lé co: it
S P I R I TC
'Dans lequel en trouve 1:
plus lùrs pour va'
Se triompher du Vice; augmenté de
la Paix de L'Ame , du Bo*Ju
. d'un Coeur qui meurt à lu
pour vivre à Dieu j & de Pc;:-
lort.
ofd en Italien -par le R. *P \ ^
D.Laurhjt Se rJ poli, Cl
■ Régulier Théatin, & traduit
Françoi* par leP l- Brig n o n,
de la Compagnie de JESUS.
Du Fonds de M- L^iaRcrEBU
A P A RI
Chez DURAND , L'brair: , rue .
M. DCC. LXXI V.
Avec Approbation & Privilè
X
s * A
AVERTISSEMENT
BU LIBRAIRE.
JL our connoître l'excellen-
ce du Livre iutitulé le Combat
Spiritudyïï fuffit de ïireîesLet-
tresdeS. François de Sales: on
voit dans plufieursde fes Epî-
tres * l'eftime que le Saint fai-
foit de cet ouvrage , qu'il ap-
pelîoit même » foncherLivre,
i) fon Livre favori » : ce font
les exprefïîons rapportées par
M. du Bellay , dans l'efprit de
S. François de Sa'es, ( Edition
en fix Volumes.) M. leCamus,
Evéque du Bellay, ajoute.- »Je
»> demandois un jour au bfen-
3> heureux Evêque de Genève,
33 qui étoit fon Directeur ? il
* Liv. i , Ep. 16 , ; ç ^ 9 , 4, 8 , l. } %
ZJh %o , l, 5 , Ep. 70 , Edit. de \6*%
aij
ïv > Averti ornent
:» tira de fa poche le Livre du
:» Combat Spirituel, &hie dit*
D) Voilà celui oui avec Dieu
3> m'enfeigna dès ma jeunefTe;
5> c'eft mon maître aux exerci-
j> ces de la vie intérieure ; de-
» puis que j'étois Ecolier à Pa-
» doue , un Théatin me l'en-
3> feigna , & me le confeilla ,
dî j'ai fuivi fon avis , & m'en
3) fui? bien trouvé: il a étécom-
3î pofé par un S. Religieux de
3) cette célenreCongrégation,
33 qui a caché fon nom particu-
33 lier,& qui Ta îaiîTé fe répan-
3î dre fous le nom de fon Infti-
33 tut 33. Te! ePcle témoignage
authentique de S. Françoisde
Sales, que leCombatSpirime!
eft d'un pieux Religieux de la
Congrégation des Théatins.-ce
pieuxReiigieuxeftlePereScu-
poli , mort à Napies en odeur
de fainteté le 28 Novembre
du Libraire. v
1610 , étant âgé de près de
quatre-vingts ans. Il avoit été
reçu par S.André Avellin,Su-
périeur de la Maifon des Théa-
tins deNaples ; il Ht profef-
fion * le 2.6 Janvier rj7i >
étant âgé de près de quarante
ans. Il demeura enfuite dans
les villes de Plaifance , Milan,
Gènes , Venife & Naples : il
vécut toujours dans une gran-
de union avec Dieu , une ri-
goureufe pauvreté, & foutint-
avec une patience héro
une calomnie affreufeque fvif-
cita contre la pureté de fes
mœurs une perfonne du mon-
de , dans un tems où ce di
Prêtre exerçoit avec un g
* Cette notice fur la vie du P. S
m été communiquée par le P. de 7
Tnèatin,* Auteur des Conféreaces
girafes ( à Paris ,+cke% Tiltiard )
Conférence* Ecciéfiaftiques ( à T
2 iij
vj Averti foment
zèle les fondrions de fon m£
niftère ; il étoit même venu à
Gènes dans le deflein de fecou-
rîr lespeftiférés. Ce digne Re-
ligieux adora les décrets de
la Providence qui permettoit
cette calomnie : il vint à Ve-
nife où il vécut dans la retrai-
te ; uni avec Jefus-Chrift hu-
milié & iouffrant , il compofa
le Combat Spirituel. La pre-
mière édition parut à Venife
en 1 589 , & il y en eut près de
cinquante éditions avant la
mort de l'Auteur; la première
édition de 1 ^89, n'eut d'abord
que vingt-quatre Chapitres; ce
Livre fut peu-à-peu augmenté
par l'Auteur , & quoique quel-
ques Traductions Francoifes
n'aient que trente-trois Cha-
pitres , cependant dès 1608 ,
c'eft-à-dire ,deux ans avant la
mort du P. Scupoli , on donna
du Libraire', v}j
à Paris une Traduction en
foixante Chapitres avec ce tu
tre : » Le Combat Spirituel ,
» compofé par les Prêtres Ré-
}> guliers , appelles communé-
» mentThéatins ; & par eux
3> augmentédevingt-feptCha-
5î pitres ». L'Epitre dédicator-
re du Traducteur elt adreffee
à S. François de Sales , qui vi-
voit encore , & qui ne mou-
rutqu'em 6 iz. Alexandre VIK
après avoir béatnié , en 1659,
le faint Evêque de Genève ,
fit dire au Général des Théa-
tins , le P. Bozomo , qu'en
y> béatifiant Saint François de
» Sales ,il avoitbéatifié unen-
» faut de fa Congrégation 1;
puifque le S. Evêque avoitpuir
fé fa piété dans la Doctrine du
Combat Spirituel. Ce fait eft
attefté dans une lettre du P.
Bozomo, datée de Rome lez*,
aiv
iij AvtrtiJTcmcnt
Février ïZ6z , qu'il àcîrefla à
tous les Religieux de la Con-
grégation. Cette lettre a été
confervée par le P. Mezza ,
dans l'édition latine qu'il a
donnée du Combat Spirituel.
Cet ouvrage eft Ci excellent ,
qu'il a été traduit non-feule-
ment en Latin &: en François,
mais en Anglois,en Efpagnoî,
en Allemand, en Portugais,en
Grec , en Arménien , en Fla-
mand : on peut voir la date de
toutes ces différentes éditions
dans une differtation hiftori-
que fur le Combat Spirituel ,
Smpriini in-xz , en Latin , à
Vérone en 1747 , dont le P.
Contini , Théatin de Venife ,
eft Auteur. Entre les Tra
tions latines , il y a celte ciu
P. Meazza, Théatin deMilan,
imprimée à Dunich ; celle du
célèbre Lorichius, ProfeiTeur
du .Libraire^ ix
dans l'uni veïfitTde Fribourg,
Ôc enfuite Chartreux ; celle du
P. Mazotti , Théatin de Vé-
rone, qui étant venu à Paris ,
donna , & une Traduction la-
tine , & une traduction fran-
çoife , dont il y a eu ( pendant
l'efpace de quinze ans , depuis
1658 jùfqu'en 1673 ) cinq é d i-
tions. Le même P. Mazotti
veilla à l'édition Italienne ,
donnée en 1659 à l'Imprime-
rie Royale à Paris, in folio ;
on voit au frontifpice de cette
fuperbe édition le nom & le
portrait du P. Scupoli ; ce
pieuxAuteur ayant encorefait
quelques additions à l'ér
divifée en foixanteChapitres ,
le Combat Spirituel fut diftri-
bué en foixante-fix Chapitres,
Dès Tannée même de la mort
de l'Auteur , c'eft-à-dire , dès
l'an 16 10 , l'édition qu'en
x Avertijfemïnt
donna à Boulogne du Combat
Spirituel , parut avec le nom
du P. Scupoli ; plufieurs édi-
tions précédentes avoient paru
par humilité de l'Auteur, tan-
tôt fous le (impie nom du Ser-
viteur de Dieu , tantôt fous le
nom général des PP. Théatins.
Le P. Scupoli eft encore Au-
teur d'un petit ouvrage inti-
tulé , la Faix de l'Ame ou le
Sentier du Paradis , dont on
donne ici une traduction* Il y
a encore trois opufcules de ce
pieux Auteur, qui ne font pas
traduits en François, i*. La
manière d'aflifter les infirmes ;
20. la manière de réciter le
Rofaire ; 30. une petite addi-
tion au Combat Spirituel , di-
vifée en trente - huit petits
Chapitres , qui eût pu faire
une féconde partie au Combat
Spirituel 7 fi elle eût été per-
du Libraire. xj
fe&ionnée par l'Auteur. Les
Méditations fur la paffiondont
on a même donné en François
une traduction dans quelques
éditions du Combat Spirituel ,
ne font pas , dit le P. Contini,
du P. Scupoli ; mais d'une
perfonne pieufe nommée Ve-
rana. Les penfées fur la mort
& les prières qui font à la fin
de cette traduction , ont été
ajoutées pour l'édification des
fidèles par le Traducteur , &
ne font pas du P. Scupoli, non
plus que les prières pour la
Méfie. L'Epître dédicatoire ,
que le P. Scupoli mit au com-
mencement du Combat Spiri-
tuel , eft une offrande de fon
Ouvrage à Jefus-Chrift : &
cette pieufe Epître fe trouve
à l'édition Italienne du Lou-
vre , in-folio. Le P. du Bue ,
Supérieur desThéatinsde Pa-
xij Aver. du Libraire.
ris , donna en 1696 , une tra-
iâu&ion du Combat Spirituel ;
celle qu'on donne ici eft du P.
Brignon , Jéfuite. Cette tra~
dudicn du P. Brignon a tou-
jours paru depuis 1688 jufqu'à
préfent avec un nouveau lue-.
ces.
S. François de Sales écrit ,
( Epitre 48 , livre 2 , ) qu'il
porta fur lui quinze- ans le
Combat Spirituel , &: qu'il le
îifoit toujours avec un nou-
veau profit : fuivez cet exem-
ple, îifez fou venteet excellent
traité, il eft tout de pratique ,
dife i: le S. EvêquedeGenève.
Le feul premierChapitrefurHt
pour éclairer toutes les âmes
fur les voies de la vraie rvieté
&c de la vraiefainteté;fuivezla
doctrine du Combat Spirituel,
& vous vous élèverez à une
grande perfection.
AVERTISSEMENT
du Traducteur.
7* E Combat Spirituel efi un de ces Ou-
f jvrages , dont Le nom feul fait Vt
IL contint en abrégé tout ce qui regarde La
vie intérieure. C'ejl un précis des grandes
Maximes de L'Evangile > fur-tout de celles
qui vont ci mépris & a l'abnégation de
foi-même. On ne Le peut Lire qu'en n'en
foitédijîè: quiconque faura s'enfervir , de-
viendra bientôt un homme fpiruuel; & ap-
prendra en peu de tems à fe dézae ht
créatures pour s'attacher au Créateur. J'en
pourrois produire affe~ a'L>:empic3 ; mais
je me contente de celui de S. Fran%
Sales j qui , pendant près de vingt ans.,
porta ce petit Livre far foi , & qui , à for-
ce de le lire y parvint à une f:bii:ne per-
fection. Il l'appelloït fon Directeur 3 &
en recommandait fouvent la leclure à.
toutes les perfonnes dont il gouv ernoit la
ence. Ilnel'ejïimoit pas moins que le
livre de l'Imitation dejefus* 'S
■ :mé ne la 'réJ éi er.ee en quelqi
fe , p- v que ces deux Ou
xe but y qui efi de porter les
âmes à un i ut ce
qui n' efi pas Dieu , la manièn
fèrenr.e. L' Imitation de Jefus-C ri, l eft ut
tijfu de plufieurs Sentences qui n'ont pas
x'iv Avertiflemeat
toujours trop de liafon entr' elles ; mais
Le Combat Spirituel j 'des difiours fuivis
& traite à fond les matières. Quoiqu'il
en f oit y il Vavoit Couvent entre les mains.
& en pajfou pas de jour qu'il n'en lût quel-
ques Chapitres ou quelques pages. Auj;i l'on
peut dire qu'il s'eft étudié tant qu'il a vé-
cu y à en prendre l'efprit & qu'il en tiroit
les régies dont il s'eft toujours fervi pour
acquérir cet empire jï abfolu qu'il avoit
fur fes pajjions 3 & fur tous les mouvemens
defon coeur.
Le mérite & la réputation de ce Livre
univerfellement eflimè , excitent encore en-
tre quelques Ordres Religieux quelques
doutes fur jbn véritable Auteur* '. Les RR.
PP. BénédiCtins veulent qui cejoit Don
Jean de Caftanifa 3 Efpagnol ; Les RR.
PP. Théatins prétendent que c'efi Don
Laurent Scupoli ., Italien ** ; le P. Théo-
phile Raimond , célèbre Ecrivain de la
Compagnie, de Jefus , ajjure que c'efi le
P. Achiie Gegliardo , Jefuite > & fameux
Prédicateur en Italie , connu 3 efl'tmé &
chéri particulièrement de S. Charles Bor-
romée. Je ne me harardtrai point à décider
ce différend , quelqu' intérêt que j'y puiffe
avoir ,- car outre que cela demanderont une
trop longue di feu ffi 'on t j'aime mieux laijjer
* In iniieulo librorum Afcericorum ,
pag. 66.
** Erotemate X. de bonis ac malis U-
bris , com. n. pag. 1*7,
du Tradu&eur. 3?r
thacun en pojJef:on de fes droits que de
me faire des ennemis , en me déclarant
ouvertement pour l'un des partis.
Il en fera donc du Combat Spirituel 3
tontine de l'Imitation de Jefus-Chrifi ., on
le lira éternellement t il ftra par-tout de
grands fruits , & on ne faur a jamais cer-
tainement qui l'a compofé.En quelque lan-
gue qu'on Fait écrit 3 il s'en eft bienfait
des Traductions Latines 3 Angloifes , Al-
hmandes , Francoifes j ajfe-ç différentes.
Gomme on a trouvé â redire en ces derniè-
res , /bit pour la fidélité ou pour le jlyie ,
j'ai tâché de corriger les défauts que j'y ai
remarques , & dt rendre le fens de l'Au-
teur j fans m' attacher trop aux mots &
aux phrafes.
L'exemplaire que j'ai choifi pour ma
traduction eft Italien ; fous le nom du K.
P. D. Laurent Scupolï , Théatin , & tra-
duit déjà j mais mot à mot , & un peu trop
fidèlement par le R. P. D. Olympe Ma-
^otti t aiilji Théatin. C'efi apparemment
celui dont parlent les PP. Bénédictins * ,
lorfqu'ils difent que D.Jean de Caftantfa ,
Religieux de leur Ordre , eft le vrai Au-
teur du Combat Spirituel ;mai s que le Père
Laurent Scupoli l'a augmenté de beaucoup.
C'ejî en effet le plus achevé & le plus am-
ple de ceux qui paroiffent puifqu'il con-
tient foixante - fix chapitres ; & que d'au-
tres n'en contiennent que trente-trois. Je
* In indieulo lib. Afcec,
x v] A ver tiïfe m . d uTra d u &e u r .
n'y ai ', finon qu'au lieu que
l'Auteur adrejje toutes fes infruclions à
une perjpane dévote > véritable oujeinte,
qu'il nomw.e fa très-chere Fille en J
Chrifi , Je fais parler en général a tous
ceux qui liront fort livre ; ce qui me fim-
bUplus conforn t a notre manière t & au
génie de notre Lxngue.
PRIERES
PRIERES
PENDANT LA MESSE.
Ail Commencement de la Mejfe,
JC Aites-moi la grâce, ornon Dieu,
d'entrer dans les difpoiîtions où je
dois être pour vous offrir digne-
ment , par les mains du Prêtre , le
Sacrifice redoutable auquel je vais
afîifter: je vous l'offre en m'unif-
fant ai x intentions de Jefus-Chrift
& de ion Eglile : i°. pour rendre
à votre divine Majeflé l'hommage
fouverain qui lui efl dû ; 2.0. pour
vous remercier de tous vos bien-
faits; 3®. pour vous demande* avec
unca ;ndemes
péché;- ; .t° êi ; steoù t, us
les fecoi ;-s qui me font néceflàires
pot,-,- lefalut de me ïame, &
de moncorps. J'eip ?re de vous tou-
tes ces grâces pur les mérites de
Jefu-Chrifl votre Fils , qui veut
b
xvîij Prières
bien être lui-même le Prêtre & la
victime de ce Sacrifice adorable.
Au Confiteor.
_ uoique pour connaître m?s
péchés , ô monDieu , vous n'ayez
pas befoin de ma confefTion,& que
vouslifiez dans mon cœur toutes
mes inquités , je vous les confe(Te
néanmoins à la face du ciel & de
la terre; j'avoue que je vous ai
offenfé par mes Reniées , par mes
paroles & par mes actions. Mespé»
chés font grands , mais vos miféri-
cordes font infinies. Ayez compaf.»
fion de moi , ô mon Dieu. Souve-
nez-vous que je fuis votre enfant ,
l'ouvrage de vos mains, le prix de
votre Sang.
Vierge fainte , Anges du Ciel ,
Saints ck Saintes du Paradis , priez
pour nous ; & pendant que nous
gémiflbns dans cette vallée de mi-
feres & de larmes, demartdezgrace
pour nous , & nous obtenez le par-
don de nos péchés.
pendant la 'Mejfe. xîx
A V Introït.
Eigneur, qui avez infpiré aux
Patriarches & aux Prophètes des
defirs fi ardens de voir defcendre
votre Fils unique fur la terre , don-
nez-moi quelque portion de cette
fainte ardeur, ôc faites que malgré
les embarras de cette vie mortelle,
je reffenteen moi un faint empref-
fement de m'unir avec vous.
Au Kyrie , eleifon.
J e vous demande , 6 mon Dieu ,"
par des gémufemens &. des fou-
pirs réitérés , que vous me fafîïez
miféricorde , & quand je vous di-
rois à tous les momens de ma vie ,
Seigneur , ayc\ pitié le moi , ce
ne feroit pas encore affez poar le
nombre & pour l'énormité de mes
péchéi.
Ail Gloria in exee'Us.
X*a gloire que vous méritez , ô
ni )n Dieu > ne vous peut être di-
gnement rendue que clins h Ciel:
bij
XX Prières
mon cceurfàît néa mioins ce qu/rl
peut fur la terre ai
exil : il vous lo iit>il
vous adore il -. vous
rend graces,& vousreconnoîtpoùf
le Saint des Saints- : feul
îeur fouverain Sz de
là terre , entroi nés, Père,
Fils , 6ê Saint-Efprit.
R,
Aux Oral fans*
AEcevez > Seigneur , les prières
qui vous font adreffées pour
accordez-nous lesgraces &îe»ver-
tus que i'Eglffe votre époufe vous
demande par la bouche du Prêtre
en notre faveur. îleft vrai quenous
ne méritons pas d être exaucés ;
mais ccr.fidérezque nous vous de-
mandons cesgracesparJefus-Chrift
Votre Fils , qui vit & règne avec
vous dans tous les fiécles des
jfiécles.^m<? 7z.
Pendant VE pitre»
I
E regarde cette Epître, ô mon
I>ieu , comme une lettre qui me
pendant la Meffe. xxj
vient du Ciel pour m'apprendre
vos volontés adorables : accordez-
moi, s'il vous plaît , la force dont
j'aibefoin pour accomplir ce que
vous m'ordonnez. C'eft vous, Sei-
gneur, qui avez infpiré aux Pro-
phètes 6k aux Apôtres , les vérités
qu'ils nous ont laiiîées par écrit;
faites -moi part de leurs lumières ,
& allumez en mon cœur ce feu fa*
cré , dont ils ont été embrafés; aria
que comme eux , je vous aime &
je vous ferve fur la terre tous les
jours de ma vie.
A l'Evangile.
E me levé , ô fouverain Législa-
teur , pour vous marquer que je
fuis près de défendre, aux dépens
de tous mes intérêts , & de ma vie
même , les grandes vérités qui font
contenues dans les faint Evangile.
Donnez-moi, Seigneur , autant de
force pour accomplir votre divine
parole, que vous m'infpirez de fer-
me te pour la croire,
b \\)
XX) j Prières
Pendant le Credo.
ui , mon Dieu, je crois tou-
tes les vérités que vous avez révé-
lées à votre fainte Eglife. Il n'y en
a pas une feule pour laquelle je ne
voulufle donner mon fang ; U c'eft
dans cette entière foumiiîion que
m'unifiant intérieurement à lapro-
fefïion de foi que le Prêtre vousfait,
je dis à préfent d'efprit & de cœur,
comme il vous le dit de vive voix,
que je crois fermement er* vous
& à tout ce que rEgliie^croit : je
protefte à la face de vosAutels que
je veux vivre & mourir dans les
fentimens de cette foi pure^Ôcdans
le fein del'EglifeCatholiquej Apof-
tique &. Romaine.
A V Offertoire.
*^ uoique je ne fois qu'une créa-
ture mortelle & péchereiTe,je vous
offre par les mains du Prêt: a., ô
vraiDieu vivant & éternel, ce pain
& ce vin qui doivent être chr.ngés
au Ccrps& au Sangde Jefus-Chrift
pendant la MeJJe. xxiij
votre Fils. Recevez, Seigneur , ce
Sacrifice ineffable en odeur de fua-
vité ; & fouffrez que j'unifie à cette
oblation iainte le Sacrifice que je
vous fais de mon corps , de mon
ame,&de tout ce qui m'appartient.
Changez-moi , 6 mon Dieu , en
une nouvelle créature,commevous
allez changer par votre puiffar.ce
ce pain &. ce vin.
Au Lavabo.
JL<Avez-moi , Seigneur , dans le
fang de l'Agneau qui va vous être
immolé, & purifiez juf'qu'aux moirt-
dres fouiilures de mon ame : atin
qu'en m'approchant de votre iaint
Autel 9 je puiiTe élever vers vous
des mains pures &. innocentes ,
comme vous me l'ordonnez.
Pendant la Secret te.
Llcevez, 6 mon Dieu, le Sa-
cnficequi vous eftofîert por.rl'hon-
neur & la gloire de votre faint
nom, pour notre propre avantage,
& pour celui de votre fainte Egine;
b iy
Xxîv Prières
c'eft pour entrer dans fes inten-
tions que je vous demande toutes
les grâces qu'elle vous demande
maintenant par le miniftèredu Prê-
tre , auquel je m'unis pour les ob-
tenir de votre divine bonté. Par
Jefus-Chriit notre Seigneur.
A la Préface.
Étachez-nous, Seigneur, de
toutes les chofes d'ici-bas , élevez
nos cœurs vers le Ciel , attachez-
les à vous feul , ck ibuffrez qu'en
vous rendant les louanges&lesac-
tions de grâces qui vousfontdues ,
nous unifiions nos foibles voix aux
:rts des Efprits bienheureux,
ÔC que nous dirions dans le lieu de
notre exil, ce qu'ils chantent dans
le féjour de la gloire : Saint ,
Saint , Saint efi le Seigneur , le
Dieu des armées , qu'il foitglo-
? iji é a u plu s haut des Cieu #.
Après le San&us.
A £re éternel , qui êtes le fouve-
rain Pafteur des Pafteurs , conferr
pendant la Meffe. xxv
ve2 &^ gouvernez votre Eglife ,
fan&iflez-la % & répandez-la par
toute la terre; unifiez tous ceuxqui
la composent dans un même efprit
& un même cœur. BénhTez notre
Saint Père le Pape , notre Prélat ,
notre Roi , notre Pafteur , & tous
ceux qui font dans la foi de votre
Eglife.
Au premier Mémento.
E vous iupplie , ô mon Dieu , de
vous fouvenir, de mes parens , de
mes amis , de mes bienfaiteurs fpi-
rituels 6c temporels. Je vous re-
commande aufii de tout mon cœur
les personnes defquellesje pour-
roisavoîrreçuquelquemauvaistrai-
temsnt. Oubliez leur.- péchés & les
miens; donnez-leur part aux méri-
tes de ce divin facririce , & com-
blez-les de vos bénédictions en ce
monde & en l'autre.
AU élévation de LifainteHoflie.
Jefus mon Sauveur , vraiDieu
rai Horrime,jecrois fermement
xxvj Prières
que vous êtes réellement préfent
dans la fainte Koftie. Je vous y
adore de tout mon cœur , comme
mon Seigneur 6c mon Dieu. Don-
nez-moi., & à tous ceux qui font ici
préfens , la foi , la religion & l'a-
mour que nous devons avoir pour
vous dans ce myftère adorable»
A V élévation du Calice.
3 'Adore en ce Calice , ô mon di-
vin Jefus j le prix de ma rédemp-
tion , & celle de tous les hom-
mes. Laiflez couler , Seigneur ,
une goutte ce ce fang adorable fur
mon ame,ann de la purifier de tous
fes péchés , & de l'embraier du feu
facié de votre amour.
Après V élévation*
E n'eft plus du pain ck du vin ;
c'eft le corpsadorable&le précieux
fang de Jëfus-Chriir. votre Fils ,
que nous vous offrons, ô mon Dieu
en mémoire de fa Paffion , de fa
Réfurreclion & de fon Afcenfion,
pendant la Mejfe. xxvij
recevez-les , Seigneur,denosmains,
& remplifïez-nous de vos grâces.
Au fécond Mémento,
5 ouvenez-vous aufîi , Seigneur,
des âmes qui ibnt dans le purga-
toire ; elles ont l'honneur de vous
appartenir &d'être vosépoufes. Je
vousrecommandeparticuîièrement
celles de mesparens , de mes amis
6 de mes bienfaiteurs fpirituels 6c
temporels, & celles qui ont le plus
befoin de prières.
Au Pater.
H^/ucique je ne fois qu'une mi-
férable créature , cependant grand
Dieu , je prends la liberté de vous
appeller mon Père , puifque vous
le voulez. Faites -moi la grâce , ô
mon Dieu , de ne point dégénérer
de la qualité de votre enfant, &r.e
permettez pas que je ùiïe jamais
rien qui en foit indigne. Que votre
faint Nom foit fanctirié par tout
Funivers:régnezdès-à-préfentdans
mon cœur par votre grace,afinque
xxviij Prières
je puifïe régner éternellement avec
vous dans la gloire , & faire votre
volonté fur la terre , comme les
Saints la font dans le Ciel. Vous
êtes mon Père , dounez-moi donc,
s'il vous plaît, ce pain célefte dont
vous nourrifTez vos enfans ; par-
donnez-moi, comme je pardonne
de bon cœur pour l'amour de vous
a tous ceux qui m'auroient offenfé;
&: ne permettez pas que fuccombe
jamais à aucune tentation ; mais
faites que par le fecours de votre
grâce je triomphe de tous les enne-
mis de monfalut.
A fAgnus Dei.
jTÎsLGneau de Dien , qui avezbien
voulu vous charger des péchés du
monde . ay:-z pitié de nous :*mais
vos miféricordes font infinies: effa-
cez donc nos péchés , & donnez-
nous la paix avec nous-mêmes &
avec notre prochain , en nous ins-
pirant une profonde humilité , &
en étouffant en nous tout defir de
vengeance.
ptnâant la Me/Je. xxbc
Au Domine , n on ïum dignus.
XXÉlas ! Seigneur , il n'eiT que
trop vrai que je ne mérite pas de
vous recevoir ; je m'en fuis rendu
tout- à-fait indigne par mes péchés,
je lesdétefte de tout mon cœur ,
parcenu'iîs vous déplaifent & qu'ils
m'éloignentde vous. Une feule de
vos paroles peut guérir mon ame ?
ne l'abandonnez pas , ô mon Dieu,
& ne permettez pas qu'elle ibit ja-
mais ieparée de vous.
A la Communion du Prêtre,
2>i je n'ai pas aujourd'hui le bon-
heur d'être nourri de votre chair
adorable , ô mon aimable Jefus ,
iciifTrez au moins que je vous re-
çoive d'efprit& de cœur, & que je
m'unifie à vous par la Foi, parl'Ef-
pérance , & par la Charité. Je crois
en vous , ô mon Dieu , j'efpere en
vous , &. vous aime de tout mon
cçeur.
xxx Prières
Quand le Prêtre ramajfe les
canicules de VHoJlie.
JLdA moindre partie de vosgraces
eft infiniment précieufe, ô mon
Dieu. Je l'ai dit, je ne mérite pas
d'être aiîis à votre table comme
votre enfant, mais permettez-moi,
au moins , de rarnafter les miettes
qui en tombent, comme laCana-
néele defiroit;faites que jenenégli-
ge aucune devos infpirations ._pui-
que cette négligence pourroitvous
obliger à m'en priver entièrement.
Pendant les dernières Oraifons.
Y ous voulez, Seigneur , que
nous vous adreffions ians celle nos
prières , parce quenousavons toa-
jours beloin devos grâces ; répan-
dez-les fur nous , & donnez-nous
cet eiprit de prières , qui eft un
efprit d'humilité , de confiance 6c
d'amour , nous vous en fupplions
par Jeius-Chrift votre Fils , qui
règne avec vous dans la gloire.
pendant la Mejfe. xxxj
Avant la Bénédiction ,
TP
jl Rès - fainte & très - adorable
Trinité , Père ; Fils & Saint-Ef-
prit , qui êtes un feul & vrai Dieu ,
en trois perfonnes ; c'eft par vous
que nous avons commencé ce fa- .
crihce , c'efl par vous que nous le
finiflbns ;ayez-le pour agréable, ÔC
ne nous renvoyez pas fans nous
avoir donné votre fainte bénédic-
tion.
Pendant le dernier Evangile,
V Erbe éternel par qui toutes
chofes ont été faites , & qui vous
étant fait homme pour l'amour de
nous , avez inftitué cet auguile fa-
crifice , nous vous remercionstrès
humblement de nous avoir fait la
grâce d'y affifter aujourd'hui. Que
tous lesAnges & touslesSaints vous
en louent à jamais dans leCiel. Par-
donnez-moi., ômon Dieu, la dilïî-
pation où j'ai laifle aller mon efpric,
& la froideur que j*ai fentie enmon
cœur dans un tems où ildevoit être
Xxxij Prières durant laMcJfe.
tout occupédevous ÔCtout embraie
d'amour pour vous. Oubliez, Sei-
gneur , mes péchés , pour lefquéls
■Jefus-Chrift votre Fils vient d'être
immolé iur cet autel ; ne permet-
tez pas que je fois affez malheu-
reux peur vousoffenfer davantage;
mais faites que marchant dans les
voies de la juftice5je vous regarde
fans celle comme la règle & la fin
de toutes mes penfées,mes paroles
& mes action:,. Ainu foit-il.
LE
LE COMBAT
SPIRITUEL.
Pc: fonnc ne fera couronné , s'il n'a biea
combattu. IL. Tint. 5.
Chapitre premier.
En quoi conjifie la perfection
chrétienne ; que pour l'acqué-
rir il faut combattre , & que
pour fortir victorieux de ce
combat quatre chofes font
nécejfaïres.
pi vous defireT: , ô Amé
jhrétienne. parvenir u
>mble de la perfeftio»
évângél jue , 6c vous unir el*
lement à Dieu , que vous deve-
niez un même elprit avec lui-
A
a Le- Combat Spirituel,
il faut que pour réuflir dans un
deiTein qui eit le plus grand &c
le plus noble qu'on puifle dire
ou imaginer , vous fâchiez d'a^
bord ce que c'eft que la vérita?>
ble & la paifaite fpiritualité.
Quelques-uns ne regardent
la vie fpirituelle que par le de-
hors ; la font coniïftçr dans les
pénitences extérieures r dans
les haires , îes difciplines , les
jeûnes , les veilles , & dans
d'autres fembJahvîes mortirka-
tions de la chair.
P lutteurs, 6c fur-tout îes fera-
us es y s'imaginent être confom-
méesen vertu , lorsqu'elles ie
font fait une habitude de réci-
ter de longues prières vocales ;
d'entendre beaucoup de Méf-
ies i d'amiter à tout l'Office
Divin , de demeurer.long-tems
dans i'Eglife7&; de communier
fouvent.
Quelques-uns, même parmi
ceux qui fervent Dieu dans la
Chapitre I. j
religion, croient que pour être
parrak , il fuffit d'être aflfidu au
chœur , d'aimer la retraite &
le filence , de bien obferver îa
difcipline religieufe ; &: ainfi
les uns mettent îa perfection
dans l'un de ces exercices , les
autres dans l'autre ; mais il eft
certainqu'ils fe trompent tous :
car , comme les œuvres exté-
rieures ne font, ou que d^s dif-
pofitions pour devenir parfai-
tement fairit,ou des fruits de la
parfaite fainteté , l'on ne peut
dire que ce foit en ces fortes
d'œuvres que confifte la per-
fection chrétienne ck la vérita-
ble fpirituaîité.
Ce font de puiffans moyens
pour devenir vraiment fpiri-
tuel & vraiment parfait; & ,■
quand on en ufe avec diferé-
tion , ils fervent merveilleufe-
ment à fortiSer îa nature , tou-
jours lâche pour le bien &. tou-
jours ardente pour le mal ^ à
A ij
4 Le Combat Spirituel ,
pouffer les attaques , à évitef
les pièges de notre ennemi
commun , & à obtenir enfin du
Père des miféricordes les re-
cours qui font néceflaires à tous
les Juftes , principalement à
ceux qui commencent.
Ce font aufiî des fruits excel-
lens d'une vertu confommée
dans les perfonnes tout-à-fait
faintes & fpirituelles ; car elles
maîtraitentaleur corps , or pour
le punir de fes révoltes paflees,
ou pour l'humilier &: l'a^ujet-
tir à fon Créateur. Elles fe tien-
nent dans la folitude & dans le
ilïence y loin du commerce d-a
monde , afin de fe garantir àet
moindres fautes , 8c de n'avoir
plus de ccmverfation que dans
le Ciel avec les Anges. Elles
s'occupent aux bonnes œuvres
& au fervice divin: elles va-
quent à la prière ; elles médi-
tent fur la Vie & fur la PafTion
du Sauveur, nonparun efprit
Chapitre I. $
ifle curiofité, ni parce qu'elles y
trou ventqueîque goût fen Cible;
mais par le deiir de mieux eon-
noître d'un côté les miféricor-
des divines, 6c de l'autre leurs
ingratitudes, de s'exciter de
plus en plus à aimer Dieu & à
fe haïr elles-mêmes, à iuivre
• Notre-Seigneur en portant fa
croix, en renonçant à leur pro-
pre volonté, en fréquentant les
Sacremens, fans autre vue que
d'honorer Dieu , de s'unir plus
étroitement à lui, de fe forti-
fier davantage contre les puïf-
fances de l'enfer.
Il arrive tout le contraire à
des gens grofilers & imparfaits
qui mettent leur dévotion dans
Jes œuvres extérieures j car
fou vent elles font caufe de leur
perte, Se leur nuifent beau-
coup plus que des péchés ma-
il ifeftes ; non que de foi elles
ne foient bonnes, mais parce
■qu'ils, en font un mauvais ufa,-
A iij
6 Le Combat Spirituel,
ge : ils s'y attachent de telle
forte , que négligeant de veil-
ler fur les mouvemtns de leur
cœur, ils lui donnent toute li-
berté , ils le laiffent fuivre fon
penchant , Se l'expofent aux
tromperies du démon ; & alors
cet efprit trompeur voyant
qu'ils s'écartent du droit che-
min , non-feulement les invite
à continuer avec plaifir leurs
exercices accoutumés , mais
leur remplit l'imagination des
vaines idées des délices du pa-
radis , où ils croient être déjà
parmi les Awges , & jouir de la
vue de Dieu; il a même la
maiiee de leur fuggérer dans
l'oraifon des penfées fublimes ,
curieufes , agréables ; afin
qu'ayant , en quelque manière,
oublié le monde & les chofes
d'ici-bas , ils s'imaginent être
élevés au troifième ciel.
Mais , pour peu de réflexiort
que l'on faife fur leur conduïà
Chapiths L 7
te , on voit leur égarement ,
&: combien ils font éloignés
-de cette haute perfe&ion que
nous recherchons ; car en tou-
tes choies, grandes ou petites,
ils fouhaitent d'être préférés
aux autres; ils ne fuivent que
leur propre jugement , ils ne
font que leur propre volonté ;
& , aveugle en tout ce qui les
regarde , ils ont toujours les
yeux ouverts pour obferver Se
pour cenfureries actions d'au-
trui:que fi on donne la moindre
atteinte à cette vaine réputa-
tion où iîs croient être dans le
monde, & dont ils font très-
jaloux ; ii on leur commande
dé quitter certaines pratique*
de dévotion , à quoi ils font
habitués , ils le troubîenc &:
s inquiètent étrangement. Si
Dieu même , voulant leur ap-
prendre à fe connoitre , & leur
montrer le vrai chemin de la
perfection , leur envoie des
A iy
S Le Combat Spirituel ,
sdverfités, des maladies ,* deg
perfécutions cruelles, qui font
les épreuves les plus certaines
de la fidélité' de fes ferviteurs,
&: qui n'arrivent jamais fans
fon ordre ou fans fa permif-
iion j on voit alors leur inté-
rieur gâté jufques dans le
fond , par l'orgueil dont il cff
rempli.
En tous les événemens, foit
heureux 3 foit malheureux , de
cette vie , ils ne favent ce
que c'eft de conformer leur
volonté à celle de Dieu , de
s'humilier fous fa main toute-
puiflante ; de fe fou mettre à
les jugemens , non-moins juf-
tes que fecrets & impénétra-
bles , de s'abaifTer au-deflbus
de toutes les créatures, à l'imi-
tation de Jésus fouffrant &
humilié ; d'aimer leurs perfé-
cuteurs, comme ceux dont la
divine bonté fe fert pour les
former à la mortification , &
Chapitre!. $
pour coopérer avec eile , non-
feulement à leur.falut, mais
encore à leur perfection. De-
là vient qu'ils font toujours en
un danger évident de périr :
car , regardant avec des yeux
obfcurcis par l'amour- propre-,
& eux- mêmes, & leurs actions
extérieures, qui de foi font
bonnes ; ils viennent à s'en
orgueiliir , à fe croire fort
avancés dass la voie de Dieu,
à condamner le prochain ; Se
fonvent l'orgueil les aveugle
jufqu'à un tel point, qu'il faut
une grâce toute extraordinaire
du Ciel pour les convertir*
Auffi l'expérience nous fait-
elle voir qu'il y a beaucoup
moins de peine à ramener un
pécheur déclaré , qu'un pé-
cheur qui fe déguife & fe ca-
che volontairement à lui-mê-
me fous le voile de la vertu.
Vous comprenez bien mainte-
nant que la vie fpirituelie ne
ÎO Le Combat Spirituel,
confifte pas en toutes cescho-
fes dont nous venons de parler,
fi Ton ne les coniidere que par
le dehors ; elle confifte propre-
ment à connoitre la bonté &
la grandeur infinie de Dieu ,
à fentir en même-tems notre
baffefle &: notre penchant au
mal ; à aimer Dieu , &: à nous
haïr nous-mêmes ; à nous fou-
mettre,non feulement à lui,
mais à toute créature pour l'a-
mour de lui ; à renoncer entiè-
rement à notre propre volonté,
afin de fuivre la Tienne ; &: fur-
tout à faire ces chofespourla
feule gloire de Ion nom, fans
autre defiem que de lui plaire,
par la raifon feule qu'il veut,
& qu'il mérite que fes créatu-
res l'aiment &; le fervent.
C'eft ce que porte la Loi de
l'amour que l'Efprit-Saint a
gravé dans'Ie cœur desJuftes,
c'eft par-là que l'on pratique
cette abnégation de foi-même
Chapitbe I, ir
fi recommandée par le Sau-
veur dans l'Evangile : c'eit ce
qui rend fon joug fi doux ,
& fon fardeau fi léger : c'eft en
cela que confifte la parfaite
obéiflance que ce divin Maître
nous a toujours enfeignée , &
par fes paroles,& par l'es exem-
ples. Puis donc que vousafpi-
rez au plus haut degré de la
perfection , vous devez vous
faire une continuelle guerre ,
6c employer toutes vos forces
pour détruire ce qu'il y a en
vous d'affections vicieufes ,
quelque légères qu'ellesfoient:
ainfi il faut néceflairement vous
préparer au combat ,avec tou-
te la réfoîution & toute l'ar-
deur porTibîcs; parce que nul ne
remportera la couronne qu'a-
près avoir généreufement com-
battu.
Mais fondez que comme il
n'eft point de plus rude guerre
que celle-ci , puifqu'en corn-
12 Le Combat Spirituel \
battant contre loi-même , on
eft combattu par foi-même ; il
c'eft point ainTi de victoire, ni
plus agréable à Dieu , ni plus
glorieufe au vainqueur : car
quiconque a le courage de
mortifier fes pallions, de domp-
ter fes appétits, de réprimer
jufqu'aux moindres mouve-
mens de fa propre volonté , il
fait une œuvre d'un plus grand
mérite devant Dieu, que fi,
fans cela , il fe déchiroit le'
corps par des difciplines fan-
glantes , ou qu'il jeûnât plus
auftèrement que les anciens
Solitaires , ou que même il
convertit plufieurs milliers de
pécheurs.
Et en effet , quoiqu'à pren-
dre les chofes en elles-mê-
mes , Dieu faiTe beaucoup plus
d'état de la converfion d'une
arne, que de la mortification
de quelque defir déréglé , cha-
cun néanmoins doit mettre fon>
Chapitre I. ij
principal foin à faire ce que
Dieu demande particulière-
ment de lui. Or , ce que Dieu
demande avant toutes chofes ,
eil qu'on travaille tout de boa
à mortifier fes partions ; & cela
lui pîait davantage, que fi, avec
un cœur immortifié, on lui ren-
doit quelque fervice plus con-
iidérable.
Maintenant donc que vous
favez ce que c'eft que la per-
fection chrétienne , & qu'afin
d'y parvenir , il faut fe ré fou-
dre à une guerre continuelle
contre vous-mêmes ; commen-
cez par vous munir de quatre
chofes , comme d'armes , fans
lefquelîes il eft impoflîbie que
vous fortiez victorieux de ce
combat fpirituel. Ces quatre
chofes font la défiance de vous-
même, la confiance en Dieu,
le bonufage des puiflances de
votre corps &: de votre arae ,
& l'exercice 4e laprière. Nous
1\ Le Combat Spirituel,
en parlerons , avec la grâce de
Dieu , d'une manière claire &c
fuccinte dans les chapitres fui-
vans.
» ■ ■. .. .!...>■ i-i. ... n . *
Chapitre îL
De la Défiance de foi-méme.
jL/A défiance de foi-mèmeeffc
fi nécefiaire dans le Combat
Spirituel , qu'on ne peut , {'ans
cette vertu » non - feulement
vaincre tous les ennemis , mais
fur montée- les moindres paf-
fions. Cette vérité doit être
gravée profondément dans no-
tre efprit -.parce qu'encore que
nous ne foyons qu'un pur néant,
nous ne biffons pas de conce-
voir de i'eftime pour nous-mê-
mes , & de croire , fans nul
fondement, que nous fommes
quelque chofe. Ce vice eft l'ef-
fet de la corruption de notre
natme ; mais plus il efl nature1,
plus on a de peine à le recon-
Chapitre II. i ?
Boitie. Dieu qui voit tout , le
regarde avec horreur , parce
qu'il veut que nous foyonstrès-
penuadés qu'il n'y a dans nous,
ni vertu nigraçe qui ne vienne
de lui feul , comme de la four-
ce de toat bien , Se qae nous-
lommes incapables de former
fans lui une penfée qui puiile
lui plaire.
Mais quoique la déHance de
foi-même foit un don du Ciel,
que Dieu communique à fes
amis , tantôt par fes faintes ins-
pirations, tantôt par des peines
très- fâche u fes > tantôt par des
tentations prefqu'infurmonta-
blés , & par d'autres voies qui
nous font cachées \ il de (ire
néanmoins que nous fa filons de
notre côté toutes chofes pof-
fibles pour l'acquérir. Noua
l'obtiendrons infailliblement ,
î\ j avec le fecours de la grâce ,
nous employons bien les qua-
tre moyens dont je vais parler»
• 6 Le Combat Spirituel,
Le premier , efr de nous re-
mettre devant les yeux notre
baflefle & notre néant , & de
reconnoître que par nos forces
naturelles nous ne pouvons
rien faire de bien , ni qui foit
d'aucun mérite pour le ciel.
Le fécond, eft de demander
à Dieu avec beaucoup d'humi-
lité & de ferveur cette impor-
tante vertu , qui ne peu" venir
que de lui. Nous confeflerôtis
d'abord que non - feulement
nous ne l'avons pas, mais que
de nous-mêmes nous fomtnës
dans une entière impuiffince
de l'acquérir. Nous nous iete-
roas enfuite aux pieds du Sei-
gneur , & nous la lui deman-
derons pîuueurs fois , avec une
ferme efpérance d'être exau*
ces , pourvu que nous atten-
dions patiemment l'effet de no-
tre prière , & que nous conti-
nuions à prier au (fi long-tems
qu'il plaira à fa Providence.
Le
Chapitre IL 17
Le troiiieme , eft de nous ac-
coutumer peu à peu à nous dé-
tier de nous-mêmes , à craindre
Jes iilulions de notre propre
jugement , la violente inclina-
tion de notre nature au péché,
Teftroyable multitude des en-
nemis qui nous attaquent de
toute part , qui font, fans corn-
paraifon J plus rufés , aguerris
& plus forts que nous , qui
favent fe transformer en An-
ges de lumière , & qui nous
tendent par -tout des pièges
dans la voie du ciel.
Le quatrième , eft qurà cha-
que fois que nous commettons
quelque faute, nous rentrions
en nous-mêmes, pour confidé-
rer attentivement jufqu'ou va
notre foiblefle ; parce que
Dieu ne permet nos chutes,
qu'afin qu'éclairés d'une nou-
yelle lumière , nous nous con-
noiflions mieux que jamais ,
que bous apprenions à ,nous
B
' 1 8 Le Combat Spirituel,
méprifer comme de viles créa-
tures , & que nous concevions
un defir fincêre d'être méprifés
des autres; (ans cela nous ne
devons pas efpérer d'avoir ja-
mais la détiance de nous mê-
mes, qui eft fondée fur l'hu-
milité & fur une connoifîance
expérimentale de notre misère.
En efFet,quiconque veut s'ap-
procher de la vérité incréée ,
&: de la fource des lumières,
doit nécessairement feconnoî-
tre à fond , & n'être pas , com.
me les fuperbes , qui s'inftrui-
fent parleurs propres chutes,
qui commencent à ouvrir les
yeux , lorfqu'ils font tombés
dans queiquedéfordre honteux
& imprévu ; Dieu le permet-
tant ainfi , afin qu'ils fentenfc
leur foiblefTe , &: que par cette
funefre expérience ils viennent
à fe défier de leurs forces ; mais
Dieu ne fe fert ordinairement
d'un remède fi fâcheux pouu
Chapitre Tf. 19
guérir leur préfomption , que
quand les autres plus faciles &
plus doux n'ont pas eu l'effet
qu'il prétend.
Il permet au reile que l'hom-
me tombe plus ou moin? fou-
vent , félon qu'il a plus ou
moins d'orgueil , &s'il fe trou-
voit quelqu'un auflï exempt de
ce vice , que fut la fainte Vier-
ge , j'ofe dire qu'il ne tombe-
rait point du tout. Lors donc
qu'il vous arrive quelque chu-
te , recourez incontinent à la
connohTance de vous-même,
priez inftammentN. S. de vous
donner fes vraies lumières, aria
que vous vous cormoifTiez tel
que vous êtes à fes yeux , &
que vous cefllez depre'fumer de
votre vertu. Autrement vous
Retomberez dans les mêmes
.fautes, peut-être en corn-
raettrez-vous de plus grandes,
qui feront caufe de la perte en-
tière de votre ame.
20 Lt Combat Spirituel ,
Chapitre III.
De la confiance en Dieu,
\)\Jou
ique la défiance de foi-
même foit très-néceffaire dans
Je Combat Spirituel , comme
nous venons de le montrer ;
cependant û elle eft feule , &
qu'on n'ait point d'autre fe~
cours , on prendra bientôt la
fuite , ou l'on fera défarmé
& vaincu par l'ennemi. Il faut
dore y ajouter une grande con-
fiance en Dieu , qui çCt l'au-
teur de tout bien, & de qui
feul on doit attendre îa victoi-
re. S'il eft vrai que de notre
fonds nous ne fomraes rien ;
flous ne pouvons nous promet-
tre que des chutes dangereufes
& fréquentes, & nous avons
tout fujet de nous défier de
ne s forces ; .mais û nous fem-
mes parfaitement convaincus
de notre foibleûe ; nous rem-
Chapitre III. 21
porterons fans doute , avec
P.affiftwiçè du Seigneur, de
grands avantages fur nos en-
nemi* , n'y ayant rien de plus
puilTant pour nous attirer les
grâces du ciel , que de nous
armer d'une géttéreufe confian-
ce en Dieu. Nous avons quatre
moyens d'acquérir cette ex-
cellente vertu.
Le premier, eft de la deman-
der humblement à notre Sei-
gneur.
Le fécond, de confidérer at-
tentivement avec les yeux de
la Foi , la Toute- puifrance Se
la SageiTe mfînie de cet Etre
fouverain , à qui rien n'eft ira-
potlible ni difficile , de qui la
bonté n'a point de bornes, qui,
par un excès d'amour pour
ceux qui le fervent , eft prêt à
tout heure & à tout moment
«le leur donner tout ce qui leur
elc néceffaire pour vivre en
hommes fpirituels, ck pour fe
B iij
2.2 Le Combat Spî rituel %
rendre tout - à - fait maîtres
d'eux-mêmes.
La feule chofe qu'il leur de-
mande 5 c'eft qu'ils recourent à
lui avec confiance. Hé ! qu'ya-
t-iî de pins juite? Comment
ferotoi] poifible que cet aima-
ble Pafteur*,qni d tirant trente-
trois ans n'"a point ceifé de cou-
rir après la brebis égarée , par
deschemins laborieux & pleins
d'épines, avec des peines ii ex-
trêmes, qu'il lui en a coûté îe
fang Se la vie ? Comment 9 dis-
je, feroit-il poffible qu'un fi
bon Pafteur, voyant mainte-
nant fa brebis revenir à lui
dans le deiTein de ne plus fui-
vre d'autre conduite que la
iïenne , &: avec une volonté ,
peut-être encore un peu foi-
ble 5 mais ûncêre de lui obéir,
ne voulut pas la regarder de
bon ceil , ni prêter l'oreille à
fes cris , ni îa rapporter fur fes
* Luc, 13.4.
CHAPÏ T RE III. 23
épaules à la bergerie ? Sans
doute qu'il a une joie incon-
cevable de la recevoir clans le
troupeau , êe qu'il" invite les
Anges du Ciel à s'en réjouir
avec lui.
Car s'il cherche avec tant de
diligence la dragme de l'E-
vangile , qui eft la figuré du
pécheur ; s'il remue tout pour
Ja trouver > peut-il rejeter ce
îui qui , comme une brebis en-
nuyée de ne plus voir fon Paf-
teur } femet en devoir de re-
tourner au bercail ? Quelle ap-
parence que l'époux des âmes,
qui frappe fansceiïe à la porte
de notre cœur , Se qui brûle
d'y entrer , qui n'a point de
plus grand plaitir que de fe
communiquer à nous , & de
nous combler de fes biens ,
quelle apparence que trouvant
la porte ouverte , & voyant
que nous le prions de nous ho-
norer de fa vifite , il ne daignât
B iv
2.^. Le Combat Spirituel y
pas nous accorder la faveur
que nous fouhaitons ?
Letroiiieme moyen d'acqué-
rir cette falutaire- confiance ,
e(l de rappeller ibuvent dans
notre mémoire les divines écri-.
tures , ces oracles de la vérité ,
qui en mille endroits atïurent
formellement que quiconque
efpèreen Dieu , ne tombera point
dans la confufion. Pf. 30. 2.
Enfin , le quatrième moyen
d'avoir tout emfembîe & la dé-
fiance de nous-mêmes & 'a con-
fiance en N. S. eft que , lorf-
que nous avons ou quelque
bonne œuvre à faire , ou quel-
que paillon à combattre, avant
que de rien entreprendre, nous
jetions les yeux d'un côté fur
notre foibleffe, & de l'autre
fur la puiiïance , fur la fagefl e,
fur la bonne infinie de Dieu; Se
que tempérant la crainte qui
vient de nous , ]parr l'aiTurance
que Dieu nous donne , nous
Chapitre III. 2?
ftbus expotlons courageufe-
ment à tout ce qu'il y a de plus'
pénible dans les travaux , &: de
plus rude dans les combats.
Avec ces armes , jointes à la
prière , comme on verra dans
la fuite , nous ferons capables
d'exécuter les plus g, ancls def-
feins > & de remporter les plus
alignes viétoires.
Que fi nous manquons à fu'i-
vre cet ordre, quoiqu'il nous
femble que nous agirions par
le principe d'une véritable ef-
pérance en Dieu , nous nous
trompons le plus fou vent, parce
que la préfomption eft ii natu-
relle à l'homme, qu'elle fe mêle
infeniiblement avec la confian-
ce qu'il s'imagine avoir en
Dieu, & avec la défiance qu'il
croit avoir de lui-même. Ainfi,
pour s'éloigner le plus qu'il lui
eft poflible de la préfomption ;
& pour faire entrer dans toutes
Ces œuvres les deux vertus qui
2.6 Le Combat Spirituel ,
font oppofees à ce vice , il faut
que la considération de fa foi-
bleiTe aille devant celle de la
toute-puiflance divine , & que
l'une & l'autre précédent tou-
tes fes œuvres.
ém .■■■■ ■ i .■ .1 ■ .4
Chapitre IV.
Comment Von peut juger fi V oft
a véritablement la défiance
de foi-même , & la confiance
en Dieu.
V/N homme préfomptueux
croit avoir acquis la défiance
de lui-même &: la confiance en
Dieu : mais c'eft une erreur
qu'on ne connoit jamais mieux
que lorfqu'on vient à tomber
en quelque péché. Car alors ,
ii l'on fe trouble , fi l'on s'affli-
ge, ii l'on perd toute efpérance
d'avancer dans la vertu , c'eft,
ligne que l'on amis fa confian-
ce , non pas en Dien , mais en
foi. Et plus la trifteile ôtle dé-
Chapitre IV. 27
fefpoir font grands , plus on
peut juger qu'on eft coupable
en ce point.
Car ii celui qui fe défie beau-
coup de foi-même , & qui fe
conne beaucoup en Dieu, com-
met quelque faute , il ne s'en
étonne point, il n'en a ni in-
quiétude , ni chagrin ; parce
qu'il voit bien que c'ert l'effet
de fa foibleiTe , & du peu de
foin qu'ii a eu d'établir fa con-
fiance en Dieu. Sa chute an
contiaire lui apprend à fe dé-
fier davantage de fes forces, 6c
à fe confier davantage au fe-
cours du Tout-Puiflante II dé-
telle par-defius toutes chofes
fen péché ; il condamne la paf-
fion ou l'habitude vicieufe qui
en a été la caufe;il conçoit une
très vive douleur d avoir offen-
fé ion Dieu ; mais fa douleur
toujours tranquille ne l'empê-
che pas de revenir à fes pre-
mières occupations; ni de
2$ Le Combat Spirituel.
pourfuivre fes ennemis jufqu'à
la mort.
Plût à Dieu que ce que je
dis fut bien médité par de cer-
taines performes , qui > eu!ent
pa(Ter pour fpirituelles, & qui,
étant une fois tombées en quel-
que faute , ne peuvent, ni ne
veulent fe donner aucun re-
pos ; mais font dans une étran-
ge impatience d'aller trouver
leur Directeur, plutôt pour fe
délivrer de la peine que leur
caufel'amour-propre , que par
queiqu autre motif, quoique
leur principal foin dut être oie
fe laver de leurs péchés parle
Sacrement de la Pénitence , &
de fe prémunir contre les ré-
chutes, par celui de l'Eucha-
riftie.
t?
Chapitre V.
De l'erreur de beaucoup de gens
qui prennent la pufillanïmué
pour une vertu.
^U'Eft encore une illufion bien
commune que d'attribuer à la
vertu cette crainte & ce trou-
ble qu'on relient après le pé-
ché. Car, quoique l'inquiétude
qui fuit le péché , foit accom-
pagnée de quelque douleur ,
elle ne procède néanmoins que
d'un fond d'orgueil, d'une pré-
emption fecrette , caufée par
la confiance trop grande qu'on
aen fes forces. Lors donc qu'un
homme, qui, fe croyant affermi
dans la vertu, méprife les tenta-
tions , vient à reconnoitre par
expérience qu'il eft fragile &
pécheur comme les autres ; il
s'étonne de fa chute , comme
d'une chofe furprenante ; Se
voyant tout fou appui renverfé,
50 Le Combat Spirituet,
il fe lailTe aller au chagrin 8c
au déTefpoir.
Ce malheur n'arrive jamais
aux âmes humbles qui ne pré-
sument point d'elles-mêmes ,&
qui ne s'appuient qu'en Dieu
feu!. Car lorfqu'ellcs ont failli,
elles n'en font ni furprifes, ni
troublées: parce que la lumière
de la vérité qui les éclaire ,
leur fait voir que c'eti un effet
naturel de leur inconflance 6c
de leur foiblefle.
Chapitre V L.
De quelques autres avis très-uti-
les pour acquérir la défiance
de foi-méme , & la confiance
en Dieu,
t/Otnme tout ce que nous
avons de force pour vaincre
notre ennemi , vient de la dé-
fiance de nous-mêmes, & delà
confiance en Dieu , j'ai cru de-
voir encore donner quelques
C H A P I T R E VI. 31
avis très-nécefîaires pour ob-
tenir ces vertus.
