célèbre dynastie Maurya qui réunit un moment l'Inde en-
tière sous son sceptre.
\ DigitizedbyVjOOÇlC
LE BRAHMANISME
îervation, et par les renseignements, ceux-là
: exacts, de quelques auteurs arabes. Sa décou-
I fut une véritable révélation qui révolutionna
onde savant et concourrut puissamment à la
iion de la science nouvelle de Thistoire compa-
ies religions.
même que les Grecs et les Latins, les anciens
ms n'ont point donné de nom particulier à leur
mce nationale ; ils la nommaient simplement,
jrs descendants la nomment encore, le Dhaiifna,
à-dire la Loi ou le Devoir. Nos anciens auteurs
elèrent Religion des Brachmanes, d'où l'on a
ensuite le terme Brahmanisme. A leur tour,
, les savants qui Tétudient de nos jours ont cru
ir la diviser en trois périodes distinctes, qu'ils
Lommées Védisme, Brahmanisme, et Brahmanisme
ire ou Hindouisme. Bien que correspondant en
à des modifications profondes, ces termes ont
•être le double inconvénient d'être arbitraires
r il est impossible de tracer une ligne de démar-
n nette entre les époques qu'ils représentent —
induire à croire qu'il s'agit de trois religions
rentes, tandis que ce sont de simples phases
3 seule et môme religion évoluant insensible-
;, sous l'influence de spéculations philosophi-
, du naturalisme polythéiste au panthéisme sans
)re pour cela la chaîne des antiques traditions
itives, et comme l'un de ses traits caractéris-
as saillants est la suprématie universelle de la
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LE BRAHMANISME 3
caste sacerdotale des Brahmanes, le nom de Brah-
manisme nous paraît convenir mieux que tout autre
à cette croyance en\isagée dans son ensemble.
Les Védas. — La religion indienne repose tout en-
tière sur de très anciens livres appelés Védas, tenus
pour être la source et le réceptacle de toute vérité
et de toute science, que la tradition prétend avoir été
dictés ou révélés par le dieu Pradjâpati (1) ou
Brahmâ à des sages inspirés, nommés Richis (2),
que Ton représente comme des fils et quelquefois
comme les pères des dieux (3). Ce mot, Véda, signifie
« connaissance, science » (racine vid « savoir ») ;
mais c'est exclusivement la science divine, consi-
dérée tantôt comme le souffle exhalé volontairement
ou involontairement par l'éternel Brahma (4), tantôt
comme étant Brahma lui-même, tantôt enfin comme
un son éternel, science qu'on ne peut acquérir par
l'étude, mais qu'on reçoit par intuition ou, en d'au-
tres termes, par révélation ; c'est pourquoi les Vé-
das qui la renferment ne peuvent être utilement
communiqués que par une tradition orale de maître
à disciple et non par l'écriture. Ces Védas, recueils
d'hymnes versifiés, sont actuellement au nombre de
quatre : le Rig, le Sàma, le Yadjour (5) et TAtharva,
(1) Prajâpati.
(2) Rsls.
(3) Les Védas abondent en contradictions de ce genre.
(4) L'Ame universelle.
(5) Yajur et aussi Yajus.
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LE BRAHMANISME
jais pendant longlemps, môme jusqu'à l'époque de
lanou, les écritures indiennes n'ont jamais men-
onné que les trois premiers, le Triple Véda ; silence
ignificalif qui, à défaut des indications fournies par
5 style de ce livre, suffirait à affirmer la date re-
itivement moderne de la composition de l'A-
larva.
Avant tout, une question capitale se pose. Quel est
âge des Védas?
Il est évident qu'on ne peut accepter les dires sur
3 point des auteurs indiens qui n'ont aucune notion
e chronologie et jonglent à plaisir avec les milliards
'années, et depuis plus d'un siècle, les savants in-
ianistes, mythologues et linguistes, discutent sans
arvenir à se mettre d'accord sur une solution même
pproximative. Après leur avoir attribué au début,
ans l'enthousiasme de leur découverte, une anti-
uité peut-être exagérée de plusieurs milliers d'an-
ées, on en est venu à prétendre les ramener à une
poque postérieure à l'invasion d'Alexandre le Grand
ans l'Inde, sous le prétexte, d'ailleurs loin d'être
rouvé, que l'alphabet sanscrit, d'origine phéni-
enne, aurait été introduit dans l'Inde par les sol-
ats du conquérant macédonien, et qu'il était im-
3ssible que des ouvrages d'une étendue aussi con-
dérable aient pu se conserver pendant des siècles
ms le secours de l'écriture. Récemment enfin, se
isant sur le calcul astronomique de la position dans
^cliptique de quelques constellations lunaires, les
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LE BRAHMANISME
Nakchatras (1), mentionnées dans le tUg-Véda,
savants allemands, MM. Jacobi et Oldenberg
avancé, comme étant celle de la composition
livre, le premier la date de 4.800 ans, et le s(
de 2.600 ans avant notre ère.
En réalité, tout ce que Ton peut dire, dans
actuel de nos connaissances, c'est que le plus a
de ces livres, le Rig Véda, est forl vieux, non s
ment en raison de Tarchaïsme de sa langue,
encore et surtout par l'état très primilif de civ
lion qu'il nous révèle, civilisation bien plus
mentaire que celle dont le vieil Homère nous a
le tableau. De plus, les similitudes frappanles i
relève entre sa langue et sa mythologie et la m
logie et la langue grecques permettent de crc
leur parenté et d'admettre que, s'il a dû cerl
ment subir de nombreuses modifications de 1
au cours des siècles, il peut remonter quant i
fondàTépoque encore indéterminée de la se
tion de la famille indo-européenne. D'un autre
l'objection tirée de l'ignorance de récriture ju
rinvasion des Grecs dans Tlnde ne pourrait {
se soutenir, lors même que cette ignorance î
prouvée, par le fait bien connu que, dans Tantic
l'enseignement religieux se donnait oralemei
peur qu'il ne tombât entre des mains profanes
par exemple, que celui des mystères ou de la rel
(1).Nak.?alra.
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6 LE BRAHMANISME
des Druides) et que cet usage est de nos jours encore
en vigueur dans Tlnde où, prétend-on, il n'est pas
rare de trouver des brahmanes capables de réciter
un Véda d'un bout à l'autre. Il est probable, d'ail-
leurs, que les Védas se sont conservés à l'état frag-
mentaire dans plusieurs familles sacerdotales, que
prétendent représenter actuellement les gotras (1)
(tribus) et les çâkhâs (2) (écoles) brâhmai^iques, et
n'ont été réunis et classés dans l'ordre et sous la
forme que nous connaissons que quand on s'est dé-
cidé à les confier à l'écriture, œuvre que les Indiens
attribuent à un ancien sage, nommé Vyâsa (3). Bien
que leurs hymnes servent dans toutes les cérémonies
publiques et privées, on ne lit pas les Védas : le
prêtre officiant doit réciter, ou chanter, de mémoire
les hymnes exigés par la liturgie; c'est de vive voix
que le maître religieux, le Gourou, doit enseigner et
expliquer vers par vers les textes sacrés à son dis-
ciple; le livre écrit ne sert que de guide ou de
mémento.
S'il est le plus ancien, le Rig-Véda est aussi le plus
(1) On compte 81 gotras de brahmanes. Ce terme a pris cepen-
dant une acception plus large et plus générale ; aujourd'hui la
gotra est proprement la famille restreinte à la parenté au
sixième degré ; ses membres sont appelés Sapindas,
(2) Ecoles dans lesquelles se conservent certaines traditions
d'interprétation et de prononciation des textes védiques ; on en
compte 1.130, dont 1.000 pour le Sâma, 100 pour le Yadjour,
21 pour le Rlg, et 9 pourl'Atharva.
(3) Personnage mythique auquel on prête la fondation du
Védânta et la composition du Mahâbhârata et des Putânas.
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LE BRAHMANISME 7
important pour la connaissance de la religion primi-
tive de ]*Inde; mais il serait dangereux de prétendre
en tirer des indications sur l'histoire ancienne du
peuple aryen, en dehors de l'état de civilisation
encore très rudimentaire qu'il laisse soupçonner. 11
se compose de mille dix-sept hymnes, versifiés en
mètres divers, attribués à de nombreux Richis ins-
pirés, dont les noms sont soigneusement relatés en
tête de chaque hymne, et répartis d'une manière
arbitraire, à ce qu'il semble, en dix sections ou
Mandalas, à l'exception de la neuvième entièrement
consacrée au dieu Soma. Pour les Indiens, il ren-
lerme les éléments de toute science et de toutes les
lois civiles et morales, et, de fait, à force d'en appro-
fondir les textes, de les soumettre aux commentaires
et aux spéculations les plus subtils, ils ont fini par
en tirer réellement toutes leurs institutions reli-
gieuseé et politiques. Pour nous qui, dégagés des
traditions séculaires et des préjugés dans lesquels
l'Indien est enserré, l'étudions à la lumière d'une
critique impartiale, sans parti pris d'y découvrir
autre chose que ce qui y est, il reste ce qu'il a très
certainement été à son origine, le livre du rituel et
de la liturgie de l'acte le plus important de la vie de
l'Hindou, c'est-à-dire du sacrifice (1).
Le Sâma-Véda et le Yadjour-Véda sont, sauf quel-
ques légères variantes de forme, entièrement com-
(I) A. Brrgaigne : La Religion védique.
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byGoO'
LF. BRAHMANISME
posés d'hymnes ou de fragments d'hymnes emprun-
tés au Rig-Véda, disposés dans Tordre exigé par les
règles liturgiques à l'usage des prêtres spécialement
chargés de les chanter dans les sacrifices, VOudgâ-
tri (1) et ïAdhvaryou (2). Le premier est affecté sur-
tout aux cérémonies en l'honneur du dieu Soma et
aux sacrifices funéraires ou Çrdddhas, Le second,
qui se divise en deux collections appelées Taittiiiya
(Yadjour noir) et Vadjasaneyi (Yadjour blanc) ne
différant guère que par la disposition de leurs ma-
tières, est d'un usage plus général et a sa place dans
tous les sacrifices. On utilise des fragments de Tun
et de l'autre dans les cérémonies du culte domes-
tique, concurremment avec les hymnes du Ilig-Véda.
VAtharm Vcda^ composé d'hymnes pour la plupart
originaux et quelques-uns inspirés du Rig Véda,
paraît être beaucoup plus récent que les trois autres.
Ses textes, en général très obscurs, sont des for-
mules d'incantation sur lesquelles se sont appuyées
plus tard les pratiques de magie, de divination, de
sorcellerie et de démonolâtrie qui ont abouti, vers
le commencement de notre ère, aux rites supersti-
tieux et dégradants du Tântrisme. Ses prêtres, nom-
més if/iarrans, passent pour avoir été primitivement
les descendants du mythique Atbarvan, instituteur
du culte du feu avant la séparation des Aryei^ et des
Iraniens.
(t) Udgâtri.
(â) Adhvaryu.
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LE BRAHMANISME ^
Les hymnes, appelés jfa/i^m^, constituent la
tie la plus ancienne et la seule originale de cl
des Védas, qui se complètent, suivant les doi
traditionnelles des brahmanes, par trois autr
ries d'écritures, les Brâhmanas, les Oupanicliads
les Ai^anyakas, qui, bien que beaucoup plus réc(
sont également considérées comme divinemei
vélées ou inspirées et compris dans l'appel
deÇrouti (2) ou Révélation. L'ensemble des
tras, des Brâhmanas et des Oupauichads con
ce qu'on appelle la Samhitâ de chaque Véda.
Les Brâhmanas sont des ouvrages en prose
mentant et expliquant les textes des Mantr
point de vue du rituel et de la liturgie du sac
et développant les nombreuses légendes qi
germe, mais à peine indiquées dans les Véda
constitué en grande partie la mythologie des I
postérieurs. Le fait même que de tels livres é
devenus nécessaires indique qu'à l'époque de
composition la langue et le sens des Mantras éi
devenus obscurs et peut s'invoquer comme
preuve convaincante de la grande aiitiquit
Yédas. Quant aux Oupanichads et aux Aran
(ces derniers expressément réservés aux médit?
deô Vânaprasthas ou solitaires qui vivent dài
forêts), ils ont pour but de dégager et d'expliq
sens mystique et ésotérique des mythes védiq
(1) Upanisad.
(2) Çruli.
1.
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LE BRAHMANISME
en particulier des sacrifices. Conçus avec une très
remarquable ampleur d'idées et d'une audace de
pensée allant parfois jusqu'à la négation de la toute-
puissance et môme de l'existence des dieux, ces
livres peuvent à bon droit être considérés comme
Torigine de la philosophie indienne.
Chaque Véda possède un nombre variable, quel-
quefois considérable, de Brâhmanas et d'Oupani-
chads dont quelques-uns sont relativement récents«t
peut-être ne remontent guère plus haut que le cin-
quième siècle avant l'ère vulgaire.
Dieux et Démons, — Les hymnes du Rig-Véda nous
fournissent les noms de nombreuses divinités aux-
quelles ils s'adressent et dont les principales subsis-
teront, nominalement au moins, dans la mythologie
postérieure; mais nous n'y trouvons rien qui res-
semble aux attributions de fonctions nettement
définies et à la classification méthodique des dieux
d'Homère ou d'Hésiode. Bien que la manière dont
on les décrit les revête d'une sorte d'anthropomor-
phisme, les dieux védiques sont vagues, indécis,
sans personnalité précise, souvent sans attributions
bien déterminées, se remplacent et se confondent,
ou bien, à tour de rôle, l'un d'entre eux, Agni sur-
tout, réunit tous les autres en sa personne, au ^é
de la dévotion et de l'enthousiasme reconnaissant de
l'adorateur, de telle façon qu'on peut se demander
s'ils ne sont pas de simples épithètes d'un Dieu uni-
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LE BRAHMANISME il
que, si l'on est, avec eux, en présence d'une con-
ception polythéiste ou monothéiste.
Un point acquis, c'est qu'ils ne sont pas éternels
(les Aryas primitifs ne paraissent pas plus avoir
conçu la notion d'éternité que celle de Tinfini absolu
et cela n'a rien qui doive nous étonner étant donné
leur état probable de civilisation) ; mais par suite
des contradiations coutumières aux écritures védi-
ques, leur origine demeure dans une incertitude com-
plète. Tantôt ils semblent être sortis spontanément
du chaos ou d'une entité négative préexistante (1) :
(( Dans le premier âge des Dieux, Texistant naquit
de l'inexistant)) [liig-Véda X, 1\, 3); tantôt on les
fait naître d'un couple primordial, Dyâvâprithivî (2)
c'est-à-dire Dyos « le Ciel )) et Prithivî « la Terre ))
(R. F. I, 159, 1); tantôt ce sont les fils de Brahma-
naspati (3) [R, V. II, 26, 3), de Soma (4) (R. K. IX,
96, 5), d'Aditî (5) (R. V. I, 89, 10), d'Ouchas (6)
(R, V, 1, 113, 19), ou bien encore d'Agni (7), c'est-à-
dire du sacrifice même, tantôt ils remplissent alter-
nativement les uns envers les autres, les rôles de
pères et de fils.
(1) Vu rinsuffisance de la traduction de Langlois, ces citations
sont empruntées aux Original Sanskrit Texts de J. Muir.
(2) Dyâvâprthivt.
(3) « Le Seigneur de la prière » .
(4) La libaUon divinisée.
(5) L'espace ou Tôther.
(6) Usas, l'aurore.
P) Le feu, le dieu du feu, assimilé au sacrifice.
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12 LE bbahmânismë
Le Véda les dit immortels, Amartyas, toutefois ils
ne tiennent pas ce privilège de naissance: ils Tac-
quièrent par différents moyens, et sont même sus-
ceptibles de le perdre, ou tout au moins de décheoir
de leur puissance. D'après certains passages des
Védas et des Brâhmanas, c'est Agni qui leur a donné
l'immortalité quand ils l'ont honoré au moment de
sa naissance; d'autres fois ils la doivent à Savitri (1),
ou bien ils ont vaincu la mort et gagné le ciel par la
continence, la ferveur de leurs austérités et par la
pénitence (tapas), ou encore en proférant et médi-
tant la syllabe mystique Om. Le plus souvent, les
textes sacrés nous apprennent que mortels les dieux
sont devenus immortels pour avoir bu Yamrita (2),
ou par les sacrifices qu'ils ont accomplis, sans qu'on
nous dise, toutefois, à qui pouvaient s'adresser ces
sacrifices alors que les dieux n'existaient pas encore,
à moins qu'il ne s'agit du sacrifice pour le sacrifice,
c'est-à-dire d'un acte sacré et méritoire en lui-môme
et par lui-môme, ainsi qu'il semble résulter de ce
passage du Rig-Véda (<\): « Avec le sacrifice, les
Dieux honorèrent le sacrifice ; ce furent les pre-
miers rites. Ces grandes puissances ambitionnaient
le ciel, là où sont les antiques Sâdhyas, les Dieux
(X, 90, 16).
(1) Un des noms du soleil déifié.
(2) Amrta, liqueur de vie, identique au Soma, c'est-à-dire à
la libation.
(3) J. Mum : Original Sanskrit Texls, V. p. 17.
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LE brahmanisme: 13
Si les textes sacrés nous laissent indécis en ce qui
concerne l'origine et rimmortalité des dieux védi-
ques, notre incerlitude n'est pas moindre au sujet
du degré de puissance qu'ils leurallribuent. Ce sont
évidemment, des êtres supérieurs aux hommes par
la grandeur, la force et Tintelligence; ils comman-
dent en maîtres aux éléments et aux phénomènes de
la nature; ils gouvernent et protègent l'univers; ils
accordent faveurs et grâces à leurs adorateurs et les
défendent contre leurs ennemis; mais, eu dépit des
hymmes où on la magnifie, leur puissance n'est pas
sans limite. Continuellement elle est mise en échec
par celle, non moins grande des démons, et s'ils
finissent toujours par sortir vainqueurs de leurs
éternels combats, les dieux ne s'en tirent pas sans
blessures, ni sans défaites temporaires; peut-être
même succomberaient-ils, si les hommes ne soute-
naient leurs forces et leur courage par les sacrifices,
les offrandes, surtout par les oblalions de Soma, la
liqueur enivrante dont ils sont avides. Bien plus,
par leurs méditations, leurs sacrifices et leurs péni-
tences austères, les saints anachorètes peuvent ac-
quérir sur la nature une puissance au moins égale
à celle des dieux, les chasser du ciel par une simple
malédiction et même se substituer à eux dans leurs
fonctions et leur gloire divines, éventualité redouta-
ble que ceux-ci s'évertuent continuellement à pré-
venir en induisant en tentation ceux de leurs com-
pétiteurs qui menacent de devenir dangereux. Enfin
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LE BRAHMANISME
sans aller jusque là, TAtharva-Véda enseigne les in-
cantations par lesquelles Thomme peut asservir la
volonté des dieux à la sienne propre, et mettre leur
pouvoir au service de ses intérêts.
Par ce qui précède il est aisé de concevoir à quelles
difficultés se heurte le mythologue qui cherche à dé-
terminer la nature de ces dieux. L'opinion courante,
d'accord du reste avec la tradition des brahmanes,
est qu'ils personnifient les forces, les éléments et les
grands phénomènes de la nature: le ciel, l'atmos-
phère, la terre, le soleil, la lune, le jour, la nuit, la
pluie le feu, le vent, etc., et il est certain que telles
ont été leurs attributions dans la mythologie des
temps postérieurs; mais cette répartition de fonc-
tions semble être le résultat souvent arbitraire du
classement opéré par les brahmanes lors qu'ils se sont
avisés de mettre quelque ordre dans leur panthéon
devenu trop vague. En effet, à part Agni, Indra,
Varouna, Sourya, Ouchas et Yama, aucun des Dieux
védiques ne remplit un rôle nettement déterminé,
ou n'a une personnalité absolument distincte. D'un
autre côté le nom collectif même qu'on leur à donné
Dévas {i) «les brillants», indique ou semble in-
diquer qu'au début du moins, ils ont représenté
exclusivement des phénomènes d'ordro lumi-
neux. Cette considération, et aussi la découverte
(1) Deva, de la racine div a briUer ». Cf. divus, dew,
0£o; ,8to;
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LE BRAHMANISME 15
da fait que le Rig-Véda n'est en réalité qu'un ri
du sacrifice, ont amené M. Bergaigue (1) à conc
que ces Dieux représentent les éléments du sacr
«t spécialement ses éléments ignés, le feu et la
tière inflammable qui l'entretient. Allant plus
encore dans cette voie, M, Regnaud (2) voit dans
ces dieux de simples épithètes du feu et de la libat
A l'appui de cette hypothèse, ou pourrait cite
nombreux passages des Brâhmanas, des Oup
cbads, des Castras et des Pourânas, où l'identilica
de quelqu'un des grands dieux au sacriûce est m
m«nt formulée ; dans la Bhâgavad-Gîtâ (3) e
autres, lorsque Krichna révèle sa véritable na
à son ami Ardjouna, il déclare être tout ce qui es
dans l'univers, l'univers lui-même, le sacrifice.
Mais ce n'est pas ici la place de discuter de la
ritable nature des dieux, et quelle qu'elle pu
être nous devons les présenter sous Taspectetave
attributions qjie leur donne la tradition brâhm
que. En prenant à la lettre le sens apparent des h
nés du Rig- Véda, les Dévas nous apparaissent déjà
thropomorphisés et, si on n'en rencontre pas dei
criptions physiques, comme dans les ouvrages d
date postérieure et surtout dans les Pourânas,
{{) La Religion védique.
(2) Le Rig-Véda et les origines de la mythologie indo-e
péenne. — Les premières formes de la religion et de la ti
lion dans l'Inde et la Grèce.
(3) Poème mysUque intercalé comme épisode dans le dix
livre du Mahâbbârata .
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' 16 LE BRAHMANISME
sent implicitement nu'ils ont des corps assez sem-
blables à ceux des hommes, de même qu'ils eu pos-
sèdent les passions, amour, haine, colère, aflection,
antipathie, reconnaissance, ressentimenls, et même
les besoins, car il leur faut pour soutenir leurs
forces et entretenir leur immortalité la nourriture
que leur fournissent les sacrifices accomplis à leur
intention. Très nombreux, on pourrait presque dire
innombrables, ils ont des sexes différents; mais,
bien que presque chaque dieu ait pour compagne
une déesse, qui n'est souvent qu'une forme fémi-
nisée de son nom, à part Aditi, Diti, Pârvalî ou Pri-
thivî, Ouchas et les Apsaras, l'élément féminin rem-
plit un rôle très effacé dans la mythologie védique.
D'après de nombreux passages du Rig-Véda, il y au-
rait seulement trente-trois dieux : — a vous,
Dieux, qui êtes onze dans le ^ciel, qui êtes onze sur
la terre, et qui, dans votre gloire, êtes onze habi-
tants des eaux, accueillez favorablement cette of-
frande qui est nôtre » (I, 139, 2) ; « Puissent les trois
en plus de trente Dieux, qui ont rendu visite à notre
gazon (1) du sacrifice, nous reconnaître et nous
rendre le double » (VII, 28, 1) ; — « Vous qui êtes les
trois et trente Dieux adorés par Manou, ainsi loués,
puissiez-vous devenir les destructeurs de nos enne-
mis » (VIII, 30, 2) ; et, plus explicite le Çatapatha-
Brâhmana répartit ces trente-trois divinités en
(1) C'est-à-dire l'autel recouvert d'herbe Kuça.
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LE BRAHMANISMK 17
douze Adityas, on^e Roudras et huit Vasous, aux-
quels il adjoint soit Dyôs et Prithivî, soit Indra et
Pradjâpati. Mais il est évident que ce chiffre de
trenle-lrois adopté pour une raison qui nous
échappe ne représente pas et n'a jamais représenté
le nombre total des dieux, car le Rig-Véda lui-
même, selon son habitude de contradictions conti-
nuelles, mentionne dans d'autres passages les
trente trois Qieux augmentés, suivant les circons-
tances, d'Agni, de Soma, des Açvins, des Nâsatyas,
etc. Ailleurs encore, il va plus loin et déclare :
— « Trois cents, trois mille, trente et neuf Dieux
ont adoré Agni » (III, 9, 9).
De bonne heure les Brahmanes ont senti la néces-
sité de mettre un peu d'ordre et de hiérarchie dans
celte multitude confuse d'êtres divins, et déjà plu-
sieurs siècles avant notre ère, le célèbre Yâska(l)
en enireprit dans son Niroukta (2) un classement
méthodique, ou plutôt deux classements différents.
Dans un premier passage, il les répartit en grands
et petits, vieux et jeunes, sans dire toutefois sur
quelles données il se fonde pour établir cette divi-
sion que les hymnes védiques ne paraissent ni jus-
tifier, ni même suggérer : — « Respect aux grands,
respect aux petits, respect aux jeunes, respect aux
(1) Probablement le premier des exégôtes indiens du Véda,
qui vécut, croit-on, entre 500 et 4'JO avant Jésus- Christ.
(2) Nirukta « Explication ». Interprétation des termes védi-
ques obscurs. C'est le quatrième des Véddngas.
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18 LE BRAHMANISME
vieux. Adorons les Dieux autant que nous le pou-
vons ; puissé-je, ô Dieux, ne pas négliger d'iionorer
les plus grands » (I, 27, 13). Mais un peu plus loin,
(VII, 5), il donne en ces termes une autre classifi-
cation, plus conforme, d'ailleurs, au contexte gé-
néral des hymnes et aux notions traditionnelles :
— (( D'après les commentateurs du Véda, il y a trois
Dieux, savoir : Agni, qui est placé sur la terre;
Vâyou ou Indra, qui réside dans l'air* et Sourya,
dont la place est au ciel. Ces Dieux reçoivent plu-
sieurs appellations différentes en raison de leur
grandeur ou de la diversité de leurs fonctions, de
même que les termes de hotri (1), adhvaryou (2),
brahmane (3) et oudgâtri (4), s'appliquentà une seule
et même personne suivant le rôle particulier qu'elle
se trouve remplir dans le sacrifice. Ces Dieux peu-
vent être tous distincts, car les louanges qu'on leur
adresse et leurs noms sont différents (5). » Puis,
partant de là, Yâska répartit les manifestations di-
verses de ces dieux en trois classes ou groupes : les
dieux terrestres, les dieux atmosphériques ou in-
termédiaires, et les dieux célestes. Cette classifica-
tion paraît avoir été généralement adoptée dans ses
grandes lignes par les théologiens brahmaniques, et
(1) Le Hotri est le prélre qui récite les hymnes du Rig-Véda
et verse la libation de Soma.
(2) Adhvaryu, chantre du Yajur-Véda.
(3) Directeur du sacrifice.
(4) Udgâlr, chantre du Sâma-Vôda.
(5) J. Muir: Original Sanskrit Texts^ vol. V, p. 8.
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LE BRAHMANISME 19
a été suivie également par la plupart des iadianis-
tes européens, qui y ont ajouté cependant une qua-
trième catégorie, celle des divinités des eaux.
On a généralement coutume de considérer le ciel,
Dyôs (1), comme le plus ancien et, primitivement, le
plus important des Dieux védiques, sans doute à
cause du titre de « père » (ptfar) que lui donnent
habituellement les hymnes, et peut-être en raison
de sa grande similitude de nom avec le Zeus (2) des
Grecs (zeOo- noLvnp, Jupiter, Dtepater) et de fonctions
avec où/5«vo<T, le dieu initial de la mythologie hellé-
nique : cependant, la part restreinte d'invocations
que lui fait le Rig-Véda ne permet guère de suppo-
ser qu'il ait jamais été un dieu suprême compara-
ble à Zeus. Pour expliquer ce fait, quelques auteurs
ont émis l'hypothèse que Dyôs, grand dieu primitif
de la race indo-européenne, était déjà une divinité
vieillie et délaissée à Tépoque où furent élaborés
les hymnes de ce Véda ; mais aucun indice sérieux
n'appuie cette supposition, et il paraît plus proba-
ble que nous sommes ici en présence d'un mythe
imparfaitement évolué, qu'une cause quelconque a
arrêté dans son développement.
Il est rare que Dyôs soit invoqué seul. Presque
toujours le /{ijf-Ferfa l'associe à PrithM (3), déesse
{l)GénUif, Divas.
(2) DiAs et Zeus proviennent tous deux de la même racine ini-
tiale div.
(3) Prthivî « la large, l'étendue ».
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LE BRAHMANISME
la terre, avec laquelle il constitue le groupe
iteur Dyâvâ-PritliM, Père et mère de tous les
!S, Dyôs et Prithivî ont engendré les dieux, les
imesel les animaux, quelquefois aussi les plan-
et même tout l'univers; essentiellements bien-^
lanls, ils dispensent avec libéralité leurs faveurs
ur nombreuse progéniture : — « Dans les céré-
lies j'adore avec des offrandes et je chante les
ingesdeDyôs et de Prithivî, promoteurs de la
ice, grands, énergiques, qui sont les parents des
jx et qui dispensent, comme les Dieux, les grâ-
les plus précieuses en récompense de nos of-
des. — Par mes invocations j'adore la pensée du
) bienfaisant pour tous et la force puissante qui
îelle de la Mère. Ces parents prolifiques ont en-
iré toutes les créatures, et par leur grâce ont
éré à leurs rejetons une grande immortalité »
V. 1, 159, 1), — Peut être aussi constituent-ils le
initial de la famille, car, suivant une concep-
à peu près générale chez les peuples primitifs,
5 et Prithivî sont unis par les liens d'un véri"
3 mariage, contracté avec des rites solennels,
i que nous le révèle ce passage de TAitaréya-
mana (1) : — « Jadis, ces deux mondes étaient
. Plus tard ils se séparèrent. Après leur sépara-
la pluie cessa de tomber, le soleil cessa de bril-
^lors les cinq classes d'êtres ne restèrent point
L'un des decx Brâhmanas annexés au Rig-Veda.
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LE BRAHMANISME 21
en paix les unes avec les autres. Alors, les Dieux
amenèrent la réconciliation de ces deux mondes.
Tous deux contractèrent un mariage selon les rites
observés par les Dieux )) (IV, 17).
Comme celle de tous les autres Dieux, l'origine de
Dyôs et de Prilhivî est obscure, les récits qui la con-
cernent sont contradictoires ; tantôt il semble qu'ils
soient éternels ou apparus spontanément ; tantôt ils
sont l'œuvre d'un dieu innommé, du plus habile des
dieux : « Au loin étendus, vastes, infatigables, le
Père et la Mère protègent tous les êtres. Il était le
plus habile des Dieux habiles, celui qui a fait ces
deux mondes qui sont bienfaisants pour tous, qui,
désirant faire une œuvre excellente, a étendu ces
régions et les a consolidées par des supports indes-
tructibles )) (R. V. I, 160, 2) D'autres fois c'est
Soma (1), Pouchan, Tvachtri (2) ou Indra (3) qui les
a créés ; ou bien ce dernier les a engendré de son
propre corps, les soutient dans ses mains et les
étend comme une toison ; ou bien encore un
hymne (4) les fait sortir de la tête et des pieds de
Pouroucha (5), et un autre les fait naître dans les
eaux. D'un autre côté, Prithivî est dite le support
ou la demeure de Dyôs qui, en somme,, plutôt que le
ciel paraît personnifier la lumière par excellence ou
(1) Le dieu de la libaUon.
(2) Pu«aD,Tvastr, personniflcutions du soleil.
(3) Dieu de Féciair et de la pluie.
(4) R. F, X, 90.
(5) Purusa, la victime mysUque immolée par les Dieux.
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22 LE BRAHMANISME
le jour et que ses relations de parenté avec Soma,
Pouchan, Tvachtri, Indra, Agni (qu'ondit tantôt son
frère et tantôt son fils, ou encore sa tête), Mitra et
Savitri désignent, comme ayant été primitivement
un des éléments ignés du sacrifice, un équivalent
d'Agni, d'Indra et de Sourya. On peut aussi invo-
quera l'appui de cette hypothèse le fait qu'on lui
substitue parfois Pardjanya (I), divinité assez indé
cise qui parait présider au tonnerre, à la pluie, à la
procréation, à la fructification, et dont le nom, pris
adjectivement, est une épithète assez fréquente d'In-
dra et de Sourya.
Le plus souvent, on attribue le rang suprême
parmi les êtres célestes à un autre dieu du ciel,
Varouna (2) qui, après avoir très certainement per-
sonnifié comme Dyôs le ciel lumineux, est devenu,
déjà à l'époque védique, le ciel nocturne constellé
d'étoiles. Varouna remplit des fonctions aussi hautes
que nombreuses. Il réside dans tous les mondes
dont il est le souverain régulateur ; il a créé la nuit,
il soutient la terre ; c'est par ses soins que les ri-
vières coulent et vont verser leurs eaux dans l'Océan,
sans jamais le remplir ; ses lois et ses ordres sont
immuables et inviolables ; sa puissance s'exerce
sans restriction sur les destinées des humains dont
(1) Parjanya.
(2) Varuna « celui qui enveloppe, qui enserre ». On le rapppo-
ciie de l'Ouranos grec avec lequel il a beaucoup de simili-
tude.
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LK BRAHMANISME 23
il connaît tous les actes, les pensées Jes plus secrè-
tes, qu'il récompense et punit, dont il délie et retient
les péchés ; il connaît le vol des oiseaux dans le ciel,
la route des poissons dans les eaux, la course du
vent, et voit tout ce qui a été, ce qui est et ce qui
sera. « Le grand Être qui règne sur ces mondes les
voit comme s'il était tout près. Si quelqu'un pense
faire quelque chose en secret, ce Dieu le sait, et voit
quiconque se tient debout, marche, se glisse secrè-
tement, se retire dans sa maison ou dans quelque
cachette. Ce que complotent deux personnes assises
ensemble, en tiers avec elles Varouna le sait. Cette
terre est le domaine du roi Varouna et aussi ce vaste
ciel dont les extrémités sont si distantes. Les deux
océans sont les mammelles de Varouna, et il réside
dans ce petit étang. Celui qui fuirait au delà du ciel,
ne pourrait pas échapper au roi Varouna. Descen
dant du ciel, ses messagers traversent le monde ;
avec leurs mille yeux, ils regardent sur toute la
surface de la terre. Varouna perçoit tout ce qui
existe entre le ciel et la terre et au delà. Il compte
les clignements d'yeux des hommes. Il lient en ses
mains toutes les choses comme le joueur les dés
qu'il va jeter. Varouna, que tes filets enlacent
rhomme qui profère des mensonges et qu'ils s'é-
cartent de celui qui dit la vérité (1) ». Le respect et
Tadoration éclatent en termes d'une grandeur et
(1) Alharva-Véda. IV, 16, 26.
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24
LE BRAHMANISME
d'une élévation incomparables dans les hymnes qui
lui sont consacrés, et où ses adorateurs lui associent
souvent son frère Mitra (1), une des nombreuses
personnifications du soleil, à qui Ton donne le ciel
de jour pour empire, mais qui ne participe qu'en
faible partie au caractère de justicier de Vârouna.
Toutefois, il ne faut pas attacher trop d'impor-
tance à cette apparente attribution du rang sou-
verain à Varouna ; car, d'un côté, les hymnes l'at-
tribuent également à d'autres dieux, et de l'autre
Indra le lui dispute victorieusement et s'en empare
à la suite d'une sorte de traité qui dépossède Va-
rouna de l'empire du ciel et lui laisse celui des eaux,
mythe qui prépare le passage de Varouna à la fonc-
tion exclusive de dieu de l'océan qui lui sera dévo
lue dans la mythologie post-védique. Plusieurs hym-
nes du Rig-Véda renferment d'ailleurs des allusions
à la connexion de Varouna avec les eaux, — eaux
réelles ou eaux du sacrifice, c'est-à-dire les liba-
tions, — notamment les deux passages suivants :
— (( Vous désirant, vous fils de la force, les Marouts
(2) s'avancent à travers le ciel ; Agni sur la terre,
Vâta (3) dans l'atmosphère, et Varouna sur les eaux,
l'océan (4) w. — « Que me protègent les eaux célestes,
et celles qui coulent, celles pour lesquelles sont
(1) L'Ami
(2) Mapul : dieux des éclairs ou des vents.
(3) Vâta ou VAyu, dieu du vent.
(4) R. V. I 161,14.
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LE BRAHMANISME ^5
creusés des canaux, et celles qui se produisent
spontanément, celles qui vont à l'océan, qui sont
brillantes et purifiantes ! Que ces eaux, au milieu
desquelles se meut le Dieu Varouna^ surveillant la
véracité et la fausseté des hommes, qui distillent la
douceur et sont brillantes et purifiantes, me protè-
gent! Que ces eaux dans lesquelles Varouna, Soma
et tous les Dieux goûtent le plaisir de la nourriture,
dans lesquelles est entré Agni-Vaiçvânara, me pro-
tègent! (1) » — (( Mitra et Varouna, vous les deux
rois, protecteurs de la grande cérémonie, puissants
seigneurs de la mer, venez ici ; envoyez-nous du ciel
de la'nourriture et de la pluie ! (2) ».
A Varouna est étroitement apparenté le groupe
des Àdityas dont il est le premier et le chef. Les
Adityas sont de grands Dieux lumineux se ratta
chant tous au mythe solaire, sans en excepter Va-
rouna qui, assez souvent, se substitue au Dieu-Soleil
Savitri ou Sourya, mais dont le nombre et les noms
varient d'un hymne à l'autre. Le llig-Véda en men
tionne tantôt six : Varouna, Mitra, Aryaman, Bhaga,
Dakcha (3) et Amça ; tantôt sept, en adjoignant Sa-
vitri aux précédents ; tantôt huit par l'addition de
Mârttânda. Mais, même dans ce cas, on n'en compte
jamais que sept, Mârttânda, dit-on, ayant été repoussé
(1) R V. VII, 49, 2. Il est à remarquer que le dernier vers de
cette citation désigne pettement les eaux —libations.
[2)R. V, VII, 64,2.
(3) Daksa.
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LE BRAHMANISME
aie par leur mère commune. La Taittirîya-
itâ du Yadjour-Véda et le Taittirîya-brâhmana
nment également huit ; mais substituent Dhà-.
dra etVivasvat à Dakcha, Savitri et Mârttânda.
ard, les Brâlimanas et les Pourânas porteront
ombre à douze, sans doute pour les faire pré-
lux douze mois de Tannée. D'après les hymnes
ies, ce sont les plus grands, les plus puissants,
is bienfaisants et les plus vénérables des Dieux ;
à part Varouna, Mitra, Savitri, Indra et Vivas-
li ont par ailleurs des fonctions déterminées,
icha qui paraît remplir le rôle de créateur ou
^créateur des êtres animés, on ne les invoque
que collectivement pour obtenir leur protec-
t des faveurs, la plupart du temps matérielles,
que longue vie, puissance, richesse, nombreuse
•ité de fils vaillants, abondance de bétail, etc.
vant la donnée généralement fournie par les
, les Adityas sont les fils, sans père, d'Aditi,
5s a conçus après avoir mangé les restes du
ice qu'elle avait offert aux dieux appelés
^as ; mais, ensuite, la littérature post-védique
it naître du mariage d'Aditi avec le sage Richi
ipa, personnage mythique qui personnifie, dit-
crépuscule, et dont on fait à l'occasion le père
plupart des autres dieux. D'un autre côté, le
atha-brâhmana leur donne pour origine douze
es d'eau céleste engendrées par Pradjâpati.
ti (( la libre » ou « l'illimitée, Tinfinie », est
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(:.
LE BRAHMANI
une déesse fréquemment citée
dont, malgré cela, la nature n
terminée avec précision. On h
existant par elle-même, tantôt
et fille des dieux, mère des h
êtres : « La terre naquit d'Oui
naquirent les régions ; Dakcl
Aditi de Dakcha. Car Aditi fut
fille, ô Dakcha. Après elle naqi
reux, ayant en partage l'immo
qui étaient nés de son corps, a
cha des Dieux et rejeta Mârtt
Aditi approcha la première gé
elle enfanta ensuite Mârtlând
aussi bien que pour la mort (1)
maintenant, duquel de tous
nous invoquer le nom propice
vers la grande Aditi, afin que
mon père et ma mère?lnvoquo]
le premier des immortels ; il i
grande Aditi, afin que je puisse
et ma mère (2) ». Suivant les
sonnifier l'espace infini et lum
ture universelle: « Aditi est 1(
Aditi est la mère, et le père et
les Dieux et les cinq races ; Ac
(1) /?. F. X, 72, 4 5, 8-9.
(2) R, V. I, 24, 1.
i^
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!28 LE BRAHMANISME
né; Aditi est tout ce qui naîtra (1) ». Yâska Tidea-
lifie avec Prithivî, la terre, avec le couple Dyâvâpri-
thivî, avec Vâtcli (2), déesse de la parole et du sacri-
fice, elle même confondue avec Sarasvatî, déesse des
eaux; enfin un passage du Rig-Véda Tassimile aux
eaux du sacrifice : « A tous vos noms, ô Dieux, on
doit respect, adoration et culte; vous qui êtes nés
d'Aditi, des eaux, vous qui êtes nés de la terre, écou-
tez mon invocation (3) », assimilation que corrobo-
rent deux autres passages du même Véda (4), où il
est dit que les dieux sont « fils de TAmrita », c'est-à-
dire de la libation de Soma (5).
En réalité, le plus grand des dieux védiques, —
peut-être à l'origine le seul. Tunique, le prototype
de tous les autres dont il serait ainsi véritablement
le père, — est Agni (6), le Feu : les Védas eux-
mêmes nous en fournissent sinon la preuve posi-
tive, du moins une présomption sérieuse. Des raille
dix-sept bymnes du Rig, près de la moitié lui sont
consacrés, et les expressions d'admiration, d'amour,
de reconnaissance et d'adoration par lesquelles ils
glorifient sa beauté et sa puissance, célèbrent ses
(1) R. V. 1,89, 10.
(2) Vûc.
(3) R. V. X, 63, 2.
(4) R. V. Vr, 52, 9 ; et X. 13, 1.
(5) Cf. P. Rbgnaud : Le Rig Véda et les origines de la my-
thologie indo-européenne, p. 192.
(6) Cf. lo latin Ignis ; cf. aussi les mythes d'IIestia et de
Testa.
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LE BRAHMANISME 29
bienfaits et affirment sa suprématie, ne le cèdent ni
en élévation d'idées, ni en enthousiasme aux invo-
cations et aux louanges qu'ils prodiguent à tour de
rôle aux autres grandes divinités. Le doyen des
exégèles du Véda, Yâska (i), reconnaît celte prédo-
minance lorsqu'il ramène tous les Dieux à la triade
Agni, Vâyou ou Indra, et Sourya, et que, ailleurs,
il établit qu'Indra et Sourya eux-mêmes représen-
tent l'Agni terrestre dans Tatmosphcre et le ciel.
Cette prééminence, du reste, ne doit pas nous sem-
bler extraordinaire si, — nous dégageant des préju
gés qui nous font attribuer le rang suprême à Dyôs
à cause de sa ressemblance avec le Zeus grec, ou à
Varouna en raison du caractère moral qu'on lui
prête et qui, en réalité, n'est pas beaucoup plus
développé chez lui que chez les autres Dieux, — nous
considérons, d'un côté, le rôle capital d'Agni dans
l'acte le plus saint et le plus obligatoire de la vie re-
ligieuse de l'Indien, le sacrifice, et, de l'autre, l'im-
portance que devait avoir la possession et l'entretien
du feu chez un peuple très primitif qui semble avoir
gardé un souvenir vivace de l'époque de misère où
cet élément si précieux de l'existence lui était in-
connu (2).
