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Full text of "Le Combat spirituel"

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lé  co:     it 

S  P I R I TC 

'Dans  lequel  en  trouve  1: 

plus  lùrs  pour  va' 

Se  triompher  du  Vice;  augmenté  de 

la  Paix  de  L'Ame ,  du  Bo*Ju 
.    d'un  Coeur  qui  meurt  à  lu 

pour  vivre  à  Dieu  j   &  de  Pc;:- 
lort. 

ofd    en    Italien  -par  le  R.  *P \  ^ 
D.Laurhjt  Se  rJ  poli,  Cl 
■  Régulier  Théatin,  &  traduit 
Françoi*  par  leP  l-  Brig  n  o  n, 
de  la  Compagnie  de  JESUS. 

Du  Fonds  de  M-  L^iaRcrEBU 

A    P  A  RI 

Chez  DURAND  ,  L'brair:  ,  rue    . 

M.    DCC.    LXXI  V. 
Avec  Approbation    &    Privilè 


X 


s      *         A 


AVERTISSEMENT 

BU    LIBRAIRE. 

JL  our  connoître  l'excellen- 
ce du  Livre  iutitulé  le  Combat 
Spiritudyïï  fuffit  de  ïireîesLet- 
tresdeS.  François  de  Sales:  on 
voit  dans  plufieursde  fes  Epî- 
tres  *  l'eftime  que  le  Saint  fai- 
foit  de  cet  ouvrage  ,  qu'il  ap- 
pelîoit  même  »  foncherLivre, 
i)  fon  Livre  favori  »  :  ce  font 
les  exprefïîons  rapportées  par 
M.  du  Bellay  ,  dans  l'efprit  de 
S.  François  de  Sa'es,  (  Edition 
en  fix  Volumes.)  M.  leCamus, 
Evéque  du  Bellay, ajoute.-  »Je 
»>  demandois  un  jour  au  bfen- 
3>  heureux  Evêque  de  Genève, 
33  qui  étoit  fon  Directeur  ?  il 

*  Liv.  i ,   Ep.  16  ,  ;  ç  ^  9  , 4, 8  ,  l.  }  % 
ZJh  %o  ,  l,  5  ,  Ep.  70  ,  Edit.  de  \6*% 

aij 


ïv       >    Averti  ornent 
:»  tira  de  fa  poche  le  Livre  du 
:»  Combat  Spirituel,  &hie  dit* 
D)  Voilà  celui  oui  avec   Dieu 
3>  m'enfeigna  dès  ma  jeunefTe; 
5>  c'eft  mon  maître  aux  exerci- 
j>  ces  de  la  vie  intérieure  ;  de- 
»  puis  que  j'étois  Ecolier  à  Pa- 
»  doue  ,  un  Théatin  me  l'en- 
3>  feigna  ,  &  me  le  confeilla  , 
dî  j'ai  fuivi  fon  avis  ,    &  m'en 
3)  fui?  bien  trouvé:  il  a  étécom- 
3î  pofé  par  un  S.  Religieux  de 
3)  cette  célenreCongrégation, 
33  qui  a  caché  fon  nom  particu- 
33  lier,&  qui  Ta  îaiîTé  fe  répan- 
3î  dre  fous  le  nom  de  fon  Infti- 
33  tut  33.  Te!  ePcle  témoignage 
authentique  de  S.  Françoisde 
Sales,  que  leCombatSpirime! 
eft  d'un  pieux  Religieux  de  la 
Congrégation  des Théatins.-ce 
pieuxReiigieuxeftlePereScu- 
poli  ,  mort  à  Napies  en  odeur 
de  fainteté  le  28   Novembre 


du  Libraire.  v 

1610  ,  étant   âgé  de  près  de 
quatre-vingts  ans.  Il  avoit  été 
reçu  par  S.André  Avellin,Su- 
périeur  de  la  Maifon  des  Théa- 
tins  deNaples  ;   il  Ht  profef- 
fion   *   le  2.6  Janvier   rj7i  > 
étant  âgé  de  près  de  quarante 
ans.  Il   demeura  enfuite  dans 
les  villes  de  Plaifance  ,  Milan, 
Gènes  ,  Venife  &  Naples  :  il 
vécut  toujours  dans  une  gran- 
de union  avec  Dieu  ,  une  ri- 
goureufe  pauvreté,  &  foutint- 
avec   une  patience  héro 
une  calomnie  affreufeque  fvif- 
cita  contre  la  pureté  de  fes 
mœurs  une  perfonne  du  mon- 
de ,  dans  un  tems  où  ce  di 
Prêtre  exerçoit  avec  un  g 

*    Cette  notice  fur  la  vie  du  P.  S 
m  été  communiquée  par  le  P.   de  7 
Tnèatin,*   Auteur  des  Conféreaces 
girafes  (  à  Paris  ,+cke%  Tiltiard  ) 
Conférence*   Ecciéfiaftiques   (  à    T 

2  iij 


vj  Averti  foment 

zèle  les  fondrions  de  fon  m£ 
niftère  ;  il  étoit  même  venu  à 
Gènes  dans  le  deflein  de  fecou- 
rîr  lespeftiférés.  Ce  digne  Re- 
ligieux adora  les  décrets  de 
la  Providence  qui  permettoit 
cette  calomnie  :  il  vint  à  Ve- 
nife  où  il  vécut  dans  la  retrai- 
te ;  uni  avec  Jefus-Chrift  hu- 
milié &  iouffrant ,  il  compofa 
le  Combat  Spirituel.  La  pre- 
mière édition  parut  à  Venife 
en  1 589  ,  &  il  y  en  eut  près  de 
cinquante  éditions  avant  la 
mort  de  l'Auteur;  la  première 
édition  de  1  ^89, n'eut  d'abord 
que  vingt-quatre  Chapitres; ce 
Livre  fut  peu-à-peu  augmenté 
par  l'Auteur  ,  &  quoique  quel- 
ques Traductions  Francoifes 
n'aient  que  trente-trois  Cha- 
pitres ,  cependant  dès  1608  , 
c'eft-à-dire  ,deux  ans  avant  la 
mort  du  P.  Scupoli ,  on  donna 


du  Libraire',  v}j 

à  Paris  une  Traduction  en 
foixante  Chapitres  avec  ce  tu 
tre  :  »  Le  Combat  Spirituel  , 
»  compofé  par  les  Prêtres  Ré- 
}>  guliers  ,  appelles  communé- 
»  mentThéatins  ;  &  par  eux 
3>  augmentédevingt-feptCha- 
5î  pitres  ».  L'Epitre  dédicator- 
re  du  Traducteur  elt  adreffee 
à  S.  François  de  Sales  ,  qui  vi- 
voit  encore  ,  &  qui  ne  mou- 
rutqu'em  6  iz.  Alexandre  VIK 
après  avoir  béatnié  ,  en  1659, 
le  faint  Evêque  de  Genève  , 
fit  dire  au  Général  des  Théa- 
tins  ,  le  P.  Bozomo  ,  qu'en 
y>  béatifiant  Saint  François  de 
»  Sales  ,il  avoitbéatifié  unen- 
»  faut  de  fa  Congrégation  1; 
puifque  le  S.  Evêque  avoitpuir 
fé  fa  piété  dans  la  Doctrine  du 
Combat  Spirituel.  Ce  fait  eft 
attefté  dans  une  lettre  du  P. 
Bozomo,  datée  de  Rome  lez*, 
aiv 


iij  AvtrtiJTcmcnt 
Février  ïZ6z  ,  qu'il  àcîrefla  à 
tous  les  Religieux  de  la  Con- 
grégation. Cette  lettre  a  été 
confervée  par  le  P.  Mezza  , 
dans  l'édition  latine  qu'il  a 
donnée  du  Combat  Spirituel. 
Cet  ouvrage  eft  Ci  excellent  , 
qu'il  a  été  traduit  non-feule- 
ment en  Latin  &:  en  François, 
mais  en  Anglois,en  Efpagnoî, 
en  Allemand,  en  Portugais,en 
Grec  ,  en  Arménien  ,  en  Fla- 
mand :  on  peut  voir  la  date  de 
toutes  ces  différentes  éditions 
dans  une  differtation  hiftori- 
que  fur  le  Combat  Spirituel , 
Smpriini  in-xz  ,  en  Latin  ,  à 
Vérone  en  1747  ,  dont  le  P. 
Contini  ,  Théatin  de  Venife  , 
eft  Auteur.  Entre  les  Tra 
tions  latines  ,  il  y  a  celte  ciu 
P.  Meazza,  Théatin  deMilan, 
imprimée  à  Dunich  ;  celle  du 
célèbre  Lorichius,  ProfeiTeur 


du  .Libraire^  ix 

dans  l'uni veïfitTde  Fribourg, 
Ôc  enfuite  Chartreux  ;  celle  du 
P.  Mazotti  ,  Théatin  de  Vé- 
rone, qui  étant  venu  à  Paris  , 
donna  ,  &  une  Traduction  la- 
tine ,  &  une  traduction  fran- 
çoife  ,  dont  il  y  a  eu  (  pendant 
l'efpace  de  quinze  ans ,  depuis 
1658  jùfqu'en  1673  )  cinq  é d i- 
tions.  Le  même  P.  Mazotti 
veilla  à  l'édition  Italienne  , 
donnée  en  1659  à  l'Imprime- 
rie Royale  à  Paris,  in  folio  ; 
on  voit  au  frontifpice  de  cette 
fuperbe  édition  le  nom  &  le 
portrait  du  P.  Scupoli  ;  ce 
pieuxAuteur  ayant  encorefait 
quelques  additions  à  l'ér 
divifée  en  foixanteChapitres , 
le  Combat  Spirituel  fut  diftri- 
bué  en  foixante-fix  Chapitres, 
Dès  Tannée  même  de  la  mort 
de  l'Auteur ,  c'eft-à-dire  ,  dès 
l'an    16 10  ,    l'édition    qu'en 


x  Avertijfemïnt 

donna  à  Boulogne  du  Combat 
Spirituel ,  parut  avec  le  nom 
du  P.  Scupoli  ;  plufieurs  édi- 
tions précédentes  avoient  paru 
par  humilité  de  l'Auteur,  tan- 
tôt fous  le  (impie  nom  du  Ser- 
viteur de  Dieu  ,  tantôt  fous  le 
nom  général  des  PP.  Théatins. 
Le  P.  Scupoli  eft  encore  Au- 
teur d'un  petit  ouvrage  inti- 
tulé ,  la  Faix  de  l'Ame  ou  le 
Sentier  du  Paradis ,  dont  on 
donne  ici  une  traduction*  Il  y 
a  encore  trois  opufcules  de  ce 
pieux  Auteur,  qui  ne  font  pas 
traduits  en  François,  i*.  La 
manière  d'aflifter  les  infirmes  ; 
20.  la  manière  de  réciter  le 
Rofaire  ;  30.  une  petite  addi- 
tion au  Combat  Spirituel  ,  di- 
vifée  en  trente  -  huit  petits 
Chapitres  ,  qui  eût  pu  faire 
une  féconde  partie  au  Combat 
Spirituel  7  fi  elle  eût  été  per- 


du  Libraire.  xj 

fe&ionnée  par  l'Auteur.  Les 
Méditations  fur  la  paffiondont 
on  a  même  donné  en  François 
une  traduction  dans  quelques 
éditions  du  Combat  Spirituel  , 
ne  font  pas  ,  dit  le  P.  Contini, 
du  P.  Scupoli  ;  mais  d'une 
perfonne  pieufe  nommée  Ve- 
rana.  Les  penfées  fur  la  mort 
&  les  prières  qui  font  à  la  fin 
de  cette  traduction  ,  ont  été 
ajoutées  pour  l'édification  des 
fidèles  par  le  Traducteur  ,  & 
ne  font  pas  du  P.  Scupoli,  non 
plus  que  les  prières  pour  la 
Méfie.  L'Epître  dédicatoire  , 
que  le  P.  Scupoli  mit  au  com- 
mencement du  Combat  Spiri- 
tuel ,  eft  une  offrande  de  fon 
Ouvrage  à  Jefus-Chrift  :  & 
cette  pieufe  Epître  fe  trouve 
à  l'édition  Italienne  du  Lou- 
vre ,  in-folio.  Le  P.  du  Bue  , 
Supérieur  desThéatinsde  Pa- 


xij  Aver.  du  Libraire. 
ris  ,  donna  en  1696  ,  une  tra- 
iâu&ion  du  Combat  Spirituel  ; 
celle  qu'on  donne  ici  eft  du  P. 
Brignon  ,  Jéfuite.  Cette  tra~ 
dudicn  du  P.  Brignon  a  tou- 
jours paru  depuis  1688  jufqu'à 
préfent  avec  un  nouveau  lue-. 
ces. 

S.  François  de  Sales  écrit  , 
(  Epitre  48  ,  livre  2  ,  )  qu'il 
porta  fur  lui  quinze-  ans  le 
Combat  Spirituel ,  &:  qu'il  le 
îifoit  toujours  avec  un  nou- 
veau profit  :  fuivez  cet  exem- 
ple, îifez  fou  venteet  excellent 
traité,  il  eft  tout  de  pratique  , 
dife  i:  le  S.  EvêquedeGenève. 
Le  feul  premierChapitrefurHt 
pour  éclairer  toutes  les  âmes 
fur  les  voies  de  la  vraie  rvieté 
&c  de  la  vraiefainteté;fuivezla 
doctrine  du  Combat  Spirituel, 
&  vous  vous  élèverez  à  une 
grande  perfection. 


AVERTISSEMENT 

du    Traducteur. 

7*  E  Combat  Spirituel  efi  un  de  ces  Ou- 
f  jvrages  ,  dont  Le  nom  feul  fait  Vt 

IL  contint  en  abrégé  tout  ce  qui  regarde  La 
vie  intérieure.  C'ejl  un  précis  des  grandes 
Maximes  de  L'Evangile  >  fur-tout  de  celles 
qui  vont  ci  mépris  &  a  l'abnégation  de 
foi-même.  On  ne  Le  peut  Lire  qu'en  n'en 
foitédijîè:  quiconque faura  s'enfervir  ,  de- 
viendra bientôt  un  homme  fpiruuel;  &  ap- 
prendra  en  peu  de  tems  à  fe  dézae  ht 
créatures  pour  s'attacher  au  Créateur.  J'en 
pourrois  produire  affe~  a'L>:empic3  ;  mais 
je  me  contente  de  celui  de  S.  Fran% 
Sales  j  qui  ,  pendant  près  de  vingt  ans., 
porta  ce  petit  Livre  far  foi  ,  &  qui  ,  à  for- 
ce de  le  lire y parvint  à  une  f:bii:ne  per- 
fection. Il  l'appelloït  fon  Directeur  3  & 
en  recommandait  fouvent  la  leclure  à. 
toutes   les  perfonnes  dont  il  gouv ernoit  la 

ence.  Ilnel'ejïimoit  pas  moins  que  le 
livre  de  l'Imitation  dejefus*  'S 

■  :mé  ne  la  'réJ  éi er.ee  en  quelqi 
fe  ,  p-  v  que  ces  deux  Ou 

xe  but  y  qui  efi  de  porter   les 
âmes  à  un  i  ut  ce 

qui  n' efi  pas  Dieu  ,  la  manièn 
fèrenr.e.  L' Imitation  de  Jefus-C  ri, l  eft  ut 
tijfu  de  plufieurs  Sentences  qui  n'ont  pas 


x'iv        Avertiflemeat 

toujours  trop  de  liafon  entr' elles  ;  mais 
Le  Combat  Spirituel  j 'des  difiours  fuivis 
&  traite  à  fond  les  matières.  Quoiqu'il 
en  f oit  y  il  Vavoit  Couvent  entre  les  mains. 
&  en  pajfou  pas  de  jour  qu'il  n'en  lût  quel- 
ques Chapitres  ou  quelques  pages.  Auj;i  l'on 
peut  dire  qu'il  s'eft  étudié  tant  qu'il  a  vé- 
cu y  à  en  prendre  l'efprit  &  qu'il  en  tiroit 
les  régies  dont  il  s'eft  toujours  fervi  pour 
acquérir  cet  empire  jï  abfolu  qu'il  avoit 
fur  fes  pajjions  3  &  fur  tous  les  mouvemens 
defon  coeur. 

Le  mérite  &  la  réputation  de  ce  Livre 
univerfellement  eflimè ,  excitent  encore  en- 
tre quelques  Ordres  Religieux  quelques 
doutes  fur  jbn  véritable  Auteur* '.  Les  RR. 
PP.  BénédiCtins  veulent  qui  cejoit  Don 
Jean  de  Caftanifa  3  Efpagnol  ;  Les  RR. 
PP.  Théatins  prétendent  que  c'efi  Don 
Laurent  Scupoli .,  Italien  ** ;  le  P.  Théo- 
phile Raimond ,  célèbre  Ecrivain  de  la 
Compagnie,  de  Jefus  ,  ajjure  que  c'efi  le 
P.  Achiie  Gegliardo  ,  Jefuite  >  &  fameux 
Prédicateur  en  Italie  ,  connu  3  efl'tmé  & 
chéri  particulièrement  de  S.  Charles  Bor- 
romée.  Je  ne  me  harardtrai  point  à  décider 
ce  différend  ,  quelqu' intérêt  que  j'y  puiffe 
avoir  ,-  car  outre  que  cela  demanderont  une 
trop  longue  di feu ffi 'on  t  j'aime  mieux  laijjer 

*  In  iniieulo  librorum  Afcericorum  , 
pag.  66. 

**  Erotemate  X.  de  bonis  ac  malis  U- 
bris ,  com.  n.  pag.  1*7, 


du  Tradu&eur.         3?r 

thacun  en  pojJef:on  de  fes  droits  que  de 
me  faire  des  ennemis  ,  en  me  déclarant 
ouvertement  pour  l'un  des   partis. 

Il  en  fera  donc  du  Combat  Spirituel  3 
tontine  de  l'Imitation  de  Jefus-Chrifi .,  on 
le  lira  éternellement  t  il  ftra  par-tout  de 
grands  fruits  ,  &  on  ne  faur a  jamais  cer- 
tainement qui  l'a  compofé.En  quelque  lan- 
gue qu'on  Fait  écrit  3  il  s'en  eft  bienfait 
des  Traductions  Latines  3  Angloifes  ,  Al- 
hmandes  ,  Francoifes  j  ajfe-ç  différentes. 
Gomme  on  a  trouvé  â  redire  en  ces  derniè- 
res ,  /bit  pour  la  fidélité  ou  pour  le  jlyie  , 
j'ai  tâché  de  corriger  les  défauts  que  j'y  ai 
remarques  ,  &  dt  rendre  le  fens  de  l'Au- 
teur j  fans  m' attacher  trop  aux  mots  & 
aux  phrafes. 

L'exemplaire  que  j'ai  choifi  pour  ma 
traduction  eft  Italien  ;  fous  le  nom  du  K. 
P.  D.  Laurent  Scupolï ,  Théatin  ,  &  tra- 
duit déjà  j  mais  mot  à  mot  ,  &  un  peu  trop 
fidèlement  par  le  R.  P.  D.  Olympe  Ma- 
^otti  t  aiilji  Théatin.  C'efi  apparemment 
celui  dont  parlent  les  PP.  Bénédictins  *  , 
lorfqu'ils  difent  que  D.Jean  de  Caftantfa  , 
Religieux  de  leur  Ordre  ,  eft  le  vrai  Au- 
teur du  Combat  Spirituel  ;mai  s  que  le  Père 
Laurent  Scupoli  l'a  augmenté  de  beaucoup. 
C'ejî  en  effet  le  plus  achevé  &  le  plus  am- 
ple de  ceux  qui  paroiffent  puifqu'il  con- 
tient foixante  -  fix  chapitres  ;  &  que  d'au- 
tres  n'en  contiennent  que  trente-trois.  Je 

*  In  indieulo  lib.  Afcec, 


x  v]  A  ver  tiïfe  m .  d  uTra  d  u  &e  u  r . 

n'y  ai  ',  finon  qu'au   lieu  que 

l'Auteur  adrejje  toutes  fes  infruclions  à 
une  perjpane  dévote  >  véritable  oujeinte, 
qu'il  nomw.e  fa  très-chere  Fille  en  J 
Chrifi  ,  Je  fais  parler  en  général  a  tous 
ceux  qui  liront  fort  livre  ;  ce  qui  me  fim- 
bUplus  conforn  t  a  notre  manière  t  &  au 
génie  de  notre  Lxngue. 


PRIERES 


PRIERES 
PENDANT  LA   MESSE. 

Ail  Commencement  de  la  Mejfe, 

JC  Aites-moi  la  grâce, ornon  Dieu, 
d'entrer  dans  les  difpoiîtions  où  je 
dois  être  pour  vous  offrir  digne- 
ment ,  par  les  mains  du  Prêtre  ,  le 
Sacrifice  redoutable  auquel  je  vais 
afîifter:  je  vous  l'offre  en  m'unif- 
fant  ai  x  intentions  de  Jefus-Chrift 
&  de  ion  Eglile  :  i°.  pour  rendre 
à  votre  divine  Majeflé  l'hommage 
fouverain  qui  lui  efl  dû  ;  2.0.  pour 
vous  remercier  de  tous  vos  bien- 
faits; 3®.  pour  vous  demande*  avec 
unca  ;ndemes 

péché;-  ;  .t°  êi  ;  steoù  t,  us 

les  fecoi  ;-s  qui  me  font  néceflàires 
pot,-,-  lefalut  de  me  ïame,  & 
de  moncorps.  J'eip  ?re  de  vous  tou- 
tes ces  grâces  pur  les  mérites  de 
Jefu-Chrifl  votre  Fils ,  qui  veut 
b 


xvîij  Prières 

bien  être  lui-même  le  Prêtre  &  la 

victime  de  ce  Sacrifice  adorable. 

Au  Confiteor. 


_  uoique  pour  connaître  m?s 
péchés  ,  ô  monDieu  ,  vous  n'ayez 
pas  befoin  de  ma  confefTion,&  que 
vouslifiez  dans  mon  cœur  toutes 
mes  inquités ,  je  vous  les  confe(Te 
néanmoins  à  la  face  du  ciel  &  de 
la  terre;  j'avoue  que  je  vous  ai 
offenfé  par  mes  Reniées  ,  par  mes 
paroles  &  par  mes  actions.  Mespé» 
chés  font  grands  ,  mais  vos  miféri- 
cordes  font  infinies.  Ayez  compaf.» 
fion  de  moi ,  ô  mon  Dieu.  Souve- 
nez-vous que  je  fuis  votre  enfant  , 
l'ouvrage  de  vos  mains,  le  prix  de 
votre  Sang. 

Vierge  fainte  ,  Anges  du  Ciel , 
Saints  ck  Saintes  du  Paradis  ,  priez 
pour  nous  ;  &  pendant  que  nous 
gémiflbns  dans  cette  vallée  de  mi- 
feres  &  de  larmes,  demartdezgrace 
pour  nous ,  &  nous  obtenez  le  par- 
don de  nos  péchés. 


pendant  la  'Mejfe.     xîx 
A  V Introït. 

Eigneur,  qui  avez  infpiré  aux 
Patriarches  &  aux  Prophètes  des 
defirs  fi  ardens  de  voir  defcendre 
votre  Fils  unique  fur  la  terre ,  don- 
nez-moi quelque  portion  de  cette 
fainte ardeur,  ôc  faites  que  malgré 
les  embarras  de  cette  vie  mortelle, 
je  reffenteen  moi  un  faint  empref- 
fement  de  m'unir  avec  vous. 

Au  Kyrie  ,  eleifon. 

J  e  vous  demande ,  6  mon  Dieu  ," 
par  des  gémufemens  &.  des  fou- 
pirs  réitérés  ,  que  vous  me  fafîïez 
miféricorde  ,  &  quand  je  vous  di- 
rois  à  tous  les  momens  de  ma  vie  , 
Seigneur ,  ayc\  pitié  le  moi  ,  ce 
ne  feroit  pas  encore  affez  poar  le 
nombre  &  pour  l'énormité  de  mes 
péchéi. 

Ail  Gloria  in  exee'Us. 

X*a  gloire  que  vous  méritez  ,  ô 
ni  )n  Dieu  >  ne  vous  peut  être  di- 
gnement rendue  que  clins  h  Ciel: 
bij 


XX  Prières 

mon  cceurfàît  néa  mioins  ce  qu/rl 
peut  fur  la  terre  ai 
exil  :  il  vous  lo  iit>il 

vous  adore  il  -.  vous 

rend  graces,&  vousreconnoîtpoùf 
le  Saint  des  Saints-  :  feul 

îeur  fouverain  Sz  de 

là  terre  ,  entroi  nés,  Père, 

Fils ,  6ê  Saint-Efprit. 


R, 


Aux  Oral  fans* 


AEcevez  >  Seigneur  ,  les  prières 
qui  vous  font  adreffées  pour 
accordez-nous  lesgraces  &îe»ver- 
tus  que  i'Eglffe  votre  époufe  vous 
demande  par  la  bouche  du  Prêtre 
en  notre  faveur.  îleft  vrai  quenous 
ne  méritons  pas  d  être  exaucés  ; 
mais  ccr.fidérezque  nous  vous  de- 
mandons cesgracesparJefus-Chrift 
Votre  Fils ,  qui  vit  &  règne  avec 
vous  dans  tous  les  fiécles  des 
jfiécles.^m<?  7z. 

Pendant  VE pitre» 


I 


E  regarde  cette  Epître,  ô  mon 
I>ieu  ,  comme  une  lettre  qui  me 


pendant  la  Meffe.  xxj 
vient  du  Ciel  pour  m'apprendre 
vos  volontés  adorables  :  accordez- 
moi,  s'il  vous  plaît ,  la  force  dont 
j'aibefoin  pour  accomplir  ce  que 
vous  m'ordonnez.  C'eft  vous,  Sei- 
gneur, qui  avez  infpiré  aux  Pro- 
phètes 6k  aux  Apôtres  ,  les  vérités 
qu'ils  nous  ont  laiiîées  par  écrit; 
faites -moi  part  de  leurs  lumières  , 
&  allumez  en  mon  cœur  ce  feu  fa* 
cré  ,  dont  ils  ont  été  embrafés;  aria 
que  comme  eux  ,  je  vous  aime  & 
je  vous  ferve  fur  la  terre  tous  les 
jours  de  ma  vie. 

A  l'Evangile. 

E  me  levé  ,  ô  fouverain  Législa- 
teur ,  pour  vous  marquer  que  je 
fuis  près  de  défendre,  aux  dépens 
de  tous  mes  intérêts  ,  &  de  ma  vie 
même  ,  les  grandes  vérités  qui  font 
contenues  dans  les  faint  Evangile. 
Donnez-moi,  Seigneur ,  autant  de 
force  pour  accomplir  votre  divine 
parole,  que  vous  m'infpirez  de  fer- 
me te  pour  la  croire, 

b  \\) 


XX)  j  Prières 

Pendant  le  Credo. 


ui ,  mon  Dieu,  je  crois  tou- 
tes les  vérités  que  vous  avez  révé- 
lées à  votre  fainte  Eglife.  Il  n'y  en 
a  pas  une  feule  pour  laquelle  je  ne 
voulufle  donner  mon  fang  ;  U  c'eft 
dans  cette  entière  foumiiîion  que 
m'unifiant  intérieurement  à  lapro- 
fefïion  de  foi  que  le  Prêtre  vousfait, 
je  dis  à  préfent  d'efprit  &  de  cœur, 
comme  il  vous  le  dit  de  vive  voix, 
que  je  crois  fermement  er*  vous 
&  à  tout  ce  que  rEgliie^croit  :  je 
protefte  à  la  face  de  vosAutels  que 
je  veux  vivre  &  mourir  dans  les 
fentimens  de  cette  foi  pure^Ôcdans 
le  fein  del'EglifeCatholiquej  Apof- 
tique  &.  Romaine. 

A  V  Offertoire. 

*^  uoique  je  ne  fois  qu'une  créa- 
ture mortelle  &  péchereiTe,je  vous 
offre  par  les  mains  du  Prêt: a.,  ô 
vraiDieu  vivant  &  éternel,  ce  pain 
&  ce  vin  qui  doivent  être  chr.ngés 
au  Ccrps&  au  Sangde  Jefus-Chrift 


pendant  la  MeJJe.  xxiij 
votre  Fils.  Recevez,  Seigneur  ,  ce 
Sacrifice  ineffable  en  odeur  de  fua- 
vité  ;  &  fouffrez  que  j'unifie  à  cette 
oblation  iainte  le  Sacrifice  que  je 
vous  fais  de  mon  corps  ,  de  mon 
ame,&de  tout  ce  qui  m'appartient. 
Changez-moi  ,  6  mon  Dieu  ,  en 
une  nouvelle  créature,commevous 
allez  changer  par  votre  puiffar.ce 
ce  pain  &.  ce  vin. 

Au  Lavabo. 

JL<Avez-moi ,  Seigneur ,  dans  le 
fang  de  l'Agneau  qui  va  vous  être 
immolé,  &  purifiez  juf'qu'aux  moirt- 
dres  fouiilures  de  mon  ame  :  atin 
qu'en  m'approchant  de  votre  iaint 
Autel  9  je  puiiTe  élever  vers  vous 
des  mains  pures  &.  innocentes , 
comme  vous  me  l'ordonnez. 

Pendant  la  Secret  te. 


Llcevez,  6  mon  Dieu,  le  Sa- 
cnficequi  vous  eftofîert  por.rl'hon- 
neur  &  la  gloire  de  votre  faint 
nom, pour  notre  propre  avantage, 
&  pour  celui  de  votre fainte  Egine; 
b  iy 


Xxîv  Prières 

c'eft  pour  entrer  dans  fes  inten- 
tions que  je  vous  demande  toutes 
les  grâces  qu'elle  vous  demande 
maintenant  par  le  miniftèredu  Prê- 
tre ,  auquel  je  m'unis  pour  les  ob- 
tenir de  votre  divine  bonté.  Par 
Jefus-Chriit  notre  Seigneur. 
A     la  Préface. 


Étachez-nous,  Seigneur,  de 
toutes  les  chofes  d'ici-bas  ,  élevez 
nos  cœurs  vers  le  Ciel ,  attachez- 
les  à  vous  feul ,  ck  ibuffrez  qu'en 
vous  rendant  les  louanges&lesac- 
tions  de  grâces  qui  vousfontdues , 
nous  unifiions  nos  foibles  voix  aux 
:rts  des  Efprits  bienheureux, 
ÔC  que  nous  dirions  dans  le  lieu  de 
notre  exil,  ce  qu'ils  chantent  dans 
le  féjour  de  la  gloire  :  Saint , 
Saint ,  Saint  efi  le  Seigneur ,  le 
Dieu  des  armées  ,  qu'il  foitglo- 
?  iji  é  a  u  plu  s  haut  des  Cieu  #. 
Après  le  San&us. 

A  £re  éternel ,  qui  êtes  le  fouve- 
rain  Pafteur  des  Pafteurs ,  conferr 


pendant  la  Meffe.  xxv 
ve2  &^  gouvernez  votre  Eglife  , 
fan&iflez-la  %  &  répandez-la  par 
toute  la  terre;  unifiez  tous  ceuxqui 
la  composent  dans  un  même  efprit 
&  un  même  cœur.  BénhTez  notre 
Saint  Père  le  Pape  ,  notre  Prélat , 
notre  Roi ,  notre  Pafteur  ,  &  tous 
ceux  qui  font  dans  la  foi  de  votre 
Eglife. 

Au  premier  Mémento. 


E  vous  iupplie ,  ô  mon  Dieu ,  de 
vous  fouvenir,  de  mes  parens ,  de 
mes  amis  ,  de  mes  bienfaiteurs  fpi- 
rituels  6c  temporels.  Je  vous  re- 
commande aufii  de  tout  mon  cœur 
les  personnes  defquellesje  pour- 
roisavoîrreçuquelquemauvaistrai- 
temsnt.  Oubliez  leur.-  péchés  &  les 
miens;  donnez-leur  part  aux  méri- 
tes de  ce  divin  facririce  ,  &  com- 
blez-les de  vos  bénédictions  en  ce 
monde  &  en  l'autre. 

AU  élévation  de  LifainteHoflie. 

Jefus  mon  Sauveur ,  vraiDieu 
rai  Horrime,jecrois  fermement 


xxvj  Prières 

que  vous  êtes  réellement  préfent 
dans  la  fainte  Koftie.  Je  vous  y 
adore  de  tout  mon  cœur ,  comme 
mon  Seigneur  6c  mon  Dieu.  Don- 
nez-moi., &  à  tous  ceux  qui  font  ici 
préfens  ,  la  foi  ,  la  religion  &  l'a- 
mour que  nous  devons  avoir  pour 
vous  dans  ce  myftère  adorable» 

A  V élévation  du  Calice. 

3  'Adore  en  ce  Calice  ,  ô  mon  di- 
vin Jefus  j  le  prix  de  ma  rédemp- 
tion ,  &  celle  de  tous  les  hom- 
mes. Laiflez  couler  ,  Seigneur  , 
une  goutte  ce  ce  fang  adorable  fur 
mon  ame,ann  de  la  purifier  de  tous 
fes  péchés ,  &  de  l'embraier  du  feu 
facié  de  votre  amour. 

Après  V élévation* 

E  n'eft  plus  du  pain  ck  du  vin  ; 
c'eft  le  corpsadorable&le  précieux 
fang  de  Jëfus-Chriir.  votre  Fils  , 
que  nous  vous  offrons, ô  mon  Dieu 
en  mémoire  de  fa  Paffion  ,  de  fa 
Réfurreclion  &  de  fon  Afcenfion, 


pendant  la  Mejfe.  xxvij 
recevez-les ,  Seigneur,denosmains, 
&  remplifïez-nous  de  vos  grâces. 

Au  fécond  Mémento, 

5  ouvenez-vous  aufîi ,  Seigneur, 
des  âmes  qui  ibnt  dans  le  purga- 
toire ;  elles  ont  l'honneur  de  vous 
appartenir  &d'être  vosépoufes.  Je 
vousrecommandeparticuîièrement 
celles  de  mesparens ,  de  mes  amis 

6  de  mes  bienfaiteurs  fpirituels  6c 
temporels,  &  celles  qui  ont  le  plus 
befoin  de  prières. 

Au  Pater. 

H^/ucique  je  ne  fois  qu'une  mi- 
férable  créature ,  cependant  grand 
Dieu ,  je  prends  la  liberté  de  vous 
appeller  mon  Père ,  puifque  vous 
le  voulez.  Faites -moi  la  grâce  ,  ô 
mon  Dieu  ,  de  ne  point  dégénérer 
de  la  qualité  de  votre  enfant,  &r.e 
permettez  pas  que  je  ùiïe  jamais 
rien  qui  en  foit  indigne. Que  votre 
faint  Nom  foit  fanctirié  par  tout 
Funivers:régnezdès-à-préfentdans 
mon  cœur  par  votre  grace,afinque 


xxviij  Prières 

je  puifïe  régner  éternellement  avec 
vous  dans  la  gloire  ,  &  faire  votre 
volonté  fur  la  terre  ,  comme  les 
Saints  la  font  dans  le  Ciel.  Vous 
êtes  mon  Père  ,  dounez-moi  donc, 
s'il  vous  plaît,  ce  pain  célefte  dont 
vous  nourrifTez  vos  enfans  ;  par- 
donnez-moi, comme  je  pardonne 
de  bon  cœur  pour  l'amour  de  vous 
a  tous  ceux  qui  m'auroient  offenfé; 
&:  ne  permettez  pas  que  fuccombe 
jamais  à  aucune  tentation  ;  mais 
faites  que  par  le  fecours  de  votre 
grâce  je  triomphe  de  tous  les  enne- 
mis de  monfalut. 

A  fAgnus  Dei. 

jTÎsLGneau  de  Dien  ,  qui  avezbien 
voulu  vous  charger  des  péchés  du 
monde  .  ay:-z  pitié  de  nous  :*mais 
vos  miféricordes  font  infinies:  effa- 
cez donc  nos  péchés  ,  &  donnez- 
nous  la  paix  avec  nous-mêmes  & 
avec  notre  prochain ,  en  nous  ins- 
pirant une  profonde  humilité ,  & 
en  étouffant  en  nous  tout  defir  de 
vengeance. 


ptnâant  la  Me/Je.   xxbc 
Au   Domine ,  n  on  ïum  dignus. 

XXÉlas  !  Seigneur  ,  il  n'eiT  que 
trop  vrai  que  je  ne  mérite  pas  de 
vous  recevoir  ;  je  m'en  fuis  rendu 
tout- à-fait  indigne  par  mes  péchés, 
je  lesdétefte  de  tout  mon  cœur  , 
parcenu'iîs  vous  déplaifent  &  qu'ils 
m'éloignentde  vous.  Une  feule  de 
vos  paroles  peut  guérir  mon  ame  ? 
ne  l'abandonnez  pas  ,  ô  mon  Dieu, 
&  ne  permettez  pas  qu'elle  ibit  ja- 
mais ieparée  de  vous. 

A  la  Communion  du  Prêtre, 

2>i  je  n'ai  pas  aujourd'hui  le  bon- 
heur d'être  nourri  de  votre  chair 
adorable ,  ô  mon  aimable  Jefus , 
iciifTrez  au  moins  que  je  vous  re- 
çoive d'efprit&  de  cœur, &  que  je 
m'unifie  à  vous  par  la  Foi,  parl'Ef- 
pérance  ,  &  par  la  Charité. Je  crois 
en  vous ,  ô  mon  Dieu  ,  j'efpere  en 
vous ,  &.  vous  aime  de  tout  mon 
cçeur. 


xxx  Prières 

Quand  le   Prêtre   ramajfe   les 
canicules  de  VHoJlie. 

JLdA  moindre  partie  de  vosgraces 
eft  infiniment  précieufe,  ô  mon 
Dieu.  Je  l'ai  dit, je  ne  mérite  pas 
d'être  aiîis  à  votre  table  comme 
votre  enfant, mais  permettez-moi, 
au  moins ,  de  rarnafter  les  miettes 
qui  en  tombent,  comme  laCana- 
néele  defiroit;faites  que  jenenégli- 
ge  aucune  devos  infpirations  ._pui- 
que  cette  négligence  pourroitvous 
obliger  à  m'en  priver  entièrement. 

Pendant  les  dernières  Oraifons. 

Y  ous  voulez,  Seigneur  ,  que 
nous  vous  adreffions  ians  celle  nos 
prières  ,  parce  quenousavons  toa- 
jours  beloin  devos  grâces  ;  répan- 
dez-les fur  nous  ,  &  donnez-nous 
cet  eiprit  de  prières  ,  qui  eft  un 
efprit  d'humilité  ,  de  confiance  6c 
d'amour  ,  nous  vous  en  fupplions 
par  Jeius-Chrift  votre  Fils ,  qui 
règne  avec  vous  dans  la  gloire. 


pendant  la  Mejfe.    xxxj 
Avant  la  Bénédiction  , 

TP 

jl  Rès  -  fainte  &  très  -  adorable 
Trinité  ,  Père  ;  Fils  &  Saint-Ef- 
prit ,  qui  êtes  un  feul  &  vrai  Dieu  , 
en  trois  perfonnes  ;  c'eft  par  vous 
que  nous  avons  commencé  ce  fa-  . 
crihce ,  c'efl  par  vous  que  nous  le 
finiflbns  ;ayez-le  pour  agréable,  ÔC 
ne  nous  renvoyez  pas  fans  nous 
avoir  donné  votre  fainte  bénédic- 
tion. 

Pendant  le  dernier  Evangile, 

V  Erbe  éternel  par  qui  toutes 
chofes  ont  été  faites  ,  &  qui  vous 
étant  fait  homme  pour  l'amour  de 
nous  ,  avez  inftitué  cet  auguile  fa- 
crifice  ,  nous  vous  remercionstrès 
humblement  de  nous  avoir  fait  la 
grâce  d'y  affifter  aujourd'hui.  Que 
tous  lesAnges  &  touslesSaints  vous 
en  louent  à  jamais  dans  leCiel.  Par- 
donnez-moi., ômon  Dieu,  la  dilïî- 
pation  où  j'ai  laifle  aller  mon  efpric, 
&  la  froideur  que  j*ai  fentie  enmon 
cœur  dans  un  tems  où  ildevoit  être 


Xxxij  Prières  durant  laMcJfe. 
tout  occupédevous  ÔCtout  embraie 
d'amour  pour  vous.  Oubliez,  Sei- 
gneur ,  mes  péchés  ,  pour  lefquéls 
■Jefus-Chrift  votre  Fils  vient  d'être 
immolé  iur  cet  autel  ;  ne  permet- 
tez pas  que  je  fois  affez  malheu- 
reux peur  vousoffenfer  davantage; 
mais  faites  que  marchant  dans  les 
voies  de  la  juftice5je  vous  regarde 
fans  celle  comme  la  règle  &  la  fin 
de  toutes  mes  penfées,mes  paroles 
&  mes  action:,.  Ainu  foit-il. 


LE 


LE   COMBAT 

SPIRITUEL. 

Pc:  fonnc  ne  fera  couronné ,  s'il  n'a  biea 
combattu.  IL.  Tint.    5. 


Chapitre  premier. 
En  quoi  conjifie  la  perfection 
chrétienne  ;  que  pour  l'acqué- 
rir il  faut  combattre  ,  &  que 
pour  fortir  victorieux  de  ce 
combat  quatre  chofes  font 
nécejfaïres. 

pi  vous  defireT: ,  ô  Amé 
jhrétienne.  parvenir    u 
>mble  de  la  perfeftio» 
évângél  jue  ,  6c  vous  unir   el* 
lement  à  Dieu ,  que  vous  deve- 
niez un  même  elprit  avec  lui- 
A 


a  Le-  Combat  Spirituel, 
il  faut  que  pour  réuflir  dans  un 
deiTein  qui  eit  le  plus  grand  &c 
le  plus  noble  qu'on  puifle  dire 
ou  imaginer  ,  vous  fâchiez  d'a^ 
bord  ce  que  c'eft  que  la  vérita?> 
ble  &  la  paifaite  fpiritualité. 

Quelques-uns  ne  regardent 
la  vie  fpirituelle  que  par  le  de- 
hors ;  la  font  coniïftçr  dans  les 
pénitences  extérieures  r  dans 
les  haires  ,  îes  difciplines  ,  les 
jeûnes  ,  les  veilles  ,  &  dans 
d'autres  fembJahvîes  mortirka- 
tions  de  la  chair. 

P  lutteurs,  6c  fur-tout  îes  fera- 
us  es  y  s'imaginent  être  confom- 
méesen  vertu  ,  lorsqu'elles  ie 
font  fait  une  habitude  de  réci- 
ter de  longues  prières  vocales  ; 
d'entendre  beaucoup  de  Méf- 
ies i  d'amiter  à  tout  l'Office 
Divin ,  de  demeurer.long-tems 
dans  i'Eglife7&;  de  communier 
fouvent. 

Quelques-uns, même  parmi 
ceux  qui  fervent  Dieu  dans  la 


Chapitre  I.       j 

religion,  croient  que  pour  être 
parrak  ,  il  fuffit  d'être  aflfidu  au 
chœur  ,  d'aimer  la  retraite  & 
le  filence  ,  de  bien  obferver  îa 
difcipline  religieufe  ;  &:  ainfi 
les  uns  mettent  îa  perfection 
dans  l'un  de  ces  exercices  ,  les 
autres  dans  l'autre  ;  mais  il  eft 
certainqu'ils  fe  trompent  tous  : 
car  ,  comme  les  œuvres  exté- 
rieures ne  font,  ou  que  d^s  dif- 
pofitions  pour  devenir  parfai- 
tement fairit,ou  des  fruits  de  la 
parfaite  fainteté  ,  l'on  ne  peut 
dire  que  ce  foit  en  ces  fortes 
d'œuvres  que  confifte  la  per- 
fection chrétienne  ck  la  vérita- 
ble fpirituaîité. 

Ce  font  de  puiffans  moyens 
pour  devenir  vraiment  fpiri- 
tuel  &  vraiment  parfait;  &  ,■ 
quand  on  en  ufe  avec  diferé- 
tion  ,  ils  fervent  merveilleufe- 
ment  à  fortiSer  îa  nature ,  tou- 
jours lâche  pour  le  bien  &.  tou- 
jours ardente  pour  le  mal  ^  à 
A  ij 


4  Le  Combat  Spirituel , 
pouffer  les  attaques  ,  à  évitef 
les  pièges  de  notre  ennemi 
commun  ,  &  à  obtenir  enfin  du 
Père  des  miféricordes  les  re- 
cours qui  font  néceflaires  à  tous 
les  Juftes  ,  principalement  à 
ceux  qui  commencent. 

Ce  font  aufiî  des  fruits  excel- 
lens  d'une  vertu  confommée 
dans  les  perfonnes  tout-à-fait 
faintes  &  fpirituelles  ;  car  elles 
maîtraitentaleur  corps ,  or  pour 
le  punir  de  fes  révoltes  paflees, 
ou  pour  l'humilier  &:  l'a^ujet- 
tir  à  fon  Créateur.  Elles  fe  tien- 
nent dans  la  folitude  &  dans  le 
ilïence  y  loin  du  commerce  d-a 
monde  ,  afin  de  fe  garantir  àet 
moindres  fautes  ,  8c  de  n'avoir 
plus  de  ccmverfation  que  dans 
le  Ciel  avec  les  Anges.  Elles 
s'occupent  aux  bonnes  œuvres 
&  au  fervice  divin:  elles  va- 
quent à  la  prière  ;  elles  médi- 
tent fur  la  Vie  &  fur  la  PafTion 
du  Sauveur,  nonparun  efprit 


Chapitre  I.  $ 
ifle  curiofité,  ni  parce  qu'elles  y 
trou  ventqueîque  goût  fen  Cible; 
mais  par  le  deiir  de  mieux  eon- 
noître  d'un  côté  les  miféricor- 
des  divines,  6c  de  l'autre  leurs 
ingratitudes,  de  s'exciter  de 
plus  en  plus  à  aimer  Dieu  &  à 
fe  haïr  elles-mêmes,  à  iuivre 
•  Notre-Seigneur  en  portant  fa 
croix,  en  renonçant  à  leur  pro- 
pre volonté,  en  fréquentant  les 
Sacremens,  fans  autre  vue  que 
d'honorer  Dieu  ,  de  s'unir  plus 
étroitement  à  lui,  de  fe  forti- 
fier davantage  contre  les  puïf- 
fances  de  l'enfer. 

Il  arrive  tout  le  contraire  à 
des  gens  grofilers  &  imparfaits 
qui  mettent  leur  dévotion  dans 
Jes  œuvres  extérieures  j  car 
fou  vent  elles  font  caufe  de  leur 
perte,  Se  leur  nuifent  beau- 
coup plus  que  des  péchés  ma- 
il ifeftes  ;  non  que  de  foi  elles 
ne  foient  bonnes,  mais  parce 
■qu'ils,  en  font  un  mauvais  ufa,- 
A  iij 


6  Le  Combat  Spirituel, 
ge  :  ils  s'y  attachent  de  telle 
forte  ,  que  négligeant  de  veil- 
ler fur  les  mouvemtns  de  leur 
cœur,  ils  lui  donnent  toute  li- 
berté ,  ils  le  laiffent  fuivre  fon 
penchant ,  Se  l'expofent  aux 
tromperies  du  démon  ;  &  alors 
cet  efprit  trompeur  voyant 
qu'ils  s'écartent  du  droit  che- 
min ,  non-feulement  les  invite 
à  continuer  avec  plaifir  leurs 
exercices  accoutumés  ,  mais 
leur  remplit  l'imagination  des 
vaines  idées  des  délices  du  pa- 
radis ,  où  ils  croient  être  déjà 
parmi  les  Awges ,  &  jouir  de  la 
vue  de  Dieu;  il  a  même  la 
maiiee  de  leur  fuggérer  dans 
l'oraifon  des  penfées  fublimes , 
curieufes  ,  agréables  ;  afin 
qu'ayant ,  en  quelque  manière, 
oublié  le  monde  &  les  chofes 
d'ici-bas ,  ils  s'imaginent  être 
élevés  au  troifième  ciel. 

Mais  ,  pour  peu  de  réflexiort 
que  l'on  faife  fur  leur  conduïà 


Chapiths  L  7 
te  ,  on  voit  leur  égarement  , 
&:  combien  ils  font  éloignés 
-de  cette  haute  perfe&ion  que 
nous  recherchons  ;  car  en  tou- 
tes choies,  grandes  ou  petites, 
ils  fouhaitent  d'être  préférés 
aux  autres;  ils  ne  fuivent  que 
leur  propre  jugement  ,  ils  ne 
font  que  leur  propre  volonté  ; 
&  ,  aveugle  en  tout  ce  qui  les 
regarde  ,  ils  ont  toujours  les 
yeux  ouverts  pour  obferver  Se 
pour  cenfureries  actions  d'au- 
trui:que  fi  on  donne  la  moindre 
atteinte  à  cette  vaine  réputa- 
tion où  iîs  croient  être  dans  le 
monde,  &  dont  ils  font  très- 
jaloux  ;  ii  on  leur  commande 
dé  quitter  certaines  pratique* 
de  dévotion  ,  à  quoi  ils  font 
habitués  ,  ils  le  troubîenc  &: 
s  inquiètent  étrangement.  Si 
Dieu  même  ,  voulant  leur  ap- 
prendre à  fe  connoitre  ,  &  leur 
montrer  le  vrai  chemin  de  la 
perfection ,  leur  envoie  des 
A  iy 


S  Le  Combat  Spirituel , 
sdverfités,  des  maladies  ,*  deg 
perfécutions  cruelles,  qui  font 
les  épreuves  les  plus  certaines 
de  la  fidélité'  de  fes  ferviteurs, 
&:  qui  n'arrivent  jamais  fans 
fon  ordre  ou  fans  fa  permif- 
iion  j  on  voit  alors  leur  inté- 
rieur gâté  jufques  dans  le 
fond  ,  par  l'orgueil  dont  il  cff 
rempli. 

En  tous  les  événemens,  foit 
heureux  3  foit  malheureux  ,  de 
cette  vie  ,  ils  ne  favent  ce 
que  c'eft  de  conformer  leur 
volonté  à  celle  de  Dieu  ,  de 
s'humilier  fous  fa  main  toute- 
puiflante  ;  de  fe  fou  mettre  à 
les  jugemens ,  non-moins  juf- 
tes  que  fecrets  &  impénétra- 
bles ,  de  s'abaifTer  au-deflbus 
de  toutes  les  créatures,  à  l'imi- 
tation de  Jésus  fouffrant  & 
humilié  ;  d'aimer  leurs  perfé- 
cuteurs,  comme  ceux  dont  la 
divine  bonté  fe  fert  pour  les 
former   à  la  mortification  ,  & 


Chapitre!.     $ 

pour  coopérer  avec  eile  ,  non- 
feulement  à  leur.falut,  mais 
encore  à  leur  perfection.  De- 
là vient  qu'ils  font  toujours  en 
un  danger  évident  de  périr  : 
car ,  regardant  avec  des  yeux 
obfcurcis  par  l'amour- propre-, 
&  eux-  mêmes,  &  leurs  actions 
extérieures,  qui  de  foi  font 
bonnes  ;  ils  viennent  à  s'en 
orgueiliir ,  à  fe  croire  fort 
avancés  dass  la  voie  de  Dieu, 
à  condamner  le  prochain  ;  Se 
fonvent  l'orgueil  les  aveugle 
jufqu'à  un  tel  point,  qu'il  faut 
une  grâce  toute  extraordinaire 
du  Ciel  pour  les  convertir* 

Auffi  l'expérience  nous  fait- 
elle  voir  qu'il  y  a  beaucoup 
moins  de  peine  à  ramener  un 
pécheur  déclaré ,  qu'un  pé- 
cheur qui  fe  déguife  &  fe  ca- 
che volontairement  à  lui-mê- 
me fous  le  voile  de  la  vertu. 
Vous  comprenez  bien  mainte- 
nant que  la  vie  fpirituelie  ne 


ÎO  Le  Combat  Spirituel, 
confifte  pas  en  toutes  cescho- 
fes  dont  nous  venons  de  parler, 
fi  Ton  ne  les  coniidere  que  par 
le  dehors  ;  elle  confifte  propre- 
ment à  connoitre  la  bonté  & 
la  grandeur  infinie  de  Dieu  , 
à  fentir  en  même-tems  notre 
baffefle  &:  notre  penchant  au 
mal  ;  à  aimer  Dieu  ,  &:  à  nous 
haïr  nous-mêmes  ;  à  nous  fou- 
mettre,non  feulement  à  lui, 
mais  à  toute  créature  pour  l'a- 
mour de  lui  ;  à  renoncer  entiè- 
rement à  notre  propre  volonté, 
afin  de  fuivre  la  Tienne  ;  &:  fur- 
tout  à  faire  ces  chofespourla 
feule  gloire  de  Ion  nom,  fans 
autre  defiem  que  de  lui  plaire, 
par  la  raifon  feule  qu'il  veut, 
&  qu'il  mérite  que  fes  créatu- 
res l'aiment  &;  le  fervent. 

C'eft  ce  que  porte  la  Loi  de 
l'amour  que  l'Efprit-Saint  a 
gravé  dans'Ie  cœur  desJuftes, 
c'eft  par-là  que  l'on  pratique 
cette  abnégation  de  foi-même 


Chapitbe  I,    ir 

fi  recommandée  par  le  Sau- 
veur dans  l'Evangile  :  c'eit  ce 
qui  rend  fon  joug  fi  doux  , 
&  fon  fardeau  fi  léger  :  c'eft  en 
cela  que  confifte  la  parfaite 
obéiflance  que  ce  divin  Maître 
nous  a  toujours  enfeignée  ,  & 
par  fes  paroles,&  par  l'es  exem- 
ples. Puis  donc  que  vousafpi- 
rez  au  plus  haut  degré  de  la 
perfection ,  vous  devez  vous 
faire  une  continuelle  guerre  , 
6c  employer  toutes  vos  forces 
pour  détruire  ce  qu'il  y  a  en 
vous  d'affections  vicieufes  , 
quelque  légères  qu'ellesfoient: 
ainfi  il  faut  néceflairement  vous 
préparer  au  combat  ,avec  tou- 
te la  réfoîution  &  toute  l'ar- 
deur porTibîcs;  parce  que  nul  ne 
remportera  la  couronne  qu'a- 
près avoir  généreufement  com- 
battu. 

Mais  fondez  que  comme  il 
n'eft  point  de  plus  rude  guerre 
que  celle-ci ,  puifqu'en  corn- 


12  Le  Combat  Spirituel \ 
battant  contre  loi-même  ,  on 
eft  combattu  par  foi-même  ;  il 
c'eft  point  ainTi  de  victoire,  ni 
plus  agréable  à  Dieu  ,  ni  plus 
glorieufe  au  vainqueur  :  car 
quiconque  a  le  courage  de 
mortifier  fes  pallions,  de  domp- 
ter fes  appétits,  de  réprimer 
jufqu'aux  moindres  mouve- 
mens  de  fa  propre  volonté  ,  il 
fait  une  œuvre  d'un  plus  grand 
mérite  devant  Dieu,  que  fi, 
fans  cela  ,  il  fe  déchiroit  le' 
corps  par  des  difciplines  fan- 
glantes ,  ou  qu'il  jeûnât  plus 
auftèrement  que  les  anciens 
Solitaires ,  ou  que  même  il 
convertit  plufieurs  milliers  de 
pécheurs. 

Et  en  effet ,  quoiqu'à  pren- 
dre les  chofes  en  elles-mê- 
mes ,  Dieu  faiTe  beaucoup  plus 
d'état  de  la  converfion  d'une 
arne,  que  de  la  mortification 
de  quelque  defir  déréglé  ,  cha- 
cun néanmoins  doit  mettre  fon> 


Chapitre  I.    ij 

principal  foin  à  faire  ce  que 
Dieu  demande  particulière- 
ment de  lui.  Or ,  ce  que  Dieu 
demande  avant  toutes  chofes  , 
eil  qu'on  travaille  tout  de  boa 
à  mortifier  fes  partions  ;  &  cela 
lui  pîait  davantage, que  fi,  avec 
un  cœur  immortifié,  on  lui  ren- 
doit  quelque  fervice  plus  con- 
iidérable. 

Maintenant  donc  que  vous 
favez  ce  que  c'eft  que  la  per- 
fection chrétienne  ,  &  qu'afin 
d'y  parvenir  ,  il  faut  fe  ré  fou- 
dre à  une  guerre  continuelle 
contre  vous-mêmes  ;  commen- 
cez par  vous  munir  de  quatre 
chofes ,  comme  d'armes ,  fans 
lefquelîes  il  eft  impoflîbie  que 
vous  fortiez  victorieux  de  ce 
combat  fpirituel.  Ces  quatre 
chofes  font  la  défiance  de  vous- 
même,  la  confiance  en  Dieu, 
le  bonufage  des  puiflances  de 
votre  corps  &:  de  votre  arae , 
&  l'exercice  4e  laprière.  Nous 


1\  Le  Combat  Spirituel, 
en  parlerons  ,  avec  la  grâce  de 
Dieu  ,  d'une  manière  claire  &c 
fuccinte  dans  les  chapitres  fui- 
vans. 

»     ■  ■.    ..    .!...>■  i-i.  ...  n  .    * 

Chapitre  îL 
De  la  Défiance  de  foi-méme. 

jL/A  défiance  de  foi-mèmeeffc 
fi  nécefiaire  dans  le  Combat 
Spirituel  ,  qu'on  ne  peut ,  {'ans 
cette  vertu  »  non  -  feulement 
vaincre  tous  les  ennemis ,  mais 
fur  montée-  les  moindres  paf- 
fions.  Cette  vérité  doit  être 
gravée  profondément  dans  no- 
tre efprit  -.parce  qu'encore  que 
nous  ne  foyons  qu'un  pur  néant, 
nous  ne  biffons  pas  de  conce- 
voir de  i'eftime  pour  nous-mê- 
mes ,  &  de  croire  ,  fans  nul 
fondement,  que  nous  fommes 
quelque  chofe.  Ce  vice  eft  l'ef- 
fet de  la  corruption  de  notre 
natme  ;  mais  plus  il  efl  nature1, 
plus  on  a  de  peine  à  le  recon- 


Chapitre  II.  i  ? 

Boitie.  Dieu  qui  voit  tout ,  le 
regarde  avec  horreur  ,  parce 
qu'il  veut  que  nous  foyonstrès- 
penuadés  qu'il  n'y  a  dans  nous, 
ni  vertu  nigraçe  qui  ne  vienne 
de  lui  feul ,  comme  de  la  four- 
ce  de  toat  bien  ,  Se  qae  nous- 
lommes  incapables  de  former 
fans  lui  une  penfée  qui  puiile 
lui  plaire. 

Mais  quoique  la  déHance  de 
foi-même  foit  un  don  du  Ciel, 
que  Dieu  communique  à  fes 
amis ,  tantôt  par  fes  faintes  ins- 
pirations, tantôt  par  des  peines 
très- fâche u fes  >  tantôt  par  des 
tentations  prefqu'infurmonta- 
blés ,  &  par  d'autres  voies  qui 
nous  font  cachées  \  il  de  (ire 
néanmoins  que  nous  fa  filons  de 
notre  côté  toutes  chofes  pof- 
fibles  pour  l'acquérir.  Noua 
l'obtiendrons  infailliblement , 
î\  j  avec  le  fecours  de  la  grâce , 
nous  employons  bien  les  qua- 
tre moyens  dont  je  vais  parler» 


•  6   Le  Combat  Spirituel, 

Le  premier ,  efr  de  nous  re- 
mettre devant  les  yeux  notre 
baflefle  &  notre  néant ,  &  de 
reconnoître  que  par  nos  forces 
naturelles  nous  ne  pouvons 
rien  faire  de  bien  ,  ni  qui  foit 
d'aucun  mérite  pour  le  ciel. 

Le  fécond,  eft  de  demander 
à  Dieu  avec  beaucoup  d'humi- 
lité &  de  ferveur  cette  impor- 
tante vertu  ,  qui  ne  peu"  venir 
que  de  lui.  Nous  confeflerôtis 
d'abord  que  non  -  feulement 
nous  ne  l'avons  pas,  mais  que 
de  nous-mêmes  nous  fomtnës 
dans  une  entière  impuiffince 
de  l'acquérir.  Nous  nous  iete- 
roas  enfuite  aux  pieds  du  Sei- 
gneur ,  &  nous  la  lui  deman- 
derons pîuueurs  fois  ,  avec  une 
ferme  efpérance  d'être  exau* 
ces  ,  pourvu  que  nous  atten- 
dions patiemment  l'effet  de  no- 
tre prière  ,  &  que  nous  conti- 
nuions à  prier  au  (fi  long-tems 
qu'il  plaira  à  fa  Providence. 

Le 


Chapitre  IL    17 

Le  troiiieme  ,  eft  de  nous  ac- 
coutumer peu  à  peu  à  nous  dé- 
tier  de  nous-mêmes ,  à  craindre 
Jes  iilulions  de  notre  propre 
jugement  ,  la  violente  inclina- 
tion de  notre  nature  au  péché, 
Teftroyable  multitude  des  en- 
nemis qui  nous  attaquent  de 
toute  part ,  qui  font,  fans  corn- 
paraifon  J  plus  rufés ,  aguerris 
&  plus  forts  que  nous  ,  qui 
favent  fe  transformer  en  An- 
ges de  lumière  ,  &  qui  nous 
tendent  par -tout  des  pièges 
dans  la  voie  du  ciel. 

Le  quatrième  ,  eft  qurà  cha- 
que fois  que  nous  commettons 
quelque  faute,  nous  rentrions 
en  nous-mêmes,  pour  confidé- 
rer  attentivement  jufqu'ou  va 
notre  foiblefle  ;  parce  que 
Dieu  ne  permet  nos  chutes, 
qu'afin  qu'éclairés  d'une  nou- 
yelle  lumière  ,  nous  nous  con- 
noiflions  mieux  que  jamais , 
que  bous  apprenions  à  ,nous 
B 


'  1 8  Le  Combat  Spirituel, 
méprifer  comme  de  viles  créa- 
tures ,  &  que  nous  concevions 
un  defir  fincêre  d'être  méprifés 
des  autres;  (ans  cela  nous  ne 
devons  pas  efpérer  d'avoir  ja- 
mais  la  détiance  de  nous  mê- 
mes,  qui  eft  fondée  fur  l'hu- 
milité &  fur  une  connoifîance 
expérimentale  de  notre  misère. 
En  efFet,quiconque  veut  s'ap- 
procher de  la  vérité  incréée  , 
&:  de  la  fource  des  lumières, 
doit  nécessairement  feconnoî- 
tre  à  fond ,  &  n'être  pas  ,  com. 
me  les  fuperbes  ,  qui  s'inftrui- 
fent  parleurs  propres  chutes, 
qui  commencent  à  ouvrir  les 
yeux ,  lorfqu'ils  font  tombés 
dans  queiquedéfordre  honteux 
&  imprévu  ;  Dieu  le  permet- 
tant ainfi  ,  afin  qu'ils  fentenfc 
leur  foiblefTe ,  &:  que  par  cette 
funefre  expérience  ils  viennent 
à  fe  défier  de  leurs  forces  ;  mais 
Dieu  ne  fe  fert  ordinairement 
d'un  remède  fi  fâcheux  pouu 


Chapitre  Tf.    19 
guérir  leur  préfomption  ,  que 

quand  les  autres  plus  faciles  & 
plus  doux  n'ont  pas  eu  l'effet 
qu'il  prétend. 
Il  permet  au  reile  que  l'hom- 
me tombe  plus  ou  moin?  fou- 
vent  ,    félon   qu'il    a   plus    ou 
moins  d'orgueil ,  &s'il  fe  trou- 
voit  quelqu'un  auflï  exempt  de 
ce  vice  ,  que  fut  la  fainte  Vier- 
ge ,  j'ofe  dire  qu'il  ne  tombe- 
rait point  du  tout.  Lors   donc 
qu'il    vous  arrive  quelque  chu- 
te ,  recourez  incontinent  à  la 
connohTance    de   vous-même, 
priez inftammentN.  S.  de  vous 
donner  fes  vraies  lumières,  aria 
que  vous  vous  cormoifTiez  tel 
que  vous  êtes  à  fes  yeux  ,   & 
que  vous cefllez  depre'fumer  de 
votre  vertu.  Autrement  vous 
Retomberez    dans   les    mêmes 
.fautes,    peut-être    en  corn- 
raettrez-vous  de  plus  grandes, 
qui  feront  caufe  de  la  perte  en- 
tière de  votre  ame. 


20  Lt  Combat  Spirituel , 
Chapitre   III. 

De  la   confiance  en    Dieu, 


\)\Jou 


ique  la  défiance  de  foi- 
même  foit  très-néceffaire  dans 
Je  Combat  Spirituel  ,   comme 
nous  venons   de    le  montrer  ; 
cependant  û  elle  eft  feule  ,  & 
qu'on  n'ait  point    d'autre  fe~ 
cours  ,   on  prendra  bientôt  la 
fuite  ,  ou  l'on    fera    défarmé 
&  vaincu  par  l'ennemi.  Il  faut 
dore  y  ajouter  une  grande  con- 
fiance en  Dieu  ,    qui  çCt  l'au- 
teur de  tout  bien,    &  de  qui 
feul  on  doit  attendre  îa  victoi- 
re. S'il  eft  vrai    que  de  notre 
fonds  nous    ne  fomraes  rien  ; 
flous  ne  pouvons  nous  promet- 
tre que  des  chutes  dangereufes 
&  fréquentes,  &  nous  avons 
tout  fujet  de  nous  défier  de 
ne  s  forces  ;  .mais  û  nous  fem- 
mes  parfaitement   convaincus 
de  notre  foibleûe  ;  nous  rem- 


Chapitre  III.  21 

porterons  fans  doute  ,  avec 
P.affiftwiçè  du  Seigneur,  de 
grands  avantages  fur  nos  en- 
nemi* ,  n'y  ayant  rien  de  plus 
puilTant  pour  nous  attirer  les 
grâces  du  ciel  ,  que  de  nous 
armer  d'une  géttéreufe  confian- 
ce en  Dieu.  Nous  avons  quatre 
moyens  d'acquérir  cette  ex- 
cellente vertu. 

Le  premier,  eft  de  la  deman- 
der humblement  à  notre  Sei- 
gneur. 

Le  fécond,  de  confidérer  at- 
tentivement avec  les  yeux  de 
la  Foi  ,  la  Toute- puifrance  Se 
la  SageiTe  mfînie  de  cet  Etre 
fouverain  ,  à  qui  rien  n'eft  ira- 
potlible  ni  difficile  ,  de  qui  la 
bonté  n'a  point  de  bornes,  qui, 
par  un  excès  d'amour  pour 
ceux  qui  le  fervent ,  eft  prêt  à 
tout  heure  &  à  tout  moment 
«le  leur  donner  tout  ce  qui  leur 
elc  néceffaire  pour  vivre  en 
hommes  fpirituels,  ck  pour  fe 
B  iij 


2.2   Le  Combat  Spî rituel % 
rendre    tout  -  à  -  fait   maîtres 
d'eux-mêmes. 

La  feule  chofe  qu'il  leur  de- 
mande 5  c'eft  qu'ils  recourent  à 
lui  avec  confiance.  Hé  !  qu'ya- 
t-iî  de  pins  juite?  Comment 
ferotoi]  poifible  que  cet  aima- 
ble Pafteur*,qni  d tirant trente- 
trois  ans  n'"a  point  ceifé  de  cou- 
rir après  la  brebis  égarée  ,  par 
deschemins  laborieux  &  pleins 
d'épines,  avec  des  peines  ii  ex- 
trêmes, qu'il  lui  en  a  coûté  îe 
fang  Se  la  vie  ?  Comment  9  dis- 
je,  feroit-il  poffible  qu'un  fi 
bon  Pafteur,  voyant  mainte- 
nant fa  brebis  revenir  à  lui 
dans  le  deiTein  de  ne  plus  fui- 
vre  d'autre  conduite  que  la 
iïenne  ,  &:  avec  une  volonté  , 
peut-être  encore  un  peu  foi- 
ble  5  mais  ûncêre  de  lui  obéir, 
ne  voulut  pas  la  regarder  de 
bon  ceil ,  ni  prêter  l'oreille  à 
fes  cris  ,  ni  îa  rapporter  fur  fes 

*  Luc,  13.4. 


CHAPÏ  T  RE  III.  23 
épaules  à  la  bergerie  ?  Sans 
doute  qu'il  a  une  joie  incon- 
cevable de  la  recevoir  clans  le 
troupeau  ,  êe  qu'il"  invite  les 
Anges  du  Ciel  à  s'en  réjouir 
avec  lui. 

Car  s'il  cherche  avec  tant  de 
diligence  la  dragme  de  l'E- 
vangile ,  qui  eft  la  figuré  du 
pécheur  ;  s'il  remue  tout  pour 
Ja  trouver  >  peut-il  rejeter  ce 
îui  qui ,  comme  une  brebis  en- 
nuyée de  ne  plus  voir  fon  Paf- 
teur  }  femet  en  devoir  de  re- 
tourner au  bercail  ?  Quelle  ap- 
parence que  l'époux  des  âmes, 
qui  frappe  fansceiïe  à  la  porte 
de  notre  cœur  ,  Se  qui  brûle 
d'y  entrer  ,  qui  n'a  point  de 
plus  grand  plaitir  que  de  fe 
communiquer  à  nous  ,  &  de 
nous  combler  de  fes  biens , 
quelle  apparence  que  trouvant 
la  porte  ouverte  ,  &  voyant 
que  nous  le  prions  de  nous  ho- 
norer de  fa  vifite ,  il  ne  daignât 
B  iv 


2.^.  Le  Combat  Spirituel y 
pas  nous  accorder  la   faveur 
que  nous  fouhaitons  ? 

Letroiiieme  moyen  d'acqué- 
rir cette  falutaire-  confiance  , 
e(l  de  rappeller  ibuvent  dans 
notre  mémoire  les  divines  écri-. 
tures  ,  ces  oracles  de  la  vérité  , 
qui  en  mille  endroits  atïurent 
formellement  que  quiconque 
efpèreen  Dieu  ,  ne  tombera  point 
dans  la  confufion.   Pf.  30.  2. 

Enfin ,  le  quatrième  moyen 
d'avoir  tout  emfembîe  &  la  dé- 
fiance de  nous-mêmes  & 'a  con- 
fiance en  N.  S.  eft  que  ,  lorf- 
que  nous  avons  ou  quelque 
bonne  œuvre  à  faire  ,  ou  quel- 
que paillon  à  combattre,  avant 
que  de  rien  entreprendre,  nous 
jetions  les  yeux  d'un  côté  fur 
notre  foibleffe,  &  de  l'autre 
fur  la  puiiïance  ,  fur  la  fagefl  e, 
fur  la  bonne  infinie  de  Dieu;  Se 
que  tempérant  la  crainte  qui 
vient  de  nous  ,  ]parr  l'aiTurance 
que  Dieu  nous  donne ,   nous 


Chapitre  III.  2? 

ftbus  expotlons  courageufe- 
ment  à  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus' 
pénible  dans  les  travaux ,  &:  de 
plus  rude  dans  les  combats. 
Avec  ces  armes ,  jointes  à  la 
prière  ,  comme  on  verra  dans 
la  fuite  ,  nous  ferons  capables 
d'exécuter  les  plus  g,  ancls  def- 
feins  >  &  de  remporter  les  plus 
alignes   viétoires. 

Que  fi  nous  manquons  à  fu'i- 
vre  cet  ordre,  quoiqu'il  nous 
femble  que  nous  agirions  par 
le  principe  d'une  véritable  ef- 
pérance  en  Dieu  ,  nous  nous 
trompons  le  plus  fou  vent,  parce 
que  la  préfomption  eft  ii  natu- 
relle à  l'homme, qu'elle  fe  mêle 
infeniiblement  avec  la  confian- 
ce qu'il  s'imagine  avoir  en 
Dieu,  &  avec  la  défiance  qu'il 
croit  avoir  de  lui-même.  Ainfi, 
pour  s'éloigner  le  plus  qu'il  lui 
eft  poflible  de  la  préfomption  ; 
&  pour  faire  entrer  dans  toutes 
Ces  œuvres  les  deux  vertus  qui 


2.6  Le  Combat  Spirituel , 
font  oppofees  à  ce  vice  ,  il  faut 
que  la  considération  de  fa  foi- 
bleiTe  aille  devant  celle  de  la 
toute-puiflance  divine  ,  &  que 
l'une  &  l'autre  précédent  tou- 
tes fes  œuvres. 

ém    .■■■■    ■  i  .■     .1  ■  .4 

Chapitre  IV. 
Comment  Von  peut  juger  fi  V  oft 
a   véritablement  la   défiance 
de  foi-même ,  &  la  confiance 
en  Dieu. 

V/N  homme  préfomptueux 
croit  avoir  acquis  la  défiance 
de  lui-même  &:  la  confiance  en 
Dieu  :  mais  c'eft  une  erreur 
qu'on  ne  connoit  jamais  mieux 
que  lorfqu'on  vient  à  tomber 
en  quelque  péché.  Car  alors  , 
ii  l'on  fe  trouble  ,  fi  l'on  s'affli- 
ge, ii  l'on  perd  toute  efpérance 
d'avancer  dans  la  vertu  ,  c'eft, 
ligne  que  l'on  amis  fa  confian- 
ce ,  non  pas  en  Dien ,  mais  en 
foi.  Et  plus  la  trifteile  ôtle  dé- 


Chapitre  IV.  27 

fefpoir  font  grands  ,  plus  on 
peut  juger  qu'on  eft  coupable 
en  ce  point. 

Car  ii  celui  qui  fe  défie  beau- 
coup de  foi-même ,  &  qui  fe 
conne  beaucoup  en  Dieu, com- 
met quelque  faute  ,  il  ne  s'en 
étonne  point,  il  n'en  a  ni  in- 
quiétude ,  ni  chagrin  ;  parce 
qu'il  voit  bien  que  c'ert  l'effet 
de  fa  foibleiTe ,  &  du  peu  de 
foin  qu'ii  a  eu  d'établir  fa  con- 
fiance en  Dieu.  Sa  chute  an 
contiaire  lui  apprend  à  fe  dé- 
fier davantage  de  fes  forces,  6c 
à  fe  confier  davantage  au  fe- 
cours  du  Tout-Puiflante  II  dé- 
telle par-defius  toutes  chofes 
fen  péché  ;  il  condamne  la  paf- 
fion  ou  l'habitude  vicieufe  qui 
en  a  été  la  caufe;il  conçoit  une 
très  vive  douleur  d  avoir  offen- 
fé  ion  Dieu  ;  mais  fa  douleur 
toujours  tranquille  ne  l'empê- 
che pas  de  revenir  à  fes  pre- 
mières   occupations;     ni   de 


2$  Le  Combat  Spirituel. 
pourfuivre  fes  ennemis  jufqu'à 
la  mort. 

Plût  à  Dieu  que  ce  que  je 
dis  fut  bien  médité  par  de  cer- 
taines performes  ,  qui  >  eu!ent 
pa(Ter  pour  fpirituelles,  &  qui, 
étant  une  fois  tombées  en  quel- 
que faute  ,  ne  peuvent,  ni  ne 
veulent  fe  donner  aucun  re- 
pos ;  mais  font  dans  une  étran- 
ge impatience  d'aller  trouver 
leur  Directeur,  plutôt  pour  fe 
délivrer  de  la  peine  que  leur 
caufel'amour-propre  ,  que  par 
queiqu  autre  motif,  quoique 
leur  principal  foin  dut  être  oie 
fe  laver  de  leurs  péchés  parle 
Sacrement  de  la  Pénitence  ,  & 
de  fe  prémunir  contre  les  ré- 
chutes, par  celui  de  l'Eucha- 
riftie. 


t? 


Chapitre    V. 

De  l'erreur  de  beaucoup  de  gens 
qui  prennent  la  pufillanïmué 
pour  une  vertu. 

^U'Eft  encore  une  illufion  bien 
commune  que  d'attribuer  à  la 
vertu  cette  crainte  &  ce  trou- 
ble qu'on  relient  après  le  pé- 
ché. Car,  quoique  l'inquiétude 
qui  fuit  le  péché  ,  foit  accom- 
pagnée  de  quelque  douleur  , 
elle  ne  procède  néanmoins  que 
d'un  fond  d'orgueil,  d'une  pré- 
emption fecrette  ,  caufée  par 
la  confiance  trop  grande  qu'on 
aen  fes  forces.  Lors  donc  qu'un 
homme,  qui,  fe  croyant  affermi 
dans  la  vertu,  méprife  les  tenta- 
tions ,  vient  à  reconnoitre  par 
expérience  qu'il  eft  fragile  & 
pécheur  comme    les  autres  ;  il 
s'étonne  de  fa  chute  ,  comme 
d'une  chofe   furprenante  ;  Se 
voyant  tout  fou  appui  renverfé, 


50    Le  Combat  Spirituet, 
il  fe  lailTe  aller  au  chagrin  8c 
au  déTefpoir. 

Ce  malheur  n'arrive  jamais 
aux  âmes  humbles  qui  ne  pré- 
sument point  d'elles-mêmes  ,& 
qui  ne  s'appuient  qu'en  Dieu 
feu!. Car  lorfqu'ellcs  ont  failli, 
elles  n'en  font  ni  furprifes,  ni 
troublées:  parce  que  la  lumière 
de  la  vérité  qui  les  éclaire  , 
leur  fait  voir  que  c'eti  un  effet 
naturel  de  leur  inconflance  6c 
de  leur  foiblefle. 

Chapitre    V  L. 

De  quelques  autres  avis  très-uti- 
les pour  acquérir  la  défiance 
de  foi-méme  ,  &  la  confiance 
en  Dieu, 

t/Otnme  tout  ce  que  nous 
avons  de  force  pour  vaincre 
notre  ennemi ,  vient  de  la  dé- 
fiance de  nous-mêmes, &  delà 
confiance  en  Dieu ,  j'ai  cru  de- 
voir encore  donner  quelques 


C  H  A  P  I  T  R  E  VI.     31 

avis  très-nécefîaires  pour  ob- 
tenir ces  vertus. 