Premièrement donc , que
chacun fe mette bien dans l'ef-
prit que ni tons lesta'ens, &
naturels & acquis , de quelque
efpece qu'ils foient , ni toutes
les grâces gratuites , ni l'intel-
ligence de toutes les Ecritu-
res , ni tous les devoirs rendus
à Dieu durant Pefpace de plu-
sieurs années ; que rien , dis- je
de tout cela ne peut îe rendre
capable d'accomplir la divine
volonté, & de fatisfaire à fes
devoirs , fi la main du Tout-
PuiiTant ne le fortifie dans cha-
que occaûon qui fe préfente,
ou de faire quelque bonne œu-
vre , ou de furmonter quelque
tentation, ou de forrir de quel-
que péril , ou de fnpporter
quelque croix, que la Provi-
dence lui envoie. Il faut donc
que tous les jours de fa vie , à
chaque heure , à chaque rno-
$2 Le Coinl at Spirituel ,
ment il fc propofe cette vérité,
que jamais il ne l'oublie : & par
ce moyen il s'éloignera du vice
de la préfomption , ëcn'ofera
pas fe conrier témérairement
en l'es forces.
Mais pour avoir une plus fer-
me eipérance en Dieu , l'on
doit croire fans nul doute qu'il
Jui e.iî é gale ment facile de vain*
cre toutes fortes d'ennemis,
foit qu'ils foient peu , ou en
grand nombre ; qu'ils foienc
forts 6c aguerris, ou foibles
&: fans expérience. Suivant ce
principe , quand uneame feroiî
chargée de péchés , quand elle
auroit tous les défauts imagina-
bles , quand elle fe feroit inuti-
lement forcée de fe corr ger de
fes vices , & de pratiquer les
vertus, quand même elle fe fen-
tiroit de jour en jour plus de
penchant pour îe mal , au lieu
d'avancer dans la perfection ,
elle ne devroit pas pour cela
manquer
Chapitre VI. 35
manquer de confiance en notre
Seigneur, ni perdre courage, &
abandonner fes exercices fpi-
rituels : elle devroit au con-
traire s'exciter plus que jamais
à la ferveur , &r à faire de nou-
veaux efforts pour repouffer
l'ennemi.
Car en cette efpèce de com-
bat , on eft toujours victorieux
quand on a allez decceur pour
ne point quitter les armes , Se
pour tout efpérer de Dieu: fon
fecours ne manque jamais à
ceux qui combattent pour lui ,
quoiqu'affez fouvent il permet-
te que dans la mêlée ils reçoi-
■ vent quelque blelTure. Il faut
donc combattre jufqu'à la fin:
ck c'eft de-là que la victoire
dépend. Car du refte celui quî
combat pour le fervice de
Dieu , qui met en lui feul toute
fa confiance , trouve toujours
aux plaies qu il reçoit un re-
mède prompt & efficace ; $ç
C
54 Le Combat Spirituel ,
lorfqu'il y penfe le moins , il
voit ion ennemi à fes pieds.
»■■ ■ ■ ■ i ■ ■ ■ i m
Chapitre VII.
Du bon ufagt desjpuijfances , &
premièrement qu'il faut que
V entendement J oit libre de l'L-
gnorance & de la curiofité,
Ol dans 'le Combat Spirituel,
nous n'avions point d'autres ar-
mes que la défiance de nous-
mêmes , & la confiance en
Dieu , non-feulement nous ne
pourrions pas vaincre nos pai-
llons, mais nous tomberions
fou vent en de grands défauts.
C'eit. pourquoi il faut joindre
le bon ufage des puiiTances de
notre corps & de notre ame ,
qui eft h troilième chofe que
nous avons propofée comme
un moyen néceiTairepour arri-
ver à la perfection.
Commençons donc par ré-
gler l'entendement Se ia vo-
Chahtbe VII. 3fl"
îcnté. L'entendement doit être
exempt des deux grands vices,
dont îï a- peine à le défendre.
L'un eft l'ignorance' > qui l'em-
pèche de connoître la vérité ?
qui eft fon objet. Il faut donc
qu'à force dé l'exercer, on dif-
fipe fe ténèbres , & qu'on l'é-
clairé , de forte qu'il voie ce
qui eft à faire pour purger l'a-
me de fes pafFions déréglées ,
& pour l'orner des vertus. Or
ce'afe fait par deux moyens.
Le premier & le principal ,'
eft Poraifon , oùl'on demande
au & Efprit fes lumières, qu'il
ne rerufe jamais à ceux qui
cherchent Dieu tout de bon ,
qui aiment à accomplir fa di-
vine loi, & qui foumettent en
toute rencontre leur jugement
propre à celui de leurs fupé-
rieurs.
Le fécond eft une applica*
tion continuelle à examiner
ibigneufement & de bonne fojl
C ij
<6* Le Combat Spirituel ,
les chofes qui fe préfentent,
pour fa voir fi elles font bonnes
ou mauvaifes, & pour en ju-
ger , non pas félon l'apparen-
ce & fur le rapport des fens ,
ni félon l'opinion du monde ,
mais félon l'idée que PEfprit
de Dieu nous en donne. Par ce
moyen nous connoîtrons clai-
rement que ce que le monde
aime avec tant d'ardeur , &ce
qu'il recherche en tant de ma-
nières , n'eft que vanité & illu-
sion ; que les honneurs & les
plaifirs paOent comme un fon-
ge , & qu'étant pafles, ils rem-
plirent Pâme de regret & de
chagrin : que les ooprobres
font des fujets de gloire , &
les fouffrances des fources de
joie; qu'il n'y a rien de plus
grand , de plus généreux , ni
qui nous rende plus femblables
à Dieu, que de pardonner à nos
ennemis, & de leur faire du
•bien ; qu'il vaut mieux méprifer
Cmap it re VIII. 57
le monde , que d'être le maître
du monde; qu'il eft plus avan-
tageux d'obéir pour l'amour de
Dieu au dernier des hommes ,
-que de commander aux Rois &
aux Princes : qu'une humble
connoiflance de foi-même eft
préférable auxfciences les plus
iublimes : qu'enfin l'on mérite
plus de louange en mortifiant
fes appétits dans les moindres
chofes, que ii l'on prenoit beau-
coup de villes ou qu'on défit
de grandes armées; ou qu'on
opérât des miracles , & qu'on
relTucitât même les morts.
» . ■ ■■■«
Chapitre- VIII.
De ce qui peut nous empêcher de
juger jainemem des chofes ; &
de ce qui peut nous aider à les
bien connoitre.
%^E qui nous empêche de ju-
ger fainement des chofes dont
nous venons de parler > &: de
C iij
3 8 Le Com&at Spirituel,
beaucoup d'autres , c'eft qu'auf-
iïtôt qu'elles fe préfentent à
-notre efprit , nous concevons
pour elles, ou de J'amourou de
îa haine; que ces paillons aveu-
gles, qui préviennent la laifon ,
«ousles déguifent de telle for-
te, qu'elles nous paroiiTent
toutes différentes ce ce qu'elles
font. Quiconque donc veut fe
garantir d'une ilîufion û* com-
mune & ii dangereufe, doit
veiller avec tant de foins fur
fon cœur 5 qu'il n'y fouffre
nulle affection déréglée pour
quelque objet que ce foit.
Que d quelqu'objet vient
s'offrir à lui , il faut que l'en-
tendement le confidere &
l'examine à îoiilr , avant que la
volonté fe détermine ,' ou à
Pembrafler , s'il eft agréable ,
ou à le rejeter , s'il eft con-
traire. Car l'entendement n'é-
tant pas encore préoccupé par
la pailion , peut fans nul obita-
[Chapitre VIII. 39
cle, démêler la vérité d'avec le
menfonge , & difcerner le mal
caché fous le voile d'un bien
apparent, d'avec le bien qui
a l'apparence d'un mal vérita-
ble ; mais dès que la volonté
frappée par l'objet, commen-
ce à l'aimer ou à ie haïr, l'en-
tendement devient incapable
de le reconnoitre tel qu'il eft ,
parce que la pafilon qui le lui
cache s fait qu'il s'en forme une
faufle idée : & alors le propo-
fant encore une foi? à la vo-
lonté tout autre qu'il n'eft ,
cette puifïance déjà émue, re-
double fon affe&ion ou fon
averfion pour lui , 6c ne peur
plus garder de mefures, Ai
écouter la raifon.
Dans un défordre & une
confuiîonii étrange, l'enten-
dement s'obfcurcit de plus en
plus, & repré fente toujours à
la volonté l'objet plus odieux,
ou plusaimable qu'auparavant.
C iv
40 LeComhat Spirituel,
De forte qu'à moins qu'on
n'obferve très-exactement la
règle que j'ai donnée , èk qui
eil très-importante en cette
rencontre , les deux plus no-
bles facultés de lame ne font
-que rouler comme dans un cer-
cle , &: tomber d'erreurs en
cireurs, de ténèbres en ténè-
bres, d'abime en abîme. Heu-
reux ceux qui n'ont nulle atta-
che à aucune créature , ck qui ,
avant que de rien aimer en ce
monde, tâchent de connoître
ce qui leur pat oît aimable , qui
en jugent félon la raifon , &
particulièrement félon l°s lu-
mières furnaturelles que le S.
Efprit leur communique , foit
par lui-même , ou par ceux qui
le gouvernent en fa place*
Mais remarquez que cet
avertiiTement elt quelquefois
plus néceffaire en de certaines
"actions extérieures , qui de foi
..font bonnes, qu'en d'autres
Chapitre IX. 4!^
moins louables , parce qu'on y
eft plus facilement trompé , &
qu'on s'y porcë fouvent avec
trop de chaleur & d'indifcré-
tion. Il ne faut donc pas s'y
engager aveuglément , puis-
qu'une feule circonftance du
tems ou du lieu étant négli-
gée , peut tout gâter ; &: qu'il
iuftit de ne pas faire les chofes
d'une certaine manière , ou
félon Tordre de Tobéiffance ,
pour commettre de grandes
fautes , ainfi qu'il paroit par
l'exemple de beaucoup de
gens, qui fe font perdus dans
es minifteres & les exercices
-es plus faints,
Chapitre IX.
D'une autre chofe nece [faire à
l'entendement pour bien con-
naître ce qui eft le plus utile.
JL/Autre vice, dont il faut que
nous délivrions notre entende-
4^ Le Combat Spirituel,
ment , eft la trop grande curio-
fité:car, lorfque nous nous
remplirons l'efprit de penfées
vaines, ridicules, criminelles,
nous le rendons incapable de
s'attacher à ce qui eft le plus
propre pour mortifier nos appé-
tits déréglés , & pour nous con-
duire à la véritable perfection.
Soyons donc tout-à-rait morts
aux chofes terreftres, & ne les
recherchons point, ii elles ne
font absolument néceflaires ,
quoiqu'elles ne foient pas dé-
fendues ; donnons peu de li-
berté à notre efprit ; ne per-
mettons pas qu'il fe répande
vainement fur beaucoup d'ob-
jets ; rendons-le comme itupi-
de pour toutes les connoiiTan-
ces profanes ; ne prêtons jamais
l'oreille aux nouvelles ck aux
bruits qui courent ; fuyons
ceux qui n'aiment qu'a s'en-
tretenir des affaires du monde \
De foyons pas plus touchés des
Chapt tre IX. 45
d verfes- révolutions qui arri-
vent ici-bas , que 11 cetoient
des imaginations & des fonges.
Ufons même de retenue à l'é-
gard des chofes du ciel 5 ne
portons point nos penfées trop
haut , contentons-nous d'avoir
fans celle devant les yeux Jé-
fus crucifié ; de favoir fa vie
&. fa mort ; de connoître ce
qu'il defire de nous. Laitfbns
tout le relie , êcnous rendons
agréables à ce divin Maître ,
dont les vrais difciples font
ceux qui ne lui demandent que
ce oui peut leur être de quel-
que fecours pour le fervir &
pour faire fa volonté. Aulîi
hors de-là , tout deiîr , toute
recherche n'eft qu'amour-pro-
pre , qu'orgueil fptrituel , Se
que piège du démon.
Quiconque fe gouvernera de
la forte , pourra fe défendre
des artifices de l'ancien fer-
pent , qui > voyant dans ceux
44 Le Combat Spirituel,
qui embraffent avec ferveur les
exercices de la vie fpirituel-
le , une volonté ferme & conf-
tante , les attaque du côté de
l'entendement ; afin -que par
l'entendement il gagne- la vo-
lonté , & qu'il fe rende maître
de ces deux puhTances. L'envie
qu'il a de les tromper, fait qu'il
leur infpire dans l'oraifon des
penfées fublimes , des fenti-
mens relevés; fur-tout ii ce
font des efprits curieux , fub-
tils, capables de s'enorgueil-
lir , & de s'entêter de leurs
idées 6c^de leurs vificns.
Son deneineft qu'ils s'amu-
fent à de vains railonnemens ,
qu'ils y trouvent un gôutfen-
fible ; & que dans un faux re-
pos, croyant jouir de Dieu, ils
ne penfe point à purifier leur
cœur , ni à acquérir la connoif-
fance d'eux-mêmes , ck la vé-
ritable mortification ; qu'ainfï
pleins d'orgueil , ils fe rafle» t
Chapitre IX. 45*
une idole de leur efprit, &
qu'enfin , s'acoutumant à ne
confulteren toutes chofes que
leur propre fens , ils viennent
à s'imaginer qu'ils n'ont plus
befoin de confeil ni de la con^.
duite de perfonne.
C'eît-làun mal dangereux &
prefque incurable ; parce qu'il
eft bien plus difficile de gué-
rir l'orgueil de l'entendement
que celui de la volonté. Car
l'orgueil de la volonté étant
découvert & reconnu par l'en-
tendement 3 on y peut remé-
dier par une foumiffion vo-
lontaire aux ordres de ceux à
qui i'on doit obéir. Mais fi un
homme fe met dant l'efprit ,
& qu'il ibutienne avec opiniâ-
treté que fon fentiment vaut
mieux que celui de fes fupé-
rieurs, qui fera capable de le
détromper? Comment recon-
nu îtra-t-il fon erreur ? Com-
/j6 Le Combat Spirituel,
ment fe foumettra-t-il à la di-
rection d'an autre, lui, qui s'ef-
time plus fage & plus éclairé
que tous les autres ? Si l'en-
tendement, qui eft l'œil de
ï'ame , qui feul peut voir &
guérir l'enflure du cœur ; ii ,
clis-je, l'entendement eft ma-
lade, s'il eft aveugle Se rempli
lui-même d'orgueil , qui pourra
trouver quelque remède à. fon
mal ? Si la lumière fe change
en ténèbres , Ci ce qui doit
iérvir de règle , eft faux &
trompeur f que fera-ce de tout
Je relie ?
Tâchons donc de nous défai-
re au plutôt d'un vice fi perni-
cieux; ne permettons pas qu'il
gâte le fond de notre ame ; ac-
coutumons-nous à foumettre
sotre jugement à celui d'au-
trui ; à ne point trop raffiner
dans les chofes fpirituelles, à
aimer cette folie &: cette fini-
Chapitre X. 47
pîicité ii recommandée par le
grand Apôtre*, & nous de-
viendrons incomparablement
plus fages que Salomon.
ChaPIT RE X.
De V exercice de la volonté & de
la fin oà nous devons diriger
toutes nos actions intérieures
& extérieures,
jAPrès avoir corrigé les vices
de l'entendement, il eit né-
eeflaire de corriger ceux de la
volonté , afin que renonçant à
fes propres inclinations , elle
fe conforme entièrement à la
volonté divine.
Remarquez donc qu'il ne fuf-
fic pas de vouloir, ni même de
faire ce qui eft le plus agréable
à Dieu ; mais que de plus il faut
le vouloir & le faire par un
mouvement de fa grâce ; & par
le defir de lui plaire. C'eft eu
fl.Cor. i, 1$.
*j.§ Le Combat Spirituel 9
ceci principalement , que nou3
avons à combattre contre la
nature, toujours fi avide de
plaitîr , qu'en toutes cbofes , &c
quelquefois dans les fpirituelles
plus que dans les autres, elle
cherche fa propre fatisfa&ion ,
6k fe contente ainfi elle-même
avec d'autant moins de fcrupu-
le , qu'elle n'y apperçoit rien
de mal. De-là vient que quand
il s'agit d'entreprendre quelque
bonne œuvre , nous nous y por-
tons incontinent , non pas
dans la feule vue d'obéir à
Dieu, mais à caufe d'un certain
pîaiiir que nous trouvons quel-
quefois à faire les cbofes que
Dieu nous commande.
Cette iîlufion eft d'autant
plus fine , que l'objet de notre
afFedtion & de nos défies eft
meilleur en foi. Qui croiroit
que l'amour-propre , tout vi-
cieux qu'il eft , nous engage à
Youloir nous unir à Dieu , &
qu'en
Chapi tke X. 41
qu'en délirant de pofleder Dieu
nous avons fou vent pîuo d'é-
gard à notre intérêt qu'à ù
gloire Se à l'accompHilemen:
de ia volonté , qui eit cepen-
dant" l'unique chofe que doi-
vent envifuger- ceux qui l'ai-
ment , qui le cherchent &z qui
font profeilion de garder fa loi.
Pour éviter un écueil ii dange-
reux , & pour nous accoutumer
à ne rien vouloir , à ne rien
faire que félon l'impreffion de
l'Efprit divin, & avec une
intention très-pure d'honorer
celui qui veut être , non- feu-
lement le premier principe >
mais encore la dernière fin de
toutes nos actions; voici ce
qu'il y a à obferver.
Quand il le prélente une oc-
canon de faire quelques bonnes
œuvres , ne permettons pas à
notre cœor de la délirer & de
s'y affectionner , qu'auparavant
nous n'ayons élevé notre efprit
D
5*0 Le Combat Spirituel,
à Dieu , afin de favôir s'il veut
que nous la raflions , & d'exa-
miner fi nous la délirons pu-
rement , parce qu'elle lui eft
agréable, De cette forte notre
volonté prévenue ôtréglée par
celle de Dieu , fe portera à ai-
mer ce qu'il aime, par le feul
motif de le fatisfaire pleine-
ment, Se de procurer fa gloire*
11 faut enufer de même dans
les ebofes que Dieu ne veut
pas: car avant de les rejeter ,
nous devons pareillement nous
élever en efprit vers lui, pour
connoître fa volonté , & pour
avoir quelque cercitu de qu'en
les rejetant nous pourrons lui
plaire.
Mais il eft bon de remarquer
qu'on ne découvre pas aifé-
ment les artifices de la nature
corrompue , qui , fous des pré-
textes fpécieux , fe cherche
toujours foi-même, nous fait
croire qu'en toutes nos œuvres
Chapitre X. 5*1
nous n'avons point d'autre vue
que de Paire quelque chofe d'a-
gréable à Dieu. De -là vient
que ce que nous embraflbns ,
& ce que ncusrejetto-ns, dans1
le feul deflein de nous conten-
ter nous-mêmes , nous croyons
ne l'embraffer ck ne le rejeter
que par le defir déplaire à no-
tre Seigrcrr, on par la crainte
de lui déplaire. Le remède le
le pluseiïentieî à ce ma! confilte
dans la pureté du cœur , que
ceux qui s'engagent au com-
bat fpirituel , doivent fe pro-
pofer pour nn , en fe dépouil-
lant du vieil homme pour le
revêtir du nouveau.
La manière de nous appli-
quer un remède fi divin, eft
quvau commencement de nos
actions nous tâchions de nous
défaire de tous les motifs où iî
entre quelque chofe de naturel
& d'humain , à n'aimer rien , &
à ne rien haïr que par la feule
Dij
5*2 Le Combat Spirituel ,
confidération de la volonté di-
vine. Que il dans tout ce que
nous raifons , & particulière-
ment dans les mouvemens du
cœur, 6c dans quelques œuvres
extérieures qui paflent vite ,
nous ne fenrons pas toujours
l'impreffion actuelle de ce mo-
tif? raiions en forte du moins
qu'il fe trouve virtuellement
par-tout , & qu'au fond de l'a-
me nous confervions un véri-
table defir de ne plaire qu'à
Dieu feul ; mais dans les ac-
tions qui durent long - tems ,
ce n'eft pas allez de diriger no-
tre intention à cette fin , il faut
la renonveîler fournit , 6c l'en-
tretenir dans fa pureté & dans
fa ferveur; fans cela nous fe-
rions fort en danger de nous
laifler aveugler par l'amour-
propre, qui, préférant en toutes
chofosla créature au Créateur ,
a coutume de nous enchanter;
de forte qu'en peu de tems,
Chap itre X. 5-3
& pieique infentiblement ,
nous changeons d'intentions &
d'objet.
Un homme de bien , mais
peu foigneux de fe tenir fui-
tes gardes , commerce pour
l'ordinaire ion ouvrage , fans
autre vue que de plaire à Dieu,
mais dans la fuite il fe lailTe
aller peu à peu , 6k fans y penf
fer , à la vaine gloire ,• de fa-
çon que nefongeant plus à la
volonté divine , qui auparavant
le faifoit agir , il-s'attache au
feul plaiiir qu'il trouve dans
fon travail , & n'envifage que
l'utilité ou la gloire qu'il en
peut retirer.
Que ii dans le tems où il
croit le mieux réuffir , Dieu
l'empêche de continuer ce qu'il
a commencé ; foit qu'il lui en-
voie quelque maladie , ou qu'il
permette qu'on l'interrompe ,
il en devient tout chagrin juf-
<ju'à murmurer j tantôt contre
Diij
5*4 £* Combat Spirituel,
celui-ci , tantôt contre celui-là,
&: quelquefois contre Dieu mê-
me ; par où l'on voit claire-
ment que fon intention n'ett pas
droite & qu'elle venoit d'un
mauvais principe ; car quicon-
que agit par le mouvement de
la grâce & dans le deifein de
plaire à Dieu feul , n'a pas
plus d'inclination pour un exer-
cice que pour l'autre ; & s'il
délire quelque chofe , il ne pré-
tend l'obtenir que de la maniè-
re & dans le teins qu'il plaira à
Dieu , toujours fournis aux or-
dres de fa Providence» toujours
tranquille & content, quelque
fuccès qu'ayent fes deffeins ,
parce qu'il ne veut qu'une feu-
le chofe , qui eft l'accomplifTe-
ment de la volonté divine.
Que chacun donc fe recueille
en lui-même , fonge à rappor-
ter toutes fes actions aune fia
f\ excellente & fi noble ; & fi
quelquefois dans la difpofitio»
Ch apitre X. ïf
intérieure où il efl: , il le feue
porté à faire de bornes oeu-
vres , pour le garantir par-là
des peines ce l'enfer , ou pour
mériter le bonheur du ciel, il
peut encore fe propofer pour
dernière fin d'obéir à Dieu ,
qui veut qu'on gagne le ciel &
qu'on évite l'enfer. On nefau-
roit croire combien cil grande
îa vertu de ce motif; puifque
la moindre action , quelque
baffe qu'elle (bit , étant faite
Amplement pour Dieu , vaut
mieux de beaucoup que plu-
fleurs autres, quoique fort bon-
nes <k d'un grand mérite , qui fe
font dans une autre vue. C'eft
par ce principe qu'une aumône
peu considérable, donnée à un
pauvre pour la feule gloire de
la majeflé divine , lui efl fars
comparaifon plus agréable ,
que fi pour quelqu'antre tin , ou
abandonnoit de grands biens f
quand même on ieroit porté à
Dir
J 6 Le Combat Spirituà ,
s'en défaire par l'eipérance des
biens du cie! , quoiqu'après
tout ce motif foit louable, Se
qu'il mérite qu'on fêle propofe.
Cette pratique fi iainte de
faire toutes nos oeuvres pure-
ment pour plaire à Dieu , nous
l'emblera au commencement un
peu difficile , mais avec le tems
el'e nous deviendra aifée &
même agréable, fi nous nous
accoutumons à chercher Dieu
de tout notre cceur $• i] nous
ioupirons fans cède après lui
cemme après notre unique 6c
feuverain bien , qui de foi mé-
jite que toutes les créatures le
cherchent , l'eftiment 6k l'ai-
ment par-deiïus tonte autre
chofe. Plus nous nous attache-
rons à conlidérer combien Dieu
eft grand & aimable, plus les
sflfe&ions de notre cceur en-
vers ce divin objet feront ten-
dres & fréquentes : <k par-là
Boue acquérerons plus facile-
Chapi tre XT. n
ment & plus vite cette habi-
tude de rapporter toutes nos
actions à fa gloire.
J'ajoute un dernier moyen
de ne rien faire que par ce mo-
tif iî excellent &: ii relevé ;
c'eft d'en demander inftam-
mentla grâce à notre Seigneur
6c de conikljrer fou vent les
biens infinis que Dieu nous a
faits , & qu'il nous fait encore
à toute heure par un amour pur
& tout-à-fait déiintereilé.
■ ' ■ . ^
Chapitre XI.
De quelques zonfidé rations qui
peuvent porter la volonté à ne
vouloir que ce que Dieu veut,
jt &Fin d'engager plus facile-
ment notre volonté à ne vou-
loir rien que ce que Dieu veut ,
& ce qui eft pour fa gloire ,
iouvenons-nous qu'il a daigné
nous aimer & nous honorer le
premier en mille manières dif-
yS Le Combat Spirituel ,
rerentes ; c'eft lai qui nous a
tirés du néant , qui nous a créés
à fon image, qui a fait tou-
tes les autres créatures pour
notre fervice ; c'efî lui qui
voulant nous donner un Ré-
dempteur, nous a envoyé , non
pas un Ange, mais fon Fils uni-
que , qui a racheté le monde * ,
non pas au prix de V argent & de
l'or y qui font des c/wfes corrup-
tibles , mais au prix de fon fan g,
6c par fa mort , non moins infâ-
me que douîoureufe; c'eft lui
enfin qui à tout moment nous
protège contre la fureur de nos
ennemis , qui combat pour nous
par fa gr&ce , qui, afin denous
nourrir & de nous défendre
en même-tems , eft toujours
prêt de nous donner le Corps
de fon Fils à la Sainte Table.
Ne font-ce pas là des témoi-
gnages certains de l'eilime
£c de l'affection que ce grand
* LPet. i. 18. !»
Chapit re XL yp
Dieu apou-r nous ? Qui pour-
roit comprendre jufqu'où va fa
chanté pour des créatures
auïTi pauvres & auflî viles que
nousibmmes, & jufqu'où doit
aller notre reconnoiiTance pour
ce Bienfaiteur le plus libéral
qui puiiTe être ? Que li les
Grands de la terre fe voyant
honorés par desperfonnes que
la naiflance ou la fortune a mi-
fes au-defïous d'eux , croient
néanmoins être obliges de leur
rendre quelque honneur; quel
honneur ne doivent pas rendre
des vers de terre au fouverain
Maître du monde , qui leur don-
ne tant de marques de fa bien-
veillance & de fon eftime ? Il
faut fur-tout nous reiTbuvenir
que cette infinie Majefté mé-
rite que nous la fervions par le
principe d'un amour très -pur
qui ae cherche qu'à, lui plaire.
60 Le Combat Spirituel 9
Chapi tre XII.
Qiïily a dans V homme plufieur s
volontés qni fi font fans cejfe
la guerre,
JLL y a dans l'homme deux vo-
lontés , l'une fuperïeure , l'au-
tre inférieure. La première eft
celle que nous appelions com-
munément la raiion : l'autre,
celle -à qui nous donnons le
nom d'appétit , de chair , de
fens, de paflion : cependant,
comme , à proprement parler,
on n'efi homme que par la rai-
fon y ce n'eft pas vouloir quel-
que chofe que de s'y porter pair
un premier mouvement de l'ap-
pétit fenfitif, à moins que la
volonté fupérieure ne s'y porte
eniuite & ne s'y attache.
C'eft pourquoi toute notre
guerre ipirituelle confifte en
ce que la volonté raifonnable
ayant au-defTus de foi la divine
Chapitre XII. 61
volonté, 6c au-deffous l'appé-
tit fenfitif , & fe trouvant com-
me an milieu , elle eft com-
battue prefque également des
deux côtés, parce que Dieu
d'une part 8c la chair de l'au-
tre , la ibllicitent (ans relâche ,
ik n'omettent rien pour la faire
entrer dans leurs fentimens.
Voilà ce qui caufe des peines
inconcevables à ceux qui dans
leur jeuneiTe ayant contracté
de méchantes habitudes , pren-
nent enSn la réfolutionde chan-
ger de vie, de dompter leur
chair , 8c de rompre avec le
monde , pour fe dévouer en-
tièrement au fervice de notre
Seigneur; car leur volonté eft
en méme-terns attaquée avec
beaucoup de violence , par la
volonté divine, Ôçpar l'appétit
fenfitif; & de quelque côté
qu'elle fe tourne , elle ne peut
réiifter qu'avec peine à de il
rudes attaques.
62 Le ComSat Spirituel 9
Ce combat n'arrive pas dans
ceux , qui depuis long-tems fe
font fait une habitude ou de
la vertu ou du vice , & qui
ayant pris leur parti , veulent
toujours vivre comme iis ont
vécu; car les âmes faintes fe
conforment à la volonté de
Dieu, & celles que le vice a
corrompues fuivent la fenfua-
lité ; mais que perfonne ne s'i-
magine pouvoir acquérir les
véritables vertus & fervir Dieu
comme il faut ; s'il n'eft dans la
fcéfbîtrtion de fe' faire violence
àmi-méine, de vaincre la dif-
ficulté qu'il y a de renoncer k
tous les plaitirsdu monde., foit
grands, foit petits , auxquels
il a eu quelqu'attachement cri-
minel,
De-là vient qu'il fe trouve Ci
peu de gens qui arrivent en un
haut degré de perfection ; car
après avoir furmonté les plus
grands travaux , ils perdent
Chapitre XII. 6$
cœur &ne peuvent continuer
àfe vaincre , quoiqu'ils n'ayer.t
plus que de légers combats à
fou tenir, pour détruire quel-
ques foibles reftes de leur pro-
pre volonté, & pour étouffer
beaucoup de petites paflloos,
qui venant à fe fortifier de jour
en jour, fe rendent enfin tout-
à-faii maitrefles de leur cœur.
De ceux-là .'piufieurs , par
exemple , ne dérobent point le
bien d'autrui , mais ils aiment le
leur paiiionnémenr. lîsn'ufent
pas de moyens illicites pour fe
procurer des honneurs mon-
dains; mais, bien loin de re-
jeter , comme iis devroient ,
ces vains honneurs , ils le? dé-
lirent fou vent «Se tachent mê-
me d'y parvenir par d'antres
voies qui leur femblert légiti-
mes, ils gardent les jeûnes d'o-
bligations ; mais ils aiment îa
bonne chère & tas viandes 'es
plus délicates. Ils font chatte*
6*4 Le Combat Spirituel,
&: continens ; mais ils ne s'abf-
tiennent pas de certains plai-
firs qui leur font de grands ob-
ftacles aux fondions de la vie
fpiritueïle , & à l'intime union
avec Dieu.
Comme donc ces chofes font
dangereufes pour toutes fortes
de perfonnes & particulière-
ment pour ceux qui n'en crai-
gnent par les fuites funeftes , il
faut que chacun apporte tous
les foins imaginables pour les
éviter, fans cela il eft impofli-
b!e qu'on ne fafle la plupart de
fes bonnes œuvres avec un ef-
prit de tiédeur, & qu'on n'y
mêle beaucoup d'amour-pro-
pre , de refpects humains , d'im-
perfections cachées , d'eftime
de foi-même , d'envie de pa-
roi tre & d'être applaudi du
monde. Ceux qui fe négligent
en ce point, non-feulement ne
font nul progrès dans la voie
de leur falut , mais retournent
en
Chapitre XII. 6f
en arrière &: s'expofent à re-
tomber dans leurs anciens vi-
ces ; parce qu'ils ne s'atta-
client point à la iblicie vertu ,
qu'ils reiïentent peu la grâce
que Dieu leur a fait de les af-
franchir de la tyrannie du dé-
mon , qu'ils ne connoiilent pas
même le mauvais état où ils
font , & qu'ils demeurent ainti
toujours dans une paix & dans
une fécurité trompenfe.
On peut remarquer ici une
iîlufion d'autant plus à crain-
dre , qu'il efe plus aifé de la
découvrir. Plofîeurs de ceux
qui s'abandonnent à la vie fpi-
rituelle , s'aimant trop eux-mê-
mes , iï toutefois l'on peut dire
qu'ils s'aiment eux - mêmes ,.
choinfient les exercices xftri
leur plaifent davantage , 6c
laiffent les autres qui ne font
pas à leur goût, quichoquent
leur inclination naturelle, qui
fervent à mortifier leurs paf-
£
66 Le Combat Spirituel,
fions brutales , contre lefqueî-
les ils devroient tourner tou-
tes leurs forces dans le com-
bat fpirituel. On ne fauroit
trop les exhorter d'aimer la
peine qu 'il 7 a à les vaincre ,
parce que tout dépend de-là ,
& que plus ils feront paroître
de courage b formonter les •
premières difficultés qui fe ren-
contrent dans la vertu , plus
leur victoire fera prompte &z
aîïurée 5 que stîs fe propofent
uniquement les travaux de
cette guerre s'ils s'y atta-
chent tout-à- fait , s'ils n'afpi-
rent pas trop-tôt à la viàoire
et aux fruits de la victoire, qui
font les vertus, ils obtiendront
plus facilement & plus fùre-
naent ce qu'ils prétendent.
X
17
ChapitreXIII.
De quelle manière il faut com-
battre la fenfualité , quels"
actes la volonté doit produire ,
pour acquérir les habitudes des
vertus.
HT
XdOrfque nous fentons que
Dieu & la chair difputent en-
fernble à qui aura notre cœur ,
voici les moyens que nous de-
vons prendre pour faire pencher
la victoire du côte' de Dieu.
i . Dès que ies premiers mou-
vemens de l'appétit fenfitif s'é-
lèvent contre la raifon, il faut
avoir foin de les réprimer, de
peur que la volonté ne vienne
à y consentir,
2. Ces mouvemens étant ap-
paifés, on peut les laitier re-
naître , afin d'avoir occalion de
les combattre encore une fois
avec plus de force qu'aupara-
vant.
Eij
68 Le Combat Spirituel
3. Il eft bon même de les
faire venir à un troiiïeme com-
bat pour s'accoutumer à les
repouf er avec un géeéreux
mépris. Remarquons pourtant
que ces deux manières d'exci-
ter en foi fes propres pafnons,
n'ont point de lieu à l'égard
des mouvemens de la chair >
dont nous parlerons en un au-
tre endroit.
4. Enfin , il importe extrê-
mement de former des actes de
vertus contraires aux habitu-
des vicieufes dont on prétend
le défaire. L'exemple fuivant
en fera une preuve manifeft e.
Vous êtes peut-être agité de
mou vemer.s d'impatience. Re-
cueillez-vous en vous-même ,
&confidéreztout cequifepaf-
fe dans votre intérieur : vous
verrez fans doute , que le cha-
grin qui a pris naiflànce dans
l'appétit inférieur, tâche de
monter à la volonté & de ga-
Chapitre XIII. 69
gner la partie fupérieure de
votre ame ; alors, fuivant le
premier avis que je viens de
vous donner , faites tout votre
poffible pour en arrêter ie
cours 6c pour empêcher que
la volonté ne s'y laiiTe aller.
Prenez garde de ne point quit-
ter le combat que votre enne-
mi, abbattu & comme mort, ne
foit contraint de fe foumettre
à la raifon.
Mais voyez l'étrange artifice
du malin efprit; quand il s'ap-
perçoit que vous réfiftez coura-
geufement à quelque violente
paffion , non-feulement il ce (Te
de l'émouvoir dansvotre cœur,
mais s'il* l'y trouve déjà allu-
mée , il s'efforce de l'éteindre
pour un tems. Son deffeiti
eft de vous empêcher d'acqué-
rir par une ferme réiiftance la
vertu contraire , de vous inf-
pirer enfuite des fentimens de
vanité, en vous faifant croire
E iij
70 Le Combat Spirituel}
que comme un vaillant foldat,
vous avez en peu de tems vain-
cu l'ennemi, il faut donc que
vous livriez un fécond combat,
que vous rappel'.iez en votre
mémoire, les penfées qui vous
ont caufé de l'impatience & du
chagrin; qu'aufiï-tôt qu'elles
auront excité quelques mouve-
rnens dans la partie inférieure ,
vous employiez toutes les for-
ces de la volonté pour les ré-
primer.
Mais comme il arrive fou-
vent , qu'après avoir fait cie
grands efforts pour repoufier
l'ennemi dans la penfée qu'on
le doit , & que c'eft une chofe
agréable à Dieu; comme, dis-
je , après cela on n'ell pas hors
c'e danger d'être vaincu dans
une troiiieme attaque; vous de-
vez encore une fois retourner
au combat contre le vice dont
vous prétendez vous défaire ,
& en concevoir , non-feulement
Chapitre XIII. 71
de l'averiion , mais du mépris
& de l'horreur.
Enrin , pour orner votre ame
des vertus , &. pour vous en
faire de laintes habitudes , il
faut produire beaucoup d'actes
de .celles- qui font contraires
à vos paillons déréglées. Par
exemple , îi vous voulez ac-
quérir une parfaite douceur
dans les occalions d'impatience
qu'on vous donne en vous mé-
prifant , ne croyez pas qu'il
fuffife d'employer les trois for-
tes d'armes dont nous venons
de parler , pour vaincre la ten-
tation; il faut de plus que vous
aimiez le mépris qu'on tait de
vous ; il faut que vous déliriez
d'être fouvent méprifé de la
même forte , &: par les mêmes
perfonnes; il faut que vous vous
propoliez de fournir encore de
plus grands outrages.
La raifon pourquoi l'on ne
peut fe perfectionner dans là
Eiv
-72 Le Combat Spirituel,
vertu /fans ces ades contraires
aux vices qu'on veut corriger ,
eil que tous les autres aSes ,
quoiqu'ils foient d'une fore
grande efficace ck en fort grand
nombre , ne fauroient ôter juf-
qu'à la racine du mal. Ain fi
pour ne point changer cr exem-
ples , quoique vous ne confen-
tiez pas aux mouvemens de
colère qui vous viennent , lors-
qu'on vous méprife ., mais que
vous les combattiez de toutes
les manières que nous avons
dit; fâchez néanmoins que ii
vous ne vous accoutumez à ai-
mer l'opprobre ck à vous en
faire un fujet de joie , vous ne
parviendrez jamais à déraciner
de votre cœur le vice de l'im-
patience , qui naît d'une trop
grande crainte d'être méprife
du monde, & d'un defir trop
ardent d'en être eftimé : car
enfin tant que cette méchante
racine demeurera dans votre
Chapitre XI IL 75
ame , elle pouffera toujours Sç
votre vertu s'afFoiblira ; peut-
être même qu'avec le tems vous
vous trouverez dellitué de
toute vertu, & en un danger
continuel de retomber malheu-
reufement dans vos déibrdres
pattes.
N'efpérez donc pas obtenir
jamais les vertus folides/, fi > par
des a&es fréquens de ces mê-
mes vertus , vous ne détruifez
les vices qui leur font directe-
ment oppofés. Je dis par des
a&es fréquens; car comme il
faut plufieurs péchés pour for-
mer une habitude vicieufe, il
faut au fil plufieurs a&es de ver-
tu pour produire une habitude
fainte 9 qui foit parfaite & in-
compatible avec le vice. Il
faut même un plus grand nom-
bre d'a&es de vertu pour faire
une habitude fainte, qu'il ne
faut de péchés pour en faire
une vicieufe , parce que la cor-
74 Le Combat: Spirituel y
ruption de la nature fortifie
toujours celle-ci , & affaiblie
l'autre.
Remarquez de plus que li la
vertu que vous vouiez prati-
quer , ne peut s'acquérir fans
quelques a6t. s extérieurs, con-
formes aux intérieurs , ainlî
qu'il arrive dans !a patience ;
vous devez non feulement par-
ler avec charité St avec dou-
ceur , mais rendre tous les fer-
vices imaginables à celui qui
vous aura maltraité de quelque
manière que ce foit ; & encore
que ces ac"tes , foit intérieurs ,
foit extérieurs , vous femblene
foibles & que vous ne les raf-
fiez qu'avec une extrême répu-
gnance ; gardez- vous bien ce-
pendant de les négliger , parce
que tout foibles qu'ils font, ils
vousfoutiendront dans le com-
bat f & vous feront de puiffans
moyens pou» remporter la vic-
toire*
Chapitre XIII. 7?
Veillez donc fur votre inté-
rieur &ne vouscontenrez pas
de réprimer les mouvemens
les plus violens des pallions ;
étouffez jufqu'aux plus petits,
parce que ceux-ci , pour l'or-
dinaire , fervent de difpoiition
aux autres , d'où naiflent enfin
les habitudes vicieufes. Nous
(avons , par exemple , que
beaucoup de gens ayant né-
gligé de mortifier leurs paillons
en des chofes aifez légères ,
quoiqu'ils euiïent eu le courage
de les mortifier en des occa-
iions très-coniidérables ; nous
lavons, dis-je, que lorfqu'ils
y penfoient le moins , ils ont
été attaqués plusrudement que
jamais par des ennemis qui n'é-
toient qu'à-demi vaincus.
J'ai encore ici un avis de
grande importance à vous don-
ner : c'eit de mortifier vos ap-
pétits dans les chofes même
qui font penxiifes, mais non
76 Le Combat Spirituel,
nèceffaires , car vous gagnerez
par-là beaucoup , vous pour-
rez vous vaincre plus facile-
ment dans les autres ; vous de-
viendrez plus aguerris & plus
forts dans les tentations , &
vous vous rendrez en mê-me-
tems bien plus agréables à no-
tre Seigneur. Je vous dis fin-
cèrement ce que je penfe ; ne
vous lailez point de pratiquer
lesfaintsexercicesqueje viens
de vous enfeigner, & dont vous
avez befoin pour la réforma-
tion de votre intérieur. Vous
remporterez bientôt une glo-
rieuie victoire fur vous même.
Vous ferez en peu de tems de
fort grands progrès dans la ver-
tu , & vous deviendrez fpiri-
tuel , non pas de nom feule-
ment, mais en effet & en vé-
rité.
Que fi vous prenez d'autres
voies , quoiqu'elles vous pa-
roiffent excellentes, que vous
ChapitkeXIIL 77
y goûtiez de grandes délices
Spirituelles , que vous croyiez
y avoit une intime union avec
Dieu , tenez pour certain que
jamais vous n'obtiendrez de
vertus folides, ni ne iaurez ce
que c'eft que la véritable Spiri-
tualité, qui, comme nous avons
dit au premier Chapitre, ne
conufte pas en des exercices
doux & qui flattent la nature ;
mais en ceux qui la crucifient
avec fes partions &c les defirs
déréglés.
C'eft ainfi que l'homme re-
nouvelle intérieurement par les
vertus qu'il a acquifes, vient
à s'unir intérieurement à ion
Créateur & à fon Sauveur atta-
ché en croix. Aufu efi-il hors
de doute que comme les habi-
tudes vicieufesSe forment dans
nous par plniieurs actes de ia
volonté , lorsqu'elle fuccombe
à l'appétit Seniitif; de même les
vertus chrétiennes s'acquièrent
7^ Le Combat Spirituel,
par plu fieurs actes de la volon-
té , Iorfqu'elle fe conforme à
celle de Dieu , qui excire l'a-
me tantôt à une vertu , & tan-
tôt à l'autre. Comme donc la
"volonté ne peut être criminel-
le, quelque effort que rafle l'ap-
pétit inférieur pour la corrom-
pre 5 à moins qu'elle n'y con-
sente ; au (11 ne peut-elle être
fainte & unie à Dieu , quelque
forte que foit la grâce qui l'atti-
re , à moins qu'elle n'y coopère
par des ades ? non-feulement
intérieurs, mais même exté-
rieurs, s'il en ellbefoin.
Chapitre XIV.
D: ce qu'il faut faire lorfjuc la
v o lo n té Jenfible efi va in eue &
hors d'état de réfijler à V appétit
nfitif.
d'i l rou< femble quelquefois
que votre volonté eft trop foi-
ble pour réûller à l'appétit in-
Chapitr e XÏV. 79
férieur , & à d'autres ennemis
qui tâchent de s'en rendre mai-
très , Se ii alors vous ne vous
fentez pas allez de courage &
de réfolution pour foutenir
leurs attaques ; ne laiiTez pas de
tenir ferme , n'abandonnez
point le combat ? puifque vous
devez croire que vous êtes vic-
torieux , tandis qu'il ne paroit
pas que vous foyez tout-à-fait
vaincu. En effet comme votre
violenté n'a pas befoin dn con-
tentement de l'appétit inférieur
pour prendre tel parti qu'il lui
plaît ; au fil quelque violence
qu'elle fouffre du côté de cet
ennemi doraeftique , eîle con-
ferve toujours l'ufage entier de
fa liberté : carie Créateur lui a
donné un pouvoir «Se un empire
il abfolu , que quand tous les
fens , tous les démons , toutes
lescréatures enfemble auroienc
confpiré contr'elîe , rien ne
pourroit l'empêcher de- faire,
8o Le Comh a: Spirituel,
ou de ne point faire ce qu'elle
veut , ou ce qu'elle ne veut pas
autant de fois , & auffi long-
teaiSjpour telle Hn& de telle
manière que bon lui iemble.
Que fi quelquefois la tenta-
tion vous preflè , de forte que
votre volonté foible & prelque
vaincue , femble n'avoir pas
toute la force néceffaire pour y
reTifter, gardez-vous bien de
perdre courage , & de mettre
les armes bas. Criez au moins ,
6c défendez vous en difant au
tentateur : Ret ire - toi d'ici ,
Satan , car je mourrai mille
fois plutôt que de çonfentir à
tes fuggeftions infâmes. P'aites
comme un homme qui étant
aux priies avec un ennemi opi-
niâtre , 8z ne pouvant le per-
cer de fon épée , le frappe
avec le pommeau par où il
peut; voyez comme il tâche
de fe dégager, comme il recule
de quelques pas y & comme
il
Chahtre XIV. Si
île revient fur fon ad ver fa ire r
p ur lui donner le coup de la
mort : cela vous apprend à vous
retirer fouvent dans vous-mê-
rpe , pour conlklérer que de
votre fonds vous n'êtes rien , &
que vous ne pouvez rien ; pour
vous animer enfuite d'une gé-
néreufe confiance en la toute-
puilTance de Dieu ; pour atta-
quer & pour vaincre enfin avec
fa grâce la patfion qui vous do-
mine. C'eft alors que vous de-
vez dire : Aidez-moi , Seigneur
mon Dieu , aidez - moi : Jefus
& Marie n'abandonnez point
votre ferviteur,' ne permettez
pas que je fuceombe à la ten-
tation.
Mais quand l'ennemi vous
en donne le îoidr , appeliez
votre entendement au fecours
de la volonté ; fortifiez-la pas
diverfes confidérations propret
à lui relever le courage & l'a-
nimer au co-mbat, Si vous êtes,
F
82 Le Combat Spirituel ,
par exemple , ou perfécute in-
juftement , ou affligé de quel-
qu'autre forte, £c que dans
une profonde triftefife vous
vousfentiez violemment tentjÉ
d'impatience , jufqu'à ne pou-"
voir ou à ne vouloir plus rien
fouffrir , tâchez de prendre
cœur , en faiiant une férieufe
réflexion fur les articles lu i-
vans ou fur d'autres fembla-
bles-
i. Voyez fi vous ne méditez
point le mal que vous endurez,
&: fi vous ne vous l'êtes point
attiré vous-même: cars'ilvous
eft arrivé par votre faute , la
raifon veut que vous foutïriez
patiemment une plaie que vous
vous êtes faite de vos propres
mains.
2. Mais au cas que vous
n'ayez rien à vous reprocher
là-deiïus , jetez les yeux fur
vos défordres pafles , dont la
juftice divine ne vous a pas en-
Chapitre XIV. 83
core puni , ou que vous n'avez
pas expiés par une jufte péni-
tence , & voyant que Dieu par
fa miféncorde , change la peine
que vous avez méritée , qui
ïevroit être ou fort longue
dans le purgatoire, ou éternelle
dans- l'enfer ; qu'il la change',,
dis-je , en une autre 6c plusl'é-
gere & plus courte; recevez
la, non-feulement avec patien-
ce , mais même avec joie 6c
avec action de grâces,
3 . Que fi vous croyez , quoi-
que fans raifon , avoir commis
peu de fautes 6c fait beaucoup
de pénitences, fouvenez-vous-
qu'on ne peut entrer dans le
Koyaume du Ciel qae par la
porte étroite des tribulations.
4. Songez de plus, que quand
vous pourriez y entrer par une
autre porte , la loi feule du pur
amour devroit vous en ôter 6c
le clefir & la pcnfée ; parce que
kFils de Dieu,& tous les Saiat*
84 Le Combat Spirituel,
après lui , y font allés portant
leurs croix , Se par un chemin
tout couvert d'épines.
5 . Mais ce qu'il Faut que vous
envifagiez principalement ici
&: en toutes chofes > c'eft la vo-
lonté de Dieu , qui vous aime
tant 3 qu'il prendra un plaifir
extrême à vous voir faiie âcs
actes héroïques de vertu , &
répondre par ces preuves de
votre courage & de votre fidé-
lité à l'affection qu'il vous por-
te. Sachez au relie que plus la
perfécution que vous fou flfrirez
fera injufte du côté de fon au-
teur , & par conféqtient plus
infupportable du vôtre, p'us le
Seigneur eftimera votre conf-
iance , puifqu'au milieu âcs
afflictions vous adorerez fesju-
gemens , vous vous foumettrez
à fa Providence qui tourne en
bien les événemens les plus fâ-
cheux, 8: fait fervir à notre
falut la haine de nos ennemis.
Chapitre" XV.
De quelques autres avis fort uti~
les pour j avoir quelle ejlla ma"
niere de bien combattre , quels
ennemis on doit attaquer ,
& par quelle vertu on les peut
vaincre*
V Ous avez vu de quelle forte
il faut combattre , atin de pou-
voir fe vaincre foi-même & ac-
quérir les vertus. Mais pour
remporter plus aife'ment & plus
promptement la vi&oire , ne
penfez pas que ce foit allez de
combattre & de fignaler fou
courage une feule fois: ileftné-
cefiaire de retourner au com-
bat , fur-tout contre l'amour-
propre, jufqu'à ce qu'on vienne
à regarder comme fes amis >
ceux dont on reçoit de plus
cruels & de plus fanghns outra-
ges. Il arrive très - fouvent ,
comme j'ai déjà dit , que ce
Fiiy
86 Le Combat Spiriueî^
combat étant négligé , les vic-
toires font difficiles , inparfai-
tes, rares, de peu de durée.
Combattez donc avec beau-
coup de réfolution, & ne vous
excufez pas fur votre foibleile
naturelle ; car (i vous manquez
de force , demandez-en à notre
Seigneur, & il vous en donnera*
Songez de plus que fi la fu-
reur de vos ennemis elt. extrê-
me , fi la multitude en eft in-
nombrable ; l'amour que Dieu
vous porte efr ininiment plus
grand. Les Àn^es du Ciel qui
vous défendent, les Saints qui
intercèdent pour vous, font en
beaucoup plus grand nombre.
Ces conilderationsont telle-
ment encouragé de limp.les fem-
mes , qu'elles ont vaincu toutes
les rufes du monde , réfifté à
tous les attraits de la chair-, &
triomphé de toute la rage du
démon ; c'eft pourquoi vous ne
devez point vous épouvanter
quoiqu'il vous iWnble que les
Chapitre XV. 87
efforts de tant d'ennemis font
difficiles à foutenir , que cette
guerre ne finira qu'avec votre
vie & que vous êtes menacé de
piufieurs endroits , d'une ruine
prefque certaine : car il faut en-
core que vous fâchiez que ni
les forces, ni les rufes de vos
ennemis ne peuvent vous nui-
re , fans la permifllon de celui
pour l'honneur duquel vous
combattez ; & comme il aime
extrêmement cette forte de
combat; comme il y exhorte ,
autant qu'il peut , tout le mon-
de , non-feulement il ne four-
nira pas que ceux qui ont con-
juré votre perte , exécutent
leurs mauvais deffeins , mais il
combattra pour vous & vous
donnera la victoire tôt ou tard
avec de grands avantag es , dût-
il attendre jufqu'au dernier
jour de votre vie.
Tout ce qu'il demande de
vous , c'eft que vous vous dé-.
F iv
88 Le Combat Spirituel,
fendiez vaillamment , & que
quand vous feriez blefle en plu-
iieurs rencontres , vous ne quit-
tiez point pour cela les armes >
ni ne preniez point la fuite. Au
refte, pour vous exciter à bien
faire votre devoir , fouvenez-
vous que cette guerre eft inévi-
table , & qu'il faut néceflaire-
nient combattre ou mourir ; car
enfin vous avez affaire à des en-
nemis fi furieux & fi opiniâtres ,
qu'il eft impofîible d'avoir ja-
mais ni paix ni trêve avec eux.
Chapitre XVI.
Que dès le matin le Soldat Chré-
tien doit fe préparerait combat.
SLuK première chofe que vous
devez faire à votre réveil, c'eft
d'ouvrir les yeux de l'ame , &
de vous conlidérer comme dans
un champ de bataille , en pré-
fence de votre ennemi tk dans
Chapitre XVL 89
la nécefïîté ou de combattre ,
ou de périr pour jamais. Figu-
rez-vous donc devant vous cet
ennemi, qui n'efl autre chofe
qu'un vice , qu'une paillon dé-
réglée, dont vous tâchez de-
puis quelque tems de vous dé-
faire ; figurez-vous , dis-je , ce
monfhe furieux qui vient fe je-
ter fur vous pour vous dévorer.
Kepréfentez-vous , en même
tems à la droite de Jéfus-
Chrift votre invincible Capitai-
ne, accompagné de Marie &
de Jofeph, de plusieurs troupes
d'Anges & de Bienheureux ,
ce particulièrement du glorieux
Archange faint Michel ; à la
gauche Lucifer avec fes minif-
ttes , réfolus de foutenir cette
pailion ou ce vice que vous avez
à combattre , & de mettre tout
en œuvre pour vous y faire fuc-
cember.
Cependant, imaginez- vous
entendre au fond 4u cœur la
$0 Le Combat Spirituel 5
voix de votre Ange Gardien
qui vous parle de la forte :C'eft
aujourd'hui que vous devez
taire tes derniers efforts pour
vaincre cet ennemi , <k tous
ceux qui ont confpiré contre
vous. Ayez bon courage ; ne
vouslailfez vaincre, ni par une
vaine frayeur, ni par quelque
considération que ce foit, parce
queJefus votre Capitaine eft
ici auprès de vous, avec les
troupes de l'armée célefre, dans
le deflein de vous défendre
contre tous ceux qui vous font
la guerre , & de ne permettre
jamais qu'ils vous réduifent fous
leur puiiîance , ni par force , ni
par adrefle. Demeurez ferme ,
& quelque peine que vous y
trouviez , faites-vous violence ,
criez au Seigneur du plus pro-
fond de votre ame , invoquez
continuellement Jésus &
Marie, priez tous les Saints
4e vous fecourir ; & ne douiez
Chapitre XVI. pr
point après cela que vous ne
gagniez la victoire.
Quelque foible que vous
vous trouviez, quelque redou-
tables que vos ennemis vous
paroilTent, Se par leur nom-
bre, & par leurs forces , ne
craignez rien ; car hs troupes
qui viennent du Ciel à votre
fecours font plus nombreufes
que celles que l'Enfer envoie
pour vous ôter la vie de la grâ-
ce. £e Dieu qui vous a crée Se
qui vous a racheté , eft tout-
puuTant : il vous aime , il vous
protège , & iî a fans comparai-
ion plus d'envie de vous fau-
ver que le Démon n'en a de
vous perdre.
Combattez donc vaillam-
ment , ne vous îaflez point de
vous mortifier ; parce qu'en
faifant une continuelle guerre
à vos mauvaifes inclinations , à
vos habitudes vicieufes , vous
remporterez "enfin la vi&oire ;
92 Le Combat Spirituel^
6c par-là vous entrerez dans le
Royaume du Ciel , où l'a me
demeure éternellement unie à
fon Dieu. Commencez dès
maintenant à combattre au
nom du Seigneur , ayant pour
épée &; pour bouclier la dé-
fiance de vous-même , la con-
fiance en Dieu , l'oraifon ,
l'exercice faint de vos puiflars-
ces fpiiituelles.
Avec ces armes vous atta-
querez l'ennemi , je veux dire
cette paflîon dominante , que
vous vous êtes propofé de vain-
cre , ou par un mépris géné-
reux, ou par une ferme reiifian-
ce , & par des a&es réitérés de
la vertu qui lui eft contraire ,
ou enfin par d'autres moyens
que le Ciel vous fournira pour
l'exterminer de votre cœur. Ne
vous donnez point de repos ,
que vous ne l'ayez tout-à-fait
domptée , vous mériterez par
votre confinée de recevoir la
Chapitre XVI. oj
couronne des mains du fouve-
rain Juge , qui avec toate l'E-
glife triomphante fera fpe&a-
teur de votre combat.
Je vous le dis encore une
fois , vous ne devez point vous
ennuyer de cette guerre. Con-
fia erez feulement que tous les
hommes font obligés de ferVk
Dieu , & de tacher de M plaire;
que c'eft d'ailleurs une néceflîti
de combattre, puifqu'on ne
peut prendre la fuite, fanss'ex>
pofer à être blerTé , & même à
perdre la vie ; & qu'après tout,
quand on voudrait fe révolter
contre Dieu , embraffer le pam
du monde, s'abandonner aux
plaifirsdes fens , l'on ne feroit
pas exempt des peines , puif-
qu'on auroit toujours à foulfrir
beaucoup m?Jgi-é qu'on en eût,
&: dans le corps &i dnns l'âme ,
pour fatisfaire fa fenfualité &
fou ambition. Quelle plus gran-
de folie que de ne pas craindre
94 Le Comhat Spirituel,
en ce monde des peines très ru-
des, qui font lui vies d'une éter-
nité de tourmens ; de craindre
quelques peines aiTez légères
qui Je terminent à une éternité
de bonheur & à un repos où
l'on jouit pour jamais de Dieu.
