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Full text of "Avicula giornale ornitologico italiano"

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J. C. CHENU 


MÉDECIN PRINCIPAL 4 L'ÉCOLE IMPÉRIALE DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE MILITAIRES 


0. DES MURS 


J. VERREAUX 
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OR NITHOLOGISTE 


NATURALISTE VOYAGEUR 


ui TOME PREMIER — PREMIÈRE PARTIE 


Gambra, perdrix de Barbarie. 


PARIS 
LIBRAIRIE L HACHETTE ET C' 


BOUBEVARD SAINT-GER MAIN, 77 


1862 


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LEÇONS ÉLÉMENTAIRES 


TOIRE NATURELLE DES OS 


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TOME PREMIER 


PARIS. — IMP. SIMON RAÇON ET COMP., RUE D'ERFURTH, 1. 


Spécimen des exemplaires en couleur. 


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DES OISEAU) 


PAR 


J. C. GHENU 


MÉDECIN PRINCIPAL À L'ÉCOLE IMPÉRIALE DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE MILITAIRES 


O0. DES MURS er J. VERREAUX 


Ornithologiste Naturaliste voyageur 


TOME PREMIER 


Martinet à ventre blanc. 


PARIS 
LIBRAIRIE L HACHETTE ET C': 


77, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 77 


1862 


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AVERTISSEMENT 


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Les Leçons élémentaires sur l'Histoire naturelle des 
Oiseaux sont publiées pour vulgariser la science, en ré- 
pandre le goût et en faciliter l'étude; elles paraîtront tous 
les mois par demi-volume. 

Le premier volume comprend toutes les généralités In- 
dispensables sur l'anatomie, la physiologie, le mode de 
reproduction, les habitudes, l'instinct, la distribution géo- 
graphique et le classement des oiseaux. Les suivants don- 
neront l’histoire des ordres, des familles, des genres et des 
espèces principales. Indépendamment de nombreuses gra- 
vures dé détail à l'appui du texte, chaque volumé contiendra 


a, 


VI AVERTISSEMENT. 


environ cinquante types spécifiques choisis surtout parmi 
les oiseaux d'Europe qui seront tous figurés, et parmi ceux 
qu’il est utile de connaître et qui habitent les autres parties 
du monde. 

Quelques exemplaires en couleur seront en dépôt chez 
M. Victor Masson, libraire, place de l’École-de-Médecme. 
Nous inviterons les personnes qui achèteront ces exem- 
plaires retouchés au pmceau et qui voudront les faire re- 
lier, à recommander au relieur le plus grand soin pour 
éviter le collage des figures plus où moins gommées. On 
obtient un excellent résultat de l'emploi du papier dit vé- 
gétal, où d'un papier gras, mais sec, placé entre les pages, 
pendant que le volume est en presse. 


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MUSEE ORNITHOLOGIQUE 


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ORAMERRE PAPA. Mâle et Fémelle: 


Amérique intertropicale. 


Roux carné très-clair sur les parties supérieures; blanc pur en dessous 
Ailes noires. Un collier ardoisé au bas du cou. Bec rouge, noir à la base. 
fris blanc. Œil entouré d’un cercle rouge. Crête orangée, charnue, adhé- 
rente à la cire, bilobée, dentelée, non érectile. Tête et cou nus, violâtres 
en avant; sommet couvert de poils ardoisés et courts. Plis charnus et oran- 
gés naissant derrière l’œil. Rides de la gorge variées de rouge et de jaune. 


Tarses bleuâtres. 


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SPÉCIMEN DU MUSÉE ORNITHOLOGIQUE 


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SARCORAMPHUS PAPA. Mäle, jeune et très-jeune. 


Parties supérieures variées de noirâtre et de fauve à la troisième année: 


d’un brun foncé dans le jeune âge, avec quelques plumes d’un blanc sale 
et brunes au milieu, sur les flancs, les jambes et le dessous de la queue. 


Vurrus Papa; Linné, Syst. nat.. 11766. 

SARCORAMPHUS PAPA; Duméril, Zool. anal., 1806. 

Caruartes Papa; Illiger, Prodr. mamm. et avium, 1811. 

Gypacus Papa; Vieillot, Galerie des Ois., 1816. 

Urvueu ou Roi nes Vaurours; Buffon. — Tae Kive Vurrur des Anglais. — 


Cozcaquauarzr des Mexicains. 


MUSÉE ORNITHOLOGIQUE 


COLLECTION 


DE 


PLANCHES COLORIÉES DE TOUS LES OISEAUX CONNUS 


CLASSÉS PAR ORDRES, FAMILLES ET GENRES 


PAR 


J. C. CHENU, O0. DES MURS ET J. VERREAUX 


Cet ouvrage, destiné aux personnes qui s‘occupent spé- 
cialement d’ornithologie, contient tous les détails de la 
classification, la discussion sur la valeur des genres pro- 
posés par les naturalistes de tous-les pays, les caractères 
de divers degrés que nous croyons devoir adopter, ainsi 
que la figure de tous les oiseaux connus mâle, femelle, 
Jeunes et variétés. Chaque espèce est sommairement dé- 
crite, et la description comprend la synonymie, la taille, 
la patrie et tous les détails importants. Le premier volume 


se compose de types pris dans les aivers ordres pour l’in- 
_telligence des généralités sur l'ensemble de la classification: 
mais les planches mobiles qui s’y trouvent n'ont reçu 
qu'un numéro provisoire pour que chaque espèce figurée 
puisse être placée, par la suite, à l’aide de la table, dans 
le genre auquel elle appartient, comme on peut le voir sur 
le spécimen que nous donnons. Les volumes suivants con- 
üendront les genres de chaque famille dans l'ordre métho- 
dique. 

Le prix de chaque volume, de cent planches coloriées, 
comprenant environ cent emquante oiseaux et le texte cor- 
respondant, est de vingt francs. 


PARIS. — IMPRIMERIE SIMON RAÇON ET COMP., RUE D'ERFURTH, |. 


Fig. {. — Hirondelle de fenêtre. 


INTRODUCTION 


L'oiseau est le plus indépendant de tous les animaux : hbre 
comme l'air qu'il traverse, l’espace est son domaine; toujours 
admirablement orienté, 1l frauchit en peu de temps les plus 
grandes distances, et ne se fixe que sur les points où son exis- 
tence est assurée. Il prévoit le froid et la chaleur, le calme et 
les orages; 1l pressent les changements atmosphériques qui 
viennent surprendre nos sens et les instruments de précision, 
dont nous sommes si fiers. Aussi, sans parler des grandes migra- 
tions bisannuelles, 1l fait souvent, dans la contrée qu'il habite, 
de petits voyages pour se soustraire au moindre trouble météoro- 
logique, revient au lieu qu'il a momentanément quitté, prêt à 
passer encore de la plaine à la montagne, ou réciproquement, 

DE 1 


2 INTRODUCTION. 

pour chercher un abri contre le vent ou la pluie, un sol plus sec 
ou plus humide, des plaines non encore moissonnées, des ver- 
sers ou des vignes qui lui promettent les fruits mûrs, sur les- 
quels il a bien le droit, comme nous le dirons bientôt, de préle- 
ver la dime. 

Souvent remarquable par la richesse de son plumage, l’élé- 
gance de sa forme, le charme de sa voix et son étonnante viva- 
cité, il anime, dès le lever du soleil, les bois, les champs et les 
jardins, où parfois le plus sauvage, tout en conservant la hberté, 
dont il est surtout jaloux, se familiarise assez pour rechercher la 
présence de l'homme et lui demander quelques miettes de pain. 


Fig. 2. — Chardonneret. Fig. 5. — Rouge-gorge. 


Le mouvement semble lui être plus naturel que le repos, et sa 
turbulente vivacité, ainsi que l'ardeur de ses petites passions, 
s'explique assez par la grande quantité d'air qu'il respire, et 
qui donne un excès d'énergie à sa constitution. C'est sans doute 

‘aussi à la même cause qu'on doit attribuer l’imcroyable fécondité 
_des plus petites espèces. Et cependant, avec uné activité aussi 
épuisante et des fatigues qui semblent devoir dépasser les forces 
des oiseaux, comment expliquer leur longévité? Buffon dit qu'ils 


Fæ 


INTRODUCTION. 5 
doivent leur longue existence à la vacuité, à la légèreté de leurs os, 
qui couservent plus longtemps leur vitalité; et 11 a considéré l’ac- 
cumulation de la matière calcaire dans les os plus pleins et plus 
lourds des autres animaux comme la cause principale de la mort 
naturelle. I est néanmoins bien peu d'oiseaux qui atteignent, dans 
les pays civilisés, la limite normale de leur existence. La destruc- 
tion des faibles par les forts, les rivalités, les combats même entre 
les individus de la même espèce, paraissent nécessaires à lharmo- 
nie du monde, et ne troublent pas les proportions établies par la 
divine providence. Mais la guerre incessante, si meurtrière et si 
peu raisonnable, que leur fait homme sur tous les points du 
globe, change complétement ces propor tions; aussi la destruction 
d un ou otabte d’espèces d’oistaux entraine-t-elle le dévelop- 
pement de myriades d'insectes qui dévorent les fleurs, les fruits, 
les céréales, la vigne, et même les arbres des forêts, 

Don de l’occasion pour faire la part réelle du bien et du 
al que les oiseaux font aux récoltes, et présentons un résumé 
impartial des termes du procès qu'on leur fait. Si les crimes 
qu'on leur impute sont nombreux, les circonstances atténuantes, 
il faut l’avouer, feront peut-être absoudre des coupables qui 
obéissent à une loi de nature. | 

Les oiseaux qui se nourrissent de grains, et il en est bien peu 
qui soient exclusivement granivores, causent évidemment des 
dommages à l’époque des semailles et au moment de la moisson. 
Quelques-uns même, pendant l'hiver, quand la terre est gelée ou 
couverte de neige, s’introduisent parfois dans les granges, dans 
les gremiers, et la faim transforme en pillards effrontés ces pau- 
vres moimeaux, oiseaux citadins, qui n'inspirent aucune pitié. 

Ceux qui vivent de plantes herbacées attaquent les pousses 
naissantes au moment où elles sortent de terre; souvent ils les 
déracinent et dévorent le grain qui les à produites. Plus tard ils 
atlaqueront aussi les sommités plus tendres, blesseront la tige, 


4 INTRODUCTION. 

déchireront les feuilles; c’est le fait du Pigeon Biset, qui provoque 
les malédictions du cultivateur, et celui de la plupart des gallina- 
cés; c'est le fait aussi de tous les Perroquets qui tombent sur les 
plantations de maïs et les rizières. : 

D'autres sont très-friands des bourgeons qui commencent à 
s’ouvrir; on les connait dans les annales du crime sous le nom 
d’ébourgeonneurs, tels sont le Gros-bec et le Bouvreuil; et, dans 
les pays de montagnes où croissent les arbres verts, on signale le 
Coq de bruyères et le petit Tétras. 

Beaucoup de ces maraudeurs attaquent les fleurs des arbres 
fruitiers, mais les plus gourmets préfèrent les fruits mûrs, le 
raisin, la groseille, la figue, la cerise sauvage ou non, peu leur 
unporte, la prune, etc.; tous nos oiseaux chanteurs, la Fauvette, 
le Rossignol et tous les Becs-fins, peuvent être accusés indistmcte- 
ment, mais les plus grands coupables sont la Grive, le Merle, le 
Loriot, le Ramier, la Tourterelle, etc. Il en est un, au bec crochu et 
tranchant, qui aura bien du mal à 
se défendre en Normandie surtout, 
où l’on est très-processif : c'est le 
Bec-croisé, qui ouvre les pommes et 
les poires pour en extraire les pe- 
pins, dont 1l est très-friand. 