Premièrement  donc  ,  que 
chacun  fe  mette  bien  dans  l'ef- 
prit  que  ni  tons  lesta'ens,  & 
naturels  &  acquis  ,  de  quelque 
efpece  qu'ils  foient ,  ni  toutes 
les  grâces  gratuites ,  ni  l'intel- 
ligence de  toutes  les  Ecritu- 
res ,  ni  tous  les  devoirs  rendus 
à  Dieu  durant  Pefpace  de  plu- 
sieurs années  ;  que  rien  ,  dis- je 
de  tout  cela  ne  peut  îe  rendre 
capable  d'accomplir  la  divine 
volonté,  &  de  fatisfaire  à  fes 
devoirs  ,  fi  la  main  du  Tout- 
PuiiTant  ne  le  fortifie  dans  cha- 
que occaûon  qui  fe  préfente, 
ou  de  faire  quelque  bonne  œu- 
vre ,  ou  de  furmonter  quelque 
tentation,  ou  de  forrir  de  quel- 
que péril ,  ou  de  fnpporter 
quelque  croix,  que  la  Provi- 
dence lui  envoie.  Il  faut  donc 
que  tous  les  jours  de  fa  vie  ,  à 
chaque  heure ,  à  chaque  rno- 


$2  Le  Coinl at  Spirituel , 
ment  il  fc  propofe  cette  vérité, 
que  jamais  il  ne  l'oublie  :  &  par 
ce  moyen  il  s'éloignera  du  vice 
de  la  préfomption  ,  ëcn'ofera 
pas  fe  conrier  témérairement 
en  l'es  forces. 

Mais  pour  avoir  une  plus  fer- 
me eipérance  en  Dieu  ,  l'on 
doit  croire  fans  nul  doute  qu'il 
Jui  e.iî  é  gale  ment  facile  de  vain* 
cre  toutes  fortes  d'ennemis, 
foit  qu'ils  foient  peu  ,  ou  en 
grand  nombre  ;  qu'ils  foienc 
forts  6c  aguerris,  ou  foibles 
&:  fans  expérience.  Suivant  ce 
principe  ,  quand  uneame  feroiî 
chargée  de  péchés  ,  quand  elle 
auroit  tous  les  défauts  imagina- 
bles ,  quand  elle  fe  feroit  inuti- 
lement forcée  de  fe  corr  ger  de 
fes  vices  ,  &  de  pratiquer  les 
vertus,  quand  même  elle  fe  fen- 
tiroit  de  jour  en  jour  plus  de 
penchant  pour  îe  mal ,  au  lieu 
d'avancer  dans  la  perfection  , 
elle  ne  devroit  pas  pour  cela 
manquer 


Chapitre  VI.      35 

manquer  de  confiance  en  notre 
Seigneur, ni  perdre  courage,  & 
abandonner  fes  exercices  fpi- 
rituels  :  elle  devroit  au  con- 
traire s'exciter  plus  que  jamais 
à  la  ferveur ,  &r  à  faire  de  nou- 
veaux efforts  pour  repouffer 
l'ennemi. 

Car  en  cette  efpèce  de  com- 
bat ,  on  eft  toujours  victorieux 
quand  on  a  allez  decceur  pour 
ne  point  quitter  les  armes ,  Se 
pour  tout  efpérer  de  Dieu:  fon 
fecours   ne   manque  jamais   à 
ceux  qui  combattent  pour  lui  , 
quoiqu'affez  fouvent  il  permet- 
te que  dans  la  mêlée  ils  reçoi- 
■  vent  quelque  blelTure.  Il  faut 
donc  combattre  jufqu'à la  fin: 
ck  c'eft  de-là  que   la   victoire 
dépend.  Car  du  refte  celui  quî 
combat    pour    le  fervice    de 
Dieu  ,  qui  met  en  lui  feul  toute 
fa  confiance  ,  trouve  toujours 
aux  plaies  qu  il  reçoit  un  re- 
mède prompt  &  efficace  ;  $ç 
C 


54    Le  Combat  Spirituel , 
lorfqu'il  y  penfe  le  moins  ,    il 
voit  ion  ennemi  à  fes  pieds. 

»■■   ■  ■     ■  i  ■    ■    ■  i  m 

Chapitre  VII. 
Du  bon  ufagt  desjpuijfances ,  & 
premièrement  qu'il  faut  que 
V entendement J oit  libre  de  l'L- 
gnorance  &  de  la  curiofité, 

Ol  dans 'le  Combat  Spirituel, 
nous  n'avions  point  d'autres  ar- 
mes que  la  défiance  de  nous- 
mêmes  ,  &  la  confiance  en 
Dieu  ,  non-feulement  nous  ne 
pourrions  pas  vaincre  nos  pai- 
llons, mais  nous  tomberions 
fou  vent  en  de  grands  défauts. 
C'eit.  pourquoi  il  faut  joindre 
le  bon  ufage  des  puiiTances  de 
notre  corps  &  de  notre  ame  , 
qui  eft  h  troilième  chofe  que 
nous  avons  propofée  comme 
un  moyen  néceiTairepour  arri- 
ver à  la  perfection. 

Commençons   donc  par  ré- 
gler l'entendement  Se  ia  vo- 


Chahtbe  VII.  3fl" 

îcnté.  L'entendement  doit  être 
exempt  des  deux  grands  vices, 
dont  îï  a-  peine  à  le  défendre. 
L'un  eft  l'ignorance' >  qui  l'em- 
pèche  de  connoître  la  vérité  ? 
qui  eft  fon  objet.  Il  faut  donc 
qu'à  force  dé  l'exercer,  on  dif- 
fipe  fe  ténèbres ,  &  qu'on  l'é- 
clairé ,  de  forte  qu'il  voie  ce 
qui  eft  à  faire  pour  purger  l'a- 
me  de  fes  pafFions  déréglées  , 
&  pour  l'orner  des  vertus.  Or 
ce'afe  fait  par  deux  moyens. 

Le  premier  &  le  principal  ,' 
eft  Poraifon  ,  oùl'on  demande 
au  &  Efprit  fes  lumières,  qu'il 
ne  rerufe  jamais  à  ceux  qui 
cherchent  Dieu  tout  de  bon  , 
qui  aiment  à  accomplir  fa  di- 
vine loi,  &  qui  foumettent  en 
toute  rencontre  leur  jugement 
propre  à  celui  de  leurs  fupé- 
rieurs. 

Le  fécond  eft  une  applica* 
tion    continuelle    à    examiner 
ibigneufement  &  de  bonne  fojl 
C  ij 


<6*  Le  Combat  Spirituel , 
les  chofes  qui  fe  préfentent, 
pour  fa  voir  fi  elles  font  bonnes 
ou  mauvaifes,  &  pour  en  ju- 
ger ,  non  pas  félon  l'apparen- 
ce &  fur  le  rapport  des  fens , 
ni  félon  l'opinion  du  monde  , 
mais  félon  l'idée  que  PEfprit 
de  Dieu  nous  en  donne.  Par  ce 
moyen  nous  connoîtrons  clai- 
rement que  ce  que  le  monde 
aime  avec  tant  d'ardeur ,  &ce 
qu'il  recherche  en  tant  de  ma- 
nières ,  n'eft  que  vanité  &  illu- 
sion ;  que  les  honneurs  &  les 
plaifirs  paOent  comme  un  fon- 
ge  ,  &  qu'étant  pafles,  ils  rem- 
plirent Pâme  de  regret  &  de 
chagrin  :  que  les  ooprobres 
font  des  fujets  de  gloire  ,  & 
les  fouffrances  des  fources  de 
joie;  qu'il  n'y  a  rien  de  plus 
grand  ,  de  plus  généreux  ,  ni 
qui  nous  rende  plus  femblables 
à  Dieu,  que  de  pardonner  à  nos 
ennemis,  &  de  leur  faire  du 
•bien  ;  qu'il  vaut  mieux  méprifer 


Cmap  it  re  VIII.   57 

le  monde ,  que  d'être  le  maître 
du  monde;  qu'il  eft  plus  avan- 
tageux d'obéir  pour  l'amour  de 
Dieu  au  dernier  des  hommes , 
-que  de  commander  aux  Rois  & 
aux  Princes  :  qu'une  humble 
connoiflance  de  foi-même  eft 
préférable  auxfciences  les  plus 
iublimes  :  qu'enfin  l'on  mérite 
plus  de  louange  en  mortifiant 
fes  appétits  dans  les  moindres 
chofes,  que  ii l'on prenoit  beau- 
coup de  villes  ou  qu'on  défit 
de  grandes  armées;  ou  qu'on 
opérât  des  miracles ,  &  qu'on 
relTucitât  même  les  morts. 
»  .  ■        ■■■« 

Chapitre-  VIII. 

De  ce  qui  peut  nous  empêcher  de 
juger  jainemem  des  chofes  ;  & 
de  ce  qui  peut  nous  aider  à  les 
bien  connoitre. 

%^E  qui  nous  empêche  de  ju- 
ger fainement  des  chofes  dont 
nous  venons  de  parler  >  &:  de 
C  iij 


3  8  Le  Com&at  Spirituel, 
beaucoup  d'autres ,  c'eft  qu'auf- 
iïtôt  qu'elles  fe  préfentent  à 
-notre  efprit ,  nous  concevons 
pour  elles,  ou  de  J'amourou  de 
îa  haine;  que  ces  paillons  aveu- 
gles, qui  préviennent  la  laifon  , 
«ousles  déguifent  de  telle  for- 
te, qu'elles  nous  paroiiTent 
toutes  différentes  ce  ce  qu'elles 
font.  Quiconque  donc  veut  fe 
garantir  d'une  ilîufion  û*  com- 
mune &  ii  dangereufe,  doit 
veiller  avec  tant  de  foins  fur 
fon  cœur  5  qu'il  n'y  fouffre 
nulle  affection  déréglée  pour 
quelque  objet  que  ce  foit. 

Que  d  quelqu'objet  vient 
s'offrir  à  lui ,  il  faut  que  l'en- 
tendement le  confidere  & 
l'examine  à  îoiilr ,  avant  que  la 
volonté  fe  détermine  ,'  ou  à 
Pembrafler ,  s'il  eft  agréable  , 
ou  à  le  rejeter ,  s'il  eft  con- 
traire. Car  l'entendement  n'é- 
tant pas  encore  préoccupé  par 
la  pailion ,  peut  fans  nul  obita- 


[Chapitre  VIII.  39 

cle,  démêler  la  vérité  d'avec  le 
menfonge  ,  &  difcerner  le  mal 
caché  fous  le  voile  d'un  bien 
apparent,  d'avec  le  bien  qui 
a  l'apparence  d'un  mal  vérita- 
ble ;  mais  dès  que  la  volonté 
frappée  par  l'objet,  commen- 
ce à  l'aimer  ou  à  ie  haïr,  l'en- 
tendement devient  incapable 
de  le  reconnoitre  tel  qu'il  eft  , 
parce  que  la  pafilon  qui  le  lui 
cache  s  fait  qu'il  s'en  forme  une 
faufle  idée  :  &  alors  le  propo- 
fant  encore  une  foi?  à  la  vo- 
lonté tout  autre  qu'il  n'eft  , 
cette  puifïance  déjà  émue,  re- 
double fon  affe&ion  ou  fon 
averfion  pour  lui ,  6c  ne  peur 
plus  garder  de  mefures,  Ai 
écouter  la  raifon. 

Dans  un  défordre  &  une 
confuiîonii  étrange,  l'enten- 
dement s'obfcurcit  de  plus  en 
plus,  &  repré fente  toujours  à 
la  volonté  l'objet  plus  odieux, 
ou  plusaimable  qu'auparavant. 
C  iv 


40  LeComhat  Spirituel, 
De    forte    qu'à    moins   qu'on 
n'obferve  très-exactement  la 
règle  que  j'ai  donnée  ,  èk  qui 
eil    très-importante  en  cette 
rencontre  ,  les  deux  plus  no- 
bles facultés  de  lame  ne  font 
-que  rouler  comme  dans  un  cer- 
cle ,  &:  tomber  d'erreurs   en 
cireurs,  de  ténèbres  en  ténè- 
bres, d'abime  en  abîme.  Heu- 
reux ceux  qui  n'ont  nulle  atta- 
che à  aucune  créature  ,  ck  qui  , 
avant  que  de  rien  aimer  en  ce 
monde,  tâchent  de  connoître 
ce  qui  leur  pat oît  aimable  ,  qui 
en  jugent  félon  la   raifon  ,  & 
particulièrement  félon  l°s  lu- 
mières furnaturelles  que  le  S. 
Efprit  leur  communique  ,  foit 
par  lui-même ,  ou  par  ceux  qui 
le  gouvernent  en  fa  place* 

Mais    remarquez    que     cet 

avertiiTement   elt  quelquefois 

plus  néceffaire  en  de  certaines 

"actions  extérieures ,  qui  de  foi 

..font   bonnes,  qu'en    d'autres 


Chapitre  IX.    4!^ 

moins  louables ,  parce  qu'on  y 
eft  plus  facilement  trompé  ,  & 
qu'on  s'y  porcë  fouvent  avec 
trop  de  chaleur  &  d'indifcré- 
tion.  Il  ne  faut  donc  pas  s'y 
engager  aveuglément  ,  puis- 
qu'une feule  circonftance  du 
tems  ou  du  lieu  étant  négli- 
gée ,  peut  tout  gâter  ;  &:  qu'il 
iuftit  de  ne  pas  faire  les  chofes 
d'une  certaine  manière  ,  ou 
félon  Tordre  de  Tobéiffance  , 
pour  commettre  de  grandes 
fautes ,  ainfi  qu'il  paroit  par 
l'exemple  de  beaucoup  de 
gens,  qui  fe  font  perdus  dans 
es  minifteres  &  les  exercices 
-es  plus  faints, 

Chapitre    IX. 

D'une  autre  chofe  nece  [faire  à 
l'entendement  pour  bien  con- 
naître ce  qui  eft  le  plus  utile. 

JL/Autre  vice,  dont  il  faut  que 
nous  délivrions  notre  entende- 


4^  Le  Combat  Spirituel, 
ment ,  eft  la  trop  grande  curio- 
fité:car,  lorfque  nous  nous 
remplirons  l'efprit  de  penfées 
vaines,  ridicules,  criminelles, 
nous  le  rendons  incapable  de 
s'attacher  à  ce  qui  eft  le  plus 
propre  pour  mortifier  nos  appé- 
tits déréglés ,  &  pour  nous  con- 
duire à  la  véritable  perfection. 
Soyons  donc  tout-à-rait  morts 
aux  chofes  terreftres,  &  ne  les 
recherchons  point,  ii  elles  ne 
font  absolument  néceflaires , 
quoiqu'elles  ne  foient  pas  dé- 
fendues ;  donnons  peu  de  li- 
berté à  notre  efprit  ;  ne  per- 
mettons pas  qu'il  fe  répande 
vainement  fur  beaucoup  d'ob- 
jets ;  rendons-le  comme  itupi- 
de  pour  toutes  les  connoiiTan- 
ces  profanes  ;  ne  prêtons  jamais 
l'oreille  aux  nouvelles  ck  aux 
bruits  qui  courent  ;  fuyons 
ceux  qui  n'aiment  qu'a  s'en- 
tretenir des  affaires  du  monde  \ 
De  foyons  pas  plus  touchés  des 


Chapt  tre  IX.     45 

d  verfes- révolutions  qui  arri- 
vent ici-bas ,  que  11  cetoient 
des  imaginations  &  des  fonges. 
Ufons  même  de  retenue  à  l'é- 
gard des  chofes  du  ciel  5  ne 
portons  point  nos  penfées  trop 
haut ,  contentons-nous  d'avoir 
fans  celle  devant  les  yeux  Jé- 
fus  crucifié  ;  de  favoir  fa  vie 
&.  fa  mort  ;  de  connoître  ce 
qu'il  defire  de  nous.  Laitfbns 
tout  le  relie  ,  êcnous  rendons 
agréables  à  ce  divin  Maître  , 
dont  les  vrais  difciples  font 
ceux  qui  ne  lui  demandent  que 
ce  oui  peut  leur  être  de  quel- 
que fecours  pour  le  fervir  & 
pour  faire  fa  volonté.  Aulîi 
hors  de-là ,  tout  deiîr ,  toute 
recherche  n'eft  qu'amour-pro- 
pre ,  qu'orgueil  fptrituel ,  Se 
que  piège  du  démon. 

Quiconque  fe  gouvernera  de 
la  forte  ,  pourra  fe  défendre 
des  artifices  de  l'ancien  fer- 
pent ,  qui  >  voyant  dans  ceux 


44  Le  Combat  Spirituel, 
qui  embraffent  avec  ferveur  les 
exercices  de  la  vie  fpirituel- 
le  ,  une  volonté  ferme  &  conf- 
tante  ,  les  attaque  du  côté  de 
l'entendement  ;  afin -que  par 
l'entendement  il  gagne-  la  vo- 
lonté ,  &  qu'il  fe  rende  maître 
de  ces  deux  puhTances.  L'envie 
qu'il  a  de  les  tromper,  fait  qu'il 
leur  infpire  dans  l'oraifon  des 
penfées  fublimes  ,  des  fenti- 
mens  relevés;  fur-tout  ii  ce 
font  des  efprits  curieux  ,  fub- 
tils,  capables  de  s'enorgueil- 
lir ,  &  de  s'entêter  de  leurs 
idées  6c^de  leurs  vificns. 

Son  deneineft  qu'ils s'amu- 
fent  à  de  vains  railonnemens  , 
qu'ils  y  trouvent  un  gôutfen- 
fible  ;  &  que  dans  un  faux  re- 
pos, croyant  jouir  de  Dieu,  ils 
ne  penfe  point  à  purifier  leur 
cœur  ,  ni  à  acquérir  la  connoif- 
fance  d'eux-mêmes ,  ck  la  vé- 
ritable mortification  ;  qu'ainfï 
pleins  d'orgueil ,  ils  fe  rafle»  t 


Chapitre  IX.    45* 

une  idole  de  leur  efprit,  & 
qu'enfin  ,  s'acoutumant  à  ne 
confulteren  toutes  chofes  que 
leur  propre  fens  ,  ils  viennent 
à  s'imaginer  qu'ils  n'ont  plus 
befoin  de  confeil  ni  de  la  con^. 
duite  de   perfonne. 

C'eît-làun  mal  dangereux  & 
prefque  incurable  ;  parce  qu'il 
eft  bien  plus  difficile  de  gué- 
rir l'orgueil  de  l'entendement 
que  celui  de  la  volonté.  Car 
l'orgueil  de  la  volonté  étant 
découvert  &  reconnu  par  l'en- 
tendement 3  on  y  peut  remé- 
dier par  une  foumiffion  vo- 
lontaire aux  ordres  de  ceux  à 
qui  i'on  doit  obéir.  Mais  fi  un 
homme  fe  met  dant  l'efprit  , 
&  qu'il  ibutienne  avec  opiniâ- 
treté que  fon  fentiment  vaut 
mieux  que  celui  de  fes  fupé- 
rieurs,  qui  fera  capable  de  le 
détromper?  Comment  recon- 
nu îtra-t-il   fon   erreur  ?  Com- 


/j6  Le  Combat  Spirituel, 
ment  fe  foumettra-t-il  à  la  di- 
rection d'an  autre,  lui,  qui  s'ef- 
time  plus  fage  &  plus  éclairé 
que  tous  les  autres  ?  Si  l'en- 
tendement, qui  eft  l'œil  de 
ï'ame ,  qui  feul  peut  voir  & 
guérir  l'enflure  du  cœur  ;  ii , 
clis-je,  l'entendement  eft  ma- 
lade, s'il  eft  aveugle  Se  rempli 
lui-même  d'orgueil ,  qui  pourra 
trouver  quelque  remède  à.  fon 
mal  ?  Si  la  lumière  fe  change 
en  ténèbres  ,  Ci  ce  qui  doit 
iérvir  de  règle ,  eft  faux  & 
trompeur  f  que  fera-ce  de  tout 
Je  relie  ? 

Tâchons  donc  de  nous  défai- 
re au  plutôt  d'un  vice  fi  perni- 
cieux; ne  permettons  pas  qu'il 
gâte  le  fond  de  notre  ame  ;  ac- 
coutumons-nous à  foumettre 
sotre  jugement  à  celui  d'au- 
trui  ;  à  ne  point  trop  raffiner 
dans  les  chofes  fpirituelles,  à 
aimer  cette  folie  &:  cette  fini- 


Chapitre  X.    47 

pîicité  ii  recommandée  par  le 
grand  Apôtre*,  &  nous  de- 
viendrons incomparablement 
plus  fages  que  Salomon. 

ChaPIT    RE   X. 
De  V exercice  de  la  volonté  &  de 
la  fin  oà  nous  devons  diriger 
toutes  nos  actions  intérieures 
&  extérieures, 

jAPrès  avoir  corrigé  les  vices 
de  l'entendement,  il  eit  né- 
eeflaire  de  corriger  ceux  de  la 
volonté  ,  afin  que  renonçant  à 
fes  propres  inclinations  ,  elle 
fe  conforme  entièrement  à  la 
volonté  divine. 

Remarquez  donc  qu'il  ne  fuf- 
fic  pas  de  vouloir,  ni  même  de 
faire  ce  qui  eft  le  plus  agréable 
à  Dieu  ;  mais  que  de  plus  il  faut 
le  vouloir  &  le  faire  par  un 
mouvement  de  fa  grâce  ;  &  par 
le  defir  de  lui  plaire.  C'eft  eu 

fl.Cor.  i,  1$. 


*j.§  Le  Combat  Spirituel  9 
ceci  principalement ,  que  nou3 
avons  à  combattre  contre  la 
nature,  toujours  fi  avide  de 
plaitîr  ,  qu'en  toutes  cbofes ,  &c 
quelquefois  dans  les  fpirituelles 
plus  que  dans  les  autres,  elle 
cherche  fa  propre  fatisfa&ion  , 
6k  fe  contente  ainfi  elle-même 
avec  d'autant  moins  de  fcrupu- 
le  ,  qu'elle  n'y  apperçoit  rien 
de  mal.  De-là  vient  que  quand 
il  s'agit  d'entreprendre  quelque 
bonne  œuvre ,  nous  nous  y  por- 
tons incontinent ,  non  pas 
dans  la  feule  vue  d'obéir  à 
Dieu,  mais  à  caufe  d'un  certain 
pîaiiir  que  nous  trouvons  quel- 
quefois à  faire  les  cbofes  que 
Dieu  nous  commande. 

Cette  iîlufion  eft  d'autant 
plus  fine  ,  que  l'objet  de  notre 
afFedtion  &  de  nos  défies  eft 
meilleur  en  foi.  Qui  croiroit 
que  l'amour-propre  ,  tout  vi- 
cieux qu'il  eft  ,  nous  engage  à 
Youloir  nous  unir  à  Dieu  ,  & 
qu'en 


Chapi  tke  X.  41 
qu'en  délirant  de  pofleder  Dieu 
nous  avons  fou  vent  pîuo  d'é- 
gard  à  notre  intérêt  qu'à  ù 
gloire  Se  à  l'accompHilemen: 
de  ia  volonté  ,  qui  eit  cepen- 
dant" l'unique  chofe  que  doi- 
vent envifuger-  ceux  qui  l'ai- 
ment ,  qui  le  cherchent  &z  qui 
font  profeilion  de  garder  fa  loi. 
Pour  éviter  un  écueil  ii  dange- 
reux ,  &  pour  nous  accoutumer 
à  ne  rien  vouloir  ,  à  ne  rien 
faire  que  félon  l'impreffion  de 
l'Efprit  divin,  &  avec  une 
intention  très-pure  d'honorer 
celui  qui  veut  être  ,  non- feu- 
lement le  premier  principe  > 
mais  encore  la  dernière  fin  de 
toutes  nos  actions;  voici  ce 
qu'il  y  a  à  obferver. 

Quand  il  le  prélente  une  oc- 
canon  de  faire  quelques  bonnes 
œuvres  ,  ne  permettons  pas  à 
notre  cœor  de  la  délirer  &  de 
s'y  affectionner ,  qu'auparavant 
nous  n'ayons  élevé  notre  efprit 
D 


5*0  Le  Combat  Spirituel, 
à  Dieu ,  afin  de  favôir  s'il  veut 
que  nous  la  raflions ,  &  d'exa- 
miner  fi  nous  la  délirons  pu- 
rement ,  parce  qu'elle  lui  eft 
agréable,  De  cette  forte  notre 
volonté  prévenue  ôtréglée  par 
celle  de  Dieu  ,  fe  portera  à  ai- 
mer ce  qu'il  aime,  par  le  feul 
motif  de  le  fatisfaire  pleine- 
ment, Se  de  procurer  fa  gloire* 
11  faut  enufer  de  même  dans 
les  ebofes  que  Dieu  ne  veut 
pas:  car  avant  de  les  rejeter  , 
nous  devons  pareillement  nous 
élever  en  efprit  vers  lui,  pour 
connoître  fa  volonté  ,  &  pour 
avoir  quelque  cercitu de  qu'en 
les  rejetant  nous  pourrons  lui 
plaire. 

Mais  il  eft  bon  de  remarquer 
qu'on  ne  découvre  pas  aifé- 
ment  les  artifices  de  la  nature 
corrompue  ,  qui ,  fous  des  pré- 
textes fpécieux  ,  fe  cherche 
toujours  foi-même,  nous  fait 
croire  qu'en  toutes  nos  œuvres 


Chapitre  X.    5*1 

nous  n'avons  point  d'autre  vue 
que  de  Paire  quelque  chofe  d'a- 
gréable à  Dieu.  De -là  vient 
que  ce  que  nous  embraflbns  , 
&  ce  que  ncusrejetto-ns,  dans1 
le  feul  deflein  de  nous  conten- 
ter nous-mêmes  ,  nous  croyons 
ne  l'embraffer  ck  ne  le  rejeter 
que  par  le  defir  déplaire  à  no- 
tre Seigrcrr,  on  par  la  crainte 
de  lui  déplaire.  Le  remède  le 
le  pluseiïentieî  à  ce  ma!  confilte 
dans  la  pureté  du  cœur  ,  que 
ceux  qui  s'engagent  au  com- 
bat fpirituel  ,  doivent  fe  pro- 
pofer  pour  nn  ,  en  fe  dépouil- 
lant du  vieil  homme  pour  le 
revêtir  du  nouveau. 

La  manière  de  nous  appli- 
quer un  remède  fi  divin,  eft 
quvau  commencement  de  nos 
actions  nous  tâchions  de  nous 
défaire  de  tous  les  motifs  où  iî 
entre  quelque  chofe  de  naturel 
&  d'humain  ,  à  n'aimer  rien  ,  & 
à  ne  rien  haïr  que  par  la  feule 
Dij 


5*2  Le  Combat  Spirituel , 
confidération  de  la  volonté  di- 
vine. Que  il  dans  tout  ce  que 
nous  raifons  ,  &  particulière- 
ment dans  les  mouvemens  du 
cœur,  6c  dans  quelques  œuvres 
extérieures  qui  paflent  vite  , 
nous  ne  fenrons  pas  toujours 
l'impreffion  actuelle  de  ce  mo- 
tif? raiions  en  forte  du  moins 
qu'il  fe  trouve  virtuellement 
par-tout ,  &  qu'au  fond  de  l'a- 
me  nous  confervions  un  véri- 
table defir  de  ne  plaire  qu'à 
Dieu  feul  ;  mais  dans  les  ac- 
tions qui  durent  long  -  tems , 
ce  n'eft  pas  allez  de  diriger  no- 
tre intention  à  cette  fin  ,  il  faut 
la  renonveîler  fournit ,  6c  l'en- 
tretenir dans  fa  pureté  &  dans 
fa  ferveur;  fans  cela  nous  fe- 
rions fort  en  danger  de  nous 
laifler  aveugler  par  l'amour- 
propre,  qui,  préférant  en  toutes 
chofosla  créature  au  Créateur , 
a  coutume  de  nous  enchanter; 
de  forte  qu'en  peu  de  tems, 


Chap  itre  X.   5-3 

&  pieique  infentiblement  , 
nous  changeons  d'intentions  & 
d'objet. 

Un  homme  de  bien  ,  mais 
peu  foigneux  de  fe  tenir  fui- 
tes gardes  ,  commerce  pour 
l'ordinaire  ion  ouvrage  ,  fans 
autre  vue  que  de  plaire  à  Dieu, 
mais  dans  la  fuite  il  fe  lailTe 
aller  peu  à  peu ,  6k  fans  y  penf 
fer ,  à  la  vaine  gloire  ,•  de  fa- 
çon que  nefongeant  plus  à  la 
volonté  divine ,  qui  auparavant 
le  faifoit  agir  ,  il-s'attache  au 
feul  plaiiir  qu'il  trouve  dans 
fon  travail  ,  &  n'envifage  que 
l'utilité  ou  la  gloire  qu'il  en 
peut  retirer. 

Que  ii  dans  le  tems  où  il 
croit  le  mieux  réuffir  ,  Dieu 
l'empêche  de  continuer  ce  qu'il 
a  commencé  ;  foit  qu'il  lui  en- 
voie quelque  maladie ,  ou  qu'il 
permette  qu'on  l'interrompe  , 
il  en  devient  tout  chagrin  juf- 
<ju'à  murmurer  j  tantôt  contre 
Diij 


5*4     £*  Combat  Spirituel, 
celui-ci ,  tantôt  contre  celui-là, 
&:  quelquefois  contre  Dieu  mê- 
me ;  par   où   l'on  voit  claire- 
ment que  fon  intention  n'ett  pas 
droite  &  qu'elle   venoit  d'un 
mauvais  principe  ;  car  quicon- 
que agit  par  le  mouvement  de 
la  grâce   &  dans  le   deifein  de 
plaire    à   Dieu    feul  ,  n'a  pas 
plus  d'inclination  pour  un  exer- 
cice que  pour  l'autre  ;   &  s'il 
délire  quelque  chofe  ,  il  ne  pré- 
tend l'obtenir  que  de  la  maniè- 
re &  dans  le  teins  qu'il  plaira  à 
Dieu  ,  toujours  fournis  aux  or- 
dres de  fa  Providence»  toujours 
tranquille  &  content,  quelque 
fuccès  qu'ayent   fes    deffeins  , 
parce  qu'il  ne  veut  qu'une  feu- 
le chofe  ,  qui  eft  l'accomplifTe- 
ment  de  la  volonté  divine. 

Que  chacun  donc  fe  recueille 
en  lui-même  ,  fonge  à  rappor- 
ter toutes  fes  actions  aune  fia 
f\  excellente  &  fi  noble  ;  &  fi 
quelquefois  dans  la  difpofitio» 


Ch  apitre  X.  ïf 
intérieure  où  il  efl:  ,  il  le  feue 
porté  à  faire  de  bornes  oeu- 
vres ,  pour  le  garantir  par-là 
des  peines  ce  l'enfer  ,  ou  pour 
mériter  le  bonheur  du  ciel,  il 
peut  encore  fe  propofer  pour 
dernière  fin  d'obéir  à  Dieu  , 
qui  veut  qu'on  gagne  le  ciel  & 
qu'on  évite  l'enfer.  On  nefau- 
roit  croire  combien  cil  grande 
îa  vertu  de  ce  motif;  puifque 
la  moindre  action  ,  quelque 
baffe  qu'elle  (bit ,  étant  faite 
Amplement  pour  Dieu ,  vaut 
mieux  de  beaucoup  que  plu- 
fleurs  autres,  quoique  fort  bon- 
nes <k  d'un  grand  mérite  ,  qui  fe 
font  dans  une  autre  vue.  C'eft 
par  ce  principe  qu'une  aumône 
peu  considérable,  donnée  à  un 
pauvre  pour  la  feule  gloire  de 
la  majeflé  divine ,  lui  efl  fars 
comparaifon  plus  agréable  , 
que  fi  pour  quelqu'antre  tin  ,  ou 
abandonnoit  de  grands  biens  f 
quand  même  on  ieroit  porté  à 
Dir 


J 6     Le  Combat  Spirituà  , 
s'en  défaire  par  l'eipérance  des 

biens  du  cie!  ,  quoiqu'après 
tout  ce  motif  foit  louable,  Se 
qu'il  mérite  qu'on  fêle  propofe. 
Cette  pratique  fi  iainte  de 
faire  toutes  nos  oeuvres  pure- 
ment pour  plaire  à  Dieu  ,  nous 
l'emblera  au  commencement  un 
peu  difficile  ,  mais  avec  le  tems 
el'e  nous  deviendra  aifée  & 
même  agréable,  fi  nous  nous 
accoutumons  à  chercher  Dieu 
de  tout  notre  cceur  $•  i]  nous 
ioupirons  fans  cède  après  lui 
cemme  après  notre  unique  6c 
feuverain  bien  ,  qui  de  foi  mé- 
jite  que  toutes  les  créatures  le 
cherchent ,  l'eftiment  6k  l'ai- 
ment par-deiïus  tonte  autre 
chofe.  Plus  nous  nous  attache- 
rons à  conlidérer  combien  Dieu 
eft  grand  &  aimable,  plus  les 
sflfe&ions  de  notre  cceur  en- 
vers ce  divin  objet  feront  ten- 
dres &  fréquentes  :  <k  par-là 
Boue  acquérerons  plus  facile- 


Chapi  tre  XT.    n 

ment  &  plus  vite  cette  habi- 
tude de  rapporter  toutes  nos 
actions  à  fa  gloire. 

J'ajoute  un  dernier  moyen 
de  ne  rien  faire  que  par  ce  mo- 
tif iî  excellent  &:  ii  relevé  ; 
c'eft  d'en  demander  inftam- 
mentla  grâce  à  notre  Seigneur 
6c  de  conikljrer  fou  vent  les 
biens  infinis  que  Dieu  nous  a 
faits ,  &  qu'il  nous  fait  encore 
à  toute  heure  par  un  amour  pur 
&  tout-à-fait  déiintereilé. 
■     '  ■  .  ^ 

Chapitre  XI. 

De  quelques  zonfidé rations  qui 
peuvent  porter  la  volonté  à  ne 
vouloir  que  ce  que  Dieu  veut, 

jt  &Fin  d'engager  plus  facile- 
ment notre  volonté  à  ne  vou- 
loir rien  que  ce  que  Dieu  veut  , 
&  ce  qui  eft  pour  fa  gloire  , 
iouvenons-nous  qu'il  a  daigné 
nous  aimer  &  nous  honorer  le 
premier  en  mille  manières  dif- 


yS  Le  Combat  Spirituel , 
rerentes  ;  c'eft  lai  qui  nous  a 
tirés  du  néant ,  qui  nous  a  créés 
à  fon  image,  qui  a  fait  tou- 
tes les  autres  créatures  pour 
notre  fervice  ;  c'efî  lui  qui 
voulant  nous  donner  un  Ré- 
dempteur, nous  a  envoyé , non 
pas  un  Ange,  mais  fon  Fils  uni- 
que ,  qui  a  racheté  le  monde  *  , 
non  pas  au  prix  de  V  argent  &  de 
l'or  y  qui  font  des  c/wfes  corrup- 
tibles ,  mais  au  prix  de  fon  fan  g, 
6c  par  fa  mort ,  non  moins  infâ- 
me que  douîoureufe;  c'eft  lui 
enfin  qui  à  tout  moment  nous 
protège  contre  la  fureur  de  nos 
ennemis ,  qui  combat  pour  nous 
par  fa  gr&ce  ,  qui,  afin  denous 
nourrir  &  de  nous  défendre 
en  même-tems ,  eft  toujours 
prêt  de  nous  donner  le  Corps 
de  fon  Fils  à  la    Sainte  Table. 

Ne  font-ce  pas  là  des  témoi- 
gnages certains  de  l'eilime 
£c  de  l'affection  que  ce  grand 

*  LPet.  i.  18.  !» 


Chapit  re  XL  yp 
Dieu  apou-r  nous  ?  Qui  pour- 
roit  comprendre  jufqu'où  va  fa 
chanté  pour  des  créatures 
auïTi  pauvres  &  auflî  viles  que 
nousibmmes,  &  jufqu'où  doit 
aller  notre  reconnoiiTance  pour 
ce  Bienfaiteur  le  plus  libéral 
qui  puiiTe  être  ?  Que  li  les 
Grands  de  la  terre  fe  voyant 
honorés  par  desperfonnes  que 
la  naiflance  ou  la  fortune  a  mi- 
fes  au-defïous  d'eux  ,  croient 
néanmoins  être  obliges  de  leur 
rendre  quelque  honneur;  quel 
honneur  ne  doivent  pas  rendre 
des  vers  de  terre  au  fouverain 
Maître  du  monde ,  qui  leur  don- 
ne tant  de  marques  de  fa  bien- 
veillance &  de  fon  eftime  ?  Il 
faut  fur-tout  nous  reiTbuvenir 
que  cette  infinie  Majefté  mé- 
rite que  nous  la  fervions  par  le 
principe  d'un  amour  très -pur 
qui  ae  cherche  qu'à,  lui  plaire. 


60    Le  Combat  Spirituel  9 
Chapi  tre  XII. 

Qiïily  a  dans  V  homme  plufieur  s 
volontés  qni  fi  font  fans  cejfe 
la  guerre, 

JLL  y  a  dans  l'homme  deux  vo- 
lontés ,  l'une  fuperïeure  ,  l'au- 
tre inférieure.  La  première  eft 
celle  que  nous  appelions  com- 
munément la  raiion  :  l'autre, 
celle -à  qui  nous  donnons  le 
nom  d'appétit  ,  de  chair ,  de 
fens,  de  paflion  :  cependant, 
comme  ,  à  proprement  parler, 
on  n'efi  homme  que  par  la  rai- 
fon  y  ce  n'eft  pas  vouloir  quel- 
que chofe  que  de  s'y  porter  pair 
un  premier  mouvement  de  l'ap- 
pétit fenfitif,  à  moins  que  la 
volonté  fupérieure  ne  s'y  porte 
eniuite  &  ne  s'y  attache. 

C'eft  pourquoi  toute  notre 
guerre  ipirituelle  confifte  en 
ce  que  la  volonté  raifonnable 
ayant  au-defTus  de  foi  la  divine 


Chapitre  XII.    61 

volonté,  6c  au-deffous  l'appé- 
tit fenfitif ,  &  fe  trouvant  com- 
me an  milieu  ,  elle  eft  com- 
battue prefque  également  des 
deux  côtés,  parce  que  Dieu 
d'une  part  8c  la  chair  de  l'au- 
tre ,  la  ibllicitent  (ans  relâche  , 
ik  n'omettent  rien  pour  la  faire 
entrer  dans  leurs  fentimens. 
Voilà  ce  qui  caufe  des  peines 
inconcevables  à  ceux  qui  dans 
leur  jeuneiTe  ayant  contracté 
de  méchantes  habitudes ,  pren- 
nent enSn  la  réfolutionde  chan- 
ger de  vie,  de  dompter  leur 
chair  ,  8c  de  rompre  avec  le 
monde  ,  pour  fe  dévouer  en- 
tièrement au  fervice  de  notre 
Seigneur;  car  leur  volonté  eft 
en  méme-terns  attaquée  avec 
beaucoup  de  violence  ,  par  la 
volonté  divine,  Ôçpar  l'appétit 
fenfitif;  &  de  quelque  côté 
qu'elle  fe  tourne  ,  elle  ne  peut 
réiifter  qu'avec  peine  à  de  il 
rudes  attaques. 


62     Le  ComSat  Spirituel 9 

Ce  combat  n'arrive  pas  dans 
ceux  ,  qui  depuis  long-tems  fe 
font  fait  une  habitude  ou  de 
la  vertu  ou  du  vice  ,  &  qui 
ayant  pris  leur  parti  ,  veulent 
toujours  vivre  comme  iis  ont 
vécu;  car  les  âmes  faintes  fe 
conforment  à  la  volonté  de 
Dieu,  &  celles  que  le  vice  a 
corrompues  fuivent  la  fenfua- 
lité  ;  mais  que  perfonne  ne  s'i- 
magine pouvoir  acquérir  les 
véritables  vertus  &  fervir  Dieu 
comme  il  faut  ;  s'il  n'eft  dans  la 
fcéfbîtrtion  de  fe' faire  violence 
àmi-méine,  de  vaincre  la  dif- 
ficulté qu'il  y  a  de  renoncer  k 
tous  les  plaitirsdu  monde.,  foit 
grands,  foit  petits  ,  auxquels 
il  a  eu  quelqu'attachement  cri- 
minel, 

De-là  vient  qu'il  fe  trouve  Ci 
peu  de  gens  qui  arrivent  en  un 
haut  degré  de  perfection  ;  car 
après  avoir  furmonté  les  plus 
grands    travaux ,    ils  perdent 


Chapitre  XII.    6$ 

cœur  &ne  peuvent  continuer 
àfe  vaincre  ,  quoiqu'ils  n'ayer.t 
plus  que  de  légers  combats  à 
fou  tenir,  pour  détruire  quel- 
ques foibles  reftes  de  leur  pro- 
pre volonté,  &  pour  étouffer 
beaucoup  de  petites  paflloos, 
qui  venant  à  fe  fortifier  de  jour 
en  jour,  fe  rendent  enfin  tout- 
à-faii  maitrefles  de  leur  cœur. 
De  ceux-là  .'piufieurs  ,  par 
exemple  ,  ne  dérobent  point  le 
bien  d'autrui ,  mais  ils  aiment  le 
leur  paiiionnémenr.  lîsn'ufent 
pas  de  moyens  illicites  pour  fe 
procurer  des  honneurs  mon- 
dains; mais,  bien  loin  de  re- 
jeter ,  comme  iis  devroient  , 
ces  vains  honneurs  ,  ils  le?  dé- 
lirent fou  vent  «Se  tachent  mê- 
me d'y  parvenir  par  d'antres 
voies  qui  leur  femblert  légiti- 
mes, ils  gardent  les  jeûnes  d'o- 
bligations ;  mais  ils  aiment  îa 
bonne  chère  &  tas  viandes  'es 
plus  délicates.  Ils  font  chatte* 


6*4  Le  Combat  Spirituel, 
&:  continens  ;  mais  ils  ne  s'abf- 
tiennent  pas  de  certains  plai- 
firs  qui  leur  font  de  grands ob- 
ftacles  aux  fondions  de  la  vie 
fpiritueïle ,  &  à  l'intime  union 
avec  Dieu. 

Comme  donc  ces  chofes  font 
dangereufes  pour  toutes  fortes 
de  perfonnes  &  particulière- 
ment pour  ceux  qui  n'en  crai- 
gnent par  les  fuites  funeftes  ,  il 
faut  que  chacun  apporte  tous 
les  foins  imaginables  pour  les 
éviter,  fans  cela  il  eft  impofli- 
b!e  qu'on  ne  fafle  la  plupart  de 
fes  bonnes  œuvres  avec  un  ef- 
prit  de  tiédeur,  &  qu'on  n'y 
mêle  beaucoup  d'amour-pro- 
pre ,  de  refpects  humains ,  d'im- 
perfections cachées ,  d'eftime 
de  foi-même ,  d'envie  de  pa- 
roi tre  &  d'être  applaudi  du 
monde.  Ceux  qui  fe  négligent 
en  ce  point,  non-feulement  ne 
font  nul  progrès  dans  la  voie 
de  leur  falut ,  mais  retournent 

en 


Chapitre  XII.   6f 

en  arrière  &:  s'expofent  à  re- 
tomber dans  leurs  anciens  vi- 
ces ;  parce  qu'ils  ne  s'atta- 
client  point  à  la  iblicie  vertu  , 
qu'ils  reiïentent  peu  la  grâce 
que  Dieu  leur  a  fait  de  les  af- 
franchir de  la  tyrannie  du  dé- 
mon ,  qu'ils  ne  connoiilent  pas 
même  le  mauvais  état  où  ils 
font ,  &  qu'ils  demeurent  ainti 
toujours  dans  une  paix  &  dans 
une  fécurité  trompenfe. 

On  peut  remarquer  ici  une 
iîlufion  d'autant  plus  à  crain- 
dre ,  qu'il  efe  plus  aifé  de  la 
découvrir.  Plofîeurs  de  ceux 
qui  s'abandonnent  à  la  vie  fpi- 
rituelle  ,  s'aimant  trop  eux-mê- 
mes ,  iï  toutefois  l'on  peut  dire 
qu'ils  s'aiment  eux  -  mêmes  ,. 
choinfient  les  exercices  xftri 
leur  plaifent  davantage ,  6c 
laiffent  les  autres  qui  ne  font 
pas  à  leur  goût,  quichoquent 
leur  inclination  naturelle,  qui 
fervent  à  mortifier  leurs  paf- 
£ 


66     Le  Combat  Spirituel, 
fions  brutales ,  contre  lefqueî- 
les  ils  devroient   tourner  tou- 
tes leurs  forces    dans  le  com- 
bat   fpirituel.    On  ne    fauroit 
trop    les   exhorter   d'aimer  la 
peine  qu  'il  7  a  à  les  vaincre  , 
parce  que  tout  dépend  de-là  , 
&  que  plus  ils  feront  paroître 
de  courage  b    formonter    les  • 
premières  difficultés  qui  fe  ren- 
contrent dans  la  vertu  ,    plus 
leur  victoire  fera  prompte    &z 
aîïurée  5  que  stîs  fe  propofent 
uniquement      les  travaux   de 
cette     guerre    s'ils  s'y    atta- 
chent tout-à-  fait ,  s'ils   n'afpi- 
rent  pas  trop-tôt  à    la  viàoire 
et  aux  fruits  de  la  victoire,  qui 
font  les  vertus,  ils  obtiendront 
plus  facilement  &  plus  fùre- 
naent  ce  qu'ils  prétendent. 


X 


17 

ChapitreXIII. 

De  quelle  manière  il  faut  com- 
battre la  fenfualité ,  quels" 
actes  la  volonté  doit  produire , 
pour  acquérir  les  habitudes  des 
vertus. 

HT 

XdOrfque  nous  fentons  que 
Dieu  &  la  chair  difputent  en- 
fernble  à  qui  aura  notre  cœur  , 
voici  les  moyens  que  nous  de- 
vons prendre  pour  faire  pencher 
la  victoire  du  côte'  de  Dieu. 

i .  Dès  que  ies  premiers  mou- 
vemens  de  l'appétit  fenfitif  s'é- 
lèvent contre  la  raifon,  il  faut 
avoir  foin  de  les  réprimer,  de 
peur  que  la  volonté  ne  vienne 
à  y  consentir, 

2.  Ces  mouvemens  étant  ap- 
paifés,  on  peut  les  laitier  re- 
naître ,  afin  d'avoir  occalion  de 
les  combattre  encore  une  fois 
avec  plus  de  force  qu'aupara- 
vant. 

Eij 


68    Le  Combat  Spirituel 

3.  Il  eft  bon  même  de  les 
faire  venir  à  un  troiiïeme  com- 
bat pour  s'accoutumer  à  les 
repouf er  avec  un  géeéreux 
mépris.  Remarquons  pourtant 
que  ces  deux  manières  d'exci- 
ter en  foi  fes  propres  pafnons, 
n'ont  point  de  lieu  à  l'égard 
des  mouvemens  de  la  chair  > 
dont  nous  parlerons  en  un  au- 
tre endroit. 

4.  Enfin  ,  il  importe  extrê- 
mement de  former  des  actes  de 
vertus  contraires  aux  habitu- 
des vicieufes  dont  on  prétend 
le  défaire.  L'exemple  fuivant 
en  fera  une  preuve  manifeft e. 

Vous  êtes  peut-être  agité  de 
mou  vemer.s  d'impatience.  Re- 
cueillez-vous en  vous-même  , 
&confidéreztout  cequifepaf- 
fe  dans  votre  intérieur  :  vous 
verrez  fans  doute  ,  que  le  cha- 
grin qui  a  pris  naiflànce  dans 
l'appétit  inférieur,  tâche  de 
monter  à  la  volonté  &  de  ga- 


Chapitre  XIII.  69 
gner  la    partie  fupérieure  de 

votre  ame  ;  alors,  fuivant  le 
premier  avis  que  je  viens  de 
vous  donner  ,  faites  tout  votre 
poffible  pour  en  arrêter  ie 
cours  6c  pour  empêcher  que 
la  volonté  ne  s'y  laiiTe  aller. 
Prenez  garde  de  ne  point  quit- 
ter le  combat  que  votre  enne- 
mi, abbattu  &  comme  mort,  ne 
foit  contraint  de  fe  foumettre 
à  la  raifon. 

Mais  voyez  l'étrange  artifice 
du  malin  efprit;  quand  il  s'ap- 
perçoit  que  vous  réfiftez  coura- 
geufement  à  quelque  violente 
paffion  ,  non-feulement  il  ce  (Te 
de  l'émouvoir  dansvotre  cœur, 
mais  s'il* l'y  trouve  déjà  allu- 
mée ,  il  s'efforce  de  l'éteindre 
pour  un  tems.  Son  deffeiti 
eft  de  vous  empêcher  d'acqué- 
rir par  une  ferme  réiiftance  la 
vertu  contraire  ,  de  vous  inf- 
pirer  enfuite  des  fentimens  de 
vanité,  en  vous  faifant  croire 
E  iij 


70    Le  Combat  Spirituel} 

que  comme  un  vaillant  foldat, 
vous  avez  en  peu  de  tems  vain- 
cu l'ennemi,  il  faut  donc  que 
vous  livriez  un  fécond  combat, 
que  vous  rappel'.iez  en  votre 
mémoire,  les  penfées  qui  vous 
ont  caufé  de  l'impatience  &  du 
chagrin;  qu'aufiï-tôt  qu'elles 
auront  excité  quelques  mouve- 
rnens  dans  la  partie  inférieure  , 
vous  employiez  toutes  les  for- 
ces de  la  volonté  pour  les  ré- 
primer. 

Mais  comme  il  arrive  fou- 
vent  ,  qu'après  avoir  fait  cie 
grands  efforts  pour  repoufier 
l'ennemi  dans  la  penfée  qu'on 
le  doit ,  &  que  c'eft  une  chofe 
agréable  à  Dieu;  comme,  dis- 
je  ,  après  cela  on  n'ell  pas  hors 
c'e  danger  d'être  vaincu  dans 
une  troiiieme  attaque;  vous  de- 
vez encore  une  fois  retourner 
au  combat  contre  le  vice  dont 
vous  prétendez  vous  défaire  , 
&  en  concevoir ,  non-feulement 


Chapitre  XIII.  71 

de  l'averiion  ,  mais  du  mépris 
&  de  l'horreur. 

Enrin ,  pour  orner  votre  ame 
des  vertus  ,  &.  pour  vous  en 
faire  de  laintes  habitudes ,  il 
faut  produire  beaucoup  d'actes 
de  .celles-  qui  font  contraires 
à  vos  paillons  déréglées.  Par 
exemple  ,  îi  vous  voulez  ac- 
quérir une  parfaite  douceur 
dans  les  occalions  d'impatience 
qu'on  vous  donne  en  vous  mé- 
prifant ,  ne  croyez  pas  qu'il 
fuffife  d'employer  les  trois  for- 
tes  d'armes  dont  nous  venons 
de  parler  ,  pour  vaincre  la  ten- 
tation; il  faut  de  plus  que  vous 
aimiez  le  mépris  qu'on  tait  de 
vous  ;  il  faut  que  vous  déliriez 
d'être  fouvent  méprifé  de  la 
même  forte  ,  &:  par  les  mêmes 
perfonnes;  il  faut  que  vous  vous 
propoliez  de  fournir  encore  de 
plus  grands  outrages. 

La  raifon pourquoi  l'on  ne 
peut  fe  perfectionner  dans  là 
Eiv 


-72  Le  Combat  Spirituel, 
vertu  /fans ces  ades contraires 
aux  vices  qu'on  veut  corriger  , 
eil  que  tous  les  autres  aSes  , 
quoiqu'ils  foient  d'une  fore 
grande  efficace  ck  en  fort  grand 
nombre  ,  ne  fauroient  ôter  juf- 
qu'à  la  racine  du  mal.  Ain  fi 
pour  ne  point  changer  cr exem- 
ples ,  quoique  vous  ne  confen- 
tiez  pas  aux  mouvemens  de 
colère  qui  vous  viennent ,  lors- 
qu'on vous  méprife  .,  mais  que 
vous  les  combattiez  de  toutes 
les  manières  que  nous  avons 
dit;  fâchez  néanmoins  que  ii 
vous  ne  vous  accoutumez  à  ai- 
mer l'opprobre  ck  à  vous  en 
faire  un  fujet  de  joie  ,  vous  ne 
parviendrez  jamais  à  déraciner 
de  votre  cœur  le  vice  de  l'im- 
patience ,  qui  naît  d'une  trop 
grande  crainte  d'être  méprife 
du  monde,  &  d'un  defir  trop 
ardent  d'en  être  eftimé  :  car 
enfin  tant  que  cette  méchante 
racine   demeurera  dans  votre 


Chapitre  XI IL  75 

ame  ,  elle  pouffera  toujours  Sç 
votre  vertu  s'afFoiblira  ;  peut- 
être  même  qu'avec  le  tems  vous 
vous  trouverez  dellitué  de 
toute  vertu,  &  en  un  danger 
continuel  de  retomber  malheu- 
reufement  dans  vos  déibrdres 
pattes. 

N'efpérez  donc  pas  obtenir 
jamais  les  vertus  folides/,  fi  >  par 
des  a&es  fréquens  de  ces  mê- 
mes vertus ,  vous  ne  détruifez 
les  vices  qui  leur  font  directe- 
ment oppofés.  Je  dis  par  des 
a&es  fréquens;  car  comme  il 
faut  plufieurs  péchés  pour  for- 
mer une  habitude  vicieufe,  il 
faut  au  fil  plufieurs  a&es de  ver- 
tu pour  produire  une  habitude 
fainte  9  qui  foit  parfaite  &  in- 
compatible avec  le  vice.  Il 
faut  même  un  plus  grand  nom- 
bre d'a&es  de  vertu  pour  faire 
une  habitude  fainte,  qu'il  ne 
faut  de  péchés  pour  en  faire 
une  vicieufe ,  parce  que  la  cor- 


74     Le  Combat:  Spirituel y 
ruption   de  la   nature  fortifie 
toujours   celle-ci ,  &  affaiblie 
l'autre. 

Remarquez  de  plus  que  li  la 
vertu  que  vous  vouiez  prati- 
quer ,  ne  peut  s'acquérir  fans 
quelques  a6t.  s  extérieurs,  con- 
formes aux  intérieurs ,  ainlî 
qu'il  arrive  dans  !a  patience  ; 
vous  devez  non  feulement  par- 
ler avec  charité  St  avec  dou- 
ceur ,  mais  rendre  tous  les  fer- 
vices  imaginables  à  celui  qui 
vous  aura  maltraité  de  quelque 
manière  que  ce  foit  ;  &  encore 
que  ces  ac"tes  ,  foit  intérieurs  , 
foit  extérieurs  ,  vous  femblene 
foibles  &  que  vous  ne  les  raf- 
fiez  qu'avec  une  extrême  répu- 
gnance ;  gardez- vous  bien  ce- 
pendant de  les  négliger  ,  parce 
que  tout  foibles  qu'ils  font,  ils 
vousfoutiendront  dans  le  com- 
bat f  &  vous  feront  de  puiffans 
moyens  pou»  remporter  la  vic- 
toire* 


Chapitre  XIII.  7? 

Veillez  donc  fur  votre  inté- 
rieur &ne  vouscontenrez  pas 
de  réprimer  les  mouvemens 
les  plus  violens  des  pallions  ; 
étouffez  jufqu'aux  plus  petits, 
parce  que  ceux-ci ,  pour  l'or- 
dinaire ,  fervent  de  difpoiition 
aux  autres ,  d'où  naiflent  enfin 
les  habitudes  vicieufes.  Nous 
(avons  ,  par  exemple ,  que 
beaucoup  de  gens  ayant  né- 
gligé de  mortifier  leurs  paillons 
en  des  chofes  aifez  légères  , 
quoiqu'ils euiïent  eu  le  courage 
de  les  mortifier  en  des  occa- 
iions  très-coniidérables  ;  nous 
lavons,  dis-je,  que  lorfqu'ils 
y  penfoient  le  moins ,  ils  ont 
été  attaqués  plusrudement  que 
jamais  par  des  ennemis  qui  n'é- 
toient  qu'à-demi  vaincus. 

J'ai  encore  ici  un  avis  de 
grande  importance  à  vous  don- 
ner :  c'eit  de  mortifier  vos  ap- 
pétits dans  les  chofes  même 
qui   font  penxiifes,  mais  non 


76  Le  Combat  Spirituel, 
nèceffaires ,  car  vous  gagnerez 
par-là  beaucoup  ,  vous  pour- 
rez vous  vaincre  plus  facile- 
ment dans  les  autres  ;  vous  de- 
viendrez plus  aguerris  &  plus 
forts  dans  les  tentations  ,  & 
vous  vous  rendrez  en  mê-me- 
tems  bien  plus  agréables  à  no- 
tre Seigneur.  Je  vous  dis  fin- 
cèrement  ce  que  je  penfe  ;  ne 
vous  lailez  point  de  pratiquer 
lesfaintsexercicesqueje  viens 
de  vous  enfeigner,  &  dont  vous 
avez  befoin  pour  la  réforma- 
tion de  votre  intérieur.  Vous 
remporterez  bientôt  une  glo- 
rieuie  victoire  fur  vous  même. 
Vous  ferez  en  peu  de  tems  de 
fort  grands  progrès  dans  la  ver- 
tu ,  &  vous  deviendrez  fpiri- 
tuel  ,  non  pas  de  nom  feule- 
ment, mais  en  effet  &  en  vé- 
rité. 

Que  fi  vous  prenez  d'autres 
voies  ,  quoiqu'elles  vous  pa- 
roiffent  excellentes,  que  vous 


ChapitkeXIIL  77 

y  goûtiez  de  grandes  délices 
Spirituelles  ,  que  vous  croyiez 
y  avoit  une  intime  union  avec 
Dieu  ,  tenez  pour  certain  que 
jamais  vous  n'obtiendrez  de 
vertus  folides,  ni  ne  iaurez  ce 
que  c'eft  que  la  véritable  Spiri- 
tualité, qui,  comme  nous  avons 
dit  au  premier  Chapitre,  ne 
conufte  pas  en  des  exercices 
doux  &  qui  flattent  la  nature  ; 
mais  en  ceux  qui  la  crucifient 
avec  fes  partions  &c  les  defirs 
déréglés. 

C'eft  ainfi  que  l'homme  re- 
nouvelle intérieurement  par  les 
vertus  qu'il  a  acquifes,  vient 
à  s'unir  intérieurement  à  ion 
Créateur  &  à  fon  Sauveur  atta- 
ché en  croix.  Aufu  efi-il  hors 
de  doute  que  comme  les  habi- 
tudes vicieufesSe  forment  dans 
nous  par  plniieurs  actes  de  ia 
volonté  ,  lorsqu'elle  fuccombe 
à  l'appétit  Seniitif;  de  même  les 
vertus  chrétiennes  s'acquièrent 


7^     Le  Combat  Spirituel, 

par  plu fieurs  actes  de  la  volon- 
té ,  Iorfqu'elle  fe  conforme  à 
celle  de  Dieu  ,  qui  excire  l'a- 
me  tantôt  à  une  vertu  ,  &  tan- 
tôt à  l'autre.  Comme  donc  la 
"volonté  ne  peut  être  criminel- 
le, quelque  effort  que  rafle  l'ap- 
pétit inférieur  pour  la  corrom- 
pre 5  à  moins  qu'elle  n'y  con- 
sente ;  au (11  ne  peut-elle  être 
fainte  &  unie  à  Dieu  ,  quelque 
forte  que  foit  la  grâce  qui  l'atti- 
re ,  à  moins  qu'elle  n'y  coopère 
par  des  ades  ?  non-feulement 
intérieurs,  mais  même  exté- 
rieurs, s'il  en  ellbefoin. 

Chapitre    XIV. 

D:  ce  qu'il  faut  faire  lorfjuc  la 

v  o  lo  n  té  Jenfible  efi  va  in  eue  & 

hors  d'état  de  réfijler  à  V appétit 

nfitif. 

d'i  l  rou<  femble  quelquefois 
que  votre  volonté  eft  trop  foi- 
ble  pour  réûller  à  l'appétit  in- 


Chapitr  e  XÏV.  79 
férieur ,  &  à  d'autres  ennemis 
qui  tâchent  de  s'en  rendre  mai- 
très  ,  Se  ii  alors  vous  ne  vous 
fentez  pas  allez  de  courage  & 
de  réfolution  pour  foutenir 
leurs  attaques  ;  ne  laiiTez  pas  de 
tenir  ferme  ,  n'abandonnez 
point  le  combat  ?  puifque  vous 
devez  croire  que  vous  êtes  vic- 
torieux ,  tandis  qu'il  ne  paroit 
pas  que  vous  foyez  tout-à-fait 
vaincu.  En  effet  comme  votre 
violenté  n'a  pas  befoin  dn  con- 
tentement de  l'appétit  inférieur 
pour  prendre  tel  parti  qu'il  lui 
plaît  ;  au  fil  quelque  violence 
qu'elle  fouffre  du  côté  de  cet 
ennemi  doraeftique  ,  eîle  con- 
ferve  toujours  l'ufage  entier  de 
fa  liberté  :  carie  Créateur  lui  a 
donné  un  pouvoir  «Se  un  empire 
il  abfolu  ,  que  quand  tous  les 
fens  ,  tous  les  démons  ,  toutes 
lescréatures  enfemble  auroienc 
confpiré  contr'elîe  ,  rien  ne 
pourroit  l'empêcher  de- faire, 


8o  Le  Comh a:  Spirituel, 
ou  de  ne  point  faire  ce  qu'elle 
veut ,  ou  ce  qu'elle  ne  veut  pas 
autant  de  fois ,  &  auffi  long- 
teaiSjpour  telle  Hn&  de  telle 
manière  que  bon  lui  iemble. 

Que  fi  quelquefois  la  tenta- 
tion vous  preflè  ,  de  forte  que 
votre  volonté  foible  &  prelque 
vaincue  ,  femble  n'avoir  pas 
toute  la  force  néceffaire  pour  y 
reTifter,  gardez-vous  bien  de 
perdre  courage  ,  &  de  mettre 
les  armes  bas.  Criez  au  moins  , 
6c  défendez  vous  en  difant  au 
tentateur  :  Ret ire  -  toi  d'ici  , 
Satan  ,  car  je  mourrai  mille 
fois  plutôt  que  de  çonfentir  à 
tes  fuggeftions  infâmes.  P'aites 
comme  un  homme  qui  étant 
aux  priies  avec  un  ennemi  opi- 
niâtre ,  8z  ne  pouvant  le  per- 
cer de  fon  épée  ,  le  frappe 
avec  le  pommeau  par  où  il 
peut;  voyez  comme  il  tâche 
de  fe  dégager,  comme  il  recule 
de  quelques   pas  y  &  comme 

il 


Chahtre  XIV.  Si 

île  revient  fur  fon  ad  ver  fa  ire  r 
p  ur  lui  donner  le  coup  de  la 
mort  :  cela  vous  apprend  à  vous 
retirer  fouvent  dans  vous-mê- 
rpe  ,  pour  conlklérer  que  de 
votre  fonds  vous  n'êtes  rien ,  & 
que  vous  ne  pouvez  rien  ;  pour 
vous  animer  enfuite  d'une  gé- 
néreufe  confiance  en  la  toute- 
puilTance  de  Dieu  ;  pour  atta- 
quer &  pour  vaincre  enfin  avec 
fa  grâce  la  patfion  qui  vous  do- 
mine. C'eft  alors  que  vous  de- 
vez dire  :  Aidez-moi ,  Seigneur 
mon  Dieu  ,  aidez  -  moi  :  Jefus 
&  Marie  n'abandonnez  point 
votre  ferviteur,'  ne  permettez 
pas  que  je  fuceombe  à  la  ten- 
tation. 

Mais  quand  l'ennemi  vous 
en  donne  le  îoidr ,  appeliez 
votre  entendement  au  fecours 
de  la  volonté  ;  fortifiez-la  pas 
diverfes  confidérations  propret 
à  lui  relever  le  courage  &  l'a- 
nimer au  co-mbat,  Si  vous  êtes, 
F 


82  Le  Combat  Spirituel , 
par  exemple ,  ou  perfécute  in- 
juftement ,  ou  affligé  de  quel- 
qu'autre  forte,  £c  que  dans 
une  profonde  triftefife  vous 
vousfentiez  violemment  tentjÉ 
d'impatience  ,  jufqu'à  ne  pou-" 
voir  ou  à  ne  vouloir  plus  rien 
fouffrir ,  tâchez  de  prendre 
cœur  ,  en  faiiant  une  férieufe 
réflexion  fur  les  articles  lu i- 
vans  ou  fur  d'autres  fembla- 
bles- 

i.  Voyez  fi  vous  ne  méditez 
point  le  mal  que  vous  endurez, 
&:  fi  vous  ne  vous  l'êtes  point 
attiré  vous-même:  cars'ilvous 
eft  arrivé  par  votre  faute  ,  la 
raifon  veut  que  vous  foutïriez 
patiemment  une  plaie  que  vous 
vous  êtes  faite  de  vos  propres 
mains. 

2.  Mais  au  cas  que  vous 
n'ayez  rien  à  vous  reprocher 
là-deiïus  ,  jetez  les  yeux  fur 
vos  défordres  pafles ,  dont  la 
juftice  divine  ne  vous  a  pas  en- 


Chapitre  XIV.  83 

core  puni ,  ou  que  vous  n'avez 
pas  expiés  par  une  jufte  péni- 
tence ,  &  voyant  que  Dieu  par 
fa  miféncorde ,  change  la  peine 
que  vous  avez  méritée ,  qui 
ïevroit  être  ou  fort  longue 
dans  le  purgatoire,  ou  éternelle 
dans-  l'enfer  ;  qu'il  la  change',, 
dis-je  ,  en  une  autre  6c  plusl'é- 
gere  &  plus  courte;  recevez 
la,  non-feulement  avec  patien- 
ce ,  mais  même  avec  joie  6c 
avec  action  de  grâces, 

3 .  Que  fi  vous  croyez ,  quoi- 
que fans  raifon  ,  avoir  commis 
peu  de  fautes  6c  fait  beaucoup 
de  pénitences,  fouvenez-vous- 
qu'on  ne  peut  entrer  dans  le 
Koyaume  du  Ciel  qae  par  la 
porte  étroite  des  tribulations. 

4.  Songez  de  plus,  que  quand 
vous  pourriez  y  entrer  par  une 
autre  porte ,  la  loi  feule  du  pur 
amour  devroit  vous  en  ôter  6c 
le  clefir  &  la  pcnfée  ;  parce  que 
kFils  de  Dieu,&  tous  les Saiat* 


84    Le  Combat  Spirituel, 
après  lui ,  y  font  allés  portant 
leurs  croix  ,  Se  par  un  chemin 
tout  couvert  d'épines. 

5 .  Mais  ce  qu'il  Faut  que  vous 
envifagiez  principalement  ici 
&:  en  toutes  chofes  >  c'eft  la  vo- 
lonté de  Dieu  ,  qui  vous  aime 
tant  3  qu'il  prendra  un  plaifir 
extrême  à  vous  voir  faiie  âcs 
actes  héroïques  de  vertu  ,  & 
répondre  par  ces  preuves  de 
votre  courage  &  de  votre  fidé- 
lité à  l'affection  qu'il  vous  por- 
te. Sachez  au  relie  que  plus  la 
perfécution  que  vous  fou flfrirez 
fera  injufte  du  côté  de  fon  au- 
teur ,  &  par  conféqtient  plus 
infupportable  du  vôtre,  p'us  le 
Seigneur  eftimera  votre  conf- 
iance ,  puifqu'au  milieu  âcs 
afflictions  vous  adorerez  fesju- 
gemens  ,  vous  vous  foumettrez 
à  fa  Providence  qui  tourne  en 
bien  les  événemens  les  plus  fâ- 
cheux, 8:  fait  fervir  à  notre 
falut  la  haine  de  nos  ennemis. 


Chapitre"  XV. 

De  quelques  autres  avis  fort  uti~ 
les  pour  j avoir  quelle  ejlla  ma" 
niere  de  bien  combattre ,  quels 
ennemis  on  doit  attaquer  , 
&  par  quelle  vertu  on  les  peut 
vaincre* 

V  Ous  avez  vu  de  quelle  forte 
il  faut  combattre  ,  atin  de  pou- 
voir fe  vaincre  foi-même  &  ac- 
quérir les  vertus.  Mais  pour 
remporter  plus  aife'ment  &  plus 
promptement  la  vi&oire  ,  ne 
penfez  pas  que  ce  foit  allez  de 
combattre  &  de  fignaler  fou 
courage  une  feule  fois:  ileftné- 
cefiaire  de  retourner  au  com- 
bat ,  fur-tout  contre  l'amour- 
propre,  jufqu'à  ce  qu'on  vienne 
à  regarder  comme  fes  amis  > 
ceux  dont  on  reçoit  de  plus 
cruels  &  de  plus  fanghns  outra- 
ges. Il  arrive  très  -  fouvent  , 
comme  j'ai  déjà  dit ,  que  ce 
Fiiy 


86  Le  Combat  Spiriueî^ 
combat  étant  négligé  ,  les  vic- 
toires font  difficiles  ,  inparfai- 
tes,  rares,  de  peu  de  durée. 
Combattez  donc  avec  beau- 
coup de  réfolution,  &  ne  vous 
excufez  pas  fur  votre  foibleile 
naturelle  ;  car  (i  vous  manquez 
de  force  ,  demandez-en  à  notre 
Seigneur,  &  il  vous  en  donnera* 

Songez  de  plus  que  fi  la  fu- 
reur de  vos  ennemis  elt.  extrê- 
me ,  fi  la  multitude  en  eft  in- 
nombrable ;  l'amour  que  Dieu 
vous  porte  efr  ininiment  plus 
grand.  Les  Àn^es  du  Ciel  qui 
vous  défendent,  les  Saints  qui 
intercèdent  pour  vous,  font  en 
beaucoup  plus  grand  nombre. 

Ces  conilderationsont  telle- 
ment encouragé  de  limp.les  fem- 
mes ,  qu'elles  ont  vaincu  toutes 
les  rufes  du  monde  ,   réfifté  à 
tous  les  attraits  de  la  chair-,  & 
triomphé  de  toute  la  rage  du 
démon  ;  c'eft  pourquoi  vous  ne 
devez  point  vous  épouvanter 
quoiqu'il  vous  iWnble  que  les 


Chapitre  XV.     87 
efforts  de  tant  d'ennemis  font 
difficiles  à  foutenir  ,  que  cette 
guerre  ne  finira  qu'avec  votre 
vie  &  que  vous  êtes  menacé  de 
piufieurs  endroits  ,  d'une  ruine 
prefque  certaine  :  car  il  faut  en- 
core que  vous  fâchiez  que  ni 
les  forces,  ni  les  rufes  de  vos 
ennemis  ne   peuvent  vous  nui- 
re ,  fans  la  permifllon  de  celui 
pour    l'honneur    duquel    vous 
combattez  ;  &  comme  il  aime 
extrêmement    cette   forte  de 
combat;  comme  il  y  exhorte  , 
autant  qu'il  peut ,  tout  le  mon- 
de ,  non-feulement  il  ne  four- 
nira pas  que  ceux  qui  ont  con- 
juré votre  perte  ,    exécutent 
leurs  mauvais  deffeins  ,  mais  il 
combattra  pour  vous   &  vous 
donnera  la  victoire  tôt  ou  tard 
avec  de  grands  avantag es ,  dût- 
il    attendre    jufqu'au  dernier 
jour  de  votre  vie. 

Tout    ce  qu'il  demande  de 
vous  ,  c'eft  que  vous  vous  dé-. 
F  iv 


88  Le  Combat  Spirituel, 
fendiez  vaillamment ,  &  que 
quand  vous  feriez  blefle  en  plu- 
iieurs  rencontres  ,  vous  ne  quit- 
tiez point  pour  cela  les  armes  > 
ni  ne  preniez  point  la  fuite.  Au 
refte,  pour  vous  exciter  à  bien 
faire  votre  devoir  ,  fouvenez- 
vous  que  cette  guerre  eft  inévi- 
table ,  &  qu'il  faut  néceflaire- 
nient  combattre  ou  mourir  ;  car 
enfin  vous  avez  affaire  à  des  en- 
nemis fi  furieux  &  fi  opiniâtres , 
qu'il  eft  impofîible  d'avoir  ja- 
mais ni  paix  ni  trêve  avec  eux. 

Chapitre    XVI. 

Que  dès  le  matin  le  Soldat  Chré- 
tien doit fe préparerait  combat. 

SLuK  première  chofe  que  vous 
devez  faire  à  votre  réveil,  c'eft 
d'ouvrir  les  yeux  de  l'ame  ,  & 
de  vous conlidérer  comme  dans 
un  champ  de  bataille  ,  en  pré- 
fence  de  votre  ennemi  tk  dans 


Chapitre   XVL  89 

la  nécefïîté  ou  de  combattre  , 
ou  de  périr  pour  jamais.  Figu- 
rez-vous donc  devant  vous  cet 
ennemi,  qui  n'efl  autre  chofe 
qu'un  vice  ,  qu'une  paillon  dé- 
réglée, dont  vous  tâchez  de- 
puis quelque  tems  de  vous  dé- 
faire ;  figurez-vous  ,  dis-je ,  ce 
monfhe  furieux  qui  vient  fe  je- 
ter fur  vous  pour  vous  dévorer. 
Kepréfentez-vous  ,  en  même 
tems  à  la  droite  de  Jéfus- 
Chrift  votre  invincible  Capitai- 
ne, accompagné  de  Marie  & 
de  Jofeph,  de  plusieurs  troupes 
d'Anges  &  de  Bienheureux  , 
ce  particulièrement  du  glorieux 
Archange  faint  Michel  ;  à  la 
gauche  Lucifer  avec  fes  minif- 
ttes  ,  réfolus  de  foutenir  cette 
pailion  ou  ce  vice  que  vous  avez 
à  combattre ,  &  de  mettre  tout 
en  œuvre  pour  vous  y  faire  fuc- 
cember. 

Cependant,  imaginez-  vous 
entendre  au  fond  4u  cœur  la 


$0  Le  Combat  Spirituel  5 
voix  de  votre  Ange  Gardien 
qui  vous  parle  de  la  forte  :C'eft 
aujourd'hui  que  vous  devez 
taire  tes  derniers  efforts  pour 
vaincre  cet  ennemi  ,  <k  tous 
ceux  qui  ont  confpiré  contre 
vous.  Ayez  bon  courage  ;  ne 
vouslailfez  vaincre,  ni  par  une 
vaine  frayeur,  ni  par  quelque 
considération  que  ce  foit,  parce 
queJefus  votre  Capitaine  eft 
ici  auprès  de  vous,  avec  les 
troupes  de  l'armée  célefre,  dans 
le  deflein  de  vous  défendre 
contre  tous  ceux  qui  vous  font 
la  guerre ,  &  de  ne  permettre 
jamais  qu'ils  vous  réduifent  fous 
leur  puiiîance  ,  ni  par  force  ,  ni 
par  adrefle.  Demeurez  ferme  , 
&  quelque  peine  que  vous  y 
trouviez ,  faites-vous  violence , 
criez  au  Seigneur  du  plus  pro- 
fond de  votre  ame  ,  invoquez 
continuellement  Jésus  & 
Marie,  priez  tous  les  Saints 
4e  vous  fecourir  ;  &  ne  douiez 


Chapitre  XVI.  pr 

point  après  cela  que  vous  ne 
gagniez  la  victoire. 

Quelque  foible  que  vous 
vous  trouviez,  quelque  redou- 
tables que  vos  ennemis  vous 
paroilTent,  Se  par  leur  nom- 
bre, &  par  leurs  forces  ,  ne 
craignez  rien  ;  car  hs  troupes 
qui  viennent  du  Ciel  à  votre 
fecours  font  plus  nombreufes 
que  celles  que  l'Enfer  envoie 
pour  vous  ôter  la  vie  de  la  grâ- 
ce. £e  Dieu  qui  vous  a  crée  Se 
qui  vous  a  racheté  ,  eft  tout- 
puuTant  :  il  vous  aime  ,  il  vous 
protège  ,  &  iî  a  fans  comparai- 
ion  plus  d'envie  de  vous  fau- 
ver  que  le  Démon  n'en  a  de 
vous  perdre. 

Combattez  donc  vaillam- 
ment ,  ne  vous  îaflez  point  de 
vous  mortifier  ;  parce  qu'en 
faifant  une  continuelle  guerre 
à  vos  mauvaifes  inclinations ,  à 
vos  habitudes  vicieufes ,  vous 
remporterez  "enfin  la  vi&oire  ; 


92  Le  Combat  Spirituel^ 
6c  par-là  vous  entrerez  dans  le 
Royaume  du  Ciel ,  où  l'a  me 
demeure  éternellement  unie  à 
fon  Dieu.  Commencez  dès 
maintenant  à  combattre  au 
nom  du  Seigneur  ,  ayant  pour 
épée  &;  pour  bouclier  la  dé- 
fiance de  vous-même  ,  la  con- 
fiance en  Dieu  ,  l'oraifon  , 
l'exercice  faint  de  vos  puiflars- 
ces  fpiiituelles. 

Avec  ces  armes  vous  atta- 
querez l'ennemi ,  je  veux  dire 
cette  paflîon  dominante  ,  que 
vous  vous  êtes  propofé  de  vain- 
cre ,  ou  par  un  mépris  géné- 
reux, ou  par  une  ferme  reiifian- 
ce  ,  &  par  des  a&es  réitérés  de 
la  vertu  qui  lui  eft  contraire  , 
ou  enfin  par  d'autres  moyens 
que  le  Ciel  vous  fournira  pour 
l'exterminer  de  votre  cœur.  Ne 
vous  donnez  point  de  repos , 
que  vous  ne  l'ayez  tout-à-fait 
domptée  ,  vous  mériterez  par 
votre  confinée  de  recevoir  la 


Chapitre  XVI.    oj 

couronne  des  mains  du  fouve- 
rain  Juge  ,  qui  avec  toate  l'E- 
glife  triomphante  fera  fpe&a- 
teur  de  votre  combat. 

Je  vous  le  dis  encore  une 
fois  ,  vous  ne  devez  point  vous 
ennuyer  de  cette  guerre.  Con- 
fia erez  feulement  que  tous  les 
hommes  font  obligés  de  ferVk 
Dieu ,  &  de  tacher  de  M  plaire; 
que  c'eft  d'ailleurs  une  néceflîti 
de  combattre,  puifqu'on  ne 
peut  prendre  la  fuite,  fanss'ex> 
pofer  à  être  blerTé  ,  &  même  à 
perdre  la  vie  ;  &  qu'après  tout, 
quand  on  voudrait  fe  révolter 
contre  Dieu  ,  embraffer  le  pam 
du  monde,  s'abandonner  aux 
plaifirsdes  fens ,  l'on  ne  feroit 
pas  exempt  des  peines  ,  puif- 
qu'on auroit  toujours  à  foulfrir 
beaucoup  m?Jgi-é  qu'on  en  eût, 
&:  dans  le  corps  &i  dnns  l'âme  , 
pour  fatisfaire  fa  fenfualité  & 
fou  ambition.  Quelle  plus  gran- 
de folie  que  de  ne  pas  craindre 


94  Le  Comhat  Spirituel, 
en  ce  monde  des  peines  très  ru- 
des, qui  font  lui  vies  d'une  éter- 
nité de  tourmens  ;  de  craindre 
quelques  peines  aiTez  légères 
qui  Je  terminent  à  une  éternité 
de  bonheur  &  à  un  repos  où 
l'on  jouit  pour  jamais  de  Dieu. 