Chapitre XVII.
De l'ordre qu'il faut garder dans
le comb.it contre Us payions &
Us vices.
IL eft d'une extrême consé-
quence que vous fâchiez l'ordre
qu'il Faut garder dans îe combat
contre les partons &; les vices ,
pour ne pas agir en aveugles ,
& ne pas donner des coups en
l'air , comme font beaucoup
de gens , qui perdent rar-là
prefque tout le fruit de leurs
peines-
Commencez donc par vous
recueillir en vous - même >
Chapitre XVIII. pj*
afin d'examiner foigneufement
quelles font pour l'ordinaire
vos penfées & yos affections ,
quelle eft la pafiion qui règne
le plus en vous; c'eft parti-
culièrement à celle-là , comme
à votre plus grand ennemi , que
vous devez déclarer la guerre.
Que fi le malin efpritj voulant
faire diyerfîon , vous attaque
par queiqu'autre endroit , il
faut aller du côté que le danger
ç'it le plus preffant ? & revenir
auffifô.t à votre première en-
treprîfe.
Chapitre XVI II.
Di quelle manière on doit répri-
mer les mouvemens fubtils de?
p ijjîons.
kJI vousn êtes par encore bien
accoutumé à fupporter patiem-
ment les injures , les affronts
& les autres peines de cette
$6 Le Combat Spirituel,
vie , vous vous y accoutume-
rez en les prévoyant, & vous
préparant de loin à les rece-
voir. Lors donc que vous au-
rez examiné de quelle nature
eft cette paillon , qui vous
tourmente davantage , vous
venez enfuite quelles font les
perfonnes à qui vous avez af-
faire , quels font les lieux &c
les occafioffs où vous vous trou-
vez ordinairement , & vous
connoîtrez par-là ce qui peut
vous arriver de fâcheux.
Que s'il vous furvient quel-
que accident imprévu , outre
qu'il vousfervira de beaucoup
de vous être précautionné con-
tre de pareils fujets de mortifi-
cation & de peines, voici enco-
re un moyen de vous le ren-
dre plus fupportable. Dès que
vous vous fentirez tant foit peu
ému d'une injure qu'on vous
aura faite furie champ , d'une
afBi&ion qui vous fera arrivée
contre
Chapitre XVIII. 97
contre votre attente , prenez
garde à vous ; ne vous kiiifez
pas aller au chagrin : longez
d'abord à élever votre cœur à
Dieu, & cor.Gdérez que cec
accident eft un coup du Ciel ;
que Dieu même, ce Père fi
bon , ne vous l'envoie que
comme un moyen de vous pt$*>
nier davantage , & de vous
unir plus étroitement à lui ;
& qu'il fe plaît infiniment à
vous voir fouffrir avec joie les
plus grandes adveriités pou*
l'amour de lui.
Tournez-vousaprès cela vers
vous-même , & faites-vous de
juftes reproches. Lâche que tu
es , comment as-tu fi peu de
courage , que de ne pouvoir
porter une croix, qui te vient,
non pas de cette perfonue , ou
de cette autre , mais de ton
Père qni eft dans le Ciel? Puis,
envifageant la Croix* , recevez-
U noa-ieulement avec foiimif.
G
£ 8 Le ComBat Spirituel,
lion , mais même avec alégref-
fe , en difant : O Croix , que la
Providence divine m'a prépa-
rée , avant que je fulle au mon-
de; Croix , que l'amour du noire'
de Jeius crucifié me rend plus
douce que tous les plailirs des
fens ; attachez-moi déformais à
vous , afin que par vous je puiiïe
être uni à celui qui m'a racheté
en mourant entre vos bras.
Que fi la pa(Tion vous trouble
tellement d'abord , qu'elle voua
mette hors d'état d'élever votre
efprit à Dieu , & que même
votre volonté e*n reçoive quel-
que atteinte, gardez- vous bien
<îe la laifTer aller plus avant ;
& quelque défordre qu'elle ait
pu caufer dans votre cœur , ne
îaifTez pas de faire tous vos ef-
forts pour la vaincre , en im-
plorant avec ferveur le fecours
du Ciel. Après tout , la voie la
plus sûre pour arrêter ces pre-
mières faillies des pallions, eft
Chapitre XVIII. 99
d'eflayer de bonne heure d'en
ôter la caafe. Si vous remar-
quez , par exemple , que pour
avoir trop d'attache à quelque
chofe , vous vous mettez en co-
lère toutes les fois que l'on
s'oppofe à vos inclinations ,
rompez cette attache , & vous
jouirez toujours d'un parfait
repos.
Mais û le trouble que vous
reflentez , vient , non d'un
amour déréglé pour quelque
objet agréable , mais d'une
adverfion naturelle pour une
perfonneen qui tout vous cho-
que &: dont les moindres ac-
tions vousdéplaifent ; le gand
remède à ce mal efr , que mal-
gré votre antipathie, vous tâ-
chiez d'aimer cette perfonne ,
non-feulement parce que c'eft
une créature formée de la main
de Dieu , & rachetée du pré-
cieux Sang de J. C. aulTi bien
que vous; mais parce qu'en
G ij
ioo Le Combat Spirituel 9
fupportant avec douceur fes
défauts , vous pouvez vous ren-
dre femblable au Père célefte ,
qui a de l'amour &: de la bonté
généralement pour tous.
», -
Chapitre XIX.
De quelle force il faut combattre
le vice de V impureté*
v Ous devez combattre ce
vice d'une manière particuliè-
re , &: avec plus de vigueur
que les autres. Pour le bien
faire , il faut diflinguer trois
tems : le premier , avant que
d'être tenté ; le fécond , pen-
dant que l'on eft tenté ; le troi-
fieme , quand la tentation eft
pafiee.
Avant que la tentation vien-
ne , t. on doit employer tous
fes foins à en prévenir juf-
qu'aux moindres occafions , &
s!éloigner des perfonnes dont
Ch apit r e XIX. ior
le commerce eit dangereux.
Que i\ par malheur on e(t obli-
gé de traiter avec ces fortes de
perfonnes , il faut qu'on le fafTe
le plus vite qu'on pourra , avec
un vifage modefte , avec des
paroles graves , &: d'un air
plutôt férieux que familier <5c
enjoué'.
Ne préfumez point de vous-
même fur ce que durant plu-
fieurs années que vous avez
vécu dans le mcfnde , vous n'a-
vez prefque jamais fu ce que
c'eft que l'aiguillon delà chair.
Car le démon de l'impureté
fait en une heure ce qu'il n'a
pas fait en plufieurs années. Jl
eft quelquefois long-tems à
préparer fes machines : mais les
coups qu'il donne font d'autant
plus rudes, les plaies qu'il fait
font d'autant plus dangereu fes ,
qu'il fait l'art de fe contrefai-
re , ôc de tuer en flattant.
Il ell même "à remarquer,
Giij
102 Le Combat Spirituel 9
&: l'expérience journalière le
montre, que le péril n'eft ja-
mais plus grand que |Iorfqu'on
fait, ou qu'on entretient de
certaines liaifons où il ne pa-
roît rien de mal , parce qu'elles
font fondées fur des raifons
fpécieafes ou de parente , ou
de gratitude , ou de quelqu'au-
tre devoir , ou fur le mérite &
îa vertu de la perfonne qu'on
aime. L'amour impur fe gUde
inienfiblement dans" ces ami-
tiés par desvifites fréquentes,
par des converfations trop lon-
gues , par des familiarités in-
difcrettes, jufqu'à ce qu'enfin
le poifon gagne le cœur , &
la raifon s'obfcurcit; de forte
que l'on ne compte pour rien
des œillades peu modeftes , des
paroles tendres , des entretiens
libres & pleins de railleries :
d'où nai{Tent des tentations
très-rudes & très-difficiles h
vaincre.
Chapitre XIX. iô?
Fuyez donc avant toutes cho-
fes l'occafion du péché , parce
que vous êtes comme de la
paille auprès d'un grand feu.
Et ne vous fiez point à votre
vertu , ni à la réfolution que
vous avez prife de mourir plu-
tôt que d^offenfcr Dieu : car
quelque bonne volonté que
vous ayez , l'amour fenfuel qui
s'allume dans ces converla-
tions douces & fréquentes 9
s'embraiera tellement , que
rien ne fera capable de l'étein-
dre. Le defir violent d'affouvir
votre paillon, vous empêchera
d'écouter les remontrances de
vos amis ; vous perdrez la
crainte de Dieu ; vous mépri-
ferez l'honneur & la vie ; les
feux même de l'enfer n'e'-
toufferont pas les flammes im-
pures dont vous brûlerez.
Cherchez donc votre falut clans
la' fuite , autrement vous ferez
■furpris, 6c la peine d'une con-
G iv
*0^ Ze Combat Spirituel ,
fritee préfomptueufe fera la
mort éternelle.
i. Soyez ennemi de l'oifive-
té : perlez à ce qui eft de votre
devoir, &z n'oubliez rien pour
fatisfaire aux obligations eflen-
tielles de votre état.
3. GbéilTez avec joie &: fans
réiiflance à vos fupérieurs :
exécutez promptement tout ce
qu'ils vous commanderont; &
que les chofes les plus humi-
liantes & les plus contraires à
votre inclination, foient tou-
jours celles que vous embraf-
fiez avec plus d'ardeur.
4. Gardez-vous bien déju-
ger témérairement de votre
prochain , fur-tout en maiière
d'impureté. Que s'il efr tombé
par malheur en quelques défor-
dres, ck que fa chute foit pu-
blique, ne le traitez pas pour
ce^a avec mépris : ne vous fâ-
chez pas contre lui , mais ayez
piué rie fa foiblefle> 6c tâchez
Chapit keXIX. ioy
d'en profiter, en vous humi-
liant devant Dieu: en confef-
fant que vous n'êtes que pouf-
fiere , que boue & qu'un pur
néant : en redoublant vos priè-
res ; en fuyant , avec plus de
foin que jamais, tout commer-
ce dangereux pour peu iufpecl
qu'il puiiTe être. Car fi vous êtes
trop prompt à juger défavanta-
geufement de vos frères , Dieu ,
pour vous punir & pour vous
• corriger tout enfemble , per-
mettra que vous tombiez dans
tes mêmes fautes que vous con-
damnez , & par cette humilia-
tion , reconnoiflant votre or-
gueil & votre imprudence ,
vous chercherez desremedes à
l'un & l'autre.
Mais quand vous pourriez
éviter ces chûtes honteufes ,
fâchez néanmoins que iî vous
continuez à former des juge-
mens & des foupçons témé-
raires, vous ferez, toujours
I06 Le Combat Spirituel,
en grand danger de périr.
5 . Si vous vous fentez le cœur
rempli de délices & de confo-
lations fpirituelles , n'en n'ayez
pas en vous-mé.nie de fecret-
tes compîaifances ; ne vous
imaginez pas être arrivé au
comblé de la perfection , ni
que l'ennemi foit hors d'état
de vous nuire , parce qu'il vous
femble n'avoir plus pour lui
que du mépris , de Taveriion
6c de l'horreur. AiTurtz-vons
que (ans une extrême circonf-
peclion , vous aurez bien de
la peine à vous empêcher de
tomber.
Venons maintenant à ce qui
regarde le tems de la tenta-
tion. Il faut voir d'abord Ci la
caufe d'où elle procède , ertln-
térieure ou extérieure.
Par la caufe extérieure , j'en-
tens la curiofité , foit des yeux ,
foit des oreilles, fur des chofes
peu honnêtes , la délieatelTe ,
Chapitre XIX. 107
êc le luxe des habits; les ami-
tiés trop naturelles , des con-
verfations trop libres. On re-
médie à ce mal par la pudeur &
la modeftie qui tient les yeux
Se les oreilles fermées aux ob-
jets capables de fouiller l'ima-
gination ; mais le fouverain re-
mède eft la fuite , ainiî que
nous avons dit.
La caufe intérieure vient
d'un excès d'embonpoint , ou
d'une foule de penfées mau-
vaifes , qui font les effets de
nos méchantes habitudes , ou
de la fuggeftion du démon.
Le corps accoutumé à la bon-
ne chère & à la mollefie , doit
être mortifié par les jeûnes >
par les difeiplines > par les cili-
ces f par les veilles , 6k par
toutes fortes d'auftérités , fans
néanmoins pafler les borne- de
la diferétion ni de l'obéiiTance.
Pour le regard des penfées
impures, de quelque principe
loS Le Combat Spirituel,
qu'elles viennent , on peut s'en
défaire, i . Par une férieufe ap-
plication aux exercices propres
de fon état. 2.. Par l'oraifon £c
la méditation.
L'Oraifon fe fera en cette
manière. Dès que ces fortes de
penfees vous viendront dans
Tefprit , cv que vous commen-
cerez à en fentir l'impreflion ;
recueillez-vous en vous-même ,
& vous adreffant à Jésus cru-
cidé , dites-lui : O mon doux
Jésus, hâtez- vous de venir à
mon fecours, de crainte que je
ne tombe entre les mains de
mes ennemis! Quelquefois em-
b raflant la Croix où Jésus eft
attaché , baifez mille fois les
plaies facrées de fes pieds, &
dites avec confiance & avec
amour : O plaies adorables ,
ô plaies infiniment faintes ,
imprimez votre figure dans
mon cœur , dans ce cœur fi
plein d'abominations, & pré-
Ck apit reXTX. 109
fervez - moi du péché !
Pour ce qui eft de la mé-
ditation : je ne vous confeiile
pas, lorfquela tentation vous
preile & vous tourmente le
plus , de faire ce que quelques
livres enfeignent pour donner
de l'horreur de l'impureté :
de coniidérer, par exemple,
que ce vice eft très-honteux ,
qu'il eft infatiable , qu'il traîne
après foi une infinité de dé-
goûts , de déplaiiirs , de cha-
grins , & quelquefois même
la perte des biens , de îa faute
de la vie & de l'honneur , &c.
Laraifon eft que ces fortes de
conlidérations ne font pas de
trop bons moyens pour nous
tirer du péril; mais que fou-
vent elles ne font que nous y
engager davantage : parce
que li d'un côté l'entende-
ment chatte les penf.'es mau-
vaifes, il les rappelle de l'au-
tre & met toujours la volonté
1 10 Le Combat Spirituel 0
en danger d'y confentir
Ainfi la voie la plus s.ûre
pour nous en défaire, eft d'é-
loigner de notre penfée non-
feulement les objets impurs ,
mais même ceux qui leur font
contraires , parce qu'en nous
efforçant de les diflîper par
ceux qui leur font contraires ,
nous y penfons malgré nous ,
& en eonfervons les images.
Contentez-vous donc de médi-
ter fur la Vie & fur la PaflTion
de N. S. & fi durant cefaint
exercice , les mêmes penfées
vous reviennent, li elles vous
font plus de peines qu'aupara-
vant , comme cela peut arri-
ver , ne vous découragez pas ,
ni ne quittez pas la méditation ;
bien loin de faire de grands
efforts pour les châtier , mépri-
fez les comme venant du dé-
'mon , 6c non pas de vous ; con-
tinuez feulement à méditer
avec toute l'attention poffibte
Chapi treXÏX. ni
fur la mort de votre Sauveur ,
parce qu'il n'eft tien de plus
puiflant pour repouffer î'efprit
immonde, quand même i! feroic
déterminé à vous faire éter-
nellement la guerre.
Vous finirez votre médita-
tion par cette prière , ou par
quelqu 'autre femblable.Omon
Créateur .& monRédempteur,
délivrez-moi de mes ennemis 9
par votre infinie bonté & par
les mérires de votre fainte
paillon : mais fouvenez-vons ,
en difant cela , de ne point
penfer au vice , dont vous
eflayez de vous défendre ,
parce que la moindre idée en
eft dangeieufe. Sur-tout pre-
nez garde de ne point perdre
de tems à difputer avec vous-
même , pour fa voir il vous
avez confenti ou non à la ten-
tation; car cette forte d'exa-
men eft une invention de l'en-
nemi , qui , fous prétexte d'un
112 Le Combat Spirituel,
bien apparent , d'une obliga-
tion chimérique , veut vous
donner de l'inquiétude , ou qui
efpere du moins de vous faire
prendre quelque plailir à ces
images impures, dont il vous
occupe Tefprit.
Lors donc qu'il ne paroît
pas clairement que vous ayez
co'nfenti au mal 9 il vous doit
fuffire de déclarer en peu de
mots à votre Père fpirituel
tout ce que vous en favez ; &:
félon ce qu'il vous dira , tenez-
vous l'efprit en repos , & n'y
penfezplus; mais découvrez-
lui fidèlement tout le fond de
votre cceur , fans que jamais
vousîui cachiez rien , ni par une
mauvaife honte , ni par quel-
qu'aqrre raifon que ce foit.Car
fi l'humilité vousett néceiTaire
pourvaincre généralementtous
vos ennemis , combien devez-
vous en avoir befoin pour vous
délivrer de ce vice, qui eft pref-
que
Chapitre XIX. 113
que toujours un châtiment de
l'orgueil !
Enfin, quand la tentation
eft paflee , voici ce que vous
avez à faire : quoique vous
jouifliez d'une grande paix ,
&_que vous croyiez être en
aiiurance, fuyez néanmoins,
tant que vous pourrez , les ob-
jets qui ont fait naître la ten-
tation , & ne foufTrez point
qu'ils entrent dans votre ef-
prit s fous quelque couleur que
ce foit 9 ou de vertu , ou d'un
bien imaginaire que vous pré-
tendez en tirer. Car ces fortes
de prétextes font des trompe-
ries de la nature corrompue, &:
des pièges du démon , qui con-
trefait l'Ange de lumière , pour
vous entraîner avec lui dans les
ténèbres extérieures , qui font
celles de l'enfer.
Q
H
II4 Le Combat Spirituel ,
Chapitre XX.
De la manier e de combattre le
vice de laparejfe.
L importe extrêmement de
faire la guerre à la pareffe ,
parce que ce vice non- feule-
ment nous d étourne du chemin
de la perfection , mais nous
livre , pour ainfi parler , en-
tre les mains des ennemis de
notre falut. Si vous voulezdonc
le combattre tout de bon ,
commencez par fuir toutes for-
tes de curiolltés ck de vains
amufemens, détachez votre
aife&ion des chofes du mon-
de , quittez toutes les occupa-
tions qui ne conviennent pas k
votre état. Tâchez enfuite d'ê*
tre diligent à répondre aux ins-
pirations du Ciel , à exécuter
les ordres de vos fupérieurs ,
6c à foire toutes chofes dans le
tems , & de la manière qu'ils
Chapitre XX. iif
le fouhaitent : ne différez pas
un feul moment à accomplie
ce qu'on vous ordonne^ forr-
gez que le premier retarde-
ment en attire un autre'; &
celui-ci un troifieme, & qu'on
recule toujours, parce que la
crainte de la peine s'augmente
de plus en plus , & que l'a-
mour du repos croît à mefure
qu'on en goûte la douceur.
Pe-là vient que lorfqu'il faut
travailler, on s'y met le plus
tard qu'on peut , ou qu'on s'en
difpenfe tout-à-fait , tant on a
d'arerlion «pour le travail.
Ainii l'habitude delà pareiTe
vient à fe former , 6c on a peine
à s'en défaire , à moins que Ja
honte d'avoir vécu dans une
extrême nonchalance, ne fa (Te
enrin prendre la réfoîution d'ê,-
tre à l'avenir plus laborieux &
plus diligent.
Mais remarquez que la pa-
refie eil un poifon qui fe ré-
Hi)
11(5 Le Combat Spirituel ,
pand dans toutes les puifiancss
de lame , qui n'infecte pas feu-
lement la volonté , en lui fai-
f an t haïr le travail, mais l'en-
tendement , en l'aveuglant de
telle forte , qu'il ne voit pas que
les réfoïutions des parefleux
font , pour la plupart , fans ef-
fet , &:que ce qu'ils devroient
faire fur l'heure , ils ne le font
point du tout , ou le remettent
à un autre tems.
Remarquez de plus qu*il ne
fnffit pas de faire vite & fans
délai ce qu'on a à faire , mais
qu'il faut choifir le tems que la
nature de l'action demande ; 6c
quand on l'a fait, y apporter
un extrême foin pour lui don-
ner toute la fatisfaction dont
elle eft capable : car enfin , ce
n'ëft pas la marque d'une véri-
table diligence , mais d'une pa-
rère fine & artificieufe , que
«le faire avec précipitation le
fhofes dont on eft chargé , fan*
Chapitre XX. T17
fe mettre en peine qu'elles
foient bien faites , pourvu que
l'on en foit quitte au plutôt,
&que l'on ait plus de tems à
fe repofec. Ce déibrcire vient,
de ce qu'on ne confidere pas
allez de quel prix eft une bon-
ne œuvre , lorfqu'on !a fait en
fon tems , & qu'on pafle par-
defius toutes les difficultés que
la parefle oppofe à ceux qui
commencent de faire la guerre
à leurs vices.
Contîdérez donc fouvewt
qu'une feule afpiration, qu'une
oraifon jaculatoire, qu'une gé-
nuflexion i que la moindre mar-
que de refpeft pour la Majefté
Divine , eft quelque chofe de
plus eftimable que tous les trê-
fors de la terre j & qu'à chaque
fois qu'un homme fe mortifie
en quelque chofe , les Anges
du ciel lui apportent une cou-
ronne pour récompenfe de !a
vi&oire qu'il a gagnée fur lui-
Hiij
2 ïS Le Combat Spirituel ,
même. Songez au contraire ,
que Dieu ôte peu à peu fes grâ-
ces aux tièdes qui les négli-
gent , &: qu'il en comble les
tervens qui en profitent-, afin
qu'un jour ces* fidèles fervi-
teurs puijfent entrer dans la joie
de leur Seigneur.
Mais ii au commencement
vous ne vous fentez pasaficz
de force pour fupporter tous
les travaux & toutes les peines
quife préientent dans la voie
de la perfe&ion , il faut que
vous ayez l'adiefle de vous les
cacher à vous-même de forte
que vous les trouviez béas-
coup moindres que les paref-
f'eux nefe les figurent. Si donc
il eft nécelTaire pour acquérir
une vertu , que vous en fafilez
beaucoup d'actes, que vous
vous y exerciez durant plu-
fieurs jours, que vous combat-
tiez contre un grand nombre
* ftjAttk, Z5 i **♦
Chapitre XX. 119
d'ennemis puiflans qui traver-
fent vos bons deiTeins , com-
mencez à former ces a&es ,
comme il vous en aviez peu à
faire ; travaillez comme (1 vo-
tre travail ne devoir pas durer
long-tems ; attaquez vos enne-
mis l'un après l'autre , comme
fi vous n'en aviez qu'un feul à
combattre &z l'oyez sûr qu'a-
vec la gi ace de Dieu vous ferez
plus fort qu'eux tous: vous par*
viendrez par ce moyen à vous
délivrer du vice de la parelle,
& à acquérir la vertu contraire,
Pratiquez la même choie dan3
l'oraiibn. Si votre oraifon doit
durer une heure , & que ce
tems vous paroifle long , pro-
pofez- vous feulement de prier
un demi-quart-d'heure , & de
ce demi quart- d'heure en pai-
fant à un autre, il ne vous
fera pas difficile de remplir
enrin l'heure toute entière. Que
fi au fécond ou au troifieme
Hiv
IîO Le Combat Spirituel*
demi-quart-d'heure , vous Ten-
tez une trop grande répugnan-
ce à la prière , n'allez pas juf-
qu'à vous en dégoûter tout à
fait ; mais difcontinuezun peu
ce faint exercice , & l'interrup-
tion ne vous nuira point , pour-
vu que vous le repreniez peu
de tems après. Ufez-en de mê-
me à l'égard des œuvres exté-
rieures & du travail corporel.
S'il vous femblé que vous ayez
trop de chofes ou des chofes
trop difficiles à faire, & que par
un excès de lâcheté , vous en
reiTentiez du chagrin, commet
cez toujours par la première ,
fans fongeraux autres ; appli-
quez-vous-y avec tout le foin
poffible ; car en faifant bien
celle-là , il n'y en aura aucune
dontvous ne veniez à boutavec
moins de peines que vous ne
croyez. Allez ainli au-devant
des difficultés qui fe rencon-
trent , & ne fuyez jamais le tra-
ChapitreXX. 121
vail , craignez feulement que
la pareffe nes'augmenteenvous
jufqu'à vous rendre infuppor-
tables les peines qui accompa-
gnent les premiers exercices
de la vertu , & qu'avant même
qu'elles viennent , vous n'en
conceviez de l'horreur.
C'eft ce qui arrive aux âmes
lâches &: timides , car elles ap-
préhendent toujours l'ennemi,
quelque foible Se quelque éloi-
gné qu'il foit ; elles s'imagi-
nent qu'on va à toute heure
leur commander des chofes fà-
cheufes , & ces vaines crain-
tes leur caufent du trouble au
milieu même de leur repos ;
fâchez donc qu'il y a dans ce
vice un poifon caché , qui non-
feulement étouffe les premiè-
res femences de vertus, mais
qui détruit même les vertus
déjà formées. Sachez que ce
que le ver rait dans le bois ,
il le fait dans la vie fpirituelle ,
122 Le Combat Spirituel,,
&: que c'eft par lui que le dé-
mon a coutume de faire tom-
ber dans fes pièges la plupart
des hommes, principalement:
de ceux quiafpirent à la per-
fection.
Veillez fur vous - même ,
adonnez - vous à l'oraifonôc
aux bonnes oeuvres ; n'atten-
dez pas à vous faire une robe
nuptiale , lorfqu'il voudra que
vous en foyez revêtu , pour al-
ler au-devant du divm Epoux.
Souvenez-vous chaque jour ,
que celui qui a daigné vous
conferver jufqu'au matin , ne
vous promet pas de vous faire
vivre jufqu'au foir, & que s'il
a eu fa bonté de vous confer-
ver jufqu'au foir , il ne vous
aiTure pas que vous vivrez juf-
qu'au lendemain. Employez
donc faintement chaque heure
du jour comme fi c'etoit la
dernière : ne penfez qu'à plaire
à. Dieu , ôc craignez toujours
Chapitre XX. 123
ce compte ii rigoureux qu'il
faut lui rendre de tous les mo*
mens de notre vie.
Je n'ai plus qu'un mot à vous
cl ire. Quoique vous ayez beau-
coup travaillé , que vous ayez
expédié bien des aiiaires ,
croyez néanmoins que la jour-
née eft perdue pour vous , qu,e
toutes vos peines font inutiles,
ii vous n'avez pu remporter
plulieurs victoires fur vospaf-
iions , & fur votre propre vo-
lonté ; fi vous avez négligé de
remercier Dieu de fes dons ,
& particulièrement de la grâce
qu'il vous a faite de mourir pour
vous ; iî vous n'avez pas reçu
comme des faveurs les châti-
mens que ce Père infiniment
bon vous a envoyés pour l'ex-
piation de vos crimes.
I?4 Le Combct* Spirituel,
■ i . m
Chapitre XXI.
J)u bon ufagt des fens exté-
rieurs , & comment on peut les
faire fer vir à la contemplation
des chefs divines.
"\
J?N ne peut , fans un grand
foin & une application conti-
nuelle , régler comme iî faut
les fens extérieurs , parce que
l'appétit feiïfitif > d'où naiiTent
tous les mouvemens de la na-
ture corrompue, aime ëper-
dument le plaifir ; & , comme il
ne peut de lui-même le fatis-
faire , il emploie les fens pour
attirer à foi leurs objets , dont
il fait paiTer les ufages jufqu'à
î'efprit.C-efl: de-là que vient le
plaifir fenfuel, qui, parla com-
munication qu'ont entr'eux
l'efprit & la chair , s'étant ré-
pandu d'abord dans tous les
fens qui en font capables, in-
re&e enfuite comme un mal
Chapit ré XXI. 125*
contagieux les ptiiiTances fpi-
rituelles , & corrompe enrin
l'homme tout entier.
Voici les remèdes qu'on peut
apporter à un ii grand mal.
Ne donnez point trop de li-
berté à vos fens , ne vous en
fervez jamais que pour une
bonne rln , pour quelque chofe
d'utile ou de néeeiiaire, &non
pour la volupté; que s'ils s'é-
chappent fans que vous vous
en apperceviez, s'ils pafTentles
bornes que la raifon leur pref-
crit , ayez foin de les ramener
au plutôt ; réglez-les de telle
forte , qu'au lieu qu'ils avoient
accoutumé de s'attacher à de
vains objets, pour y trouver
quelques faux plaiiirs, ils s'ac-
coutument à tirer des mêmes
objets de grands feconrspour
le falut & la perfection de l'a-
me, & que l'ame fe recueil-
lant-en elle-même , s'élève en-
fuite par la coniioiflance des
126 Le Combat Spirituel 9
chofes créées à la contempla-
tion des grandeurs de Dieu :
ce qui fe peut pratiquer en
cette manière.
Lorfqu'un objet agréable fe
pré fente à un de vos fens, ne re-
gardez pas ce qu'il y a de ma-
tériel, mais conlîdérez-leavec
les yeux de l'efprit , & fi vous
y appercevez quelque chofe
qui flatte vos fens , fongez qu'il
ne le tient pas de lui-même ,
mais qu'il l'a reçu d e Dieu ; que
c'eftDieuqai d'une main invi-
fible l'a créé , Se qui lui donns?
tout ce que vous y admirez de
beau & de bon. Après cela re-
jouiflez-vous de voir que cet
Etre fouverain & indépendaut
eft le feul auteur de tant de
rares qualités qui vous char»-
ment dans les créatures , qu'il
les contient toutes éminem-
ment, & que la plus excellente
n'a rien qui approche de fes
perfe&ions intimes.
Chapitre XXI. 127
Lorfque vous vous arrêtez à
contempler quelque bel ou-
vrage du Créateur , fouvenez-
vous que de foi-même il rreft
rien, penfez à l'ouvrier quijl'a
fait , mettez en lui feul toute
votre joie , &. dites-lui : O
mon Dieu, ô l'objet de tout
mes defirs, ô mon unique bon-
heur , que j'ai de joie quand je
confidere que tout ce qu'il y a
de perre&ions dans les créa-
tures , n'eft que l'image des
yôtres , Se que vOus en êtes la
fource î
Lorfque vous voyez des ar-
bres , des plantes , des fleurs ,
ou d'autres chofes femblables,
fongez que la vie qu'elles ont
ne vient pas d'elles , mais de
cet efprit tout-puiffant qu'on
ne voit point , qui féal les Fait
vivre , auquel vous direz : O
Dieu vivant , ô toute la joie de
moname, ô vie fouveraine ,
c'eli de vous, c'efc en vous &
128 Le Combat Spirituel',
c'eft par vous que tout vit &:
croit fur terre.
En voyant des animaux, éle-
vez aufii votre efprit & votre
cœur à celui qui leur donne le
fentiment & le mouvement ;
dites-lui avec refpeâ: et avec
amour: Grand Dieu, qui re-
muez toutes chofes dans le
monde , & qui demeurez ton-
jours immobile , je me réjouis
de ce que vous êtes éternelle-
ment dans le même état , fans
pouvoir fouffrir aucun change-
ment !
Quand vous vous fentez épris
de la beauté des créatures , fé-
parez incontinent ce que vous
voyez de ce que vous ne voyez
pas , laiiTez le corps & atta-
chez-vous à frefprit ; coniiderez
que tout ce quiparoit de beau
à vos yeux vient d'un principe
invifible , qui elt la beauté in-
créée. Dites en vous-même :
-Voilà des petits ruiiîeaux de
cette
Chapitre XXL 12$
cette fourceinépuifable, de cet
océan immenfe d'où découle
une infinité de biens. O que
mon ame refient de plaiiirs ,
lorfquejepenfe à cette beauté
éternelle , qui eft la caufe de
toute beauté créée!
Quand vous voyez une per-
fonne douée de fa g e fie , de juf-
tice , de bonté ou de quelque
autre vertu , distinguez pareil-
lement ce qu'elle a de foi d'a-
vec ce qu'elle a reçu du ciel ,
& dites à Dieu : O Dieu des
vertus, je ne puis vous expri-
mer le contentement que j'ai ,
quand je confidere qu'il n'eff.
aucun bien qui ne procède de
vous, & que toutes les perfec-
tions des créatures ne font rien
en comparaifon des vôtres ! Je
vous rends mille actions de grâ-
ces , Seigneur, pour ce bien
& généralement pour tous les
biens que vous avez faits à mon
prochain 6c à moi. Ayez pitié
J^oLe Combat Spirituel 9
de ma pauvreté, fouvenez-vous
iqne j'ai grand befoin d'une
telle & d'une teile vertu qui
me manque.
Lorfque vous faites quelque
bonne action, penfez que c'eft
Dieu qui en eft la première
caui'e , %c que vous n'êtes que
rinitrument dont il fe fert pour
agir; élevez les yeux vers lui ,
en difanr : O fouverain Maître
du monde , c'eft avec une ex-
trême joie que je reconnois
que fans vous je ne puis rien ,
Ôc que vous êtes le premier &
le principal ouvrier de toutes
chofes!
Quand vous mangez quel-
que viande que vous aimez ,
faites ces réflexions, qu'il n'y
a que le Créateur capable de
lui donner ce goût que vous y
trouvez , & qui vous paroit fi
agréable ; mettez en lui feul
toutes vos délices , & dites-
vous à, vous • même : O mon
Ch APiT reXXI. 131
ame , réjouis-toi de voir que
comme il n'y a point de folide
contentement hors de Dieu,
aufîi trouve-t-on en Diea un
parfait bonheur!
Lorfque vous fentez quelque
douce odeur, gardez-vous bien
de vous attacher au plaifir que
vous y prenez ; montez en ef-
prit au Ciel , ck , perfuadé que
c'eft Dieu qui elt la caufe de
cette odeur, réjouiflez-vous-
en avec lui , priez-le qu'étant
]e principe de toute douceur,
il falTeen forte que votre ame ,
dégagée des plailirs fenfuels ,
n'ait rien qui l'empêche de
s'élever jufqu'à lui comme la
fumée d'un agréable parfum.
Enfin , quand vous entendez
quelque beau concert, penfez
à Dieu, &. dites-lui : O mon
Dieu , j'ai le cœur comblé de
joie , lorfque je longe à vos
divines perfections, qui, jointes
enfemble 3 font une excellente
t^2 Le Combat Spirituel,
harmonie , non-feu!ement dans
vous même, mais clans les An-
ges , dans les deux , & dans
toutes les créatures !
Chapitre 'XXII.
Commemles chofes fenfiblesnous
aident à méditer fur les Myjlè-
res de la Vie & de La Pajfion
de Notre- Seigneur.
E vous ai montré comment
on peut s'élever delà «onlidé-
ration des chofes fenfibles à la
contemplation des grandeurs
de Dieu ; apprenez maintenant
à vous fervir de ces mêmes
chofes pour vous remettre dans
l'efnnt les (acres myrreres dé la
Vie Se delà Paftion de notre
Seigneur. îl n'y a rien dans i'u-
mvers qui ne ioit propre a vous
en rafraîchir la mémoire.
Confidércz donc première-
ment que Dieu ,ainfi que nous
avons dit, eft le principe de
Chapitre XXII. 133
toutes chofes ; que c'eft lui qui
a donné aux créatures , même
lesplusnobles, l'être, la beauté
& toutes les perfe&ions qu'exi-
les ont. Admirez entuite l'infi-
nie bonté de ce ibuverain Maî-
tre du monde, qui a daigné s'a-
baiffer jufqu'à fe faire homme ,
ik à fouffrir une mort honteufe
pour voue falut, en permettant
que fes propres créatures conf-
piraffent contre lui, pour le
crucifier. Mais" fi vous voulez
venir au détail de fes travaux &
de Tes foufTrances 5 de quelque
coté que vous vous tourniez ,
vous en verrez des figures.
Si, par exemple , vous voyez
des armes, des fouets, des cor-
des , des épines , des roieaux ,
àcs clous , des marteaux , vous
vous repréfenterez ceux qui fu-
rent les inftrumens de fa paflion
&: de fa mort. Une maifon pau-
vre vous ferapenfer à TÈtable
& à la Crèche où il naquit. La
nu
134 Le Combat Spirituel,
plaie qui tombe du Ciel &c qui
îeTepaud fur la terre, vous re-
mettra en mémoire les ruif-
■feaux de fang dont il arrofa le
Jardin des Olives. Toutes les
pierres vous feront autant d'i-
mages de celles oui fe fendi-
rent à fa mort. En regardant ,
ou le Soleil , ou la Terre , vous
fonderez que quand i! mourut ;
îa Terre trembla , êe h Soleil
s'obicurcit. En voyant de l'eau,
vous vous ion viendrez de celle
qui coula de fon cote , &z ainii
de mille autres chofes qui fe
préfenteront à vos yeux.
Si vous buvez du vin ou de
cjuelqu'autre liqueur , propo-
fez-vous le vinaigre & le tiei
dodt cet aimable Sauveur fut
abreuvé par fes ennemis. Si
vous prenez trop de plailir à
î odeur de quelque parfum ,
ik>;urez-vous la puanteur des
corns morts qu'il fentit fur le
Calvaire. En vous habillant ,
Ch apure XXII. 1353
coniklérez qu'étant Fils de
Dieu, il s'en: revêtu de notre
chair pour nous revêtir de fa
divinité. En vous deshabillant ,
imaginez vousle voir dépouille
ck tout nud entre les mains des
bourreaux, prêt à être fouetté
& attaché à une croix pour
l'amour de vous. Quand vous
entendez quelque bruit con-
fus , croyez entendre ces cris
effroyables d'une populace mu-
tinée contre fon Seigneur ;
Oic\ - le du monde , 6te\-U du
monde : crucifie^- le , crucifie^-le.
Toutes les fois que l'horloge
fonneia, penfez à ce batte-
ment de cœur que Jefus ientit
dans le jardin , lorfqu'i! fut faifi
d'une mortelle frayeur à la vue
des cruels tourmens qu'on lui
préparoit ; ou bien fongez aux
coups de marteaux que les
foldats lui donnèrent en le
clouant à la croix. Enfin , quel-
ques peines 6c quelques dou-
I iv
1^6 Le Combat Spirituel,
leurs que vous enduriez ou que
vous voyiez endurer aux au-
tres, tenez pour certain qu'el-
les ne font rien en comparaifoà
cie celles que votre Sauveur
fou ffrit & dans le corps & dans
l'âme , durant tout le cours de
fa Pafîion.
Ch apitre XX ïl I.
De quelques autres moyens de
faire dans les rencontres un
bon ufage des fens extérieurs»
jTSLPrès vous avoir montré
comment on doit élever fon ef-
pjrit des chofes fenfibles aux
chofès de Dieu &aux Myftères
de la vie de Jefus-Chrift, je
veux encore vous enfeigner
d'autres moyens d'en tirer di-
vers fujets de méditations , afin
que comme lesgoûts font diffé-
rons, chacun trouve ici de quoi
fatisfaire fa dévotion : ce qui
fera d'une grande utilité , non-
ChapitreXXIII. 137
feulement anx perfonnes fim-
ples, mais même aux plus fpi-
rituelles, qui ne vont pas routes
par la même voie à la perfec-
tion, qui ne fuivent pas la mê-
me conduite , & qui ne font pas
également nées pour les plus
hautes fpéculations. Au refte ,
ne craignez point que cette
grande diverfité de pratique
vou-jcaufe de l'embarras & du
trouble ; tâchez feulement d'en
ufer avec difcrérïon;,confuîtez
quelque fage directeur ; aban-
donnez-vous entre fes mains
avecbeaucoup d'humilité & de
confiance , non-feulement pour
ce qui regarde ce que je vais
dire, mais pour tout ce que je
dirai dans la fuite.
Lors donc que vous jeterez
les yeux fur des chofes qui
vous plaifent , & dont on fait
cas dans le monde , perfuadez-
vous que de foi elles font viles
comme la boue , qu'elles ne
t
138 Le Combat Spirituel ,
font rien en comparaifon des
biens du Ciel , où vous devez
afpirer fans cette , en foulant
aux pieds tout le refte.
Quand vous regardez le So-
leil , fongez que votre ame or-
née de la grâce eft beaucoup
plus belle & plus lumineufe
que tous les aftres enfemble ,
éc que fans la grâce elle eft
lus noire & plus affreufe que
es ténèbres de l'enfer. En
confi cerant le Ciel qui eft au-
deiTus de vous, montez en ef-
prit jufqu'à TEmpirée, & de-
meurez-y comme dans le lieu
où vous régnerez à jamais , ii
vous vivez innocemment &
faintement fur la terre.
Quand, vous entendez chan-
ter les oifi\aux , fouvenez-vous
du paradis , où l'on ne celle de
chanter à Dieu des Cantiques
de louange : priez en même-
tems le Seigneur qu'il vous
rende digne de le louer éter-
Chapitre XXIII. 139
nellement en la compagnie des
Efprits céleftes.
Lorfque la beauté des créa-
tures vous charme , figurez-
vous le ferpent infernal, qui,
caché fous ces dehors éclatans ,
tâche de vous mordre & de
vous.oter la vie de la grâce.
Dites-lui avec une fainte indi-
gnation : Va, maudit ferpent,
c'eft en vain que tu te caches
pour me nuire. Puis , en vous
tournant versDieu. Soyez bé-
ni , lui direz-vous t de ce qu'il
vous a plu me découvrir mon
ennemi , & me fauver de fes
embûches. Après cela retirez-
vous dans les plaies de votre
Sauveur , comme en un afyle
afïuré : occupez-y votre efprit
des douleurs inconcevables
qu'il a fouffert dans fe chair
facrée , pour vous garantir du
péché , &c pour vous downer
de l'horreur des plaifirs fen-
fuels.
140 Le Combat Spirituel,
Voici encore un moyen de
fuir les attraits des beautés
créés , c'eft de penfer quels fe-
ront après la mort ces objets
qui vous paroiflcnt maintenant
ii beaux. Quand vous marchez,
prenez garde qu'à chaque pas
que vous faites , vous vous ap-
prochez de la mort. Le vol
d'un oifeau , le cours d'un fleu-
ve impétueux, vous avertie
que vos jours s'écoulent encore
plus vite. Un tourbillon qui
renverfe tout, un tonnerre qui
fait tout trembler vous repré-
fentent le jourerïroyableduju-
gement,& fembîentvous dire
qu'il faut fléchir le genou de-
vant votre Juge , qu'il faut l'a-
dorer & le prier humblement
qu'il vous aide à vous préparer
de bonne heure pour paroitre
devant lui avec aiïurance.
Mais fi vons voulez profiter
d'une infîniré cl'accidens,à quoi
cette vie eft fujette, voici ce
Chapitre XXIII. 141
que je vousconfeille de faire.
S'il arrive , par exemple , que
vous Tourniez du chaud , ou du
froid , ou quelque fembîable
incommodité ; que vous vous
trouviez accablé de douleur ou
de trille fle ; envifagez Tordre
immuable de la Providence di-
vine , qui a voulu , pour votre
bien, que vous endurafïiezpré-
fentement cette peine , & qui
fait la proportionner à vos for-
ces. Par ce moyen vous recon-
noîtrez avec joie l'amour ten-
dre & paternel que le Sei-
gneur a pour vous , & vous en
avez une preuve bien feniible
dansl'occalion qu'il vous don-
ne de le fervir de la manière
qu'il lui eft la plus agréable.
Vous voyant donc en état de
lai plaire plus que jamais , vous
direz : C'eft maintenant que
s'accomplit en moi la volonté
de celui, qui par fa miféricorde
a ordonné avant tous les fiecles
142 Le Conihat Spirituel ,
que je fouffrifle aujourd'hui
cette mortification. Qu'il en
foit éternellement béni. Quand
il vous vient quelque bonne
penfée , croyez fermement que
c'eft de Dieu qu'elle vient ,
& rendez-en de trèî-hnmbles
adions de grâce à ce Père des
lumières. Quand vous lifez
quelque livre de pieté , imagi-
nez-vous que c'eft l'Efprit Saint
qui vous parle , <k que c'eft lui-
même qui l'a compofe.
Quand vous regardez la
Croix , confidérez-la comme
l'étendard de Jefus-Chrift ,
votre Capitaine , & fâchez
que pour peu que vous vous
en éloigniez , vous tomberez
entre les mains de vos plus
cruels ennemis : au lieu que- fi
vous le fuîvez, vous vous ren-
dez digne d'entrer un jour la
palme à la main & en triom-
phe , dans le Ciel.
Quand vous voyez une image
Chapitre XX III. 143
de la fainte Vierge , offrez vo-
tre cœur à cette Mère de mi*
féricorde;témoignez-lui votre
joie de ce qu'elle a toujours
accompli avec une diligence 6c
une fidélité extrême la divine
volonté , de ce qu'elle a mis au
monde votre Sauveur, & l'a
nourri de fon lait; enfin, re-
merciez-la du fccours qu'elle
donne à ceux qui l'invoquent
dans les combats contre le dé-
mon. Toutes les images de3
Saints vous feront reflbu venir
des généreux foldats de Jefus-
Chrift, qui, en combattant vail-
lamment jufqu'à la mort, vous
ont frayé le chemin que vous
deviez fuivre pour arriver à la
gloire.
En quelque terns que vous
entendiez fonner la cloche ,
pour dire trois fois la faluta-
tion Angélique , vous pouvez
faire quelque forte de médita-
tion ou de réflexion fur les pa-
Ï44 Le Combat Spirituel,
rôles qui fe difent avant chaque
Ave , Maria . A u premier coup,
remerciez Dieu de la célèbre
ambaflade qu'il envoya à Ma-
rie , & qui fut le commence-
ment de l'ouvrage de notre ré-
demption. Au fécond , réjouif-
fez- vous avec Marie de la haute
dignité où Dieu l'éleva en ré-
compenfe de fa très-profonde
humilité. Au troifieme adorez
le Verbe nouvellement incar-
né, &: rendez en même tems
à fa bienheureufe-Mere , & à
l'Archange S. Gabriel , l'hon-
neur qu'ils méritent. A chaque
coup il eft bon de faire une in-
clination de tête , pour mar-
que de révérence , Se particu-
lièrement au dernier.
Tous ces aftes fe pratique-
ront également en tous tems.
Mais en voici d'autres plus
propres à certaines heures du
jour , au foir , au matin & à
midi , & qui regardent le Myf-
tère
Chapitre XXIII. i.i;
tère de la Pa filon de N.S, Car
nous femmes obligés de penfef
fou vent au- cruel martyre que
la Vierge fou fFai' alors , & ce
ferbit une étrange ingratitude
lî nous y marquions.
Au foir, représentez- vous
la douleur qu'elle reilentit de
la fueur de fang , & de la prife
de Jefus dans le Jardin des
Olives, & de fes peines inté-
rieures duranttoute cette nuit.
Au matin, compatiïTez à fori
affliction de voir ce cher Fils1
que l'on côp'duifoic ignomi-
nieufement à Pilate & à Ké-
rode , que l'on condamnoft à
mort, _& que l'on forçoit de
porter lui-même fa croix , en
allant au lieu du fupplice. A
midi, figurez-vous le glaive
de douleur qui perça l'ame de
cette Mère affligée , lorfqu'à
fcs yeux on le Crucifia , & qu'il
mourut; & que même après fa
mort , on lui ouvrit le côté
avec une lance. K
1^.6 Le .Cam&àt Spirittlet*
Vous pourrez faite ces pieu-
fes réflexions fur les douleurs
de la fainte Vierge , depuis le
jeudi au foir jufqu'au famedi
fuivant à midi ; & les autres
vous le ferez en d'autres jours»
Suivez cependant votre dévo-
tion particulière , félon que
tous vous fentirez ému par les
objets extérieurs.
Enfin, pour vous dire en peu
de mots comment vous devez
ufer de vos fens , tâchez de les
gouverner ; de forte que vous
ne donniez jamais entrée dans
votre cœur , ni à l'amour, ni à
l'averfion naturelle deschofes
qui fe préfentent?mais que vous
régliez toutes vos inclinations
fur la volonté divine,nrembraf-
fant & ne rejetant que ce que
Dieu veut que vous embraf-
îiez , & que vous rejetiez.
Remarquez au refte , qu'à
l'égard de ce grand nombre de
pratiques différentes que je
Chapitre XXIII.147
■viens de vous donner pour le
règlement de vos iens , mon
dellein n'eft pas de vous obli-
ger d'en faire votre principale
occupation. Car vous devez
prefque toujours être recueilli
en vous même , & demeurer
attaché à Dieu : vous devez
vous occuper intérieurement à
combattre vos inclinations vi-
cieufes,&: à produire beaucoup
d'a&es des vertus contraires^'
Je ne prétends donc autre cho-
fe , finon que vous vous en fer-
viez dans les rencontres où
vous en aurez befoin. Car ce
n'eft par le moyen d'avancer
beaucoup dans la fpiritualité ,
que de s'ailujettir àtant d'exer-
cices extérieurs,qui de foi font
bons; mais qui étant mal ména-
gés ,ne fervent qu'à embarraf-
ferl'efprit , à fomenter l'amour
propre , à entretenir l'inconf-
tance , &: à donner lieu aux
tentations du démon.
Kij
l^S Le Combat Spirituel ',
Chapitre XXIV.
De la manière de biengouverner
fa langue.
jLuk langue de l'homme a
grand befoin d'être retenue,
parce qu'on fe plait naturelle-
ment à parler des chofes qui
flattent les fens. L'intempé-
rance de la langue vient d'ordi-
naired'un certain orgueil , qui
fait que nous nous croyons
beaucoup plus intelligent que
nous ne fommes ; & qu'a .mi-
rant nos propres penfées, nous
les débitons avec complaifan-
ce; nous dominons dans la con-
verfation , & prétendons que
tout le monde nous écoute.
Il eft imponTole de compren-
dre en peu de paroles , tous les
maux qui naifîent de ce vice
dëjteftable. Ce qu'on en peut
dire en général ; c'efl: qu'il eft
*la caufe de l'oifiveté , qu'il
Chapitre XXIV. 149
marque beaucoup d'ignorance
&: de folie ; qu'il traire après .'
foi la médifance &lérhenfbn-
ge;ru'il ralentit la ferveur de la
dévotion ; qu'il fortifie les pàf-
fibns déréglées, & qu'il accou-
tume la largue a ne dire nie
des paroles vaines & oifeufes.'
Four le corriger , voici ce
que je vous confeille de faire.
Ne parlez point trop , ni de-
vant ceux qui ne vous écou-
tent pas volontiers, de crainte
de lesennuyer, ni devant ceux
qui prennent plaiiîr à vous
écouter , de peur que dans le
difcours il ne vous échappe
quelque chofe de mal à pro-
pos. Prenez garde à ne pas
parler trop haut , ni d'un ton
d'autorité ; car cela dépîait à
ceux qui l'entendent , & mon-
tre beaucoup de fuffifance &
depréfompt:on.
Ne pariez jamais de vous,
tii de vos parens , ni de ce que
K iij
IJO Le Combat Spirituel,
vous avez fait , à moins que la
néceflité ne vous y oblige j &
ïorfqu'il vous femb'e le devoir
faire , que ce foit en peu de
mots , avec une extrême rete-
nue. Que 11 vous trouvez un
homme qui parle beaucoup de
foi, ne Je méprifez pas pour
cela , mais gardez - vous bien
de l'imiter , quand même il ne
diroit rien qui ne dût fervir à ,
faire connoître fes fautes , &
à lui en donner de la confuiion.
Ne parlez que le moins que
vous pourrez du prochain &:
des c ho fes qui le regardent ,
fi ce n'eft que Poccafion fe pré-
fente d'en dire du bien. Parlez
volontiers de Dieu ; fur-tout
de fa charité pour les hommes,
mais dans la crainte de n'en
parler pas comme il faut, écou-
tez plutôt ce que les autres
vous en diront , & tâchez de
ne le point oublier.
Pour ce qui eft des difeours
Chapitre XXIV. iji
profanes , s'ils vont jufqu'à vos
oreilles , ne permettez pas
qu'ils entrent dans votre cœur
qui doit être tout entier à
Dieu ; mais au cas que vous
foyez obligé d'écouter celui
qui parle, afin de pouvoir lui
répondre, jetez toujours quel-
que œillade vers le Ciel , 011
votre Dieu règne ; & d'où cet-
te haute Majefté ne dédaigne
pas de regarder votre bafleiïè*
Examinez bien tout ce que
vous voulez dire , avant que
du cœur il pafie à la langue.
Apportez-y toute la circonf-
pe&ion.pofïibie ; parce qu'il
s'y trouvera toujours beau-
coup de chofes à. fupprimer ; Se
quand même vous auriez choiil
ce que vous croiriez devoir
dire , retranchez-en une par-
tie -, car vous trouverez encore
à la fin que vous n'en aurez que
trop dit.
Le fileace elr d'un grand fe-
Kir
1 5*2 Le Combat Sptritùe ! ,
coursons le Combat Spirituel;
6c ceux qui le gardent, peu-
vent fe promettre qu'ils rem-
porteront la victoire. Auflï
ont- ils d'ordinaire îa défiance
d'eux-mêmes, la confiance en
Dieu, beaucoup d'attraits pour
î'Oraifon , &: une grande faci-
lité pour tous les exercices de
vertu.
Afin de vous affectionner au
filence , confidérez les grands
biens qui en proviennent , &
let maux infinis quinailTent de
Tintempérance de la langue.
Je dis plus , fi vous voulez vous
accoutumer à parler peu , tai-
fèz-vous , lors même que vous
avez fujet de parler ; pourvu
que votre filence ne nuife nia
vous, ni au prochain. Fuyez
fur- tout les converfations pro-
fanes y préfère?, la compagnie
des Anges, des Saints, de Dieu
même à celle des hommes. En-
fin , fougezàla guerre que vous
Ch apitre XXV. iy?
avez entreprife , & à p;jfteau-
rez-vous.Ie temps de ré(pirer>
bien loin de p utfoïi vrou imu-
ferà dés entretiens inutiles.
Chapitre XXV.
Çwe kfoldatde Jefus-Chrijl ,
^z/i a réfolu de combattre & de
vaincre fes ennemis., doit évi-
ter , autant qu'il lui eft pojji-
ble , ce qui peut troubler la
paix de fon cœur,
JLiOrfque nous avons perdu
la paix du cœur, nous devons
mettre tout en œuvre pour la
recouvrer , mais quoi qu'il arri-
ve en ce monde , rien n'eft ca-
pable de nous la ravir , ni de la
troubler malgré nous. Il faut ,
à la vérité , que nous confer-
vions de la douleur de nos fau-
tes , mais cette douleur doit
être tranquille , modérée, com-
me je l'ai dit plufieurs fois. Il
faut de même que nous ayons
îy4 Le Combat Spirituel ,
compaiïiondes autres pécheurs;
& que durnoins intérieurement
nous gémiflions de leur perte ;
il faut au flî que notre com-
paflîon foit tendre, mais fans
chagrin & fans trouble } com-
me étant l'effet d'une charité
très-pure.
Pour ce qui regarde une in-
finité de maux auxquels nous
fommes fujetsen ce monde,tels
qne font les maladies , les
plaies, la mort , la perte de nos
amis & de nos proches , la
pefte, \§ guerre , les embrâfe-
mens , & plufieurs autres acci-
dens fâcheux , que les hommes
appréhendent comme contrai-
res à la nature, toujours enne-
mie des fouffrances ; nous pou-
vons , avec le fecours de la grâ-
ce non- feulement les accepter
de la main de Dieu , mais nous
en faire dç$ fujets de joie , en
les regardant oucommedes pu-
nitions falutaires pour les pé-
Chapitre XXV. i j j*
cheurs , ou comme des occa-
fions de mérite pour les Juftes.
Ces deux conlldérations font
que Dieu même prend plaiiir à
nous affliger; mais il eft cer-
tain que tant que notre volonté
fera foumife à la tienne , nous
demeurerons avec un efprit
tranquille au milieu des afflic-
tions les plus rudes. Sachez
au refte , que toute inquiétude
lui déplaît, parce que, de quel-
que nature qu'elle foit , elle
n'eltjam'ais fans quelque défaut,
6c vient toujours d'un mauvais
principe, qui eft l'amour - pro-
pre. Tâchez donc de prévenir
de loin ce qui peut vous in-
quiéter , & préparez-vous de
bonne heure à le fupporter
avec patience. Confidérez que
les mauxpréfens, quelque ter-
ribles qu'ils paroiffent , ne font
pas effectivement des maux ;
qu'ils ne fauroient nous priver
des biens véritables , que Dieu
i $6 Le Combat Spirituel ',
lés envoie , ou les permet pour
lesraifons que nous avons di-
tes, ou pour d'autres qui nous
font cachées, mais qui ne peu-
vent être que très-juftes.
Enconfervant de la forte un
efprit toujours égal parmi les
divers accidens de certe vie,
vous profiterez beaucoup : fans
cela vos exercices réuniront
mal , 6c vous n'en tirerez aucun
fruit. De plus , tant que vous
aurez l'efprit inquiet , vous de-
meurerez expofé aux infultes
de l'ennemi , fan? pouvoir con-
noitre quelle qCz la voie fùre 6c
le droit chemin de la vertu. Le
démon fait tous fes efforts pour
bannir la paix du cœur , parce
qu'il fait que Dieu demeure
dans la paix , & que c'efl: dans
la paix qu'il opère de grandes
ehofes. De-là vient qu'il n'eft
point de rufe dont il ne fe ferve
pour nous la ravir; & qu'afm
de nous furprendre > il fe con-
Chapitre XXV. 1 57
trefatt, il nous inipire des def-
feiris qui paroiiïent bons , mais
•qui font médians en effet, 6c
qu'on reconnoit à pluiieurs mar-
ques, fur-tout en ce qu'ils trou-
blent la paix intérieure.