Agni est le plus grand, le premier, le plus ancien
des dieux, leur père, leur roi; il est tous les dieux.
(1) Voir note I, page 17.
(2) Voir P. Rkonaud : Les premières formes de la religion et
de la tradition dans Vlnde et la Grèce.
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30 LE BRAHMANISME
Il a trois places: sur la terre, dans ratmosphère et
dans le ciel. Dans le ciel, il est le poiirokita (i) des
dieiMc, leur directeur religieux ; il préside aux sa-
crifices qu'ils accomplissent et célèbre lui-même leur
culte. Sur la terre, le plus sage et le plus divin des
|} sages, bienveillant pour Thumanité et ne méprisant
"\ personne, il est le Seigneur, le guide du peuple qu'il
protège eu mettant en fuite et détruisant les dé-
mons, un père, une mère, un fils, un frère, un
parent, un ami pour tous les hommes. Réunissant
en sa personne les qualités et les fonctions des diffé-
rents ordres de prêtres, il est le hotri par excellence
qui s'éveille avant l'aurore pour adorer et nourrir
les dieux, le sacrificateur expert dans tous les rites
qui dirige, protège et mène à bien toutes les céré-
monies: « Agni, connaissant les saisons (ou les épo-
ques) qui conviennent aux Dieux, corrige les nom-
breuses erreurs que nous autres, hommes ignorants,
nous commettons contre vos prescriptions, ô Dieux
très sages. Les choses relatives aux sacrifices que
nous ne comprenons pas, nous mortels de peu cl-in-
telligence et de science imparfaite, Agni, le prêtre
vénérable qui les sait toutes, les exécute avec préci-
sion et adore les Dieux au moment convenable (2) ».
Agni est le messager rapide qui assure les commu-
nications entre la terre et le ciel, entre les hommes
; et les dieux à qui il fait parvenir les hymnes et les
(1) Purohita a prèlre-domeslique ou famUial, chapelain ».
(2) B, V. X, 2. 4 5.
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LE BRAHMANISME 31
prières, qui leur porte sur ses flammes les offran-
des de leurs adorateurs. C'est le héraut qui convo-
que les dieux aux sacrifices des hommes, qui les y
guide ou les amène sur son char et partage le culte
qui leur est rendu. Il est la bouche et la langue par
lesquelles les dieux goûtent et mangent l'holo-
causte, ou bien il les devance et se nourrit le pre-
mier des .offrandes.
Agni est immortel; il est même éternel, existant
par lui-même antérieurement à la naissance de tou-
tes choses : au commencement, il résidait inmani-
festé dans le ciel avant que Mâtariçvan, l'émissaire
de Vivasvat (1), l'apportât sur la terre et le confiât
aux soins des Bhrigous (2). Ce qui n'empêche que,
suivant leur habituelle insouciance des contradic-
tions, les textes sacrés le représentent comme créé
par ces mêmes dieux dont on nous a dit qu'il est le
père : (( Pendant la nuit, Agni est la tête de la
terre (3) ; alors il naît soleil levant au matin. Les
Dieux créèrent d'abord Thymne, puis Agni, ensuite
Toblation. Il fut leur sacrifice protecteur : Dyôs,
Prithivî, lés Eaux le connaissent. Par leur puis-
sance, les Dieux engendrèrent Agni qui remplit les
mondes ; ils le façonnèrent pour une triple exîs-
(1) Le soleil.
(2) Bbrgu, demi-dieux sacrificateurs, doués d'une grande
habileté, qui ont enseigné aux hommes le moyen d'aUumer le
feu.
(3) Le Rig-Véda dit aussi qu'U est la tête de Dyôs.
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-'Digitizecl
32 L£ BRAHMANISME
tence (1), il mûrit les planles de toute espèce. Quand
les Dieux adorables Teurent placé clans le ciel lui,
Sourya (2) fils dAdili, lesjumeaux (3) actifs viarentà
Texistence, alors ils virent toutes les créatures (4) ».
On pourrait croire, peut-être, vu l'époque relative-
ment récente où vivait Yàska, qu'il s'agit ici d'une
conception propre à cet auteur et résultant de ce be-
soin de groupement et de syncrétisme des mythes
qui se révèle presque unfversellement dans toutes les
religions parvenues à un certain point de dévelop-
pement, si le Rig-Véda lui-même ne nous donnait
de nombreuses filiations divines d'Agni résumées,
pour ainsi dire, dans le texte du Niroukta. Nous y
lisons en effet, qu'Agni a été créé, façonné ou engen-
dré par les dieux ; qu'il est fils de Dyôs, ou dé Dyôs
et Prîthivû qu'il réjouit par sa naissance ; fils de
l'Aurore ou plutôt des Aurores; fils d'Indra ou de
Viclinou; qulndra l'a engendré entre deux nuages
ou deux pierres (l'éclair jaillissant du choc de deux
nuages ou Tétincelle produite par la percussion de
deux cailloux) ; enfin qu'il est né dans les eaux, for-
mule qui se prête à deux sens, soit que Ton consi-
dère qu*il s'agit des eaux naturelles (pluie ou riviè-
res) dans lesquelles, dit-on, le feu est virtuellement
(1) Dans le ciel, sur la terre et dans les eaux
(2) Ici, Agni est expressément identifié au soleil.
(3) Les Açvios. Cependant Yâska déclare que ces Jumeaux sont
Usas et Sûrya.
(S) iVtrw/fe^a, VII, 27, G-11.
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LK BRAHMANISME 33
contenu, soit qu'on entende les eaux ou libations sa-
crificatoires, c'est-à-dire la liqueur alcoolique et le
beurre fondu employés à vivifier et développer la
faible étincelle obtenue par les procédés primitifs
d'ignition en usage au début de la civilisation.
Mais outre sa naissance divine spontanée ou œuvre
des dieux, Agni a aussi une naissance terrestre et,
en réalité, celle-ci est de beaucoup la plus impor-
tante, car elle constitue l'acte capital du sacrifice.
Chaque jour, en effet, à l'instant où l'aurore point à
l'horizon, Agni naît sur l'autel entre les mains des
sacrificateurs habiles à le faire sortir de la « sombre
retraite qu'il possède dans les eaux et dans les plan-
tes », et particulièrement dans les deux morceaux de
bois sec, les Aranis, qu'on nomme pour cette raison
les (( mères d'Agni ». L'une de ces pièces de bois,
solidement maintenue sur le sol, porte une encoche
ou est percée d'un trou dans lequel vient s'insérer
l'autre arani, taillée en pointe, à qui l'on imprime
un mouvement rapide de va-et-vient, soit entre les
deux mains, soit au moyen d'un archet. L'échauffe-
ment résultant de ce frottement produit une élin-
celle que l'on avive à l'aide de la liqueur enivrante
appelée so7na et de libations soigneusement dosées
de beurre ou autre matière grasse jusqu'à ce que le
feu sacré flambe dans tout son éclat. L'Atharva-
Véda (1) nous donne une description inléressanle de
(1) III. 29, 1.
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I >d
LE BRAHMANISME
icte OU plutôt de ce rite : « Cet acte de friction,
énération, a commencé: apportez cette maîtresse
peuple (1) ; comme jadis, faisons-en sortir Agni
friction. Ce Dieq est déposé dans les deux aranîs
me Tembryon dans les femmes enceintes. Agni
être adoré quotidiennement parles hommes qui
ortent leurs oblations dès leur réveil. Experts
is cette opération), mettez le morceau de bois su-
eur en contact avec l'inférieur gisant couché ;
it fécondée, cette Aranî enfante rapidement le
mreux Agni (2)» qui, aussitôt né, dévore sa mère
les parents. D'autres hymnes, en grand nombre,
différents Védas stipulent de quelle manière doi-
t être faites les libations de Soma et de beurre
d'activer et d'alimenter ce feu nouveau-né
angeur de beurre et de graisse », jusqu'au mo-
it où il sera assez fort pour consumer des obla-
is plus substantielles: gâteaux, riz cuit, grains
H verses sortes, et chair des victimes. C*est alors
commence son rôle de messager et d'intermé-
re entre les dieux et les hommes, de prêtre et de
[•ificateur, de protecteur et de créateur des êtres
il procrée, produit ou façonne avec l'aide de Soma.
gni, nous l'avons vu, a trois places ou demeures,
jur la terre, dans le ciel et dans les eaux, — et
s fréquemment encore sur la terre, dans Tatmos-
I Selon Muir, l'arani inférieure, celle qui repose sur le
) J. Ml'iu : Original Sanskrit texts, l. V, p. 209.
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LE BRAHMANISME 35
phère et dans le ciel, où il se manifeste sous les
formes, diverses en apparence, mais identiques en
réalité, de feu sacré et domestique, d'éclair et de
soleil : de là son appellation habituelle de Triple
Agni ; de là aussi les triades qu'il constitue avec
Indra, feu atmosphérique, et Sourya, le soleil, feu
céleste ; avec Vâyou, remplaçant parfois Indra, et
Sourya ; ou encore avec Soma (1) et Indra, ou Sourya,
triades qui sont de véritables trinités, puisque leurs
éléments s.e réduisent tous à des formes apparentes
et nominales d'Agni. Sur la terre, même, le Triple
Agni se manifeste en trinité sous la forme des trois
feux sacrés, nommés Ahavanya, Dakchina (2) et
Garhapatya, que tout brahmane orthodoxe doit pieu-
sement allumer et entretenir dans sa demeure et
dans lesquels il accomplira chaque matin et chaque
soir les holocaustes obligatoires, feux distincts de
celui qui sert aux usages domestiques. Agni est, en
effet, l'hôte choyé de chaque maison, son protecteur,
son maître ; sa présence sanctifie la demeure du
Dvidja (3) et en éloigne les démons et les mauvais
esprits. Ce feu sacré, domestique, pourrait-on dire,
est le paladium, le symbole de' la famille. On l'al-
lume solennellement le jour du mariage du jeune
(1) Soma pavamâna, la libation enflammée, devient identique
à Agni.
(2) Dalcsina.
(3) Dvila (( Deux fois né », titre de l'Arya des trois castes su-
périeures qui reçoit une seconde naissance du fait de l'initia-
tion.
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36 LE BRAHMANISME
ludieu devenant maître de maison (1), et il ne doit
s'éteindre qu'après la mort de son possesseur. C'est
avec ce feu que sera allumé le bûcher funéraire du
"""Hre de maison ; car Agni rend les éléments du
)s à la nature et conduit l'âme du mort vers les
leures des dieux. C'est aussi avec un brandon
e feu que le Dvidja enflammera le bûcher de sa
pagne fidèle, si elle meurt avant lui. Son rôle
eslre ne le cède ni en grandeur ni en importance
ux qu'il remplit dans les deux autres mondes ;
il est l'inventeur du sacrifice, qui ne saurait'
ter sans lui, des hymnes et de la prière dont ses
llements ont été les premiers accents, le civili-
ur par excellence de Thumanité, Torganisateur
a société et de la famille qu'il a constituée par
ois du mariage et réunie autour du foyer dômes-
e ; il est enfin l'inventeur de tous les arts et de
es les industries, celles principalement qui corn-
ent Tutilisation du feu.
)utefois, Agni n'agit pas en personne dans cette
lière fonction d'inventeur de l'art et de Tindus-
; il y est suppléé par ses deux doublets,
*Àtri (2) et Viçvakarman, Sans que son rôle soit
i nettement défini, Tvachtri tient en partie dans
ythologie védique la place qu'occupe Héphaeslos
5 celle de la Grèce. C'est l'habile artisan divin,
rgeron expert dans le travail des métaux qui
Grhasta .
Tvastr.
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LK BRAHMANISME 37
façonne la hache et le vadjm (I) d'Indra, le tcha-
kra (2) de Vichnou, les flèches de Roudra, des
Marouts et des autres dieux ; prototype de toutes les
formes, c'est lui qui a donné aux dieux leur aspect
et les formes multiples avec lesquelles ils se mani-
festent ; il a fait le ciel et la terre ; tous les mondes
et les êtres, créés par lui, lui appartiennent ; avec la
coopération du ciel, de la terre, des eaux et des
Bhrigous,il a engendré Agni, dont, par contre, il est
aussi quelquefois le fils ; il est le beau-père de
Vâyou, le Dieu du vent, et de Vivasvat, le Soleil, à
qui il a donné en mariage sa fille Saranyou, mère
des Açvins ; il façonne toutes les formes diverses
des hommes et des animaux ; il crée Tun pour
l'autre Tépoux et l'épouse ; il dispense la puissance
génératrice et donne une nombreuse postérité de
fils énergique», vaillants et pieux ; il nourrit et pro-
tège ses adorateurs, possède et répartit la richesse ;
lesRibhous,ces habiles artisans divins, sont ses dis-
ciples, et il est jaloux de l'art qu'il leur a enseigoé.
La légende védique en fait quelquefois le père
d'Indra, avec qui elle le met en hostilité pour la pos-
session du Soma dont tous deux sont également
avides (3) : dans la lutte provoquée par cette compé-
tition, son fils, le monstre à trois têtes, six yeux et
six bras, Trita Aptya ou Viçvaroupa, perd la vie, et
(1 ) Va jra. foudre.
(2) Cakra, disque, roue, autre forme de la foudre.
(3) A. Bergaigne : Religion védique, t. III, p. 58.
3
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38 V LE BRAHMANISME
Tvachtri lui-môme est tué par Indra au moment où
il va prononcer contre le meurtrier de son fils une
malédiction infailliblement mortelle.
Avec des termes un peu différents, nous retrou-
vons en partie les mêmes traits dans le mythe de
Viçvakarman, à qui on semble attribuer cependant
de préférence le côté artistique, si l'on peut s'expri-
mer ainsi, de la création. Viçvakarman, dont le nom
parait avoir été primitivement une épithète d'Indra,
est le grand architecte de l'univers ; il a construit
les palais des dieux, les forteresses des Asouras et
quelquefois aussi les murs des cités des hommes ; il
est le seul créateur du ciel et de la terre qu'il a pro-
duits par le souffle ou le vent provoqué par le mou-
vement de ses bras et de ses ailes ; père et généra-
teur universel, tout ce qui existe est sa propriété ; il
connaît tous les mondes ; il voit tout-, il possède de
tous côtés des visages, des yeux, des mains et des
pieds ; c'est lui qui a donné aux Dieux leurs noms ;
personnification de la puissance divine qui produit
et gouverne Tunivers, il ne peut être connu par les
mortels ; pour séduire et affoler les hommes, il a
créé la première femme ; il a inventé le sacrifice
universel de l'offrande de tous les mondes, et s'est
sacrifié lui-même.
Bien qu'on le relègue souvent à un rang secon-
daire, en raison sans doute de son origine natura-
liste et matérielle trop apparente sous le voile du
mythe, il est impossible da séparer Soma, d'Agni, à
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LE BRAHMANISME 30
cause de leur intime parenté et de la communauté
de leur action dans le sacrifice. De même qu'Agni
personnifie le feu matériel et le dieu de cet élément,
Soma est à la fois le dieu de la libation et la libation
elle-même, le soma. Le soma est en effet un liquide
alcoolique, produit par le jus fermenté d'une plante
que Ton croit être Vasdepias acida, que Ton versait
pour Tactiver sur le feu sacré au moment où il nais-
sait, faible étincelle, au point de contact des deux
aranîs. Cette liqueur fortifiante et excitante est la
boisson chère aux Dieux, à Indra surtout, qui y
puisent le courage et la force nécessaires pour rem-
plir leur rôle divin de protecteurs de Tunivers et
lutter victorieusement contre les démons. Le soma,
identique à Vamrita, donne Timmortalité (la vie,
l'activité) ; c'est par lui que les dieux ont acquis
leur rang sublime et leur puissance ; c'est pour le
posséder à leur tour que les Asouras livrent aux
dieux de perpétuelles batailles. Bu par les sacrifi'
cateurs et les Richis, il leur procure la sainte ivresse
qui inspire leurs chants sacrés et, lorsque leur car-
rière terrestre sera achevée, il leur donnera dans
Tautre monde la vie éternelle et un rang quasi
divin. D'origine divine, il était jadis jalousement
conservé dans le ciel, d'où il fut volé et apporté sur
la terre par le faucon Çyéna ou par la Gâyatrî (1), ou
(1) Gàyatr, hymne consacré au soleil, considéré comme le plus
sacré de tous les hymnes du Rig-Véda. C'est aussi le mètre
poétique dans lequel cet hymne est composé.
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) LE BRAHMANISME
icore par l'oiseau Souparna qui l'apporta à Indra.
En tnnt que Dieu, Soma joue dans la mythologie
îdique un rôle dont Timportance est indiquée par
fait que tout le neuvième Mandata du Rig-Véda
'est-à dire 108 hymnes) lui est consacré, sans
)mpter les nombreux hymnes où il est invoqué en
)mpagnie d'autres dieux. Comme Agni, il est sacri-
Bateur puisqu'il fait naître et nourrit le feu sacré ;
est chantre et poète puisqu'il inspire les chantres ;
est le sacrifice lui-même qui ne saurait exister
uis lui. 11 est le père et le générateur habile de
)us les dieux, même d'Agni ; associé à Agni il a
igendré tous les mondes et les créatures ; il assiste
idra et lui donne la victoire dans ses combats con-
e les éternels ennemis du sacrifice et du monde ; il
)nne l'immortalité ; il est le prêtre des dieux, le
us sage des Richis, le plus inspiré des poètes. De
êmequ'Agni, avec qui il est toujours étroitement
ni, il a une triple existence : dans le ciel où il est
& en tant qu'essence divine du feu, et où il remplit
s mêmes fonctions sacrificatoires que dans le
onde des hommes ; dans l'atmosphère où son feu
j^uide pénètre et vivifie les gouttes de la pluie fé-
indante ; enfin sur la terre comme élément pri-
ordial du sacrifice, le feu sacré ne pouvant s'allu-
er rituellement que grâce à sa collaboration.
De tous les dieux du panthéon védique, Indra est
icontestablement celui que les hymnes représentent
►m me le plus fort, le plus énergique, le plus vail-
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LE BRAHMANISME 41
lant, le plus puissant, et le plus généreusement dis-
posé à exaucer les suppliques de ses adorateurs ; ils
lui donnent déjà le rang de Roi des Dieux qu'il con-
servera dans toute la littérature sacrée postérieure,
même chez les hérétiques Djains et Bouddhistes.
Forme du dieu du feu, ainsi que Tindique son nom,
—Indra « Tardent », — il personnifie TAgni atmosphé-
rique qui se manifeste sous l'apparence de l'éclair.
Son origine est obscure et contradictoire, comme
celles de tous les autres dieux, car tantôt il semble
qu'il soit né spontanément, existant par lui-même,
selon le terme consacré ; tantôt on le dit fils de Dyôs,
d'Agni, de Tvachtri ou de Soma ; tantôt son père et
sa mère innommés sont le plus habile des dieux et
la plus féconde des déesses, et, impatient d'une trop
longue gestation, il sort du sein de sa mère avec une
telle violence qu'il lui donne la mort (1) ; tantôt en-
fin, mais à une époque postérieure à celle des pre-
miers hymnes du Rig-Véda, il est fils d'Aditi et
compte par conséquent parmi les Adityas.
Indra est le dieu guerrier par excellence; à peine
né, son premier acte est de s'enquérir des ennemis à
combattre et des autres dieux à détrôner ; à ce point
de vue, il est bien réellement le patron tout indiqué
des Aryas conquérants de l'Inde et de la caste belli-
queuse des Kchatrîyas. C'est sans doute aussi à ce
rôle de protecteur des armées, de dispensateur de la
(I) Cf. Agni qui dévore ses parents.
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LE BRAHMANISME
5toire, qu'il doit d'avoir conservé jusque dans
[indouisme le rang suprême de Roi des Dieux.
s plus que ses congénères, Indra n'était immortel
ns le principe : il a acquis l'immortalité et la divi-
té par ses tapas (1), et par la conquête de TAnirita
du soma, à qui il doit sa vigueur et son courage,
ur la possession duquel il n'a pas reculé devant
; meurtres de Trita Aptya et de Tvacblri ; mais sa
andeuret son pouvoir sont instables : des hommes
me piété transcendante, de sages ascètes peuvent
s'efforcent de parvenir à le détrôner en le surpas-
at par la rigueur de leurs tapas, par le nombre,
pulence et la durée de leurs sacrifices (2), et sa
éoccupation constante est de leur faire perdre le
lit de leurs œuvres méritoires en les exposant aux
itations de quelque Apsaras (3) qui les f^ra tom-
r dans le péché de luxure ou provoquera leur co-
•e par le trouble apporté à leurs pieux exercices,
uble alternative qui produit le même résultat;
xi acte passionnel, de quelque nature et si passa-
r qu'il soit, détruisant radicalement les mérites
iigieux le plus longuement et le plus péniblement
cfuis.
l) Ardeur, chaleur intense, pénitences et austérités religieu-
î) Les sacrifices des Richis en vue de i'obtention du rang
in durent souvent des milliers d'années.
3) Nymphes célestes d'une beauté irrésistible et réputées
is l'art de séduire, courtisanes du Svarga, ou paradis d'In*
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LE BRAHMANISME
Sous beaucoup de rapports, la manière do
hymnes du Rig-Véda nous décrivent Indra ne d
pas sensiblement de la formule, en quelque
universelle appliquée à tous les dieux. Ils
disent, en effet, qu'il est le créateur, ou plul
générateur du ciel et de la terre; « qu'il a éta
ciel dans l'espace vide ; qu'il remplit les deux
des (ciel et lerre) et l'air (ou l'atmosphère) ; qi
soutenu «t étendu la terre et que tout cela il 1
compli sous l'influence de l'ivresse du soma i
qu'il est le chel de la race humaine et des d
qu'il est le dispensateur de tous les biens, le ni
de la pluie fécondaute. Plus que les autres, c€
dant, il est toujours bienfaisant et généreux
ses adorateurs, et on l'investit de certaines fonc
morales analogues à celles de Varouna : il déci(
la destinée des hommes, punit la fraude et su
l'irréligion : « ne nous tues pas pour un péch
pour deux, ni pour beaucoup, ô héros ! (1)» lui c
on ; maiscompatissant et indulgent par nature
toujours prêt à pardonner à ses fidèles Arya
échange de riches sacriûces et de copieuses ras
de soma. Il a pourtant un rôle spécial et tout è
personnel, celui de champion des dieux et des 1
mes contre les puissances des ténèbres et de 1
cheresse, les démons qui mettent obstacle au s
iice. Les combats qu'il livre conlre ces ennemis
(1) k V. II, 15.
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44 LE BRAHMANISME
nels, Vritra, Abi, Çambara, Namoutchi, Piprou,
Çuchna, Oiirana, etc. , font le sujet de la plupart des
deux cenls hymnes que lui consacre le Rig Véda,
surtout ceux, particulièrement terribles, qu1l sou-
tient contre Vrilra et Abi, démons décrits comme
des serpents ou des dragons monstrueux et que Ton
considère généralement comme des personnifica
tions des nuages qui retiennent la pluie et obscur-
cissent la lumière du soleil. Assisté de Vichnou, des
Marouts, d'Agni, de Soma, des Ribbous, soutenu
par les hymnes d'encouragement et les sacrifices
des hommes, ivre du soma qu'il a bu avidement, il
terrasse, perce et déchire de son vadjra (la foudre)
ses redoutables adversaires, délivre les vaches céles-
tes retenues prisonnières dans leurs flancs, fait cou-
ler à flot leur lait (la pluie) sur la terre altérée, et
fraye de nouveau la route aux rayons du soleil.
Ce mythe est facile à expliquer par les phénomè-
nes météorologiques de Torage et la lutte tradition-
nelle entre la lumière et les ténèbres ; mais ce n'est
pas seulement contre ces démons qulndra prend les
armes : il guerroie aussi sur terre pour ses fidèles
Aryas, il frappe et abat leurs ennemis, les Dâsas et
les Dâsyous. Tantôt il prend une part active au com-
bat, tantôt il se contente d'assurer la victoire par sa
seule présence ; mais dans tous les cas, le butin,
chevaux, vaches, femmes et autres richesses, devient
tout entier la propriété des Aryas. Un point reste à
élucider : la nature de ces Dâsas et de ces Dâsyoûs.
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LE BRAHMAJSISME 45
Quelques auteurs voient en eux les populations au-
tochthones conquises ou dépossédées par les Aryas :
il paraît toutefois plus probable qu'il s'agit simple-
ment d'autres démons, analogues sinon identiques
aux Râkchasas, des empêcheurs du sacrifice.
En raison même du rôle et des fondions qu'on lui
attribue, il était naturel" que ce dieu guerrier se
présentât plus ou moins à l'imagination de ses ado-
rateurs sous la forme, évidemment magnifiée, d'un
guerrier humain ; c'est, en effet, ce qui est arrivé, et
Indra est, sans contredit, le plus authropormorphisé
des dieux. On lui donne une taille imposante, une
belle prestance, une carnation rouge ou dorée, de
longs bras, et, il faut bien l'avouer, avec l'apparence
d'un homme on lui en attribue aussi les passions et
les faiblesses : son courage subit parfois des défail-
lances, témoin sa fuite devant Vritra, et son pen-
chant pour la luxure est l'objet d'assez nombreuses
allusions qui se transformeront plus tard aux légen-
des peu édifiantes qui lui donnent une ressemblance
frappante avec le Zeus grec auquel il s'identifie du
reste par beaucoup d'autres côtés. On lui donne des
armes diverses : une hache, tantôt en pierre, tantôt
en airain, que Tvachtri aiguise ou forge, le vadjra
ou foudre qui est son attribut le plus habituel, un
arc et des flèches, enfin, comme à Varouna, un filet
ou un lacet avec lequel il saisit et lie ses ennemis. Il
a pour monture un éléphant, Airavata, le plus beau,
le roi des éléphants, ou bien il traverse l'atmos-
3.
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LE BRAHMANISME
e son domaine, sur un char d'or étineelant
ié par deux chevaux rouges ou bais, attelés par
ière, dont la course est aussi rapide que le vol
mcon. Parfois Vâyou, le dieu du vent, lui sert
)cher.
'occasion du combat d'Indra contre Vritra, nous
s nommé Vichnou (1), parmi les alliés ou acco-
du grand vainqueur des démons. La place faite
dieu dans le Rig-Véda est loin de laisser prè-
le rang suprême auquel il s'élèvera dans la rajr
>gie postérieure ; à peine s'il est invoqué dans
ques hymnes qui lui donnent les attributs ap-
rès d'une façon courante à tous les dieux. Son
l'indique comme une divinité solaire ou ignée
tement apparentée à Agni et à Sonia, en tout
comme un dédoublement d'Indra, lui-même,
le savons, identique à Agni. Il possède une
le nature, brillante et sombre ou obscure
îu avant qu'il luise ou le soleil avant qu'il
ve) et sa demeure invisible est aussi celle des
s. 11 est habile, rusé, fertile en ressources, et
nieux qu'Indra venir à bout de l'ennemi si re-
ible qu'il soit. Quand Indra l'appelle à son aide,
nchit le monde en trois pas, dont les deux pre-
3 sont visibles et le troisième invisible. Son
est le tchakra (2) ou disque, forme de la foudre
ique au Vadjra, ou bien peut-être le disque so-
ïsnn.
akra.
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LE BRAHMANISME 47f
laire. On explique le mythe des trois pas d(
nou, que nous retrouverons plus tard dac
de ses^ nombreux avatars, par les trois positi
soleil à^ son lever, au milieu du joue et à so
cber, ou bien par les trois mondes céleMe, te
et infernal que le soleil parcourt dans sa
quotidienne, et on les rapproche, avec raiso
trois demeures d'Agni et de Soma,
Avec Sourya (1) — qui prend aussi 1q& n(
Savitri ou Savitar, de Pouchan, de Pardjaiiyj
Mitra, peut-être de simples épithètes, mais
dant représentés souvent clans les textes le
anciens comme ceux de divinités solaires dis
de lui — nous nous trouvons en présence de ]
sième» manifestation et la plus élevée d'Agni,
céleste. Il semble que ce Dieu^ personnificai
l'astre du jour, devrait remplir un rôle pr
nant, étant donné surtout le caractère solaire
s'accorde généralement à attribuera la religî(
mitive de llncie, et cependant il n'occupe
rang tout à fait secondaire. Contrairement à
nous constatons pour les autres grandes div
on ne dit jamais qu'il soit né ou existant p
même. Il est créé ou engendré, placé dans le c
les dieux pour éclairer le monde, fils du ciel,
%ôs, d'Aditi (quoiqu'il ne figure pas dans I
primitive des sept Adityas), des Aurores, d
|l)Sûrya.
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LE BRAHMANISME
i OU de Sonia. Il semble que, chez lui, le carac
pour ainsi dire matériel, de luminaire ait
é la divinité, ainsi qu'on peut le conjecturer
s dénominations habituelles d'oeil du monde,
i ciel, œil d*Agni, feu sacrificatoire des dieux,
)mparaisons avec un char ou avec une roue
ant dans le ciel. Il paraît, en un mot, beau-
plus matérialisé que le feu terrestre, Agni lui-
I, tout contradictoire que ce fait puisse sem-
Sourj^a ne laisse pas cependant que de posséder
ues caractères divins : protecteur et âme de
;e qui existe, ciioses immobiles ou douées de
îmenf, il voit tout, il voit de loin, il connaît
Lions des hommes ; monté sur son char rapide
lense la lumière, règle les jours et les nuits,
t les saisons ; quelquefois même on l'identifie
e sublime Varouna, ainsi que le montre ce
^e d'un hymne du Rig-Véda (1) : « Les hérauts
isent vers les hauteurs ce Dieu Sourya, qui
ît tous les êtres, le manifestant à tous les re-
Eclipsées par tes rayons, les étoiles, sembla-,
des voleurs, se dérobent devant toi, luminaire
is tout. Tes rayons, révélant ta présence, sont
js pour toute l'humanité, brillants comme des
es. Traversant le ciel, toi qui vois tout, tu as
i lumière, ô Sourya, et éclairé tout le firma-
Tu te lèves et tu te fais voir en présence des
V. I, 50.
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LK BRAHMANISME
Dieux, des hommes et du ciel tout entier,
éclat qui t'est propre, ô illumiiiateur, ô Vai
surveilles la race affairée des hommes. Ti
pli le ciel, ô Sourya, le large firmament, i
les jours, épiant tous les êtres. Sept jumen
t'emportent dans ton char, ô Sourya cla
Dieu à la flamboyante chevelure. Le solei
les sept juments brillantes, filles du char ; a
qui s'attèlent toutes seules, il s'avance. Po
regards vers la lumière d'en haut, par del
nèbres, nous nous sommes élevés jusqu
sublime des astres, Sourya, Dieu pa
Dieux. »
Avec Sourya peut se clore la liste des grai
védiques, car si, de la multitude de ces
sans fonctions réellement essentielles qui
guère que des noms divers donnés, à
semble, par pures métaphores et par une
fantasmagorie, à des manifestations variées
et de phénomènes entièrement analogues sii
tiques, il s'en dégage encore quelques-unes
d'une apparence de grandeur et de puissar
ble de produire quelque illusion, célébrées
formules pour ainsi dire banales appliquée:
remmentà tous les dieux, telles que Vâyou,
les Marouts, les Açvins, Yama, Kâma et K
rôle secondaire et l'incertitude de leurs i
réelles les classent à un rang presqu(
terne.
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LE BRi\HMA^SMB
inblerait, par exemple, que Vâyou(\)o\i Vâta^
ent )), en sa qualité d'élément essentiel de
lage du feu et de personuification du raouve-
la chaleur et le mouvement sont les caractér
les de toute vie), dût occuper une place pré-
ranle, et cependant c'est à peine s'il possède»
les hymnes qui lui soient consacrés en propre*
u'ii soit associé avec Indra. Les chantres védi-
le se donnent pas la peine de nous renseigner
a origine et, en fait de parenté, nous apprenr
eulenient qu'il est le gendre de Tvachtri. On le
if, rapide, beau; mais plutôt que les sien»es
is, c'est la beauté de son char étincelant, lai
té de ses coursiers qu'on célèbre : « Je chante
redu char de Vâta, dont le bruit déchire et
le. Touchant le ciel, il s avance, rougissant
les choses, et il marche, chassant devant lui
ssière de la terre. Les bouffées d'air se préci-
à sa suite et se réunissent dans lui comme des
is dans une assemblée. Assis avec elles sur son
e Dieu, roi de l'Univers, est porté eu avant,
ant, droit devant lui, par les routes de l'atmos-
il ne s'arrête jamais un seul jour. Ami» des-
premier né, saint, en quelle place est-il né?
st-il sorti? Ame ^es Dieux, origine de TUni-
le Dieu se meut au gré de sa fantaisie. On
l son bruit, mais on ne voit pas sa forme.
yu-
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LE BRAHW'AMSMË 51
Adorons ce Vàta avec une obhUion (1). » WMfi,
quand on l'invoque, on lui demande la richesse, 1^
santé, une longue vie, faveur» dont ii délient la dis-
pensation concurremuieut avec Rendra. En réalité,
yâyoui se présente plutôt sous^ l'a&pect d'mi dieu du
tonnerre et de l'orage que sous celui de dieu du
vent bienfaisant, et ce caractère orageux nous ex-
plique son association intime avec Indra et sa fré-
quente substitution à ce dernier dans la trinité des
trois feux terrestre, atmosphérique et céleste, Agni,
Vâyou, Sourya.
jRtJurfm (2), (( le Hurleur » ou peut-être mieux en-
core (( le Rouge », est généralement présenté, tant
par les Indiens que par les indianistes, comme la
personnification de Torage, de l'ouragans du cyclone
dévastateur, et celte identification correspond bien,
en effet, aux nombreux passages des hymnes qui
respirent la terreur de la colère du redouda^ble Rou-
dra. Mais ii ne faut pas oublier qne ce n'est là qu'un des^
côtés de la personnalité de ce d ieu': il possède une dou-
ble nature, tantôt terrible et presque démoniaque, tan-
tôt bienfaisante, et cette dernière a bien au moinsan-
tant d'importance que l'autre; aussi, croyons-nous
qu'il ne manque pas de raisons, aussi nombreuses que;
solides, pour l'assimiler de préférence à un dieu du
feu, feu destructeur à la vérité, éclair ou soleil ar-
(1) R. V. X, 168, 1-4.
(2) Rudra.
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i Lia BRAHMANISME
3nt qui dessèche, brûle et dévore, mais également
u bienfaisant, générateur et fécondateur indiqué
îr ses fonctions de guérisseur des maladies des
3rames, de multiplicateur et de protecteur spécial
îs troupeaux. D'un côté, en effet, il est fréquem-
ent assimilé d'une manière explicite à Agni, et, de
iutre, on lui donne pour épouse Priçni, le nuage
ms le sein duquel se forment, d'où naissent les
)\a\rs, ce que \g Rig-Véda affirme du reste en lui
tribuant la qualification de vache qui caractérise
s nuages dont les eaux sont le lait. De plus, Rou-
-a est lui aussi un archer, et sa flèche fait couler
s rivières comme la foudre dlndra fait couler les
\ux prisonnières dans les nuages, mythes absolu-
ent identiques. Enfin, il est possesseur et gardien
î Tamrita ou du soma au même titre que Dyôs,
arounaetïvachtri.Roudra,eucorecomme Varouna,
t un justicier : sa colère est provoquée par les con-
aventions aux lois divines et humaines et surtout
ir la négligence du sacrifice, pefc/ies qui ont les ma-
dies pour châtiment, comme aussi les remèdes
faillibles (Vamrita, le soma) qu'il dispense sont la
compense de Tadorateur pieux et généreux et du
icheur sincèrement repenti. Ce rôle, on en con-
endra, n'est guère celui d'une personnification de
)uragan.
A Indra, Vâyou et Roudra, le ItigVéda associe,
iguement et à des titres différents, un groupe de
larante-neuf Dieux dénommés collectivement
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L£ BHAHMANISMG 53
Marouts (1), mais qui n'ont point de noms person
nels, personnages dont la filiation, la nature et les
fonctions sont encore très discutées. En effel, on les
rattache quelquefois à Indra ou à Vâyou, et le plus
souvent on leur donne pour parents Roudra et Priçnî,
en en faisant des dieux du vent et de l'orage. Mais
si nous considérons qu'ils ne sont que très rarement
associés avec Vâyou et Roudra, tandis que le Rig-
Véda en fait presque continuellement les alliés
d'Indra dans ses luttes contre les démons et parfois
même les désigne comme ses frères (2); qu'ils sont
comme lui avides de soma; que si, comme Roudra,
ils sont investis des fonctions de guérisseurs, ces
fonctions appartiennent également et même plus
liabituellement à Agni, à Soma et même à Indra; que
rien n*est moins certain que l'application qu'on leur
a fait du nom de Roudras ou de Roudrîyas, puisque
par ailleurs les Védas parlent presque toujours
de onze Roudras seulement; qu'ils les dépeignent
comme brillants, vêtus d'habits et d'ornements bril-
lants, possesseurs de chars étincelants et bruyants,
eonverts d*armures et armés de lances, d'épieux et
de flèches étincelantes et aiguës, il semble plus indi-
qué de les assimiler aux éclairs qu'aux vents, et
peut-être même aux flammes du sacrifice. Quoi qu'il
en soit, ils sont fréquemment invoqués, et tou-
jours comme des dieux favorables et bienfai-
(1) Maruta.
(2) R. V. I, 170
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54 LE BRAHMANISME
sants, éiuinents et actifs protecteurs des hommes.
Les deux dieuxjumeauxappelésiçmn5(l)sontpour
nous d'une nature tout aussi énigmatique, quoique
les hymnes en fassent invariablement les fils de
Sourya et de Saranyou, fille de Tvachtri, ou de
Sanjnâ, fille de Dakcha. Quelle que soit la déesse,
leur mère, la légende de leur naissance est toujours
identique : mariée à Sourya, c'est à-dire au Soleil,
Saranyou ou Sanjfiâ ne peut supporter l'ardeur de son
époux et, substituant à sa personne une remplaçante
illusoire revêtue de toute son apparence, Tchâyâ (2),
s'enfuit sur la terre où elle se cache sous la forme d'une
jument. Sourya la poursuit, transformé en étalon,
et de leur union naissent les Açvins(3). On les re-
présente tantôt à cheval, tantôt montés sur des chars,
souvent assis sur un seul char ou chevauchant sur le
même cheval. Ce sont des dieux éminemment et
toujours bienveillants : ils font couler les eaux et,
avant tout, se présentent comme des médecins fai-
seurs de cures merveilleuses, mais se distinguent,
sur ce point, de Roudra et des Marouts en ce qu'ils
ne provoquent jamais les maladies qu'ils guérissent
et ne possèdent pas, par conséquent, le même carac-
tère de justicier; leur sollicitude s'étend également
sur les bestiaux et sur les hommes. Us prennent
part au sacrifice en qualité de prêtres et de chantres.
(1) Açvinau (forme du duel).
(2) Câyâ « Tombre ».
(3) Racine Açva, « cheval ».
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LE BRAHMANISME
Ce sont enfin les protecteurs et parfois les insp
teurs des Rlchis.
Malgré de nombreuses tentatives d'explication
ne sait jusqu'à présent à quel phénomène nat
les identifier, tout en reconnaissant leur na
solaire ou ignée. Ils précèdent l'aurore et dissi]
les ténèbres, et de ce fait on a proposé de les i
miler aux crépuscules, interprétation à laquell
se prête guère leur char unique. On les comi
aussi à Indra, feu céleste, et à Agni, feu terres
dissipateurs des ténèbres; ou bien encore on
identifie au soleil levant et au sacrifice matina
faut bien reconnaître qu'aucune dé ces interpi
tions n'explique leur mythe d'une manière satl
faisante.
Bien qu'il ne tienne qu'une place très second
dans les Védas, Yama est encore une Divinité (
est important de signaler moins en raison du
qu'il remplit dans la religion primitive que de c
que lui donnera la mythologie postérieure. Ces
dieu d'une nature t'ellement indécise qu'on pei
demander s'il est un dieu ou un simple morli
semble, en efïet, d'après le Rig et l'Atharva V
qu'il soit au début un homme et qu'il n'ait ac
l'immortalité et la divinité qu'après sa mort. Il e
premier mort. Il a frayé la route vers l'autre nu
que les Pilris ont suivie après lui, et la connais
il y guide les âmes des morts vers la directio
sud, au royaume brûlant d'Agni. De ce rôl
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56 LE BRAHMANISME
psychopompe à celui de juge et de roi des morts il
n'y avait qu'un pas, et ce pas a été vite franchi.
Souverain du moude des Morts, Yama est bientôt
devenu le dieu de la mort et la mort elle-même. Il
surveille et connaît toutes les actions des étrés;il
préside à leur naissance, règle leur destinée, fixe la
limite de leur existence, et quand cette limite est
atteinte ses satellites et ses deux chiens, Çyâma et
Çabala (les Sârameyau fils de Saramà, la chienne
d'Iudra, prototypes de Cerbère) amènent les âmes des
défunts devant son redoutable tribunal. Est-ce en
raison de ses fonctions de juge inexorable et incor-
ruptible? est-ce à cause de sa vertueuse résistance
aux propositions incestueuses de sa sœur Yamî? (1)
Toujours est-il que dès l'antiquité védique, Yama
personnifie la loi ou le devoir, Dhaima, et reçoit le
titre de Dharma-râdja « Roi de la Loi » qui le suivra
jusque dans la mythologie du bouddhisme.
En raison môme de son naturalisme très primitif
et de sa conception pour ainsi dire familiale qui
donne à chaque dieu une compagne, la mythologie
védique doit naturellement être riche en déesses;
mais la plupart de celles-ci sont des entités purement
nominales, féminisation du nom du dieu auquel elles
sont associées, telles Indranî, Varounanî, etc. Il en
est cependant quelques-unes qui remplissent un
rôle réellement important et parmi lesquelles figu-
(1) R. V. IX, \o.
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LE BRAHMANISME ^7
rent en première ligne Prithivî, Aditi, Dilî, (
et les Apsaras.
Nous connaissons déjà les deux premiè
n'avons pas à revenir sur leur compte. Diti
qu'elle soit fréquemment nommée dans les V^
une nature complètement incertaine, tout ce
peut en dire c'est qu'elle paraît avoir été in
pour servir de contrepartie à Aditi, et persoi
les ténèbres en opposition avec la lumière. E
la mère des Daityas, démons géants, les plusj
tables des ennemis des dieux, qui ont une au
frappante avec les Titans de la mythologie gre
Mais, même en tenant compte du rôle cos
nique et théogonique de Prithivî et d'Aditi, 1
mière et la plus adorée des déesses, celle
laquelk les chantres védiques trouvent les a
les plus enthousiastes, c'est Ouchas (1), l'Aun
l'on peut facilement expliquer cet euthousi
môme en faisant abstraction de toutes meta]
mythologiques, parla joie que procure la pre
apparition du jour chassant les ténèbres de 1
avec ses terreurs de l'inconnu, des fantômes e
et des bêtes fauves, objets de l'efïroi de toutes ]
pulations primitives. Ouchas est la plus iém
des déesses de cette période. On la compare
jeune fille coquettement parée, à une amant
jeune épouse amoureuse qui dévoile pudiquer
(1) U^as.