Il y a encore d'autres catégories 
de coupables qu'il faut bien auss; 
faire connaître : commençons par 
celle des oiseaux Rapaces diurnes, 
pour lesquels je ne réclame pas d’in- 
: dulgence. Ils sont cruels, ont un 

Fig 4. — Bec-croisé grand appétit et n’attaquent généra- 
lement que les fables, et, comme 1l 

faut bien fare un exemple, Je l'avoue en ma qualité de chas- 
seur, Je les abandonne à la vindicte publique. Ils détruisent 


INTRODUCTION. 5 
une énorme quantité de gibier de toute sorte, n’épargnent ni 
le Faisan, m1 le Perdreau, et dévastent aussi bien le bois que 
la plaine. Pas de pitié pour eux! D'ailleurs, on a renoncé de- 
puis longtemps, en France, à la grande fauconner1ie et aux ser- 
vices que les oiseaux de proie pouvaient rendre dans ce genre de 
chasse si estimé autrefois, et beaucoup d'entre eux; lâches et 


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Fig. 5.— Gerfaut Sors, d’après Schlegel. 


paresseux, rôdent autour des fermes pour enlever Poulets, Din- 
donneaux et Canetons. Quelques-uns s’établissent aux environs 
d'un colombier, et leur présence y répand l’effroi. Les Pigeons 
wosent en sortir ou craignent d'y rentrer, et fimssent par l’aban- 
donner pour se réfugier chez le voisin. En un mot, les Rapaces 
diurnes, ces brigands des forêts et des plaines, font une concur- 
rence trop facile au chasseur au moment où les petits Perdreaux 
viennent d'éclore. 

Lorsqu'il sera question des Rapaces nobles, c’est ainsi qu'on 

L 


6 . INTRODUCTION. 

désignait les oiseaux employés à la haute volerie, nous parlerons 
en détail de l’ancienne fauconnerie encore en usage en Hollande, 
en Russie, en Orient et dans certaines parties de l’Algérie. Nous 
démontrerons qu'il est possible de se donner sans dépense le 
plhusir d'avoir deux ou trois oiseaux de chasse; nous dirons la 
manière de les dresser et de les conduire. Les jeunes chasseurs 
qui ne peuvent encore suffire aux fatigues et aux dangers de la 
chasse au fusil trouveront une distraction nouvelle pour” notre 
époque dans la petite fauconnerie (vol de la Pie, du Gear, du 
Merle, de la Grive), pour laquelle on n'emploie que des oiseaux 
assez communs dans toute la France, l'Autour, l'Épervier, l'É- 
mérillon, le Hobereau et même la Pie-grièche. | 

Mais revenons à notre sujet, et signalons encore, comme o1- 
seaux destructeurs et qu'on regarde comme nuisibles, les Pies, 
les Geais, les Corbeaux, qui cherchent les nids aussi bien dans les 
champs que sur les arbres, et qui mangent les œufs ou les couvées 
des autres oiseaux. | 

Après cet aveu, parlerons-nous de l’Aigle pêcheur, du Balbu- 
zard, du Héron parmi les échassiers ; et de quelques palmipèdes, 
le Pélican, le Cygne, les nombreuses espèces de Canards, le Fou, 
la Frégate, l'Hirondelle de mer, qui détruisent, dit-on, beaucoup 
de poissons ? Mais la mer est inépuisable, et qui ne sait que les 
poissons font des millions d'œufs? On accuse même aussi de mé- 
faits semblables le pauvre Martin-pêcheur ! 1l est d’un si beau 
bleu, qu'il mérite bien quelques égards; et, d’ailleurs, quel tort 
peut-:] faire ? 

Telle est à peu près l'énumération des dommages que causent 
les oiseaux; voyons maintenant si ces dommages ne sont pas 
compensés, et au delà, par de nombreux services, et si les o1- 
seaux ne sont pas les agents providentiels, les seuls auxiliaires 
possibles qui puissent arrêter la multiplication si prodigieuse des 
insectes, fléaux bien plus grands des cultivateurs. 


INTRODUCTION. 7- 

Dans la séance du 7 juin 1861, le Sénat a écouté avec intérêt 
le rapport d’un de ses membres, M. Bonjean, sur diverses péti- 
tions adressées par des comices agricoles, demandant que des 
mesures soient prises. pour protéger l'existence et la propagation 
des oiseaux qui détruisent les insectes nuisibles à l’agriculture. 
Des réclamations nombreuses, à la suite d'observations qui ne 
laissaient aucun doute, avaient été faites depuis quelques années 
dans plusieurs contrées de l'Europe par des hommes considéra- 
bles dans la science ou dans l'agriculture pratique, et au nombre 
desquels nous citerons MM. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Florent 
Prévost, Chatel, Sacc, Kœchlin, Jonquières-Antonelle, Dumast, 
Gloger de Berlin, etc., etc.; mais ces réclamations avaient eu le 
sort de beaucoup de vérités senties et acceptées, mais bientôt ou- 
bliées avec une indifférence incroyable. 

Nous voudrions pouvoir com- 
muniquer à nos lecteurs tout se 
le rapport de M. Bonjean; mal- # 
 heureus?ment, les limites de 
cette introduction ne nous per- 
mettent que la citation de quel- 
ques passages qui se rattachent 
plus particulièrement au sujet 
que nous traitons. « Ces péti- 
tions, dit l'honorable rappor- 
teur, ne sont point inspirées 
par une sensibilité platonique 
en faveur d'une classe d'êtres 
vivants voués à une destruc- He a oucue 
tion que ne légitime pas, pour 
l’homme, la loi suprême de sa propre conservation, et, si 
elles vous demandent pour les oiseaux une protection plus effi- 
cace que celle-résultant de la législation actuelle, c'est unique- 


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8 INTRODUCTION. 


ment dans l'intérêt de l’agriculture, très-sérieusement menacée, 
si l'on continue à détruire les seuls auxiliaires qui puissent ar- 
rêter efficacement la propagation des insectes si nuisibles aux 
cultures de toutes sortes. » Le Blé et toutes les céréales, le Colza, 
les autres plantes crucifères, toutes les légumineuses, sont atta- 
qués par d'innombrables espèces d'insectes, le Ver blanc (larve 
du Hanneton), les Cowtihières, les Charançons, les Cécido- 
myes, etc., etc. La Vigne, préservée de l’oïdium, est ravagée par 
la Pyrale. Le Chêne, l'Orme, le Bouleau, les Pins, les Sapins, 
l'Olivier, sont minés par le Cerf-volant (Lucane) et quelques au- 
tres coléoptères xylophages et longicornes, par des mouches dip- 
tères (Dacus oleæ) et par un grand nombre d'insectes de tous les 
ordres. | 

« Ce que ces insectes ont épargné est-1l au moins assuré au 
cultivateur? Non: une multitude de petits rongeurs, Mulots, 
Campagnols, Rats et Souris, après avoir vécu dans les champs, 
aux dépens de la récolte, pénètrent aussi dans la grange et y pré- 
lèvent une nouvelle dime sur les gerbes appauvries. 

(Qui pourrait calculer les pertes qui résultent de toutes ces 
causes réunies ? 

(D'après un calcul fondé sur des bases fournies par l’admi- 
ustration des contributions, les pertes attribuées aux larves des 
Cécidomyes et subies par les cultivateurs d’un seul de nos dépar- 
tements de l’est, s'élèvent à près de 4 millions de francs par an. 
Les dommages causés par la Pyrale dans vingt-trois communes 
du Mäconnais et du Beaujolais, représentant trois mulle hectares 
de vignes, sont évaluées à plus de 3 millions de francs par an. 
Un des professeurs de l’ancien Institut agronomique de Ver- 
sailles a constaté, d’après des expériences faites avec le plus 
grand soin, sur une récolte dépendant de cet établissement, que 
les insectes ont occasionné une perte de près de 33 pour 100. 

(Dans la Prusse orientale, 11 a fallu abattre, il v a quatre 


INTRODUCTION. 9 


ans, dans les forêts de l'État, plus de 24 millions de mètres 
cubes de Sapins, uniquement drrce que ces arbres périssaient 
sous les attaques des insectes. 

(Enfin, 1l y a déjà de longues années, les Scolvtes ou les Bos- 
* triches avaient tellement envahi la forêt de Tannesbuch, dans le 
département de la Roer, qu’un décret dut ordonner d’abattre la 
forêt et de brûler, sur place, les branches, racines et bruyères. » 

Que ne pourrions-nous pas ajouter à ce tableau! contentons- 
nous de rappeler le sort des arbres de nos promenades, et de dire 
que nous voyons souvent de semblables envahissements dans les 
forêts des environs de Paris, 

Ces exemples, restreints à moins de la centième partie de la 
France et à quelques petites provinces allemandes, suffiront-1ls 
pour convaincre nos législateurs ? 

« Contre des ennemis le plus souvent impercephbles et si 
nombreux, l’homme reste impuissant. Son génie peut mesurer 
le cours des astres, percer les montagnes, faire marcher un na- 
vire contre la tempête, tuer ou soumettre certaines races d’ani- 
maux; mais devant ces myriades d'insectes, qui, de tous les 
points de l'horizon, viennent s’abattre sur les champs cultivés 
avec tant de sueurs, sa force n’est que faiblesse. Son œil n’est pas 
assez perçant pour apercevoir seulement la plupart d’entre eux; 
sa main est trop lente pour les frapper; et, d’ailleurs, quand il 
les écraserait par millions, ils renaissent par milliards. Den 
haut, d'en bas, à droite, à gauche, leurs innombrables légions 
se succèdent et se relayent sans trêve m1 repos. Dans cette in- 
destructible armée, qui marche à la conquête de l’œuvre de 
l’homme, chacun a son mois, son jour, sa saison, son arbre, 
sa plante : chacun connaît son poste de combat, et nul ne s’y 
trompe jamais. | 

« Dés le commencement des âges, l'homme eût suecombé 
dans cette lutte mégale, si Dieu ne lui eût donné, dans l'oiseau, 


10 INTRODUCTION. 
un auxiliaire puissant, un allié fidèle, qui s'acquitte à merveille 
de l’œuvre que lui, homme, ne saurait accomplir. 

« Cette mission providentielle de l'oiseau à pu passer long- 
temps pour une exagération poétique; mais, aujourd'hui, c’est 
une des vérités les mieux démontrées de la science. » 

Un savant modeste, n'ayant pour fortune qu'une humble place 
au Muséum, un homme remarquable par son esprit d'observation 
et une persévérance que les dédains des ignorants n’ont jamais 
rebuté, s’est livré, depuis bientôt quarante ans, àdes recherches in- 
cessantes sur lerégime alimentaire des oiseaux aux diverses époques 
de l'année, et ces recherches ont été entreprises uniquement sous 
l'inspiration du bien qui pouvait en résulter pour l’agriculture. 
M. Florent Prévost, dont nous voulons parler, est parvenu à con- 
stater, semaine par semaine, et presque Jour par jour, le genre 
d'alimentation des oiseaux qui fréquentent nos climats. Il a exa- 
miné attentivement les débris trouvés dans l'estomac des espèces 
sédentaires et dans celui des espèces de passage pendant leur sé- 
jour en France; 1l s’est fait adresser par de nombreux correspon- 
dants des estomacs des mêmes oiseaux tués avant et après la mi- 
gration. Ces observations, renouvelées tous les ans sur diverses 
espèces et sur dix ou douze individus de la même espèce, lui ont 
permis de constater dans quelle proportion chacune d'elles se 
nourrit de grains et d'insectes; quelles sont les espèces que préfère 
chaque oiseau; et, les plantes sur lesquelles vivent ces insectes 
étant connues, il lui fut facile de déterminer les espèces d'oiseaux 
qui les protégent en particulier. Ces observations, intéressantes 
pour l’agriculture, le sont à un autre titre pour l'histoire natu- 
relle, car elles serviront probablement en partie à lever des doutes 
sur les causes réelles qui déterminent les oiseaux à changer an- 
nuellement de climat. | 

Qu'il nous soit permis, tout en citant encore quelques pas- 
sages du rapport au Sénat, de présenter aussi le résumé des com- 


INTRODUCTION. If 
munications qui nous ont été faites par M. Florent Prévost, et de 
mettre nos lecteurs à même d'apprécier les immenses services 
que nous rendent les oiseaux : un couple de Mésanges porte à 
ses petits environ 300 chenilles par Jour. 