Pour remédier à un mal fi
dangereux, lorfquë l'ennemi
s'efforce d'exciter en nous quel*
que mouvement , ou quelque
defir nouveau , ne lui ouvrons
pas d'abord notre cœur , renon-
çons premièrement à toute- af-
fections qui peuvent naître de
l'arnour-propre : offrons à Dieu
ce nouveau defir ; prions-le inf-
tamment de nous faire connoî-
tre s'il vient de lui ou du dé-
mon , n'oublions pas de con-
fulter là-defïiisnotreDirecteur.
Lors même que nous fommes
iùrs qu'un defir qui fe forme
dans notre cœur , efi un mouve-
ment de l'efprit de Dieu , nous
ne devons pas nous mettre
en devoir de l'exécuter , qu'au-
I y 8 Le Combat Sp triai e ! 9
paravant nous n'ayions mor-
tifia la trop grande envie que
nous avons qu'il fait accompli*
Car une bonne œuvre précé-
dée par cette forte de morti-
fication, e M: bien plus agréa-
ble à Dieu y que li elle fe fai-
foit avec une ardeur &: un em-
preiïement naturel , &: fouvent
la bonne œuvre lui plaît beau-
coup moins que la feule mor-
tification. Àinfi rejettant les
mauvais defii*sa & n'exéai-
tant les bons qu'après avoir ré-
primé tous les mouvemens de
îa nature , nous conferverons
notre cœur dans une tranquil-
lité parfaite.
Il eP: encore befoîn pour
cela de méprifer de certains
remords intérieurs , qui fem-
blent venir de Dieu » parce
que ce font des reproches que
notre confeience nous fait fur
de véritables défauts ; mais qui
viennent effectivement du ma-
Chapitre XXV. 159
lin eiprit , félon qu'on en peut
juger par les fuites. Si les re-
mords de confcïence fervent a
nous humilier , s'ils nous ren-
dent plus fervens dans la prati-
que des bonnes œuvres , s'ils;
ne diminuent point la confiance
qu'il faut avoir en la miféricor-
de divine , nous devons les
recevoir avec action de grâ-
ces, comme des faveurs dnCiel»
Mais s'ils nous caufent du trou-
ble , s'ils nous abbattent le
courage , s'ils nous rendent pa-
refleux , timides , lents à nous
acquitter de nos devoirs > nous
devons croire que ce font des
fuggeftions de l'ennemi, & faire
les chofes à l'ordinaire fans
daigner les écouter.
Mais outre cela > comme il
arrive le plus fouvent que nos
inquiétudes nai'flent des maux
de cette vie , pour nosu en dé-
fendre , eous avons deux cho-
fes à Faire, L'une effc de conli-
l6"o Le Combat Spirituel,
dcrer ce que ces maux font ca-
pables de détruire en nous , ii
ç'eft l'amour de la perfection ,
ou l'amour-propre : s'ils ne dé-
truifent que l'amour - propre ,
qui eft notre capital ennemi ,
nous ne devons pas nous en
plaindre ; nous devons plutôt
tes accepter avec joie & avec
reconnoiiTànce , comme des
grâces que Dieu nous fait ,
comme des fecours qu'il nous
envoie , mais s'ils peuventnous
détourner delà perfection , &c
nous rendre la vertu odieufe ,
il ne faut pas pour cela nous
décourager, ni perdre la paix
du cœur, comme nous verrons
bientôt.
L'autre chpfe eit qu'élevant
notre efprit à Dieu , nous re-
cevions indifféremment tout ce
qui nous vient de fa main , per-
fuadés que les croix mêmes
qu'il nous préfente , ne peuvent
être pour nous que les fources
d'une
Chapitre XXVI. 161
d'une infinité de biens , que
nous négligeons, parce qu'ils
nous font inconnus.
^ Chapi t r e XXVI.
<Ce qu'il faut faire lorfquon a
reçu quelque plaie dans, le
Combat Spirituel*
Uand vous vous fentez
bleflfé , c'eit-à-dire , quand
vous voyez que' vous avez fait
quelque faute , par pure fra-
gilité , foit avec réflexion 8z
par malice, ne vous affligez pas
trop pour cela ; ne vous lai G-
fez pas aller au chagrin & à
l'inquiétude ; mais adreffez'-
voits aufTi-tôt à Dieu. , & dir
tes-lui avec une humble con-
fiance : c'eft maintenant , ô
mon Dieu , que je fais voir
ce que je fuis ; carr que pou-
voit-on attendre d'une créatu-
re foibie & aveugle commç
«moi , que des égaremens 6c
L
162 Le Combat Spirituel 9
des chûtes? Arrêtez- vous un
peu Ià-defïus , afin de vous con-
fondre en vous-même , &: de
concevoir une vive douleur de
votre faute.
Puis , fans vous troubler ,
tournez toute votre colère con-
tre les payions qui vous do-
minent , principalement contre
celle quia été caufe de votre
péché.
Seigneur , direz-vous, j'au-
rois commis de bien plus
grands crimes, fi par votre in-
finie bonté vous ne m'aviez fe-
couru.
Rendez enfuite mille a&ions
de grâces à ce père de miféri-
cordes , aimez-le plus que ja-
mais , voyant que bien loin de fe
reflentir de l'injure que vous
venez de lui faire , il vous tend
encore la main , de peur que
vous ne tombiez de nouveau,
dans quelque pareil défordre.
Enfin , plein de confiance >
Chapitre XXVI. 16*$
dites-lui : Montrez, ô mon
Dieu, ce que vous êtes : faites
fentir à un pécheur humilié vo-
tre divine miféricorde ; par-
donnez-moi toutes mes oneifc-
fes , ne permettez pas que je
me fépare , ni que je m'éloi-
gne tant foit peu de vous ; for-
mez-moi tellement de votre
grâce , que je ne vous olfenfe
jamais.
Après cela n'allez point exa-
miner fi Dieu vous a pardon-
né , ou non. Car c'elt vouloir
vous inquiéter en vain-, c'efl
perdre le temps ; & il y a en
ce procédé bien de l'orgueil
& de l'illufion du démon qui ,
fous des prétextes fpécieux ,
cherche à vous faire de la pei-
ne. Ainfi abandonnez-vous à,
la miféricorde divine , & con-
tinuez vos exercices avec au-
tant de tranquillité , que fi vous
n'aviez point commis de faute.
Quand vous auriez même o'f-
Lij
1^4 le Combat Spirituel ,
fenfé Dieu plulieurs fois en
un feul jour , ne perdez ja-
mais la confiance en lui. Pra-
tiquez ce que je vous dis , la
féconde , la troilîeme , la der-
nière fois > coramme la premiè-
re ; concevez toujours un plus
grand mépris de vous-même ,
& une plus grande haine du
péché , &: l'oyez plus fur vos
gardes à l'avenir. Cette ma-
nière de combattre contre le
démon lui déplaît infiniment,.
parce qu'il fait qu'elle plaît
beaucoup à Dieu, & qu'il en
remporte toujours de la con-
fdfîon , fe voyant dompté par
celui même qu'il avoitaifément
vaincu en d'autres rencontres.
Au (fi emploie-t-il toutes fes
rufes pour nous la faire quit-
ter ; et il en vient fouvent à
bout à caufe du peu de foin que
nous avons de veiller fur notre
intérieur.
Au refte , plus vous y trou-
Chapitre XXVI. rô^
verez de difficulté , plus vous
devez faire d'efforts pour vous
furmonter vous-même. Et ne
vous contentez pas de prati-
quer une fois ce faint exer-
cice, mais reprenez le fouvent ,
quand même vous ne vous fen-
driez coupable que d'un feul
péché. -Si donc une faute eu
par malheur vous ferez tombé 9
vous canfe du trouble &: vous
abat le courage , le première
chofe que vous devez faire t
c'eft de tâcher à recouvrer la
paix de votre ame & la con-
fiance en Dieu. Il faut enfuite
que vous éleviez votre cœur au
ciel , & que vous croyiez fer-
mement que le chagrin qu'en a
quelquefois d'avoir péché , n'a.
pas pour objet l'offenfe de Dieu;
mais le châtiment qu'on a méri-
té , qu'on appréhende plus que
tout le refte.
Le moyen de recouvrer cette
paix li fouhaitable & ù nécèf-4
L iij
l66 Le Combat Spirituel,
faire, eft de ne plus penfer à
voue péché mais d'envifager
l'intime bonté de Dieu , qui eft
toujours prêt , qui délire même
-de pardonner les crimes les plus
énormes aux plus grands pé-
cheurs,-& qui n'oublie rien
pour les ramener à leurs de-
voirs, pour les unir fortement
à lui, pour les fanctifier en
cette vie , & pour les rendre
éternellement bienheureux en
l'autre. Quand ces confédéra-
tions ou d'autres femblables au-
ront calmé votre efprit , reve-
nezalons à celle de votrepéché,
&: obfervez toutes les chofes
que nous avons dites.
Enfin dans le Sacrement de la
Pénitence, dont je vous con-
feiîîe de vous approcher fou-
vent , remettez- vous devant les
yeux toutes vos fautes, & dé-
clarez-les fincerement à votre
Père fpirituel . avec une nou-
velle douleur d'y être tombé ,
Chapitre XXVI. 167
& avec une nouvelle réibiution
de n'y tomber jamais.
Chapitre XXVII.
Comment h démon a accoutumé
de tenter & de féduire ceux
qui veulent s' adonner à la ver'
tu , ou qui font encore plongés'
dans le vice.
JlL eft certain que le démon
ne foage qu'à perdre les hom-
mes , & qu*il ne les attaque
pas tous de la même forte. Pour
commencer donc à vous décou-
vrir quelques unes de fes rufes ,
je vous repréfente ici divers
genres de perfonnes en des
états & en des difpoiîtions dif-
férentes. Quelques-unes font
efclaves du péché & ne pen-
fent point à rompre leurs chaî-
nes ; d'autres voudroient bien
fortir de cette captivité , mais
ils ne font rien pour s'en affran-
chir 's d'autres croient être dans
Liv
t6"8 Le Com&at Spirituel,
la bonne voie , & c'eft alors
qu'ils en font les plus éloignés ;
d'autres enfin , après être par-
venues à un haut degrédevertu,
viennent à tomber plusdange-
reufement que jamais. Nous
parlerons de toutes ces fortes
deperfonnes dans les Chapitres
fui van s.
Chapitre XXVIII.
Les artifices qu'emploie le démon
pour achever de perdre ceux
qu'il a fait tomber dans le pi~
chi.
lOrfque le démon a pu porter
une ame au péché , il n'y a point
d'artifice dont il n'ufe pour l'a-
veugler d'avance , & pour dé-
tourner de fa penfée tout ce qui
feroit capable de lui faire voir
l'état malheureux où elle eft.
Encore ne fe contente-t-il oas
d'étouffer les bonnes pen-fées
que Dieu lui donne, & de lui eu
Chapitre XXVÏÏI. 169
fuggérer de mauvaifes;ii tâche
de l'engager en des occasions
dangereuies ; 3c lui drefle des
pièges, afin qu'elle tombe de
nouveau , ou dans îe même pé-
ché, ou dans d'autres plus énor
mes. Ce qui fait que deftituée
de la lumière divine , elle aug-
mente de plus en plus fes de-
fordres, -& s'endurcit dans le
mal. Ain fi elle roule continuel-
lement , & fe précipite de ténè-
bres en ténèbres, d'abyme en
■abyme, s'éîoignant toujours da-
vantage de la voie de fon falut ,
&: multipliant fes chûtes , à
moins que Dieu ne la foutienne
par un fecours extraordinaire.
Le remède le plus preflant à
ce mal , eft qu'elle reçoive fans
réfiftance les infpirations divi-
nes , qui la rappellent des ténè-
bres à la lumière , & du vice à
larvertu ; &: qu'avec beaucoup
de ferveur elle s'écrie : Ah! Sei.
gneur, affiliez - moi, venez
f
170 Le Combat Spirituel ,
pr'omptement a mon Cçcc urs : ne
permettez pas que je demeure
lus long-temp* enfevdie dans
'ombre la mort & du péché,
Eiie répétera pjulieurs fois ces
mêmes paroles ou d'autres fem-
blables ; & , sJii eft pofiibîe ,
elle ira incontinent à fon Père
fpirituel , pour fa voir de lui
ce qu'elle doit faire , & pour
lui demander des armes contre
l'ennemi qui la jjrefle. Que fi
elle ne peut pas y aller fur l'heu-
re, elle aura recours au Cruci-
fix , enfeprofternantà fes pieds
le vifage contre terre. Elle in-
voquera aufïi quelquefois la
Reine du Ciel , & implorera fa
raiféricorde. Car elle doit être
perfuadée , que de cette dili-
gence dépend la victoire, com-
me nous verrons dans le Cha-
pitre fuivant.
X
i7r
Chapitre XXIX.
Des inventions dont fe fin le ma."
lin e [prit pour empêcher l'en-
tière converfion de ceux , qui ,
convaincus du mauvais état
de leur confidence , ont quelque,
envie de fie corriger , &à'oic
vient que leurs bons défi r s fiont
Je plus fiouvent fans effet.
'Eux qui reconnoifient le
mauvais état de leur confeience
& qui voudroient en fortir , fe
Jaiffent tromper d'ordinaire par
le démon qui s'efforce de leur
perfuader qu'ils ont encore
bien du temps, à vivre, &
qu'ils peuventiûrement différer
leur converfion. Il leur repré-
sente qu'avant toutes choies ,
il faut qu'ils terminent un tel I
procès , qu'ils fe délivrent
d'un grand embarras où ils
font ; & que fans cela il eft Un-
77* Le Combat Spintutl?
poiïîble qu'ils s'adonnent entiè-
rement à la vie fpirituelle , ni
qu'ils en exercent paisiblement
les fonctions.
• C'eit ici un piège où beau-
coup de gens fe font laiiie's
prendre , &l où plusieurs fe
trouvent pris tous les jours.
Mais nul d'eux n'en peut at-
tribuer la caufe qu'à fon extrê-
me négligence clans une af-
faire où il s'agit de fon falut , &
de la gloire de Dieu. Que cha-
cun donc , au lieu de dire : De-
main , demain , dife : Dès au-
jourd'hui , dès-à-préfent. Et
pourquoi demain ? Que fais-je ?
îi je verrai le jour de demain ?
Mais quand j'en aurois une
certitude entière , feroit - ce
vouloir me fauver, que de
différer ma pénitence ? Seroit-
ce vouloir gagner la ri&oire ,
que de me faire de nouvelles
plaies ?
C'eft donc une chofe conftan-
Chapitre XXTX. 17^
te, quepour éviter cette illu-
fion , & celle qu'on a marquée
au Chapitre précèdent, il Faut
obéir avec promptitude aux
infpirations du Ciel. Quand je
parle de promptitude , je n'en-
tends pas de irrrrpîe deiirs>des
réfolutions- roibîes & (renies,
qui trompent une infinité de
gens pour plufieurs raifons ;
dont la première efc, que ces
d'eiirs & ces 'rëfolutions ne
font pas fondés fur la défiance
de foi -même, & fur îa coiv
fiance en Dieu. D'où il fuit
que l'àme ert remplie d'un or-
gueil fecret , s'aveugle de telle
forte } qu'elle prend pour une
vertu foîide , ce qui n'en a
que l'apparence. Le remède
pour guérir ce mal , & la lu-
mière pour le côunoître , vien-
nent de la divine bonté , qui
permet que nous tombions ;
afin qu'éclairés &: rnfrruits par
nos propres chutes, nous pal-
174 Le Combat Spirituel 9
fions de la conhance que nous
avons en nos forces , à celle
que nous devons avoir en fa
grâce , d'un orgueil pref-
que imperceptible , à une
humble connoiiTance de nous-
mêmes. Ainfi les bonnes réfu-
tations ne peuvent être effi-
caces, fi elles ne font fermes
& confiantes ; (i e'Jes n'ont
pour fondement ladéîance de
foi-même , & la confiance en
Dieu.
La féconde raifon eft'que
lorfqu'on forme quelque bon
defir , on ne fe propofe que
la beauté & l'excellence déjà
vertu , qui de foi attire les vo-
lontés les plus foibles; & qu'oa
ne regarde point les travaux
qui font néceiTaires pour l'ac-
quérir ; ce qui fait qu'à la moin-
dre difficulté une ame lâche
fe rebute , êc quitte fon en-
treprife-. C'eft pourquoi ac-
coutumez - vous à envifager
Chapitre XXIX. 17;
plutôt les difficultés qui le
rencontrent clans l'acquifition
des vertus , que les vertus mê-
mes ; penfez-y fouvent; oc fé-
lon les occurences , préparez-
vous à les fùrmonter. Sachez
au relte que plus vous aurez de
courage ou pour vous vaincre
vous-mêmes, ou pour réfifter à
vos ennemis; plus les difficultés
s'aplaniront > &z vous paroî-
tront légères.
La troiiième raifon elt , que
dans nos bons propos nous
considérons moins la vertu &
la volonté de Dieu , que no-
tre intérêt : ce qui arrive d'or-
dinaire lorfque nous fommes
comblés de confolations , par-
ticulièrement dans le temps de
l'adverfité. Car ne trouvant ici-
bas nul foulageraent à nos
maux , nous prenons alors le
deûfein de nous donner tout-à-
fait à Dieu , & de ne plus nous
appliquer qu'aux exercices de
Ij6 Le Combat Spirituel,
îa vertu. Pour ne point pccher
de ce coté- là , gardons - nous
bien1 d'abufer des grâces dh
Ciel : fbyons humbles &. ciï-
eoufpeffcs dans nos bonnes re-
folations : ne nous la liions point
emporter à une ferveur indif-
erette , qui nous engage témé-
rairement à faire des vœux >
que nous ne puifôons pas ac-
complir.
Mais ii nous fbmmes dans l'a?'
fliélrion , propofons-nous feu-
lement de bien porter notre
croix , félon que Dieu nous
l'ordonne , & dyy établir no-
tre gloire jufqu'à refufer toute
forte de foulagement de la part
des hommes» & quelquefois
même cï~e la part de Dieu. Ne
demandons ni- ne délirons autre
chofe , linon que la main du
Tout - puiflant nous foutienne
dans nos maux , & qu'avec fa
grâce nous fupportions pa-
tiemment toutes les peines
q$Cït
ChapitreXXX. 177
qu'il lui plaira de nous en-
voyer.
Chapitrje XXX.
De l'erreur de quelques-uns qui
s'imaginent marcher dans la-
voie de la perfection.
.SvErmemi éçant vaincu à la
première & à la féconde at-
taque , il ne laifie pas d'en don-
ner unetrojfieme.il tâche de
nous faire oublier les vices &
les paillons dont nous fommes
aduellement combattus , & de
nous mettre dans Tefprit de
vains projets d'une perfe&ion
imaginaire , où il fait bien
que nous 'n'arriverons jamais*
î)e- là vient que nons recevons
à toute heure des plaies mor-
telles , & que nons ne lon-
geons pas à y remédier. Car
ces deiirs & ces réfolutions
chimériques nous parohTent de
M
*7$ Le Combat Spirituel,
véritables effets; & par un
orgueil fecret nous croyons
déjà être parvenus à une haute
faintete. Ainiî nous ne pou-
vons {apporter la moindre pei-
ne ni la moindre injure : & ce-
pendant nous nous amufons à
Former dans la Méditation de
grands defleins de fouffrir les
plus horribles tourmens", & les
peines même du Purgatoire
pour l'amour de Dieu.
Ce qui nous1 trompe, c'eft
que la partie inférieure ne crai-
gnant pas beaucoup les fouf-
hances éloignées , nous ofons
nous comparer à ceux qui iouf-
frent effectivement de grandes
peines avec une plus grande
patience. Si nous voulons évi-
ter un piège û dangereux , dé-
terminons-nous au combat , 6c
combattonsen effet tantd'enne-
mis qui nous environnent , Se
qui nous attaquent de près.
Nous reconnoitrons par - là fi
Chapitre XXX. 175;
nos bonnes réfolutions ont été
lâches on généreufes, appareil-
tes ou fincères : &: nous irons à
la perfedtion par le véritable
chemin que les Saints nous ont
frayé.
Pour ce qui eft des ennemis
qui ne nous font pas ordinaire-
ment la guerre , ne nous met-
tons pas beaucoup en peine de
les combattre , à moins que
nous ne prévoyions que dans
quelque temps , & en de cer-
taines rencontres, ils s'élève-
ront contre nous. Car pour
nous mettre en état de foutenir
leurs attaques, nous devons
nous prémunir de bonne heure
par de fermes réfolutions de les
vaincre.
Mais quelque fermes que
nous parohTent ces réfolutions r
ne les confierons pas comme
des victoires ; quand même
nous nous ferions exercés du-
lant quelque temps à la praxi-
j8o Le Combat Spirituel ',
que des vertus, & que nous y
aurions fait un progrès considé-
rable. Tenons -nous toujours
dans l'humilité : craignons tout
:de notre rbibleiTe ; dérions"-
nous de nous - mêmes , & met-
tons notre contiance en Dieu
ieul : prions-le fonvent de nous
fortifier dans -le combat , de
nous préferver de tout pé-
ril , d'étouffer particulièrement
dans nos cœurs tout fentiment
de prefomption& de confiance
en nos forces. Avec cela nous
pourrons afpirer à la plus fu-
blime perfe&ion ; quoique
d'ailleurs nous ayons bien de
la peine à nons corriger de
quelques légers défauts que
Dieu nous laiiTe fou vent, ah'n
de nous humilier , &: de con -
ferver par-là le peu de mérites
que nous avons acquis par nos
bonnes œuvres.
Chapit RE XXXI.
Les artifices dont fie fer t le malin
- efipritpour nous faire quitter
le chemin de la vertu*
Li
<E quatrième artifice , dont
j'ai dit que le démon a cou-
tume de fe fervir pour nous
abufer , lorfqu'il voit que nous
marchons dans le chemin de la
perfection , eft qu'il nous in-
ipire à contre-temps plulieurs
bons defleins , afin que venant
à, abandonner les exercices de
vertus , qui nous l'ont propres ,
nousnousengagions infenfible-
ment dans le vice.
• Si , par exemple , une per-
fonne malade fouiTie fon mal
patiemment , cet ennemi de
notre falut , craignant que par-
là elle n'acquiert l'habitude de
la patience , lui propofe beau-
coup d 'œuvres faintes qu'elle
pourroit faire dans un autre
M iij
ï82 Le Combat Spirituel 9
état : il lui perfuade qui fi elle
fe portoit bien, elle rendroit
de plus grands refpe&sà Dieu,
& qu'elle feroit plus utile à
elle-même Se au prochain.
Quand il a pu exciter en elle
de vains délits de recouvrer
fa fanté , il les entretient de
forte qu'elle s'afflige de ne
pouvoir obtenir ce qu'elle fou-
haite, & plus les delîrs s'en-
flamment , plus l'inquiétude
s'augmente. Mais l'ennemi paiTe
encore plus avant ; car il la
réduit enfin à s'impatienter dans
fa maladie, qu'elle regarde ,
non pas comme une maladie ,
mais comme un obftacle aux
defleins chimériques qu'elle
fouhaite paffionément de pou-
voir exécuter , fous prétexte
d'un plus grand bien.
Quand il l'a poulTée jufques-
là , il efface peu-à-peu de fon
efprit toute l'idée des bonne?
œuvres , qu'elle s'efl: rnife en
Chapitre XXXI. i
tête , & ne lui laide (*.ie le feul
deiir d'être délivrée de fon mal.
Que fi le niai dure plus long-
temps, qu'elle ne voudroit', elle
en devient toute chagripe &:
impatiente. Ain.ii elle tombe
infenfiblemeut 'de la 'vertu
qu'elle pratique dans le vice.
qui lui efl: plus contraire.
Le moyen de vous garantir
de cette illufion, eft qu'en
quelque état de fouffranceque
vous vous trouviez , vous pre-
niez garde à ne délirer jamais
de faire aucune bonne œuvre ,
h elle eft hors de iaiibn , parce
qu'étant dans l'impuiiTance de'
la pratiquer, vous ne pourrez
en avoir que de l'inquiétude Se
du déplaifir. Perfuadez - vous
donc avec un vrai fentiment
d'humilité & de réfjgnation ,
que quand Dieu vous tireroic
de cet état où vous êtes , tous
les bons deilrs que vous conce-
vrez maintenant feroientpcut-
M iv
184 Le Combat Spirituel,
être alors fans effet , parce que
vous n'auriez pas le courage
de les accomplir : croyez du
moins que le Seigneur /'par une'
fecrettedifpofition de fa provi-
dence , ou en punition de vos
péchés , 'ne veut pas que vous
ayez le plaifir de faire cette'
bonne œuvre , mais qu'il aime
mieux vous voir fournis à fes
volontés , & humilié fous fa'
main toute puiflante.
\J fez- en de même, lorfque
vous êtes obligé , foît par l'or-
dre de votre Père fpirituel , ou"
par quelqu'autre raifonjd'inter-
rompre vos dévotions ordinai-
res , ou même de vous retirer
pour quelque temps de la fainte
Table. Ne vous biffez pas ab -
battre au chagrin; mais renon-
cez intérieurement à votre pro-
pre volonté , '& conformez-
vous à celle de Dieu , en dî-
fant : Si Dieu , qui connoit le
fond de mon ame V n'y voyoit
Chapitre XXXI. iSy
point de défaut", point d'ingrat
titude , }e neferoispas main-
tenant privé de la fainte Corn—
munion. Que fon nomfoit éter-
nellement béni de la grâce
qu'il me fait de me découvrir
par-là mon indignité. Je crois
fermement*' Seigneur, que dansr
toutes les afflictions , que vous
m'envoyez , vous ne deiirezde
moi autre chofe , finon qu'en
les fupportant avec patience &'
dans la vue de vous plaire y
je vous offre un cœur toujours
fournis à vos volontés, toujours
prêt à vous recevoir ; qu'y*
entrant , vous le rempliriez de
confolationsfpirituelles, &que
vous le défendiez contre les
puiffances infernales qui tâ-
chent de vous le ravir. Fai-
tes , ô mon Créateur & mon
Sauveur,raites de moi ce qui fe-
ra le plus agréable à vos yeux.
Que votre divine volonté
foit maintenant & dans tous les
186 Le Combat Spirituel ,
fiècies mon appui ck ma nour-
riture ! Je ne vous demande
qu'une feule choie > c'efl que
mon ame purinée de rout ce qui
vous déplaît 6c ornée de toutes
les vertus, foit en état, non-
feulement de vous recevoir,
mais de faire tout ce qu'il vous
plaira de lui ordonner.
Ceux qui auront foin de bien
pratiquer tout ceci , peuvent
le promettre que s'ils fe fen-
tent portés à entreprendre quel-
que bonne œuvre qui paiTe
leurs forces; foit que ce defir
foit purement naturel , ou qu'il
vienne du démon , qui efpere;
leur donner par-là du dégoût
de la vertu , ou que Dieu le
leur inf pire, afin d'éprouver leur
obéifïance; ils peuvent, dis-fe ,
fe promettre que ce. leur fera
toujours une occalion de faire
quelque progrès dans la voie de
leur falut, ck de fer vir notre
beignevu; ile la manière qui lui
Chapitre XXXI. 187
eft la plus agréable, en quoi
confifte la vraie dévotion.
Remarquez de plus, que lorf-
que , pour vous guérir d'une
maladie , pour vous délivrer
d'une fâcheufe incommodité ,
vous employez des moyen s de
foi innocens, & dont les Saints
même fe fervent , vous devez
toujours éviter le trop grand
empreffement , & ne point de-
iirer avec trop d'ardeur que les
chofes réuflîiîent félon votre in*
clination. Soyez refigné à tout
& n'envifagez que la feule vo-
lonté de Dieu : car que favez-
vousfic'eft par ces moyens-là
ou par d'autres beaucoup meil-
leurs qu'il aréfolu de vous dé-
livrer de vos maux ? Si vous en
ufez autrement , ce fera à votre
malheur : car peut-être n'ob-
tiendrez vous pas ce. que vous
fouhaitez pafllonément; & alors
vous ne pourrez vous empêcher
de tomber dans l'impatience 5
iSS Le Combat Spirituel ,
ou quand même vous le pour-
riez , votre patience fera tou-
jours accompagnée de beau-
coup d'imperfections qui la ren-
dront moins agréable à Dieu, &
qui endiminuerontnotablement
le mente.
Je veux enfin vous découvrir
un artifice fecret de notre
amour-propre , qui en mille ren-
contrer nous cache à nous-mê-
mes nos défauts , quoique grof-
fiets & viiibles. Un malade , par
exemple , qui s'afflige exceflî-
vemenr de fon mal , veut qu'on
prenne Ton impatience pour un
zèle de quelque bien apparent:
ce n'eft point , fl on l'en croit ,
une véritable impatience , c'eft
un iufte dépîaifir de voir que fa
maladie eft le châtiment de fes
péchés, ou qu'elle incommode
6c fatigue extrêmement ceux
qui font auprès delui. Il en eftde
même d'un ambitieux qui fe
plaint de n'avoir pu obtenir un
Chapitre XXXI. 1S9
honneur , une dignité où il af-
piroit : car il n'a garde d'attri-
buer fon chagrin à la vanité , il
l'attribue à d'autres chofes ,.
dont on fait bien qu'il fe met-
troit peu en peine en d'autres
rencontres: ainii le malade qui
a tant de compalïionpour ceux
qui le fervent , dès qu'il eft
guéri , n'eft pas plus touché de
leur voir foufTrir les mêmes in-
commodités auprès d'un autre
malade.
C'eft-là une marque bien cer-
taine que fon impatience ne
vient point de la peine qu'il
donne aux autres , mais d'une
fecrette horreur qu'il a pour
les chofes qui font contraires à
fa volonté. Quiconque donc
veut éviter ces écueils , doit fe
réfoudre à fou fin r patiemment,
ainii que nous avons dit, tou-
tes les croix qui lui arriveront
en ce monde , de quelque part
qu'elles viennent.
100 Le Combat Spirituel y
Chapitre XXXII.
De la dernière rufe du Démon
pour faire que les vertus mê-
mes nous deviennent des occar
fions de péché.
jL/Ancien ferpent trouve le
moyen de nous tenter par les
vertus même qui font dans
nous , jufqu'à nous en faire des
occailons de péché. Il nous
donne de Teftime & de la corn-
plaifance pour nous-mêmes, ôc
nous élevé il haut, qu'il eftirr^
poillble que nous ne nous iaif-
fions aller à la vaine gloire»
C'eft pourquoi combattez tou-
jours , &: demeurez ferme dans
la conr.oiflance de votre néant ;
fongez à toute heure que de vo-
tre fond vous n'êtes rien , que
vous ne favez rien, & que
vous ne pouvez rien,- que vous
êtes plein demifercs& de dé-
Chapitre XXXII. 191
fauts, & qu'enfin vousne méri-
tezque la damnation étemelle.
Ayez continuellement devant
les yeux cette vérité importan-
te : que ce foit pour vous une
efpece de retranchement , d'où
vous ne fortiez jamais; 6c s'il
vous vient des penfées &z des
fentimens de préfomption, re-
poufiez-ies comme des ennemis
dangereux qui ont conjuré vo-
tre perte.
Mais il vous voulez acquérir
une parfaite connoiflance de ce
que vous êtes , fervez-vous de
cette méthode. Toutes les fois
que vous jeterez les yeux fur
vous & fur vos aétions , envifa-
gez feulement ce qui eft de
vous ; fans y mêler ce qui eft de
Dieu , & ce que vous tenez de
fa grâce; & fondez ainfi toute
l'eftime que vous concevrez
pour vous, fur ce que vous avez
de vous-même, Si vous regar-
dez le tems qui a précédé votre
Ip2 Le Combat Spirituel,
naiilance , vous verrez que du-
rant toute l'étendue de l'éter-
nité vous n'étiez rien , que vous
n'avez fait ni pu faire la moindre
chofe pour mériter l'être. Et h
vous coniiderez ce temps-ei
dans lequel vous fubfiftez par la
feule miiericorde de Dieu, que
feriez-vous fans le bienfait de
la coniervation 5 que feriez-
vous , qu'un pur néant ? Et ne
retourneriez-vous pas dans ce
néant d'où vous êtes forti , fi la
main toute-puhTante qui vous
en a tiré , ne vous foutenoit ?
II eft donc indubitable , qu'à
ne regarder que ce qui vous ap-
partient dans l'être naturel,
vous ne devez ni vous eftimer
vous-même , ni fouhaiter que
•les autres vous efiiment. Dans
îêtre furnatùrel de la grâce , &:
dans l'exercice des bonnes œu-
vres, vous n'avez pas plus de
fujet de vous enorgueillir; car
fans, le feccùrs du Ciel * quel
mérite
Chapitre XXX IL 19?
mérite pourriez- vous avoir , 6c
que! bien pourriez-vous faire
de vous-même ?
Si après cela vous vous re-
mettez devant les yeux l'ef-
froyable multitude des péchés,
ou que vous avez commis , ou
que vous pouviez commettre,
ii Dieu ne vous avcit préfervé,
vous trouverez, en multipliant:
non-feulement les années & les
jours , mais les aétions & les
habitudesmauvaifes;vouscrou-
verez , dis-je, que corame un
vice en attire un autre, vos ini-
quitésferoient allées prefque à-
l'infini , & que vous feriez de-
venu femblable aux démons.'
Toutes ces confédérations doi-
vent vous donner de jour en
jour un plus grand mépris de
vous-même , & vous faire re-
connoitre les obligations infi-
nies que vous avez àîa divine
bonté, bien loin de lui dérober
la gloire qui lui eft due.
N
ip4 Le Combat Spirituel*
Au refte,- dans le jugement
que vous ferez de vous-même,
prenez garde qu'il n'y ait rien
que dejufte&de véritable, &
que la vaine gloire n'y ait point
<Je partxar, quoique vous con-
noiiïiez beaucoup mieux votre
rnifere qu'un autre , aveuglé
par l'amour-propre,ne connok
3a Tienne , vous ferez toujours
bienplus criminel & pluspunif-
fable que lui du côté de la vo-
lonté, fi, nonobftant la connoi-f-
fance que vous avez devos dé-
fauts , vous ne laiffez pas de
vouloir paffer pour faint dans
l'efprit ûqs hommes.
Afin donc que cette connoif-
fance vous délivre de la vaine
gloire , & vous rende agréable
à celui qui eltle père & le mo-
dèle des humbles ; ce n'eft pas
aiïez que vousayez un bas fen-
fciment de vous-même , jufqu'à
"vous jugerindigne de tout bien
&; cligne de tout mal , il faut de
Chapitre XXXII. ï 9 y
plus que vous déliriez d'être;
mépriié du monde ; il faut que
vous ayiez enhorreurles louan-
ges, que vous aimiez les oppro-
bres , & que dans les occalions
vous preniez p'aiilr à exercer
les minif:eres les plus bas. Fai-
tes peu d'état de ce qu'on pen-
fèra de vousloriqu'on vous ver-
ra emb rafler tout ce qu'il ya de
plus abject. Tâchez feulement
de vous occuper à ces forte s
d'exercices par un pur motif
d'humilité , & non par un fen-
timent d'orgueil ,par une fierté'
naturelle , qui fous la couleur
d'unegénérofitéchrétiennefait
qu'on méprife les difcours des
hommes , & qu'on fe moque de
leurs jugemens.
Que fi quelquefois on vous
témoigne de l'affection & de
l'eiiime ; fi on vous loue de
quelques bonnes qualités que
vous ayez reçues d'en - haut 9,
recueillez- vous incontinent en
Nij
I95* Le Combat Spirituel,
vous-même, & «fondé fur les
principes de la vérité & de
îa jufticeque nous venons d'é-
tablir, dites à Dieu de tout vo-
tre cœur:Seigneur, ne permet-
tezpasqueje vous dérobe vo-
tre gloire, en attribuant à mes
propres rorcescequi n'eft qu'un
pur effet de votre grâce. Qu'à
vous foit l'honneur & la louan-
ge , & à moi l'opprobre & la
confuiion. Puis , vous tournant
vers la perfonne qui vous loue,
dites au fond de votre cœur:
Que4 Cujet peut a voir cet hom-
me de me louer ! Quelle bon-
té , quelle perfection trouve-
t-il en moi? Il n'y a qu'un Dieu
qui foit bon , & il n'y a que fes
ceuvresquifoient parfaites, Hu-
miliez-vous de la forte ; ren-
dez à Dieu te qui eft à Dieu ;
vous vous défendrez par - là
de la vanité , & mériterez de
jour en jour de plus grandes
grâces.
Chapitre XXXII. 197
Si le fouvenir de vos bon-
nes œuvres fait naître en vous
quelque vaine complaifance ,
étourtez-la auffi-tôt , en confi-
dérant cesbonnes œuvres, non
comme venant de vous , mais
comme venant de Dieu , & en
diiant avec toute humilité ,
comme fi vous leur parliez : Je
ne fais comment vous avez été
conçues dans mon cœur , ni
comment vous êtes forties de
cetabyme decorruptiou & de
péché : car ce n'eft point moi
qui vous ai formées : c'efi: Dieu
qui vous a produites , &: qui a
eu la bonté de vous conferver»
C'eftdonc lui que je reconnois
pour votre principal auteur»
c'eft lui que je veux &: que je
dois remercier ; c'eft à lui que
je renvoie toute les louanges
qu'on me donne.
Confidérez après cela que
toutes les actions de piété que
vous avez jamais faites, non-
N iij
198 Le Combat Spirituel,
feulement n'ont point répondu
à l'abondance des lumières &c
des grâces que Dieu vous avoit
communiquées pour les bien
faire; mais que déplus il s'y e(l
giifle beaucoup de défauts, &
que l'on n'y trouve point cette
pureté d'intention , cette fer-
veur, cette diligence que vous
y deviez apporter. Si donc vous
les examinez comme il faut,
bien loin d'en tirer vanité -,
vous n'en aurez que de la con-
fuiïon, voyant le peu de profit,
ou , pour mieux dire , le mau
vais ufage que vous avez fait
des grâces -divines.
Mais comparez après cela
vos actions avec celles des plus
•grands Saints , vous rougirez
de la différence qu'il y a des
unes aux autres. Que fi vous
venez à les comparer enfuite
aux travaux du Fils de Dieu,,
dont toute la vie n'a été qu'une
perpétuelle croix , quand mê-
Chapitre XXXIî. ipp
me vous ne confidéreriez en
nulle forte la dignité de fa per-
fonne , & que vous n'auriez
égard qu'à la grandeur de fes
peines, & à cet amour fi pur
avec lequel il les a fou fiertés ,
vous ferez contraint d'avouer
que jamais vous n'avez rien
fait , ni rien foufïert qui en
approche.
Enfin , fi levant les yeux au
Ciel, vous envifagezla fouve-
raine Majefté de Dieu , qui
mérite des fervices infinis ,
vous verrez alors clairement
que toutes vos bonnes œuvres
font pour vous un fujet de
crainte , plutut que de vanité.
C'eft pourquoi , qseîque bien
que vous faffiez; vous devez
toujours dire avec un profond
fentiment d'humilité* : Mari
Dieu , aye\ petié de moi, qui
fàs un pécheur.
Gardezvous aufli d e pu bîier
* Luc 18. *|.
aoo Le Combat Spirituel y
trop facilement les grâces que
Dieu vous a faites : car cela
déplaît prefque toujours à no-
tre Seigneur , ainlî qu'il l'a té-
moigné lui mémedelamaniere
que je vais dire. Un jour s'é-
tant, apparu à une defes Cervan-
tes fous la forme d'un petit en-
fant, & fans nulle marque de fa
divinité , el!e le pria tout Am-
plement de réciter la falutation
angélique, il le fit à l'heure
même ; mais quand il eut dit :
ï^ous été s bénie entre lesfernmes,
il s'arrêta, ne voulant pas ajou-
ter ce qui étoit à fa louange ;
6c comme elle le preiToit d'a-
chever , il difparut, lai^ant
<:çtte ame fanite remplie de
confolation , ôc plus convain-
cue que jamais de l'importance
de l'humilité, par l'exemple
qu'il venoit de lui en donner.
Apprenez encore à vous hu-
milier dans toutes vosceuvres:
en les regardant comme des
Chapitre XXXII. 201
miroirs qui vous repréfen-
tent admirablement bien votre
néant. C'eit là-delîus que font
fondées toutes les vertus : car
comme Dieu > au commence-
ment du monde , créa de rien
notre premier père : ainfi il
fonde maintenant tout I'édi-
iice fpirituel fur cette vérité
reconnue , que de nous-mê-
mes nous ne fommes rien : de
forte que plus nous nous abaif-
fons, plus l'édifice s'élève; & à
mefure que nous creufons dans
la terre , que nous découvrons
le fond de nôtre néant , le fou-
verain archite&e pofe les pier-
res folides qui fervent à la
ftructure defon bâtiment.Met-
tez-vous donc bien dans l'ef-
prit que vous ne fauriez jamais
defcendre trop bas , & que s'il
pouvoity avoir quelque chofe
d'infini dans la créature , ce
feroit fa fragilité 6c fa baflefle.
O divine connoiflance qui nous
202 Le Combat Spirituel^
rend heureux fur la terre , &
glorieux dans le ciel ! ô admi-
rable lumière qui fort des ténè-
bres de notre néant ; afin d'é-
clairer nos araes & d'élever
nos efprits à Dieu ; ô pierre
précteuie , mais inconnue , qui
brille parmi les ordures de nos
péchés ! ô néant , dont la feule
vue nous rend maîtres de tou-
tes chofes.
Je ne me lafferois jamais cfè
parler de cette matière. Qui-
conque veut honorer la divine
Majefré , doit feméprifer foi-
même ; & fonhaiter que les
autresle méprifent. Humiliez-
vous envers tout le monde ;
abaiïTez - vous au - defïbus de
tout le monde , fivous voulez
que Dieu foit glorifié en vous,
& que vous le foyez en lui.
Pour vous unir avec lui , fuyez
la grandeur & l'élévation ,
parce qu'il s'éloigne de ceux
^ui s'élèvent ; choiûiTez par-
Chapitre XXXII. 203
'tout la dernière place , 61 il
defcendra de fon trône pour
venir à vous , pour vous em-
brafler /pour vous témoigner
■d'autant plus d'amour , que
vous marquerez plus d'inclina-
tion à vous humilier &à vou-
loir qu'on vous foule aux pieds
comme îa chofe du monde la
plus méprifab'le.
Si Dieu , qui pour s'atta-
cher pins étroitement à vous ,
s'eft fait le dernier des hom-
mes, vous infpire de fi hum-
bles fentimens, ne manquez
pas de lui en rendre fou vent
des actions de grâces. Remer-
ciez au fli tous ceux qui vous
aideront à les conferver , et»
vous maltraitant ou en croyant
que vous n'avez pas aHez de
vertus pour iupporter un af-
front; remerciez-les, dis-je ,
& quelque mal qu'ils difent de
vous , n'en faites jamais de
plainte*
204 Le Combat Spirituel,
Mais enfin , fi , nonobftant
toutes ces confidéiat ions,quoi-
que fortes & puiflantes , la.
malice du Démon, le défaut
de connoiflance de vous-mê-
me, l'inclination vicïeufe vous
rempiiffenttoujoursi'efpiit des
peniées de vanité , & font
naître dans votre cœur des
fentimens de vous élever au-
defTus des autres ; humiliez*
vous alors d autant plus , que
vous voyez par expérience le
peu de progrès que vous avez
fait dans la véritable fpiritua-
lité, & combien vous avez de
peine à vous délivrer de ces-
penfées importunes f qui mar-
quent dans vous un grand fond
d'orgueil ; par ce moyen vous
ferez du poifon un antidote ,
& du mal même un remède»
20j*
!■ ■ ■ ■
Chapitre XXXIII.
De quelques avis importans
pour ceuxquiveulent mortifier
leurs pajjions , & acquérir les
venus qui leur manquent.
C Uoique jufqu'ici je vous
aie dit beaucoup déchoies tou-
chant la manière dont vous de-
vez efTayer de vaincre vos paf-
fions & d'acquérir les vertus,
il m'en refre encore beaucoup
d'autres non moins importantes
à vous dire.
î. Si vous voulez devenir fo-
ndement vertueux & parfaite-
ment maître de vous-même, ne
partagez pas tellement durant
la femaine les exercices de ver-
tu, quevous en attachiezles uns
à un jour , les autres àl'autre,
& que vous foyez ainfi dans un
perpétuel dérangeaient. L'or-
dre que vous y devez obfer ver,
2o6 Le Combat Spirituel r
eit que d'abord vous vous atta*
chiez à déduire la pai&on qui
vous a toujours le plus troublé,
Se qui vous tourmente encore
présentement davantage ; &
qu'en même temps vous travail-
liezdetoutesvosforces à acqué-
rir dans un éminentdegrélaver-
tu contraire à cette paillon pré-
dominante : car pofledant une
vertu aufTieflentiellequ'eft cel-
le-là ,. vous obtiendrez facile-
ment tout-es iesautres,fans qu'il
foit befoin quevous enfafliezun
grand nombre d'accès. En effet,
les vertus font tellement liées
les unes avec les autres qu'il
fiifiit d'en pofféder parfaite-
ment une pour les avoir toutes.
2. Ne déterminez jamais le
temps qu'il faut pour acquérir
une vertu ; ne dites point : J'y
employerai tant de- jours- r de
iemaines , tant d'années ; mais
comme un nouveau foidatqui
n'a. point encore vu l'ennemi 9.
Chapitre XXXIII. 207
combattez toujours, &par une-
glorieufe victoire tâchez de
vous ouvrir un chemin à la per-
fection. Ne foyez pas- un mo-
mentfansFaire quelque progrès
dansla voie deDieu. parce que:
celui qui s'arrête, au lieu de fe
déiafTer & de prendre haleine,
recule &: devient plus lâche
qu'il n'éroitauparavant. Quand
je vous dis que vous avanciez
toujours fans vousarêter; ce.
que je demande de vous, c'efi:
que vous ne croyiez pas être
déjà parvenu au comble de la
perfection chrétienne ;que vous
ne lai(Tiez paffer aucune occa-
sion de faire de nouveaux actes
de vertus ; que vous ayez en
horreur juf qu'aux plus légères
feu tes.
Pour cela » if eirnéceffaire
que vous vous acquittiez avec
une exactitude & une ferveur
extrême, de ce qui eftde votre
devoir, & que dans les ,occa--
20§ Le Comhat Spirituel ,
fions qui fe préfentent , vous
pratiquiez excellemment tou-
tes les vertus. Aimez donc Se
çmbraflfez de tout votre cœur
ces occafïons de vous rendre
faine & parfait, principalement
lorfqu'eliesfont accompagnées
de quelque difficulté , parce
que l'effort qu'il fout faire
pour furmonter la difficulté ,
fert à former eu peu de temps
6c à affermir dansi'ame les ha-
bitudes vertu eu fes. Aimez aufîi
ceux qui vous les procurent.
Fuyez feulement , tant que
vous pourrez, tout ce qui peut
donner lieu aux tentations de
la chair.
3. Ufez de modération Se
de prudence à l'égard de cer-
taines vertus qui peuvent rui-
ner la faute du corps en le mal.
traitant excefù veinent par des
difciplines , des cilices , des
jeûnes, des veilles , des médi-
tations trop longues, & par
d'autres
Chapitre XXXIII. 209
d'autres fortes de pénitences
indifcrettes : car dans la prati-
que de ces vertus extérieures,,
on doit avancer peu à peu, &:
monter comme par degré i
mais pour celles qui font pure-
ment intérieures , qui coniif-
tent à aimer Dieu , à haïr le
monde , à fe méprifer foi-mê-
me , à déteiler les pèches, à,
être doux & patient , à aimer
fes enemis ; il n'y a point de
mefures à garder , on n'a pas
befoin de pr.écaution?& il faut
toujours en faire les a&es de lai
manière laplus excellente qu'il
foit poffible..
4. Le but de tous vos def-
feins & de tous vos foins , doit,
être de vaincre la paflion que
vous avez entrepris de com-
battre ; Se vous devez regar-
der cette victoire comme la
chofe du monde la plusavan-
tageufe pour vous , & fa plus
agréable a. Dieu* foit que vous,
a
210 Le Combat Spirituel,
mangiez, ou que vous jeûniez :
que vous veilliez ou que vous
dormiez: que vous foyiez dans
le travail ou dans le repos; à la
maifon ou hors la maifon : que
vous vaquiez à la vie contem-
plative ou aétive , n'ayez pour
fin que defurmonter cette prin-
cipale paffioti & d'acquérir la
vertu contraire.
$. Haïflez généralement tou-
tes les commodités & tous les
piaifirs du corps, & vous ne
ferez combatte que foiblement
par les vice? qui tirent toute
leur force des attraits de la
volupté. Mais il dans le même
temps que vousrejetezun plai-
fir fenfuel, vous en recherchez
un autre ; fi vous ne faites la
guerre qu'à un feuî vice, quoi-
que les plaies que vous rece-
viez des autres foient moins
dangereufes, le combat fera
toujours rude & la victoire in-
certaine. Ayez donc toujours
Chapitre XXXIII. 21 r
devant les yeux ces paroles cte
l'Ecriture : ( a ) Celui qui aim^
Ja vi4 la perdra ; celui au cùft*
trairequi hait fa vie en ce monde
la confervera pour la vie éter-
nelle, (b) Nous ne fommes point
efclaves de la chair pour vivre,
félon la chair. Si donc vous
vive\ félon la chaii\vous mour~
re\ , mais fi vous mortifie-^ la.
chair par Vefprit , vous vivre^*
6. Le dernier avis que j'ai k
vous donner , eft qu'il îeroit
bon & peut-être né-ceîTaire ;
qu'avant toutes chofes , vous
fififiez une confeflîon générale,
avec toutes les difpofitionsre-
quifes , pour vous aflurér da-
vantage d'une parfaite récon-
ciliation avec Dieu , qui eft la
fource des grâces , l'auteur des
victoires, le diftributeur des
couronnes.
&) Jean iz, ij. (b) Rom. S. il. ie.r
Oij
12 Li 6 3 m b al Sp i ruu et*
Chapitre XXXIV.
Que les vertus ne s3 acquièrent.
. que peu à peu & par degrés ,_
& Us unes après les autres»
\^ Uoique le vrai ferviteuc
cîe Jefus-Chriîr , qui afpire à
1a plus haute perfection , ne
doive point mettre de bornes
àfon avancement fpirituel ; il
faut toutefois que la prudence
modère en lui de certains ex-
cès d'une feiveurinconlidérée,.
à qui d'abord rien n'eft.d illici-
te , mais qui eft fujette à fe
ralentir &. à s'éteindre tout-à-
fait. C'eft pourquoi, outre ce
qui a été dit de la manière de
régler les exercices extérieurs,,
il eft bon de remarquer que les
vertus intérieures s'acquièrent
auiïî peu-à-peu , & qu'on y
•parvient par degrés; de cette
forte on jette les fondemens
d'une folide& confiante piété,
Chapitre XXXIV. n
& en peu de temps on gagne
beaucoup.
Aihfi , en matière de patien-
ce , ne prétendez pas pouvoir
tout d'un coup délirer les croix
& vous en réjouir % il faut vous
réfoudre auparavant à pafier
par les degrés les plus bas de
cette vertu. Suivant ce même
principe , tfémbraîTez point
tout à la rois toutesles vertus ,
ni même plufieurs enfemble ,
attachez -vous à une feule &c
puis à une autre , lî vous vou-
lez que l'habitude s'enracine
profond i ment & fans peine
dans votre ame ; car n'entre-
prenant qu'une vertu , & ne
cetfant de vous y exercer , vo-
tre mémoire s'y appliquera da-
vantage ; votre entendement
éclairé de la lumière céîeite ,
inventera de nouveaux moyens
& de nouvelles raifons pour
vous la faire embrafler ; votre
volonté enfin s'y portera avec
Oiij
214 £e Combat Spirituel,
plus d'ardeur, ce qui n'arrive-
roi: pas fi ces trois puifTances
ëtoient partagées enpluiieurs
objets.
D'ailleurs, les a&es qu'il faut
produire pour contracter l'ha-
bituded'une vertu, n'ayant tous
qu'un même but, & s'aidant les
uns les autres , en deviendront
moins pénibles ; & les derniers
ferontd'autantp'usd'impi efllon
clans votre cœur , qu'ils y trou-
vent leslaintesdifpoiitions que
les premiers y auiont laiflees.
Toutes ces raifons vous pa-
roîtront convaincantes, fi vous
faites réflexion que quiconque
s'exerce bien dans une vertu ,
apprend infenfiblementàs'exer-
cer dans les autres , & qu'une
vertu ne fe peut perfectionner,
qu'en même temps toutes les
autres ne fe perfectionnent , à
caufe de l'étroite union qu'el-
les ont enfembîe , commes les
rayons d'un même foleil.
Chapitre XXXV.
Des moyens les plus u: îles pour
acquérir les i ertus;& de quelle
foite on don s'attacher à une
vertu durant quelque temps,
J'A joute à ce que je viens de
dire que pour devenir folide-
ment vertueux, il faut avoir un
eœur grand, une volonté ferme
& généreufe, parce qu'il fe
trouve dans la fuite bien des
contradictions &: des peines à
efiuyer. ïl faut de plus reflen-
tir une inclination particulière
pour îa vertu ; & cette incli-
nation vient , en conhdérant
fouvent combien les vertus
plaifent à Dieu , combien elles
font excellentes en elles-mê-
mes , combien elles font utir
les & nécessaires à l'homme ;
& que c'eft par elles que toute
la perfection chrétienne com-
mence & finit. Ii importe ex-
o w
216" Le Combat Spirituel ?
trêmement defe propofer tous
les marins, de les pratiquer,
félon qu'on en trouvera îocca-
lion durant le jour; &: l'on
s'examinera fonvent,pour voir
il on a exécuté fes bonnes ré-
fol ution s , & pour en former
encore de nouvelles plus effica-
ces & plus constantes que les
premier es.
Ce que je dis doits'obfer-
ver particulièrement à l'égard
de la vertu qu'on tâche alors
d'obtenir , &z dont on croit
avoir le plus de befoin. Ç'eft à
cette même vertu qu'il faut
rapporter toutes les réflexions
qu'on fait fur les exemples des
Saints , toutes tes méditations
fur la Vie & fur la Paflfion de
notre Seigneur, qui font d'une
extrême utilité en toute forte
d'exercice fpirituel. Accoutu-
ni3ns-nous tellement à faire
des actes de vertu , foit in-
térieurs j foit extérieurs , que
Chapitre XXXV. 217
nous y trouvions autant de fa-
cilité & de plaifir , que nous en
avions auparavant à fuivre no-
tre penchant naturel .Et fou ve-
nons-nous de ce qui a été dit
ailleurs, que les aclres les plus
contraires aux inclinations de
la nature , font les plus propres
à introduire dans notre ame
l'habitude de la vertu.
Quelques fentences tirées des
faintes Ecritures , & pronori-
. cées de k manière qu'il faut.,
ou de bouche , ou de cœur ,
fervent encore merveil'eufe-
ment à cet exercice : a in il nous
devons toujours en avoir plu-
fieurs qui aient rapport à la
vertu quenous défi; ions acqué-
rir & en ufer à propos durant
la journée , fur tout îorfque la
paQîon qui nous domine vient
à s'échauffer. Ceux donc qui
tâchent à devenir doux Se pa-
tiens, peuvent fe fervir ou des
.paroles fuivantes, ou d'autres
21 8 Le Combat Spirituel ,
femblables. ( a ) Supporte-^ pa-
tiemment la colère d'u?iD.eu qui
vient pour punir vos crimes, (b)
La patience des pauvresne fera
pas privée pour jamais du bien
qu'elle efpere. (c) Un homme pa-
tient vaut mieux qu'un homme
vaillant y & celui qui peut Je do-
miner lui-même ejl préférable à
celui qui emporte des villes d'af-
Jaut. ( d ) Vous poffèdere\vos
âmes par la patience. (€)Cou^
ronsfi bien , que par la patience
nous gagnions le prix queDieic
nous propofe.
On peut ajouter ces afpira-
tions ou d'autres pareilles : O
mon Dieu,quand ferai-je armé
de la patience , comme d'un
bouclier à l'épreuve des traits
de mon ennemi ? Quand vous
aimerai-je , jufqu'à recevoir
avec joie toutes les affligions
(a; Baruch. 4. 7. y. (b) Vf. ?. ij.
(c) Prov. 16. 31. (cl) Luc. il. i}*
fol Hebr. xi* x.
Chapitre XXXV. 219
qu'il vous p]a,ira de m'envoyer ?
O vie de moname , nevivrai-
je jamais pour votre gloire ,
pleinement content parmi les
iourïrances ! O que je ferois
heureux, fi dans les flammes
des tribulations , je biûlois
d'envie de me confumer pour
votre fer vice 1
Nous nous fer virons à toute
heure de ces fortes d'oiaifons,
fuivant le progrès que nous au-
rons fait dans la vertu , & félon
que la dévotion nouslinfpire-
ra. On les nomme jaculatoires,
parce que ce font comme des
dards enflammés que nous lan-
çons vers le Ciel , qui ont la
vertu d'y élever notre cœur,
êc qui percent celui de Diea
quand ils. font aceompagnés de
deux chofes qui leur fervent
d'ailes* l'une eft la connoiflance
certaine du pîaifir que Dieu
prend à nous voir dans l'exer-
cice des vertus; l'autre eft un
220 Le Combat Spirituel,
clefir ardent d'exceller en toute
vertu , par le feul motif de
plaire à la divine bonté*
~Ch~Â p i tre XXXVI.
Quel* exercice de lavertu dema n -
Ae une application continuelle*
JliiNtre les cliofesqui ferventà
acquérir les vertuschré tiennes,
qui eft le but que nous nous
propofbns ici -, une des plusné-
eeffaires.e{:l:d',e{rayercravancei:
toujours dans la voie de la per-
fection , parce qu'on recule
pour peu qu'on s'arrête. Dès
que nous celions de faire des
actes de vertu , Finclination na-
turelle qui nous porte à recher-
cher le plailir ck ies objets ex-
térieurs qui flatcent les fens, ne
manquent pas d'exciteren nous
des mouvemens déréglés , &
ces mouvemens détruifent ou
affoibliflent du moins les habi-
tudes des vertus. D'ailleurs .