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LR BRAHMANISME
époux les trésors de sa beauté, à une danseuse
delà perfection de ses formes, a L'aurore, riche-
t vêtue, est comme Tépouse amoureuse qui
5 en riant aux regards de son époux les trésors
a beauté (1) » — « Gomme la femme vient à son
IX, elle arrive chaque jour au lieu du sacrifice
de celui qui Thonore. — Telle une vierge aux
les légères, ô Déesse, tu accours vers le Dieu du
ifice. Jeune et riante tu devances le soleil et dé-
ïves ton sein brillant. — Pareille à la jeune fille
sa mère vient de purifier, tu révèles à l'œil l'écla-
e beauté de ton corps. Aurore fortunée, brille
excellence (2). » — « Comme une danseuse,
rore révèle toutes ses formes (3). » Ouchas est
du ciel (Duhitâ Divas, cf. e^jyàznp àtàç désignation
héné (4)), mère, épouse ou fille de Sourya, ou
encore fille de Brâhmanaspati ou de Soma,
tion qui la rattache aux éléments du sacrifice,
jours bienfaisante, partout où elle passe elle ré-
i sur les demeures des hommes, santé, bonheur,
esse; elle fait prospérer et se multiplier les trou-
IX.
/ec les Apsaras nous rentrons dans la catégorie
divinités de caractère changeant et par suite
R. V. II, 1, II, 7.
R. V. II, 1, 11,9.
R. F. I, 6, XII, 4. Ces citaUons sont empruntées à la tra^
on de Langlois.
P. Regnaud : Les premières formes de la religion et de la
itiondans VInde et la Grèce, p. 72.
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LE BRAHMANISME 59
quelque peu démoniaque. Identiques aux Nymphes,
aux Péris, aux Fées, ces déesses représentent Téïé-
ment humide, les vapeurs légères qui flottent dans
Tatmosphère, et probablement aussi, comme la plu-
part des divinités féminines, les eaux du sacrifice.
Belles d'une beauté divine, expertes dans tous les
artifices et les séductions, ce sont les danseuses, les
chanteuses, les musiciennes, en un mot les houris du
Svarga ou paradis d'Indra, chargées de la délicate
mission de récréer les dieux, et aussi les dangereux
instruments de perdition suscités par le roi du ciel
pour troubler et anéantir les méditations pieuses et
les pénitences des sages dont les mérites religieux
excitent la jalousie soupçonneuse des dieux qu'ils
naenacent dans leur puissance et même dans leur
existence. Parmi ces séductrices on cite comme les
plus redoutables Ourvaçî, Rambhâ et Ménakà. Les
Apsaras sont les épouses des Gandharvas, dieux mu-
siciens, eux aussi apparentés à l'élément aqueux et
que l'on rapproche des Centaures.
Çii (1), Lakchmî (2), ces déesses qui rempliront
un si grand rôle dans la mythologie postérieure,
sont à peine nommées dans le Rig-Véda, et Yaml n'y
paraît qu'accessoirement, associée avec son frère
Yama. Deux Déesses cependant méritent une men-
tion spéciale : Vâtch (3), créée et employée par les
(1) çr.
(2) Laksml, déesse de la fortune et de la beauté.
(3) Vâc « la parole et peut-être la prière ».
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LK BRAHMANISME
ux pourséduireles Asouras elles frustrerdela pos-
;ion de l'amrita qui les aurait rendus immortels,
ue nous retrouverons plus tard comme instru-
it actif de la création (1) ; Sarasvati « la Riche en
X, celle qui coule », personnification de la liba-
i de môme qu lia et Ida, qui se confond souvent
z Vâtch (peut-être parce que les paroles de la
îre coulent comme de Teau) et qui deviendra la
sse de la rivière sacrée qui porte le même
1.
es Dénions, — Il n'est guère d'hymne des Védas
1 ne soit fait mention des démons. Us sont in-
ibrables et sous les noms divers d' Asouras (2),
tyas, Dânavas, Nâgas, Râkckasas (3), Bhoutas (4),
stituent des familles ou groupes, distincts plutôt
leurs dénominations que par les rôles qu'on leur
ibue. Ils ne reçoivent aucun culte, même propi-
)ire (ou du moins il n'en existe point de trace),
B n'est, sans doute, qu'à la suite de l'infiltration
superstitions grossières des peuplades auloch-
les qu'on est arrivé à instituer certaines cérémo-
destinées à conjurer leurs maléfices. Les dé-
is indiens sont les ennemis des dieux plutôt que
D'après plusieurs textes des Bràhmanas, c'est par la pa-
:[ue Prajâpaticrée les mondes et les élres.
Asura.
Ràluasa .
Bhûta.
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LE BRAHMANISME 61
des hommes, et la plupart d'entre eux ne nuisent à
ces derniers que d'une manière pour ainsi dire indi-
recte en s'efforçant de leur persuader de négliger le
culte des dieux, de leur inspirer le mépris des Védas
et des lois divines, de détourner à leur propre profil
les sacrifices, surtout d'entraver et de souiller ces
sacrifices afin d'en priver les dieux, toutes choses
impies desquelles découlent les maux moraux et
matériels qui accablent l'humanité.
Les Asouras soDi les plus grands et les plus puis-
sants de ces démons. Ils sont de même nature et ont
la même origine que les dieux, — certains lextes
nous disent même qu'ils en sont les frères aînés, —
et s'ils leur sont inférieurs en puissance, s'ils ne
sont pas immortels eux aussi, c'est que par force ou
par ruse les Dieux ont réussi à accaparer l'auirita,
c'est à-dire le soma ou la libation des sacrifices des
hommes. De là la haine qui les anime, de là les in-
cessants combats qu'ils livrent aux cohortes céles-
tes pour reconquérir l'amrita et les dépouiller à leur
tour de la puissance et du rang divins. Chose qui
nous paraît étrange, ces démons sont pieux, se li-
vrent à des pénitences et à des austérités religieuses,
et célèbrent eux aussi des sacrifices dont les mérites
leur permettront de détrôner leurs ennemis. Quel-
quefois même on leur donne le titre de prêtre et de
brahmane. Tel est le cas de Vritra, d'Ahi, Çambara,
Piprou, etc., ces éternels ennemis dlndra, si bien
que ce dernier, après sa victoire sur Vritra est
4
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62 LE BRAHMANISME
obligé de se soumettre à la pénitence imposée pour
le meurtre d'un brahmane. Un peu moins puissants
peutêlre, les Daityas, fils de Diti, et les Dânavas, fils
de Danou, remplissent un rôle analogue, sinon iden-
tique, à celui des Asouras et souvent se confondent
avec eux sous une même dénomination. Quant aux
Nâgas, démons-serpents, leur caractère d'ennemi
des dieux est peut-être moins accusé, mais par con-
tre ils sont plus nettement malfaisants pour les
hommes. Dans le Rig-Véda, les Râkchasas se présen-
tent presque exclusivement en perturbateurs du sa-
crifice qu'ils entravent, arrêtent ou souillent de
façon à lui enlever son efficacité ; mais la qualifica-
tion de mangeurs de chair qu'on leur donne prépare
déjà leur transformation en dévoreurs d'hommes,
en ogres, rôle tout mythique d'ailleurs, bien que
quelques auteurs penchent à en faire les représen-
tants de peuplades indigènes sauvages et anthropo-
phages. Sous le nom de Bhoutas, enfin, on désigne
les fantômes et les revenants qui harcellent et terro-
risent les hommes pendant les ténèbres de la nuit ;
plus tard ce deviendront spécialement les ombres
tristes et malfaisantes des êtres impies et pervers,
des grands criminels, des hommes morts de mort
violente ou bien privés de sépulture, surtout des sa-
crifices funéraires destinés d'abord à faciliter le pas-
sage de leur âme, ou de leur esprit, dans l'autre
monde et ensuite à satisfaire ses besoins, à la nour-
rir dans son existence d'outre-tombe. Quant aux
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LE BRAHMANISME 63
Dâsas et aux Dasyous, il est difficile de décider si ce
sont de mythiques démons analogues à ceux que
nous connaissons déjà par leur nature et leurs allri-
butions, ou bien s'il s'agit d'ennemis réels du peuple
Arya, des aborigènes contre lesquels il lutte pour la
possession du sol, ainsi que le supposent beaucoup
d'auteurs des plus sérieux et que l'affirment les exé-
gètes indiens des Védas. Il semble toutefois que,
dans le principe, c'était bien de démons perturba-
teurs du sacrifice qu'il s'agissait, et que peu à peu,
par sui te des tendances évhéméristes dont les Indiens
sont encore plus coutumiers que les autres peuples
primitifs, ils sont devenus des adversaires vivants,
des représentants de races autochthones belliqueu-
ses pour l'asservissement desquelles les Aryas im-
ploraient l'assistance efficace de leurs dieux, princi-
palement d'Indra le plus énergique et le plus vail-
lant de tous.
Le Sacrifice. — Qu'il s'agisse d'honorer les dieux,
d'invoquer leur intervention contre les démons ou
des ennemis réels, d'obtenir d'eux le pardon des
péchés ou des grâces matérielles (les seules que de-
mandent les Indiens), fortune, santé, longue vie,
nombreuse postérité, victoire, riche butin de guerre,
ou bien de nourrir les morts, le moyen employé est
toujours le môme, le sacrifice. Qu'est-ce donc que le
sacrifice. Multiple début et d'intention, cet acte, qui
résume en lui toute la vie religieuse de l'Indien, est
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LE BRAHMANISME
que de forme, sauf de légères variantes de détail
! l'on peut considérer comme insignifiantes au
d. Cérémonie quotidienne ou occasionnelle, pri
ou publique, le sacrifice consiste uniformément
is l'allumage rituel d'un feu, considéré comme sa-
qu'on avive au moyen de libations de matières
lides alcooliques ou grasses et dans lequel on fait
1er des offrandes de diverse nature destinées à l'a-
enter d'abord, puis à s'élever jusque vers les dieux
ses flammes et dans sa fumée, le tout accom-
né de récitations et de chants d'hymnes de louan-
ou d'invocation dont l'emploi, variant suivant
^ircoDstances et les intentions, est méticuleuse-
it et strictement réglé par une liturgie déjà très
Bloppée (1), et en partie définitivement fixée,
n acte aussi sacré ne va pas sans de multiples
îarations préalables. Tout d'abord, il s'agit de
isir le terrain, — une surface bien plane sur un
iticule ou une place plus élevée que l'espace eu-
nnaut ; — d'en déterminer les limites et de l'en-
e de façon à ce que le sacrifice ne puisse être
lié par le contact, la présence ou le regard d'é-
impurs; d'en nettoyer scrupuleusement l'aire
îisant disparaître toutes les aspérités; d'élever
entre de l'enclos un autel de terre recouvert de
> de l'herbe sainte appelée Kouça (sorte de chien-
) disposées les pointes en dehors ; d'y réunir la
A. Bergaigne : La Religion xédique.
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LE BRAHMANISME 65
provisijDQ de bois sec nécessaire, le soma, le beurre
clarifié et les oblations qu'on se propose d'offrir. On
fixe alors sur l'autel la pièce de bois, appelée Aranî
inférieure, on introduit dans le trou dont elle est
percée la pointe d'un autre morceau de bois appelé
Aranî supérieure et, par un mouvement rapide de
rotation, on en fait jaillir une étincelle qui, re-
cueillie sur un amas de matières inflammables, est
ensuite avivée et développée par des libations de
soma et de beurre. Les offrandes consumées dans ce
feu consistent habituellement en gâteaux, riz cuit,
sésame et grains divers ; les holocaustes de victimes
sont plus rares, réservés à ce qu'il semble aux sacri-
fices solennels ; il est possible, mais pas certain,
qu'on ait sacrifié parfois des victimes humaines, en
tout cas, le fait n'est pas explicitement exprimé dans
le Rig-Véda, où le sacrifice déclaré le plus méritoire
est celui du cheval, ou Açvamédha. Môme, en ce qui
concerne les sacrifices d'animaux, il y a peut-être
lieu de supposer qu'ils n'étaient pas pratiqués ou
ne l'ont été que tardivement à l'époque védique,
les hécatombes de vaches, de brebis, de chèvres (il
est à remarquer que c'est presque toujours de fe-
melles qu'il est question) que mentionnent les trois
premiers Védas pouvant très bien viser les femelles
mythiques au lait desquelles on assimile si souvent
les eaux ou les libations du sacrifice, qui se seraient
transformées en animaux réels lorsque, le sens mé-
taphorique des hymnes sétant obscurci, on a pris
4.
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66 LE BRAHMANISME
à la lettre ce qui n'était dans le principe qu'images
poétiques (1).
Mais ici se présenté une question aussi importante
que difficile à résoudre : Quelle est l'origine et la na-
ture première de ce sacrifice si puissant que non
seulement il établit la communication entre les
hommes et les dieux et donne la possession de
toutes les faveurs désirables, mais encore qu'il '
crée toutes les choses de l'univers et les dieux eux-
mêmes, qu'il leur octroie l'immortalité et les élève
au rang divin? Comment les premiers Aryas — de
même d'ailleurs que presque tous les peuples —
ont-ils pu avoir l'idée d'honorer les dieux en allu-
mant un feu et en lui faisant consumer des offrandes
qu'il est censé transmettre ou porter aux Êtres cé-
lestes ? L'hypothèse d'une révélation ad hoc étant
inadmissible, de même que celle d'une invention
géniale de quelque habile civilisateur, nous ne pou-
vons chercher cette origine que dans Tordre des phé-
nomènes concrets — seuls concevables pour l'homme
primitif incapable de s'élever à la notion de l'abstrait
— d'une action bienfaisante et d'une utilité assez
universellement reconnues indispensables pour
qu'on lui prêtât une origine et des attributions
divines, telles que celles de créateur, de' dispensa-
teur de l'immortalité et de la divinité et de souve-
rain bienfaiteur. Or, si nous nous reportons par la
(1) p. Regnaud : Les premières formes de la religion et de
tradition dans l'Inde et la Grèce.
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LK BRAHMANISME
pensée aux temps où i'humanité primitive
ses premiers pas dans la civilisation, nous c
tons que sa conquête la plus précieuse, mais
la plus difficile et la plus délicate, a élé celle (
qui a mis dans ses mains ces deux éléments
préciables du bien-être, la chaleur et la lumiè
Il ne serait donc pas impossible que le po
départ, l'origine du sacrifice, ait été le vu
allumage du feu, si difficile à obtenir et à a
ver avec les moyens rudinientaires que pos
l'homme primitif, acte tout utilitaire solenn
sanctifié par la suite en môme temps que c
bienfaisant était élevé au rang divin (1). Les o
des qui sont la nourriture du feu divinisé et
le charge de fajre parvenir aux autres dieu:
raient été dans le principe les matières facil(
inflammables, graisses et alcools, qu'on emp
pour assurer et activer sa combustion. Créés
mage de l'homme, les dieux agissent dans le c
la même manière que l'homme sur la terre, et
s'expliquent les sacrifices, autrement sans b
sans raison d'être, qu'ils accomplissent sanî
nous puissions savoir à qui ils les offrent. « A
sacrifice, les Dieux honorèrent le sacrifice ; c
rent les premiers rites (2) » .
(1) P. Regnaud : Les premières formes, etc.
(2) R. V. 164, 50.
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LE BRAHMANISME
Le Sacerdoce. — Le sacrifice et le culte qui s'y
rattachent paraissent être presque exclusivement
individuels, non seulement en ce qui concerne les
cérémonies dites domestiques (grihya) (1), compre-
nant les trois sacrifices quotidiennement obligatoires
[sandhyâ] du matin, de midi et du soir, les libations
d'eau et les offrandes d*aliments aux ancêtres (les
pitris) et aux esprits errants, mais même les rites
occasionnels plus solennels, tels que les sacrifices
(poudjâ) (2) en vue d'obtenir des enfants, la santé, la
fortune et les cérémonies funéraires, ou Çrâddhas.
Dans toutes ces circonstances, le père de famille,
le maître de maison (grihasta) (3) officie, assisté de
sa femme et entouré de ses enfants et de ses servi-
teurs. Même, le caractère essenliejlement familial
de ces cérémonies s'affirme par le fait que le maître
de maison ne peut les accomplir sans l'assistance de
sa femme, qui, au moment de Toblation au feu, doit
tenir sa main droite sur Tépaule droite de son mari,
en signe d'union parfaite. Du reste, tant qu'il n'est
pas marié, le brahmane ne peut célébrer aucun sa-
crifice (sauf les offrandes aux ancêtres), et s'il de-
vient veuf, il, est obligé de se faire suppléer pour les
sacrifices obligatoires par un parent marié jusqu'à
ce qu'il ait contracté une nouvelle union. A cette
époque, le rôle religieux de la femme paraît avoir
(1) Grhya.
(2) Pujâ.
(3)Grhasta.
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LE BRAHMANISME 69
été plus considérable et plus actif que dans les temps
plus rapprochés de nous. Non seulement sa présence
est indispensable pour la validité et refficacité du
sacrifice, mais elle a la charge de préparer et d'ap-
porter les offrandes dans l'enceinte sacriflcatoire, de
faire chaque soir avec les reliefs du repas familial
l'offrande bali aux esprits errants, et, en cas d'ab-
sence de son mari, le soin lui incombe d'entretenir
le feu sacré domestique.
Chaque père de famille exerçant ainsi les fonctions
de sacrificateur, de prêtre, pour lui et les siens, il
n'existait donc point de sacerdoce constitué, de corps
ou de caste dont les membres fussent qualifiés
exclusivement, par droit de naissance ou d'élection
pour procéder aux divers rites divins. On est même
en droit de supposer qu'il n'existait alors aucune
caste, la seule mention précise à cet égard se ren-
contrant dans l'hymne célèbre, appelé Pouroucha
Soukta (1), qui fait naître les Brahmanes de la
bouche de Pouroucha sacrifié par les dieux, les
Kchatrîyas (2), de ses épaules, les Vaiçyas de ses
cuisses, et les Coudras de ses pieds, hymne que l'on
a tout lieu de croire interpolé et beaucoup plus ré-
cent que les autres hymnes 6u Rig-Véda. Le terme
de Brâhman se rencontre cependant assez souvent
dans les Védas, mais pas comme dénomination
(1) Purusa Sùkta. R. V. X, 90.
(2) Ksatrtya.
1 .
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70 LE BRAHMANISME
d'une caste sacerdotale : parfois, il sembler désigner
la prière, d'autres fois, il s'applique bien à un prê-
tre, mais exclusivement à celui qui a la charge de
présider et de diriger le sacrifice.
Néanmoins, quand il s'agit de sacrifices public»,
intéressant toute ia tribu ou le village, nous
voyons intervenir certains personnages investis
de fonctions spéciales : le Hotri, qui chante les
hymnes du Rig-Véda et procède à l'allumage du
feu, YAdhvaryou, chantre du Yadjour-Véda, VOud-
gâtri, qui verse le Soma et chante les hymnes du
Sâma-Véda ; mais ce paraissent être des fonctions
toutes passagères, dévolues probablement à des
individus particulièrement versés dans Tétude de
chacune de ces Védas, et ne constituant pas un ti-
tre permanent. Le sacerdoce n'a dû se constituer
que lorsque le développement et la complication du
rituel ont exigé une connaissance profonde de la
liturgie,^ connaissance transmise de père en fils
comme un héritage.
Morale. — Immortalité de Vâme. — Transmigration.
— On s'est souvent demandé si les Aryas védiques
possédaient des notions de morale et à quel
point elles étaient développées chez eux ? Étant
donné leur état apparent de civilisation, ils devaient
connaître et pratiquer tout au moins les quatre ou
cinq principes moraux sans lesquels aucune société
ne saurait exister; mais le Rig-Véda ne nous ren-
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LE BRAHMANISME 71
seigne pas à ce sujet, et il serait difficile qu'il en fut
autrement en raison de son caractère tout rituel et
liturgique. Nous y voyons bien que certains dieux,
surtout Varouna et Roudra, surveillent les actions
des hommes, punissent et récompensent, pardon-
nent les péchés; mais, en réalité, les crimes ou les
offenses qui suscitent leur colère ne sont pas à pro-
prement parler des transgressions morales ; ce sont
plutôt des erreurs, des omissions, des négligences
rituelles, peut-être même de simples prononcia-
tions défectueuses qui rendent inefficaces et même
retournent contre le suppliant les formules sacrées
(mantras) dont une seule syllabe n'aura pas été pro-
férée avec l'accentuation imposée par la liturgie,
ainsi qu'on peut le présumer par les hymnes sui-
vants, souvent cités comme preuves du rôle moral
de Varouna.
« Je cherche, ô Varouna, m'efforçant de compren-
dre ce péché ; je m'adresse au Sage pour le consul-
ter. Tous les sages me répondent uniformément :
c'est Varouna qui t'en veut. Quel est donc le grand
péché, ô Varouna, en punition duquel tu veux tuer
ton adorateur et ton ami? Dis-le moi, ô*Dieu inat-
taquable et ne dépendant que de toi-même, et, dé-
livré du péché, j'accourerai avec adoration près de
toi. Délivre nous des péchés de nos pères, etdeceux
que nous avons commis personnellement. roi,
pardonne à Vasichtha comme à celui qui a volé du
bétail pour se nourrir; délie-le comme un veau de
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72 Lli BflAHMAN[SME
ses entraves. Ce n'est pas notre volonté, ô Varouna,
qui nous a égaré, mais quelque séduction : le vin,
la colère, la passion du jeu de dés, rinconscience.
Le plus fort entraîne le plus faible. Môme le som-
meil est une occasion de péché (1) ». — « roi Va-
rouna, ne me fais pas aller dans la demeure de la
terre I Sois clément, ô Dieu puissant, sois clément!
Je marche, ô maître du tonnerre, tremblant comme
une outre gonflée; sois miséricordieux! Dieu
brillant et puissant, si j'ai péché c'est par manque
de force, sois miséricordieux ! La soif a accablé ton
adorateur alors môme qu'il était au milieu des eaux;
sois miséricordieux ! Quelle que soit l'otïense, ô Va-
rouna, que nous ayons commise, nous mortels, con-
tre le peuple du ciel; de quelque manière que
nous ayons inconsciemment violé tes lois, sois mi-
séricordieux, ô Dieu puissant, sois clément ! (2) ».
Dans ces deux hymnes rien n'indique la nature
du péché dont le suppliant demande la remise ;
en l'absence de toute allusion aux prescriptions mo-
rales, il semble bien qu'il s'agit ici d'un péché
liturgique, et les autres textes du môme genre n'é-
tant pas plus explicites, il est permis d'en conclure
qua cette époque la morale proprement dite n'exis-
tait pas dans la religion.
Une autre question non moins controversée est de
1) R. F. VII, 86, 3.
(2) R. V. VII, 89, 1.
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LE BRAHMANISME 73
savoir si les Indiens védiques croyaient à l'immor-
talité de l'âme. La solution de ce problème soulève
une autre question préjudicielle; celle de savoir
quelle nature ils prêtaient à ce que nous appelons
l'âme ; question insoluble puisque les philosophes
indiens ont discuté jusqu'à nos jours si c'était le
souffle vital (âtman), Tesprit {manas), l'entende-
ment, la conscience, la mémoire, etc. Pour trancher
la difficulté, admettons qu'il s'agit de la survivance
de la personnalité ou de Vego de l'homme après la
mort. Ainsi posée, la question semble résolue d'une
manière affirmative par les textes où il est question
des Pitris ou ancêtres. De nombreux passages des
hymnes nous disent, en effet, que les morts suivent
deux routes : celle des dieux (Devayàna) et celle des
ancêtres (Pitriyàïia) selon les mérites qu'ils ont
acquis par la ferveur de leurs austérités. On peut se
demander toutefois s'il s'agit de morts véritables ou
d'éléments morts du sacrifice, précisément à cause
de l'opposition entre la voie des Dieux qui conduit
au ciel jet celle des Pitris qui semble devoir être le
chemin des régions ténébreuses, domaines de
Yama. Un autre fait encore peut militer en faveur
de l'assimilation des Pitris, aux feux éteints, c'est la
situation méridionale du séjour qui leur est attribué
car c'est dans la région brûlante du sud que se
trouve le monde ou le ciel d'Agni. D'un autre côté les
sacrifices funéraires (çrdddha) accomplis soit au mo-
ment de la mort, soit plus tard à époque fixe, aux anni-
5
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74 LE BRAHMANISME
versairesdu décès, soit enfin quolidiennemeot, à la
fin de chaque Sandhyâ, impliquent bien la croyance
à la survivance d'une partie plus ou moins étbérée
ou matérielle de l'individu. Peut-être, cependant,
serait-il dangereux d'attribuer à cette survivance le
caractère d'immortalité. Il serait plus sûr et plus
exact de dire que c'est une nouvelle existence que
vit dans Tautre monde Vego du défunt, existence
dont le bonheur et la durée dépendent des sacrifices
accomplis à son intention par ses descendants. Les
ancêtres négligés ou ceux dont la postérité est
éteinte subissent une seconde mort par inanition,
mort définitive cette fois.
Gomme complément à cette question de Timmor-
talité de l'âme, il est à remarquer qu'on ne ren-
contre dans les Védas aucune donnée précise relati-
vement à la conception de la Transmigration ou Mé-
tempsycose qui deviendra plus tard la base fonda-
mentale de tout le système eschatologique du Brah-
manisme et de la théorie de la rétribution des actes.
Mais n'oublions pas que les Védas sont la source et
le réservoir de toutes vérités, de toutes connais-
sances et de toutes lois et que les brahmanes sont
experts à en tirer la sanction de tous leurs usages
et leurs préjugés. Toutefois ce n'est que dans les
Brâhmanas et les Oupanichads que nous verrons
poindre et s'affirmer le dogme fondamental de la
Transmigration.
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II
BRAHMANISME PHILOSOPHIQUE
Mythologie, théologie, cosmogonie, théorie de
l'immortalité de l'âme, transmigration, morale, lois
sociales, sacerdoce, castes, toutes choses qui n'exis-
taient pas dans les Védas, ou n'y existaient qu'à
l'état d'allusions vagues susceptibles de toutes sortes
d'interprétations, naissent, se développent ou se
précisent dans la seconde période de la religion in-
dienne que nous croyons pouvoir qualifier de Brah-
manisme philosophique (i), afin de marquer l'action
prépondérante exercée sur son développement par
les premiers efforts méthodiques du raisonnement,
par la curiosité inquiète de Tau delà, par un esprit
de recherche et une liberté de pensée et de parole
parfois étonnants d'audace. Trois faits priucipaux,
d'une importance considérable, caractérisent cette
période où se constitue définitivement la société in-
(1) C'est du reste le terme adopté par Sir MoDier Monter
Williams dans Religions Thought and Life in India.
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76 LIS BRAHMANISME
dieniie : l'éclosion du Panthéisme, la suprématie
religieuse et sociale du sacerdoce par rinstitution
des castes, et ravènement de la philosophie.
A quelle époque s'est produite celte transforma-
tion ? On a souvent soulevé cette question : on la
discute encore de nos jours. Les spécialistes les plus
autorisés dans Tlnde et en Europe ont émis à ce su-
jet de savantes hypothèses, proposant des dates qui
varient de 1.200 à 500 avant notre ère ; mais faute de
chronologie et de toute donnée de comparaison avec
l'histoire d'autres peuples, elle demeure aussi inso-
luble que celle du passage du paléolithique au néo-
lithique et de ce dernier aux âges du bronze et du
fer dans nos régions. Elle a été, selon toutes proba-
bilités, une modification lente, insaisissable dans
ses progrès, œuvre non seulement de nombreuses
années, mais de siècles.
Littérature sacrée. — Notre seul critérium à cet
égard est la littérature sacrée dont nous pouvons
établir et suivre le développement et la séquence ra-
tionnelle, s'il nous est impossible d'assigner des
dates, même approximatives, à ses divers monu-
ments. Très riche et éminemment instructive, cette
littérature se divise, d'après les brahmanes, en deux
sections bien distinctes: l'une appelée Çrouti (1),
renfermant les quatre Védas et les ouvrages desti-
(1) Çruti, « ce qui a été entendu », révélation.
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LE BRAHMANISME 77
nés à en élucider le sens et la portée, c'est- à dire les
Brâhmanas, les Araoyakas et les Oiipanichads ;
l'autre, nommée Smriti(i), comprenant des livres
de composition plus récente que les plus anciens
Brâhmanas et Oupanichads : les Védângas, les Sou-
tras (Kalpa, Grihya etSâmayatchârika), les Dharma
Castras et les Nili Castras (2).
Nous avons déjà fait plus haut une rapide allu-
sion aux livres qui composent le Çrouti, mais il est
cependant nécessaire, croyons nous, d'y revenir
avec un peu plus de détails afin d'en bien détermi-
ner la nature et le but, et ce qu'ils peuvent nous
fournir de renseignements sur la mythologie, les
croyances de leur époque et les manifestations exté-
rieures de ces croyances, c'est à-dire les sacrifices
publics, les cérémonies domestiques et funérai-
res.
Chaque Véda, on s'en souvient, a ses Brâhmanas
et ses Oupanichads, en nombre variable, qui le com
plètent et font partie intégrante de son ensemtle ou
Samhitâ. Ainsi le Rig-Véda possède YAitaréya-brâh-
mana, le Kauchitaki (3)-brâhviana et l Aitaréya-oupa
nichad\ le Yadjour noir a le Taittinifa-brâhmaiia et
la Taittmya-oupanichad, le Yadjour blanc le Çatapa-
tha-brâhmana, Vlça-oupanichad et la Brihad-ârciîiya-
(1) Smrti, «ce dont oo se souvient », tradiUon inspirée.
(2) Les Indiens modernes font rentrer dans la SmriU, les Iti-
hasas (poèmes épiques) et les Purânus.
(3) Kausitald.
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78 LE BRAHMANISMK
ka-oupanichad (1) ; le Sâma-Véda, plus riche et peut-
être aussi employé dans un plus grand nombre de
cérémonies, possède huit Brâhmanas, dont le plus
intéressant porte le titre de Chadvinça (2), et deux
Oupanichads intitulés Kôna et Tchandogya (3) ; enfin
l'Atharva-Véda se contente du seul Gopatha-brâhma-
na, mais s'attribue par contre cinquante-deux Oupa-
nichads, tenues d'ailleurs pour les plus modernes de
toutes. Ces ouvrages sont naturellement de dates
très différentes et ceux annexés à TAtharva, entre
autres, doivent être rangés à une époque sensible-
ment postérieure au cinquième siècle avant notre
ère. Parmi les Brâhmanas, l'Aitaréya, le Kauchitaki
et le Taittirîya sont considérés comme les plus an-
ciens, tandis que le Çatapatha est classé comme rela-
tivement moderne. C'est cependant pour nous le
plus précieux par la quantité et la variété des docu-
ments qu'il nous fournit, surtout en ce qui concerne
les légendes mythologiques.
Considérés dans leur ensemble — sans même faire
exception de ceux tenus pour relativement moder-
nes qui, en somme, ne font que broder des varia-
lions nouvelles sur le thème antique des Védas et
surtout du Rig — les Brâhmanas se présentent à
nous comme les plus anciens rituels, les plus an-
ciennes traditions, les plus anciens essais de philo-
(1) Brhad-AraDyakaUpani^ad.
(2) Sadvinça.
(3) CcaDdogya.
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LE BRAHMANISME 79 '
Sophie et de linguistique que nous connaissions.
Simples recueils d'hymnes à Tusagedu sacrifice, les
Védas ne donnent aucune indication précisé sur les
phases, les applications, les formes multiples de ce
sacrifice eu égard aux intentions diverses que les
circonstances peuvent faire naître ou imposer. Cette
lacune, les Brâhmanas la comblent. Ils exposent
avec grand luxe de détails toutes les cérémonies vé-
diques, non point sans doute telles qu'elles se célé-
braient dans l'antiquité, mais telles qu'on les prati-
quait à l'époque de leur composition suivant une
tradition transmise par les pères à leurs fils sans
plus en saisir complètement le sens et la portée ;
aussi entrent ils à propos de chaque rite en de lon-
gues et minutieuses explications, souvent diffuses et
même puériles, sur leur origine, leur raison d'être
et leur sens soit pratique, soit mystique, à l'appui
desquelles ils font intervenir de nombreuses lé-
gendes, presque toujours inspirées par des allusions
mythiques du Rig-Véda^ copieusement développées
et souvent dénaturées par l'imagination du ou des
auteurs du Brâhmana, qui sont le point de départ de
toute la mythologie subséquente. Mais là ne se borne
pas leur rôle : ils spécifient et expliquent avec une
extrême précision l'usage qui doit être fait des
hymnes, de certains de leurs vers, voire même des
divers mètres poétiques, suivant la nature delà céré-
monie et les cas particuliers qui requièrent sa célé-
bration, et deviennent par là de véritables manuels
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LE BRAHMANISME
ivres d'offices des sacrificateurs, prêtres et chan-
, Holris, Adhvaryous, Oudgalris, Ritvidjs, Bràh-
les, chargés d'officier suivant les prescriptions
seulement des Védas, mais môme des écoles li-
rgiques (Çâkhds) que chacun des Brâhmanas
résente.
insi qu'on le voit, il n'est pas trop aventuré d*a-
cer que la composition de ces ouvrages a été
voquée par l'incertitude où Ton était à un mo-
it donné sur le véritable sens et l'application des
tes védiques qu'ils étaient chargés d'expliquer et
}réciser — ce qu'ils ont fait la plupart du temps
le manière tout empirique —et que le fait môme
eur nécessité est La preuve la plus convaincante
a très haute antiquité des Védas, devenus obs-
5 et incompris.
robablement un peu plus récentes, les plus an-
ines Oupanichads (1) ont un tout autre caractère.
s se préoccupent peu de la partie technique — si
n peut s'exprimer ainsi — du sacrifice et du sens
litionnellement accepté des hymnes des Védas.
si que leur nom môme (« Doctrine Esotérique »)
iique, elles ont un but plus élevé, plus spirituel,
Bcherche du sens mystique et de renseignement
érique, renfermés dans les Mantras. Elles sont
mées par là à aborder des questions abstraites,
îlument inconnues aux Brâhmanas, et frayent à
UpaDisad.
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LE BRAHMANISME
Tesprit indien la voie de la philosophie et de la m
taphysique où il ne terdera pas à se jeter à cor
perdu. Ne se contentant plus des légendes mytl
ques. complaisamment développées parles Brâhm
nas, les Oupanichads traitent de Torigine de Tui
vers, de sa création en tant qu'œuvre divine (
génération spontanée, de la nature et de la puissan
des dieux, de la nature de Tâme humaine et de s
rapports avec Tâme divine, de la nature et des ra
ports de l'esprit et de la matière, et dans toutes c
questions elles font preuve d'une liberté, d'une ind
pendance de pensée qui va jusqu'au matérialisme
même à Tathéisme. En ce qui concerne les dieu
notamment, il semble que leurs auteurs aient eu e
core présente à l'esprit, avec une lucidité étonnani
l'ancienne origine naturaliste et purement ima^
naire de ces personnifications des forces de la r
ture et des éléments du sacrifice.
Un point très intéressant à noter est leur indépe
dance de tout excluvisme brahmanique, si marq
cependant dans les autres livres religieux. Il semt
qu'à leur époque la suprématie de la caste sacerd
taie n'était point encore entrée dans Tordre des fa
établis, car elles nous montrent souvent des brâhm
nés allant chercher la science sacrée auprès d
saints rois de la race kchatrîya.
La même liberté de pensée se rencontre égaleme
dans les Aranyakas, autres ouvrages religieux q
traitent, comme les Oupanichads, du sens mystiq
5.
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82 LB BRAHMANISME
des cérémanies, de la nature des dieux, de la créa-
tion, etc.. et qui parfois même les dépassent en au-
dace agnostique ; phénomène qui se comprend si Ton
songe que ces écrits s'adressent exclusivement aux
Vanapi'achtas, c'est-à-dire aux brahmanes qui,
ayant accomplis tous leurs devoirs sociaux, aban-
donnent le monde et vont vivre en ascètes dans les
forêts, indifférents à tout, supérieurs aux lois et aux
prescriptions humaines et divines, désormais inca-
pables, quoiqu'ils fassent, de commettre un péché,
les crimes mêmes qu*ils pourraient perpétrer se
changeant pour eux en actes méritoires.
En tête de la section des Ecritures dénommée
Smriti (1). « Tradition » qui jouit, en tant que divi-
nement inspirée à ses sages auteurs, d'une autorité
presque égale à celle de la Çrouti, les Indiens pla-
cent les Védângas ou (( Membres des Védas » ainsi
qualifiés parce qu'on les compare aux membres
corporels par l'intermédiaire desquels l'esprit agit.
Au dire des brahmanes, les Védângas résument les
six sciences indispensables pour comprendre et ap-
pliquer les Védas, représentées par autant de séries
d'ouvrages très variables de forme, d'étendue et de
date, dont quelques-uns même sont incontestable-
ment postérieurs à notre ère, et, n'était l'application
qui en est faite aux textes védiques, seraient mieux
ù leur place dans la littérature bindouiste, appelés
{{) Smrli.
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LE BRAHMANISME 83
Kalpa- Soufras, Çikchâ, Tehhandas, Nirouhtay Vydka-
rana et Djyotkha.
Les Kalpa-Soutras, intitulés aussi Çrauta-Soutras
à cause de leur connexion intime avec le Çrouli,
sont des guides ou manuels pour Tapplication tra-
ditionnelle et efficace des Mantras (ou hymnes védi-
ques) et des prescriptions rituelles des Brâhmanas
aux rites du sacrifice. Les dogmes et les règles litur-
giques y sont exprimés en de courtes formules dans
lesquelles les syllabes et les lettres, employées à
la façon des termes algébriques, représentent sou-
vent toute une idée, et dont Textrême concision a
nécessité par la suite de nombreux commentaires et
gloses, d'ailleurs fréquemment contradictoires. Il a
été impossible, jusqu'à présent, de leur attribuer
une date ; cependant on suppose que quelques-uns
d'entre eux pourraient peut-être reoionter jusqu'au
sixième siècle avant notre ère. Chaque Véda possède
ses Çrauta-Soutras spéciaux : ainsi au Rig-Véda
ont annexés les Soutras intitulés Açvalâyana, Çân-
khâyana et Çaunaka; au Sama-Véda, le Maçaka^ le
Ijityâyana^ei le Drâhyâyana; au Yadjour noir, VApas-
tamba, le Baudhâyana, le Satyâchadha, le Mânava, le
Bhâradvadja,\e Vâdhûna, le Vaikhanasay leLaugakchi,
le Maitra, le Katha et le Yârâha ; au Yadjour blanc,
le Kâtyâyâna ; et enfin à l'Atharva-Véda, le Kauçika.
La Çikchâ (1), « Prononciation », comporte la con-
(1) Çiksa.
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84 LE BRAHMANISME
naissance parfaite des lettres et de leur valeur
mystique, des accents, de la quantité de chaque
syllabe, et de l'articulation exacte de chaque lettre,
syllabe ou mot. Son importance découle de ce fait
que chaque vers, mot ou lettre, possède une valeur
mystique qui lui est propre, et que Tomission d'un
mot ou d'une lettre, une simple erreur d'accentua-
tualion enlève à l'invocation toute son efficacité. Cette
science était représentée jadis, dit-on, par de nom-
breux traités en vers : il n'en reste plus aujourd'hui
que quatre Prâtiçâkhyas, se rapportant au Rig-Véda
au Yadjour noir, au Yadjour blanc et à l'Atharva-
Véda, un chapitre de la Taittiriya-âranyaka, et un
court traité attribué au célèbre grammairien
Pénini.
La section intitulée Tchandas (l), « Prosodie », ex-
pose les règles de la poésie religieuse et stipule les
mètres poétiques applicables dans les diverses cir-
constances qui peuvent se présenter. Son utilité
tient, elle aussi, à la croyance en l'efficacité mystique
du mètre. Sauf quelques passages empruntés au
Brâhmanas, elle ne se compose que de traités de
date récente, tous postérieurs à l'ère vulgaire.
Le Niroukta, « Explication », n'est représenté que
par un seul traité, tellement concis qu'il a nécessité
plusieurs glossaires, où son auteur, Yâska, donne une
explication étymologique (souvent fantaisiste ou ar-
(1) Gcandas.
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LE BRAHMANISME 85
bilraire) et rinterprétation les termes obscurs ou
vieillis qui se rencontrent dans les Yédas. On ne
connaît pas exactement répo({ue où vécut Yâska ;
mais le fait que le Niroukta est cité par Pânini
permet de supposer que cet ouvrage date au moins
du sixième siècle avant notre ère.
Le Vydkarana, « Grammaire », n*est également
représenté que par un seul ouvrage ancien, la
Grammaire de Pânini, qui naquit dans le Gandhâra,
au commencement du cinquième ou à la fin du
sixième siècle. Toutefois cet auteur cite dix autres
traités, dont particulièrement ceux de Gargya et de
Bhàradvadja, antérieurs à son temps. La grammaire
de Pânini, qui fait toujours loi en fait de linguisti-
que sanscrite, a été l'objet de deux importants com-
mentaires critiques par Kâtyâyana et Patandjali.
Quant au Djyoticka (1), « Astronomie et Astrolo-
gie » (ces deux sciences se confondent toujours dans
rinde), à part un court traité de trente- six vers que
l'on croit pouvoir faire remonter au quatrième siè-
cle avant notre ère, il ne se compose que d'ouvrages
relativement modernes portant le titre collectif de
Siddhânta. On en cite neuf principaux, dont le plus
important et le plus fréquemment cité est le Sou-
rya-Siddhânta.
Les Soutras (2), dénommés fréquemment Smarta-
Soutras ou Smarta-Çàstras pour les distinguer des
(1) Jyo(i«a.
(2) Sûtra.
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8(> LE BRAHMANISME
Çrauta ou Kalpa-soutras eomprls dans les Védân-
gas, constituent la seconde division de la Smriti.
Ils comprenneut deux séries de livres : 1» les Gri-
hya-Soutras (1), collection de nombreux ouvrages
traitant des règles qui président au culte domesti-
que, sacrifices quotidiens obligatoires, cérémonies
ou sacrements qui consacrent la vie individuelle et
familiale de Tlndien depuis sa conception jusqu'à
sa mort, sacrifices aux ancêtres, cérémonies funé-
raires ou Çrâddha^^ et attribués pour la plupart à
des sages déjà connus comme auteurs de Védângas,
Açvalâyana, Çànkhàyana, Gobhila, Pâraskara, Kà-
thaka, Baudhayana, Bhâradvâdja, Apastamba, etc.,
2o les Samayâtchâra-Soutras (2) guides des pratiques
quotidiennes conventionnelles, des usages et de la
bonne conduite. Il serait téméraire de tenter de fixer
des dates à la composition de ces Soutras, mais ce
que l'on peut affirmer c'est qu'ils sont tous anté-
rieurs à Manou qui les cite parfois et leur emprunte
des passages entiers de son célèbre code.
Cette nomenclature des écritures sacrées tradi-
tionnelles se clôt par la série des Castras (3), com-
prenant les Dhavma- Castras on Codes de lois, et les
Niti-Çdstras ou livres de morale. Les premiers ont
été très nombreux, et à l'heure actuelle on en coo-
naît encore vingt dont les articles, trop souvent con-
(1 Grhya sûtra.
(2) SamayâcAra-sûtra.
(3) Çâslra, « livre, traité, règle ».