Chapitre  XVII. 
De  l'ordre  qu'il  faut  garder  dans 
le  comb.it  contre  Us  payions  & 
Us  vices. 

IL  eft  d'une  extrême  consé- 
quence que  vous  fâchiez  l'ordre 
qu'il  Faut  garder  dans  îe  combat 
contre  les  partons  &;  les  vices  , 
pour  ne  pas  agir  en  aveugles , 
&  ne  pas  donner  des  coups  en 
l'air ,  comme  font  beaucoup 
de  gens  ,  qui  perdent  rar-là 
prefque  tout  le  fruit  de  leurs 
peines- 

Commencez   donc  par  vous 
recueillir     en     vous  -  même  > 


Chapitre  XVIII.  pj* 

afin  d'examiner  foigneufement 
quelles  font  pour  l'ordinaire 
vos  penfées  &  yos  affections  , 
quelle  eft  la  pafiion  qui  règne 
le  plus  en  vous;  c'eft  parti- 
culièrement à  celle-là ,  comme 
à  votre  plus  grand  ennemi ,  que 
vous  devez  déclarer  la  guerre. 
Que  fi  le  malin  efpritj  voulant 
faire  diyerfîon  ,  vous  attaque 
par  queiqu'autre  endroit ,  il 
faut  aller  du  côté  que  le  danger 
ç'it  le  plus  preffant  ?  &  revenir 
auffifô.t  à  votre  première  en- 
treprîfe. 

Chapitre  XVI II. 

Di  quelle  manière  on  doit  répri- 
mer les  mouvemens  fubtils  de? 
p  ijjîons. 

kJI  vousn  êtes  par  encore  bien 
accoutumé  à  fupporter  patiem- 
ment les  injures  ,  les  affronts 
&  les  autres  peines  de  cette 


$6  Le  Combat  Spirituel, 
vie ,  vous  vous  y  accoutume- 
rez en  les  prévoyant,  &  vous 
préparant  de  loin  à  les  rece- 
voir. Lors  donc  que  vous  au- 
rez examiné  de  quelle  nature 
eft  cette  paillon  ,  qui  vous 
tourmente  davantage  ,  vous 
venez  enfuite  quelles  font  les 
perfonnes  à  qui  vous  avez  af- 
faire ,  quels  font  les  lieux  &c 
les  occafioffs  où  vous  vous  trou- 
vez ordinairement  ,  &  vous 
connoîtrez  par-là  ce  qui  peut 
vous  arriver  de  fâcheux. 

Que  s'il  vous  furvient  quel- 
que accident  imprévu  ,  outre 
qu'il  vousfervira  de  beaucoup 
de  vous  être  précautionné  con- 
tre de  pareils  fujets  de  mortifi- 
cation &  de  peines,  voici  enco- 
re un  moyen  de  vous  le  ren- 
dre plus  fupportable.  Dès  que 
vous  vous  fentirez  tant  foit  peu 
ému  d'une  injure  qu'on  vous 
aura  faite  furie  champ ,  d'une 
afBi&ion  qui  vous  fera  arrivée 
contre 


Chapitre  XVIII.  97 

contre  votre  attente  ,  prenez 
garde  à  vous  ;  ne  vous  kiiifez 
pas  aller  au  chagrin  :  longez 
d'abord  à  élever  votre  cœur  à 
Dieu,  &  cor.Gdérez  que  cec 
accident  eft  un  coup  du  Ciel  ; 
que  Dieu  même,  ce  Père  fi 
bon  ,  ne  vous  l'envoie  que 
comme  un  moyen  de  vous  pt$*> 
nier  davantage  ,  &  de  vous 
unir  plus  étroitement  à  lui  ; 
&  qu'il  fe  plaît  infiniment  à 
vous  voir  fouffrir  avec  joie  les 
plus  grandes  adveriités  pou* 
l'amour  de  lui. 

Tournez-vousaprès  cela  vers 
vous-même  ,  &  faites-vous  de 
juftes  reproches.  Lâche  que  tu 
es ,  comment  as-tu  fi  peu  de 
courage  ,  que  de  ne  pouvoir 
porter  une  croix,  qui  te  vient, 
non  pas  de  cette  perfonue  ,  ou 
de  cette  autre  ,  mais  de  ton 
Père  qni  eft  dans  le  Ciel?  Puis, 
envifageant  la  Croix* ,  recevez- 
U  noa-ieulement  avec  foiimif. 
G 


£ 8  Le  ComBat  Spirituel, 
lion  ,  mais  même  avec  alégref- 
fe ,  en  difant  :  O  Croix  ,  que  la 
Providence  divine  m'a  prépa- 
rée ,  avant  que  je  fulle  au  mon- 
de; Croix  ,  que  l'amour  du  noire' 
de  Jeius  crucifié  me  rend  plus 
douce  que  tous  les  plailirs  des 
fens  ;  attachez-moi  déformais  à 
vous ,  afin  que  par  vous  je  puiiïe 
être  uni  à  celui  qui  m'a  racheté 
en  mourant  entre  vos  bras. 

Que  fi  la  pa(Tion  vous  trouble 
tellement  d'abord  ,  qu'elle  voua 
mette  hors  d'état  d'élever  votre 
efprit  à  Dieu  ,  &  que  même 
votre  volonté  e*n  reçoive  quel- 
que atteinte,  gardez- vous  bien 
<îe  la  laifTer  aller  plus  avant  ; 
&  quelque  défordre  qu'elle  ait 
pu  caufer  dans  votre  cœur ,  ne 
îaifTez  pas  de  faire  tous  vos  ef- 
forts pour  la  vaincre  ,  en  im- 
plorant avec  ferveur  le  fecours 
du  Ciel.  Après  tout ,  la  voie  la 
plus  sûre  pour  arrêter  ces  pre- 
mières faillies  des  pallions,  eft 


Chapitre  XVIII.  99 

d'eflayer  de  bonne  heure  d'en 
ôter  la  caafe.  Si  vous  remar- 
quez ,  par  exemple ,  que  pour 
avoir  trop  d'attache  à  quelque 
chofe  ,  vous  vous  mettez  en  co- 
lère toutes  les  fois  que  l'on 
s'oppofe  à  vos  inclinations  , 
rompez  cette  attache  ,  &  vous 
jouirez  toujours  d'un  parfait 
repos. 

Mais  û  le  trouble  que  vous 
reflentez  ,  vient  ,  non  d'un 
amour  déréglé  pour  quelque 
objet  agréable ,  mais  d'une 
adverfion  naturelle  pour  une 
perfonneen  qui  tout  vous  cho- 
que &:  dont  les  moindres  ac- 
tions vousdéplaifent  ;  le  gand 
remède  à  ce  mal  efr  ,  que  mal- 
gré votre  antipathie,  vous  tâ- 
chiez d'aimer  cette  perfonne , 
non-feulement  parce  que  c'eft 
une  créature  formée  de  la  main 
de  Dieu  ,  &  rachetée  du  pré- 
cieux Sang  de  J.  C.  aulTi  bien 
que  vous;  mais  parce  qu'en 
G  ij 


ioo  Le  Combat  Spirituel 9 
fupportant  avec  douceur  fes 
défauts ,  vous  pouvez  vous  ren- 
dre femblable  au  Père  célefte  , 
qui  a  de  l'amour  &:  de  la  bonté 
généralement  pour  tous. 
»,  - 

Chapitre  XIX. 

De  quelle  force  il  faut  combattre 
le  vice  de  V impureté* 

v  Ous  devez  combattre  ce 
vice  d'une  manière  particuliè- 
re ,  &:  avec  plus  de  vigueur 
que  les  autres.  Pour  le  bien 
faire  ,  il  faut  diflinguer  trois 
tems  :  le  premier  ,  avant  que 
d'être  tenté  ;  le  fécond  ,  pen- 
dant que  l'on  eft  tenté  ;  le  troi- 
fieme  ,  quand  la  tentation  eft 
pafiee. 

Avant  que  la  tentation  vien- 
ne ,  t.  on  doit  employer  tous 
fes  foins  à  en  prévenir  juf- 
qu'aux  moindres  occafions  ,  & 
s!éloigner  des  perfonnes  dont 


Ch  apit  r  e  XIX.  ior 
le  commerce  eit  dangereux. 
Que  i\  par  malheur  on  e(t  obli- 
gé de  traiter  avec  ces  fortes  de 
perfonnes  ,  il  faut  qu'on  le  fafTe 
le  plus  vite  qu'on  pourra  ,  avec 
un  vifage  modefte ,  avec  des 
paroles  graves  ,  &:  d'un  air 
plutôt  férieux  que  familier  <5c 
enjoué'. 

Ne  préfumez  point  de  vous- 
même  fur  ce  que  durant  plu- 
fieurs  années  que  vous  avez 
vécu  dans  le  mcfnde  ,  vous  n'a- 
vez prefque  jamais  fu  ce  que 
c'eft  que  l'aiguillon  delà  chair. 
Car  le  démon  de  l'impureté 
fait  en  une  heure  ce  qu'il  n'a 
pas  fait  en  plufieurs  années.  Jl 
eft  quelquefois  long-tems  à 
préparer  fes  machines  :  mais  les 
coups  qu'il  donne  font  d'autant 
plus  rudes,  les  plaies  qu'il  fait 
font  d'autant  plus  dangereu  fes , 
qu'il  fait  l'art  de  fe  contrefai- 
re ,  ôc  de  tuer  en  flattant. 

Il  ell  même  "à   remarquer, 
Giij 


102  Le  Combat  Spirituel 9 
&:  l'expérience  journalière   le 
montre,  que  le  péril  n'eft  ja- 
mais plus  grand  que  |Iorfqu'on 
fait,  ou  qu'on    entretient    de 
certaines   liaifons  où  il  ne  pa- 
roît  rien  de  mal ,  parce  qu'elles 
font  fondées    fur    des  raifons 
fpécieafes  ou  de  parente  ,  ou 
de  gratitude ,  ou  de  quelqu'au- 
tre  devoir ,  ou  fur  le  mérite  & 
îa  vertu  de  la  perfonne  qu'on 
aime.  L'amour  impur  fe  gUde 
inienfiblement   dans"  ces  ami- 
tiés par  desvifites  fréquentes, 
par  des  converfations  trop  lon- 
gues ,  par  des  familiarités  in- 
difcrettes,  jufqu'à  ce  qu'enfin 
le  poifon    gagne  le    cœur  ,  & 
la  raifon  s'obfcurcit;  de  forte 
que  l'on  ne   compte  pour  rien 
des  œillades  peu  modeftes  ,  des 
paroles  tendres ,  des  entretiens 
libres  &  pleins   de  railleries  : 
d'où    nai{Tent     des    tentations 
très-rudes    &    très-difficiles  h 
vaincre. 


Chapitre  XIX.  iô? 

Fuyez  donc  avant  toutes  cho- 
fes  l'occafion  du  péché  ,  parce 
que  vous    êtes  comme    de  la 
paille  auprès   d'un   grand  feu. 
Et  ne  vous  fiez  point  à  votre 
vertu  ,  ni   à  la  réfolution   que 
vous  avez  prife  de  mourir  plu- 
tôt que  d^offenfcr   Dieu  :  car 
quelque    bonne    volonté   que 
vous  ayez ,  l'amour  fenfuel  qui 
s'allume    dans    ces    converla- 
tions    douces    &   fréquentes  9 
s'embraiera      tellement  ,    que 
rien  ne  fera  capable  de  l'étein- 
dre. Le  defir  violent  d'affouvir 
votre  paillon,  vous  empêchera 
d'écouter  les  remontrances  de 
vos  amis  ;    vous    perdrez   la 
crainte  de  Dieu  ;   vous  mépri- 
ferez  l'honneur  &  la  vie  ;   les 
feux    même    de    l'enfer     n'e'- 
toufferont  pas  les  flammes  im- 
pures   dont     vous     brûlerez. 
Cherchez  donc  votre  falut  clans 
la'  fuite  ,  autrement  vous  ferez 
■furpris,  6c  la  peine  d'une  con- 
G  iv 


*0^  Ze  Combat  Spirituel  , 
fritee     préfomptueufe  fera  la 
mort  éternelle. 

i.  Soyez  ennemi  de  l'oifive- 
té  :  perlez  à  ce  qui  eft  de  votre 
devoir,  &z  n'oubliez  rien  pour 
fatisfaire  aux  obligations  eflen- 
tielles  de  votre  état. 

3.  GbéilTez  avec  joie  &:  fans 
réiiflance  à  vos  fupérieurs  : 
exécutez  promptement  tout  ce 
qu'ils  vous  commanderont;  & 
que  les  chofes  les  plus  humi- 
liantes &  les  plus  contraires  à 
votre  inclination,  foient  tou- 
jours celles  que  vous  embraf- 
fiez  avec  plus  d'ardeur. 

4.  Gardez-vous  bien  déju- 
ger témérairement  de  votre 
prochain  ,  fur-tout  en  maiière 
d'impureté.  Que  s'il  efr  tombé 
par  malheur  en  quelques  défor- 
dres,  ck  que  fa  chute  foit  pu- 
blique, ne  le  traitez  pas  pour 
ce^a  avec  mépris  :  ne  vous  fâ- 
chez pas  contre  lui ,  mais  ayez 
piué  rie  fa  foiblefle>  6c  tâchez 


Chapit  keXIX.  ioy 

d'en  profiter,  en  vous  humi- 
liant devant  Dieu:  en  confef- 
fant  que  vous  n'êtes  que  pouf- 
fiere  ,  que  boue  &  qu'un  pur 
néant  :  en  redoublant  vos  priè- 
res ;  en  fuyant ,  avec  plus  de 
foin  que  jamais,  tout  commer- 
ce dangereux  pour  peu  iufpecl 
qu'il  puiiTe  être.  Car  fi  vous  êtes 
trop  prompt  à  juger  défavanta- 
geufement  de  vos  frères ,  Dieu , 
pour  vous  punir  &  pour  vous 
•  corriger  tout  enfemble  ,  per- 
mettra que  vous  tombiez  dans 
tes  mêmes  fautes  que  vous  con- 
damnez ,  &  par  cette  humilia- 
tion ,  reconnoiflant  votre  or- 
gueil &  votre  imprudence  , 
vous  chercherez  desremedes  à 
l'un  &   l'autre. 

Mais  quand  vous  pourriez 
éviter  ces  chûtes  honteufes , 
fâchez  néanmoins  que  iî  vous 
continuez  à  former  des  juge- 
mens  &  des  foupçons  témé- 
raires,    vous   ferez,    toujours 


I06  Le  Combat  Spirituel, 
en  grand  danger  de  périr. 

5 .  Si  vous  vous  fentez  le  cœur 
rempli  de  délices  &  de  confo- 
lations  fpirituelles  ,  n'en  n'ayez 
pas  en  vous-mé.nie  de  fecret- 
tes  compîaifances  ;  ne  vous 
imaginez  pas  être  arrivé  au 
comblé  de  la  perfection  ,  ni 
que  l'ennemi  foit  hors  d'état 
de  vous  nuire  ,  parce  qu'il  vous 
femble  n'avoir  plus  pour  lui 
que  du  mépris  ,  de  Taveriion 
6c  de  l'horreur.  AiTurtz-vons 
que  (ans  une  extrême  circonf- 
peclion  ,  vous  aurez  bien  de 
la  peine  à  vous  empêcher  de 
tomber. 

Venons  maintenant  à  ce  qui 
regarde  le  tems  de  la  tenta- 
tion. Il  faut  voir  d'abord  Ci  la 
caufe  d'où  elle  procède  ,  ertln- 
térieure  ou  extérieure. 

Par  la  caufe  extérieure  ,  j'en- 
tens  la  curiofité  ,  foit  des  yeux  , 
foit  des  oreilles,  fur  des  chofes 
peu  honnêtes ,   la  délieatelTe  , 


Chapitre  XIX.  107 
êc  le  luxe  des  habits;  les  ami- 
tiés trop  naturelles ,  des  con- 
verfations  trop  libres.  On  re- 
médie à  ce  mal  par  la  pudeur  & 
la  modeftie  qui  tient  les  yeux 
Se  les  oreilles  fermées  aux  ob- 
jets capables  de  fouiller  l'ima- 
gination ;  mais  le  fouverain  re- 
mède eft  la  fuite  ,  ainiî  que 
nous  avons  dit. 

La  caufe  intérieure  vient 
d'un  excès  d'embonpoint  ,  ou 
d'une  foule  de  penfées  mau- 
vaifes ,  qui  font  les  effets  de 
nos  méchantes  habitudes  ,  ou 
de  la  fuggeftion  du  démon. 

Le  corps  accoutumé  à  la  bon- 
ne chère  &  à  la  mollefie  ,  doit 
être  mortifié  par  les  jeûnes  > 
par  les  difeiplines  >  par  les  cili- 
ces  f  par  les  veilles ,  6k  par 
toutes  fortes  d'auftérités ,  fans 
néanmoins  pafler  les  borne-  de 
la  diferétion  ni  de  l'obéiiTance. 

Pour  le  regard  des  penfées 
impures,  de  quelque  principe 


loS  Le  Combat  Spirituel, 
qu'elles  viennent ,  on  peut  s'en 
défaire,  i .  Par  une  férieufe  ap- 
plication aux  exercices  propres 
de  fon  état.  2..  Par  l'oraifon  £c 
la  méditation. 

L'Oraifon  fe  fera  en  cette 
manière.  Dès  que  ces  fortes  de 
penfees  vous  viendront  dans 
Tefprit ,  cv  que  vous  commen- 
cerez à  en  fentir  l'impreflion  ; 
recueillez-vous  en  vous-même , 
&  vous  adreffant  à  Jésus  cru- 
cidé  ,  dites-lui  :  O  mon  doux 
Jésus,  hâtez- vous  de  venir  à 
mon  fecours,  de  crainte  que  je 
ne  tombe  entre  les  mains  de 
mes  ennemis!  Quelquefois  em- 
b  raflant  la  Croix  où  Jésus  eft 
attaché ,  baifez  mille  fois  les 
plaies  facrées  de  fes  pieds,  & 
dites  avec  confiance  &  avec 
amour  :  O  plaies  adorables , 
ô  plaies  infiniment  faintes  , 
imprimez  votre  figure  dans 
mon  cœur  ,  dans  ce  cœur  fi 
plein  d'abominations,  &  pré- 


Ck  apit  reXTX.  109 

fervez  -  moi  du  péché  ! 

Pour  ce  qui  eft  de  la  mé- 
ditation :  je  ne  vous  confeiile 
pas,  lorfquela  tentation  vous 
preile  &  vous  tourmente  le 
plus  ,  de  faire  ce  que  quelques 
livres  enfeignent  pour  donner 
de  l'horreur  de  l'impureté  : 
de  coniidérer,  par  exemple, 
que  ce  vice  eft  très-honteux  , 
qu'il  eft  infatiable  ,  qu'il  traîne 
après  foi  une  infinité  de  dé- 
goûts ,  de  déplaiiirs ,  de  cha- 
grins ,  &  quelquefois  même 
la  perte  des  biens ,  de  îa  faute 
de  la  vie  &  de  l'honneur  ,  &c. 
Laraifon  eft  que  ces  fortes  de 
conlidérations  ne  font  pas  de 
trop  bons  moyens  pour  nous 
tirer  du  péril;  mais  que  fou- 
vent  elles  ne  font  que  nous  y 
engager  davantage  :  parce 
que  li  d'un  côté  l'entende- 
ment chatte  les  penf.'es  mau- 
vaifes,  il  les  rappelle  de  l'au- 
tre &  met  toujours  la  volonté 


1 10    Le  Combat  Spirituel  0 
en  danger  d'y  confentir 

Ainfi    la  voie  la   plus  s.ûre 
pour  nous  en  défaire,  eft  d'é- 
loigner de  notre  penfée  non- 
feulement  les   objets  impurs , 
mais  même  ceux  qui  leur  font 
contraires  ,    parce  qu'en  nous 
efforçant  de    les    diflîper  par 
ceux  qui  leur  font  contraires  , 
nous  y  penfons  malgré  nous  , 
&  en  eonfervons  les  images. 
Contentez-vous  donc  de  médi- 
ter fur  la  Vie  &  fur  la  PaflTion 
de  N.  S.  &  fi  durant  cefaint 
exercice  ,  les  mêmes  penfées 
vous  reviennent,  li  elles  vous 
font  plus  de  peines  qu'aupara- 
vant ,  comme  cela  peut  arri- 
ver ,  ne  vous  découragez  pas , 
ni  ne  quittez  pas  la  méditation  ; 
bien   loin  de  faire  de  grands 
efforts  pour  les  châtier ,  mépri- 
fez  les  comme  venant  du  dé- 
'mon  ,  6c  non  pas  de  vous  ;  con- 
tinuez   feulement   à   méditer 
avec  toute  l'attention  poffibte 


Chapi  treXÏX.  ni 
fur  la  mort  de  votre  Sauveur  , 
parce  qu'il  n'eft  tien  de  plus 
puiflant  pour  repouffer  î'efprit 
immonde, quand  même  i!  feroic 
déterminé  à  vous  faire  éter- 
nellement la  guerre. 

Vous  finirez  votre  médita- 
tion par  cette  prière  ,  ou  par 
quelqu 'autre  femblable.Omon 
Créateur  .&  monRédempteur, 
délivrez-moi  de  mes  ennemis  9 
par  votre  infinie  bonté  &  par 
les   mérires   de    votre   fainte 
paillon  :  mais  fouvenez-vons , 
en  difant  cela  ,    de  ne  point 
penfer   au  vice ,    dont    vous 
eflayez  de     vous   défendre   , 
parce  que  la  moindre  idée  en 
eft  dangeieufe.  Sur-tout  pre- 
nez garde  de  ne  point  perdre 
de  tems  à  difputer  avec  vous- 
même   ,   pour  fa  voir  il  vous 
avez  confenti  ou  non  à  la  ten- 
tation; car  cette  forte  d'exa- 
men eft  une  invention  de  l'en- 
nemi ,  qui ,  fous  prétexte  d'un 


112  Le  Combat  Spirituel, 
bien  apparent  ,  d'une  obliga- 
tion chimérique  ,  veut  vous 
donner  de  l'inquiétude  ,  ou  qui 
efpere  du  moins  de  vous  faire 
prendre  quelque  plailir  à  ces 
images  impures,  dont  il  vous 
occupe  Tefprit. 

Lors  donc  qu'il  ne  paroît 
pas  clairement  que  vous  ayez 
co'nfenti  au  mal  9  il  vous  doit 
fuffire  de  déclarer  en  peu  de 
mots  à  votre  Père  fpirituel 
tout  ce  que  vous  en  favez  ;  &: 
félon  ce  qu'il  vous  dira ,  tenez- 
vous  l'efprit  en  repos  ,  &  n'y 
penfezplus;  mais  découvrez- 
lui  fidèlement  tout  le  fond  de 
votre  cceur  ,  fans  que  jamais 
vousîui  cachiez  rien ,  ni  par  une 
mauvaife  honte  ,  ni  par  quel- 
qu'aqrre  raifon  que  ce  foit.Car 
fi  l'humilité  vousett  néceiTaire 
pourvaincre  généralementtous 
vos  ennemis  ,  combien  devez- 
vous  en  avoir  befoin  pour  vous 
délivrer  de  ce  vice,  qui  eft  pref- 

que 


Chapitre  XIX.  113 

que  toujours  un  châtiment  de 
l'orgueil  ! 

Enfin,  quand  la  tentation 
eft  paflee  ,  voici  ce  que  vous 
avez  à  faire  :  quoique  vous 
jouifliez  d'une  grande  paix  , 
&_que  vous  croyiez  être  en 
aiiurance,  fuyez  néanmoins, 
tant  que  vous  pourrez  ,  les  ob- 
jets qui  ont  fait  naître  la  ten- 
tation ,  &  ne  foufTrez  point 
qu'ils  entrent  dans  votre  ef- 
prit  s  fous  quelque  couleur  que 
ce  foit  9  ou  de  vertu ,  ou  d'un 
bien  imaginaire  que  vous  pré- 
tendez en  tirer.  Car  ces  fortes 
de  prétextes  font  des  trompe- 
ries de  la  nature  corrompue,  &: 
des  pièges  du  démon  ,  qui  con- 
trefait l'Ange  de  lumière ,  pour 
vous  entraîner  avec  lui  dans  les 
ténèbres  extérieures ,  qui  font 
celles  de  l'enfer. 

Q 
H 


II4  Le  Combat  Spirituel , 
Chapitre    XX. 

De  la  manier e  de  combattre  le 
vice  de  laparejfe. 

L  importe  extrêmement  de 
faire  la  guerre  à  la  pareffe  , 
parce  que  ce  vice  non- feule- 
ment nous  d  étourne  du  chemin 
de  la  perfection  ,  mais  nous 
livre  ,  pour  ainfi  parler ,  en- 
tre les  mains  des  ennemis  de 
notre  falut.  Si  vous  voulezdonc 
le  combattre  tout  de  bon  , 
commencez  par  fuir  toutes  for- 
tes de  curiolltés  ck  de  vains 
amufemens,  détachez  votre 
aife&ion  des  chofes  du  mon- 
de ,  quittez  toutes  les  occupa- 
tions qui  ne  conviennent  pas  k 
votre  état.  Tâchez  enfuite  d'ê* 
tre  diligent  à  répondre  aux  ins- 
pirations du  Ciel  ,  à  exécuter 
les  ordres  de  vos  fupérieurs  , 
6c  à  foire  toutes  chofes  dans  le 
tems ,  &  de  la  manière  qu'ils 


Chapitre  XX.  iif 

le  fouhaitent  :  ne  différez  pas 
un  feul  moment  à  accomplie 
ce  qu'on  vous  ordonne^  forr- 
gez  que  le  premier  retarde- 
ment en  attire  un  autre';  & 
celui-ci  un  troifieme,  &  qu'on 
recule  toujours,  parce  que  la 
crainte  de  la  peine  s'augmente 
de  plus  en  plus ,  &  que  l'a- 
mour du  repos  croît  à  mefure 
qu'on  en  goûte  la  douceur. 
Pe-là  vient  que  lorfqu'il  faut 
travailler,  on  s'y  met  le  plus 
tard  qu'on  peut ,  ou  qu'on  s'en 
difpenfe  tout-à-fait ,  tant  on  a 
d'arerlion  «pour  le  travail. 

Ainii  l'habitude  delà  pareiTe 
vient  à  fe  former ,  6c  on  a  peine 
à  s'en  défaire  ,  à  moins  que  Ja 
honte  d'avoir  vécu  dans  une 
extrême  nonchalance,  ne  fa  (Te 
enrin  prendre  la  réfoîution  d'ê,- 
tre  à  l'avenir  plus  laborieux  & 
plus  diligent. 

Mais  remarquez  que  la  pa- 
refie  eil  un  poifon  qui  fe  ré- 
Hi) 


11(5  Le  Combat  Spirituel , 
pand  dans  toutes  les  puifiancss 
de  lame ,  qui  n'infecte  pas  feu- 
lement la  volonté ,  en  lui  fai- 
f an t  haïr  le  travail,  mais  l'en- 
tendement ,  en  l'aveuglant  de 
telle  forte ,  qu'il  ne  voit  pas  que 
les  réfoïutions  des  parefleux 
font ,  pour  la  plupart ,  fans  ef- 
fet ,  &:que  ce  qu'ils  devroient 
faire  fur  l'heure  ,  ils  ne  le  font 
point  du  tout ,  ou  le  remettent 
à  un  autre  tems. 

Remarquez  de  plus  qu*il  ne 
fnffit  pas  de  faire  vite  &  fans 
délai  ce  qu'on  a  à  faire  ,  mais 
qu'il  faut  choifir  le  tems  que  la 
nature  de  l'action  demande  ;  6c 
quand  on  l'a  fait,  y  apporter 
un  extrême  foin  pour  lui  don- 
ner toute  la  fatisfaction  dont 
elle  eft  capable  :  car  enfin  ,  ce 
n'ëft  pas  la  marque  d'une  véri- 
table diligence ,  mais  d'une  pa- 
rère fine  &  artificieufe  ,  que 
«le  faire  avec  précipitation  le 
fhofes  dont  on  eft  chargé ,  fan* 


Chapitre  XX.  T17 

fe  mettre  en  peine  qu'elles 
foient  bien  faites ,  pourvu  que 
l'on  en  foit  quitte  au  plutôt, 
&que  l'on  ait  plus  de  tems  à 
fe  repofec.  Ce  déibrcire  vient, 
de  ce  qu'on  ne  confidere  pas 
allez  de  quel  prix  eft  une  bon- 
ne œuvre  ,  lorfqu'on  !a  fait  en 
fon  tems  ,  &  qu'on  pafle  par- 
defius  toutes  les  difficultés  que 
la  parefle  oppofe  à  ceux  qui 
commencent  de  faire  la  guerre 
à   leurs  vices. 

Contîdérez  donc  fouvewt 
qu'une  feule  afpiration,  qu'une 
oraifon  jaculatoire,  qu'une  gé- 
nuflexion i  que  la  moindre  mar- 
que de  refpeft  pour  la  Majefté 
Divine  ,  eft  quelque  chofe  de 
plus  eftimable  que  tous  les  trê- 
fors  de  la  terre  j  &  qu'à  chaque 
fois  qu'un  homme  fe  mortifie 
en  quelque  chofe  ,  les  Anges 
du  ciel  lui  apportent  une  cou- 
ronne pour  récompenfe  de  !a 
vi&oire  qu'il  a  gagnée  fur  lui- 
Hiij 


2  ïS  Le  Combat  Spirituel  , 
même.  Songez  au  contraire  , 
que  Dieu  ôte  peu  à  peu  fes  grâ- 
ces aux  tièdes  qui  les  négli- 
gent ,  &:  qu'il  en  comble  les 
tervens  qui  en  profitent-,  afin 
qu'un  jour  ces* fidèles  fervi- 
teurs  puijfent  entrer  dans  la  joie 
de  leur  Seigneur. 

Mais  ii  au  commencement 
vous  ne  vous  fentez  pasaficz 
de  force  pour  fupporter  tous 
les  travaux  &  toutes  les  peines 
quife  préientent  dans  la  voie 
de  la  perfe&ion  ,  il  faut  que 
vous  ayez  l'adiefle  de  vous  les 
cacher  à  vous-même  de  forte 
que  vous  les  trouviez  béas- 
coup  moindres  que  les  paref- 
f'eux  nefe  les  figurent.  Si  donc 
il  eft  nécelTaire  pour  acquérir 
une  vertu ,  que  vous  en  fafilez 
beaucoup  d'actes,  que  vous 
vous  y  exerciez  durant  plu- 
fieurs  jours,  que  vous  combat- 
tiez contre  un  grand  nombre 

*    ftjAttk,  Z5  i  **♦ 


Chapitre  XX.  119 

d'ennemis  puiflans  qui  traver- 
fent  vos  bons  deiTeins ,  com- 
mencez à  former  ces  a&es  , 
comme  il  vous  en  aviez  peu  à 
faire  ;  travaillez  comme  (1  vo- 
tre travail  ne  devoir  pas  durer 
long-tems  ;  attaquez  vos  enne- 
mis l'un  après  l'autre  ,  comme 
fi  vous  n'en  aviez  qu'un  feul  à 
combattre  &z  l'oyez  sûr  qu'a- 
vec la  gi  ace  de  Dieu  vous  ferez 
plus  fort  qu'eux  tous:  vous  par* 
viendrez  par  ce  moyen  à  vous 
délivrer  du  vice  de  la  parelle, 
&  à  acquérir  la  vertu  contraire, 
Pratiquez  la  même  choie  dan3 
l'oraiibn.  Si  votre  oraifon  doit 
durer  une  heure  ,  &  que  ce 
tems  vous  paroifle  long  ,  pro- 
pofez-  vous  feulement  de  prier 
un  demi-quart-d'heure ,  &  de 
ce  demi  quart- d'heure  en  pai- 
fant  à  un  autre,  il  ne  vous 
fera  pas  difficile  de  remplir 
enrin  l'heure  toute  entière. Que 
fi  au  fécond  ou  au  troifieme 
Hiv 


IîO  Le  Combat  Spirituel* 
demi-quart-d'heure  ,  vous  Ten- 
tez une  trop  grande  répugnan- 
ce à  la  prière  ,  n'allez  pas  juf- 
qu'à  vous  en  dégoûter  tout  à 
fait  ;  mais  difcontinuezun  peu 
ce  faint  exercice ,  &  l'interrup- 
tion ne  vous  nuira  point ,  pour- 
vu que  vous  le  repreniez  peu 
de  tems  après.  Ufez-en  de  mê- 
me à  l'égard  des  œuvres  exté- 
rieures &  du  travail  corporel. 
S'il  vous  femblé  que  vous  ayez 
trop  de  chofes  ou  des  chofes 
trop  difficiles  à  faire,  &  que  par 
un  excès  de  lâcheté  ,  vous  en 
reiTentiez  du  chagrin,  commet 
cez  toujours  par  la  première  , 
fans  fongeraux  autres  ;  appli- 
quez-vous-y avec  tout  le  foin 
poffible  ;  car  en  faifant  bien 
celle-là  ,  il  n'y  en  aura  aucune 
dontvous  ne  veniez  à  boutavec 
moins  de  peines  que  vous  ne 
croyez.  Allez  ainli  au-devant 
des  difficultés  qui  fe  rencon- 
trent ,  &  ne  fuyez  jamais  le  tra- 


ChapitreXX.  121 

vail ,  craignez  feulement  que 
la  pareffe  nes'augmenteenvous 
jufqu'à  vous  rendre  infuppor- 
tables  les  peines  qui  accompa- 
gnent les  premiers  exercices 
de  la  vertu  ,  &  qu'avant  même 
qu'elles  viennent ,  vous  n'en 
conceviez  de  l'horreur. 

C'eft  ce  qui  arrive  aux  âmes 
lâches  &:  timides  ,  car  elles  ap- 
préhendent toujours  l'ennemi, 
quelque  foible  Se  quelque  éloi- 
gné qu'il  foit  ;  elles  s'imagi- 
nent qu'on  va  à  toute  heure 
leur  commander  des  chofes  fà- 
cheufes ,  &  ces  vaines  crain- 
tes leur  caufent  du  trouble  au 
milieu  même  de  leur  repos  ; 
fâchez  donc  qu'il  y  a  dans  ce 
vice  un  poifon  caché  ,  qui  non- 
feulement  étouffe  les  premiè- 
res femences  de  vertus,  mais 
qui  détruit  même  les  vertus 
déjà  formées.  Sachez  que  ce 
que  le  ver  rait  dans  le  bois  , 
il  le  fait  dans  la  vie  fpirituelle  , 


122  Le  Combat  Spirituel,, 
&:  que  c'eft  par  lui  que  le  dé- 
mon a  coutume  de  faire  tom- 
ber dans  fes  pièges  la  plupart 
des  hommes,  principalement: 
de  ceux  quiafpirent  à  la  per- 
fection. 

Veillez  fur  vous  -  même  , 
adonnez  -  vous  à  l'oraifonôc 
aux  bonnes  oeuvres  ;  n'atten- 
dez pas  à  vous  faire  une  robe 
nuptiale  ,  lorfqu'il  voudra  que 
vous  en  foyez  revêtu  ,  pour  al- 
ler au-devant  du  divm  Epoux. 
Souvenez-vous  chaque  jour , 
que  celui  qui  a  daigné  vous 
conferver  jufqu'au  matin ,  ne 
vous  promet  pas  de  vous  faire 
vivre  jufqu'au  foir,  &  que  s'il 
a  eu  fa  bonté  de  vous  confer- 
ver jufqu'au  foir  ,  il  ne  vous 
aiTure  pas  que  vous  vivrez  juf- 
qu'au lendemain.  Employez 
donc  faintement  chaque  heure 
du  jour  comme  fi  c'etoit  la 
dernière  :  ne  penfez  qu'à  plaire 
à.  Dieu  ,  ôc  craignez  toujours 


Chapitre  XX.  123 
ce  compte  ii  rigoureux  qu'il 
faut  lui  rendre  de  tous  les  mo* 
mens  de  notre  vie. 

Je  n'ai  plus  qu'un  mot  à  vous 
cl  ire.  Quoique  vous  ayez  beau- 
coup travaillé  ,  que  vous  ayez 
expédié  bien  des  aiiaires  , 
croyez  néanmoins  que  la  jour- 
née eft  perdue  pour  vous ,  qu,e 
toutes  vos  peines  font  inutiles, 
ii  vous  n'avez  pu  remporter 
plulieurs  victoires  fur  vospaf- 
iions ,  &  fur  votre  propre  vo- 
lonté ;  fi  vous  avez  négligé  de 
remercier  Dieu  de  fes  dons  , 
&  particulièrement  de  la  grâce 
qu'il  vous  a  faite  de  mourir  pour 
vous  ;  iî  vous  n'avez  pas  reçu 
comme  des  faveurs  les  châti- 
mens  que  ce  Père  infiniment 
bon  vous  a  envoyés  pour  l'ex- 
piation de  vos  crimes. 


I?4  Le  Combct*  Spirituel, 

■  i  .  m 

Chapitre    XXI. 

J)u  bon  ufagt   des  fens  exté- 
rieurs ,  &  comment  on  peut  les 
faire  fer  vir  à  la  contemplation 
des  chefs  divines. 
"\ 

J?N  ne  peut ,  fans  un  grand 
foin  &  une  application  conti- 
nuelle ,  régler  comme  iî  faut 
les  fens  extérieurs ,  parce  que 
l'appétit  feiïfitif  >  d'où  naiiTent 
tous  les  mouvemens  de  la  na- 
ture corrompue,  aime  ëper- 
dument  le  plaifir  ;  &  ,  comme  il 
ne  peut  de  lui-même  le  fatis- 
faire  ,  il  emploie  les  fens  pour 
attirer  à  foi  leurs  objets ,  dont 
il  fait  paiTer  les  ufages  jufqu'à 
î'efprit.C-efl:  de-là  que  vient  le 
plaifir  fenfuel,  qui,  parla  com- 
munication qu'ont  entr'eux 
l'efprit  &  la  chair  ,  s'étant  ré- 
pandu d'abord  dans  tous  les 
fens  qui  en  font  capables,  in- 
re&e  enfuite  comme  un  mal 


Chapit  ré  XXI.  125* 

contagieux  les  ptiiiTances  fpi- 
rituelles ,  &  corrompe  enrin 
l'homme  tout  entier. 

Voici  les  remèdes  qu'on  peut 
apporter  à  un  ii  grand  mal. 
Ne  donnez  point  trop  de  li- 
berté à  vos  fens  ,  ne  vous  en 
fervez  jamais  que  pour  une 
bonne  rln  ,  pour  quelque  chofe 
d'utile  ou  de  néeeiiaire,  &non 
pour  la  volupté;  que  s'ils  s'é- 
chappent fans  que  vous  vous 
en  apperceviez,  s'ils  pafTentles 
bornes  que  la  raifon  leur  pref- 
crit ,  ayez  foin  de  les  ramener 
au  plutôt  ;  réglez-les  de  telle 
forte  ,  qu'au  lieu  qu'ils  avoient 
accoutumé  de  s'attacher  à  de 
vains  objets,  pour  y  trouver 
quelques  faux  plaiiirs,  ils  s'ac- 
coutument à  tirer  des  mêmes 
objets  de  grands  feconrspour 
le  falut  &  la  perfection  de  l'a- 
me,  &  que  l'ame  fe  recueil- 
lant-en  elle-même ,  s'élève  en- 
fuite  par  la  coniioiflance   des 


126  Le  Combat  Spirituel  9 

chofes  créées  à  la  contempla- 
tion des  grandeurs  de  Dieu  : 
ce  qui  fe  peut  pratiquer  en 
cette  manière. 

Lorfqu'un  objet  agréable  fe 
pré  fente  à  un  de  vos  fens,  ne  re- 
gardez pas  ce  qu'il  y  a  de  ma- 
tériel, mais  conlîdérez-leavec 
les  yeux  de  l'efprit ,  &  fi  vous 
y  appercevez  quelque  chofe 
qui  flatte  vos  fens ,  fongez  qu'il 
ne  le  tient  pas  de  lui-même  , 
mais  qu'il  l'a  reçu  d e  Dieu  ;  que 
c'eftDieuqai  d'une  main  invi- 
fible  l'a  créé  ,  Se  qui  lui  donns? 
tout  ce  que  vous  y  admirez  de 
beau  &  de  bon.  Après  cela  re- 
jouiflez-vous  de  voir  que  cet 
Etre  fouverain  &  indépendaut 
eft  le  feul  auteur  de  tant  de 
rares  qualités  qui  vous  char»- 
ment  dans  les  créatures ,  qu'il 
les  contient  toutes  éminem- 
ment, &  que  la  plus  excellente 
n'a  rien  qui  approche  de  fes 
perfe&ions  intimes. 


Chapitre  XXI.  127 

Lorfque  vous  vous  arrêtez  à 
contempler  quelque  bel  ou- 
vrage du  Créateur ,  fouvenez- 
vous  que  de  foi-même  il  rreft 
rien,  penfez  à  l'ouvrier  quijl'a 
fait ,  mettez  en  lui  feul  toute 
votre  joie ,  &.  dites-lui  :  O 
mon  Dieu,  ô  l'objet  de  tout 
mes  defirs,  ô  mon  unique  bon- 
heur ,  que  j'ai  de  joie  quand  je 
confidere  que  tout  ce  qu'il  y  a 
de  perre&ions  dans  les  créa- 
tures ,  n'eft  que  l'image  des 
yôtres ,  Se  que  vOus  en  êtes  la 
fource  î 

Lorfque  vous  voyez  des  ar- 
bres ,  des  plantes  ,  des  fleurs  , 
ou  d'autres  chofes  femblables, 
fongez  que  la  vie  qu'elles  ont 
ne  vient  pas  d'elles ,  mais  de 
cet  efprit  tout-puiffant  qu'on 
ne  voit  point  ,  qui  féal  les  Fait 
vivre  ,  auquel  vous  direz  :  O 
Dieu  vivant ,  ô  toute  la  joie  de 
moname,  ô  vie  fouveraine  , 
c'eli  de  vous,  c'efc  en  vous  & 


128  Le  Combat  Spirituel', 
c'eft  par   vous  que  tout  vit  &: 
croit  fur  terre. 

En  voyant  des  animaux,  éle- 
vez aufii  votre  efprit  &  votre 
cœur  à  celui  qui  leur  donne  le 
fentiment  &  le  mouvement  ; 
dites-lui  avec  refpeâ:  et  avec 
amour:  Grand  Dieu,  qui  re- 
muez toutes  chofes  dans  le 
monde  ,  &  qui  demeurez  ton- 
jours  immobile  ,  je  me  réjouis 
de  ce  que  vous  êtes  éternelle- 
ment dans  le  même  état ,  fans 
pouvoir  fouffrir  aucun  change- 
ment ! 

Quand  vous  vous  fentez  épris 
de  la  beauté  des  créatures ,  fé- 
parez  incontinent  ce  que  vous 
voyez  de  ce  que  vous  ne  voyez 
pas ,  laiiTez  le  corps  &  atta- 
chez-vous à  frefprit ;  coniiderez 
que  tout  ce  quiparoit  de  beau 
à  vos  yeux  vient  d'un  principe 
invifible  ,  qui  elt  la  beauté  in- 
créée. Dites  en  vous-même  : 
-Voilà  des  petits  ruiiîeaux  de 
cette 


Chapitre  XXL  12$ 

cette  fourceinépuifable,  de  cet 
océan  immenfe  d'où  découle 
une  infinité  de  biens.  O  que 
mon  ame  refient  de  plaiiirs  , 
lorfquejepenfe  à  cette  beauté 
éternelle  ,  qui  eft  la  caufe  de 
toute  beauté  créée! 

Quand  vous  voyez  une  per- 
fonne  douée  de  fa  g  e  fie ,  de  juf- 
tice  ,  de  bonté  ou  de  quelque 
autre  vertu  ,  distinguez  pareil- 
lement ce  qu'elle  a  de  foi  d'a- 
vec ce  qu'elle  a  reçu  du  ciel , 
&  dites  à  Dieu  :  O  Dieu  des 
vertus,  je  ne  puis  vous  expri- 
mer le  contentement  que  j'ai  , 
quand  je  confidere  qu'il  n'eff. 
aucun  bien  qui  ne  procède  de 
vous,  &  que  toutes  les  perfec- 
tions des  créatures  ne  font  rien 
en  comparaifon  des  vôtres  !  Je 
vous  rends  mille  actions  de  grâ- 
ces ,  Seigneur,  pour  ce  bien 
&  généralement  pour  tous  les 
biens  que  vous  avez  faits  à  mon 
prochain  6c  à  moi.  Ayez  pitié 


J^oLe   Combat  Spirituel 9 
de  ma  pauvreté,  fouvenez-vous 
iqne   j'ai  grand  befoin    d'une 
telle  &  d'une  teile   vertu  qui 
me  manque. 

Lorfque  vous  faites  quelque 
bonne  action,  penfez  que  c'eft 
Dieu  qui  en  eft  la  première 
caui'e  ,  %c  que  vous  n'êtes  que 
rinitrument  dont  il  fe  fert  pour 
agir;  élevez  les  yeux  vers  lui , 
en  difanr  :  O  fouverain  Maître 
du  monde  ,  c'eft  avec  une  ex- 
trême joie  que  je  reconnois 
que  fans  vous  je  ne  puis  rien  , 
Ôc  que  vous  êtes  le  premier  & 
le  principal  ouvrier  de  toutes 
chofes! 

Quand  vous  mangez  quel- 
que viande  que  vous  aimez  , 
faites  ces  réflexions,  qu'il  n'y 
a  que  le  Créateur  capable  de 
lui  donner  ce  goût  que  vous  y 
trouvez  ,  &  qui  vous  paroit  fi 
agréable  ;  mettez  en  lui  feul 
toutes  vos  délices  ,  &  dites- 
vous  à,  vous  •  même  :   O  mon 


Ch  APiT  reXXI.  131 

ame  ,  réjouis-toi  de  voir  que 
comme  il  n'y  a  point  de  folide 
contentement  hors  de  Dieu, 
aufîi  trouve-t-on  en  Diea  un 
parfait  bonheur! 

Lorfque  vous  fentez  quelque 
douce  odeur,  gardez-vous  bien 
de  vous  attacher  au  plaifir  que 
vous  y  prenez  ;  montez  en  ef- 
prit  au  Ciel ,  ck  ,  perfuadé  que 
c'eft  Dieu  qui  elt  la  caufe  de 
cette  odeur,  réjouiflez-vous- 
en  avec  lui ,  priez-le  qu'étant 
]e  principe  de  toute  douceur, 
il  falTeen  forte  que  votre  ame  , 
dégagée  des  plailirs  fenfuels  , 
n'ait  rien  qui  l'empêche  de 
s'élever  jufqu'à  lui  comme  la 
fumée  d'un  agréable  parfum. 

Enfin  ,  quand  vous  entendez 
quelque  beau  concert,  penfez 
à  Dieu,  &.  dites-lui  :  O  mon 
Dieu  ,  j'ai  le  cœur  comblé  de 
joie  ,  lorfque  je  longe  à  vos 
divines  perfections,  qui,  jointes 
enfemble  3  font  une  excellente 


t^2  Le  Combat  Spirituel, 
harmonie ,  non-feu!ement  dans 
vous  même,  mais  clans  les  An- 
ges ,  dans  les  deux  ,  &  dans 
toutes  les  créatures  ! 

Chapitre   'XXII. 

Commemles  chofes fenfiblesnous 
aident  à  méditer  fur  les  Myjlè- 
res  de  la  Vie  &  de  La  Pajfion 
de  Notre- Seigneur. 


E  vous  ai  montré  comment 
on  peut  s'élever  delà  «onlidé- 
ration  des  chofes  fenfibles  à  la 
contemplation  des  grandeurs 
de  Dieu  ;  apprenez  maintenant 
à  vous  fervir  de  ces  mêmes 
chofes  pour  vous  remettre  dans 
l'efnnt  les  (acres  myrreres  dé  la 
Vie  Se  delà  Paftion  de  notre 
Seigneur.  îl  n'y  a  rien  dans  i'u- 
mvers  qui  ne  ioit  propre  a  vous 
en  rafraîchir  la  mémoire. 

Confidércz  donc  première- 
ment que  Dieu  ,ainfi  que  nous 
avons  dit,  eft  le  principe  de 


Chapitre  XXII.  133 

toutes  chofes  ;  que  c'eft  lui  qui 
a  donné  aux  créatures  ,  même 
lesplusnobles,  l'être,  la  beauté 
&  toutes  les  perfe&ions  qu'exi- 
les ont.  Admirez  entuite  l'infi- 
nie bonté  de  ce  ibuverain  Maî- 
tre du  monde,  qui  a  daigné  s'a- 
baiffer  jufqu'à  fe  faire  homme  , 
ik  à  fouffrir  une  mort  honteufe 
pour  voue  falut,  en  permettant 
que  fes  propres  créatures  conf- 
piraffent  contre  lui,  pour  le 
crucifier.  Mais"  fi  vous  voulez 
venir  au  détail  de  fes  travaux  & 
de  Tes  foufTrances  5  de  quelque 
coté  que  vous  vous  tourniez  , 
vous  en  verrez  des  figures. 

Si,  par  exemple ,  vous  voyez 
des  armes,  des  fouets,  des  cor- 
des ,  des  épines  ,  des  roieaux  , 
àcs  clous ,  des  marteaux ,  vous 
vous  repréfenterez  ceux  qui  fu- 
rent les  inftrumens  de  fa  paflion 
&:  de  fa  mort.  Une  maifon  pau- 
vre vous  ferapenfer  à  TÈtable 
&  à  la  Crèche  où  il  naquit.  La 

nu 


134  Le  Combat  Spirituel, 
plaie  qui  tombe  du  Ciel  &c  qui 
îeTepaud  fur  la  terre,  vous  re- 
mettra en  mémoire  les  ruif- 
■feaux  de  fang  dont  il  arrofa  le 
Jardin  des  Olives.  Toutes  les 
pierres  vous  feront  autant  d'i- 
mages de  celles  oui  fe  fendi- 
rent à  fa  mort.  En  regardant , 
ou  le  Soleil  ,  ou  la  Terre ,  vous 
fonderez  que  quand  i!  mourut  ; 
îa  Terre  trembla  ,  êe  h  Soleil 
s'obicurcit.  En  voyant  de  l'eau, 
vous  vous  ion  viendrez  de  celle 
qui  coula  de  fon  cote  ,  &z  ainii 
de  mille  autres  chofes  qui  fe 
préfenteront  à  vos  yeux. 

Si  vous  buvez  du  vin  ou  de 
cjuelqu'autre  liqueur ,  propo- 
fez-vous  le  vinaigre  &  le  tiei 
dodt  cet  aimable  Sauveur  fut 
abreuvé  par  fes  ennemis.  Si 
vous  prenez  trop  de  plailir  à 
î  odeur  de  quelque  parfum  , 
ik>;urez-vous  la  puanteur  des 
corns  morts  qu'il  fentit  fur  le 
Calvaire.    En  vous  habillant , 


Ch  apure  XXII.  1353 

coniklérez  qu'étant  Fils  de 
Dieu,  il  s'en:  revêtu  de  notre 
chair  pour  nous  revêtir  de  fa 
divinité.  En  vous  deshabillant  , 
imaginez  vousle  voir  dépouille 
ck  tout  nud  entre  les  mains  des 
bourreaux, prêt  à  être  fouetté 
&  attaché  à  une  croix  pour 
l'amour  de  vous.  Quand  vous 
entendez  quelque  bruit  con- 
fus ,  croyez  entendre  ces  cris 
effroyables  d'une  populace  mu- 
tinée contre  fon  Seigneur  ; 
Oic\  -  le  du  monde  ,  6te\-U  du 
monde  :  crucifie^- le ,  crucifie^-le. 
Toutes  les  fois  que  l'horloge 
fonneia,  penfez  à  ce  batte- 
ment de  cœur  que  Jefus  ientit 
dans  le  jardin  ,  lorfqu'i!  fut  faifi 
d'une  mortelle  frayeur  à  la  vue 
des  cruels  tourmens  qu'on  lui 
préparoit  ;  ou  bien  fongez  aux 
coups  de  marteaux  que  les 
foldats  lui  donnèrent  en  le 
clouant  à  la  croix.  Enfin  ,  quel- 
ques peines  6c  quelques  dou- 
I  iv 


1^6  Le  Combat  Spirituel, 
leurs  que  vous  enduriez  ou  que 
vous  voyiez  endurer  aux  au- 
tres, tenez  pour  certain  qu'el- 
les ne  font  rien  en  comparaifoà 
cie  celles  que  votre  Sauveur 
fou  ffrit  &  dans  le  corps  &  dans 
l'âme  ,  durant  tout  le  cours  de 
fa  Pafîion. 

Ch  apitre  XX  ïl  I. 
De  quelques  autres  moyens  de 
faire  dans  les  rencontres  un 
bon  ufage  des  fens  extérieurs» 

jTSLPrès  vous  avoir  montré 
comment  on  doit  élever  fon  ef- 
pjrit  des  chofes  fenfibles  aux 
chofès  de  Dieu  &aux  Myftères 
de  la  vie  de  Jefus-Chrift,  je 
veux  encore  vous  enfeigner 
d'autres  moyens  d'en  tirer  di- 
vers fujets  de  méditations ,  afin 
que  comme  lesgoûts  font  diffé- 
rons, chacun  trouve  ici  de  quoi 
fatisfaire  fa  dévotion  :  ce  qui 
fera  d'une  grande  utilité ,  non- 


ChapitreXXIII.  137 

feulement  anx  perfonnes  fim- 
ples,  mais  même  aux  plus  fpi- 
rituelles,  qui  ne  vont  pas  routes 
par  la  même  voie  à  la  perfec- 
tion, qui  ne  fuivent  pas  la  mê- 
me conduite ,  &  qui  ne  font  pas 
également  nées  pour  les  plus 
hautes  fpéculations.  Au  refte  , 
ne  craignez  point  que  cette 
grande  diverfité  de  pratique 
vou-jcaufe  de  l'embarras  &  du 
trouble  ;  tâchez  feulement  d'en 
ufer  avec  difcrérïon;,confuîtez 
quelque  fage  directeur  ;  aban- 
donnez-vous entre  fes  mains 
avecbeaucoup  d'humilité  &  de 
confiance ,  non-feulement  pour 
ce  qui  regarde  ce  que  je  vais 
dire,  mais  pour  tout  ce  que  je 
dirai  dans  la  fuite. 

Lors  donc  que  vous  jeterez 
les  yeux  fur  des  chofes  qui 
vous  plaifent ,  &  dont  on  fait 
cas  dans  le  monde  ,  perfuadez- 
vous  que  de  foi  elles  font  viles 
comme  la   boue  ,  qu'elles  ne 


t 


138  Le  Combat  Spirituel , 
font  rien  en  comparaifon  des 
biens  du  Ciel ,  où  vous  devez 
afpirer  fans  cette ,  en  foulant 
aux  pieds  tout  le  refte. 

Quand  vous  regardez  le  So- 
leil ,  fongez  que  votre  ame  or- 
née de  la  grâce  eft  beaucoup 
plus  belle  &  plus  lumineufe 
que  tous  les  aftres  enfemble  , 
éc  que  fans  la  grâce  elle  eft 
lus  noire  &  plus  affreufe  que 
es  ténèbres  de  l'enfer.  En 
confi cerant  le  Ciel  qui  eft  au- 
deiTus  de  vous,  montez  en  ef- 
prit  jufqu'à  TEmpirée,  &  de- 
meurez-y comme  dans  le  lieu 
où  vous  régnerez  à  jamais ,  ii 
vous  vivez  innocemment  & 
faintement  fur  la  terre. 

Quand,  vous  entendez  chan- 
ter les  oifi\aux ,  fouvenez-vous 
du  paradis  ,  où  l'on  ne  celle  de 
chanter  à  Dieu  des  Cantiques 
de  louange  :  priez  en  même- 
tems  le  Seigneur  qu'il  vous 
rende  digne    de  le  louer  éter- 


Chapitre  XXIII.  139 

nellement  en  la  compagnie  des 
Efprits  céleftes. 

Lorfque  la  beauté  des  créa- 
tures vous  charme ,  figurez- 
vous  le  ferpent  infernal,  qui, 
caché  fous  ces  dehors  éclatans , 
tâche  de  vous  mordre  &  de 
vous.oter  la  vie  de  la  grâce. 
Dites-lui  avec  une  fainte  indi- 
gnation :  Va,  maudit  ferpent, 
c'eft  en  vain  que  tu  te  caches 
pour  me  nuire.  Puis ,  en  vous 
tournant  versDieu. Soyez  bé- 
ni ,  lui  direz-vous  t  de  ce  qu'il 
vous  a  plu  me  découvrir  mon 
ennemi  ,  &  me  fauver  de  fes 
embûches.  Après  cela  retirez- 
vous  dans  les  plaies  de  votre 
Sauveur ,  comme  en  un  afyle 
afïuré  :  occupez-y  votre  efprit 
des  douleurs  inconcevables 
qu'il  a  fouffert  dans  fe  chair 
facrée ,  pour  vous  garantir  du 
péché  ,  &c  pour  vous  downer 
de  l'horreur  des  plaifirs  fen- 
fuels. 


140  Le  Combat  Spirituel, 

Voici  encore  un  moyen  de 
fuir  les  attraits  des  beautés 
créés ,  c'eft  de  penfer  quels  fe- 
ront après  la  mort  ces  objets 
qui  vous  paroiflcnt  maintenant 
ii  beaux.  Quand  vous  marchez, 
prenez  garde  qu'à  chaque  pas 
que  vous  faites ,  vous  vous  ap- 
prochez de  la  mort.  Le  vol 
d'un  oifeau ,  le  cours  d'un  fleu- 
ve impétueux,  vous  avertie 
que  vos  jours  s'écoulent  encore 
plus  vite.  Un  tourbillon  qui 
renverfe  tout,  un  tonnerre  qui 
fait  tout  trembler  vous  repré- 
fentent  le  jourerïroyableduju- 
gement,&  fembîentvous  dire 
qu'il  faut  fléchir  le  genou  de- 
vant votre  Juge  ,  qu'il  faut  l'a- 
dorer &  le  prier  humblement 
qu'il  vous  aide  à  vous  préparer 
de  bonne  heure  pour  paroitre 
devant  lui  avec  aiïurance. 

Mais  fi  vons  voulez  profiter 
d'une  infîniré  cl'accidens,à  quoi 
cette  vie  eft  fujette,  voici  ce 


Chapitre  XXIII.  141 

que  je  vousconfeille  de  faire. 
S'il  arrive  ,  par  exemple  ,  que 
vous  Tourniez  du  chaud  ,  ou  du 
froid  ,  ou  quelque  fembîable 
incommodité  ;  que  vous  vous 
trouviez  accablé  de  douleur  ou 
de  trille  fle  ;  envifagez  Tordre 
immuable  de  la  Providence  di- 
vine ,  qui  a  voulu  ,  pour  votre 
bien,  que  vous  endurafïiezpré- 
fentement  cette  peine  ,  &  qui 
fait  la  proportionner  à  vos  for- 
ces. Par  ce  moyen  vous  recon- 
noîtrez  avec  joie  l'amour  ten- 
dre &  paternel  que  le  Sei- 
gneur a  pour  vous ,  &  vous  en 
avez  une  preuve  bien  feniible 
dansl'occalion  qu'il  vous  don- 
ne de  le  fervir  de  la  manière 
qu'il  lui  eft  la  plus  agréable. 

Vous  voyant  donc  en  état  de 
lai  plaire  plus  que  jamais  ,  vous 
direz  :  C'eft  maintenant  que 
s'accomplit  en  moi  la  volonté 
de  celui,  qui  par  fa  miféricorde 
a  ordonné  avant  tous  les  fiecles 


142  Le  Conihat  Spirituel , 
que  je   fouffrifle   aujourd'hui 
cette  mortification.  Qu'il    en 
foit  éternellement  béni.  Quand 
il  vous  vient  quelque    bonne 
penfée  ,  croyez  fermement  que 
c'eft  de  Dieu    qu'elle   vient  , 
&  rendez-en  de  trèî-hnmbles 
adions  de   grâce  à  ce  Père  des 
lumières.    Quand   vous    lifez 
quelque  livre  de  pieté  ,  imagi- 
nez-vous que  c'eft  l'Efprit  Saint 
qui  vous  parle  ,  <k  que  c'eft  lui- 
même  qui  l'a  compofe. 

Quand    vous    regardez    la 
Croix ,  confidérez-la   comme 
l'étendard    de  Jefus-Chrift  , 
votre    Capitaine ,    &    fâchez 
que  pour  peu  que  vous  vous 
en  éloigniez  ,  vous  tomberez 
entre  les    mains  de  vos  plus 
cruels  ennemis  :  au  lieu  que-  fi 
vous  le  fuîvez,  vous  vous  ren- 
dez digne  d'entrer  un  jour  la 
palme  à  la    main  &  en  triom- 
phe ,  dans  le  Ciel. 
Quand  vous  voyez  une  image 


Chapitre  XX III.  143 

de  la  fainte  Vierge  ,  offrez  vo- 
tre cœur  à  cette  Mère  de  mi* 
féricorde;témoignez-lui  votre 
joie  de  ce  qu'elle  a  toujours 
accompli  avec  une  diligence  6c 
une  fidélité  extrême  la  divine 
volonté ,  de  ce  qu'elle  a  mis  au 
monde  votre  Sauveur,  &  l'a 
nourri  de  fon  lait;  enfin,  re- 
merciez-la du  fccours  qu'elle 
donne  à  ceux  qui  l'invoquent 
dans  les  combats  contre  le  dé- 
mon. Toutes  les  images  de3 
Saints  vous  feront  reflbu venir 
des  généreux  foldats  de  Jefus- 
Chrift,  qui,  en  combattant  vail- 
lamment jufqu'à  la  mort,  vous 
ont  frayé  le  chemin  que  vous 
deviez  fuivre  pour  arriver  à  la 
gloire. 

En  quelque  terns  que  vous 
entendiez  fonner  la  cloche  , 
pour  dire  trois  fois  la  faluta- 
tion  Angélique  ,  vous  pouvez 
faire  quelque  forte  de  médita- 
tion ou  de  réflexion  fur  les  pa- 


Ï44  Le  Combat  Spirituel, 
rôles  qui  fe  difent  avant  chaque 
Ave ,  Maria .  A  u  premier  coup, 
remerciez  Dieu  de  la  célèbre 
ambaflade  qu'il  envoya  à  Ma- 
rie ,  &  qui  fut  le  commence- 
ment de  l'ouvrage  de  notre  ré- 
demption. Au  fécond ,  réjouif- 
fez- vous  avec  Marie  de  la  haute 
dignité  où  Dieu  l'éleva  en  ré- 
compenfe  de  fa  très-profonde 
humilité.  Au  troifieme  adorez 
le  Verbe  nouvellement  incar- 
né, &:  rendez  en  même  tems 
à  fa  bienheureufe-Mere  ,  &  à 
l'Archange  S.  Gabriel  ,  l'hon- 
neur qu'ils  méritent.  A  chaque 
coup  il  eft  bon  de  faire  une  in- 
clination de  tête ,  pour  mar- 
que de  révérence  ,  Se  particu- 
lièrement au  dernier. 

Tous  ces  aftes  fe  pratique- 
ront également  en  tous  tems. 
Mais  en  voici  d'autres  plus 
propres  à  certaines  heures  du 
jour  ,  au  foir  ,  au  matin  &  à 
midi ,  &  qui  regardent  le  Myf- 

tère 


Chapitre  XXIII.  i.i; 
tère  de  la  Pa  filon  de  N.S,  Car 
nous  femmes  obligés  de  penfef 
fou  vent  au- cruel  martyre  que 
la  Vierge  fou fFai'  alors ,  &  ce 
ferbit  une  étrange  ingratitude 
lî  nous  y  marquions. 

Au  foir,  représentez- vous 
la  douleur  qu'elle  reilentit  de 
la  fueur  de  fang ,  &  de  la  prife 
de  Jefus  dans  le  Jardin  des 
Olives,  &  de  fes  peines  inté- 
rieures duranttoute  cette  nuit. 
Au  matin,  compatiïTez  à  fori 
affliction  de  voir  ce  cher  Fils1 
que  l'on  côp'duifoic  ignomi- 
nieufement  à  Pilate  &  à  Ké- 
rode  ,  que  l'on  condamnoft  à 
mort,  _&  que  l'on  forçoit  de 
porter  lui-même  fa  croix  ,  en 
allant  au  lieu  du  fupplice.  A 
midi,  figurez-vous  le  glaive 
de  douleur  qui  perça  l'ame  de 
cette  Mère  affligée  ,  lorfqu'à 
fcs  yeux  on  le  Crucifia ,  &  qu'il 
mourut;  &  que  même après  fa 
mort ,  on  lui  ouvrit  le  côté 
avec  une  lance.  K 


1^.6  Le  .Cam&àt  Spirittlet* 

Vous  pourrez  faite  ces  pieu- 
fes  réflexions  fur  les  douleurs 
de  la  fainte  Vierge  ,  depuis  le 
jeudi  au  foir  jufqu'au  famedi 
fuivant  à  midi  ;  &  les  autres 
vous  le  ferez  en  d'autres  jours» 
Suivez  cependant  votre  dévo- 
tion particulière  ,  félon  que 
tous  vous  fentirez  ému  par  les 
objets  extérieurs. 

Enfin,  pour  vous  dire  en  peu 
de  mots  comment  vous  devez 
ufer  de  vos  fens  ,  tâchez  de  les 
gouverner  ;  de  forte  que  vous 
ne  donniez  jamais  entrée  dans 
votre  cœur ,  ni  à  l'amour,  ni  à 
l'averfion  naturelle  deschofes 
qui  fe  préfentent?mais  que  vous 
régliez  toutes  vos  inclinations 
fur  la  volonté  divine,nrembraf- 
fant  &  ne  rejetant  que  ce  que 
Dieu  veut  que  vous  embraf- 
îiez ,  &  que  vous  rejetiez. 

Remarquez  au  refte  ,  qu'à 
l'égard  de  ce  grand  nombre  de 
pratiques  différentes    que   je 


Chapitre  XXIII.147 
■viens  de  vous  donner  pour  le 
règlement  de  vos  iens ,  mon 
dellein  n'eft  pas  de  vous  obli- 
ger d'en  faire  votre  principale 
occupation.  Car  vous  devez 
prefque  toujours  être  recueilli 
en  vous  même  ,  &  demeurer 
attaché  à  Dieu  :  vous  devez 
vous  occuper  intérieurement  à 
combattre  vos  inclinations  vi- 
cieufes,&:  à  produire  beaucoup 
d'a&es  des  vertus  contraires^' 
Je  ne  prétends  donc  autre  cho- 
fe  ,  finon  que  vous  vous  en  fer- 
viez  dans  les  rencontres  où 
vous  en  aurez  befoin.  Car  ce 
n'eft  par  le  moyen  d'avancer 
beaucoup  dans  la  fpiritualité  , 
que  de  s'ailujettir  àtant  d'exer- 
cices extérieurs,qui  de  foi  font 
bons;  mais  qui  étant  mal  ména- 
gés ,ne  fervent  qu'à  embarraf- 
ferl'efprit ,  à  fomenter  l'amour 
propre ,  à  entretenir  l'inconf- 
tance  ,  &:  à  donner  lieu  aux 
tentations  du  démon. 

Kij 


l^S  Le  Combat  Spirituel ', 

Chapitre  XXIV. 

De  la  manière  de  biengouverner 

fa  langue. 

jLuk  langue  de  l'homme  a 
grand  befoin  d'être  retenue, 
parce  qu'on  fe  plait  naturelle- 
ment à  parler  des  chofes  qui 
flattent  les  fens.  L'intempé- 
rance de  la  langue  vient  d'ordi- 
naired'un  certain  orgueil ,  qui 
fait  que  nous  nous  croyons 
beaucoup  plus  intelligent  que 
nous  ne  fommes  ;  &  qu'a  .mi- 
rant nos  propres  penfées,  nous 
les  débitons  avec  complaifan- 
ce;  nous  dominons  dans  la  con- 
verfation  ,  &  prétendons  que 
tout  le  monde  nous  écoute. 

Il  eft  imponTole  de  compren- 
dre en  peu  de  paroles ,  tous  les 
maux  qui  naifîent  de  ce  vice 
dëjteftable.  Ce  qu'on  en  peut 
dire  en  général  ;  c'efl:  qu'il  eft 
*la  caufe  de    l'oifiveté  ,  qu'il 


Chapitre  XXIV.  149 

marque  beaucoup  d'ignorance 
&:  de  folie  ;  qu'il  traire  après  .' 
foi  la  médifance  &lérhenfbn- 
ge;ru'il  ralentit  la  ferveur  de  la 
dévotion  ;  qu'il  fortifie  les  pàf- 
fibns  déréglées,  &  qu'il  accou- 
tume la  largue  a  ne  dire  nie 
des  paroles  vaines  &  oifeufes.' 

Four  le  corriger  ,  voici  ce 
que  je  vous  confeille  de  faire. 
Ne  parlez  point  trop  ,  ni  de- 
vant ceux  qui  ne  vous  écou- 
tent pas  volontiers,  de  crainte 
de  lesennuyer,  ni  devant  ceux 
qui  prennent  plaiiîr  à  vous 
écouter  ,  de  peur  que  dans  le 
difcours  il  ne  vous  échappe 
quelque  chofe  de  mal  à  pro- 
pos. Prenez  garde  à  ne  pas 
parler  trop  haut  ,  ni  d'un  ton 
d'autorité  ;  car  cela  dépîait  à 
ceux  qui  l'entendent  ,  &  mon- 
tre beaucoup  de  fuffifance  & 
depréfompt:on. 

Ne  pariez  jamais  de  vous, 
tii  de  vos  parens ,  ni  de  ce  que 
K  iij 


IJO  Le  Combat  Spirituel, 
vous  avez  fait  ,  à  moins  que  la 
néceflité  ne  vous  y  oblige  j  & 
ïorfqu'il  vous  femb'e  le  devoir 
faire  ,  que  ce  foit  en  peu  de 
mots  ,  avec  une  extrême  rete- 
nue. Que  11  vous  trouvez  un 
homme  qui  parle  beaucoup  de 
foi,  ne  Je  méprifez  pas  pour 
cela  ,  mais  gardez  -  vous  bien 
de  l'imiter ,  quand  même  il  ne 
diroit  rien  qui  ne  dût  fervir  à  , 
faire  connoître  fes  fautes  ,  & 
à  lui  en  donner  de  la  confuiion. 
Ne  parlez  que  le  moins  que 
vous  pourrez  du  prochain  &: 
des  c  ho  fes  qui  le  regardent , 
fi  ce  n'eft  que  Poccafion  fe  pré- 
fente d'en  dire  du  bien.  Parlez 
volontiers  de  Dieu  ;  fur-tout 
de  fa  charité  pour  les  hommes, 
mais  dans  la  crainte  de  n'en 
parler  pas  comme  il  faut,  écou- 
tez plutôt  ce  que  les  autres 
vous  en  diront ,  &  tâchez  de 
ne  le  point  oublier. 

Pour  ce  qui  eft  des  difeours 


Chapitre  XXIV.  iji 

profanes  ,  s'ils  vont  jufqu'à  vos 
oreilles  ,     ne   permettez    pas 
qu'ils  entrent  dans  votre  cœur 
qui    doit    être    tout  entier  à 
Dieu  ;  mais   au  cas  que  vous 
foyez  obligé    d'écouter  celui 
qui  parle,  afin  de  pouvoir  lui 
répondre, jetez  toujours  quel- 
que œillade  vers  le   Ciel ,  011 
votre  Dieu  règne  ;  &  d'où  cet- 
te haute  Majefté  ne  dédaigne 
pas  de  regarder  votre  bafleiïè* 
Examinez   bien  tout  ce    que 
vous  voulez  dire  ,    avant  que 
du  cœur  il  pafie  à  la  langue. 
Apportez-y   toute  la  circonf- 
pe&ion.pofïibie  ;    parce    qu'il 
s'y   trouvera    toujours    beau- 
coup de  chofes  à.  fupprimer  ;  Se 
quand  même  vous  auriez  choiil 
ce  que    vous  croiriez    devoir 
dire  ,  retranchez-en  une  par- 
tie -,  car  vous  trouverez  encore 
à  la  fin  que  vous  n'en  aurez  que 
trop  dit. 

Le  fileace  elr  d'un  grand  fe- 
Kir 


1 5*2  Le  Combat  Sptritùe ! , 
coursons  le  Combat  Spirituel; 
6c  ceux  qui  le  gardent,  peu- 
vent fe  promettre  qu'ils  rem- 
porteront la  victoire.  Auflï 
ont- ils  d'ordinaire  îa  défiance 
d'eux-mêmes,  la  confiance  en 
Dieu,  beaucoup  d'attraits  pour 
î'Oraifon  ,  &:  une  grande  faci- 
lité pour  tous  les  exercices  de 
vertu. 

Afin  de  vous  affectionner  au 
filence  ,  confidérez  les  grands 
biens  qui  en  proviennent ,  & 
let  maux  infinis  quinailTent  de 
Tintempérance  de  la  langue. 
Je  dis  plus  ,  fi  vous  voulez  vous 
accoutumer  à  parler  peu ,  tai- 
fèz-vous  ,  lors  même  que  vous 
avez  fujet  de  parler  ;  pourvu 
que  votre  filence  ne  nuife  nia 
vous,  ni  au  prochain.  Fuyez 
fur- tout  les  converfations pro- 
fanes y  préfère?,  la  compagnie 
des  Anges,  des  Saints,  de  Dieu 
même  à  celle  des  hommes.  En- 
fin ,  fougezàla  guerre  que  vous 


Ch  apitre  XXV.  iy? 
avez  entreprife  ,  &  à  p;jfteau- 
rez-vous.Ie  temps  de  ré(pirer> 
bien  loin  de  p  utfoïi  vrou  imu- 
ferà  dés  entretiens  inutiles. 

Chapitre  XXV. 
Çwe  kfoldatde  Jefus-Chrijl , 
^z/i  a  réfolu  de  combattre  &  de 
vaincre  fes  ennemis.,  doit  évi- 
ter ,  autant  qu'il  lui  eft  pojji- 
ble  ,  ce  qui  peut  troubler  la 
paix  de  fon  cœur, 

JLiOrfque  nous  avons  perdu 
la  paix  du  cœur,  nous  devons 
mettre  tout  en  œuvre  pour  la 
recouvrer ,  mais  quoi  qu'il  arri- 
ve en  ce  monde  ,  rien  n'eft  ca- 
pable de  nous  la  ravir ,  ni  de  la 
troubler  malgré  nous.  Il  faut , 
à  la  vérité  ,  que  nous  confer- 
vions  de  la  douleur  de  nos  fau- 
tes ,  mais  cette  douleur  doit 
être  tranquille ,  modérée,  com- 
me je  l'ai  dit  plufieurs  fois.  Il 
faut  de  même  que  nous  ayons 


îy4  Le  Combat  Spirituel , 
compaiïiondes  autres  pécheurs; 
&  que  durnoins  intérieurement 
nous  gémiflions  de  leur  perte  ; 
il  faut  au flî  que  notre  com- 
paflîon  foit  tendre,  mais  fans 
chagrin  &  fans  trouble }  com- 
me étant  l'effet  d'une  charité 
très-pure. 

Pour  ce  qui  regarde  une  in- 
finité de  maux   auxquels  nous 
fommes  fujetsen  ce  monde,tels 
qne  font    les    maladies  ,     les 
plaies,  la  mort ,  la  perte  de  nos 
amis  &  de  nos  proches  ,     la 
pefte,  \§  guerre  ,  les  embrâfe- 
mens ,  &  plufieurs  autres  acci- 
dens  fâcheux  ,  que  les  hommes 
appréhendent  comme  contrai- 
res à  la  nature,  toujours  enne- 
mie des  fouffrances  ;  nous  pou- 
vons ,  avec  le  fecours  de  la  grâ- 
ce non- feulement  les  accepter 
de  la  main  de  Dieu  ,  mais  nous 
en  faire  dç$  fujets  de  joie  ,  en 
les  regardant  oucommedes pu- 
nitions falutaires  pour  les  pé- 


Chapitre  XXV.  i  j  j* 

cheurs  ,  ou  comme  des  occa- 
fions  de  mérite  pour  les  Juftes. 
Ces  deux  conlldérations  font 
que  Dieu  même  prend  plaiiir  à 
nous  affliger;  mais  il  eft  cer- 
tain que  tant  que  notre  volonté 
fera  foumife  à  la  tienne  ,  nous 
demeurerons  avec  un  efprit 
tranquille  au  milieu  des  afflic- 
tions les  plus  rudes.  Sachez 
au  refte  ,  que  toute  inquiétude 
lui  déplaît,  parce  que, de  quel- 
que nature  qu'elle  foit  ,  elle 
n'eltjam'ais  fans  quelque  défaut, 
6c  vient  toujours  d'un  mauvais 
principe,  qui  eft  l'amour  -  pro- 
pre. Tâchez  donc  de  prévenir 
de  loin  ce  qui  peut  vous  in- 
quiéter ,  &  préparez-vous  de 
bonne  heure  à  le  fupporter 
avec  patience.  Confidérez  que 
les  mauxpréfens,  quelque  ter- 
ribles qu'ils  paroiffent ,  ne  font 
pas  effectivement  des  maux  ; 
qu'ils  ne  fauroient  nous  priver 
des  biens  véritables ,  que  Dieu 


i  $6  Le  Combat  Spirituel ', 
lés  envoie  ,  ou  les  permet  pour 
lesraifons  que  nous  avons  di- 
tes, ou  pour  d'autres  qui  nous 
font  cachées,  mais  qui  ne  peu- 
vent être  que  très-juftes. 

Enconfervant  de  la  forte  un 
efprit  toujours  égal  parmi  les 
divers  accidens  de  certe  vie, 
vous  profiterez  beaucoup  :  fans 
cela  vos  exercices  réuniront 
mal  ,  6c  vous  n'en  tirerez  aucun 
fruit.  De  plus ,  tant  que  vous 
aurez  l'efprit  inquiet ,  vous  de- 
meurerez expofé  aux  infultes 
de  l'ennemi  ,  fan?  pouvoir  con- 
noitre  quelle  qCz  la  voie  fùre  6c 
le  droit  chemin  de  la  vertu.  Le 
démon  fait  tous  fes  efforts  pour 
bannir  la  paix  du  cœur ,  parce 
qu'il  fait  que  Dieu  demeure 
dans  la  paix  ,  &  que  c'efl:  dans 
la  paix  qu'il  opère  de  grandes 
ehofes.  De-là  vient  qu'il  n'eft 
point  de  rufe  dont  il  ne  fe  ferve 
pour  nous  la  ravir;  &  qu'afm 
de  nous  furprendre  >  il  fe  con- 


Chapitre  XXV.  1 57 
trefatt,  il  nous  inipire  des  def- 
feiris  qui  paroiiïent  bons  ,  mais 
•qui  font  médians  en  effet,  6c 
qu'on  reconnoit  à  pluiieurs mar- 
ques, fur-tout  en  ce  qu'ils  trou- 
blent la  paix  intérieure. 