Chapitre XXXVI. as*
cette négligence nous prive de
heaucoup de grâces > que nous-
pourrions mériter par un plus
grand befoin de notre avance-
ment fpirituel»
C'eft la. différence qu'il y a;
entre voyager fur la terre &
marcher dans la voie du, ciel ,
car ceux qui voyagent fur la
terre peuvent s'arrêter fans re-
tourner, fur leurs pas, &: de
plus en marchant toujours , la
laflîtttde les met hors d'état
d'aller plus avant ; mais dans
le chemin delà perfection, plus
on avance , plus on fent aug-
menter fes forces. Laraifon de
ceci eft que la partie inférieure
qui empêche , autant qu'elle
peut par fa réiiiïance ,. le pro-
grès fpirituel , vient à: s'affai-
blir par l'exercice des vertus,
2c qu'au contraire la partie fu-
périeure où eft le tiége de la
vertu, s'affermit & fe fortifie.-
davantage.
222 Le Combat Spirituel 9
Ainii,à mefure que l'on pro-
fite dans la fpiritualité , toute
la peine qu'on voyoit , dimi-
nue beaucoup ; & une certaine
douceur par où Dieu tempère
les amertumes de cette vie ,
s'augmente à proportion , de
forte qu'allant toujours avec
joie de vertu en vertu , on ar-
rive enfin au fommetdela mon-
tagne, au comble de la perfec-
tion, àcet état bienheureux où
}'ame commence à exercer fes
fonction? fpirituelles , non feu-
lement fans dégoût , mais avec
un contentement ineffable ,
parce qu'étant vi&orieufe de
fes paflions, & s'étant mifeau-
deffus de toutes les créaturesSc
de foi-môme , elle vit dans le
fein de Dieu , & y jouit, par-
mi les travaux continuels;d'un
agréable repos.
22J
> " ■
Chapitre XXXVII.
Que puifquil finit continuer
toujours à pratiquer les ver-
tus , on ne doit omettre au»
cime occafion de s'y exercer.
j^jOus avons fait voir aflfez
clairement qu'il faut toujours
avancer : 6c ne s'arrêter jamais
clans îe chemin de la perfection.
Veillez donc tellement fur
vous , que vous ne manquiez
aucune occafion de travailler à
acquérir les vertus. Gardez-
vousb'ende vcus éloignercom-
me on tait ordinairement des
chofes contraire? aux inclina-
tions de la nature corrompue ,
pnifque c'eft par elles que l'on
parvient aux vertus les plus
héroïques.
"\fjou lez -vous (pour ne point
foftir de notre premier exem-
ple ) voulez- vous devenir pa-
22^ Le Combat Spirituel T
tient ? Prenez garde à ne pas
fuir lesperfonnes, les emplois
&les penfées mêmes qui vous
caufent le plus fou vent de l'im-
patience; accoutumez-vous à
converferavec toutes fortesde
perfonnes , quelque râcheufes
&: incommodes qu'elles foient.
Soyez toujours dans la difpofï-
tion de fourlrirtout ce quipeut
vous faire le plus de peine, au-
trement vousn'acquerrez point
ÎTliabitude de la patience.
Si quelque emploi vous dé-
plaît 3 ou delui-même,ou parce
qu'une perfonne que vousn'air-
niez pas vous en a chargé , eu
parce qu'ilvousdétourne d'une
autre occupation qui feroitplus
félon votre goût rn'y renoncez
jamais pour cela,; ayez allez de
courage y x\qv.t feulement pour
l'embraser avec joie7mais pour
yperfevérer.jufqu'àlarin, quand,
même vous en repentiriez de
l'inquiétude ,.& qu'enle quit-
tant
Chapitre XXXVII. «y
tant vous pourriez vous mettre
lefpi it en repos;fans cela vous
n'apprendez jamais à foufïrir,
6f vous ne jouirez point de la
véritable paix que poflede une
ame qui n'a nulle pafllon,& qui
a toutes les vertus.
Je discle même de certaines
fortes de penféesqui voustour-
mentent quelquefois : car ce
n'eft pas un avantagepour vous
que d'en êtreentierementquit-
te , puifque la peine qu'elles
vous donnent vous accoutume
à la fouffrance des chofes les
plus fâcheufes. Tenez donc
pourafluré quequiconque vous
enfeigne le contraire, vous ap-
prend plutôt à fuirla peine que
vous craignez, qu'à acquérir 1&
vertu que vous defirez.
A la vérité un foldat nou-
veau & peu. aguerri doit fe
comporter tfans ces occailons
avec beaucoup de prudence &
^etetenue,tantôt eu attaquant
2
Zl6 Le Combat Spirituel ,
l'ennemi,& tantôt enreculant ,
félon qu'ilfefent plus ou moins
de force & de vertu : mais il ne
doit pas lâcher le pied 6c aban-
donner entièrement le combat;
il ne faut pas qu'il é vite tout ce
qui lui pourroit caufer du trou-
ble & du chagrin: car quoiqu'il
fe mît alors hors de danger de
tomber dans l'impatience , il
s'y trouveroit enfuite plus ex-
pofé que jamais , ne s'étant pas
fortifié contre ce vice par l'ha-
bitude de la patience.
Tout ceci n'a point de lieu
dans le vice de l'impureté dont
on fe fauve par la fuite,comme
nous Pavons remarqué ailleurs.
y®
i
227
Chapitre XXXVIII.
Qu'on doit fi réjouir de toutes
les oc c a fions qu'on a de corn-
batrepour acquérir les vertus^
principalement de celles où il
y a le plus de difficulté.
C:
E n'eft point aîTez de .ne'
point fuir les occailons de tra-
vailler pour acquérir la vertu ,
il les faut chercher , il faut que
dès qu'elles fe préfentent.ynous
îesembrafTionsavec joie,& que
celles où ily a le plus de morti-
fication, nous foient toujours :
îesphis agréableSjComme elles-
nous font les plus utiles. Rien
ne nous paroitra mal aiféavecle
fccours du Ciel,finousgravons
bien avant dans notre efpritles
confidérations fuivantes.
La première eft , que les oc-
cafions font des moyens-p.ro--
près y ou pour mieux dire , né>
Pij
228 Le Comha* Spirituel,
ceflaires à acquérir les vertus,
de-là vient que lorfqu'on de-
mande à Dieu les vertus , on
lui demande par conféquent
les moyens qu'il veut qu'on
emploie pour les obtenir ; au-
trement la prière feroit vaine ,
&: on fe contrediroit foit-mê-
me , on tenteroit Dieu , qui
n'a pas accoutumé de donner
la patience fans les tribula-
tions , ni l'humilité fans les op-
probres.
Il en eft de même de toutes
les autres vertus , qui font les
fruits des adverfités que Dieu
nous envoie , & que nous de-
vons d'autantplus aimer, qu'el-
les font plus rudes , parce que
les grandseifortsqu'il faut faire
pour lesfupporter,contribuent
extrêmement à former en nous
les habitudes des vertu?.
Soyons donc toujours atten-
tifs à mortîfïernotre propre vo-
lonté, quand ce ne feroit que
Chapitre XXXVIII. 229
dans une œillade un peu trop
curieufe , dans une parole un
peu trop libre ; car quoique
les victoires qu'on gagne fur
foi dans les grandes occafions ,
foient plus glorieufes, celles
qu'on remporte dans les moin-
dres , font imcomparablement
plus fréquentes.
La féconde confidération
que nous avons déjà touchée ,
eft que toutes les chofes qui
arrivent en ce monde , vien-
nent de Dieu-, & qu'il prétend
que nous en tirions du prorlt j
car quoiqu'à parler propre-
ment , on ne puifle dire que
quelques unes de ces chofes ,
comme nos péchés , ou ceux
d'autrui , viennent de Dieu qui
abhorre l'iniquité , il eft vrai
pourtant qu'elles font de lui
en quelque façon , puifqu'il les
permet ; &: que pouvant abfo-
lument les empêcher , il ne
le fait pas; mais pour les afflic-
P iij
230 Le Combat Spirituel 9
tions qui nous arrivent foit par
notre faute , foit par la malice
de nos ennemis , on ne peut
nier qu'elles ne viennent de fa
main, &: qu'il n'y ait part quoi-
qu'il en condamne la caufe ,
cependant il veut que nous les
fupportions patiemment > ou
parce qu'elles nous font des
moyens de nous fan&ifier , ou
.pour d'autres juftesraifons que
lui feul connoît.
Si donc nous fommes cer-
tains que , pour accomplir par-
faitement fa divine volonté ,
nous devons fouffrir de bon
coeur tous les maux que nous
caufent les médians , ou que
nous nousattirions nous-mêmes
par nos péchés ; c'eft à tort
que quelques-uns, pour cou-
vrir leur impatience , difent
qu'un Dieu infiniment jufte ne
peut vouloir ce qui part d'un
mauvais principe. On voit bien
qu'ils neprétendent autrechofe
Chapitre XXXVIII. 231
que de s'exempter de la pei-
ne , & de faire même accroire
au monde qu'ils ont raifon de
ne pas recevoir les croix que
Pieu leur pre'fente ; mais il y
a encore plus ; c'eft que quand
tout le refte feroitégal, Dieu
ie plaît b:en davantage à nous
voir fouftiir corftamment les
perfecutions injuftes deshom-
mes>fur-toufdé ceux que nous
avons obligés , qu'à nous voir
prendre en patience d'autres
accidens fâcheux : en voici les
raifons.
La première eft que l'orgueil
qui naît avec nous fe réprime
beaucoup mieux par les mau-
vais traitemens que nous font
nos ennemis , que par des pei-
nes & des mortifications vo-
lontaires. La feconde,eft qu'en
les fouffrant patiemment , nous
faifons ce que Dieu demande
de nous , & ce qui eft de fa
gloire ; parce que nous confor-
P ir
232 Le Combat Spirituel ,
mons notre volonté à la ii-enne
dans une chofeoùfa bonté & fa
puifTance reluifent également:
& que d'un fond auffi mau/ais
qu'eft le péché même , nous re-
cueillons d'excellents fruits de
vertu & de iainteté.
Sachez donc qu'auflfitôt que
Dieu nous voit réfolus de tra-
vailler tout de bon à acquérir
les vertus folides.il ne manque
point de nous éprouver par
de fâcheufes tentations & par
de rudes fouffrances. Ainfî
connoiflant l'amour qu'il nous
poi'te,&l'affe&ion qu'il a pour
notre befoin fpirituel , nous
devons recevoir avec actions
de grâce le calice qu'il nous
offre, & le boire jufqu'à la
dernière goutte;perfuadés que
plus nous le trouverons amer ,
plus il nous fera falutaire.
23 î
Chapitre XXXIX.
Comment on peut , en dlverfes
occafions , pratiquer la même
vertu.
V Ous avez vu dans un des
Chapitres précedens, qu'il vaut
beaucoup mieux s'attacher du-
rant quelque tems à une feule
vertu, que d'en embrafler plu-
fieurs à la fois, c'eft en cette
vertu particulière qu'on doit
s'exercer toutes les fois que
l'occafion s'en prifente. Voyez
maintenant avec quelle facilité
vous le pourrez faire .
Il arrivera en un même jour,
& peut-être en une même
heure, qu'on vous fera quelque
févère réprimande pour une
a&ion qui ne fera pasmauvaife,
ou que pour un autre fujet on
parlera mal de vous ; qu'on ne
voudra pas vou* accorder une
234 ^e Combat Spirituel,
grâce que vous aurez deman-
dée , & qu'on vous la refufera
d'unemanierechoquante,quoi-
quecene foit qu'unebagatelle,
qu'on aura quelque faux foup-
eon de vous ; qu'on vous don-
neraquelquecommiffionodieu-
fe; qu'on vous fervira des vian-
des mal apprêtées, qu'il vous
furviendra une maladie, ou que
tout- à-coup vous vous trouve-
rez accablé d'autres maux en-
core plus grands,comme iîs'en
trouve une infinité dans cette
miférable vie ; parmi tantd'ac-
cidens fâcheux , vous pouvez
fans doute pratiquer plufieurs
vertus différentes , mais pour
obferver la régie qu'on vous a
donnée là-deflus, il vous fera
plus utile de vous attacher à
celle dont vous croirez avoir
le plus de befoin.
Si c'eft la patience , vous ne
penferez qu'à fouffrir coura-
geufement & avec joie tous
Chapitre XXXIX. 2#
'les maux qui pourront vous ar-
river. Si c'eft l'humilité , vous
longerez dans toutes vos pei-
nes , qu'il n'eft point de châti-
ment qui puifle égaler vos cri-
mes. Si c'eft i'obéiffance, vdus
tâcherez de vous foumettre à
la volonté d'un Dieu qui vous
punit félon que vous le méri-
tez. Il faudra même vous affu-
jettir pour l'amour de lui , Se
parce qu'il le veut ; non-feule-
ment aux créatures raifonna-
bles , mais encore à celles qui
n'ayant ni raifon , ni vie , ne
laifient pas d'être les inftru-
mens de fa juftice. Si c'eft la
pauvreté , vous efTayerez de
vivre content, quoique prive
de tous les biens &de toutes
les douceurs de cette vie. Si
c'eft la charité , vous ferez le
plus qu'il vous fera poflible des
a&es d'amour du prochain 8c
d'amour de Dieu , en confidé-
raïuque 1§ prochain vousdonnc
2^6 Le Combat Spirituel,
occaiionde multiplier les méri-
tes lorfqu'il exerce votre pa-
tience j 6c que Dieu qui vous
envoie , ou qui permet tous les
maux que vous fouffrez, n'a en
vue que votre bien fpirituel.
Ce que je dis de la manière
dont vous pouvez pratiquer en
des rencontres différentes la
vertu qui vous eft la plus nécef-
faire , montre en même-tems
de quelle façon vous pouvez
vous y exercer en unefeule oc-
cafion, comme en une maladie,
ou en quelqu'autrefortedepei-
ne,foit du corpsjfoitdel'efprit.
Chapitre XL.
Du rems que nous devons em-
ployer à acquérir chaque ver-
tu , & des marques du pro-
grès que nous y faifons.
N ne fauroit déterminer
précifément 6c en général ,
eombiennous devons employer
■ Chapitr e XL. 237
de tems à nousexercer en cha-
que vertu , parce que cela dé-
pend de l'état & des difpofi-
tionsoù nous fommes, du pro-
grès que nous faifons dans la
vie fpirituelle, & de la direc-
tion de celui qui nous y con-
duit. Mais il eft confiant que fi
nous nous y appliquions avec
tout le foin &. toute l'ardeur
que nous avons dit , en peu de
femaines , nous y profiterions
beaucoup.
Une marque très -certaine
d'un progrès confidérabîe eft ,
lorfque l'on perfévere dans ces
exercices de piété , malgré les
dégoûts , les troubles , les ari-
dités , & la privation de toute
coniblationfenfible. Une autre
non moins évidente eft,lorfquc
la concupifcencevaincue&fou-
mifeà la raifon , ne fauroit plus
empêcher qu'on ne pratiqneles
vertus: car à mefure qu'elle
s'a&biblit , les vertus fe forti-
ZjS Le Combat Spirituel^
tient & s'enracinent dans l'ame.-
C'efrpourquoilorfqu'onnefent
point de contradiction & de
révolte clans la partie inférieu-
re , on peut s'affurer qu'on a
acquis l'habitude de la vertu
ck plus on a de facilité à en pro-
duire les a&es, plus l'habitude
en elt parfaite.
Ne croyez pas néanmoins
être parvenu à un haut point
de fainteté , ni que vous ayez
entièrement dompté vos paf-
fions ; parce que depuis long-
tems , &c après pluiieuis com-
bats, vous n'en avez reffenti
aucune attaque ; fâchez qu'ily
a fouvent encecide l'ilufion du
démon & de l'artifice du côté
delà nature, quifedéguife pour
un tems. De-là vient que par
un orgueil fecret , on prend
pour vertu ce qui . eften effet"
un vice. D'ailleurs , fi vousre*
gardez quel eftle degré de per-
fection oàDieu vous appelle 9-
Chapitre XL. 239
quelque effort que vous ayez
fait jufqu'ici pour y atteindre ,
vous vous entrouvereztoujours
intînimentéloigné. Vous devez
donc continuer vos exercices
ordinaires , comrnes li voi*s ne
faiiiez que de commencer aies
pratiquer ,fans jamais vous ra-
lentir de votre première fer-
veur.
Souvenez - vous qu'il vaut
mieux tâcher de profiter en
vertu , que d'examiner fciupu-
leufementfi l'on y a profité,
parce que Dieufeul quiconnoît
& fonde les cœurs , découvre à
quelques-uns ce fecret , & le
cache aux autres, félon qu'il
les voit capables ou de s'en hu-
milier ou d'en tirer vanité. Et
par-là ce Père , également bon
& fage , ôte aux plus foibles
l'occafion de leur ruiné , &:
donne aux autres le moyen de
croître en vertu. Ainli, quoi-
qu'une ame ne voie point le
240 Le Combat Spirituel 9
progrès qu'elle fait , elle ne
doit pas quitter pour cela fes
pratiques de dévotion , parce
qu'elle le connoîtra quand il
plaira à Notre-Seigneur de le
lui faireconnoître pour lbnplus
grand bien.
Chapitre XLI.
Çuon ne doit pas trop fouhai-
ter d'être délivré des afflic-
tions qu'on endure* patiem-
ment , & de quelle foi te il
faut régler fes de fus»
_ Uand vous vous trouverez
en quelque affii&ion , quelle
qu'elle foit,& que vous la fup-
portez patiemment , gardez-
vousbien d'écouter ni le démon
ni votre amour propre , qui ex-
cite dans votre cœurde violens
deiirs d'être délivre de cette
peine. Car votre impatience fe-
£oit caufede deuxgrandsmaux;
Tan
Chapitre XLI. -2jr
l'un , que quand vous ne per-
driez pas alors tout-à-fait l'ha-
bitude delà patience, ce feroit
toujours une difpoiîtionauvice
contraire; l'autre que votre pa-
tience nepourroic être qu'im-
parfaite » & que ?ous ne feriez
recompenfé que yarle tems où
vous l'auriez exercée ; au lieu
que fi vous n'aviez pointfouhai-
te de foulagement , mais que
vous eulîlez téinoignéune rélî-
gnation entière à la volonté di-
vine , quand votre peine n'au*
roit dure qu'un quart-d'heure,
Dieu vous en récompenferoic
commed'unelonguefoufFi ance.
Prenez donc pour règle gé-
nérale en toutes chofes jdenî
vouloir faire que ce que Dieu
veut ; de rapporter là tous vo-
délirs y comme à l'uuique bue
où ils doivent tendre : par ce
moyen ils deviendrontjuftes 6c
faints; quelques accidens qui
puiflent arriver, non-feulement
Q
2.d2 Le Combat Spirituel 9.
vous demeurerez tranquille***,
mais vous jouirez d'un conten-
tement parfait; car comme il
n'arrive rien en ce monde que
par l'ordre de Ja Providence , (i.
vous ne voulez que ce qu'elle
veut , vous aurez tout ce que
vous délirez, parce qu'il n'arri-
vera rien que félon votre vo-
lonté.
Ce que je dis ne s'entend pas
à la vérité des péchés d'autrui-
ni des vôtres, puifque Dieu le?
a en horreur , mais il s'entend
de toutes fortes de peines > foit
qu'elles foient des punitions
de vos péchés , ou de iimples
épreuves de votre vertu, quand
même vous en auriez le cœur
tout pénétré de douleur, Se
que vous feriez en danger d'err
perdre la vie : car ces fortes de-
croix font celles dont Dieu a
coutume de favorifer fes meil-
leurs amis.
Que ii vouschercbezquelque
Chapitre XLII. 243
adouch'Vement de votre peine ,
&: que vous uliez pour cela des
moyens communs fans pouvoir
vous fbulager , il Faut vous ré-
foudre à fourFrirpaticmmentun
mal que vous avez eiïayé en
▼aindeguérir lilrautmème que
vous employez ces moyens,
qui de foi font bons , & dont
Dieu veut que vous vous fer-
viez dans le befoin : il faut
dis- je , que vous les employez
par cette feule raifon que Dieu
le veut, & non par aucune at-
tache pour vous-même , ni par
une trop grand paiTion de vou9
délivrer des fouffrances.
Chapitre XLÎI.
Comment on peut fé1 défendre des
artifices dû démon, lorfqu'fl
fuggère des dévotions indif-
férentes*
JuOrfque le démon , cet an-
€ien ferpent, voit qi'e nous
244 Le Combat Spirituel,
marchons d'un pasaflurédans la
voie du ciel, que tous nos de-
iîrs vont à Dieu , & qu'il ne
peut nous engager dans le mal
par des artifices grofliers , il fe
transforme en ange delnmiere,
i'1 nous pouffe à la perfection,
&: nous la fait délirer aveuglé-
ment & fans nul égard à notre
foibiefie ; il nous infpirè des
penfées dévotes, nous allègue
des partages del'Ecriture-.nous
remetdevantlesyeuxlesexem-
pies des plus grands Saints, aiin
qu'une ferveur indifcrette &
précipitée nousporte trop loin,
& " nous fa (Te faire quelque
lourde chute
II nous incite , par exemple,
à maltraiter exceflivement no-
tre chair par des disciplines ,
par des jeûnes, &par d'autre»
mortifications Semblables. Son
deffein eft, oùquecroyantavoir
fait de grandes chofes, nous en
tirions vanité , ce qui arrive
Chapi tre XLII. 245
particulièrement aux femmes*
ou qu'abattus par des péniten-
ces trop rigoùreufes , 6c au-
(leilus de nos Forces , nous de-
venions incapables de faire au-
cune bonne œuvre ; ou que ne
pouvant plus fupporter les tra-
vaux d'une vie auftère , nous
nous dégoûtions peu à-peu des
exercices fpirituelsj & qu'enfin
las de pratiquer la vertu- , nous
recherchions avec plus d'ar-
deur que jamais les plaifirs Se
les divertiflemens du monde.
Quipourroit cîirecombicnde
gensfe font perdus delà forte ?
La préfomption les a aveuglas
jufqu'à tfn tel point, quefe iaif-
fant emporter indifcrettement à
un zèle trop avide de fou finan-
ces , ils font tombés dans le
piège qu'ils s'étoient eux-mê-
mes drefle, & for.tdevenus en-
fin le jouet des démons. Sans-
doute qu'ils fefçroient garantis
d'un fi grand malheur , s'ils
Qhj
2^.6 Le Combat Spirituel?
a voient coniidéré" qu'en ces
exercices de mortification,
quelque louables qu'ils foient,
& quelque fruits qu'en recueil-
lent ceux qui ont a:Tez de force
de corps , & a fiez d'humilité
d'efprit pour en proSter,il faut
toujours, coir.me nous avons
déjà dit , garder quelqueregie
ck voir ce qui convient davan-
tageaux difpofitionsoùroneit,
car tous ne peuvent pas faireau-
tant d'auftérités que les Saines.
mais tous peuvent imiter les
Saints en beaucoup de chofes:
ils peuvent former dans leur
coeur des ciefirs ardens& effici-
cescle participer aux glorieu.fes
couronnes que remportent les
vrais foldats de J- C. dans les
combats fpirituels -, ils peuvent
à leur exemole , meprifer le
monde, oz fe meprifer eux-
mes , aimer la retraite &le fi-
lence , être humbles ck chari-
tables envers tout ie monde ,
Chapitre XLIL 247
-fbuflfrir patiemment les injures,
fair^cîu bien à ceux qui leur
fontle plus de mal , éviter les
moindres fautes , qui font des
chofes d'un plus grand mérite
auprès de Dieu , que toutes les
macérations du covp?.
ïlcftmême bon deremarquer
qu'au commencement il vaut
mieux uferd'un peudemodéra-
tion dans les pénitences exté-
rieures, afin depou voir les aug-
menter, quand il en fera be-
foin , que pour en vouloir trop
faire , le mettre en danger de
n'en Faire plus du tout. Je vous
dis ceci dans la uenfée quevous
êtes bien éloigné de l'erreur
grofliere où font quelques-uns
quipaiTent pour fpirituels, mais
qui, féduirs par l'amour-propre
n'ont rien de plusà cœur quede
conferver la fanté.Ces gens-là,
pour la moindre chofe , crai-
gnent de s'incommoder , & il '
u'jr a rien de quoi ils s*ocçxt*
248 Le Combat Spirituel 9
pent , ni dont ils parlent plus
ibuventque durégime de vivre
qu'ils doivent garder. Us ont
fur le choix des viandes une ex-
trême délicateffe qui ne fert
qu'à les affaiblir, ils préfèrent
ordinairement celles qui flat-
tent davantage le goût à celles
qui font meilleures pour l'efto-
mac: & cependant, fi on les en
croit, tout ce qu'ils préten-
dent, c'eft d'avoir des forces
pour mieux iervir Dieu.
C'eft-làle prétexte dont ils
couvrent leurfeafualité : m?.is
dans le fond ils ne cherchent
que le moyen d'accorder en-
iemble deux ennemis irrécon-
ciliables , qui font la chair 6c
î'efprit , ce qui va infailli-
blement à la ruine de tous les
deux ; puifqu'en même - tems
l'un perd fa fanté & l'autre la
dévotion : c'eft- pourquoi une
manière de vivre moins délica-
te fcmoin$inquiéte,elltoujours
Chapitre XLIIL 24$
Ja plus aifée & la plus sûre.
Il faut néanmoins y garder
quelques mefures , & avoir
egarcauxdiverfes complétions
qui n'étant -pas également for-
tes ne peuvent pas foutenir les
mêmes travaux. J'ajoute qu'il
faut de la di fer et ion peur ne
pas aller trop loin dans ceux
qui font pure ment intérieurs &
ipirituels ; ainli que nous l'a-
vons fait voir, en expliquant la
manière de s'élever par degrés
aux plus fublimes vertus.
f 1 . ■ 11
Chapitre XLIIL
Que notre mauvaife inclina"
lion jointe aux ju%geftions
du Démon, nousporte àjuger
témérairement du prochain >
de quelle manière nous devons
y réfijler.
A bonne opinion que nous
avons de nous-mêmes, produit
un autre défoidre bienpréjudi
ciable, c'eft lejugement témé-
2.JO LeComlat Spirituel,
raire.qui fait que nous conce-
vons & que nous donnons aux
autres une baffe idée de notre
prochain. Comme ce vice naic
de notre orgueil, c'eftaufti par
notre orgueil qu'îîs'entretient;
•& plus il augmente , plus nous
devenons prëfomptu eux, pleins
denous-mêmes, £i rupceptibles
desillufion? du demomcarr.ous
venons infenfiblement à avoir
pour nous d'autant plus d'efti-
•me, que nous en avons moins
pour les autres ; étant fauffe-
ment perfuadës que nous fom-
mes tout- à - fait exempts des
fautes dont nous les jugeons
coupables.
Lorfque l'ennemide notrefa-
lutreconnoit en nous cette mé-
chante difpofition ,il emploie
toutes fes rufes pour nous ren-
dre continuellement attentifsà
examineriez défauts d'autruî ;
ck à nous les ri -jurer plus grands
qu'ils ne fonc. Il if eftpas croya-
Chapitre XLIÎT. 2jt
•ble combien il s'efforce de nous
remettre àtoutmomentdevant
les yeux quelques légères im-
perfedtionsque housavons vues
dans nos frères , Iorfqu'il ne
peut nous y en faire remarquer
de conlidérables.
Puis donc qu'il efl: fi artifi-
cieux , &c fi applique à nous
nuire, ne foyons pas moins vi-
gilans à découvrir & à éviter
les pièges ; auiTi-tôt qu'il nous
représente quelque vicecupro-
chain , rejetteras cette peu fée ;
& s'il continue à nous prefler
d'en former un jugement défa-
vantageux, gardons-nous bien
d'écouter fes fuggeftions mali-
gnes. Sou vehons-nousq ne nous
n'avons pasVautoriténécefTaire
pourjuger, & que quand même
nous l'aurions , nous ne ferions
pas a(Turés de juger équitable-
ment ; parce que nous fommes
prévenus de millepafîlonsaveu-
gles & que naturellement uous
2^2 Le Combat Spirituel ,
prenons pîailïr à cenfurer les
ââions &: la vied'autrui.
Pour lemédierelficacementà
un mal iidangereux, ayons l'ef-
prit entièrement occupé de nos
miferes ; nous trouverons au-
dedans de nous tant de chofes
àréformer, que l'envie ne nous
prendra pas juger & de con-
damner ]çs autres; de plus , çji
nous appliquant à. coniidérer
nos propres défauts , nous gué-
rirons aifément l'oeil de notre
ame d'une certaine malignité ,
qui eft la fource des jugemens
téméraires; car quiconque juge
fans rai Ton que fon frère eft: iu-
jet àquelque vice, n'a que trop
de fondement pour croire qu'il
y eft fujet lui- même, puifqu'un
homme vicieux penfe toujours
que les autres lui reflembîent.
Lors donc que nous fommes
près de condamner la conduire
de quelque perfonne, blâmons-
nous intérieurement nous me-
Chapitre XLIII. 25*3
mes, &. faifbns-nous ce jutte re-
proche : Aveugle Se prefomp-
tueux, comment es-tu il témé-
raireque de critiquer lesactions
de ton prochain , toi qui as les
mêmes défauts , & qui en a de
plus grands que lui? A im! tour-
nant contre nousnos propresar-
Eies , au lieu d'en Méfier nos
frères , nous les employeronsà
guérir nos plaie**
Que fila faute quenouscon-
damnonseftréelle & manifefte ,
exeufons par charité celui qui
l'a comaiire;croyons qu'il a des
vertus cachéesqu'il n'auroitpu
conferver, fi Dieun'eûtpermis
cette chute : croyons qu'un lé-
ger défaut que Dieu lailaiffe
pour quelque tems , rabattra
beaucoup de la bonne opinion
qu'il a de lui-même ; qu'étant
méprifé des autres , il en de-
viendra plus humble , Se par
conféquent que Ton gain fera
plus grand que fa perte; mais ii
2J.I le Ccnu l-at Spirituel y
lépéché eft non- feulement pu-
blic, mais énorme; ri le pécheur
eit endurci & impénitent , éle-
vons notre efpric au ciel ; en-
tre ns dans les iecrets jugemens
de Dieu,coniîdéionsque beau-
coup de gens, après avoir
long- teins vécu dansle crime,
font devenus de grands Saints,
ck que d'autres àucontraire qui
fembloient être arrivés aucom-
ble dëTbi perfection, font tom-
bés malheureusement dans un
abyrne d'iniquités.
P*r ces considérations , cha^-
cun comprendra qu'il n'y a pas
moins à craindre pour lui que
pour tout autre, & que:;s'il fent
quelque inclination à juger fa-
vorablement des autres, c'ell
ie faint- Efprit qui la lui donne,.
au lieu que fes jugemens témé-
raires , les averfions & fon mé-
pris pour leprochain n'ontpoint
d'autre chefe que fa propre
malignité & lafuggefliondudé-
Chapitre XLIV. 25*5:
WQD.Sidotîcnous nous fommes'
arrêtés à coniidéier trop cu-
rie ufement lesdéfauts d'autrui,
ne nous donnons pointde repos
que tout ne foit effacé de no-
tre mémoire*
Chapitre XLIV.-
De V Or ai fort-
*5>I ladéfiancedsspous-mêmM,.
la confiance en Dieu , & le bon
uiage de nos puiiïancesïbnt des
armes néceiTai-res dans le com-
bat fpirituel, comme on l'a fait
voir jufqu'ici , FOraifon , que
nous avons mile la dernière, eft
encore d'unepîurgrande nccef-
iué.puifque c'eft par ellequ'on
obtientde Dieu, non-feulement
cesvertus , mais généralement
tous les biens dont on a befoin;
c'elt par ce canal que découlent
toutes les grâces qu'on îeçoit
d'en-haut;c'efte!lequi fait que
leTout-puiilant \ ient du ciel à
2y6 Lt Combat Spirituel ,
notre fecours , 6c que par des
mains aum" foibles que les nô-
tres , il détruit nos plus redou-
tables ennemis. Pour nous en
fervir comme il faut , voici ce
que nous avons à faire.
i. Nous devons avoir unvé-
ritabledeiir de fervirDieu avec
ferveur , & en la manière qui
lui fera îe p! us agréable. Or ce
defir s'aHumeradansnotre cœur
fi nous confiderons attentive-
ment trois chofes. La première
eft, queDiey mérite infiniment
d'être fervi & honoré à caufe
de l'excellence de fonEtre fou-
verain,de fa bonté,de fa beau-
té, de fa fageiTe,defa puiïïance
& de toutes fes perfections
ineffables. La féconde eft, que'
ce Dieu fait homme , n'a ce (Té,
durant trente-trois années , de
travailler pournotre fa!ut,qu'il
a bien voulu pan fer de fes pro-
pres mains les horribles plaies
de nos péchés , & qu'il a eu la
bonté
Chapitre XLIV. 25-7
bonté de les guérir, non pas et*
y verfant du vin & de l'huile y
mais en y appliquant fon fang
précieux & Ta chair très-pure,
toute déchirée par les fouets 9
par les épines &par l'es clou?»
JLa troifienie eft,qu'il nous im-
porte extrêmement de garder
fz. loi ,& de nous bien acquiter
de nos devoirs; puifque c'eft
l'unique moyen de nous rendre-
maîtres de nous-mêmes, victo-
rieux du Démon & enrans de-
Dieu.
2. Nous devons avoir une
foi vive £•: une ferme confiance
qaeDieu ne nous refuferapoint
les feconrs nécefTaires pour le
bien fervir , & -pour opérer
notre falut. Une amepleine de
cettôfoiflte confiance, eit com-
me un vafe facré où la divine
miférico: de répand les tréfors
de fa grâce-; & plus iî eft
grand , plus eft grande aufiî l'a*
konda-nce desbénéxiicHons cé-
&
2yS Le Combat Spirituel ,
leiies que l'Oraifon y attire ;
car , comment un Dieu , à qui
rien n'eft impofïïble , & qui ne
trompe perfonne , pourroit-U
ne pars nous communiquer fes
dons , lui qui nous prèfl'e de les
demander , qui nous promet
frn faint-Efprit , pourvu que
fl o us 1 e ci e m a n cl ion s a v e c fo i 8c
avec perféverance ?
3 . Nous devons prier par îe
feui motif de faire ce que Dieu
veut , & non pas ce que nous
voulons ; de forte que nous r.e
nous appliquons à la prière ,
qu'à caufe que Dieu nous le
commande, & que nous ne o'e-
firons d'être exaucés, queu-
tant qui! lui plaît; qu'ainli nous
avons purement en vue de con-
former notre volonté à la Hen-
né , & non pas d'accommoder
fa volonté à 'a nôtre. Larai-
fon de ceci elt que l'amour-
propre ayant perverti & cor-
rompu notre volonté , nous ne^
Chapitre XLIV* ifê
favuns le plus Couvent ce que
nous demandons; au lieu que
la volume divine ne peiftman-
quer,étanteiTentielIementjufie
& fainte ; aufii doit-elle êtiela
régie de toute autre volonté ,
&: c'eiï s'égarer que de ne la
pas fuivre. Prenons donc garde
à ne demandera Dieu que des
choies qui lui agréent": s'il y
a lieu de craindre que ce que
nous fouhaitons , ne loir pas
conforme à fa volonté, ne le
demandons qu'avec uneentiere
fourni Jîon aux ordres defa pro-
vidence ; mais fi les chofes que
nous voulons obtenir ne peu-
vent lui être que très- agréa-
bles , comme des grâces èz des
vertus , demandons-les plutôt
pour lui plaire & pour fer vida
divine majefté, que pour t<
autre confidération , quelque
fpirituel'e qu'elle ioit.
4. Si nous vouions que noj
'prières foient exaucées,' il faut
&6"o le Combat Spirituel^
que nos œuvres s'accordent
avec nos demandes , il faut
qu'avant TOraifon & après r
nous travaillions de toutes nos
forces pour nous rendre dignes
<de la grâce que nous délirons
obtenir j car l'exercice del'O-
raifon & celui de la mortifica-
. tion intérieure 9 ne doivent ja-
mais aller l'unlrinsl'autre parce
que c'eft tenter Dieu que de lui
demander une vertu , &: de ne-
pas fe mettre en peine de îi
pratiquer.
j. Avant que de rien de-
mander à Dieu , rendorrs-lui
«le trè's-hirmbles acYio.ns de
•grâces pour tous l'es biens qu'il
lui a plu de noas faire. N ous
lui pourrons dire , Seigneur,
qui y après m'a voir créé , m'a-
vez racheté par votre miféri-
corcV, & m'avez en fuite â€-
livri une -infinité de fois de l'a.
fuïet'rde mes ennemis, venez
îaaincci.duw a inoii iccuurs ; &c
Chapitre XL'TV. 2<t
oubiiant mes ingratitudes paf-
£V'es,ne me refufez pas la grâce
■que ^e vous demande. Que fi
lors même que nous voulons
obtenir quelque vertu en par-
ticuliei*,nous femmes tentés du
vice contraire , ne manquons
pas de remercier Dreu de Toc-
cafion qu'il nous ckmne d'exer-
cer cette vertn;car ce n'efl: pas
une petite faveur.
6. Comme l'oratfon doit
toute fa force & fon efficace à
la fou vendue bonté de Dieu ,
aux mérites de la vie &de la
paflfion de notre Seigneur , 6c
à la promette qu'il nous a faite
«le nous exaucer , nous met-
trons toujours à la fin de nos
prières une ou plufieurs con-
clurions fuivantes : Je vous
conjure , Seigneur par votre
divine miféricorde , de m'oc-
troyer cetre grâce , accordez-
moi pir hs mérites de votre
Fils, ce que je vous demande:
il iij
'2.62 Le Combat Spirituel y
fuuvenez-vous, ô mon Dieu,
cie vos promettes , & exaucez
roesprieres. Quelquefois il ieia
bon d'employer auprès deDieu
rinterccflionde laiainte Vierge
&: des autres Saints ; car ils
ont au ciel beaucoup de pou-
voir , &: Dieu prend plaiiïr à
les honorer , à proportion de
l'honneur qu'ils lui ont rendu
pendant leur vie.
7. Il faut de plus perfévérer
dans cet exercice , parce que
le Tout-puhTant ne peut refit-
ter à uae humble pei fe'vérance.
dans la prière ; que fi l'impor-
tunité de la veuve de l'Evan-
gile pût fléchir un méchant
Juge , comment nos prières ne
toucheroient-eilespasun Dieu
infiniment bon? Et enfip quand
il tarderont à nous accorder
nos demandes ; quand il fem-
bleroit ne vouloir pas même
nousécouter5nous r.e devrions
pas pour cela perdre la cos-
Chapitre XLIV. 263
tëance que nous avons en l'on
infinie bonté , ni cetter de le
prier ; parce qu'il a dans le
îouverain degré tout ce qui
elc néceiiaire pour pouvoir ôc
pour vouloir nous taire du
bien. Si clone il ne manque
rien ce frotre coté , nous ob-
tiendrons infailliblement ce
que nous demanderons , ou
quelque choie de mei.îeur , êc
peut-être même l'un 8c l'au-
tre. Aurefre, plus nous croi-
rons être rebutés , plus il faut
que nous concevions de mé-
pris & de haine pour nous-mê-
mes; de telle forte néan-
moins qu'en con-fidérant nos mi-
feres , nous envifagions tou-
jours la divine rniferico *de ; &
que bien loin de diminuemo»
tre confiance en elle , nous
l'augmentions, dans la penfée
que plus nous demeureronsfer-
mes parmi les fujets de dé*ffan-
ee> plus nous aurons démérité»
K iy
22^4 Le Combat Spin'tueï?
Enfin , ne cédons jamais de
remercier Dieu, béni (Ton s éga-
lement fa facette, fa bonté , fa
Charité foit qu'il nous refufe^
ou qu'il nous accorde nos de-
mandes ; & quoi qu'il arrive ,
demeurons toujours tranquil-
les , contens &: fournis en tout
à fa providence.
_ _ -~
Chapitre XLV.
Cequec 'efîqu'el 'or.iifon mentale*
.l^'Oraifon mentaleeft uneélé-
vation de l'eCpLlt à Dieu, dans
laquelle on iuldem?o!" °:- c:<-
preflement , ou tac; emcnt, le3
chofes dont on croi. avoir 3e-
fbîti.
On les lui demande exprefTé»-
raent , lorfque du coeur on lui
dit : O mon Dieu , acordez-
moi cette ^raceoour l'honneur
de votre faint Nom ; ou bien :
Seigneur je crois fermement
que vous voulez ; &. qu'il eit de
€ha?it*eXLV. û«y
votre gloire , que je vous de-
mande cettefaveur.Accornplif-
fev/ donc maitrteïiaat en moi vo-
tre divine volonté. Quand nos
ennemis nous attaquent^: nous
prefiTent le plus vivement,nous
pouvons lui faire cette prière :
Hâtez-vous Seigneur , de me
feco'trrïr de peur que je ne de-
viennela proie de nies ennemis,
ou cette autres Mon Dieu ,mon
refuge & tout ma Force, fe-
courez-moi promptement ., -de
«crainte que je ne fuccombe. Si
la tentation continue, nous con-
tinuerons aufli à prier de lé û\êr
me forte, -reYiitamtoujourscou-
rageafemeet au malin efpnt.
Quand le plus fort du combat
fera patte , nous nous tourne-
rons vers notre Seigneur , &le
priant de confidérer d'un côté
les forces de notre ennemi , de
l'autre notre foiblefie, nous lui
dirons : Voici , ô mon Dieu ,
votre créature i yoici l'ouvrage
2.66 Le Combat Spirituel >
de vos mains : voici cet homme
qoevousavez racheté de votre
fang ; voyez le démon qui s'ef-
force de vous l'enlever & de le
perdre. C'elt à vous que j'aire-
cours, c*eften vousqueje mets
toute ma confiance , parce que
je fais que vous êtes infiniment
bon & infiniment puhTant. Ayez
pitiéd'un aveugle, quoique vo-
lontaire, qui , fans le fe cours
de votre grâce, ne peut éviter
de tomberentre lesmainsdevo-
tre ennemi. Âiliitez-moi donc,
ô mon unique efpérance i 6
toute la force de mon arae.
On demande tacitement des
grâces à Dieu , lorsqu'on fe
contente de lui repréfenter fes
beioins, fans rien dire davanta-
ge. Etant donc en fa préfence,
ck reconnoiiTant que de nous-
mêmes nous ne fournies point
capables d'éviter le mal, ni de
faire le bien; brûlant d'ailleurs
du deîir de le fervir, nousarrê-
Chapitre XLV. 267
ferons la vue fur lui ; enatten-,
da^ntfon fecours avec confiance
& avec humilité. Cet aveu de
notre foib'efle, ce defirdefex-
vii Dieu-, cet a&ede foifaitde
la manière dont j'ai dit , tout
cela efhrne prière tacitequi ob-
tient infailliblement eu ciel ce
que nous \ oulons,&: quia d'au-
tant plus de forée que l'aveu
eft plus fincere , le defir plus
ardent , la foi plus vive. Il y a
une autre prière fembJable ,
mais plus courte , laquelle fe
fait par un regard fimple de l'a-
me qui expofe aux yeux du
Seigneur fon indigence , &: ce
regard n'ed autre chofe que
le iou venir d'une grâce qu'on
avoit déjà demandée & qu'on
demande encore, fans rien dire
6c fans exprimer fon delir.
Tâchons de mettre en ufage
cette forte d'Orai/on , & ap-
prenons à nous en fervir en
toute rencontre, parce que
2'tâ> Le Comlat Spirituel^
■inexpérience nous fera voir que
•comme il n'y a rien.de plasaifé.
il n'y a >rien autfi de plus excel-
lent ni déplus utile.
m ...il p
Chapi t r e XL VL
De la Médita don.
Uand on veut donner ira
peu plus de teins à la prière ,
comme une demi- heure,ouutre
heure, ou même davantage , il
faut y joindre la méditationfur
quelque pointde la vie oude la
pafiloia de notre Seigneur , &
appliquer à là vertu q-u'onveivt
acquérir , toutes les réflexions
qui fe font fur cette matière.
Si donc von? avez be foin de
vous exciter à la patience , ar-
rêtez-vou^ à confidérezle myf-
tere de la flagellation de votre
Sauveur. Songez, i. Comme
les foldats ayant eu ordre de le
conduire dans le lieu où il de-
vait -ètïe fouetté , il l'y traî-
Chapitre XLVL 26$
nerent avec de grands cris
&c des railleries fanglantes..
z. Comme ces cruels bourreaux
l'ayant dépouillé ,. fon corps
t r è s - p u r de m e u r a t ou C nu d . 3 ,.
Comme fes mains innocentes
furent liées très-étroite ment à
là colonne. 4. Comme toutfon-
corps fut tellement déchirépar
les fouets } qu'il encouloit juf~
qu'à terre desruùTeaux defang».
y. Comme les coup? fouventre-
doublés dans une même partie:,
augraentoient&renouvelloient.
fes plates*.
Pendant que vous méditerez
fur ces points ou fur d'autres-
£emblabi'es,propres à vous infc
pirer l'amour de la patience ,.
appliquez d'abord vos fens in-
térieurs à reûentir le plus vi-
vement que vous pourrez , les
douleurs inconcevables que
fouffrit votre divin Maître dans-
toutes les parties d'efon corps >
dedans chacune en-patticulier*
27° Le Combat Spirituel ,
De-là paifez à la confidération
deceï'e qu'il enduroitdans fon
aine fainte , & tâchez de con-
cevoir avec quelle patier.ce &
quelle douceur il les enduroit ,
toujours prêt à en fouiriir de
nouvelles pour la gloire de Ton
Père & pour votre bien.
Après cela , regardez-le tout
couvert de fang , & aflurez-
vous que ce qu'il a le plus à
cœur eit que vous preniez en
patience votre affliction , &
qu'il prie même fon Père de
vous aider à porter non-feule-
ment cette croix , mais même
toutes celles qui pourront vous
arriver dans la fuite. Confir-
mez par de nouveaux adfces la
réfolution où vous êtes detout
foufFrir avec joie , puis élevant
votre efprit au Ciel , rendez
au Père des miféricordesmil'e
actions de grâce , de ce qu'il a
bien voulu envoyer au monde
.fofl Fils unique, aân qu'il fouf-
Chapitr e XLVEI. 171
Frit de fi hor-ribles tourmens ,
afin qu'il intercédât pour vous.
Priez-le enfin de vuus'donner
îa vertu de la patience par les
mérites &par I îVterceflTiyii de
ce Fils qu'il aime comme lui-
même.
Chapitre XLVII.
D'une autre façon de prier par
là vole de la Méditation.
Y Cas pourrez encore prier
& méditer d'une autre façon.
Après avoir conlklére àtte'htî-
Te nient les peines de notre3ei-
gnetir & ra;ég:-elle :i /ec la-
quelle il les fou frroic, vous paf-
f e r e z de îa c 0 n \ i d e r a : i 0 n d e Tes
douleurs .& de fa patience , à
deux autres converfàtionstion
moins néceilaires..
L'une fera celle de Tes méri-
tes infinis , Paùtre celle du
contentement ôc de la gloire
Tp. Le Combat Spirituel,
que reçut le Père Eternel de
î'obéillance qu'il lui rendit juf-
qu'à la mort , & même à la
mort de laCroix. Vous repré-
fenterez ces deux chofesà fa
divine Majefréj comme deux
.raiforts puhTantes'pour en ob-
tenir Sa grâce que vous déli-
rez.. Cette pratique pourra s'é-
tendre non- feulement à tous
les myfteres de la Paillon an
fils de Diea, mais encore à
.tous lesaffcès, foit intérieurs^
fait extérieurs , qu'il raifoiten
chaque myftere..
€ H A P I T R E XL V III.
D'une, manière de prier , fondée
fur i'interceffirQn delà fainte
Vierge*
^L/Utre les manières de mé-
ditation dont nous venons de
parler , il y en a une autre qui
&'a4cdTè particulièrement à là
Chapitre XLVIII. 275:
Sainte Vierge. D'abord vous
vousremettrez devant les yeux-
Je Père Eternel , puis Jeius-
Clirift notreSeigneur, &: enfin
fa glorieufe mère.
 l'égard du Père Eternel,,
vousconfidérerezdeuxchofes :-
L'une eft l'affection toute fin-
gulière qu'ila eu de toute éter-
nité pour cette Vierge très-
pure , avant même qu'il l'eût
tirée du néant: l'autre eft 1 emi-
nente fainteté qu'il lui a com-
muniquée,&itoutîebien qu'elle
a fait depuis le moment de fa?-
conception, jufqu'à celui de f&
mort
Pour la premiers , voici ce-
que vous avez à faire. Gom--
mencez par vous élever en<
efptit au-deflus de toutes les"
créatures, portez'vospenfëes*
au de-là de tous les- tems ; en-
trez dans l'abyme de l'été.-—
ni té , pénétrez jufque dans le*
cœur de Dieu „ & voyez ataetf
274 Le Comh.it Spirituel ,
queiiefatisfadfcion il coniidéroit
dans l'aven if celle qu'il deiïi-
noit pour Mère à fon Fi!s;con-
jurez-le par le plaiiir qu'il y
prenoit de' vous donner a fiez
de force pour vaincre vos en-
nemis , & fur-tout celui qui
vousfairpréientementune plus
cruelle guerre. Après cela re-
préfentez-vous les vertus &
les adfcions héroïques de cette
Vierge incomparable ; offrez*
les à Dieu, ou toutes enfemb'e,
ou chacune en particulier , &c
faites-vous en un mérite , pour
obtenir de la divine bonté tou-
tes les chofes dont vous pouvez
avoir befoin.
AdrefTez-vous enfuite à Je-
fus ; & priez-le de fe fouvenir
de cette Mère li aimable , qui
le porta neuf mois entiers dans
fon fein , qui dès qu'il fut ne ,
l'adora avecunprofond refpeéfc
le reconnoiiTant pour vrai Dieu
& pour vrai Homme; pour foa
Chapitre XLVIII. 275"
Créateur & pour ion Fils tout
enfemble, qui le vit aveccom-
paflîoncouclîépauvrementdans
ur.e étable ; qui le nourit de'
fon laittrès-pur;qui l'embrasa*
& le baifa mille rois avec ten-
dre fie ; qui fouffrit pour lui
durant fa vie &: fa Mort des
peines inconcevables. Expo-
iez-lui fi bien toutes ces cho-
ies , que vous l'obligiez par
des considérations fi puifiantes'
à exaucer votre prière.
Puis venant à la Vierge mê-
me, dites-lui que "1 a providence*
l'a prédeftinée avant tous les
liecles pour être Mère de mi-
féricorde, & Avocate des pé-
cheurs : que par conséquent"
après fon Fils , elle efi: celle em
qui vous avez le plus de con-
fiance. Remettez-lui en mé-
moire cette vérité, fi confiante
parmi les Dc&eurs, & conhr--
mee partant de merveilles ex—
traordir.aires , que jamais nuli
276 Le ComBat Spirituel,
ne l'a invoqué avec foi, qu'if
n'en ait été fecouru dans le be-
foin. Enfin , préfentez lui tou-
tes les peines que fon Fils a en-
durées pour votre falut ; afin
qu'elle vous obtienne de lui la
grâce d'enprohcerpour la gloi-
re & pour la iatisfadion de cet
aimable Sauveur.
»■■ '!■■■- ■ 1 ■ 1 - ■ i.MB
Chapitre XL IX.
De quelques confédérations qui
peuvent porter les pécheurs à
recourir avec- confiance à la
fainte Vierge»
Q
^(Jiconque veut recourir
avec une ferme confiance à la
fainte Vierge , doit s'y exciter
parles confie! érationsfui vantes.
1. L'expérience montrequ'un
vafe où il y a eu du mufc ou du
baume , en retient l'odeur,fur-
tout quand le mufc oulebaume
y a demeuré long-teras, ou
Chapitre XLIX. 277
qu'ilyenrefte quelque peu. Ce-
pendant, ni l'un ni l'autre n'a
qu'une vertu limitée -, non pins
que le feu , dont on confeive
la chaleur après que l'on s'en
eft retiré. Cela étant, que di-
rons-nous de la charité & delà
mifericorde de cette Vierge ,
qui a porté pendant neuf mois
dans fes entrailles, & qui porte
encore dans fon cœur le Fils
unique de Dieu , la charité in-
créée , dont la vertu n'a point
de bornes ? S'il eft înipo(ïîbte
de s'approcher d'un grandfeu ,
que l'on n'en foit échauffé, ne
s'enfuit-il pas , &n'a-t-on pas
unplusgrandfujet de crôirèque
quiconque s'approchera de Ma-
rie , de cette Mère de miferi-
corde , de ce cœur toujours
brûlant du feu delà charité ,en
reflfentira d'autant plus l'effet ,
qu'il s'en approchera fouvent ,
& avec plus de confiance &
d'humilité.
S iij
278 Le Combat Spirituel,
i. Jamais pare créature n'a
eu tant d'amour pour Jefus-
Chrift, ni tant de foumifllon
à fes volontés que fa bienheu-
reufe Mère. Si donc ce divin
Sauveur , qui s'eft facrifié pour
-demiférables pécheurs comme
nous; il ce Sauveur, dis-je ,
nous a donné fa propre Mère,
pour être notre mère commu-
ne , notre Avocate , notre Mé-
diatrice auprès de lui , com-
ment pourroit-elle ne pas en-
trer dans fes fentimens , &: né-
gliger de nous fecourir ? Ne
craignons point d'implorer fa
miféricorde , recourons à elle
avec confiance dans toutes nos
nécefïité» , parce qu'elleeft une
four-ce inépuifable de grâces,
& qu'elle a coutume de me-
furer fes bienfaits fur notre
confiance.
2JP
Chapitre L.
D'une manière de méditer & de
prierpar l entremije desfaints
Aiigts ■> & de tous les Bien-*
heureux.
F
Our mériter la protection
des Saints Anges & de tous les
Saints qui font au Ciel , voici
deux moyens dont vous pour-
rez vous fervir.
Le premier fera de vous
ad refier d'abord au Père Eter-
nel , & de lui repréfenter les
louanges que toute la Cour cé-
lefte lui donne , les travaux,
les perfécutions , les tourrrfens
que les Saints ont endurés ici*
bas pour l'amour de lui , de
le conjurer enfuite par toutes
les marques de leurrefpedfc, de
leur fidélité & de leur amour ,
de vous donner ce qui vous eil
wéceffaire.
Le fécond fera d'invoquef
S iv
2§0 Le Comhai Spirituel,
cesglorieuxEipritsqui fou'haî-
tent non - feulement que nous
devenions parfaits comme eux;
mais que nous foyons même
élevés au-deflus d'eux dans la
gloire. Vous les prierez donc
inîlamment de vous aider à
vous défaire de vos vices , ck
à vaincre les ennemis de votre
falut , mais particulièrement
de vous afiîfter à l'article de
]a mort. Quelquefois vous ad-
mirerez îesgracesextraordinai-
res qu'ils ont reçues de N. S.
& vous vous en réjouirez
comme fi c'etoit votre propre
bieifc Vous aurez même en
quelque façon plus de joie
de voir qu'il leur a fait déplus
grand sa vantagesqu'à vous>par-
ce qu'il l'a ainfi voulu : & ce
fera pour vous un fujet de le
louer Se de le bénir.
Mais pour pratiquer cet exer-
cice avec moins de peine &
avec plus d'ordre , vous parta-
Chapitre L. 281
gérez , félon les jours de îa fe-
maine , les divers ordres des
bienheureux en cette manière,
Le Dimanche, vous invoque-
rez les neuf chœurs des Anges :
le Lundi Saint Jean-Baprifle ;
le Mardi , les Patriarches &
les Prophètes; le Mercredi,
les Apôtres: le Jeudi, les Mar-
tyrs: le Vendredi , les Pontifes
& les autres ConfefTeurs; le Sa-
medi, les Vierges & les autres
Saints. Cependant , n'oubliez
j armais de réclamer la Sainte
Vierge, qui eft laReine de tous
les Saints , ni votre bon Ange,
ni ie glorieux Archange Saint
Miclul , ni d'autres Saints , à
qui vous avez une dévotion
particulière.
Ne laiffez pafTer aucun jour
que vous ne demandiez à Ma-
rie , ci Jefus , au Père Eternel,
qu'il leur plaife de vous donner
pour principal protecteur, fàint
Jofeph , très ; digne Epoux
282 Le Combat Spirituel f
de la plus pure des Vierges,
Puis vous adreflant à lin avec
confiance ; priez-le humble-
ment de vous recevoir en la
protection. On rapporte une
inanité de merveilles que ce
grand Saint a opérées , &
beaucoup de faveurs iniignes
qu'il a faites à tous ceux qui
dans leurs néceifités , foit fpi-
rituelîes , foit corporelîes,l'ont
invoqué ; principalement lorf-
qu'ils ont eu befoin de la lu-
mière célefîe , & d'un direc-
teur invilibîe pour apprendre
à bien prier. Que ii Dieu con-
iidere tarit les autres Saints à
caufe qu'il l'ont fervi & hono-
noré en ce monde, quelle con-
fidératîon , quelle déférence
n'aura t*T il pas pour celui qu'il
a h o'noré I u i- m ê me ici* bas, jaf-
•qu'à vouloir le foumettreà lui,
ëclui obéir comme à ion Pei^
^§3
•T ■ IK... I <
Chapitre L I.
De la Méditation des fouf-
frances de Jcfus-Çhtifi , &
de divers fentimtns affec-
tueux qu'on en peut tirer.
^/Eque j'ai dit auparavant de
la manière de prier ,8cde mé-
diter fur les fouffrances de N..