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L£ BRAHMANISME 87
tradictoîres, sont appliqués de temps à autre par
les tribunaux locaux ; mais en réalité les deux seuls
qui jouissent d^une autorité universelle sont ceux
de Manou et de Yâdjnavalkya. Le plus connu, le
Mânava-Dharma-Çâstra, ou code des lois de Ma-
nou (1), ne ressemble guère à ce que nous appelons
un code. C'est un volumineux ouvrage, divisé en
douze livres ou chapitres (dont le premier et le der-
nier sont incontestablement des interpolations ré-
centes), qui commence par un récit de la création,
expose ensuite les devoirs religieux des brahmanes
et des membres des deux autres castes supérieures,
les règles relatives aux sacrifices et en particulier
aux Çrâddhas (sacrifices funéraires), la législation
civile et criminelle, les peines de ce monde et de
l'autre et consacre un chapitre tout entier aux de-
voirs poKtiques du souverain.
Quant aux Niti-Çâstras, livres d'éducation popu-
laire comparables à ce que nous appelons « Morale
en action », ce sont des recueils, en prose entremê
lée de vers, de préceptes de morale et de conduite,
de proverbes et de maximes, ou bien encore de con-
tes et de fables. Le Pantchatantra (2) et VHitopadéça
sont les types parfaits de ce genre de littérature.
Quelques auteurs croient pouvoir rattacher à la
Smriti de cette période les Itikasas ou Poèmes épi-
(1) Pettt-ètre serait-il plus exact de dire Code des lois de la
tribu des Mânayas.
(2) ï>aîica-tantra.
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88 LE BRAHMANISME
ques, dont le Mahâbhârata et le Râmâyana peuvent
être pris pour types. Que ces poèmes qui, de même
d'ailleurs que toute la littérature même profane de
rinde, ont pris leur source dans les idées et les lé-
gendes des Védas et des Brâhmanas, aient pu com-
mencer à s'élaborer à cette époque, c'est à peu près
certain ; toutefois leur caractère nettement sectaire
et la prédominance qui y est donnée aux Dieux
Vichnou et Çiva nous paraissent devoir les classer
dans la littérature de la troisième période du Brah-
manisme ou Hindouisme.
Ecoles philosophiques . — Par contre nous pensons
qu'il convient de rapporter à Tépoque brahmanique
proprement dite, si non le développement complet,
du moins l'éclosion et les premières affirmations des
six Darçanas ou grandes écoles de la philosophie in-
dienne, malgré l'opinion, assez répandue, qui pré-
tend voir en elle le produit de l'influence de la civi-
lisation grecque répandue dans l'Inde à la suite de
la célèbre expédition d'Alexandre et de la constitu-
tion du royaume indo-grec de Bactriane. En tout cas
si Ton admet cette influence, il faut la faire remon-
ter bien plus loin que l'invasion d'Alexandre, car le
Bouddhisme, qui lui est antérieur d'environ deux
siècles, implique nécessairement l'existence d'au
moins cinq de ces écoles dont on retrouve chez lui
non seulement les idées fondamentales, mais encore
des propositions tout entières. Sans nier la possibi-
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LE BRAHMANISME 89
lité d'une certaine influence de la Grèce sur l'Inde
qui la connaissait dès le sixième siècle peut-être,
car Manou parle des Yavanas (1), réputés pour leurs
talents militaires, leurs sciences et leurs arts, il
nous semble difficile de lui attribuer l'inspiration
première et la formation de la philosophie indienne.
De ce que Pythagore et Platon ont enseigné le
dogme de la métempsycose, par exemple, il ne s'en
suit pas fatalement que l'Inde le leur ait emprunté,
et si Ton veut s'embarquer dans la théorie des em-
prunts le contraire serait plus vraisemblable, car
cette conception philosophique constitue de temps
immémorial la base de la religion des Indiens, et on
en trouve les premières indications dans les Oupa-
nichads et les Brâhmanas et même les germes, in-
formes à la vérité, dans les Védas. S'il y a d'ailleurs
d'assez nombreuses analogies entre les conceptions
philosophiques des deux peuples (ce qui n'a rien
d'étonnant au fond, étant donnée leur parenté d'ori-
gine) elles se séparent aussi par de profondes diver-
gences tant dans leur fond que dans leurs méthodes
de recherches et de raisonnement.
Les six Darçanas (2) — qu'on nomme Nyâya, Vai-
çéchika, Sânkhya, Yoga, Mimânsâ, et Védânta et aux-
quelles on attribue respectivement pour fondateurs
les sages Gotama, Kanâda, Kapila, Patandjali, Djai-
mini et Vyàsa, — sont bien toutes essentiellement
(1) Nom sanscrit des grecs.
(2) Darçana « démonstratioD ».
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90 , LE BRAHMANISME
indiennes aussi bien de forme que de fond, et de la
première à la dernière filles des Oupanichads et des
Brâhmanas, des Oupanichads surtout dont elles
constituent le développement normal. Elles se dis-
tinguent des systèmes philosophiques des autres
peuples, de celui de la Grèce en particulier, par ce
caractère spécial, — qui s*est perpétué dans toutes
les autres productions postérieures, — qu'au lieu
d'avoir uniquement pour but la recherche ration-
nelle et scientifique, pour ainsi dire désintéressée,
de la vérité, elles sont toujours intimement liées à
la religion, en font partie intégrante. Si elles s'effor-
cent de déterminer la nature des dieux, de Tâme
humaine, de l'esprit et de la matière, Torigine du
bien et du mal, les rapports entre l'homme et la
divinité, ce n'est pas pour satisfaire une noble cu-
riosité de Tau delà, de l'absolu, de l'infini, mais
pour découvrir le meilleur moyen, le plus certai-
nement efficace, de délivrer l'humanité de l'exis-
tence, — le plus grand des maux, la source de totis
les maux dans l'idée d'un Indien, — en lui procurant
quelque procédé infaillible pour s'absorber dans
l'essence divine de Tâme universelle. Tenter de
fixer une date à la fondation de ces écoles, voire
même de leur attribuer un ordre de succession,
serait une entreprise aussi téméraire que de vou-
loir établir l'authenticité historique de l'existence
de leurs fondateurs dont nous retrouvons les noms
parmi les auteurs mythiques de Védângas, de Sou-
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LE BRAHMANISME
tras, de Castras, et dont l'un même est le
« Arrangeur » (Vydsa) des Védas, le com)
UQÎversel à qui l'on attribue la parenté de
ouvrages anonymes. Toutefois, les Indianist
péens s'accordent à peu près unanimement
dérer le Sânkhya de Kapila comme la plus a
de ces écoles. L'ordre dans lequel se succè(
Darçanas est tout arbitraire : c'est celui
adopté les philosophes indiens, sans qu
connaissions de raisons de ce classement,
tion faite pour le Védànta, qui semble bien
dernier en date, étant donnés les emprunts c
aux autres systèmes, et aussi parce qu'il r
son plein développement qu*à une époque i
dive, du huitième au neuvième siècle de Tèi
tienne, sous l'impulsion de Çânkarâtchârya, 1
apôtre de l'Hindouisme et l'adversaire achî
Bouddhisme.
Le nom de Golama, attribué au fondateui
cole Nyâya, ne nous est pas inconnu ; nou
rions dire au contraire qu'il nous est trop
car il est porté par trois personnages célèbr
compter nombre d'autres de moindre reno
légendaire Gotama, souche de la famille du B
Gautama) : le Richi auteur d'hymnes du Rig
ancêtre de l'une des plus importantes Gotra
ou famille) brahmaniques, — le sage ascète
de la belle Ahalyé, traité par Indra de h
manière que Zeus en usa avec Amphitryon,
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92 LE BRAHMANISME
grammairien, auteur présumé d'un Dharma-Çàstra.
Il est probable que c'est ce dernier, guère moins
mythique que les deux autres, qui est visé dans le
cas présent.
Le terme Nyàya o Analyse » définit bien la ten-
dance et le but de cette école qui s'est proposé d'éta-
blir une méthode philosophique précise pour les
recherches sur tous les sujets et les objets de l'acti-
vité spirituelle humaine et, en particulier, de déter-
miner les voies et moyens par lesquels la pensée et
le raisonnement peuvent parvenir à la connaissance
de la vérité dans Tordre moral et matériel. C'est
ainsi qu'elle définit, par exemple, quatre moyens
(pramàna) d'acquérir la notion exacte, d'un sujet
quelconque: perception par les sens (pratyakkcha),
déduction (anoumàna), comparaison {oupamàna),
témoignage digne de foi (sabda) ; ce dernier compre-
nant la révélation renfermée dans les Védas et autres
écritures sacrées. C'est elle, également, qui a inventé
ou consacré la quintuple division du raisonnement
méthodique en: proposition (pratidjnd), raison (he-
lou), exemple (oudàharana), application de la raison
(oupanaya), conclusion (nigamàna) ; procédé adopté
et suivi à son exemple par toutes les écoles philoso-
phiques de l'Inde qui l'exposent sous la forme de ce
syllogisme devenu classique : « Il y a du feu sur
cette montagne, — car elle fume ; — où il y a de la
fumée, il y a du feu ; — or cette montagne fume, —
donc il y a du feu sur cette montagne ».
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LE BRAHMANISiME 93
La part 1res large, presque prédominante, faite
par cette école aux règles du raisonnement, lui a
valu la réputation d'être exclusivement logique ;
réputation injustifiée, car, si elle s'abstient de trai-
ter ou ne traite qu'accidentellement de la nature des
dieux et du monde matériel, elle étend ses recher-
ches et ses spéculations à l'àme, au corps, aux sens,
aux objets des sens, à l'entendement ou intelligence,
à Tesprit, à l'activité humaine, aux fautes ou péchés,»
à la transmigration ou métempsycose, aux consé-
quences résultant des actes, à la souffrance et à la
délivrance finale des mau'x de l'existence. Elle ré-
sume ses vues sur la question de l'exiîslence, véri-
table obsession pour tous les Indiens, dans ce court
Soutra — « misère, naissance, activité, fautes, notions
erronées ; en détruisant successivement chacun de
ces éléments, on détruit aussi celui qui le précède
immédiatement; alors vient la délivrance finale », —
que l'un de «es commentateurs, Vatsyâyana, déve-
loppe en ces termes : « D'une notion fausse naissent
la partialité et le préjugé ; de là découlent les fautes
de calomnie, envie, tromperie, enivrement, orgueil,
avarice. Agissant revêtu d'un corps, un individu
commet des injustices, des vols, des actes sensuels
interdits, devient faux, insensible, meurtrier. Cette
activité vicieuse produit le démérite. Mais accomplir
dans un corps des actes de charité, de bienveillance
et de dévouement, être véridique, utile aux autres,
désintéressé et respectueux, cela produit le mérite.
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94 LE BRAHMANISME
Donc le mérite et le démérite sont nourris par l'ac-
tivité. Cette activité est la cause des nais'sances viles
aussi bien que des honorables. La douleur accom-
pagne la naissance. Ceci comprend les sentiments
(ou plutôt sensations) de malheur, de souffrance, de
maladie et de chagrin. L'émancipation est la déli-
vrance de tous ces maux. Quel être intelligent ne
désirera pas être délivré de tout mal? Car on dit
qu'il faut rejeter loin de soi les aliments empoison-
nés. Il faut éviter le plaisir, inséparable de la
peine (!) ». Cette conception nyâyiste de la cause
des misères de l'existence et des moyens d*y mettre
fin pénètre toute la philosophie indienne, et nous
la retrouverons comme base fondamentale des doc-
trines hétérodoxes des deux grands schismes, le
Djainisme et le'Bouddhisme.
Doit-on considérer le Vaiçéchika (2) comme une
école distincte ou comme un simple développement
ou supplément du Nyâya? Les avis sont partagés sur
cette question. Les Indiens le tiennent pour un sys-
tème à part, et nous ne voyons point de raison pour
ne pas les suivre dans cette voie, sous la réserve
cependant que cette école a adopté les principes et
la méthode du Nyâya, et par là peut en être consi-
dérée comme une branche. Nous ne parlons pas de
son prétendu créateur, Kanâda ou Oulouka (3), qui
(1) Sir MoNiER MoNiER Williams : Indian Wisdom^ p. 6o.
(2) Vaiçesika.
(3) Ulûka.
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LE BRAHMANISME 95
paraît être un personnage entièrement mythique. A
part cette question de méthode et de principes géné-
raux de raisonnement, l'écoïe Vaiçéchika se sépare
nettement du Nyâya par le fait qu'elle a pris le
monde physique et matériel, négligé ou exclu par
le Nyàya, pour objet principal de ses recherches,
qu'elle répartit dans sept Padàrthas ou catégories:
1° Substances, dravya, comprenant la terre, l'eau,
la lumière, l'air, l'éther, le temps, l'espace, l'âme et
l'esprit ;
2° Qualités ou propriétés, gouna (1), des neuf subs-
tances : couleur, saveur, odeur, tangibilité, quantité,
extension, individualité, connexion, disjonction,
priorité, postériorité, compréhension, plaisir, peine,
désir, aversion, volition ;
3° Actes, Karman;
40 Généralité ou communauté de qualités, sama-
nya;
50 Particularités, viçécha (2), qui distinguent les
neufs substances les unes des autres ;
6° Relations intimes constantes, samavâya, telles
que celles qui existent entre une substance et ses
propriétés, entre un objet composé et la substance
dont il est formé, etc. ;
70 Inexistence ou Négation de l'existence, abhaca.
Un point intéressant à noter, à cause de ses conse-
il) Guna.
(2) Viçesa.
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â^-^ 16 LE BRAHMANISME
quences dans la théorie de la créatioa ou plutôt de
la formation de l'univers matériel, consiste dans ce
fait que le Vaicéchika considère cinq des neuf subs-
tances — la terre, l'eau, la lumière, l'air et l'esprit —
comme atomiques. Par atome, anoiis, il entend quel-
que cliose d'existant sans cause, éternel, iiifiuiment
petit, invisible, impalpable, indivisible et impercep-
tible pour les sens. La création des mondes et des
êtres est le résultat de Tagrégation de ces atomes
sous l'impulsion et par la puissance irrésistible
d'une force iuvisible, nommée Àdrichta (1), qui est
constituée parles actes des mondes antérieurs. Il n'y
a donc pas d'intervention divine dans la création,
bien que le Vaicéchika comme le Nyâya admettent
l'existence d'une âme universelle suprême, appelée
Paramâtrmin, distincte du Djivâtman (2), ou âme in-
dividuelle des êtres.
Les âmes individuelles sont éternelles, éternelle-
ment séparées les unes des autres, distinctes du
corps, des sens, et de l'esprit, infinies, douées d'ubi-
quité, répandues et circulant partout dans l'espace,
mais ne peuvent agir que dans le lieu où se trouve
leur corps. Ce corps lui même est de deux sortes: un
corps matériel grossier que l'âme revêt au moment
de la naissance et dont elle se dépouille au moment
de la mort, et un corps subtil, enveloppe éternelle
de l'âme, qui la met à même de goûter les récom-
(1) Adr.s/a.
(2) Jivâtman.
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LE BRAHMANISME 97
penses célestes ou de subir les peines infernales.
, Avec le Sânkhya de Kapila, école matérialiste et
presque athée, évolutionniste au sens exact que nous
attachons aujourd'hui à ce terme, nous entrons dans
un ordre d'idées tout différent. 11 établit quatre
axiomes fondamentaux, d'ailleurs adoptés d'après
lui par la presque unanimité des autres écoles:
l^Rien ne peut sortir de rien: 2^ Ce qui n'est pas ne
peut pas évoluer en ce qui est; 3° La matière ne peut
pas sortir de l'esprit; 4° Rien ne se crée, rien ne se
perd. Partant de là il proclame l'éternité indestruc-
tible de la matière, ou plutôt de deux matières : l'une
subtile, appelée Pouroucha (\); l'autre grossière,
Prakriti (2). Pouroucha est légion, car c'est en réalité
la multitude innombrable des âmes qui existent de
toute éternité distinctes les unes des autres, conser-
vant éternellement leur individualité propre. Ces
âmes sont intelligentes, mais passives; seules dépo-
sitrices du principe de vie, elles ne peuvent cepen-
dant créer et assistent seulement comme de simples
spectatrices désintéressées aux actes et aux phéno-
mènes de la création. On les décrit d'ordinaire
comme de petites flammes d'un pouce de dimension.
Prakriti, par contre, est inintelligente mais active,
et renferme en elle à l'état virtuel les germes de
toutes les existences matérielles qui constituent
vingt-trois tattvas ou entités, se développant par évo-
(1) Puro^a.
(2)Prakni.
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ï'^
98 LE BRAHMANISME
lution et comprenant: le Bouddhi(i), ou Intellect,
VAhankâra, ou conscience de l'individualité ou du
moi, les cinq Tanmâtras, éléments subtils qui produi-
sent les cinq éléments grossiers : Ether, Air, Lumière,
Eau et Terre, et enfin onze organes : les cinq organes
des sens, les cinq organes d'action ei\eManas, ou es-
prit, produits par l'Ahankâra. Elle possède de plus les
trois qualités, gouttas, de pureté (sattva), d'activité ou
de passion (radjas) (2), et d'ignorance ou d obscurité
(tamas). Toutefois, livrée à elle-même Prakriti ne peut
produire que des apparences, des illusions (mâiiâ);
pour créer des objets réels il lui faut la coopération
de Pouroucha, qui seul peut donner la vie à ses créa-
tions. Isolée, Prakriti est au repos, ses trois gounas
sont en équilibre parfait. Qu'un Pouroucha (ou une
âme) s'aventure dans son voisinage, aussitôt elle
entre en mouvement et déploie toutes ses ressour-
ces d'illusions multiples pour exciter sa curiosité,
le séduire et l'attirer dans son orbitre (les auteurs
indiens la comparent à une danseuse experte en sé-
ductions); si elle réussit, elle l'enveloppe aussitôt
d'un corps matériel et un être est né, minéral, plante,
animal ou homme suivant que l'une des trois gou-
nas prédomine en lui. Le Pouroucha ainsi captivé
conserve la conscience de son état antérieur de
liberté et de félicité, et ressent la misère de sa situa-
tion actuelle et tous ses efforts tendent à se dégager
(1) Buddhi.
(2) Rajas.
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LK BRAHMANISME 99
de cette enveloppe matérielle qui l'étreint ; mais il
ne peut y parvenir qu*à la longue en usant par d'in-
nombrables transmigrations sa gangue grossière,
parcourant lenteoient toute Téchelle des conditions
de Texistence, du minéral ou de la plante à l'animal,
à l'homme et au dieu. Comme on le voit, il n'y a
point de place dans ce système pour un dieu créa-
teur, — bien que certaines écoles Sânkhyistes admet-
tent l'existence d'une Ame universelle suprême,
Paramâtman, distincte des âmes individuelles, — ni
même pour la divinité qui n'est qu'une étape de la
pénible pérégrination du Pouroucha captif de
Prakriti. L'objectif, le but de la philosophie du
Sànkhya est d'enseigner au Pouroucha humain la
voie la plus sûre et la plus expédilive de se libérer
des liens de Prakriti, et celte voie est la science qui
dévoile l'inanité et l'irréalité des œuvres de
Prakriti en en faisant connaître à l'initié les origines
et les procédés.
C'est la même obsession du salut, c'est-à-dire de
la délivrance de la transmigration, qui remplit et
dirige la doctrine du Yoga de Patandjali (1), école
philosophique que l'on pourrait considérer, jusqu'à
un certain point, comme un rameau du Sâokhya, si
elle ne s'en séparait radicalement par le fait qu'elle
admet l'existence d'un Dieu suprême, Içvara, « le
Seigneur », identique à l'âme universelle, souverain
(1) Patanjali.
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100 LE BRAHMANISME
régent de Tuaivers, bien que n'exerçant pas les
fonctions de créateur (1). Il n'est môme pas certain
que ce Dieu souverain exerce une action quelconque
d'impulsion ou de direction sur la création, qui pa-
raît rester le résultat d'une évolution fatale réglée
par les Karmas (2) des mondes antérieurs. Un autre
point important de divergence entre le Sânkhya et
le Yoga, c'est que ce dernier considère les âmes
individuelles comme des émanations ou des fractions
infinitésimales de l'essence même d'Içvara. De là
découle sa conception du salut effectué par l'union
intime (yoga) de l'âme individuelle avec Içvara,
union que les écoles subséquentes transformeront
en absorption. La question ainsi posée et résolue, il
restait à trouver et à formuler les voies et moyens
de parvenir à cette union avec l'Etre suprême, et le
Yoga en impose trois : la concentration de l'esprit
dans la méditation abstraite sur la nature et lès qua-
lités de l'Etre suprême; le maintien de l'esprit dans
un état de calme imperturbable; la destruction ou
suppression absolue des passions. L'absorption de
l'esprit dans la méditation s'obtient par l'observation
simullanée de huit pratiques rigoureuses : conti-
nence, observances des prescriptions et rites reli-
gieux, posture du corps, suppression ou régulation
de la respiration, maîtrise des sens, application de
l'esprit, contemplation et extase. Le maintien de
(1) Acles.
(2) Voir R. Ballantyne : Yogasùtra.
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LE BRAHMANISME 101
l'esprit dans le calme exige le détacbement de toutes
les choses et les préoccupations du monde, et par
conséquent la vie érémilique. La destruction des
passions, vayrâgya, qui amène à la connaissance
d'Içvara, à qui tout se rapporte, découle de la stricte
observation des deux autres pratiques, auxquelles
viennent s'ajouter comme particulièrement eflicaces
les tapas, austérités ou pénitences religieuses, pous-
sées jusqu'aux plus incroyables tortures corporelles,
que les ïogis pratiquent de nos jours encore avec
ferveur. Il est vrai que les tapas passent pour assu-
rer au religieux qui les accomplit dans toute leur
rigueur non seulement Tuniou posthume avec Içvara,
mais encore, en ce monde, l'acquisition et la posses-
sion de pouvoirs surnaturels, autrement dit le don
de faire des miracles de tout temps en grand hon-
neur dans rinde. Un mysticisme et un ascétisme
extravagants sont les résultats naturels de ces doc-
trines poussées à leurs conséquences extrêmes; nous
devons, toutefois, constater qu'il serait injuste de
rendre le Yoga responsable de ces extravagances
ascétiques : elles existaient et étaient en grande
faveur longtemps avant son apparition, ainsi que les
Oupanichads et les Brâhmanas nous en fournièsent
de nombreuses preuves; mais le Yoga a certainement
contribué dans une large mesure à leur diffusion
dans toutes les sectes religieuses de l'Inde.
La Mimânsâde Djaimini, ou Pûrva Mimânsâ^ ainsi
qu'on l'appelle souvent pour la distinguerduVédânta
6.
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102 LE BRAHMANISME
qualifié Uttara Mîmânsâ, ne justifie à vrai dire son
titre de philosophie que par sa méthode logique de
poser et résoudre les questions, exposant d'abord les
opinions qu'elle tient pour erronées et développant
ensuite ses objections et sa doctrine sur le sujet. Elle
est du reste purement ritualiste. Ecartant de parli-
pris tous les problèmes relatifs à la nature des dieux,
de l'âme, de l'esprit, de la matière et à leurs rapports
mutuels, elle se consacre exclusivement à l'interpré-
tation de l'antique rituel védique avec, semble-t-il,
la prétention passablement ambitieuse de redresser
les fausses interprétations des diverses sectes ratio-
nalistes et panthéistes, déjà nombreuses à cette
époque, et de les mettre finalement d'accord sur le
dogme orthodoxe en leur prouvant leurs erreurs
respectives. Pour elle, le Véda est tout; toute vérité
y est renfermée; il possède en lui-même et par lui-
même une autorité absolue indiscutable qui n'a
besoin d'être appuyée par celle d'aucun dieu. Elle
n*aflîrme ni ne nie l'existence d'un dieu suprême :
il peut exister, mais son existence n'est ni indispen-
sable, ni même nécessaire (1). On doit à la Mîmânsâ
l'invention ou tout au moins renonciation de la théo-
rie — qui a pris par la suite une si grande impor-
tance dans le mysticisme indien — de l'éternité des
mots et des sons. La parole proférée ne se perd jamais^
elle conserve éternellement sa valeur et son action.
(1) Sir MoNiER MoNiER Williams : Indian Wisdom, p. 99.
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LE BRAHMANISME 103
Ainsi que nous l'avons dit précédemment, il est
probable que le Védânta, lui aussi, a fait son appa-
rition à peu près k cette époque, en raison des traces
qu'on en trouve dans les doctrines bouddhiques;
mais il a eu une telle influence sur le panthéisme
postérieur et n'a reçu son plein développement à
une époque si tardive que nous croyons devoir ren-
voyer à la troisième partie de ce volume l'exposé de
ce système philosophique.
Mythologie. — A première vue, il semble qu'il n'y
ait pas grands changements dans la mythologie de
cette époque. Nous retrouvons tous les dieux védi-
ques, nominalement au moins; seulement ils se sont
anthropomorphisés, ils ont pris l'apparence de mo-
narques ou de guerriers; les mythes à peine indiqués
dans le Rig-Véda ont pris consistance, se sont déve-
loppés en légendes ; enfin les fonctions souvent
vagues des dieux se sont précisées: les uns ont gagné
en importance, d'autres ont déchu, d'autres encore
ont totalement changé d'attributions.
Au premier rang parmi les favorisés se range
Indra. Il a conservé sous l'anthropomorphisme la per-
sonnalité et les traits grandioses que lui donne le
Rig-Véda; il est définitivement reconnu pour le Roi
des dieux, et le paradis où il réside, le Soarga, est
le lieu le plus parfait de béatitude céleste. C'est tou-
jours le guerrier vaillant et invincible éternellement
prêt à combattre les démons ennemis des dieux
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104
LE BRAHMANISME
el des hommes; mais ses sempiternelles batailles
sont reléguées au rang des antiques traditions héroï-
ques; le monarque du ciel a déposé sa foudre et ne
le reprend que lorsque quelque grand danger menace
ses fidèles Aryas. La plupart du temps, il préside
royalement et partage avec les héros les délices du
Svarga, entouré de la troupe des danseuses et des
musiciens célestes, les Apsaras et les Gandharvas.
Roudra, dont le rôle était si peu marqué, devenu
le dieu destructeur de Torage et de l'ouragan, tend
à se placer parmi les grands dieux et prélude ainsi
au rôle grandiose qu'il remplira par la suite sous le
nom, encore inconnu, de Çiva.
Vichnou également, ce doublet d'Agni simple
satellite d'Indra, voit sa personnalité s'affirmer et
grandir, sans que pourtant rien en lui ne fasse encore
présager de sa grandeur future, sauf peut être sa
réputation de conseiller subtil.
Sourya conserve ses fonctions de dieu du soleil,
auxquelles il ajoute celles de générateur et de fécon-
dateur, s'assimile définitivement les mythes simi-
laires au sien de Savitri et de Pouchan, reste et res-
tera toujours l'un des plus grands dieux du panthéon
indien.
Par contre, Agni, Varouna et Sonia subissent une
déchéance marquée. Le premier, peut-être parce
qu'il était difficile de l'anthropomorphiser étant
donné son aspect matériel toujours visible, bien qu'il
ait sa place et son culte dans toutes les maisons en
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LE BRAHMANISME
qualité de dieu du foyer domestique, sembl
devenu spécialement le dieu des Brâhraan
même qu'Indra est devenu le patron attiti
Kchatrîyas.
De souverain du ciel, Varouna tombe au
secondaire de dieu des eaux, avec des fpncti
une légende qui rappellent, en plus effacé, cel
Poséidon et de Neptune. Soma, qui n'est plus
invoqué, reçoit la souveraineté de la Lune, si
prétexte assez difficile à expliquer que cet as
le réservoir inépuisable du soma. Quant à Dy
antique père de l'univers, il n'est plus qu'une
purement nominale.
Mais à côté de ces modifications, en somme (
d'importance, il s'est passé un fait capital : 1
ception d'un Etre suprême, éternel ou tout au
antérieur ^u monde, créateur de l'univers, P
pati (1), Poiiroucha (2) ou Bralima (3). Le point
part de cette conception de l'Etre suprême
être l'hymne 90 du dixième Mandala du Rig
dans lequel les dieux sacrifient Pouroucha, « 1
du Sacrifice », afin de constituer l'univers a\
fragments de son corps; seulement, là, les
sont coexistants avec Pouroucha, au lieu d'êt
créations ou ses émanations comme dans les r
(1) Prajâpati « le Seigneur des créatures ».
(2) Purusa a le mâle ».
(3) Il s'agit ici du Brahma, neutre, de qui Brahmâ,
lin, est une émanation.
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106 LE BRAHMANISME
postérieurs, tels que nous les trouvons exposés dans
les dIus anciens Brâhmanas, l'Aitaréya, le Taittirlya
Çatapatha. Les récits de ces livres présentent
>ez grandes différences, souvent même un même
âge donne des variantes presque contradictoires ;
i est-il difficile de déterminer avec quelque pré-
n la nature de cet Etre suprême, esprit ou ma-
primordiale, intelligence ou force,
nsi le Taittirîya-Brâhmana (1), après avoir dé-
\ que Pradjâpati est identique à l'univers, nous
end qu'au commencement cet univers n'était
qu'il n'existait ni ciel, ni terre, ni air. Quand
xistant désire se manifester à l'existence, il en-
m fermentation ou en combustion spontanée.
s il se produit de la fumée, du feu, de la lu-
e, de la flamme, des rayons, puis Teau, le ciel,
rre. S'appuyant ensuite sur la terre comme
solide, rinexistant devenu Existant, lait naître
.souras (2) de son abdomen, les êtres vivants de
rganes de génération, les saisons de ses ais-
s et les dieux de sa bouche. Mais quelques li*
plus bas, le même Brâhmana déclare : « L'es-
naquit de llnexislant. L'esprit créa Pradjâpati.
jâpali créa la succession des êtres. Tout ceci,
3S les choses qui existent, repose absolument
/esprit )).
Taittirlya Aranyaka nous fournit un récit de
II, 2, 9, 1.
Asura, démon.
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LE BRAHMANISME 107
la création très différent dans ses détails et môme
dans son fond. Dans le principe tout était eau, et au
sein de cette eau, Pradjâpati (1) naquit sur une
feuille de lotus. Possédé du désir de créer il se livra
à une pénitence ardente, puis secouant son corps,
de sa chair il créa le richi Arouna-Kétou, et de sa
partie fluide une tortue, qui se changea en Pou-
roucha, l'homme à mille tètes, mille yeux, mille
pieds. Alors, Arouna-Kétou, sur l'ordre de Pradjâ-
pati, prenant de l'eau dans le creux de ses mains,
la porta aux six points cardinaux, créant ainsi ces
six régions et les dieux Sourya, Agni, Vâyou, Indra
et Pouchan qui président respectivement à Test, au
sud, à l'ouest, au nord et au nadir, et en créant le
zénith il fit naître en même temps les Dévas,
les hommes, les Pitris, les Gandharvas et les
Apsaras. Des gouttes d'eau tombées de ses mains
pendant cette opération naquirent les démons
Asouras, Rakchasas et Piçatchas. En somme ce pas-
sage peut se résumer ainsi : les eaux primordiales
fécondées par la sagesse, produisirent Brahma
Svayambhou, le générateur de toutes choses. Tout est
donc Brahma Svayambhou, et tout provient des
eaux.
Dans les nombreux passages où il traite de l'ori-
gine et de la création de l'univers, le Çatapatha-
Brâhmana nous présente une conception plus mo-
(I) Identique à Brahma Svayambhu.
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108 LE BRAHMANISME
derne et plus méthodiquement exposée de ces deux
questions. Sans spécifier quelle est la nature de
Pradjâpati, un passage (1) identifie Pradjépati avec
l'univers et rapporte l'œuvre de la création comme
accomplie par le moyen du souffle. (( Pradjâpati était
dans le principe cet univers, seul uniquement».
Il eut ce désir : « Créons de la nourriture et multi-
plions-nous ». 11 forma des animaux de son souffle,
un homme de son âme, un cheval de son œil, un
taureau de sa respiration, un mouton de son oreille,
un bouc de sa voix ». Ailleurs (2) encore, l'auteur du
Brâhmana revient sur cette môme idée: « Pradjâpati
créa les êtres vivants. De ses airs vitaux supérieurs,
il créa les dieux : de ses airs vitaux inférieurs, les
créatures mortelles. Ensuite il créa la Mort dévo-
reuse des créatures ». Dans un autre passage (3),
où Pradjâpati est de nouveau identifié à Tunivers,
nous avons un récit de la création qui paraît être la
source de la légende pourânique : « Cet univers
était primitivement une âme seulement, sous la
forme de Pouroucha. Regardant autour de lui, il ne
vit rien que lui même. 11 dit d'abord : Ceci est moi.
Alors il devint un être ayant le nom de Moi
Il eut peur. C'est pourquoi un homme seul a
peur. Il fit cette réflexion : « Il n'existe aucune autre
chose que moi : de quoi suis-je effrayé? » Alors sa
(1) Vif, 5, 2, 6.
(2)X, 1,3,1.
(3) XIV, 4,2, 1.
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LE BRAHMANISME i09
crainte sa dissipa. Car pourquoi eut-il eu peur?
C'est d'une secoude persoiiné que l'homme a peur. —
Il n'éprouva pas de satisfaction. C'est pourquoi une
personne seule n'éprouve pas de satisfaction. Il dé
sira une compagne. Il était alors, semblable i\ un
homme et une femme étroitement enlacés. Il parta-
gea en deux parties son individualité. De là appa-
rurent un mari et une femme (Manou et Cala-
roûpâ)(i)
11 cohabita avec elle. D'eux les hommes naquirent.
Elle pensa : « Comment, après m'avoir tirée de
lui-même, ose-t-il cohabiter avec moi? Ah ! cachons
nous! — Elle devint une vache et l'autre un taureau,
et il cohabita avec elle; d'eux naquirent les ani-
maux de la race bovine
De celte manière naquirent par paires les créa-
tures de toutes espèces, jusqu'aux fourmis ».
11 est inutile d'insister sur l'intérêt de ce récit où
se dessine, plus nettement que dans les autres Brâh-
nianas, le mythe du Dieu suprême androgyne dans
son état d'inactivité primordiale et se scindant en
mâle et femelle, c'est-à-dire développant son éner-
gie représentée par le principe féminin, quand il veut
faire œuvre de création, mythe qui se retrouve dans
la mythologie pourânique en la personne de Çiva
Ardha-nârî, dans le brahmanisme et le bouddhisme
tantriques. Mais il nous faut nous arrêter un ins-
(1) Çatarûpâ «qui a cent formes», un des noms de Vàc, U
déesse de la parole.
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no LE BRAHMANISME
tant à un autre procédé d'action du créateur, celui
delà création par la parole, dont nous trouvons
également un curieux exemple dans le Çatapatha-
Brâhmana (1) : « En prononçant bhûh, Pradjâpati en-
gendra la terre. En prononçant 6/ium/i, il créa l'air
et en prononçant svah, il créa le ciel. Cet univers
est aussi vaste que ces mondes. Le feu est placé
dans le tout. En disant bhûh, Pradjàpali engendra
le Brahmane; en disant bhuvah, il engendra le
Kchattra : (2) et en disant si?a/i, il engendra le Viç (3).
Le feu est dans le tout. Disant bhûh, Pradjâpati s'en-
gendra lui-même, disant bhuvah, il engendra la pos-
térité; disant svalt, il engendra les animaux. Ce
monde comprend le Moi, la descendance et les ani-
maux. Le feu est dans le tout )). La Vàdjâsanéyi-
Samhitâ (4) nous fournit une autre forme de ce
mythe, qui se rattache au dogme de l'efficacité et de
l'éternité de la parole et du son (5); mais ici, c'est
en articulant les nombres impairs de un à trente et
un que Pradjâpati créa les mondes, les Dieux, les
hommes et tous les êtres (6).
Cette conception encore bien vague et surtout va-
riable du Dieu suprême se précise peu à peu sous
rinfluence des spéculations philosophiques, prend
(1)11,1,4, II.
(2) Ksatrlya, la caste des guerriers.
(3) Valçya, caste des commerçaDts.
(4) Ou Yajur blaoc.
(5) Voir page, 102.
(6) Vâjasaneyi-samhiiâ, XIV, 28.
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LE BRAHMANISME 111
de plus eu plus une allure spiritualiste et aboutit
enfin à celle de l'Ame universelle, essence et ori-
gine de toutes choses, existant en tout, en qui tout
doit s'absorber, fondement du Panthéisme hindou,
nettement exposée pour la première fois dans le
Mânava-Dharma-Castra (1). Suivant Manou, Brah-
ma (l'Etre existant par lui-même, l'Ame universelle)
voulant tirer les êtres vivants de son propre corps,
créa les eaux et y déposa un œuf d'or renfermant
son émanation, Brahmâ le démiurge, qui en sortit
au bout d'un an, brisant l'œuf eu deux parties, dont
la supérieure constitua le ciel, l'inférieure la Terre.
A ce moment Brahmâ, lui aussi, est androgyne. Il
se sépare en deux parties, mâle et femelle, et crée
ainsi Sarasvatî (personnification de la libation) ou
Vâtch (déesse de la parole), avec laquelle il engendre
Virâdj, père de Manou Svâyambhouva, lui-même
père des Dieux, des Richis, des hommes, des dé-
mons et de tous les autres êtres. Toute la création
se trouve ainsi issue de Brahmâ ou de l'Ame uni-
verselle suprême.
Cosmogonie. — Ces divers récits de création nous
amènent naturellement à des mythes cosmogoniques
qui étaient, eux aussi, inconnus aux Védas ; car on
ne saurait sérieusement accepter même comme un
rudiment primitif de cosmogonie la mention des
(1) G. Stréhly : Lois de Manon, I.
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112 LE BRAHMANISME
Trois Mondes, ciel, air ou atmosphère, et terre. Avec
les Brâhmanas surgit un système de cosmogonie et
de cosmologie, non moins mythique mais plus éla-
boré que celui des Védas, inspiré sans doute par les
données nouvelles de la mythologie. La terre, — qui
comprend la surface terrestre, lePatala^ région sou-
terraine mais cependant lumineuse (?), demeure des
génies (Asouras, Daityas, Yakchas, Nâgas), et les
Narakas, ou enfers, région ténébreuse, — est la base
solide de tout l'univers. Elle repose sur les eaux
d*un océan, appelé souvent Mer de Lait, qui Fenserre
de toutes parts (1), et dont les convulsions produi-
sent les phénomènes sismiques. A son centre se
dresse le mont Mérou, gigantesque pilier qui sup-
porte le ciel, et sur les flaucs duquel s'étagent les
demeures ou paradis des différents Dieux, celui d'In-
dra, le Svarga, en occupant le sommet. Quant à la
surface terrestre, elle est divisée, suivant les épo-
ques, en trois, quatre ou sept continents disposés
concentriquement autour du Mérou et séparés les
uns des autres par des océans ; le continent central
celui où se dresse le Mérou, est leDjamboudvîpa (2),
l'heureuse et sainte contrée des Aryas, c'est à-dire
l'Inde, appelée aussi Bhârata Varcha ou Pays de
Bharata, du nom de son premier roi.
((Tout composé doit fatalement subir des modifi-
(1) Cf. le Grand Océan qui enveloppe la terre dans la mytho-
logie grecque.
(2) Jambudvipa.
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LE BRAHMANISME 113
cations constantes et finalement périr par la désa-
grégation et la dissolution des éléments qui concour-
rent à sa formation », est un axiome unanimement
acceplé par tous les sages de l'Inde, déistes ou pan-
théistes, ralionalistes ou matérialistes. L'univers,
quelle que soit son origine, émanation de l'essence
divine, œuvre d'un démiurge, ou évolution sponta-
née d'une matière éternelle, n'échappe pas à cette
loi. Son existence est limitée à la durée d'un Jour de
Brahmà, au terme duquel il subit une dissolution
complète, suivi d'une Nuitée nrahmàdeduvée égale
pendant laquelle ses éléments disassociés se repo-
sent pour se réagréger de nouveau au réveil du dé-
miurge. L'ensemble du Jour et de la Nuit de Bralimâ
constitue ce qu'on appelle un grand Kalpa, Mahâ
Kalpa. Un Jour de Brahmâ se compose de mille Kal-
pas, comprenant chacun quatre Yougas ou Ages,
nommés Krita, Trétà, Dvàparaei Kali, à l'expiration
desquels l'univers subit une destruction partielle et
momentanée, châtiment des crimes et de l'impiété
des hommes du dernier âge. LaduréeduKrita-youga
est de 4.800 années divines ; celle du Trétâ de 3.600 ;
celleduDvâparade 2.400 ; et celle du Kali de 1.200;
soit un total de 12.000 années divines, ou de
4.320.000 années terrestres, un jour des Dieux équi-
valant à une année humaine. Le Jour de Brahmâ
représente donc 4.320.000.000 d'années terrestres, et
pendant ce temps le monde est gouverné et protégé
par quatorze monarques divins, nommés Manous,
I
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114 LE BRAHMANISME
doQt les règnes successifs et égaux eu durée sont
appelés Manvantaras, Sept Manous se sont manifes-
tés jusqu'à présent dans leKalpa actuel, dont le der-
nier est Manou Vaiimsvata, fils du soleil, le généra-
teur de la race humaine après la catastrophe du dé-
luge, mythe d'ailleurs récent dont on ne trouve
aucune trace dans les Védas.
Les Castes, — Il existe dans Tlnde, on le sait, qua-
tre Castes rigoureusement fermées, ne pouvant con-
tracter entre elles aucune alliance matrimoniale, ne
pouvant même pas entretenir de Tune à l'autre des
relations d'amitié intime, ni surtout partager le
même repas, celle des Brahmanes, classe sacerdotale,
des KchatnyaSy guerriers, des Vaiçyas, marchands,
et des Coudras^ artisans et agriculteurs, avec, au-
dessous d'elles, une multitude de liejetés ou Hors-
Castes, êtres impurs dont la présence, l'attouche-
ment ou le simple regard constituent une souillure
nécessitant des purifications pour les hommes de
Castes, et rendant inefficaces les sacrifices.
A notre point de vue européen, les Castes consti-
tuent une institution purement sociale. Il n'en est
pas ainsi dans l'Inde, où, de toute antiquité, elles
ont le caractère d'une institution religieuse, divine,
déterminant et limitant les droits et les devoirs des
différentes classes de la population, non seulement
dans leurs relations mutuelles, mais surtout en ce
qui concerne les cérémonies cultuelles et, avant
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LE BUAIIMANI^MIC 115
tout, le privilège de Ylnitiation et de la connaissance
des Ecritures sacrées exclusivement réservé aux
membres des trois Castes supérieures, qualifiés
Dcidjas (1) « Deux fois nés » en raison de la nais-
sance spirituelle que leur confère l'Initiation, et dont
les Coudras, a plus forte raison lesHors Cast.s, sont
inexorablement exclus. Chez les Indiens, cette insti
tution se rattache intimement aux mythes de la
création : ils la font même remonter jusqu'aux
Védas, bien qu'on n'en trouve point de traces préci-
ses dansces livres, en invoquant l'autorité de Fhymne
du RigVéda célèbre sous le nom de Ponroiicha-
soukta (2) :
(( Pouroucha a mille tètes, mille yeux, mille
pieds. De tous côtés enveloppant la terre, il la dé-
passe d'une longueur de dix doigts. — Pouroucha
est lui-même cet univers tout entier, tout ce qui a
été, tout ce qui sera. Il est aussi le Seigneur de
rimmortalité quand, étant nourri, il s'étend. —
Telle est sa grandeur, et Pouroucha est supérieur à
cela. Toutes les existences réunies constituent un
quart de sa personne, et ses trois autres quarts sont
tout ce qui est immortel dans le ciel. —Avec trois
quarts, Pouroucha est monté vers les hauteurs. Un
quart de lui est de nouveau né ici-bas. Il s'est alors
répandu dans les choses qui mangent et celles qui
ne mangent pas. — De lui naquit Virâdj et de Virâdj
(1) Dvija.