Les Fauvettes, les Rossignols, les Rouges-gorges et tous les 
Becs-fins qu’on détruit en si grand nombre dans certaines loca- 
lités de l'Est et du Midi, ne se nourrissent de préférence que de 
Moucherons, de vermisseaux et de chenilles, et ce n’est, faut-1l 
dire, qu'à défaut de cette pâture que ces petits oiseaux se. per- 
mettent de becqueter quelques fruits rouges, comme salaire de 
leurs services et de leurs chants. Il n’y à pas jusqu'au Troglo- 
dyte ou Petit Bœuf, le plus petit, avec le Roitelet, des oiseaux de 
notre chmat, qui ne vienne au secours de l’homme. On a comptés 
qu'une paire de ces charmants oiseaux fait en moyenne cin- 
quante voyages par heure pour chercher la nourriture de la 
- nichée. Ces cinquante voyages donnent, par semaine, 4,200 in- 
sectes détruits, en ne supposant la journée que de douze heures. 
Buxton, dans son Histoire de la Pensylvanie, dit que dans di- 
vers États d'Amérique on a si bien reconnu le parti qu'on peut 
tirer des Troglodytes, qu'on cherche à les fixer près des habi- 
tations en mettant à leur disposition de petites boîtes en bois 
bien couvertes de mousse ct suspendues à des perches. [ls 
adoptent ces: nids artificiels pour y établir leur couvée. 

L'Hirondelle, qui recherche nos habitations pour faire son 
md, nous débarrasse des mouches, des cousins, des araignées, 
et, quand elle ne trouve pas dans le voisinage une nourriture suf- 
fisante, elle s'éloigne d’un vol rapide, suit le cours des eaux, 
rase les prairies, remonte d'un bond dans les airs, ramasse dans 
son large bec les Moucherons qu’elle aperçoit à des distances 
incroyables et rapporte d'un seul voyage une ample provision à 
ses petits toujours affamés. En temps ordinaire, une Hirondelle 
mange par Jour un millier de petits insectes qui, s'ils avaient 


12 . INTRODUCTION. 
vécu, en auraient produit plusieurs milliards par cinq ou six 
générations dans l’année. Pour protéger les Hirondelles, si utiles, 
et les préserver d'une destruction facile et certame,- il a fallu 
éveiller la superstition. Elles portent, a-t-on dit, bonheur aux 
maisons qu'elles choisissent pour la construction de leurs mids, et 
cela seul en sauve un grand nombre. | 

Le Martinet ne séjourne dans nos climats que pendant les 
quatre ou cinq mois les plus chauds de l’année, alors que l'air 
est envahi par des nuées de Moucherons qui y tourbillonnent 
sans cesse et dont la reproduction non entravée causerait des 
plaies comparables à celles qui ont si cruellement éprouvé 


l'Égypte 


Fr 


D TZ 
D on 


Fig. 7. — Engoulevent de la Caroline. 


L’Engoulevent ne voyage qu'au crépuscule, et donne la chasse 
aux phalènes et aux insectes qui ne volent qu'après le coucher 
du soleil. | 

Le Coucou, exclusivement insectivore, se nourrit surtout de 
chemiles velues. 


: INTRODUCTION. 15 

Le Pie, si décrié par ceux qui ont mal mterprèté ses manœu- 
vres et le jugent d’après les préjugés et les fables d'autrefois, 
préserve Les arbres des forêts; 11 ne recherche que ceux attaqués 
par les insectes xylophages et dont l'écorce ridée ou soulevée 
abrite des larves menaçantes. C'est à tort qu'on suppose qu'il 
entame le bois sain avec son bec; 1l ne lui sert réellement qu'à 
mettre en mouvement les larves de ces insectes per'orants et à 
faire des trous dans le bois mort pour s'y loger ou y établir son 
nid. Il est très-facile de mal observer, et plus facile encore d'ac- 
créditer, comme vrai, un fait qui ne paraît que vraisemblable. 
Un Pic, placé dans une cage, fait tous les efforts possibles pour 
reprendre sa hberté, et 1l finit par entamer effectivement même 
du bois sain. Nous en avons fait l'expérience à Passy, dans notre 
volière, qui a d'assez belles dimensions cependant pour tempérer 
les regrets de la captivité (quinze mètres de longueur, avec une 
largeur et une hauteur proportionnées, des arbustes et méme 
d’assez gros troncs d'arbres); trois jeunes Pics Épeiches, achetés 
au marché, ont été mis dans cette volière. La nourriture de leur 
goût ne leur manqua Jamais. Un tronc d’orme vermoulu leur 
permettait d'exercer leur petite industrie avec succès. L'instinct 
de la liberté prit néanmoins le dessus, et nos prisonniers portè- 
rent tous leurs efforts sur une poutrelle en bois de sapin de sept 
centimètres, qu'ils entamèrent tous les trois à la même place, 
de manière à laisser supposer qu’elle serait percée en moins 
d'une semaine, tant ils y mettaient de courage. Nous avons dû 
délivrer les captifs pour arrêter le dégât. Ce fait prouve ce que 
peut le besoin de la liberté, mais ne prouve pas qu'à l’état de 
nature ces oiseaux attaquent le bois sain sans aucune utilité 
pour eux. Parce qu'un Renard ou un animal quelconque, en- 
fermés dans une caisse, entament le bois et parviennent en une 
nuit à faire un trou et à s'échapper, faudra-t-il en conclure que 


ce Renard ou ces animaux attaquent les arbres des forêts? Il en 
à LAS ©) 


éd 


14 | INTRODUCTION, 

est de même pour le Pie. On sait que cet oiseau met une grande 
patience et une grande persistance pour s'emparer de la proie 
qu'il convoite, et les manœuvres qu'il emploie sont très-intelli- 
gentes; mais, pour les observateurs superficiels, elles sont con- 
sidérées comme très-nuisibles aux arbres. Que se passe-t-il ce- 
pendant? Un insecte s'est logé dans le tronc d’un arbre, il y a 
percé un trou très-petit et d’a- 
bord horizontal, puis il à chan- 
gé de direction et a creusé une 
galerie verticale de quelques 
centimètres de longueur, lors- 
HA  duun Pic, arrivant, reconnaît 
(BA la présence de l'msecte ou de 


#», 


We ses larves. À l’aide du bee, il 
élargit le trou d'entrée, voit 
bientôt l'impossibilité de saisir 
l'insecte à cause du change- 
ment de direction de la galerie. 
Il frappe le bois au-dessus du 
trou, et le son résultant de ces 
coups d'exploration lui mdique 
bientôt le point correspondant 
au cul-de-sac de cette galerie. 
Fig. 8. — Pic vert. | attaque alors ce point par le 

dehors, le perce plus ou moins 

rapidement, et, s'il s’est trompé, 1l recommence plus haut ou 
plus bas, jusqu'au moment où le succès couronne ses efforts. 
Il est évident que, dans ce cas, le Pic attaque la partie saine en- 
core du bois, mais qu'il ne l'attaque que parce qu'il y a à 
prendre un insecte, dont les ravages, au bout d’un an, seraient 
bien plus compromettants pour l'arbre que l'ouverture faite par 
l'oiseau. Jamais un Pic ne perd son temps à percer le bois sans 


LA 
% 
[7 


INTRODUCTION. 15 
motif, et les coups répétés qu'il donne avec son bec, et qu'on en- 
tend parfaitement et même de loin, n'ont d'autre but qu'une ex- 
ploration bien innocente et qui n’a rien de nuisible pour les 
arbres. Aussi est-il certain que si, plus épargnés, les Pics et 
les Coucous osaient venir visiter ces vieux arbres des promenades 
et des boulevards de Paris, on ne serait pas réduit à faire à 
grands frais, depuis quelques années, la toilette du condamné à 
ces respectables plantations de nos pères. 

Après la saison des grains et des fruits, qui n’a qu'une durée 
très-linntée, tous ces charmants maraudeurs, tous ces petits 
gourmands de fruits rouges, ne vivent que de vers, de larves et 
d'insectes; le Merle et la Grive les cherchent sous les feuilles, 
qu'ils retournent avec une grande habileté; ils purgent les jar- 
dis et les champs d'un grand nombre de Limaces. 

Le Freux ou Corneille moissonneuse s’abat, en automne et en 
hiver, en troupes considérables sur les plaines menacées par les 
vers et surtout par le Ver blanc, et contribue ainsi à sauver une 
partie de la récolte. 

Les Étourneaux, les Troupiales, Pen une grande parte de 
leur vie sur les on qui pâturent et fument la terre; 1ls les 
débarrassent .des parasites qui les tourmentent et les rendent 
malades. 

Les Martins, ces oiseaux d’un autre climat, sont devenus cé- 
lèbres par les services que rend à l’île Bourbon une espèce où 
elle a été transportée de l'Inde; elle défend les plantations de 
celte riche colonie contre les invasions si fréquentes des Saute- 
relles, véritable fléau pour les pays sur lesquels elles tombent 
serrées comme le ferait la grêle. 

Parmi les échassiers, le Héron, la Grue, la Cigogne, ne sont 
pas mois utiles à l’homme; ils vivent autant de Reptiles, de 
Vers et de Rats d’eau que de Poissons. Le Balæniceps aux puis- 
santes mâchoires, récemment découvert en Afrique, se nourrit 


16 INTRODUCTION. 


de petits Crocodiles et d'animaux aussi nuisibles. La diminution 
du nombre des reptiles est un avantage peu sensible dans nos 
chmats, où la Vipère seule est à redouter, les autres espèces n'é- 
tant n1 nombreuses n1 malfaisantes; mais il n’en est pas de même 
dans les contrées où un soleil ardent échauffe des forêts humides 
si favorables au développement des reptiles venimeux. Le Plu- 
vier, le Vanneau, les diverses espèces de Chevaliers, de Barges, 
de Bécassines, etc., purgent les champs cultivés des larves et des 
Vers qu'ils y rencontrent. 
Il est un préjugé qu'il 
faut combattre autant que 
possible; nous voulons par- 
ler de la guerre injuste 
qu'on fait aux oiseaux de 
uuit, Ducs, Chouettes, Hi- 
boux, Effraies, qu'on ac- 
cuse d'être de mauvais au- 
gure, d'avoir un cri lu- 
gubre et de voir pendant 
la nuit. Quel est le dom- 
mage qu'ils causent? Au- 
cun. Quels services ren- 
dent-1ls? Les voici. Leurs 
plumes, par leur texture 
Fig. 9. — Effraie, d'après Gould. et leur disposition, leur 
permettent de voler sans 

bruit; leurs yeux leur donnent la faculté de découvrir et d’at- 
teindre, malgré l'obscurité, « dix fois mieux que les Chats et 
sans menacer comme ceux-c1 le rôt et le fromage, » les Rats, 
les Mulots, les Gampagnols, les Taupes, les Courtihières, les Sau- 
terelles et tous ces maraudeurs nocturnes qu'il est si difficile de 
détruire, et qui mangent les grains et les racmes. Des observa- 


ë INTRODUCTION. 17 


tions nombreuses ne laissent aucun doute à cet égard, ces oi- 
seaux ne vivent réellement que de vermine insaisissable pen- 


nu j : 
LS 


DS 


Fig. 10. — Balæniceps-roi, d’après Gould. 