S. ne va qu'à lui demander des
grâces; nous allons voir main-
tenant de quelle forte on en
peut tirer divers fentimens af-
fectueux. Si donc , par exem-
ple-, vous avez choifi pour le
lu jet de votre méditation , le
crucifiement de cet Homme-
Dieu , parmi pluiieurs circon-
ftances de ce Myftère, vous
pourrez vous arrêter à celles
qui fuivent.
1. Confïdérez, r. que Jefus
étant arrivé fur le Calvaire ,
les bourreaux le dépouillèrent
avec violence , 6c lui arrache-
284 Le Combat Spirituel ,
vent la peau toute déchirée
-par les fouets , & colée à fe3
habits par le fang qui avoit
coulé de fesbleifures.i. Qu'on
lui ôta fa couronne d'épine? ,
& que la lui ayant remife
aufii-tôt, on lui fit de nou-
velles plaies. 3. Qu'à coups dé
marteau , on l'attacha cruelle-
ment avec des gros cfous au
bois de la croix. 4. Que fes
mains facrées ne pouvant at-
teindre au lieu où l'on devoir
le clouer , on les lui tira Ci
violemment, qu'on lui diflc-
qua tous les os , 6k qu'il fut fa-
cile deles compter *y. Qu'ayant
été élevé fur cette croix , cù
il n'étoit foutenu- que par les
clous, le poids de fon corps
augmenta les plaies ôduicaufa
d'étranges douleurs.
Si par ces fortes de confide-
rations, ou par d'autres fem-
blables , vous defirez exciter
* Pf. xi. a,
Chapitre LI. 28 y
en votre cœur des mouvernens
de l'amour divin , tâchez d'ar-
river par la méditation à une
fublime connoiflance de. la
bonté infinie de votre Sau^
veur , qui a bien voulu fouf-
frir pour l'amour de vous tant
de peines. Car plus vous ci oî^
nez en la conuoiifance de l'a-
mour qu'il a eu pour vous, plus
vous aurez d'attachement &
d'amour pour lui. Etant ain(i
convaincu de fon exceMWecha-
rité, vous ne pourrez vous em^
pêcher de faire des actes de
contrition , d'avoir fi fouvent
indignement outragé celui qui
s'eft immolé lui-même pour la
fatisfaction de vos offenfes.
Vous viendrez cnfuiteà for-
mer des actes d'Efpérance , en
confie] érant que ce grand Dieu
n'a voit point d'autre defîein
fur la croix que d'exterminer
le péché du monde, de vous
délivrer delà tyrannie du dé-
2$ 6 Le Corn h aï Spirituel r
mon , d'expier vos crimes , de
vous réconcilier avec fon Pè-
re : de vous faire recourir à lui;
dans tous vos befoins. Que ii
après avoir confidéré fesfouf-
france*; , vous en conudérez
les effets ; (i vous remarquez
que par fa mort il a effacé les
péchés des hommes , il a ap-
paifé la colère du fouverain
Juge, il,a confondu les puif-
fances de l'Enfer , il a triom-
phé de la mort même , il a
rempli dans le ciel les places
des Anges rebelle?, votre dou-
leur fe convertira en joie : &
cette joie s'augmentera par le
fouvenir de celle que le grand
ouvrage de la rédemption du
monde canfa aux trois Per-
fornes divines , à la bienheu-
reufe \rierge , à l'Eglife Mili-
tante , &; à l'Eglife Triom-
phante.
Que il vous voulez conce-
voir un fcif regret de vos gé^
Chapitre Lî. 2S7
cliés , n'ayez en vue dans votre
méditation, que de vousper-
fuader que fi Je fus a tant fouf-
rert , ça été pour vous infpi-
rer une haine falutaire devous-
même , & de vos partions déré-
glées , fur-tout de celle qui
vous fait faire de plus grandes
fautes i & qui déplaît par con-
féquent davantage à Dieu.
Pour entrer dans ces fenti-
mens d'admiration , vous n'au-
rez qu'à confidérer qu'il n'y a
rien de plus furprenant que de
voir le Créateur de l'Univers,
l'Auteur de la Vie mourir par
les mains de fes créatures , de
voir la fuprême Majefté com-
me anéantie, la Jufnce con-
damnée , la Beauté FaJie de
crachats, 6c prefqu 'effacée ,
robjecde-l'amourduPeieEter-
nel devenu l'obiet de la haine
des pécheurs ; la lumière inac-
ceflîble abandonnée à la fureur
des Puiffances des céôébre*J
Z$$ Le Combat Spirituel y,
la gloire y la félicité incréée-,
enlevé! ie dans l'opprobre 6c
clans la mifere-
Pour vous exciter à la com-
pafïion des Souffrances de vo-
tre Sauveur &; de votre Dieu ,
outre fes peines extérieures ,
repréfentez-vous les intérieu-
res, qui furent fans comparai-
fbn plus grandes, Que fî vous
êtes fenfible aux premières ^
comment pourrez- vous n'être
pas touché des autres , jufqu'à
en avoir le cœur percé cle dou^
leur? L'aine du Sauveur voyolt
clairement la divine effence ,
comme elle la voit maintenant
au Ciel : elle favoit com-
bien Dieu mérite d'être ho-
noré ti& comme elle l'aimoit
Mniment ; elle défiroit aufïî
que toutes les créatures l'ai-
maiTentde toutes leurs forces*..
Le voyant donc terriblement
déshonoré dans tout le monda
gar une infinité de crimes abo-
minables „
Chapitre LI. i%$
minables , elle en étoit péné-
trée d'une douleur non moins
excefllve que fon amour ; &
que le deiïr qu'elle avoit que
la. Majefté divine fut aimée &
lervie de tous les hommes. La
grandeur de cet amour «3c de
ce defir étoit au-deflusde toute
imagination , & par consé-
quent il e(t inutile de vouloir
comprendre quel fut l'excès
des peines intérieures de Jefus
mourant fur la croix.
De plus, comme ce divin
Sauveur aimoit tous les hom-
mes d'une manière qui paile
tout ce que l'on en peut dire ,
l'affection fi tendre -&fi ai dente
qu'il avoit pour eux , étoit
caufe qu'il s'affligeoit extrê-
mement de leurs péchés, qui
}es dévoient féparer de lui. II
voyoit que nul d'entr'eux ne
pouvoit commettre de péché
mortel, fans détruire la cha-
rité & la grâce, qui eft le lien
T
I»
S£0 Le Comhat Spirituel 'r
par où les Juttes demeurent
unis Spirituellement avec lui-
Or , cette ieparation étoit à
Pâme de Jefus bien plus dou-
îoureufe , que n'eft au corps
celle de fes membres, lors-
qu'ils font hors de leur place ;
&t il ne faut pas s'en étonner-
Car lame étant toute Spiri-
tuelle , & d'une nature beau-
coup plus parfaite que le corps,
elie eif auflibien plus fufeep-
tible de ia douleur. Mais après
tout , la plus ieniibîe affliction
de N. S. fut devoir tous les
péchés des damnés, qui ne
pouvant plus retourner à lui
par la pénitence , doivent être
éternellement fé parés de lui.
Si à la vue de tant de peines
vous fentez que votre cœur fe
laiiTe attendrir à la compaflion
pour votre Jefus , paffez plus
avant , 2c vous trouverez qu'il
a ioufïcrt des douleurs extrê-
mes > nou-ieulement pour les
Chapitre LI. 2pi
péchés que vous avez effecti-
vement commis , mais même
pour ceux, que vous n'avez
point commis , puifqu'il eft
certain qu'il lui a coûté tout
fou iang pour vous délivrer
des uns, èc pour vous préfer-
ver des autres» Croyez-moi y
vous ne manquerez jamais de
taifons capables devons porter
à prendre part aux fouffrances
de Jefas crucifié. Sachez qu'il
n'y a jamais eu , <$e qu'il n'y
aura jamais , en quelque créa-
ture raifonnahle que ce ibit ,
aucun mal qu'il n'ait reffenti ;
injures , opprobre^., tentations
maladies, pertes de biens r
auftérités volontaires , il a ref-
it nti tout cela plus vivement
que ceiixmêmesquiiesfou firent
en effet. Car comme ce Père
charitable a une connoiffance
très-parfaite de toutes leurs
peines, grandes & petites ,fpi-
xituelies & corporelles, jufqu'à.
Tij
2.Ç2 Le Combat Spirituel 9
la moindre piquûre,& aumoin-
dre mal de tète , il ne pouvoic
s'empêcher d'en avoir uneten-
dre compatfion.
Mais qui pourroit dire com-
bien les foufirances de fa fainte
Mère lui furent fenfibles?To«c
ce qu'il endura de plus crue! «3c
de plus ignominieux enfaPai-
Tion , elle l'enduroit à fa ma-
nière dans les mêmes vues, Se
par les mêmes motifs , & quoi-
quefa douleur nefût pas égale*
eiîe étoit toujours exceflive.
C'elt ce qui redoubîoit toutes
les douleurs de Jefus , & qui
faifoitdans fon arne de profon-
des plaies. -De-là vient qu'une
fainteamedifoit avec beaucou p
de (implicite , que le cœur de
Jefus fouffrant lui paroiToit
comme une efpèce d'enfer ,
dont toutes les peines étoient
volontaires, & qu'il n'y avoit
point d'autre feu que celui de
la charité.
Chapitre L I. 293
Mais enfin, quelle eft la caufe
de tant de tourmens ! Ce font
nos péchés ; & par conséquent
la meilleure manière d'y com-
patir }& de marquer notre re»
connoifiance à celui qui a tant
fouffert pour nous , c'eft d'a-
voir regret de nos infidélités,
purement pour l'amour de lui
c'ertde haïr le péché pardef-
fus toutes chofes, à caufe qu'il
lui déplaît , &: de faire une
continuelle guerre à nos vices,
comme à fes plus mortels enne-
mis : afin que nous dépouillant
du vieil homme , & nous re-
vêtant du nouveau , nous or-
nions nos âmes des vertus chré-
tiennes qui en font toute la
beauté.
rr-i •••
294 £? Combat Spirituel,
Chapitre LIL
Des fruits que Von peut tirer de
la méditation delà Croix , &
de V imitation des vertus de
Je fus fouffrant.
T
y Ous pouvez tirer de grands
avantages de îa méditation de
la Croix. Le premier , eftque
non-feulement vous déterriez
vos péchés pafTés , mais que
vous p\€tï\ez la réfoîutiofi de
combattre vos paffiorïs déré-
glées , qui ont fait mourir vo-
tre Sauveur, &:qui ne font pas
éteintes en vous. Le fécond
eft , que vous obteniez de Je-
fus eruciné le pardon de vos
orlenfes ; & la grâce d'une
fcaine falutaire de vous mêmes,
afin que vous ne l'orTenfiezplus,
mais que vous l'aimiez &t le
ferviez déformais de tout vo-
tre cceur, en feconwifianÇC
Chapitbe LU. apj
êe tant de peines qu'il a fouf-
fertes pour l'amour de vous.
Le trentième efr, que vous tra-
vailliez tout de bon &c fans
relâche à déraciner de votre
cœur vos mau vaifes habitudes-,
quelque légères qu'elles pa-
rohTent. Le quatrième eft .que
vous failiez tous vos efiorts
pour imiter les vertus de ce di-
vin Maître, qui eft mort , non-
feulemert pour expier vos pé-
chés , mais pour vous donner
l'exemple d'une vie fainte ck
parfaite.
Voici une manière de mé-
ditation fort utile pour cela. Je
fuppofe qu'entre les vertus du
Sauveur vous avez defiein d'i-
miter particulièrement fa pa-
tience dans les maux qui vous
arrivent. Examinons donc avec
attention les points fuivans.
i. Ce que l'ame de Jefus en
Croix fait pour Dieu. r. Ce
que Dieu fait pour l'ame de
T iv
2$ 6 Le Combat Spirituel,
Jefus.3.Ce quel'ame deJefu-s
tait pour .elle-même & pour
fon corps. 4. Ce que Jefus fait
pour nous. 5. Ce que nous de-
vons faire pour Jefns.
1. Confidérez avant toutes
chofes comment l'ame deJeius
abymée dans le fein de Dieus
contemple cet Etre infini &:
incompréherfibledevantlequel
les plus nobles créatures ne
font rien: comment 3 dis-je,
elle contemple dans un état ,
où, fans rien perdre de fagran-
deur ckdefa gloire edentielle,
elles'abaiiTejufqu'àfoufîVirtou-
tes fortes d'indignitésdelapart
fcle l'homme infidèle &mécon-
ïioifiant ; & comment enfuite
el eadore cettefcuveraïneMa-
jeflé, lui rend mille a&ionsde
grâces , & fe dévoue toute en-
tière à fon fer vice.
2. Voyez d'un autre côté ce
que Dieu fait à l'égard de l'a-
ine de Jefus:confidérezcomme
Chapitre LU. 25)7
il veut que ce Fils unique, qui
lui eftiï cher : fouffre , pour
l'amour de nous , qu'on lui
donne des foufHetS , qu'on lui
couvre le vifage de crachats ,
qu'on vomiiïe contre lui mille
blafphêmes , qu'on le déchire
àccups de fouets,qu'onle cou-
ronne d'épine, qu'on l'attache
à une croix. Voyez avec quelle
fatisfactionil le regarde chargé
d'infamie , & accablé de dou-
leurs pour unefigîorieufe caufe
3. Repréfentez- vous enfuite
Pâme de Jefus , ck remarquer
que comme elle fait que Dieu
frend plailir à la voir ibuffrir ,
amour qu'elle lui perte > foit
à caufe de fes perfections inef-
fables , ou à caufe desbiensirw
finis qu'elle en a reçus, fait
qu'elle fe foumet en tout avec
promptitude &c avec joie à fes
volontés. Quelle langue pour-
roit exprimer l'ardeur qu'elle
a. pour les croix. ! Elle ne soc-
2p8 lt Com3 et Spirituel ,
cupe qu'à chercher de nouvel-
les manières de fouffrances; &
ne trouvant pascequ'elle cher-
che, elle s'abandonne avec fa
chair innocente à la mercides
hommes les plus cruels Se des
démons même.
4. Après cela jerez les yeux
fur votreJefus,qui dans le fort
de fes douleurs fe tourne vers
vous , & vous dit amoureufe-
ment : Voici l'état pitoyable
où m'a réduit le dérèglement
de votre volonté , qui n'a pu
fe faire de violence pour fe
conformer à la mienne. Voyez
quel eft l'excès de mes dou-
leurs, & avec combien de joia
je les fouffre fans autre vue
que de vous apprendre 'a pa-
tience. Je vous conjure par.
toutes mes peines , de porter
courageufemenî cette croix
que je vous pré fente & toutes
celles qui me plaira de vous
envoyer. Abandonnez votre
Chapitre LTÏ. 2$q
honneur à la calomnie^ votre
corps à la rage des perfécu-
-teurs que jechoifirai pour vous
éprouver , quelque vils&quel-
qu'inhumains qu'ils foient. O ,
fi vous faviez le contentement
que me donnera votre réiigna-
tion & votre patience ! Mais
pouvez- vous l'ignorer, en
voyanices plaies que je n'ai re-
çues qu'a fin de vous acquérir ,
au prix de mon fang , les ver-
tus dont je veux orner votre
ame , qui m'eil: plus chère que
ma- vie propre ! Si j'ai bien
voulu me réduire à une telle
extrémité pour l'amour de
vous, comment ne voudriez-
vous pas fouffrir quelque lé-
gare douleur , pour fou'ager
tant foit peu les miennes qui
font extrêmes î Comment n'ef-
fayerez-vous pas de guérir
les plaies que m'a fait votre
impatience , qui eft pour moi
«n tourment beaucoup plus
5 00 Le Combat Spirituel ',
infupportable que toutes les
plaies de mon corps ?
5. Prenez garde qui eft ce-
lui qui vous parle de la forte ,
&: vous verrez que c'eft Jefus-
Chrilt , le Roi de gloire , vrai
Dieucc vrai homme. Confidé-
rez la grandeur de fes tour-
mens & de fes humiliations ,
qui feroient des peines trop ri-
goureufespour les plus crimi-
nels. Soyez dansPetonnement
de le voir au milieu de tant de
fouffrances,non-feulement fer-
me & immobile , mais plein de
joie, comme file jour de .fa
Paiîion étoit pour lui un jour
de triomphe. Songez que com-
me quelques gouttes d'eau je-
tées dans une foui naife ne fer-
ventqu'àî'embrâfer davantage;
ainfi les plus grands tourmens ,
qui femblent légers à fa chari-
té, ne font qu'accroître fa Joie»
& l'envie qu'il a d'en foufïïir
de plus terribles.
Chapitre LIÏ. 301
Au relie, fouvenez - vous
que ce qu'il fait 6c ce qu'il en-
dure i ce n'eft point par force
ni par intérêt, mais par un
amour très-pur, ainli qu'il le
dit lui-même , & afin que vous
appreniez de lui à pratiquer la
patience, lâchez donc de bien
comprendre ce qu'il demande
de vous, & la joie qu'il a de
vous voir dans l'exercice de
ceue vertu ; concevez enfuite
des defirs ardents de porter ,
non-feulement avec patience
mais même avec a!ég:effe , la
croix fous laquelle vous gémif-
fez , 8c d'autres encore beau-
coup phis pefantes , afin d'imi-
ter plu s parfaitemeut Jefuscru-
cifié ; & de vous rendre plus
agréable à fesyeux.
Figurez-vous toutes les dou-
leurs & toutes les ignominies
de fa paflion ; & furpris de la
confiance avec laquelle il les
iupporte, rougiflez de votre
J02 Le Comhcii Spirituel \
foibleiïe , regardez vos peines-
en comparaison d& celle qu'il
fou fire pour vous , comme des-
peines imaginaires, & foyez.
bien perfuadé quevotrepatien-
ce n'eit pas feulement l'ombre
de laiienne. Ne craignez rien;
tant que de né pas vouloirfouf-
frir pour notre Sauveur ; & (i
la première penfée vous en
vient, rejettez-la comme une
iuggeihon du démon.
Coniidérez Jefus en Croix
comme un livre tout fpiritue! ,
que vous devez lire fans ceiïe,.
pour y apprendre la pratique
des plus excellentes vertus.
C'eft ce livre qu'on peut jufte-
ment nommer le Livre de Vie*,
qui en mème-temsédaire î'cf-
prit par les préceptes, & en-
flamme ia volonté parles exem-
ples. Le monde eft plein d'une
infinité de livres : mais quand
©n pourroit les lire tous , cm
Chapitre LU. 303
îi'y apprendroit jamais G bien
à haïr le vice & à aimer la ver-
tu , qu'en confidérant un Dieu
crucifié. Sachez donc que ceux
qui emploient des heures en-
tières à pleurer la pafïion de
Notre- Seigneur & a admirer
fa patience , ck qui dans les af-
flictions qui leur furviennent-
fe montrent aptes auiïî impa^
tiens que s'ils n'avoient jamais
penfé à fa croix ; fâchez , dis-
je , que ceux-là reffemblent à
des foklats peu aguerris , qui
étant encore fous leurs tentes,
fe promettent la victoire;, mais
qui ne voient pas plutôt l'en-
nemi , qu'ils lâchent le pied &
prennent la fuite. Qu'y a-
t-il de plus pitoyable que de
voir des gens, qui, après avoir
contemplé , admiré , aimé les
vertus de notre Seigneur, vien-
nent tout d'un coup à les ou-
blier , à en faire peu d'eflime y
lorfqu'il & préfeiitequelqu'cc-
cafron de les imiieiv
304 Le Combat Spirituel 9
Chapitre L 1 1 L,
Du Sacrement de VEachariftie,
'ai travaillé jufqu'ici , com-
me vous l'avez pu remarquer ,
à vous fournir quatre fortes
d'armes fpirituelles ,. &à vous
apprendre la manière de vous
en fervir ; il me relie mainte-
nante vous montrer de quel fe-
coursvouspeutêtreîatrès-fain-
te Euchariftie, pour vaincre les
ennemis de votre faîut &de
votre perfeâ^on. Comme cet
augufte Sacrement furpafie Se
en dignité & en vertu tous les
autres , c'eftauffi de toutes les
armes fpirituelles la plus ter-
rible au démon. Les quatre
premières n'ont de force que
par îçs méritesdeJefus-Cnriit,
&: par la grâce qu'il nous a ac-
quife au prixde fon fang; mais
cette dernière eft beaucoup
plus puiffante , puifqu'ellecon-
tient
Chàtiïre -LUI. 5° S
tient Jefus-Chrift lui - mâ*ie,
fa chair , fon fan g , fon atne,
fa divinité. Dieu nous a donné
celles-là pour combattre nos
ennemis par la vertu de Jefus-
Chrift , parce que mangeant fa
chair & buvant fon fang , nous
demeurons avec lui & il de-
meure avec nous. Mais, com-
me on peut manger cette chair
&: boire ce fang en deux fa-
çons-; réellement une fois le
jour, 6c Spirituellement à tou-
te heure , qui font deux ma-
nières de communier très- uti-
les & très- fa intes, on doit pra-
tiquer la féconde le plus fou-
tent qu'il fe peut , & la pre-
mière toutes les fois qu'on en
«tlapenuiflion*
T
306 Le Combat Spirituel ,
Chapitre L I V.
Comment il faut recevoir le Sa-
crement de V Euchariftie.
N peut s'approcher de ce
divin Sacrement par plulieurs
motifs. De- là vient que pour en
recueillir le fruit, il y aplu-
fieurs chofes à obferver en trois
divers tems : avant que de
communier, lorfqu'on eft fur le
point de communier, &: après
la communion.
Avant que de communier,
quel que puifle être notre mo-
tif, nous devons toujours pu-
rir.er notre ame par le Sacre-
ment de la Pénitence , lî nous
nousfenrons coupables de quel-
que péché mortel. Nous de-
vons enfuite nous offrir detout
notre cœur & fans réferve à
Jefus - Cfarift &: lui confacrer
toute notre ame avec fespuif-
Chapitre LÏV. 307
fances ; puifque dans le Sacre-
ment il le donne tout entier à.
nous , fon fang , fa chair , fa
divinité avec le tréfor infini
de fes mente?. Et comme ce
que nous lui offrons eft peu de
chofe ou prefque rien en corn-
paraifon de ce qu'il nous dorç-
ne, il faut que nous fouhait^s
d'avoir tout ce que les créatu-
res & du Ciel & de la terre
ont jamais pu lui offrir,ann que
nous en raflions tout d'un coup
une oblation agréable à fa di-
vine Majefté.
Que il nous voulons commu-
nier dans le deiïein de rempor-
ter quelque vi&oire fur nos en-
nemis,nous commencerons dès
le foir du jour précédent,ouIe
plutôt que nous pourrons , à
coniidérer combien le Sauveur
délire d'entrer par ce Sacre-
ment dans notre cœur , afin de
s'unir à nous, & nous aider à
vaincre nos appétits déréglés*
' V ij
^0$ Le Combat Spirituel $
Ce deiir eft fi ardent , qu'il n'y
a point d'efprit humain capable
tle le comprendre.
Pour nous en former quel-
que idée , cachons de bien con-
cevoir deux chofes- L'une eft'
le piaiiir extrêmeque lafagefle
incarnée prend * à demeurer
tît; ■- nous, puifqu'elle en fait
fes cïélices. L'autre eft la- haine
infinie qu'elle porte au péché
mortel , tant parce que c'eft un
obftacle à l'union intimequ'elle
veut avoir avec nous, que par-
ce qu'il eft directement oppoié
à fes divine-: perfections : car
Dieu étant un bien fouverain ,
une lumière toute pure r une
beauté fans aucune tache r
pourroit-il ne pas haït le pé^
ché y qui n'eft que malice , que
ténéb es , qu'horreur tk que
corrurtioa? Il le hait jufqu'à
un tel point , que tout ce qu'il
a jamais fait , foi* cansTancisu.
Ctia pt treLIV. 30?
Teftament , foie dans le nou-
veau, &: tout ce que ion Fils a
footfert durant tout lecoursde
faPafiîon ne tendoit qu'à le dé-
truire. Les Saints , même les
plus éclairés , afltirent qu'il
confentiroitque ce Fils qui lai
e(t 11 cher, fou ffrit encore mille
morts , s'il ë toit befoin , pour
l'expiation de nos moindres
fautes.
Ayant reconnu par ces deux
considérations, quoiqu'aiTezim-
parfa itéraient , combien le Sau-
veur délire d'entrer dans nos
cœurs , afin d'en exterminée
pour jamais nos ennemis & les
liens , nous délirerons au (fi de
le recevoir , & nous lui témoi-
gnerons pour cela une ardeur
i& une impatience extrêmes.
I/efpérance de fa venue relè-
vera notre courage , nous dé-
clarerons de nouveau la guerre
à cette paffion dominante que
nous voulons vaincre , & nous
Viij
3 10 Le Combat Spirituel ,
ferons le plus d'a&es que nous
pourrons de la vertu qui lui
eft contraire. Ce fera-là no-
tre principale occupation , &
le foir & le matin , avant que
de nous approcher de la fainte
Table.
Quand nous ferons près de
recevoir le corps du Sauveur ,
mous nous remettrons un mo-
ment devant les yeux toutes
3es fautes commiles depuis la
dernière Communion jufqu'à
celle-ci, & afin d'en concevoir
de la douleur , nous fongerons
que nous les avons commifes
avec autant de liberté , que il
Dieu n'étoit point mort fur une
croix pour notre falut ; nous
nous remplirons de confuiion
& de crainte, voyant que nous
avons préféré un petit plaifir ,
une légère fatisfaction de no-
tre propre volonté , à î'obéif-
fance que nous devons à notre
fouverain Maître ; nous reçcn*
Ctf APIT P E LÏV. 31 X
noitrons nocre aveuglement 6c
détellerons notre ingratitude :
mais venant enfuitea coniidé-
rer que quelque ingrats & inri-
clèx-fc-que nous foyons , ceDieu
plein de charité veut bien ie
donner à nous, qu'il nous in-
vite à le recevoir , nous irons <r
lui avec confiance, nous lui ou-
vrirons notre cœur, afin qu'il
y entre Se qu'il s'en rende le
maître , & après cela nous le
fermerons de crainte qu'il ne
s'y gliile quelque affection im-
pure.
Dès que- non s. aurons com-
munie , nous nous recueille-
rons en nous-mêmes ; nous
adorerons humblement notre.
Seigneur, tk nous lui dirons :
Vous voyez , ô Dieu de mon
ame , l'inclination violente que
j'ai au péche'j vous voyez l'em-
pire que cette paillon a fur
moi; & que de moi-même je
n'ai pas la force d'y rélifter.
Viv
3*2 Le Combat Spirau-el?
Ceft donc à vous principale-
ment à la combattrCj&'s'il faut
que j'aie quelque part au com-
bat , c'efl: de vous feul que je
dois attendre la victoire ; puis
nous adreffant au Père Eter-
nel , nous lui offrirons ce cher
Fil? qu'il lui a donne' ; & que
nous aurons alors au-dedansde
nous ; nous le lui offrirons en
aftion de grâces de fes bien-
faits, & pour obtenir avecfon
fecours quelque grands vic-
toire fur nous - mêmes. Nous
prendrons enfin 1a réibiution
de combattre courageufement
contre l'ennemi qui nous fait
îe plus de peine ; & nous ef -
pérerons de le vaincre ,' parce
que raîfant de notre côté ce
que nous pourrons , Dieu ne
manquera pas tôt ou tard de
nous fecourir-
3*3
* " ' * ' * '
Chapitre LV.
"Qudlep réparât Lonilfaùtappo r-
ter pour communier & pour
s'exciter à l'amour de Dieu,
S
i vous voulez que le Sacre-
ment de l'Euchariftieproduife
€n vous des feni'imens d'amour
de Dieu;fouvenez-vous de l'a-
mour que Dieu a eu pour vous;
& dès le foir qui précédera vo-
tre communion, confidérez at-
tentivement que ce Seigneur ,
dont la maiefté ck la puivfauce
rj'ont point de bornes , ne s'eit
pas contenté de vous créer à
fon image , ni d'envoyer fur la
terre fon Fils unique , pour ex-
pier vos péchés par les travaux
continuels de trente-trois ans,
& par une mort non moins dou-
loureufe qu'igrominieufefur la
croix -.. mais que de plus il vous
i'a laiffé dans le Sacrement ,
afin qu'il y £oit votre nourri-
3*4- Le Combat Spirituel,
ture & votre refuge dans tous
vos befoins. Voyez combien
cet amour eft grand &iingulier
en toute manière.
i. Pour ce qui regarde fa
durée, vous trouverez qu'il efl
éternel ; &z qu'il n'a point eu
de commencement ; car com-
me Dieu ell de toute éternité,
c'eft aufïi de toute éternité
qu'il a aimé l'homme jufqu'à
vouloir lui donner fon Fils
d'une manière li admirable ;
là-defius vous lui direz avec un
tranfport de joie: Il efl: donc
vrai qu'une créature aufïi mé-
prifable que je fuis, a été tanC
eftimée & chérie de Dieu ,
qu'il a daigné penfer à elle
avant tous les fiécles, &: for-
mer dès- lors le deifein de lui
donner pour nourriture la chair
& le fang de fon fils unique.
*. Quelqu'ardente que {bit
la paftion que nous avions ici-
bas pour les chofes qui nous
Chapitre LV. 315*
plaifent , il y a des bornes où il
faut qu'elle s'arrête , & qu'elle
ne peutpafler. Le feul amour
que Dieu a pour nous, eft
fans limite & fans rriefure ; 6c
c'eft pour le fatisfaire pleine-
ment qu'il nous a envoyé du
Ciel ce Fils qui lui t(ï égal en
tout, qui ala même fubiiance
6c les mêmes peife&ions que
lui. Ainiï l'amour n'eft pas
moins grand que le .don , ni le
don moins grand que l'amour,
l'un & l'autre étant infinis Si
au -deflus de toute intelligence
créée.
3. Si Dieu nous a tant aimes,
ce n'elt point par force &: mal-
gré lui , mais par fa feule bon-
té, qui le porte naturellement
à nous combler defes bienfaits.
4. Nous n'avions rait aucune
bonne œuvre , nous n'avions
acquis aucun mérite pour nous
attirer fon amour ! &: s'il nous
a aimés jufqu'à l'excès,s'il s'eft
3li5 Le Combat Spirituel^
-donné tout entier à nous, nous
en fommes uniquement rede-
vables à fa charité.
5. L'amour qu'il nous porte
eft tout à-fait pur , &: h* on y
prend bien garde , on n'y verra
point ce mélange d'intérêt qu i
fe rencontre dans les amitiés
mondaines. Dieu n'a que taire
de nos biens, parce qu'il a dans
lu -même , indépendammentde
nous , le principe de fon bon-
heur & de fa gloire. Lors
donc qu'il répand fur nous fes
bénédictions , ce n'eft point
fon utilité , mais la nôtre feule
qu'il envifage. Dans cettepen-
fée, chacun dira en foi-même:
Qui eût cru , Seigneur , qu'un
Dieu infiniment grand , com-
me vous, pût mettre fon affec-
tion dans une créature vile Se
abjecte comme moi. Que pré-
tendez vous , ô Roi de gloire ?
Que pouvez- vous efpérer de
moi, qui ne fuis que cendre &
Chapitre LV. 317
pouiîière ? Cette ardente cha-
rité qui vous confonde , ce feu.
quim'édaire & qui m'échauffe
tout enfemble , me fait a'Tez
voir que vous n'avez qu'un feul
deiTein,&: je reconnois encore
par làcombien votre amour eft
dégagé de tout intérêt; vous
ne prétendez autre chofe , en.
vous donnant tout entier à moi
dans- ce Sacrement, que ds
me transformer en vous , afin
que je vive en vous > & que
vous viviez en moi , &: que pas
cette union fi intime devenant
une même chofe avec vous,
je change un cœur tout ter-
re fi re comme le mien , en un.
cœur tout fpirituel & tout di-
vin comme le votre.
Après cela nous entrerons
dans des fentimens d'admira-
tion & de joie , de voir les
marques que le Fils de Dieu
nous donne de fon eftime & de
&n amour , perfuadé qu'il ne.
Jï8 Le Combat Spirituel 9
cherche qu'à gagneriout-àfaic
nos cœurs ; qu'à nous attacher
à lui en nous détachant des
créatures & de nous mêmes,
qui fommesau nombre des plus
viles créatures; nous nous of-
frirons à lui en holocaulte, aùn
que notre mémoire , notre en-
tendement,notre volonté , nos
fens n'agnlent plus que par le
principe de fon amour, &: par
le motif de lui plaire.
Puis cor.iidérantsque fans fa
grâce , rien n'eft capable de
produire en nous les difpofi-
tions nécenaires pour le rece-
voir dignement dans l'Eucha-
riftie , nous lui ouvrirons nos
cœurs, & nous tâcherons de
l'y attirer par des Oraifons ja-
culatoires, par des Afpirations
courtes , mais ardentes , telles
que font celles-ci : O viande
célefte , quand aurai- je le bon-
heur d'être tout entier à vous,
6c de pouvoir me continuer
Chapitre LV. 319
par le feu de votre divin A-
mour ? Quand fera -ce , Cha-
rité incréée, 6 Pain vivant !
Quand fera- ce que je ne vivrai
que de vous , que par vous &
que pour vous ? O Manne «du
Ciel , ô ma Vie, ô Vie heu-
re ufe ôcéternelle! quand vien-
dra le teins , que dégoûté ' de
toutes les viandes d'ici - bas ,
je ne me nourrirai que de
vous ? O mon fouverain bien !
ô toute ma joie! quand viendra
ce tems bienheureux ? Dé-
gagez, mon Dieu, dès main-
tenant , dégagez ce cœur de la
fervitude de les parlions & de
fes vices ; ornez-le de vos ver-
tus; étouffez en lui tout autre
delir que celui de vous aimer
& de vous plaire. Après cela
je vous l'ouvrirai, je vous prie-
rai d'y venir; & pour vous y
attirer , j'uferai , s'il eft necef-
faire, d'une douce violence :
vous y viendrez, ô monuaique
J20 Le ComBat Spirituel r
tréfor! & rien ne vous empê-
chera d'y produire les eftets
que vous délirez. Voilà les fen.
timens tendres & arïe&ueux
dans lefquels on s'exercera le
foir & le matin pour fe prépa-
rer à la Communion*
Quand re tems de com m ai-
mer approche , il faut bien
coniiderer quel eft celui qu'on
veut recevoir. C'eft le Fils du
Dieu virant ; c'eft celui dont
la maiefté fait trembler les
Cieux,&les vertusmêmes des
C:eux ; c'eft le Saint desSaints,.
îe miroir fans tache , la pureté
incréée , en eomparaifon' de
laquelle toute créature eft im-
monde*; c*èft ce Dieu humilié
qui étant l'arbitre de la vie &
de la mort , a voulu , pour faù-
ver les hommes;ie rendre fem-
blabîe à un ver de terre; fe
rendre le jouet de la populace,
être rebuté^ foulé aux pieds ?
moqué, couvert de crachats*
attaché:
Chapitbe LV. 321
attaché à une croix , par la
fadion des infâmes partifans;
du monde. Confidérez d'un
autre côté, que de votre fonds
vous n'êtes rien ; que par vos-
péchés , vous vous êtes mis au-*
deiTous des plus viles créatu--
les , môme de celles qui fons
fans raifon ; que vous méritez'
.enfin d'être l'efclave des dé-
mons. Songez qu'au lieu de"
donner des marques de recon>
noiflance pour les obligations
infinies que vous avez à votre'
Sauveur» vous l'avez cruelle-
ment outragé , jufqu'à fouler*
aux pieds le Sang qu'il a répan-
du pour vous, &qui eft leprhs"
de votre rédemption.
A près tou t cela, votre ingra-
titude ne l'emporte point fur
fa charité toujours conftante-
& immuable ; ii ne laifle pas de'
vous inviter à fon banquet ; &:
bien loin de vous en exclure >>
il vous menace de fon indigna*-
32£ Le Combat Spirituel,
tion &de la mort fi vous n'y
allez. Ce Père miféricordieux
cft toujours prêt à vous rece-
voir; Ôcquoiqu afesyeux vous
paroiffiez couvert de lèpre ,
boiteux , hydropique , aveu-
gle , démoniaque , &c , qui pis
eit , plein de vices & dépê-
chés , il n'a point d'averiion
pour vous, il ne vous fait point,
tout ce qu'il demande de vous,
c'eft, i. Que vousayiez une
(incère douleur de l'avoir indi-
gnement oifenfé. 2. Que vous
haïfliezpar-defTustoureschofes
Je péché , foit mortel , foit mê-
me véniel. 3. Que vous foyiez
toujours difpofé à faire fa vo-
îon^ , & eue dans lesoccanons
vous l'exécutiez promptement
& avec ferveur. 4. Qu'après
cela vous ayiezune ferme con-
fiance qu'il vous remettra tou-
tes vos dettes , qu'il vous puri-
fiera de toutes ros taches >
qu'il vous défendra contre tous
vos ennemis.
Chapitre LV. 323
Etant ainii anime par le four
venir de l'amour qu'il porte
aux pécheurs pénitens , vous
pourrez vous approcher de la
feinte Table , avec une crainte
mêlée d efpérance & d'amour,
en difant : Je ne fuis pas digne
ce vous recevoir , parcequeje
vous ai fi fou vent & li griève-
ment offenfé , & que je n'en ai
pas fait toute la fatisfa&ion que
je dois â votre jufiice. Non f
mon Dieu , je ne fuis pas di-
gne de vous recevoir , parce"
qu'il me refte encore quelque
affe&ion pour les créatures ,
& que je n'ai pas commencé
à vous aimer , & à vous fer—
vir de toutes mes forces. Ah!
Seigneur , noubliez pas votre
bonté, fouvenez-vous de vo-
tre parole : rendez-moi digne'
de vous recevoir avec foi &
avec amour.
Quand vous aurez commu-
aié » entrez aulfi-tôt dans uiî
324 Le Combat Spirituel 9
profond recueillement : & fer*
mant ia porte de votre cœur ,
ne penfez plus qu'à traiter
avec VLtie Sauveur , en lui di-
fant ces paroles , ou d'autres
fembîables: O fou verain Maî-
tre du Ciel , qui a pu vous
obliger de descendre jufque
dans moi , qui fuis une créa-
ture pauvre , miferable. aveu-
gle , dénuée de toat ? Il vous
répondra incontinent : C'eit
l'amour. Vous lui répliquerez :
O amour incréé , que deman-
dez-vous de moi? Rien autre
chofe , vous dira-t-il , que l'a-
mour. Je ne veux point d'autre
feu dans votre cœur , que celui
de la charité. Ce feu victorieux
des ardeurs impures de vos
paillons , embiafera votre vo-
lonté , & m'en fera une victi-
me d'agréable odeur. C'eft ce
que j'ai toujours déliré , & ce
quejedefire encore; je veux
être tout à vous , & que vous
Chapitre LV. 327
foyiez tout à moi: ce qui ne
fe pourrait faire fi au lieu de
vous conformer à ma volonté,
vous fuiviez la vôtre , toujours
amateur de votre propre li-
berté , & de la gloire du mon-
de. Sachez donc que ce que je
fouhaite de vous , c'eft que
■ vous vous haïffez vous-même,
afin de pouvoir m 'aimer; que
vous me donniez votre cœur,
ann de l'unir au mien, qui
fut ouvert pour vous fur la
croix. Vous n'ignorez pas qui
je fuis, Se vous voyez néan-
moins que par un excès d'a-
mour, je veux bien mettre
quelque forte d'égalité entre
moi éc vous. En me donnant
tout entier à vous , je ne vous
demande que vous - même ,
foyez à moi , & je fuiscontent;
ne cherchez que moi , ne fon-
gez qu'à moi , n'écoutez &: ne
regardez que moi , afin que je
fois l'unique objet de vos peu-
Xiij
326 Le Combat Spirituel ,
iJes & de vos defirs , que vous
n'agiillez qu'en moi ; & par
moi , que ma grandeur infinie
abforbe votre néant ; qu'ainii
vous trouviez en moi votre
bonheur , 6c que'je trouve en
yous mon repos.
Enfin, vous présenterez au
Père Eternel fon Fils bien-ai-
*né. r. En a&ion de grâces de
la faveur qu'il vous aura faite
de vous le donner, z. Pour en
obtenir du iecours , Toit pour
vous-même , foit pour toute
PEglife, foit pour vos parens ,
& pour ceux à qui vous avez
quelque forte d'obligation ,
foit pour les âmes du Purga-
toire , & vous unirez cette of-
frande à celle que le Sauveur
fit de lui-même fur la croix ,
lorfque tout couvert de plaies
6z de Sang , il s'offrit en ho-
locaufte à fon Père pour la
rédemption du monde. Vous
pourriez encore lui offrir, à
C h apitreLVÏ. 527
cette intention, toute^ îesMef-
fes qu'on célébrera ce jour-là,
dans tout le monde Chrétien.
Chapitre LVI.
De la Communion fpirituelle.
xcUoique vous ne puifïïez
pas communier réellement plus
d'une fois en un jour , vous le
pouvez faire fpirituëllement ,
comme j'ai déjà dit, à toute
heure , & il n'y a que votre
feule négligence, ou quelque
femblable défaut , qui p îiile
vous priver de cet avantage.
Or , il eit à remarquer que la
Communion fpii u uelleeft quel-
quefois plus utile à l'ame , &
plus agréable à Dieu , que
plulieurs Communions facra-
memales faites fans beaucoup
de préparation 8c avec tiédeur
Lors donc que vous ferez dit»
pofé à cette efpece de Con>
X iv
528 Le Combat Spirituel \
inunion , le Fils de Dieu fera
toujours prêt à Ce donner fpiri-
tuellement à vous pour être
votre nourriture.
Quand vous voudrez vous y
préparer , vous tournerez d'a-
bord votre penfée vers N. S.
& ayant fait quelque réflexion
fur la multitude de vos offen-
fes , vous lui en témoignerez
de la douleur. Enfuite vous
le prierez avec un profond ref-
pe&, &avec une vive foi , qu'il
daigne venir dans votre ame ,
qu'il y répande de nouvelles
grâces pour la guérir de fes
foiblefles , & pour la fortifier
contre la violence de fes en-
nemis. Toutes les fois que
vous pourrez mortifier quel-
qu'une de vos paflîons , ou
faire quelque aite de vertu ,
fervez-vous de cette occafion,
pour préparer votre cœur au
Fils de Dieu qui vous le de-
mande Ikns celle ; puis vous
Chapitre LVI. 329
adreflant à lui , priez-le avec
beaucoup de ferveur de venir
à vous comme un Médecin
pour vous guérir, comme un
Protecteur pour vous défen-
dre, afin que rien ne l'empê-
che déformais de poiTéder
tout votre cœur.
Souvenez -vous en même-
tems de votre dernière Com-
munion facramentale : & tout
embrafe de l'amour de votre
Sauveur , dites -lui • Quand
fers-ce , ô mon Dieu , que je
vous recevrai une autre fois ?
Quand viendra cet heureux
jour ? Que fi vous voulez com-
munier en ëfprit avec plus de
dévotion , préparez-vous y dès
le foir ; & dans toutes vos
mortifications , dans tous les
actes de vertu que vous ferez ,
ne vous propofez autre chofe,
que de vous mettre en état de
bien recevoir fprituellement
Notre-Seigneor.
330 Le Combat Spirituel 9
Le matin à votre réveil , ap-
pliquez vous à conlidérer quel
avantage c'eft à une ame que
de communier dignement ,
puifque par-là elle recouvre
les vertus qu'elles a perdues ;
elle revient à fa première pu-
reté ; elle fe renxl digne de
participer aux fruits de la
Croix 5 elle fait une action
très-agréable au Père Eternel,
qui fouhaite que tous jouiiïent
-de ce divin Sacrement. Tâchez
Jà - deiTus d'exciter en votre
cœur un ardent deiir de le
recevoir, pour plaire à celui
qui veut fe donner à vous ; &:
dans cette difpolition, dites-
lui : Seigneur , puifqu'il ne
m'eft pas permis de vous rece-
voir aujourd'hui réellement,
faites au moins par votre bonté
& par votre toute- puiiîance,
que purifié de toutes mes ta-
ches , que g .] ici de toutes mes
plaies > je raériie de vous rece-
Chapitre LVÏI. 331
voir en efprit, maintenant ,8c
chaque jour. & à chaque heure
du jour ; afin qu'étant Fortifié
d'une nouvelle grâce, je réiifte
courageufement à mes enne-
mis,fur-tout à celui à qui, pour
l'amour de vous , je fais parti-
culièrement la guerre.
Chapitre LVII.
Des actions de grâces qu'on
doit rendre à Dieu.
JL Uifque tout le bien que
nous pofledons , ou que nous
faifonseft à Dieu & vient de
Dieu , il eft juPte que nous
lui rendions de continuelles
a&ions de grâces pour toutes
les bonnes œuvres que nous
pratiquons , pour toutes les
victoires que nous remportons
fur nous-mêmes , pour tous les
bienfaits , foit généraux , foit
particuliers que nous recevons
éie fa main. Afin donc de nous
352 Le Combat Spirituel,
acquiter , comme il faut , de ce
devoir, confidérons, avant tou-
tes choies , quelle eft la fin
pour îaquelleDieu répand avec
tant de libéralité les bénédic-
tions fur nous. On reconnoî-
tra par-là de quelle manière
il veut que nous lui marquions
le refTentiment que no«s en
avons.
Comme fa fin principale
dans tout le bien qu'il nous
fait ,e(t d'avancer fa gloire,6c
de nous attirera fon fervice>
chacun doit faire d'abordcette
réflexion en lui-même ; O que
ce bienfait de mon Dieu m'eft
une preuve manifefte de fa
puiffance , de fa fagelTe , & de
fa bonté infinie ! Puis confrdé-
rant que de lui-même il n'a
rien qui mérite un tel bien-
fait ; &: qu'au contraire fon in-
gratitude l'en rend tout-à-fait
indigne , il dira avec beaucoup
d'humilité : commentdaignez-
Chapitre LVIII. S33
tous : Seigneur, jeter les yeux
fur la plus vile de vos créa-
tures ? Par quel excès de bonté
pou vez-vous combler degraces
un 11 miférable pécheur t Que
votre faintNom foit béni dans
tous les iiécles des fiécles ! En-
fin , voyant que pour tant de
bienfaits on ne lui demande
autre chofe , (mon qu'il aime
& qu'il ferve fon bienfaiteur ,
il concevra degrands fentimens
d'amowr pour un Dieu fi bon ,
& de grands defirs de faire en
tout fa divine volonté. Il finira
par s'offrir tou: entier à lui
de la manière que nous allons
dire.
Chapitre LVIII.
JOe l'oblaiion qu'il faut faire
de foi-méme à Dieu.
X5LFin que cette oblation foit
fort agréable à Dieu , il y a
deux chofes à obferver. La
3 34 Le Combat Spirituel,
première, eit qu'on l'uniffeà
toutes celles que le Fils de
Dieu faifoic ici-bas. La fécon-
de , qu'on- ait le cœur entière-
ment détaché de toute affec-
tion pour le3 créatures.
A* l'égard- de la première,
il faut {avoir que N. S. pen-
dantqu'iî vivoit dans ce monde,
ne ce (Toit d'offrir au Père Eter-
nel , ron-feulemenr faperfon-
ne ck fes actions particulières ,
mais encore tous les hommes
& toutes leurs bonnes œuvres.
Joignons donc nos offrandes
aux tiennes , afin que par cette
union;, les Hennés ianctirient les
nôtres.
Pour la féconde, prenons gar-
de? avant que défaire unfacri-
fice de nous-mêmes , que nous
n'ayons nulle attache à aucune
créât are. Ainli , lorfque hous
lentons que nos cœurs ne font
pas entièrement libresde toute
affection impure , recourons 'ai.
Chapitre LVIIÎ. 33?
Dieu & conjurons-le. de rom-
pre nos liens, afin que rien ne
nous empêche d'être tout-à-
fait à lui. Ce point eft très-
important : car fi un homme
qui s'eil fait efclave des créa-
tures, prétend fe donner à
Dieu , il veut lui donner un
bien qu'il a déjà engagé à d'au-
tres , & dont il n'ert plus le
maître. Et n'eit-ce pas -là fe
moquer de Dieu ! De-là vient
auiTi que quoique fouvent nous
nous foyons offerts de cette
manière , comme en holo-
caufte au Seigneur , non-feule-
ment nous ne croirions point
en vertu , mais nous tombons
en de nouvelles imperfections*
ck en de nouveaux pèches.
Noos pouvons à la vérité
nous offrir quelquefois à Dieu
quoiqu'ilnous refle quelque at-
tachement aux chofes du mon-
de ; mais c'eft afin qu'il nous
en donne de l'averiion , ck
556 L* Comhdt Spirïfueîy
qu'après cela nouspuiffionsfanfr
nul obilacle nous dévouer à
fon feryice; ce qu'il faut faire
fou vent, & avec beaucoup de
ferveur. Que notre oblation
foit donc toute pu re,que notre
propre volonté n'y ait point
de part. N 'envisageons ni les
biens de la terre , ni ceux
du ciel ; ne regardons que la
feule volonté de Dieu ; ado-
rons fa providence & foumet-
tons-nous aveuglément àfes or-
dres, facrifions-lui toutes nos
inclination*- , & oubliant les
chofes créées , difons-lui :VQir
ci , ômon Dieu & mon Créa-
teur, que je vous offre tout ce
que j'ar, je foumets entière-
ment ma volonté à la vôtre;
faites de moi ce qu'il vous plai-
ra , foit durant la vie , foit à la
mort , foit après la mort, dans
le tems & dans l'éternité.
Si c'efi; tout de bon & aveo
fîRcéi'ité que nous parlons de
lâi
Chapitre LVÎIT. 337
la forte , ii nous fommes dans
ces fentimens , comme le tems
de î'adveriité nous le fera voir,
nous acqu irerons , en très-peu
de tems , de fort grands mé-
rites , qui font des tréfors in-
finiment pluspréeieuxque tou-
tes les richeltes de .la terre ;
nous ferons à Dieu , & Dieu
fera à nous , puifqu'il fe donne
toujours à ceux qui renoncent
à eux-mêmes & à toutes les
créatures, afin de ne vivre
que pour lui. C'eft là fans dou-
te un puilTant moyen de vain-
cre nos ennemis. Car fi par ce
facrifice volontaire nous nous
attachons tellement à Dieu ,
que nous foyons tout à lui , &c
que réciproquement il foittout
à nous , que! ennemi fera capa-
ble de nous nuire ?
Mais pour defeendre davan-
tage dans le détail, quand nous
voudrons lui offrir des jeûnes
ou des prières , ou des ades. de
Y
3 3 S Le Combat Spirituel ,.
patience , ou d'autres fortes
de bonnes œuvres , il raut
bord nousre "louvenir des jeû-
nes, des prières , des aillons
feintesdu Fils deDleu, & met*
tan: toute notre confiance en-
leur mérite , préfenter ainiiles-
nôtres au Père Eternel. Que il
nous vouons ciïïir à ce Père
des mifericordes les fouftian-
ces de ion rJs , en fatis&âiom
de no? pèches, nous Je pour-
rons faire de la manière que je
vais dire.
Nous nous représenterons ou
en général* ou en particulier,
les défordres de notre vie , 6c
convaincus que de nous-mê-
mes nous ne pouvons appaifer
la colère de notre Souverain
Juge , ni fatisfaire à la juftice,
nous aurons recours à la vie &r
à la Pafïion du Sauveur : nous
nonsfou viendrons que lorsqu'il
prioit , qu'il jeûnoit , qu'il
farayaillcit^ qu'il verfoit fon
Chapitre LVIII. îjsr
fang , il offrit Se fes actions
&c ïes foui-Fiancés à fon Père
dans le deiïein de nous ména-
ger une parfaite réconciliation
avec lui. Vous voyez , lui di -
foit-il , comme j'obéis à V03
ordres , en faifânt à votre juf-
tice la fatisfa&ion qu'elle de-
mande pour les péchés d'un
tel & d'un tel. Ayez la bonté
de leur accorder le pardon r
&: de les recevoir au nombre
de vos Elus.
Il faut que chacun joigne
fes prières à celles de J.C. &
qu'il conjure le Père Eternel
de lui faire rniféricorde par les
mérites de la paflion de fon
Fils. Cela le peut pratiquer
toutes les fois qu'on médite
fur la vie ou fur la Mort de
N. S. non- feulement quand on
paffe d'un Myflère à Pautre:
mais en toutes les circonlten-
ces de chaque Myflère , foit
qu'on prie pour foi ou pcuc
d'autres* Y ij,
34° te Combat Spirituel 9
Chapitre LIX.
De la dévotion fenfibU , & des
peines de V aridité,
jL«\ dévotion fenfible pro-
cède ou de [a nature , ou du
démon, ou de la grâce. On
en connoitra la cauie par les
effets qu'elle produira dans
l'ame. Car (i elle n'y opère
nul amendement , il y a fujet
de craindre qu'elle ne vienne
ou du démon , ou de la nature,
far-tout fi l'on y ient trop de
plaiiirs; îil'on s'y attache ex-
cefTivement ; fi l'on vient à en
concevoir meilleure opinionde
foi-même. Lors donc que vous
vous fentez le cœur plein de
joie &c de confolation fpiri<
tueîîejne perdez point trop de
tems a examiner quel en peut
être le principe; maisgardez-
voqsbien d'y mettre votre con-
fiance , ou de vous en _eftimer
Chapitre LIX. 541
davantage : tâchez au contrai-
re d'avoir toujours votre ne'ant
devant les yeux , & de confer-
ver une grande haine de vous-
même , de rompre tout atta-
chement pour quelque objet
créé que ce foit , même fpiri-
tuel , de ne chercher que Dieu
feul , de ne déiner que de lui
plaire. Car de cette forte >
quand la douceur que vous re£-
fentez, viendroit d'un mauvais
principe , elle changerait de
nature : ckcommenceroitàêtre
un effet de la grâce.
L'aridité fpirituelîe procède
pareillement de trois caufes ,
dont nous venons de parler.
1. Du démon ', qui met tout
en œuvre pour nousporer au
relâchement , pour nous dé-
tourner du chemin de la per-
fection , pour nous engager
dans les vains plaifirs du :
de. i.De la pâture corrompue.
qui nous fait commettre beau-
Y ijj
542 Le Combat Spirituel ,
coup de fautes, qui nous rend
tiédes & îiégligens, & qui at-
tache nos cœurs aux biens de
la terre. <. De la grâce que le
Saint - Efprit nous communi-
que,foit pour nous détacher de
tout ce -qui n'eft pas à Dieu ,
&: qui ne va pas à Dieu ; foit
pour nous convaincre pleine-
ment que tout ce que nous
avons de bien ne peut venir
que de Dieu ; foit pour nous
faire eftimer davantage les
dons du Ciel ; foit pour nous
unir plus étroitement avec lni,
en nous faifant renoncer à
tout j même aux délices fpiri-
tuelîes , de peur que les ai-
mant trop , nous ne partagions
notre amour, qui doit être tout
à lui ; foit enfin pai\:e qu'il fe
plaît à nous voir combattre
généreufeme,nt , fk profiter de
les grâces.
Lors donc que vous vous
trouvère 2 dans le dégoût &!'*■
Chapitre LIX. 545
-ri dite ; rentrez en vous-même :
examinez quel eft le défaut
qui vous a fait perdre la dévo-
tion fenlîble ; corrigez-vous-
en au plutôt , non pour recou-
vrer cette douceur oui s'eft
changée en amertume , mais
pour bannir de votre,-arpe tout
ce qui n'eft pas agréable à
Dieu. Que. iï, après une exacte
recherche , vous ne découvrez
point ce défaut, ne penfez plus
à la dévotion feniîble , tâchez
feulement d'acquérir la vraie
dévotion , qiù confille à vous
conformer en tout à la volonté
deDieu : n'abandonnez pas voj
exercices fpirituels; mais quel-
que infructueux, quelque infi-
pides qu'ils vous paroiiTent ,
réfoîvez- vous d'y perfévérer
avec confiance, buvant de bon
cœur le Calice que votre Pêne
célefte vous préfente de fa
main.
£t fi outre l'aridité qui vou«
Yiy
344 £e Combat Spirituel,
rend comme infenfible aux
chofes de Dieu , vous vous
fertezencore Fefprit tellement
embarrafle' & plein d'épaifles
ténèbres /que vous ne fâchiez
à quoi vous réfoudre, ni quel
parti prendre ; ne vous décou-
ragez pas pour cela ; demeurez
toujours attaché à Ja Croix ,
rnéprifeztout foulagement hu-
main ; & rejetez les vaines
conf'lations que le monde &
les créatures vous pourroient
donner.
Cachezau relie votre peine
à tcu.t autre qu'à votre Père
fpirituel , à qui vous devez la
découvrir non pour y trou-
ver quelque forte d'adouciife-
ment , mais pour apprendre à
la fupporter avec une entière
réfi gration à la volontédiv'ne.
N'employez pas vos commu-
nions , ni vos prières , ni vos
autre;exercicesfpiruue!s,pour
cbtenk de N.S. qu'il vous dé-
Chapitre LIX. 34;*
tache de la Croix , priez - le
plutôt qu'il vous donne allez
de courage pour y demeurer à
ion exemple & à fapius grande
gloire jufqu'à la mort.