Pour  remédier  à  un  mal  fi 
dangereux,  lorfquë  l'ennemi 
s'efforce  d'exciter  en  nous  quel* 
que  mouvement  ,  ou  quelque 
defir  nouveau  ,  ne  lui  ouvrons 
pas  d'abord  notre  cœur ,  renon- 
çons premièrement  à  toute-  af- 
fections qui  peuvent  naître  de 
l'arnour-propre  :  offrons  à  Dieu 
ce  nouveau  defir  ;  prions-le  inf- 
tamment  de  nous  faire  connoî- 
tre  s'il  vient  de  lui  ou  du  dé- 
mon ,  n'oublions  pas  de  con- 
fulter  là-defïiisnotreDirecteur. 
Lors  même  que  nous  fommes 
iùrs  qu'un  defir  qui  fe  forme 
dans  notre  cœur ,  efi  un  mouve- 
ment de  l'efprit  de  Dieu  ,  nous 
ne  devons  pas  nous  mettre 
en  devoir  de  l'exécuter  ,  qu'au- 


I y 8  Le  Combat  Sp triai e ! 9 
paravant  nous  n'ayions  mor- 
tifia la  trop  grande  envie  que 
nous  avons  qu'il  fait  accompli* 
Car  une  bonne  œuvre  précé- 
dée par  cette  forte  de  morti- 
fication,  e  M:  bien  plus  agréa- 
ble à  Dieu  y  que  li  elle  fe  fai- 
foit  avec  une  ardeur  &:  un  em- 
preiïement  naturel ,  &:  fouvent 
la  bonne  œuvre  lui  plaît  beau- 
coup moins  que  la  feule  mor- 
tification. Àinfi  rejettant  les 
mauvais  defii*sa  &  n'exéai- 
tant  les  bons  qu'après  avoir  ré- 
primé tous  les  mouvemens  de 
îa  nature  ,  nous  conferverons 
notre  cœur  dans  une  tranquil- 
lité parfaite. 

Il  eP:  encore  befoîn  pour 
cela  de  méprifer  de  certains 
remords  intérieurs  ,  qui  fem- 
blent  venir  de  Dieu  »  parce 
que  ce  font  des  reproches  que 
notre  confeience  nous  fait  fur 
de  véritables  défauts  ;  mais  qui 
viennent  effectivement  du  ma- 


Chapitre  XXV.  159 

lin  eiprit  ,  félon  qu'on  en  peut 
juger  par  les  fuites.  Si  les  re- 
mords de  confcïence  fervent  a 
nous  humilier  ,  s'ils  nous  ren- 
dent plus  fervens  dans  la  prati- 
que des  bonnes  œuvres  ,  s'ils; 
ne  diminuent  point  la  confiance 
qu'il  faut  avoir  en  la  miféricor- 
de  divine  ,  nous  devons  les 
recevoir  avec  action  de  grâ- 
ces, comme  des  faveurs  dnCiel» 
Mais  s'ils  nous  caufent  du  trou- 
ble ,  s'ils  nous  abbattent  le 
courage  ,  s'ils  nous  rendent  pa- 
refleux  ,  timides ,  lents  à  nous 
acquitter  de  nos  devoirs  >  nous 
devons  croire  que  ce  font  des 
fuggeftions  de  l'ennemi,  &  faire 
les  chofes  à  l'ordinaire  fans 
daigner  les  écouter. 

Mais  outre  cela  >  comme  il 
arrive  le  plus  fouvent  que  nos 
inquiétudes  nai'flent  des  maux 
de  cette  vie  ,  pour  nosu  en  dé- 
fendre ,  eous avons  deux  cho- 
fes à  Faire,  L'une  effc  de  conli- 


l6"o  Le  Combat  Spirituel, 
dcrer  ce  que  ces  maux  font  ca- 
pables de  détruire  en  nous  ,  ii 
ç'eft  l'amour  de  la  perfection  , 
ou  l'amour-propre  :  s'ils  ne  dé- 
truifent  que  l'amour  -  propre  , 
qui  eft  notre  capital  ennemi , 
nous  ne  devons  pas  nous  en 
plaindre  ;  nous  devons  plutôt 
tes  accepter  avec  joie  &  avec 
reconnoiiTànce  ,  comme  des 
grâces  que  Dieu  nous  fait  , 
comme  des  fecours  qu'il  nous 
envoie  ,  mais  s'ils  peuventnous 
détourner  delà  perfection  ,  &c 
nous  rendre  la  vertu  odieufe  , 
il  ne  faut  pas  pour  cela  nous 
décourager,  ni  perdre  la  paix 
du  cœur,  comme  nous  verrons 
bientôt. 

L'autre  chpfe  eit  qu'élevant 
notre  efprit  à  Dieu  ,  nous  re- 
cevions indifféremment  tout  ce 
qui  nous  vient  de  fa  main ,  per- 
fuadés  que  les  croix  mêmes 
qu'il  nous  préfente  ,  ne  peuvent 
être  pour  nous  que  les  fources 
d'une 


Chapitre  XXVI.  161 

d'une  infinité  de  biens  ,  que 
nous  négligeons,  parce  qu'ils 
nous  font  inconnus. 

^  Chapi  t  r  e  XXVI. 
<Ce  qu'il  faut  faire  lorfquon  a 
reçu  quelque    plaie    dans,  le 
Combat  Spirituel* 


Uand  vous  vous  fentez 
bleflfé  ,  c'eit-à-dire  ,  quand 
vous  voyez  que' vous  avez  fait 
quelque  faute  ,  par  pure  fra- 
gilité ,  foit  avec  réflexion  8z 
par  malice,  ne  vous  affligez  pas 
trop  pour  cela  ;  ne  vous  lai  G- 
fez  pas  aller  au  chagrin  &  à 
l'inquiétude  ;  mais  adreffez'- 
voits  aufTi-tôt  à  Dieu. ,  &  dir 
tes-lui  avec  une  humble  con- 
fiance :  c'eft  maintenant  ,  ô 
mon  Dieu  ,  que  je  fais  voir 
ce  que  je  fuis  ;  carr  que  pou- 
voit-on  attendre  d'une  créatu- 
re foibie  &  aveugle  commç 
«moi ,  que  des  égaremens  6c 
L 


162  Le  Combat  Spirituel  9 
des  chûtes?  Arrêtez- vous  un 
peu  Ià-defïus ,  afin  de  vous  con- 
fondre en  vous-même  ,  &:  de 
concevoir  une  vive  douleur  de 
votre  faute. 

Puis  ,  fans  vous  troubler  , 
tournez  toute  votre  colère  con- 
tre les  payions  qui  vous  do- 
minent ,  principalement  contre 
celle  quia  été  caufe  de  votre 
péché. 

Seigneur  ,  direz-vous,  j'au- 
rois  commis  de  bien  plus 
grands  crimes,  fi  par  votre  in- 
finie bonté  vous  ne  m'aviez  fe- 
couru. 

Rendez  enfuite  mille  a&ions 
de  grâces  à  ce  père  de  miféri- 
cordes  ,  aimez-le  plus  que  ja- 
mais ,  voyant  que  bien  loin  de  fe 
reflentir  de  l'injure  que  vous 
venez  de  lui  faire  ,  il  vous  tend 
encore  la  main  ,  de  peur  que 
vous  ne  tombiez  de  nouveau, 
dans  quelque  pareil  défordre. 

Enfin  ,  plein  de  confiance  > 


Chapitre  XXVI.  16*$ 
dites-lui  :  Montrez,  ô  mon 
Dieu,  ce  que  vous  êtes  :  faites 
fentir  à  un  pécheur  humilié  vo- 
tre divine  miféricorde  ;  par- 
donnez-moi toutes  mes  oneifc- 
fes ,  ne  permettez  pas  que  je 
me  fépare  ,  ni  que  je  m'éloi- 
gne tant  foit  peu  de  vous  ;  for- 
mez-moi  tellement  de  votre 
grâce  ,  que  je  ne  vous  olfenfe 
jamais. 

Après  cela  n'allez  point  exa- 
miner fi  Dieu  vous  a  pardon- 
né ,  ou  non.  Car  c'elt  vouloir 
vous  inquiéter  en  vain-,  c'efl 
perdre  le  temps  ;  &  il  y  a  en 
ce  procédé  bien  de  l'orgueil 
&  de  l'illufion  du  démon  qui , 
fous  des  prétextes  fpécieux  , 
cherche  à  vous  faire  de  la  pei- 
ne. Ainfi  abandonnez-vous  à, 
la  miféricorde  divine  ,  &  con- 
tinuez vos  exercices  avec  au- 
tant de  tranquillité  ,  que  fi  vous 
n'aviez  point  commis  de  faute. 
Quand  vous  auriez  même  o'f- 
Lij 


1^4  le  Combat  Spirituel , 
fenfé  Dieu  plulieurs  fois  en 
un  feul  jour  ,  ne  perdez  ja- 
mais la  confiance  en  lui.  Pra- 
tiquez ce  que  je  vous  dis  ,  la 
féconde  ,  la  troilîeme  ,  la  der- 
nière fois  >  coramme  la  premiè- 
re ;  concevez  toujours  un  plus 
grand  mépris  de  vous-même  , 
&  une  plus  grande  haine  du 
péché ,  &:  l'oyez  plus  fur  vos 
gardes  à  l'avenir.  Cette  ma- 
nière de  combattre  contre  le 
démon  lui  déplaît  infiniment,. 
parce  qu'il  fait  qu'elle  plaît 
beaucoup  à  Dieu,  &  qu'il  en 
remporte  toujours  de  la  con- 
fdfîon  ,  fe  voyant  dompté  par 
celui  même  qu'il  avoitaifément 
vaincu  en  d'autres  rencontres. 
Au  (fi  emploie-t-il  toutes  fes 
rufes  pour  nous  la  faire  quit- 
ter ;  et  il  en  vient  fouvent  à 
bout  à  caufe  du  peu  de  foin  que 
nous  avons  de  veiller  fur  notre 
intérieur. 
Au  refte  ,  plus  vous  y  trou- 


Chapitre  XXVI.  rô^ 
verez  de  difficulté  ,   plus  vous 
devez  faire  d'efforts  pour  vous 
furmonter    vous-même.  Et  ne 
vous  contentez  pas  de  prati- 
quer une    fois  ce  faint  exer- 
cice, mais  reprenez  le  fouvent , 
quand  même  vous  ne  vous  fen- 
driez  coupable  que  d'un  feul 
péché.  -Si  donc  une   faute  eu 
par  malheur  vous  ferez  tombé  9 
vous  canfe  du  trouble  &:  vous 
abat  le  courage  ,  le  première 
chofe  que  vous   devez  faire  t 
c'eft  de  tâcher  à  recouvrer  la 
paix  de  votre  ame  &  la  con- 
fiance en  Dieu.  Il  faut  enfuite 
que  vous  éleviez  votre  cœur  au 
ciel ,  &  que  vous  croyiez  fer- 
mement que  le  chagrin  qu'en  a 
quelquefois  d'avoir  péché  ,  n'a. 
pas  pour  objet  l'offenfe  de  Dieu; 
mais  le  châtiment  qu'on  a  méri- 
té ,  qu'on  appréhende  plus  que 
tout  le  refte. 

Le  moyen  de  recouvrer  cette 
paix  li  fouhaitable  &  ù  nécèf-4 
L  iij 


l66  Le  Combat  Spirituel, 
faire,  eft  de  ne  plus  penfer  à 
voue  péché  mais  d'envifager 
l'intime  bonté  de  Dieu  ,  qui  eft 
toujours  prêt ,  qui  délire  même 
-de  pardonner  les  crimes  les  plus 
énormes  aux  plus  grands  pé- 
cheurs,-&  qui  n'oublie  rien 
pour  les  ramener  à  leurs  de- 
voirs, pour  les  unir  fortement 
à  lui,  pour  les  fanctifier  en 
cette  vie  ,  &  pour  les  rendre 
éternellement  bienheureux  en 
l'autre.  Quand  ces  confédéra- 
tions ou  d'autres  femblables  au- 
ront calmé  votre  efprit ,  reve- 
nezalons  à  celle  de  votrepéché, 
&:  obfervez  toutes  les  chofes 
que  nous  avons  dites. 

Enfin  dans  le  Sacrement  de  la 
Pénitence,  dont  je  vous  con- 
feiîîe  de  vous  approcher  fou- 
vent  ,  remettez- vous  devant  les 
yeux  toutes  vos  fautes,  &  dé- 
clarez-les fincerement  à  votre 
Père  fpirituel  .  avec  une  nou- 
velle douleur  d'y  être  tombé  , 


Chapitre  XXVI.  167 

&  avec  une  nouvelle  réibiution 
de  n'y  tomber  jamais. 

Chapitre  XXVII. 

Comment  h  démon  a  accoutumé 
de  tenter  &  de  féduire  ceux 
qui  veulent  s' adonner  à  la  ver' 
tu  ,  ou  qui  font  encore  plongés' 
dans  le  vice. 

JlL  eft  certain  que  le  démon 
ne  foage  qu'à  perdre  les  hom- 
mes ,  &  qu*il  ne  les  attaque 
pas  tous  de  la  même  forte.  Pour 
commencer  donc  à  vous  décou- 
vrir quelques  unes  de  fes  rufes , 
je  vous  repréfente  ici  divers 
genres  de  perfonnes  en  des 
états  &  en  des  difpoiîtions  dif- 
férentes. Quelques-unes  font 
efclaves  du  péché  &  ne  pen- 
fent  point  à  rompre  leurs  chaî- 
nes ;  d'autres  voudroient  bien 
fortir  de  cette  captivité  ,  mais 
ils  ne  font  rien  pour  s'en  affran- 
chir 's  d'autres  croient  être  dans 
Liv 


t6"8  Le  Com&at  Spirituel, 
la  bonne  voie ,  &  c'eft  alors 
qu'ils  en  font  les  plus  éloignés  ; 
d'autres  enfin  ,  après  être  par- 
venues à  un  haut  degrédevertu, 
viennent  à  tomber  plusdange- 
reufement  que  jamais.  Nous 
parlerons  de  toutes  ces  fortes 
deperfonnes  dans  les  Chapitres 
fui  van  s. 

Chapitre  XXVIII. 

Les  artifices  qu'emploie  le  démon 
pour  achever  de  perdre  ceux 
qu'il  a  fait  tomber  dans  le  pi~ 
chi. 


lOrfque  le  démon  a  pu  porter 
une  ame  au  péché ,  il  n'y  a  point 
d'artifice  dont  il  n'ufe  pour  l'a- 
veugler d'avance  ,  &  pour  dé- 
tourner de  fa  penfée  tout  ce  qui 
feroit  capable  de  lui  faire  voir 
l'état  malheureux  où  elle  eft. 
Encore  ne  fe  contente-t-il  oas 
d'étouffer  les  bonnes  pen-fées 
que  Dieu  lui  donne,  &  de  lui  eu 


Chapitre  XXVÏÏI.  169 

fuggérer  de  mauvaifes;ii  tâche 
de  l'engager  en  des  occasions 
dangereuies  ;  3c  lui  drefle  des 
pièges, afin  qu'elle  tombe  de 
nouveau  ,  ou  dans  îe  même  pé- 
ché, ou  dans  d'autres  plus  énor 
mes.  Ce  qui  fait  que  deftituée 
de  la  lumière  divine  ,  elle  aug- 
mente de  plus  en  plus  fes  de- 
fordres,  -&  s'endurcit  dans  le 
mal.  Ain  fi  elle  roule  continuel- 
lement ,  &  fe  précipite  de  ténè- 
bres en  ténèbres,  d'abyme  en 
■abyme,  s'éîoignant  toujours  da- 
vantage de  la  voie  de  fon  falut , 
&:  multipliant  fes  chûtes ,  à 
moins  que  Dieu  ne  la  foutienne 
par  un  fecours  extraordinaire. 
Le  remède  le  plus  preflant  à 
ce  mal ,  eft  qu'elle  reçoive  fans 
réfiftance  les  infpirations  divi- 
nes ,  qui  la  rappellent  des  ténè- 
bres à  la  lumière  ,  &  du  vice  à 
larvertu  ;  &:  qu'avec  beaucoup 
de  ferveur  elle  s'écrie  :  Ah!  Sei. 
gneur,    affiliez  -  moi,  venez 


f 


170  Le  Combat  Spirituel , 
pr'omptement  a  mon  Cçcc  urs :  ne 
permettez  pas  que  je  demeure 
lus  long-temp*  enfevdie  dans 
'ombre  la  mort  &  du  péché, 
Eiie  répétera  pjulieurs  fois  ces 
mêmes  paroles  ou  d'autres  fem- 
blables  ;  & ,  sJii  eft  pofiibîe  , 
elle  ira  incontinent  à  fon  Père 
fpirituel ,  pour  fa  voir  de  lui 
ce  qu'elle  doit  faire  ,  &  pour 
lui  demander  des  armes  contre 
l'ennemi  qui  la  jjrefle.  Que  fi 
elle  ne  peut  pas  y  aller  fur  l'heu- 
re, elle  aura  recours  au  Cruci- 
fix ,  enfeprofternantà  fes  pieds 
le  vifage  contre  terre.  Elle  in- 
voquera aufïi  quelquefois  la 
Reine  du  Ciel ,  &  implorera  fa 
raiféricorde.  Car  elle  doit  être 
perfuadée  ,  que  de  cette  dili- 
gence dépend  la  victoire,  com- 
me nous  verrons  dans  le  Cha- 
pitre fuivant. 

X 


i7r 

Chapitre  XXIX. 
Des  inventions  dont  fe  fin  le  ma." 
lin  e [prit  pour  empêcher  l'en- 
tière converfion  de  ceux ,  qui  , 
convaincus  du  mauvais  état 
de  leur  confidence ,  ont  quelque, 
envie  de  fie  corriger ,  &à'oic 
vient  que  leurs  bons  défi r s  fiont 
Je  plus  fiouvent  fans  effet. 

'Eux  qui  reconnoifient  le 
mauvais  état  de  leur  confeience 
&  qui  voudroient  en  fortir ,  fe 
Jaiffent  tromper  d'ordinaire  par 
le  démon  qui  s'efforce  de  leur 
perfuader  qu'ils  ont  encore 
bien  du  temps,  à  vivre,  & 
qu'ils  peuventiûrement  différer 
leur  converfion.  Il  leur  repré- 
sente qu'avant  toutes  choies  , 
il  faut  qu'ils  terminent  un  tel  I 
procès  ,  qu'ils  fe  délivrent 
d'un  grand  embarras  où  ils 
font  ;  &  que  fans  cela  il  eft  Un- 


77*  Le  Combat  Spintutl? 
poiïîble  qu'ils  s'adonnent  entiè- 
rement à  la  vie  fpirituelle  ,  ni 
qu'ils  en  exercent  paisiblement 
les  fonctions. 

•  C'eit  ici  un  piège  où  beau- 
coup de  gens  fe  font  laiiie's 
prendre ,  &l  où  plusieurs  fe 
trouvent  pris  tous  les  jours. 
Mais  nul  d'eux  n'en  peut  at- 
tribuer la  caufe  qu'à  fon  extrê- 
me négligence  clans  une  af- 
faire où  il  s'agit  de  fon  falut  ,  & 
de  la  gloire  de  Dieu.  Que  cha- 
cun donc  ,  au  lieu  de  dire  :  De- 
main ,  demain  ,  dife  :  Dès  au- 
jourd'hui ,  dès-à-préfent.  Et 
pourquoi  demain  ?  Que  fais-je  ? 
îi  je  verrai  le  jour  de  demain  ? 
Mais  quand  j'en  aurois  une 
certitude  entière  ,  feroit  -  ce 
vouloir  me  fauver,  que  de 
différer  ma  pénitence  ?  Seroit- 
ce  vouloir  gagner  la  ri&oire  , 
que  de  me  faire  de  nouvelles 
plaies  ? 
C'eft  donc  une  chofe  conftan- 


Chapitre  XXTX.  17^ 

te,  quepour  éviter  cette  illu- 
fion  ,  &  celle  qu'on  a  marquée 
au  Chapitre  précèdent,  il  Faut 
obéir  avec  promptitude  aux 
infpirations  du  Ciel.  Quand  je 
parle  de  promptitude  ,  je  n'en- 
tends pas  de  irrrrpîe  deiirs>des 
réfolutions- roibîes  &  (renies, 
qui  trompent  une  infinité  de 
gens  pour  plufieurs  raifons  ; 
dont  la  première  efc,  que  ces 
d'eiirs  &  ces  'rëfolutions  ne 
font  pas  fondés  fur  la  défiance 
de  foi -même,  &  fur  îa  coiv 
fiance  en  Dieu.  D'où  il  fuit 
que  l'àme  ert  remplie  d'un  or- 
gueil fecret ,  s'aveugle  de  telle 
forte  }  qu'elle  prend  pour  une 
vertu  foîide ,  ce  qui  n'en  a 
que  l'apparence.  Le  remède 
pour  guérir  ce  mal ,  &  la  lu- 
mière pour  le  côunoître ,  vien- 
nent de  la  divine  bonté  ,  qui 
permet  que  nous  tombions  ; 
afin  qu'éclairés  &:  rnfrruits  par 
nos  propres  chutes,  nous  pal- 


174  Le  Combat  Spirituel  9 
fions  de  la  conhance  que  nous 
avons  en  nos  forces ,  à  celle 
que  nous  devons  avoir  en  fa 
grâce  ,  d'un  orgueil  pref- 
que  imperceptible  ,  à  une 
humble  connoiiTance  de  nous- 
mêmes.  Ainfi  les  bonnes  réfu- 
tations ne  peuvent  être  effi- 
caces, fi  elles  ne  font  fermes 
&  confiantes  ;  (i  e'Jes  n'ont 
pour  fondement  ladéîance  de 
foi-même  ,  &  la  confiance  en 
Dieu. 

La  féconde  raifon  eft'que 
lorfqu'on  forme  quelque  bon 
defir  ,  on  ne  fe  propofe  que 
la  beauté  &  l'excellence  déjà 
vertu  ,  qui  de  foi  attire  les  vo- 
lontés les  plus  foibles;  &  qu'oa 
ne  regarde  point  les  travaux 
qui  font  néceiTaires  pour  l'ac- 
quérir ;  ce  qui  fait  qu'à  la  moin- 
dre difficulté  une  ame  lâche 
fe  rebute  ,  êc  quitte  fon  en- 
treprife-.  C'eft  pourquoi  ac- 
coutumez -  vous    à  envifager 


Chapitre  XXIX.  17; 
plutôt  les  difficultés  qui  le 
rencontrent    clans  l'acquifition 

des  vertus ,  que  les  vertus  mê- 
mes ;  penfez-y  fouvent;  oc  fé- 
lon les  occurences  ,  préparez- 
vous  à  les  fùrmonter.  Sachez 
au  relte  que  plus  vous  aurez  de 
courage  ou  pour  vous  vaincre 
vous-mêmes,  ou  pour  réfifter  à 
vos  ennemis;  plus  les  difficultés 
s'aplaniront  >  &z  vous  paroî- 
tront  légères. 

La  troiiième  raifon  elt ,  que 
dans  nos  bons  propos  nous 
considérons  moins  la  vertu  & 
la  volonté  de  Dieu ,  que  no- 
tre intérêt  :  ce  qui  arrive  d'or- 
dinaire lorfque  nous  fommes 
comblés  de  confolations ,  par- 
ticulièrement dans  le  temps  de 
l'adverfité.  Car  ne  trouvant  ici- 
bas  nul  foulageraent  à  nos 
maux  ,  nous  prenons  alors  le 
deûfein  de  nous  donner  tout-à- 
fait  à  Dieu  ,  &  de  ne  plus  nous 
appliquer  qu'aux  exercices  de 


Ij6  Le  Combat  Spirituel, 
îa  vertu.  Pour  ne  point  pccher 
de  ce  coté- là  ,  gardons  -  nous 
bien1  d'abufer  des  grâces  dh 
Ciel  :  fbyons  humbles  &.  ciï- 
eoufpeffcs  dans  nos  bonnes  re- 
folations  :  ne  nous  la  liions  point 
emporter  à  une  ferveur  indif- 
erette  ,  qui  nous  engage  témé- 
rairement à  faire  des  vœux  > 
que  nous  ne  puifôons  pas  ac- 
complir. 

Mais  ii  nous  fbmmes  dans  l'a?' 
fliélrion  ,  propofons-nous  feu- 
lement de  bien  porter  notre 
croix  ,  félon  que  Dieu  nous 
l'ordonne  ,  &  dyy  établir  no- 
tre gloire  jufqu'à  refufer  toute 
forte  de  foulagement  de  la  part 
des  hommes»  &  quelquefois 
même  cï~e  la  part  de  Dieu.  Ne 
demandons  ni- ne  délirons  autre 
chofe  ,  linon  que  la  main  du 
Tout  -  puiflant  nous  foutienne 
dans  nos  maux  ,  &  qu'avec  fa 
grâce  nous  fupportions  pa- 
tiemment    toutes    les   peines 

q$Cït 


ChapitreXXX.  177 

qu'il  lui  plaira     de  nous    en- 
voyer. 

Chapitrje  XXX. 

De  l'erreur  de  quelques-uns  qui 
s'imaginent  marcher  dans  la- 
voie  de  la  perfection. 

.SvErmemi  éçant  vaincu  à  la 
première  &  à  la  féconde  at- 
taque ,  il  ne  laifie  pas  d'en  don- 
ner unetrojfieme.il  tâche  de 
nous  faire  oublier  les  vices  & 
les  paillons  dont  nous  fommes 
aduellement  combattus ,  &  de 
nous  mettre  dans  Tefprit  de 
vains  projets  d'une  perfe&ion 
imaginaire  ,  où  il  fait  bien 
que  nous  'n'arriverons  jamais* 
î)e-  là  vient  que  nons  recevons 
à  toute  heure  des  plaies  mor- 
telles ,  &  que  nons  ne  lon- 
geons pas  à  y  remédier.  Car 
ces  deiirs  &  ces  réfolutions 
chimériques  nous  parohTent  de 
M 


*7$  Le  Combat  Spirituel, 
véritables  effets;  &  par  un 
orgueil  fecret  nous  croyons 
déjà  être  parvenus  à  une  haute 
faintete.  Ainiî  nous  ne  pou- 
vons {apporter  la  moindre  pei- 
ne ni  la  moindre  injure  :  &  ce- 
pendant nous  nous  amufons  à 
Former  dans  la  Méditation  de 
grands  defleins  de  fouffrir  les 
plus  horribles  tourmens",  &  les 
peines  même  du  Purgatoire 
pour  l'amour  de  Dieu. 

Ce  qui  nous1  trompe,  c'eft 
que  la  partie  inférieure  ne  crai- 
gnant pas  beaucoup  les  fouf- 
hances  éloignées ,  nous  ofons 
nous  comparer  à  ceux  qui  iouf- 
frent  effectivement  de  grandes 
peines  avec  une  plus  grande 
patience.  Si  nous  voulons  évi- 
ter un  piège  û  dangereux  ,  dé- 
terminons-nous au  combat ,  6c 
combattonsen  effet  tantd'enne- 
mis  qui  nous  environnent  ,  Se 
qui  nous  attaquent  de  près. 
Nous    reconnoitrons  par  -  là  fi 


Chapitre  XXX.  175; 

nos  bonnes  réfolutions  ont  été 
lâches  on  généreufes,  appareil- 
tes  ou  fincères  :  &:  nous  irons  à 
la  perfedtion  par  le  véritable 
chemin  que  les  Saints  nous  ont 
frayé. 

Pour  ce  qui  eft  des  ennemis 
qui  ne  nous  font  pas  ordinaire- 
ment la  guerre  ,  ne  nous  met- 
tons pas  beaucoup  en  peine  de 
les  combattre  ,  à  moins  que 
nous  ne  prévoyions  que  dans 
quelque  temps ,  &  en  de  cer- 
taines rencontres,  ils  s'élève- 
ront contre  nous.  Car  pour 
nous  mettre  en  état  de  foutenir 
leurs  attaques,  nous  devons 
nous  prémunir  de  bonne  heure 
par  de  fermes  réfolutions  de  les 
vaincre. 

Mais  quelque  fermes  que 
nous  parohTent  ces  réfolutions  r 
ne  les  confierons  pas  comme 
des  victoires  ;  quand  même 
nous  nous  ferions  exercés  du- 
lant  quelque  temps  à  la  praxi- 


j8o  Le  Combat  Spirituel ', 
que  des  vertus,  &  que  nous  y 
aurions  fait  un  progrès  considé- 
rable. Tenons -nous  toujours 
dans  l'humilité  :  craignons  tout 
:de  notre  rbibleiTe  ;  dérions"- 
nous  de  nous  -  mêmes ,  &  met- 
tons notre  contiance  en  Dieu 
ieul  :  prions-le  fonvent  de  nous 
fortifier  dans  -le  combat ,  de 
nous  préferver  de  tout  pé- 
ril ,  d'étouffer  particulièrement 
dans  nos  cœurs  tout  fentiment 
de  prefomption&  de  confiance 
en  nos  forces.  Avec  cela  nous 
pourrons  afpirer  à  la  plus  fu- 
blime  perfe&ion  ;  quoique 
d'ailleurs  nous  ayons  bien  de 
la  peine  à  nons  corriger  de 
quelques  légers  défauts  que 
Dieu  nous  laiiTe  fou vent,  ah'n 
de  nous  humilier ,  &:  de  con  - 
ferver  par-là  le  peu  de  mérites 
que  nous  avons  acquis  par  nos 
bonnes  œuvres. 


Chapit  RE  XXXI. 

Les  artifices  dont  fie  fer t  le  malin 

-  efipritpour  nous  faire  quitter 

le  chemin  de  la  vertu* 


Li 


<E  quatrième  artifice  ,  dont 
j'ai  dit  que  le  démon  a  cou- 
tume de  fe  fervir  pour  nous 
abufer  ,  lorfqu'il  voit  que  nous 
marchons  dans  le  chemin  de  la 
perfection  ,  eft  qu'il  nous  in- 
ipire  à  contre-temps  plulieurs 
bons  defleins  ,  afin  que  venant 
à,  abandonner  les  exercices  de 
vertus ,  qui  nous  l'ont  propres  , 
nousnousengagions  infenfible- 
ment  dans  le  vice. 
•  Si ,  par  exemple  ,  une  per- 
fonne  malade  fouiTie  fon  mal 
patiemment  ,  cet  ennemi  de 
notre  falut ,  craignant  que  par- 
là  elle  n'acquiert  l'habitude  de 
la  patience  ,  lui  propofe  beau- 
coup d 'œuvres  faintes  qu'elle 
pourroit  faire  dans  un  autre 
M    iij 


ï82  Le  Combat  Spirituel 9 
état  :  il  lui  perfuade  qui  fi  elle 
fe  portoit  bien,  elle  rendroit 
de  plus  grands  refpe&sà  Dieu, 
&  qu'elle  feroit  plus  utile  à 
elle-même  Se  au  prochain. 
Quand  il  a  pu  exciter  en  elle 
de  vains  délits  de  recouvrer 
fa  fanté  ,  il  les  entretient  de 
forte  qu'elle  s'afflige  de  ne 
pouvoir  obtenir  ce  qu'elle  fou- 
haite,  &  plus  les  delîrs  s'en- 
flamment ,  plus  l'inquiétude 
s'augmente.  Mais  l'ennemi  paiTe 
encore  plus  avant  ;  car  il  la 
réduit  enfin  à  s'impatienter  dans 
fa  maladie,  qu'elle  regarde  , 
non  pas  comme  une  maladie , 
mais  comme  un  obftacle  aux 
defleins  chimériques  qu'elle 
fouhaite  paffionément  de  pou- 
voir exécuter  ,  fous  prétexte 
d'un  plus   grand  bien. 

Quand  il  l'a  poulTée  jufques- 
là  ,  il  efface  peu-à-peu  de  fon 
efprit  toute  l'idée  des  bonne? 
œuvres  ,  qu'elle  s'efl:  rnife  en 


Chapitre  XXXI.  i 
tête  ,  &  ne  lui  laide  (*.ie  le  feul 
deiir  d'être  délivrée  de  fon  mal. 
Que  fi  le  niai  dure  plus  long- 
temps, qu'elle  ne  voudroit',  elle 
en    devient  toute  chagripe  &: 
impatiente.    Ain.ii  elle   tombe 
infenfiblemeut    'de     la  'vertu 
qu'elle  pratique  dans  le   vice. 
qui  lui  efl:  plus  contraire. 

Le  moyen  de  vous  garantir 
de  cette  illufion,  eft  qu'en 
quelque  état  de  fouffranceque 
vous  vous  trouviez  ,  vous  pre- 
niez garde  à  ne  délirer  jamais 
de  faire  aucune  bonne  œuvre  , 
h  elle  eft  hors  de  iaiibn  ,  parce 
qu'étant  dans  l'impuiiTance  de' 
la  pratiquer,  vous  ne  pourrez 
en  avoir  que  de  l'inquiétude  Se 
du  déplaifir.  Perfuadez  -  vous 
donc  avec  un  vrai  fentiment 
d'humilité  &  de  réfjgnation  , 
que  quand  Dieu  vous  tireroic 
de  cet  état  où  vous  êtes  ,  tous 
les  bons  deilrs  que  vous  conce- 
vrez maintenant  feroientpcut- 
M  iv 


184  Le  Combat  Spirituel, 
être  alors  fans  effet ,  parce  que 
vous  n'auriez   pas  le  courage 
de   les  accomplir  :  croyez  du 
moins  que  le  Seigneur  /'par  une' 
fecrettedifpofition  de  fa  provi- 
dence ,  ou  en  punition  de  vos 
péchés  ,  'ne  veut  pas  que  vous 
ayez  le  plaifir  de   faire  cette' 
bonne  œuvre  ,    mais  qu'il  aime 
mieux  vous  voir   fournis  à  fes 
volontés ,    &  humilié  fous  fa' 
main  toute  puiflante. 

\J fez- en  de  même,  lorfque 
vous  êtes  obligé  ,  foît  par  l'or- 
dre de  votre  Père  fpirituel ,  ou" 
par  quelqu'autre  raifonjd'inter- 
rompre  vos  dévotions  ordinai- 
res ,  ou  même  de  vous  retirer 
pour  quelque  temps  de  la  fainte 
Table.  Ne  vous  biffez  pas  ab  - 
battre  au  chagrin;  mais  renon- 
cez intérieurement  à  votre  pro- 
pre volonté  ,  '&  conformez- 
vous  à  celle  de  Dieu  ,  en  dî- 
fant  :  Si  Dieu  ,  qui  connoit  le 
fond  de  mon  ame  V  n'y  voyoit 


Chapitre  XXXI.    iSy 

point  de  défaut",  point  d'ingrat 
titude  ,  }e  neferoispas  main- 
tenant privé  de  la  fainte  Corn— 
munion.  Que  fon  nomfoit  éter- 
nellement béni  de  la  grâce 
qu'il  me  fait  de  me  découvrir 
par-là  mon  indignité.  Je  crois 
fermement*' Seigneur,  que  dansr 
toutes  les  afflictions ,  que  vous 
m'envoyez  ,  vous  ne  deiirezde 
moi  autre  chofe  ,  finon  qu'en 
les  fupportant  avec  patience  &' 
dans  la  vue  de  vous  plaire  y 
je  vous  offre  un  cœur  toujours 
fournis  à  vos  volontés,  toujours 
prêt  à  vous  recevoir  ;  qu'y* 
entrant ,  vous  le  rempliriez  de 
confolationsfpirituelles,  &que 
vous  le  défendiez  contre  les 
puiffances  infernales  qui  tâ- 
chent de  vous  le  ravir.  Fai- 
tes ,  ô  mon  Créateur  &  mon 
Sauveur,raites  de  moi  ce  qui  fe- 
ra le  plus  agréable  à  vos  yeux. 
Que  votre  divine  volonté 
foit  maintenant  &  dans  tous  les 


186  Le  Combat  Spirituel , 
fiècies  mon  appui  ck  ma  nour- 
riture !  Je  ne  vous  demande 
qu'une  feule  choie  >  c'efl  que 
mon  ame  purinée  de  rout  ce  qui 
vous  déplaît  6c  ornée  de  toutes 
les  vertus,  foit  en  état,  non- 
feulement  de  vous  recevoir, 
mais  de  faire  tout  ce  qu'il  vous 
plaira  de  lui  ordonner. 

Ceux  qui  auront  foin  de  bien 
pratiquer  tout  ceci ,  peuvent 
le  promettre  que  s'ils  fe  fen- 
tent  portés  à  entreprendre  quel- 
que bonne  œuvre  qui  paiTe 
leurs  forces;  foit  que  ce  defir 
foit  purement  naturel ,  ou  qu'il 
vienne  du  démon  ,  qui  efpere; 
leur  donner  par-là  du  dégoût 
de  la  vertu  ,  ou  que  Dieu  le 
leur  inf pire, afin  d'éprouver  leur 
obéifïance;  ils  peuvent,  dis-fe  , 
fe  promettre  que  ce.  leur  fera 
toujours  une  occalion  de  faire 
quelque  progrès  dans  la  voie  de 
leur  falut,  ck  de  fer vir  notre 
beignevu;  ile  la  manière  qui  lui 


Chapitre  XXXI.  187 

eft  la   plus  agréable,  en  quoi 
confifte  la  vraie  dévotion. 

Remarquez  de  plus,  que  lorf- 
que  ,  pour  vous  guérir  d'une 
maladie  ,  pour  vous  délivrer 
d'une  fâcheufe  incommodité , 
vous  employez  des  moyen  s  de 
foi  innocens,  &  dont  les  Saints 
même  fe  fervent ,  vous  devez 
toujours  éviter  le  trop  grand 
empreffement ,  &  ne  point  de- 
iirer  avec  trop  d'ardeur  que  les 
chofes  réuflîiîent  félon  votre  in* 
clination.  Soyez  refigné  à  tout 
&  n'envifagez  que  la  feule  vo- 
lonté de  Dieu  :  car  que  favez- 
vousfic'eft  par  ces  moyens-là 
ou  par  d'autres  beaucoup  meil- 
leurs qu'il  aréfolu  de  vous  dé- 
livrer de  vos  maux  ?  Si  vous  en 
ufez  autrement ,  ce  fera  à  votre 
malheur  :  car  peut-être  n'ob- 
tiendrez vous  pas  ce. que  vous 
fouhaitez  pafllonément;  &  alors 
vous  ne  pourrez  vous  empêcher 
de  tomber  dans  l'impatience  5 


iSS  Le  Combat  Spirituel , 
ou  quand  même  vous  le  pour- 
riez ,  votre  patience  fera  tou- 
jours accompagnée  de  beau- 
coup d'imperfections  qui  la  ren- 
dront moins  agréable  à  Dieu,  & 
qui  endiminuerontnotablement 
le  mente. 

Je  veux  enfin  vous  découvrir 
un  artifice  fecret  de  notre 
amour-propre  ,  qui  en  mille  ren- 
contrer nous  cache  à  nous-mê- 
mes nos  défauts  ,  quoique  grof- 
fiets  &  viiibles.  Un  malade ,  par 
exemple  ,  qui  s'afflige  exceflî- 
vemenr  de  fon  mal  ,  veut  qu'on 
prenne  Ton  impatience  pour  un 
zèle  de  quelque  bien  apparent: 
ce  n'eft  point ,  fl  on  l'en  croit  , 
une  véritable  impatience  ,  c'eft 
un  iufte  dépîaifir  de  voir  que  fa 
maladie  eft  le  châtiment  de  fes 
péchés,  ou  qu'elle  incommode 
6c  fatigue  extrêmement  ceux 
qui  font  auprès  delui.  Il  en  eftde 
même  d'un  ambitieux  qui  fe 
plaint  de  n'avoir  pu  obtenir  un 


Chapitre  XXXI.   1S9 

honneur  ,  une  dignité  où  il  af- 
piroit  :  car  il  n'a  garde  d'attri- 
buer fon  chagrin  à  la  vanité  ,  il 
l'attribue  à  d'autres  chofes ,. 
dont  on  fait  bien  qu'il  fe  met- 
troit  peu  en  peine  en  d'autres 
rencontres:  ainii  le  malade  qui 
a  tant  de  compalïionpour  ceux 
qui  le  fervent ,  dès  qu'il  eft 
guéri ,  n'eft  pas  plus  touché  de 
leur  voir  foufTrir  les  mêmes  in- 
commodités auprès  d'un  autre 
malade. 

C'eft-là  une  marque  bien  cer- 
taine que  fon  impatience  ne 
vient  point  de  la  peine  qu'il 
donne  aux  autres  ,  mais  d'une 
fecrette  horreur  qu'il  a  pour 
les  chofes  qui  font  contraires  à 
fa  volonté.  Quiconque  donc 
veut  éviter  ces  écueils  ,  doit  fe 
réfoudre  à  fou  fin  r  patiemment, 
ainii  que  nous  avons  dit,  tou- 
tes les  croix  qui  lui  arriveront 
en  ce  monde  ,  de  quelque  part 
qu'elles  viennent. 


100  Le  Combat  Spirituel y 

Chapitre    XXXII. 
De  la  dernière  rufe  du  Démon 
pour  faire  que  les  vertus  mê- 
mes nous  deviennent  des  occar 
fions  de  péché. 

jL/Ancien  ferpent  trouve  le 
moyen  de  nous  tenter  par  les 
vertus  même  qui  font  dans 
nous  ,  jufqu'à  nous  en  faire  des 
occailons  de  péché.  Il  nous 
donne  de  Teftime  &  de  la  corn- 
plaifance  pour  nous-mêmes,  ôc 
nous  élevé  il  haut,  qu'il  eftirr^ 
poillble  que  nous  ne  nous  iaif- 
fions  aller  à  la  vaine  gloire» 
C'eft  pourquoi  combattez  tou- 
jours ,  &:  demeurez  ferme  dans 
la  conr.oiflance  de  votre  néant  ; 
fongez  à  toute  heure  que  de  vo- 
tre fond  vous  n'êtes  rien  ,  que 
vous  ne  favez  rien,  &  que 
vous  ne  pouvez  rien,- que  vous 
êtes  plein  demifercs&  de  dé- 


Chapitre  XXXII.  191 

fauts,  &  qu'enfin  vousne  méri- 
tezque  la  damnation  étemelle. 
Ayez  continuellement  devant 
les  yeux  cette  vérité  importan- 
te :  que  ce  foit  pour  vous  une 
efpece  de  retranchement ,  d'où 
vous  ne  fortiez  jamais;  6c  s'il 
vous  vient  des  penfées  &z  des 
fentimens  de  préfomption,  re- 
poufiez-ies  comme  des  ennemis 
dangereux  qui  ont  conjuré  vo- 
tre perte. 

Mais  il  vous  voulez  acquérir 
une  parfaite  connoiflance  de  ce 
que  vous  êtes ,  fervez-vous  de 
cette  méthode.  Toutes  les  fois 
que  vous  jeterez  les  yeux  fur 
vous  &  fur  vos  aétions ,  envifa- 
gez  feulement  ce  qui  eft  de 
vous  ;  fans  y  mêler  ce  qui  eft  de 
Dieu  ,  &  ce  que  vous  tenez  de 
fa  grâce;  &  fondez  ainfi  toute 
l'eftime  que  vous  concevrez 
pour  vous,  fur  ce  que  vous  avez 
de  vous-même,  Si  vous  regar- 
dez le  tems  qui  a  précédé  votre 


Ip2  Le  Combat  Spirituel, 
naiilance  ,  vous  verrez  que  du- 
rant toute  l'étendue  de  l'éter- 
nité vous  n'étiez  rien  ,  que  vous 
n'avez  fait  ni  pu  faire  la  moindre 
chofe  pour  mériter  l'être.  Et  h 
vous  coniiderez  ce  temps-ei 
dans  lequel  vous  fubfiftez  par  la 
feule  miiericorde  de  Dieu,  que 
feriez-vous  fans  le  bienfait  de 
la  coniervation  5  que  feriez- 
vous  ,  qu'un  pur  néant  ?  Et  ne 
retourneriez-vous  pas  dans  ce 
néant  d'où  vous  êtes  forti ,  fi  la 
main  toute-puhTante  qui  vous 
en  a  tiré  ,  ne  vous  foutenoit  ? 
II  eft  donc  indubitable  ,  qu'à 
ne  regarder  que  ce  qui  vous  ap- 
partient dans  l'être  naturel, 
vous  ne  devez  ni  vous  eftimer 
vous-même  ,  ni  fouhaiter  que 
•les  autres  vous  efiiment.  Dans 
îêtre  furnatùrel  de  la  grâce  ,  &: 
dans  l'exercice  des  bonnes  œu- 
vres, vous  n'avez  pas  plus  de 
fujet  de  vous  enorgueillir;  car 
fans,  le  feccùrs  du  Ciel *  quel 
mérite 


Chapitre  XXX  IL  19? 
mérite  pourriez-  vous  avoir  ,  6c 

que!  bien  pourriez-vous  faire 
de  vous-même  ? 

Si  après  cela  vous  vous  re- 
mettez devant  les   yeux  l'ef- 
froyable multitude  des  péchés, 
ou  que  vous  avez  commis ,  ou 
que  vous  pouviez  commettre, 
ii  Dieu  ne  vous  avcit  préfervé, 
vous  trouverez,  en  multipliant: 
non-feulement  les  années  &  les 
jours  ,  mais  les  aétions  &  les 
habitudesmauvaifes;vouscrou- 
verez  ,  dis-je,   que  corame  un 
vice  en  attire  un  autre,  vos  ini- 
quitésferoient  allées  prefque  à- 
l'infini ,  &  que  vous  feriez  de- 
venu femblable  aux  démons.' 
Toutes  ces  confédérations  doi- 
vent vous  donner  de  jour  en 
jour  un  plus  grand  mépris  de 
vous-même ,  &  vous  faire  re- 
connoitre  les  obligations  infi- 
nies que  vous  avez  àîa  divine 
bonté,  bien  loin  de  lui  dérober 
la  gloire  qui  lui  eft  due. 
N 


ip4  Le  Combat  Spirituel* 

Au  refte,- dans  le  jugement 
que  vous  ferez  de  vous-même, 
prenez  garde  qu'il  n'y  ait  rien 
que  dejufte&de  véritable,  & 
que  la  vaine  gloire  n'y  ait  point 
<Je  partxar,  quoique  vous  con- 
noiiïiez  beaucoup  mieux  votre 
rnifere  qu'un  autre  ,  aveuglé 
par  l'amour-propre,ne  connok 
3a  Tienne  ,  vous  ferez  toujours 
bienplus  criminel  &  pluspunif- 
fable  que  lui  du  côté  de  la  vo- 
lonté, fi,  nonobftant  la  connoi-f- 
fance  que  vous  avez  devos  dé- 
fauts ,  vous  ne  laiffez  pas  de 
vouloir  paffer  pour  faint  dans 
l'efprit  ûqs  hommes. 

Afin  donc  que  cette  connoif- 
fance  vous  délivre  de  la  vaine 
gloire  ,  &  vous  rende  agréable 
à  celui  qui  eltle  père  &  le  mo- 
dèle des  humbles  ;  ce  n'eft  pas 
aiïez  que  vousayez  un  bas  fen- 
fciment  de  vous-même ,  jufqu'à 
"vous  jugerindigne  de  tout  bien 
&;  cligne  de  tout  mal ,  il  faut  de 


Chapitre  XXXII.  ï  9 y 
plus  que  vous  déliriez  d'être; 
mépriié  du  monde  ;  il  faut  que 
vous  ayiez  enhorreurles  louan- 
ges, que  vous  aimiez  les  oppro- 
bres ,  &  que  dans  les  occalions 
vous  preniez  p'aiilr  à  exercer 
les  minif:eres  les  plus  bas.  Fai- 
tes peu  d'état  de  ce  qu'on  pen- 
fèra  de  vousloriqu'on  vous  ver- 
ra emb  rafler  tout  ce  qu'il  ya  de 
plus  abject.  Tâchez  feulement 
de  vous  occuper  à  ces  forte  s 
d'exercices  par  un  pur  motif 
d'humilité ,  &  non  par  un  fen- 
timent  d'orgueil  ,par  une  fierté' 
naturelle  ,  qui  fous  la  couleur 
d'unegénérofitéchrétiennefait 
qu'on  méprife  les  difcours  des 
hommes ,  &  qu'on  fe  moque  de 
leurs  jugemens. 

Que  fi  quelquefois  on  vous 
témoigne  de  l'affection  &  de 
l'eiiime  ;  fi  on  vous  loue  de 
quelques  bonnes  qualités  que 
vous  ayez  reçues  d'en  -  haut  9, 
recueillez- vous  incontinent  en 
Nij 


I95*  Le  Combat  Spirituel, 
vous-même,  &  «fondé  fur  les 
principes  de  la  vérité  &  de 
îa  jufticeque  nous  venons  d'é- 
tablir, dites  à  Dieu  de  tout  vo- 
tre cœur:Seigneur,  ne  permet- 
tezpasqueje  vous  dérobe  vo- 
tre gloire,  en  attribuant  à  mes 
propres  rorcescequi  n'eft  qu'un 
pur  effet  de  votre  grâce.  Qu'à 
vous  foit  l'honneur  &  la  louan- 
ge ,  &  à  moi  l'opprobre  &  la 
confuiion.  Puis ,  vous  tournant 
vers  la  perfonne  qui  vous  loue, 
dites  au  fond  de  votre  cœur: 
Que4  Cujet  peut  a  voir  cet  hom- 
me de  me  louer  !  Quelle  bon- 
té ,  quelle  perfection  trouve- 
t-il  en  moi?  Il  n'y  a  qu'un  Dieu 
qui  foit  bon  ,  &  il  n'y  a  que  fes 
ceuvresquifoient  parfaites, Hu- 
miliez-vous de  la  forte  ;  ren- 
dez à  Dieu  te  qui  eft  à  Dieu  ; 
vous  vous  défendrez  par  -  là 
de  la  vanité  ,  &  mériterez  de 
jour  en  jour  de  plus  grandes 
grâces. 


Chapitre  XXXII.  197 

Si  le  fouvenir  de  vos  bon- 
nes œuvres  fait  naître  en  vous 
quelque  vaine  complaifance  , 
étourtez-la  auffi-tôt ,  en  confi- 
dérant  cesbonnes œuvres,  non 
comme  venant  de  vous ,  mais 
comme  venant  de  Dieu  ,  &  en 
diiant  avec  toute  humilité , 
comme  fi  vous  leur  parliez  :  Je 
ne  fais  comment  vous  avez  été 
conçues  dans  mon  cœur  ,  ni 
comment  vous  êtes  forties  de 
cetabyme  decorruptiou  &  de 
péché  :  car  ce  n'eft  point  moi 
qui  vous  ai  formées  :  c'efi:  Dieu 
qui  vous  a  produites  ,  &:  qui  a 
eu  la  bonté  de  vous  conferver» 
C'eftdonc  lui  que  je  reconnois 
pour  votre  principal  auteur» 
c'eft  lui  que  je  veux  &:  que  je 
dois  remercier  ;  c'eft  à  lui  que 
je  renvoie  toute  les  louanges 
qu'on  me  donne. 

Confidérez  après    cela  que 
toutes  les  actions  de  piété  que 
vous  avez  jamais  faites,  non- 
N  iij 


198  Le  Combat  Spirituel, 
feulement  n'ont  point  répondu 
à  l'abondance  des  lumières  &c 
des  grâces  que  Dieu  vous  avoit 
communiquées  pour  les  bien 
faire;  mais  que  déplus  il  s'y  e(l 
giifle  beaucoup  de  défauts,  & 
que  l'on  n'y  trouve  point  cette 
pureté  d'intention  ,  cette  fer- 
veur, cette  diligence  que  vous 
y  deviez  apporter. Si  donc  vous 
les  examinez  comme  il  faut, 
bien  loin  d'en  tirer  vanité  -, 
vous  n'en  aurez  que  de  la  con- 
fuiïon,  voyant  le  peu  de  profit, 
ou  ,  pour  mieux  dire  ,  le  mau 
vais  ufage  que  vous  avez  fait 
des  grâces  -divines. 

Mais  comparez  après  cela 
vos  actions  avec  celles  des  plus 
•grands  Saints  ,  vous  rougirez 
de  la  différence  qu'il  y  a  des 
unes  aux  autres.  Que  fi  vous 
venez  à  les  comparer  enfuite 
aux  travaux  du  Fils  de  Dieu,, 
dont  toute  la  vie  n'a  été  qu'une 
perpétuelle  croix  ,  quand  mê- 


Chapitre  XXXIî.  ipp 

me  vous  ne  confidéreriez  en 
nulle  forte  la  dignité  de  fa  per- 
fonne  ,  &  que  vous  n'auriez 
égard  qu'à  la  grandeur  de  fes 
peines,  &  à  cet  amour  fi  pur 
avec  lequel  il  les  a  fou  fiertés , 
vous  ferez  contraint  d'avouer 
que  jamais  vous  n'avez  rien 
fait  ,  ni  rien  foufïert  qui  en 
approche. 

Enfin  ,  fi  levant  les  yeux  au 
Ciel,  vous  envifagezla  fouve- 
raine  Majefté  de  Dieu  ,  qui 
mérite  des  fervices  infinis  , 
vous  verrez  alors  clairement 
que  toutes  vos  bonnes  œuvres 
font  pour  vous  un  fujet  de 
crainte  ,  plutut  que  de  vanité. 
C'eft  pourquoi ,  qseîque  bien 
que  vous  faffiez;  vous  devez 
toujours  dire  avec  un  profond 
fentiment  d'humilité*  :  Mari 
Dieu  ,  aye\  petié  de  moi,  qui 
fàs  un  pécheur. 

Gardezvous  aufli  d  e  pu  bîier 

*  Luc  18.  *|. 


aoo  Le  Combat  Spirituel y 
trop  facilement  les  grâces  que 
Dieu  vous  a  faites  :  car  cela 
déplaît  prefque  toujours  à  no- 
tre Seigneur ,  ainlî  qu'il  l'a  té- 
moigné lui  mémedelamaniere 
que  je  vais  dire.  Un  jour  s'é- 
tant, apparu  à  une defes  Cervan- 
tes fous  la  forme  d'un  petit  en- 
fant, &  fans  nulle  marque  de  fa 
divinité  ,  el!e  le  pria  tout  Am- 
plement de  réciter  la  falutation 
angélique,  il   le  fit  à  l'heure 
même  ;  mais  quand  il  eut  dit  : 
ï^ous  été  s  bénie  entre  lesfernmes, 
il  s'arrêta, ne  voulant  pas  ajou- 
ter ce  qui  étoit  à  fa  louange  ; 
6c  comme  elle  le  preiToit  d'a- 
chever ,     il  difparut,  lai^ant 
<:çtte  ame   fanite  remplie  de 
confolation  ,  ôc  plus  convain- 
cue que  jamais  de  l'importance 
de  l'humilité,  par   l'exemple 
qu'il  venoit  de  lui  en  donner. 

Apprenez  encore  à  vous  hu- 
milier dans  toutes  vosceuvres: 
en  les   regardant  comme  des 


Chapitre  XXXII.  201 
miroirs    qui    vous    repréfen- 
tent  admirablement  bien  votre 
néant.  C'eit  là-delîus  que  font 
fondées  toutes  les  vertus  :  car 
comme  Dieu >  au  commence- 
ment du  monde  ,  créa  de  rien 
notre  premier  père  :  ainfi   il 
fonde   maintenant   tout  I'édi- 
iice   fpirituel  fur  cette  vérité 
reconnue ,    que  de  nous-mê- 
mes nous  ne  fommes  rien  :  de 
forte  que  plus  nous  nous  abaif- 
fons,  plus  l'édifice  s'élève;  &  à 
mefure  que  nous  creufons  dans 
la  terre ,  que  nous  découvrons 
le  fond  de  nôtre  néant ,  le  fou- 
verain  archite&e  pofe  les  pier- 
res   folides   qui  fervent  à  la 
ftructure  defon  bâtiment.Met- 
tez-vous  donc  bien  dans  l'ef- 
prit  que  vous  ne  fauriez  jamais 
defcendre  trop  bas  ,  &  que  s'il 
pouvoity  avoir  quelque  chofe 
d'infini  dans  la  créature  ,    ce 
feroit  fa  fragilité  6c  fa  baflefle. 
O  divine  connoiflance  qui  nous 


202  Le  Combat  Spirituel^ 
rend  heureux  fur  la  terre  ,  & 
glorieux  dans  le  ciel  !  ô  admi- 
rable lumière  qui  fort  des  ténè- 
bres de  notre  néant  ;  afin  d'é- 
clairer nos  araes  &  d'élever 
nos  efprits  à  Dieu  ;  ô  pierre 
précteuie  ,  mais  inconnue  ,  qui 
brille  parmi  les  ordures  de  nos 
péchés  !  ô  néant ,  dont  la  feule 
vue  nous  rend  maîtres  de  tou- 
tes chofes. 

Je  ne  me  lafferois  jamais  cfè 
parler  de  cette  matière.  Qui- 
conque veut  honorer  la  divine 
Majefré  ,  doit  feméprifer  foi- 
même  ;  &  fonhaiter  que  les 
autresle  méprifent.  Humiliez- 
vous  envers  tout  le  monde  ; 
abaiïTez  -  vous  au  -  defïbus  de 
tout  le  monde  ,  fivous  voulez 
que  Dieu  foit  glorifié  en  vous, 
&  que  vous  le  foyez  en  lui. 
Pour  vous  unir  avec  lui ,  fuyez 
la  grandeur  &  l'élévation  , 
parce  qu'il  s'éloigne  de  ceux 
^ui  s'élèvent  ;  choiûiTez  par- 


Chapitre  XXXII.  203 
'tout  la  dernière  place ,  61  il 
defcendra  de  fon  trône  pour 
venir  à  vous ,  pour  vous  em- 
brafler  /pour  vous  témoigner 
■d'autant  plus  d'amour  ,  que 
vous  marquerez  plus  d'inclina- 
tion à  vous  humilier  &à  vou- 
loir qu'on  vous  foule  aux  pieds 
comme  îa  chofe  du  monde  la 
plus  méprifab'le. 

Si  Dieu  ,  qui  pour  s'atta- 
cher pins  étroitement  à  vous  , 
s'eft  fait  le  dernier  des  hom- 
mes, vous  infpire  de  fi  hum- 
bles fentimens,  ne  manquez 
pas  de  lui  en  rendre  fou  vent 
des  actions  de  grâces.  Remer- 
ciez au fli  tous  ceux  qui  vous 
aideront  à  les  conferver  ,  et» 
vous  maltraitant  ou  en  croyant 
que  vous  n'avez  pas  aHez  de 
vertus  pour  iupporter  un  af- 
front; remerciez-les,  dis-je  , 
&  quelque  mal  qu'ils  difent  de 
vous  ,  n'en  faites  jamais  de 
plainte* 


204  Le  Combat  Spirituel, 

Mais  enfin  ,    fi  ,  nonobftant 
toutes  ces  confidéiat  ions,quoi- 
que  fortes  &   puiflantes ,    la. 
malice  du  Démon,    le  défaut 
de  connoiflance   de  vous-mê- 
me, l'inclination  vicïeufe  vous 
rempiiffenttoujoursi'efpiit  des 
peniées  de    vanité ,    &  font 
naître    dans    votre   cœur  des 
fentimens  de  vous  élever  au- 
defTus  des  autres  ;   humiliez* 
vous  alors  d  autant  plus ,  que 
vous  voyez  par  expérience  le 
peu  de  progrès  que  vous  avez 
fait  dans  la  véritable  fpiritua- 
lité,  &  combien  vous  avez  de 
peine  à  vous  délivrer  de  ces- 
penfées  importunes  f  qui  mar- 
quent dans  vous  un  grand  fond 
d'orgueil  ;  par  ce  moyen  vous 
ferez  du  poifon  un  antidote  , 
&  du  mal  même  un  remède» 


20j* 

!■  ■  ■  ■ 

Chapitre  XXXIII. 

De  quelques  avis  importans 
pour  ceuxquiveulent  mortifier 
leurs pajjions  ,  &  acquérir  les 
venus  qui  leur  manquent. 

C  Uoique  jufqu'ici  je  vous 
aie  dit  beaucoup  déchoies  tou- 
chant la  manière  dont  vous  de- 
vez efTayer  de  vaincre  vos  paf- 
fions &  d'acquérir  les  vertus, 
il  m'en  refre  encore  beaucoup 
d'autres  non  moins  importantes 
à  vous  dire. 

î.  Si  vous  voulez  devenir  fo- 
ndement vertueux  &  parfaite- 
ment maître  de  vous-même,  ne 
partagez  pas  tellement  durant 
la  femaine  les  exercices  de  ver- 
tu, quevous  en  attachiezles  uns 
à  un  jour  ,  les  autres  àl'autre, 
&  que  vous  foyez  ainfi  dans  un 
perpétuel  dérangeaient.  L'or- 
dre que  vous  y  devez  obfer  ver, 


2o6  Le  Combat  Spirituel  r 
eit  que  d'abord  vous  vous  atta* 
chiez  à  déduire  la  pai&on  qui 
vous  a  toujours  le  plus  troublé, 
Se  qui  vous  tourmente  encore 
présentement  davantage  ;  & 
qu'en  même  temps  vous  travail- 
liezdetoutesvosforces  à  acqué- 
rir dans  un  éminentdegrélaver- 
tu  contraire  à  cette  paillon  pré- 
dominante :  car  pofledant une 
vertu  aufTieflentiellequ'eft  cel- 
le-là ,.  vous  obtiendrez  facile- 
ment tout-es  iesautres,fans  qu'il 
foit  befoin  quevous  enfafliezun 
grand  nombre  d'accès.  En  effet, 
les  vertus  font  tellement  liées 
les  unes  avec  les  autres  qu'il 
fiifiit  d'en  pofféder  parfaite- 
ment une  pour  les  avoir  toutes. 
2.  Ne  déterminez  jamais  le 
temps  qu'il  faut  pour  acquérir 
une  vertu  ;  ne  dites  point  :  J'y 
employerai  tant  de-  jours- r  de 
iemaines  ,  tant  d'années  ;  mais 
comme  un  nouveau  foidatqui 
n'a.  point  encore  vu  l'ennemi  9. 


Chapitre  XXXIII.  207 
combattez  toujours,  &par  une- 
glorieufe  victoire  tâchez  de 
vous  ouvrir  un  chemin  à  la  per- 
fection. Ne  foyez  pas- un  mo- 
mentfansFaire  quelque  progrès 
dansla  voie  deDieu.  parce  que: 
celui  qui  s'arrête,  au  lieu  de  fe 
déiafTer  &  de  prendre  haleine, 
recule  &:  devient  plus  lâche 
qu'il  n'éroitauparavant. Quand 
je  vous  dis  que  vous  avanciez 
toujours  fans  vousarêter;  ce. 
que  je  demande  de  vous,  c'efi: 
que  vous  ne  croyiez  pas  être 
déjà  parvenu  au  comble  de  la 
perfection  chrétienne ;que vous 
ne  lai(Tiez  paffer  aucune  occa- 
sion de  faire  de  nouveaux  actes 
de  vertus  ;  que  vous  ayez  en 
horreur  juf qu'aux  plus  légères 
feu  tes. 

Pour  cela  »  if  eirnéceffaire 
que  vous  vous  acquittiez  avec 
une  exactitude  &  une  ferveur 
extrême,  de  ce  qui  eftde  votre 
devoir,  &  que  dans  les ,occa-- 


20§  Le  Comhat  Spirituel , 
fions  qui  fe  préfentent  ,  vous 
pratiquiez  excellemment  tou- 
tes les  vertus.  Aimez  donc  Se 
çmbraflfez  de  tout  votre  cœur 
ces  occafïons  de  vous  rendre 
faine  &  parfait,  principalement 
lorfqu'eliesfont  accompagnées 
de  quelque  difficulté  ,  parce 
que  l'effort  qu'il  fout  faire 
pour  furmonter  la  difficulté  , 
fert  à  former  eu  peu  de  temps 
6c  à  affermir  dansi'ame  les  ha- 
bitudes vertu  eu  fes.  Aimez  aufîi 
ceux  qui  vous  les  procurent. 
Fuyez  feulement  ,  tant  que 
vous  pourrez,  tout  ce  qui  peut 
donner  lieu  aux  tentations  de 
la  chair. 

3.  Ufez  de  modération  Se 
de  prudence  à  l'égard  de  cer- 
taines vertus  qui  peuvent  rui- 
ner la  faute  du  corps  en  le  mal. 
traitant  excefù  veinent  par  des 
difciplines  ,  des  cilices  ,  des 
jeûnes,  des  veilles ,  des  médi- 
tations trop  longues,  &  par 
d'autres 


Chapitre  XXXIII.  209 

d'autres  fortes  de  pénitences 
indifcrettes  :  car  dans  la  prati- 
que de  ces  vertus  extérieures,, 
on  doit  avancer  peu  à  peu,  &: 
monter  comme  par  degré  i 
mais  pour  celles  qui  font  pure- 
ment intérieures  ,  qui  coniif- 
tent  à  aimer  Dieu  ,  à  haïr  le 
monde  ,  à  fe  méprifer  foi-mê- 
me ,  à  déteiler  les  pèches,  à, 
être  doux  &  patient ,  à  aimer 
fes  enemis  ;  il  n'y  a  point  de 
mefures  à  garder  ,  on  n'a  pas 
befoin  de  pr.écaution?&  il  faut 
toujours  en  faire  les  a&es  de  lai 
manière  laplus  excellente  qu'il 
foit  poffible.. 

4.  Le  but  de  tous  vos  def- 
feins  &  de  tous  vos  foins ,  doit, 
être  de  vaincre  la  paflion  que 
vous  avez  entrepris  de  com- 
battre ;  Se  vous  devez  regar- 
der cette  victoire  comme  la 
chofe  du  monde  la  plusavan- 
tageufe  pour  vous ,  &  fa  plus 
agréable  a.  Dieu*  foit  que  vous, 

a 


210  Le  Combat  Spirituel, 
mangiez,  ou  que  vous  jeûniez  : 
que  vous  veilliez  ou  que  vous 
dormiez:  que  vous  foyiez  dans 
le  travail  ou  dans  le  repos;  à  la 
maifon  ou  hors  la  maifon  :  que 
vous  vaquiez  à  la  vie  contem- 
plative ou  aétive  ,  n'ayez  pour 
fin  que  defurmonter  cette  prin- 
cipale paffioti  &  d'acquérir  la 
vertu  contraire. 

$.  Haïflez  généralement  tou- 
tes les  commodités  &  tous  les 
piaifirs  du  corps,  &  vous  ne 
ferez  combatte  que  foiblement 
par  les  vice?  qui  tirent  toute 
leur  force  des  attraits  de  la 
volupté.  Mais  il  dans  le  même 
temps  que  vousrejetezun  plai- 
fir  fenfuel,  vous  en  recherchez 
un  autre  ;  fi  vous  ne  faites  la 
guerre  qu'à  un  feuî  vice, quoi- 
que les  plaies  que  vous  rece- 
viez des  autres  foient  moins 
dangereufes,  le  combat  fera 
toujours  rude  &  la  victoire  in- 
certaine. Ayez  donc  toujours 


Chapitre  XXXIII.  21  r 

devant  les  yeux  ces  paroles  cte 
l'Ecriture  :  (  a  )  Celui  qui  aim^ 
Ja  vi4  la  perdra  ;  celui  au  cùft* 
trairequi  hait  fa  vie  en  ce  monde 
la  confervera  pour  la  vie  éter- 
nelle, (b)  Nous  ne  fommes point 
efclaves  de  la  chair  pour  vivre, 
félon  la  chair.  Si  donc  vous 
vive\  félon  la  chaii\vous  mour~ 
re\ ,  mais  fi  vous  mortifie-^  la. 
chair  par  Vefprit  ,  vous  vivre^* 
6.  Le  dernier  avis  que  j'ai  k 
vous  donner  ,  eft  qu'il  îeroit 
bon  &  peut-être  né-ceîTaire  ; 
qu'avant  toutes  chofes ,  vous 
fififiez  une  confeflîon  générale, 
avec  toutes  les  difpofitionsre- 
quifes ,  pour  vous  aflurér  da- 
vantage d'une  parfaite  récon- 
ciliation avec  Dieu  ,  qui  eft  la 
fource  des  grâces ,  l'auteur  des 
victoires,  le  diftributeur  des 
couronnes. 

&)  Jean  iz,  ij.  (b)  Rom.  S.  il.  ie.r 

Oij 


12  Li  6 3  m  b  al  Sp  i  ruu  et* 

Chapitre    XXXIV. 

Que    les  vertus  ne  s3 acquièrent. 

.     que  peu  à  peu  &  par  degrés ,_ 

&  Us  unes  après  les  autres» 

\^  Uoique  le  vrai  ferviteuc 
cîe  Jefus-Chriîr  ,  qui  afpire  à 
1a  plus  haute  perfection  ,  ne 
doive  point  mettre  de  bornes 
àfon  avancement  fpirituel  ;  il 
faut  toutefois  que  la  prudence 
modère  en  lui  de  certains  ex- 
cès d'une  feiveurinconlidérée,. 
à  qui  d'abord  rien  n'eft.d illici- 
te ,  mais  qui  eft  fujette  à  fe 
ralentir  &.  à  s'éteindre  tout-à- 
fait.  C'eft  pourquoi,  outre  ce 
qui  a  été  dit  de  la  manière  de 
régler  les  exercices  extérieurs,, 
il  eft  bon  de  remarquer  que  les 
vertus  intérieures  s'acquièrent 
auiïî  peu-à-peu  ,  &  qu'on  y 
•parvient  par  degrés;  de  cette 
forte  on  jette  les  fondemens 
d'une  folide&  confiante  piété, 


Chapitre  XXXIV.  n 
&  en  peu  de  temps  on  gagne 
beaucoup. 

Aihfi ,  en  matière  de  patien- 
ce ,  ne  prétendez  pas  pouvoir 
tout  d'un  coup  délirer  les  croix 
&  vous  en  réjouir  %  il  faut  vous 
réfoudre  auparavant  à  pafier 
par  les  degrés  les  plus  bas  de 
cette  vertu.  Suivant  ce  même 
principe  ,  tfémbraîTez  point 
tout  à  la  rois  toutesles  vertus , 
ni  même  plufieurs  enfemble  , 
attachez -vous  à  une  feule  &c 
puis  à  une  autre  ,  lî  vous  vou- 
lez que  l'habitude  s'enracine 
profond i ment  &  fans  peine 
dans  votre  ame  ;  car  n'entre- 
prenant qu'une  vertu ,  &  ne 
cetfant  de  vous  y  exercer  ,  vo- 
tre mémoire  s'y  appliquera  da- 
vantage ;  votre  entendement 
éclairé  de  la  lumière  céîeite  , 
inventera  de  nouveaux  moyens 
&  de  nouvelles  raifons  pour 
vous  la  faire  embrafler  ;  votre 
volonté  enfin  s'y  portera  avec 
Oiij 


214  £e  Combat  Spirituel, 
plus  d'ardeur,  ce  qui  n'arrive- 
roi:  pas  fi  ces  trois  puifTances 
ëtoient  partagées  enpluiieurs 
objets. 

D'ailleurs,  les  a&es  qu'il  faut 
produire  pour  contracter  l'ha- 
bituded'une  vertu, n'ayant  tous 
qu'un  même  but,  &  s'aidant  les 
uns  les  autres  ,  en  deviendront 
moins  pénibles  ;  &  les  derniers 
ferontd'autantp'usd'impi  efllon 
clans  votre  cœur  ,  qu'ils  y  trou- 
vent leslaintesdifpoiitions  que 
les  premiers  y  auiont  laiflees. 

Toutes  ces  raifons  vous  pa- 
roîtront  convaincantes,  fi  vous 
faites  réflexion  que  quiconque 
s'exerce  bien  dans  une  vertu  , 
apprend  infenfiblementàs'exer- 
cer  dans  les  autres  ,  &  qu'une 
vertu  ne  fe  peut  perfectionner, 
qu'en  même  temps  toutes  les 
autres  ne  fe  perfectionnent  ,  à 
caufe  de  l'étroite  union  qu'el- 
les ont  enfembîe  ,  commes  les 
rayons  d'un  même  foleil. 


Chapitre  XXXV. 

Des  moyens  les  plus  u: îles  pour 
acquérir  les  i  ertus;&  de  quelle 
foite  on  don  s'attacher  à  une 
vertu  durant  quelque  temps, 

J'A joute  à  ce  que  je  viens  de 
dire  que  pour  devenir  folide- 
ment  vertueux, il  faut  avoir  un 
eœur  grand, une  volonté  ferme 
&  généreufe,  parce  qu'il  fe 
trouve  dans  la  fuite  bien  des 
contradictions  &:  des  peines  à 
efiuyer.  ïl  faut  de  plus  reflen- 
tir  une  inclination  particulière 
pour  îa  vertu  ;  &  cette  incli- 
nation vient ,  en  conhdérant 
fouvent  combien  les  vertus 
plaifent  à  Dieu  ,  combien  elles 
font  excellentes  en  elles-mê- 
mes ,  combien  elles  font  utir 
les  &  nécessaires  à  l'homme  ; 
&  que  c'eft  par  elles  que  toute 
la  perfection  chrétienne  com- 
mence &  finit.  Ii  importe  ex- 

o  w 


216"  Le  Combat  Spirituel  ? 
trêmement  defe  propofer  tous 
les  marins,  de  les  pratiquer, 
félon  qu'on  en  trouvera îocca- 
lion  durant  le  jour;  &:  l'on 
s'examinera  fonvent,pour  voir 
il  on  a  exécuté  fes  bonnes  ré- 
fol  ution  s  ,  &  pour  en  former 
encore  de  nouvelles  plus  effica- 
ces &  plus  constantes  que  les 
premier  es. 

Ce  que  je  dis  doits'obfer- 
ver  particulièrement  à  l'égard 
de  la  vertu  qu'on  tâche  alors 
d'obtenir  ,  &z  dont  on  croit 
avoir  le  plus  de  befoin.  Ç'eft  à 
cette  même  vertu  qu'il  faut 
rapporter  toutes  les  réflexions 
qu'on  fait  fur  les  exemples  des 
Saints ,  toutes  tes  méditations 
fur  la  Vie  &  fur  la  Paflfion  de 
notre  Seigneur, qui  font  d'une 
extrême  utilité  en  toute  forte 
d'exercice  fpirituel.  Accoutu- 
ni3ns-nous  tellement  à  faire 
des  actes  de  vertu  ,  foit  in- 
térieurs j  foit  extérieurs ,  que 


Chapitre  XXXV.  217 
nous  y  trouvions  autant  de  fa- 
cilité &  de  plaifir ,  que  nous  en 
avions  auparavant  à  fuivre  no- 
tre penchant  naturel  .Et  fou  ve- 
nons-nous de  ce  qui  a  été  dit 
ailleurs,  que  les  aclres  les  plus 
contraires  aux  inclinations  de 
la  nature ,  font  les  plus  propres 
à  introduire  dans  notre  ame 
l'habitude  de  la  vertu. 
Quelques  fentences  tirées  des 
faintes  Ecritures ,  &  pronori- 
.  cées  de  k  manière  qu'il  faut., 
ou  de  bouche  ,  ou  de  cœur , 
fervent  encore  merveil'eufe- 
ment  à  cet  exercice  :  a  in  il  nous 
devons  toujours  en  avoir  plu- 
fieurs  qui  aient  rapport  à  la 
vertu  quenous  défi;  ions  acqué- 
rir &  en  ufer  à  propos  durant 
la  journée  ,  fur  tout  îorfque  la 
paQîon  qui  nous  domine  vient 
à  s'échauffer.  Ceux  donc  qui 
tâchent  à  devenir  doux  Se  pa- 
tiens,  peuvent  fe  fervir  ou  des 
.paroles  fuivantes,  ou  d'autres 


21 8  Le  Combat  Spirituel , 
femblables.  (  a  )  Supporte-^  pa- 
tiemment la  colère  d'u?iD.eu  qui 
vient  pour  punir  vos  crimes,  (b) 
La  patience  des  pauvresne  fera 
pas  privée  pour  jamais  du  bien 
qu'elle  efpere.  (c)  Un  homme  pa- 
tient vaut  mieux  qu'un  homme 
vaillant  y  &  celui  qui  peut  Je  do- 
miner lui-même  ejl  préférable  à 
celui  qui  emporte  des  villes  d'af- 
Jaut.  (  d  )  Vous  poffèdere\vos 
âmes  par  la  patience.  (€)Cou^ 
ronsfi  bien  ,  que par  la  patience 
nous  gagnions  le  prix  queDieic 
nous  propofe. 

On  peut  ajouter  ces  afpira- 
tions  ou  d'autres  pareilles  :  O 
mon  Dieu,quand  ferai-je  armé 
de  la  patience  ,  comme  d'un 
bouclier  à  l'épreuve  des  traits 
de  mon  ennemi  ?  Quand  vous 
aimerai-je  ,  jufqu'à  recevoir 
avec  joie  toutes  les  affligions 

(a;  Baruch.  4.  7. y.     (b)   Vf.  ?.  ij. 
(c)  Prov.  16.   31.      (cl)  Luc.  il.  i}* 
fol  Hebr.   xi*  x. 


Chapitre  XXXV.  219 
qu'il  vous  p]a,ira  de  m'envoyer  ? 
O  vie  de  moname  ,  nevivrai- 
je  jamais  pour  votre  gloire  , 
pleinement  content  parmi  les 
iourïrances  !  O  que  je  ferois 
heureux,  fi  dans  les  flammes 
des  tribulations  ,  je  biûlois 
d'envie  de  me  confumer  pour 
votre  fer  vice  1 

Nous  nous  fer  virons  à  toute 
heure  de  ces  fortes  d'oiaifons, 
fuivant  le  progrès  que  nous  au- 
rons fait  dans  la  vertu  ,  &  félon 
que  la  dévotion  nouslinfpire- 
ra.  On  les  nomme  jaculatoires, 
parce  que  ce  font  comme  des 
dards  enflammés  que  nous  lan- 
çons vers  le  Ciel ,  qui  ont  la 
vertu  d'y  élever  notre  cœur, 
êc  qui  percent  celui  de  Diea 
quand  ils. font  aceompagnés  de 
deux  chofes  qui  leur  fervent 
d'ailes*  l'une  eft  la  connoiflance 
certaine  du  pîaifir  que  Dieu 
prend  à  nous  voir  dans  l'exer- 
cice des  vertus;  l'autre  eft  un 


220  Le  Combat  Spirituel, 
clefir  ardent  d'exceller  en  toute 
vertu ,    par  le   feul  motif  de 
plaire  à  la  divine  bonté* 

~Ch~Â  p  i  tre   XXXVI. 