(2) Purasa-sukla, Rig-Véda, X, 9J.
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LV: BRAHMANISME
naquit Pouroucha. Uue fois né il s'étendit au delà de
la terre, en arrière et en avant. — Quand les Dieux
célébrèrent un sacrifice avec Pouroucha pour obla-
lion, le printemps fut son beurre, Tété son combus-
tible, Tautonine l'offrande. — Cette victime, Pourou-
cha né au commencement, ils l'immolèrent sur le
gazon du sacrifice. Les Dieux, les Sàdhyas et les
Richis sacrifièrent avec lui. — Par ce sacrifice uni-
versel le caillé et le beurre furent produits en abon
dance. Il forma les créatures aériennes et les ani-
maux sauvages et domestiques. — De ce sacrifice
universel sortirent les vers du Rig et du Sâman, les
mèlres et le Yadjous (1). — De lui naquirent les
chevaux et tous les animaux qui ont deux rangées
de dents, les bestiaux, les chèvres et les brebis. —
Quand les Dieux sacrifièrent Pouroucha, en combien
de parties le divisèrent-ils? Qu'était Sa bouche?
Quels bras avait-il? Que dit-on que sont devenus
ses cuisses et ses pieds ? — Le Brahmane fut sa bou-
che, le Ràdjania (2) ses bras, l'être appelé Vaiçya
ses cuisses; le Coudra sortit de ses pieds. — l>a Lune
sortit de son âme, le Soleil de son œil, Indra et
Agni de sa bouche, Vàyou de son souffle. — De son
nombril sortit l'air, de sa tète le ciel, de ses pieds la
terre, et de ses oreilles sortirent les quatre quartiers
du monde. C'est ainsi que les Dieux façonnèrent les
mondes ».
(1) Yajus, le Yajur-Véda.
(2) Râjania = Kchalrîya.
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LE BRAHMANISME 117
Il paraît évident que cet hymne, certainement
plus ancien qu'on ne l'admet généralement, a été la
source des divers récits des Brâhmanas sur Torigine
des Castes, et de la légende, passée à Tétat de dogme ,
qui fait naître le Brahmane de la bouche de Brahmâ,
leKchatrîya de ses bras ou de ses épaules, le Vaiçya
de ses cuisses et le Coudra de ses pieds, établissant
ainsi une hiérarchie d'ordre divin et une barrière
infranchissable entre les différentes Castes.
Le Taitlirîya Brâhmana leur donne cependant une
autre origine. Dans un passage (1), il nous apprend
que (( la Casle des Brahmanes est issue des Dieux et
celle des Coudras des Asouras », et ailleurs (2) en-
core H dit : (( Cet univers tout entier a été créé par
Brahma. Les hommes disent que la classe du Vaiçya
a été produite par les vers du Rig. Ils disent que le
Yadjour-Véda est la matrice de laquelle naquit le
Kchalrîya. Le Sâma-Véda est la source d'où sont
sortis les Brahmanes. C'est ce que les anciens ont
appris aux anciens ».
L'existence des Castes à l'époque où les Brâhmanas
ont été composés est un fait incontestable en raison
même de la mention que ces livres en font ; mais il
est douteux qu'elles aient eu, dès ce temps, le carac-
tère de séparation absolue que leur donnent les livres
sacrés et surtout que la supériorité et Tautorilé des
brahmanes fussent reconnues sans conteste. Il pâ-
li) I, 2, 6, 7.
(2)111, 12,9,2.
7.
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118 LE BRAHMANISME
raît probable qu'à l'arrivée des Aryas dans l'Inde,
. au temps des Védas, la nation envahissante ne for-
mait qu'un seul groupe, groupe de combattants, et
que ce n'est que longtemps après son installation
stable sur le terrain conquis, grâce aux loisirs d'une
possession paisible, que se créèrent des groupements
suivant les goûts et les occupations de chacun: les
uns se livrant aux travaux des champs, les autres se
consacrant aux charges du cuKe et à l'étude des
sciences, d'autres enfin assumant la mission de dé-
fendre la communauté contre ses ennemis et d'éten-
dre son territoire par de nouvelles conquêtes. Ces
derniers, dans la situation où se trouvaient alors les
Aryas, devaient évidemment avoir une puissance
prépondérante, d'autant plus que c'était de leurs
rangs que sortaient les rois ou chefs de villages.
Plusieurs passages des Oupanichads, qui montrent
des brahmanes allant chercher auprès de Kchalrîyas
la solution de questions religieuses difficiles, prou-
vent qu'à un moment donné ceux-ci possédaient la
science dogmatique et le droit de l'enseigner. D'un
autre côté le Çatapatha-Brâhmana(l) nous fournit une
preuve indisculable de la supériorité, au moins mo-
mentanée, de la Caste des Kchatrîyas : « Brahma
était primitivement cet univers, unique et seul.
Etant unique il ne se multipliait point. Avec énergie,
il créa une forme excellente, le Kchattra, c'est-à-dire
ceux d'enlre les Dieux qui sont des puissances,
(1) XIV, 4, 2, 23.
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LE BUAHMANISMK 119
Indra, Varouna, Soma, Roudra, Pardjanya, Yama,
Mrityu, Içana. C'est pourquoi rien n'est supérieur au
Kcliatlra. C'est pourquoi le brahmane siège au-des-
sous du kchatrîya au sacrifice Râdjasanya ; il con-
fère celle gloire au Kchallra ». On est en droit de se
demander comment les kchatrîyas ont pu abdiquer
celte puissance et se soumettre servilement à Tauto-
rilé dédaigneuse de la Caste sacerdotale ? Les causes
et les péripéties de celle soumission nous échap-
pent ; mais il est certain qu'elle ne se fit pas san«
luttes violentes que laissent soupçonner de nom-
breuses allusions des livres sacrés, et dont le
souvenir survit dans 1 origine exclusivement kcha-
trîya des Tîrthamkaras-Djaiiis et dans la légende
pour.ânique de Paraçou-Râma, le brahmane exter-
minateur de la race des guerriers.
Le Irait caractéristique de la Caste indienne, ce
qui la distingue absolument des classes des autres
nations, c'est qu'elle est strictement héréditaire. On
naît Brahmane, Kchatrîya, Vaiçya ou Coudra ; mai&
si grands que puissent être ses mérites, aucun indi-
vidu ne saurait, en celle vie du moins, accéder à
une caste supérieure à la sienne. Il faut à un coudra
des milliers de renaissances pour devenir brah-
mane. Par conire, on peut déchoir ; mais alors on
perd toute caste et Ton tombe dans la catégorie in-
fâme des rejelés, des Paryas. On perd sa casle par
négligence des sacrements et des sacrifices, par mé-
salliance, par le fait d'officier dans un sacrifice pour
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120 LK BUAtlMANlSME
un çoutlra ou un hors caste, ou de lui enseigner les
Védas, par le meurtre d'un brahmane, par des rela-
tions avec la femme d'un Gourou, par lafréquen-
tion d'hommes indignes, etc. La déchéance de caste
est la peine la plus grave qui puisse frapper un
Indien : elle comporte non seulement une vérita-
ble excommunication, mais encore la mortcivile(l).
Dans les livres sacrés, la personnalité du brah-
mane prime tellement toutes les autres qu'à part
quelques rares prescriptions spéciales, c'est presque
toujours exclusivement à lui que se rapportent les
règles de conduite, lesdroits et les devoirs religieux
afïérant aux Dvidjas. Tel est le cas, en particulier,
pour l'idéal de la vie qui leur est tracé et qui serait
absolument impraticable pour des hommes ayant
d'autres occupations et d'autres obligations, que
l'exercice exclusif du cuUe et la pratique de la dé-
votion : il parait probable que seules les deux pre-
mières de ces prescriptions visent également les
kchatrîyas et les vaiçyas. A partir de l'âge de huit à
douze ans, époque où il reçoit l'Initiation, la vie du
Dvidja, ambitieux de parvenir au salut final ou tout
au moins de s'assurer une bonne transmigration,
doit se diviser en quatre phases comportant les con-
ditions de Bi^alimatchàri (1), Grihastha (2), Vànapra-
chtha, el Parivràdjaka ou SaîinyàsL Le Brahraatchâri
(1) Voir E. Sénart : Les castes dans VInde.
(2) BrahmacArin.
(3) G/hjstha.
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LE BUAHMANISME i2l
est un étudiant confié, aussitôt après l'Initiation, aux
soins d'un maître ou Gourou, brahmane versé dans
les Védas, qui lui enseigne les écritures sacrées et les
pratiques du culte, et auquel il rend en échange cer-
tains devoirs domestiques. Le respect, l'obéissance
à son maître, l'applicalion et la chastelé sont les
principaux devoirs imposés au BrabmatchAri. Ses
études terminées, ordinairement au bout de douze
ans, le jeune Dvidja se marie et devient Grihastha
ou Maître de maison. Quand ses enfants sont mariés
h leur tour, et qu'il a vu ses petits enfants, on estime
que la vie sociale active du brahmane est terminée :
il devra alors partager ses biens entre ses enfants et,
emportant avec lui son feu sacré domestique, aller
vivre en ermite, Vânaprachtha, dans la forêt, se li-
vrant à la méditation, accomplissant religieusement
les sacrifices quotidiens obligatoires, se nourrissant
de grains, de racines et de fruits sauvages, ou bien
de ceux qu'il cultive de ses mains. Enfin, quand ses
cheveux blanchis et ses forces déclinantes lui annon-
cent rapproche du moment fatal, qu'il abandonne
tout et s'en aille errer sans famille et sans abri,
mendiaQt sa nourriture, dormant au pied d'un arbre
ou dans les cimetières, indifférent à tout hormis à la
pensée de l'Ame suprême, jusqu'à ce que la mort,
qu'il ne doit point hâter, le débarrasse de l'existence
et lui donne l'union souhaitée avec l'Etre existant
par lui-même. 11 a alors accompli le devoir austère
du Parivràdjaka.
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122 LE BKAHMANISMii:
« Le Brahmane doit vivre dé l'autel, le Kchalrîya
de ses armes, le Vaiçya de son commerce, ei le Cou-
dra de sa charrue i>, telle est la règle de vie imposée
aux quatre castes. Et de fait, les fonctions sacerdo-
tales sont Tapanage exclusif des brahmanes, et Ton
peut estimer que la complication de plus en plus
grande de la liturgie et du rituel des sacrifices, en
exigeant des sacrificateurs une connaissance pro-
fonde des Védas et une science parfaite des riles, a
été pour beaucoup dans la constitution de la casle
sacerdolale des brahmanes, possesseurs par voie iié-
rédilaire des anciennes Ir.iditions. Ils ne paraissent,
en effet, s'être conslitnés en caste que lorscjue les
pratiques cultuelles sont devenues trop nombreuses
et trop absorbantes pour re>ter, comme à l'époque
védique, la charge de chaque Maître de maison. Dé-
positaires de toute science, les brahmanes sont na-
turellement par cela môme les dispensateurs de cette
science, les inslituleurs vénérés de la nation. iMais
les fonctions sacerdotales et l'enseignement, encore
que rétribués grassement si nous en croyons les ré-
cits des livres religieux et les prescriptions des
codes, ne pouvaient |)as suffire h faire vivre la multi-
tude croissante des brahmanes: il a fallu accepter des
acconnnodemeuts avec les prescriptions trop sévères
de Tantiquité, autoriser les brahmanes à remplir
des emplois dans lesquels la science est nécessaire,
conseillers des rois, ministres, magistrats, et Manou
va môme jusqu'à leur permettre, en cas de besoin
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LE BRAHMANISME J 23
exlrênie, toutes sortes de fonctions, même serviies
(celle de cuisinier par exemple) au service du gou-
vernement ou même de gens riches des deux autres
castes supérieures, pourvu que ce ne soit point de
celles qui entraînent une souillure et la perte de la
caste. Les poèmes, le Mahâbhârata entre autr. s,
nous montrent même des brahmanes guerriers.
Culte et sacrements. — Le culte brahmanique com-
porte deux sortes de cérémonies : les sacrifices pu-
blics et les cérémonies domestiques. Autant qu'il
nous est permis de le supposer, à la pompe pr6s, on
avait conservé dans les premiers le rituel des sacri-
fices védiques. L'acle initial et principal est toujours
Tallumagedu feu sacré, soit par le procédé anlique
de la friction rapide de deux morceaux de bois, soit
par la concentration de» rayons du soleil au moyen
d'un morceau de cristal, soit enfin à l'aide d'un
brandon enflammé emprunté au feu sacré (|ue-tout
brahmane orthodoxe doit entretenir perpétuelle-
ment dans sa maison. Dans ce feu, activé par des li-
bations de beurre fondu et de soma, on faisait
ensuite brûler des offrandes de grains, de gâleaux et
la chair des victimes, tandis que les brahmanes otïï-
cianls récitaient ou chantaient les hymnes des Védas
indiqués suivant les cas par la liturgie. Cinq olTi-
ciants sont requis pour la célébration de ces sacri'
lices: le directeur de la cérémonie qu'on nomme
Brâhman, le Hotri qui récite ou chante les hymnes
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124 LE BRAHMANISME
du Rig-Véda, l'Adlivaryu ceux du Yadjour, l'Udgâ-
tri ceux du Sâma, et rAlharvaii qui prononce les
formules magiques de l'Atharva ; toutefois la pré-
sence de ce dernier ne paraît pas élre toujours obli-
gatoire, et il n'est pas indiqué dans lesplus anciens
rituels.
Le culte domestique comprend également deux
ordres de cérémonies : les sacrifices quotidiens
obligatoires et les sacrifices occasionnels ou obliga
toires seulement à certaines époques déterminées.
Dans tous les rites de la première catégorie c'est le
père de famille, le Maître de maison, qui officie en
présence de sa femme, de ses enfants et de ses ser-
viteurs, qui tous ont part au bénéfice du sacrifice.
Pour les cérémonies occasionnelles, c'est presque
toujours un brahmane qui les accomplit ; il n'est
pas certain cependant que l'assistance du brahmane
soit prescrite, sauf pour les cérémonies funéraires
ou Çrâddhas, surlout si le sacrifiant est lui même de
la caste sacerdotale, mais la présence d'un ou plu-
sieurs de ces saints personnages, savants dans les
Védas et de vie exemplaire, ajoute au mérite et à
l'efficacité du sacrifice.
Tout brahmane, et probablement tout dvidja, doit
réserver une pièce de sa maison au feu sacré do-
mestique. C'est dans cette pièce et devant ce feu
que s'accomplissent chaque jour les trois Sandhyâs
^obligatoires du culte domestique.
La première, dite Sandhyà matinale, doit se celé-
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LE BRAHMANISME 125
brer à Taube, au moment précis du lever du soleil,
et comporte des rites nombreux et compliqués. Aus-
sitôt éveillé, le Maître de maison procède aux rites
purificatoires, préliminaires obligés de tout sacri-
fice, bain rituel (on se baigne habillé), rincement de
bouche, onction de cendres prises sur Tautel du feu,
et trois suspensions de respiration. Ceci fait, il
adore les instruments du sacrifice, vase à eau, con-
que, et sonnette dont le leintement appelle les
dieux et met en fuite les démons, lave trois fois et
tord pour le sécher son cordon sacré, f)uis s'appro-
chant du feu sacré il le dégage des cendres sous les-
quelles il est conservé, y place quelques morceaux
de bois qu'il arrose de beurre fondu ou d'huile tout
en récitant l'hymne au feu et la célèbre Gâyatrî, ou
hymne au soleil : « Om ! Méditons sur la splendeur
du divin soleil ! Puisse-t-il daigner éclairer nos in-
telligences! », et fait dans ce feu ranimé des offran-
des de quelques brins de l'herbe sacrée Koitça, de
grains et de gâteaux. (Si rofiiciant appartient aux
sectes strictement orthodoxes des Agni-Hotris ou
des Vaidikas qui entretiennent trois ou cinq feux
sacrés, le môme rite doit se pratiquer pour chacun
des feux en commençant par celui qui est placé au
milieu). Ce premier acte, et le plus imporlant, ac
compli, le sacrificateur adore successivement, en
renouvelant ses offrandes dans le feu, les Eaux, le
Soleil, Brahmâ, tous les Dieux réunis, les cinq divi-
nités protectrices du foyer domestique, et les mânes
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126 LE BRAHMANISME
deses ancêtres. Pour ces derniers il ajoute une liba-
tion d'eau. Ces adorations successives sont accom-
pagnées, cela va sans dire, de la récitation des hym-
nes védiques que ia liturgie attribue à chaque divi-
nité, entrecoupés par des répétitions de la Gâyalrî,
deThymneauxEaux (« Eaux qui donnez le bonheur,
accordez nous noire pain quotidien el une grande
et heureuse intelligence ; — Servez-nous vos ondes
fortunées comme de tendres mères le font à leurs
enfants ; — bien vite nous prenons noire refuge
près de vous pour le pardon de nos péchés. Eaux
divines, rendez-nous féconds en postérité 1 ») et des
sept sons mystiques : Om ! Bhouh ! Om ! Bhoucah !
Om ! Svah ! Om ! Mahah ! Om ! bjanah ! Om ! Tapas !
Om I Satyam !.
Moins compliquée que celle du matin, la Sandhyà
du milieu du jour n'exige le bain ou les ablutions
et autres rites purificato'res que si le sacrifiant a
conscience d'avoir contracté quelque souillure. Elle
consiste à réciter la Gâyatrî. l'hymne aux Eaux, un
hymne à la Terre et un autre au Soleil, à faire une
libation d'eau au Soleil et une offrande de riz cuit à
tous les Dieux réunis.
La Sandhyâ du soir, également simplifiée, com-
porte la récitation de la Gâyatrî, d'un hymne au
Soleil, aux Eaux, au feu et 5 Brahmâ, une offrande
aux mânes des ancêtres des aliments préparés pour
le repas de la famille, et, avec les restes de ce repas,
une offrande aux esprits errants, aux revenants,
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LE BRAHMANISME 127
aux animaux sauvages, qqe la maîtresse de maison
dépose au deliors près delà porte. On garnit alors le
feu sacré d'un peu de bois, ou le couvrede cendres et
de fumier de vache et on récite l'hymne à Varouna ;
« Si peut-être, étant mortels, nous avons négligé
quelque chose dans l'observation des rites de cha-
que jour, ô Varouna, ne nous livre point au fer ven-
geur du furieux ni à la furie de celui qui est en co-
lère (1) ».
Comme on le voit, ces services quotidiens ne lais-
sent pas que d'être compliqués et absorbants: on
estime que leur exécution consciencieuse ne pre-
nait pas moins de cinq à six heures de la journée
du fidèle. Si on y ajoute encore les rites de puriRca
tion des souillures inévitables pour les causes sou-
vent les plus insignifiantes on peut admettre que
des devoirs religieux si absorbants ne pouvaient être
observés que par des hommes entièrement voués au
culte, et on comprend que de bonne heure kcha-
trîyas et vaiçyas c'est-à-dire tous ceux qui devaient
demander à une occupation lucrative leur subsis-
tance et celle de leur famille, aient secoué leur joug,
les aient réduits à leur plus simple expression ou
les aient même complètement délaissés.
Les cérémonies privées occasionnelles avaient
pour objet, soit des denmndes de grâces toujours
matérielles, fortune, réussite d'une entreprise, ob-
(I) A. BouRQuiN : Brahmakarma.
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128 LE BRAHMANISME
ntion d'honneurs, naissance d'un fils, santé, lon-
le vie ; celles obligatoires à époque fixe étaient les
'âddhas ou sacrifices funèbres à l'intention des
icêtres et parents défunts, qui devaient se célébrer
I jour anniversaire de leur mort. Les premières
nsistent, comme les sacrifices publics, en l'allu-
age solennel du feu sacré, l'holocauste des of-
^ndes. grains, gâteaux et victimes, et la récitation
s hymnes et des formules spécialement consacrés
i Dieu invoqué. Les Çrâddhas, tant ceux d'anniver-
ires que ceux célébrés dix jours après le décès,
nt plus compliqués. Trois brahmanes au moins
ûvent y assister. Outre le sacrifice proprement dit
ms sa forme habituelle avec accompagnement
iligé d'offrandes et d'hymnes du Rig et du Sama.
ida (i) aux Dieux le plus spécialement en relation
ec les morts, Agni, Yama, Mrityu, Varouna, et aux
tris, ancêtres de la race arienne, elles comportent
le offrande au défunt d'aliments cuils, de fruits et
gâteaux, en forme de boules, faits de fleur de
rine, de beurre et de miel ou de sucre, appelés
ndas. Ces gâteaux ne peuvent être offerts que par
5 proches parents du mort jusqu'au sixième degré
Lilement, d'où le nom de Sapinda, donné à cette
rente. De plus, la cérémonie doit se compléter
r un repas, aussi somptueux que possible, à
tant de brahmanes que la fortune du sacrifiant lui
I) Lo Sâma-Véda est le livre funéraire par excellence.
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LIS, BRAHMANISME 129
permet d'en inviter. A la fin du repas, il devra éga-
lement faire à chaque brahmane un don aussi géné-
reux qu'il le pourra, vaches, vêtements précieux,
bijoux, espèces monnayées, ou tout au moins un pot
d'eau, seulement le pot doit être de métal précieux,
or, argent ou cuivre artistement travaillé. On peut
juger de l'importauce attachée aux Çrâddhas par le
soin que met Manou à en décrire les rites et à énu-
mérer minutieusement les qualités requises des
brahmanes, des parents et des auiis qui doivent y
être invités (l). En somme le Çrâddha a pour but
d'assurer le bien-être du mort dans l'autre monde et
comme conséquence la prospérité de sa famille
ici-bas.
Mais les obligations religieuses de l'Indien ne se
bornent pas à l'accomplissement de ces sacrifices
publics et privés. La religion Tenserre à tout instant
de son existence, dès et même avant sa naissance,
dans un réseau de sacrements, auxquels il ne peut se
soustraire sous peine d'encourir la déchéance de
caste. Ces sacrements ou rites purificatoires sont
nommés Samskâras : il y en a douze principaux.
C'est d'abord le rite Garbhadhana. Il se pratique au
moment de la consommation du mariage, c'est-à-
dire quatre jours après la cérémonie nuptiale et a
pour but de procurer une heureuse conception.
Trois mois après ce premier rite, on accomplit
(1) G. Stbéhly : Loii deUanou^ III, i23-286.
u
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130 LE BRÂHMANISMIi:
celui de Poumsavana afin d'obtenir un enfant mâle
et (le prévenir les avortemenis. Il consiste à faire
avaler à la jeune femme deux fèves et un grain
d'orge dans du lait caillé, et à lui injecter dans la
narine droite le suc d'une tige de Dourbâ.
La séparation des cheveux, ou Simantonnayana a
pour but de purifier la mère et d'assurer la santé de
l'enfant qu'elle porte dans son sein. Cette cérémonie,
qui doit être accompagnée de musique etcommence
parla récitation de trois hymnes de l'Atharva et de
Hiymne V, 25, 2 du Rig- Véda, consiste à tracer trois
raies dans les cheveux de la femme avec trois brins
de Kouça liés ensemble, en prononçant les in-
terjections mystiques : Om ! Bhouh ! Bhouvah !
Svah!
Immédiatement après la naissance de l'enfant, on
pratique la cérémonie Djâta-Karman en vue de lui
assurer une existence heureuse. Le père mêle du
beurre et du miel, le remue avec une cuiller ou une
baguette d'or, emblème de bonne fortune, et intro-
duit quelques gouttes du mélange dans la bouche de
l'enfant en récitant la prière suivante : « être doué
d'une longue vie, puisses-tu vivre cent années en ce
monde, protégé par les Dieux ! » 11 touche alors les
oreilles de l'enfant avec la baguette d'or en disant :
(( Que Savitri, Sarasvati et les Açvins te donnent la
sagesse ! » Ensuite, il lui frotte les épaules et dit :
« Deviens solide comme un rocher, tranchant comme
une hache, pur comme l'or ; tu es le Véda sous le nom
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LE BRAHMANISME 131
de fils. Vis cent années. Puisse Indra t'accorder les
trésors les plus précieux ! »
La cérémooie Nâma-Karana, ou de dation de
nom, se célèbre dix jours après la naissance, avec
l'accompagnement obligé d'offrandes au feu et de
récitation de textes védiques.
La première sortie, Nichkramana, a lieu quatre
mois après la naissance. L'enfant est porté hors de
la maison au lever du soleil et on le tourne du côté
de Tastre en récitant ce texte du Rig-Véda : « Ce
luminaire, semblable à un œil, que les Dieux ont
placé dans le ciel, se lève à l'orient ; puissions-nous
le contempler pendant cent années ! » et cet autre
du Yadjour : (( Puissions nous cent ans et plus voir,
parler, être à l'abri de la pauvreté ! »
Le rite Anna-Prâçana est celui de la première nour-
riture solide donnée à l'enfant. Six mois après sa
naissance, celui-ci est porté par son père au mi-
lieu de la famille et des amis assemblés, et sa mère
lui met un peu de riz dans la bouche, tandis que le
prêtre de la famille récite un texte du Yadjour-Véda.
La cérémonie appelée Tchaula, ou taille de che-
veux, se pratique à l'âge de trois ans dans un but de
purification, et celle dite Kêçânta, tonsure, un an
après. Après avoir lavé la tête de l'enfant avec un
mélange d'eau chaude, de beurre et de caillé, le
père lui rase les cheveux en ménageant sur le som-
met du crâne une, trois ou cinq touffes, selon
l'usage spécial de sa tribu.
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VOûpanauana, Initiation, se pralique de huit à
seize ans, selon les castes. C'est le sacrement le plus
important de la religion brahmanique puisqu'il
consacre l'entrée de Tenfant dans la communauté et
dans sa caste, lui confère le droit d'étudier les Védas
et autres écritures sacrées, et lui donne le titre de
Dcidja (( deux fois né », apanage des hommes des
trois castes supérieures. Cette cérémonie comporte
rinvesliture du cordon et de la ceinture sacrés, et la
révélation de la prière sainte appelée Sàvitri ou
Gàyatri. Le cordon sacré, Yadjnopamta, se porte eu
sautoir de* gauche à droite. 11 se compose de trois
fils de 300 coudées (120 mètres) de longueur, plies
quatre fois en trois et tordus de manière à former
un cordon de 81 fils et de trois coudées de longueur.
Il se fait en coton pour les brahmanes, de chanvre
pour les kchatrîyas, et de laine pour les vaiçyas. La
ceinture sacrée, Maundji, est le symbole de la chas-
teté que doit observer le jeune homme pendant sa
vie d'étudiant, Brahmatchâri, et jusqu'à son ma-
riage. Elle se compose de trois cordes tressées en-
semble et nouées par un ou trois nœuds, suivant les
usages familiaux. La ceinture d'un brahmane est
faite d'herbe moundja, celle du kchatrîya de mourtà^
et celle du vaiçya est en chanvre. Elle se porte
jusqu'à ce qu'elle soit usée et ne se remplace
pas.
L'investiture du cordon sacré est un acte trop
important dans la carrière de Tlndien pour que
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LE BRAHMANlSxME 133
nous ne disions pas un mot de la manière dont se
passe la cérémonie.
Après que le père de famille a fait choix pour son fils
d'un iiourou, c*est-à-dire d'un brahmane savant et
estimé qui doit lui servir de précepteur et de directeur
de conscience, le jour favorable étant venu, ou fait
prendre à Tenfant le bain rituel et on l'amène devant
le Gourou. Celui-ci, après s'être rincé la bouche et
avoiraccompli leritedela Restriction de respiration,
proclame la résolution de procéder à l'Initiation de
son pupille, et prononce la Gayatrî (1). Il lave alors le
cordon et le tord en récitant l'hymne : « Eaux qui
donnez le bonheur, etc. (2) » ; puis il récite une
invocation à Pradjâpati. En détordant le cordon, il
dit : « J'attribue la syllabe sacrée Om au premier fil,
Agni au second, les serpents divins au troisième,
Soma au quatrième, les Mânes de mes ancêtres au
cinquième, Pradjâpati au sixième, Vâyou au sep-
tième, Sourya au huitième, tous les Dieux au neu-
vième », et récite dix fois la Gâyatrî. 11 retord le cor-
don en récitant l'hymne : « Le divin Soleil, qui voit
tous les êtres, s'élève éclatant aux yeux de l'univers,
traîné par ses brillants coursiers. — Avec les ombres
de la nuit, les étoiles, semblables aux voleurs, s'en-
fuient devant le Soleil, cet œil de l'univers, — Tels que
des feux étincelants ses rayons lumineux éclairent
les êtres ». Il passe alors le bras droit et la tête de
(1) Voir page 125.
(2) Voir page 126.
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134 LE BRAHMANISME
l'adepte dans le cordou, de manière que celui-ci
repose sur l'épaule gauche et dit : « Om ! Mets le
cordon sacré et glorieux qui a été conçu en même
temps que Pradjâpati et même avant lui, qui pro-
cure la vie, Texcellent, le brillant ! Que ce cordon
sacré l'apporte force et honneur ! » Enfin la céré-
monie se termine par des récitations de la Gâyatrî.
Le rite de Samâvartana, ou du retour à la maison
paternelle, s'accomplit lorsque le jeune dvidja, ses
études religieuses terminées, prend congé de son
précepteur. Il se compose d'un bain rituel, de
prières, d'ablutions et de dons au Gourou propor-
tionnés à la richesse de la famille du jeune homme.
Le rite du mariage, Vivâha, a pour l'Indien une
importance presque égale à celui de l'Initiation, car
c*est celui qui fait de lui un maître de maison, Gri-
hastha, lui confère le pouvoir d'olBcier dans tous les
rites domestiques obligatoires et, s'il est brahmane,
dans les sacrifices publics. La cérémonie du mariage
se fait avec grande pompe et au milieu d'une nom-
breuse assistance de parents, d'amis et de voisins.
Le jeune homme commence par allumer le feu sacré
devant ou dans sa maison en accomplissant tous les
rites consacrés. Il fait alors une oblation au feu,
puis prend les mains de sa fiancée et lui fait faire
sept fois le tour du feu sacré, en disant : « Je suis
homme, tu es femme. Viens, marions-nous. Ayons
des enfants. Unis en affection, illustres, bien dispo-
sés l'un pour l'autre, puissions-nous vivre ensemble
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LE brahmanisme: 135
cent années! » A la fin du septième tour, le mariage
est consacré. Le jeune Maître de maison fait alors
une oblation de beurre dans le feu sacré (
cite l'hymne 85 du dixième maniala du
Véda.
Transmigration. — Un autre fait caractéris
du Brahmanisme philosophique et non moins ii
tant cfue la conception du Dieu suprême de
universelle et que Tinstitution des castes, est
vention du dogme de la Transmigration ou Mé
sycose, c'est-à-dire du passage de Tâme indivic
dans une succession presque éternelle d'exist
bonnes ou mauvaises jusqu'à ce qu'elle se soit
samment épurée pour mériter de se réunir,
l'élernilé cette fois, avec l'Ame universelle don
est une émanation ou une particule selon les e
déistes, pour rentrer dans la sphère lumineuse
son intempestive curiosité l'a fait sortir d'api
théorie du Sânkhya. Dogme qui sert merveill
ment aux Indiens, d'un côté, pour affirmer et €
quer l'immortalité de l'àme, de l'autre, pour n
compte de l'inégalité des conditions humain<
qui est devenu la base universellement admii
toutes leurs religions, même de celles, comme le
nisme et le Bouddhisme, qui se sont posées e
versaires du Brahmanisme. Naturellement, su
leur usage constant, les brahmanes prétendent
remonter l'origine de cette conception aux V
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136 LE BRAHMANISME
source de tous leurs dogmes et de toutes leurs con-
naissances, et citent à cet effet plusieurs passages
obscurs du RigVéda, dont le plus applicable est le
vers de l'hymne I, 110, 4 où il est dit « étant morts,
ils ont obtenu la non mortalité », cest-à-dire la
vie (1). Eu réalité, il faut arriver aux Oupanichads
pour trouver des textes où la Transmigration sem-
ble se révéler en germe, et encore n'est-ce que dans
les écoles philosophiques qu'elle a reçu son plein
développement.
La Brihad-Aranyaka Oupanichad (2) dit en effet:
(( Ceux qui conquièrent les mondes au moyen du
sacrifice, de la libéralité et de la pénitence, passent
dans la fumée, de la fumée dans la nuit, de la nuit
dans la quinzaine lunaire décroissante, de la
quinzaine lunaire décroissante dans les six mois
pendant lesquels le soleil se dirige vers le Sud, de
ces six mois dans le monde des Pitris, du monde des
Pères ils passent dans la lune. Là, les Dieux, de
môme qu'ils mangent le roi Sonia en disant « crois,
décrois », les mangent. Lorsque cette nourriture qui
est la leur (celle des Dieux) passe au delà, ils (ceux
qui transmigrent) s'unissent à l'éther, de l'élherils
vont dans l'air, de l'air dans la pluie, de la pluie
dans la terre. Ayant atteint la terre,, ils deviennent
la nourriture. Ils sont de nouveau versés dans le
(i) P- Reunaud : Les premières formes de la religion^
p. 268.
(2) IV, 2, 16.
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LE BRAH^iANlSME 137
feu de riiomme, puis ils naissent dans le feu de la
femme. Se redressant, ils suivent ainsi le mouve-
ment des mondes (1) ».
On invoque un autre passage du même livre (2) à
Tappui de la théorie de la délivrance par la cessation
définitive de la Transmigration : (( Ceux qui con-
naissent cela et ceux qui, dans la forêt (3), se sont
approchés de la çraddhâ (4) et du satya (5), ceux-là
s'unissent à la flamme, de la flamme ils passent dans
le jour, du jour dans la quinzaine lunaire claire, de
la quinzaine lunaire claire dans les six mois pendant
lesquels le soleil se dirige vers le Nord, de ces six
mois ils passent dans le monde des Dieux, du monde
des Dieux dans le soleil, du soleil dans l'éclair.
L'homme fait de manas étant survenu, fait passer
les éclairs dans le monde de Brahma. Tout en haut,
en avant, ils prennent résidence dans ces mondes de
Brahma. Pour eux, il n'y a plus de retour (6) ».
On voit que, si Ton peut considérer les passages
cités comme renfermant en germe la théorie de la
Tiansmigration, on est loin avec ces texte's obscurs
et bizarres du système, méthodiquement coordonné
par la philosophie postérieure, qui fait évoluer l'âme
de la plante ou de l'animal au démon, au génie, à
(1) P. Rbgnaud : 1. c, p. 269.
(2) Brhad-Aran, Up. VI, 2, 15.
(3) Où ils vivaient eo ermites.
(4) Foi.
(5) Réalité.
(6) P. Regnaud : I. c, p. 279.
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138 LE BRAHMANISME
rhomme, au Dieu, et fait dépendre chaque degré de
la Transmigration des actes d'existences antérieures,
système qui serait nettement évolutioniste s'il n'ad-
mettait des déchéances et des chutes pouvant avoir
pour effet de faire rétrograder une âme qui a près
que atteint la délivrance et de l'obliger à recommen-
cer tout ou partie de son pénible calvaire.
Tout en reconnaissant et même en codifiant les
conséquences des actes comme éléments des trans-
migrations/ Manou (1) fait dépendre l'attribution des
diverses conditions bonnes ou mauvaises de la pré-
dominance chez l'individu de Tune des trois Gounas.
« Je vais, dit-il, brièvement exposer par ordre les
Transmigrations à travers tout cet (univers), aux-
quelles (l'âme) est soumise, suivant (qu'elle possède)
chacune de ces trois qualités. — Ceux qui ont la
qualité de Bonté (sattva) parviennent à la condition'
divine, ceux qui ont la qualité de Passion (rajas), à la
condition humaine, ceux qui ont la qualité d'Obscu-
rité (tamas), descendent toujours à la condition ani-
male ; telles sont les trois (sortes) de Transmigra-
tions. — Mais sachez que ces trois sortes de Trans-
migrations dues aux (trois) qualités (se subdivisent
à leur tour) en trois (degrés), inférieur, moyen et
supérieur, suivant les différences des actes et du sa-
voir (de chacun). — Etres inanimés, verset insec-
tes, poissons, serpents, ainsi que tortues, bétail et
(1) G. Stréhly : Lois de Manou ^ XI I, 39-51.
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LE BRAHMANISMIC 139
animaux sauvages (composent) la condilion infé-
rieure que produit l'Obscurité. — Éléphants, che
vaux, coudras et barbares méprisés, lions, tigres,
sangliers, (composent) la condition moyenne que
produit rObscurité. — Baladins, oiseaux, hypo-
crites, démons et vampires (composent) la condition
supérieure ])aimi celles que produit l'Obscurité. —
Bâtonnistes, lutteurs, comédiens, gens qui subsis-
tent d'un métier vil, joueurs et buveurs (compo-
sent) la condilion inférieure prociuile parla Passion.
— Rois guerriers, prêtres, domestiques des rois,
et les hommes qui excellent dans la controverse
(composent) la condition moyenne produite par la
Passion. — Muî?iciens célestes, Gouhyakas, Yakchas,
Génies au service des Dieux, ainsi que les Nymphes
célestes (composent) la condition supérieure pro-
duite par la Passion. — Ermites, ascètes, brahma-
nes, les troupes des divinités aux chars aériens, les
astérismes lunaires et les Daityas (composent) la
condition inférieure produite par la Bonté. — Sa:ri-
ficateurs, sages. Dieux, védas, constellations, années,
Mânes et Sàdhyas (composent) la condition moyenne
produite parla Bonté. — Brahmâ, les créateurs de
l'univers, la Loi, le Grandet VIndsible (composent),
au dire des sages, la condition suprême produite par
la Bonté. — Ainsi a été expliqué en entier tout ce
(système de) Transmigrations (produit) par les trois
sortesd'actes, (composé) de troisclasses, (dont chacune
a) trois divisionset qui embrasse toutes les créatures ».
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140 LE BRAHMANISME
Si les actes et leurs conséquences produisent et
déterminent les conditions ou degrés de la Transmi-
gration, il est curieux de constater le peu d'impor-
tance accordée aux œuvres à côté de l'efïicacité attri-
buée aux sacrifices, aux pénitences et à la méditation
pour parvenir au salut ou à la délivrance finale. Les
légendes des sages éminenls, dont sont remplies les
écritures sacrées de l'Inde, nous montrent ces saints
personnages pratiquant, en vue d'atteindre au Mok-
clia, des sacrifices d'une durée prodigieuse (ceux
de Viçvamilra et de Vasichtha continuent sans in-
terruption pendant mille ans) ; la rigueur de leur
pénitence effraye môme les Dieux; ils méditent pen-
dant des centaines d'années sur l'Être suprême;
mais on ne nous cite pas une seule bonne action
accomplie par eux. Cela tient évidemment à cette
donnée védique, développée par les Brâhmanas,
que c'est par les sacrifices et les austérités que
les Dieux ont acquis l'immortalité. C'est là une
lacune du brahmanisme, lacune qui persistera dans
l'hindpuisme et qu'il appartiendra au bouddhisme
de combler en partie par sa doctrine de la Maîtri,
charité et amour des êtres.
Institutions sociales. — Pour terminer ce tableau
succint du Brahmanisme philosophique, il nous
reste à dire un mot des institutions sociales qui
existaient ou qui sont nées à cette époque, sous son
impulsion ou son égide ; tâche bien courte, du reste,
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LE BRAHMANISME 141
car la religioa envahissante a pris soin de transfor-
mer en devoirs religieux presque toutes les obliga-
tions sociales de quelque importance.
La caste est le pivot, la pierre angulaire de tout l'é-
difice; elle gouverne tout, toutse rapporte à elle. Fort
de son origine divine, de l'autorité sans limite que lui
confère sa qualité de représentant des Dieux sur la
terre, le brahmane se dit et est reconnu le premier des
hommes, presque un Dieu incarné, et par une fiction
qu'il s'efforce de faire croire réalité il est le souverain
seigneur et maître de tout cequi existe dans Tunivers;
si les autres castes jouissent de biens hériditaires
ou des fruits de leurs peines, c'est à la générosité du
brahmane qu'ils le doivent et par un juste retour ils
ont l'obligation de Tentretenir par leurs dons, leurs
aumônes et une large rétribution de ses services. En
réalité, kchatriyas, vaiçyas,, coudras, sans excepter
les impurs Tcliandalas, n'ont d'autre raison d'exister
que de nourrir les Brahmanes. Celui-ci, en échange,
n'a envers eux que des devoirs religieux comme in-
termédiaire entre eux et les Dieux, comme institu-
teur et conseiller, et ne leur accorde guère qu'une
bienveillance générale, tant soit peu dédaigneuse.
L'organisation sociale de l'Inde, à cette époque, se
rapproche encore beauboup de l'état patriarcal. Il
n'y avait sans doute point de gouvernement cen-
tral, mais de nombreuses tribus, groupées par vil-
lages, dont les rois ou chefs exerçaient dans leur
sphère un pouvoir soi-disant absolu, réunissant
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142
LE BRAHMANISME
entre leurs mains les attributions militaires, admi-
nistratives et judiciaires, dirigés et gouvernés eux-
mêmes par les brahmanes, leurs conseillers et leurs
ministres, et s'ils avaient parfois quelque velléité
d'indépendance, faisaient mine de vouloir secouer
un joug trouvé trop pesant, de nombreuses légendes
le rappelaient à la prudence en leur montrant où
pouvaient tomber les monarques insoumis aux
brâlimanes.
Dans sa sphère, le Maître de maison, le père de
famille, paraît avoir joui d'une autorité absolue. Sa
fem me, ses enfants, ses serviteurs lui doivent respect
et obéissance passive. Il est un Dieu pour eux A son
tour, il leur doit amour, affection, protection et jus-
tice. Il doit veiller attentivement sur sa femme et lui
faire une vie heureuse; il doit pratiquer pour ses
enfants les sacrements prescrits, donner à son fils
un précepteur vertueux et savant, marier sa fille en
temps voulu, c'est-à-dire dans les trois années qui
suivent sa puberté.
Les enfants doivent à leurs parents, amour, res-
pect et obéissance, même quand ils ont fondé une
nouvelle famille, et si le père meurt, l'aîné prenant
la charge de chef de famille, devra subvenir aux be-
soins de sa mère, protéger ses frères, marier ses
sœurs selon leur rang.
La condition de la femme est particulièrement in-
téressante à cette époque. Tenue en suspicion par la
religion qui voit en elle le pire obstacle au salut et
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LE BRAHMANISME 143
redoute l'effet de ses séductions, et par le législateur
qui lui reproche sa légèreté, son inconstance, son
amour de la parure et du plaisir, elle est toute sa vie
en tutelle. « Une petite fille, une jeune ferame, une
femme mure, dit Manou (1), ne doivent jamais rien
faire de leur propre autorité, même dans leur mai-
son. — Dans l'enfance la femme doit être dépen-
dante de son père, dans la jeunesse de son époux, et
si son mari est mort, de ses fils; elle ne doit jamais
jouir de Tindépendance ». Par contre, père, mari et
fils ont le devoir de protéger la femme, de la garder,
de satisfaire ses goûts et ses désirs: a Là ou les
femmes sont honorées, les Dieux sont contents, là où
elles ne le sont pas, tous les sacrifices sont sté-
riles (2) ». Elle ne peut pas disposer de sa personne,
c'est à son père de la marier; mais s'il laisse passer
le délai de trois ans après la puberté, la jeune fille
a le droit de se choisir un époux à son gré: il seuible
aussi qu'elle peut refuser un prétendant qui lui
déplaît. Mariée, elle doit à son mari amour, obéis-
sance, fidélité et respect: « Même indigne, débauché
dépourvu de qualités, un époux doit toujours être
révéré comme un Dieu par une femme vertueuse (3) ».