Mais fi le trouble de votre
efprit ne vous permet pas de
prier & de méditer à Toi dinai-
re , priez, méditez toujours le
moins mal que vous pourrez;
& fi vous ne pouvez pas faire
agir l'entendement , fuppléez
.àce défaut par les affections de
la volonté : joignez y i'Oraifon
vocale , en vous adreffant tan-
tôt à vous-même , tantôt à
N . S. Vous refientirez cle mer-
veilkux effets de cette fainte
pratique, & elle vous fera d'un
très-grand fouîagement dans
toute? vos peines. Dites- vous
dore à vous-même en cette
rencontre : ( a ) O mon ame ,
pourquoi éies-rous fi trijïe , &
pourquoi me caufc\-vous tant dt
34^ Le Combat Spirituel,
■trouble ? Efpere\ en Dieu , car
je chanterai encore fes louan-
ges ^puifquil ejl mon Sauveur
& mon Dieu. ( a ) D'où vient ,
Seigneur , que vous vous êtes é-
loigi'é de moi ? Pourquoi me
méprife?rvous , lor (que j'ai le
plus hefoin de votre afftjïance ,
Ne m\ibandonne\ pas tout-à-
fait. Vous vous fouviendre%
auiTi des bons fentimens que
Dieu infpiroit à Sara femme
de Tobie , dans fon afBiétion ;
& vous direz avec elle dans le
même efprit , non- feulement
de cc^ur , mais même de bou-
che : (b) Mon Di:u , tous ceux
qui vous fervent 71 ignorent pas
que s' ils font éprouvés en cette
vie par les fouffrances , ils
en feront rccompenfés: s'ils fait
accablés de peines , ils en feront
délivrés; fi vous les chât'e\ avec
juftice , vous leur fer e\ miféri-
êovde , car vous ne vous plai-
(a) PfalnLp.il. (b; To!>ie, 3* tu
Chapitre LÎX. 347
fe\pas à nous voir périr ; vous
faites fuc céder le calme à la,
tempête , & la joie aux pleurs,
O Dieu cVlfrael , que voveNom
Jbit béni dans tous les fécles !
Repréfentez - vous encore
votre Sauveur, qui dans îeJar-
d in & fur le Calvaire , fe voit
abandonné de celui dont il cft
le Fils bien -aimé tk. le Fils uni-
que ; portez la Croix avec lui
& dites de tout votre cœur :
. (a) Que voire volonté fe faj/e ,
& non pas la mienne. De cette
forte joignant l'exercice de la
patience à celui de la prière ,
vousacquérerez la vraie dévo-
tion, par le facrilice volontaire
que vous ferez de vous-même
à Dieu ; car , comme j'ai déjà
dit , la vraie dévotion confifte
dans une volonté prompte Se
déterminéeàfuivre Je fus, char-
gé de fa Croix , pau'-tout où il
nous appelle; à aimer Dieu,
parce qu'il mérite d'être aime,
34^ ht Combat Spirituel,
&: à quitter , s"il elt befoin ,
Dieu pour Dieu. Que fi une
infinité de gens qui font "pro-
fefllon de piété , mefuroient à
cela leur avancement fpirituel,
plutôt qu'à de certains goûts
d'une dévotion feniible ; ils ne
feroient pas trompés comme ils
font , ni par leurs faufles lumiè-
res , ni par les artifices du dé-
mon, ils n'en viendroient pas à
cet excès d'ingratitude, que de
murmurer contre le Seigneur,
ckde fe plaindre fansraïfon de
Ja grâce qu'il leur fait d'éprou-
ver leur patience ; ils s'effor-
ceroient au contraire de le fer-
vir plu? fidèlement que jamais ,
perfuadécqu'il ordonne ou qu'il
permet toutes chofes pour fa
gloire &pour notre bien.
C'eit encore uneillulion dan-
gereufe que celle où font plu-
sieurs femmes qui abhorrent
véritablement le péché , &qui
emploient tous leurs foins pour
Chapitre LIX. 349
en éviter ies occasions : mais
s'il arrive que l'efprit Lmmoiir
de les tourmente par ôes pen-
fe'es laies & abominables , Se
quelquefois même parce: vi-
vons horribles , elle. F trou-
tient & perdent cou : ,
croya " que Dieu les a délaif-r
fies. Elles ne fauroient s'ima-
giner que leSaint-Efprit veuil-
le demeurer dansune ame rem-
pile de tant de fantômes im-
purs ; ainfi elles s'abandonnent
à la çriftefle &: tombent dans
une efpèce de défefpoir , de
iorte qu'à-demi vaincues par
la tentation , elles fongent à-
quiter leurs exercices fpiri-
ritueîs & àretotjmer en Egyp-
te : 5 qui ne volent pas
Pin ilgaFra veut que Dieu leur
ttre qu'elles foient
tentées, afin d'empêcher qu'el-
le; ne s'oublient, &c de ies for-
cer par le fentiment de leuç
ruifèie à ne pas s éloigner de
3 JO le Combat Sp iritu el ,
lui. C'etf: donc une extrême
ingratitude que de fe plaindre
d'une chofe dont elles de-
vroient rendre mille a&ions de
grâces à fon infinie bonté.
Ce qu'il faut faire en cette
rencontre , c'eft de bien conli-
dérer les inclinations perverles
de notre nature corrompue ;
car Dieu qui connoît ce qui
nous efl îe plus utile , veut que
nous' fâchions que de nous-
mêmes nous ne nous portons
qu'au pe'ché, & que fans lui
nous nous précipiterions dans
le dernier de tousîes malheurs»
11 raut enfmte nous exciter à
la confiance en fa divine mifé-
ricorde , & croire que , puis-
qu'il nous fait voir îe péril , il
a deffein de nous en tirer & de
nous unir plus étroitement
avec lui par l'Oraifon. C'eft de
quoinous lui devons témoigner
«ne extrême reconnoiifance.
Mais pour leveairàceiaiau*
Ch api tke LX ^yi
vaifes penfées qui nous vien-
nent malgré nous , il eft très-
certain qu'elles fe diflipent
beaucoup mieux par une hum-
ble ibufnancede la peinequ'el-
les nous font, & par l'applica-
tion de notre eiprit à quel-
qu'autie objet , que par une
réliitance inquiète & forcée.
C H A P I T R E L X.
Ve F ex amen de Confcience.
JL^Ans l'examen de votre
confcience vous aveztroischo-
fes à eoniidérer. i. Les fautes
que vous avez faites durant
la journée, z. Les oecalions
qui vous y ont engagé. }. La
difpoiition où vous êtes pour
commencer tout de bon à vous
défaire de vos vices & à acqué-
rir les vertus contraire?.. À l'é-
gard des fautes commifes du
*ant la journée, vous obferve-
35*2 Le Combat Spirituel ,
rez ce que je vous ai enfeigné
dans le Chapitre XXVII , qui
contient tout ce qu'il faut faire>
lorfqu'on eft tombé dans quel-
que péché. Pour ce qui eft des
occalions de vos chûtes , vous
tâcherez de les éviter avec tout
le loin &toutelavigi!ance pof-
fibles.Ennn,r,oiu" vous corriger
de vos déf?.uts, &: pour acqué-
rir les vertus qui vous man-
quent , vous fortifierez votre
volonté parla déhancede vous-
même , par la confiance en
Dieu , par lOraiibn , &: par
desdefirs fréquens de détruire
vos mauvaifes habitudes , 6c
d'en contracter de bonnes.
Que fi vous croyez avoir
remporté quelque victoire fur
vous, ou avoir fait quelque
bonne œuvre , défiez-vous-en,
gardez- vous bien de vous en
eftimer-davantage. Je ne vous
confeille pas même d'y penfer
beaucoup , de crainte qu'il ne
fe
Chapitre LX. 35*3
fe g.ife par-là dans voue cœur
quelque fentiment iecrec de
piéfomption& de vaintgioire;
Remettez donc toutes vos œu-
vres , quelles qu'elles ioient ,
entre ies mains de la divine
miiéricorde & ne longez qu'à
vous acquitter à l'avenir de
tous vos devoirs avec plus de
ferveur que jamais. K 'oubliez
pas de rendre à Dieu de très-
humbles actions de grâces pour
tous les fecours que vous en
avez reçus ce jour-là ; recon-
noillezqu'il eft l'auteur de tout
bien , ck remerciez- le en par-
ticulier de ce qu'il vous a déli-
vré d'un grand nombre d'enne-
mis , foit vitibles , foit inviiï-
bîes , de ce qu'il vous a infpiré
beaucoup de bennes peniées
&. ourni plufieursoecaiions de
pratiquer la v^rra , êc.de ce
que même il vous a fait une
infinité d'autres biens qui vous
fout cachés*
Z
2 5^ Le Combat Spirituel^
Ch a p i t R E LXI.
Comment nous devons perfèvérer
du as le Cvmbat Jpiritucl
juftjuà la mort.
JCiNtre les chofes néceffaires
pour réuftir dans le Combat f pi-
ritue!,il faut compter la perfé-
vérance5qui eft la vertu par la-
quelle nous nous appliquons à
mortifier fans relâche nos paf-
iions déréglées , qui pendant
que nous vivons ne meurent
point, maispouiTent &; croitïent
toujours dans notrecœur,com-
me dans un champ fertile en
mauvaifes herbes. C'efi: en vain
que l'on prétend faire cefïer
cette guerre , puifqu'elle ne
peut finir qu'avec notre vie, &
que quiconqueneveutpas com-
battre , perdra infailliblement
la liberté ou la vie. Hé ! com-
œent ne feroit-il pa» vaincu 9
Chapitre LXI. 357
ayant en tête des ennemis réso-
lus de ne lai donner ni paix, ni
trêve, parce que plus on re-
cherche leur amitié , plus on
éprouve leur haine ? Vous ne
devez pourtant vous étonner ,
ni de leurs forces > ni de leur
nombre , puifqu'en cette (orte
de combat nul n'eii vaincu que
celui qui le veut être , 6c que
d'ailleurs vos ennemis n'ont de
pouvoir que ce que leur en
donne votre Capitaine , pour
Thonneurduquel vous combat-
tez. Or , jamais il ne permet-
tra que vous tombiez entre
leurs mains ; il fera lui-même
votre defenfeur ; comme il
eft infiniment plus pui liane
qu'eux tous , il vous donnera
la victoire , pourvu que com-
battant avec lui , vous mettiez
votre confiance , non pas en
vos propres forces , mais en fa
Toute- puhTance Se en fa bonté
fouveraine.
zr>
-Jj^ Le Combat Spirituel,
Que s'il tarde à vous fecoiï-
rir % s'il vous laiiTedans le dan-
ger , ne perdez pas pour cela
courage; croyez fermement fie
fervez-v-Hïs de cette coniîdé-
rarion pour vous animer au
combat ; c oyez, dis- je , fer-
mement qu il difpoferales cho-
fes y de forte que tout ce qui
femble devoir raire obftacle k
votre gloire -tournera à votre
avantage. Temoignez-îui feu-.
îement delà refolution &: de
la fidélité , fuivez par-tout vo-
tre Chef, quis'eft expofépour
vous à la mort , & qui en mou-
rant a vaificu le monde ; com-
battez courageufement fous
fes enfeignes, & ne quittez
point les armes , que vous
n'ayez détruit tôt» vos enne-
mis ; car û vous négligez de
ycras défaire d'un de w: vices,
ce. fera toujoursune paiUe que
vous porterez dans !'œiî > oh
snefieche que vous aurez, dans
Ch apitreLXIL 55-7
le cœur;& qui vou^ empêchant
de combattre , retardera votre
victoire.
Chapitre LXII.
Comment il faut fe préparer aie
Combat contre les ennemis qui
nous attaquent à V anlcU
de la mort.
Uoique tonte notre vie ne?
foit ici-bas qu'une guerre con-
tinuelle , il eft certain néan-
moins que la plus dangereufe
journée fera la dernière , parce
que quiconque fe laiile vaincre
en ce tems-là. n'aura plus
d'efpérance du falut.Arin donc
de ne pas périr alors fans ref-
fource, tâchezdevou? aguerrie
maintenant que Dieu vous en
donne l'occaiion , parce que
celui qui combat vaillamment
durant la vie, fera victorieux à
la mort, àcaufede l'habitude
Z iij
3jS le Comlat Spirituel ,
qu'il a de vaincre en toute ren-
contre fes plus redoutables
ennemis.
De plus, penfez feu-vent à
la mort ; car lorfqu'cile fera
pioche , elle vous fera moins
de peur ; vous en aurez l'efpric
plus libre & mieux difpofe au
combat. Les gensdu monde re-
jettent cette penfée commera-
cheufe & importune, dccralnte
qu'elle ne leur ôte le plaifir
qu'ils trouvent dans leschofes
delà terre ;& parce qu'ils veu-
lent fe délivrer du dépîaiiir
qu'ils auroient, s'ils fongeoient
qu'un jour ils doivent perdre
des biens qu'ils aiment éper-
dument. Ainfi leur paflion ne
diminue point : elle s'augmente
au contraire & fe fortifie de
jour en jour. De-là vient auffi
que de quitter cette vie , & de
quitter en même-tems tout ce
qu'ils ont de plus cher,c'eftune
peine pour eux d'autantplwîui-
ChapitreLXII. 35$
fupportablc^ qu'ils ont été plus
long-tems dans les délices.
Mais pour vous mieux pré-
parer à ce terrible paiiage du
tems à l'éternité , imagiaez-
vous quelquefois être feu!, fans
aucun fecours, parmi les dou-
leurs de la moit; confidérez
attentivement les chofes dont
je vais parler 9 qui pourront
alors vous faire le plus de pei-
ne : ck n'oubliez pas les remè-
des que je vous propoferai,arm
de pouvoir vous en fervir dans
cette dernière extrémité 5 cârfl
faut néceflairement apprendre
à bien faire ce qu'on ne fait
qu'une feule fois ? de peur de
commettre une faute irrépara-
ble , & qui efr toujours fuivie
d'une éternité de malheurs.
Z iv
f6o
■... «— —^«W I I I
Chapitre LXIII.
Des quatre fortes de tentations
qui arrivent au tems de ht
■mort , & p/emcê rente rit de la
tentation contre la Foi, & de
la manière d'y rifi 1er.
jLaEs ennemis de notre faîut
ont coutume de nous inquiéter
à la mort par quatre fortes de
tentations dangereufes : i. Par
des doutes fur les choses de la
Foi. z. Par des penfîes dedé-
fefpoir \ Par des fentimensde
vaine gloire. 4. Par diverfea
fortes d'ill ifi tns , dont cesef-
prks de ténèbres , tran formés
en An^es de lumière; , fe fer-
vent pour nous tromper.
Pour ce q^i regarde la pre-
mière tentation , ii l'ennemi
vous pronofe quelque raifon-
nement faux & captieux , gar-
dez-vous bien de raifonner
avec lui, contentez -vous de
Chapitre LXIII. 36*1
ki dire avec une fainte indi-
gnation : Retire- toi d\ci , Sa-
tan , père du menfonge : car je
ne veux pas rnAme t'écouter ,
6c il me fuiSt de croire tout ce
que croit la fainte Egliie Ro-
maine.
Prenez carde aufïi de ne pas
vous arrête;- à de certaines per>
fées qui vous viendront dans
l'efprit , & qui vous fembleront
propres pour vous arFemir
dans la Foi , rejettes les com-
me des fuggeftions du démon,
qui prétend par-là vous embar-
raifer , en vous engageant in-
feniiblem?nt à la difpute. Que
û vou* a'êtes plus en état de
vous défaire de ce penfées , û
vous en avez déjà I'efprit occu-
pé , demeurez ferme, 6c n'é-
coutez ni les raifons , ni même
les autorités de l'Ecrirure que
l'ennemi vous alléguera ; car
quelque claires 8c quelque cer-
taines qu'elles vous paroiiîent ,
362 Le Combat Spirituel ,
elles feront, ou tronquées 5 ou
mal citées , ou détournées de
leur véritable fens.
Si donc le malin efprit vous
demande ce que croit l'Eglile
.Romaine , ne lui faites là-def-
fus aucune réponfe , mais fa-
chant que tout fon deflein efl:
de vousfurprendre & de vous
chicaner fur quelque mot am-
bigu , formez feulement en
général un acte de Foi , ou ii
vous voulez lui faire plus de
dépit, répondez-lui que l'Eglife
croit la vérité ; & s'il vous
prefle de dire quelle eft cette
veiné, ne lui répliquez autre
chofe, fînon que c'elt ce que
lEglife croit. Ayez foin , fur-
tout , que votre cœur demeure
attaché à la croix, & dites au
Fils de Dieu : O mon Créa-
teur &monSauveur, fecourez-
moi au plutôt , & ne vous éloi-
gnez point de moi, de peur
que je ne m'écarte de la vérité
Chapitre LXIV. 363
que vous m'avez enfeignée ,
& puifque vous m'avez fait la
grâce de naitre dans votre
Egîife , faites- moi au fli celle
d'y mourir , à votre plus grande
gloire.
Chapitre LXIV.
De la tentation du défefpoir ; &
comment onpeut s'en défendre.
L
A féconde tentation del'en-
nemi de notre faluî eft une
vaine frayeur qu'il tâche de
nous donner, en nous remet-
tant devant les yeux nos fau-
tes paflees , pour nous jeter
dans Je défefpoir. Si vous vous
trouvez en ce péril, prenez
pour régie généialeque la pen-
fée de vos péchés eft un effet
de la grâce , & qu'elle vous
i'era falutaire , li elle produit
en vous des fentimens d'humi-
lité', de componction ck de
confiance en la mif4ricorde di-
j-^4 -e Combat Spirituel ,
vine. Mais fâchez autïi qu'elle
vient du malin efprit , lorf-
qu'elle vous caufera du trouble
ik de la défiance , qu'elle vous
m t danslabattement , qu'elle
vous rend lâche &: timide ,
quoiqu'il vous femble avoir de
fortes raifons pour croire que
vous êtes réprouvé , &: qu'il
n'y a point de falur pour vous.
Ne fongez alors qu'à vous
humilier & à vous confier plus
que jamais en la bonté infinie
de Notre-Seigneur , car par ce
moyen vous éluderez toutes les
rafes du démon \ vous tourne-
rez contre lui fes propres ar-
mes & vous rendrez gloire à
Dieu. Il faut , à la vérité, que
vous ayez du regret d'avoir
ofFenfé cette bonté fouveraine
toutes les fois que vous vous
en fouvenez; mais il faut auflî
que vous lui en demandiez par-
don avec une ferme confiance
aux mérites du Sauveur ; &
Chapitre LXIV. $6$
qwand même vous ooiriez es-
tendre Dieu qui vous duoitaa
fond du cœur, que vous n'êtes
point du nombie t;e fes biebis,.
vous ne devriez ras ceflér
d'efpérer en lui ; mais vous
devriez lui dire humblement;
Seigneur , vous avez fujet de
me répiowver & de me punir
éternellement pour mes pé-
chés: mais j'ai encore plus de
fujet d'efpérer que voas me
ferez miféricorde. Je vous
fupplie donc d'avoir pitié d'une
miferable créature qui mérite
la damnation éternelle : mais
qui a été rachetée de votre
fane:. Je veux me fauver , o
mon Rédempreur, pour vous
bénira Jamais dans votre gteire*
toute ma confiance eft en vous
& je m'abandonne tout entier
entre vos mains ; faites de moi
ce qu'il vous plaira , puif que
vous êtesmonfouverainMaiti e;
frites de moi, dis-je,ce qu'il
$66 Le Combat Spirituel,
vous plaira ; mais quoi qu'ii ar*
rive , je veux efpérer en vous,
duiïiez-vous dès - à - préfenc
m'envoyer la mort.
- n
Chapitre LXV.
De la tentât: on de la vaine
gloire.
JL*A troifieme tentation efl
celle de ia vaine gloire. Ne
craignez rien tant que de vous
laiiîer aller à la moindre com-
plaiiance de vous-même &c de
vos œuvres. Ne vous glori-
fiez jamais qu'en N. S. & re-
connoifTez que vous devez tout
aux mérites de la vie &. de fa
mort. Tant que vous vivrez,
n'ayez pour vous que de la
haine S: du mépris , humiliez-
vous de plus en plus , & rendez
fans ceffe des actions de grâces
à Dieu , comme à î'autear de
tout le bien que vous avez
fait. Priez-le de vousfesourir;
Chapitre LXV 367
«lais ne regardez pas fan fe-
cours comme Je prix de vos
mérites, quand mêm.e vous
auriez gagné fur vous de gran-
des victoires. Demeurez tou-
jours dans la crainte , &: avou-
ingénument que tous vos foins
feroient inunies , fi Dieu ,
qui eft toute votre efpérance ,
ne vous afïîitoit. Profitez de
ces avertiiTemens , foyez fur
que vos ennemis n'auront fur
vous aucun avantage.
Cha pitre LX VI.
De diverfds illufians dit démon
qui arrivent à l'article de la
mort.
vj)I l'ennemi de notre falut ,
qui ne fe lafïe jamais de nous
tourmenter,contrefaifant l'An-
ge de lumière, s'efforce devous
furprendre par des 'Ululions &
par des virions imaginaires , ou
même feniibles , demeurez fer-
368 Le CcmBat Spirituel \
me daiiS la connoifTance de
vous-même &l clitts-lui hardi-
ment :hetiYe-toi, malheureux :
retourne dans tes ténèbres,
d où tu es ion i: car je fuis un
trop grand pécheur pour méri-
ter des viiions, & je n'ai be-
foin que de la naiericorde de
mon Jefus, & des prières de
la bienheureufe Vierge , de
S. Jofepfa & des autres Saints.
Que ii par des marques pref-
que évidente?, il vous iembloic
que ceschofes viniïentdeDieu,
gardez-vous d'abord d'y ajou-
ter foi : ne craignez point de
les rejeter : celte réiiftance •
fondée fur la vuede votre mife-
re 7ne peut être défagréable à
N. S. & fi c'err lui qui agit eiï
vous , iî iaura bien vous le faire
conr oitre,fans qu'il vous en ai»
rive aucun mai ; parce que ce-
lui qui donne fa grâce aux hum-
bles, n'a garde de les en pri-
Ter . loifau'ils s'humilient.
Voilà
Chapitre LXVI 369
Voilà les armes dont l'en^
nemi a coutume de fe fervir
généralement contre tous les
hommes, lorfqu'il les voit pro-
che de la mort ; mais outre ce-*
la il attaque chacun en parti-
culier par l'endroit qui lui pa-
roît le plusfoible. Il étudie no£
inclinations , & c'eft par nos
inclinations mêmes qu'il nous
fait tomber dans le péché. C'eft
pourquoi, avant que l'heure du
grand Combat foit venue , pre»
nons les armes , & commen-
çons à faire la guerre aux paf-
iions qui nous dominent r afin
que nous ayons moins de peine
à y réfifter &: à les vaincre dans
ce tems il redoutable , qu* fera
la fin de tous les tems : * Vous
combattre^ contr'eux jufqu à ce
qu'Us foient entièrement défaits»
*///. ReS. if,
FIN.
A*
57°
DE LA PAIX
DE L" A M E,
E T
DU BONHEUR D'UN
cceur qui meurt à lui-même,
pour vivre à Dieu.
Chapitre Premier.
De quelle nature ejl U cœur hu-
main , & de la manière de le
gouverner.
IEU n'a fait le cœur hu-
main , que pour l'aimer, &
pour en être aimé. L'excel-
lence de la fin de fa création le
doit dont faire confidérer cem-
me le plus grand 6c le plus no-
ble defes ouvrages,
C'eft uniquement de fon gou-
Chapitre I. 371
vernement que dépend la vie
eu Ja mort fpitkuelle.
La icience n'en doit pas être
foi-t difficile , puifque fon ca-
ractère eft de faire toutes cl o-
fes par amour, & de neiien
faire par force.
Nous n'avons qu'à veiller
doucement & fans violence fur
les mouvemens par lefquels
nous agitions.
Voir d'où il viennent , & cil
ils tendent.
Si ces mouvemens partent
du coeur qui eft la foin ce de
l'amour divin, ou de f^fprit
qui eft la fource de la vanité
humaine.
Vous connoîtrez que c'eft le
cœur qui vous fait agir tlanj-
vos bonnes œuvres , par le mo-
tif de l'amour , quand tout ce
que vous faites pour Dieu ne
vousparoît rien , &: quand en
faifant ce que vous pou vea ,-
tous avez honte de faiie'upcu.
A a îj
37? De la paix de tAme,
Et vous devez juger que c'eft
Pefprit mu & excité par des in-
térêts humains quand les bon-
nes œuvres que vous faites ne
vouslaiiïent, au lien des ver-
tus douces, humbles & tran-
quilles, que des vapeurs & des
illufions de ^aine gloire 5 qui
vous font croire que vous avez
beaucoup^ fait , quand vous n'a-
vez rien faît de bien.
• La guerre humaine dont par-
le Job , coniifte en ces veilles ,
que nous devons faire conti-
nuellement fur nous-mêmes.
Elles ne doivent point être
chagrines ni inquiètes , au con-
traire leur but principal eft de
donner le repos à l'ame, cal-
mera appaifer les mouvemens
quand on la fendra inquiète Se
agitée dans fon a&ion , ou dans
fa prière. Car l'on doit être
perfuadé que l'on ne fauroit
bien prier en cet état, que
l*ame ne foit mife dans fa pre-
mière afliette.
Chapitre II. 373
Sachez que vous n'avez be-
foin pour cela que du feul at-
trait deladouceur,&quec'eft
la feule chofe qui la peut raire
revenir de fon égarement , &
lui rendre fa première tranquil-
lité.
— 1 1 1 1 ■■ ■ — » ' — 1 "i ■» «1
Chapitre II.
Du foin que Vaine doit avoir de
s'acquérir une parfaite tran-
quillité.
V^Ette attention douce& paf-
lible mais fur-tout peffévé-
rante fur notre cœur , nous
conduira fans peine à de gran-
des chofes : non-feulement elle
nous fera prier & agir douce-
ment & aifément ; mais fouiFrir
fans fâcherie , ce qui rait le fu-
jet de l'emportement de tous
les hommes , qui eft le mépris
&: l'injufiiee.
Ce n'efl: pas que pour acqué-
rir cette paix intérieure^ ne
A aiij
374 &e la paix de ? Ame9
faille efluyer beaucoup de tra-
vaux , & que faute d'expé-
rience nous ne fuyons fouvent
battus par ces ennemis puif-
fan? qui font au-dedans de nous;
mais lo uns certains que, pour-
vu que nous les voulions com-
battre , nous ne manquerons ,
ni de fecours , ni tle confola-
tions en cette guerre; que nos
ennemis s'affoibliront , que
leurs forces fe difïîperont , que
notre domination fur nos mou-
vemens s'établira; & qu'enfin
nous donnerons à notre ame
ce précieux repos qui doit faire
fa béatitude dès cette vie.
S'il arrive que l'émotion foit
trop forte pour fe laiiTer vain-
cre , ou le poids de l'affliction
trop pefânt pour être fupporté
cJenous-mJmes ; courons àl'O-
raifon , prions & perfévérons
ro'la prière; Je fus Chrilf pria
trois fois au Jardin des O li-
res, pour nous apprendre qu e
Chapit re II 37/
l'Oraifon doit être le remède
& la con£olation de tout efprit
affligé.
Prions toujours jufqu'à ce
que nous Tentions notre inté-
rieur fournis , notre volonté
rangée à celle de Dieu , & que
notre ame foit revenue à fa
première tranquillité.
N e la taillons point troubler
par la précipitation de nos ac-
tions extérieures, quand nous
ferons quelque ouvrage de
corps ou d'elprit, travaillons-
y pofement ou paifiblement ,
fans nous prefcrire de teins
pour l'achever ni nous empref-
fer d'en voir la fin.
ÎSî ous ne devons avoir qu'une
feule principale intention , qui
eft de conferver en nousla mé-*
moire & le fou venir de Dieu
avec humilité & tranquillité ,
fans nous (oucier de rien que
de lui plaire.
Si nous y mêlons quelqu'au-
A a iv
37^ &* la paix detAmel
tre chofe , notre ame fe rem-
plira de trouble & d'inquiétu-
de , nous tomberons fort fou-
vent , & les peines que nous ,
aurons à nous relever de nos
chûtes , nous ferons affez fentir
que tout notre mal vient de ce
que nous voulons tout faire fé-
lon notre humeur , & accom-
plir notre propre volonté en
toutes nos actions ; ce qui fait
que quand elles réunifient ,
nous nous en payons nous-mê-
mes par de vaines complaifan-
ces; Se quand elles ne reuftif-
fent pas , nous nous remplirons
de chagrin , de trouble &. d'in-
quiétude.
»■■ ■ *
Chapitre III.
Que cette demeure pacifique doit
s'édifier peu à peu.
Jt^Ejettez devotre efprit tout
ce qui peut l'élever ou i'abaif-
fer , le troubler ou l'inquiéter;
Chapitre III. 377
travaillez doucement à lui ac-
quérir , ou à lui conferver fa
tranquilité ; car Jefus-Chrifi: a
die : Bienheureux fontles paci-
fiques ; apprenez de moi que je
fuis doux & humble de cœar.
Ne doutez point que Dieu ne
couronne ce travail , & qu'il
ne fe falTe dans votre ame une
maifon de délices, tout ce qu'il
demande de vous,eil qu'autant
de fois que les mouvemens des
. feris & des paffions vou> agite-
ront , vous preniez à tâche de
rabaitfer ces fumées, calmer 8c
appaifer ces tourbillons, & re-
donner la paix à vosaéfcions.
Comme unemaifon ne s'édi-
fie pas tout en un jour , au (fi
l'acquilition de ce tréfor inté-
rieur n'eft pas une entreprife
de peu de tems.
Mais la perfedVtort de cette
œuvre defiredeuxcrnfeseiTen-
tislles; l'une que ce foir Dieu
même qui s'édirîe fa demeure
37% De la paix de t Ame 9
au -dedans de vous ; l'autre,
que ce bâtiment ait pour ron-
dement l'humilité.
Chapitre IV.
Que pour parvenir à cettcPaix,
L'Ame doit fe défendre de
'toute coîifoLition.
jLuE chemin qui conduit àcet-
te paix que rien n'eft capable
de troubler., eft prefque incon-
nu du monde. L'on y embraf-
fe les tribulations, comme les
mondains font les plaiiîrs ; l'on
y ambitionne les mépris êcleg
opprobres, comme ils font la
gloire & les honneurs; l'on y
travaille tout autant à fuir &: à
être fui, à quitter &à être quit-
té ûqs hommes , que font les
gens du monde à être recher-
chés , carefles & eltimés des
grands.
Mais Tony profeiïe en toute
Chapitre IV. 379
liumiiité la fainre ambition de
n'être connu, regardé, confole
ck favorifé que de Dieu feul.
L'ame chrétienne y apprend
à demeurer feule avec fon
Dieu , &; à fe tenir fi forte de
fa divine préfence, qu'il n'y ait
ni peine , ni tourmens qu'elle
ne voulut fouffrir pourfa gloire
& pour fon amour.
L'on y apprend que la fouf-
france efface le péché ; qu'une
affliction bien endurée eft un
tréfor pour l'éternité ; &: que
fouffrir avecJefus-Chriiï, doit
être toutel'ambitiond'une ame
qui veut approcher de fa glo-
rieuse conformité.
L'on y enfeigne , que s'ai-
mer foi-même, faire fes volon-
tés , fuivre les mouvemens de
fes fens , contenter fes appé-
tits , ik fe perdre , eft toute
une même chofe.
Qu'il ne faut pas même faire
îe bien auquel notre volonté
380 De la paix de t Àriie ,
fe porte, que hous ne l'ayons
foumife à celle de Dieu, en
iîmplicité & humilité de cœur,
pour n'en faire que ce que fa
Aîajefté en ordonnera fans reî
cherche de nous-mêmes.
Nous nous portons fouvent
à de bonnes actions, par de
fa u fie s lumières , ou par un
zèle indifcret; nous trouvons
quelquefois en nous de faux
Prophètes , qui fous des ap-
parences de brebis cachent des
loups ravhTass.
Mais lame les connoîtra à
leurs fruits: quand lie fe rrou-
vera troublée ou inquiétée ,
fesientimens d'humilité alté-
rés , fa récolle&ion difiîpée*,
qu'elle n'aura plus fa paix &
fa tranquillité, & qu'elle verra
qu'elle a perdu en un moment
ce qu'elle avoir, acquis avec
beaucoup de tems & de tra-
vail.
Chapitre IV. 381
L'ontombe quelquefois dans
ce chemin , mais on s'humilie
de fes fautes : l'humilité nous
en relevé, & nous fait prendre
des réfolutions de veiller fur
nous de plus près à l'avenir.
Il peut être que Dieu per-
mette que nous faflions des
fautes, pour humilier en nous
quelque orgueil que notre a-
mout-propre nous tient caché.
L'ame peut aufïi quelque-
fois fouffrir les atteintes des
tentations de pécher ; mais il
ne falit pas qu'elle s'en trou-
ble : elle doit s'en retirer avec
douceur fans contention , &
fe remettre dans fon premier
calme > fans excès , ni du côté
de la joie, ni du côté de la
trifteflc.
Enfin, nous n'avons qu'une
chofe à faire, qui eft de gar-
der notre ame pailîbîe , nette
& pure devant Dieu , nous le
trouverons au-dedans de cous.,
3 8 2 De la 'paix de lv Am e ,.
éz nous connoîrrons par expé-
rience , que fa divine volonté
tend toujours au bien & à l'u-
tilité defa'creature.
Chapitre V.
Çue Vamedoitfe tenir feule , &
de 'tachée , afin que Dieu fa JJe
en elle tout fon bon plaifir.
ïnous fommes perfuadésde
l'eMirne que nous devons faire
de notre ame , comme un tem-
ple deftiné à la demeure de
Dieu, prenons garde que nulle
ehofe du monde ne l'occupe ;
efpérons au Seigneur, & at-
tendons fa venue en elle avec
confiance II y entrera , sll
îa trouve feule & détachée >
feule, fans autre penfée que
celle de le recevoir ; feule ,-
fans autre defir que celui de
fa préfence ; feule , fans autre-
amour que le lien ; feule enfin,,
Chapitre V. 383
fans autre volonté que fon bon
pîaifir.
Ne faifons rien d'extraordi-
naire de nous-mêmes, pour
mériter de loger chez nous ce-
lui que tous les êtres créés ne
fauroient comprendre.
Suivons pas a pas celui qui
nous guide; n'entreprenons,
fans notre Directeur , ni tra-
vail, ni peine de notre choix
pour l'offrir à Dieu.
C'efr. aïïez que nous tenions
notre intérieur toujours prêt ,
& difpofé à fou ffrir pour fon
amour tout ce qu'il lui plai-
ra , & en la manière qu'il lui
plaira.
Celui qui fait ce qu'il defire
feroit mieux de fe 1 epofer : &
laifier fa divine Majefté faire
en lui ce qu'elle voudra.
Notre volonté ne doit ja-
mais entretenir aucun engage-
ment, mais être toujours toute
libre & détachée.
3$4 D€ 'ta paix de ? Ame,
Et pûifqu'il ne faut jamais
faire ce qu'on deilre , foyons
perfuadés qu'il ne faut rien dé-
lirer : ou ii nous délirons quel-
que chofe, que ce foit de telle
manière, que le foccês contrai-
re nous puiffe laifier l'efprit
aufll en repos, que ii nous n'a-
vions rien déliré.
Nos de'iîrs font nos chaînes;.
y être attaché , c'eft être efcîa-
ve iiTiaisn'en avoir point, ou
n'en être point lié , c'eft être
libre.
Dieu demande notre ame
ainfi feule, nue & détachée,
pour y opérer fes merveilles ,
6c la glorifier prefque dès cette
vie Ofainte folitude! Ô bien-
heureux defert ! ô hermirage
glorieux, où l 'ame peut avoir il
aifément la Jouiflance de ion
Dieu ! N'y courons pas feule-
ment : mais demandons des
ailes de colombe pour y voler
&; y prendre un faint repos ;;
s©
C HAPITRE VI. 58^
ne nous arrêtons point dans le
chemin, ne nous amufons point
à faluer perfonne j laiiïons les
morts enfevelirles morts, noirs ■•■■
allons à la terre des vivans ,
nous ne fommes point du par- *
tage delà mort.
Chapitre YL
Qu'il faut ufer de prudence en
l'amour du prochain, pour ne
point troubler la paixdel'anu.
reu nefaitpoint fa demeure
dans une arne , qu'il ne l'em-
brâfe d'amour pour lui & de
charité pour le prochain. Jéfus-
Chrttl a dit qu'il eft venu met-
tre le feu en terre.
L'amour de dieu ne doit
point avoir de bornes ; mais la
charité que nous devons avoir
pour le prochain , doit avoir
fcs rnefures & fes limites. Oa
ne fauroit trop aimer Dieu ,
B b
386 De la paix de î Ame9
mais on peut trop aimer le
prochain ; G cet amour n'eft
ménagé , il n'eft capable que
de nous perdre : nous pouvons
nous détruire en penfant édi-
fier les autres- Aimons dételle
forte notre prochain, que no-
tre ame n'en reçoive point de
dommage : le pins sûr eft de
ne rien faire parle motif feui
de donner excmpleaux autres,
&: de leur fervirde modèles,
de peur qu'en penfant 'es fau-
ver, nous ne nous perdions ;
faifons nos aftion.s (implement
6c faintement , fans aiui?in-
tentiôn que de plaire à Dieu,
ad nous faurons nous hu-
milier y & reconnoure ce que
e'eft que no;, bonnes œuvres,
nous n'en ferons pas affez de
cas pour croire que ce qui
nous profite fi peu , puifle
beaucoup pioiteraux autres.
Il n'eft pas befoin que nous
l'oyons là zélés à l'égard des
Chapitre VI. 387
âmes, que la nôtre en perde
fon corps.
Nous aurons cette foif ar-
dente de leur illumination ,
quand il aura p'u à Dieu de
l'exciter en nous , mais il la
faut attendre de l'opération
divine , & ne pas jp enfer que
nous la nuifîions acquérir par
notre follicitude &. notre zèle
indifcret ; confervons à no-
tre ame la paix ce le repos
d'une faintefoiitude, Dieu le
veut de cette forte , pour la
lier & Tattacber à lui. Te-
nons-nous aufïî au dedans de
nous , en attendant que le Maî-
tre de la vigne nous vienne
louer , Dieu nous revêtira de
lui , quand il nous trouvera
nuds & dépouillés de tous les
foucis, & des defirs de la ter-
re: il fe fouviendia de nous,
quand if verra que nous nous
ferons oubliés nous- mêmes,
la paix régnera en nous , ôt
**Bb ij
3S8 De la paix de P Ame ,
ion divin amour nous fera agir
fans trouble , mettra la modé-
ration & la tempérance dans
tous nos mouvemens , & nous
ferons toutes chofes dans le
faint repos de cette paix toute
d'amour , où fe taire c'eft par-
ler , 6c tout faire que ne rien
feire ; que fe tenir libre & do-
cile à toutes les opérations de
Dieu ; parce que c'ed fa divine
bonté qui doit tout faire en
nous & avec nous , fans délirer
de nous autre chofe , ûnon que
nous tenant toujours humbles
devant lai , nous lui préfen-
tions une ame poflédée d'un
feul delir , qui eft que fon
divin bon plaiiir s'accompliflTe
en elle , le plus parraitemeat
qu'il fe pourra.
38*
Chapitre VII.
Que l'a me doit être dépouille:
de toute propre volonté pour
fepréfenter devant Dieu,
V Enez à moi vous tous qui
travaillez , ôtqui êtes chargés,
fi vous voulez être délafles de
▼os travaux ; &: vous tous qui
avez foifj venez à la fontaine
des eaux , fi vous voulez être
défaltérés.C'eftîa fen-oneeque
nous fait Jefus-Chrift en deux
endroits des faintes Ecritures,
fuivons cette vocation divine,
mais fans eiTort ni précipita-
tion , en paix & avec douceur,
nous remettant avecrefpeâ:&
conrlanceenl'amoureufetoute-
puilTance qui noas appelle.
Attendons en efprit de paix
la venue de l'efprit qui donne
la paix: ne penfons qu'aux cho-
ses par lefquelles il doit être
Bbiij
jpo De la paix de t Ame ,
defiré , aimé &: glorifié ; &
foyons fournis &: tideles à ce
qu'il voudra faire de nous.
Ne forçons jamais notre
cœur , de peur que s'il venoit
à s'endurcir , il ne pût être ca-
pable du faint repos qu'il nous
eft commandé d'acquérir*.
Mais accoutumons-le douce-
ment à ne s'entretenir que des
bontés,de l'amour & des bien-
faits deDien envers fes créatu-
res, & à f e nourir de cette
manne délicieufe , que l'afi!-
duité de cette méditation fera
pleuvoir dans nos âmes avec
des doaceurs inconcevables.
Neraifons nul effort pour ré-
pandre des larmes;m pour faire
naître en nous desfentimensde
dévotion que nousn'avons pas :
laiffons notre cœur fe repofer
intérieurement en Dieu , com-
me en fon centre « & ne nous
lafTbns point d'efpérer que la
volonté deDieu fefera en nous.
Chapitre VII. jpi
Il nous donnera des larmes
en fon rems ; mais ces larmes ,
feront douce?, humbles, amou-
rcufes & tranquiles ; vous
connoîtrez à ces marques la
fource d'où elles coulent ; &
vous les recevrez comme la ro-
fée du Ciel en toute humilité >
révérence ck actions de grâces.
Ne préfumons, ni de fa-
voir , ni d'avoir , ni de vouloir
aucune chofe ; le commence-
ment & la fin , le nœud & la
cleFde l'ouvrage fpirituel , efr,
de ne rien fonder fur foi-mê-
me , fur ce qu'on fait , fur ce
qu'on veut , ni fur ce qu'on a ;
mais fe tenant en état d'une
abnégation parfaite, de demeu-
rer comme la Magdelaine aux
pieds de Jefus-Chrift, fans fe
troubler comme Marthe.
Quand vous chercherez Dieu
par la lumière de l'entende-
ment pour vous repofer en lui ,
que ce foit fans comnaraifon ,
B b u
35)2 De ta paix de PJme9
termes , ni limites ; car il eft.
hors de comparaifon, ileft par-
tout fans divifion de parties,
fk toutes chofes fe trouvent
en lui.
Concevez une immenfité qui
n'a point de bornes, un tout
qui ne fauroit être compris,
une puiffance qui a tout fait,
qui maintient toutes chofes, &
dites à votre ame que e'eitfon
Dieu.
Contemplez & admirez -le
incefîamment : il eft par-tout,
il eft dans votre ame, il en veut
foires fes délices , félon fa pa-
role : & quoiqu'il n'ait en fien
befoin d'elle , il veut la faire
digne de lui.
Mais en cherchant ces véri-
tés divines par les fecours de
l'entendement, faites qu'elles
faiTent îe repos des affections
de votre volonté douces &
tranquilles.
Vous n& devez ni-négliger ,
Chapitre VIL 3^3
ni limiter vos dévotions , en
forte que vous foyez comme
obligé à faire , méditer ou lire
tant de chofes , tant de teins ,
ou tant de chapitres ; mais que
votre cœur demeure toujours
libre ,pour s'arrêter où il trou-
vera à le repofer &: être prêt à
jouir du Seigneur , iorfqu'il
voudra fe communiquera vous,
fans vous mettre en peine de
n'avoir pas fait on dit tout ce
que vous vous étiez propofé de
faire ou dire : laifîez-là le refte
fans fcrupule , ni n'écoutez au-
cune autre penfée fur ce fujet ,
parce que l'unique fin de vos
exercices étant de tendre à
Dieu , quand cette fin eCi trou-
vée , les moyens doivent cef-
fer.
Dieu veut nous mener par
le chemin qu'il lui plaît 5 &
quand nous noiss impofons des
obligations de faire oudire tel-
le ou telle chofe , que nous
394 De l* Palx de ? Ame ,
avons en tête le foin de nous
en acquitter , & que nous nous
fomraes faits des néceflités de
ces chofes purement imaginai-
res , nous cherchons Dieu en
le fuyant , nous lui voulons
plaire fans faire fa volonté , &
nous ne nous mettons pas en
état qu'il puiile rien faire de
nous.
Si vous voulez marcher heu-
reufemant dans ce chemin,
&: parvenir fûrement à la fin où
il conduit , ne cherchez & ne
defirez que Dieu ; en quelque
part que vous le trouviez , &
qu'il fe préfente à vou^? de-
meurez-là , ne paiïez pas ou-
tre qu'il ne vous en donne con-
gé , prenez avec lui le repos
des Saints ; & quand fa Majef-
té fe fera retirée , vous pour-
rez , en continuant vos exer-
cices, vous remettre à le cher-
cher , à vouloir & deflrer le
trouver ; Se l'ayant retrouvé ,
Chapitre VIL 39$
tout quitter pour en jouir.
Cette leçon eft d'un extrême
profit , & mérite d'être rete-
nue &: pratiquée ; car l'on voit
plufieurs perfonnes eccîéfiafti-
ques , qui fe perdent dans la
laflitude du travail de leurs
exercices , fans en avoir pu ja-
mais tirer de profit ni de repos,
parce qu'il leur femble tou-
jours qu'ils n'ont rien fait , s'ils
n'ont achevé toute leur tâche,
& qu'en cela confite la perfec-
tien ; qui eft une vie d hom-
mes de journées , efclaves de
lenr volonté , q*ii ne parvien-
nent jamais à la véritable paix
intérieure , qui eft le lieu du
Seigneur, le fan&uaire où
Jefus-Chrift habite.
***
39 6 De la paix de t Ame3
Chapitre VIII.
De la foi qu'on doit avoir au
faim Sacrement de V Autel ,
& comment nous nous devons
offrir à Dieu»
JL™ Otre foi & notre amour
pour le faint Sacrement, ne
doivent jamais demeurer en
même état , mais tous les jours
$'aeeroitre,{efortir!er&fenatu-
ralifer en nous de plus en plus.
Approchons -nous- en'avec
une volonté préparée à toutes
fortes de fouffrances, d'afflic-
tions , de tribulations , de foi-
blefles & de fécherefies pour
l'amour de lui.
Ne demandons pas qu'il fe
convertifle en nous , mais bien
qu'il nous convertifle en lui.
Ne iuifaifonspoirjtdegrands
cifcoursmos admirations & nos
joies dor/eat remplir toute»©-
G h api ï re VIII. 397
tre ame , Scconfommer toute s
fes fondrions en fa préfence ;
l'efprit admirera cet incompré-
henfible myftère , &: le cœur
s'épanouira de joie à la vue
d'une fi grande Majefté , ca-
chée fous des petites efpéces.
Ne defirons point qu'il fe
montre à nous d'une autre ma-
nière ; &: fouvenons-nous qu'il
a dit , que bienheureux font
ceux qui ne l'ont pas vu& ont
cru en lui.
Il faut fur-tout être fidèle Se
confiant dans fes exercices , &
perfévérerdans la pratique des
moyens de purifier &c (impli-
fier notre ame toujours avec
repos & douceur.
Tant que ces pratiques ne
feront point abandonnées, la
grâce de la perfévérance ne
nous abandonnera point.
Il eft irnpoflible qu'une ame
qui a goûté ce repos fpirituel,
puiiTe retourner à la manière
39 8 De la paix de t Ame ,
de vivre du monde ; car ce lui
feroit un touiment qui ne lui
feroit pas fupportable.
>im l i i i — i— m
Chapitre IX.
Quel Ame ne doit chercher de
repos ni deplaifir quenDieu,
%J Ne ame à qui rien ne pîaît
du monde que les perfécutions
èi les mépris , qui n'aime & ne
defirerien de tous lesbiensqu'il
veut donner , &. ne èraitit rien
de tous les maux qu'il peut fai-
re ; qui fuit les uns comme le
poifon , &: qui cherche les au-
tres comme les délices , eft en
état de recevoir de grandes
confolations de Dieu ; pourvu
que fa confiance foit toute en
1 ui , & qu'elle ne préfume rien
de fes forces : le courage de
feint Pierre étoit grand, quand
il difoithautementqu!il vouloit
mouriravecJelus-CririUjCette
Chapitre IX. 399
volonté déterminée étoit ap-
partemment fort bonne ; mais
en effet elle avoir un vice,c'eft
que c'étoit fa volonté propre,
&: ce vice futlacaufede fa chu-
te , tant il eir. vrai que nous ne
faurionsrien penfer ni rien fai-
re qui ioit bon , fans le fecours
de la puiiiance de Dieu.
Tenons notre ame libre de
toute forte dédefirs, qu'elle
foit toute entière à fon action,
préiente à ce qu'elle fait, à ce
qu'elle penfe, fans ïbtiffrir que
les foins de ce qu'elle fera ou
penfera hors de l'infant de fon
a&ion, la tiennent aucunement
Néanmoins il n'eft défendu
à perfonne de s'appliquer à les
affaires temporelles , par une
fôiîicuude prudente &avifée,
félon la néceflîté de fon état,
ces chofes prifes comme il
faut , fnnt eu ,
& n'empêchent nullement la
4"00 De la paix de tAme9
paix inténeure&l'avancemeat
fpi rituel.
Nous ne faurions rien faire
de mieux pour bien employer
le préfent, que detoujoursof-
frir à Dieu notre ame nue £c
dépouillée de tous defirs , &c
nous tenir devant fa divine
Majefté , comme un pauvre
faible & languiflant , qui n'a
rien, &; qui ne fauroit rien fai-
re , ni rien gagner.
Cette liberté d'efprit fans
engagement en nous , & hors
de nûus pour dépendre abfoîu-
ment de Dieu , eft l'effentiel
de la perfection.
Il n'eft pas concevable quels
foins la divine bonté daigne
prendre d'une créature, qui eft
ainfi toute à elle.
Elle a agréable qu'elle lui
communique fon cœur avec
confiance. Elle veut bien lui
éclaitcir , & lui réfoudre fes
difficultés ôc fes doutes; la re-
lever
Chapitre IX. 401
lever quand elle elt tombée;
lui remettre fes fautes , toutes
les rois qu'il la trouvera prépa-
rée à s'en repentir ; car Dieu
eft toujours le Prêtre éternel ,
quelque pouvoirqu'iî ait donné
à faint Pierre & à fes fuceef-
feurs , de lier & de délier ,U
ne s'en elt pas piivé lui-même
tellement , que li fon Confef-
feurne ici veut pas adminifcrer
les faints Sacremens fi fou vent
qu'elle le defnoit , fa Majeité
la reçoit & lui accorde par-
don toutes les rbisqn*elle vient
à lui avec confiance , douleur
&: amo*ur.
Ce font les fruits de ce faint
attachement.
C e
402 De la paix de I* Ame*
Chapitre X.
Que les obflacles & les répu-
gnances que nous trouverons
à cette paix intérieure, nenous
doivent point contrifter.
JL^Ieu permettra que cette
fécénité intérieure , cette ioli-
tucîe de l'ame , cette paix Ôc
ce faint repos du cœur fe trou-
veront bien iouvent troublés
& obfcurcis par les mouve-
mens & les fumées qui s'élè-
veront du propre amour & de
nos inclinations naturelles.
Mais comme fa bon ce per-
met ces chofes pour notre plus
grand bien , elle aura toujours
loin de répandre for la féche-
refTe de nos cœurs , fa douce
pluie de fes confolations , ÔC
cette pluie , non-feulement
abaûTera cette pouQlère, mais
lui fera psoduire des fleuri ôc
Chapitre X. 403
de- fruits dignes de l'agrément
de fa divine MajeiH.
Ce renverfement de notre
tranquillité intérieure , & ces
agitations caufées par les émo-
tions de l'appétic'feniitir" , font
les combats où les Saints ont
gagné les victoires qui leur ont
tait mériter leurs couronnes.
Quand vous tomberez dans
ces foiblefles, ces dégouts.ces
troublesc* ces défolationsd'ef-
prit , dites à Diea d'un cceup
aimant & humilié : Seigneur,.
je fuis la créaturequ ■--vosrnains
ont formée , & î'efclave que
votre fang a racheté ; difo
de moi comme de ce qui eil à
vous , & de ce qui n'eft tait
que pour vous . & pei
moi feulement d'efpérer
vous. Bienheureafe l'am e qui
faura airiïî s'offrir à Dieu a a
tems del'affiicYion !
Er quoique vous ne pui fiez
pas iitot ranger votre volonté
Ce ij
404 De la paix âef Ame,
à celle deDieu , il ne faut point
vous en attrifter : c'eft votre
croix; il vous commande de
la porter Se de le lu ivre , lui-
même ne l'a-t-il pas portée ;
pour vous enfeigner à la por-
ter? Faites réflexion fur fon
combat du Jardin des Olives ;
fiir cette réfiftance de Phurnat-
nité f qui dans fes Êbiblefles lui
faifoit dire : Mon père , s'il eil
b!e que je ne boive point
ce Calice; & fur cette force de
.Vn ame , qui s'élevant au-def-
fus -'?e la foibleffe du corps, lui
faifoit auSi-tSt ajouter d'une
humilité profonde : Que ma
volonté ne foit pas faite, mais
îa votre.
La foibleffe naturelle vous
fera fuir toute peine & toute
fabulation : quand elle vien-
cîia^ vous lui ferez mauvais vi-
fage , vous voudriez qu'eîIenjÊ
bienjoîn. Mais perfévérez en
iiiunillté & eu prières ,. taas
Chapitre X. 40^
qu'enfin vous n'ayezplusde vo-
lonté ni d'autïesdeiirs, finon
que le bon plaiiir de Dieu fe
fafife en vous.
Tâchez de faire que la de-
meure de votre cœur ne foit
uniquement que pour Dieu;
qu'il n'y ait jamais ni fiel , ni
amertume , ni répugnance vo-
lontaire à quelque chofe que
ce foit , n'arrêtez jamais vos
yeux , ni votre penfée fur les
mauvaifes actions d'autrui ; &
fans y faire de réflexion , paf-
fez, allez tout doucement vo-
tre chemin, &ne penfez à rien
qu'à vous détourner de ce qui
peut vousb!eiTer;c'efl: un grand
art pout être à Dieu, que d'ou-
tre- palier tout, ôc de ne s'ar-
rêtera rien.
Ce iif
40 5 De la paix de F Ame ,
Chapitre XI.
Des artifices dont le démon fe
Jen pour troubler la paix de
notre ame , & comme nous
nous en pouvons garantir,
C^<Et ennemi du falutdeshom-
mes tend principalement à nous
tirer de letat d'humilité <Scde
la [Implicite chrétienne.
Pour y parvenir , il nous por-
te à préiumer quelquechofe de
bous- mêmes, de notre dili-
gence, de notre induftrie, & à
nous faire prendre dans notre
penfée quelque préférence au-
deilus d'autrui , qui fera bien-
tôt fuivie ciu mépris , fous pré-
texte de quelque défaut.
Il fe gliiïe dans nos âmes par
quelqu'un de ces moyens,mais
îa porte par où il defne le plus
d'entrer , e'eft la porte de la
yanité & deTefthae de nous-
mêmes.
Chapitre XI. 407
Le fecret de s'en gàrâ'ntireft
cie garder toujours le retran-
chement de la faime humilité,
fans s'en éloigner jamais , de
nous confondre &_ nous anéan-
tir nous-memes : Si nous for
tons de cet état > nous ne nous
dé Rendrons jamais decetefprit
de iuperbe , & quand il ^u:a
gagné votre volonté par cette
voie y il y régnera en tyran, Se
y tera-regner tous les Vices.
Ce n'eft pas encore tout que
de veiller , il Faut prier . car il
eft dit : j. & priez. La
paix de l'àme eit un tréfôr ;
que ces deux gardes peuvent
ieules coniérver.
I e fou (Fions point que no-
tre efprit s'agite ni s'inquiète
pour quelque chofequece foit;
rame humble & tranquille fait
toutes chofes avec facilité ;
îesobflacles ne tiennentpoint
devant elle , elle tait le bien
& y perfévere;maisl'ame trou-
C c iv
408 De la paix de t Ame ,
blée Se inquiétée fait peu de
bien, le fait imparfaitement,
fe laffe facilement, fouffrecon-
tinuellement , & fes peines ne
lui font d'aucun profit.
Vousdifcernerez les penfées
que vous devez entretenir ou
bannir, par la confiance ou la
défiance en la bonté & lamifé-
ricorde de Dieu : fi elles vous
parient d'augmenter toujours
de plus en plus cette amoii-
renfe confiance, vous devez les
recevoir comme des ménagers
du Ciel , en faire vos entre-
tiens & vos délices ; mais vous
devez bannir &c rejeter comme
des foufflecs du démon , celles
qui tendront à vous donner'de
La défiance de ces infinies mifé-
ricordes.
Le tentateur des âmes pieu-
fes leur fait paroître les fau-
tes ordiaaires , beaucoup plus
grandes qu'elles ne font; leur
perfuade qu'elles ne feîitja*
Chapitre XI. 409
mais leur devoir , qu'elles ne
fe confeffent pas bien , quelles
communient trop tièdement ,
que leurs prières ont de grands
défauts; & il travaille ainti par
tous les icrupules , à les tenir
toujours troublées» inquiètes
& impatientes , & à les por-
ter à quitter leurs exercices ,
comme fi tout ce qu'elles font
étoit fans fruit, comme fi Dieu
ne les regardoit pas , & les
avoit du tout oubliées , & tou-
tefois il n'eft rien de fi faux
que ces perfualions ; les utili-
tés que l'on tire desdiftractioas
&: des fecherefles intérieures ,
& des fautes que l'on commee
dans la dévotion , font innom-
brables, pourvu que l'a'me en-
tende & comprenne ce que
Dieu veut d'elle en cet état ,
qu'elle prennepatience,6c per-
févere en fon œuvre ; la prière
& l'action d'une ame privée
du goût de ce qu'elle fait , eft
^.IO De la paix de t Ame ,
un des plaihrs que Dieu prend
en fa créature , difoit le grand
Saint Grégoire , ck fur - tout
quand lïonobftant elle feroit
froide , infenliblc , & comme
éloignée de ce qu'elle fait ,
elle y perfévcre avec coura-
ge, fa patience prie allez pour
elle , éc ra.it beaucoup mieux
fon affaire devant Dieu , que
les prières, qui font de fon
goût. Le même Saint dit , que
cette nuit intérieure où elleie
trouve quand elle prie , eft
une lumière qui brille en la
préfence deDieu ; qu'il nepeut
rien venir de nous qui foit plus
capable de l'attirer en nous ,
qu'elle le force même à nous
donner de nouvelles gcàces.