Quel* exercice  de  lavertu  dema  n  - 
Ae  une  application  continuelle* 

JliiNtre  les  cliofesqui  ferventà 
acquérir  les  vertuschré tiennes, 
qui  eft  le  but  que  nous  nous 
propofbns  ici -,  une  des  plusné- 
eeffaires.e{:l:d',e{rayercravancei: 
toujours  dans  la  voie  de  la  per- 
fection ,  parce  qu'on  recule 
pour  peu  qu'on  s'arrête.  Dès 
que  nous  celions  de  faire  des 
actes  de  vertu  ,  Finclination  na- 
turelle qui  nous  porte  à  recher- 
cher le  plailir  ck  ies  objets  ex- 
térieurs qui  flatcent  les  fens,  ne 
manquent  pas  d'exciteren  nous 
des  mouvemens  déréglés ,  & 
ces  mouvemens  détruifent  ou 
affoibliflent  du  moins  les  habi- 
tudes des  vertus.   D'ailleurs . 


Chapitre  XXXVI.  as* 

cette  négligence  nous  prive  de 
heaucoup  de  grâces >  que  nous- 
pourrions  mériter  par  un  plus 
grand  befoin  de  notre  avance- 
ment fpirituel» 

C'eft  la.  différence  qu'il  y  a; 
entre  voyager  fur  la  terre  & 
marcher  dans  la  voie  du,  ciel  , 
car  ceux  qui  voyagent  fur  la 
terre  peuvent  s'arrêter  fans  re- 
tourner, fur  leurs  pas,  &:  de 
plus  en  marchant  toujours  ,  la 
laflîtttde  les  met  hors  d'état 
d'aller  plus  avant  ;  mais  dans 
le  chemin  delà  perfection,  plus 
on  avance  ,  plus  on  fent  aug- 
menter fes  forces.  Laraifon  de 
ceci  eft  que  la  partie  inférieure 
qui  empêche  ,  autant  qu'elle 
peut  par  fa  réiiiïance  ,. le  pro- 
grès fpirituel  ,  vient  à:  s'affai- 
blir par  l'exercice  des  vertus, 
2c  qu'au  contraire  la  partie  fu- 
périeure  où  eft  le  tiége  de  la 
vertu,  s'affermit  &  fe  fortifie.- 
davantage. 


222  Le  Combat  Spirituel 9 

Ainii,à  mefure  que  l'on  pro- 
fite dans  la  fpiritualité  ,  toute 
la  peine  qu'on  voyoit  ,  dimi- 
nue beaucoup  ;  &  une  certaine 
douceur  par  où  Dieu  tempère 
les  amertumes  de  cette  vie , 
s'augmente  à  proportion  ,  de 
forte  qu'allant  toujours  avec 
joie  de  vertu  en  vertu  ,  on  ar- 
rive enfin  au  fommetdela  mon- 
tagne, au  comble  de  la  perfec- 
tion, àcet  état  bienheureux  où 
}'ame  commence  à  exercer  fes 
fonction?  fpirituelles ,  non  feu- 
lement fans  dégoût ,  mais  avec 
un  contentement  ineffable  , 
parce  qu'étant  vi&orieufe  de 
fes  paflions,  &  s'étant  mifeau- 
deffus  de  toutes  les  créaturesSc 
de  foi-môme  ,  elle  vit  dans  le 
fein  de  Dieu  ,  &  y  jouit,  par- 
mi les  travaux  continuels;d'un 
agréable  repos. 


22J 
>  "  ■ 

Chapitre    XXXVII. 

Que  puifquil  finit  continuer 
toujours  à  pratiquer  les  ver- 
tus ,  on  ne  doit  omettre  au» 
cime  occafion  de  s'y  exercer. 

j^jOus  avons  fait  voir  aflfez 
clairement  qu'il  faut  toujours 
avancer  :  6c  ne  s'arrêter  jamais 
clans  îe  chemin  de  la  perfection. 
Veillez  donc  tellement  fur 
vous ,  que  vous  ne  manquiez 
aucune  occafion  de  travailler  à 
acquérir  les  vertus.  Gardez- 
vousb'ende  vcus  éloignercom- 
me  on  tait  ordinairement  des 
chofes  contraire?  aux  inclina- 
tions de  la  nature  corrompue  , 
pnifque  c'eft  par  elles  que  l'on 
parvient  aux  vertus  les  plus 
héroïques. 

"\fjou  lez -vous  (pour  ne  point 
foftir  de  notre  premier  exem- 
ple )  voulez- vous  devenir  pa- 


22^  Le  Combat  Spirituel  T 
tient  ?  Prenez  garde  à  ne  pas 
fuir  lesperfonnes,  les  emplois 
&les  penfées  mêmes  qui  vous 
caufent  le  plus  fou  vent  de  l'im- 
patience; accoutumez-vous  à 
converferavec  toutes  fortesde 
perfonnes ,  quelque  râcheufes 
&:  incommodes  qu'elles  foient. 
Soyez  toujours  dans  la  difpofï- 
tion  de  fourlrirtout  ce  quipeut 
vous  faire  le  plus  de  peine,  au- 
trement vousn'acquerrez  point 
ÎTliabitude  de  la  patience. 

Si  quelque  emploi  vous  dé- 
plaît 3  ou  delui-même,ou  parce 
qu'une  perfonne  que  vousn'air- 
niez  pas  vous  en  a  chargé  ,  eu 
parce  qu'ilvousdétourne  d'une 
autre  occupation  qui  feroitplus 
félon  votre  goût  rn'y  renoncez 
jamais  pour  cela,;  ayez  allez  de 
courage  y  x\qv.t feulement  pour 
l'embraser  avec  joie7mais  pour 
yperfevérer.jufqu'àlarin, quand, 
même  vous  en  repentiriez  de 
l'inquiétude  ,.&  qu'enle  quit- 
tant 


Chapitre  XXXVII. «y 
tant  vous  pourriez  vous  mettre 
lefpi  it  en  repos;fans  cela  vous 
n'apprendez  jamais  à  foufïrir, 
6f  vous  ne  jouirez  point  de  la 
véritable  paix  que  poflede  une 
ame  qui  n'a  nulle  pafllon,&  qui 
a  toutes  les  vertus. 

Je  discle  même  de  certaines 
fortes  de  penféesqui  voustour- 
mentent  quelquefois  :  car  ce 
n'eft  pas  un  avantagepour  vous 
que  d'en  êtreentierementquit- 
te ,  puifque  la  peine  qu'elles 
vous  donnent  vous  accoutume 
à  la  fouffrance  des  chofes  les 
plus  fâcheufes.  Tenez  donc 
pourafluré  quequiconque  vous 
enfeigne  le  contraire,  vous  ap- 
prend plutôt  à  fuirla  peine  que 
vous  craignez, qu'à  acquérir  1& 
vertu  que  vous  defirez. 

A  la  vérité  un  foldat  nou- 
veau &  peu.  aguerri  doit  fe 
comporter  tfans  ces  occailons 
avec  beaucoup  de  prudence  & 
^etetenue,tantôt  eu  attaquant 
2 


Zl6  Le  Combat  Spirituel , 
l'ennemi,&  tantôt  enreculant , 
félon  qu'ilfefent  plus  ou  moins 
de  force  &  de  vertu  :  mais  il  ne 
doit  pas  lâcher  le  pied  6c  aban- 
donner entièrement  le  combat; 
il  ne  faut  pas  qu'il  é  vite  tout  ce 
qui  lui  pourroit  caufer  du  trou- 
ble &  du  chagrin:  car  quoiqu'il 
fe  mît  alors  hors  de  danger  de 
tomber  dans  l'impatience ,  il 
s'y  trouveroit  enfuite  plus  ex- 
pofé  que  jamais ,  ne  s'étant  pas 
fortifié  contre  ce  vice  par  l'ha- 
bitude  de  la  patience. 

Tout  ceci  n'a  point  de  lieu 
dans  le  vice  de  l'impureté  dont 
on  fe  fauve  par  la  fuite,comme 
nous  Pavons  remarqué  ailleurs. 


y® 

i 


227 


Chapitre    XXXVIII. 

Qu'on  doit  fi  réjouir  de  toutes 
les  oc  c  a  fions  qu'on  a  de  corn- 
batrepour  acquérir  les  vertus^ 
principalement  de  celles  où  il 
y  a  le  plus  de  difficulté. 


C: 


E  n'eft  point  aîTez  de  .ne' 
point  fuir  les  occailons  de  tra- 
vailler pour  acquérir  la  vertu , 
il  les  faut  chercher ,  il  faut  que 
dès  qu'elles  fe  préfentent.ynous 
îesembrafTionsavec  joie,&  que 
celles  où  ily  a  le  plus  de  morti- 
fication, nous  foient  toujours : 
îesphis  agréableSjComme  elles- 
nous  font  les  plus  utiles.  Rien 
ne  nous  paroitra  mal  aiféavecle 
fccours  du  Ciel,finousgravons 
bien  avant  dans  notre  efpritles 
confidérations  fuivantes. 

La  première  eft  ,  que  les  oc- 
cafions  font  des  moyens-p.ro-- 
près  y  ou  pour  mieux  dire  ,  né> 
Pij 


228  Le  Comha*  Spirituel, 
ceflaires  à  acquérir  les  vertus, 
de-là  vient  que  lorfqu'on  de- 
mande à  Dieu  les  vertus ,  on 
lui  demande  par  conféquent 
les  moyens  qu'il  veut  qu'on 
emploie  pour  les  obtenir  ;  au- 
trement la  prière  feroit  vaine  , 
&:  on  fe  contrediroit  foit-mê- 
me ,  on  tenteroit  Dieu  ,  qui 
n'a  pas  accoutumé  de  donner 
la  patience  fans  les  tribula- 
tions ,  ni  l'humilité  fans  les  op- 
probres. 

Il  en  eft  de  même  de  toutes 
les  autres  vertus ,  qui  font  les 
fruits  des  adverfités  que  Dieu 
nous  envoie  ,  &  que  nous  de- 
vons d'autantplus  aimer,  qu'el- 
les font  plus  rudes  ,  parce  que 
les  grandseifortsqu'il  faut  faire 
pour  lesfupporter,contribuent 
extrêmement  à  former  en  nous 
les  habitudes  des  vertu?. 

Soyons  donc  toujours  atten- 
tifs à  mortîfïernotre  propre  vo- 
lonté, quand  ce  ne  feroit  que 


Chapitre  XXXVIII.  229 

dans  une  œillade  un  peu  trop 
curieufe  ,  dans  une  parole  un 
peu  trop  libre  ;  car  quoique 
les  victoires  qu'on  gagne  fur 
foi  dans  les  grandes  occafions  , 
foient  plus  glorieufes,  celles 
qu'on  remporte  dans  les  moin- 
dres ,  font  imcomparablement 
plus  fréquentes. 

La  féconde  confidération 
que  nous  avons  déjà  touchée  , 
eft  que  toutes  les  chofes  qui 
arrivent  en  ce  monde  ,  vien- 
nent de  Dieu-,  &  qu'il  prétend 
que  nous  en  tirions  du  prorlt  j 
car  quoiqu'à  parler  propre- 
ment ,  on  ne  puifle  dire  que 
quelques  unes  de  ces  chofes  , 
comme  nos  péchés ,  ou  ceux 
d'autrui ,  viennent  de  Dieu  qui 
abhorre  l'iniquité  ,  il  eft  vrai 
pourtant  qu'elles  font  de  lui 
en  quelque  façon  ,  puifqu'il  les 
permet  ;  &:  que  pouvant  abfo- 
lument  les  empêcher ,  il  ne 
le  fait  pas;  mais  pour  les  afflic- 
P  iij 


230  Le  Combat  Spirituel  9 
tions  qui  nous  arrivent  foit  par 
notre  faute  ,  foit  par  la  malice 
de  nos  ennemis  ,  on  ne  peut 
nier  qu'elles  ne  viennent  de  fa 
main,  &:  qu'il  n'y  ait  part  quoi- 
qu'il en  condamne  la  caufe , 
cependant  il  veut  que  nous  les 
fupportions  patiemment  >  ou 
parce  qu'elles  nous  font  des 
moyens  de  nous  fan&ifier  ,  ou 
.pour  d'autres  juftesraifons  que 
lui  feul  connoît. 

Si  donc  nous  fommes  cer- 
tains que  ,  pour  accomplir  par- 
faitement fa  divine  volonté  , 
nous  devons  fouffrir  de  bon 
coeur  tous  les  maux  que  nous 
caufent  les  médians ,  ou  que 
nous  nousattirions  nous-mêmes 
par  nos  péchés  ;  c'eft  à  tort 
que  quelques-uns,  pour  cou- 
vrir leur  impatience  ,  difent 
qu'un  Dieu  infiniment  jufte  ne 
peut  vouloir  ce  qui  part  d'un 
mauvais  principe.  On  voit  bien 
qu'ils  neprétendent  autrechofe 


Chapitre  XXXVIII.  231 

que  de  s'exempter  de  la  pei- 
ne ,  &  de  faire  même  accroire 
au  monde  qu'ils  ont  raifon  de 
ne  pas  recevoir  les  croix  que 
Pieu  leur  pre'fente  ;  mais  il  y 
a  encore  plus  ;  c'eft  que  quand 
tout  le  refte  feroitégal,  Dieu 
ie  plaît  b:en  davantage  à  nous 
voir  fouftiir  corftamment  les 
perfecutions  injuftes  deshom- 
mes>fur-toufdé  ceux  que  nous 
avons  obligés  ,  qu'à  nous  voir 
prendre  en  patience  d'autres 
accidens  fâcheux  :  en  voici  les 
raifons. 

La  première  eft  que  l'orgueil 
qui  naît  avec  nous  fe  réprime 
beaucoup  mieux  par  les  mau- 
vais traitemens  que  nous  font 
nos  ennemis ,  que  par  des  pei- 
nes &  des  mortifications  vo- 
lontaires. La  feconde,eft  qu'en 
les  fouffrant  patiemment ,  nous 
faifons  ce  que  Dieu  demande 
de  nous ,  &  ce  qui  eft  de  fa 
gloire  ;  parce  que  nous  confor- 
P  ir 


232  Le  Combat  Spirituel , 
mons  notre  volonté  à  la  ii-enne 
dans  une  chofeoùfa bonté  &  fa 
puifTance  reluifent  également: 
&  que  d'un  fond  auffi  mau/ais 
qu'eft  le  péché  même  ,  nous  re- 
cueillons d'excellents  fruits  de 
vertu  &  de  iainteté. 

Sachez  donc  qu'auflfitôt  que 
Dieu  nous  voit  réfolus  de  tra- 
vailler tout  de  bon  à  acquérir 
les  vertus  folides.il  ne  manque 
point  de  nous  éprouver  par 
de  fâcheufes  tentations  &  par 
de  rudes  fouffrances.  Ainfî 
connoiflant  l'amour  qu'il  nous 
poi'te,&l'affe&ion  qu'il  a  pour 
notre  befoin  fpirituel ,  nous 
devons  recevoir  avec  actions 
de  grâce  le  calice  qu'il  nous 
offre,  &  le  boire  jufqu'à  la 
dernière  goutte;perfuadés  que 
plus  nous  le  trouverons  amer  , 
plus  il  nous  fera  falutaire. 


23  î 
Chapitre  XXXIX. 

Comment  on  peut  ,  en  dlverfes 
occafions  ,  pratiquer  la  même 
vertu. 

V  Ous  avez  vu  dans  un  des 
Chapitres  précedens, qu'il  vaut 
beaucoup  mieux  s'attacher  du- 
rant quelque  tems  à  une  feule 
vertu,  que  d'en  embrafler  plu- 
fieurs  à  la  fois,  c'eft  en  cette 
vertu  particulière  qu'on  doit 
s'exercer  toutes  les  fois  que 
l'occafion  s'en  prifente.  Voyez 
maintenant  avec  quelle  facilité 
vous  le  pourrez  faire . 

Il  arrivera  en  un  même  jour, 
&  peut-être  en  une  même 
heure,  qu'on  vous  fera  quelque 
févère  réprimande  pour  une 
a&ion  qui  ne  fera  pasmauvaife, 
ou  que  pour  un  autre  fujet  on 
parlera  mal  de  vous  ;  qu'on  ne 
voudra  pas  vou* accorder  une 


234  ^e  Combat  Spirituel, 
grâce  que  vous  aurez  deman- 
dée ,  &  qu'on  vous  la  refufera 
d'unemanierechoquante,quoi- 
quecene  foit  qu'unebagatelle, 
qu'on  aura  quelque  faux  foup- 
eon  de  vous  ;  qu'on  vous  don- 
neraquelquecommiffionodieu- 
fe;  qu'on  vous  fervira  des  vian- 
des mal  apprêtées,  qu'il  vous 
furviendra  une  maladie, ou  que 
tout- à-coup  vous  vous  trouve- 
rez accablé  d'autres  maux  en- 
core plus  grands,comme  iîs'en 
trouve  une  infinité  dans  cette 
miférable  vie  ;  parmi  tantd'ac- 
cidens  fâcheux  ,  vous  pouvez 
fans  doute  pratiquer  plufieurs 
vertus  différentes  ,  mais  pour 
obferver  la  régie  qu'on  vous  a 
donnée  là-deflus,  il  vous  fera 
plus  utile  de  vous  attacher  à 
celle  dont  vous  croirez  avoir 
le  plus  de  befoin. 

Si  c'eft  la  patience ,  vous  ne 
penferez  qu'à  fouffrir  coura- 
geufement  &  avec  joie  tous 


Chapitre  XXXIX.  2# 

'les  maux  qui  pourront  vous  ar- 
river. Si  c'eft  l'humilité  ,  vous 
longerez  dans  toutes  vos  pei- 
nes ,  qu'il  n'eft  point  de  châti- 
ment qui  puifle  égaler  vos  cri- 
mes. Si  c'eft  i'obéiffance,  vdus 
tâcherez  de  vous  foumettre  à 
la  volonté  d'un  Dieu  qui  vous 
punit  félon  que  vous  le  méri- 
tez. Il  faudra  même  vous  affu- 
jettir  pour  l'amour  de  lui ,  Se 
parce  qu'il  le  veut  ;  non-feule- 
ment aux   créatures  raifonna- 
bles  ,  mais  encore  à  celles  qui 
n'ayant  ni  raifon  ,  ni  vie  ,   ne 
laifient  pas  d'être   les  inftru- 
mens  de  fa  juftice.  Si  c'eft  la 
pauvreté  ,  vous  efTayerez  de 
vivre  content,   quoique  prive 
de  tous  les  biens  &de  toutes 
les  douceurs  de  cette  vie.  Si 
c'eft  la  charité  ,  vous  ferez  le 
plus  qu'il  vous  fera  poflible  des 
a&es  d'amour  du  prochain  8c 
d'amour  de  Dieu  ,  en  confidé- 
raïuque  1§  prochain  vousdonnc 


2^6  Le  Combat  Spirituel, 
occaiionde  multiplier  les  méri- 
tes lorfqu'il  exerce  votre  pa- 
tience j  6c  que  Dieu  qui  vous 
envoie ,  ou  qui  permet  tous  les 
maux  que  vous  fouffrez,  n'a  en 
vue  que  votre  bien  fpirituel. 

Ce  que  je  dis  de  la  manière 
dont  vous  pouvez  pratiquer  en 
des  rencontres  différentes  la 
vertu  qui  vous  eft  la  plus  nécef- 
faire  ,  montre  en  même-tems 
de  quelle  façon  vous  pouvez 
vous  y  exercer  en  unefeule  oc- 
cafion, comme  en  une  maladie, 
ou  en  quelqu'autrefortedepei- 
ne,foit  du  corpsjfoitdel'efprit. 

Chapitre  XL. 

Du  rems  que  nous  devons  em- 
ployer à  acquérir  chaque  ver- 
tu ,  &  des  marques  du  pro- 
grès que  nous  y  faifons. 


N  ne  fauroit  déterminer 
précifément  6c  en  général  , 
eombiennous  devons  employer 


■  Chapitr  e  XL.  237 
de  tems  à  nousexercer  en  cha- 
que vertu  ,  parce  que  cela  dé- 
pend de  l'état  &  des  difpofi- 
tionsoù  nous  fommes,  du  pro- 
grès que  nous  faifons  dans  la 
vie  fpirituelle,  &  de  la  direc- 
tion de  celui  qui  nous  y  con- 
duit. Mais  il  eft  confiant  que  fi 
nous  nous  y  appliquions  avec 
tout  le  foin  &.  toute  l'ardeur 
que  nous  avons  dit ,  en  peu  de 
femaines  ,  nous  y  profiterions 
beaucoup. 

Une  marque  très -certaine 
d'un  progrès  confidérabîe  eft  , 
lorfque  l'on  perfévere  dans  ces 
exercices  de  piété  ,  malgré  les 
dégoûts ,  les  troubles  ,  les  ari- 
dités ,  &  la  privation  de  toute 
coniblationfenfible.  Une  autre 
non  moins  évidente  eft,lorfquc 
la  concupifcencevaincue&fou- 
mifeà  la  raifon  ,  ne  fauroit  plus 
empêcher  qu'on  ne  pratiqneles 
vertus:  car  à  mefure  qu'elle 
s'a&biblit ,  les  vertus  fe  forti- 


ZjS  Le  Combat  Spirituel^ 
tient  &  s'enracinent  dans  l'ame.- 
C'efrpourquoilorfqu'onnefent 
point  de  contradiction  &  de 
révolte  clans  la  partie  inférieu- 
re ,  on  peut  s'affurer  qu'on  a 
acquis  l'habitude  de  la  vertu 
ck  plus  on  a  de  facilité  à  en  pro- 
duire les  a&es,  plus  l'habitude 
en  elt  parfaite. 

Ne  croyez  pas  néanmoins 
être  parvenu  à  un  haut  point 
de  fainteté  ,  ni  que  vous  ayez 
entièrement  dompté  vos  paf- 
fions  ;  parce  que  depuis  long- 
tems ,  &c  après  pluiieuis  com- 
bats, vous  n'en  avez  reffenti 
aucune  attaque  ;  fâchez  qu'ily 
a  fouvent  encecide  l'ilufion  du 
démon  &  de  l'artifice  du  côté 
delà  nature, quifedéguife  pour 
un  tems.  De-là  vient  que  par 
un  orgueil  fecret ,  on  prend 
pour  vertu  ce  qui .  eften  effet" 
un  vice.  D'ailleurs  ,  fi  vousre* 
gardez  quel  eftle  degré  de  per- 
fection oàDieu  vous  appelle  9- 


Chapitre  XL.  239 

quelque  effort  que  vous  ayez 
fait  jufqu'ici  pour  y  atteindre , 
vous  vous  entrouvereztoujours 
intînimentéloigné.  Vous  devez 
donc  continuer  vos  exercices 
ordinaires ,  comrnes  li  voi*s  ne 
faiiiez  que  de  commencer  aies 
pratiquer  ,fans  jamais  vous  ra- 
lentir de  votre  première  fer- 
veur. 

Souvenez  -  vous  qu'il  vaut 
mieux  tâcher  de  profiter  en 
vertu  ,  que  d'examiner  fciupu- 
leufementfi  l'on  y  a  profité, 
parce  que  Dieufeul  quiconnoît 
&  fonde  les  cœurs ,  découvre  à 
quelques-uns  ce  fecret ,  &  le 
cache  aux  autres,  félon  qu'il 
les  voit  capables  ou  de  s'en  hu- 
milier ou  d'en  tirer  vanité.  Et 
par-là  ce  Père ,  également  bon 
&  fage ,  ôte  aux  plus  foibles 
l'occafion  de  leur  ruiné  ,  &: 
donne  aux  autres  le  moyen  de 
croître  en  vertu.  Ainli,  quoi- 
qu'une ame  ne  voie   point  le 


240  Le  Combat  Spirituel  9 
progrès  qu'elle  fait  ,  elle  ne 
doit  pas  quitter  pour  cela  fes 
pratiques  de  dévotion  ,  parce 
qu'elle  le  connoîtra  quand  il 
plaira  à  Notre-Seigneur  de  le 
lui  faireconnoître  pour  lbnplus 
grand  bien. 

Chapitre   XLI. 

Çuon  ne  doit  pas  trop  fouhai- 
ter  d'être  délivré  des  afflic- 
tions qu'on  endure*  patiem- 
ment ,  &  de  quelle  foi  te  il 
faut  régler  fes  de  fus» 


_  Uand  vous  vous  trouverez 
en  quelque  affii&ion  ,  quelle 
qu'elle  foit,&  que  vous  la  fup- 
portez  patiemment ,  gardez- 
vousbien  d'écouter  ni  le  démon 
ni  votre  amour  propre  ,  qui  ex- 
cite dans  votre  cœurde  violens 
deiirs  d'être  délivre  de  cette 
peine. Car  votre  impatience  fe- 
£oit  caufede  deuxgrandsmaux; 

Tan 


Chapitre  XLI. -2jr 

l'un  ,  que  quand  vous  ne   per- 
driez pas  alors  tout-à-fait  l'ha- 
bitude delà  patience,  ce  feroit 
toujours  une  difpoiîtionauvice 
contraire;  l'autre  que  votre  pa- 
tience nepourroic  être  qu'im- 
parfaite »  &  que  ?ous  ne  feriez 
recompenfé  que  yarle  tems  où 
vous  l'auriez  exercée  ;  au  lieu 
que  fi  vous  n'aviez  pointfouhai- 
te  de  foulagement ,  mais  que 
vous  eulîlez  téinoignéune  rélî- 
gnation  entière  à  la  volonté  di- 
vine ,  quand  votre  peine  n'au* 
roit  dure  qu'un  quart-d'heure, 
Dieu  vous  en  récompenferoic 
commed'unelonguefoufFi  ance. 
Prenez  donc  pour  règle  gé- 
nérale en  toutes  chofes  jdenî 
vouloir  faire  que  ce  que  Dieu 
veut  ;  de  rapporter  là  tous  vo- 
délirs  y  comme  à  l'uuique  bue 
où  ils  doivent  tendre  :  par  ce 
moyen  ils  deviendrontjuftes  6c 
faints;  quelques  accidens  qui 
puiflent  arriver,  non-feulement 

Q 


2.d2  Le  Combat  Spirituel  9. 
vous  demeurerez  tranquille***, 
mais  vous  jouirez  d'un  conten- 
tement parfait;  car  comme  il 
n'arrive  rien  en  ce  monde  que 
par  l'ordre  de  Ja  Providence  ,  (i. 
vous  ne  voulez  que  ce  qu'elle 
veut  ,  vous  aurez  tout  ce  que 
vous  délirez,  parce  qu'il  n'arri- 
vera rien  que  félon  votre  vo- 
lonté. 

Ce  que  je  dis  ne  s'entend  pas 
à  la  vérité  des  péchés d'autrui- 
ni  des  vôtres,  puifque  Dieu  le? 
a  en  horreur ,  mais  il  s'entend 
de  toutes  fortes  de  peines  >  foit 
qu'elles  foient  des  punitions 
de  vos  péchés ,  ou  de  iimples 
épreuves  de  votre  vertu,  quand 
même  vous  en  auriez  le  cœur 
tout  pénétré  de  douleur,  Se 
que  vous  feriez  en  danger  d'err 
perdre  la  vie  :  car  ces  fortes  de- 
croix  font  celles  dont  Dieu  a 
coutume  de  favorifer  fes  meil- 
leurs amis. 

Que  ii  vouschercbezquelque 


Chapitre  XLII.    243 

adouch'Vement  de  votre  peine  , 
&:  que  vous  uliez  pour  cela  des 
moyens  communs  fans  pouvoir 
vous  fbulager ,  il  Faut  vous  ré- 
foudre à  fourFrirpaticmmentun 
mal  que  vous  avez  eiïayé  en 
▼aindeguérir  lilrautmème  que 
vous  employez  ces  moyens, 
qui  de  foi  font  bons ,  &  dont 
Dieu  veut  que  vous  vous  fer- 
viez  dans  le  befoin  :  il  faut 
dis- je  ,  que  vous  les  employez 
par  cette  feule  raifon  que  Dieu 
le  veut,  &  non  par  aucune  at- 
tache pour  vous-même  ,  ni  par 
une  trop  grand  paiTion  de  vou9 
délivrer  des  fouffrances. 

Chapitre  XLÎI. 

Comment  on  peut  fé1  défendre  des 
artifices  dû  démon,  lorfqu'fl 
fuggère  des  dévotions  indif- 
férentes* 

JuOrfque  le  démon  ,  cet  an- 
€ien  ferpent,  voit     qi'e  nous 


244  Le  Combat  Spirituel, 
marchons  d'un  pasaflurédans  la 
voie  du  ciel,  que  tous  nos  de- 
iîrs  vont  à  Dieu  ,  &  qu'il  ne 
peut  nous  engager  dans  le  mal 
par  des  artifices  grofliers  ,  il  fe 
transforme  en  ange  delnmiere, 
i'1  nous  pouffe  à  la  perfection, 
&:  nous  la  fait  délirer  aveuglé- 
ment &  fans  nul  égard  à  notre 
foibiefie  ;  il  nous  infpirè  des 
penfées  dévotes,  nous  allègue 
des  partages  del'Ecriture-.nous 
remetdevantlesyeuxlesexem- 
pies  des  plus  grands  Saints, aiin 
qu'une  ferveur  indifcrette  & 
précipitée  nousporte  trop  loin, 
&  "  nous  fa  (Te  faire  quelque 
lourde  chute 

II  nous  incite  ,  par  exemple, 
à  maltraiter  exceflivement  no- 
tre chair  par  des  disciplines  , 
par  des  jeûnes,  &par  d'autre» 
mortifications  Semblables.  Son 
deffein  eft,  oùquecroyantavoir 
fait  de  grandes  chofes,  nous  en 
tirions   vanité ,  ce  qui    arrive 


Chapi  tre    XLII.  245 

particulièrement  aux  femmes* 
ou  qu'abattus  par  des  péniten- 
ces trop  rigoùreufes ,  6c  au- 
(leilus  de  nos  Forces ,  nous  de- 
venions incapables  de  faire  au- 
cune bonne  œuvre  ;  ou  que  ne 
pouvant  plus  fupporter  les  tra- 
vaux d'une  vie  auftère  ,  nous 
nous  dégoûtions  peu  à-peu  des 
exercices  fpirituelsj  &  qu'enfin 
las  de  pratiquer  la  vertu- ,  nous 
recherchions  avec  plus  d'ar- 
deur que  jamais  les  plaifirs  Se 
les  divertiflemens  du  monde. 

Quipourroit  cîirecombicnde 
gensfe  font  perdus  delà  forte  ? 
La  préfomption  les  a  aveuglas 
jufqu'à  tfn  tel  point,  quefe  iaif- 
fant emporter indifcrettement  à 
un  zèle  trop  avide  de  fou  finan- 
ces ,  ils  font  tombés  dans  le 
piège  qu'ils  s'étoient  eux-mê- 
mes drefle,  &  for.tdevenus  en- 
fin le  jouet  des  démons.  Sans- 
doute  qu'ils  fefçroient  garantis 
d'un  fi  grand  malheur  ,  s'ils 
Qhj 


2^.6  Le  Combat  Spirituel? 
a  voient  coniidéré"  qu'en  ces 
exercices  de  mortification, 
quelque  louables  qu'ils  foient, 
&  quelque  fruits  qu'en  recueil- 
lent ceux  qui  ont  a:Tez  de  force 
de  corps ,  &  a  fiez  d'humilité 
d'efprit  pour  en  proSter,il  faut 
toujours,  coir.me  nous  avons 
déjà  dit  ,  garder  quelqueregie 
ck  voir  ce  qui  convient  davan- 
tageaux  difpofitionsoùroneit, 
car  tous  ne  peuvent  pas  faireau- 
tant  d'auftérités  que  les  Saines. 
mais  tous  peuvent  imiter  les 
Saints  en  beaucoup  de  chofes: 
ils  peuvent  former  dans  leur 
coeur  des  ciefirs  ardens&  effici- 
cescle  participer  aux  glorieu.fes 
couronnes  que  remportent  les 
vrais  foldats  de  J-  C.  dans  les 
combats  fpirituels -,  ils  peuvent 
à  leur  exemole  ,  meprifer  le 
monde,  oz  fe  meprifer  eux- 
mes ,  aimer  la  retraite  &le  fi- 
lence  ,  être  humbles  ck  chari- 
tables envers  tout  ie  monde  , 


Chapitre   XLIL    247 

-fbuflfrir  patiemment  les  injures, 
fair^cîu  bien  à  ceux  qui  leur 
fontle  plus  de  mal  ,  éviter  les 
moindres  fautes  ,  qui  font  des 
chofes  d'un  plus  grand  mérite 
auprès  de  Dieu  ,  que  toutes  les 
macérations  du  covp?. 

ïlcftmême  bon  deremarquer 
qu'au  commencement  il  vaut 
mieux  uferd'un  peudemodéra- 
tion  dans  les  pénitences  exté- 
rieures, afin  depou  voir  les  aug- 
menter,  quand  il  en  fera  be- 
foin  ,  que  pour  en  vouloir  trop 
faire  ,  le  mettre  en  danger  de 
n'en  Faire  plus  du  tout.  Je  vous 
dis  ceci  dans  la  uenfée  quevous 
êtes  bien    éloigné  de  l'erreur 
grofliere  où  font  quelques-uns 
quipaiTent  pour  fpirituels,  mais 
qui,  féduirs  par  l'amour-propre 
n'ont  rien  de  plusà  cœur  quede 
conferver  la  fanté.Ces  gens-là, 
pour  la  moindre  chofe  ,  crai- 
gnent de  s'incommoder  ,  &   il  ' 
u'jr  a  rien  de  quoi  ils  s*ocçxt* 


248  Le  Combat  Spirituel 9 
pent ,  ni  dont  ils  parlent  plus 
ibuventque  durégime  de  vivre 
qu'ils  doivent  garder.  Us  ont 
fur  le  choix  des  viandes  une  ex- 
trême  délicateffe  qui  ne  fert 
qu'à  les  affaiblir,  ils  préfèrent 
ordinairement  celles  qui  flat- 
tent davantage  le  goût  à  celles 
qui  font  meilleures  pour  l'efto- 
mac:  &  cependant,  fi  on  les  en 
croit,  tout  ce  qu'ils  préten- 
dent, c'eft  d'avoir  des  forces 
pour  mieux  iervir  Dieu. 

C'eft-làle  prétexte  dont  ils 
couvrent  leurfeafualité  :  m?.is 
dans  le  fond  ils  ne  cherchent 
que  le  moyen  d'accorder  en- 
iemble  deux  ennemis  irrécon- 
ciliables ,  qui  font  la  chair  6c 
î'efprit  ,  ce  qui  va  infailli- 
blement à  la  ruine  de  tous  les 
deux  ;  puifqu'en  même  -  tems 
l'un  perd  fa  fanté  &  l'autre  la 
dévotion  :  c'eft-  pourquoi  une 
manière  de  vivre  moins  délica- 
te fcmoin$inquiéte,elltoujours 


Chapitre  XLIIL  24$ 

Ja  plus  aifée  &  la  plus  sûre. 

Il  faut  néanmoins  y  garder 
quelques  mefures  ,  &  avoir 
egarcauxdiverfes  complétions 
qui  n'étant -pas  également  for- 
tes ne  peuvent  pas  foutenir  les 
mêmes  travaux.  J'ajoute  qu'il 
faut  de  la  di  fer  et  ion  peur  ne 
pas  aller  trop  loin  dans  ceux 
qui  font  pure  ment  intérieurs  & 
ipirituels  ;  ainli  que  nous  l'a- 
vons fait  voir,  en  expliquant  la 
manière  de  s'élever  par  degrés 
aux  plus  fublimes  vertus. 
f  1  .  ■    11  

Chapitre   XLIIL 

Que  notre  mauvaife  inclina" 
lion  jointe  aux  ju%geftions 
du  Démon,  nousporte  àjuger 
témérairement  du  prochain  > 
de  quelle  manière  nous  devons 
y  réfijler. 


A  bonne  opinion  que  nous 
avons  de  nous-mêmes,  produit 
un  autre défoidre  bienpréjudi 
ciable,  c'eft  lejugement  témé- 


2.JO  LeComlat  Spirituel, 
raire.qui  fait  que  nous  conce- 
vons &  que  nous  donnons  aux 
autres  une  baffe  idée  de  notre 
prochain.  Comme  ce  vice  naic 
de  notre  orgueil,  c'eftaufti  par 
notre  orgueil  qu'îîs'entretient; 
•&  plus  il  augmente ,  plus  nous 
devenons  prëfomptu  eux, pleins 
denous-mêmes,  £i  rupceptibles 
desillufion?  du  demomcarr.ous 
venons   infenfiblement  à  avoir 
pour  nous  d'autant  plus  d'efti- 
•me,  que  nous  en  avons  moins 
pour  les  autres  ;  étant  fauffe- 
ment  perfuadës  que  nous  fom- 
mes  tout-  à  -  fait  exempts  des 
fautes  dont  nous  les    jugeons 
coupables. 

Lorfque  l'ennemide  notrefa- 
lutreconnoit  en  nous  cette  mé- 
chante difpofition  ,il  emploie 
toutes  fes  rufes  pour  nous  ren- 
dre continuellement  attentifsà 
examineriez  défauts  d'autruî  ; 
ck  à  nous  les  ri -jurer  plus  grands 
qu'ils  ne  fonc.  Il  if  eftpas  croya- 


Chapitre  XLIÎT.  2jt 

•ble  combien  il  s'efforce  de  nous 
remettre  àtoutmomentdevant 
les  yeux  quelques  légères  im- 
perfedtionsque  housavons  vues 
dans  nos  frères  ,  Iorfqu'il  ne 
peut  nous  y  en  faire  remarquer 
de  conlidérables. 

Puis  donc  qu'il  efl:  fi  artifi- 
cieux ,  &c  fi  applique  à  nous 
nuire,  ne  foyons  pas  moins  vi- 
gilans  à  découvrir  &  à  éviter 
les  pièges  ;  auiTi-tôt  qu'il  nous 
représente  quelque  vicecupro- 
chain  ,  rejetteras  cette  peu  fée  ; 
&  s'il  continue  à  nous  prefler 
d'en  former  un  jugement  défa- 
vantageux,  gardons-nous  bien 
d'écouter  fes  fuggeftions  mali- 
gnes. Sou  vehons-nousq ne  nous 
n'avons  pasVautoriténécefTaire 
pourjuger,  &  que  quand  même 
nous  l'aurions  ,  nous  ne  ferions 
pas  a(Turés  de  juger  équitable- 
ment  ;  parce  que  nous  fommes 
prévenus  de  millepafîlonsaveu- 
gles  &  que  naturellement  uous 


2^2  Le  Combat  Spirituel , 
prenons  pîailïr   à  cenfurer   les 
ââions  &:  la  vied'autrui. 

Pour  lemédierelficacementà 
un  mal  iidangereux,  ayons  l'ef- 
prit  entièrement  occupé  de  nos 
miferes  ;  nous  trouverons  au- 
dedans  de  nous  tant  de  chofes 
àréformer,  que  l'envie  ne  nous 
prendra  pas  juger  &  de  con- 
damner ]çs  autres;  de  plus  ,  çji 
nous  appliquant  à.  coniidérer 
nos  propres  défauts ,  nous  gué- 
rirons aifément  l'oeil  de  notre 
ame  d'une  certaine  malignité  , 
qui  eft  la  fource  des  jugemens 
téméraires;  car  quiconque  juge 
fans  rai  Ton  que  fon  frère  eft:  iu- 
jet  àquelque  vice,  n'a  que  trop 
de  fondement  pour  croire  qu'il 
y  eft  fujet  lui-  même,  puifqu'un 
homme  vicieux  penfe  toujours 
que  les  autres  lui  reflembîent. 
Lors  donc  que  nous  fommes 
près  de  condamner  la  conduire 
de  quelque  perfonne,  blâmons- 
nous  intérieurement  nous  me- 


Chapitre  XLIII.  25*3 

mes,  &.  faifbns-nous  ce  jutte  re- 
proche :  Aveugle  Se  prefomp- 
tueux,  comment  es-tu  il  témé- 
raireque  de  critiquer  lesactions 
de  ton  prochain  ,  toi  qui  as  les 
mêmes  défauts ,  &  qui  en  a  de 
plus  grands  que  lui?  A  im!  tour- 
nant contre  nousnos  propresar- 
Eies  ,  au  lieu  d'en  Méfier  nos 
frères ,  nous  les  employeronsà 
guérir  nos  plaie** 

Que  fila  faute  quenouscon- 
damnonseftréelle  &  manifefte , 
exeufons  par  charité  celui  qui 
l'a  comaiire;croyons  qu'il  a  des 
vertus cachéesqu'il  n'auroitpu 
conferver,  fi  Dieun'eûtpermis 
cette  chute  :  croyons  qu'un  lé- 
ger défaut  que  Dieu  lailaiffe 
pour  quelque  tems ,  rabattra 
beaucoup  de  la  bonne  opinion 
qu'il  a  de  lui-même  ;  qu'étant 
méprifé  des  autres ,  il  en  de- 
viendra plus  humble  ,  Se  par 
conféquent  que  Ton  gain  fera 
plus  grand  que  fa  perte; mais  ii 


2J.I  le  Ccnu l-at Spirituel y 
lépéché  eft  non- feulement  pu- 
blic, mais  énorme;  ri  le  pécheur 
eit  endurci  &  impénitent ,  éle- 
vons notre  efpric  au  ciel  ;  en- 
tre ns  dans  les  iecrets  jugemens 
de  Dieu,coniîdéionsque  beau- 
coup de  gens,  après  avoir 
long- teins  vécu  dansle  crime, 
font  devenus  de  grands  Saints, 
ck  que  d'autres  àucontraire  qui 
fembloient  être  arrivés  aucom- 
ble  dëTbi  perfection,  font  tom- 
bés malheureusement  dans  un 
abyrne  d'iniquités. 

P*r  ces  considérations  ,  cha^- 
cun  comprendra  qu'il  n'y  a  pas 
moins  à  craindre  pour  lui  que 
pour  tout  autre, &  que:;s'il  fent 
quelque  inclination  à  juger  fa- 
vorablement des  autres,  c'ell 
ie  faint-  Efprit  qui  la  lui  donne,. 
au  lieu  que  fes  jugemens  témé- 
raires ,  les  averfions  &  fon  mé- 
pris pour  leprochain  n'ontpoint 
d'autre  chefe  que  fa  propre 
malignité  &  lafuggefliondudé- 


Chapitre  XLIV.  25*5: 
WQD.Sidotîcnous  nous  fommes' 
arrêtés  à  coniidéier  trop  cu- 
rie ufement  lesdéfauts  d'autrui, 
ne  nous  donnons  pointde  repos 
que  tout  ne  foit  effacé  de  no- 
tre mémoire* 

Chapitre  XLIV.- 
De    V  Or  ai  fort- 

*5>I  ladéfiancedsspous-mêmM,. 
la  confiance  en  Dieu  ,  &  le  bon 

uiage  de  nos  puiiïancesïbnt  des 
armes  néceiTai-res  dans  le  com- 
bat fpirituel,  comme  on  l'a  fait 
voir  jufqu'ici  ,  FOraifon  ,  que 
nous  avons  mile  la  dernière,  eft 
encore  d'unepîurgrande  nccef- 
iué.puifque  c'eft  par  ellequ'on 
obtientde  Dieu, non-feulement 
cesvertus ,  mais  généralement 
tous  les  biens  dont  on  a  befoin; 
c'elt  par  ce  canal  que  découlent 
toutes  les  grâces  qu'on  îeçoit 
d'en-haut;c'efte!lequi  fait  que 
leTout-puiilant  \  ient  du  ciel  à 


2y6  Lt  Combat  Spirituel , 
notre  fecours ,  6c  que  par  des 
mains  aum"  foibles  que  les  nô- 
tres ,  il  détruit  nos  plus  redou- 
tables ennemis.  Pour  nous  en 
fervir  comme  il  faut ,  voici  ce 
que  nous  avons  à  faire. 

i.  Nous  devons  avoir  unvé- 
ritabledeiir  de  fervirDieu  avec 
ferveur  ,  &  en  la  manière  qui 
lui  fera  îe  p! us  agréable.  Or  ce 
defir  s'aHumeradansnotre  cœur 
fi  nous  confiderons  attentive- 
ment trois  chofes.  La  première 
eft,  queDiey  mérite  infiniment 
d'être  fervi  &  honoré  à  caufe 
de  l'excellence  de  fonEtre  fou- 
verain,de  fa  bonté,de  fa  beau- 
té, de  fa  fageiTe,defa  puiïïance 
&  de  toutes  fes  perfections 
ineffables.  La  féconde  eft,  que' 
ce  Dieu  fait  homme ,  n'a  ce  (Té, 
durant  trente-trois  années ,  de 
travailler  pournotre  fa!ut,qu'il 
a  bien  voulu  pan  fer  de  fes  pro- 
pres mains  les  horribles  plaies 
de  nos  péchés ,  &  qu'il  a  eu  la 
bonté 


Chapitre  XLIV.  25-7 

bonté  de  les  guérir,  non  pas  et* 
y  verfant  du  vin  &  de  l'huile  y 
mais  en  y  appliquant  fon  fang 
précieux  &  Ta  chair  très-pure, 
toute  déchirée  par  les  fouets  9 
par  les  épines  &par  l'es  clou?» 
JLa  troifienie  eft,qu'il  nous  im- 
porte extrêmement  de  garder 
fz.  loi  ,&  de  nous  bien  acquiter 
de  nos  devoirs;  puifque  c'eft 
l'unique  moyen  de  nous  rendre- 
maîtres  de  nous-mêmes,  victo- 
rieux du  Démon  &  enrans  de- 
Dieu. 

2.  Nous  devons  avoir  une 
foi  vive  £•:  une  ferme  confiance 
qaeDieu  ne  nous  refuferapoint 
les  feconrs  nécefTaires  pour  le 
bien  fervir  ,  & -pour  opérer 
notre  falut.  Une  amepleine  de 
cettôfoiflte  confiance, eit  com- 
me un  vafe  facré  où  la  divine 
miférico:  de  répand  les  tréfors 
de  fa  grâce-;  &  plus  iî  eft 
grand  ,  plus  eft  grande  aufiî  l'a* 
konda-nce  desbénéxiicHons  cé- 
& 


2yS  Le  Combat  Spirituel , 
leiies  que  l'Oraifon  y  attire  ; 
car ,  comment  un  Dieu  ,  à  qui 
rien  n'eft  impofïïble  ,  &  qui  ne 
trompe  perfonne  ,  pourroit-U 
ne  pars  nous  communiquer  fes 
dons ,  lui  qui  nous  prèfl'e  de  les 
demander  ,  qui  nous  promet 
frn  faint-Efprit  ,  pourvu  que 
fl  o  us  1  e  ci  e  m  a  n  cl  ion  s  a  v  e  c  fo  i  8c 
avec  perféverance  ? 

3 .  Nous  devons  prier  par  îe 
feui  motif  de  faire  ce  que  Dieu 
veut  ,  &  non  pas  ce  que  nous 
voulons  ;  de  forte  que  nous  r.e 
nous  appliquons  à  la  prière  , 
qu'à  caufe  que  Dieu  nous  le 
commande,  &  que  nous  ne  o'e- 
firons  d'être  exaucés,  queu- 
tant qui!  lui  plaît;  qu'ainli  nous 
avons  purement  en  vue  de  con- 
former notre  volonté  à  la  Hen- 
né ,  &  non  pas  d'accommoder 
fa  volonté  à  'a  nôtre.  Larai- 
fon  de  ceci  elt  que  l'amour- 
propre  ayant  perverti  &  cor- 
rompu notre  volonté  ,  nous  ne^ 


Chapitre  XLIV*  ifê 
favuns  le  plus  Couvent  ce  que 
nous  demandons;  au  lieu  que 
la  volume  divine  ne  peiftman- 
quer,étanteiTentielIementjufie 
&  fainte  ;  aufii  doit-elle  êtiela 
régie  de  toute  autre  volonté  , 
&:  c'eiï  s'égarer  que  de  ne  la 
pas  fuivre.  Prenons  donc  garde 
à  ne  demandera  Dieu  que  des 
choies  qui  lui  agréent":  s'il  y 
a  lieu  de  craindre  que  ce  que 
nous  fouhaitons  ,  ne  loir  pas 
conforme  à  fa  volonté,  ne  le 
demandons  qu'avec  uneentiere 
fourni Jîon  aux  ordres  defa  pro- 
vidence ;  mais  fi  les  chofes  que 
nous  voulons  obtenir  ne  peu- 
vent lui  être  que  très- agréa- 
bles ,  comme  des  grâces  èz  des 
vertus  ,  demandons-les  plutôt 
pour  lui  plaire  &  pour  fer  vida 
divine  majefté,  que  pour  t< 
autre  confidération  ,  quelque 
fpirituel'e  qu'elle ioit. 

4.  Si  nous  vouions  que  noj 
'prières  foient  exaucées,'  il  faut 


&6"o  le  Combat  Spirituel^ 
que  nos  œuvres  s'accordent 
avec  nos  demandes  ,  il  faut 
qu'avant  TOraifon  &  après  r 
nous  travaillions  de  toutes  nos 
forces  pour  nous  rendre  dignes 
<de  la  grâce  que  nous  délirons 
obtenir  j  car  l'exercice  del'O- 
raifon  &  celui  de  la  mortifica- 
.  tion  intérieure  9  ne  doivent  ja- 
mais aller  l'unlrinsl'autre  parce 
que  c'eft  tenter  Dieu  que  de  lui 
demander  une  vertu  ,  &:  de  ne- 
pas  fe  mettre  en  peine  de  îi 
pratiquer. 

j.  Avant  que  de  rien  de- 
mander à  Dieu  ,  rendorrs-lui 
«le  trè's-hirmbles  acYio.ns  de 
•grâces  pour  tous  l'es  biens  qu'il 
lui  a  plu  de  noas  faire.  N  ous 
lui  pourrons  dire  ,  Seigneur, 
qui  y  après  m'a  voir  créé  ,  m'a- 
vez racheté  par  votre  miféri- 
corcV,  &  m'avez  en  fuite  â€- 
livri  une  -infinité  de  fois  de  l'a. 
fuïet'rde mes  ennemis,  venez 
îaaincci.duw  a  inoii  iccuurs  ;  &c 


Chapitre  XL'TV.  2<t 
oubiiant  mes  ingratitudes  paf- 
£V'es,ne  me  refufez  pas  la  grâce 
■que  ^e  vous  demande.  Que  fi 
lors  même  que  nous  voulons 
obtenir  quelque  vertu  en  par- 
ticuliei*,nous  femmes  tentés  du 
vice  contraire  ,  ne  manquons 
pas  de  remercier  Dreu  de  Toc- 
cafion  qu'il  nous  ckmne d'exer- 
cer cette  vertn;car  ce  n'efl:  pas 
une  petite  faveur. 

6.  Comme  l'oratfon  doit 
toute  fa  force  &  fon  efficace  à 
la  fou  vendue  bonté  de  Dieu  , 
aux  mérites  de  la  vie  &de  la 
paflfion  de  notre  Seigneur ,  6c 
à  la  promette  qu'il  nous  a  faite 
«le  nous  exaucer  ,  nous  met- 
trons toujours  à  la  fin  de  nos 
prières  une  ou  plufieurs  con- 
clurions fuivantes  :  Je  vous 
conjure  ,  Seigneur  par  votre 
divine  miféricorde  ,  de  m'oc- 
troyer  cetre  grâce ,  accordez- 
moi  pir  hs  mérites  de  votre 
Fils,  ce  que  je  vous  demande: 
il  iij 


'2.62  Le  Combat  Spirituel y 
fuuvenez-vous,  ô  mon  Dieu, 
cie  vos  promettes  ,  &  exaucez 
roesprieres.  Quelquefois  il  ieia 
bon  d'employer  auprès  deDieu 
rinterccflionde  laiainte  Vierge 
&:  des  autres  Saints  ;  car  ils 
ont  au  ciel  beaucoup  de  pou- 
voir ,  &:  Dieu  prend  plaiiïr  à 
les  honorer  ,  à  proportion  de 
l'honneur  qu'ils  lui  ont  rendu 
pendant  leur  vie. 

7.  Il  faut  de  plus  perfévérer 
dans  cet  exercice  ,  parce  que 
le  Tout-puhTant  ne  peut  refit- 
ter  à  uae  humble  pei  fe'vérance. 
dans  la  prière  ;  que  fi  l'impor- 
tunité  de  la  veuve  de  l'Evan- 
gile pût  fléchir  un  méchant 
Juge  ,  comment  nos  prières  ne 
toucheroient-eilespasun  Dieu 
infiniment  bon?  Et  enfip  quand 
il  tarderont  à  nous  accorder 
nos  demandes  ;  quand  il  fem- 
bleroit  ne  vouloir  pas  même 
nousécouter5nous  r.e  devrions 
pas  pour  cela  perdre  la  cos- 


Chapitre  XLIV.  263 

tëance  que  nous  avons  en  l'on 
infinie  bonté  ,  ni  cetter  de  le 
prier  ;  parce  qu'il  a  dans  le 
îouverain  degré  tout  ce  qui 
elc  néceiiaire  pour  pouvoir  ôc 
pour  vouloir  nous  taire  du 
bien.  Si  clone  il  ne  manque 
rien  ce  frotre  coté  ,  nous  ob- 
tiendrons infailliblement  ce 
que  nous  demanderons  ,  ou 
quelque  choie  de  mei.îeur  ,  êc 
peut-être  même  l'un  8c  l'au- 
tre. Aurefre,  plus  nous  croi- 
rons être  rebutés ,  plus  il  faut 
que  nous  concevions  de  mé- 
pris &  de  haine  pour  nous-mê- 
mes; de  telle  forte  néan- 
moins qu'en  con-fidérant  nos  mi- 
feres  ,  nous  envifagions  tou- 
jours la  divine  rniferico  *de  ;  & 
que  bien  loin  de  diminuemo» 
tre  confiance  en  elle  ,  nous 
l'augmentions,  dans  la  penfée 
que  plus  nous  demeureronsfer- 
mes  parmi  les  fujets  de  dé*ffan- 
ee>  plus  nous  aurons  démérité» 
K  iy 


22^4  Le  Combat  Spin'tueï? 

Enfin  ,  ne  cédons  jamais  de 
remercier  Dieu,  béni  (Ton  s  éga- 
lement fa  facette,  fa  bonté  ,  fa 
Charité  foit  qu'il  nous  refufe^ 
ou  qu'il  nous  accorde  nos  de- 
mandes ;  &  quoi  qu'il  arrive  , 
demeurons  toujours  tranquil- 
les ,  contens  &:  fournis  en  tout 

à  fa  providence. 

_ _  -~ 

Chapitre  XLV. 

Cequec 'efîqu'el 'or.iifon  mentale* 

.l^'Oraifon  mentaleeft  uneélé- 
vation  de  l'eCpLlt  à  Dieu,  dans 
laquelle  on  iuldem?o!"  °:-  c:<- 
preflement ,  ou  tac;  emcnt,  le3 
chofes  dont  on  croi.  avoir  3e- 
fbîti. 

On  les  lui  demande  exprefTé»- 
raent  ,  lorfque  du  coeur  on  lui 
dit  :  O  mon  Dieu ,  acordez- 
moi  cette  ^raceoour  l'honneur 
de  votre  faint  Nom  ;  ou  bien  : 
Seigneur  je  crois  fermement 
que  vous  voulez  ;  &.  qu'il  eit  de 


€ha?it*eXLV.  û«y 

votre  gloire  ,  que  je  vous  de- 
mande cettefaveur.Accornplif- 
fev/  donc  maitrteïiaat  en  moi  vo- 
tre divine  volonté.  Quand  nos 
ennemis  nous  attaquent^:  nous 
prefiTent  le  plus  vivement,nous 
pouvons  lui  faire  cette  prière  : 
Hâtez-vous  Seigneur  ,  de  me 
feco'trrïr  de  peur  que  je  ne  de- 
viennela  proie  de  nies  ennemis, 
ou  cette  autres  Mon  Dieu  ,mon 
refuge  &  tout  ma  Force,  fe- 
courez-moi  promptement .,  -de 
«crainte  que  je  ne  fuccombe.  Si 
la  tentation  continue,  nous  con- 
tinuerons aufli  à  prier  de  lé  û\êr 
me  forte, -reYiitamtoujourscou- 
rageafemeet  au  malin  efpnt. 
Quand  le  plus  fort  du  combat 
fera  patte  ,  nous  nous  tourne- 
rons vers  notre  Seigneur  ,  &le 
priant  de  confidérer  d'un  côté 
les  forces  de  notre  ennemi ,  de 
l'autre  notre  foiblefie,  nous  lui 
dirons  :  Voici  ,  ô  mon  Dieu  , 
votre  créature  i  yoici  l'ouvrage 


2.66  Le  Combat  Spirituel  > 
de  vos  mains  :  voici  cet  homme 
qoevousavez racheté  de  votre 
fang  ;  voyez  le  démon  qui  s'ef- 
force de  vous  l'enlever  &  de  le 
perdre.  C'elt  à  vous  que  j'aire- 
cours,  c*eften  vousqueje  mets 
toute  ma  confiance  ,  parce  que 
je  fais  que  vous  êtes  infiniment 
bon  &  infiniment  puhTant.  Ayez 
pitiéd'un  aveugle, quoique  vo- 
lontaire, qui  ,  fans  le  fe cours 
de  votre  grâce,  ne  peut  éviter 
de  tomberentre  lesmainsdevo- 
tre ennemi.  Âiliitez-moi  donc, 
ô  mon  unique  efpérance  i  6 
toute  la  force  de  mon  arae. 

On  demande  tacitement  des 
grâces  à  Dieu  ,  lorsqu'on  fe 
contente  de  lui  repréfenter  fes 
beioins,  fans  rien  dire  davanta- 
ge. Etant  donc  en  fa  préfence, 
ck  reconnoiiTant  que  de  nous- 
mêmes  nous  ne  fournies  point 
capables  d'éviter  le  mal,  ni  de 
faire  le  bien;  brûlant  d'ailleurs 
du  deîir  de  le  fervir,  nousarrê- 


Chapitre  XLV.  267 
ferons  la  vue  fur  lui  ;  enatten-, 
da^ntfon  fecours  avec  confiance 
&  avec  humilité.  Cet  aveu  de 
notre  foib'efle,  ce defirdefex- 
vii  Dieu-,  cet  a&ede  foifaitde 
la  manière  dont  j'ai  dit ,  tout 
cela  efhrne  prière  tacitequi  ob- 
tient infailliblement  eu  ciel  ce 
que  nous  \  oulons,&:  quia  d'au- 
tant plus  de  forée  que  l'aveu 
eft  plus  fincere  ,  le  defir  plus 
ardent ,  la  foi  plus  vive.  Il  y  a 
une  autre  prière  fembJable  , 
mais  plus  courte  ,  laquelle  fe 
fait  par  un  regard  fimple  de  l'a- 
me  qui  expofe  aux  yeux  du 
Seigneur  fon  indigence  ,  &:  ce 
regard  n'ed  autre  chofe  que 
le  iou venir  d'une  grâce  qu'on 
avoit  déjà  demandée  &  qu'on 
demande  encore,  fans  rien  dire 
6c  fans  exprimer  fon  delir. 

Tâchons  de  mettre  en  ufage 
cette  forte  d'Orai/on  ,  &  ap- 
prenons à  nous  en  fervir  en 
toute  rencontre,    parce  que 


2'tâ>  Le  Comlat  Spirituel^ 
■inexpérience  nous  fera  voir  que 
•comme  il  n'y  a  rien.de  plasaifé. 
il  n'y  a  >rien  autfi  de  plus  excel- 
lent ni  déplus  utile. 

m  ...il  p 

Chapi  t  r  e  XL  VL 

De  la  Médita  don. 


Uand  on  veut  donner  ira 
peu  plus  de  teins  à  la  prière  , 
comme  une  demi- heure,ouutre 
heure,  ou  même  davantage  ,  il 
faut  y  joindre  la  méditationfur 
quelque  pointde  la  vie  oude  la 
pafiloia  de  notre  Seigneur  ,  & 
appliquer  à  là  vertu  q-u'onveivt 
acquérir ,  toutes  les  réflexions 
qui  fe  font  fur  cette  matière. 

Si  donc  von?  avez  be  foin  de 
vous  exciter  à  la  patience  ,  ar- 
rêtez-vou^  à  confidérezle  myf- 
tere  de  la  flagellation  de  votre 
Sauveur.  Songez,  i.  Comme 
les  foldats  ayant  eu  ordre  de  le 
conduire  dans  le  lieu  où  il  de- 
vait -ètïe  fouetté  ,  il  l'y  traî- 


Chapitre  XLVL 26$ 

nerent  avec  de  grands  cris 
&c  des  railleries  fanglantes.. 
z. Comme  ces  cruels  bourreaux 
l'ayant  dépouillé  ,.  fon  corps 
t  r  è  s  -  p  u  r  de  m  e  u  r  a  t  ou  C  nu d .  3 ,. 
Comme  fes  mains  innocentes 
furent  liées  très-étroite  ment  à 
là  colonne.  4.  Comme  toutfon- 
corps  fut  tellement  déchirépar 
les  fouets  }  qu'il  encouloit  juf~ 
qu'à  terre  desruùTeaux  defang». 
y. Comme  les  coup?  fouventre- 
doublés  dans  une  même  partie:, 
augraentoient&renouvelloient. 
fes  plates*. 

Pendant  que  vous  méditerez 
fur  ces  points  ou  fur  d'autres- 
£emblabi'es,propres  à  vous  infc 
pirer  l'amour  de  la  patience  ,. 
appliquez  d'abord  vos  fens  in- 
térieurs à  reûentir  le  plus  vi- 
vement que  vous  pourrez  ,  les 
douleurs  inconcevables  que 
fouffrit votre  divin  Maître  dans- 
toutes  les  parties  d'efon  corps  > 
dedans  chacune  en-patticulier* 


27°  Le  Combat  Spirituel , 
De-là  paifez  à  la  confidération 
deceï'e  qu'il  enduroitdans  fon 
aine  fainte  ,  &  tâchez  de  con- 
cevoir avec  quelle  patier.ce  & 
quelle  douceur  il  les  enduroit , 
toujours  prêt  à  en  fouiriir  de 
nouvelles  pour  la  gloire  de  Ton 
Père  &  pour  votre  bien. 

Après  cela ,  regardez-le  tout 
couvert  de  fang  ,  &  aflurez- 
vous  que  ce  qu'il  a  le  plus  à 
cœur  eit  que  vous  preniez  en 
patience  votre  affliction  ,  & 
qu'il  prie  même  fon  Père  de 
vous  aider  à  porter  non-feule- 
ment cette  croix  ,  mais  même 
toutes  celles  qui  pourront  vous 
arriver  dans  la  fuite.  Confir- 
mez par  de  nouveaux  adfces  la 
réfolution  où  vous  êtes  detout 
foufFrir  avec  joie  ,  puis  élevant 
votre  efprit  au  Ciel  ,  rendez 
au  Père  des  miféricordesmil'e 
actions  de  grâce  ,  de  ce  qu'il  a 
bien  voulu  envoyer  au  monde 
.fofl  Fils  unique,  aân  qu'il  fouf- 


Chapitr  e  XLVEI.  171 
Frit  de  fi  hor-ribles  tourmens  , 

afin  qu'il  intercédât  pour  vous. 
Priez-le  enfin  de  vuus'donner 
îa  vertu  de  la  patience  par  les 
mérites  &par  I  îVterceflTiyii  de 
ce  Fils  qu'il  aime  comme  lui- 
même. 

Chapitre  XLVII. 

D'une  autre  façon  de  prier  par 
là  vole  de  la  Méditation. 

Y  Cas  pourrez  encore  prier 
&  méditer  d'une  autre  façon. 
Après  avoir  conlklére  àtte'htî- 
Te  nient  les  peines  de  notre3ei- 
gnetir  &  ra;ég:-elle  :i  /ec  la- 
quelle il  les  fou frroic, vous  paf- 
f  e  r  e  z  de  îa  c  0  n  \  i  d  e  r  a  :  i  0  n  d  e  Tes 
douleurs  .&  de  fa  patience  ,  à 
deux  autres  converfàtionstion 
moins  néceilaires.. 

L'une  fera  celle  de  Tes  méri- 
tes infinis  ,  Paùtre  celle  du 
contentement  ôc  de  la  gloire 


Tp.  Le  Combat  Spirituel, 
que  reçut  le  Père  Eternel  de 
î'obéillance  qu'il  lui  rendit  juf- 
qu'à  la  mort  ,  &  même  à  la 
mort  de  laCroix.  Vous  repré- 
fenterez  ces  deux  chofesà  fa 
divine  Majefréj  comme  deux 
.raiforts  puhTantes'pour  en  ob- 
tenir Sa  grâce  que  vous  déli- 
rez.. Cette  pratique  pourra  s'é- 
tendre non- feulement  à  tous 
les  myfteres  de  la  Paillon  an 
fils  de  Diea,  mais  encore  à 
.tous  lesaffcès,  foit  intérieurs^ 
fait  extérieurs  ,  qu'il  raifoiten 
chaque  myftere.. 

€  H  A  P  I  T  R  E    XL  V III. 

D'une,  manière  de  prier  ,  fondée 
fur  i'interceffirQn  delà  fainte 
Vierge* 

^L/Utre  les  manières  de  mé- 
ditation dont  nous  venons  de 
parler  ,  il  y  en  a  une  autre  qui 
&'a4cdTè  particulièrement  à  là 


Chapitre  XLVIII.  275: 
Sainte  Vierge.  D'abord  vous 
vousremettrez  devant  les  yeux- 
Je  Père  Eternel  ,  puis  Jeius- 
Clirift  notreSeigneur,  &:  enfin 
fa  glorieufe  mère. 

  l'égard  du  Père  Eternel,, 
vousconfidérerezdeuxchofes  :- 
L'une  eft  l'affection  toute  fin- 
gulière  qu'ila  eu  de  toute  éter- 
nité pour  cette  Vierge  très- 
pure  ,  avant  même  qu'il  l'eût 
tirée  du  néant:  l'autre  eft  1  emi- 
nente  fainteté  qu'il  lui  a  com- 
muniquée,&itoutîebien  qu'elle 
a  fait  depuis  le  moment  de  fa?- 
conception,  jufqu'à  celui  de  f& 
mort 

Pour  la  premiers  ,  voici  ce- 
que  vous  avez  à  faire.  Gom-- 
mencez  par  vous  élever  en< 
efptit  au-deflus  de  toutes  les" 
créatures,  portez'vospenfëes* 
au  de-là  de  tous  les-  tems  ;  en- 
trez dans  l'abyme  de  l'été.-— 
ni  té  ,  pénétrez  jufque  dans  le* 
cœur  de  Dieu  „  &  voyez  ataetf 


274  Le  Comh.it  Spirituel , 
queiiefatisfadfcion  il  coniidéroit 
dans  l'aven  if  celle  qu'il  deiïi- 
noit  pour  Mère  à  fon  Fi!s;con- 
jurez-le  par  le  plaiiir  qu'il  y 
prenoit  de' vous  donner  a  fiez 
de  force  pour  vaincre  vos  en- 
nemis ,  &  fur-tout  celui  qui 
vousfairpréientementune  plus 
cruelle  guerre.  Après  cela  re- 
préfentez-vous  les  vertus  & 
les  adfcions  héroïques  de  cette 
Vierge  incomparable  ;  offrez* 
les  à  Dieu, ou  toutes  enfemb'e, 
ou  chacune  en  particulier ,  &c 
faites-vous  en  un  mérite  ,  pour 
obtenir  de  la  divine  bonté  tou- 
tes les  chofes  dont  vous  pouvez 
avoir  befoin. 

AdrefTez-vous  enfuite  à  Je- 
fus  ;  &  priez-le  de  fe  fouvenir 
de  cette  Mère  li  aimable  ,  qui 
le  porta  neuf  mois  entiers  dans 
fon  fein  ,  qui  dès  qu'il  fut  ne  , 
l'adora  avecunprofond  refpeéfc 
le  reconnoiiTant  pour  vrai  Dieu 
&  pour  vrai  Homme;  pour  foa 


Chapitre  XLVIII.  275" 
Créateur  &  pour  ion  Fils  tout 
enfemble,  qui  le  vit  aveccom- 
paflîoncouclîépauvrementdans 
ur.e  étable  ;  qui  le  nourit  de' 
fon  laittrès-pur;qui  l'embrasa* 
&  le  baifa  mille  rois  avec  ten- 
dre fie  ;  qui  fouffrit  pour  lui 
durant  fa  vie  &:  fa  Mort  des 
peines  inconcevables.  Expo- 
iez-lui  fi  bien  toutes  ces  cho- 
ies ,  que  vous  l'obligiez  par 
des  considérations  fi  puifiantes' 
à  exaucer  votre  prière. 

Puis  venant  à  la  Vierge  mê- 
me, dites-lui  que "1  a  providence* 
l'a  prédeftinée  avant  tous  les 
liecles  pour  être  Mère  de  mi- 
féricorde,  &  Avocate  des  pé- 
cheurs :  que  par  conséquent" 
après  fon  Fils ,  elle  efi:  celle  em 
qui  vous  avez  le  plus  de  con- 
fiance. Remettez-lui  en  mé- 
moire cette  vérité,  fi  confiante 
parmi  les  Dc&eurs,  &  conhr-- 
mee  partant  de  merveilles  ex— 
traordir.aires  ,  que  jamais  nuli 


276  Le  ComBat  Spirituel, 
ne  l'a  invoqué  avec  foi,  qu'if 
n'en  ait  été  fecouru  dans  le  be- 
foin.  Enfin  ,  préfentez  lui  tou- 
tes les  peines  que  fon  Fils  a  en- 
durées pour  votre  falut  ;  afin 
qu'elle  vous  obtienne  de  lui  la 
grâce  d'enprohcerpour  la  gloi- 
re &  pour  la  iatisfadion  de  cet 
aimable  Sauveur. 

»■■  '!■■■-  ■     1    ■    1         -  ■  i.MB 

Chapitre  XL  IX. 

De  quelques  confédérations  qui 
peuvent  porter  les  pécheurs  à 
recourir  avec-  confiance  à  la 
fainte   Vierge» 


Q 


^(Jiconque  veut  recourir 
avec  une  ferme  confiance  à  la 
fainte  Vierge  ,  doit  s'y  exciter 
parles  confie! érationsfui vantes. 

1.  L'expérience  montrequ'un 
vafe  où  il  y  a  eu  du  mufc  ou  du 
baume  ,  en  retient  l'odeur,fur- 
tout  quand  le  mufc  oulebaume 
y  a  demeuré  long-teras,    ou 


Chapitre  XLIX.  277 

qu'ilyenrefte  quelque  peu. Ce- 
pendant, ni  l'un  ni  l'autre  n'a 
qu'une  vertu  limitée  -,  non  pins 
que  le  feu  ,  dont  on  confeive 
la  chaleur  après  que  l'on  s'en 
eft  retiré.  Cela  étant,  que  di- 
rons-nous de  la  charité  &  delà 
mifericorde  de  cette  Vierge  , 
qui  a  porté  pendant  neuf  mois 
dans  fes  entrailles,  &  qui  porte 
encore  dans  fon  cœur  le  Fils 
unique  de  Dieu  ,  la  charité  in- 
créée  ,  dont  la  vertu  n'a  point 
de  bornes  ?  S'il  eft  înipo(ïîbte 
de  s'approcher  d'un  grandfeu  , 
que  l'on  n'en  foit  échauffé,  ne 
s'enfuit-il  pas ,  &n'a-t-on  pas 
unplusgrandfujet  de  crôirèque 
quiconque  s'approchera  de  Ma- 
rie ,  de  cette  Mère  de  miferi- 
corde ,  de  ce  cœur  toujours 
brûlant  du  feu  delà  charité  ,en 
reflfentira  d'autant  plus  l'effet , 
qu'il  s'en  approchera  fouvent  , 
&  avec  plus  de  confiance  & 
d'humilité. 

S  iij 


278  Le  Combat  Spirituel, 

i.  Jamais  pare  créature  n'a 
eu  tant  d'amour  pour  Jefus- 
Chrift,  ni  tant  de  foumifllon 
à  fes  volontés  que  fa  bienheu- 
reufe  Mère.  Si  donc  ce  divin 
Sauveur ,  qui  s'eft  facrifié  pour 
-demiférables  pécheurs  comme 
nous;  il  ce  Sauveur,  dis-je  , 
nous  a  donné  fa  propre  Mère, 
pour  être  notre  mère  commu- 
ne ,  notre  Avocate ,  notre  Mé- 
diatrice auprès  de  lui  ,  com- 
ment pourroit-elle  ne  pas  en- 
trer dans  fes  fentimens  ,  &:  né- 
gliger de  nous  fecourir  ?  Ne 
craignons  point  d'implorer  fa 
miféricorde  ,  recourons  à  elle 
avec  confiance  dans  toutes  nos 
nécefïité» ,  parce  qu'elleeft  une 
four-ce  inépuifable  de  grâces, 
&  qu'elle  a  coutume  de  me- 
furer  fes  bienfaits  fur  notre 
confiance. 


2JP 

Chapitre   L. 

D'une  manière  de  méditer  &  de 
prierpar  l  entremije  desfaints 
Aiigts  ■>  &  de  tous  les  Bien-* 
heureux. 


F 


Our  mériter  la  protection 
des  Saints  Anges  &  de  tous  les 
Saints  qui  font  au  Ciel ,  voici 
deux  moyens  dont  vous  pour- 
rez vous  fervir. 

Le  premier  fera  de  vous 
ad refier  d'abord  au  Père  Eter- 
nel ,  &  de  lui  repréfenter  les 
louanges  que  toute  la  Cour  cé- 
lefte  lui  donne  ,  les  travaux, 
les  perfécutions ,  les  tourrrfens 
que  les  Saints  ont  endurés  ici* 
bas  pour  l'amour  de  lui  ,  de 
le  conjurer  enfuite  par  toutes 
les  marques  de  leurrefpedfc,  de 
leur  fidélité  &  de  leur  amour  , 
de  vous  donner  ce  qui  vous  eil 
wéceffaire. 

Le  fécond  fera  d'invoquef 
S  iv 


2§0  Le  Comhai  Spirituel, 
cesglorieuxEipritsqui  fou'haî- 
tent  non  -  feulement  que  nous 
devenions  parfaits  comme  eux; 
mais  que  nous  foyons  même 
élevés  au-deflus  d'eux  dans  la 
gloire.  Vous  les  prierez  donc 
inîlamment  de  vous  aider  à 
vous  défaire  de  vos  vices  ,  ck 
à  vaincre  les  ennemis  de  votre 
falut  ,  mais  particulièrement 
de  vous  afiîfter  à  l'article  de 
]a  mort.  Quelquefois  vous  ad- 
mirerez îesgracesextraordinai- 
res  qu'ils  ont  reçues  de  N.  S. 
&  vous  vous  en  réjouirez 
comme  fi  c'etoit  votre  propre 
bieifc  Vous  aurez  même  en 
quelque  façon  plus  de  joie 
de  voir  qu'il  leur  a  fait  déplus 
grand  sa  vantagesqu'à  vous>par- 
ce  qu'il  l'a  ainfi  voulu  :  &  ce 
fera  pour  vous  un  fujet  de  le 
louer  Se  de  le  bénir. 

Mais  pour  pratiquer  cet  exer- 
cice avec  moins  de  peine  & 
avec  plus  d'ordre  ,  vous  parta- 


Chapitre   L.    281 

gérez ,  félon  les  jours  de  îa  fe- 
maine  ,  les  divers  ordres  des 
bienheureux  en  cette  manière, 
Le  Dimanche,  vous  invoque- 
rez les  neuf  chœurs  des  Anges  : 
le  Lundi  Saint  Jean-Baprifle  ; 
le  Mardi  ,  les  Patriarches  & 
les  Prophètes;  le  Mercredi, 
les  Apôtres:  le  Jeudi,  les  Mar- 
tyrs: le  Vendredi  ,  les  Pontifes 
&  les  autres  ConfefTeurs;  le  Sa- 
medi,  les  Vierges  &  les  autres 
Saints.  Cependant ,  n'oubliez 
j armais  de  réclamer  la  Sainte 
Vierge,  qui  eft  laReine  de  tous 
les  Saints ,  ni  votre  bon  Ange, 
ni  ie  glorieux  Archange  Saint 
Miclul  ,  ni  d'autres  Saints  ,  à 
qui  vous  avez  une  dévotion 
particulière. 

Ne  laiffez  pafTer  aucun  jour 
que  vous  ne  demandiez  à  Ma- 
rie ,  ci  Jefus  ,  au  Père  Eternel, 
qu'il  leur  plaife  de  vous  donner 
pour  principal  protecteur,  fàint 
Jofeph ,  très  ;  digne  Epoux 


282  Le  Combat  Spirituel f 
de  la  plus  pure  des  Vierges, 
Puis  vous  adreflant  à  lin  avec 
confiance  ;  priez-le  humble- 
ment de  vous  recevoir  en  la 
protection.  On  rapporte  une 
inanité  de  merveilles  que  ce 
grand  Saint  a  opérées ,  & 
beaucoup  de  faveurs  iniignes 
qu'il  a  faites  à  tous  ceux  qui 
dans  leurs  néceifités  ,  foit  fpi- 
rituelîes ,  foit  corporelîes,l'ont 
invoqué  ;  principalement  lorf- 
qu'ils  ont  eu  befoin  de  la  lu- 
mière célefîe  ,  &  d'un  direc- 
teur invilibîe  pour  apprendre 
à  bien  prier.  Que  ii  Dieu  con- 
iidere  tarit  les  autres  Saints  à 
caufe  qu'il  l'ont  fervi  &  hono- 
noré  en  ce  monde,  quelle  con- 
fidératîon  ,  quelle  déférence 
n'aura  t*T il  pas  pour  celui  qu'il 
a  h o'noré  I u i- m  ê me  ici* bas,  jaf- 
•qu'à  vouloir  le  foumettreà  lui, 
ëclui  obéir  comme  à  ion  Pei^ 


^§3 

•T  ■  IK...       I  < 

Chapitre  L  I. 

De  la  Méditation  des  fouf- 
frances  de  Jcfus-Çhtifi  ,  & 
de  divers  fentimtns  affec- 
tueux  qu'on  en  peut  tirer. 