Veuve, il lui est interdit de se remarier, même si le
mariage n'a pas été consommé, et si elle n'a pas
d'enfants elle doit vivre chastement dans la famille
(1) G. Stréhly : Lois de Manon, V, 147-151,
(2) Ibid., lll, 56.
(3) lbid.,y, 154.
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LE BRAHMANISME
mari ou dans la sieooe. Des peines sévères,
jusqu'à celle de mort, punissent les violences
ises contre une jeune ûlle ou une femme
^ La femme n'a droit à aucune instruction
use, la lecture des Védas lui est interdite; le
^e lui tient lieu d'initiation, et Faccomplisse-
le ses devoirs envers son époux remplace pour
!S sacrifices. On ne trouve à cette époque
e trace de l'immolation des veuves sur le
r funèbre de leur mari.
lariage, fondement de la famille et de la société
acte à la fois social et religieux (1). Il se con-
généralement de bonne heure: entre douze et
î ans pour la femme, dix-huit à vingt-cinq ans
'homme. Manou et les autres législateurs raen-
nt huit modes de mariage légaux, dont le rapt
ossession violente par surprise; mais le ma-
conclu par le père de la jeune fille, et celui
)nsentement mutuel des contractants sont les
considérés comme vraiment honorables. La
on de savoir s'il est légal de donner et de
►ir une dot, et de faire en vue d'un mariage
deaux aux parents de la jeune fille est conlro-
et, sur ces points, Manou lui-même se con-
à plusieurs reprises; mais un fait certain,
]ue les cadeaux de toute nature faits à une
fille au moment de son mariage par ses pa-
>ir pagf» i34.
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LE BRAHMANISME 145
rents, son fiancé et les amis de sa famille sont et
restent sa propriété personnelle. En principe, le
mariage parait pouvoir être dissous par répudiation
ou divorce pour inconduile de la femme, stérilité,
manque d'eufants mâles et mauvais caractère; dans
ce cas la femme reprend sa dot et son bien personnel.
Strictement, l'Indien ne peut avoir qu'uue seule
femme légitime de même caste que lui; mais en fait
la polygamie a existé de tout temps à l'état légal;
seulement il semble que pour contracter un nouveau
mariage il faille le consentement de la première
femme, la seule vraiment légitime, qui reste la véri-
table maîtresse de maison, est seule qualifiée pour
assister son mari dans les cérémonies et sacrifices
domestiques, et dont les enfants ont le pas sur ceux
des autres femmes.
L'usage de la polygamie paraît avoir eu pour
excuse, dans le principe, le désir ou même la néces
site d'avoir des fils qui célèbrent pour leur père et
ses ancêtres les çrâddhas ou sacrifices funéraires in-
dispensables au repos des défunts dans l'autre
monde. A cette même nécessité répond l'adoption
d'un fils, généralement de la même famille, et quel-
ques autres usages qui peuvent à bon droit nous
paraître étranges. Le père de famille qui n'a pas
d*enfants mâles peut marier sa fille sous la condition
que soA premier enfant mâle deviendra son fils à lui.
Dans ce cas la fille est dite substituée et son fils hérite
de tous les biens de son grand père. Si un homme
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146 LE BRAHMANISME
meurt sans enfants mâles, son frère, ou à défaut son
plus proche parent, est tenu d'engendrer avec la
veuve un fils, qui deviendra le fils du mort et jouira
de tous les droits d'un enfant légitime.
L'héritage paternel se partage entre tous les fils,
Taîné âyantdroità deux parts: les filles, non mariées
n'y ont aucun droit mais leurs frères sont tenus de
pourvoir à tous leurs besoins. Par contre les filles,
même mariées, héritent, à l'exclusion de leurs frères,
des biens propres de leur mère. Le fils adopté hérite
des biens paternels comme un fils légitime (1).
La loi frappe de peines très sévères les quatre
crimes de meurtre, de vol, d'adultère et de men-
songe ou, dans l'espèce de faux témoignage. Le
meurtre d'un supérieur est puni de mort, sauf quand
le meurtrier est un brahmane, auquel cas la peine
prononcée est l'exil, un brahmane ne pouvant être
mis à mort; le meurtre d'un égal ou d'un inférieur
se rachète par une forte amende. Le vol a main
armée est puni de mort; le vol simple de mutilation
et d'amende, ou d'amende seulement. L'adultère
avec une femme mariée de caste supérieure est
puni de mort; avec une femme de même caste, de
l'exposition et d'une amende; avec une femme de
caste inférieure, d'amende seulement; mais la peine
de mort peut toujours être prononcée contre la
femme. Le faux témoin est passible d'une amende
(1) G. Stréhly : lots de Manou, IX.
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LE BRAHMANISME 147
proportionnée à la gravité du cas. S*il s'agit d'un dé-
biteur ou d'un dépositaire qui nie une dette ou un
dépôt, l'amende est du double de la somme ou de la
valeur de l'objet en litige.
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III
BRAHMANISME SECTAIRE
OU HINDOUISME
jscriptions aussi astreignantes que mul-
Brahmanisme propremenl dit ont-elles ja-
jppliquées et surtout observées dans toute
lur, ainsi qu'on pourrait le croire à la lec-
3 écritures sacrées ? Il est permis d'en dou-
upposer que nous sommes ici en présence
ata de la caste sacerdotale qui ne furent
aucun temps que par un nombre restreint
is exclusivement voués à la vie religieuse :
te observation n'eût laissé aucune place
mces impérieuses de la vie sociale. De
3si, quelque respect presque divin qu'on
oujours témoigné, et si grande qu'ait été
ence politique, les Brahmanes, ces DieiLc
ne paraissent pas avoir jamais exercé
lent cette puissance souveraine qu'ils récla-
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LE BRAHMANISME 149
maient comme représentants de la divinité, et leur
supériorité a toujours été d'ordre moral : indépen-
damment du droit de naissance, ils ont surtout do-
miné par la science, dont ils étaient à peu près les
seuls délenteurs, et plus encore par la terreur qu'ins-
pirait la puissance surnaturelle qu'ils s'attribuaient
et que l'ignorance superstitieuse leur accordait.
Néanmoins, les institutions religieuses et sociales
que nous venons d'esquisser ne se trouvèrent plus
en rapport, à un moment donné, avec les nouvelles
conditions matérielles et morales résultant de l'évo-
lution incessante de la civilisation : les classes infé-
rieures qu'elles tenaient jalousement à l'écart vou-
lurent, sans doute, avoir leur part et leur place dans
la société et la religion, et peu à peu, par un lent
processus dont nous constatons le résultat sans pou-
voir nettement distinguer ses étapes, l'ancien Brah-
manisme fermé et intransigeant se démocratisa, sans
renier cependant ses origines et ses dogmes anti-
ques qui demeurèrent, nominalement du moins, la
base de la nouvelle forme religieuse qu'on appelle
Brâhmanisjîie sectaire et plus habituellement Hin-
douisme.
C'est entre le cinquième et le premier siècle avant
notre ère que paraît s'être élaborée cette transforma-
tion, caractérisée par le développement du Pan-
théisme, la déchéance de Brahmâ, l'apparition des
deux sectes rivales des Vichnouites et des Çivaïtes,
elles-mêmes subdivisées en de nombreuses sous-
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LE brâhmanismiî: 151
moins comme une religion nationale que comme une
sorte d'institution sociale groupant, sous un nom
communies éléments les plus hétérogènes et les plus
antagonistes, à la seule condition de paraître prati-
quer certaines formes extérieures du culte tradition-
nel, de témoigner aux brahmanes un respect appa-
rent qui va souvent jusqu'à l'adoration et, avant
tout, de se conformer aux exigences étroites de la
loi des castes, fondement intangible de l'édifice so-
cial et religieux.
Littérature. — Indépendamment des Védas, Brâh-
manas, Oupanichads, Çâslras, Soutras, Védângas
(une partie de ces derniers, entre autres le Djyo-
licha ou Astronomie, a été composée seulement à
l'époque hindouiste) demeurés les autorités fonda-
mentales de la religion et du culte, l'Hindouisme
possède une littérature très riche qui va se déve-
loppant chaque jour par les travaux dogmatiques,
théologiques et philosophiques des Pandits moder-
nes. Les limites restreintes de cette étude ne nous
permettent pas d'aborder l'examen de cette littéra-
ture récente malgré l'intérêt que présenteraient cer-
tains de ses ouvrages, et nous devons nous borner
à un rapide aperçu de ceux seulement de ces livres
qui servent de base à la religion actuelle et que les
Hindous considèrent comme faisant partie de la
Smriii, c'est à-dire comme divinement inspirés, les
Itihasas, les Pourânas et les Tantras.
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152 LK BRABMAMSME
litre â'Itihasas on comprend les deux
oèmes épiques du Râmdyana et du Mdhâ-
aus lesquels paraissent pour la première
ies rôles prééminents, Vichnou et Ci va, les
K suprêmes de Thindouisme. LeRâmâyana,
un auteur nommé Valmiki, se compose
rme actuelle de 24.000 çlokas ou versets,
irfaîte de sa composition, Tharmonie de
parties permettent de le considérer comme
un seul auteur et de supposer qu'il nous
u sans trop d'interpolations ou de retou-
îte probable peut être reportée au second
nt notre ère (1). Ce poème célèbre les
î Râma-Tchandra, prince d'Ayodhyâ, sep-
târ ou incarnation de Vichnou, personni-
éale de la justice et de la droiture, repré-
endant sous un aspect humain; car il
même jusqu'à la fin, son origine divioe qui
élée par Brahmâ au moment où il est près
au découragement. Comme dans tous les
iens de ce genre, c'est-à-dire destinés à
m du lecteur, les aventures de Râma sont
îcasion d'un enseignement de haute mo-
5 dévotion, et la mythologie y est repré-
t par l'intervention directe des Dieux dans
i drame, soit parles récits faits parde sages
légendes empruntées aux Védas et aui
NIER Williams : Tndian Wùdom^ p. 317.
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LE BRAHMANISME 133
Brâhmaaas. Quelques auteurs croient pouvoir attri-
buer à ce poème une valeur historique et y voir un
souvenir de la conquête de l'Inde du Sud par les
Aryens ; toutefois cette suposition n'est pas admise
généralement.
Beaucoup plus (Considérable — il renferme 107.389
çlokas — le Mahâbhârata est aussi plus ancien, car
il était déjà connu et célèbre, dit-on, à l'époque où
l'historien grec Mégasthènes fut envoyé comme am-
bassadeur à la Gourde Tchandragoupta (312 av. J. C).
On en attribue la composition à Vyâsa, le mythique
compilateur et arrangeur des Védas, ce qui revient à
constater que son auteur est inconnu. Il paraît, du
reste, avoir été Tœuvre de plusieurs aèdes et porte
la trace indiscutable de nombreux remaniements et
d'interpolations relativement récentes, notamment
en ce qui concerne le magnifique épisode de la Bhâ-
gavad Gîtâ. Ge poème, que l'on compare souvent, et
non sans raison, à l'Iliade, relate les aventures des
cinq Pdndavas, lits putatifs du roi Pândou (en réalité
nés des œuvres des dieux Yama, Vâyou, Indra et des
deux Açvins), leurs luttes contre leurs artificieux
cousins, les cent fils de Dhritarachtra, leur victoire
^finale et enfin l'ascension au Svarga (paradis d'Indra)
des cinq Pândavas et de leur épouse commune,
Draupâdî. Les dieux, les richis, les ascètes et les
démons interviennent dans l'action du Mahâbhârata
comme dans celle du Ràmâyana, surtout Indra, Çiva
et Agni. Vichnou y paraît sous la forme de Krichna,
9.
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15i
LE BRAHMANISME
quoiquecependantcedernieriieprenuepositivemeat
Taspect d'une incarnation divine que dans le célèbre
épisode mystique de la Bhâgavad Gîtâ où il révèle sa
véritable nature à son ami Ardjouna. Dans ce poème,
le côté moral est peut-être moins développé que
dans le Râmâyana, mais, par cotrtre, il traite, sous
forme de récits, de sujets variés, mythologiques, cos-
mogoniques et soi-disant historiques, qui lui don-
nent une certaine analogie avec les Pourânas.
Sous le nom de Pourânas ( I ) « récits de choses an-
ciennes», on désigne une collection de livres religieux
où sont exposés la mythologie, la cosmogonie et les
doctrines de l'Hindouisme, accompagnées d'aperçus
sommaires des principales notions historiques et
scientifiques du temps. Ces ouvrages sont assez mo-
dernes, tous postérieurs à notre ère et quelques-uns
même ne remontent peut être pas au delà du
XIll® siècle ; toutefois les Indiens prétendent que ce
sont des compilations d'antiques Pourânas perdus,
assertion qui n'est peut-être pas dépourvue de quel-
que fondement, car non seulement leurs légendes
mythiques, mais encore tout leur fond en général,
sont tirés des Védas et des Brâhmanas ; de plus leurs
auteurs sont inconnus et on attribue leur composi-^
tion à l'universel Vyâsa.
Les Pourânas ont été composés, dit-on, afin de
donner des notions suffisantes de la religion aux
(1) Purawâ.
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i ^
vw^r
LE BRAHMANISME 155
femmes des différentes castes et aux Coudras, à qui,
on le sait, la lecture et l'étude des livres sacrés rêvé
lés sont interdites ; en fait, ce sont aujourd'hui les
seuls livres où la grande majorité des Hindous pui-
sent leurs connaissances religieuses. Il y a dix huit
Pourânas, complétés par autant d'Oupa-pourànas (1),
qui portent chacun le nom du Dieu à la glorification
duquel il est consacré, ou qui passe pour l'avoir ré-
vélé ; on les répartit d'après la même classification,
en Sâttvikas, Râdjasas et Tdmasas dédiés respective-
ment à Vichnou, à Brahmâ et à Çiva : aux Sâttvikas
appartiennent les Pourânas, intitulés Vichnou, Blia-
gavata, Naradiya, Garonda, Padma et Vârâha ; aux
Râd jasas, Brahmâ, Brahmânda, Brahma-valmrta,
Mârkandéya, Bhavichya et Vâmana; aux Tàmasas,
Çiva, Linga, Skanda, Agni, Matsya et Kourma. En
règle générale, tout Pourâna doit se composer de
cinq sections traitant : 1" de la création de l'univers;
2° de sa destruction et de sa reconstitution ; 3" de la
généalogie et de l'histoire des Dieux, des richis et des
grands sages ; 4° des Manvantaras ou règnes mythi-
ques des Manous ; 5® de l'hisloire légendaire des
dynasties solaire et lunaire ; toutefois cette règle
n'est pas toujours observée et certains Pourânas
abordent des sujets variés qui leur donnent une
sorte d'allure encyclopédique. En raison de leur
monotonie et de la ressemblance presque identique
(1) Upapurâna « sous-pourâna ».
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156 LE BRAHMANISME
de leur contexte, à part le Bhâgavata et le Vichnou,
aucun Pourâna n'a été traduit intégralement ; nous
ne les connaissons donc que par des analyses suc-
cinctes et quelques traductions fragmentaires de
passages originauxparticulièrementintéressants (1).
Les Tantras (2), que quelques sectes, surtout Çi-
vaïtes, tiennent pour un cinquième Véda, sont des
livres mystiques qui traitent des cérémonies et pra-
tiques magiques susceptibles d'influencer la volônlé
des Dieux afin d'assurer au fidèle les biens quil am-
bitionne en ce monde ou dans Tautre, et exposent
les mythes relatifs aux Çaktis, déesses représentant
l'énergie active, créatrice ou destructrice des Dieux
et les formes diverses du culte qu'il convient de leur
rendre, culte en général éminemment licencieux.
Les Tantras représentent une phase relativementtrès
moderne de l'Hindouisme, et leur composition ne
remonte guère plus loin que le quatrième ou cin-
quième siècle de notre ère. Ils sont très nombreux,
mais peu connus jusqu'à présent, en raison du soin
jaloux avec lequel les Brahmanes les cachent aux
Européens, D'après ce que l'on en sait, ils paraissent
être en grande partie imités, sinon même tirés de
TAtharva-Véda, avec les formules mystiques et ma-
giques (3) duquel ils ont une grande analogie.
(1) Voir la préface du Bhâgavata puràDa, par Eug. Burnouf
et l'Introduction du Vishnu-purâna de H. H. Wiison.
(2) Tantra « livre, traité ».
(3) Voir V. Henhy : La Magie dans VInde antique.
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LE BRAHMANISME 157
Comme les Pourânas, chaque Tantra se compose de
cinq sections qui traitent : !<> de la création; 2° de la
destruction de l'univers ; 3<^ du culte à rendre aux
dieux et déesses ; 4» de l'acquisition de pouvoirs
surnaturels ; 5^ des quatre modes d'union avec le
Dieu suprême, le tout entremêlé d'exaltations du
principe féminin, c'est à-dire de l'énergie toute
puissante des Çaklîs, et de formules infaillibles pour
obtenir lous les biens ou accabler un ennemi de tous
les maux imaginables.
Mythologie. — A première vue, un esprit superfi-
ciel pourrait s'imaginer que THindouisme n'a rien
changé à l'antique mythologie des Brâhmauas et des
Védas. Et défait, nous retrouvons dans ses écritures
sacrées et profanes tous les anciens Dieux, Indra,
Agni, Varouna, Soma, les Açvins, elc, dans leurs
fonctions et avec leurs attributs habituels, et les
Pourânas développent avec complaisance leurs
vieilles légendes, en appuyant souvent, à la véiilé,
sur ce qu'elles ont de défavorable, notamment sur
les penchants lubriques qu'elles leur prêtent, à
Indra surtout, dont les aventures amoureuses, d où
il ne sort pas toujours à son avantage, n'ont rien à
enviera celles de Jupiter. Mais ces Dieux, si on les
dit toujours immortels, quoi qu'en réalité ils doi-
vent disparaître comme tous les autres êtres à la fin
du Kalpa, ne possèdent plus la puissance illimitée
qu'ils avaient autrefois; ils se montrent à nous
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158 LE BRAHMANISME
comme de simples fonctionnaires préposés pour un
temps à la protection et à la direction des diverses
parties de l'univers ou de ses éléments, et subor
donnés h une Puissance supérieure ; de plus, et
c'est une conséquence fatale du système panthéiste,
ce sont des créatures ou des émanations de Tun ou
de l'aulre des deux Dieux qui occupent, selon le cas,
le rang suprême, Viclinou et Çiva.
On n'a pas encore pu, jusqu'ici, expliquer d'une
manière satisfaisante comment et dans quelles cir-
constances ces deux Dieux, des parvenus, pourrait-
on dire, en loutcas des nouveaux venus dans la my-
thologie brahmanique se sont substitués au Brahma
(neutre) en qualité de Paramâtman ou Ame suprême
et universelle. Par contre, il est possible de fixer
approximalivement leur apparition entre le cin-
quième et le premier siècle avant notre ère. Ils
n'ont, en effet, aucun rôle dans le Mânava Dharma
Castra, où Vichnou n'est nommé qu'une seule fois
et seulement dans le douzième livre beaucoup plus
récent que le reste de l'ouvrage, et figurent pour la
première fois comme grands Dieux, Vichnou sur-
tout, dans le Mahâbhârata et le Râmâyana. C'étaient
donc des divinités qui occupaient déjà une place
importante dans la croyance populaire à l'époque
de la composition de ces poèmes, où, même, leur
rivalité est déjà indiquée.
Cette rivalité, affirmée de plus en plus dans les
récits pourâniques, permet de conclure que, dès le
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LE BRAHMANISME 159
début, Vichnou et Çiva ont représenté deux reli-
gions ou sectes importantes antagonistes : quelques
auteurs supposent que Vichnou personnifiait Télé-
ment aryen et Çiva l'élément dravidien de la popu-
lation indienne, mais cette hypothèse, pour vrai-
semblable qu'elle puisse être, n'est appuyée par au-
cune donnée probante. A une époque assez récente,
des motifs inconnus, peut-être la nécessité de réu-
nir toutes les forces brahmaniques afin de résister
à Tenvahissement du Bouddhisme, ont amené une
réconciliation et une fusion apparentes entre les
deux croyances rivales qui ont abouti à la constitu-
tion de la Trinité brahmanique ou Trimourti (i),
réunissant en une s(;ule personne le Dieu jadis tout-
puissant et maintenant délaissé, Brahma, Vichnou
et Çiva, en leur attribuant respectivement les rôles
de créateur, de préservateur et de destructeur, ainsi
que les qualités primordiales (gunos) d'activité ou
de passion (rajas), de bonté (saîtva) et d'obscurité ou
d'ignorance (tamas). Fusion apparente car pour ses
adorateurs, les Vichnouites (2), Vichnou est le seul
Dieu suprême, l'Ame universelle avec tous les attri-
buts de l'antique Brahma, Çiva et Brahmâ n'étant
que ses émanations supérieures, tandis que Çiva
rem plit exactement le même rôle chez les Ci vaïles (3) .
Dans Tun et l'autre groupe, Brahmâ assume les
(1) Trimûrti « Trois Dieux, ou trois formes divines ».
(2) Ou Vaisnavas.
(3) Çaivas.
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160 . LE BRAHMANISME
fonctions de créateur, en tant que mourti ou éraana-
tioQ occasionnellement sensible et visible de l'Ame
universelle, mais il n'a plus de culte personnel et, à
part au temple d'Adjmir son seul refuge, ne reçoit
d'adorations que dans les sanctuaires dédiés à ses
deux puissants confrères, surtout dans ceux de Vich-
nou avec lequel il garde plus d'affinités et qui lui
em prunte trois de ses. Irafars(l), ceux du poisson(iWrtf-
sya), de la tortue (Kourma) et du sanglier ( Vârâha).
Mais les récits pourâniques eux-mêmes semblçnt
prendre à tâche de nous ramener à une origine com-
mune, à une unité initiale de ces trois Dieux, à une
sorte de monothéisme, en un mot. (( Au commence-
ment du jour (de Brahmâ), dit le Vâyou-pourâna, (2)
Mahôçvara, le Seigneur suprême, né de Prakriti,
entrant dans l'œuf, agita avec une extrême intensité
Prakriti (pradhâna) et Pouroucha (3).
(( De Pradhâna, lorsqu'il l'eut ainsi agitée, naquit
la qualité de passion (ou d'activité, Rajas), qui fut
alors une cause stimulante, de même que l'eau pour
les graines.
(( Quand il se produit une rupture d'équilibre entre
les Gounas, alors apparaissent les divinités qui ré-
gnent sur elles. Des Gounas, ainsi agitées naquirent
trois Dieux habitant en elles, suprêmes, mystérieux,
animant toutes choses, pourvus de corps.
(1) Avatâra « descente, incarnation ».
(2) V, 11-20.
(3) L'influence des théories Sânkhya est Ici visible.
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LE BRAHMANISME 161
« La qualité de Rajas sMncarna en Brahmâ, celle
de Tamas (obscurité ou ignorance) en Agni, celle de
Sattva (lumière ou bonté) en Vichnou.
« Brahmâ, manifestation de Rajas, agit comme
créateur ; Agni, manifestation de Tamas, remplit le
rôle du Temps (1).
(( Vichnou, manifestation de Sattva, demeure dans
un état d'indifférence (ou d'équilibre). Ces Dieux
sont les trois mondes, les trois qualités,
« Les trois Védas, les trois feux ; ils sont mutuel-
lement indépendants, mutuellement liés.
« Ils existent Tun par l'autre et se soutiennet Tun
l'autre ; ils sont les parties jumelles l'un de Tautre ;.
ils subsistent Tun par l'autre.
« Pas un seul moment ils ne se séparent ; jamais
l'un d'eux n'abandonne l'autre. Içvara (Mahâdeva,
Çiva) est le Dieu suprême (2), Vichnou est supérieur
au Mahat (principe de l'intelligence), et Brahmâ,
plein de Rajas, fait œuvre de créateur. On doit tenir
Pouroucha pour un être suprême et de même aussi
Prakriti (3). »
Allant plus loin encore, le Bhâgavatâ pourâna (4)
aflSrme l'unité primitive absolue des Védas, des Dieux
et de la famille humaine : « Il n'y avait dans le prin-
cipe qu'un seul Véda, le Pranava (la syllabe mysti-
(1) Çiva est donc identique à Af?ni.
(2) Le Vâyu-purâna est un livre Çivaïle.
(3) J. MuiR : Original Sanskrit texts, I, p. 74.
(4) IX, 14, 48.
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16â LE BRAHMANISME
que Om) essence de tout langage, un* seul Dieu
Narâyana (d'abord Brahmâ puis Vichnou), un seul
Agni, une seule casle. Pouroûravas fut l'auteur du
Triple Véda au commencement de Tâge Tréta. »
Dans cette combinaison trinitaire, qui peut nous
sembler arbitraire, mais découle en réalité de la
théorie de Tinfluence irrésistible des trois Gounas,
incarnées ou personnifiées en autant de divinités,
Brahmâ est définitivement sacrifié. On pourra lui
donner les épithêtes d'Etre suprême, de souverain
Maître du monde, de Grand Aïeul des Créatures, il
n'en sera pas moins un Dieu secondai-re, une simple
émanation de l'Etre véritablement suprême, sans
énergie, sans initiative, toujours prêt à fuir les res-
ponsabilités, donnant aux autres Dieux l'exemple
d'une retraite prudente toutes les fois que se présente
quelque difficulté grave, ne sachant, en cas de dan-
ger, qu'en appeler à l'habileté et à la vaillance de
Vichnou. Il est réduit au rôle de Créateur ou de Dé-
miurge, et relégué, une fois l'œuvre de la création
accomplie, dans un arrière-plan d'inaction et d'inuti-
lité. Parfois, cependant, une timide réminiscence de
sa souveraine puissance de jadis le posera un instant
en antagoniste avec les autres Dieux, lorsque, par
exemple, il accordele don d'invincibilité aux Daityas
Bâii et Hiranyakcha et au Râkchasa Ràvana, ou
fournit de redoutables armes divines aux ennemis,
démons ou hommes, des puissances célestes. Les
écritures vichnouites consacrent sa déchéance en le
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LE BRAHMANISME 163
faisant naître au sein d'un lotus sorti du nombril de
Vichnou au moment où ce Dieu tout-puissant et
préexistant s*éveille du long sommeil pendant lequel
le serpent Çécha (1) l'a bercé sur les flots de TOcéan
chaotique. Plus respectueuses de la tradition antique,
les légendes çivaïtes en font une émanation person-
nelle de Çiva déposée par lui, ainsi qu'un germe
fécond, dans l'œuf d'or qui contient à l'état virtuel la
création tout entière. On donne à Brahmâ un teint
rouge (vague réminiscence peut-être de son origine
ignée), quatre tètes (l'un desVédas est sorti de cha-
cune de ses bouches) et quatre bras dont les mains
tiennent le disque solaire (tchakra), une conque ma-
rine (çankha), un chapelet et une cuillère à sacrifice.
Jadis, dit-on, il eut cinq lètes, mais en perdit une
brûlée par un regard de Çiva au cours d'une querelle
violente avec ce Dieu.
Dieu bon, préservateur et protecteur de la créa-
tion, essentiellement bienveillant, ne ressentant de
colères et n'exerçant de justes rigueurs que contre
les ennemis des Dieux et des hommes, démons,
tyrans ou impies, Vichnou paraît avoir hérité des
attributs principaux et des fonctions d'Indra en tant
que protecteur attitré des Aryas, héritage qu'expli-
que et justifie du reste le rôle d'allié, d'aller ego de
ce Dieu que lui font jouer les quelques hymnes du
Rig-Véda où il est mis en scène. La littérature pos-
(1) Çésa, roi des serpents, symbole deFinfini.
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i4 LE BRAHMANISME
Heure, tantbrâhmamiquequ'hindouiste, accuse de
us en plus son caractère de protecteur et de sau-
îur du monde, le montre toujours prêt à partir en
lerre contre les perturbateurs du bon ordre sans
innaître les hésitations pusillanimes des autres
îeux (souvent d'ailleurs compromis par des conces-
ons ou des faveurs imméritées arrachées à leur
iblesse), surtout toujours habile à trouver les
oyens de tirer l'aéropage divin des situations dif-
îiles où il se trouve fréquemment acculé. Celte
lesse ou cet astuce est, dans toute la mythologie,
note dominante du caractère de Vichnou.
Les mythologues, tant Indiens qu'Européens,
ïccordent presque unanimement à considérer
chnou comme une personnification d'un mythe
laire ; on invoque d'ordinaire à l'appui de celte
ânioii, son caractère incontestablement lumineux,
légende de ses trois pas que l'on assimile aux
3is positions du soleil dans le ciel, ses luttes contre
3 démons, puissances des ténèbres autant que du
al, et enfin la tradition indienne. Il ne faut pas
iblier cependant que le plus antique de nos do-
ments, le Rig-Véda, le présente comme un dou-
Bt d'Agni, le feu, dont Indra lui-même, à qui
chnou est si étroitement apparenté, n'est très pro-
blement que la manifestation atmosphérique. Les
ns pas de Vichnou, le grand argument invoqué en
i^eur de son rôle solaire, peuvent aussi bien et
îeux encore se rapprocher des trois positions ou
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LE BRAHMANISME 165
demeures d'Agni sur la terre, dans l'Htmosphère et
dans le ciel, que des trois positions du soleil à son
lever, au milieu du jour et à son coucher ; toutes les
lois que Vichnou se manifeste dans les récits
brahmaniques et pourâniques, ce n*est jamais dans
le ciel, mais sur la terre, sur Tautel et dans le feu du
sacrifice, avec un teint rouge, jaune ou noir, enve-
loppé de vêtements divins dont la couleur jaune d'or
ou noire rappelle celle des flammes ou de la fumée ;
enfin, dans de nombreux passages, Vichnou est
explicitement identifié au sacrifice, c'est-à-dire au
feu sacré, essence et origine de toutes choses. Le ca-
ractère igné de Vichnou paraît, en somme, se déga-
ger nettement des descriptions qu'on en fait el des
fonctions qu'on lui attribue; mais, pour concilier
toutes les opinions, il suffit de se souvenir de
l'étroite parenté que les hymnes des Védas nous ré-
vèlent entre les mythes solaires et ignés, entre le
soleil, feu céleste, et le feu terrestre de qui le soleil
et l'éclair ne sont que des manifestations localisées.
En réalité, Vichnou paraît personnifier le sacrifice,
ou plus exactement le feu sacré du sacrifice.
Etant données ses fonctions de préservateur et de
prolecteur de l'univers et des êtres, il est naturel,
indispensable même, que Vichnou intervienne fré-
quemment dans les affaires du monde, et ces inter-
ventions constituent, en effet, toute sa légende my-
thique. Seulement nous nous trouvons ici en
présence d'une conception toute spéciale à l'esprit
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166 LE BRAHMANISME
indien qui, non seulement, considère le repos ab-
solu, l'inactivité physique et morale comme le bien
et le bonheur suprêmes, mais encore fait de cette
inactivité, la qualité primordiale d'une divinité sou-
veraine. L'absence de passion, même dans le bon
sens, est la caractéristique de la perfection. Or, toute
activité comporte la passion ou le désir d'agir, et
constitue par conséquent un état d'infériorité in-
compatible avec la perfection qui est l'attribut pre-
mier d'un grand Dieu. Qu'on le nomme Brahma,
Paramâtman, Vicbnou ou Çiva, le Dieu suprême ne
saurait, sans perd-re la perfection qui fait sa supré-
matie, faire un acte quelconque impliquant action,
mouvement, peut-être même volition. Entité médi
tative, inerte, pure raison, il n'agira pour créer,
protéger et détruire que par des substituts qui se
ront tantôt des émanations ou des incarnations de
son essence divine (c'est le cas de Vichnou),' tantôt
des manifestations sous forme féminine de son éner-
gie (les Çaktîs de Çiva). Conformément à ce prin-
cipe, lorsqu'arrive le moment de la création, Vich-
nou, s'éveillant du loug sommeil pendant lequel,
couché sur les replis du serpent Çécha (i) il a été
bercé sur les flots de l'océan chaotique, fait naître de
sa propre personne Brahmâ, le démiurge, qui façon-
nera les mondes et créera ou engendrera les êtres
suivant le plan préconçu par la volonté divine, et
(i) Çesa ou Ananta, le temps infini.
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LE BRAHMANISME 167
quand plus tard de grands cataclysmes ou des actes
pernicieux des démons mettront en danger l'œi
de la création, il interviendra par voie d'inca
tiens partielles de soa essence se manifestant
blâment dans le monde sous des formes diverses
propriées à ses desseins et aux perturbations, î
quelles il sera urgent de parer. Ces incarnati
nommées Avatars (i),\Sineui fréquemment denc
de nombre et de détails selon Tintention ou Tira
nation de l'auteur des récits; toutefois, le Bhâga\
pourâna, qui fait autorité en la matière, en rapp
vingt-deux et, le plus souvent, les traités orthod»
ne font allusion qu'à dix Avatars principaux, ceu
poisson, en tortue, en sanglier, en homme lion
nain, en Paraçou Râma en Râma-Tchandra,
Krichna, en Boudha et en Kalki. Il est à
marquer que ces incarnations progressent d
façon régulière de l'animal inférieur à l'hoii
et au Dieu suivant la voie normale du systèm
la transmigration et semblent être les précurs
imprévus de la théorie moderne de l'évolution
1° Matsyâvatâra. Incarnation de Vichnou
poisson pour sauver du déluge le Manou Vaivasv
— Cette légende a soulevé de vives controverses
lativementà l'existence du déluge dans l'Inde, c
clysme dont la jRigf-Fedane fait aucune mentio
(1) Avatâra a descente ».
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1
168 LE BRAHMANISME
dont il est question pour la première fois dans le
Çatapatha-brâhmana (1). On a voulu y voir un em-
prunt à la tradition biblique. Cet emprunt, à la tra-
dition non biblique mais chaldéenne, n'aurait en
soi rien d'impossible, étant donné la proximité de
rinde et de la Chaldée ; mais la relation indienue
présente de sérieuses différences avec le récit chal-
déen du déluge et paraît être toute mythique. L'évé-
nement se place à la fin du Kalpa précédant l'âge
actuel du monde et se rapporte à Tune des destruc-
tions partielles périodiques de l'Univers. Le sage
Manou Vaivasvata, fils du soleil, faisait ses ablu-
tions au bord d'une rivière (2), lorsqu'un petit pois-
son vint se réfugier entre ses mains en le suppliant
de lui sauver la vie menacée par voracité des autres
poissons, et pour cela de le garder dans son vase à
eau. Bientôt à l'étroit dans cet espace exigu le pois-
son pria Manou de le placer dans un récipient plus
vaste, et successivement, à mesure qu'il grandis-
sait, de le transporter dans un étang, dans le Gange
et enfin à Tocéan. Là, prenant tout à coup une di-
mension prodigieuse, le poisson révéla à Manou la
prochaine destruction du monde par un déluge et
lui commanda de construire un navire sur lequel il
s'embarquerait afin de sauver sa vie (3). Le déluge
(1)1,8, i,!.
(2i Chaque récit donne un nom différent.
(3; Récit du Çatapatha-brâhmana et du Mabâbhârata. Le
Rhâf2favata, i'Agni, et le Matsya Pouranas font envoyer le navire
par les Dieux.
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^
LE BRAHMANISME
étant arrivé, le poisson prend le vaisseau à
morque, au moyen d'un câble attaché à sa coi
conduit en sûreté au sommet de l'Himalaya et
àManou sa nature divine. Les eaux ayant 1
Manou sort du navire pour offrir un sacrifie
flammes duquel naît une femme, Ida ou lia
laquelle Manou engendre une nouvelle race c
mes.
2p Kourmâoatâra, Incarnation de Vichnou e
tue. — Les Dévas (dieux) et les Asouras (déi
en lutte pour la prédominance, convienne
faire alliance afin de chercher l'Amrita (1), qi
leur donner la puissance et l'immortalité, coi
dans les eaux du grand Océan ou mer de lait
pour obtenir l'Amrita, il faut baratter l'Océan,
effet, Vichnou se métamorphose en tortue (Â1
prend sur son dos le mont Mérou autour duqi
Dévas et les Asouras attachent en guise de co
serpent Çécha, et le tirant les uns par la tête, 1
très par la queue font enfin sortir de l'Océan 1
cieuse liqueur, de laquelle, naturellement, les
ras sont frustrés par la ruse de Vichnou qui
nant la forme d'une femme à la beauté irrési
Mohinî, séduit et égare si bien les démons
laissent les Dévas s'emparer de toute TAmrita
(1) Amrta, ambroisie, liqueur d'immortalité.
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géant qu'on lui offrit les sacrifices qui leur étaient
destinés. Ce démon avait un fils, nommé Prahlàda,
fervent adorateur de Vichnou, qu41 aurait plusieurs
fois fait périr sans l'intervention opportune de ce
Dieu. Un jour que le père et le fils se disputaient
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LE BRAHMANISME
au sujet d€ l'omniprésence de Vichnou, H
kaçipar frappa du poing une colonne de soe
en défiant le Dieu d'y être enfermé ; mais d
lonne entr'ouverte Viehnou surgit sousl'aspi
homme-lion (par conséquent ni Dieu, ni hon
animal) et mit en pièces le démon contemp
sa puissance.
5° Vâmanâvatâra, Incarnation en Nain,
autre démon, Bali, également roi des Daitya
acquis par sa pi^té une telle puissance qu'
conquis l'univers et était sur le point de ôéiri
jyieux et de les chasser du ciel. Ceux-ci, i
danger, eurent recours aux artifices inépuisî
Vichnou qui, prenant l'aspect d'un brâhms
petit, vint demander à Bali comme don brâ
que l'espace de terrain qu'il mesurerait en tr
Très généreux, Bali agréa aussitôt sa requét
alors Vichnou, reprenant sa forme divine,
premier pas franchit la terre, du second le ci
s'arrêtant au seuil du monde infernal il en 1
possession à Bali en récompense de sa piété
générosité. (Nous retrouvons ici à peine déni
mythe védique des trois pas de Vichnou ve
aide à Indra).
6» Paraçou'Bâma. — Incarnation en un bri
guerrier, fils de Jamadagni, afin de mettre i
son la race des Kchatrîyas révoltés contre l'i
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Z LE BRAHMANISME
périeure des brahmanes. Pour venger son père,
é par les fils du roi Kârtavîrya, il fit en vingt et
le rencontres un tel massacre de kchatrîyas que
3 brahmanes durent s'unir aux femmes kchatrîyas
in de reconstituer cette race totalement éteinte.
70 Râma-Tchandra. — Incarnation de Vicbnou en
1 prince de la dynastie solaire, fils de Daçaratha,
i d'Ayodyâ (actuellement Oude), afin de délivrer la
rre de la tyrannie du démon Râvana, roi des
ikchasas, de détruire la race des Ràkchasas (ogres)
de conquérir Ceylan (Lanfcd) et llnde méridionale.
n moment où il va être appelé à partager l'autorité
iternelle, Râma est exilé pour quatorze ans sur un
dre arraché à la faiblesse de son père par Fastu-
euse Kékéyî qui veut ainsi assurer le trône à son
opre fils, Bharata, et malgré les efforts et les sup-
ications de sa mère, Kauçalyâ, Râma va vivre en
mite dans la forêt avec sa femme Sîlâet son frère
ikchmana. Daçaratha meurt de chagrin. Bharata
lurt après son frère pour le déterminer à prendre
pouvoir royal, mais celui-ci, fidèle aux volontés de
n père, refuse de rentrer à Ayodhyâ avant la fin de
n lemps d'exil. Sîtâ est enlevée par Râvana et,
>urla délivrer, Râma vient mettre le siège devant
inkâ à la tête d'une armée de singes et d*ours,
•mmandée par le roi des singes, Sougriva, et Hanou-
an, le dieu-singe fils du vent. Après de terribles
•mbats où les Ràkchasas périssent par milliers, il
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LE BRAHMANISME
lue Râvana, s'empare de la cité et de l'île de
reconquiert Sîtâ et revient, couvert de gloire
à Ayodhyâ que son frère, Bharata, a gouver
lui pendant sa longue absence. Ràma est le t
fait de la justice, du respect de la parole doi
la piété filiale et de Tamour conjugal (1).
80 Krichna. — A la fin du troisième âge du
ou Dvâpara Youga, la terre gémissait sous la 1
de Kamsa, roi de Mathourâ, et lasse de s<
frances vint se plaindre aux Dieux, et à leur
Vichnou consentit à s'incarner en Krichn
Dieu fait homme pour le salut des êtres, fili
vakî, sœur ou nièce de Kamsa, et du prince
déva. Averti par une voix céleste que le filî
vakî doit lui ravir la royauté et la vie, Kai
jeter Dévakî et Vasoudéva dans une prisor
reusement gardée. Mais les dieux déjouent
seins et aussitôt que Krîchna est né, grâci
assistance, Vasoudéva peut l'emporter et, tn
à pied sec la Yamounâ débordée, le confier
royaume de Mathourâ aux soins du berger
tandis que, furieux à la pensée que sa victim
lui échapper, Kamsa fait massacrer tous les
mâles nouveau-nés. Cependant Krichna gra
(1) Nombre d'auleurs croient, et peut-être non sai
que ces deux derniers avatars reflètent d'antiques
historiques.
(2)Krsna, le noir.
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174 LE BRAHMANISME
au milieu des bergers et des bergères partageant
leurs travaux et leurs plaisirs, non sans soutenir de
temps à autres de victorieux combats contre les dé-
mons émissaires de Kamsa ou ennemis de ses com-
pagnons les bergers, parmi lesquels sa victoire sur
le serpent Kaliya, qui empoisonnait de son haleine
les alentours de la Yamounâ, rappelle d'une manière
curieuse celle d'Hercule sur Thydre de Lerne. Enfin
Kamsa réussit à l'attirer à Mathourâ sous le prétexte
de jeux athlétiques afin de le faire périr. Mais
Krichna, aidé par son frère Bala-Râma, tue successi-
vement tous les séides de Kamsa et le met à mort lui
niéme. Attaqué dans Mathourâ par une coalition des
parents de Kamsa, il quitte cette ville et avec ses
compagnons, les Yadavas, va fonder la cité de Dva-
rakâ, sur la côte du Gouzerat. Lors delà guerre entre
les Pàndavas et les Kauravas, il prend parti pour les
premiers et guide dans la bataille le char de son ami
Ardjouna ; puis, après la victoire de ses parents, les
Pàndavas, nous le voyons se mesurer victorieuse-
ment avec Indra, et enfin il tombe mortellement
frappé au talon par la flèche d'un chasseur impru-
dent après avoir vu ses sujets s'entretuer jusqu'au
dernier dans une orgie, et la brillante cité de Dvarakâ
engloutie par l'Océan (1).
(1) Le Bhâgavata-purâna est consacré à Thisloire et à la glori-
fication de Krichna .
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LE BRAHMANISME 175
9° Bouddha. — Au commencement de l'âge Kali,
Vichnou s'incarne en la personne du fondateur du
Bouddhisme afin de précipiter la perte des impies en
leiir enseignant de fausses doctrines, le mépris des
Dieux et l'abandon des sacrifices.
10*» Kalki. — Forme apocalyptique que Vichnou
revêtira à la fin du Youga actuel pour détruire le
monde corrompu, châtier les impies et rétablir la
piété et la pureté parfaites.