dant le jour; et, si parfois, après avoir purgé le sol et trop bien 
rempli leurs fonctions, la disette où la faim les obligent à faire 
2 


18 INTRODUCTION. 
violence à leurs goûts et à manger quelque menu gibier, faut-il 
les condamner à mort, les clouer comme un trophée à la porte 
des fermes, à côté d'un Renard, d’une Fouime ou d’une Belette? 
Il faut, pour agir ainsi, être bien superstitieux ou bien oublieux 
de ses intérêts. | 

Cet exposé des services que rendent les oiseaux n’est pas plus 
complet que celui que nous avons donné de leurs méfaits; mais, 
dans le cours de nos lecons et en faisant l'histoire de chaque 
espèce, nous ne négligerons aucune occasion de réclamer plus de 
justice et moins d'imprévoyanté éruauté en faveur de ceux qui 
doivent être épargnés. (Et comme si ce n'était pas assez des 
hommes dans cette guerre d’extermination, voilà les enfants qui 
viennent y prendre part avec l’impitoyable msoucrance de leur 
âge. « Cet âge est sans pitié, » a dit la Fontaine. Oh! oui, vérita- 
blement sans pitié sont ces enfants des campagnes, qui font lé- 
cole Buissonmière pour aller dénicher les nids, comme ils disent. 
Les œufs et les Jeunes couvées, tout leur est bon : n'ont-1ls pas à 
briser les uns et à faire périr misérablement les autres de faim et 
de torture? Et les parents de ces jeunes drôles, au heu de les 
renvoyer à l’école convenablement fustigés, assistent avec une 
froide indifférence à ces actes de cruauté. » | 

C'est avec intention que nous avons à peme parlé de l'oiseau 
le plus commun de notre pays, du Moineau, « de celui qui est le 
plus mal famé parmi les suspects, et qu'on à si souvent flétri 
comme un pillard effronté. Médisance, sinon calomnie! au moins 
en partie; car, dit le courageux rapporteur que nous nous plai- 
sons à citer, s1 les faits mentionnés dans les pétitions adressées 
au Sénat sont exacts, cet oiseau citadin vaudrait mieux que sa 
réputation. On raconte, en effet, que sa tête avant été mise à 
prix en Hongrie et dans le pays de Bade, cet intelligent proscrit 
avait abandonné complétement ces deux pays; mais bientôt on 
reconnut que lui seul pouvait soutenir la guerre contre les 


INTRODUCTION. 19 
Hannetons et les milie insectes ailés des basses terres; et ceux-là 
mêmes qui avaient établi des primes pour le détruire durent en 
établir de plus fortes pour en opérer je rapatriement. Ce fut 
double dépense, châtiment ordinaire des mesures précipitées. 


Fig. 11. — Momeau commun. 


Le grand Frédéric avait aussi déclaré la guerre aux Moineaux, 
qui ne respectaient pas son fruit favori, la Cerise. Naturellement 
les Moineaux ne songèrent point à résister au vainqueur de 
l'Autriche; 1ls disparurent; mais, au bout de deux ans, non-seu- 
lement il n'y eut plus de cerises, mais encore il n'y eut presque 
point d’autres fruits : les chenilles les mangeaient tous; et le 
grand roi, vainqueur sur tant de champs de bataille, s’estima 
heureux de signer la paix, au prix de quelques Cerises, avec les 
Moineaux réconciliés. » 

Du reste, M. Florent Prévost a constaté que, suivant les cir- 
constances, les insectes entrent pour moitié au moins, souvent 
dans une proportion beaucoup plus forte, dans le-régime ali- 
mentaire du Moineau. « (est exclusivement avéc des insectes 
que cet oïsean nourrit sa couvée; en voici une preuve remar- 


20 INTRODUCTION. 

quable. À Paris, où cependant les débris de nos propres aliments 
fournissent au Moineau une nourriture abondante, qui semble 
devoir le dispenser des fatigues de la chasse, un couple de ces 
oiseaux ayant fait son nid sur une terrasse de la rue Vivienne, 
chez M. Ray, ancien négociant, on recueillit les parties dures 
des ailes de Hannetons, rejetées du nid; on compta 1,400 ély- 
tres : c'était donc 700 Hannetons détruits par un seul ménage, 
pour l'alimentation d’une seule couvée. » | 

D'autres observations faites à des époques différentes de l’an- 
née prouvent qu'un couple de Moimeaux ayant des petits à 
nourrir détruit, pendant tout le temps où 1l les élève, plus de 
3,000 chenilles par semaine, un grand nombre de papillons, de 
vers et d'autres insectes. 

Nous pourrions multiplier ces citations à l'infini; et, si nous 
avouons que le Moineau mange annuellement plus d'un demi- 
boisseau de grains, 1l faut bien dire que cette perte n’est sensible 
que pour le cultivateur qui voudrait profiter des services de cet 
oiseau sans Îles payer, et qui. ne réfléchit pas que, s’il lui aban- 
donne un demi-boisseau de grains, ce n’est pas payer trop cher 
les dix ou douze boisseaux qui, sans lui, n'auraient pas été épar- 
gnés par les insectes et leur innombrable progéniture. C’est un 
serviteur avec lequel 1l faut compter comme on compte, dans la 
ferme, avec les autres serviteurs à gages, avec cette différence 
toutefois que le Moineau dont nous prenons la défense travaille 
pendant presque toute l’année, qu'il ne peut être remplacé, et 
que ses gages Jui sont payés en nature. 

En défimtive, d'après ce que nous venons de dire du bien et 
du mal que font les oiseaux, et en comparant les services qu'ils 
rendent et les dommages qu'ils causent, il semble qu'il y à une 
assez large compensation, et qu’il vaut mieux encore, pour le 
cultivateur, fare lé sacrifice du sac de grains que ces ouvriers 
peu discrets lui dérobent ostensiblement que risquer des pertes 


; INTRODUCTION. 21 
toujours plus considérables et occasionnées par des ennemis aussi 
nombreux qu'invisibles et insaisissables. 

Les époques de migration des oiseaux sont l’occasion de la 
mort du plus grand nombre de ces précieux voyageurs, et qui- 
conque à pu voir, surtout sur les marchés d'Italie, du midi et de 
l'est de la France, les millions de victimes qui s'y vendent cha- 
que année, doit être étonné qu'il en reste encore. Est-il possible 
de sacrifier à la gourmandise plutôt qu’au besoin une des ga- 
ranties de la récolte, et d'oublier que ces oiseaux, qui ne repré- 
sentent que du superflu, auraient sauvé assez de grains pour 
nourrir un grand- nombre de familles pendant une année? 
« Et cette misérable excuse de la sensualité satisfaite ne saurait 
même être invoquée par ces chasseurs qui, pour faire parade 
d'adresse, ou même simplement pour décharger leur arme avant 
de rentrer au logis, abattent une Hirondelle au vol rapide, une 
mère peut-être, qui porte la nourriture à sa jeune couvée. A ces 
hommes, si cruels par irréflexion n'est-il pas permis de faire 
observer qu'en détruisant cinq cents insectes dans cette Journée 
que leur plomb meurtrier a faite la dernière pour elle, cette pau- 
vre Hirondelle avait, certes, mieux mérité de l'humanité » qu'eux 
dans une journée de distraction ? 

Depuis longtemps on se plaint, avons-nous déjà dit, des pertes 
annuelles des cultivateurs, pertes attribuées par l’expérience à la 
multiplication des insectes.de toutes sortes et à la destruction trop 
considérable des oiseaux qui s’en nourrissent. Ces plaintes, formu- 
lées dans tous les pays, sont restées longtemps sans résultat. Plu- 
sieurs conseils généraux, en France, ont à différentes reprises de- 
mandé une loi pour interdire ou réglementer plus sagement la 
chasse, ou une loi qui puisse être appliquée aux délinquants. 

En 1854 un gouvernement, presque le plus petit de l'Europe, a 
enfin essayé d'entrer dans la voie de la répression à ce sujet; en 
effet, à principauté allemande de Schwarzbourg a donné lexem- 


29 INTRODUCTION. 

ple, et une loi défend en particulier la chasse de la Mésange. Les 
vœux des hommes préoccupés de l’utihté indispensable des oiseaux 
À la conservation des récoltes paraissent à la veille de se réaliser. 
Le rapport de M. Bonjean a eu assez de succès pour qu'il soit pos- 
sible d'espérer qu'il ne sera point oublié par le ministre de l'a- 
griculture et du commerce. + 

Nous venons de dire qu'il était indispensable de voir paraître 
une loi qui puisse être appliquée aux délinquants, et le ‘rapport 
cité explique complétement notre pensée : (Si les officiers de 
police, dit-il, n’exécutent pas toujours scrupuleusement la loi au 
sujet des oiseleurs et des dénicheurs, cela peut tenir à la gravité 
des peines édictées par les articles 9, 12 et 15 de la loi du 
9 mai 1844. Ces peines s'élèvent de 16 fr. à 600 fr., et, en cer- 
tans cas, à 2,000 fr., et peuvent entrainer’ un emprisonnement 
de six Jours à trois mois. Et, comme la contravention est le plus 
souvent le fait d'enfants dont les parents sont eivilement res- 
ponsables, on ferme les yeux, pour ne pas exposer à une sorte de 
ruine des parents dont le seul tort, après tout, est de tolérer des 
faits que semblent légitimer de vieilles habitudes. En permettant 
au Juge d’abaisser la peine, une amende légère, augmentée des 
frais, constituerait un avertissement paternel qui mettrait à l'aise 
la conscience du juge, comme celle des officiers chargés de con- 
stater Ja contravention. » 

Concluons, et disons que, si l'étude de l'histoire naturelle était 
rendue plus facile, mieux mise à la portée de toutes les intelligen- 
ces, on verrait disparaître un grand nombre de préjugés ridicules, 
on saurait mieux distinguer, parmi les êtres qui nous entourent, 
ceux qui nous sont dévoués et qu'il faut protéger, et ceux qu'il 
ne faut pas épargner; et ce besoin de destruction si naturel à 
l’homme ne s'étendrait pas aveuglément sur tant d'espèces utiles. 

On fait trop de livres pour ceux qui savent et n’en ont pas be- 
soin, ne pourrait-on en faire aussi quelques-uns pour ceux qui ne 


INTRODUCTION. 25 
savent pas, et qui, désireux cependant d'apprendre, ne peuvent 
consacrer à une distraction attrayante et profitable qu'une partie 
du temps qui les fait vivre? 

Il y à quatorze ans déjà que J'exposais l'utilité de l'étude des 
sciences naturelles en général, dans une lettre à madame Deles- 
sert, à l’occasion d'un livre que j'avais l'honneur de lui dédier, 
et Je crois devoir en reproduire 1c1 quelques passages : 

L'étude de la nature, disais-Je, ne peut qu'élever les pensées 
de votre fille vers l'Auteur de toutes les merveilles de la création, 
merveilles qu’elle appréciera d'autant plus qu'elle les connaîtra 
mieux. Son esprit, son cœur et sa raison, trouveront beaucoup à 
gagner dans ces douces occupations, qui, à part les avantages 
réels qu'elle en retirera, auront encore le mérite de lui procurer, 
pour le présent et l'avenir, des distractions toujours nouvelles, 
les jouissances les plus pures, les plus indépendantes des circon- 
stances et des temps, et les consolations les plus douces aux mal- 
heurs qui pourraient la frapper. 

En étudiant l'histoire naturelle, l'habitude qu'elle prendra 
de classer dans son esprit un très-grand nombre d'idées est un 
des résultats dont généralement on méconnait l'importance, et 
sur lequel j'insisterais si J'avais à vous prouver que l'étude de 
cette science doit être considérée comme le complément de toute 
bonne éducation. 