^/Eque  j'ai  dit  auparavant  de 
la  manière  de  prier  ,8cde  mé- 
diter fur  les  fouffrances  de  N.. 
S.  ne  va  qu'à  lui  demander  des 
grâces;  nous  allons  voir  main- 
tenant de  quelle  forte  on  en 
peut  tirer  divers  fentimens  af- 
fectueux. Si  donc  ,  par  exem- 
ple-, vous  avez  choifi  pour  le 
lu  jet  de  votre  méditation  ,  le 
crucifiement  de  cet  Homme- 
Dieu  ,  parmi  pluiieurs  circon- 
ftances  de  ce  Myftère,  vous 
pourrez  vous  arrêter  à  celles 
qui  fuivent. 

1.  Confïdérez,  r.  que  Jefus 
étant  arrivé  fur  le  Calvaire  , 
les  bourreaux  le  dépouillèrent 
avec  violence  ,  6c  lui  arrache- 


284  Le  Combat  Spirituel , 
vent  la  peau  toute  déchirée 
-par  les  fouets ,  &  colée  à  fe3 
habits  par  le  fang  qui  avoit 
coulé  de  fesbleifures.i. Qu'on 
lui  ôta  fa  couronne  d'épine?  , 
&  que  la  lui  ayant  remife 
aufii-tôt,  on  lui  fit  de  nou- 
velles plaies.  3.  Qu'à  coups  dé 
marteau  ,  on  l'attacha  cruelle- 
ment avec  des  gros  cfous  au 
bois  de  la  croix.  4.  Que  fes 
mains  facrées  ne  pouvant  at- 
teindre au  lieu  où  l'on  devoir 
le  clouer  ,  on  les  lui  tira  Ci 
violemment,  qu'on  lui  diflc- 
qua  tous  les  os ,  6k  qu'il  fut  fa- 
cile deles  compter  *y. Qu'ayant 
été  élevé  fur  cette  croix  ,  cù 
il  n'étoit  foutenu-  que  par  les 
clous,  le  poids  de  fon  corps 
augmenta  les  plaies  ôduicaufa 
d'étranges  douleurs. 

Si  par  ces  fortes  de  confide- 
rations,  ou  par  d'autres  fem- 
blables  ,  vous  defirez  exciter 

*  Pf.  xi.  a, 


Chapitre  LI.   28 y 

en  votre  cœur  des  mouvernens 
de  l'amour  divin  ,  tâchez  d'ar- 
river par  la  méditation  à  une 
fublime  connoiflance  de.  la 
bonté  infinie  de  votre  Sau^ 
veur  ,  qui  a  bien  voulu  fouf- 
frir  pour  l'amour  de  vous  tant 
de  peines.  Car  plus  vous  ci  oî^ 
nez  en  la  conuoiifance  de  l'a- 
mour  qu'il  a  eu  pour  vous,  plus 
vous  aurez  d'attachement  & 
d'amour  pour  lui.  Etant  ain(i 
convaincu  de  fon  exceMWecha- 
rité,  vous  ne  pourrez  vous  em^ 
pêcher  de  faire  des  actes  de 
contrition  ,  d'avoir  fi  fouvent 
indignement  outragé  celui  qui 
s'eft  immolé  lui-même  pour  la 
fatisfaction  de  vos  offenfes. 

Vous  viendrez  cnfuiteà  for- 
mer des  actes  d'Efpérance  ,  en 
confie] érant  que  ce  grand  Dieu 
n'a  voit  point  d'autre  defîein 
fur  la  croix  que  d'exterminer 
le  péché  du  monde,  de  vous 
délivrer  delà  tyrannie  du  dé- 


2$  6  Le  Corn  h  aï  Spirituel  r 
mon  ,  d'expier  vos  crimes  ,  de 
vous  réconcilier  avec  fon  Pè- 
re :  de  vous  faire  recourir  à  lui; 
dans  tous  vos  befoins.  Que  ii 
après  avoir  confidéré  fesfouf- 
france*;  ,  vous  en  conudérez 
les  effets  ;  (i  vous  remarquez 
que  par  fa  mort  il  a  effacé  les 
péchés  des  hommes ,  il  a  ap- 
paifé  la  colère  du  fouverain 
Juge,  il,a  confondu  les  puif- 
fances  de  l'Enfer  ,  il  a  triom- 
phé de  la  mort  même  ,  il  a 
rempli  dans  le  ciel  les  places 
des  Anges  rebelle?,  votre  dou- 
leur fe  convertira  en  joie  :  & 
cette  joie  s'augmentera  par  le 
fouvenir  de  celle  que  le  grand 
ouvrage  de  la  rédemption  du 
monde  canfa  aux  trois  Per- 
fornes  divines  ,  à  la  bienheu- 
reufe  \rierge  ,  à  l'Eglife  Mili- 
tante ,  &;  à  l'Eglife  Triom- 
phante. 

Que  il  vous  voulez  conce- 
voir un  fcif  regret  de  vos  gé^ 


Chapitre  Lî.  2S7 
cliés ,  n'ayez  en  vue  dans  votre 
méditation,  que  de  vousper- 
fuader  que  fi  Je  fus  a  tant  fouf- 
rert  ,  ça  été  pour  vous  infpi- 
rer  une  haine  falutaire  devous- 
même  ,  &  de  vos  partions  déré- 
glées ,  fur-tout  de  celle  qui 
vous  fait  faire  de  plus  grandes 
fautes  i  &  qui  déplaît  par  con- 
féquent  davantage  à  Dieu. 

Pour  entrer  dans  ces  fenti- 
mens  d'admiration  ,  vous  n'au- 
rez qu'à  confidérer  qu'il  n'y  a 
rien  de  plus  furprenant  que  de 
voir  le  Créateur  de  l'Univers, 
l'Auteur  de  la  Vie  mourir  par 
les  mains  de  fes  créatures  ,  de 
voir  la  fuprême  Majefté  com- 
me anéantie,  la  Jufnce  con- 
damnée ,  la  Beauté  FaJie  de 
crachats,  6c  prefqu 'effacée  , 
robjecde-l'amourduPeieEter- 
nel  devenu  l'obiet  de  la  haine 
des  pécheurs  ;  la  lumière  inac- 
ceflîble  abandonnée  à  la  fureur 
des  Puiffances  des  céôébre*J 


Z$$  Le  Combat  Spirituel y, 
la  gloire  y  la  félicité  incréée-, 
enlevé!  ie    dans  l'opprobre   6c 
clans  la  mifere- 

Pour  vous  exciter  à  la  com- 
pafïion  des  Souffrances  de  vo- 
tre Sauveur  &;  de  votre  Dieu  , 
outre  fes  peines  extérieures  , 
repréfentez-vous  les  intérieu- 
res, qui  furent  fans  comparai- 
fbn  plus  grandes,  Que  fî  vous 
êtes  fenfible  aux  premières  ^ 
comment  pourrez- vous  n'être 
pas  touché  des  autres  ,  jufqu'à 
en  avoir  le  cœur  percé  cle  dou^ 
leur?  L'aine  du  Sauveur  voyolt 
clairement  la  divine  effence  , 
comme  elle  la  voit  maintenant 
au  Ciel  :  elle  favoit  com- 
bien Dieu  mérite  d'être  ho- 
noré ti&  comme  elle  l'aimoit 
Mniment  ;  elle  défiroit  aufïî 
que  toutes  les  créatures  l'ai- 
maiTentde  toutes  leurs  forces*.. 
Le  voyant  donc  terriblement 
déshonoré  dans  tout  le  monda 
gar  une  infinité  de  crimes  abo- 
minables „ 


Chapitre  LI.  i%$ 

minables ,  elle  en  étoit  péné- 
trée d'une  douleur  non  moins 
excefllve  que  fon  amour  ;  & 
que  le  deiïr  qu'elle  avoit  que 
la.  Majefté  divine  fut  aimée  & 
lervie  de  tous  les  hommes.  La 
grandeur  de  cet  amour  «3c  de 
ce  defir  étoit  au-deflusde  toute 
imagination  ,  &  par  consé- 
quent il  e(t  inutile  de  vouloir 
comprendre  quel  fut  l'excès 
des  peines  intérieures  de  Jefus 
mourant  fur  la  croix. 

De  plus,  comme  ce  divin 
Sauveur  aimoit  tous  les  hom- 
mes d'une  manière  qui  paile 
tout  ce  que  l'on  en  peut  dire  , 
l'affection  fi  tendre -&fi  ai  dente 
qu'il  avoit  pour  eux  ,  étoit 
caufe  qu'il  s'affligeoit  extrê- 
mement de  leurs  péchés,  qui 
}es  dévoient  féparer  de  lui.  II 
voyoit  que  nul  d'entr'eux  ne 
pouvoit  commettre  de  péché 
mortel,  fans  détruire  la  cha- 
rité &  la  grâce,  qui  eft  le  lien 
T 
I» 


S£0  Le  Comhat  Spirituel 'r 
par  où  les  Juttes  demeurent 
unis  Spirituellement  avec  lui- 
Or  ,  cette  ieparation  étoit  à 
Pâme  de  Jefus  bien  plus  dou- 
îoureufe  ,  que  n'eft  au  corps 
celle  de  fes  membres,  lors- 
qu'ils font  hors  de  leur  place  ; 
&t  il  ne  faut  pas  s'en  étonner- 
Car  lame  étant  toute  Spiri- 
tuelle ,  &  d'une  nature  beau- 
coup plus  parfaite  que  le  corps, 
elie  eif  auflibien  plus  fufeep- 
tible  de  ia  douleur.  Mais  après 
tout  ,  la  plus  ieniibîe  affliction 
de  N.  S.  fut  devoir  tous  les 
péchés  des  damnés,  qui  ne 
pouvant  plus  retourner  à  lui 
par  la  pénitence  ,  doivent  être 
éternellement  fé parés  de  lui. 

Si  à  la  vue  de  tant  de  peines 
vous  fentez  que  votre  cœur  fe 
laiiTe  attendrir  à  la  compaflion 
pour  votre  Jefus ,  paffez  plus 
avant  ,  2c  vous  trouverez  qu'il 
a  ioufïcrt  des  douleurs  extrê- 
mes >  nou-ieulement  pour  les 


Chapitre  LI.    2pi 

péchés  que  vous  avez  effecti- 
vement commis  ,  mais  même 
pour  ceux,  que  vous  n'avez 
point  commis  ,  puifqu'il  eft 
certain  qu'il  lui  a  coûté  tout 
fou  iang  pour  vous  délivrer 
des  uns,  èc  pour  vous  préfer- 
ver  des  autres»  Croyez-moi  y 
vous  ne  manquerez  jamais  de 
taifons  capables  devons  porter 
à  prendre  part  aux  fouffrances 
de  Jefas  crucifié.  Sachez  qu'il 
n'y  a  jamais  eu  ,  <$e  qu'il  n'y 
aura  jamais  ,  en  quelque  créa- 
ture raifonnahle  que  ce  ibit  , 
aucun  mal  qu'il  n'ait  reffenti  ; 
injures ,  opprobre^.,  tentations 
maladies,  pertes  de  biens  r 
auftérités  volontaires  ,  il  a  ref- 
it nti  tout  cela  plus  vivement 
que  ceiixmêmesquiiesfou  firent 
en  effet.  Car  comme  ce  Père 
charitable  a  une  connoiffance 
très-parfaite  de  toutes  leurs 
peines,  grandes  &  petites  ,fpi- 
xituelies  &  corporelles,  jufqu'à. 
Tij 


2.Ç2  Le   Combat  Spirituel 9 
la  moindre  piquûre,&  aumoin- 
dre  mal  de  tète  ,  il  ne  pouvoic 
s'empêcher  d'en  avoir  uneten- 
dre  compatfion. 

Mais  qui  pourroit  dire  com- 
bien les  foufirances  de  fa  fainte 
Mère  lui  furent  fenfibles?To«c 
ce  qu'il  endura  de  plus  crue!  «3c 
de  plus  ignominieux  enfaPai- 
Tion  ,  elle  l'enduroit  à  fa  ma- 
nière dans  les  mêmes  vues,  Se 
par  les  mêmes  motifs  ,  &  quoi- 
quefa  douleur  nefût  pas  égale* 
eiîe  étoit  toujours  exceflive. 
C'elt  ce  qui  redoubîoit  toutes 
les  douleurs  de  Jefus  ,  &  qui 
faifoitdans  fon  arne  de  profon- 
des plaies. -De-là  vient  qu'une 
fainteamedifoit  avec  beaucou  p 
de  (implicite  ,  que  le  cœur  de 
Jefus  fouffrant  lui  paroiToit 
comme  une  efpèce  d'enfer  , 
dont  toutes  les  peines  étoient 
volontaires,  &  qu'il  n'y  avoit 
point  d'autre  feu  que  celui  de 
la  charité. 


Chapitre  L I.     293 

Mais  enfin, quelle  eft  la  caufe 
de  tant  de  tourmens  !  Ce  font 
nos  péchés  ;  &  par  conséquent 
la  meilleure  manière  d'y  com- 
patir }&  de  marquer  notre  re» 
connoifiance  à  celui  qui  a  tant 
fouffert  pour  nous  ,  c'eft  d'a- 
voir regret  de  nos  infidélités, 
purement  pour  l'amour  de  lui 
c'ertde  haïr  le  péché  pardef- 
fus  toutes chofes, à  caufe  qu'il 
lui  déplaît ,    &:  de  faire  une 
continuelle  guerre  à  nos  vices, 
comme  à  fes  plus  mortels  enne- 
mis :  afin  que  nous  dépouillant 
du  vieil  homme ,  &  nous  re- 
vêtant du  nouveau  ,  nous  or- 
nions nos  âmes  des  vertus  chré- 
tiennes qui  en  font  toute   la 
beauté. 


rr-i    ••• 


294  £?  Combat  Spirituel, 

Chapitre  LIL 

Des  fruits  que  Von  peut  tirer  de 
la  méditation  delà  Croix  ,  & 
de  V imitation  des  vertus  de 
Je  fus  fouffrant. 


T 


y  Ous  pouvez  tirer  de  grands 
avantages  de  îa  méditation  de 
la  Croix.  Le  premier  ,  eftque 
non-feulement  vous  déterriez 
vos  péchés  pafTés  ,  mais  que 
vous  p\€tï\ez  la  réfoîutiofi  de 
combattre  vos  paffiorïs  déré- 
glées ,  qui  ont  fait  mourir  vo- 
tre Sauveur,  &:qui  ne  font  pas 
éteintes  en  vous.  Le  fécond 
eft  ,  que  vous  obteniez  de  Je- 
fus  eruciné  le  pardon  de  vos 
orlenfes  ;  &  la  grâce  d'une 
fcaine  falutaire  de  vous  mêmes, 
afin  que  vous  ne  l'orTenfiezplus, 
mais  que  vous  l'aimiez  &t  le 
ferviez  déformais  de  tout  vo- 
tre cceur,  en  feconwifianÇC 


Chapitbe    LU.    apj 

êe  tant  de  peines  qu'il  a  fouf- 
fertes  pour  l'amour  de  vous. 
Le  trentième  efr,  que  vous  tra- 
vailliez tout  de  bon  &c  fans 
relâche  à  déraciner  de  votre 
cœur  vos  mau  vaifes  habitudes-, 
quelque  légères  qu'elles  pa- 
rohTent.  Le  quatrième  eft  .que 
vous  failiez  tous  vos  efiorts 
pour  imiter  les  vertus  de  ce  di- 
vin Maître,  qui  eft  mort  ,  non- 
feulemert  pour  expier  vos  pé- 
chés ,  mais  pour  vous  donner 
l'exemple  d'une  vie  fainte  ck 
parfaite. 

Voici  une  manière  de  mé- 
ditation fort  utile  pour  cela.  Je 
fuppofe  qu'entre  les  vertus  du 
Sauveur  vous  avez  defiein  d'i- 
miter particulièrement  fa  pa- 
tience dans  les  maux  qui  vous 
arrivent.  Examinons  donc  avec 
attention  les  points  fuivans. 
i.  Ce  que  l'ame  de  Jefus  en 
Croix  fait  pour  Dieu.  r.  Ce 
que  Dieu  fait  pour  l'ame  de 
T  iv 


2$ 6  Le  Combat  Spirituel, 
Jefus.3.Ce  quel'ame  deJefu-s 
tait  pour  .elle-même  &  pour 
fon  corps.  4.  Ce  que  Jefus  fait 
pour  nous.  5.  Ce  que  nous  de- 
vons faire  pour  Jefns. 

1.  Confidérez  avant  toutes 
chofes  comment  l'ame  deJeius 
abymée  dans  le  fein  de  Dieus 
contemple  cet  Etre  infini  &: 
incompréherfibledevantlequel 
les  plus  nobles  créatures  ne 
font  rien:  comment  3  dis-je, 
elle  contemple  dans  un  état , 
où,  fans  rien  perdre  de  fagran- 
deur  ckdefa  gloire  edentielle, 
elles'abaiiTejufqu'àfoufîVirtou- 
tes  fortes  d'indignitésdelapart 
fcle  l'homme  infidèle  &mécon- 
ïioifiant  ;  &  comment  enfuite 
el  eadore  cettefcuveraïneMa- 
jeflé,  lui  rend  mille  a&ionsde 
grâces ,  &  fe  dévoue  toute  en- 
tière à  fon  fer  vice. 

2.  Voyez  d'un  autre  côté  ce 
que  Dieu  fait  à  l'égard  de  l'a- 
ine de  Jefus:confidérezcomme 


Chapitre    LU.    25)7 

il  veut  que  ce  Fils  unique,  qui 
lui  eftiï  cher  :  fouffre ,  pour 
l'amour  de  nous  ,  qu'on  lui 
donne  des  foufHetS  ,  qu'on  lui 
couvre  le  vifage  de  crachats , 
qu'on  vomiiïe  contre  lui  mille 
blafphêmes  ,  qu'on  le  déchire 
àccups  de  fouets,qu'onle  cou- 
ronne d'épine,  qu'on  l'attache 
à  une  croix. Voyez  avec  quelle 
fatisfactionil  le  regarde  chargé 
d'infamie  ,  &  accablé  de  dou- 
leurs pour  unefigîorieufe  caufe 
3.  Repréfentez- vous  enfuite 
Pâme  de  Jefus  ,  ck  remarquer 
que  comme  elle  fait  que  Dieu 

frend  plailir  à  la  voir  ibuffrir  , 
amour  qu'elle  lui  perte  >  foit 
à  caufe  de  fes  perfections  inef- 
fables ,  ou  à  caufe  desbiensirw 
finis  qu'elle  en  a  reçus,  fait 
qu'elle  fe  foumet  en  tout  avec 
promptitude  &c  avec  joie  à  fes 
volontés.  Quelle  langue  pour- 
roit  exprimer  l'ardeur  qu'elle 
a.  pour  les  croix.  !  Elle  ne  soc- 


2p8  lt  Com3  et  Spirituel , 
cupe  qu'à  chercher  de  nouvel- 
les manières  de  fouffrances;  & 
ne  trouvant  pascequ'elle  cher- 
che, elle  s'abandonne  avec  fa 
chair  innocente  à  la  mercides 
hommes  les  plus  cruels  Se  des 
démons  même. 

4.  Après  cela  jerez  les  yeux 
fur  votreJefus,qui  dans  le  fort 
de  fes douleurs  fe  tourne  vers 
vous  ,  &  vous  dit  amoureufe- 
ment  :  Voici  l'état  pitoyable 
où  m'a  réduit  le  dérèglement 
de  votre  volonté  ,  qui  n'a  pu 
fe  faire  de  violence  pour   fe 
conformer  à  la  mienne.  Voyez 
quel  eft  l'excès  de  mes  dou- 
leurs, &  avec  combien  de  joia 
je  les  fouffre  fans  autre    vue 
que  de  vous  apprendre 'a  pa- 
tience.   Je  vous  conjure  par. 
toutes  mes  peines ,  de  porter 
courageufemenî    cette    croix 
que  je  vous  pré  fente  &  toutes 
celles  qui  me  plaira  de   vous 
envoyer.    Abandonnez  votre 


Chapitre  LTÏ.  2$q 

honneur  à  la  calomnie^  votre 
corps  à  la  rage  des  perfécu- 
-teurs  que  jechoifirai  pour  vous 
éprouver ,  quelque  vils&quel- 
qu'inhumains  qu'ils  foient.  O  , 
fi  vous  faviez  le  contentement 
que  me  donnera  votre  réiigna- 
tion  &  votre  patience  !  Mais 
pouvez-  vous  l'ignorer,  en 
voyanices  plaies  que  je  n'ai  re- 
çues qu'a  fin  de  vous  acquérir  , 
au  prix  de  mon  fang  ,  les  ver- 
tus dont  je  veux  orner  votre 
ame  ,  qui  m'eil:  plus  chère  que 
ma-  vie  propre  !  Si  j'ai  bien 
voulu  me  réduire  à  une  telle 
extrémité  pour  l'amour  de 
vous,  comment  ne  voudriez- 
vous  pas  fouffrir  quelque  lé- 
gare  douleur  ,  pour  fou'ager 
tant  foit  peu  les  miennes  qui 
font  extrêmes  î  Comment  n'ef- 
fayerez-vous  pas  de  guérir 
les  plaies  que  m'a  fait  votre 
impatience  ,  qui  eft  pour  moi 
«n  tourment   beaucoup   plus 


5 00  Le  Combat  Spirituel ', 
infupportable  que  toutes  les 
plaies  de  mon  corps  ? 

5.  Prenez  garde  qui  eft  ce- 
lui qui  vous  parle  de  la  forte  , 
&:  vous  verrez  que  c'eft  Jefus- 
Chrilt ,  le  Roi  de  gloire ,  vrai 
Dieucc  vrai  homme.  Confidé- 
rez  la  grandeur  de  fes  tour- 
mens  &  de  fes  humiliations  , 
qui  feroient  des  peines  trop  ri- 
goureufespour  les  plus  crimi- 
nels. Soyez  dansPetonnement 
de  le  voir  au  milieu  de  tant  de 
fouffrances,non-feulement  fer- 
me &  immobile  ,  mais  plein  de 
joie,  comme  file  jour  de  .fa 
Paiîion  étoit  pour  lui  un  jour 
de  triomphe.  Songez  que  com- 
me quelques  gouttes  d'eau  je- 
tées dans  une  foui  naife  ne  fer- 
ventqu'àî'embrâfer  davantage; 
ainfi  les  plus  grands  tourmens  , 
qui  femblent  légers  à  fa  chari- 
té, ne  font  qu'accroître  fa  Joie» 
&  l'envie  qu'il  a  d'en  foufïïir 
de  plus  terribles. 


Chapitre  LIÏ.  301 

Au  relie,  fouvenez  -  vous 
que  ce  qu'il  fait  6c  ce  qu'il  en- 
dure i  ce  n'eft  point  par  force 
ni  par  intérêt,  mais  par  un 
amour  très-pur,  ainli  qu'il  le 
dit  lui-même  ,  &  afin  que  vous 
appreniez  de  lui  à  pratiquer  la 
patience,  lâchez  donc  de  bien 
comprendre  ce  qu'il  demande 
de  vous,  &  la  joie  qu'il  a  de 
vous  voir  dans  l'exercice  de 
ceue  vertu  ;  concevez  enfuite 
des  defirs  ardents  de  porter  , 
non-feulement  avec  patience 
mais  même  avec  a!ég:effe  ,  la 
croix  fous  laquelle  vous  gémif- 
fez  ,  8c  d'autres  encore  beau- 
coup phis  pefantes  ,  afin  d'imi- 
ter plu  s  parfaitemeut  Jefuscru- 
cifié  ;  &  de  vous  rendre  plus 
agréable  à  fesyeux. 

Figurez-vous  toutes  les  dou- 
leurs &  toutes  les  ignominies 
de  fa  paflion  ;  &  furpris  de  la 
confiance  avec  laquelle  il  les 
iupporte,  rougiflez  de  votre 


J02  Le  Comhcii  Spirituel \ 
foibleiïe  ,  regardez  vos  peines- 
en  comparaison  d&  celle  qu'il 
fou fire  pour  vous ,  comme  des- 
peines imaginaires,  &  foyez. 
bien  perfuadé  quevotrepatien- 
ce  n'eit  pas  feulement  l'ombre 
de  laiienne.  Ne  craignez  rien; 
tant  que  de  né  pas  vouloirfouf- 
frir  pour  notre  Sauveur  ;  &  (i 
la  première  penfée  vous  en 
vient,  rejettez-la  comme  une 
iuggeihon  du  démon. 

Coniidérez  Jefus  en  Croix 
comme  un  livre  tout  fpiritue! , 
que  vous  devez  lire  fans  ceiïe,. 
pour  y  apprendre  la  pratique 
des  plus  excellentes  vertus. 
C'eft  ce  livre  qu'on  peut  jufte- 
ment  nommer  le  Livre  de  Vie*, 
qui  en  mème-temsédaire  î'cf- 
prit  par  les  préceptes,  &  en- 
flamme ia  volonté  parles  exem- 
ples. Le  monde  eft  plein  d'une 
infinité  de  livres  :  mais  quand 
©n  pourroit  les  lire  tous  ,   cm 


Chapitre  LU.  303 

îi'y  apprendroit  jamais  G  bien 
à  haïr  le  vice  &  à  aimer  la  ver- 
tu ,  qu'en  confidérant  un  Dieu 
crucifié. Sachez  donc  que  ceux 
qui  emploient  des  heures  en- 
tières à  pleurer  la  pafïion  de 
Notre- Seigneur  &  a  admirer 
fa  patience  ,  ck  qui  dans  les  af- 
flictions qui  leur  furviennent- 
fe   montrent  aptes  auiïî  impa^ 
tiens  que  s'ils  n'avoient  jamais 
penfé  à  fa  croix  ;  fâchez  ,  dis- 
je  ,  que  ceux-là  reffemblent  à 
des  foklats  peu  aguerris  ,   qui 
étant  encore  fous  leurs  tentes, 
fe  promettent  la  victoire;,  mais 
qui  ne  voient  pas  plutôt  l'en- 
nemi ,  qu'ils  lâchent  le  pied  & 
prennent    la    fuite.    Qu'y   a- 
t-il  de  plus  pitoyable  que  de 
voir  des  gens,  qui, après  avoir 
contemplé  ,  admiré  ,   aimé  les 
vertus  de  notre  Seigneur, vien- 
nent tout  d'un  coup  à  les  ou- 
blier ,  à  en  faire  peu  d'eflime  y 
lorfqu'il  &  préfeiitequelqu'cc- 
cafron  de  les  imiieiv 


304  Le  Combat  Spirituel  9 
Chapitre  L  1 1  L, 

Du  Sacrement  de  VEachariftie, 

'ai  travaillé  jufqu'ici ,  com- 
me vous  l'avez  pu  remarquer  , 
à  vous  fournir  quatre  fortes 
d'armes  fpirituelles  ,.  &à  vous 
apprendre  la  manière  de  vous 
en  fervir  ;  il  me  relie  mainte- 
nante vous  montrer  de  quel  fe- 
coursvouspeutêtreîatrès-fain- 
te  Euchariftie,  pour  vaincre  les 
ennemis  de  votre  faîut  &de 
votre  perfeâ^on.  Comme  cet 
augufte  Sacrement  furpafie  Se 
en  dignité  &  en  vertu  tous  les 
autres ,  c'eftauffi  de  toutes  les 
armes  fpirituelles  la  plus  ter- 
rible au  démon.  Les  quatre 
premières  n'ont  de  force  que 
par  îçs  méritesdeJefus-Cnriit, 
&:  par  la  grâce  qu'il  nous  a  ac- 
quife  au  prixde  fon  fang;  mais 
cette  dernière  eft  beaucoup 
plus  puiffante ,  puifqu'ellecon- 
tient 


Chàtiïre  -LUI.    5° S 

tient  Jefus-Chrift  lui  -  mâ*ie, 
fa  chair  ,  fon  fan  g  ,  fon  atne, 
fa  divinité.  Dieu  nous  a  donné 
celles-là  pour  combattre  nos 
ennemis  par  la  vertu  de  Jefus- 
Chrift  ,  parce  que  mangeant  fa 
chair  &  buvant  fon  fang ,  nous 
demeurons  avec  lui  &  il  de- 
meure avec  nous.  Mais,  com- 
me on  peut  manger  cette  chair 
&:  boire  ce  fang  en  deux  fa- 
çons-; réellement  une  fois  le 
jour,  6c Spirituellement  à  tou- 
te heure  ,  qui  font  deux  ma- 
nières de  communier  très- uti- 
les &  très- fa  intes,  on  doit  pra- 
tiquer la  féconde  le  plus  fou- 
tent qu'il  fe  peut  ,  &  la  pre- 
mière toutes  les  fois  qu'on  en 
«tlapenuiflion* 


T 


306  Le  Combat  Spirituel , 
Chapitre  L  I V. 

Comment  il  faut  recevoir  le  Sa- 
crement de    V Euchariftie. 


N  peut  s'approcher  de  ce 
divin  Sacrement  par  plulieurs 
motifs.  De- là  vient  que  pour  en 
recueillir  le  fruit,  il  y  aplu- 
fieurs  chofes  à  obferver  en  trois 
divers  tems  :  avant  que  de 
communier,  lorfqu'on  eft  fur  le 
point  de  communier,  &:  après 
la  communion. 

Avant  que  de  communier, 
quel  que  puifle  être  notre  mo- 
tif, nous  devons  toujours  pu- 
rir.er  notre  ame  par  le  Sacre- 
ment de  la  Pénitence  ,  lî  nous 
nousfenrons  coupables  de  quel- 
que péché  mortel.  Nous  de- 
vons enfuite  nous  offrir  detout 
notre  cœur  &  fans  réferve  à 
Jefus  -  Cfarift  &:  lui  confacrer 
toute  notre  ame  avec  fespuif- 


Chapitre  LÏV.  307 

fances  ;  puifque  dans  le  Sacre- 
ment il  le  donne  tout  entier  à. 
nous  ,  fon  fang  ,  fa  chair  ,  fa 
divinité  avec  le  tréfor  infini 
de  fes  mente?.  Et  comme  ce 
que  nous  lui  offrons  eft  peu  de 
chofe  ou  prefque  rien  en  corn- 
paraifon  de  ce  qu'il  nous  dorç- 
ne,  il  faut  que  nous  fouhait^s 
d'avoir  tout  ce  que  les  créatu- 
res &  du  Ciel  &  de  la  terre 
ont  jamais  pu  lui  offrir,ann  que 
nous  en  raflions  tout  d'un  coup 
une  oblation  agréable  à  fa  di- 
vine Majefté. 

Que  il  nous  voulons  commu- 
nier dans  le  deiïein  de  rempor- 
ter quelque  vi&oire  fur  nos  en- 
nemis,nous  commencerons  dès 
le  foir  du  jour  précédent,ouIe 
plutôt  que  nous  pourrons  ,  à 
coniidérer  combien  le  Sauveur 
délire  d'entrer  par  ce  Sacre- 
ment dans  notre  cœur ,  afin  de 
s'unir  à  nous,  &  nous  aider  à 
vaincre  nos  appétits  déréglés* 
'  V  ij 


^0$  Le  Combat  Spirituel  $ 
Ce  deiir  eft  fi  ardent ,  qu'il  n'y 
a  point  d'efprit  humain  capable 
tle  le  comprendre. 

Pour  nous  en  former  quel- 
que idée  ,  cachons  de  bien  con- 
cevoir deux  chofes-  L'une  eft' 
le  piaiiir  extrêmeque  lafagefle 
incarnée  prend  *  à  demeurer 
tît; ■-  nous,  puifqu'elle  en  fait 
fes  cïélices.  L'autre  eft  la- haine 
infinie  qu'elle  porte  au  péché 
mortel ,  tant  parce  que  c'eft  un 
obftacle  à  l'union  intimequ'elle 
veut  avoir  avec  nous, que  par- 
ce qu'il  eft  directement  oppoié 
à  fes  divine-:  perfections  :  car 
Dieu  étant  un  bien  fouverain  , 
une  lumière  toute  pure  r  une 
beauté  fans  aucune  tache  r 
pourroit-il  ne  pas  haït  le  pé^ 
ché  y  qui  n'eft  que  malice  ,  que 
ténéb  es ,  qu'horreur  tk  que 
corrurtioa?  Il  le  hait  jufqu'à 
un  tel  point ,  que  tout  ce  qu'il 
a  jamais  fait ,  foi*  cansTancisu. 


Ctia  pt  treLIV.  30? 

Teftament  ,  foie  dans  le  nou- 
veau, &:  tout  ce  que  ion  Fils  a 
footfert  durant  tout  lecoursde 
faPafiîon  ne  tendoit  qu'à  le  dé- 
truire. Les  Saints  ,  même  les 
plus  éclairés  ,  afltirent  qu'il 
confentiroitque  ce  Fils  qui  lai 
e(t  11  cher, fou ffrit  encore  mille 
morts  ,  s'il  ë toit  befoin  ,  pour 
l'expiation  de  nos  moindres 
fautes. 

Ayant  reconnu  par  ces  deux 
considérations, quoiqu'aiTezim- 
parfa  itéraient  ,  combien  le  Sau- 
veur délire  d'entrer  dans  nos 
cœurs ,  afin  d'en  exterminée 
pour  jamais  nos  ennemis  &  les 
liens  ,  nous  délirerons  au  (fi  de 
le  recevoir ,  &  nous  lui  témoi- 
gnerons pour  cela  une  ardeur 
i&  une  impatience  extrêmes. 
I/efpérance  de  fa  venue  relè- 
vera notre  courage  ,  nous  dé- 
clarerons de  nouveau  la  guerre 
à  cette  paffion  dominante  que 
nous  voulons  vaincre  ,  &  nous 
Viij 


3 10  Le  Combat  Spirituel , 
ferons  le  plus  d'a&es  que  nous 
pourrons  de  la  vertu  qui  lui 
eft  contraire.  Ce  fera-là  no- 
tre principale  occupation  ,  & 
le  foir  &  le  matin  ,  avant  que 
de  nous  approcher  de  la  fainte 
Table. 

Quand  nous  ferons  près  de 
recevoir  le  corps  du  Sauveur  , 
mous  nous  remettrons  un  mo- 
ment devant  les  yeux  toutes 
3es  fautes  commiles  depuis  la 
dernière  Communion  jufqu'à 
celle-ci,  &  afin  d'en  concevoir 
de  la  douleur  ,  nous  fongerons 
que  nous  les  avons  commifes 
avec  autant  de  liberté  ,  que  il 
Dieu  n'étoit  point  mort  fur  une 
croix  pour  notre  falut  ;  nous 
nous  remplirons  de  confuiion 
&  de  crainte,  voyant  que  nous 
avons  préféré  un  petit  plaifir  , 
une  légère  fatisfaction  de  no- 
tre propre  volonté  ,  à  î'obéif- 
fance  que  nous  devons  à  notre 
fouverain  Maître  ;  nous  reçcn* 


Ctf  APIT  P  E  LÏV.  31  X 
noitrons  nocre  aveuglement  6c 
détellerons  notre  ingratitude  : 
mais  venant  enfuitea  coniidé- 
rer  que  quelque  ingrats  &  inri- 
clèx-fc-que  nous  foyons ,  ceDieu 
plein  de  charité  veut  bien  ie 
donner  à  nous,  qu'il  nous  in- 
vite à  le  recevoir ,  nous  irons  <r 
lui  avec  confiance, nous  lui  ou- 
vrirons notre  cœur,  afin  qu'il 
y  entre  Se  qu'il  s'en  rende  le 
maître  ,  &  après  cela  nous  le 
fermerons  de  crainte  qu'il  ne 
s'y  gliile  quelque  affection  im- 
pure. 

Dès  que- non  s.  aurons  com- 
munie ,  nous  nous  recueille- 
rons en  nous-mêmes  ;  nous 
adorerons  humblement  notre. 
Seigneur,  tk  nous  lui  dirons  : 
Vous  voyez  ,  ô  Dieu  de  mon 
ame  ,  l'inclination  violente  que 
j'ai  au  péche'j  vous  voyez  l'em- 
pire que  cette  paillon  a  fur 
moi;  &  que  de  moi-même  je 
n'ai  pas  la  force  d'y  rélifter. 
Viv 


3*2  Le  Combat  Spirau-el? 
Ceft  donc  à  vous  principale- 
ment à  la  combattrCj&'s'il  faut 
que  j'aie  quelque  part  au  com- 
bat ,  c'efl:  de  vous  feul  que  je 
dois  attendre  la  victoire  ;  puis 
nous  adreffant  au  Père  Eter- 
nel ,  nous  lui  offrirons  ce  cher 
Fil?  qu'il  lui  a  donne'  ;  &  que 
nous  aurons  alors  au-dedansde 
nous  ;  nous  le  lui  offrirons  en 
aftion  de  grâces  de  fes  bien- 
faits, &  pour  obtenir  avecfon 
fecours  quelque  grands  vic- 
toire fur  nous  -  mêmes.  Nous 
prendrons  enfin  1a  réibiution 
de  combattre  courageufement 
contre  l'ennemi  qui  nous  fait 
îe  plus  de  peine  ;  &  nous  ef  - 
pérerons  de  le  vaincre  ,'  parce 
que  raîfant  de  notre  côté  ce 
que  nous  pourrons  ,  Dieu  ne 
manquera  pas  tôt  ou  tard  de 
nous  fecourir- 


3*3 

*  "  '  *    '  *  ' 

Chapitre    LV. 

"Qudlep  réparât  Lonilfaùtappo  r- 


ter  pour    communier  &  pour 
s'exciter  à  l'amour  de  Dieu, 


S 


i  vous  voulez  que  le  Sacre- 
ment  de  l'Euchariftieproduife 
€n  vous  des  feni'imens  d'amour 
de  Dieu;fouvenez-vous  de  l'a- 
mour que  Dieu  a  eu  pour  vous; 
&  dès  le  foir  qui  précédera  vo- 
tre communion, confidérez  at- 
tentivement que  ce  Seigneur  , 
dont  la  maiefté  ck  la  puivfauce 
rj'ont  point  de  bornes  ,  ne  s'eit 
pas  contenté  de  vous  créer  à 
fon  image  ,  ni  d'envoyer  fur  la 
terre  fon  Fils  unique  ,  pour  ex- 
pier vos  péchés  par  les  travaux 
continuels  de  trente-trois  ans, 
&  par  une  mort  non  moins  dou- 
loureufe  qu'igrominieufefur  la 
croix  -..  mais  que  de  plus  il  vous 
i'a  laiffé  dans  le  Sacrement  , 
afin  qu'il  y  £oit  votre  nourri- 


3*4-  Le  Combat  Spirituel, 
ture  &  votre  refuge  dans  tous 
vos  befoins.    Voyez  combien 
cet  amour  eft  grand  &iingulier 
en  toute  manière. 

i.  Pour  ce  qui  regarde  fa 
durée,  vous  trouverez  qu'il  efl 
éternel  ;  &z  qu'il  n'a  point  eu 
de  commencement  ;  car  com- 
me Dieu  ell  de  toute  éternité, 
c'eft  aufïi  de  toute  éternité 
qu'il  a  aimé  l'homme  jufqu'à 
vouloir  lui  donner  fon  Fils 
d'une  manière  li  admirable  ; 
là-defius  vous  lui  direz  avec  un 
tranfport  de  joie:  Il  efl:  donc 
vrai  qu'une  créature  aufïi  mé- 
prifable  que  je  fuis,  a  été  tanC 
eftimée  &  chérie  de  Dieu  , 
qu'il  a  daigné  penfer  à  elle 
avant  tous  les  fiécles,  &:  for- 
mer dès- lors  le  deifein  de  lui 
donner  pour  nourriture  la  chair 
&  le  fang  de  fon  fils  unique. 

*.  Quelqu'ardente  que  {bit 
la  paftion  que  nous  avions  ici- 
bas  pour  les  chofes  qui  nous 


Chapitre  LV.   315* 

plaifent ,  il  y  a  des  bornes  où  il 
faut  qu'elle  s'arrête  ,  &  qu'elle 
ne  peutpafler.  Le  feul  amour 
que  Dieu  a  pour  nous,  eft 
fans  limite  &  fans  rriefure  ;  6c 
c'eft  pour  le  fatisfaire  pleine- 
ment qu'il  nous  a  envoyé  du 
Ciel  ce  Fils  qui  lui  t(ï  égal  en 
tout,  qui  ala  même  fubiiance 
6c  les  mêmes  peife&ions  que 
lui.  Ainiï  l'amour  n'eft  pas 
moins  grand  que  le  .don  ,  ni  le 
don  moins  grand  que  l'amour, 
l'un  &  l'autre  étant  infinis  Si 
au  -deflus  de  toute  intelligence 
créée. 

3.  Si  Dieu  nous  a  tant  aimes, 
ce  n'elt  point  par  force  &:  mal- 
gré lui  ,  mais  par  fa  feule  bon- 
té, qui  le  porte  naturellement 
à  nous  combler  defes  bienfaits. 

4.  Nous  n'avions  rait  aucune 
bonne  œuvre  ,  nous  n'avions 
acquis  aucun  mérite  pour  nous 
attirer  fon  amour  !  &:  s'il  nous 
a  aimés  jufqu'à  l'excès,s'il  s'eft 


3li5  Le  Combat  Spirituel^ 
-donné  tout  entier  à  nous,  nous 
en  fommes  uniquement  rede- 
vables à  fa  charité. 

5.  L'amour  qu'il  nous  porte 
eft  tout  à-fait  pur  ,  &:  h*  on  y 
prend  bien  garde  ,  on  n'y  verra 
point  ce  mélange  d'intérêt  qu  i 
fe  rencontre  dans  les  amitiés 
mondaines.  Dieu  n'a  que  taire 
de  nos  biens, parce  qu'il  a  dans 
lu -même  ,  indépendammentde 
nous  ,  le  principe  de  fon  bon- 
heur &  de  fa  gloire.  Lors 
donc  qu'il  répand  fur  nous  fes 
bénédictions  ,  ce  n'eft  point 
fon  utilité  ,  mais  la  nôtre  feule 
qu'il  envifage.  Dans  cettepen- 
fée,  chacun  dira  en  foi-même: 
Qui  eût  cru  ,  Seigneur  ,  qu'un 
Dieu  infiniment  grand  ,  com- 
me vous,  pût  mettre  fon  affec- 
tion dans  une  créature  vile  Se 
abjecte  comme  moi.  Que  pré- 
tendez vous  ,  ô  Roi  de  gloire  ? 
Que  pouvez- vous  efpérer  de 
moi,  qui  ne  fuis  que  cendre  & 


Chapitre   LV.  317 

pouiîière  ?  Cette  ardente  cha- 
rité qui  vous  confonde  ,  ce  feu. 
quim'édaire  &  qui  m'échauffe 
tout  enfemble  ,  me  fait  a'Tez 
voir  que  vous  n'avez  qu'un  feul 
deiTein,&:  je  reconnois  encore 
par  làcombien  votre  amour  eft 
dégagé  de  tout  intérêt;  vous 
ne  prétendez  autre  chofe  ,  en. 
vous  donnant  tout  entier  à  moi 
dans-  ce  Sacrement,  que  ds 
me  transformer  en  vous  ,  afin 
que  je  vive  en  vous  >  &  que 
vous  viviez  en  moi ,  &:  que  pas 
cette  union  fi  intime  devenant 
une  même  chofe  avec  vous, 
je  change  un  cœur  tout  ter- 
re fi  re  comme  le  mien  ,  en  un. 
cœur  tout  fpirituel  &  tout  di- 
vin comme  le  votre. 

Après  cela  nous  entrerons 
dans  des  fentimens  d'admira- 
tion &  de  joie  ,  de  voir  les 
marques  que  le  Fils  de  Dieu 
nous  donne  de  fon  eftime  &  de 
&n  amour  ,  perfuadé  qu'il  ne. 


Jï8  Le  Combat  Spirituel 9 
cherche  qu'à  gagneriout-àfaic 
nos  cœurs  ;  qu'à  nous  attacher 
à  lui  en  nous  détachant  des 
créatures  &  de  nous  mêmes, 
qui  fommesau  nombre  des  plus 
viles  créatures;  nous  nous  of- 
frirons à  lui  en  holocaulte,  aùn 
que  notre  mémoire  ,  notre  en- 
tendement,notre  volonté ,  nos 
fens  n'agnlent  plus  que  par  le 
principe  de  fon  amour,  &:  par 
le  motif  de  lui  plaire. 

Puis  cor.iidérantsque  fans  fa 
grâce  ,  rien  n'eft  capable  de 
produire  en  nous  les  difpofi- 
tions  nécenaires  pour  le  rece- 
voir dignement  dans  l'Eucha- 
riftie  ,  nous  lui  ouvrirons  nos 
cœurs,  &  nous  tâcherons  de 
l'y  attirer  par  des  Oraifons  ja- 
culatoires, par  des  Afpirations 
courtes  ,  mais  ardentes  ,  telles 
que  font  celles-ci  :  O  viande 
célefte  ,  quand  aurai- je  le  bon- 
heur d'être  tout  entier  à  vous, 
6c   de  pouvoir  me  continuer 


Chapitre  LV.  319 

par  le  feu  de  votre  divin  A- 
mour  ?  Quand  fera -ce  ,  Cha- 
rité incréée,  6  Pain  vivant  ! 
Quand  fera- ce  que  je  ne  vivrai 
que  de  vous ,  que  par  vous  & 
que  pour  vous  ?  O  Manne  «du 
Ciel  ,  ô  ma  Vie,  ô  Vie  heu- 
re ufe  ôcéternelle!  quand  vien- 
dra le  teins  ,  que  dégoûté  '  de 
toutes  les  viandes  d'ici  -  bas  , 
je  ne  me  nourrirai  que  de 
vous  ?  O  mon  fouverain  bien  ! 
ô  toute  ma  joie!  quand  viendra 
ce  tems  bienheureux  ?  Dé- 
gagez, mon  Dieu,  dès  main- 
tenant ,  dégagez  ce  cœur  de  la 
fervitude  de  les  parlions  &  de 
fes  vices  ;  ornez-le  de  vos  ver- 
tus; étouffez  en  lui  tout  autre 
delir  que  celui  de  vous  aimer 
&  de  vous  plaire.  Après  cela 
je  vous  l'ouvrirai,  je  vous  prie- 
rai d'y  venir;  &  pour  vous  y 
attirer  ,  j'uferai  ,  s'il  eft  necef- 
faire,  d'une  douce  violence  : 
vous  y  viendrez,  ô  monuaique 


J20  Le  ComBat  Spirituel r 
tréfor!  &  rien  ne  vous  empê- 
chera d'y  produire  les  eftets 
que  vous  délirez.  Voilà  les  fen. 
timens  tendres  &  arïe&ueux 
dans  lefquels  on  s'exercera  le 
foir  &  le  matin  pour  fe  prépa- 
rer à  la  Communion* 

Quand  re  tems  de  com  m  ai- 
mer approche  ,  il  faut  bien 
coniiderer  quel  eft  celui  qu'on 
veut  recevoir.  C'eft  le  Fils  du 
Dieu  virant  ;  c'eft  celui  dont 
la  maiefté  fait  trembler  les 
Cieux,&les  vertusmêmes  des 
C:eux  ;  c'eft  le  Saint  desSaints,. 
îe  miroir  fans  tache  ,  la  pureté 
incréée  ,  en  eomparaifon'  de 
laquelle  toute  créature  eft  im- 
monde*;  c*èft  ce  Dieu  humilié 
qui  étant  l'arbitre  de  la  vie  & 
de  la  mort ,  a  voulu  ,  pour  faù- 
ver  les  hommes;ie  rendre  fem- 
blabîe  à  un  ver  de  terre;  fe 
rendre  le  jouet  de  la  populace, 
être  rebuté^  foulé  aux  pieds  ? 
moqué,  couvert  de  crachats* 
attaché: 


Chapitbe  LV.  321 

attaché  à  une  croix  ,  par  la 
fadion  des  infâmes  partifans; 
du  monde.  Confidérez  d'un 
autre  côté,  que  de  votre  fonds 
vous  n'êtes  rien  ;  que  par  vos- 
péchés  ,  vous  vous  êtes  mis  au-* 
deiTous  des  plus  viles  créatu-- 
les ,  môme  de  celles  qui  fons 
fans  raifon  ;  que  vous  méritez' 
.enfin  d'être  l'efclave  des  dé- 
mons. Songez  qu'au  lieu  de" 
donner  des  marques  de  recon> 
noiflance  pour  les  obligations 
infinies  que  vous  avez  à  votre' 
Sauveur»  vous  l'avez  cruelle- 
ment outragé  ,  jufqu'à  fouler* 
aux  pieds  le  Sang  qu'il  a  répan- 
du pour  vous,  &qui  eft  leprhs" 
de  votre  rédemption. 

A  près  tou  t  cela, votre  ingra- 
titude ne  l'emporte  point  fur 
fa  charité  toujours  conftante- 
&  immuable  ;  ii  ne  laifle  pas  de' 
vous  inviter  à  fon  banquet  ;  &: 
bien  loin  de  vous  en  exclure  >> 
il  vous  menace  de  fon  indigna*- 


32£  Le  Combat  Spirituel, 
tion  &de  la  mort  fi  vous  n'y 
allez.  Ce  Père  miféricordieux 
cft  toujours  prêt  à  vous  rece- 
voir; Ôcquoiqu  afesyeux  vous 
paroiffiez  couvert  de  lèpre  , 
boiteux  ,  hydropique  ,  aveu- 
gle ,  démoniaque  ,  &c  ,  qui  pis 
eit  ,  plein  de  vices  &  dépê- 
chés ,  il  n'a  point  d'averiion 
pour  vous,  il  ne  vous  fait  point, 
tout  ce  qu'il  demande  de  vous, 
c'eft,  i.  Que  vousayiez  une 
(incère  douleur  de  l'avoir  indi- 
gnement oifenfé.  2.  Que  vous 
haïfliezpar-defTustoureschofes 
Je  péché  ,  foit  mortel  ,  foit  mê- 
me véniel.  3.  Que  vous  foyiez 
toujours  difpofé  à  faire  fa  vo- 
îon^  ,  &  eue  dans  lesoccanons 
vous  l'exécutiez  promptement 
&  avec  ferveur.  4.  Qu'après 
cela  vous  ayiezune  ferme  con- 
fiance qu'il  vous  remettra  tou- 
tes vos  dettes  ,  qu'il  vous  puri- 
fiera de  toutes  ros  taches  > 
qu'il  vous  défendra  contre  tous 
vos  ennemis. 


Chapitre  LV.  323 
Etant  ainii  anime  par  le  four 
venir  de  l'amour  qu'il   porte 
aux  pécheurs  pénitens  ,    vous 
pourrez  vous  approcher  de  la 
feinte  Table  ,  avec  une  crainte 
mêlée  d  efpérance  &  d'amour, 
en  difant  :  Je  ne  fuis  pas  digne 
ce  vous  recevoir  ,  parcequeje 
vous  ai  fi  fou  vent  &  li  griève- 
ment offenfé ,  &  que  je  n'en  ai 
pas  fait  toute  la  fatisfa&ion  que 
je  dois  â  votre  jufiice.  Non  f 
mon  Dieu  ,  je  ne  fuis  pas  di- 
gne de  vous  recevoir  ,  parce" 
qu'il  me  refte  encore  quelque 
affe&ion  pour  les  créatures  , 
&  que  je  n'ai  pas  commencé 
à  vous  aimer  ,    &  à  vous  fer— 
vir  de  toutes  mes  forces.  Ah! 
Seigneur  ,  noubliez  pas  votre 
bonté,  fouvenez-vous  de  vo- 
tre parole  :  rendez-moi  digne' 
de   vous  recevoir  avec  foi  & 
avec  amour. 

Quand  vous  aurez  commu- 
aié  »  entrez  aulfi-tôt  dans  uiî 


324  Le  Combat  Spirituel  9 
profond  recueillement  :  &  fer* 
mant  ia  porte  de  votre  cœur , 
ne    penfez  plus    qu'à   traiter 
avec  VLtie  Sauveur ,  en  lui  di- 
fant  ces  paroles  ,  ou  d'autres 
fembîables:  O  fou verain  Maî- 
tre du    Ciel  ,    qui  a  pu  vous 
obliger  de  descendre  jufque 
dans  moi  ,  qui  fuis  une  créa- 
ture pauvre  ,  miferable.  aveu- 
gle ,  dénuée  de  toat  ?  Il  vous 
répondra    incontinent  :     C'eit 
l'amour.  Vous  lui  répliquerez  : 
O  amour  incréé  ,  que  deman- 
dez-vous de  moi?   Rien  autre 
chofe  ,  vous  dira-t-il ,  que  l'a- 
mour. Je  ne  veux  point  d'autre 
feu  dans  votre  cœur  ,  que  celui 
de  la  charité. Ce  feu  victorieux 
des  ardeurs   impures    de  vos 
paillons ,  embiafera  votre  vo- 
lonté ,  &  m'en  fera  une  victi- 
me d'agréable  odeur.  C'eft  ce 
que  j'ai  toujours  déliré  ,  &  ce 
quejedefire  encore;  je  veux 
être  tout  à  vous ,  &  que  vous 


Chapitre  LV.  327 

foyiez  tout  à  moi:  ce  qui  ne 
fe  pourrait  faire  fi  au  lieu  de 
vous  conformer  à  ma  volonté, 
vous  fuiviez  la  vôtre  ,  toujours 
amateur  de  votre  propre  li- 
berté ,  &  de  la  gloire  du  mon- 
de. Sachez  donc  que  ce  que  je 
fouhaite  de  vous ,  c'eft  que 
■  vous  vous  haïffez  vous-même, 
afin  de  pouvoir  m 'aimer;  que 
vous  me  donniez  votre  cœur, 
ann  de  l'unir  au  mien,  qui 
fut  ouvert  pour  vous  fur  la 
croix.  Vous  n'ignorez  pas  qui 
je  fuis,  Se  vous  voyez  néan- 
moins que  par  un  excès  d'a- 
mour, je  veux  bien  mettre 
quelque  forte  d'égalité  entre 
moi  éc  vous.  En  me  donnant 
tout  entier  à  vous  ,  je  ne  vous 
demande  que  vous  -  même  , 
foyez  à  moi ,  &  je  fuiscontent; 
ne  cherchez  que  moi ,  ne  fon- 
gez  qu'à  moi ,  n'écoutez  &:  ne 
regardez  que  moi  ,  afin  que  je 
fois  l'unique  objet  de  vos  peu- 
Xiij 


326  Le  Combat  Spirituel , 
iJes  &  de  vos  defirs ,  que  vous 
n'agiillez  qu'en  moi  ;  &  par 
moi ,  que  ma  grandeur  infinie 
abforbe  votre  néant  ;  qu'ainii 
vous  trouviez  en  moi  votre 
bonheur  ,  6c  que'je  trouve  en 
yous  mon  repos. 

Enfin,  vous  présenterez  au 
Père  Eternel  fon  Fils  bien-ai- 
*né.  r.  En  a&ion  de  grâces  de 
la  faveur  qu'il  vous  aura  faite 
de  vous  le  donner,  z.  Pour  en 
obtenir  du  iecours ,  Toit  pour 
vous-même  ,  foit  pour  toute 
PEglife,  foit  pour  vos  parens  , 
&  pour  ceux  à  qui  vous  avez 
quelque  forte  d'obligation  , 
foit  pour  les  âmes  du  Purga- 
toire ,  &  vous  unirez  cette  of- 
frande à  celle  que  le  Sauveur 
fit  de  lui-même  fur  la  croix  , 
lorfque  tout  couvert  de  plaies 
6z  de  Sang  ,  il  s'offrit  en  ho- 
locaufte  à  fon  Père  pour  la 
rédemption  du  monde.  Vous 
pourriez  encore  lui   offrir,  à 


C  h  apitreLVÏ.  527 

cette  intention, toute^  îesMef- 
fes  qu'on  célébrera  ce  jour-là, 
dans  tout  le  monde  Chrétien. 

Chapitre    LVI. 
De  la   Communion  fpirituelle. 


xcUoique  vous  ne  puifïïez 
pas  communier  réellement  plus 
d'une  fois  en  un  jour  ,  vous  le 
pouvez  faire  fpirituëllement , 
comme  j'ai  déjà  dit, à  toute 
heure  ,  &  il  n'y  a  que  votre 
feule  négligence,  ou  quelque 
femblable  défaut ,  qui  p  îiile 
vous  priver  de  cet  avantage. 
Or  ,  il  eit  à  remarquer  que  la 
Communion  fpii u  uelleeft  quel- 
quefois plus  utile  à  l'ame  ,  & 
plus  agréable  à  Dieu ,  que 
plulieurs  Communions  facra- 
memales  faites  fans  beaucoup 
de  préparation  8c  avec  tiédeur 
Lors  donc  que  vous  ferez  dit» 
pofé  à  cette  efpece  de  Con> 
X  iv 


528  Le  Combat Spirituel \ 
inunion  ,  le  Fils  de  Dieu  fera 
toujours  prêt  à  Ce  donner  fpiri- 
tuellement  à  vous  pour   être 
votre  nourriture. 

Quand  vous  voudrez  vous  y 
préparer  ,  vous  tournerez  d'a- 
bord votre  penfée  vers  N.  S. 
&  ayant  fait  quelque  réflexion 
fur  la  multitude  de  vos  offen- 
fes ,  vous  lui  en  témoignerez 
de  la  douleur.   Enfuite  vous 
le  prierez  avec  un  profond  ref- 
pe&,  &avec  une  vive  foi , qu'il 
daigne  venir  dans   votre  ame  , 
qu'il  y   répande  de   nouvelles 
grâces   pour  la  guérir  de  fes 
foiblefles ,  &  pour  la  fortifier 
contre  la  violence  de  fes  en- 
nemis.   Toutes    les  fois   que 
vous   pourrez   mortifier  quel- 
qu'une   de  vos    paflîons ,    ou 
faire  quelque  aite  de  vertu  , 
fervez-vous  de  cette  occafion, 
pour  préparer  votre  cœur  au 
Fils  de  Dieu  qui  vous  le  de- 
mande Ikns  celle  ;  puis  vous 


Chapitre    LVI.  329 

adreflant  à  lui ,  priez-le  avec 
beaucoup  de  ferveur  de  venir 
à  vous  comme  un  Médecin 
pour  vous  guérir,  comme  un 
Protecteur  pour  vous  défen- 
dre, afin  que  rien  ne  l'empê- 
che déformais  de  poiTéder 
tout   votre  cœur. 

Souvenez -vous  en  même- 
tems  de  votre  dernière  Com- 
munion facramentale  :  &  tout 
embrafe  de  l'amour  de  votre 
Sauveur  ,  dites -lui  •  Quand 
fers-ce  ,  ô  mon  Dieu  ,  que  je 
vous  recevrai  une  autre  fois  ? 
Quand  viendra  cet  heureux 
jour  ?  Que  fi  vous  voulez  com- 
munier en  ëfprit  avec  plus  de 
dévotion  ,  préparez-vous  y  dès 
le  foir  ;  &  dans  toutes  vos 
mortifications ,  dans  tous  les 
actes  de  vertu  que  vous  ferez  , 
ne  vous  propofez  autre  chofe, 
que  de  vous  mettre  en  état  de 
bien  recevoir  fprituellement 
Notre-Seigneor. 


330  Le  Combat  Spirituel 9 

Le  matin  à  votre  réveil ,  ap- 
pliquez vous  à  conlidérer  quel 
avantage  c'eft  à  une  ame  que 
de  communier  dignement  , 
puifque  par-là  elle  recouvre 
les  vertus  qu'elles  a  perdues  ; 
elle  revient  à  fa  première  pu- 
reté ;  elle  fe  renxl  digne  de 
participer  aux  fruits  de  la 
Croix  5  elle  fait  une  action 
très-agréable  au  Père  Eternel, 
qui  fouhaite  que  tous  jouiiïent 
-de  ce  divin  Sacrement. Tâchez 
Jà  -  deiTus  d'exciter  en  votre 
cœur  un  ardent  deiir  de  le 
recevoir,  pour  plaire  à  celui 
qui  veut  fe  donner  à  vous  ;  &: 
dans  cette  difpolition,  dites- 
lui  :  Seigneur  ,  puifqu'il  ne 
m'eft  pas  permis  de  vous  rece- 
voir aujourd'hui  réellement, 
faites  au  moins  par  votre  bonté 
&  par  votre  toute- puiiîance, 
que  purifié  de  toutes  mes  ta- 
ches ,  que  g .]  ici  de  toutes  mes 
plaies  >  je  raériie  de  vous  rece- 


Chapitre  LVÏI.  331 

voir  en  efprit,  maintenant  ,8c 
chaque  jour. &  à  chaque  heure 
du  jour  ;  afin  qu'étant  Fortifié 
d'une  nouvelle  grâce, je  réiifte 
courageufement  à  mes  enne- 
mis,fur-tout  à  celui  à  qui,  pour 
l'amour  de  vous ,  je  fais  parti- 
culièrement la  guerre. 

Chapitre    LVII. 

Des   actions    de    grâces  qu'on 
doit  rendre  à  Dieu. 

JL  Uifque  tout  le  bien  que 
nous  pofledons ,  ou  que  nous 
faifonseft  à  Dieu  &  vient  de 
Dieu  ,  il  eft  juPte  que  nous 
lui  rendions  de  continuelles 
a&ions  de  grâces  pour  toutes 
les  bonnes  œuvres  que  nous 
pratiquons ,  pour  toutes  les 
victoires  que  nous  remportons 
fur  nous-mêmes  ,  pour  tous  les 
bienfaits  ,  foit  généraux  ,  foit 
particuliers  que  nous  recevons 
éie  fa  main.  Afin  donc  de  nous 


352  Le  Combat  Spirituel, 
acquiter ,  comme  il  faut ,  de  ce 
devoir,  confidérons, avant  tou- 
tes choies  ,  quelle  eft  la  fin 
pour  îaquelleDieu  répand  avec 
tant  de  libéralité  les  bénédic- 
tions fur  nous.  On  reconnoî- 
tra  par-là  de  quelle  manière 
il  veut  que  nous  lui  marquions 
le  refTentiment  que  no«s  en 
avons. 

Comme  fa  fin  principale 
dans  tout  le  bien  qu'il  nous 
fait  ,e(t  d'avancer  fa  gloire,6c 
de  nous  attirera  fon  fervice> 
chacun  doit  faire  d'abordcette 
réflexion  en  lui-même  ;  O  que 
ce  bienfait  de  mon  Dieu  m'eft 
une  preuve  manifefte  de  fa 
puiffance  ,  de  fa  fagelTe  ,  &  de 
fa  bonté  infinie  !  Puis  confrdé- 
rant  que  de  lui-même  il  n'a 
rien  qui  mérite  un  tel  bien- 
fait ;  &:  qu'au  contraire  fon  in- 
gratitude l'en  rend  tout-à-fait 
indigne  ,  il  dira  avec  beaucoup 
d'humilité  :  commentdaignez- 


Chapitre  LVIII.  S33 

tous  :  Seigneur,  jeter  les  yeux 
fur  la  plus  vile  de  vos  créa- 
tures ?  Par  quel  excès  de  bonté 
pou  vez-vous  combler  degraces 
un  11  miférable  pécheur  t  Que 
votre  faintNom  foit  béni  dans 
tous  les  iiécles  des  fiécles  !  En- 
fin ,  voyant  que  pour  tant  de 
bienfaits  on  ne  lui  demande 
autre  chofe  ,  (mon  qu'il  aime 
&  qu'il  ferve  fon  bienfaiteur  , 
il  concevra  degrands  fentimens 
d'amowr  pour  un  Dieu  fi  bon  , 
&  de  grands  defirs  de  faire  en 
tout  fa  divine  volonté.  Il  finira 
par  s'offrir  tou:  entier  à  lui 
de  la  manière  que  nous  allons 
dire. 

Chapitre  LVIII. 

JOe   l'oblaiion  qu'il  faut  faire 

de  foi-méme  à  Dieu. 

X5LFin  que  cette  oblation  foit 
fort  agréable  à  Dieu  ,  il  y  a 
deux  chofes  à  obferver.    La 


3  34  Le  Combat  Spirituel, 
première,  eit  qu'on  l'uniffeà 
toutes  celles  que  le  Fils  de 
Dieu  faifoic  ici-bas.  La  fécon- 
de ,  qu'on- ait  le  cœur  entière- 
ment détaché  de  toute  affec- 
tion pour  le3  créatures. 

A*  l'égard- de  la  première, 
il  faut  {avoir  que  N.  S.  pen- 
dantqu'iî vivoit  dans  ce  monde, 
ne  ce  (Toit  d'offrir  au  Père  Eter- 
nel ,  ron-feulemenr  faperfon- 
ne  ck  fes  actions  particulières , 
mais  encore  tous  les  hommes 
&  toutes  leurs  bonnes  œuvres. 
Joignons  donc  nos  offrandes 
aux  tiennes  ,  afin  que  par  cette 
union;,  les  Hennés  ianctirient  les 
nôtres. 

Pour  la  féconde,  prenons  gar- 
de? avant  que  défaire  unfacri- 
fice  de  nous-mêmes  ,  que  nous 
n'ayons  nulle  attache  à  aucune 
créât  are.  Ainli  ,  lorfque  hous 
lentons  que  nos  cœurs  ne  font 
pas  entièrement  libresde  toute 
affection  impure  ,  recourons  'ai. 


Chapitre  LVIIÎ.   33? 

Dieu  &  conjurons-le.  de  rom- 
pre nos  liens,  afin  que  rien  ne 
nous  empêche  d'être  tout-à- 
fait  à  lui.  Ce  point  eft  très- 
important  :  car  fi  un  homme 
qui  s'eil  fait  efclave  des  créa- 
tures, prétend  fe  donner  à 
Dieu  ,  il  veut  lui  donner  un 
bien  qu'il  a  déjà  engagé  à  d'au- 
tres ,  &  dont  il  n'ert  plus  le 
maître.  Et  n'eit-ce  pas -là  fe 
moquer  de  Dieu  !  De-là  vient 
auiTi  que  quoique  fouvent  nous 
nous  foyons  offerts  de  cette 
manière  ,  comme  en  holo- 
caufte  au  Seigneur ,  non-feule- 
ment nous  ne  croirions  point 
en  vertu ,  mais  nous  tombons 
en  de  nouvelles  imperfections* 
ck  en  de  nouveaux  pèches. 

Noos  pouvons  à  la  vérité 
nous  offrir  quelquefois  à  Dieu 
quoiqu'ilnous  refle  quelque  at- 
tachement aux  chofes  du  mon- 
de ;  mais  c'eft  afin  qu'il  nous 
en  donne   de  l'averiion  ,    ck 


556  L*  Comhdt Spirïfueîy 
qu'après  cela  nouspuiffionsfanfr 
nul  obilacle  nous  dévouer  à 
fon  feryice;  ce  qu'il  faut  faire 
fou  vent,  &  avec  beaucoup  de 
ferveur.  Que  notre  oblation 
foit  donc  toute  pu  re,que  notre 
propre  volonté  n'y  ait  point 
de  part.  N 'envisageons  ni  les 
biens  de  la  terre  ,  ni  ceux 
du  ciel  ;  ne  regardons  que  la 
feule  volonté  de  Dieu  ;  ado- 
rons fa  providence  &  foumet- 
tons-nous  aveuglément  àfes  or- 
dres, facrifions-lui  toutes  nos 
inclination*-  ,  &  oubliant  les 
chofes  créées ,  difons-lui  :VQir 
ci  ,  ômon  Dieu  &  mon  Créa- 
teur, que  je  vous  offre  tout  ce 
que  j'ar,  je  foumets  entière- 
ment ma  volonté  à  la  vôtre; 
faites  de  moi  ce  qu'il  vous  plai- 
ra ,  foit  durant  la  vie ,  foit  à  la 
mort  ,  foit  après  la  mort,  dans 
le  tems  &  dans  l'éternité. 

Si  c'efi;  tout  de  bon  &  aveo 
fîRcéi'ité  que  nous  parlons  de 

lâi 


Chapitre  LVÎIT.    337 

la  forte  ,  ii  nous  fommes  dans 
ces  fentimens  ,  comme  le  tems 
de  î'adveriité  nous  le  fera  voir, 
nous  acqu  irerons ,  en  très-peu 
de  tems  ,  de  fort  grands  mé- 
rites ,  qui  font  des  tréfors  in- 
finiment pluspréeieuxque  tou- 
tes les  richeltes  de  .la  terre  ; 
nous  ferons  à  Dieu  ,  &  Dieu 
fera  à  nous ,  puifqu'il  fe  donne 
toujours  à  ceux  qui  renoncent 
à  eux-mêmes  &  à  toutes  les 
créatures,  afin  de  ne  vivre 
que  pour  lui.  C'eft  là  fans  dou- 
te un  puilTant  moyen  de  vain- 
cre nos  ennemis.  Car  fi  par  ce 
facrifice  volontaire  nous  nous 
attachons  tellement  à  Dieu  , 
que  nous  foyons  tout  à  lui  ,  &c 
que  réciproquement  il  foittout 
à  nous ,  que!  ennemi  fera  capa- 
ble de  nous  nuire  ? 

Mais  pour  defeendre  davan- 
tage dans  le  détail,  quand  nous 
voudrons  lui  offrir  des  jeûnes 
ou  des  prières ,  ou  des  ades.  de 
Y 


3  3 S  Le  Combat  Spirituel ,. 
patience  ,   ou  d'autres  fortes 


de  bonnes  œuvres  ,  il  raut 


bord  nousre "louvenir  des  jeû- 
nes, des  prières  ,  des  aillons 
feintesdu  Fils  deDleu,  &  met* 
tan:  toute  notre  confiance  en- 
leur  mérite  ,  préfenter  ainiiles- 
nôtres  au  Père  Eternel.  Que  il 
nous  vouons  ciïïir  à  ce  Père 
des  mifericordes  les  fouftian- 
ces  de  ion  rJs  ,  en  fatis&âiom 
de  no?  pèches,  nous  Je  pour- 
rons faire  de  la  manière  que  je 
vais  dire. 

Nous  nous  représenterons  ou 
en  général*  ou  en  particulier, 
les  défordres  de  notre  vie  ,  6c 
convaincus  que  de  nous-mê- 
mes nous  ne  pouvons  appaifer 
la  colère  de  notre  Souverain 
Juge  ,  ni  fatisfaire  à  la  juftice, 
nous  aurons  recours  à  la  vie  &r 
à  la  Pafïion  du  Sauveur  :  nous 
nonsfou  viendrons  que  lorsqu'il 
prioit  ,  qu'il  jeûnoit  ,  qu'il 
farayaillcit^    qu'il  verfoit  fon 


Chapitre  LVIII.  îjsr 
fang  ,  il  offrit  Se  fes  actions 
&c  ïes foui-Fiancés  à  fon  Père 
dans  le  deiïein  de  nous  ména- 
ger une  parfaite  réconciliation 
avec  lui.  Vous  voyez  ,  lui di  - 
foit-il  ,  comme  j'obéis  à  V03 
ordres ,  en  faifânt  à  votre  juf- 
tice  la  fatisfa&ion  qu'elle  de- 
mande pour  les  péchés  d'un 
tel  &  d'un  tel.  Ayez  la  bonté 
de  leur  accorder  le  pardon  r 
&:  de  les  recevoir  au  nombre 
de  vos  Elus. 

Il  faut  que  chacun  joigne 
fes  prières  à  celles  de  J.C.  & 
qu'il  conjure  le  Père  Eternel 
de  lui  faire  rniféricorde  par  les 
mérites  de  la  paflion  de  fon 
Fils.  Cela  le  peut  pratiquer 
toutes  les  fois  qu'on  médite 
fur  la  vie  ou  fur  la  Mort  de 
N.  S.  non- feulement  quand  on 
paffe  d'un  Myflère  à  Pautre: 
mais  en  toutes  les  circonlten- 
ces  de  chaque  Myflère  ,  foit 
qu'on  prie  pour  foi  ou  pcuc 
d'autres*  Y  ij, 


34°  te  Combat  Spirituel 9 

Chapitre  LIX. 

De  la  dévotion  fenfibU  ,  &  des 

peines  de  V aridité, 

jL«\  dévotion  fenfible  pro- 
cède ou  de  [a  nature  ,  ou  du 
démon,  ou  de  la  grâce.  On 
en  connoitra  la  cauie  par  les 
effets  qu'elle  produira  dans 
l'ame.  Car  (i  elle  n'y  opère 
nul  amendement  ,  il  y  a  fujet 
de  craindre  qu'elle  ne  vienne 
ou  du  démon  ,  ou  de  la  nature, 
far-tout  fi  l'on  y  ient  trop  de 
plaiiirs;  îil'on  s'y  attache  ex- 
cefTivement  ;  fi  l'on  vient  à  en 
concevoir  meilleure  opinionde 
foi-même.  Lors  donc  que  vous 
vous  fentez  le  cœur  plein  de 
joie  &c  de  confolation  fpiri< 
tueîîejne  perdez  point  trop  de 
tems  a  examiner  quel  en  peut 
être  le  principe;  maisgardez- 
voqsbien d'y  mettre  votre  con- 
fiance ,  ou  de  vous  en  _eftimer 


Chapitre  LIX.  541 

davantage  :  tâchez  au  contrai- 
re d'avoir  toujours  votre  ne'ant 
devant  les  yeux ,  &  de  confer- 
ver  une  grande  haine  de  vous- 
même  ,  de  rompre  tout  atta- 
chement pour  quelque  objet 
créé  que  ce  foit ,  même  fpiri- 
tuel ,  de  ne  chercher  que  Dieu 
feul ,  de  ne  déiner  que  de  lui 
plaire.  Car  de  cette  forte  > 
quand  la  douceur  que  vous  re£- 
fentez,  viendroit  d'un  mauvais 
principe  ,  elle  changerait  de 
nature  :  ckcommenceroitàêtre 
un  effet  de  la  grâce. 

L'aridité  fpirituelîe  procède 
pareillement  de  trois  caufes  , 
dont  nous  venons  de  parler. 
1.  Du  démon  ',  qui  met  tout 
en  œuvre  pour  nousporer  au 
relâchement ,  pour  nous  dé- 
tourner du  chemin  de  la  per- 
fection ,  pour  nous  engager 
dans  les  vains  plaifirs  du  : 
de.  i.De  la  pâture  corrompue. 
qui  nous  fait  commettre  beau- 
Y  ijj 


542  Le  Combat  Spirituel , 
coup  de  fautes,  qui  nous  rend 
tiédes  &  îiégligens,  &  qui  at- 
tache nos  cœurs  aux  biens  de 
la  terre.  <.  De  la  grâce  que  le 
Saint  -  Efprit  nous  communi- 
que,foit  pour  nous  détacher  de 
tout  ce  -qui  n'eft  pas  à  Dieu  , 
&:  qui  ne  va  pas  à  Dieu  ;  foit 
pour  nous  convaincre  pleine- 
ment que  tout  ce  que  nous 
avons  de  bien  ne  peut  venir 
que  de  Dieu  ;  foit  pour  nous 
faire  eftimer  davantage  les 
dons  du  Ciel  ;  foit  pour  nous 
unir  plus  étroitement  avec  lni, 
en  nous  faifant  renoncer  à 
tout  j  même  aux  délices  fpiri- 
tuelîes ,  de  peur  que  les  ai- 
mant trop  ,  nous  ne  partagions 
notre  amour,  qui  doit  être  tout 
à  lui  ;  foit  enfin  pai\:e  qu'il  fe 
plaît  à  nous  voir  combattre 
généreufeme,nt ,  fk  profiter  de 
les  grâces. 

Lors  donc   que  vous  vous 
trouvère 2  dans  le  dégoût  &!'*■ 


Chapitre  LIX.  545 

-ri  dite  ;  rentrez  en  vous-même  : 
examinez   quel  eft   le   défaut 
qui  vous  a  fait  perdre  la  dévo- 
tion fenlîble  ;  corrigez-vous- 
en  au  plutôt ,  non  pour  recou- 
vrer  cette  douceur  oui  s'eft 
changée  en   amertume  ,  mais 
pour  bannir  de  votre,-arpe  tout 
ce   qui    n'eft    pas  agréable    à 
Dieu.  Que. iï,  après  une  exacte 
recherche  ,  vous  ne  découvrez 
point  ce  défaut,  ne  penfez  plus 
à  la  dévotion  feniîble  ,  tâchez 
feulement  d'acquérir  la  vraie 
dévotion  ,  qiù  confille  à  vous 
conformer  en  tout  à  la  volonté 
deDieu  :  n'abandonnez  pas  voj 
exercices  fpirituels;  mais  quel- 
que infructueux,  quelque  infi- 
pides  qu'ils  vous  paroiiTent  , 
réfoîvez-  vous  d'y  perfévérer 
avec  confiance,  buvant  de  bon 
cœur  le  Calice  que  votre  Pêne 
célefte    vous  préfente  de   fa 
main. 

£t  fi  outre  l'aridité  qui  vou« 
Yiy 


344  £e  Combat  Spirituel, 
rend  comme  infenfible  aux 
chofes  de  Dieu  ,  vous  vous 
fertezencore  Fefprit  tellement 
embarrafle'  &  plein  d'épaifles 
ténèbres  /que  vous  ne  fâchiez 
à  quoi  vous  réfoudre,  ni  quel 
parti  prendre  ;  ne  vous  décou- 
ragez pas  pour  cela  ;  demeurez 
toujours  attaché  à  Ja  Croix  , 
rnéprifeztout  foulagement  hu- 
main ;  &  rejetez  les  vaines 
conf'lations  que  le  monde  & 
les  créatures  vous  pourroient 
donner. 

Cachezau  relie  votre  peine 
à  tcu.t  autre  qu'à  votre  Père 
fpirituel ,  à  qui  vous  devez  la 
découvrir  non  pour  y  trou- 
ver quelque  forte  d'adouciife- 
ment ,  mais  pour  apprendre  à 
la  fupporter  avec  une  entière 
réfi gration  à  la  volontédiv'ne. 
N'employez  pas  vos  commu- 
nions ,  ni  vos  prières  ,  ni  vos 
autre;exercicesfpiruue!s,pour 
cbtenk  de  N.S.  qu'il  vous  dé- 


Chapitre  LIX.  34;* 
tache  de  la  Croix  ,  priez  -  le 
plutôt  qu'il  vous  donne  allez 
de  courage  pour  y  demeurer  à 
ion  exemple  &  à  fapius  grande 
gloire  jufqu'à  la  mort. 