Ainsi que tous les autres dieux Vichnou a une
compagne, Lakchmi, déesse de la beauté et de la
fortune, née de l'écume de Tocéan, lorsque les
Dieux le barattèrent pour en retirer l'Amrita. Type
de la fidélité et de Tamour conjugal, Lakchmi ne
quitte jamais son époux et s'incarne toujours en
même temps que lui ; c'est ainsi qu'elle devint Sitâ
pour Râma, Roukminî et Râdhâ pour Krichna.
Çiva est, lui, un nouveau venu dans la mytholo-
gie brahmanique où son nom ne parait qu'à une
époque assez tardive, et même, jusqu'à un certain
point, l'opinion de ceux qui veulent voir en lui un
ancien Dieu indigène des populations dravidiennes
conquises peut se soutenir ou, tout au moins, se dis-
cuter. Il est incontestable, en effet, que le caractère
vindicatif et cruel que lui donnent nombre de ses
légendes, les sacrifices sanglants avec lesquels on
l'adore, ainsi que les divinités féminines et autres
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176 LE BRAHMANISME
qui orbitent autour de lui, semblent tenir davantage
d'un culte sauvage que s'adapter au caractère plu-
tôt doux et méditatif des Indiens. Mais, d'un autre
côté, il est non moins certain que son rôle de des-
tructeur découle naturellement de la conception des
trois états de l'univers et de toutes choses, création
ou formation, développement, destruction ou désa-
grégation, sans impliquer obligatoirement un carac-
tère de cruauté, que, du reste, Çiva n'a pas dans les
doctt*ines élevées des philosophes de sa secte (1);
qu'il ne manque pas, dans le Rig- Vida lui même de
divinités pourvues d'attributs et de fonctions tout
aussi redoutables; et enfin que si Ton se plaît trop
souvent à le représenter sordide et recouvert de
cendres, c'est en qualité de protopype des fameux
ascètes dont il est le patron et auxquels il emprunte
aussi son caractère irascible et vindicatif.
Que son origine soit aryenne ou dravidienne, le
Çiva que nous connaissons s'est emparé de tous les
attributs du terrible Roudra védique; comme lui,
il est destructeur, comme lui, il est justicier, et les
maux dont il accable les hommes sont les châtiments
de leurs fautes, de leurs transgressions de la loi di-
vine et humaine; comme lui enfin, il est le protec-
teur attitré des troupeaux et préside à leur multipli-
cation ; mais de plus il est guérisseur, possède et dis-
(1) Voir le Siva potham et le Siva gnâna siddhiar d'Ara-
nandi Sivàlchârya.
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LE BRAHMANISME 177
tribuedes remèdes aux maux qu'il a lui-même causés.
Tantôt on le représente comme un Dieu violent
et jaloux, peu sympathique en somme, toujours prêt
à se quereller avec les autres Dieux, à tirer des ven-
geances terribles des injures qu'il reçoit; telle, par
exemple, la légende fréquemment citée de son inter-
vention dans le sacrifice de Dakcha. Tantôt on nous
le montre les cheveux nattés relevés en touffe (djata)
au sommet de la tête, coiffure des ascètes, le corps
couvert de cendres, assis, plongé dans une profonde
méditation sur un pic de l'Himalaya ou du Kailâsa,et
alors il est dangereux de le troubler dans ses austé-
rités : pour avoir tenté pareille aventure, pour l'avoir,
au profit de la belle Oumâ, fille de l'Himalaya (1),
blessé d'une de ses flèches armées d'un bouton de
lotus, Kàma, le dieu de l'amour, fut réduit en cen-
dres par un regard de l'irascible ascète et ce n'est
que longtemps après, grâce aux supplications
d'Oumâ, qu'il obtint de revivre en la personne de
Pradyoumna, le fils de Krichna et de Roukminî.
Quand on le représente sous sa forme divine on
donne ordinairement à Çiva quatre mains dans les-
quelles il tient un tambour enroulé d'un serpent,
un trident, un daim, un vase de feu, ou bien encore
un arc, une massue terminée par une tête de mort,
ou un serpent. Sur sa tête brille le croissant de la
lune et dans les nattes flottantes de ses cheveux ap-
(1) Ou du dieu de celle montagne, Himavat
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178 LE BRAHMANISME
parait la déesse Gaogâ (i), en souvenir du service
signalé que Çiva rendit à la terre en recevant sur sa
tète et en canalisant le long de ses tresses la rivière
sacrée lorsqu'elle descendit du ciel pour aller dans
les profondeurs du Patala laver les cendres des fils
de Sagara. Des serpents entourent son cou et ses
bras. Une peau de tigre ou d'éléphant lui sert de vê-
tement, souvent orné de tètes de mort quand on
donne à Çiva son rôle de destructeur. Parfois aussi
il a cinq têtes, d*où son nom de Pantchamouka (2).
Quand Çiva se manifeste dans le monde, il n'ap-
paraît pas, comme Vichnou, sous forme d'Avatars,
mais sous quelqu'un de ses aspects divins ; quelque-
fois aussi sous un déguisement humain, comme
lorsqu'il prit Tappareace d'un chasseur monta-
gnard pour éprouver dans un combat singulier la
vaillance et l'habileté d*Arjouna ; une fois, cepen-
dant, il créa de son essence même un être effroya-
ble (3) afin de venger Toffense que lui avait faite
Dakcha, son beau-père, en refusant de l'inviter au
sacrifice qu'il offrait à tous les autres Dieux, et la
mort de sa femme Sâti qui se suicida de douleur de
rinsulte faite par son père à son époux bien-aimé.
Au moment où le sacrifice allait s'accomplir, Vîra-
Bhadra apparut soudain dans l'enceinte consacrée
sous l'aspect d'un guerrier gigantesque enflammé de
(1) Le Gange.
(2) Pancamukha « cinq visages ».
(3) Vtra-Bhadra.
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LE BRAHMANISME 179
fureur, mit en fuite les Dieux et les brahmanes, dis-
persa les offrandes, et enfin trancha la tête de
Dakcha qui roula et fut consumée dans le feu du sa-
crifice. C'est pourquoi, quand plus tard, dans sa
miséricorde, Çiva rendit la vie a Dakcha, il dût
remplacer sa tête par celle d'un bélier (1).
Mais s'il n a point d'avatars, par contre Çiva pos-
sède deux fils illustres, investis de fonctions mul-
tiples, Ganéça et Skanda.
Ganéça, qu'on nomme aussi Ganapati (2), Hé-
ramba, Vinâyaka, Vighnéça et Yighnarâdja (3), est
généralement désigné comme le Dieu de la sagesse,
le destructeur des obstacles aux entreprises des
hommes, ceux surtout qui obscurcissent l'intelli-
gence, la personnification du succès et du bonheur
terrestre parfait, et considéré comme essentielle-
ment bienveillant et bienfaisant. Il a cependant
aussi un côté démoniaque, car s'il écarte les obsta-
cles au profit de ses adorateurs, il sait également les
accumuler devant les pas de ceux qui le négligent.
Aussi est il l'objet d'un culte général et très fervent
(on l'invoque au commencement de toutes les céré-
monies religieuses, sauf des sacrifices funéraires, au
(1) Les images de Vlra-Bhadra sont presque toujours accom.
pagaées de ceUe de Dakcha sous la forme d'un petit personnage
à tête de bélier dans l'attitude d'un suppléant.
(2) « Seigneur des Ganas )). Les Ganas (litt. hordes) sont
d'innombrables génies, tantôt bienveillants et tantôt malfai-
sants, qui constituent les armées de Çiva.
(3) « Seigneur ou Roi des obstacles ».
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180 LE BRAHMANISME
moment d'entreprendre un voyage, un travail ou
une affaire quelconque, et tout spécialement au dé-
but de tous les livres sacrés ou profanes). S'il a peu
de grands temples, ses sanctuaires sont inaombra-
bles et son image se voit dans tous les villages, aux
carrefours des routes et dans toutes les maisons, où
il figure parmi les cinq Dieux protecteurs du foyer
domestique (1). Chez les populations tamoules, il re-
çoit le nom de Poléar et a la charge de la garde des
portes des villes, fonction dans laquelle on lui donne
souvent deux visages, comme à Janus. Il a deux
épouses, les déesses Riddhi « prospérité » et Siddhi
(( succès ».
Quant à Skanda, engendré par Çiva et Prithivi
pour combattre et tuer le démon Târaka, habituel-
lement qualifié Dieu de la guerre il est le général
en chef des Ganas, placé à ce qu'il semble sous les
ordres de Ganéça, et combat à leur tète les démons
ennemis des Dieux, et ceux qui prennent possession
des hommes. On le nomme aussi fréquemment Kârt-
tikéya parce que, dit-on, il eut pour nourrices les
six étoiles de la constellation Krittika (2), (une lé-
gende populaire explique même les six têtes de ce
Dieu par son désir de satisfaire ses six nourrices), et
sous ce nom il est, bien involontairement sans doute,
l'un des patrons des voleurs. Sous celui de Koumâra
(1) Pancayatana. Ces cinq Dieux sont Vichnou, Çiva, Sourya,
Ganéça et Pârvatî.
(2) Kniikâ. Les Pléiades.
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LE BRAHMANISME 181
enfin, il personnifie la beauté masculine, en raison
de quoi les femmes l'invoquent pour avoir de beaux
enfants. Moins universellement adoré que Ganéça,
Skanda a cependant beaucoup de temples, surtout
dans rinde méridionale où, sous le nom de Sou-
brahmanya, il est le prolecteur attitré des brahma-
nes. On le représente habituellement, en tant que
Dieu de la guerre, avec six têtes et douze bras, et un
paon lui sert de monture et d'emblème.
En raison de cette conception essentiellement
indienne que l'absence de passion, de désir et
d'action constitue la qualité indispensable, la ca-
ractéristique de la nature divine, chaque Dieu,
nous l'avons vu, est toujours accompagné, ou
plutôt complété par une Déesse, son épouse, qui
personnifie sa puissance, sa force, son énergie ac
tive et accomplit en son lieu et place, les fonctions
que la mythologie lui assigne. Les Dieux, la plu-
plart du temps, sont monogames: Brahmâ a pour
épouse unique Sarasvatî, Indra Indranî, Vichnou
Lakchm! ; et quand, par hasard, la tradition pour
le besoin des mythes multiplie leurs compagnes,
elle leur donne des concubines (ainsi Tchâyâ dans
la légende de Sourya) ou bien leur prête des amours
illégales avec des nymphes ou de simples mortelles.
Tel n'est pas le cas avec Çiva, nettement polygame,
à qui la mythologie pourànique attribue six épouses
(Çaktl (( énergie ») sans compter les multiples incar-
11
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482 LB BRAHMANISME
nations, manifestations et transformations de deux
d'entrés elles, Kâli et Dourgâ, En réalité, toutefois,
ces Déesses, qui ont reçu des noms et des formes
divers ne sont que des transformations d'une seule
et même personnification correspondant aux attri-
buts caractéristiques de Çiva, en tant que créateur
et destructeur, et se résument en une seule Çaktî, ap-
pelée Dévi « la Déesse » .
De même que Çiva est tantôt blanc et bienveillant,
tantôt noir et terrible, de même ses Çaktîs sont les
unes blanches et les autres noires. Les blanches,
représentant les aspects bienfaisants de la nature fé-
conde et nourricière, portent les noms de Prithivî,
la déessede la terre, Partiatî « la montagneuse» autre
personnification de la terre, Oumâ, fille de THimâ-
layaqui se confond avecPârvatî, Gaotma la jaune» ;
quant aux noires, personnifications des qualités re-
doutables (le Çiva, elles sont représentées par Kâli,
Dourgâ (i) et leurs nombreuses incarnations. Mal-
gré leur aspect rébarbatif et la cruauté de leur ca-
ractère, Kâlî et Dourgâ ne sont pas toujours les
Déesses de destruction et de carnage que décrivent
les légendes tantriques: invoquées avec dévotion
et avec les sacrifices qu'elles réclament, elles pro-
tègent au même titre et plus efficacement même que
leurs contre-parties blanches et passent surtout pour
dispenser à leurs fidèles des pouvoirs surnaturels, as-
(I) Dupgâ.
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LE BRAHMANISME 183
surer leur prospérité et les mettre à même de triom-
pher de leurs ennemis, aussi sont elles, Kâlî, sur-
tout, beaucoup plus adorées que leurs coinpagaesi
mais l'amour du carnage, Tapélit de chair et la soif
du sang qu'on leur attribue donne un caractère par-
ticulièrement cruel et sanguinaire aux sacrifices
célébrés en leur faveur, car on croitque, faute d'être
rassasiées de sang d'animaux, elles répandront celui
des hommes, qu'elles préfèrent d'ailleurs à tout
autre : on dit que le sang d*un tigre satisfait Kâlî
pour cent années et celui d'un homme pour mille.
Les Çaktîs de Çiva sont représentées, selon le rôle
qu'elles remplissent, tantôt avec un visage beau et
serein, tantôt avec une face effroyablement grima-
çante ; elles ont de nombreux bras (de quatre à douze)
et portent avec les attributs de Çiva (le tambour et
le daim) des armes mombreuses dont elles se ser-
vent dans leurs combats contre les démons rivaux
des Dieux ; elles sont coiffées de la tiare royale, vê-
tues de riches vêtements et parées de bijoux, rem-
placés le plus souvent, pour Kâlî et Dourgâ, par des
colliers et des ceintures des crânes humains et par
des bracelets de serpents.
Le panthéon hindouiste compte, en plus de ces di-
vinités de nombreux Dieux et Déesses secondaires,
patrons tutélaires des villes, des villages et des par
ticuliers, spéciaux à chaque localité et par cela
même défiant toute énumération. Quant aux génies
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184 LE BRAHMANISME
et aux démons, ce sont les mômes que nous avons
trouvés dans la brahmanisme philosophique et dans
les Védas, et ils jouent les mêmes rôles à cela près
qu'ils interviennent peut-être plus volontiers dans
les affaires des hommes dont ils causent tous les
maux et les malheurs.
Création, Cosmogonie. — Le caractère particulier
de THindouisme et du Védânta, qui est en réalité sa
base, étant la conception d'un Dieu suprême, es-
sence et auteur de tout ce qui existe, nous ne trou-
vons plus, dans ces systèmes, qu'un seul mythe de cré-
ation, considérée comme Tœuvre personnelle d'un
Dieu émanation de l'Ame universelle, très rappro-
ché pour le fond et la forme de celui qu'expose Ma-
non, et dont les récits divers ne présentent que dés
variantes peu importantes de détail, telles que celles
qui distinguent la légende des Vichnouites de celle
des Çivaïtes, à condition de se souvenir que Vichnou
et Çiva personnifient l'Ame universelle, chacun pour
ses adorateurs respectifs.
Selon la version vichnouite, Vichnou plongé dans
un profond sommeil, reposait couché sur les replis
du serpent Çésha, mollement bercé sur les flots de
l'océan chaotique, alors que rien n'existait dans l'uni-
vers qu'une matière confuse. S'éveillant, il fut pris
du désir de créer et de son nombril il fit surgir un
lotus d'où sortit Brahmâ, le démiurge. Celui-ci, sé-
parant les éléments confondus, créa le ciel et la terre
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LE BRAUMAN[SME
qui reposent sur les eaux de l'océan primor
las de sa solitude, — il était androgyne, -
gea son corps en deux parties, l'une mâle
femelle à laquelle il donna le nom de Sa
ou de Çataroupâ(2), et s'accouplant avece
dra successivement les Dévâs, les démon
ks hommes et les animaux de toutes esp
vant une autre tradition, Brahmâ n'a pai
personnellement la race humaine, mais a
cette œuvre ses dix fils, les Pradjdpatis (3) ;
façon comme de Tautre, les hommes et les
identiques de nature avec les Dieux, et e
sorte fils de Vichnou, puisqu'ils sont nés d
ou indirectement de son émanation, Bral
Suivant de plus près la tradition de M;
légende çivaïte nous donne une version ]
différente. Çiva, substitué en tant qu'Ai
selle au Brahma primitif, désireux de cré
d'abord les eaux, puis dépose dans Içur s
d'or (Hi^^anyagarbha) renfermant à l'état
Brahmâ. Au bout d'un an, Brahmâ brise
de l'œuf, en sort, faille ciel de la partie
de cette coque et, de sa partie inférieure
Puis, séparant son corps en deux parts, (
mâle il fait Virâdj et de la partie femelle
(1) La riche en eaux, celle qui coule.
(2) Gelii'. qui a cent formes.
' (3) Prajàpali « seigneur des créatures »,
(4) Voir page 111.
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186 LE BRAHMANISME
qui seront les progéoiteurs des Dieux, des démons,
des hommes et des animaux d'une manière à peu près
indentique à celle rapportée par les récits vichnouiles.
Comme on le voit, la nuance est légère qui sépare
les récits viclinouites et çivaïtes, et pourtant de cette
différence, négligeable à première vue, découle une
conséquence considérable qui séparera à tout ja-
mais la conception philosopliique de ces deux sectes
sur la question de Tunité (advaita) ou de la dualité
(dvaita) de la nature de l'homme (ou du moins de son
âme) et de celle du Dieu suprême, Ame universelle.
En effet, fils de Vichnou (ou ce qui revient au môme
d'une émanation de ce Dieu) les hommes et les êtres
sont identiques de nature avec les Dieux et avec
l'Ame universelle; tandis que, nés d'une créature de
Çiva, les Dieux, les hommes et les êtres sont d'une
nature distincte de celle de TAme universelle. La
conséquence importante de cette distinction est
que, pour les Vichnouistes, le salut final ou Mokcha
consistera dans l'absorption dans l'Ame universelle,
et que, chez les Çivaïtes, ce sera simplement l'union
avec celte âme, c'est-à-dire avec Çiva.
Le système cosmogonique de l'Hindouisme est
également identique à celui de la phase religieuse
précédente. Nous y trouvons en effet la mention des
trois mondes, ciel, atmosphère et terre qui consti-
tuent Tensemble de l'univers, et, de même aussi, la
division du monde terrestre en sept continents dis-
posés concentriquement autour du mont Mérou,
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„^
LE BRAHMANISME 187
centre de l'univers, soutien du ciel, résidence des
Dieux inférieurs. Peut-être la seule variante est- elle
celle du Bhâgavata-pourâna qui attribue la division
de la terre en sept continents à la tentative insensée
du roi Priyavarla qui avait entrepris de suppléer,
pendant la nuit, le soleil, afin que le monde fut cons-
tammenl délivré des ténèbres: les mers qui s*épa-
rent les sept continents sont les ornières creusées
par les roues du char de Priyavarta. La même iden-
tité existe pour la composition et la durée des épo
ques d'existence et de dissolution du monde, ainsi
que pour la division du temps en Kalpas, Yougas,
Manvantaras, années divines et humaines, saisons,
mois, jours et heures. Les Indiens emploient cinq
sortes d'années terrestres : année lunaire de trois
cent cinquante-quatre jours, année solaire de trois
cent soixante-cinq jours, année Sâvana de trois
cent soixante jours, année Sidérale de trois cent
vingt-quatre jours, année de Jupiter de trois cent
soixante et un jours . Les années de Sâvana, Sidérale
et dé Jupiter ne sont employées que par les astrono-
mes et les astrologues ; Tannée solaire, d'adoption
assez récente, est encore peu usitée et c'est Tannée lu-
naire qui, aujourd'hui encore, sertexclusivement aux
usages religieux publics et privés. Elle se compose
de douze mois de trente jours, divisés chacun en
deux quinzaines : quinzaine claire ou brillante, de la
nouvelle à la pleine lune, quinzaine noire ou obs-
cure de la pleine lune à la nouvelle. Pour la faire
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i88 LE fiRAHMANISME
concorder avec Tannée solaire, on ajoute tous les
trois ans un mois intercalaire de trente jours ; sur
trois années il y en a donc une de treize mois.
Les jours de Tannée solaire sont censés corres-
pondre à un degré. Ils se divisent en soixante gr/ia^t-
A:45 ou heures de vingt-quatre de nos minutes; la
ghatikâ, à son tour, se subdivise en soivante Palas
ou Kalas et le Pala en soixante Vipalas. Pour les com-
putations religieuses et astrologiques on se sert
comme unité, d'une mesure de temps appelée Mou^
hoûrta qui correspond à deux ghatikâs, soit par con-
séquent quarante huit minutes.
Les vingt-neuf et demie divisions du mois lunaire
ne sont pas à proprement parler des, jours : on les
nomme Tithis. Une Tithi est le temps dans lequel la
lune, s'éloignant du soleil, parcourt douze degrés
de son orbite ; ces jours sont par conséquent varia-
bles, — la rapidité de la course apparente de la lune
augmentant ou diminuant, selon que, dans son mou-
vement elliptique, elle s'approche ou s'éloigne de
la terre, — et peuvent avoir une durée maximum
de soixante-cinq ghatikâs (26 heures) et mininum
de cinquante-deux ghatikâs (21 heures). Certaines
Tithis renferment donc deux levers de soleil, tandis
que d'autres n'en ont point. Ces dernières sont con-
sidérées comme particulièrement néfastes et impro-
pres à la célébration des cérémonies religieuses,
môme des Çrâddhas,(ou sacrifices funéraires devant
s'accomplir à date fixe, que l'on avance ou recule dans
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LE BRAHMANISME 189
ce cas, d'un jour), à Texceplion cependant des sacri-
fices quotidiennement obligatoires.
Culte, — Dans les cérémonies publiques, ou poiid-
jâs (1) célébrées en l'honneur des divers Dieux et
Déesses, aux jours consacrés à chacun d'eux, le culte
est toujours réglé sur les antiques prescriptions du
rituel védique, au moins quant au fond, c'est-à-dire
qu'il consiste essentiellement en un holocauste d'of-
frandes dans un feu sacré allumé ou avivé suivant
les rites traditionnels, avec accompagnement des
mômes prières, invocations et hymnes des Védas,
dans le môme ordre et dans les mômes phases céré-
monielies que prescrivent les Brâhmanas : on y
ajouté seulement certaines invocations et certains
hymnes de louanges spécialement consacrés au Dieu
ou à la Déesse à qui s'adresse le sacrifice. Dans les
détails, toutefois, les différences existent nombreu-
ses, autant du moins que nous pouvons en juger par
les descriptions de solennités religieuses que nous
rencontrons dans les livres de liturgie et dans la lit-
térature semi-profane, teîle que le Mahâbhârata et
leRâmâyaua.
Eq ce qui concerne le sacrifice en lui-môme, nous
devons constater tout d'abord qu'il se célèbre habi-
tuellement (2) dans Tanceintedes temples, au lieu de
(1) Pujâ.
(2) Les pujâs solenneUes, en l'honneur de Kâli et de Durgâ
principatement, qui attirent des grandes foules d'assistants, se
H.
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190 Li: BRAHMANISME
s'accomplir en plein champ sur une aire choisie, dé-
limitée et consacrée chaque lois, ainsi qu'il semble
que cela se passait à l'époque du védisme et du brah-
manisme primitif, peut-être parce qu'alors il n'exis-
tait point encore de temples (1). Une autre modifi-
cation, et celle-là des plus importantes comme rup-
ture avec l'antique tradition védique, est la suppres-
sions des libations de soma (la plante qui le produi-
sait est aujourd'hui inconnue des brahmanes) rem-
placé exclusivement par le ghi, ou beurre fondu et
clarifié, pour l'alimentation du feu sacré. 11 ne faut
pas oublier, non plus, la distinction capitale que
font entre les offrandes les cultes spéciaux vichnoui-
tes et çivaïtes. Tandis que le rituel des Védas et des
Brâhmanas spécifie desoblations d'animaux concur-
remment avec celles de grains, de fruits et d'herbes
sacrées, les sectes vichnouiles n'admettent pas que le
saugcoulesurles autels de Vichnou, de Lakchmî,de
Râina, de Krichna et des autres divinités de leur
groupe: l'herbe de Kouça, les feuilles de tulasî et
d'açoka, le riz, les graines oléagineuses, les gâ-
teaux préparés de fine fleur de farine et de sucre
célèbrent parfois sur la place publique, devant une grossière
image d'argile de la Déesse, que l'on précipite ensuite dans une
rivière à l'issue de la cérémonie.
(!, l\ est à remarquer, en effet, qu'on ne connaît aucun édi-
fice religieux antérieur au 2« siècle avant notre ère, bien que,
cependant, les livres brahmaniques et bouddhiques traitant de
l'époque précédente fassent souvent mention de temples et d'i-
mages divines.
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-^l^?»^^opl
LE BRAHMANISME 191
OU de miel, Teau pure du Gange ou de quelque autre
rivière sacrée, sont les seules offrandes dignes de ces
Dieux compatissants et bienveillants ; par contre,
c'est avec des hécatombes de victimes de toutes sor-
tes, môme humaines, dit-on, et des libations de li-
queurs spiritueuses que les Çivaïtes honorent Çiva, le
Dieu redoutable, et surtout ses Çaktis. Le culte de
ces dernières dégénère même en de véritables orgies
indescriptibles, où, au mépris des usages végétariens
et de la tempérance habituelle aux Indiens, les assis-
tants se gorgent de viandes, de poisson et de li-
queurs fermentées en l'honneur de la Déesse dont ils
célèbrent le culte.
Les grandes fêtes solennelles, — dont les princi-
pales sont celles de Çiva, le troisième jour de la nou-
velle lune de Vaiçakha (avril-mai), de Krichna Dja-
gannâtha, à la pleine lune de Djyéchtha (mai-juin) (1)
et le deuxième jour de la nouvelle lune d'Achâdha
(juin-juillet), delà Dola-Yâtrà (2) (autre fêle de Kri-
chna et de Râdhâ) à la pleine lune de Çrâvana (juil-
let-août), de Çiva et de Pârvatî, le septième jour de
la nouvelle lune de Bhâdrapada, de Kâlî, le premier
(1) Cette fêle se confond souvent avec la félo du printemps,
appelée Holi. Elle est l'occasion de réjouissances populaires,
rappelant un peu les confttti, pendant lesquelles les assistants
se bombardent de poignées de poudre rouge, et quelquefois
s'aspergent d'eau parfumée.
(2) « Fête de la balançoire». Ainsi nommée parce qu'on ba-
lance les images de Krichna et do Râdhâ sur une escarpolète
richement ornée.
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jfî^-^.
192
LE BRAHMANISME
jour de la nouvelle lune crAçvina (septembre-octo-
bre), de Dourgâ, Iç septième jour de Mârgaçîrcha
(Qovernbre décembre), — durent souvent plusieurs
jours et plusieurs nuits ; la fête de Krichna, dans le
mois d'Achâdiia, notamment, se prolonge pendant
huit journées, et celle de Kâlî, du mois d'Açvina,
pendant neuf fois vingt-quatre heures. On compte
par centaines, et môme quelquefois par milliers, les
victimes (buffles, moulons et boucs) qui sont immo-
lées aux sacrifices de Kâli et de Dourgâ. Eu général,
ces fêtes comportent des processions diurnes et noc-
turnes où les images divines sont promenées sur des
chars monumentaux traînés par les fidèles, ou sur
des pavois, avec accompagnement de musique, de
chants et de danses qui revêtent presque toujours
un caractère licencieux. Il esta peine besoin de rap-
peler, croyons-nous, — tant le fait est connu, — que
chaque sortie du char de Krichna Djagannâtha est
marquée par le suicide de nombreux dévots qui se
précipitent sous les roues du véhicule sacré dans
l'espoir de parvenir d'emblée au paradis de Goloka,
demeure bienheureuse de Krichna, où les fidèles de
ce Dieu., délivrés désormais de l'obligation de re-
naître sur la terre, jouissent dans une béatitude par-
faite de réternelle présence de l'objet de leur adora-
tion, suivant leurs mérites, dans Tun des trois états
de Sâlokya « habitation dans le même lieu », Sa-
mipya a proche voisinage », et Sâroûpya « ressem-
blance ».
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LE BRAHMANISME 193
Mais ces ftUes, qu'accompagnent presque toujours
des réjouissances populaires et des foires très acha-
landées, ne sont que des cérémonies occasionnelles,
indépendantes de celles qui se célèbrent quolidien-
nement dans les temples. Chaque matin, au lever
du soleil, lesdesservanls des sanctuaires, après avoir
procédé à leurs ablutions et purifications rituelles,
viennent dévotement adorer le Dieu auquel le temple
est dédié, lavent son image avec de l'eau consacrée
et du lait, Toignent de parfums, la parent de riches
vêtements et de bijoux précieux, puis lui font les
offrandes réglementaires de lumières, d'encens, de
fleurs, de feuilles de tulasi et d'açoka (pour les divi-
nités du groupe de Vichnou) ou de vilva (pour Çiva
et ses Çaktis), de graines diverses, de riz, de gâ-
teaux, de lait doux et caillé, etc., offrandes qu'ils ré
pètent aux heures habituelles des repas, c'est à-dire
à midi et au coucher du soleil. Au moment de la
sieste, ils viennent respectueusement coucher le
Dieu, qu'ils réveillent de nouveau vers 4 heures,
pour enfin le faire reposer définitivement au cou-
cher du soleil. Souvent aussi les dévots laïques vien-
nent asperger l'image divine d'eau sainte et de par-
fums, acte considéré comme éminemment méritoire,
et faire en leur nom personnel, les offrandes rituelles ;
mais ils ne prient guère dans les temples, qu'ils vi-
sitent cependant assez régulièrement chaque jour.
Outre ce culte extérieur et public, tout Hindou de
caste est tenu de célébrer chaque jour les cérémonies
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194 LIi BRAHMANISME
domestiques des trois Sandhyâs du matin, de midi
et du soir, et de coûsacrer plusieurs lieures de la
jourflée à la lecture des Védas, s'il est brahmane,
des Pourânas, s'il appartient à l'une des trois autres
castes. Ces obligations, toutefois, paraissent être gé-
néralement négligées, môme peut-être par les
brahmanes qui ne sont pas spécialement voués au
sacerdoce. Il est, cependant, une partie de ce rituel
qui paraît être assez scrupuleusement observée par
toutes les classes de la société, celle relative au culte
des cinq divinités protectrices du foyer domestique
(Pantchâyatana), Vichnou, Çiva, Sourya, Pârvatî et
Ganéça, représentées soit par de petites figures d'ar-
gent, de bronze, de pierre, de terre cuite ou de bois,
soit sous la forme des pierres sacrées qui passent
non seulement pour symboliser, mais même pour
renfermer véritablement chacun de ces dieux: le
Çâlagrâma (i) représentant Vichnou, le Vdna ou
Hâna-linga (2) symbolisant Çiva, une pierre métalli-
que figurant Pârvati, une pierre rouge pour Ganéça
et un morceau de cristal pour Sourya. Figurine ou
caillou, chacun de ces Dieux tour à tour (en com-
mençant naturellement par le Dieu principal de la
secte à laquelle appartient Tadorateur), placé sur
une sorte de patère percée de trous, reçoit une ablu-
tion ou bain d'eau consacrée (l'eau du Gange est la
(1) Pierre noire poreuse, renfermant des ammonites, qui se
récolle dans le Gange, la Bhagtrati et la Gandakt.
(2 Quartz blanc très dense el opaque.
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LE BUAHMÂNISME 195
plus efficace), puis une offrande de parfums, de riz
ou des mets préparés pour la famille, et finalement
on leur fait une libation et une offrande communes.
Les autres Dieux, les héros, fils de Ci va ou incar-
nations de Vichnou, les génies reçoivent également
un culte public, mais moins solennel, dans leurs
temples ou bien dans ceux où leurs images accom-
pagnent celle de Vichnou, deÇiva oudesÇaktisde ce
dernier, et un culte domestique dans les maisons où
on les a choisis comme patrons tutélaires. L'un de
ces dieux secondaires dont le culte est le plus ré-
pandu, est Hanoumân, le dieu-singe, fîls du vent,
compagnon d'armes de Râma dans son expédition
contre les Râkchasas de Ceylan, que beaucoup de
villages prennent pour divinité lotélaire. Certains
animaux, les singes (peut-être en souvenir d'Hanou-
mân), les serpents, les vaches, etc., des arbres et des
arbustes tels que le pipâl (ficus religiosa), Taçvatha
(ficus indica), Tœgle marmelos, l'açoka, la tulâsi, le
vilva, sont également l'objet d'un culte assez fré-
quent soit pour eux-mêmes, soit comme syniboles
et remplaçants des divinités à qui ils sont spéciale-
ment consacrés. N'oublions pas, de plus, qu'au jour
de sa fête patronale, chaque corps de métier ou pro-
fession rend un culte de vénération accompagné
d'offrandes aux instruments dont il se sert : le sa-
vant adore ses livres, le scribe son encrier, le soldat
ses armes, l'ouvrier ses outils, le tisserand son mé-
• tier et sa navette, le laboureur sa charrue et les
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196 LE BRAHMANISME
bœufs qui la mènent, la femme ses aiguilles, etc.
En général, les femmes assistent aux cérémonies
religieuses publiques et privées, mais sans y pren-
dre aucune part active ; on leur concède cependant
le droit d'adorer, si elles sont vichnouites, la lulasi
et Taçoka; si elles sont çivaïtes, le vilva, arbustes
qu'elles cultivent avec un soin dévot dans la cour
intérieure ou le jardin de leur maison.
Actuellement, autant et peut-être plus encore que
dans les anciens temps, les Hindous, ceux des bas-
ses classes principalement, redoutent d'une terreur
superstitieuse les démons de toutes catégories, les
vampires, les revenants, auxquels ils attribuent les
maladies, les accidents, les calamités et en général
tous les maux dont eux et leurs bestiaux peuvent
être atteints ; mais cependant ils ne leur rendent
point de culte à proprement parler. On ne rencon-
tre dans rinde aucun temple ou sanctuaire dédié
aux démons ; mais seulement, parfois, en dehors
des villages un tas de pierres ou de briques en forme
de pyramide et peint de raies blanches érigé au
pied d'un arbre. On n'adore pas les démons, on ne
les prie pas, mais on leur adresse des incantations
d'exorcisme accompagnées, en vue de les apaiser,
d'offrandes de riz et de fruits et quelquefois du sa-
crifice d'une poule ou d'un bouc dont on répand le
sang sur la pjTamide. Quand quelque désastre ou
épidémie désole la contrée ces offrandes sont accom-
pagnées de danses avec gestes violents, de cris sau-
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LE BRAHMANISME 197
vages, de sonneries de cloches, de musique bruyante,
destinés à mettre en fuite les persécuteurs redoutés,
Ces sortes de cérémonies s'accomplissent toujours
pendant la nuit et les étrangers en sont soigneuse-
ment tenus à l'écart.
Ainsi que nous l'avons vu dans le chapitre du
Brahmanisme proprement dit, la religion enserre
l'Hindou dans une succession de douze cérémonies
ou sacrements qui le suivent du moment de sa con-
ception jusqu'à sa mort. Ces sacrements existent
toujours, nominalement au moins, en vertu d'une
tradition que l'on se plaît à tenir pour divinement
intangible, mais il paraît qu'ils sont habituellement
négligés pour la plupart, sauf dans les familles
brahmaniques, à l'exception de l'Initiation, du Ma-
riage et des Çrâddhas funéraires. Us sont du reste
restés conformes au rituel codifié par Manou.
Nous pouvons cependant relever quelques différen-
ces apportées dans leur observation par les modifi-
cations de la vie sociale.
Dans l'ancienne société brahmanique, l'initiation
des jeunes Indiens ne s'accomplissait généralement
qu'entre huit et douze ans et immédiatement après
l'initié (1) était confié à un précepteur religieux
(Gourou) pendant au moins une douzaine d'années.
Ses éludes terminées, il célébrait la cérémonie du
(( Retour à la maison » et se mariait aussitôt après.
(!) Brahmacari.
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198 LE BRAHMANISME
La coutume des mariages prématurés (usage contre
lequel protestent actuellement presque tous les In-
diens éclairés et qui d'ailleurs tend à disparaître) a
changé tout cela. Dès qu'un jeune garçon a atteint
l'âge de quatre ou cinq ans, son père lui cherche
une future femme parmi les familles de sa caste et
de sa condition et aussitôt qu'il a Crouvé la fillette
de deux ou trois ans qui répond à ses vues, on célè-
bre les fiançailles (vâg-dâna) préliminaires indes-
tructibles du mariage. Le jeune garçon reçoit l'ini-
tiation eiitre 6 et 10 ans ; aussitôt après on procède
à un simulacre de la cérémonie du retour à la mai-
son, immédiatement suivie de la consécration du
mariage suivant les anciens rites traditionnels. En-
fin, quand il a terminé ses études — réduites à cinq
ou six ans, sauf en ce qui concerne les brahmanes
destinés au sacerdoce — et souvent môme avant, a
lieu la troisième phase du mariage, c'est-à-dire la
consommation de l'union pour laquelle le senti-
ment d'aucun des deux époux n'a été consulté.
Quant aux cérémonies funéraires, elles sont res-
tées à peu près identiques à ce qu'elles étaient au-
trefois, à celte seule différence près que la croyance
superstitieuse en l'efficacité salvatrice des rivières
sacrées fait considérer comme une cause certaine de
salut et un bonheur inappréciable de mourir sur
leurs bords et d'avoir leurs eaux pour sépulcre.
Aussi n'est-il pas rare de voir les dévots suffisam-
ment riches, apporter à grands frais, leurs parents
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LE BRAHMANISME 199
moribonds sur les rives du Gange afin de pouvoir y
précipiter leurs cendres ou môme leurs cadavres.
Ceux qui sont trop éloignés pour pouvoir accomplir
le funèbre voyage, s'efforcent au moins de se pro-
curer de Teau du Gange pour arroser les cendres de
leurs morts et leur assurer ainsi l'entrée des para-
dié de Vichnou ou de Çiva ou, tout au moins, une
heureuse renaissance.
Le trait le plus caractéristique de la religion et
du culte hindouisles est certainement la doctrine de
la Bhakti, c'est-à dire de la foi et de la dévotion in-
tense et aveugle en un Dieu suprême, Vichnou ou
Çiva, et la croyance que cette dévotion, plus puis-
sante que les bonnes œuvres, les pénitences et les
austérités, suffit à assurer le salut môme du pécheur
le plus endurci : les Pourânas et les Tantras citent
de nombreux exemples de criminels sauvés de l'en-
fer pour avoir prononcé seulement au moment de
leur mort, et môme inconsciemment ou dans un
blasphème, l'un des mille huit noms sacrés de Vicli
nou ou de Çiva.
Celte dévotion, bien que répandue dans les deux
sectes des vichnouites et des çivaïles, est surtout in-
tense chez les vichnouiles où elle paraît, du reste,
avoir pris naissance. Elle a pris son complet déve-
loppement vers le huitième siècle de notre ère avec
Tillustre Çankarâtchàrya (1) et la pléiade des philo-
(1) ÇaDkarâcàrya .
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200 LE BRAHMANISME
phes religieux de son école, les véritables fondateurs
THindouisme actuel ; mais elleest cependantbeau-
up plus ancienne caron peut faire remonter son ori-
ae, ou plutôt son exposition à la Bhagavad-Gitâ (1),
Ki'ichua révélant sa nature divine et la doctrine
salut à Ardjouna, ^'exprime en ces termes :
(( Les hommes qui suivent mes commandements
ec foi, sans murmure, sont eux aussi, dégagés du
5n des œuvres (2). »
« Celui qui connaît selon la vérité ma naissance et
on œuvre divine, quittant son corps ne retourne pas
une naissance nouvelle ; il vient à moi, Ardjouna.
(( Dégagés du désir, de la crainte, de la passion,
venus mes dévots et mes croyants, beaucoup
bommes, purifiés par les austérités de la science,
sont unis à ma substance.
i( Car selon que les hommes s'inclinent devant
oi, de même aussi je les honore (3).
(( Mais pour ceux dans l'âme desquels la science a
truit l'ignorance, la science, comme un soleil,
umine en eux l'idée de cet Etre suprême.
<i Pensant à lui, partageant son essence, séjour-
int en lui, tout entiers à lui, ils marchent par une
ute d'où l'on ne revient pas, délivrés parla science
i leurs péchés.
1) Célèbre ôpisoJe mystique intercalé dans le Mabâbhàrata,
PS le 1*' ou le 2* siècle de notre ère.
2) Eug. BuPNOUF : La Bhagavad-GUâ^ p. 51.
3) ibid., p. 57.
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LE BRAHMANISME 201
« Ici-bas, ceux-là ont vaincu la nature, dont Tes-
prit se lient ferme dans Tidentilé; car l'Identique
dieu est sans péché ; c'est pourquoi ils demeurent
fermes en Dieu.
« Un tel homme ne se réjouit pas d'un accident
agréable, il ne s'altriste pas d'un accident fâcheux.
La pensée ferme, inébranlable, songeant à Dieu, fixé
en Dieu,
« Libre des contacts extérieurs, il trouve en lui-
môme sa félicité, et ainsi, celui que l'Union mystique
unit à Dieu, jouit d'une béatitude inépuisable (1) ».
(( Quand on a banni les afiections nées des con-
tacts, dirigé sa pensée et sa raison exclusivement
vers la délivrance ; lorsque le désir, la crainte, la pas-
sion étant bannis, parvenu vraiment à la délivrance,
« On comprend que je perçois les sacrifices et les
austérités, que je suis le grand Souverain des mon-
des et l'Ami de tous les vivants, alors on obtient la
béatitude (2) ».
(( Celui qui me voit partout et qui voit tout en moi
ne peut plus me perdre ni être perdu pour moi,
« Celui qui adore mon essence résidant en tous les
êtres vivants et qui demeure ferme dans le spectacle
de l'Unité en quelque situation qu'il se trouve est tou-
jours en moi (3) ».
(( La terre, l'eau, le feu, le vent, l'air, l'esprit, la
(1) Ibid., p. 75.
(2) Ibid.. p. 77.
(3) Ibid., d. 87.
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LE BRAHMANISME
îon et le moi, telle est raa nature divisée en huit
fnents :
C'est l'inférieure. Connais~en maintenant une
re qui est ma nature supérieure, principe de vie
soutient les mondes.
C'est dans mon sein que résident tous les êtres
anls; comprends-le; car la production et la dis-
ition de l'univers, c'est moi-même.
Au-dessus de moi, il n'y a rien, à moi est sus-
idu l'univers comme une rangée de perles à un
Je suis dans les eaux la saveur, fils de Kountî ;
uis la lumière dans la lune et le soleil ; la louange
is tous les Védas ; le son dans l'air, la force mas-
ine chez les hommes.
Le parfum pur dans la terre ; dans le feu la
endeur, la vie dans tous les êtres ; la continence
is les ascètes.
Sache, fils de Prithâ que je suis la semence iné-
sable de tous les vivants; la science des sages, le
irage des vaillants.
La vertu des forts exempte de passion et de
lir ; je suis dans les êtres animés, l'attrait que la
tice autorise.
( Je suis la source des propriétés qui naissent de
/érité, de la passion et de l'obscurité ; mais je ne
s pas en elles, elles sont en moi (1) ».
I) Ibid,, p. 95.
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LE BRAHMANISME 203
(( Je suis le père de ce monde, sa mère, son
épouse, son aïeul. Je suis la doctrine, la purification,
le mot mystique, le Rig, le Sâma et le Yadjour.
(( Je suis la voie, le soutien, le Seigneur, le témoin,
la demeure, le refuge, Tami. Je suis la naissance et
la destruction ; la halte; le trésor; la semence im-
mortelle.