Ne quittez donc jamais une
bonne ceu v re pour quelque dé-
goût que vous en ayez, fi vous
ne voulez laite ce que deman-
de le démon ; & apprenez par
la lecture du Chapitre fuivant,
Chapitre XIL 411
les grands fruits que vous pou-
vez tirer de votre humble per-
sévérance dans les exercices
de piété , au tems de vos plus
grandes féchei efles.
Chapitre XII.
QueVAmc m doit point s'at-
trljldr à i,aufe de fies tenta-
tions ïntéiiiiircs.
JL-iEs biens qui procèdent de
nos féchereiles fpiritueiies, &c
même cie nos fautes dans nos
exercices, font allure ment in-
finis ; mais ce n'eft que par l'hu-
milité &; la patience, que nous
en pouvons faire notre profit ;
fi nous favions bien compren-
drecefeciet. nous nous épar-
gnerions bien de mauvaifes
heures S: de mauvais jours.
Kélas !que nous avons tort
de prendre \ marques
d averfxn & d horrcuide Dieu
412 De la paix de t Amè^
pour nous , ces précieux té-
moignages de fon divin amour,
& de croire que fa colère
nous punit , quand fa bonté
nous favorife. N e voyons-nous
pas que le fentimenc des pei-
nes que nous donnent ces fé-
cherefles intérieures , ne peut
naitre que du de fît que nous
avons d'être bien agréables à
Dieu , zélés & fervens aux
chofes de fon fer vice , puif-
que ce qui nous afflige n'eft
autre chofe que la privation
de fes fentimens ; &: que ces
chagrins &: ces dégoûts qui
nous accablent , nousperfua-
dent que nous lui deplaifons ,
comme nous nous deplaifons à
nous-mêmes : non, non , foyons
certains que c'eft un bon effet
d'une bonne caufe : ces chofes
n'arrivent qu'à ceux qui veu-
lent vivre en vrais ferviteurs
de Dieu , ôcs'eloigner de tout
Chapitre XII. 413
ce qui peut , non pas feule-
ment l'ofTenfer , mais lui dé-
plaire.
Aucontrairernous ne voyons
point que les grands pécheurs
ni ceux qui vivent de la vie du
monde, le plaignent fort de
ces fortes de tentations.
C'eft- une médecine qui n'eft
pas de notre goût , & contre
laquelle notre efiomac fe fou-
levc ; mais elle nous fait des
biens merveilleux , fans que
nous nous en appercevjjps ;
que* la tentation fait des plus
boni les, &: telle que fa feule
imagination nous épouvante ôc
nous fcandalife ; plus elle nous
affligera 4 plus elle nous hu-
miliera , r'us anfii nous en re-
cevrons de profit. C\\\ ce que
l'Ame n'entend point & ne
eompfend point : c'eit pour-
quoi e'îe ne veut point aile?
yar le chemin où elle ne voil
414 Ht la paix de £ Ame9
6c ne fent rien qui ne lui dé-
plaife &:ne l'afflige.
C'eft en un mot qu'elle ne
voudroit jamais être fans plai-
lirs & fansconfoîations,& que
tour ce qui n'a point cettedou-
ceur , paiTe dans ces fentimens
pour travail fans fruit & fans
profit.
Chapitre XIII.
Que Dieu nous envoie ces ten-
uiùons pour notre bien.
.i^Ous fommesnaturellement
fupevbes, ambitieux & amis de
notre fens; de-ià vient que
nous nous flattons en toutes
chofes , & que nous nous
comptons pour beaucoup plus
que nous ne valons.
Mais cette préfomption eft
tellement ennemie du progrès
fpirituel , qu'il n'en faut que
l'odeur , pour peu qu'elle foit
Ghap itre XIII. 415"
goûtée , pour nous empêcher
de parvenir à la véritable per-
fection.
C'eir. un mal que nous ne
voyons pas , mais Dieu qui le
connoît & qui nous aime , a
toujours loin de nous détrom-
per , de nous faire revenir de
cette iilufion de l'amour-pro-
pre , &: de nous ramener à la
connoilTance de nous- mêmes;
n'etl-ce pas ce qu'il fît à fon
Apôtre iaint Pierre , quand il
permit qu'il le déniât , qu'il ne
voulût pas reconnoitre ce qu'il
étoitafin qu'il pur. revenir à la
connoilTance de ce qu'il étoit
lui-même , & lui faire perdre
cette dangereufepréibmption?
N'eit cepasaufTicequ'ila raità
faint Paul , quand pour préfer-
vatif de cette perte de l'ame ,
& de l'abus qu'il pouvoit faire
des hautes révélations qu'il
avoit eues, il a voulu le tenir
iujec à une tentation humi-
r4l6De la paix de PAme9
liante qui lui fit tous les jours
fentirla roiblefle naturelle.
Admirons la bonté & la fa-
gefife de Dieu , qui agit contre
nous-mêmes , pour nous-mê-
mes , qui nous a fait du bien
fans que nous le Tentions , Se
quand même nous penfons qu'il
nous a fait du mal.
Nous nous imaginons que ces
refroidiûemens de cœur nous
arrivent parce que nous fom-
mes imparfaits , Se infenfibles
aux chofes de Dieu. Nous n'a-
vons point de peine à nous per«
fuader qu'il n'eft point d'Ame
plus diftraite & plus abandon-
née que la nôtre , que Dieu n'a
point de ferviteurs qui le fer-
vent ii miférablement &(î lâ-
chement que nous; & que les
penfees qui nous roulent dans
la tête , ne viennent qu'à des
perdus & abandonnés.
Il fe fait donc par l'opéra-
tion de cette médecine venue
du
CH A P I T R JsXIII. 4I7
du Ciel, que ce préiomptueux
qui croyoit être quelque cho-
ie , commence à le croire le
plus méchant homme du mon-
de , & n'être pas digne du nom
de Chrétien.
Seroit-il jamais defcendu de
cette ondepenfée, où
nous fait monter l'orgueil na-
turel ? Auroit • il jamais guéri
_ de cetteenflu ;ueil? Ces
vapeur? £c ces fumées de va-
nité auroient-elies jajmais cuit-
té fa tête & ion cœur fans ce
remède ?
L'humilité n'eft pas le feul
profit que nous tirons de ces
tentations , afSi&iohs & déf-
lations intérieures qui mettent
notre ame à fec, & en bannif-
fent tout ce que la dévotion a
de feniible : car cet état nous
force de recourir à Dieu , de?
fuir toutes les chofes qui lui
peuvent déplaire, & de nous
remettre dans la pratique des
418 De la paix de t Ame ,
venus avec plus d'application
qu'auparavant. Ces atfliéhons
nous fervent de Purgatoire ,
puifqu elles nous purgent &
nous préparent des couronnes ,
quand elles font piifes avec
humilité &z patience.
L'Ame étant perfuadée de
ce que nous venons de dire,
n'a qu'à penfer li elle a fujetde
perdre fa paix , & defe trou-
bler pour perdre le goût de la
dévotion , & fe trouver dans
les tentations fpiritueiles ; fi
elle feroit raifonnable d'atîri-
b u e r à ! a p e rfé cutio nd u d é m o n
cequiluieîr envoyé de la main
de Dieu , & de prendre les té-
moignages de Ton amour ,pour
des marques de fa haine.
Elle n'a rien à faire, quand
tombe dans cet état , qu'à
s'humilier devant D'eu., qu'à
perle vérer & à fouffrir avecpa-
tience le dégoût de ces exer-
cices, à fe conformer àfa divine
Chapitre XIII. 41^
volonté & à tâcher deie con-
ferver en fon repos , par cet
humble acquiefcement à tout
ce qui vient de l'a main , puif-
que c'eft la main de ion Père
qui eft dans les Cieux.
Au lieux de s'abattre par la
•"trifteffe & le découragement,
elle doit rendre de nouvelles
actions de grâces, & demeu-
rer dans l'état de h paix &
de fon abandon aux ordres de
Dieu.
C H A P I T R F XIV.
Ce qiàil faut faire pour ne
point s'affliger de fes fautes.
3'IÎ arrive que vous péchiez
d'a&ions ou de paroles ? que
quelque événementvons mette
en colère , que quelque vaine
curiofité vous enlève : vos
exercices, que quelque ;oie
•immodérée tous tïanfporce >
Dd jj
420 De la paix de PAme ♦
que vous ayez foupçonné du
mal de votre prochain , ou que
vous tombiez par quelqu'autre
voie , même aiTez fou veut ,
quoique ce foit dans une même
faute , 6c dans celle dont vous
aviez refolu de vous garder,
vous ne devez point vous in-
quiéter , ni même repafler trop
dans votre efprit ce qui s'eft
paiTé, pour vous affliger & vous
déconforter , vous imaginant
qu'il n'y aura jamais d'amende-
ment en vous ; que vous ne fai-
tes pas ce que vous devez dans
vos exercices , Se que fi vous
le faifiez , vous ne tomberiez
pas ii fouvent en cette faute :
car c'eft-là une arfli&ion d'ef-
prit, & une perte de tems que
.vous devez éviter.
Vous ne devez point auffi
vous arrêter à éplucher les cir-
conftances du tems de votre
faute , s'il a été long ou court,
ôç. s'il y a eu plein consente-
Chapitre XIV. d&i
ment , ou non ; parce que cela
ne fert qu'à vous remplir l'ef-
prit d'inquiétude , devant 2c
après vos confefTions , comme
il vous n'aviez jamais dit ce
qu'il faut dire , & de la ma-
nière qu'il faut ie dire.
Vous n'auriez point toutes
ces inquiétudes , fi vous con-
noiftiez votre foibleiïe naturel-
le ,'& ii vous faviez la manière
dont vous devez agir avec Dieu
aprèsvos chutes.Ce n'eil point
avec ce chagrin & ce déconfort
intérieur , qui inquiète & qui
abat , c'eft par une humble ,
douce &: amoureufe converlion
à la divine tk paternelle bonté,
que vous devez recourir à lui ,
ce qui s'entend , non feulement
des fautes légères, mais auiïï
de celles qui font les plus gran-
des, uo-v^u'enent de celles
qui fefont par tiédeur & lâche-
té , mais de cciles qui fe com-
mettent par malice.
Dd iij
422 T?e la paix de £ Ame9
C'eft ce que plufieurs per-
fonrîes ne comprennent pas ;
car au Heu de pratiquer cette
grande leçon de la confiance
filiale en la bonté et la mifé ri-
corde de Dieu , ils traînent des
éfprits ii abatus , qu'à peine
peuvent-ils feulement penfer à
rien de bon , & mènent une vie
mif -rable &languitTante 3 pour
vouloir préférer leurs imagina-
tions à la vraie & falutaire doc-
trine.
Chapitre XV.
Que VAme doit fe calmer fans
perdre de tems à chaque in-
"quiétule qui lui arrive.
Ue ce foiî donc votre re-
gleautant de fois que vous tom-
berez en quelque faute , gran-
de ou petite , quand vous l'au-
riez commife volontairement
mille fois le jour , aufiï-tôtque
Chapitre XV. 423
tous reconnoitrez ce que vous
avez fait , de faire réflexion fur
votre fragilité, recourir à Dieu
d'un efpnt humilié , 6c lui dire
avec une douce & aimable con-
fiance :Vous avez vu, mon
Dieu, que j'ai fait ce Çfï'éje
puis, vous avez vu ce que je
luis , Je péché ne fauroit pro-
duire que pécl]é ; vous m'avez
fait îa grâce du repentir ; je
fupplievotre bonté de m'acccr-
der avec le pardon, celle de ne
plus jamais vous offenfer. Cette
prière étant faite , ne perdez
point de tenu en vos réflexions
inquiètes pour lavoir \\ le Sei-
gneur vous a pardonné ; remet*
-v'oiis humblement & dou-
cement dans jrôs exercices ,
fans .. ce qui e(t arrivé;
avec même confiance & m
s d'efprit qu'auparavant ;
quelque nombre de fois que
vo 18 toyez tombé , quand ce
feroit cent mille foi , vous
Ddiv
424 De la Paix de tJme.
devez faire la même chofe à la
dernière chute qu'à la pre-
mière: car outre que c'eftre-
tourner toujours à Dieu , qui ,
comme un bon Père , efr tou-
jours près de nous recevoir
quand nous venons à lui , c'eit
que nous ne perdons point le
temps en inquiétudes & en cha-
grins , qui troublent l'efprit,
<k le tiennent long-temps in-
capable de rentrer dans le cal-
me & la fidélité.
Je ybudrois que ces âmes
qui s'inouietent & fc déconfor-
tent de leurs chûtes , vouluf-
fent bien entendre ce fecret
fpirituel ; elles reconnoîtroient
aufu-tôt combien cet état eft
différent de celui d'un intérieur
humble & tranquille , où ré-
gnent l'humiiicé & la paix , de
quel préjudice leur eft la perte
du rems que ces inquiétudes
leur caufeut.
42;
PENSÉES
SUR LA MORT.
XSLChaque moment de notre
vie, nous nous trouvons à la
porte de l'éternité.
J)ou\e utilités de la confidéra,-
tion de la mort.
I.
Elle fait juger fainement ,
fans tromperie & fans illuiion
de toutes chofes, v&ra Philo-
fophia.
Notre entrée & notre fortïe-
tout nuds , condamne la pafTion
des biens.
Notre fortie tout feuls, con-
fond l'attachement aux amitiés
des créatures.
La puanteur & Iapouriture
cle la chair, qui devient la nour-
riture des crapau.ds 6c des vers
426 Penfces
dans le tombeau , guérir la fo-
lie des voluptéscorporelles.
Cet état de nos corps fous
la terre parmi les animaux ,
qui ne font pas dignes de vtir
le Soleil , &: fous les pieds des
hommes , nous dé tait bien de
la vanité de vouioir nous éle-
ver au-deiïus des aunes.
II.
C'eft la maitrefle de l'école
de la vie , qui ne nous donne
qu'un précepte, qui eft de diri-
ger toutes nos avions à notre
tin.
Cette confidération eft aux
hommes, ce qu'eit la queue aux
animaux de 1a :en\e , par la-
quelle ils fe défendent de la
pointe des mouche:. , &: aux
oi féaux du ciel, & aux p.oif-
fons de la mer, par laquelle
ils fe foutiennent.
III.
Elle fait m ép ri Ter les chofes
terreftres & temporelles, peu-
fut la mort, 427
pie les folitudes & les cloîtres;
& fait les retraites de tout ce
que Dieu a de ferviteurs au
monde.
IV.
Elle apprend à fe connoître
foi-même : qui eft un des prin-
cipaux point de la fagefle.
Elle eft comme une glace
fur le feu de la concupifcence
charnelle , qui l'éteint Se l'a-
mortit , & comme le frein des
cupidités & de la chair.
C'ell une vive fource d'hu-
miliation , & le remède unique
contre l'orgueil 6c l'enflure de
l'efprit.
VIL
C'eft un excellent préferva-
tif contre le péché.
In omnibus operibus tuls me-
morare novijjîma tua,& in œter-
numnon peccabis. Eccli.7. 49.
428 Penfas
VI II.
Elle ramené les âmes ulcé-
rées à la douceur & à'ia récon-
ciliation;quiconque longe bien
férieufernent qucla mort inévi-
table & incertaine l'expefe à
la pitié de à la juftice de celui
qui ne pardonne qu'à ceux qui
ont pardonné , n'a point de
peine à pardonner.
IX.
C*efc un contre-poifon des
pïaiiirs & divertifiemens du
monde ; ce ce Prince qui fit af-
feoir un Cbmédien daas un
liège vieil 3c pourri , fous le-
quel il y avoir un feu allnmé ,
eut bien raifon de lui dire , le
voyant triae &inqaiet, dans
Fappréhenfion que cefiegeaian-
quant fous lui par fa pourritu-
re , il ne tombât d^uis le bra-
fier allumé deiTous ; qu'il de-
voit confidéier Ton corps com-
me le fiege pourri, qui d'heure
en heure , & même de moment
fur la mort. 429
à autre , pouvoit lui manquer,
de l'enfer comme le feu allumé
defifous, où tout homme de-
voit avoir une jufte crainte de
tomber.
X.
C'eft l'économie de notre fa-
lut , qui nous mettant devant
lesyeuxque nous devons avoir
ailleurs , qu'en ce monde pafla-
ger, une demeure perpétuelle,
nous fait ménager quantité de
bonnes a&ions , comme des
proviuons pour cetteviefature.
XI.
Elle nous fait embraflec li-
brement & volontairement la
pénitence.
XII.
Elle nous y fait constamment
& fortement perféverer.
X
430
K®®®®Q©@Q©X
SENTIMENS D'UN PÉCHEUR
qui defire de retourner àDieu.
J E reconnais , ô mon Dieu ,
que c'elt par ma fau:e , par ma
faute, & par ma très-griévefau-
te que j'ai péché contre vous ,
que je n'ai point d'excufes à
apporter , & que je ne fuis de-
van* vous qu'un coupable Se
un criiîiinejj.
Je fais que vous m'avez fait
pour vous . cV. que je vous ap-
partiens par une infinité de ti-
tres. Cependant , par une ef-
froyable irijuftice , j'ai voulu
vivre pour moi-même , 6V pour
le monde , enm'attachant àfes
vanités , en fuivant fesraaximes
corrompues :qui m'ayant éloi-
gné du chemin de mon faîut ,
m'ont fait perdre le plus grand
de tous les biens , qui eft votre
Sentlmcns d'un Pécheur, 431
grâce , & m'ont engagé en mê-
me tems dans le plus grand
de tous les maux , qui eft l'ef-
clavage du démon, la plus hon.
teufe de toutes les fervitudes.
Vous m'avez donné un corps
pour le con facrer à votre i'ervi-
ce ; cependant j'en ai fait un
ufage tout profan~ , puifque
je m'en iuis fervi pour vousof-
fenfer. Ses membres qui doi-
vent être au'ant d'armes de >uf-
tice empioyéespour votregloi-
re , j'en ai hait autant#d'armes
d'iniquité pour m élever contre
rous , c'v pour vous faire la
Jguerre , en outrageant toutes
vos perfe&ions , par les égare-
mens de mon efptit , & par les
déréglemens de mon cœur.
ui , mon adorable jefus,
j'avoue avec confufion que j'ai
outrage votre fagefle ; puif-
qu'au lieu d'en iuivre les lu-
mières, j'ai fuivile mouvement
de mes pafùons, j'ai outragé
43 A Sentimens dc un Pécheur»
votre puiilance , parce que j'ai
mis fouvent des obiracles à fe&
écoulemens ; j'ai outragé vo-
tre grandeur , parce que je l'ai
méprifée ; j'ai outragé votre
juilice '3 parce que je l'ai irritée
par mes fréquentes rechutes
dans mes mêmes défordres ;
j'ai outragé votre bonté, parce
que j'en ai abufé > j'ai our ragé
votre libéralité par l'excès de
mes ingratitudes ; j'ai outragé
votre patience j parce que je
l'ai iaiieèV en demeurant fi
tong-tems dans mes*habicudes
criminelles , j'ai même voulu
vous dépouiller de l'autorité
que vous avez fur moi,pur/que
tant de fois j*ai refufé de vous
obéir : vous , mon Dieu, qui ne
me commandiez que pour me
fa n ver , & ■ "ai obéi au démon,
en fuiyantfesmalheuretjfesfug*
gèïîkms , lui qui eft votre plus
cruer ennemi, & qui ne mecem-
mandoit que pour me perdre. .
Quel
qui defire retourner à Dieu. 4 5 )
Quel m o n ft r c dan s 1 a R e ! i -
gion ! quelle abomination dans
une telle conduite ! quel dérè-
glement dans la vie d'un Chré-
tien ! Ce Chrétien élevé dans
l'école de Jefus-Chriil^encou-
ragé par fes promeiFes , far
fié par fes grâces, réconcilié
par fes Sacremens , lavé dans
ion fang , & nourri tant de fois
de fa Chair adorable. Déviez-
vous , mon divin Sauveur ,
m'aimer avec tant d'ardeur ,
pour être traité avec taafc d'in-
juftice? Deviez-vous employée
.tant de foins pour mon falat ,
pour voir tous ces moyens de
votre charité rendus inutiles
par mes crimes ?
Que puis-jefaire dans l'état
miférable où je me trouve , li-
non de me jeter entre les bras*
de votre miféncorde , app
fur votre parole ; qui eft aufi
inviolable, comme elle elt éterr
nelle ,que vous ne voulezpoi: t
la mort du pécheur , mais pla-
E e
4 H Sentimens d'un Pécheur
tôt fa converiion ? Je vous la
demande , ô mon Dieu , par les
I mérites de la Mort &: Paillon
lie notreSeigneurJefus-Chriit:
accordez-moi par bonté ce que
vous pourriez me refufer par
juftkea après ladiffipation mal-
heureuse que j'ai faite de tant
de grâces , & de tant de bien-
faits dont vous m'avez comblés
pendant ma vie , ck après tant
de profanations de vos iacre-
mensîes plus a&guftesa
O Père des lumières,
pénétrez les plus épaiiTes t .
br es ! con d ui fe z v o u s - m c m a
uneame aveugle 8c égarée. J^
vous demande ce qui vous d
. le plus agréable, & ce qui m'eft
)e- plus avantageux:. Ce n'eft
.: aucun bien delafortune ,
efl point de devenir plus!
heureux félon le monde : i
de former en moi un cœur nou-
veau , un cœur qui vous ai
vous cherche , £e qui volm
délire ; an cœur qui ne s'attï
qui defire retourner à Dieu. 4-5 s
che qu'à vous , qui ne vive que
pour vous , pour me faire gar-
der inviolablement les protef-
tations que je vous raid aujour-
d'hui de me confacrer entière-
mentà votre fervice , ck d'être
à vous tous les momens de ma
vie.
Mais comme je connoispar
une funefte expérience , que
ces inclinations qui me portent
au mal font plus fortes 6c plus
puiffantes que toutes mes ré-
iolutions , j'ai befoin de force
pour exécuter ce que je délire,
parce que je r>e fuis par moi-
même que foibleffe & que lan-
gueur.
C'eit pourquoi je fupplie la
fainte Vierge &: tous le; Sa:nt«
de vouloir intercéderpourmoi
auprès de vous, o mon Dî
& d'engager votre bonté
nie de m'éclairer par vos lu-
mières : de me conduire par
votre e.fprit , de me fortin. rpar
votre giace , de me rrci;-
Ee îj
4$ 6 Sentiment d'un Pécheur
par vos infpirations falutaires^
& de me foutenir par vos di-
Tines confolations; afin de me
faire marcher avec fidélité dans
le chemin de mon falut, con-
vaincu que je fuis qu'il ne faut
s'en éloigner qu'un feul mo-
ment , pour être perdu pour
jamais.
Daignez , mon adorable Je-
fus , joindre à toutes ces grâ-
ces celles de me donner une
fainte horreur pour le péché;
une vive crainte de vos juge-
mens; i'efpérance du pardon ;
un amour pour la juftice, & un j
defir fincere de me convertir!
par une pénitence confiante ,
puifque c'eft-làle fouverain re-
mède qui doit guérir les infir-
mités de mon arne : c'eft-là l'u-
nique moyen qui me refte pour
me fauver du naufrage ; c'eft
ce fécond Baptême que les Pè-
res de l'Eglife appellent un
Baptême pénible & laborieux,
où mes- larmes étant mêlées
qui defîrc retourner à Ddeu.^f
aveelefang de Jefus-Chriitpu-
rïfieront mon cœur des taches
&: des fouillures que j'ai con-
tractées par mes péchés ; c'eft
cette même pénitence qui doit
me faire mourir aux inclina-
tions de la nature corrompue ,
à toutes mes habitudes crimi-
nelles , à toutes mes paflions ,
pour n'en plus fuivre les mou-
vemens & entrer dans un entier
renouvellement Ce conduite ,
qui me fera marcher Secourir ,
à Pexempledu Prophète , dans
les voies de la Juftice Chré-
tienne, vou. aimer de tout mon
cœur , & y peri'éverer jufqu'à
ce que j'arrive à cet heureux
terme , qui me mettra dans la
poflTeffion de mon Dieu , pour
le louer, le bénir & le glori-
fier éternellement dans la com-
pagnie desSaints. Àinfi foit-il.
E eiij
438
DE LA PENITENCE.
'Eft le feul chemin que nous
avons pour retourner à Dieu ,
dont le péché nous a féparés.
Il y aune pénitence du cœur
& celle de l'action ; l'une af-
fective: l'autre effective : il faut
joindre Tune à l'autre par rap-
port à notre état.
La pénitence d'action ou ef-
fective fe pratiquedans les ren-
contres des maladies, ou afflic-
tions qui nous arrivent ordinai-
rement , ou dans les peines vo-
lontaires que nous nous impo-
fons dans cet efprit.
Nous la pratiquons dans les
afflictions furvenantes.
Quand nous les acceptons
dans la penfée qu'étant crimi-
nels devant Dieu par nos pé-
chés , fa bonté nous envoie ces
peines & ces afflictions,comme
un père qui corrige, ou comme
un Juge qui punit en cette vie
Delà Pénitence. 439
pour pardonner en l'autre. En
un mot , quand nous avouons
nos crimes avec repentir , &:
que nous en acceptons la peine
avec foumifllon.
Arin que ces deux actes inté-
rieurs raflent une impreffioji
pkis feniibie dans notre cœur,
nous ferons bien de les accom*
pagner de ces réflexions.
Quel! les péchéspour lefcfueîs
Dieu nous punit, étoient dans
la balance avec ce que nous
fou rirons, que feroit-eedes uns
en comparaison des autres ?
Que notre peine ou affliction
préfente nous eft envoyée par
un ordre exprès de Dieu.
Qu'en nous l'envoyant , iî
veut que nous en profitions
pour la fatisfa&ion de nos of-
fenfes.
Que fon deflein eftde nous
faire fonger à notre mauvaife
vie ; car nous ne penfons à nos
péchés , que quand Dieu com-
mence à nous en punir.
Ee iv
44° -^ fa Pénitence,
Que ii nous fommes remis en
état de grâce par leSacrement,
Dieu nous envoie cette afflic-
tion pour nous donner moyen
de fatisfaire à la peine après la
confefiion.
Que la peine du péché mor-
tel eft la damnation éternelle ,
le fuppîice du feu éternel , &
la privation de Dieu pour tou-
jours.
Qu'ily a peut-être des mil-
damnés qui n'ont ja-
mais commis qu'un feul péché
mortel dcpi is leur Bapiême ,
& quantité de ceux que lamort
6c la damnation or t fui vi im-
médiatement api es le péché
mortel commis.
Nous appliquant ces vé.ités
à nous-mêmes au temps de nos
peines & afflictions furvenan-
tes , nous ferons bien «Je nous
retirir en particulier , pour
nous convaincre nous- mêmes
par ce raifonnement.
N'eft-il pas vrai , félon les
Delà Pénitence, 441
principes de la Foi, que dès le
premier péché mortel que j'ai
commis après mon Baptême ,
je ci -vu non point en
cette vie 5 mais dans l'enfer
avec mes femblablei \ fte^mon
Dieu ! combien (^'amiéesy au-
roic-il que j'y iei\ 1 re-
monte à celle du prer, ier \ - é-
ché mortel que j'ai commis ,
que n'aurois je point (ouvert
çiaps ces braliçrs ardens , &
.quen'y fouîtrirois-je point .
toute j'étcinit-é ? C'efi
tre grâce (înguliere , 6 mon
; , que je n'y ai pas été de-
puis que j'ai mérité d'y être ,
y fuis pas , que je puis
; er de n'y être jamais > &
que vous ne m'avez pas traire
comme tant d'autres mal
reux qui biûlent pour touji
En échange c!e ces tour'.'
épouvantables & éterreN dont
vous m'avez miféricordieufe-
ment exempté, vous m'envoyez
cette affliiÛon, ck je murnmte,
Eev
44* De la "Pénitence.
je m'impatiente & je m'em-
porte.
Que la peine que je foufTre
parlera bientôt; mais celle que
mes péchés méritent ne paf-
fera jamais.
Nous devins pratiquer lapc-
nitence d'action , par les priva-
tions volontaires de quelques
fatisfadions d'efprit ou de
corps, dansl'efprit de fatisfaire
àla jnftice de Dieu par iesfouf-
franceç , des contradictions, du
mépris & des injures , en les
offrant à fa divine Majefté ,
pour l'expiation de nos péchés.
La Pénitence du cœur ou affec-
tive*
_iLle s'acquiert par la grâce
& par notre coopération , gra~
lia Dei mecum.
Le moyen ordonné par la
Providence , pour obtenir la
grâce , eft de la de mander. Pe-
tite & accipietis. Prions & tra-
vaillons pour l'obtenir.
Comment il faut le demander.
.IL Ar les a&es fréquens que
nous en formons durant la
urnée.
Par les parole^ , félon les
mouvemens que Dieu fait naî-
tre dans notre cœur, en difant :
mon Dieu , pourquoi vous ai-
je jamais ofTenfé, & pourquoi,
l'ayant fait , n'en ai- je pas la
douleur , que les plus grands
pénitens en ont eue ? Hélas ,
Seigneur, avoir perdu la grâce
de mon Baptême , qui étoit le
prix de votre Sang & de votre
Mort; que j'aieud'ingratitude
en vous ofîenfant ; que vous
avec de bonté en me pardon-
nant !
Je connois bien à prefent ,
mon Dieu & mon Père , l'ex-
cès de votre amour pour moi
d-ans votre incroyablepatience,
ne m*"anéantiffant pas au mo-
ment que j'ai oie me rebeller
contre vous. E e vj
444 De 1<* v "~'>**»r~''
Vuus pouvez encore mieux
vous iervir des paroles mêmes
des faints Pénitens , marquées
clans les faintes Ecritures :Deus .
propitius ejiomihipeccatori: Pa-
ter, peccavi in cœlum & coram
te tjam non J^m dïgnus vocarl
jilius tuus : Tibi foli peccavi , &
malum coram te feciiCor contri-
tion & humilia tum De us , non
defpicles , & d'autres iembla-
bles.
Comment nous devons travailler
pour l'obtenir.
JiiiNtretenons-nous des motifs
les plus feniibles qui paillent
gagner notre ccenr.
La bonté infinie de Dieu,
dont nous portons en nous des
témoignages feniibles.
La grandeur de fa divine
Majefté qui n'a nul befoin de
nous.
La rigueur de fa jufte ven-
geance , qui peut nous perdre
pour jamais.
De la Pénitence» 44?
Et pour cela il faut feire la
lecture des Livres propres à
infpirer ces fentimens &: ces
férieufes réflexions.
Gémiiïons devant Dieu , Se
foupirons de douleur de l'avoir
offenfé, fmotre cœur s'y rend
feniible dans nos réflexions &c
dans nos lectures ; & s'il de-
meure dur & infenfible , hu-
milions-nous, gémillons 6k fou-
pirons pour fon infenfibilité.
Demandons à fa divine bon-
té , cette eau falutaire de la
Samaritaine ; Domine , da mihi
hanc aquam, une larme de pé-
nitence , quieft capable dedé-
farmer la colère d'un Dieu.
Quand vous demanderez à
votre père qu'il vous donne
votre pain quotidien , fongez
à y comprendre le pain de lar-
mes , c'eû le pain quotidien
des pécheurs.
Cette çrrace doit être deman-
der par l'action aufil bien que
parle cœur.
446 De l& Pénitence.
Quand vous avez rinfpira-
tion de faire une bonne œuvre
comme une aumône, un ,eûne,
une petite pénitence , ou de.
vous priver de quelque divcr-
tiflement ; orTrez-la àDieu,adn
qu'il vous donne ce que vous
ne fauriez avoir par vous-mê-
me, qui eft Pefprit de péni-
tence &; la véritable douleur
de ^03 péchés.
Lifez toutes :es femainesune
fois cette petite conduite à un
jourdéterminé pour cela, com-
me le Samedi ou le Dimanche.
Faîtes état , fi vous voulez
réuffirdans cette méthode, de
donner tous les jours une de-
mi-heure à Dieu , durant la-
quelle vous lirez quelque bon
livre, avec deux observations :
l'une , que vous chercherez les
bons livres , qui pourront vous
porter p'us erncacemeni à cet
efprit de pénirence ; l'autre,
que vous ferez une ferieufe ré-
flexion furies en4i*oitsquipour*
De la Pénitence* 447
ront vous toucher, & vous por-
teront le plus droit à cette pé-
nitence du cœur, intérieure Se
affective.
Entendez tous les jours la
fainte Méfie ; c'eft le principe
& le principal objet de la vé-
ritable pénitence,puifqueJ. C.
y eft immolé pour nos péchés
& pour nous en mériter la grâ-
ce; offrez ce divin facririce à
Dieu pour l'obtenir.
PRIERE A JESUS-CHRIST ,
pour lui demander la paix in~
térieure de nos âmes,
XYJLOnarque pacin*que,vraiSa-
lomon , Roi de douceur auffi
bien que de gloire, Ange d'al-
liance 6c de confeil , tout-puif-
fant médiateur, Arbitre unique
des différends que les péchés
ont indignement fait naître dès
l'ouverture des fiécîes entre
vous & les hommes ; Dieu de
paix & Dieu des armées , c'eft
44^ Prière à Jefus-Chrift.
à vos pieds que je me jette ,
abattu de refpe&avec iinefou-
mifiïon qui eft toute volontaire
&c môme toute fer vile , afin
qu'il pjaife à votre Majeilé me
dire une parole de grâce qui
foit un mot- de paix.
Je vous demande pour moi
& pour mes femblables , cette
paix fideiïrée: octroyez-moice
doux repos, qui eft le centre o£
le fouverain bien demoname.
Râliez de votreautoiité fuprû-
me les forces de mon efprk}d:f-
trait -S: combattud'autant d'en-
rremîs,qè il aime de choies hors
de vous: Appaifezle troublede
fes foins, modérezfes ennuis, &
ne permettez jamais qu'il de-
vienne fi curieux de favoir Ja
vie 6qs autres ; qu'il en rafle le
premieriujetdefesinquiétudes.
Votre parole , Vérité foiwe-
raine , eft engagée à ne paj
r e ru Te r ma d e m an de : vo t r e* m i -
férîcorde &: votre juftice ont
intérêt à ne pas entretenir la
Prière à Jefus-Chnfl. 44*
guerre entre mes panions &: ma
raifon , non plus qu'entre vous
6c moi ; votre divin empire fe
maintient mieux dans l'abon-
dance du iïlence Se du repos ,
que parmi le bruit &c la divi-
iîon ; Se votre royaume qui
n'efl: point de conquête , mais
de droit de nature, &qui a pour
limites des rangées d'oliviers-,
ne demande que des f ïjets pa-
cifiques, au lieu que ies autres
fe vantent d'être euvironnésde
lauriers Se de palmes.
Audi ne vous dites- vous point
Créateur , Prince Se Dirtribu-
teur des autres choies, comme
vous :akes de la paix ; Se vos
Saints Anges qui ne Font que
ce qui vous plaît , Se qui n'étu-
d:ent que vos volontés , la pu-
blièrent dès le premier point
de vorre naifTance , plutôt que
la vi&oire , 6k' en compofèrent
un Cantique qui furpafle tous
les plus glorieux chants de
triomphes.
a
450 Prière à Jefus-Chrift.
Faites , ô mon Sauveur , par
toutes ces confidérations , paf-
fer en moi cette rivière de paix
& ce torrent de plaifirs , dont
vos Prophètes parlent. Don-
nez moi cette bénédiction , qui
eft le gage de votre amour , &
que nul autre que vous ne peut
donner ; Se puifqu'étant près
de quitter la terre vous nous
laiffâtes la paix , dans l'attente
du Saint - Efprit , comme \es
arrhes de la gloire que vous
alliez nous préparer dans le
Ciel > ne refufez pas de la ré-
pandre dans un cœur qui eft
vuide & qui s'éclate de s'ou-
vrir pour la recevoir. J'ai cette
confiance en votre fou veraine
bonté que vonsnemelarefufe-
rez point, ôc que mes cris vous
obligeront de tourner vos re-
gards fur un peu de pouflière
qui a PaiTurance d'implorer vo-
tre fecours,& que vous ne per-
mettrez pas que je fois défor-
mais du nombre des impies qui
Prière à Jefus-Chrifl. 4^1
n'ont jamais fu trouver le che-
min de la paix , Se à qui la
jouiiTance n'en fera point ac-
cordée , qu'ils ne fe foient ren-
dus victorieux de leur parlions,
£c qu'ils n'ayent triomphé de
toutes leurs mauvaifes habitu-
des. Ainfi foit-il.
Abrégé des principales Vérités
que tout Chrétien doit f avoir
& croire,
XL n'y a qu'un feul Dieu infini f
tout-puifTant , très-parfait , qui
a créé le Ciel & la Terre , & qui
eft le Seigneur univerfel de toutes
chofes.
Il y a trois Perfonnes en Dieu,
le Père , le Fils & le Saint-Efprit.
Le Père eft Dieu , le Fils eft Dieu,
le Saint-Efprit eft Dieu , ils ne font
pas néanmoins trois Dieux ; mais
un feul Dieu en trois perfonnes ,
égales en toutes chofes.
Le Fils de Dieu , qui eft la fé-
conde Perfonne , s'eft fait vrai
Homme comme nous , en prenant
un Corps & une Ame feo&blables
r45«î a 'Abrégé
aux nôtres , dans le fein de la fainté
Vierge Marie fa mère.
Elle l'a conçu par l'opération du
Saint-Efpi it , &. fEglife en t'ait la
Fête le 25 M.
Il naquit en Berhléem dans une
Eta^le , & tut rois iur la paille ; &
la Fête de fa naiflance s'appelle
le jour de Noël.
Huit jours après il commerçade
répandre fon fang p.tr la Circon-
cifio 1 , & f".t nommé JÉSUS , c'eft-
à-dire Sauve r : c'eft le premier
jour d. l'An.
Il 1 vécu trente trois ans ou en-
viron > dans une vie pauvre & la-
borieufe, après quoi ileft mon fur
la croix pour nos péchés : on en
fait mémoire le Vendredi Saint.
Le même jour, à fix heures du
fcir , fon Ccrps fut mis dans le Sé«
pulcre, & fon Ame defcendir aux
Limbes pour en tirer les Saints
Pères qui y attendoient l'a venue ,
le Paradis ayant toujours été fer-
mé depuis le péché d'Adam.
Le uoifieme jour après fa mort
■
des Vérités Chrétiennes , 45$
il reffuTcita , c'eft-à-dire , qu'il re-
tourna de mort à vie ; c'eft le ,our
de Pâque.
Quarante jours après il monta
auCiel:c*eft le jour de l'Afcenfion.
Dix jours après l'Afceniion , qui
cftle jour de la Pentecôte , il en-
voya ion Saint-Efprit à fes Apô-
tres & à Ton Eglife.
A la fin du monde il viendra
juger tous les hommes. Pour lors
nous refïufciterons tous : nous fe-
rons tous aiTemblés : nous compa-
"■oîtror>r l
4f4 Abrégé
avec les Démons, ù nous mourons
ennemis de Dieu par Te péché.
Les ames de ceux qui fontdécé-
dés en la gracede Dieu,& qui n'ont
pas achevé ]a pénitence qu'elles
avoient commencé dans cemonde,
l'accompliront dans le Purgatoire:
Elles y font foujagées par l'es priè-
res & les furTrages des Fidèles.
Jeibs-Chrift a inflitué fept Sa-
cremens , qu'il nous a laifles pour
notre fanctirrcarion.
Le Baptême, la Confirmation ,
1,T" p^xtrê-
des Vérités Chrétiennes. 4^
fur l'enfant: Je te batife au nomdu
Pcre,duFilS) & duSaint-Efprit.
2,. La Confirmation nous donne
le Saint-Efprit , nous fait parfaits
Chrétiens , £k nous fortifie dans la
grâce pour réfuter au péché , &
confeffer la foi de Jefus-Chriit
dans toutes nos actions.
3. L'Euchariitie que l'on appelle
auffi le fàint Sacrement , contient
réellement & en vérité le Corps ,
le Safig , l'Âme & ta Divinité de
notre Seigneur Jefus-Chrift, û :s
les apparences du pain £ vin.
Peur bien communier , il faut
être en état de grâce, & il faut être
à jeun 9 fi ce nJefr lortqu on com-
munie en Viatique.
4. La Pénitence efface les pè-
ches que nous avons commis après
le Baptême.
Pour Lire ure bonne péniten-
ce , il faut , t. Avoir une g;-.,
douleur d'avoir offenfé Dieu, &
ttre d .or*e réfolntion de
: , & de quitter l'es
; .s & les occafions. 2.Confeî-
fer tous fes péché s fans en cacher
'4$ 6 Abrège, &c.
un feul; car li nous cachionsunfeul
péché mortel , nous ferions un fa-
crilege. $. Il faut avoir la volonté
de fatifeire à Dieu par la Péniten-
ce que le prêtre ordonne & parles
afflictions que Dieu nous envoie.
5. L'Extrême-Onclion remèdes
reftes des péchés aux malades .*
elle leur donne des grâces pour fe
dilpoler à mourir en bon état , &
quelquefois, même elle procure le
rétabliflement de la faute quand
elle eft utile pour le falut.
6. L'Ordre donne la puiiTance
& la grâce néceflaire pour exercer
les fonctions qui regardent Je fer-
vice de Dieu & le falut des âmes.
7. LeMariage donne aux perfon-
nes mariées la grâce de vivre fain-
tement enfemble, 6k d'élever leurs
enfans dans la crainte de Dieu.
Voilà les principales véritésque
doit croire tout bon Chrétien dans
l'Eglife Catholique , Apoft-olicjue
& Romaine , hors laquelle il n'y a
point de falut.
FIN.
4?7
TABLE
DES CHAPITRES
Du Combat Spirituel.
CHAr. I. T.F quoi confifte la
Â-jpcrfdciion chré-
tienne ; que pour l'acquérir il
faut combattre, & que pour
foràr victorieux de ce cou. ,
quatre chofes font nécefal-
res. Pag. i.
Chap. Iî. De la défiance de
foi -même 14
Cnap. III. De la confiance ci
Dieu . 1 o
Chap. IV. Comment l'on peut
jurer fi Von a véritablement
de la défiance de fol- même, &
delà confiance en Dieu. 16
Chap.V. DeVerreurdcebeaucoup
de gens qui prennent lapufil-
lanlmlté pour une vertu. 29
Chap. VI. De quelques autres
a vis trcs-u tl le s pour a c quérir
la défiance de foi-méme , & la.
Ff
4yS Table
confiance en Dieu, 30
Chap. VII. Dubonufage des
puijfances , & premièrement
qu'il faut que V entendement
foit libre de l'ignorance & de
la curiofité, 34
Chap. VÏII. De ce qui peut
nous empêcher de juger faine-
ment des chofes , & de ce qui
peut nous aider à lesbien con-
naître. 57
Chap. IX. D'une autre chofe
nécejfaire à V entendement ,
pour bien connoîf-e ce qui eft
le plus utile* 41
Chap. X. De V exercice de lavo-
lonté , & de la fin où nous de-
vons diriger tout esnosacf ions
intérieures & extérieures. 47
Chap. XI. De quelques confi-
dérations qui peuvent porter
la volonté à ne vouloir que ce
que Dieu veut. SI
Chap. XII. Qu'il y a dans
l'hommeplu (leurs volontés qui
fe font fans ce jfe la guerre. 60
Chap. XIII. De quelle mankre.
DES Ch ap itres, ^9
il faut combattra là fenfualï-*
té , & queL actes la volonté
doit produire -pour acquérir
les habitudes des vertus. 67
Chap. XIV. De ce qu il faut
faire lorfque la volonté fen-
fibleefl vaincue & hors d'état
de refifter à l'appétit fenfitifi
78
Chap. XV. De quelques autres
avis fort utiles pour favoir
quelle efi la manière de bien
combattre , quels ennemis on
doit attaquer , & par quelle
vertu on les peut vaincre. 8 $
Chap. XVI. Que dés le matin
le Soldat Chrétien doit fe pré-
parer au Combat. 88
Chap. XVII. De l'ordre qu'il
faut garder dans le combat
contre h s parlons & les vices.
94
Chap. XVIII. De quelle ma-
niere on doit réprimer les mou-
vemens fubtilsdes paJfions.C)$
Chap. XIX. De quelle forte il
faut combattre le vice de Vim-
Fij
460 Table
pureté. iso
Chap. XX. De la manière de
combattre le via de la pare fie.
114
Chap. XXL Du bon ufage des
fens extérieurs^ & comment on
peut les faire fervir à la con-
te 1 : chojesdzvznes*
Chap. XXII. Comment les cho-
fes fenfibles nous aident àmé-
dïi ny/zeres de la Vie
& de la Pajjïon de Notre-
Seigneur. 131
Chap. XXIIL De quelques au-
tres moyens de faire dans les
rencontres un bon ufage des
fens e x re'rieu rs. 156
Chap. XXIV. De la manierede
bien gouverner fa langue. 148
Chap. XXV. Que lefollat $e
u de
combattre & de vaincre fes
ennemis , doit éviter , autant
qu'il lui êft pojjîble , ce qui
'peut troubler la vaix de fin
cœur. 1 5 ?
des Chapitres. 461
Chap. XXVI. Ce qu'il faut
faire lorfqu'ona tique
pluie dans le Combat Spiri-
tuel. \6\
Chap. XXVII. Comment h
mon a acoui tenter &
de fiduire ceux qui veulent
s'adoiiner à la vertu , ou qui
font encore plongés dans le
vice. 1 6 7
Chap. XXVrIII. Des arùfices
qu'emploie le démon pour
achever de perdre ceux qu'il a.
fait tomber dans le péché. 168
Chap. XXJX. Des inventions
dont Je je t le malin efprit
pourempécher l'entière con
Jioîi de ceux qui , convaincus
du mauvais état de leu\
cience, ont quelque envie de ft
corriger , & d'où viens que
leurs bons dejzrs f nt le plus
l'ouï ent i ! 171
p. XXX. \ ! 'erreur
quelques-uns qui s'imat inent
marcher dans la voie de lui,
perfection. ijf
F iij
4^2 Table
Chap. XXXI. Des artifices
dent Je fertle malin efprïtpour
nous faire quitter le chemin
de la vertu. 181
Chap. XXXII. De la dernière
rufe du démon pour faireque
les vertus mêmes nous devien-
nent des occajîons de péché,
ioo
Chap. XXXIII. De quelques
avis imp or tan s pour ceux qui
veulent mortifier leurs paf-
fîons , & acquérir les vertus
qui leur manquent. zoj
Chap. XXXIV. Que les ver-
tus ne s* acquièrent que peu à
peu &par degrés , & les unes
après les autres, nz.
Chap. XXXV. Desmoyensles
plus utiles pour acquérir Us
vertus ; & de quelle forte on
doit s'attacher à une vertu
durant quelque tems. 2.15
Chap. XXXVI. Que V exercice
de\ la vertu demande une ap-
# plie at ion continuelle. 2.2.0
Chap.XXXVII. Que puif qu'il
des Chapitres. 463
f faut continuer toujours àpra-
tiquer les vertus , on ne doit
omettre aucune occafion de
s'y exercer. 2.2.3
Ch/ XXXVIII. Qu'on doit fe
réjouir de toutes les occajions
qu'on a de combattre , pour
acquérir les vertus , princi-
palement de celles oà il y a le
plus de difficulté. 227
Chap. XXXIX. Comment on,
peut -y en diverfes occajions ,
pratiquer la même vertu, z 5 5
Chap.. XL. Du tems que nous
devons employer à acquérir
chaque vertu , & des marques
du progrès que nous y fai-
fonS' 136
Chap. XLI. Qu'on ne doit pas
trop fouhaiter d'être délivré
des ajfliclions qu'on endure
patiemment , & de qu'elle for-
te il faut régler fes dejirs.140
Chap. XL II- Comment on
fe defendredesartifio
mon , lorfquil des
dévotions (ndifcre 24}
Ffîv
4^4 Table
Chap. XLIII. Que notre mau^
vaife inclination , jointe aux
fuggejlions du démon , nous
porte à juger témérairement
du prochain, de quelle manière
nous devons y réfifler. 249
Chap. XLIV. De VOraifon.
25 5
Chap. XLV. Ce que ceft que
l' Ora i hn mentale . 264
Chap. XL VI. De la Médita-
tion. 268
Chap. XLVU.D'une autre fa-
çon de prier par la voie de la
Méditation. xji
Chap. XLV III. D'une manière
de prier, fondée fur l'intercef-
(ion de la faillie V erge* 172
Chap. XLIX.Z^ quelques con-
fédérations qui peuvent porter
les r se heurs à recourir avec
confiance à la fainte Vierge*
276
Chap. L. D'une manière de mé-
diter & de prier par Ventremife
des faints Anges & de tous
les Bienheureux* 179
W>es Chapitres. 46$
ÏChap. LI. De laMèditationdes
fouffrances de Jefus-Chrifl ,
& de divers Jentimens affec-
tueux qu'on en peut tirer. 285
Chap. LU. Des fruits que L'on
peut tirer de la Méditation de
la Croix, & de l'imitation des
vertus de Jefus foujfrant.K)^
Chap. LUI. Du Sacrement da
l Eucharifiie. 304
Chap. LI V. Comment il faut re-
cevoir le Sacrement de VEu-
chariflie. 306
Chap. LV. Quelle préparation
il faut apporter pour commu-
nier & pour s 'exciter à V amour
de Dieu. 3 1 3
Chap. LVI. De la Communion
fpirituelle. 32.7
Chap. LVII. Des actions de
grâces qu'on doit rendre à
Dieu. 3 \ \
Chip. LVHI. Del'Oblation
qu'il faut faire de foi-meme à
Dieu. 333
Chap. LIX. De-la dévotion fen-
fible , & des peines de Vari-
$66 Table
dite. 3^|
Chap. LX. De l'examen de €en~
fclence. 351
Chap. LXI. Comment nous de-
vonsperfévérer dansle Combat
Spirituel jufqu à la mort. 354
Chap. LXII. Comment ilfautfe
préparer au Combat contre les
ennemis qui nous attaquent à
l'article de la mort. 357
Chap. LXIII. Des quatres for-
tes de tentations qui arrivent
au teins de la mort , & pre-
mièrement de latentation con-
tre la Foi , & de ta manière
d'yiéfifter. 360
Chap. LXIV. De la tentation
du défefpoir , & comment en
peut s'en défendre. 363
Chap. LXV. De la tentation
de la vaine gloire^ 366
Chap. LXVLDe diverfes illu-
Jzons du démon qui arrivent
à l'article de la mort, }6y
©
es Chapitres. 467
—— — — —— — —t m **m .ni r»w»
TABLE DES CHAPITRES
De la paix de l'Ame, & du
bonheurd'un cœur qui meure
à lui-même , pour vivre à
Dieu.
GHAP. I. J~^\E quelle nature
JLJr eft le cœur hu-
main > & de la manière de le
gouverner. 370
Chap. II. Du foin que l'Ame
doit avoir de s'acquérir une
parfaite tranquillité. 373
Chap. III. Que cette demeure
pacifique doit s'édifier peu à
peu. 376
Chap. IV. Que pour parvenir à
cette Paix , VAme doit fe dé-
fendre de toute confolation.
578
Ch. V. Que Vame doit fe tenir
feule & détachée , afin que
Dieu fajfe en elle tout foit
bon plaifir, 38a
Chap. VI. Qu'il faut ufer de
prudence en V amour du pr 0-
■ .- ■
468 Table
chaïn , pour ne point trouIJÊ^
la paix de l'Ame.
Chap. V II. Que V Ame doi
être dépouillée de toute propre
volonté pour fe pré/enter de-
vant Dieu. 389
Chap.VIIL.Dg lafoiqu'on doit*
avoir au faint Sacrement de
V Autel, 6' comment nousnous
devons offri r à Dieu . yjO
Chap. IX. Que l'Ame ne doit
chercher de repos ni deplaifir
qu'en Dieu. 398
Chap.X Que les ohjîacles &les
répugnances que nous trou-
verons* à cette paix intérieure,
ne nous doivent point contrif-
ter. . 40 i
Ch. Xl.Dés artificesdont le dé-
mon fe fcrt pour troubler ici
paix de notre ame , & et -
ment nous nous en pouvons
garantir. 46
Chap. XI ï. Qui l'Ame nt
point s'attrijlerà caufedefes
tentations ultérieures. 411
Chap. XIII, Que Dieu nousen-
1
"Êdes Chapitres. 469
^f oie ces tentations pour notre
bien. 414
Chap. XIV. Ce qu'il faut faire
pour m point s'affliger de fis
faut: . 419
Chap. XV. Que VAme doit fe
calmer fans perdre de tems à
chaque inquiétude quiluiarri-
ve. 42.2.
Abrégé des principales vérités
que tout Chrétien doit j avoir
& croire. 45 1
Fin de la Table des Chapitres.
A F P ROB A T ION.
J: examiné' par ordre de Mon-
feigneur le Chancelier , un Li-
vre appelle Le Combat Spi-
E.ITT7EL, nouvellement traduit
de V Italien, par le Père Bri-
gnon, de laCompag. de Jésus ;
ck je fuis pefuadé que cette nouvel-
le édition ne fera qu'augmenter les
bons effets que ce pjéut ouvrage a
produit jufqu'àpréfent : A Paris, ce
14 Août 1703. Signé R AGU ET.
À
tRlVlLEGE DV R 0 jt
Ï' OUÏS PAR LA GRACE DE DlÉ^|
_jRci de France te de Navarre i A
nos2mésôc féaux Conseillers les Gens
tenans nos Cours de Parlement, &c.
Sa:uc. r:otre amé le .fîeur Piïrre-
GilL.-s. Ll Mercier , Imprimeur Li-
braire , ancien C'cntul , ancien Syndic
& Doyen , des Imprimeurs , Nous a
fait expofer qu'il deiireroit imprimer ,
faire imprimer & donner au public des
O ivrages oui ontpour litres: Le Combat
Spirituel , traduit de V Italien par Le R.
P. J. Brigr.on de h Compagnie de Jefus,
Conduite pour la Confejjion & la Com-
munion , ùc par S.François de Sales, s il
Nous plailbitlui accorder nos Lettres de
Pïiviiege pour ce oéceiTaires. A ces eau-
fes , voulant favorablement traixqç l'Ex-
po fant , Nous lui avons permis & per-
mettons par ces Prélentes , d imprimer ,
faire imprimer lefdits Ouvrages autant de
fois que bon Jui femblcra ,de l'es vendre ,
faire vendre & débiter par- tout notre
Royaume, pendant le tems de neuf an-
nées con-f eu rives , à compter du jour de
la date des Préfer.r?s : Faifons dèlenfes à
tous Imprimeurs, Libraires Se autres per-
fonnes , de quelque qualité & condition
qu'elles foient, d'en introduire d'im.
pre/fion étrangère dans aucun lieu de no-
tre obéiffance. Comme,aufii d'imprimer
(aire imprimer, vendre, faire vendre &
^ue
iter nî contrefaire lefdîts OuvragfJ ,
d'en faire aucuns extraits fous quel-
que prétexte que ce puiffe être ,fans la
permiiïîon exprefTe & par écrit dudic
Expofant ou de ceux qui auront droit
de lui , à peine de con£icatîon des Exem-
plaires contrefaits , de crois mille lîv.
d'amende contre chacun des contreve-
naas : dont un tiers à Nous , un tiers a
l'Hôtel Dieu de Patis & l'autre tiers
audit Expofantou à celui qui aura droit
de lui , & de tous dépens , dommages Se"
intérêts, A la charge que ces Prétentes
feront enrégiftrées tout au long fur le
Regiitre de la (Communautés des Impri !
meurs Je libraires de Paris , dans trois
mois de la date d'iceiles ; que l'impref-
fion defdits ouvrages fera faite dans
notre Royaume, & non ailleurs , en
bon papierôc beaux cararacteres, confor-
mément à la feuille imprimée , attachée
pour modèle fous le contre-feel des Pré-
fentes , que l'Impétrant fe conformera
en tout aux Réglemens d* la Librairie ,
Se notamment à celui du 10 Avril 1725»
Qu'avanr de les expofer en vente , les
manuferhs qui auront fervi de Copie à
l'impreiïîon defdits ouvrages* feront re-
mis dans le même état où l'approbation
y aura été donnée , es mains de notre
jrrès cher &: féal Chevalier , Chancheliec
de France le Sr de LAM01GNON.& qu'il
en feraenfuite remis deux Exemplaires
dans notre Bibliothèque publique , ua
À
L
dans celle de notre Château du Lou^
un dans celle dudit Sieur de Lai*
Gnon , & un dans celle de notre ctèl
cher & féal Chevalier , Vice-Chancelier
Garderies Sceaux de France , le Sieur
«kMAÛPEoU -,1e tenu à peine de nullité
des Éréieotes. Du contenu dcfquellea
vous mandons & enjo gnons de faire
jouir ledit Expofant & fes ayans caufés ,
&c> Car te! c H; notre plaifir. Donné à
Paris le vingt-neuvième jour du mois de
Janvier l'an de grâce mil fept cent foi*
xante-ilx , & de notre Règne le cin-
quantième. Par ie Roi en fon Confeil.
Signé LE BEGUF.
Regifié furie Keg.XVL de liCham-
Ire Royale : ies Liliaires Ct
Imprimeurs. et Pari*- N0.jî%.fol.4$°*
Conformément au Rijçleth'ht de 1723»
A Paris ce 'O Février 1755.
Signé LE BRETON , Svndic.
Sefbufpgnét cède ù 1 à M.
DiSfiLLY :%g ftifent Privïléçe en en-
tier j luiap"
p.'tr;cn ,- e A Pari; le? Septembre 1770.
Signé Le Mercier.
Ec le Ji?ur Des fil ly a cédé le pré*
fent Privilège aux Jîews Erocas ,
Durah d neveu » Valzeyle jeune »
& Dukand SWGE&ëS, par acte du
*% Septembre 1774.
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