L'histoire naturelle, nous disait un de nos maîtres, est la 
science qui exige les méthodes les plus précises, comme la géo- 
métrie est celle qui demande les raisonnements les plus rigou- 
reux; et, dès qu'on possède bien cette habitude de la méthode, on 
l’applique généralement à tout ce qui nous occupe. Toute recher- 
che qui suppose un classement de faits, qui exige une distribu- 
tion de matières, se fait d'après les mêmes lois, et tel qui n'avait 
cru faire de cette science qu'un objet d’amusement, est surpris 
de la facilité qu'elle lui procure pour débrouiller tous les genres 


24 | INTRODUCTION. | 

d’affaires. Enfin, c'est par l'étude, et particuhèrement par celle 
de l’histoire naturelle, dont les éléments se rencontrent partout 
et à chaque pas, que, loin des plaisirs du monde, qu’on a si jus- 
tement appelés les tyrans de la Jeunesse, on peut encore trouver 
des jouissances qui ne laissent aucun regret, ajouter de l'intérêt 
à ses promenades et du charme à ses voyages. 

C'est ainsi que l'histoire naturelle, même dans ce qu’on lui 
trouve de plus frivole, réunit les plus heureuses conditions pour 
développer l'esprit d'observation et l'esprit de méthode. Il faut que 
cette étude de la nature soit d’un intérêt bien puissant et bien sou- 
tenu, pour se prêter aux besoins de l'intelligence à tous les âges: 
car ce qui n'excite d'abord que l’active curiosité de l'enfant devient 
un sujet sérieux de méditations pour l’âge mür. « Il est inconce- 
vable, disait Rollin, combien les enfants pourraient apprendre de 
choses, si l’on savait profiter de toutes les occasions qu’eux-mêmes 
nous en fournissent. Les impressions qu'ils reçoivent sont des 
germes qui, loin de se perdre, n’attendent que le moment de se 
développer. C’est ainsi qu'on pourrait façonner leur intelligence 
si flexible aux idées vraies, grandes et élevées; qu’on éloignerait 
de leur imagination, avide d'apprendre, le danger, plus grand 
quon ne pense, des impressions fantastiques, des idées fausses, 
qui les habituent à considérer comme réel ce qui ne peut exister, 
qui mettent en opposition les sens avec la raison, la mémoire 
avec la vérité, et finissent par donner à leurs pensées la direction 
la plus funeste. » Tout en reconnaissant cette vérité exprimée 
par les hommes les plus éminents et placés à la tête de l’instruc- 
tion publique, on est étonné de voir que, parmi tant de person- 
nes, qui d'ailleurs ont reçu une brillante éducation, il s’en 
trouve si peu qui possèdent les plus simples notions d’une science 
qui promet de si heureux résultats. Cet état de choses s’explique 
par l'absence de livres vraiment élémentaires, ou écrits dans le 

but de répandre le goût de la science et de charmer l'esprit et les 


INTRODUCTION. 29 
yeux par des tableaux gracieux de ce que possèdent nos riches 
musées. En effet, les savants qui se décident à écrire supposent 
trop souvent à leurs lecteurs les connaissances indispensables 
pour l'intelligence de leurs travaux, et ils oublient, dès les pre- 
mières pages de leurs éléments, le but qu'ils se proposent. Ils 
masquent l'agrément de la science par une exposition effrayante 
de l'instabilité des principes ou par des notions insuffisantes. 
Enfin, s’il existe quelques ouvrages destinés à la lecture du jeune 
âge et dans lesquels on à voulu donner aux enfants des notions 
plus ou moins exactes sur l’histoire naturelle, en se bornant à 
leur présenter sans suite et sans méthode les richesses infinies 
de la nature et la puissance du Créateur, ces livres n’intéressent 
que les enfants, et font désirer plus tard un ouvrage vraiment 
instructif, dans lequel la science, mise à la portée d’une intelli- 
gence complétement développée, mais débarrassée encore de ces 
grands mots trop multipliés et qui la surchargent, soit présentée 
d'une manière assez séduisante pour captiver l'attention et exci- 
ter la curiosité. 

Par quelle singularité n’existe-t-1l, sur un sujet que tout le 
monde voudrait connaître, que des livres qu’on ne peut com- 
prendre sans une étude sérieuse? Le langage scientifique est sans 
doute indispensable aux savants; mais 1l faut, pour ceux qui 
n'ont pas la prétention de l'être, un langage à leur portée. « La 
nature est si riche et si belle, disait une jeune dame, on a tant de : 
plaisir à l’admirer! Il semble que dans l'étude de tant de mer- 
veilles on va trouver ce qu'il peut y avoir de plus agréable pour 
l'esprit. On ouvre un livre, et l’on n'y rencontre qu'un assem- 
blage de mots barbares qu'on dit formés du grec ou du latin; 
quelques-uns mêmes, ajoute-t-on, ont une origine équivoque, et 
l’on ne sait trop à quel idiome sauvage ils appartiennent. Suis-je 
Grecque, Latine ou Sauvage, pour comprendre ces mots, ou 
faut-1l que Je le devienne pour savoir ce que c’est qu'un insecte, 


Fæ 


PT (a) 


26 | INTRODUCTION. 
un coquillage où un oiseau? Comment se fait-1l que tant de gens 
d'esprit n'aient pas pu trouver dans notre langue un mot qui 


valût autant qu'un mot grec et que j'aurais compris sans 


peine? » 

Ces exigences sont certammement exagérées, et 1l est impossible 
d'éviter un grand nombre de mots composés; mais, 1l faut bien le 
dire, généralement les traités d'histoire naturelle, par l'emploi 
exclusif et la multiplicité des mots techniques, sont généralement 
imabordables pour les gens du monde. Les mots ne se gravent 
dans la mémoire qu'autant qu'ils représentent une idée; et les au- 
teurs ne prennent pas la peine de donner l'explication de ceux 
qu'ils sont forcés d'employer dans le langage scientifique, et dont 
l’étymologie est souvent incertaine. Aussi n’hésite-t-on pas à ex- 


clure les livres de science de ses lectures habituelles et à leur 


préférer ceux où toutes les formes de: séduction sont employées, 
quoiqu'il soit bien reconnu que ces derniers ont trop souvent le 
désavantage d’égarer l'imagination, de fausser les idées et de 
ne. laisser à l'esprit aucune impression utile. 

Cependant, sans vouloir devenir savant naturaliste, on doit 
et l’on peut facilement acquérir les connaissances qui se lient à 
divers besoins, à l’agriculture, aux arts, à l’industrie; on doit 
avoir certaines notions sur les animaux qui nous étonnent par 
leurs formes et leur instinct, sur les diverses productions qui 
nous entourent, sur la constitution du globe et sur les révolu- 
tions qui ont laissé, dans les couches qui le composent, tant de 
témoins de ses divers âges. 

Buffon l'avait bien compris, lui dont le nom si populaire vient 
à l'esprit dès qu'il est question d’une science dont il révéla tout 
_ le charme par un style brillant, harmonieux et varié comme les 
sujets qu'il décrit. Aussi son histoire naturelle n’a-t-elle pas été 
écrite pour les savants; et ses travaux, promptement. et univer- 
sellement appréciés et lus, ont-ils eu un succès aussi prodigieux 


INTRODUCTION. 27 


que soutenu; ils ont fait aimer la science, et valu à l'auteur 
le titre bien mérité de pemtre de la nature. Buffon, malheureu- 
sement, connaissait à peine le quart des espèces que nous possé- 
dons aujourd'hui, et, si les travaux entrepris pour compléter son 
œuvre ne présentent pas tous l'élégance ni l'attrait du modèle, 
il en est cependant quelques-uns qui méritent d’être cités. 
Sans vouloir faire l’histoire de l’ornithologie, nous saisirons cette 
occasion pour faire connaître quelques beaux ouvrages, et surtout 
les voyageurs qui, par leurs découvertes, ont bien mérité de la 
sclence . 

Avec le dix-neuvième siècle, l'amour des voyages et des ex- 
plorations scientifiques s’est considérablement développé. On a 
compris que, pour donner à la science tout l'attrait qui la fait 
aimer, 1l fallait autre chose que des dépouilles inertes à nom- 
mer et à classer méthodiquement. Le plus savant naturaliste 
qui n’a à sa disposition que des peaux ou des squelettes d’ani- 
maux apportés des diverses parties du monde ne peut, en effet, 
que les classer et les décrire; 1l peut, par analogie, supposer des 
instincts et des habitudes, mais la voie est glissante, et son ima- 
gimation le met souvent en défaut. D'ailleurs, les détails les plus 
intéressants lui échappent, et il ne peut toujours les déduire des 
formes qu'il a sous les yeux. Il est un autre genre d'étude beau- 
coup plus profitable à la science : c’est l'observation sur place, la 
vature prise sur le fait. Pour atteindre ce but, 1l faut que des 
hommes déjà initiés, intelligents, courageux et dévoués, se dé- 
cident à renoncer au bonheur de la famille, et à se lancer dans 
tous les hasards et tous les dangers d’une existence aventu- 
reuse, mais souvent pleine de charme pour celui qui a le feu 
sacré. 

Cook et Forster, vers la fin du dix-huitième siècle, avaient 

donné lexemple et payé largement et cruellement leur tribut. 
L'intérêt qui s'attacha à l'histoire de leurs voyages et de leurs 


98 INTRODUCTION. 


découvertes fit naître l’idée de nouvelles explorations des ré- 
gions encore peu connues, et, l'impulsion donnée, plusieurs 
voyageurs, sans missions officielles, et inspirés seulement par 
le désir de voir, d'apprendre et de faire à leur tour des décou- 
vertes, se sont expatriés et ont été s'établir pour ‘un temps plus 
ou moins long sur une terre de leur choix. Pour ne parler ici 
ue des voyageurs qui se sont occupés spécialement des oiseaux, 
nous citerons d'abord l'Écossais Wilson, qui, après avoir mis sa 
vocation à l'épreuve et tenté sans succès la fortune en essayant 
de plusieurs états, se décide à parcourir l'Amérique du Nord 
pour étudier, observer, décrire et rapporter en Angleterre les 
oiseaux qu'il pourra se procurer dans l'immense moitié du nou- 
veau monde. Il ne fut arrêté n1 par les fatigues mi par les dan- 
gers qu'il courut souvent, et revint vers 1804 en Europe avec 
de précieuses collections et des notes plus précieuses encore. 
Mais, usé par l'ardeur de ses recherches, 1l mourut en 1813, à 
l'âge de quarante-huit ans, après avoir fait imprimer la relation 
de son audacieux voyage et publié ses dessins, ses descriptions et 
ses observations si nombreuses et si intéressantes. 

Malgré le zèle et la persévérance de Wilson, son travail pré- 
sentait d'assez nombreuses lacunes, et il était réservé à Audubon 
de le compléter. 

Audubon, à la différence de Wilson, avait de la fortune, et 
son voyage fut entrepris dans de bonnes conditions. C’est de son 
comptoir américain que, cédant à une irrésistible vocation, 1l 
abandonna ses affaires pour l'étude de la nature. Il explique son 
goût et sa passion pour l'étude des oiseaux par une prédestina- 
tion divine. « Avec quelle ferveur je rends grâce au Tout-Puis- 
sant qui m'a appelé à l'existence! avec quelle ardeur Je poursuis 
la mission qu'il m'a confiée ! » 

Voulant que l'exactitude de ses figures répondit à celle de ses 
descriptions, Audubon dessina ses oiseaux de grandeur naturelle, 


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90 INTRODECTION. 

depuis le Condor et le Pélican jusqu'aux plus petites espèces, el 
il Les fit graver avec un luxe extraordmaire; aussi le format de 
ses planches atteint-1l les dimensions énormes du grand ouvrage 
sur l'Égypte. Ses descriptions sont, comme il le dit lui-même, la 
biographie des oiseaux, et 1l fait connaître dans les plus minu- 
teux détails leurs mœurs et leurs habitudes. 