(( C'est moi qui échauffe, qui retiens et laisse tom-
ber la pluie. Je suis l'immortalité et la mort, l'être
et le non-être, Ardjouna (1) ».
« Ainsi donc ce que tu fais, ce que tu manges, ce
que tu sacrifies, ce que tu donnes, ce que tu t'infli-
ges, ô fils de Kountî, fais m'en l'offrande (2) ».
« L'homme même le plus coupable, s'il vient à
m'adorer et à tourner vers moi seul tout son culte,
doit être cru bon ; car il a pris le bon parti.
« Bientôt il devient juste et marche vers l'éternel
repos. Fils de Kountî, confesse le, celui qui m'adore
ne périt pas (3) ».
(( Cette forme si difficile à apercevoir et que tu
viens de contempler, les dieux mêmes désirent sans
cesse la voir.
« Mais ni les Védas, ni les austérités, ni les larges-
ses, ni les sacrifices ne peuvent me faire apparaître
tel que tu m*as vu.
(( C'est par une adoration exclusive, Ardjouna,
(l)/6îrf.,p. 119.
{2)lbid.,p. 12i.
(3)/6td.,p.l23
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LK BUAUMANISME
j Ton peut me connaître sous cette forme, et me
r dans ma réalité et pénétrer en moi ( i ) ».
Pense à moi ; sers-moi ; ofire-moi le sacrifice et
loration : par là, lu viendras à moi ; ma promesse
véridiqne et tu m*es cher.
Renonce à tout autre culte ; que je sois ton
que refuge ; je te délivrerai de tous les péchés;
pleure pas (2) ».
elle est donc, sans doute, l'origine première, le
ni de départ de cette dévotion intense jusqu'à
agération qui aurait pu être un merveilleux ius-
menl pour le développement et l'élévation de la
gion ; mais qui, par son extravagance, n'a
uti qu'au fanatisme et au quiélisme le plus dan-
eux.
es Sectes. — D'après tout ce que nous venons de
B, il est inutile d'insister, croyons- nous, sur Ter-
r capitale que Ton commettrait en considérant
brahmanisme à n'importe quelle période de son
eloppement, voir même une quelconque de ses
ises, comme un tout comparable aux religions
ideniales passées et présentes, avec un dogme,
) doctrine et un culte nettement arrêtés, întangi-
^. Dans l'Inde, rien de semblable ; point de dogme
verseilement accepté, sauf celui de la métemp-
I Ibid,, p. 157.
i6irf.,p. 119.
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LE BRAHMANISME
sycose ou transmigration, plus philosophiqu
religieux, et celui des castes, institution essen
ment sociale, placée simplement sous la sancl
la protection de la religion. Si les Védas et les
manas ont constitué jadis et restent encore ai
d*hui la base nominalement fondamentale
croyance religieuse, le vague des hymnes deî
miers et les contradictions des légendes des sec
n'ont pu donner une forme absolument précis
la mythologie, ni à la doctrine. Dès le début,
l'avons vu, elles ont été livrées aux spécul
hardies des philosophes et interprétées au g
leur raisonnement ou de leur imagination, i
subi certainement l'influence des superstitioi
pulaires et l'invasion des croyances des
indigènes anâryennes, bien qu-e ces iutn
échappent à nos connaissances actuelles. D(
temps on a pu voir des sages, des ascètes expc
prêcher des doctrines panthéistes, mystiqi
même athées, sans pour cela être rejetés du se
la communauté brahmanique, s'entourer de
pies plus ou moins nombreux suivant leur tah
leur réputation et créer des sectes, dont certai
tels le Djainisme et le Boudhisme — sont deven
véritables religions distinctes, tandis que d*;
végétaient péniblement ou même disparaissaie
mort de leur fondateur ou de ses disciples i
diats. On ne doit donc pas s'étonner de voir
douisme s'éparpiller en d'innombrables sec
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206 LE BRAHMANISME
-sectes séparées souvent par d'insignifiantes
actions d'interprétation de doctrines ou de pra-
s cultuelles.
réalité, la société Hindoue actuelle se partage
ois grandes sectes ou groupes principaux dé-
nés Smartas, Vichnouites (1) et Çivaïtes (2),
ivisés chacun en plusieurs sous-sectes dont cer-
s n'ont plus rien de brahmanique que le nom.
s Smartas (3) représentent à strictement parler,
ligion orthodoxe, car ils suivent ou prétendent
e scrupuleusement les Védas au point de vue
doctrine aussi bien que du culte. Panthéistes,
rofessent l'antique croyance brahmanique à
itité absolue de l'âme ou de Tesprit humain
l'esprit suprême, Paramâtman ou Brahma,
e universelle qui anime l'univers entier, entité
:aite infinie, éternelle, impersonnelle, invisible
igible que Ton ne peut comprendre et connaître
3ar la méditation parfaite qui met le dévot en
ûunion intime avec cet Etre suprême, source et
de toute science et de toutes aspirations. Néan-
s, ils admettent la trinité hindoue (Trimourti),
en considérant les trois Dieux qui la compo-
et la foule des divinités inférieures comme de
les manifestations de TEsprit suprême sous des
es plus ou moins accessibles aux sens des hom-
/ai^nava.
^aiva.
)e Smrli « tradition ».
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-w^^m^W^'
LE BRAHMANISME 207
mes, et par là même plus à la portée des intelligences
vulgaires, et comme devant se réabsorber dans cet
Esprit au moment de la dissolution de Tuoivers.
Les Smartas, qui attribuent leur organisation ac-
tuelle à l'illustre Çankarâtch^rya (1), se divisent
eux-mêmes, selon le Véda à Tétude duquel ils se^
sont consacrés, en trois écoles dites de& Rig-Védis,
Sâma-Védis et Yadjour-Védis (ces derniers séparés
en deux groupes, sectateurs du Yadjour blanc ou du
Yadjour noir). Au point de vue des pratiques cul-
tuelles, ils forment également trois groupes dis-
tincts ; les Agnihotrîs, sectateurs d'Agni, qui entre-
tiennent les cinq feux sacrés ; les Yadjnikas qui
célèbrent le Yadjna ou sacrifice d'holocauste suivant
les préceptes rituels et liturgiques des Brâhmanas ;
les Vaidikas voués à l'élude et à l'enseignement des
Védas.
Les Vichnouites^ surtout nombreux au Bengale et
dans les provinces centrales de l'Inde, constituent
sensiblement la majorité de la religion hindoue.
Ainsi que leur nom l'indique, ils adressent leur
culte principal au dieu Vichnou, non seulement en
qualité de Soutien ou de Protecteur de l'Univers,
mais comme véritablement identique à l'Ame uni-
verselle, tout en lui donnant une personnalité propre,
et parla leur panthéisme se rapproche sensiblement
(1) Çankarâcârya, le grand promoteur de rHindoulsme et
l'adversaire infatigable du Bouddhisme, vécut vers la fin du
VU' ou le commencement du VIII' siècle de notre ère.
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du ra(
ses in
remai
jouiss
ratioi
— sar
un rai
— et
paraiî
spécii
Les
relati
l'Ame
de Te
par c
salut
unive
tioQ l
mi no;
fidèle
pas ai
kouni
résid(
teint
tude
(3; S
(4) S
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LE BRAHMANISME 209
ils se sont consacrés, d'être près de sa personne (1) ou
enfin d'acquérir sa ressemblance (2), récompenses
que Ton obtient par la dévotion (bhakti) plus sûre-
ment que par les bonnes œuvres et autres actes mé-
ritoires, lis s'accordent, du reste, tous, à quelque
secte spéciale qu'ils appartiennent, dans l'adoration
exclusive de Vichnou et de ses deux grandes incar-
nations terrestres Râma etKrichna,dont le culte dé-
passe comme ferveur et généralité, celui même de
Vichnou, et pour exiger, en vue de l'admission dans la
se3te une initiation spéciale où l'on révèle au néo-
phyte la formule mystique d'adoration à Krichna ou
à Râma, cérémonie à laquelle les enfants sont admis
à partir de l'âge de six ou sept ans, et qui est suivie
vers douze ou treize ans du sacrement dit de consé-
cration qui remplace même parfois l'initiation brah-
manique pour les membres des castes inférieures.
Sans exception, les Vichnouiles se distinguent des
aifiiiés aux autres sectes par une marque frontale,
ou stimagte sectaire (3), composée de deux traits
verticaux réunis par en bas, entre les sourcils, par
un trait horizontal et affectant à peu près la forme
d'un V, tracée avec de la couleur rouge, jaune ou
blanche. En plus de cette marque, ils impriment
avec de la poudre de santal rouge sur leur poitrine
et leurs bras, la figure du ou des pieds sacrés de
(1) Sâmlpya.
(2) Sàrûpya.
(3) Urdhva-puwdra.
12.
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210 LE BRAHMANISME
îhnou, de la conque ou du disque, attributs carac-
isliques de ce Dieu et de ses avatars. Certains dé-
s s'impriment ces marques d'une manière iudélé-
e au moyen d'une matrice rougie au feu ; mais
usage est généralement condamné, surtout chez
brâlimanes, comme attentatoire au respect dû au
*ps d'un dvidja.
L.es sous sectes vicbnouites sont trop nombreuses
la plupart du temps séparées par des divergences
doctrine trop insignifiantes pour qu'il soit possi-
) et utile de les énumérer toutes ici : nous nous
atenlerons donc de signaler les plus importantes,
t par leurs doctrines ou pratiques particulières,
t par le nombre de leurs adhérents (I).
L-a plus ancienne et aussi la plus nombreuse est
secte dite Râmânoudja ou nom de son fondateur,
brahmane Râmânoudjàtchârya (2) qui vécut, dit-
, vers le douzième siècle à Slri-Parambattur,
Lite ville du voisinage de Madras. Voici quelles
it ses principales doctrines :
L'univers renferme trois principes — Içvara (3)
Etre suprême, l'âme ou tchit (4), et ce qui n'a pas
ime, atchit (5) — possédant chacun une existence
irnelle distincte. L'Etre suprême est Vichnou ; les
I) H. -H. Wilson : Religions Sects of the Bindùs.
l) RâmAnuJâcârya.
J) Le Seigneur.
l) Cit.
)) Acit.
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LE BRAHMANISME
âmes individuelles sont tchit ; le monde r
est atchit.
Les âmes individuelles sont dans la dépe
de rame divine et doivent s'efforcer de pai
Tunion consciente complète avec l'Etre supr
L'univers subit de grandes destructions j
quesau cours desquelles les âmes individuel
réabsorbées dans l'Etre suprême en conser^
pendant leur conscience et leur individualité
L'Etre suprême se manifeste dans le mon
présente à l'adoration de ses fidèles de cinq
res différentes : dans ses images ou idoles, d
incarnations divines, dans des manifeslatioi
plèles sous forme humaine, dans l'esprit r
partout, dans l'esprit interne qui dirige Vé
maine, chacune de ces manières correspom
degré d'intelligence du fidèle adorateur.
Dans l'ordre d'imporlance vient ensuite
Mâdhva, fondée au treizième siècle par Madh
tout répandue dans Tlnde méridionale. Ass
blable en beaucoup de points à celle des Rân
jas, sa doctrine en diffère cependant par Tî
tion du dualisme. Suivant elle, il n'existe qi
principes éternels distincts, un Dieu
Vichnou, et des âmes placées à l'égard de V
préme, dans la condition de serviteur à
quant au monde matériel, ses éléments exi
toute éternité dans l'Etre suprême qui les fa(
les dispose à sa guise lorsqu'il veut créer l'i
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212 LE BRAHMANISME
Trois actes constituent le culle de ce Dieu : donner
aux enfants l'un de ses mille-huit noms; l'adorer
par la parole en récitant ses louanges et les hymnes
des Védas, par le corps en secourant et protégeant
les malheureux, dans le cœur parla pitié, Tamour
et la foi ; enfin imprimer au fer rouge sur le bras
droit, le disque et sur le gauche la conque afin d'af-
firmer par cetle marque indélibile, la consécration
du fidèle.
Une autre secte très répandue dans la présidence
de Bombay, le Gouzerat et l'Inde centrale est celle des
Vallabhas fondée à la fin du quinzième siècle, par
Mahâprahhou Vallabhàtchârya, qui enseigne que les
âmes sont des particules, semblables à des éliucel-
les, de l'Ame suprême, par conséquent identiques
de nature et d'essence quoique momentanément sé-
parées d^elle. Les membres de cette secte sont sou-
vent nommés Gosains, corruption du sanscrit Gos
vami (( Seigneur des vaches » épithète de Krichna
adopté par eux comme représentation de l'Etre su-
prême. Toutefois, chez eux, la dévotion à ce Dieu a
peu à peu revêtu un caractère matériel et sensuel et
a dégénéré en pratiques licencieuses, excusées par
certaines légendes erotiques du mythe de Krichna.
Leurs excès en sont même venus à tel 'point que la
justice anglaise dut y mettre un frein en 1862.
Les Hindous eux-mêmes n'avaient pas attendu jus-
que là pour protester contre cette immoralité: dès
1780. un membre de la secte, Svâmi-Nârâyana, ne
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LE BRAHMANISME 213
craignit pas de dénoncer hautement ces erreurs et
ces vices, et vers Tan 1800 institua une sous-secte
réformée qui porte son nom.
De bonne heure aussi l'immoralité régnant dans
le culte de Krichna, Tabus des sacrifices sanglants
et l'idolâtrie avaient suscité le dégoût dlndiens
éclairés, et vers le commencement du seizième siè-
cle, ces sentiments trouvèrent leur interprète en la
personne de Kabir, le fondateur de la secte réfor-
mée des Kabir-Panthis, dont la doctrine, fortement
imprégnée, à ce qu'il semble, d'idées musulmanes,
préconise le culte d'un Dieu unique, Vichnou (qui
peut cependant être représenté par ses incarnations
Râma et Krichna), interdit l'idolâtrie et les sacrifi-
ces d'animaux, et impose à ses adhérents une stricte
moralité de vie.
Ainsi que leur nom l'indique, les Çaivas ou Çimï-
îes adorent Çiva à la fois comme Etre suprême uni-
que, éternel, existant par lui-même, mais person-
nel, et comme Dieu personnel quelque peu matéria-
lisé de la destruction et de la régénération, bien que
dans ces dernières fonctions il n'agisse que par l'in-
termédiaire de ses Çaktîs (1), de ses fils et de ses
émanations qui, du reste, partagent avec lui leur
culte lorsqu'ils ne l'éclipsent pas dans la dévotion
de la masse du vulgaire. Le plus souvent Çiva lui-
même est adoré sous la forme matérielle du Linga,
(1) Voir p. 181.
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214 LE BRAHMANISME
symbole de ses attributions génératrices. Les ÇivaF
tes, tout en identiflant Çiva avec TAme universelle,
professent la doctrine de la dualité (dvaita)^ c'est à-
dire de la nature distincte de l'essence divine de
Çiva et des âmes, i^ar suite, pour eux le salut ou dé-
livrance finale ne consiste pas en l'absorption dans
cette essence, mais dans une union consciente, et
sans destruction de la personnalité, avec Civa dans
son paradis de Kailâsa. Tous les Dieux, y compris
Brahmâ et Vichnou lui-môme, ne sont que des ma-
nifestations ou des formes sensibles (mot^rfi) créées
par Çiva afin de se mettre à la portée de tous les de-
grés d'intelligence, et c'est lui qui reçoit en réalité
le culte qu'on leur rend. « Quel que soit le dieu
qu*un homme adore avec foi et amour, dit le Siva
Gnâna Sidcihiar (I), Çiva reçoit son culte, exauce
ses demandes et se révèle sous cette forme dans le
cœur de cet adorateur. »
La marque sectaire qui distingue les Çivaïles
d'une façon générale consiste en trois traits hori-
zontaux de couleur blanche dessinés sur le front, la
poitrine et les bras, auxquels certaines sectes parti-
culières ajoutent l'impression au fer rouge de l'un
des attributs de Çiva: linga, trident, ou tambour
(damaru). Bien que le culte rendu à Çiva soit sensi-
blement le même pour tous ses fidèles, qui Tadorent
(1) Livre tamoul composé, dit-on, par Arunaodi Çivâcârya,
vers le IX* siècle de noire ère.
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LE BRAHMANISME 215
par des sacrifices sanglants, par des' mortifications
et des pratiques de tortures corporelles crui '
volontaires dont les Sannyasis donnent joi
ment des exemples bien connus par les ré(
voyageurs, les Givaïtes se divisent en plusiei
tes différenciées par l'adoption spéciale de V\
nombreuses formes de ce Dieu, et par les sti
sectaires qu'ils impriment sur leurs memb
nombre de ces sectes est d'ailleurs beaucou{
dre que de celles des Vichnouites. Au ne
siècle de notre ère Çankarâtchârya en compt
qu'il désigne par les noms de Çaivas, Raudr;
gras, Bhattas, Jangamas et Pâçoupatas; la |
d'entre elles n'existent plus aujourd'hui en tt
communautés organisées et se sont fondues c
trois sectes des Lingavats ou Lingaites, des Ja
et des Pâçoupatas,
Les Lingavats portent, pour se distinguer, 1
du linga sur leur front et un petit linga de
ou de métal suspendu à leur cou par un cord
adorent Çiva sous la forme du linga par des oi
de parfums, des libations d'eau du Gange, c
fraudes de feuilles de vilva et par des sa(
d'animaux, principalement de moutons et de
Ils sont généralement méprisés comme hère
par les autres Hindous, à cause de leur répuc
des distinctions de castes, de leur négation di
torité des Védas et des brahmanes, de leur
gence des sacrifices brahmaniques et de leu
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21t) LE BRAHMANISME
tume d'enterrer les morts au lieu de les brûler.
La secte des Jangamas vénère surtout en Çiva le
terrible ascète type, modèle et patron des Sannya-
sis, à la chevelure nattée (d/ata) en désordre, lecorps
émacié par les mortifications, couvert de cendres,
vôlu d'une peau d'éléphant, de daim noir ou de ti-
gre, paré d'un collier et d'une ceinture de crânes hu-
mains, et de serpents enlacés autour de ses bras en
guise de bracelets. Leur stigmate sectaire est le tri-
dent (triçûla) et ils portent d'ordinaire un linga de
pierre suspendu à leur cou. Actuellement, cette secte
ne parait plus avoir qu'un petit nombre d'adhérents.
Beaucoup plus nombreux que les membres des
autres sectes, principalement dans l'Inde du Sud,
sont les Pâçoupatas (1) qui impriment le linga sur
leur front, leurs bras, leur poitrine et leur ventre ;
mais ils sont partagés en deux groupes ou sous-sec-
tes, séparés seulement, du reste, par une conception
plus philosophique que religieuse de la nature et de
la formation de l'univers. Les premiers — qui de-
vraient rationnellement s'appeler Pdçapaçoupaîas —
considèrent l'univers comme composé de trois
principes, ou entités, éternels et distincts, mais dont
les deux derniers sont dépendants du premier :
Pati (( le Seigneur » (Içvara, Çiva) ou Pâçoupati « le
maître du troupeau » ; Paçou «lesâmesou les êtres »
(littéralement « bétail, troupeau ») ; Pâça «corde,
(1) Pâçupata.
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LE BRAHMANISME . 217
entrave, lien », la matière qui lie et retient l'âme
dans le monde matériel comme une corde attache
un animal (1). Les autres — confondant en un même
tout les âmes et la matière, ou considérant cette der-
nière comme un pur mirage illusoire produit par la
Mâyâ (puissance magique) d'Içvara — n'admettent
que deux entités, Pati et Paçou. Les uns comme les
autres adorent Çiva dans les différentes formes sous
lesquelles il se manifeste et prétendent parvenir à
s'unir mystiquement avec lui, non seulement par la
dévotion, la foi, les mortifications et la méditation,
mais même par des chants et des danses accompa-
gnées de gestes frénétiques devant produire par réac-
tion un état d'extase.
En plus de ces sectes, pour ainsi dire orthodoxes,
nous devons signaler encore les Sauras, adorateurs
du soleil ; les Ganapatyas qui font de Ganéça le re-
présentant de l'être suprême et dont les pratiques
religieuses, ainsi que nous Tavons vu (2), sont sur-
tout répandues dans les campagnes ; les Lokayatas,
matérialistes et athées qui nient l'existence des
dieux, des paradis et des enfers, ou du moins qui
les assimilent aux joies et aux maux terrestes, et ne
reconnaissent point d'autre divinité que la femme ;
et enfin les Çâktas, peut-être plus nombreux qu'on
ne se le figure, étant donné le soin qu'ils mettent à
(1) E. s. W^ Sénathi-Râja : Quelques remarques sur la secte
Çivaïte chez les Indoua de l'Inde du Sud.
(2) Voir p. 180.
13
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218 LE BRAHMANISME
cacher leur affiliation à cette secte, à bon droit fort
ée.
isi que leur nom Tindique, les Çâktas adorent
alement la Çaktî (épouse et énergie active) du
suprême. Ils appartiennent également au Vich-
me et au Çivaïsme, mais de préférence au Çi-
le, et se divisent en deux branches, les Vak-
-mârgis « adorateurs de la main droite » et les
rmârgis « adorateurs de la main gauche ». Bien
1 aient une préférence marquée pour la divi-
[éminine, les Dakchina-mârgis adorent aussi
lou et Çiva, mais exclusivement sous leur forme
)gyne. Ils prétendent régler leurs croyances,
pratiques et leur culte sur les Pourânas et ob-
nt une décence convenable dans leurs cérémo-
sans rites mystiques ni mystères. Les Vâma-
is, au contraire, adorent exclusivement les Çak-
e Çiva sous les formes de Pârvatî, Kàlî ou
^â, celle de Vichnou en la personne de Hâdhâ,
îtresse préférée de Krichna. Ils empruntent aux
as les rites et les pratiques de leur culte, et
leurs cérémonies secrètes et nocturnes, rigou-
ment interdites aux profanes, ils adorent la
e de leur choix en la personne d'une femme
avec des rites orgiaques indescriptibles, dans
els ils violent les prescriptions les plus respec-
u brahmanisme, entre autres la prohibition de
rer ou même de boire des liqueurs alcooliques
le de manger la chair des animaux et des pois*
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LE BRAHMANISME 219
sons. Ils ont eux-mêmes tellement conscience de
rimmoralité et de l'infamie de leurs pratiques, qu'ils
se cachent soigneusement pour les accomplir et
qu*aucun d'eux n'oserait avouer publiquemei
fait partie de la secte. Ces sortes decérémoni
accompagnées des rites magiques enseignés
Tantras comme exerçant une influence tout
santé sur la volonté des Dieux et l'ordre d
ments, incantations, formules (mantrasetbija
clés magiques (fc/iafera etmandala), gestes myj
(moudra), de tout temps employés par la son
indienne (1).
A ces sectes principales, toutes plus ou moi
tachées à l'Hindouisme, il convient d'en ajout
autre encore qui s'en est plus nettement sép
constituée en religion indépendante, cell
Sikhs (2) fondée à la fin du quinzième siëc
Nâpak (1469-1538), auteur du livre sacré de la
V Adi-Gi^antha ou « Livre par excellence». S
tr9dition de ses fidèles, Nânak naquit d'une i
brahmanique dans un petit village des envir
Lahore. Au moment de sa naissance, tous les
Hindous manifestèrent leur présence dans le
proclamant la venue d'un sauveur du monde,
plus tendre enfance, il fit preuve d'une pr
d'intelligence et de savoir miraculeuse par s
(1) Voir, V. Henry ; La Magie dans l'Inde ancienne.
(2) Du Sanscrit Çisya a disciple ».
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LK buahmanisme:
mnaissance des écrituressacréesà l'âge où les
enfants commencent à peine à les étudier, et,
tation des anciens sages, passa sa jeunesse à
e temple en temple, dans toute rinde(onpré-
ême qu'il alla jusqu'à la Mecque) cherchant
nation des mystères de la religion et la solution
)blèmes sociaux de sou temps, voyages pen-
squels il acquit une connaissance parfaite de
isme et put se pénétrer des vices de Tin-
le. Enfin, un jour, dit-on, il fut ravi person-
ent au ciel en la présence d« Vichnou lui-
de qui il recul mission de rénover son culte
terre sous le nom deHarl. En réalité Nânak,
proclamait disciple de Kabir, ne paraît pas
îu jamais l'intention d'instituer une religion
le, mais simplement de prêcher, à l'exemple
jcoup de ses devanciers, une réforme philoso-
> de l'Hindouisme en le dégageant de ses su-
ions, de ses sacrifices sanglants, de son poly-
e, de son idolâtrie et du fléau des castes, et
ien marquer son rôle d'instituteur religieux,
lonna jamais que la titre de Gourou « maître »,
également par ses successeurs à la tête de la
On a souvent soupçonné Nânak d'avoir été
inan ; il a certainement connu les doctrines de
isme et a puisé en elles son aversion de l'ido
ses idées monothéistes et son rejet de l'auto-
s brahmanes, mais à part ces trois points il
jours resté foncièrement Hindou. Même son
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LE BHAHAJANISME
monothéisme confine encore avec le panlh
brahmanique dans sa conception de l'Etre su]
auquel il donne indifféremment les noms de
Paramêçvara (1), Brahma et même Govinda (2),
que de la création de l'univers émané de Tesseï
Paramêçvara dont il ne paraît distinct que pa
illusion créée par sa Mâyâ, et dans sa doctrine
védântine du salut obtenu seulement par k déi
à Hari et la répétition incessante de ses noms s
enseignés par le maître spirituel ou Gourou. A
vérité près, sa morale, elle aussi, ne diffère en ri
celle prêchée dans tous les temps par les i
grands sages de l'Inde. Sa doctrine paraît
fois caractérisée par un effort en vue d'amen
rapprochement entre l'Hindouisme et le Mal
tisme.
Sous les huit premiers successeurs de Nànî
religion des Sikhs a conservé fidèlement le can
d'une secte purement philosophico-religieuse ;
le neuvième de ces pontifes, Govind-Sinh, po
pondre aux persécutions de l'empereur Aurer
transforma sa secte en une communauté gue
dont l'existence tout entière fut consacrée ji
nos jours, à combattre sans trêve ni merci les I
métans et qui, à l'exemple de ses persécu
s'efforça de propager sa croyance par le fer et
(1) Seigneur suprême.
(2) L'une des épithëtes de Kriclma.
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222 LE BRAHMANISME
feu. On sait que les Sikhs constiluent aujourd'hui
te de l'armée anglaise dans Tlnde.
îs Castes. — S'il est permis de se demander si les
es, à part probablement celles des brahmanes,
jamais eu dans rinde ancienne, le caractère rî-
reusement fermé que leur attribuent Manou et
lutres auteurs de Dharma-Çâstras, il est incon-
ible qu'elles ont joué et jouent encore un rôle
tal dans la société indienne moderne (1). Mais il
reconnaiire aussi qu'elles ont subi des modifica-
s profondes et ne ressemblent plus guère, en
il de leur exclusivisme, à celles de l'ancien
ps, autant du moins que nous pouvons nous les
»laer d'après les prescriptions, certainement
Itérées, des livres sacrés et surtout des Dharma-
ras qui paraissent proposer, à ce point de vue
me à bien d'autres, un idéal Ihéologiqué dont
plication à la vie courante doit avoir été de tout
ps à peu près impossible sans de larges et fré-
ates concessions aux nécessités de Texislence so-
5. Telle qu'elle est aujourd'hui encore, la caste
;titue la base intangible, en dépit de ses méfaits,
a société hindoue, qu'elle^éparpille en fractions
iles les unesauxautres, le plus grand obstacle à ses
^rès. On peut croire ou ne pas croire aux dogmes,
dévot ou athée, observer ou mépriser les céré-
Voir, E. Sénart : Les Castes dans l'Inde.
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LE BRAHMANISME 223
monies et pratiques du culte ; mais on reste malgré
tout dans le giron de l'Hindouisme tant qu*on res-
pecte les préjugés de caste. Perdre sa caste est le
plus terrible malheur qui puisse frapper un Hindou ;
c'est la mort civile absolue, l'interdiction d'hériter,
de posséder, de tester, d'adopter; c'est une excom-
munication aussi formidable dans ses effets que
celle que l'Europe a connue au Moyen Age ; l'infor-
tuné qui en est atteint, ne peut non seulement plus
pénétrer dans un temple ou assister à un sacrifice
funéraire, sa présence est une souillure pour qui-
conque l'approche ; nul ne peut lui parler, lui don-
ner, quelle que soit sa détresse, ni nourriture ni eau ;
sa femme et ses enfants eux-mêmes .l'abandonnent
sous peine de partager la réprobation répandue sur
sa personne; une expiation longue jet sévère peut
seule le faire absoudre et rétablir dans ses droits re-
ligieux et sociaux.
Les castes anciennes n'existent plus de nos jours,
sauf celle des brahmanes, ou plus exactement ne
sont plus qu'une désignation nominale. Certes il y a
de nombreuses familles qui se targuent encore d'ap-
partenir aux castes kchatriya ou vaiçya, et s'énor-
gueillisent du titre deDvidja; mais, de l'aveu des
Hindous eux-mênjes, les nécessités de l'existence et
les alliances avec des classes inférieures, réprouvées
parla loi religieuse et lolérées, par force parla so-
ciété, ont amené dans leur sang une telle confusion
que ce ne sont plus, à proprement parler, des repré-
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LE BRAHMANISME
sentants de ces deux hautes castes, subdivisées
d'ailleurs en innonibrables sous castes qui semépri-
sent ou se jalousent mutuellement et considèrent
comme une souillure toute relation ou alliance de
l'une à l'autre. Quant à leur titre de Dvidja, le seul
privilège qu'ils en aient gardé est le droit à Tinitia-
tion brahmanique et au port du cordon sacré de
chanvre ou de laine, que beaucoup du reste négli-
gent de porter dès qu'ils sont sortis de Tadolescence.
Malgré leur prétention à la préservation parfaite
de la pureté de leur race et au respect religieux dont
même les plus indignes sont entourés, on peut ea
dire autant des brahmanes eux-mêmes. Eux aussi
se divisent en nombreuses castes qui affectent de
n'avoir aucune alliance non seulement d'une pro-
vince à Tautre, mais encore dans la même province
ou dans la même localité. Naturellement, l'exemple
donné par les classes supérieures a été suivi par les
Coudras; puis par tous les rejetés, les hors-castes,
qui, eux aussi, se sont groupés en castes et sous-
castes rigoureusement fermées, et enfin par les popu-
lations de races anâriennes, à mesure qu'elles parve
naient à s'introduire dans les rangs de l'Hindouisme
peut être même par ambition de s'y faire admettre,
quelque inférieure que fût la place qui leur était
accordée.
Qu'est ce donc que la caste telle qu'on la voit fonc-
tionner actuellement dans rinde?
A première vue, et même d'après les noms de ses
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LE BRAHMANISME 225
fractions, il semble que la caste ait pour base la pro-
fession. Peut-êlre en a-t-il été ainsi clans le principe ;
peut-être ce point de départ est-il encore en partie
vrai pour les brahmanes séparés en castes distinctes
selon qu'ils se vouent au sacerdoce, ou à d'autres
professions ; mais à coup sûril ne répond pas à l'or-
ganisation actuelle des autres castes, car, d'un côté,
une môme profession peut constituer plusieurs
castes (on en compte, par exemple, trente parmi les
cultivateurs et dix parmi les scribes ), et de l'autre,
les membres d'une même caste exercent fréquem-
ment des professions et des métiers différents. La
caste paraît être plutôt un groupement, naturelle-
ment héréditaire, d'individus réunis par des usages
et des préjugés communs, tantôt religieux, tantôt
purement sociaux, qui a pour caractéristique prin-
cipale l'interdiction pour ses membres de contracter
mariage et de prendre ses repas avec ceux d'un
autre groupement, à son tour tout aussi exclusif sur
ces points. Chacun de ces groupements possède un
chef et un conseil (Pantchayet) chargés de prononcer
en cas de contestations entre ses membres et exer-
çant une juridiclion reconnue par la coutume com-
pétente pour prononcer certaines peines, entre
a'Jtres Texclusion temporaire ou définitive d'un dé-
linquant ou d'un criminel, et ayant également le
pouvoir de décider la réintégration le cas échéant.
Renoncer ouvertement à la caste équivaut à. sortir
de la société hindoue, aussi les réformateurs les plus
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LE BRAHMANISME
eux ont-ils toujours reculé à l'attaquer d'une
rop directe. Cependant, ainsi que nous Tavons
rtaines sectes religieuses, sans en prescrire
lement Tabandon, professent de n'en tenir
3 et admettent sans distinction de rang ou de
tous les adhérents de bonne volonté. On
ssi qu'au pèlerinage solennel de Djaggannâtha
erins de toutes castes sont confondus dans une
promiscuité et doivent prendre en commun
as préparé par les prêtres du temple. Il est
l'à la porte du sanctuaire, chacun s'empresse
"endre son rang et ses préjugés (1).
ir E. Senart : Les Castes dans VInde.
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IV
BRAHMA-SAMADJ
Ce résumé, déjà trop succinct, du Brâh
serait incomplet si nous ne disions au m(
ques mots de la réforme qui, depuis prèsd
tend à s'opérer dans la religion et la soi
doues, suivant des tendances et avec des f(
verses comprises habituellement sous le
lectif de Brâhma-Samâdj (1). ^
Il n'avait pas été besoin d'attendre ju
jours pour que des penseurs indiens décc
les contradictions, les erreurs et les vices
manisme, et nombreux sont les réformateu
«urgi de la terre de l'Inde proposant, cli
vaut sou tempérament, ses vues persoii
Tétat d'esprit de son temps, les moyens q
raissaient propres à épurer la morale publi
(1) On emploie de préférence le terme bengali
samaj.
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ÎS hE BRAHMANISME '
ager la religion de ses monstruosités mytholo-
iques et rituelles et à la ramener à un idéal de
ureté et de simplicité grandioses qu'ils croyaient
itrevoir soit dans les hymnes enthousiastes du
ig-Véda, soit dans les spéculations hardies des
ieilles Oupanichads. Longtemps avant notre ère,
est au nom de la morale et de la raison que Mabâ-
îra et Gautama s'élevaient contre l'autorité des
râlimanes, la cruauté des sacrifices d'animaux,
abus des mortifications corporelles et l'injustice
es castes, et instituaient les religions plus pures du
jainisme et du Boudhisme. Plus près de nous, nous
3yous la pléiade des Râmanoudja, Râmànanda,
cbaitanya, Nârâyana-Svâmi, Kabir, Nânak et tant
autres, combattre de toutes leurs forces sans grand
jccès d'ailleurs, les superstitions, les pratiques im-
loraies, le polythéisme, l'idolâtrie et s'efforcer, in-
)nsciemment peut-être, à transformer le pan-
léisme hindou en monothéisme.
iVJais c'est à notre époque qu'il appartenait de s'é-
ver plus haut et d'étendre les réformes, jusque-là,
urement d'ordre religieux et philosophique, à la
)nstitution même de la société, en détruisant les
bus et en améliorant la condition morale, intellec-
lelle et physique de la population. Il est certain que
1 contact des Européens, l'expérience de leurs ins-
tutions, l'infiltration si superficielle qu'elle ait pu
Te, de leurs idées dans les hautes classes en rap-
orts fréquents avec eux, l'ambition de s'élever à
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LE BRAHMANISME
leur niveau, surtout la fondation
ges et d'universités où de jeunes
l'instruction de maîtres europée
beaucoup dans l'extension de ce r
forme que le gouvernement de 1
encouragé de tout son pouvoir.
L'bonneur du premier pas dans
à l'illustre Râm-Mohun Roy (1774
dhânagar, dans le district de Mu
grande famille de brahmanes, il
Vichnouisme orthodoxe le plus f(
l'empêcha de se révolter dès son
les superstitions et les pratiques
coreligionnaires. A seize ans, il i
cule contre Tidolâtrie qui souleva
dale parmi ses proches et l'oblig*
un temps la maison paternelle, 1
mita profit pour aller étudier la li
et arabe à Pâtna, le brahmanisme t
et le boudhisme au Tibet. On dit i
le grec, le lalin et l'hébreu afin de
les livres sacrés des autres religions
originale.
La mort de son père, survenue
chit des ménagements qu'il avai
qu'alors et il devint de plus en
ses controverses, tout en évitan
toute démarche susceptible de lui
caste, ce qui non seulement Teut p
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LE BRAHMANISME
fortune qui devait être Tune de ses armes les plus
puissantes, mais encore lui eut enlevé toute considé-
ration et autorité auprès de ses compatriotes. Il eut
cependant le courage d'accepter des fonctions du
gouvernement et remplit pendant plusieurs années,
la charge de Devân ou conseiller des juges et des
collecteurs d'impôts des trois districts de Rangpour,
Bhâgalpour et Râmgard, fonction dans laquelle il
sut rendre de signalés services à son pays. A ce mo-
ment, il fit paraître un nouveau livre sur « l'Idolâtrie
de toutes les religions » et bientôt après entreprit une
campagne vigoureuse contre l'immolation des
veuves, qui aboutit, en 1829, à Tinterdiction des
Satîs, par un bill du Parlement anglais.
Pénétré du désir de ramener ses coreligionnaires à
la doctrine pure des Védas, il avait fondé, à Cal-
cutta, en 48i6, VAtmiya-Sabhâ ou « société spiri
tuelle » pour la discussion des questions de philoso-
phie et de religion. L'admission d'Européens à ces
réunions, et la publication en 1820, de son livre des
;( Préceptes de Jésus )>, firent accuser Râm-Mohun-
Roy, de s'être converti au christianisme, accusation
toute gratuite, car il resta toujours foncièrement
Hindou et n'eut d'autre objectif qu'une tentative de
réconciliation entre les religions. Les relations ami-
cales qu'il avait liées en 1828, avec le missionnaire
anglican W. Adam, lui suggérèrent l'idée d'organi-
ser, sur le plan des services protestants, des assem-
blées hebdomadaires consacrées à la lecture de
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LE BRAHMANISME 231
textes védiques, accompagnée de sermons et de
chants d'hymnes, auxquels les femmes étaient ad-
mises ; ce qui Tamena, en 1830, à fonder sous le nom
de BrahmaSahhà ou Brahmiya-Samâdj la première
église hindoue réformée, dans un édifice construit et
entretenu à s^s frais, « où hindous, chrétiens et
mahométans pussent venir prier ensemble )). C'est
sur ces entrefaites que l'empereur de Delhy lui con-
féra le titre de Râdja ou prince et l'envoya comme
ambassadeur en Angleterre pour défendre ses droits
devant le Parlement, voyage au cours duquel Râm-
Mohun-Roy mourut à Bristol, en 1833.
Mais son œuvre ne périt pas avec lui. Après avoir
végété quelque temps sous les deux successeurs de
Râm-Mahun-Roy, Dvârkanâtha Tagore et Râmat-
chandra Vidyâbâgish, le Brâhma-Samâdj prit un
nouvel essort après la fusion avec lui de la TaUm-
bodhinîsabhâ « société pour l'enseignement de la
vérité )), que Dévendranâtha Tagore, fils du précé-
dent, avait fondée avec quelques jeunes Hindous. 11,
prit alors le nom d^Adi-Brâhma-Samâdj et enfin
en 1844, celui de Brâhma-Samâdj de Calcutta pour
le distinguer de quelques autres Brâhma-Samâdj
institués dans d'autres localités. Le programme de
cette religion peut se résumer en « adoration d'un
Dieu unique par un culte d'amour et de bonnes
œuvres ». Elle progressa si rapidement qu'en 1847,
elle comptait 777 églises dans les différentes parties
de l'Inde. Cependant, des divergences de vue s'étant
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^32 LE BRAHMANISME
produites entre les membres de cette Eglise, Déven-
dranâtlia ïagara s*en sépara en 1850 et se mit à la télé
d'une nouvelle communauté qui se dénomma
Jirahma-Dharma « religion de Brahma ». Védânliste
avec des tendances panthéistes, elle prétendait ap-
puyer ses doctrines sur les Védas, les Brâhmanas
et les Oupanichads et proclamait que son but était
non de détruire, mais de purifier l'ancienne religion
et les mœurs, de corriger les vices et les abus de la
société, tout en tenant compte du caractère et du
tempérament du peuple.
Sur ces entrefaites, Je Brâhma-Samàdj reçut une
mpulsion nouvelle par l'accession dans ses. rangs,
d'un jeune homme enthousiaste et plein d'idées gé-
néreuses, Kehab Chander Sen (1838-1884) qui, pen-
dant quelques années, joua un si grand rôle dans la
société indienne par Ténergie et le dévouement avec
lesquels il poursuivit les deux réformes dont il
s'était fait le champion: l'interdiction des mariages
d'enfants et le droit pour les veuves ae se remarier.
Toutefois, son caractère entier et autoritaire à ou-
trance lui créa bientôt de telles difficultés avec
les autres chefs de la communauté qu'il s'en sépara
en 1866, pour fonder une nouvelle Eglise dite delà
((Nouvelle Dispeusation ». L'histoire de cetle Eglise
tient tout entière dans celle de Chander Sen lui-
même; elle ne prospéra guère et ne survécut qu'avec
peine à la mort de son fondateur, qui de son vivant,
s'était aliéné les amitiés les plus fidèles par son au-
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LE BRAHMANISME 2 )3
toritarisine, ses tendances vers le christianisme pro-
testant et par la contradiction où il se mit avec ses
propres doctrines, en mariant sa fille, âgée seulement
de quatorze ans, au Mahârâdja de Koutch Bihâr qui
n'avait lui mêm€ que seize ans.
Etant donné Tétat des esprits dans l'Inde, une réac
tion était inévitable contre les tendances chrétiennes
de Chander Sen et de plusieurs des Brâhma Smàdjs
indépendants. Elle trouva son interprète dans le
brahmane Dayânanda Sarasvati qui fonda en 1870,
sous le nom d'Arya-Samâdjj une société religieuse
en vue de ramener la religion et le culte à la simpli-
cité védique primitive. L*Arya-Samâdj se déclare
adversaire de l'idolâtrie, du polythéisme et du pan-
théisme, n'admet l'existence et Tadoration que d'un
seul Dieu unique, mais admet le dogme de la mé-
tempsycose. C'est une sorte de brahmanisme philo-
sophique basé sur les quatre Védas à l'exclusion des
Brâhmanas et des Pourânas. Il a inscrit dans son
programme, l'interdiction des mariages d'enfani?,
l'amélioration de la condition des femmes et l'ins-
truction du peuple; œuvre à laquelle Dayânanda
Sarasvatî a consacré par testament sa fortune en-
tière.
Actuellement, le mouvement de réforme provoqué
par le Brâhma-Samâdj se répand de plus ea plus
dans l'Inde, où presque chaque année voit éclore
quelqu'une de ces églises. A l'heure présente, deux
courants les sollicitent : l'un purement hindou siii-
14.
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LE BRAHMANISME
tracée par Tagore et Sarasvatî, l'autre
traîné vers le christiaDisme et ouverte-
agé -par le gouvernement et les sociétés
anglo-indiennes. A l'avenir de décider
3rtera.
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TABLE DES MATIÈRES
Bràluiiaiii(iiiie
Les Védas
Les Dieux
Les Démons
Le sacrifice
Morale. Immortalité de lame. Transmigration.
Brahmaniame philosophique
Littérature sacrée
Ecoles philosophiques
Mythologie
Cosmogonie
Les Castes
Cultes et sacrements
Transmigration
Institutions sociales
lIlBdoatame
Littérature
Mythologie
Création. Cosmogonie
Culte
Les Sectes
Les Castes
Le Brâhma-Samâdj
Index bibliographique
Châteauroux. -rr imp. Langlois
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