Mais  fi  le  trouble  de  votre 
efprit  ne  vous  permet  pas  de 
prier  &  de  méditer  à  Toi  dinai- 
re  ,  priez,  méditez  toujours  le 
moins  mal  que  vous  pourrez; 
&  fi  vous  ne  pouvez  pas  faire 
agir  l'entendement ,  fuppléez 
.àce  défaut  par  les  affections  de 
la  volonté  :  joignez  y  i'Oraifon 
vocale  ,  en  vous  adreffant  tan- 
tôt à  vous-même  ,  tantôt  à 
N .  S.  Vous refientirez  cle  mer- 
veilkux  effets  de  cette  fainte 
pratique,  &  elle  vous  fera  d'un 
très-grand  fouîagement  dans 
toute?  vos  peines.  Dites- vous 
dore  à  vous-même  en  cette 
rencontre  :  (  a  )  O  mon  ame  , 
pourquoi  éies-rous  fi  trijïe  ,  & 
pourquoi  me  caufc\-vous  tant  dt 


34^    Le  Combat  Spirituel, 
■trouble  ?  Efpere\  en  Dieu  ,  car 
je  chanterai  encore  fes  louan- 
ges ^puifquil  ejl  mon  Sauveur 
&  mon  Dieu.  (  a  )  D'où  vient  , 
Seigneur ,  que  vous  vous  êtes  é- 
loigi'é  de  moi   ?    Pourquoi  me 
méprife?rvous  ,    lor (que  j'ai    le 
plus  hefoin  de  votre  afftjïance , 
Ne  m\ibandonne\  pas  tout-à- 
fait.  Vous  vous  fouviendre% 
auiTi  des  bons  fentimens  que 
Dieu  infpiroit  à  Sara   femme 
de  Tobie  ,  dans  fon  afBiétion  ; 
&  vous  direz  avec  elle  dans  le 
même  efprit ,  non- feulement 
de  cc^ur  ,  mais  même  de  bou- 
che :  (b)  Mon  Di:u  ,  tous  ceux 
qui  vous  fervent  71  ignorent  pas 
que  s' ils  font  éprouvés  en  cette 
vie  par     les  fouffrances  ,    ils 
en  feront  rccompenfés:  s'ils  fait 
accablés  de  peines  ,  ils  en  feront 
délivrés; fi  vous  les  chât'e\  avec 
juftice  ,    vous  leur  fer  e\  miféri- 
êovde  ,    car  vous  ne  vous  plai- 
(a)  PfalnLp.il.    (b;   To!>ie,  3*  tu 


Chapitre  LÎX.    347 

fe\pas  à  nous  voir  périr  ;  vous 

faites  fuc céder  le  calme  à  la, 
tempête  ,  &  la  joie  aux  pleurs, 
O  Dieu  cVlfrael ,  que  voveNom 

Jbit  béni  dans  tous  les  fécles  ! 
Repréfentez  -  vous  encore 
votre  Sauveur, qui  dans  îeJar- 
d in  &  fur  le  Calvaire ,  fe  voit 
abandonné  de  celui  dont  il  cft 
le  Fils  bien  -aimé  tk.  le  Fils  uni- 
que ;  portez  la  Croix  avec  lui 
&  dites  de  tout  votre  cœur  : 

.  (a)  Que  voire  volonté  fe  faj/e  , 
&  non  pas  la  mienne.  De  cette 
forte  joignant  l'exercice  de  la 
patience  à  celui  de  la  prière  , 
vousacquérerez  la  vraie  dévo- 
tion, par  le  facrilice  volontaire 
que  vous  ferez  de  vous-même 
à  Dieu  ;  car  ,  comme  j'ai  déjà 
dit ,  la  vraie  dévotion  confifte 
dans  une  volonté  prompte  Se 
déterminéeàfuivre  Je  fus, char- 
gé de  fa  Croix  ,  pau'-tout  où  il 
nous  appelle;  à  aimer  Dieu, 
parce  qu'il  mérite  d'être  aime, 


34^  ht  Combat  Spirituel, 
&:  à  quitter  ,  s"il  elt  befoin  , 
Dieu  pour  Dieu.  Que  fi  une 
infinité  de  gens  qui  font  "pro- 
fefllon  de  piété  ,  mefuroient  à 
cela  leur  avancement  fpirituel, 
plutôt  qu'à  de  certains  goûts 
d'une  dévotion  feniible  ;  ils  ne 
feroient  pas  trompés  comme  ils 
font ,  ni  par  leurs  faufles  lumiè- 
res ,  ni  par  les  artifices  du  dé- 
mon, ils  n'en  viendroient  pas  à 
cet  excès  d'ingratitude, que  de 
murmurer  contre  le  Seigneur, 
ckde  fe  plaindre  fansraïfon  de 
Ja  grâce  qu'il  leur  fait  d'éprou- 
ver leur  patience  ;  ils  s'effor- 
ceroient  au  contraire  de  le  fer- 
vir  plu?  fidèlement  que  jamais  , 
perfuadécqu'il  ordonne  ou  qu'il 
permet  toutes  chofes  pour  fa 
gloire  &pour  notre  bien. 

C'eit  encore  uneillulion  dan- 
gereufe  que  celle  où  font  plu- 
sieurs femmes  qui  abhorrent 
véritablement  le  péché  ,  &qui 
emploient  tous  leurs  foins  pour 


Chapitre  LIX.  349 

en  éviter  ies  occasions  :  mais 
s'il  arrive  que  l'efprit  Lmmoiir 
de  les  tourmente  par  ôes  pen- 
fe'es  laies  &  abominables  ,  Se 
quelquefois  même  parce:  vi- 
vons horribles  ,  elle.  F  trou- 
tient  &  perdent  cou  :  , 
croya  "  que  Dieu  les  a  délaif-r 
fies.  Elles  ne  fauroient  s'ima- 
giner que  leSaint-Efprit  veuil- 
le demeurer  dansune  ame  rem- 
pile de  tant  de  fantômes  im- 
purs ;  ainfi  elles  s'abandonnent 
à  la  çriftefle  &:  tombent  dans 
une  efpèce  de  défefpoir ,  de 
iorte  qu'à-demi  vaincues  par 
la  tentation  ,  elles  fongent  à- 
quiter  leurs  exercices  fpiri- 
ritueîs  &  àretotjmer  en  Egyp- 
te :  5  qui  ne  volent  pas 
Pin  ilgaFra  veut  que  Dieu  leur 
ttre  qu'elles  foient 
tentées,  afin  d'empêcher  qu'el- 
le; ne  s'oublient,  &c  de  ies  for- 
cer par  le  fentiment  de  leuç 
ruifèie  à  ne  pas  s  éloigner  de 


3  JO  le  Combat  Sp iritu el , 
lui.  C'etf:  donc  une  extrême 
ingratitude  que  de  fe  plaindre 
d'une  chofe  dont  elles  de- 
vroient  rendre  mille  a&ions  de 
grâces  à  fon  infinie  bonté. 

Ce  qu'il  faut  faire  en  cette 
rencontre  ,  c'eft  de  bien  conli- 
dérer  les  inclinations  perverles 
de  notre  nature  corrompue  ; 
car  Dieu  qui  connoît  ce  qui 
nous  efl  îe  plus  utile  ,  veut  que 
nous'  fâchions  que  de  nous- 
mêmes  nous  ne  nous  portons 
qu'au  pe'ché,  &  que  fans  lui 
nous  nous  précipiterions  dans 
le  dernier  de  tousîes  malheurs» 
11  raut  enfmte  nous  exciter  à 
la  confiance  en  fa  divine  mifé- 
ricorde  ,  &  croire  que  ,  puis- 
qu'il nous  fait  voir  îe  péril  ,  il 
a  deffein  de  nous  en  tirer  &  de 
nous  unir  plus  étroitement 
avec  lui  par  l'Oraifon.  C'eft  de 
quoinous  lui  devons  témoigner 
«ne  extrême  reconnoiifance. 

Mais  pour  leveairàceiaiau* 


Ch  api  tke  LX  ^yi 

vaifes  penfées  qui  nous  vien- 
nent malgré  nous  ,  il  eft  très- 
certain  qu'elles  fe  diflipent 
beaucoup  mieux  par  une  hum- 
ble ibufnancede  la  peinequ'el- 
les  nous  font,  &  par  l'applica- 
tion de  notre  eiprit  à  quel- 
qu'autie  objet  ,  que  par  une 
réliitance  inquiète  &  forcée. 


C    H  A  P  I  T  R  E    L  X. 

Ve  F  ex  amen  de  Confcience. 

JL^Ans  l'examen  de  votre 
confcience  vous  aveztroischo- 
fes  à  eoniidérer.  i.  Les  fautes 
que  vous  avez  faites  durant 
la  journée,  z.  Les  oecalions 
qui  vous  y  ont  engagé.  }.  La 
difpoiition  où  vous  êtes  pour 
commencer  tout  de  bon  à  vous 
défaire  de  vos  vices  &  à  acqué- 
rir les  vertus  contraire?..  À  l'é- 
gard des  fautes  commifes  du 
*ant  la  journée,  vous  obferve- 


35*2  Le  Combat  Spirituel , 
rez  ce  que  je  vous  ai  enfeigné 
dans  le  Chapitre  XXVII ,  qui 
contient  tout  ce  qu'il  faut  faire> 
lorfqu'on  eft  tombé  dans  quel- 
que péché.  Pour  ce  qui  eft  des 
occalions  de  vos  chûtes  ,  vous 
tâcherez  de  les  éviter  avec  tout 
le  loin  &toutelavigi!ance  pof- 
fibles.Ennn,r,oiu"  vous  corriger 
de  vos  déf?.uts,  &:  pour  acqué- 
rir les  vertus  qui  vous  man- 
quent ,  vous  fortifierez  votre 
volonté  parla  déhancede  vous- 
même  ,  par  la  confiance  en 
Dieu  ,  par  lOraiibn  ,  &:  par 
desdefirs  fréquens  de  détruire 
vos  mauvaifes  habitudes  ,  6c 
d'en  contracter  de  bonnes. 

Que  fi  vous  croyez  avoir 
remporté  quelque  victoire  fur 
vous,  ou  avoir  fait  quelque 
bonne  œuvre  ,  défiez-vous-en, 
gardez- vous  bien  de  vous  en 
eftimer-davantage.  Je  ne  vous 
confeille  pas  même  d'y  penfer 
beaucoup  ,  de  crainte  qu'il  ne 

fe 


Chapitre  LX.  35*3 

fe  g.ife  par-là  dans  voue  cœur 
quelque  fentiment  iecrec  de 
piéfomption&  de  vaintgioire; 
Remettez  donc  toutes  vos  œu- 
vres ,  quelles  qu'elles  ioient  , 
entre  ies  mains  de  la  divine 
miiéricorde  &  ne  longez  qu'à 
vous  acquitter  à  l'avenir  de 
tous  vos  devoirs  avec  plus  de 
ferveur  que  jamais.  K 'oubliez 
pas  de  rendre  à  Dieu  de  très- 
humbles  actions  de  grâces  pour 
tous  les  fecours  que  vous  en 
avez  reçus  ce  jour-là  ;  recon- 
noillezqu'il  eft  l'auteur  de  tout 
bien  ,  ck  remerciez- le  en  par- 
ticulier de  ce  qu'il  vous  a  déli- 
vré d'un  grand  nombre  d'enne- 
mis ,  foit  vitibles ,  foit  inviiï- 
bîes ,  de  ce  qu'il  vous  a  infpiré 
beaucoup  de  bennes  peniées 
&.  ourni  plufieursoecaiions  de 
pratiquer  la  v^rra  ,  êc.de  ce 
que  même  il  vous  a  fait  une 
infinité  d'autres  biens  qui  vous 
fout  cachés* 

Z 


2  5^  Le  Combat  Spirituel^ 


Ch  a  p  i  t  R  E  LXI. 

Comment  nous  devons perfèvérer 
du  as  le  Cvmbat  Jpiritucl 
juftjuà  la  mort. 

JCiNtre  les  chofes  néceffaires 
pour  réuftir  dans  le  Combat  f  pi- 
ritue!,il  faut  compter  la  perfé- 
vérance5qui  eft  la  vertu  par  la- 
quelle nous  nous  appliquons  à 
mortifier  fans  relâche  nos  paf- 
iions  déréglées  ,  qui  pendant 
que  nous  vivons  ne  meurent 
point, maispouiTent  &; croitïent 
toujours  dans  notrecœur,com- 
me  dans  un  champ  fertile  en 
mauvaifes  herbes.  C'efi:  en  vain 
que  l'on  prétend  faire  cefïer 
cette  guerre  ,  puifqu'elle  ne 
peut  finir  qu'avec  notre  vie,  & 
que  quiconqueneveutpas  com- 
battre ,  perdra  infailliblement 
la  liberté  ou  la  vie.  Hé  !  com- 
œent  ne  feroit-il  pa»  vaincu  9 


Chapitre  LXI.  357 

ayant  en  tête  des  ennemis  réso- 
lus de  ne  lai  donner  ni  paix,  ni 
trêve,  parce  que  plus  on  re- 
cherche leur  amitié  ,  plus  on 
éprouve  leur  haine  ?  Vous  ne 
devez  pourtant  vous  étonner  , 
ni  de  leurs  forces  >  ni  de  leur 
nombre  ,  puifqu'en  cette  (orte 
de  combat  nul  n'eii  vaincu  que 
celui  qui  le  veut  être  ,  6c  que 
d'ailleurs  vos  ennemis  n'ont  de 
pouvoir  que  ce  que  leur  en 
donne  votre  Capitaine  ,  pour 
Thonneurduquel  vous  combat- 
tez. Or ,  jamais  il  ne  permet- 
tra que  vous  tombiez  entre 
leurs  mains  ;  il  fera  lui-même 
votre  defenfeur  ;  comme  il 
eft  infiniment  plus  pui  liane 
qu'eux  tous ,  il  vous  donnera 
la  victoire  ,  pourvu  que  com- 
battant avec  lui  ,  vous  mettiez 
votre  confiance  ,  non  pas  en 
vos  propres  forces ,  mais  en  fa 
Toute-  puhTance  Se  en  fa  bonté 
fouveraine. 

zr> 


-Jj^  Le  Combat  Spirituel, 

Que  s'il  tarde  à  vous  fecoiï- 
rir  %  s'il  vous  laiiTedans  le  dan- 
ger ,  ne  perdez  pas  pour  cela 
courage;  croyez  fermement  fie 
fervez-v-Hïs  de  cette  coniîdé- 
rarion  pour  vous  animer  au 
combat  ;  c  oyez,  dis- je  ,  fer- 
mement qu  il  difpoferales  cho- 
fes  y  de  forte  que  tout  ce  qui 
femble  devoir  raire  obftacle k 
votre  gloire  -tournera  à  votre 
avantage.  Temoignez-îui  feu-. 
îement  delà  refolution  &:  de 
la  fidélité  ,  fuivez  par-tout  vo- 
tre Chef,  quis'eft  expofépour 
vous  à  la  mort ,  &  qui  en  mou- 
rant a  vaificu  le  monde  ;  com- 
battez courageufement  fous 
fes  enfeignes,  &  ne  quittez 
point  les  armes  ,  que  vous 
n'ayez  détruit  tôt»  vos  enne- 
mis ;  car  û  vous  négligez  de 
ycras  défaire  d'un  de  w:  vices, 
ce.  fera  toujoursune  paiUe  que 
vous  porterez  dans  !'œiî  >  oh 
snefieche  que  vous  aurez,  dans 


Ch  apitreLXIL  55-7 

le  cœur;&  qui  vou^  empêchant 
de  combattre  ,  retardera  votre 
victoire. 

Chapitre  LXII. 

Comment  il  faut  fe  préparer  aie 
Combat  contre  les  ennemis  qui 
nous  attaquent  à  V anlcU 
de  la  mort. 


Uoique  tonte  notre  vie  ne? 
foit  ici-bas  qu'une  guerre  con- 
tinuelle ,  il  eft  certain  néan- 
moins que  la  plus  dangereufe 
journée  fera  la  dernière  ,  parce 
que  quiconque  fe  laiile  vaincre 
en  ce  tems-là.  n'aura  plus 
d'efpérance  du  falut.Arin  donc 
de  ne  pas  périr  alors  fans  ref- 
fource,  tâchezdevou?  aguerrie 
maintenant  que  Dieu  vous  en 
donne  l'occaiion  ,  parce  que 
celui  qui  combat  vaillamment 
durant  la  vie,  fera  victorieux  à 
la  mort,  àcaufede  l'habitude 
Z  iij 


3jS  le  Comlat  Spirituel , 
qu'il  a  de  vaincre  en  toute  ren- 
contre   fes   plus    redoutables 
ennemis. 

De  plus,  penfez  feu-vent  à 
la  mort  ;  car  lorfqu'cile  fera 
pioche  ,  elle  vous  fera  moins 
de  peur  ;  vous  en  aurez  l'efpric 
plus  libre  &  mieux  difpofe  au 
combat. Les  gensdu  monde  re- 
jettent cette  penfée  commera- 
cheufe  &  importune, dccralnte 
qu'elle  ne  leur  ôte  le  plaifir 
qu'ils  trouvent  dans  leschofes 
delà  terre ;&  parce  qu'ils  veu- 
lent fe  délivrer  du  dépîaiiir 
qu'ils  auroient,  s'ils  fongeoient 
qu'un  jour  ils  doivent  perdre 
des  biens  qu'ils  aiment  éper- 
dument.  Ainfi  leur  paflion  ne 
diminue  point  :  elle  s'augmente 
au  contraire  &  fe  fortifie  de 
jour  en  jour.  De-là  vient  auffi 
que  de  quitter  cette  vie  ,  &  de 
quitter  en  même-tems  tout  ce 
qu'ils  ont  de  plus  cher,c'eftune 
peine  pour  eux  d'autantplwîui- 


ChapitreLXII.  35$ 

fupportablc^  qu'ils  ont  été  plus 
long-tems  dans  les  délices. 

Mais  pour  vous  mieux  pré- 
parer à  ce  terrible  paiiage  du 
tems  à  l'éternité  ,  imagiaez- 
vous  quelquefois  être  feu!, fans 
aucun  fecours,  parmi  les  dou- 
leurs de  la  moit;  confidérez 
attentivement  les  chofes  dont 
je  vais  parler  9  qui  pourront 
alors  vous  faire  le  plus  de  pei- 
ne :  ck  n'oubliez  pas  les  remè- 
des que  je  vous  propoferai,arm 
de  pouvoir  vous  en  fervir  dans 
cette  dernière  extrémité 5  cârfl 
faut  néceflairement  apprendre 
à  bien  faire  ce  qu'on  ne  fait 
qu'une  feule  fois  ?  de  peur  de 
commettre  une  faute  irrépara- 
ble ,  &  qui  efr  toujours  fuivie 
d'une  éternité  de  malheurs. 


Z  iv 


f6o 

■... «— —^«W  I  I      I 

Chapitre    LXIII. 

Des  quatre  fortes  de  tentations 
qui  arrivent  au  tems  de  ht 
■mort  ,  &  p/emcê  rente  rit  de  la 
tentation  contre  la  Foi,  &  de 
la  manière  d'y  rifi  1er. 

jLaEs  ennemis  de  notre  faîut 
ont  coutume  de  nous  inquiéter 
à  la  mort  par  quatre  fortes  de 
tentations  dangereufes  :  i.  Par 
des  doutes  fur  les  choses  de  la 
Foi.  z.  Par  des  penfîes  dedé- 
fefpoir  \  Par  des  fentimensde 
vaine  gloire.  4.  Par  diverfea 
fortes  d'ill  ifi  tns  ,  dont  cesef- 
prks  de  ténèbres  ,  tran formés 
en  An^es  de  lumière; ,  fe  fer- 
vent pour  nous  tromper. 

Pour  ce  q^i  regarde  la  pre- 
mière tentation  ,  ii  l'ennemi 
vous  pronofe  quelque  raifon- 
nement  faux  &  captieux  ,  gar- 
dez-vous bien  de  raifonner 
avec  lui,  contentez -vous   de 


Chapitre  LXIII.  36*1 

ki  dire  avec  une  fainte  indi- 
gnation :  Retire- toi  d\ci ,  Sa- 
tan ,  père  du  menfonge  :  car  je 
ne  veux  pas  rnAme  t'écouter  , 
6c  il  me  fuiSt  de  croire  tout  ce 
que  croit  la  fainte  Egliie  Ro- 
maine. 

Prenez  carde  aufïi  de  ne  pas 
vous  arrête;-  à  de  certaines  per> 
fées  qui  vous  viendront  dans 
l'efprit ,  &  qui  vous fembleront 
propres  pour  vous  arFemir 
dans  la  Foi ,  rejettes  les  com- 
me des  fuggeftions  du  démon, 
qui  prétend  par-là  vous  embar- 
raifer ,  en  vous  engageant  in- 
feniiblem?nt  à  la  difpute.  Que 
û  vou*  a'êtes  plus  en  état  de 
vous  défaire  de  ce  penfées  ,  û 
vous  en  avez  déjà  I'efprit  occu- 
pé ,  demeurez  ferme,  6c  n'é- 
coutez ni  les  raifons  ,  ni  même 
les  autorités  de  l'Ecrirure  que 
l'ennemi  vous  alléguera  ;  car 
quelque  claires 8c  quelque  cer- 
taines qu'elles  vous  paroiiîent  , 


362  Le  Combat  Spirituel , 
elles  feront,  ou  tronquées  5  ou 
mal  citées ,  ou  détournées   de 
leur  véritable  fens. 

Si  donc  le  malin  efprit  vous 
demande  ce  que  croit  l'Eglile 
.Romaine  ,  ne  lui  faites  là-def- 
fus  aucune  réponfe  ,  mais  fa- 
chant  que  tout  fon  deflein  efl: 
de  vousfurprendre  &  de  vous 
chicaner  fur  quelque  mot  am- 
bigu ,  formez  feulement  en 
général  un  acte  de  Foi ,  ou  ii 
vous  voulez  lui  faire  plus  de 
dépit,  répondez-lui  que  l'Eglife 
croit  la  vérité  ;  &  s'il  vous 
prefle  de  dire  quelle  eft  cette 
veiné,  ne  lui  répliquez  autre 
chofe,  fînon  que  c'elt  ce  que 
lEglife  croit.  Ayez  foin  ,  fur- 
tout  ,  que  votre  cœur  demeure 
attaché  à  la  croix,  &  dites  au 
Fils  de  Dieu  :  O  mon  Créa- 
teur &monSauveur,  fecourez- 
moi  au  plutôt ,  &  ne  vous  éloi- 
gnez point  de  moi,  de  peur 
que  je  ne  m'écarte  de  la  vérité 


Chapitre  LXIV.  363 
que  vous  m'avez  enfeignée  , 
&  puifque  vous  m'avez  fait  la 
grâce  de  naitre  dans  votre 
Egîife  ,  faites- moi  au fli  celle 
d'y  mourir ,  à  votre  plus  grande 
gloire. 

Chapitre  LXIV. 

De  la  tentation  du  défefpoir  ;  & 

comment  onpeut  s'en  défendre. 


L 


A  féconde  tentation  del'en- 
nemi  de  notre  faluî  eft  une 
vaine  frayeur  qu'il  tâche  de 
nous  donner,  en  nous  remet- 
tant devant  les  yeux  nos  fau- 
tes paflees  ,  pour  nous  jeter 
dans  Je  défefpoir.  Si  vous  vous 
trouvez  en  ce  péril,  prenez 
pour  régie  généialeque  la  pen- 
fée  de  vos  péchés  eft  un  effet 
de  la  grâce  ,  &  qu'elle  vous 
i'era  falutaire  ,  li  elle  produit 
en  vous  des  fentimens  d'humi- 
lité', de  componction  ck  de 
confiance  en  la  mif4ricorde  di- 


j-^4  -e  Combat  Spirituel , 
vine.  Mais  fâchez  autïi  qu'elle 
vient  du  malin  efprit ,  lorf- 
qu'elle  vous  caufera  du  trouble 
ik  de  la  défiance  ,  qu'elle  vous 
m  t  danslabattement ,  qu'elle 
vous  rend  lâche  &:  timide  , 
quoiqu'il  vous  femble  avoir  de 
fortes  raifons  pour  croire  que 
vous  êtes  réprouvé  ,  &:  qu'il 
n'y  a  point  de  falur  pour  vous. 

Ne  fongez  alors  qu'à  vous 
humilier  &  à  vous  confier  plus 
que  jamais  en  la  bonté  infinie 
de  Notre-Seigneur ,  car  par  ce 
moyen  vous  éluderez  toutes  les 
rafes  du  démon  \  vous  tourne- 
rez contre  lui  fes propres  ar- 
mes &  vous  rendrez  gloire  à 
Dieu.  Il  faut ,  à  la  vérité,  que 
vous  ayez  du  regret  d'avoir 
ofFenfé  cette  bonté  fouveraine 
toutes  les  fois  que  vous  vous 
en  fouvenez;  mais  il  faut  auflî 
que  vous  lui  en  demandiez  par- 
don avec  une  ferme  confiance 
aux  mérites  du  Sauveur  ;  & 


Chapitre  LXIV.  $6$ 

qwand  même  vous  ooiriez  es- 
tendre  Dieu  qui  vous  duoitaa 
fond  du  cœur,  que  vous  n'êtes 
point  du  nombie  t;e  fes  biebis,. 
vous  ne  devriez  ras  ceflér 
d'efpérer  en  lui  ;  mais  vous 
devriez  lui  dire  humblement; 
Seigneur  ,  vous  avez  fujet  de 
me  répiowver  &  de  me  punir 
éternellement  pour  mes  pé- 
chés: mais  j'ai  encore  plus  de 
fujet  d'efpérer  que  voas  me 
ferez  miféricorde.  Je  vous 
fupplie  donc  d'avoir  pitié  d'une 
miferable  créature  qui  mérite 
la  damnation  éternelle  :  mais 
qui  a  été  rachetée  de  votre 
fane:.  Je  veux  me  fauver  ,  o 
mon  Rédempreur,  pour  vous 
bénira  Jamais  dans  votre  gteire* 
toute  ma  confiance  eft  en  vous 
&  je  m'abandonne  tout  entier 
entre  vos  mains  ;  faites  de  moi 
ce  qu'il  vous  plaira ,  puif que 
vous  êtesmonfouverainMaiti  e; 
frites  de  moi,  dis-je,ce  qu'il 


$66  Le  Combat  Spirituel, 
vous  plaira  ;  mais  quoi  qu'ii  ar* 
rive  ,  je  veux  efpérer  en  vous, 
duiïiez-vous     dès  -  à  -  préfenc 
m'envoyer  la   mort. 

-  n 

Chapitre    LXV. 

De    la   tentât: on    de  la    vaine 
gloire. 

JL*A  troifieme  tentation  efl 
celle  de  ia  vaine  gloire.  Ne 
craignez  rien  tant  que  de  vous 
laiiîer  aller  à  la  moindre  com- 
plaiiance  de  vous-même  &c  de 
vos  œuvres.  Ne  vous  glori- 
fiez jamais  qu'en  N.  S.  &  re- 
connoifTez  que  vous  devez  tout 
aux  mérites  de  la  vie  &.  de  fa 
mort.  Tant  que  vous  vivrez, 
n'ayez  pour  vous  que  de  la 
haine  S:  du  mépris ,  humiliez- 
vous  de  plus  en  plus  ,  &  rendez 
fans  ceffe  des  actions  de  grâces 
à  Dieu  ,  comme  à  î'autear  de 
tout  le  bien  que  vous  avez 
fait.  Priez-le  de  vousfesourir; 


Chapitre  LXV  367 

«lais  ne  regardez  pas  fan  fe- 
cours  comme  Je  prix  de  vos 
mérites,  quand  mêm.e  vous 
auriez  gagné  fur  vous  de  gran- 
des victoires.  Demeurez  tou- 
jours dans  la  crainte  ,  &:  avou- 
ingénument  que  tous  vos  foins 
feroient  inunies  ,  fi  Dieu  , 
qui  eft  toute  votre  efpérance  , 
ne  vous  afïîitoit.  Profitez  de 
ces  avertiiTemens  ,  foyez  fur 
que  vos  ennemis  n'auront  fur 
vous  aucun  avantage. 

Cha  pitre   LX  VI. 
De  diverfds  illufians  dit  démon 
qui  arrivent    à  l'article  de  la 
mort. 

vj)I  l'ennemi  de  notre  falut , 
qui  ne  fe  lafïe  jamais  de  nous 
tourmenter,contrefaifant  l'An- 
ge de  lumière, s'efforce  devous 
furprendre  par  des 'Ululions  & 
par  des  virions  imaginaires  ,  ou 
même  feniibles ,  demeurez  fer- 


368  Le  CcmBat  Spirituel \ 
me  daiiS  la  connoifTance  de 
vous-même  &l  clitts-lui  hardi- 
ment :hetiYe-toi,  malheureux  : 
retourne  dans  tes  ténèbres, 
d  où  tu  es  ion i:  car  je  fuis  un 
trop  grand  pécheur  pour  méri- 
ter des  viiions,  &  je  n'ai  be- 
foin  que  de  la  naiericorde  de 
mon  Jefus,  &  des  prières  de 
la  bienheureufe  Vierge  ,  de 
S.  Jofepfa  &  des  autres  Saints. 
Que  ii  par  des  marques  pref- 
que  évidente?,  il  vous  iembloic 
que  ceschofes  viniïentdeDieu, 
gardez-vous  d'abord  d'y  ajou- 
ter foi  :  ne  craignez  point  de 
les  rejeter  :  celte  réiiftance  • 
fondée  fur  la  vuede  votre  mife- 
re  7ne  peut  être  défagréable  à 
N.  S.  &  fi  c'err  lui  qui  agit  eiï 
vous ,  iî  iaura  bien  vous  le  faire 
conr  oitre,fans  qu'il  vous  en  ai» 
rive  aucun  mai  ;  parce  que  ce- 
lui qui  donne  fa  grâce  aux  hum- 
bles, n'a  garde  de  les  en  pri- 
Ter .  loifau'ils  s'humilient. 

Voilà 


Chapitre  LXVI  369 

Voilà  les  armes  dont  l'en^ 
nemi  a  coutume  de  fe  fervir 
généralement  contre  tous  les 
hommes,  lorfqu'il  les  voit  pro- 
che de  la  mort  ;  mais  outre  ce-* 
la  il  attaque  chacun  en  parti- 
culier par  l'endroit  qui  lui  pa- 
roît  le  plusfoible.  Il  étudie  no£ 
inclinations  ,  &  c'eft  par  nos 
inclinations  mêmes  qu'il  nous 
fait  tomber  dans  le  péché. C'eft 
pourquoi,  avant  que  l'heure  du 
grand  Combat  foit  venue  ,  pre» 
nons  les  armes  ,  &  commen- 
çons à  faire  la  guerre  aux  paf- 
iions  qui  nous  dominent  r  afin 
que  nous  ayons  moins  de  peine 
à  y  réfifter  &:  à  les  vaincre  dans 
ce  tems  il  redoutable  ,  qu*  fera 
la  fin  de  tous  les  tems  :  *  Vous 
combattre^  contr'eux  jufqu  à  ce 
qu'Us  foient  entièrement  défaits» 

*///.  ReS.  if, 

FIN. 

A* 


57° 

DE    LA    PAIX 
DE       L"     A    M     E, 

E  T 

DU  BONHEUR    D'UN 

cceur  qui  meurt  à  lui-même, 
pour  vivre  à  Dieu. 


Chapitre    Premier. 

De  quelle  nature  ejl  U  cœur  hu- 
main ,  &  de  la  manière  de  le 
gouverner. 


IEU  n'a  fait  le  cœur  hu- 
main ,  que  pour  l'aimer,  & 
pour  en  être  aimé.  L'excel- 
lence de  la  fin  de  fa  création  le 
doit  dont  faire  confidérer  cem- 
me  le  plus  grand  6c  le  plus  no- 
ble defes  ouvrages, 
C'eft  uniquement  de  fon  gou- 


Chapitre  I.  371 

vernement  que  dépend  la  vie 
eu  Ja  mort  fpitkuelle. 

La  icience  n'en  doit  pas  être 
foi-t  difficile  ,  puifque  fon  ca- 
ractère eft  de  faire  toutes  cl  o- 
fes  par  amour,  &  de  neiien 
faire  par  force. 

Nous  n'avons  qu'à  veiller 
doucement  &  fans  violence  fur 
les  mouvemens  par  lefquels 
nous  agitions. 

Voir  d'où  il  viennent ,  &  cil 
ils  tendent. 

Si  ces  mouvemens  partent 
du  coeur  qui  eft  la  foin  ce  de 
l'amour  divin,  ou  de  f^fprit 
qui  eft  la  fource  de  la  vanité 
humaine. 

Vous  connoîtrez  que  c'eft  le 
cœur  qui  vous  fait  agir  tlanj- 
vos  bonnes  œuvres ,  par  le  mo- 
tif de  l'amour  ,  quand  tout  ce 
que  vous  faites  pour  Dieu  ne 
vousparoît  rien  ,  &:  quand  en 
faifant  ce  que  vous  pou vea  ,- 
tous  avez  honte  de  faiie'upcu. 
A  a  îj 


37?  De  la  paix  de  tAme, 

Et  vous  devez  juger  que  c'eft 
Pefprit  mu  &  excité  par  des  in- 
térêts humains  quand  les  bon- 
nes œuvres  que  vous  faites  ne 
vouslaiiïent,  au  lien  des  ver- 
tus douces,  humbles  &  tran- 
quilles, que  des  vapeurs  &  des 
illufions  de  ^aine  gloire  5  qui 
vous  font  croire  que  vous  avez 
beaucoup^  fait ,  quand  vous  n'a- 
vez rien  faît  de  bien. 
•  La  guerre  humaine  dont  par- 
le Job ,  coniifte  en  ces  veilles  , 
que  nous  devons  faire  conti- 
nuellement fur  nous-mêmes. 

Elles  ne  doivent  point  être 
chagrines  ni  inquiètes  ,  au  con- 
traire leur  but  principal  eft  de 
donner  le  repos  à  l'ame,  cal- 
mera appaifer  les  mouvemens 
quand  on  la  fendra  inquiète  Se 
agitée  dans  fon  a&ion  ,  ou  dans 
fa  prière.  Car  l'on  doit  être 
perfuadé  que  l'on  ne  fauroit 
bien  prier  en  cet  état,  que 
l*ame  ne  foit  mife  dans  fa  pre- 
mière afliette. 


Chapitre  II.  373 
Sachez  que  vous  n'avez  be- 
foin  pour  cela  que  du  feul  at- 
trait deladouceur,&quec'eft 
la  feule  chofe  qui  la  peut  raire 
revenir  de  fon  égarement ,  & 
lui  rendre  fa  première  tranquil- 
lité. 
—  1 1       1    1  ■■  ■  — »  '  —    1  "i     ■» «1 

Chapitre   II. 
Du  foin  que  Vaine  doit  avoir  de 
s'acquérir  une  parfaite  tran- 
quillité. 

V^Ette  attention  douce&  paf- 
lible  mais  fur-tout  peffévé- 
rante  fur  notre  cœur ,  nous 
conduira  fans  peine  à  de  gran- 
des chofes  :  non-feulement  elle 
nous  fera  prier  &  agir  douce- 
ment &  aifément  ;  mais  fouiFrir 
fans  fâcherie  ,  ce  qui  rait  le  fu- 
jet  de  l'emportement  de  tous 
les  hommes  ,  qui  eft  le  mépris 
&:  l'injufiiee. 

Ce  n'efl:  pas  que  pour  acqué- 
rir cette  paix  intérieure^   ne 
A  aiij 


374  &e  la  paix  de  ?  Ame9 
faille  efluyer  beaucoup  de  tra- 
vaux ,  &  que  faute  d'expé- 
rience nous  ne  fuyons  fouvent 
battus  par  ces  ennemis  puif- 
fan?  qui  font  au-dedans  de  nous; 
mais  lo  uns  certains  que,  pour- 
vu que  nous  les  voulions  com- 
battre ,  nous  ne  manquerons , 
ni  de  fecours  ,  ni  tle  confola- 
tions  en  cette  guerre;  que  nos 
ennemis  s'affoibliront  ,  que 
leurs  forces  fe  difïîperont ,  que 
notre  domination  fur  nos  mou- 
vemens  s'établira;  &  qu'enfin 
nous  donnerons  à  notre  ame 
ce  précieux  repos  qui  doit  faire 
fa  béatitude  dès  cette   vie. 

S'il  arrive  que  l'émotion  foit 
trop  forte  pour  fe  laiiTer  vain- 
cre ,  ou  le  poids  de  l'affliction 
trop  pefânt  pour  être  fupporté 
cJenous-mJmes  ;  courons  àl'O- 
raifon  ,  prions  &  perfévérons 
ro'la  prière;  Je  fus  Chrilf  pria 
trois  fois  au  Jardin  des  O li- 
res, pour  nous  apprendre  qu  e 


Chapit  re  II    37/ 

l'Oraifon  doit  être  le  remède 
&  la  con£olation  de  tout  efprit 
affligé. 

Prions  toujours  jufqu'à  ce 
que  nous  Tentions  notre  inté- 
rieur fournis  ,  notre  volonté 
rangée  à  celle  de  Dieu  ,  &  que 
notre  ame  foit  revenue  à  fa 
première  tranquillité. 

N  e  la  taillons  point  troubler 
par  la  précipitation  de  nos  ac- 
tions extérieures,  quand  nous 
ferons  quelque  ouvrage  de 
corps  ou  d'elprit,  travaillons- 
y  pofement  ou  paifiblement  , 
fans  nous  prefcrire  de  teins 
pour  l'achever  ni  nous  empref- 
fer  d'en  voir  la  fin. 

ÎSî  ous  ne  devons  avoir  qu'une 
feule  principale  intention  ,  qui 
eft  de  conferver  en  nousla  mé-* 
moire  &  le  fou  venir  de  Dieu 
avec  humilité  &  tranquillité  , 
fans  nous  (oucier  de  rien  que 
de  lui  plaire. 

Si  nous  y  mêlons  quelqu'au- 
A  a  iv 


37^  &*  la  paix  detAmel 
tre  chofe  ,  notre  ame  fe  rem- 
plira de  trouble  &  d'inquiétu- 
de ,  nous  tomberons  fort  fou- 
vent  ,  &  les  peines  que  nous  , 
aurons  à  nous  relever  de  nos 
chûtes ,  nous  ferons  affez  fentir 
que  tout  notre  mal  vient  de  ce 
que  nous  voulons  tout  faire  fé- 
lon notre  humeur ,  &  accom- 
plir notre  propre  volonté  en 
toutes  nos  actions  ;  ce  qui  fait 
que  quand  elles  réunifient , 
nous  nous  en  payons  nous-mê- 
mes par  de  vaines  complaifan- 
ces;  Se  quand  elles  ne  reuftif- 
fent  pas ,  nous  nous  remplirons 
de  chagrin  ,  de  trouble  &.  d'in- 
quiétude. 
»■■    ■  * 

Chapitre  III. 

Que  cette  demeure  pacifique  doit 
s'édifier  peu  à  peu. 

Jt^Ejettez  devotre  efprit  tout 
ce  qui  peut  l'élever  ou  i'abaif- 
fer  ,  le  troubler  ou  l'inquiéter; 


Chapitre  III.  377 

travaillez  doucement  à  lui  ac- 
quérir ,  ou  à  lui  conferver  fa 
tranquilité  ;  car  Jefus-Chrifi:  a 
die  :  Bienheureux  fontles  paci- 
fiques ;  apprenez  de  moi  que  je 
fuis  doux  &  humble  de  cœar. 
Ne  doutez  point  que  Dieu  ne 
couronne  ce  travail  ,  &  qu'il 
ne  fe  falTe  dans  votre  ame  une 
maifon  de  délices, tout  ce  qu'il 
demande  de  vous,eil  qu'autant 
de  fois  que  les  mouvemens  des 
.  feris  &  des  paffions  vou>  agite- 
ront ,  vous  preniez  à  tâche  de 
rabaitfer  ces  fumées,  calmer  8c 
appaifer  ces  tourbillons, &  re- 
donner la  paix  à  vosaéfcions. 

Comme  unemaifon  ne  s'édi- 
fie pas  tout  en  un  jour  ,  au  (fi 
l'acquilition  de  ce  tréfor  inté- 
rieur n'eft  pas  une  entreprife 
de  peu  de  tems. 

Mais  la  perfedVtort  de  cette 
œuvre  defiredeuxcrnfeseiTen- 
tislles;  l'une  que  ce  foir  Dieu 
même  qui  s'édirîe  fa  demeure 


37%    De  la  paix  de  t  Ame  9 
au -dedans  de  vous  ;  l'autre, 
que  ce  bâtiment  ait  pour  ron- 
dement l'humilité. 


Chapitre  IV. 

Que  pour  parvenir  à  cettcPaix, 
L'Ame  doit  fe  défendre  de 
'toute  coîifoLition. 

jLuE  chemin  qui  conduit  àcet- 
te  paix  que  rien  n'eft  capable 
de  troubler.,  eft  prefque  incon- 
nu du  monde.  L'on  y  embraf- 
fe  les  tribulations,  comme  les 
mondains  font  les  plaiiîrs  ;  l'on 
y  ambitionne  les  mépris  êcleg 
opprobres,  comme  ils  font  la 
gloire  &  les  honneurs;  l'on  y 
travaille  tout  autant  à  fuir  &:  à 
être  fui, à  quitter  &à  être  quit- 
té ûqs  hommes  ,  que  font  les 
gens  du  monde  à  être  recher- 
chés ,  carefles  &  eltimés  des 
grands. 
Mais  Tony  profeiïe  en  toute 


Chapitre  IV.   379 

liumiiité  la  fainre  ambition  de 
n'être  connu,  regardé,  confole 
ck  favorifé  que  de  Dieu  feul. 
L'ame  chrétienne  y  apprend 
à  demeurer  feule  avec  fon 
Dieu  ,  &;  à  fe  tenir  fi  forte  de 
fa  divine  préfence,  qu'il  n'y  ait 
ni  peine  ,  ni  tourmens  qu'elle 
ne  voulut  fouffrir  pourfa  gloire 
&  pour  fon  amour. 

L'on  y  apprend  que  la  fouf- 
france  efface  le  péché  ;  qu'une 
affliction  bien  endurée  eft  un 
tréfor  pour  l'éternité  ;  &:  que 
fouffrir  avecJefus-Chriiï,  doit 
être  toutel'ambitiond'une  ame 
qui  veut  approcher  de  fa  glo- 
rieuse conformité. 

L'on  y  enfeigne  ,  que  s'ai- 
mer foi-même, faire  fes  volon- 
tés ,  fuivre  les  mouvemens  de 
fes  fens ,  contenter  fes  appé- 
tits ,  ik  fe  perdre  ,  eft  toute 
une  même  chofe. 

Qu'il  ne  faut  pas  même  faire 
îe  bien  auquel  notre  volonté 


380  De  la  paix  de  t Àriie , 
fe  porte,  que  hous  ne  l'ayons 
foumife  à  celle  de  Dieu,  en 
iîmplicité  &  humilité  de  cœur, 
pour  n'en  faire  que  ce  que  fa 
Aîajefté  en  ordonnera  fans  reî 
cherche  de  nous-mêmes. 

Nous  nous  portons  fouvent 
à  de  bonnes  actions,  par  de 
fa  u  fie  s  lumières ,  ou  par  un 
zèle  indifcret;  nous  trouvons 
quelquefois  en  nous  de  faux 
Prophètes  ,  qui  fous  des  ap- 
parences de  brebis  cachent  des 
loups  ravhTass. 

Mais  lame  les  connoîtra  à 
leurs  fruits:  quand  lie  fe  rrou- 
vera  troublée  ou  inquiétée  , 
fesientimens  d'humilité  alté- 
rés ,  fa  récolle&ion  difiîpée*, 
qu'elle  n'aura  plus  fa  paix  & 
fa  tranquillité,  &  qu'elle  verra 
qu'elle  a  perdu  en  un  moment 
ce  qu'elle  avoir,  acquis  avec 
beaucoup  de  tems  &  de  tra- 
vail. 


Chapitre  IV.  381 

L'ontombe  quelquefois  dans 
ce  chemin  ,  mais  on  s'humilie 
de  fes  fautes  :  l'humilité  nous 
en  relevé,  &  nous  fait  prendre 
des  réfolutions  de  veiller  fur 
nous  de  plus  près  à  l'avenir. 

Il  peut  être  que  Dieu  per- 
mette que  nous  faflions  des 
fautes,  pour  humilier  en  nous 
quelque  orgueil  que  notre  a- 
mout-propre  nous  tient  caché. 

L'ame  peut  aufïi  quelque- 
fois fouffrir  les  atteintes  des 
tentations  de  pécher  ;  mais  il 
ne  falit  pas  qu'elle  s'en  trou- 
ble :  elle  doit  s'en  retirer  avec 
douceur  fans  contention  ,  & 
fe  remettre  dans  fon  premier 
calme  >  fans  excès ,  ni  du  côté 
de  la  joie,  ni  du  côté  de  la 
trifteflc. 

Enfin,  nous  n'avons  qu'une 
chofe  à  faire,  qui  eft  de  gar- 
der notre  ame  pailîbîe  ,  nette 
&  pure  devant  Dieu  ,  nous  le 
trouverons  au-dedans  de  cous., 


3 8 2  De  la 'paix  de  lv Am e ,. 
éz  nous  connoîrrons  par  expé- 
rience ,   que  fa  divine  volonté 
tend  toujours  au  bien  &  à  l'u- 
tilité defa'creature. 

Chapitre    V. 

Çue  Vamedoitfe  tenir  feule ,  & 
de 'tachée ,  afin  que  Dieu  fa JJe 
en  elle  tout  fon  bon  plaifir. 


ïnous  fommes  perfuadésde 
l'eMirne  que  nous  devons  faire 
de  notre  ame  ,  comme  un  tem- 
ple deftiné  à  la  demeure  de 
Dieu,  prenons  garde  que  nulle 
ehofe  du  monde  ne  l'occupe  ; 
efpérons  au  Seigneur,  &  at- 
tendons fa  venue  en  elle  avec 
confiance  II  y  entrera  ,  sll 
îa  trouve  feule  &  détachée > 
feule,  fans  autre  penfée  que 
celle  de  le  recevoir  ;  feule  ,- 
fans  autre  defir  que  celui  de 
fa  préfence  ;  feule  ,  fans  autre- 
amour  que  le  lien  ;  feule  enfin,, 


Chapitre  V.  383 
fans  autre  volonté  que  fon  bon 
pîaifir. 

Ne  faifons  rien  d'extraordi- 
naire de  nous-mêmes,  pour 
mériter  de  loger  chez  nous  ce- 
lui que  tous  les  êtres  créés  ne 
fauroient  comprendre. 

Suivons  pas  a  pas  celui  qui 
nous  guide;  n'entreprenons, 
fans  notre  Directeur ,  ni  tra- 
vail, ni  peine  de  notre  choix 
pour  l'offrir  à  Dieu. 

C'efr.  aïïez  que  nous  tenions 
notre  intérieur  toujours  prêt  , 
&  difpofé  à  fou ffrir  pour  fon 
amour  tout  ce  qu'il  lui  plai- 
ra ,  &  en  la  manière  qu'il  lui 
plaira. 

Celui  qui  fait  ce  qu'il  defire 
feroit  mieux  de  fe  1  epofer  :  & 
laifier  fa  divine  Majefté  faire 
en  lui  ce  qu'elle  voudra. 

Notre  volonté  ne  doit  ja- 
mais entretenir  aucun  engage- 
ment, mais  être  toujours  toute 
libre  &  détachée. 


3$4  D€  'ta  paix  de  ?  Ame, 

Et  pûifqu'il  ne  faut  jamais 
faire  ce  qu'on  deilre  ,  foyons 
perfuadés  qu'il  ne  faut  rien  dé- 
lirer :  ou  ii  nous  délirons  quel- 
que chofe,  que  ce  foit  de  telle 
manière,  que  le  foccês  contrai- 
re nous  puiffe  laifier  l'efprit 
aufll  en  repos,  que  ii  nous  n'a- 
vions rien  déliré. 

Nos  de'iîrs  font  nos  chaînes;. 
y  être  attaché ,  c'eft  être  efcîa- 
ve  iiTiaisn'en  avoir  point,  ou 
n'en  être  point  lié  ,  c'eft  être 
libre. 

Dieu  demande  notre  ame 
ainfi  feule,  nue  &  détachée, 
pour  y  opérer  fes  merveilles  , 
6c  la  glorifier  prefque  dès  cette 
vie  Ofainte  folitude!  Ô  bien- 
heureux defert  !  ô  hermirage 
glorieux,  où  l 'ame  peut  avoir  il 
aifément  la  Jouiflance  de  ion 
Dieu  !  N'y  courons  pas  feule- 
ment :  mais  demandons  des 
ailes  de  colombe  pour  y  voler 
&;  y  prendre  un  faint    repos  ;; 

s© 


C  HAPITRE  VI.     58^ 

ne  nous  arrêtons  point  dans  le 
chemin,  ne  nous  amufons  point 
à  faluer  perfonne  j  laiiïons  les 
morts  enfevelirles  morts,  noirs ■•■■ 
allons  à  la  terre  des  vivans  , 
nous  ne  fommes  point  du  par-  * 
tage  delà  mort. 

Chapitre  YL 

Qu'il  faut  ufer  de  prudence  en 
l'amour  du  prochain, pour  ne 
point  troubler  la  paixdel'anu. 


reu  nefaitpoint  fa  demeure 
dans  une  arne  ,  qu'il  ne  l'em- 
brâfe  d'amour  pour  lui  &  de 
charité  pour  le  prochain.  Jéfus- 
Chrttl  a  dit  qu'il  eft  venu  met- 
tre le  feu  en  terre. 

L'amour  de  dieu  ne  doit 
point  avoir  de  bornes  ;  mais  la 
charité  que  nous  devons  avoir 
pour  le  prochain  ,  doit  avoir 
fcs  rnefures  &  fes  limites.  Oa 
ne  fauroit  trop  aimer  Dieu , 
B  b 


386  De  la  paix  de  î  Ame9 
mais  on  peut  trop  aimer  le 
prochain  ;  G  cet  amour  n'eft 
ménagé  ,  il  n'eft  capable  que 
de  nous  perdre  :  nous  pouvons 
nous  détruire  en  penfant  édi- 
fier les  autres-  Aimons  dételle 
forte  notre  prochain,  que  no- 
tre ame  n'en  reçoive  point  de 
dommage  :  le  pins  sûr  eft  de 
ne  rien  faire  parle  motif feui 
de  donner  excmpleaux  autres, 
&:  de  leur  fervirde  modèles, 
de  peur  qu'en  penfant  'es  fau- 
ver,  nous  ne  nous  perdions  ; 
faifons  nos  aftion.s  (implement 
6c  faintement ,  fans  aiui?in- 
tentiôn  que  de  plaire  à  Dieu, 
ad  nous  faurons  nous  hu- 
milier y  &  reconnoure  ce  que 
e'eft  que  no;,  bonnes  œuvres, 
nous  n'en  ferons  pas  affez  de 
cas  pour  croire  que  ce  qui 
nous  profite  fi  peu  ,  puifle 
beaucoup  pioiteraux  autres. 
Il  n'eft  pas  befoin  que  nous 
l'oyons  là  zélés  à    l'égard  des 


Chapitre  VI.  387 
âmes,  que  la  nôtre  en  perde 
fon  corps. 

Nous  aurons  cette  foif  ar- 
dente de  leur  illumination  , 
quand  il  aura  p'u  à  Dieu  de 
l'exciter  en  nous ,  mais  il  la 
faut  attendre  de  l'opération 
divine  ,  &  ne  pas  jp enfer  que 
nous  la  nuifîions  acquérir  par 
notre  follicitude  &.  notre  zèle 
indifcret  ;  confervons  à  no- 
tre ame  la  paix  ce  le  repos 
d'une  faintefoiitude,  Dieu  le 
veut  de  cette  forte  ,  pour  la 
lier  &  Tattacber  à  lui.  Te- 
nons-nous aufïî  au  dedans  de 
nous ,  en  attendant  que  le  Maî- 
tre de  la  vigne  nous  vienne 
louer ,  Dieu  nous  revêtira  de 
lui  ,  quand  il  nous  trouvera 
nuds  &  dépouillés  de  tous  les 
foucis,  &  des  defirs  de  la  ter- 
re: il  fe  fouviendia  de  nous, 
quand  if  verra  que  nous  nous 
ferons  oubliés  nous-  mêmes, 
la  paix  régnera  en  nous  ,  ôt 
**Bb  ij 


3S8  De  la  paix  de  P  Ame , 
ion  divin  amour  nous  fera  agir 
fans  trouble  ,  mettra  la  modé- 
ration &  la  tempérance  dans 
tous  nos  mouvemens  ,  &  nous 
ferons  toutes  chofes  dans  le 
faint  repos  de  cette  paix  toute 
d'amour  ,  où  fe  taire  c'eft  par- 
ler ,  6c  tout  faire  que  ne  rien 
feire  ;  que  fe  tenir  libre  &  do- 
cile à  toutes  les  opérations  de 
Dieu  ;  parce  que  c'ed  fa  divine 
bonté  qui  doit  tout  faire  en 
nous  &  avec  nous ,  fans  délirer 
de  nous  autre  chofe ,  ûnon  que 
nous  tenant  toujours  humbles 
devant  lai  ,  nous  lui  préfen- 
tions  une  ame  poflédée  d'un 
feul  delir  ,  qui  eft  que  fon 
divin  bon  plaiiir  s'accompliflTe 
en  elle ,  le  plus  parraitemeat 
qu'il  fe  pourra. 


38* 


Chapitre  VII. 

Que  l'a  me  doit  être  dépouille: 
de  toute  propre  volonté  pour 
fepréfenter  devant  Dieu, 

V  Enez  à  moi  vous  tous  qui 
travaillez  ,  ôtqui  êtes  chargés, 
fi  vous  voulez  être  délafles  de 
▼os  travaux  ;  &:  vous  tous  qui 
avez  foifj  venez  à  la  fontaine 
des  eaux  ,  fi  vous  voulez  être 
défaltérés.C'eftîa  fen-oneeque 
nous  fait  Jefus-Chrift  en  deux 
endroits  des  faintes  Ecritures, 
fuivons  cette  vocation  divine, 
mais  fans  eiTort  ni  précipita- 
tion ,  en  paix  &  avec  douceur, 
nous  remettant  avecrefpeâ:& 
conrlanceenl'amoureufetoute- 
puilTance  qui  noas appelle. 

Attendons  en  efprit  de  paix 
la  venue  de  l'efprit  qui  donne 
la  paix:  ne  penfons  qu'aux  cho- 
ses par  lefquelles  il  doit  être 
Bbiij 


jpo  De  la  paix  de  t  Ame , 
defiré  ,   aimé  &:  glorifié  ;  & 
foyons  fournis  &:   tideles  à  ce 
qu'il  voudra  faire  de  nous. 

Ne  forçons  jamais  notre 
cœur  ,  de  peur  que  s'il  venoit 
à  s'endurcir ,  il  ne  pût  être  ca- 
pable du  faint  repos  qu'il  nous 
eft  commandé  d'acquérir*. 

Mais  accoutumons-le  douce- 
ment à  ne  s'entretenir  que  des 
bontés,de  l'amour  &  des  bien- 
faits deDien  envers  fes  créatu- 
res, &  à  f e  nourir  de  cette 
manne  délicieufe  ,  que  l'afi!- 
duité  de  cette  méditation  fera 
pleuvoir  dans  nos  âmes  avec 
des  doaceurs  inconcevables. 

Neraifons  nul  effort  pour  ré- 
pandre des  larmes;m  pour  faire 
naître  en  nous  desfentimensde 
dévotion  que  nousn'avons  pas  : 
laiffons  notre  cœur  fe  repofer 
intérieurement  en  Dieu  ,  com- 
me en  fon  centre  «  &  ne  nous 
lafTbns  point  d'efpérer  que  la 
volonté  deDieu  fefera  en  nous. 


Chapitre  VII.  jpi 

Il  nous  donnera  des  larmes 
en  fon  rems  ;  mais  ces  larmes  , 
feront  douce?,  humbles,  amou- 
rcufes  &  tranquiles  ;  vous 
connoîtrez  à  ces  marques  la 
fource  d'où  elles  coulent  ;  & 
vous  les  recevrez  comme  la  ro- 
fée  du  Ciel  en  toute  humilité  > 
révérence  ck  actions  de  grâces. 

Ne  préfumons,  ni  de  fa- 
voir  ,  ni  d'avoir  ,  ni  de  vouloir 
aucune  chofe  ;  le  commence- 
ment &  la  fin  ,  le  nœud  &  la 
cleFde  l'ouvrage  fpirituel  ,  efr, 
de  ne  rien  fonder  fur  foi-mê- 
me ,  fur  ce  qu'on  fait ,  fur  ce 
qu'on  veut ,  ni  fur  ce  qu'on  a  ; 
mais  fe  tenant  en  état  d'une 
abnégation  parfaite, de  demeu- 
rer comme  la  Magdelaine  aux 
pieds  de  Jefus-Chrift,  fans  fe 
troubler  comme   Marthe. 

Quand  vous  chercherez  Dieu 
par  la  lumière  de  l'entende- 
ment pour  vous  repofer  en lui , 
que  ce  foit  fans  comnaraifon  , 
B  b  u 


35)2  De  ta  paix  de  PJme9 
termes  ,  ni  limites  ;  car  il  eft. 
hors  de  comparaifon,  ileft  par- 
tout fans  divifion  de  parties, 
fk  toutes  chofes  fe  trouvent 
en  lui. 

Concevez  une  immenfité  qui 
n'a  point  de  bornes,  un  tout 
qui  ne  fauroit  être  compris, 
une  puiffance  qui  a  tout  fait, 
qui  maintient  toutes  chofes,  & 
dites  à  votre  ame  que  e'eitfon 
Dieu. 

Contemplez  &  admirez -le 
incefîamment  :  il  eft  par-tout, 
il  eft  dans  votre  ame,  il  en  veut 
foires  fes  délices ,  félon  fa  pa- 
role :  &  quoiqu'il  n'ait  en  fien 
befoin  d'elle  ,  il  veut  la  faire 
digne  de  lui. 

Mais  en  cherchant  ces  véri- 
tés divines  par  les  fecours  de 
l'entendement,  faites  qu'elles 
faiTent  îe  repos  des  affections 
de  votre  volonté  douces  & 
tranquilles. 

Vous  n&  devez  ni-négliger , 


Chapitre  VIL  3^3 

ni  limiter  vos  dévotions  ,  en 
forte  que  vous  foyez  comme 
obligé  à  faire ,  méditer  ou  lire 
tant  de  chofes ,  tant  de  teins , 
ou  tant  de  chapitres  ;  mais  que 
votre  cœur  demeure  toujours 
libre  ,pour  s'arrêter  où  il  trou- 
vera à  le  repofer  &:  être  prêt  à 
jouir  du  Seigneur  ,  iorfqu'il 
voudra  fe  communiquera  vous, 
fans  vous  mettre  en  peine  de 
n'avoir  pas  fait  on  dit  tout  ce 
que  vous  vous  étiez  propofé  de 
faire  ou  dire  :  laifîez-là  le  refte 
fans  fcrupule ,  ni  n'écoutez  au- 
cune autre  penfée  fur  ce  fujet , 
parce  que  l'unique  fin  de  vos 
exercices  étant  de  tendre  à 
Dieu  ,  quand  cette  fin  eCi  trou- 
vée ,  les  moyens  doivent  cef- 
fer. 

Dieu  veut  nous  mener  par 
le  chemin  qu'il  lui  plaît  5  & 
quand  nous  noiss  impofons  des 
obligations  de  faire  oudire  tel- 
le ou  telle  chofe  ,  que  nous 


394  De  l*  Palx  de  ?  Ame , 
avons  en  tête  le  foin  de  nous 
en  acquitter  ,  &  que  nous  nous 
fomraes  faits  des  néceflités  de 
ces  chofes  purement  imaginai- 
res ,  nous  cherchons  Dieu  en 
le  fuyant  ,  nous  lui  voulons 
plaire  fans  faire  fa  volonté  ,  & 
nous  ne  nous  mettons  pas  en 
état  qu'il  puiile  rien  faire  de 
nous. 

Si  vous  voulez  marcher  heu- 
reufemant   dans    ce  chemin, 
&:  parvenir  fûrement  à  la  fin  où 
il  conduit ,  ne  cherchez  &  ne 
defirez  que  Dieu  ;  en  quelque 
part  que  vous  le  trouviez  ,  & 
qu'il   fe  préfente  à  vou^?  de- 
meurez-là  ,  ne  paiïez  pas  ou- 
tre qu'il  ne  vous  en  donne  con- 
gé ,  prenez  avec  lui  le   repos 
des  Saints  ;  &  quand  fa  Majef- 
té  fe  fera  retirée  ,  vous  pour- 
rez ,  en  continuant  vos  exer- 
cices, vous  remettre  à  le  cher- 
cher ,  à  vouloir  &   deflrer  le 
trouver  ;  Se  l'ayant  retrouvé  , 


Chapitre  VIL  39$ 

tout  quitter  pour  en  jouir. 

Cette  leçon  eft  d'un  extrême 
profit  ,  &  mérite  d'être  rete- 
nue &:  pratiquée  ;  car  l'on  voit 
plufieurs  perfonnes  eccîéfiafti- 
ques  ,  qui  fe  perdent  dans  la 
laflitude  du  travail  de  leurs 
exercices  ,  fans  en  avoir  pu  ja- 
mais tirer  de  profit  ni  de  repos, 
parce  qu'il  leur  femble  tou- 
jours qu'ils  n'ont  rien  fait ,  s'ils 
n'ont  achevé  toute  leur  tâche, 
&  qu'en  cela  confite  la  perfec- 
tien  ;  qui  eft  une  vie  d  hom- 
mes de  journées  ,  efclaves  de 
lenr  volonté  ,  q*ii  ne  parvien- 
nent jamais  à  la  véritable  paix 
intérieure  ,  qui  eft  le  lieu  du 
Seigneur,  le  fan&uaire  où 
Jefus-Chrift  habite. 


*** 


39  6  De  la  paix  de  t  Ame3 


Chapitre  VIII. 

De  la  foi  qu'on  doit  avoir  au 
faim  Sacrement  de  V Autel  , 
&  comment  nous  nous  devons 
offrir  à   Dieu» 

JL™  Otre  foi  &  notre  amour 
pour  le  faint  Sacrement,  ne 
doivent  jamais  demeurer  en 
même  état ,  mais  tous  les  jours 
$'aeeroitre,{efortir!er&fenatu- 
ralifer  en  nous  de  plus  en  plus. 

Approchons -nous-  en'avec 
une  volonté  préparée  à  toutes 
fortes  de  fouffrances,  d'afflic- 
tions ,  de  tribulations ,  de  foi- 
blefles  &  de  fécherefies  pour 
l'amour  de  lui. 

Ne  demandons  pas  qu'il  fe 
convertifle  en  nous ,  mais  bien 
qu'il  nous  convertifle  en  lui. 

Ne  iuifaifonspoirjtdegrands 
cifcoursmos  admirations  &  nos 
joies dor/eat remplir  toute»©- 


G  h  api  ï re  VIII.  397 

tre  ame  ,  Scconfommer  toute  s 
fes  fondrions  en  fa  préfence  ; 
l'efprit  admirera  cet  incompré- 
henfible  myftère ,  &:  le  cœur 
s'épanouira  de  joie  à  la  vue 
d'une  fi  grande  Majefté  ,  ca- 
chée fous  des  petites  efpéces. 
Ne  defirons  point  qu'il  fe 
montre  à  nous  d'une  autre  ma- 
nière ;  &:  fouvenons-nous  qu'il 
a  dit ,  que  bienheureux  font 
ceux  qui  ne  l'ont  pas  vu&  ont 
cru  en  lui. 

Il  faut  fur-tout  être  fidèle  Se 
confiant  dans  fes  exercices ,  & 
perfévérerdans  la  pratique  des 
moyens  de  purifier  &c  (impli- 
fier  notre  ame  toujours  avec 
repos  &  douceur. 

Tant  que  ces  pratiques  ne 
feront  point  abandonnées,  la 
grâce  de  la  perfévérance  ne 
nous  abandonnera  point. 

Il  eft  irnpoflible  qu'une  ame 
qui  a  goûté  ce  repos  fpirituel, 
puiiTe  retourner  à  la  manière 


39 8  De  la  paix  de  t  Ame  , 
de  vivre  du  monde  ;  car  ce  lui 
feroit  un  touiment  qui  ne  lui 
feroit  pas  fupportable. 

>im  l       i  i        i  — i— m 

Chapitre    IX. 

Quel  Ame  ne  doit  chercher  de 
repos  ni  deplaifir  quenDieu, 

%J  Ne  ame  à  qui  rien  ne  pîaît 
du  monde  que  les  perfécutions 
èi  les  mépris  ,  qui  n'aime  &  ne 
defirerien  de  tous  lesbiensqu'il 
veut  donner  ,  &.  ne  èraitit  rien 
de  tous  les  maux  qu'il  peut  fai- 
re ;  qui  fuit  les  uns  comme  le 
poifon  ,  &:  qui  cherche  les  au- 
tres comme  les  délices  ,  eft  en 
état  de  recevoir  de  grandes 
confolations  de  Dieu  ;  pourvu 
que  fa  confiance  foit  toute  en 
1  ui  ,  &  qu'elle  ne  préfume  rien 
de  fes  forces  :  le  courage  de 
feint  Pierre  étoit  grand, quand 
il  difoithautementqu!il  vouloit 
mouriravecJelus-CririUjCette 


Chapitre   IX.  399 

volonté  déterminée  étoit  ap- 
partemment  fort  bonne  ;  mais 
en  effet  elle  avoir  un  vice,c'eft 
que  c'étoit  fa  volonté  propre, 
&:  ce  vice  futlacaufede  fa  chu- 
te ,  tant  il  eir.  vrai  que  nous  ne 
faurionsrien  penfer  ni  rien  fai- 
re qui  ioit  bon  ,  fans  le  fecours 
de  la  puiiiance  de  Dieu. 

Tenons  notre  ame  libre  de 
toute  forte  dédefirs,  qu'elle 
foit  toute  entière  à  fon  action, 
préiente  à  ce  qu'elle  fait,  à  ce 
qu'elle  penfe,  fans  ïbtiffrir  que 
les  foins  de  ce  qu'elle  fera  ou 
penfera  hors  de  l'infant  de  fon 
a&ion,  la  tiennent  aucunement 

Néanmoins  il  n'eft  défendu 
à  perfonne  de  s'appliquer  à  les 
affaires  temporelles ,  par  une 
fôiîicuude  prudente  &avifée, 
félon  la  néceflîté  de  fon  état, 
ces  chofes  prifes  comme  il 
faut  ,    fnnt  eu  , 

&  n'empêchent  nullement  la 


4"00  De  la  paix  de  tAme9 
paix  inténeure&l'avancemeat 
fpi  rituel. 

Nous  ne  faurions  rien  faire 
de  mieux  pour  bien  employer 
le  préfent,  que  detoujoursof- 
frir  à  Dieu  notre  ame  nue  £c 
dépouillée  de  tous  defirs  ,  &c 
nous  tenir  devant  fa  divine 
Majefté  ,  comme  un  pauvre 
faible  &  languiflant ,  qui  n'a 
rien,  &;  qui  ne  fauroit  rien  fai- 
re ,  ni  rien  gagner. 

Cette  liberté  d'efprit  fans 
engagement  en  nous ,  &  hors 
de  nûus  pour  dépendre  abfoîu- 
ment  de  Dieu  ,  eft  l'effentiel 
de  la  perfection. 

Il  n'eft  pas  concevable  quels 
foins  la  divine  bonté  daigne 
prendre  d'une  créature,  qui  eft 
ainfi  toute  à  elle. 

Elle  a  agréable  qu'elle  lui 
communique  fon  cœur  avec 
confiance.  Elle  veut  bien  lui 
éclaitcir  ,  &  lui  réfoudre  fes 
difficultés  ôc  fes  doutes;  la  re- 
lever 


Chapitre  IX.  401 

lever  quand  elle  elt  tombée; 
lui  remettre  fes  fautes ,  toutes 
les  rois  qu'il  la  trouvera  prépa- 
rée à  s'en  repentir  ;  car  Dieu 
eft  toujours  le  Prêtre  éternel , 
quelque  pouvoirqu'iî  ait  donné 
à  faint  Pierre  &  à  fes  fuceef- 
feurs ,  de  lier  &  de  délier  ,U 
ne  s'en  elt  pas  piivé  lui-même 
tellement  ,  que  li  fon  Confef- 
feurne  ici  veut  pas  adminifcrer 
les  faints  Sacremens  fi  fou  vent 
qu'elle  le  defnoit  ,  fa  Majeité 
la  reçoit  &  lui  accorde  par- 
don toutes  les  rbisqn*elle  vient 
à  lui  avec  confiance  ,  douleur 
&:  amo*ur. 

Ce  font  les  fruits  de  ce  faint 
attachement. 


C  e 


402  De  la  paix  de  I* Ame* 
Chapitre    X. 

Que  les  obflacles  &  les  répu- 
gnances que  nous  trouverons 
à  cette  paix  intérieure, nenous 
doivent  point  contrifter. 

JL^Ieu  permettra  que  cette 
fécénité  intérieure  ,  cette  ioli- 
tucîe  de  l'ame  ,  cette  paix  Ôc 
ce  faint  repos  du  cœur  fe  trou- 
veront bien  iouvent  troublés 
&  obfcurcis  par  les  mouve- 
mens  &  les  fumées  qui  s'élè- 
veront du  propre  amour  &  de 
nos  inclinations  naturelles. 

Mais  comme  fa  bon  ce  per- 
met ces  chofes  pour  notre  plus 
grand  bien  ,  elle  aura  toujours 
loin  de  répandre  for  la  féche- 
refTe  de  nos  cœurs  ,  fa  douce 
pluie  de  fes  confolations  ,  ÔC 
cette  pluie  ,  non-feulement 
abaûTera  cette  pouQlère,  mais 
lui  fera  psoduire  des  fleuri  ôc 


Chapitre  X.  403 
de-  fruits  dignes  de  l'agrément 
de  fa  divine  MajeiH. 

Ce  renverfement  de  notre 
tranquillité  intérieure  ,  &  ces 
agitations  caufées  par  les  émo- 
tions de  l'appétic'feniitir" ,  font 
les  combats  où  les  Saints  ont 
gagné  les  victoires  qui  leur  ont 
tait  mériter  leurs  couronnes. 

Quand  vous  tomberez  dans 
ces  foiblefles,  ces  dégouts.ces 
troublesc*  ces  défolationsd'ef- 
prit ,  dites  à  Diea   d'un  cceup 
aimant  &  humilié  :  Seigneur,. 
je  fuis  la  créaturequ ■--vosrnains 
ont  formée  ,   &  î'efclave  que 
votre  fang  a  racheté  ;  difo 
de  moi  comme  de  ce  qui  eil  à 
vous ,  &  de  ce  qui  n'eft  tait 
que  pour  vous  .  &  pei 
moi    feulement  d'efpérer 
vous.  Bienheureafe  l'am  e  qui 
faura  airiïî  s'offrir  à   Dieu  a  a 
tems  del'affiicYion  ! 

Er  quoique  vous  ne  pui  fiez 
pas  iitot  ranger  votre  volonté 
Ce  ij 


404  De  la  paix  âef  Ame, 
à  celle  deDieu ,  il  ne  faut  point 
vous  en  attrifter  :  c'eft  votre 
croix;  il  vous  commande  de 
la  porter  Se  de  le  lu  ivre  ,  lui- 
même  ne  l'a-t-il  pas  portée  ; 
pour  vous  enfeigner  à  la  por- 
ter? Faites  réflexion  fur  fon 
combat  du  Jardin  des  Olives  ; 
fiir  cette  réfiftance  de  Phurnat- 
nité  f  qui  dans  fes  Êbiblefles  lui 
faifoit  dire  :  Mon  père  ,  s'il  eil 
b!e  que  je  ne  boive  point 
ce  Calice;  &  fur  cette  force  de 
.Vn  ame  ,  qui  s'élevant  au-def- 
fus  -'?e  la  foibleffe  du  corps, lui 
faifoit  auSi-tSt  ajouter  d'une 
humilité  profonde  :  Que  ma 
volonté  ne  foit  pas  faite,  mais 
îa  votre. 

La  foibleffe  naturelle  vous 
fera  fuir  toute  peine  &  toute 
fabulation  :  quand  elle  vien- 
cîia^  vous  lui  ferez  mauvais  vi- 
fage  ,  vous  voudriez  qu'eîIenjÊ 
bienjoîn.  Mais  perfévérez  en 
iiiunillté  &  eu  prières ,.  taas 


Chapitre    X.   40^ 

qu'enfin  vous  n'ayezplusde  vo- 
lonté ni  d'autïesdeiirs,  finon 
que  le  bon  plaiiir  de  Dieu  fe 
fafife  en  vous. 

Tâchez  de  faire  que  la  de- 
meure de  votre  cœur  ne  foit 
uniquement  que  pour  Dieu; 
qu'il  n'y  ait  jamais  ni  fiel ,  ni 
amertume  ,  ni  répugnance  vo- 
lontaire à  quelque  chofe  que 
ce  foit  ,  n'arrêtez  jamais  vos 
yeux  ,  ni  votre  penfée  fur  les 
mauvaifes  actions  d'autrui  ;  & 
fans  y  faire  de  réflexion  ,  paf- 
fez,  allez  tout  doucement  vo- 
tre chemin,  &ne  penfez  à  rien 
qu'à  vous  détourner  de  ce  qui 
peut  vousb!eiTer;c'efl:  un  grand 
art  pout  être  à  Dieu, que  d'ou- 
tre- palier  tout,  ôc  de  ne  s'ar- 
rêtera rien. 


Ce  iif 


40  5  De  la  paix  de  F  Ame  , 

Chapitre   XI. 

Des  artifices  dont  le  démon  fe 
Jen  pour  troubler  la  paix  de 
notre  ame  ,    &   comme  nous 
nous  en  pouvons  garantir, 

C^<Et ennemi  du  falutdeshom- 
mes  tend  principalement  à  nous 
tirer  de  letat  d'humilité  <Scde 
la  [Implicite  chrétienne. 

Pour  y  parvenir ,  il  nous  por- 
te à  préiumer  quelquechofe  de 
bous- mêmes,  de  notre  dili- 
gence, de  notre  induftrie,  &  à 
nous  faire  prendre  dans  notre 
penfée  quelque  préférence  au- 
deilus  d'autrui ,  qui  fera  bien- 
tôt fuivie  ciu  mépris  ,  fous  pré- 
texte de  quelque  défaut. 

Il  fe  gliiïe  dans  nos  âmes  par 
quelqu'un  de  ces  moyens,mais 
îa  porte  par  où  il  defne  le  plus 
d'entrer  ,  e'eft  la  porte  de  la 
yanité  &  deTefthae  de  nous- 
mêmes. 


Chapitre  XI.  407 
Le  fecret  de  s'en  gàrâ'ntireft 

cie  garder  toujours  le  retran- 
chement de  la  faime  humilité, 
fans  s'en  éloigner  jamais ,  de 
nous  confondre  &_  nous  anéan- 
tir nous-memes  :  Si  nous  for 
tons  de  cet  état  >  nous  ne  nous 
dé  Rendrons  jamais  decetefprit 
de  iuperbe  ,  &  quand  il  ^u:a 
gagné  votre  volonté  par  cette 
voie  y  il  y  régnera  en  tyran,  Se 
y  tera-regner  tous  les  Vices. 

Ce  n'eft  pas  encore  tout  que 
de  veiller  ,  il  Faut  prier  .  car  il 
eft  dit  :  j.  &  priez.  La 

paix  de  l'àme  eit  un  tréfôr  ; 
que  ces  deux  gardes  peuvent 
ieules  coniérver. 

I  e  fou  (Fions  point  que  no- 
tre efprit  s'agite  ni  s'inquiète 
pour  quelque  chofequece  foit; 
rame  humble  &  tranquille  fait 
toutes  chofes  avec  facilité  ; 
îesobflacles  ne  tiennentpoint 
devant  elle  ,  elle  tait  le  bien 
&  y  perfévere;maisl'ame  trou- 
C  c  iv 


408  De  la  paix  de  t  Ame , 
blée  Se  inquiétée  fait  peu  de 
bien,  le  fait  imparfaitement, 
fe  laffe  facilement,  fouffrecon- 
tinuellement ,  &  fes  peines  ne 
lui  font  d'aucun  profit. 

Vousdifcernerez  les  penfées 
que  vous  devez  entretenir  ou 
bannir,  par  la  confiance  ou  la 
défiance  en  la  bonté  &  lamifé- 
ricorde  de  Dieu  :  fi  elles  vous 
parient  d'augmenter  toujours 
de  plus  en  plus  cette  amoii- 
renfe  confiance, vous  devez  les 
recevoir  comme  des  ménagers 
du  Ciel ,  en  faire  vos  entre- 
tiens &  vos  délices  ;  mais  vous 
devez  bannir  &c  rejeter  comme 
des  foufflecs  du  démon  ,  celles 
qui  tendront  à  vous  donner'de 
La  défiance  de  ces  infinies  mifé- 
ricordes. 

Le  tentateur  des  âmes  pieu- 
fes  leur  fait  paroître  les  fau- 
tes ordiaaires ,  beaucoup  plus 
grandes  qu'elles  ne  font;  leur 
perfuade  qu'elles  ne   feîitja* 


Chapitre  XI.   409 

mais  leur  devoir ,  qu'elles  ne 
fe  confeffent  pas  bien  ,  quelles 
communient  trop  tièdement  , 
que  leurs  prières  ont  de  grands 
défauts;  &  il  travaille ainti par 
tous  les  icrupules ,  à  les  tenir 
toujours  troublées»  inquiètes 
&  impatientes ,  &  à  les  por- 
ter à  quitter  leurs  exercices  , 
comme  fi  tout  ce  qu'elles  font 
étoit  fans  fruit,  comme  fi  Dieu 
ne  les  regardoit  pas  ,  &  les 
avoit  du  tout  oubliées ,  &  tou- 
tefois il  n'eft  rien  de  fi  faux 
que  ces  perfualions  ;  les  utili- 
tés que  l'on  tire  desdiftractioas 
&:  des  fecherefles  intérieures  , 
&  des  fautes  que  l'on  commee 
dans  la  dévotion  ,  font  innom- 
brables,  pourvu  que  l'a'me  en- 
tende &  comprenne  ce  que 
Dieu  veut  d'elle  en  cet  état  , 
qu'elle  prennepatience,6c  per- 
févere  en  fon  œuvre  ;  la  prière 
&  l'action  d'une  ame  privée 
du  goût  de  ce  qu'elle  fait ,  eft 


^.IO  De  la  paix  de  t  Ame , 
un  des  plaihrs  que  Dieu  prend 
en  fa  créature  ,  difoit  le  grand 
Saint  Grégoire  ,  ck  fur  -  tout 
quand  lïonobftant  elle  feroit 
froide  ,  infenliblc  ,  &  comme 
éloignée  de  ce  qu'elle  fait  , 
elle  y  perfévcre  avec  coura- 
ge, fa  patience  prie  allez  pour 
elle ,  éc  ra.it  beaucoup  mieux 
fon  affaire  devant  Dieu  ,  que 
les  prières,  qui  font  de  fon 
goût.  Le  même  Saint  dit ,  que 
cette  nuit  intérieure  où  elleie 
trouve  quand  elle  prie ,  eft 
une  lumière  qui  brille  en  la 
préfence  deDieu  ;  qu'il  nepeut 
rien  venir  de  nous  qui  foit  plus 
capable  de  l'attirer  en  nous  , 
qu'elle  le  force  même  à  nous 
donner  de  nouvelles  gcàces. 