. La publication de cet important ouvrage dura douze ans, 
de 1827 à 1839. C’est, comme le dit Cuvier, le plus gigantes- 
que, le plus magnifique monument élevé à la nature. On y 
trouve de nombreux renseignements sur l’acchmatation et la 
domestication des oiseaux qu'il serait avantageux d'importer en 
Europe; et, pour n’en citer qu'un exemple, nous reproduirons 
ce qu'il dit au sujet de lOie du Canada. « Aussi pensai-je que, 
dans cette espèce comme dans beaucoup d'autres, 1l faut une 
longue série d'années pour dompter la nature et lui faire ou- 
blier ses besoins natifs et ses instincts d'indépendance. Combien 
d'essais, dont le résultat devait être avantageux à l’homme, ont 
été abandonnés en désespoir de cause, alors que quelques an- 
nées de plus de soins persévérants eussent produit l'effet 
désiré! » 

Audubon avait à peine terminé son immense publication, 
qu'un savant anglais, John Gould, entraîné dans la même voie, 
fit paraître à Londres de magnifiques ouvrages in-folio sur les 
oiseaux des Indes orientales et en partiéuhier sur ceux de l'Hi- 
malaya, puis après sur les Toucans et les Couroucous, et enfin 
sur les oiseaux d'Europe. Aussi bon observateur, mais plus ha- 
bile que ses devanciers, comme peintre d'histoire naturelle, 
Gould a, le premier, représenté des animaux réellement vivants 
et saisis Sur nature mieux qu’on ne le pourrait faire à l’aide de Ia 
photographie. Il a surmonté toutes les difficultés, rien n’a échappé 
au coup d'œil du naturaliste, tout a été rendu par le pinceau de 
l’aruste, et l’on peut étudier les oiseaux qu'il décrit aussi bien 


INTRODUCTION. a) 
que sur la nature mème. L’exactitude des formes, celle de la 
pose et de la couleur, ne laissent rien à désirer. De tels ouvrages 
peuvent remplacer une collection et devraient se trouver dans 
toutes les bibliothèques des villes où l’on s'occupe de science et 
d'art. Les figures que nous reproduisons, aussi exactement que 
le comporte le format que nous avons adopté, ne peuvent en don- 
ner qu une 1dée fort incomplète. 


Fig. 15. — Thalassidrome de Wilson, d'après Gould. 


Après ces premières publications, qui eurent un grand suc- 
cès, Gould se rendit en Australie, et explora pendant plusieurs 
années, en peintre naturaliste, une grande partie de ce vaste 
pays, si riche en types nouveaux, et revint en Angleterre avec 
des collections considérables et des-études aussi nombreuses que 
précieuses. C est à cet infatigable voyageur qu’on doit la décou- 
verte de la plus grande partie des espèces de Mammifères Mar- 


92 INTRODUCTION. 


supiaux et d'oiseaux de la Nouvelle-Hollande. Encouragé par les 
plus brillants succès, 1l a fait paraître, depuis son retour, les 
travaux les plus merveilleusement exécutés que nous possédions 
sur les oiseaux d'Australie et sur les Oiseaux-mouches, si remar- 
quables par la richesse, la variété et la vivacité de leurs cou- 
leurs. Rien ne manque à ses descriptions, et 1l a som de donner 
toutes ses observations sur les mœurs et les habitudes des ani- 
maux qu’il fait connaître. On peut limiter, s'inspirer de ses ra- 
vissants tableaux, mais 1l est impossible de faire mieux que lui, 
ct ses peintures resteront comme des modèles offerts aux peintres 
d'histoire naturelle de tous les pays. 

Après avoir rendu justice à quelques voyageurs naturalistes 
étrangers, nous devons au moins citer les voyageurs français 
qui ont concouru aux progrès de l'ornithologie. Ce sont surtout 
Levaillant, Delalande, Leschenault, Quoy, Gaimard, Lesson, Dus- 
sumier, d'Orbigny, Jules et Édouard Verreaux, Goudot, Quartin- 
Dillon, Hombron, : Souleyet, Jacquinot, Castelnau, etc., etc. 
Parmi tous ces hommes dévoués à la science, nous signalerons 
Jules Verreaux, comme le type du voyageur naturaliste. C'est 
sous les auspices de Delalande, son oncle, qu'il débuta, en 1818, 
bien Jeune encore, dans la carrière si pénible des découvertes 
scientifiques, par un voyage au cap de Bonne-Espérance. Pen- 
dant un séjour de deux ans dans l'Afrique australe, 1l prépara 
et classa tous les animaux dont Delalande enrichit les galeries 
du Muséum de Paris. Rentré en France, il y passa quelques an- 
nées seulement, et, dominé par son goût pour l'étude de la 
zoologie, il partit de nouveau pour le Cap. Après cinq années 
d’excursions dans l’intérieur de l'Afrique, 1l avait recueilli des 
collections si considérables, qu'il dut faire venir de Paris un de 
ses frères, Édouard Verreaux, pour qu'il l’aidât à les mettre en 
ordre et qu'il en surveillit le transport en France. C'est en 1830 
que ces richesses scientifiques arrivèrent à Paris et furent expo- 


INTRODUCTION. 39 


sées dans une galerie de l'hôtel de M. le baron Benjannn Deles- 
sert, le protecteur si éclairé des savants et des voyageurs natu- 
ralistes. On se souvient encore de la sensation que produisit 
cette exposition d'animaux pour la plupart inconnus et recueil- 
lis par de simples particuliers abandonnés à leurs seules res- 
sources. 


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F;g. 14. — Sphénisque ondine, d'aprè Gould. 


Ce fut un encouragement pour les deux frères, qui voulurent 
explorer de nouveaux pays. Repartis en 1839, ils visitèrent en- 
semble la Chine, la Cochinchine et les iles Philippines. Matheu- 
reusement, les précieux résultats de ces voyages furent perdus : 
le navire le Lucullus, qui les rapportait, périt corps et biens. 
Ce fut seulement à leur retour en France que ces intrépides 
voyageurs connurent le désastre qui les frappait. 

Le découragement ne fut pas de longue durée; Jules Verreaux, 
müri par l'expérience, pouvait encore payer quelque tribut à Ia 


91 INTRODUCTION. 
science. [I se prépara à de nouveaux voyages, et n'épargna rien 
pour en assurer le succès. Stimulé par les collections si curieuses 
et si intéressantes rapportées de la Nouvelle-Hollande par John 
Gould, dont nous avons parlé, c'est vers cette terre, incompléte- 
ment explorée, qu'il se dirigea, après avoir reçu une mission 
spéciale de l'administration du Muséum de Paris. Ce voyage eut 
les plus heureux résultats pour la zoologie, et les galeries de ce 
magnifique établissement s’enrichirent d’un grand nombre de 
types nouveaux. Jules Verreaux rapporta en même temps un 
journal de voyage d’une grande importance par les observations 
qu'il contient; mais ilne peut encore se consoler de la perte de ses 
collections du sud de l'Afrique et de ses notes englouties avec 
les épaves du Lucullus. Depuis son retour, ses regrets se renou- 
vellent chaque jour, car 1l s'occupe de la mise en ordre de 
de toutes ses observations sur les animaux qu'il a étudiés vivants 
et sur place, et dont la publication sera d’un intérêt immense 
pour la zoologie. Le prince Charles Bonaparte avait apprécié 
les vastes connaissances de Jules Verreaux et la confiance que 
les ornithologistes accordent à ses déterminations spéeifiques, 
car 1] l’appela à la collaboration du Conspectus Avium, et la 
seconde édition de cet ouvrage, resté malheureusement incom- 
plet, devait être publiée au nom des deux éminents naturalistes. 
Parmi les ouvrages importants publiés sur les oiseaux, nous 
devons citer le Genera of Birds de Gray, le savant directeur 
du British Museum ; la Faune du Japon et la Fauconnerie de 
Schlegel; l’Iconographie de Desmurs, notre collaborateur; les 
Mémoires de la Société zoologique de Londres; les [ustra- 
tions zxoologiques de Swainson et celles de Smith; les belles 
planches du Journal de Sclater, V'Ibis;: le Voyage en Amérique 
d'Alcide d'Orbigny; les divers Voyages autour du monde pu- 
bliés par les commandants et les médecins de notre marine; 
l'Histoire des Paradisiers et des Oiseaux-mouches de Lesson, 


INTRODUCTION. 55 
celle des Pics de Malherbe, et enfin les Suites aux Planches 
coloriées de Buffon par Temminck et Laugier. Cet exposé déjà 
bien long nous oblige cependant à dire quelques mots de deux 
ouvrages qui ont eu un succès bien mérité : le Monde des Oi- 
seaux ou Ornithologie passionnelle de Toussenel, ot Oiseau 
de Michelet. 


Fig. 13.— Poëphile admirable, d'après Gould. 


Toussenel, le plus spirituel et le plus logique peut-être des 
élèves de Fourrier, a créé tout un système nouveau sous le 
titre d'Ornithologie passionnelle. Cet ouvrage est en effet 
un traité sérieux qui, sous une apparence de frivolité plus où 
moins piquante et avec un mélange d'idées plus où moins para- 


56 INTRODUCTION. 

doxales, n'en renferme pas moins ce qui a été dit Jusqu'à pré- 
sent de plus vrai et de plus nouveau sur cette classe de ver- 
tébrés. 

C'est au moyen de l'étude des mœurs, qui doivent servir L 
base à une classification véritablement ii aux principes 
de l’analogie passionnelle, que Toussenel, partisan, comme nous, 
Buffon et Geoffroy Saint-Hilaire, de l'unité de composition, a 
voulu arriver à coordonner sûrement et définitivement la classe 
entière des oiseaux. Mais son point de départ est différent de 
celui de la plupart des naturalistes qui l'ont précédé. 

Deux systèmes se présentent en fait de classification : procé- 
der du composé au simple, c’est-à-dire du plus parfait au moins. 
parfait, ou du simple au Composé. 

C'est le premier mode qu'ont suivi presque tous les ornitho- 
logistes; seulement les uns, et c’est le plus grand nombre, ont 
considéré les oiseaux de proie, ou Rapaces, comme les plus par- 
faits; les autres, en plus petit nombre, ont donné le premier 
rang aux Perroquets. | 

Toussenel, lui, s’est attaché exclusivement à l'autre mode. Il 
a done pris d’abord l’ensemble de la classe des oiseaux, dans 
l'ordre selon lequel chaque groupe a dü être créé relativement 
au milieu dans lequel il avait à vivre et à se mouvoir. Or, notre 
planète ayant été enveloppée d’eau avant: l’émersion des parties 
terreuses ou terrestres, c'est par les oiseaux d'eau que sa raison 
lui dit de commencer la série, contrairement aux errements 
suivis Jusqu'à ce Jour, car l’analogie passionnelle n'exclut pas 
la raison, quoique l’amour en soit le génie, comme le prétend 
l’auteur du monde des oiseaux. 

Nous dirons cependant que la doctrine de Toussenel est fata- 
lement celle de tout homme intelligent ouvrant son esprit à une 
science qu'il se prend à étudier pour la première fois. Amant 
passionné de la nature par ses instincts et par ses habitudes, il 


_ 


INTRODUCTION. 91 
entre d’un bond et de plain-pied dans une voie glissante. If croit 
ne voir en ornithologie que désordre alors seulement qu'il y a 
désaccord entre ses idées et celles des méthodistes qui l'ont pré- 
cédé, et il essaye de rétablir, à sa manière, l'harmonie dans ces 
éléments un peu étrangers pour lui, sans se douter que bien 
d’autres ont fait le même rêve, et ont cherché, avec plus ou 
moins de succès ou de bonheur, à le réaliser. 

L'histoire naturelle, en effet, au point de vue de la classifica- 


tion, n’a jamais été, après tout, qu'une science de rapports; or 


qui dit rapport dit aussi analogie. C'est donc sous l'influence 
d’un esprit des analogies plus ou moins bien entrevues qu'ont 
procédé les naturalistes anciens et modernes. Les uns ont, en 
conséquence, consulté les analogies anatomiques, organiques ou 
physiologiques; les autres les analogies de mœurs, de nourriture, 
de nidification, et d'éducation des petits chez les animaux de 
chaque classe, voire même les analogies du produit ovarien 
chez les oiseaux. | : 

Il est évident que ces dermers se sont trouvés beaucoup 
plus près de l'analogie passionnelle qu'aucun de leurs émules, 
quoiqu'ils n'aient pas créé le mot. Mais il faut convenir que, si 
Toussenel n’a pas inventé la chose, 1l a fondé et assis sur une 
base plus certaine la science des analogies, et, on peut le dire 
hardiment, 1l a, sous une apparence de Rae ouvert une 
‘vole “TE l'étude de l'histoire naturelle. 

Ce que nous venons de dire du livre de Foussenel peut s'appli- 
quer en partie à celui de Michelet. L'éminent professeur, habitué 
à peindre l'histoire en traits de feu, sentit un Jour le besoin de 
se reposer de ses rudes labeurs; mais ce repos ne pouvait être 
stérile. Son esprit observateur, ses souvenirs, ses conversations 
ou ses lectures du soir, et, comme il Le dit lui-même, ses impres- 
sions, et bien certainement une tendance toute naturelle, fixèrent 
le choix du sujet, « qui devait être une heureuse et charmante 


DUT. r 


T8 INTRODUCTION. 

transition de la pensée nationale à celle de la nature. » Toute 
l’histoire naturelle apparut alors à Michelet comme une branche 
de la politique. Il traite l’oiseau en historien, et les questions 


. intéressantes qu'il aborde nous ont valu un charmant livre. La 


tâche de l'écrivain est admirablement remplie, mais il reste celle 
plus difficile peut-être du naturaliste. Il le reconnait lorsqu'il 
dit, en parlant de la richesse des collections de notre Muséum et 
des impressions du visiteur qui les admire : « En face de cette 
énorme énigme, de cet immense hiéroglyphe, il se tiendrait heu- 
reux s'il pouvait lire un caractère, épeler une lettre. Au lieu de 
cela, ceux qui traversent cet océan d'objets inconnus, incompris, 
sen vont fatigués et tristes. » En effet, comment se rendre 
compte des rapports qui existent entre tant d'animaux aux formes 
et aux couleurs variées à l’infim? C'est cette satisfaction que nous 
désirons donner à l'esprit en faisant l'histoire des oiseaux au 
point de vue du naturaliste; c'est cet méroglyphe qu'on lira fa- 
clement, si l'on veut prendre la peme d'étudier pendant quel- 
ques mstants seulement les caractères d’un alphabet aussi simple 
mais plus imagé que celui qu'apprennent les enfants. Les gé- 
néralités et les détails d'orgamsation par lesquels 1l faut com- 
mencer ne manquent pas d'intérêt, mais 1ls plaisent moins que 
les détails de mœurs; cependant il faut connaître les uns pour 
mieux comprendre les autres, et, si dès les premiers pas la 
route semble nécessiter quelques efforts, un peu de persévé- 
rance permettra d'arriver au point où l’on ne rencontrera plus 
que les compensations les plus attrayantes. 


L] 


PREMIÈRE LECON 


Organes actifs et passifs du mouvement. 


Les corps organisés animaux forment quatre grandes divisions 
ou embranchements, qui représentent les quatre plans princi- 
paux d'organisation d après lesquels tous les animaux semblent 
avoir été modelés : 

La première de ces divisions est celle des Vertébrés; elle com- 
prend tous les animaux mamnufères, oiseaux, reptiles, poissons, 
qui ont une charpente osseuse intérieure composée d’un plus ou 
moins grand nombre de pièces solides, liées les unes aux autres, 
et cependant mobiles à l’aide d’articulations; les plus impor- 
tantes, celles qui protégent les centres nerveux, sont connues 
sous le nom de vertèbres, et l’ensemble de ces pièces est désigné 
sous le nom de dite 

La seconde division est celle des Mollusques. Ce sont des ani- 
maux mous et comme gélatineux, revêtus d’une peau contractile, 
et le plus souvent d’un test cbr ou coquille qui leur cie 
abri'et protection. 


10 PREMIÈRE LEÇON. 

Le troisième Lype est celui des Annelés. Les-animaux qui le 
représentent ont le corps divisé par des plis transverses ou an- 
neaux durs ou mous, servant de points d'insertion à des muscles 
nombreux. Ces anneaux, placés à la suite les uns des autres, sont 
articulés entre eux et forment une sorte de gaine ou d’étui con- 
tenant les parties molles, et remplissant les fonctions analogues à 
celles du squelette des Vertébrés et de la peau ou du test cal- 
care des mollusques. 

Enfin le quatrième type que présentent les animaux est fourni 
par les Zoophytes, qui, s’éloignant des formes animales pour se 
rapprocher de celles des végétaux, offrent à peine l'apparence 
de Ja vie, et dont les organes sont disposés en rayons divergents 
d'un pomt central. 

L'organisation particulière des oiseaux les place au second 
rang parmi les animaux vertébrés, et les sépare complétement 
des autres animaux de la même série ou embranchement. 

Ils ont, comme les mammifères, qui occupent le prenmner rang 
et dont ils se distinguent par l'absence de mamelles et un mode 
particulier de reproduction, 1ls ont, disons-nous, un cœur à deux 
ventricules et le sang chaud, conditions qui ne se retrouvent plus 
chez les reptiles, qui forment la troisième classe, ni chez les pois- 
sons, qui sont à la quatrième et dernière de la série. 

Les caractères principaux de la deuxième classe, dont nous 
avons à nous occuper et qui comprend tous les oiseaux, sont : 
une reproduction ovipare extra-utérine ; des poumons sans lo- 
bes; une circulation double à sang chaud; une peau couverte 
de plumes; un bec corné, dont la forme varie suivant le régime 
propre à chaque espèce; des cavités aériennes qui leur donnent 
une grande légèreté spécifique, en permettant l'introduction de 
l'air, non-seulement dans les poumons, mais aussi dans diverses 
parties du corps et même dans l'intérieur des os. 

Le caractère le plus évident, et 1} n'est pas le moins certain, 


ORGANES DU MOUVEMENT. 4A 


est fourni par les plumes qui couvrent le corps des oiseaux. Nous 
pourrions ajouter que les membres antérieurs des animaux de 


EC 


Fig. 16. — [lumérus de Pélican et son ouverture pour le passage de l'air. 


cette classe sont, à quelques exceptions près, toujours allongés 
et disposés pour la locomotion dans l'air ou le vol, mais une 


Fig. 17. — Aile de rapace. 


disposition analogue existe chez quelques mammifères (Chauve- 
Souris), et ce caractère perd ici par cela même de sa valeur. 
Nous n'avons pas l'intention d'entrer dans de minutieux dé- 
tuls sur l'anatomie et la physiologie des oiseaux. Nous devons 
cependant nous occuper de la description des parties du corps 
qu'il est important de connaître pour avoir une idée exacte de 
l’organisation particulière et si intéressante de ces animaux. 
Commençons par le squelette, 


PSS 
[Se 


PREMIÈRE LECON. 


ORGANES PASSIFS DU MOUVEMENT, OU SQUELETTE. 


Le squelette des oiseaux, comparé à celui des mammufères, des 
reptiles et des poissons, se trouve modifié en raison de la pré- 
dominance excessive de la respiration qui fait parvenir de l'air 


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Fig. 18. — Sque'ette de Cygne. 


dans diverses parties du corps et même à l’intérieur des os. Les 
0S principaux sont généralement celluleux et légers; ceux des 
membres surtout, sans que cela nuise beaucoup à leur solidité, 


ORGANES DU MOUVEMENT. 43 
sont nunces, creux, et organisés pour recevoir de l'air et non du 
üssu médullaire. : 

Cependant, chez les jeunes oiseaux qui ne peuvent encore vo- 
ler, les os sont plus pleins; et 1l en est de même chez les oiseaux 
coureurs, qui n'ont que des ailes rudimentaires. 


LA TÊTE. 


La tête de l'oiseau représente, comme dans tous les animaux, 
une boite osseuse, dont toutes les parties se soudent générale- 


SW 


Fig. 22. — Engoulevent. Fig. 25. — Oie commune. 


ment de très-bonne heure; lAutruche présente cependant une 
exception, et les divers os de sa tête $e soudent assez lentement. 


44 PREMIÈRE LECON. 
Le crâne, arrondi en arrière, aplati en dessous, légèrement dé- 
primé en dessus et sur les côtés, est anguleux et très-prolongé 


Fig. 25. — Cormoran. 


en avant. Les os dont 1l est formé sont plats, articulés par 
des sutures peu profondes, et qui s’effacent promptement avec 
l’âge; on reconnait aisément, en arrière, l'occipital, à la Ease 
duquel est ouvert le trou ovale pour le passage de la moelle allon- 
gée ou épinière. 

Toutefois la forme du crâne varie singulièrement. Il y a des 
différences considérables entre le crâne allongé des gallinacés et 
des Oies, celui plus arrondi des Grues, celui également arrondi, 
mais plus large, des oiseaux de proie, et le crâne extrêmement 
large et aplati de l’'Engoulevent. 

La surface extérieure du crâne présente aussi quelques diffé- 
rences : d'ordinaire elle est parfaitement unie; mais quelquefois 
ic frontal offre les empreintes de grosses glandes au bord des 
orbites; parfois l'occiput et la partie moyenne de la tête sont 
hérissés de fortes crêtes osseuses, destinées à l'insertion des 
muscles; enfin les extrémités des plumes de la tête laissent quel- 
quefois leur empreinte à la surface du crâne, ainsi que les bran- 


| ORGANES DU MOUVEMENT. 49 
_ches hyoïdiennes qui la parcourent, ce qui n'est, chez aucun 
oiseau, plus frappant que chez les Pics. L'os hyoïde, mince, 
délié, et destiné, comme dans les autres animaux, à soutenir la 
base de la langue, est situé entre les deux branches du maxil- 
lire inférieur. L’occiput offre encore un fait remarquable, c'est 
l'existence d'une épine osseuse mobile, qui n’a encore été obser- 
vée que chez le Cormoran. | 

La face est formée en grande partie par le bec, qui est géné- 
ralement très-développé, mais dont la forme varie à l'infini 
suivant la nature des aliments que chaque oiseau préfère et qu’il 
doit saisir; car le bec est, chez ces animaux, l'organe le plus 
souvent unique de préhension. Il n’en est qu'un petit nombre 
qui puissent saisir leur nourriture avec les pattes, et un nombre 
moins grand encore qui, après l'avoir saisie avec les pattes, 
puissent la porter au bec. 