Ne  quittez  donc  jamais  une 
bonne  ceu  v  re  pour  quelque  dé- 
goût que  vous  en  ayez,  fi  vous 
ne  voulez  laite  ce  que  deman- 
de le  démon  ;  &  apprenez  par 
la  lecture  du  Chapitre  fuivant, 


Chapitre  XIL  411 

les  grands  fruits  que  vous  pou- 
vez tirer  de  votre  humble  per- 
sévérance dans  les  exercices 
de  piété  ,  au  tems  de  vos  plus 
grandes  féchei efles. 

Chapitre   XII. 

QueVAmc  m  doit  point  s'at- 
trljldr  à  i,aufe  de  fies  tenta- 
tions  ïntéiiiiircs. 

JL-iEs  biens  qui  procèdent  de 
nos  féchereiles  fpiritueiies,  &c 
même  cie  nos  fautes  dans  nos 
exercices,  font  allure ment  in- 
finis ;  mais  ce  n'eft  que  par  l'hu- 
milité &;  la  patience,  que  nous 
en  pouvons  faire  notre  profit  ; 
fi  nous  favions  bien  compren- 
drecefeciet.  nous  nous  épar- 
gnerions bien  de  mauvaifes 
heures  S:  de  mauvais  jours. 

Kélas  !que  nous  avons  tort 
de  prendre  \  marques 

d  averfxn  &  d  horrcuide  Dieu 


412  De  la  paix  de  t  Amè^ 
pour  nous ,  ces  précieux  té- 
moignages de  fon  divin  amour, 
&  de  croire  que  fa  colère 
nous  punit  ,  quand  fa  bonté 
nous  favorife.  N  e  voyons-nous 
pas  que  le  fentimenc  des  pei- 
nes que  nous  donnent  ces  fé- 
cherefles  intérieures  ,  ne  peut 
naitre  que  du  de  fît  que  nous 
avons  d'être  bien  agréables  à 
Dieu  ,  zélés  &  fervens  aux 
chofes  de  fon  fer  vice  ,  puif- 
que  ce  qui  nous  afflige  n'eft 
autre  chofe  que  la  privation 
de  fes  fentimens  ;  &:  que  ces 
chagrins  &:  ces  dégoûts  qui 
nous  accablent  ,  nousperfua- 
dent  que  nous  lui  deplaifons  , 
comme  nous  nous  deplaifons  à 
nous-mêmes  :  non,  non  ,  foyons 
certains  que  c'eft  un  bon  effet 
d'une  bonne  caufe  :  ces  chofes 
n'arrivent  qu'à  ceux  qui  veu- 
lent vivre  en  vrais  ferviteurs 
de  Dieu  ,  ôcs'eloigner  de  tout 


Chapitre  XII. 413 

ce  qui  peut  ,  non  pas  feule- 
ment l'ofTenfer ,  mais  lui  dé- 
plaire. 

Aucontrairernous  ne  voyons 
point  que  les  grands  pécheurs 
ni  ceux  qui  vivent  de  la  vie  du 
monde,  le  plaignent  fort  de 
ces  fortes  de  tentations. 

C'eft-  une  médecine  qui  n'eft 
pas  de  notre  goût ,  &  contre 
laquelle  notre  efiomac  fe  fou- 
levc  ;  mais  elle  nous  fait  des 
biens  merveilleux  ,  fans  que 
nous  nous  en  appercevjjps  ; 
que*  la  tentation  fait  des  plus 
boni  les,  &:  telle  que  fa  feule 
imagination  nous  épouvante  ôc 
nous  fcandalife  ;  plus  elle  nous 
affligera  4  plus  elle  nous  hu- 
miliera ,  r'us  anfii  nous  en  re- 
cevrons de  profit.  C\\\  ce  que 
l'Ame  n'entend  point  &  ne 
eompfend  point  :  c'eit  pour- 
quoi e'îe  ne  veut  point  aile? 
yar  le  chemin  où  elle  ne  voil 


414  Ht  la  paix  de  £  Ame9 
6c  ne  fent  rien  qui  ne  lui  dé- 
plaife  &:ne  l'afflige. 

C'eft  en  un  mot  qu'elle  ne 
voudroit  jamais  être  fans  plai- 
lirs  &  fansconfoîations,&  que 
tour  ce  qui  n'a  point  cettedou- 
ceur  ,  paiTe  dans  ces  fentimens 
pour  travail  fans  fruit  &  fans 
profit. 


Chapitre  XIII. 

Que  Dieu  nous  envoie  ces  ten- 
uiùons pour  notre  bien. 

.i^Ous  fommesnaturellement 
fupevbes,  ambitieux  &  amis  de 
notre  fens;  de-ià  vient  que 
nous  nous  flattons  en  toutes 
chofes  ,  &  que  nous  nous 
comptons  pour  beaucoup  plus 
que  nous  ne  valons. 

Mais  cette  préfomption  eft 
tellement  ennemie  du  progrès 
fpirituel  ,  qu'il  n'en  faut  que 
l'odeur  ,  pour  peu  qu'elle  foit 


Ghap  itre  XIII.  415" 

goûtée  ,  pour  nous  empêcher 
de  parvenir  à  la  véritable  per- 
fection. 

C'eir.  un  mal  que  nous  ne 
voyons  pas  ,  mais  Dieu  qui  le 
connoît  &  qui  nous  aime  ,    a 
toujours  loin  de  nous  détrom- 
per ,  de  nous  faire  revenir  de 
cette  iilufion   de  l'amour-pro- 
pre ,  &:  de  nous  ramener  à  la 
connoilTance  de  nous-  mêmes; 
n'etl-ce  pas  ce  qu'il  fît  à  fon 
Apôtre  iaint  Pierre  ,  quand  il 
permit  qu'il  le  déniât ,  qu'il  ne 
voulût  pas  reconnoitre  ce  qu'il 
étoitafin  qu'il  pur.  revenir  à  la 
connoilTance  de  ce  qu'il  étoit 
lui-même  ,  &  lui  faire  perdre 
cette  dangereufepréibmption? 
N'eit  cepasaufTicequ'ila  raità 
faint  Paul ,  quand  pour  préfer- 
vatif  de  cette  perte  de  l'ame  , 
&  de  l'abus  qu'il  pouvoit  faire 
des    hautes   révélations    qu'il 
avoit  eues,  il  a  voulu  le  tenir 
iujec    à  une  tentation  humi- 


r4l6De  la  paix  de  PAme9 
liante  qui  lui  fit  tous  les  jours 
fentirla  roiblefle  naturelle. 

Admirons  la  bonté  &  la  fa- 
gefife  de  Dieu  ,  qui  agit  contre 
nous-mêmes ,  pour  nous-mê- 
mes ,  qui  nous  a  fait  du  bien 
fans  que  nous  le  Tentions ,  Se 
quand  même  nous  penfons  qu'il 
nous  a  fait  du  mal. 
Nous  nous  imaginons  que  ces 
refroidiûemens  de  cœur  nous 
arrivent  parce  que  nous  fom- 
mes  imparfaits  ,  Se  infenfibles 
aux  chofes  de  Dieu.  Nous  n'a- 
vons point  de  peine  à  nous  per« 
fuader  qu'il  n'eft  point  d'Ame 
plus  diftraite  &  plus  abandon- 
née que  la  nôtre ,  que  Dieu  n'a 
point  de  ferviteurs  qui  le  fer- 
vent ii  miférablement  &(î  lâ- 
chement que  nous;  &  que  les 
penfees  qui  nous  roulent  dans 
la  tête  ,  ne  viennent  qu'à  des 
perdus  &  abandonnés. 
Il  fe  fait  donc  par  l'opéra- 
tion de  cette  médecine  venue 

du 


CH  A  P  I  T  R  JsXIII.  4I7 

du  Ciel,  que  ce  préiomptueux 
qui  croyoit  être  quelque  cho- 
ie ,  commence  à  le  croire  le 
plus  méchant  homme  du  mon- 
de ,  &  n'être  pas  digne  du  nom 
de  Chrétien. 

Seroit-il  jamais  defcendu  de 
cette  ondepenfée,  où 

nous  fait  monter  l'orgueil  na- 
turel ?  Auroit  •  il  jamais  guéri 
_ de  cetteenflu  ;ueil?  Ces 

vapeur?  £c  ces  fumées  de  va- 
nité auroient-elies  jajmais  cuit- 
té  fa  tête  &  ion  cœur  fans  ce 
remède  ? 

L'humilité  n'eft  pas  le  feul 
profit  que  nous  tirons  de  ces 
tentations ,  afSi&iohs  &  déf- 
lations intérieures  qui  mettent 
notre  ame  à  fec,  &  en  bannif- 
fent  tout  ce  que  la  dévotion  a 
de  feniible  :  car  cet  état  nous 
force  de  recourir  à  Dieu  ,  de? 
fuir  toutes  les  chofes  qui  lui 
peuvent  déplaire,  &  de  nous 
remettre  dans  la  pratique  des 


418  De  la  paix  de  t  Ame , 
venus  avec  plus  d'application 
qu'auparavant.  Ces  atfliéhons 
nous  fervent  de  Purgatoire  , 
puifqu  elles  nous  purgent  & 
nous  préparent  des  couronnes , 
quand  elles  font  piifes  avec 
humilité  &z  patience. 

L'Ame  étant  perfuadée  de 
ce  que  nous  venons  de  dire, 
n'a  qu'à  penfer  li  elle  a  fujetde 
perdre  fa  paix  ,  &  defe  trou- 
bler pour  perdre  le  goût  de  la 
dévotion  ,  &  fe  trouver  dans 
les  tentations  fpiritueiles  ;  fi 
elle  feroit  raifonnable  d'atîri- 
b  u  e  r  à  !  a  p  e  rfé  cutio nd u  d  é  m o  n 
cequiluieîr  envoyé  de  la  main 
de  Dieu  ,  &  de  prendre  les  té- 
moignages de  Ton  amour  ,pour 
des  marques  de  fa  haine. 

Elle  n'a  rien  à  faire,  quand 
tombe  dans  cet  état  ,  qu'à 
s'humilier  devant  D'eu.,  qu'à 
perle vérer  &  à  fouffrir  avecpa- 
tience  le  dégoût  de  ces  exer- 
cices, à  fe  conformer  àfa  divine 


Chapitre  XIII.  41^ 

volonté  &  à  tâcher  deie  con- 
ferver  en  fon  repos ,  par  cet 
humble  acquiefcement  à  tout 
ce  qui  vient  de  l'a  main  ,  puif- 
que  c'eft  la  main  de  ion  Père 
qui  eft  dans  les  Cieux. 

Au  lieux  de  s'abattre  par  la 
•"trifteffe  &  le  découragement, 
elle  doit  rendre  de  nouvelles 
actions  de  grâces,  &  demeu- 
rer dans  l'état  de  h  paix  & 
de  fon  abandon  aux  ordres  de 
Dieu. 

C  H  A    P    I  T   R  F    XIV. 

Ce    qiàil  faut   faire  pour  ne 
point  s'affliger  de  fes  fautes. 

3'IÎ  arrive  que  vous  péchiez 
d'a&ions  ou  de  paroles  ?  que 
quelque  événementvons  mette 
en  colère  ,  que  quelque  vaine 
curiofité  vous  enlève  :  vos 
exercices,  que  quelque  ;oie 
•immodérée  tous  tïanfporce  > 
Dd  jj 


420  De  la  paix  de  PAme  ♦ 
que  vous  ayez  foupçonné  du 
mal  de  votre  prochain  ,  ou  que 
vous  tombiez  par  quelqu'autre 
voie  ,  même  aiTez  fou  veut  , 
quoique  ce  foit  dans  une  même 
faute  ,  6c  dans  celle  dont  vous 
aviez  refolu  de  vous  garder, 
vous  ne  devez  point  vous  in- 
quiéter ,  ni  même  repafler  trop 
dans  votre  efprit  ce  qui  s'eft 
paiTé,  pour  vous  affliger  &  vous 
déconforter ,  vous  imaginant 
qu'il  n'y  aura  jamais  d'amende- 
ment en  vous  ;  que  vous  ne  fai- 
tes pas  ce  que  vous  devez  dans 
vos  exercices ,  Se  que  fi  vous 
le  faifiez ,  vous  ne  tomberiez 
pas  ii  fouvent  en  cette  faute  : 
car  c'eft-là  une  arfli&ion  d'ef- 
prit,  &  une  perte  de  tems  que 
.vous  devez  éviter. 

Vous  ne  devez  point  auffi 
vous  arrêter  à  éplucher  les  cir- 
conftances  du  tems  de  votre 
faute  ,  s'il  a  été  long  ou  court, 
ôç.  s'il  y  a  eu  plein  consente- 


Chapitre   XIV.  d&i 

ment ,  ou  non  ;  parce  que  cela 
ne  fert  qu'à  vous  remplir  l'ef- 
prit  d'inquiétude  ,  devant  2c 
après  vos  confefTions  ,  comme 
il  vous  n'aviez  jamais  dit  ce 
qu'il  faut  dire  ,  &  de  la  ma- 
nière qu'il   faut  ie  dire. 

Vous  n'auriez  point  toutes 
ces  inquiétudes  ,  fi  vous  con- 
noiftiez  votre  foibleiïe  naturel- 
le ,'&  ii  vous  faviez  la  manière 
dont  vous  devez  agir  avec  Dieu 
aprèsvos  chutes.Ce  n'eil  point 
avec  ce  chagrin  &  ce  déconfort 
intérieur  ,  qui  inquiète  &  qui 
abat  ,  c'eft  par  une  humble  , 
douce  &:  amoureufe  converlion 
à  la  divine  tk  paternelle  bonté, 
que  vous  devez  recourir  à  lui  , 
ce  qui  s'entend  ,  non  feulement 
des  fautes  légères,  mais  auiïï 
de  celles  qui  font  les  plus  gran- 
des, uo-v^u'enent  de  celles 
qui  fefont  par  tiédeur  &  lâche- 
té ,  mais  de  cciles  qui  fe  com- 
mettent par  malice. 

Dd  iij 


422  T?e  la  paix  de  £  Ame9 

C'eft  ce  que  plufieurs  per- 
fonrîes  ne  comprennent  pas  ; 
car  au  Heu  de  pratiquer  cette 
grande  leçon  de  la  confiance 
filiale  en  la  bonté  et  la  mifé ri- 
corde  de  Dieu ,  ils  traînent  des 
éfprits  ii  abatus ,  qu'à  peine 
peuvent-ils  feulement  penfer  à 
rien  de  bon  ,  &  mènent  une  vie 
mif  -rable  &languitTante  3  pour 
vouloir  préférer  leurs  imagina- 
tions à  la  vraie  &  falutaire  doc- 
trine. 


Chapitre    XV. 

Que  VAme  doit  fe  calmer  fans 
perdre  de  tems  à  chaque  in- 
"quiétule  qui  lui  arrive. 


Ue  ce  foiî  donc  votre  re- 
gleautant  de  fois  que  vous  tom- 
berez en  quelque  faute  ,  gran- 
de ou  petite  ,  quand  vous  l'au- 
riez commife  volontairement 
mille  fois  le  jour ,  aufiï-tôtque 


Chapitre  XV.  423 
tous  reconnoitrez  ce  que  vous 
avez  fait ,  de  faire  réflexion  fur 
votre  fragilité,  recourir  à  Dieu 
d'un  efpnt  humilié  ,  6c  lui  dire 
avec  une  douce  &  aimable  con- 
fiance :Vous  avez  vu,  mon 
Dieu,  que  j'ai  fait  ce  Çfï'éje 
puis,  vous  avez  vu  ce  que  je 
luis ,  Je  péché  ne  fauroit  pro- 
duire que  pécl]é  ;  vous  m'avez 
fait  îa  grâce  du  repentir  ;  je 
fupplievotre  bonté  de  m'acccr- 
der  avec  le  pardon,  celle  de  ne 
plus  jamais  vous  offenfer. Cette 
prière  étant  faite  ,  ne  perdez 
point  de  tenu  en  vos  réflexions 
inquiètes  pour  lavoir  \\  le  Sei- 
gneur vous  a  pardonné  ;  remet* 

-v'oiis  humblement  &  dou- 
cement dans  jrôs  exercices  , 
fans  ..  ce  qui  e(t  arrivé; 

avec  même  confiance  &  m 

s  d'efprit  qu'auparavant  ; 

quelque  nombre    de   fois  que 

vo  18  toyez  tombé  ,   quand  ce 

feroit  cent   mille   foi    ,    vous 

Ddiv 


424  De  la  Paix  de  tJme. 
devez  faire  la  même  chofe  à  la 
dernière  chute  qu'à  la  pre- 
mière: car  outre  que  c'eftre- 
tourner  toujours  à  Dieu  ,  qui , 
comme  un  bon  Père  ,  efr  tou- 
jours près  de  nous  recevoir 
quand  nous  venons  à  lui ,  c'eit 
que  nous  ne  perdons  point  le 
temps  en  inquiétudes  &  en  cha- 
grins ,  qui  troublent  l'efprit, 
<k  le  tiennent  long-temps  in- 
capable de  rentrer  dans  le  cal- 
me &  la  fidélité. 

Je  ybudrois  que  ces  âmes 
qui  s'inouietent  &  fc  déconfor- 
tent  de  leurs  chûtes  ,  vouluf- 
fent  bien  entendre  ce  fecret 
fpirituel  ;  elles  reconnoîtroient 
aufu-tôt  combien  cet  état  eft 
différent  de  celui  d'un  intérieur 
humble  &  tranquille  ,  où  ré- 
gnent l'humiiicé  &  la  paix  ,  de 
quel  préjudice  leur  eft  la  perte 
du  rems  que  ces  inquiétudes 
leur  caufeut. 


42; 

PENSÉES 
SUR   LA  MORT. 


XSLChaque  moment  de  notre 
vie,  nous  nous  trouvons  à  la 
porte  de  l'éternité. 

J)ou\e  utilités  de  la  confidéra,- 

tion  de  la  mort. 

I. 

Elle  fait  juger  fainement , 
fans  tromperie  &  fans  illuiion 
de  toutes  chofes,  v&ra  Philo- 
fophia. 

Notre  entrée  &  notre  fortïe- 
tout  nuds ,  condamne  la  pafTion 
des  biens. 

Notre  fortie  tout  feuls,  con- 
fond l'attachement  aux  amitiés 
des  créatures. 

La  puanteur  &  Iapouriture 
cle  la  chair,  qui  devient  la  nour- 
riture des  crapau.ds  6c  des  vers 


426  Penfces 

dans  le  tombeau  ,  guérir  la  fo- 
lie des  voluptéscorporelles. 

Cet  état  de  nos  corps  fous 
la  terre  parmi  les  animaux  , 
qui  ne  font  pas  dignes  de  vtir 
le  Soleil  ,  &:  fous  les  pieds  des 
hommes  ,  nous  dé  tait  bien  de 
la  vanité  de  vouioir  nous  éle- 
ver au-deiïus  des  aunes. 
II. 

C'eft  la  maitrefle  de  l'école 
de  la  vie  ,  qui  ne  nous  donne 
qu'un  précepte,  qui  eft  de  diri- 
ger toutes  nos  avions  à  notre 
tin. 

Cette  confidération  eft  aux 
hommes, ce  qu'eit  la  queue  aux 
animaux  de  1a  :en\e  ,  par  la- 
quelle ils  fe  défendent  de  la 
pointe  des  mouche:. ,  &:  aux 
oi féaux  du  ciel,  &  aux  p.oif- 
fons  de  la  mer,  par  laquelle 
ils  fe  foutiennent. 
III. 

Elle  fait  m ép ri  Ter  les  chofes 
terreftres  &  temporelles,  peu- 


fut  la  mort,  427 
pie  les  folitudes  &  les  cloîtres; 
&  fait  les  retraites  de  tout  ce 
que  Dieu  a  de  ferviteurs  au 
monde. 

IV. 

Elle  apprend  à  fe  connoître 
foi-même  :  qui  eft  un  des  prin- 
cipaux point  de  la  fagefle. 

Elle  eft  comme  une  glace 
fur  le  feu  de  la  concupifcence 
charnelle  ,  qui  l'éteint  Se  l'a- 
mortit ,  &  comme  le  frein  des 
cupidités  &  de  la  chair. 

C'ell  une  vive  fource  d'hu- 
miliation ,  &  le  remède  unique 
contre  l'orgueil  6c  l'enflure  de 
l'efprit. 

VIL 

C'eft  un  excellent  préferva- 
tif  contre  le  péché. 

In  omnibus  operibus  tuls  me- 
morare  novijjîma  tua,&  in  œter- 
numnon peccabis.  Eccli.7.  49. 


428  Penfas 

VI II. 

Elle  ramené  les  âmes  ulcé- 
rées à  la  douceur  &  à'ia  récon- 
ciliation;quiconque  longe  bien 
férieufernent  qucla  mort  inévi- 
table &  incertaine  l'expefe  à 
la  pitié  de  à  la  juftice  de  celui 
qui  ne  pardonne  qu'à  ceux  qui 
ont  pardonné  ,  n'a  point  de 
peine  à  pardonner. 
IX. 

C*efc  un  contre-poifon  des 
pïaiiirs  &  divertifiemens  du 
monde  ;  ce  ce  Prince  qui  fit  af- 
feoir  un  Cbmédien  daas  un 
liège  vieil  3c  pourri ,  fous  le- 
quel il  y  avoir  un  feu  allnmé  , 
eut  bien  raifon  de  lui  dire  ,  le 
voyant  triae  &inqaiet,  dans 
Fappréhenfion  que  cefiegeaian- 
quant  fous  lui  par  fa  pourritu- 
re ,  il  ne  tombât  d^uis  le  bra- 
fier  allumé  deiTous  ;  qu'il  de- 
voit  confidéier  Ton  corps  com- 
me le  fiege pourri,  qui  d'heure 
en  heure ,  &  même  de  moment 


fur  la  mort.  429 
à  autre  ,  pouvoit  lui  manquer, 
de  l'enfer  comme  le  feu  allumé 
defifous,  où  tout  homme  de- 
voit  avoir  une  jufte  crainte  de 
tomber. 

X. 

C'eft  l'économie  de  notre  fa- 
lut ,  qui  nous  mettant  devant 
lesyeuxque  nous  devons  avoir 
ailleurs ,  qu'en  ce  monde  pafla- 
ger,  une  demeure  perpétuelle, 
nous  fait  ménager  quantité  de 
bonnes  a&ions  ,  comme  des 
proviuons  pour  cetteviefature. 
XI. 

Elle  nous  fait  embraflec  li- 
brement &  volontairement  la 
pénitence. 

XII. 

Elle  nous  y  fait  constamment 
&  fortement  perféverer. 


X 


430 

K®®®®Q©@Q©X 

SENTIMENS  D'UN  PÉCHEUR 

qui  defire  de  retourner  àDieu. 

J  E  reconnais ,  ô  mon  Dieu  , 
que  c'elt  par  ma  fau:e  ,  par  ma 
faute, &  par  ma  très-griévefau- 
te  que  j'ai  péché  contre  vous  , 
que  je  n'ai  point  d'excufes  à 
apporter ,  &  que  je  ne  fuis  de- 
van*  vous  qu'un  coupable  Se 
un  criiîiinejj. 

Je  fais  que  vous  m'avez  fait 
pour  vous .  cV.  que  je  vous  ap- 
partiens par  une  infinité  de  ti- 
tres. Cependant ,  par  une  ef- 
froyable irijuftice  ,  j'ai  voulu 
vivre  pour  moi-même  ,  6V  pour 
le  monde  ,  enm'attachant  àfes 
vanités ,  en  fuivant  fesraaximes 
corrompues  :qui  m'ayant  éloi- 
gné du  chemin  de  mon  faîut  , 
m'ont  fait  perdre  le  plus  grand 
de  tous  les  biens ,  qui  eft  votre 


Sentlmcns  d'un  Pécheur,  431 
grâce  ,  &  m'ont  engagé  en  mê- 
me tems  dans  le  plus  grand 
de  tous  les  maux  ,  qui  eft  l'ef- 
clavage  du  démon,  la  plus  hon. 
teufe  de  toutes  les  fervitudes. 
Vous  m'avez  donné  un  corps 
pour  le  con  facrer  à  votre  i'ervi- 
ce  ;  cependant  j'en  ai  fait  un 
ufage  tout  profan~ ,  puifque 
je  m'en  iuis  fervi  pour  vousof- 
fenfer.  Ses  membres  qui  doi- 
vent être  au'ant  d'armes  de  >uf- 
tice  empioyéespour  votregloi- 
re ,  j'en  ai  hait  autant#d'armes 
d'iniquité  pour  m  élever  contre 
rous  ,  c'v  pour  vous  faire  la 
Jguerre  ,  en  outrageant  toutes 
vos  perfe&ions  ,  par  les  égare- 
mens  de  mon  efptit  ,  &  par  les 
déréglemens  de  mon  cœur. 

ui ,  mon  adorable  jefus, 
j'avoue  avec  confufion  que  j'ai 
outrage  votre  fagefle  ;  puif- 
qu'au  lieu  d'en  iuivre  les  lu- 
mières, j'ai  fuivile  mouvement 
de  mes  pafùons,  j'ai  outragé 


43 A  Sentimens  dc un  Pécheur» 
votre  puiilance  ,  parce  que  j'ai 
mis  fouvent  des  obiracles  à  fe& 
écoulemens  ;  j'ai  outragé  vo- 
tre grandeur  ,  parce  que  je  l'ai 
méprifée  ;  j'ai  outragé  votre 
juilice  '3  parce  que  je  l'ai  irritée 
par  mes  fréquentes  rechutes 
dans  mes  mêmes  défordres  ; 
j'ai  outragé  votre  bonté,  parce 
que  j'en  ai  abufé  >  j'ai  our ragé 
votre  libéralité  par  l'excès  de 
mes  ingratitudes  ;  j'ai  outragé 
votre  patience  j  parce  que  je 
l'ai  iaiieèV  en  demeurant  fi 
tong-tems  dans  mes*habicudes 
criminelles  ,  j'ai  même  voulu 
vous  dépouiller  de  l'autorité 
que  vous  avez  fur  moi,pur/que 
tant  de  fois  j*ai  refufé  de  vous 
obéir  :  vous ,  mon  Dieu, qui  ne 
me  commandiez  que  pour  me 
fa n ver  ,  &  ■  "ai  obéi  au  démon, 
en  fuiyantfesmalheuretjfesfug* 
gèïîkms  ,  lui  qui  eft  votre  plus 
cruer  ennemi, &  qui  ne  mecem- 
mandoit  que  pour  me  perdre.  . 
Quel 


qui  defire  retourner  à  Dieu.  4  5  ) 
Quel  m  o  n  ft  r  c  dan  s  1  a  R  e  !  i  - 
gion  !  quelle  abomination  dans 
une  telle  conduite  !  quel  dérè- 
glement dans  la  vie  d'un  Chré- 
tien  !  Ce  Chrétien  élevé  dans 
l'école  de  Jefus-Chriil^encou- 
ragé  par  fes  promeiFes  ,  far 
fié  par  fes  grâces,  réconcilié 
par  fes  Sacremens  ,  lavé  dans 
ion  fang  ,  &  nourri  tant  de  fois 
de  fa  Chair  adorable.  Déviez- 
vous  ,  mon  divin  Sauveur  , 
m'aimer  avec  tant  d'ardeur , 
pour  être  traité  avec  taafc  d'in- 
juftice?  Deviez-vous  employée 
.tant  de  foins  pour  mon  falat , 
pour  voir  tous  ces  moyens  de 
votre  charité  rendus  inutiles 
par  mes  crimes  ? 

Que  puis-jefaire  dans  l'état 
miférable  où  je  me  trouve  ,  li- 
non de  me  jeter  entre  les  bras* 
de  votre  miféncorde  , app 
fur  votre  parole  ;  qui  eft  aufi 
inviolable, comme  elle  elt  éterr 
nelle  ,que  vous  ne  voulezpoi:  t 
la  mort  du  pécheur ,  mais  pla- 
E  e 


4  H  Sentimens  d'un  Pécheur 
tôt  fa  converiion  ?  Je  vous  la 
demande  ,  ô  mon  Dieu  ,  par  les 

I  mérites  de  la  Mort  &:  Paillon 
lie  notreSeigneurJefus-Chriit: 
accordez-moi  par  bonté  ce  que 
vous  pourriez  me  refufer  par 
juftkea  après  ladiffipation  mal- 
heureuse que  j'ai  faite  de  tant 
de  grâces  ,  &  de  tant  de  bien- 
faits dont  vous  m'avez  comblés 
pendant  ma  vie  ,  ck  après  tant 
de  profanations  de  vos  iacre- 
mensîes  plus  a&guftesa 

O   Père  des  lumières, 
pénétrez  les  plus  épaiiTes  t . 
br  es  !  con  d  ui  fe  z  v  o  u  s  -  m  c  m  a 
uneame  aveugle  8c  égarée.  J^ 
vous  demande  ce  qui  vous  d 

.  le  plus  agréable, &  ce  qui  m'eft 
)e-  plus  avantageux:.  Ce  n'eft 
.:  aucun  bien  delafortune  , 
efl  point  de  devenir  plus! 
heureux  félon  le  monde  :  i 
de  former  en  moi  un  cœur  nou- 
veau ,  un  cœur  qui  vous  ai 

vous  cherche  ,  £e  qui  volm 
délire  ;  an  cœur  qui  ne  s'attï 


qui  defire  retourner  à  Dieu. 4-5 s 
che  qu'à  vous ,  qui  ne  vive  que 
pour  vous ,  pour  me  faire  gar- 
der inviolablement  les  protef- 
tations  que  je  vous  raid  aujour- 
d'hui de  me  confacrer  entière- 
mentà  votre  fervice  ,  ck  d'être 
à  vous  tous  les  momens  de  ma 
vie. 

Mais  comme  je  connoispar 
une  funefte  expérience  ,  que 
ces  inclinations  qui  me  portent 
au  mal  font  plus  fortes  6c  plus 
puiffantes  que  toutes  mes  ré- 
iolutions  ,  j'ai  befoin  de  force 
pour  exécuter  ce  que  je  délire, 
parce  que  je  r>e  fuis  par  moi- 
même  que  foibleffe  &  que  lan- 
gueur. 

C'eit  pourquoi  je  fupplie  la 
fainte  Vierge  &:  tous  le; Sa:nt« 
de  vouloir  intercéderpourmoi 
auprès  de  vous,  o  mon  Dî 
&  d'engager  votre  bonté 
nie  de   m'éclairer  par   vos  lu- 
mières :  de  me    conduire    par 
votre  e.fprit ,  de  me  fortin. rpar 
votre  giace  ,  de  me  rrci;- 
Ee  îj 


4$  6  Sentiment  d'un  Pécheur 
par  vos  infpirations  falutaires^ 
&  de  me  foutenir  par  vos  di- 
Tines  confolations;  afin  de  me 
faire  marcher  avec  fidélité  dans 
le  chemin  de  mon  falut,  con- 
vaincu que  je  fuis  qu'il  ne  faut 
s'en  éloigner  qu'un  feul  mo- 
ment ,  pour  être  perdu  pour 
jamais. 

Daignez  ,  mon  adorable  Je- 
fus ,  joindre  à  toutes  ces  grâ- 
ces celles  de  me  donner  une 
fainte  horreur  pour  le  péché; 
une  vive  crainte  de  vos  juge- 
mens;  i'efpérance  du  pardon  ; 
un  amour  pour  la  juftice,  &  un  j 
defir  fincere  de  me  convertir! 
par  une  pénitence  confiante  , 
puifque  c'eft-làle  fouverain  re- 
mède qui  doit  guérir  les  infir- 
mités de  mon  arne  :  c'eft-là  l'u- 
nique moyen  qui  me  refte  pour 
me  fauver  du  naufrage  ;  c'eft 
ce  fécond  Baptême  que  les  Pè- 
res de  l'Eglife  appellent  un 
Baptême  pénible  &  laborieux, 
où  mes-  larmes  étant  mêlées 


qui  defîrc  retourner  à  Ddeu.^f 
aveelefang  de  Jefus-Chriitpu- 
rïfieront  mon  cœur  des  taches 
&:  des  fouillures  que  j'ai  con- 
tractées par  mes  péchés  ;  c'eft 
cette  même  pénitence  qui  doit 
me  faire  mourir  aux  inclina- 
tions de  la  nature  corrompue  , 
à  toutes  mes  habitudes  crimi- 
nelles ,  à  toutes  mes  paflions  , 
pour  n'en  plus  fuivre  les  mou- 
vemens  &  entrer  dans  un  entier 
renouvellement  Ce  conduite  , 
qui  me  fera  marcher  Secourir  , 
à  Pexempledu  Prophète  ,  dans 
les  voies  de  la  Juftice  Chré- 
tienne, vou.  aimer  de  tout  mon 
cœur ,  &  y  peri'éverer  jufqu'à 
ce  que  j'arrive  à  cet  heureux 
terme  ,  qui  me  mettra  dans  la 
poflTeffion  de  mon  Dieu  ,  pour 
le  louer,  le  bénir  &  le  glori- 
fier éternellement  dans  la  com- 
pagnie desSaints.  Àinfi  foit-il. 


E  eiij 


438 


DE  LA  PENITENCE. 

'Eft  le  feul  chemin  que  nous 
avons  pour  retourner  à  Dieu  , 
dont  le  péché  nous  a  féparés. 

Il  y  aune  pénitence  du  cœur 
&  celle  de  l'action  ;  l'une  af- 
fective: l'autre  effective  :  il  faut 
joindre  Tune  à  l'autre  par  rap- 
port à  notre  état. 

La  pénitence  d'action  ou  ef- 
fective fe  pratiquedans  les  ren- 
contres des  maladies,  ou  afflic- 
tions qui  nous  arrivent  ordinai- 
rement ,  ou  dans  les  peines  vo- 
lontaires que  nous  nous  impo- 
fons  dans  cet  efprit. 

Nous  la  pratiquons  dans  les 
afflictions  furvenantes. 

Quand  nous  les  acceptons 
dans  la  penfée  qu'étant  crimi- 
nels devant  Dieu  par  nos  pé- 
chés ,  fa  bonté  nous  envoie  ces 
peines  &  ces  afflictions,comme 
un  père  qui  corrige,  ou  comme 
un  Juge  qui  punit  en  cette  vie 


Delà  Pénitence.  439 
pour  pardonner  en  l'autre.  En 
un  mot  ,  quand  nous  avouons 
nos  crimes  avec  repentir  ,  &: 
que  nous  en  acceptons  la  peine 
avec  foumifllon. 

Arin  que  ces  deux  actes  inté- 
rieurs raflent  une  impreffioji 
pkis  feniibie  dans  notre  cœur, 
nous  ferons  bien  de  les  accom* 
pagner  de  ces  réflexions. 

Quel!  les  péchéspour  lefcfueîs 
Dieu  nous  punit,  étoient  dans 
la  balance  avec  ce  que  nous 
fou  rirons,  que  feroit-eedes  uns 
en  comparaison  des  autres  ? 

Que  notre  peine  ou  affliction 
préfente  nous  eft  envoyée  par 
un  ordre  exprès  de  Dieu. 

Qu'en  nous  l'envoyant ,  iî 
veut  que  nous  en  profitions 
pour  la  fatisfa&ion  de  nos  of- 
fenfes. 

Que  fon  deflein  eftde  nous 
faire  fonger  à  notre  mauvaife 
vie  ;  car  nous  ne  penfons  à  nos 
péchés ,  que  quand  Dieu  com- 
mence à  nous  en  punir. 
Ee  iv 


44°       -^  fa  Pénitence, 

Que  ii  nous  fommes  remis  en 
état  de  grâce  par  leSacrement, 
Dieu  nous  envoie  cette  afflic- 
tion pour  nous  donner  moyen 
de  fatisfaire  à  la  peine  après  la 
confefiion. 

Que  la  peine  du  péché  mor- 
tel eft  la  damnation  éternelle  , 
le  fuppîice  du  feu  éternel ,  & 
la  privation  de  Dieu  pour  tou- 
jours. 

Qu'ily  a  peut-être  des  mil- 
damnés  qui  n'ont  ja- 
mais commis  qu'un  feul  péché 
mortel  dcpi  is  leur  Bapiême  , 
&  quantité  de  ceux  que  lamort 
6c  la  damnation  or t  fui vi  im- 
médiatement api  es  le  péché 
mortel  commis. 

Nous  appliquant  ces  vé.ités 
à  nous-mêmes  au  temps  de  nos 
peines  &  afflictions  furvenan- 
tes  ,  nous  ferons  bien  «Je  nous 
retirir  en  particulier  ,  pour 
nous  convaincre  nous-  mêmes 
par  ce  raifonnement. 
N'eft-il  pas  vrai ,  félon  les 


Delà  Pénitence,  441 
principes  de  la  Foi,  que  dès  le 
premier  péché  mortel  que  j'ai 
commis  après  mon  Baptême  , 
je   ci -vu  non   point  en 

cette  vie  5  mais  dans  l'enfer 
avec  mes  femblablei  \  fte^mon 
Dieu  !  combien  (^'amiéesy  au- 
roic-il  que  j'y  iei\  1  re- 

monte à  celle  du  prer,  ier  \  -  é- 
ché  mortel  que  j'ai  commis  , 
que   n'aurois  je  point  (ouvert 
çiaps  ces  braliçrs  ardens  ,    & 
.quen'y  fouîtrirois-je  point . 
toute  j'étcinit-é  ?  C'efi 
tre  grâce   (înguliere  ,    6  mon 
; ,  que  je  n'y  ai  pas  été  de- 
puis que  j'ai  mérité  d'y  être  , 
y  fuis  pas ,  que  je  puis 
;  er  de  n'y  être  jamais  >  & 
que  vous  ne  m'avez  pas  traire 
comme  tant  d'autres  mal 
reux  qui  biûlent  pour  touji 
En  échange  c!e  ces  tour'.' 
épouvantables  &  éterreN  dont 
vous  m'avez  miféricordieufe- 
ment  exempté,  vous  m'envoyez 
cette affliiÛon,  ck  je  murnmte, 
Eev 


44*       De  la  "Pénitence. 
je  m'impatiente  &    je  m'em- 
porte. 

Que  la  peine  que  je  foufTre 
parlera  bientôt;  mais  celle  que 
mes  péchés  méritent  ne  paf- 
fera  jamais. 

Nous  devins  pratiquer  lapc- 
nitence  d'action  ,  par  les  priva- 
tions volontaires  de  quelques 
fatisfadions  d'efprit  ou  de 
corps,  dansl'efprit  de  fatisfaire 
àla  jnftice  de  Dieu  par  iesfouf- 
franceç  ,  des  contradictions,  du 
mépris  &  des  injures ,  en  les 
offrant  à  fa  divine  Majefté  , 
pour  l'expiation  de  nos  péchés. 

La  Pénitence  du  cœur  ou  affec- 
tive* 


_iLle  s'acquiert  par  la  grâce 
&  par  notre  coopération  ,  gra~ 
lia  Dei  mecum. 

Le  moyen  ordonné  par  la 
Providence  ,  pour  obtenir  la 
grâce  ,  eft  de  la  de  mander.  Pe- 
tite &  accipietis.  Prions  &  tra- 
vaillons pour  l'obtenir. 


Comment  il  faut  le  demander. 

.IL  Ar  les  a&es  fréquens  que 
nous  en  formons  durant  la 
urnée. 

Par  les  parole^ ,  félon  les 
mouvemens  que  Dieu  fait  naî- 
tre dans  notre  cœur,  en  difant  : 
mon  Dieu  ,  pourquoi  vous  ai- 
je  jamais  ofTenfé,  &  pourquoi, 
l'ayant  fait ,  n'en  ai- je  pas  la 
douleur ,  que  les  plus  grands 
pénitens  en  ont  eue  ?  Hélas  , 
Seigneur,  avoir  perdu  la  grâce 
de  mon  Baptême  ,  qui  étoit  le 
prix  de  votre  Sang  &  de  votre 
Mort;  que  j'aieud'ingratitude 
en  vous  ofîenfant  ;  que  vous 
avec  de  bonté  en  me  pardon- 
nant ! 

Je  connois  bien  à  prefent , 
mon  Dieu  &  mon  Père  ,  l'ex- 
cès de  votre  amour  pour  moi 
d-ans  votre  incroyablepatience, 
ne  m*"anéantiffant  pas  au  mo- 
ment que  j'ai  oie  me  rebeller 
contre  vous.  E  e  vj 


444       De  1<*  v "~'>**»r~'' 

Vuus  pouvez  encore  mieux 
vous  iervir  des  paroles  mêmes 
des  faints  Pénitens  ,  marquées 
clans  les  faintes  Ecritures  :Deus . 
propitius  ejiomihipeccatori:  Pa- 
ter,  peccavi  in  cœlum  &  coram 
te  tjam  non  J^m  dïgnus  vocarl 
jilius  tuus  :  Tibi  foli  peccavi ,  & 
malum  coram  te  feciiCor  contri- 
tion &  humilia  tum  De  us  ,  non 
defpicles  ,  &  d'autres  iembla- 
bles. 

Comment  nous  devons  travailler 
pour  l'obtenir. 

JiiiNtretenons-nous  des  motifs 
les  plus  feniibles  qui  paillent 
gagner  notre  ccenr. 

La  bonté  infinie  de  Dieu, 
dont  nous  portons  en  nous  des 
témoignages  feniibles. 

La  grandeur  de  fa  divine 
Majefté  qui  n'a  nul  befoin  de 
nous. 

La  rigueur  de  fa  jufte  ven- 
geance ,  qui  peut  nous  perdre 
pour  jamais. 


De  la  Pénitence»       44? 

Et  pour  cela  il  faut  feire  la 
lecture  des  Livres  propres  à 
infpirer  ces  fentimens  &:  ces 
férieufes  réflexions. 

Gémiiïons  devant  Dieu  ,  Se 
foupirons  de  douleur  de  l'avoir 
offenfé,  fmotre  cœur  s'y  rend 
feniible  dans  nos  réflexions  &c 
dans  nos  lectures  ;  &  s'il  de- 
meure dur  &  infenfible ,  hu- 
milions-nous, gémillons  6k  fou- 
pirons pour  fon  infenfibilité. 

Demandons  à  fa  divine  bon- 
té ,  cette  eau  falutaire  de  la 
Samaritaine  ;  Domine  ,  da  mihi 
hanc  aquam,  une  larme  de  pé- 
nitence ,  quieft  capable  dedé- 
farmer  la  colère  d'un  Dieu. 

Quand  vous  demanderez  à 
votre  père  qu'il  vous  donne 
votre  pain  quotidien  ,  fongez 
à  y  comprendre  le  pain  de  lar- 
mes ,  c'eû  le  pain  quotidien 
des  pécheurs. 

Cette  çrrace  doit  être  deman- 
der par  l'action  aufil  bien  que 
parle  cœur. 


446       De  l&  Pénitence. 

Quand  vous  avez  rinfpira- 
tion  de  faire  une  bonne  œuvre 
comme  une  aumône, un  ,eûne, 
une  petite  pénitence  ,  ou  de. 
vous  priver  de  quelque  divcr- 
tiflement  ;  orTrez-la  àDieu,adn 
qu'il  vous  donne  ce  que  vous 
ne  fauriez  avoir  par  vous-mê- 
me, qui  eft  Pefprit  de  péni- 
tence  &;  la  véritable  douleur 
de  ^03  péchés. 

Lifez  toutes  :es  femainesune 
fois  cette  petite  conduite  à  un 
jourdéterminé  pour  cela,  com- 
me le  Samedi  ou  le  Dimanche. 

Faîtes  état ,  fi  vous  voulez 
réuffirdans  cette  méthode,  de 
donner  tous  les  jours  une  de- 
mi-heure à  Dieu ,  durant  la- 
quelle vous  lirez  quelque  bon 
livre,  avec  deux  observations  : 
l'une  ,  que  vous  chercherez  les 
bons  livres  ,  qui  pourront  vous 
porter  p'us  erncacemeni  à  cet 
efprit  de  pénirence  ;  l'autre, 
que  vous  ferez  une  ferieufe  ré- 
flexion furies  en4i*oitsquipour* 


De  la  Pénitence*  447 
ront  vous  toucher, &  vous  por- 
teront le  plus  droit  à  cette  pé- 
nitence du  cœur,  intérieure  Se 
affective. 

Entendez  tous  les  jours  la 
fainte  Méfie  ;  c'eft  le  principe 
&  le  principal  objet  de  la  vé- 
ritable pénitence,puifqueJ.  C. 
y  eft  immolé  pour  nos  péchés 
&  pour  nous  en  mériter  la  grâ- 
ce; offrez  ce  divin  facririce  à 
Dieu  pour  l'obtenir. 

PRIERE  A  JESUS-CHRIST  , 

pour  lui  demander  la  paix  in~ 

térieure  de  nos  âmes, 

XYJLOnarque  pacin*que,vraiSa- 
lomon  ,  Roi  de  douceur  auffi 
bien  que  de  gloire,  Ange  d'al- 
liance 6c  de  confeil ,  tout-puif- 
fant  médiateur,  Arbitre  unique 
des  différends  que  les  péchés 
ont  indignement  fait  naître  dès 
l'ouverture  des  fiécîes  entre 
vous  &  les  hommes  ;  Dieu  de 
paix  &  Dieu  des  armées ,  c'eft 


44^  Prière  à  Jefus-Chrift. 
à  vos  pieds  que  je  me  jette  , 
abattu  de  refpe&avec  iinefou- 
mifiïon  qui  eft  toute  volontaire 
&c  môme  toute  fer  vile  ,  afin 
qu'il  pjaife  à  votre  Majeilé  me 
dire  une  parole  de  grâce  qui 
foit  un  mot- de  paix. 

Je  vous  demande  pour  moi 
&  pour  mes  femblables ,  cette 
paix  fideiïrée:  octroyez-moice 
doux  repos,  qui  eft  le  centre  o£ 
le  fouverain  bien  demoname. 
Râliez  de  votreautoiité  fuprû- 
me  les  forces  de  mon  efprk}d:f- 
trait  -S:  combattud'autant  d'en- 
rremîs,qè  il  aime  de  choies  hors 
de  vous:  Appaifezle  troublede 
fes  foins, modérezfes  ennuis,  & 
ne  permettez  jamais  qu'il  de- 
vienne fi  curieux  de  favoir  Ja 
vie  6qs  autres  ;  qu'il  en  rafle  le 
premieriujetdefesinquiétudes. 

Votre  parole ,  Vérité  foiwe- 
raine  ,  eft  engagée  à  ne  paj 
r  e  ru  Te  r  ma  d  e  m  an  de  :  vo  t  r  e*  m  i  - 
férîcorde  &:  votre  juftice  ont 
intérêt  à  ne  pas  entretenir  la 


Prière  à  Jefus-Chnfl.  44* 
guerre  entre  mes  panions  &:  ma 
raifon  ,  non  plus  qu'entre  vous 
6c  moi  ;  votre  divin  empire  fe 
maintient  mieux   dans  l'abon- 
dance du  iïlence  Se  du  repos  , 
que  parmi  le  bruit  &c  la  divi- 
iîon  ;   Se  votre  royaume   qui 
n'efl:  point  de  conquête  ,  mais 
de  droit  de  nature, &qui  a  pour 
limites  des  rangées  d'oliviers-, 
ne  demande  que  des  f  ïjets  pa- 
cifiques, au  lieu  que  ies  autres 
fe  vantent  d'être  euvironnésde 
lauriers  Se  de  palmes. 
Audi  ne  vous  dites- vous  point 
Créateur  ,  Prince  Se  Dirtribu- 
teur  des  autres  choies,  comme 
vous  :akes  de  la  paix  ;  Se  vos 
Saints  Anges  qui  ne  Font  que 
ce  qui  vous  plaît ,  Se  qui  n'étu- 
d:ent  que  vos  volontés  ,  la  pu- 
blièrent dès  le  premier  point 
de  vorre  naifTance  ,  plutôt  que 
la  vi&oire  ,  6k'  en  compofèrent 
un  Cantique  qui  furpafle  tous 
les    plus    glorieux  chants  de 
triomphes. 


a 


450  Prière  à  Jefus-Chrift. 

Faites  ,  ô  mon  Sauveur ,  par 
toutes  ces  confidérations  ,  paf- 
fer  en  moi  cette  rivière  de  paix 
&  ce  torrent  de  plaifirs  ,  dont 
vos  Prophètes  parlent.  Don- 
nez moi  cette  bénédiction  ,  qui 
eft  le  gage  de  votre  amour  ,  & 
que  nul  autre  que  vous  ne  peut 
donner  ;  Se  puifqu'étant  près 
de  quitter  la  terre  vous  nous 
laiffâtes  la  paix  ,  dans  l'attente 
du  Saint  -  Efprit  ,  comme  \es 
arrhes  de  la  gloire  que  vous 
alliez  nous  préparer  dans  le 
Ciel >  ne  refufez  pas  de  la  ré- 
pandre dans  un  cœur  qui  eft 
vuide  &  qui  s'éclate  de  s'ou- 
vrir pour  la  recevoir.  J'ai  cette 
confiance  en  votre  fou veraine 
bonté  que  vonsnemelarefufe- 
rez  point,  ôc  que  mes  cris  vous 
obligeront  de  tourner  vos  re- 
gards fur  un  peu  de  pouflière 
qui  a  PaiTurance  d'implorer  vo- 
tre fecours,&  que  vous  ne  per- 
mettrez pas  que  je  fois  défor- 
mais du  nombre  des  impies  qui 


Prière  à  Jefus-Chrifl.  4^1 
n'ont  jamais  fu  trouver  le  che- 
min de  la  paix  ,  Se  à  qui  la 
jouiiTance  n'en  fera  point  ac- 
cordée ,  qu'ils  ne  fe  foient  ren- 
dus victorieux  de  leur  parlions, 
£c  qu'ils  n'ayent  triomphé  de 
toutes  leurs  mauvaifes  habitu- 
des. Ainfi  foit-il.        

Abrégé  des  principales  Vérités 
que  tout  Chrétien  doit  f avoir 
&  croire, 

XL  n'y  a  qu'un  feul  Dieu  infini  f 
tout-puifTant  ,  très-parfait  ,  qui 
a  créé  le  Ciel  &  la  Terre  ,  &  qui 
eft  le  Seigneur  univerfel  de  toutes 
chofes. 

Il  y  a  trois  Perfonnes  en  Dieu, 
le  Père  ,  le  Fils  &  le  Saint-Efprit. 
Le  Père  eft  Dieu  ,  le  Fils  eft  Dieu, 
le  Saint-Efprit  eft  Dieu  ,  ils  ne  font 
pas  néanmoins  trois  Dieux  ;  mais 
un  feul  Dieu  en  trois  perfonnes  , 
égales  en  toutes  chofes. 

Le  Fils  de  Dieu  ,  qui  eft  la  fé- 
conde Perfonne ,  s'eft  fait  vrai 
Homme  comme  nous ,  en  prenant 
un  Corps  &  une  Ame  feo&blables 


r45«î  a  'Abrégé 

aux  nôtres ,  dans  le  fein  de  la  fainté 

Vierge  Marie  fa  mère. 

Elle  l'a  conçu  par  l'opération  du 
Saint-Efpi  it ,  &.  fEglife  en  t'ait  la 
Fête  le  25  M. 

Il  naquit  en  Berhléem  dans  une 
Eta^le  ,  &  tut  rois  iur  la  paille  ;  & 
la  Fête  de  fa  naiflance  s'appelle 
le  jour  de  Noël. 

Huit  jours  après  il  commerçade 
répandre  fon  fang  p.tr  la  Circon- 
cifio  1 ,  &  f".t  nommé  JÉSUS  ,  c'eft- 
à-dire  Sauve  r  :  c'eft  le  premier 
jour  d.  l'An. 

Il  1  vécu  trente  trois  ans  ou  en- 
viron  >  dans  une  vie  pauvre  &  la- 
borieufe,  après  quoi  ileft  mon  fur 
la  croix  pour  nos  péchés  :  on  en 
fait  mémoire  le  Vendredi  Saint. 

Le  même  jour,  à  fix  heures  du 
fcir ,  fon  Ccrps  fut  mis  dans  le  Sé« 
pulcre,  &  fon  Ame  defcendir  aux 
Limbes  pour  en  tirer  les  Saints 
Pères  qui  y  attendoient  l'a  venue  , 
le  Paradis  ayant  toujours  été  fer- 
mé depuis  le  péché  d'Adam. 

Le  uoifieme  jour  après  fa  mort 


■ 


des  Vérités  Chrétiennes ,  45$ 
il  reffuTcita  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'il  re- 
tourna de  mort  à  vie  ;  c'eft  le  ,our 
de  Pâque. 

Quarante  jours  après  il  monta 
auCiel:c*eft  le  jour  de  l'Afcenfion. 

Dix  jours  après  l'Afceniion ,  qui 
cftle  jour  de  la  Pentecôte  ,  il  en- 
voya ion  Saint-Efprit  à  fes  Apô- 
tres &  à  Ton  Eglife. 

A  la  fin  du  monde  il  viendra 
juger  tous  les  hommes.  Pour  lors 
nous  refïufciterons  tous  :  nous  fe- 
rons tous  aiTemblés  :  nous  compa- 
"■oîtror>r  l 


4f4  Abrégé 

avec  les  Démons,  ù  nous  mourons 

ennemis  de  Dieu  par  Te  péché. 

Les  ames  de  ceux  qui  fontdécé- 
dés  en  la  gracede  Dieu,&  qui  n'ont 
pas  achevé  ]a  pénitence  qu'elles 
avoient  commencé  dans  cemonde, 
l'accompliront  dans  le  Purgatoire: 
Elles  y  font  foujagées  par  l'es  priè- 
res &  les  furTrages  des  Fidèles. 

Jeibs-Chrift  a  inflitué  fept  Sa- 
cremens  ,  qu'il  nous  a  laifles  pour 
notre  fanctirrcarion. 

Le  Baptême,  la  Confirmation  , 
1,T"  p^xtrê- 


des  Vérités  Chrétiennes.  4^ 
fur  l'enfant:  Je  te  batife  au  nomdu 
Pcre,duFilS)  &  duSaint-Efprit. 

2,.  La  Confirmation  nous  donne 
le  Saint-Efprit ,  nous  fait  parfaits 
Chrétiens  ,  £k  nous  fortifie  dans  la 
grâce  pour  réfuter  au  péché  ,  & 
confeffer  la  foi  de  Jefus-Chriit 
dans  toutes  nos  actions. 

3.  L'Euchariitie  que  l'on  appelle 
auffi  le  fàint  Sacrement ,  contient 
réellement  &  en  vérité  le  Corps  , 
le  Safig  ,  l'Âme  &  ta  Divinité  de 
notre  Seigneur  Jefus-Chrift,  û  :s 
les  apparences  du  pain  £  vin. 

Peur  bien  communier  ,  il  faut 
être  en  état  de  grâce, &  il  faut  être 
à  jeun  9  fi  ce  nJefr  lortqu  on  com- 
munie en  Viatique. 

4.  La  Pénitence  efface  les  pè- 
ches que  nous  avons  commis  après 
le  Baptême. 

Pour  Lire  ure  bonne  péniten- 
ce ,   il  faut ,  t.  Avoir  une  g;-., 
douleur  d'avoir  offenfé  Dieu,  & 
ttre  d  .or*e  réfolntion   de 

:  ,  &  de  quitter  l'es 
;  .s  &  les  occafions.  2.Confeî- 
fer  tous  fes  péché  s  fans  en  cacher 


'4$ 6  Abrège,   &c. 

un  feul;  car  li  nous  cachionsunfeul 
péché  mortel ,  nous  ferions  un  fa- 
crilege.  $.  Il  faut  avoir  la  volonté 
de  fatifeire  à  Dieu  par  la  Péniten- 
ce que  le  prêtre  ordonne  &  parles 
afflictions  que  Dieu  nous  envoie. 

5.  L'Extrême-Onclion  remèdes 
reftes  des  péchés  aux  malades  .* 
elle  leur  donne  des  grâces  pour  fe 
dilpoler  à  mourir  en  bon  état  ,  & 
quelquefois,  même  elle  procure  le 
rétabliflement  de  la  faute  quand 
elle  eft  utile  pour  le  falut. 

6.  L'Ordre  donne  la  puiiTance 
&  la  grâce  néceflaire  pour  exercer 
les  fonctions  qui  regardent  Je  fer- 
vice  de  Dieu  &  le  falut  des  âmes. 

7.  LeMariage  donne  aux  perfon- 
nes mariées  la  grâce  de  vivre  fain- 
tement  enfemble,  6k  d'élever  leurs 
enfans  dans  la  crainte  de  Dieu. 

Voilà  les  principales  véritésque 
doit  croire  tout  bon  Chrétien  dans 
l'Eglife  Catholique  ,  Apoft-olicjue 
&  Romaine ,  hors  laquelle  il  n'y  a 
point  de  falut. 

FIN. 


4?7 


TABLE 

DES   CHAPITRES 
Du  Combat  Spirituel. 

CHAr.  I.  T.F quoi  confifte  la 
Â-jpcrfdciion  chré- 
tienne ;  que  pour  l'acquérir  il 
faut  combattre,  &  que  pour 
foràr  victorieux  de  ce  cou.  , 
quatre  chofes font  nécefal- 
res.  Pag.  i. 

Chap.  Iî.  De  la  défiance  de 
foi -même  14 

Cnap.  III.  De  la  confiance  ci 
Dieu .  1  o 

Chap.  IV.  Comment  l'on  peut 
jurer  fi  Von  a  véritablement 
de  la  défiance  de  fol- même,  & 
delà  confiance  en  Dieu.     16 

Chap.V.  DeVerreurdcebeaucoup 
de  gens  qui  prennent  lapufil- 
lanlmlté  pour  une  vertu.       29 

Chap.  VI.  De  quelques  autres 
a  vis  trcs-u  tl le  s  pour  a  c  quérir 
la  défiance  de  foi-méme  ,  &  la. 
Ff 


4yS      Table 

confiance  en  Dieu,  30 

Chap.  VII.  Dubonufage  des 
puijfances  ,  &  premièrement 
qu'il  faut  que  V  entendement 
foit  libre  de  l'ignorance  &  de 
la  curiofité,  34 

Chap.  VÏII.  De  ce  qui  peut 
nous  empêcher  de  juger  faine- 
ment  des  chofes  ,  &  de  ce  qui 
peut  nous  aider  à  lesbien  con- 
naître. 57 

Chap.  IX.  D'une  autre   chofe 

nécejfaire    à   V entendement  , 

pour  bien  connoîf-e  ce  qui  eft 

le  plus  utile*  41 

Chap.  X.  De  V exercice  de  lavo- 
lonté ,  &  de  la  fin  où  nous  de- 
vons diriger  tout  esnosacf ions 
intérieures  &  extérieures.  47 

Chap.  XI.  De  quelques  confi- 
dérations  qui  peuvent  porter 
la  volonté  à  ne  vouloir  que  ce 
que  Dieu  veut.  SI 

Chap.  XII.  Qu'il  y  a  dans 
l'hommeplu (leurs  volontés  qui 
fe  font  fans  ce jfe  la  guerre.  60 

Chap.  XIII.  De  quelle  mankre. 


DES  Ch  ap  itres,  ^9 

il  faut  combattra  là  fenfualï-* 
té ,  &  queL  actes  la  volonté 
doit  produire  -pour  acquérir 
les  habitudes  des  vertus.  67 
Chap.  XIV.  De  ce  qu  il  faut 
faire  lorfque  la  volonté fen- 
fibleefl  vaincue  &  hors  d'état 
de  refifter  à  l'appétit  fenfitifi 

78 
Chap.  XV.  De  quelques  autres 
avis  fort   utiles  pour  favoir 
quelle  efi  la  manière  de  bien 
combattre  ,  quels  ennemis  on 
doit  attaquer ,  &   par  quelle 
vertu  on  les  peut  vaincre.    8  $ 
Chap.  XVI.  Que  dés  le  matin 
le  Soldat  Chrétien  doit  fe pré- 
parer au  Combat.  88 
Chap.  XVII.    De  l'ordre  qu'il 
faut  garder  dans  le  combat 
contre  h  s  parlons  &  les  vices. 

94 

Chap.   XVIII.  De  quelle  ma- 

niere  on  doit  réprimer  les  mou- 

vemens  fubtilsdes  paJfions.C)$ 

Chap.  XIX.  De  quelle  forte  il 

faut  combattre  le  vice  de  Vim- 

Fij 


460      Table 

pureté.  iso 

Chap.  XX.  De  la  manière  de 

combattre  le  via  de  la  pare  fie. 

114 

Chap.  XXL  Du  bon  ufage  des 
fens  extérieurs^  &  comment  on 
peut  les  faire  fervir  à  la  con- 
te 1  :  chojesdzvznes* 

Chap.  XXII.  Comment  les  cho- 
fes  fenfibles  nous  aident  àmé- 
dïi  ny/zeres  de  la  Vie 

&  de  la  Pajjïon  de  Notre- 
Seigneur.  131 

Chap.  XXIIL  De  quelques  au- 
tres moyens  de  faire  dans  les 
rencontres  un  bon  ufage  des 
fens  e x re'rieu rs.  156 

Chap.  XXIV.  De  la  manierede 
bien  gouverner  fa  langue.  148 

Chap.  XXV.  Que  lefollat  $e 

u  de 
combattre  &  de  vaincre  fes 
ennemis  ,  doit  éviter  ,  autant 
qu'il  lui  êft  pojjîble ,  ce  qui 
'peut  troubler  la  vaix  de  fin 
cœur.  1 5  ? 


des  Chapitres. 461 

Chap.  XXVI.  Ce  qu'il  faut 
faire  lorfqu'ona  tique 

pluie  dans  le  Combat  Spiri- 
tuel. \6\ 

Chap.  XXVII.  Comment  h 
mon  a  acoui  tenter  & 

de  fiduire  ceux  qui  veulent 
s'adoiiner  à  la  vertu  ,  ou  qui 
font  encore  plongés  dans  le 
vice.  1 6  7 

Chap.  XXVrIII.  Des  arùfices 
qu'emploie  le  démon  pour 
achever  de  perdre  ceux  qu'il  a. 
fait  tomber  dans  le  péché.  168 

Chap.  XXJX.  Des  inventions 
dont  Je  je  t  le  malin  efprit 
pourempécher  l'entière  con 
Jioîi  de  ceux  qui ,  convaincus 
du  mauvais  état  de  leu\ 
cience,  ont  quelque  envie  de  ft 
corriger ,  &  d'où  viens  que 
leurs  bons  dejzrs  f  nt  le  plus 
l'ouï  ent  i  !  171 

p.   XXX.    \  !      'erreur 
quelques-uns  qui  s'imat  inent 
marcher  dans    la  voie  de  lui, 
perfection.  ijf 

F  iij 


4^2      Table 

Chap.  XXXI.  Des  artifices 
dent  Je  fertle  malin  efprïtpour 
nous  faire  quitter  le  chemin 
de  la  vertu.  181 

Chap.  XXXII.  De  la  dernière 
rufe  du  démon  pour  faireque 
les  vertus  mêmes  nous  devien- 
nent des  occajîons  de  péché, 
ioo 

Chap.  XXXIII.  De  quelques 
avis  imp  or  tan  s  pour  ceux  qui 
veulent  mortifier  leurs  paf- 
fîons  ,  &  acquérir  les  vertus 
qui  leur  manquent.  zoj 

Chap.  XXXIV.  Que  les  ver- 
tus ne  s* acquièrent  que  peu  à 
peu  &par  degrés  ,  &  les  unes 
après  les  autres,  nz. 

Chap.  XXXV.  Desmoyensles 
plus  utiles  pour  acquérir  Us 
vertus  ;  &  de  quelle  forte  on 
doit  s'attacher  à  une  vertu 
durant  quelque  tems.         2.15 

Chap.  XXXVI.  Que  V exercice 

de\  la  vertu  demande  une  ap- 

#    plie at ion  continuelle.        2.2.0 

Chap.XXXVII.  Que puif qu'il 


des  Chapitres.  463 

f  faut  continuer  toujours  àpra- 
tiquer  les  vertus  ,  on  ne  doit 
omettre  aucune  occafion  de 
s'y  exercer.  2.2.3 

Ch/ XXXVIII.  Qu'on  doit  fe 
réjouir  de  toutes  les  occajions 
qu'on  a  de  combattre  ,  pour 
acquérir  les  vertus  ,  princi- 
palement de  celles  oà  il  y  a  le 
plus  de  difficulté.  227 

Chap.  XXXIX.  Comment  on, 
peut -y  en  diverfes  occajions  , 
pratiquer  la  même  vertu,   z  5  5 

Chap..  XL.  Du  tems  que  nous 
devons  employer  à  acquérir 
chaque  vertu ,  &  des  marques 
du  progrès  que  nous  y  fai- 
fonS'  136 

Chap.  XLI.  Qu'on  ne  doit  pas 
trop  fouhaiter  d'être  délivré 
des  ajfliclions  qu'on  endure 
patiemment  ,  &  de  qu'elle  for- 
te il  faut  régler fes  dejirs.140 

Chap.  XL II-  Comment  on 
fe  defendredesartifio 
mon  ,    lorfquil  des 

dévotions  (ndifcre  24} 

Ffîv 


4^4      Table 

Chap.  XLIII.  Que  notre  mau^ 
vaife  inclination  ,  jointe  aux 
fuggejlions  du  démon  ,  nous 
porte  à  juger  témérairement 
du  prochain,  de  quelle  manière 
nous  devons  y  réfifler.       249 

Chap.  XLIV.  De    VOraifon. 

25  5 

Chap.  XLV.  Ce  que  ceft  que 
l' Ora  i  hn  mentale .  264 

Chap.  XL  VI.  De  la  Médita- 
tion. 268 

Chap.  XLVU.D'une  autre  fa- 
çon de  prier  par  la  voie  de  la 
Méditation.  xji 

Chap.  XLV III. D'une  manière 
de  prier, fondée  fur  l'intercef- 
(ion  de  la  faillie  V  erge*  172 

Chap.  XLIX.Z^  quelques  con- 
fédérations qui  peuvent  porter 
les    r  se  heurs  à  recourir  avec 
confiance  à  la  fainte Vierge* 
276 

Chap.  L.  D'une  manière  de  mé- 
diter &  de  prier  par  Ventremife 
des  faints  Anges  &  de  tous 
les   Bienheureux*  179 


W>es  Chapitres.  46$ 

ÏChap.  LI.  De  laMèditationdes 
fouffrances  de  Jefus-Chrifl  , 
&  de  divers  Jentimens  affec- 
tueux qu'on  en  peut  tirer.  285 

Chap.  LU.  Des  fruits  que  L'on 
peut  tirer  de  la  Méditation  de 
la  Croix,  &  de  l'imitation  des 
vertus  de  Jefus  foujfrant.K)^ 

Chap.  LUI.  Du  Sacrement  da 
l  Eucharifiie.  304 

Chap.  LI  V.  Comment  il  faut  re- 
cevoir le  Sacrement  de  VEu- 
chariflie.  306 

Chap.  LV.  Quelle  préparation 
il  faut  apporter  pour  commu- 
nier &  pour  s 'exciter  à  V  amour 
de  Dieu.  3 1 3 

Chap.  LVI.  De  la  Communion 
fpirituelle.  32.7 

Chap.  LVII.  Des  actions  de 
grâces  qu'on  doit  rendre  à 
Dieu.  3  \  \ 

Chip.  LVHI.  Del'Oblation 
qu'il  faut  faire  de  foi-meme  à 
Dieu.  333 

Chap.  LIX. De-la  dévotion  fen- 
fible  ,  &  des  peines  de  Vari- 


$66      Table 

dite.  3^| 

Chap.  LX.  De  l'examen  de  €en~ 
fclence.  351 

Chap.  LXI.  Comment  nous  de- 
vonsperfévérer  dansle  Combat 
Spirituel jufqu  à  la  mort.  354 

Chap.  LXII.  Comment  ilfautfe 
préparer  au  Combat  contre  les 
ennemis  qui  nous  attaquent  à 
l'article  de  la  mort.  357 

Chap.  LXIII.  Des quatres for- 
tes de  tentations  qui  arrivent 
au  teins  de  la  mort  ,  &  pre- 
mièrement de  latentation  con- 
tre la  Foi ,  &  de  ta  manière 
d'yiéfifter.  360 

Chap.  LXIV.  De  la  tentation 
du  défefpoir  ,  &  comment  en 
peut  s'en  défendre.  363 

Chap.  LXV.  De  la  tentation 
de  la  vaine  gloire^  366 

Chap.  LXVLDe  diverfes  illu- 
Jzons  du  démon  qui  arrivent 
à  l'article  de  la  mort,        }6y 

© 


es  Chapitres.  467 

—— — — —— — —t  m  **m  .ni  r»w» 

TABLE  DES  CHAPITRES 

De  la  paix  de  l'Ame,  &  du 
bonheurd'un  cœur  qui  meure 
à  lui-même ,  pour  vivre  à 
Dieu. 

GHAP.  I.  J~^\E  quelle  nature 
JLJr  eft  le  cœur  hu- 
main >  &  de  la  manière  de  le 
gouverner.  370 

Chap.  II.  Du  foin  que  l'Ame 
doit  avoir  de  s'acquérir  une 
parfaite  tranquillité.         373 

Chap.  III.  Que  cette  demeure 
pacifique  doit  s'édifier  peu  à 
peu.  376 

Chap.  IV.  Que  pour  parvenir  à 
cette  Paix  ,  VAme  doit  fe  dé- 
fendre de  toute  confolation. 
578 

Ch.  V.  Que  Vame  doit  fe  tenir 
feule  &  détachée  ,  afin  que 
Dieu  fajfe  en  elle  tout  foit 
bon  plaifir,  38a 

Chap.  VI.  Qu'il  faut  ufer  de 
prudence  en  V amour  du  pr 0- 


■  .-  ■ 


468      Table 

chaïn  ,  pour  ne  point  trouIJÊ^ 
la  paix  de  l'Ame. 

Chap.    V II.    Que    V Ame  doi 
être  dépouillée  de  toute  propre 
volonté  pour  fe  pré/enter  de- 
vant Dieu.  389 

Chap.VIIL.Dg  lafoiqu'on  doit* 
avoir  au  faint  Sacrement  de 
V  Autel,  6'  comment  nousnous 
devons  offri r  à  Dieu .         yjO 

Chap.  IX.  Que  l'Ame  ne  doit 
chercher  de  repos  ni  deplaifir 
qu'en  Dieu.  398 

Chap.X  Que  les  ohjîacles  &les 
répugnances  que  nous  trou- 
verons* à  cette  paix  intérieure, 
ne  nous  doivent  point  contrif- 
ter.  .        40  i 

Ch.  Xl.Dés  artificesdont  le  dé- 
mon fe  fcrt  pour  troubler  ici 
paix  de  notre  ame  ,  &  et  - 
ment  nous  nous  en  pouvons 
garantir.  46 

Chap.  XI ï.  Qui  l'Ame  nt 
point  s'attrijlerà  caufedefes 
tentations  ultérieures.       411 

Chap.  XIII,  Que  Dieu  nousen- 


1 


"Êdes  Chapitres.  469 

^f  oie  ces  tentations  pour  notre 

bien.  414 

Chap.  XIV.  Ce  qu'il  faut  faire 

pour  m  point  s'affliger  de  fis 
faut:  .  419 

Chap.  XV.  Que  VAme  doit  fe 
calmer  fans  perdre  de  tems  à 
chaque  inquiétude  quiluiarri- 
ve.  42.2. 

Abrégé  des  principales  vérités 
que  tout  Chrétien  doit  j avoir 
&  croire.  45 1 

Fin  de  la  Table  des  Chapitres. 

A  F  P  ROB  A  T  ION. 

J:  examiné' par  ordre  de  Mon- 
feigneur  le  Chancelier  ,  un  Li- 
vre appelle  Le  Combat  Spi- 
E.ITT7EL,  nouvellement  traduit 
de  V Italien,  par  le  Père  Bri- 
gnon,  de  laCompag.  de  Jésus  ; 
ck  je  fuis  pefuadé  que  cette  nouvel- 
le édition  ne  fera  qu'augmenter  les 
bons  effets  que  ce  pjéut  ouvrage  a 
produit  jufqu'àpréfent  :  A  Paris, ce 
14  Août  1703.  Signé  R  AGU  ET. 


À 


tRlVlLEGE    DV    R  0  jt 

Ï'  OUÏS  PAR  LA  GRACE  DE  DlÉ^| 
_jRci  de  France  te  de  Navarre  i  A 
nos2mésôc  féaux  Conseillers  les  Gens 
tenans  nos  Cours  de  Parlement,  &c. 
Sa:uc.  r:otre  amé  le  .fîeur  Piïrre- 
GilL.-s.  Ll  Mercier  ,  Imprimeur  Li- 
braire ,  ancien  C'cntul ,  ancien  Syndic 
&  Doyen ,  des  Imprimeurs  ,  Nous  a 
fait  expofer  qu'il  deiireroit  imprimer  , 
faire  imprimer  &  donner  au  public  des 
O ivrages  oui  ontpour  litres:  Le  Combat 
Spirituel ,  traduit  de  V Italien  par  Le  R. 
P.  J.  Brigr.on  de  h  Compagnie  de  Jefus, 
Conduite  pour  la  Confejjion  &  la  Com- 
munion ,  ùc  par  S.François  de  Sales,  s  il 
Nous  plailbitlui  accorder  nos  Lettres  de 
Pïiviiege  pour  ce  oéceiTaires.  A  ces  eau- 
fes ,  voulant  favorablement  traixqç l'Ex- 
po fant ,  Nous  lui  avons  permis  &  per- 
mettons par  ces  Prélentes ,  d  imprimer  , 
faire  imprimer  lefdits Ouvrages  autant  de 
fois  que  bon  Jui  femblcra  ,de  l'es  vendre , 
faire  vendre  &  débiter  par-  tout  notre 
Royaume,  pendant  le  tems  de  neuf  an- 
nées con-f  eu  rives  ,  à  compter  du  jour  de 
la  date  des  Préfer.r?s  :  Faifons  dèlenfes  à 
tous  Imprimeurs,  Libraires  Se  autres  per- 
fonnes ,  de  quelque  qualité  &  condition 
qu'elles  foient,  d'en  introduire  d'im. 
pre/fion  étrangère  dans  aucun  lieu  de  no- 
tre obéiffance.  Comme,aufii  d'imprimer 
(aire  imprimer,  vendre,  faire  vendre  & 


^ue 


iter  nî  contrefaire  lefdîts  OuvragfJ  , 
d'en  faire  aucuns  extraits  fous  quel- 
que prétexte  que  ce  puiffe  être  ,fans  la 
permiiïîon  exprefTe  &  par  écrit  dudic 
Expofant  ou  de  ceux  qui  auront  droit 
de  lui ,  à  peine  de  con£icatîon  des  Exem- 
plaires contrefaits ,  de  crois  mille  lîv. 
d'amende  contre  chacun  des  contreve- 
naas  :  dont  un  tiers  à  Nous ,  un  tiers  a 
l'Hôtel  Dieu  de  Patis  &  l'autre  tiers 
audit  Expofantou  à  celui  qui  aura  droit 
de  lui ,  &  de  tous  dépens ,  dommages  Se" 
intérêts,  A  la  charge  que  ces  Prétentes 
feront  enrégiftrées  tout  au  long  fur  le 
Regiitre  de  la  (Communautés  des  Impri  ! 
meurs  Je  libraires  de  Paris ,  dans  trois 
mois  de  la  date  d'iceiles  ;  que  l'impref- 
fion  defdits  ouvrages  fera  faite  dans 
notre  Royaume,  &  non  ailleurs  ,  en 
bon  papierôc  beaux  cararacteres,  confor- 
mément à  la  feuille  imprimée  ,  attachée 
pour  modèle  fous  le  contre-feel  des  Pré- 
fentes ,  que  l'Impétrant  fe  conformera 
en  tout  aux  Réglemens  d*  la  Librairie  , 
Se  notamment  à  celui  du  10  Avril  1725» 
Qu'avanr  de  les  expofer  en  vente ,  les 
manuferhs  qui  auront  fervi  de  Copie  à 
l'impreiïîon  defdits  ouvrages*  feront  re- 
mis dans  le  même  état  où  l'approbation 
y  aura  été  donnée  ,  es  mains  de  notre 
jrrès  cher  &:  féal  Chevalier  ,  Chancheliec 
de  France  le  Sr  de  LAM01GNON.&  qu'il 
en  feraenfuite  remis  deux  Exemplaires 
dans  notre  Bibliothèque  publique  ,  ua 


À 


L 


dans  celle  de  notre  Château  du  Lou^ 
un  dans  celle  dudit  Sieur  de  Lai* 
Gnon  ,  &  un  dans  celle  de  notre  ctèl 
cher  &  féal  Chevalier  ,  Vice-Chancelier 
Garderies  Sceaux  de  France  ,  le  Sieur 
«kMAÛPEoU  -,1e  tenu  à  peine  de  nullité 
des  Éréieotes.  Du  contenu  dcfquellea 
vous  mandons  &  enjo  gnons  de  faire 
jouir  ledit  Expofant  &  fes  ayans  caufés  , 
&c>  Car  te!  c H;  notre  plaifir.  Donné  à 
Paris  le  vingt-neuvième  jour  du  mois  de 
Janvier  l'an  de  grâce  mil  fept  cent  foi* 
xante-ilx  ,  &  de  notre  Règne  le  cin- 
quantième. Par  ie  Roi  en  fon  Confeil. 

Signé  LE  BEGUF. 

Regifié  furie  Keg.XVL  de  liCham- 
Ire  Royale  :  ies  Liliaires  Ct 

Imprimeurs. et  Pari*-  N0.jî%.fol.4$°* 
Conformément  au  Rijçleth'ht  de  1723» 
A  Paris  ce    'O  Février  1755. 

Signé  LE  BRETON  ,    Svndic. 

Sefbufpgnét  cède  ù  1   à  M. 

DiSfiLLY  :%g  ftifent  Privïléçe  en  en- 
tier j  luiap" 
p.'tr;cn  ,-  e  A  Pari;  le?  Septembre  1770. 
Signé  Le  Mercier. 

Ec  le  Ji?ur  Des  fil  ly  a  cédé  le  pré* 
fent  Privilège  aux  Jîews  Erocas  , 
Durah d  neveu  »  Valzeyle  jeune  » 
&  Dukand  SWGE&ëS,  par  acte  du 
*%  Septembre  1774. 


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