Fig. 28. — Ara. Fig. 29. — Pleiodus 


Le bec est composé de deux mâchoires osseuses couvertes 
d'une gaine cornée parfaitement moulée sur les os, et rem- 


L 4 


46 PREMIÈRE LECON. 

plaçant les dents des autres animaux. La dureté de cette gaine, 
sa courbure plus ou moins prononcée, sa pointe plus ou moins 
aiguë, ses bords tranchants et les dentelures que souvent on y 


Fig. 530. — Grammicus. 


remarque, en font une arme défensive et offensive autant qu'un 
organe de préhension et de travail. Beaucoup d'oiseaux offrent 
des exemples de dentelures saillantes et nombreuses. Quelques 
rapaces diurnes ont le bec denté sur les côtés; celui du Harle 
est dentelé dans presque toute sa longueur, pour pouvoir retenir 
le poisson dont 1l se nourrit. Les deux mâächoires sont quelque- 
fois mobiies, mais le plus souvent l'inférieure seule peut exécu- 
ter des mouvements. Il faut remarquer que cette dernière ne 
s'articule pas directement avec le crâne par un condyle sail'ant, 
comme cela a lieu chez les mammifères, mais avec un os par- 
liculier, désigné sous le nom d'os carré ou tympanique, qui 
s'appuie sur le temporal et fait partie du trou auditif, comme 
chez les reptiles et les poissons. Disons encore, et c'est un trait 
caractéristique de l’organisation des oiseaux, que la mâchoire in- 
férieure, qui, chez les autres animaux, se compose de deux par- 
Lies réunies et soudées en avant, n’ést formée que d’un seul arc 
maxillaire, dont les branches ne sont pas séparables. [’Autruche, 
d'après Nitzsch, est le seul oiseau chez lequel la séparation anté- 
rieure des deux moitiés existe et demeure reconnaissable pendant 
quelque temps. Cependant, à l’état embryonnaire, chaque branche 
latérale chez les oiseaux se compose de six noyaux d'ossification, 


ORGANES DU MOUVEMENT. 417 
qui sont réunis el complétement soudés avant l’éclosion. L'extré- 
mité du bec des jeunes oiseaux encore dans l'œuf porte un petit 
tubercule à l’aide duquel ils percent la coquille et qui ne tarde 
pas à disparaitre. 

La mâchoire supérieure, à son point de réunion avec le crâne, 
conserve, en vertu de la texture élastique de cette partie et des 
os du nez avec lesquels elle est cependant toujours soudée, un 
certain degré de mobihté qui produit en quelque sorte l'effet 
d'une charmière dont l'os carré devient le pivot, et permet de 
faire relever la mandibule supérieure en même temps que l'in- 
férieure s'abaisse, chaque fois que l'animal ouvre le bec. 

Voici quelques-unes des différences les plus essentielles que 
la moitié supérieure du bec présente dans diverses familles : 


Îlest énormément gonflé ou plem de cellules osseuses contenant 
de l'air, et qu'on ne peut considérer que comme des expansions 
des cavités nasales, chez les Toucans et les Calaos, dont le crâne 


48 PREMIÈRE LEGÇON. 
parait être extrêmement petit. Il est très-long et très-orêle dans 
les Colibris, la Bécasse, l’Avocette et l’Ibis; long, mais élargi et 


. — Avocelte. 


Fig. 36. — Engoulevent. Fig. 57. — Bécasse. 


aplati à son extrémité, dans la Spatule; extrêmement fort et so- 
lide dans les Gros-becs; d’une brièveté extraordinaire en propor- 
tion de l’immensité des orbites dans l’Engoulevent, ete. Le bec 
de la Bécasse offre d’autres particularités intéressantes : les deux 
branches qui composent la mandibule supérieure jouissent d’une 
mobilité très-sensible, qui permet à la pointe du bec, une fois 
enfoncée dans la terre ou la vase, de faire l'office de pince sur la 
mandibule inférieure, pour faciliter à l'oiseau la capture des vers 
dont il se nourrit. Il est probable que le même mécanisme est 


ORGANES DU MOUVEMENT. 19 
commun à presque tous les échassiers à bec grêle et cylindrique. 
Enfin le bec de la. Bécasse, celui des autres oiseaux de la même 
famille, ainsi que le bec de la plupart des échassiers et des pal- 
mipèdes, sont plus nourris, quoique durs; 1ls reçoivent, des filets 
nerveux qui leur donnent une sensibilité tactile plus grande, et 
permet aux uns de sentir les vers dans la terre, aux autres de 
cistinguer les substances nutritives au milieu de la vase dans la- 
quelle. 1ls barbotent. 


Fig. 58. — Flamant. 


Les ouvertures qui se trouvent sur chaque branche de la mâ- 
choire inférieure servent à la pénétration de l'air. 

Il est remarquable aussi que les parties latérales de la mâ- 
choire inférieure demeurent quelquefois mobiles dans leur mi- 
lieu, mais dans un sens inverse de celui que nous avons signalé 
dans la Bécasse, et qu'alors elles offrent en cet endroit une sorte 
d'articulation qui favorise l'élargissement de la mâchoire et 
l'ampliation de la cavité bec : c'est ce qu’on voit dans i Engou- 
levent. 

À la partie supérieure du bec, on remarque des lames hori- 
zontales d'avant en arrière, qui sont les os du palais; et d’autres 
lames perpendiculaires percées de plusieurs trous. L'ouverture 
des narines se trouve sur un de ces appendices osseux, qui re- 
présentent les os maxillaires et intermaxillaires des mammi- 
fères. Les os du palais ou os palatins, au nombre de deux, ont 


T. EL D 


50 PREMIÈRE LEÇON. 

servi, l'antérieur surtout, de base à un système de classification 
ormthologique exposé avec succès par un savant physiologiste de 
nos amis, le docteur Cornay de Rochefort. 


LE COU. 


L’articulation de la tête avec la colonne vertébrale se fait par 
un seul condyle, formant une sorte de pivot demi-sphérique 
reçu dans une fossette correspondante de la première vertèbre 
du cou, l’atlas. Cette disposition permet à la tête des mouvements 
plus étendus, et l'oiseau peut tourner sa face complétement en 
arrière. 

Le cou est, en général, proportionné à la hauteur du membre 
inférieur; quelques palmipèdes font cependant exception à cette 
règle. Il est composé de douze vertèbres, mais ce nombre varie, 
selon les familles et les genres, de neuf à vingt-quatre. Ainsi on 
en compte onze dans le Martmet; douze dans la Hulotte et dans 
le Pigeon Bizet; treize dans le Vautour Arrian, le Hibou, la Cor- 
neille noire et le Casoar; quatorze dans l’Aïgle royal, la Buse 
commune et le Coq domestique; dix-huit dans la Grue cendrée; 
vingt et une dans l’Anhinga, et vingt-trois dans le Cygne à bec 
rouge. 

La forme de ces vertèbres est aussi variable que leur nombre. 
Chez les uns la largeur augmente progressivement, depuis la 
tête jusqu'au dos, comme dans l’Autruche, etc.; chez d’autres 
elles sont partout égales, épaisses où amincies, courtes ou allon- 
gées, et munies d'apophyses plus ou moins épineuses. 

Par le passage que les vertèbres livrent intérieurement à la 
moelle épinière, par la manière dont elles sont articulées, par 
leur conformation et l'insertion que leurs apophyses fournissent 
à un grand nombre de muscles, elles ne diffèrent pas beaucoup 
des mêmes os examinés sur les autres animaux; mais le nombre 


ORGANES DU MOUVEMENT. 51. 


plus grand des vertèbres cervicales, dans les oiseaux, explique la 
dimension souvent extraordinaire du cou, sa flexibilité, la facilité 
qu'ils ont à l’allonger et à le raccourcir suivant que les courbes 
qu'il forme s’effacent ou augmentent. Leur structure est telle 
cependant, qu’elle ne permet à la partie inférieure du cou qu’une 
flexion en arrière, et à sa partie supérieure qu'une flexion en 
avant, d'où 1l résulte que, considéré dans son ensemble, le cou 
offre une courbure ou ondulation semblable à celle de la lettre S. 
Après les vertèbres cervicales, remarquables par leur mobilité, 
nous avons à parler des autres parties de la colonne vertébrale, 
qui sont soudées entre elles de très-bonne heure. Viennent d’a- 
bord les vertèbres dorsales au nombre de sept à dix; elles sont 
maintenues par de forts ligaments, et consolidées par la soudure 
de leurs apophyses. Le nombre des vertèbres lombaires et sacrées 
est assez variable; on ne parvient même souvent à le déterminer 
que d’après celui des trous dont elles sont percées (fig. 60). Il est 
d'ailleurs assez difficile d'indiquer exactement où finissent les ver- 
tèbres lombaires et où commencent les vertèbres sacrées, parce 
que, soudées entre elles et les os du bassin, elles paraissent 
faire corps avec ces derniers, qui remontent si haut, qu'ils arri- 
vent aux côtes, et ne laissent pas entre la poitrine et le bassin 
cet espace vidé, ce rétrécissement qu'on remarque dans le sque- 
lette de la plupart des autres animaux, dont les vertèbres lom- 
baires sont dégagées et libres. Cette disposition condamne à 
limmobilité ces diverses parties du dos, et 1l devait en être ainsi, 
car la flexibilité aurait rendu le vol difficile ou aurait exigé un 
grand, développement musculaire dorsal pour soutenir la partie’ 
postérieure du corps dans la position horizontale pendant le vol. 
La longueur et la flexibilité du cou suppléent d’ailleurs, pour les 
besoins des oiseaux, à l'immobilité du tronc. A la suite des ver- 
tèbres sacrées se trouvent les vertèbres coccygiennes ou caudales, 
dont le"nombre, de cinq à sept, est en rapport avec la mobilité 


52 | PREMIÈRE LEÇON. 

plus ou moins grande de la queue. Ces vertèbres sont dégagées 
du bassin, libres, en partie mobiles. La dernière, ou os caudal, 
est plus grande, aplatie sur les côtés, le plus souvent relevée, et 
représente généralement un soc de charrue. | 


— 
= 2 S. à 


Ÿ W ) 
NY © 


Ÿ 


KE 
A 
D) 


A 


Fig. 40. — Thorax du Guillemot. 


LE THORAX. 


Le thorax ou cage de la poitrine, en raison de son élasticité 
et de son ampleur, passe pour le plus parfait de tous ceux qu'on 
rencontre dans la série animale. 


1E 
ss 


ORGANES DU MOUVEMENT. 


Il est formé, dans l'Homme et dans les mammifères, par les 
côtes sur ses parties latérales, par les vertèbres thoraciques en 
arrière, et par le sternum en avant; à sa partie supérieure, laté- 
rale et postérieure les omoplates, et en avant les clavicules le 
consolident et le complètent; mais les omoplates et les clavicules 
n'appartiennent au thorax que par leurs rapports, elles consti- 
tuent la charpente.de l'épaule et la base des membres supérieurs. 
Dans les oiseaux ces mêmes os ferment le thorax, ou s’appli- 
quent sur lui, mais 1ls subissent des modifications importantes, 
et il existe en plus un os impair, qu'on désigne sous le nom de 
fourchette. Nous verrons que ces modifications sont merveilleu- 
sement appropriées aux fonctions des membres supérieurs, qui 
ne servent plus, comme dans d’autres animaux, n1 à la station, 
m1 à la marche, mais sont exclusivement destinés à la locomotion 
aérienne. 

Le nombre des côtes est déterminé par celui des vertè- 
bres dorsales : on n’en compte pas, ordinairement, plus de sept, 
huit et neuf; le Casoar est le seul oiseau qui en ait onze. Leur 
forme varie presque à l'infini, et, pour ne citer que des extrêmes, 
nous signalerons les énormes différences qui existent entre les 
côtes larges et courtes du Vautour (fig. 41) et celles excessive- 
ment longues et fiiformes du Guiliemot nain. 

Toutes les côtes ne se prolongent cependant pas Jusqu'au ster- 
num; et celles qui sont dans ce cas, telles que la première et 
souvent la seconde, n'ont d'union avec lui que par un long 


à) 


J 


cartilage. 


Les autres côtes, et parmi elles les vraies côtes, sont compo- 
sées de deux pièces osseuses, longues, plates et réunies à angle 
plus où moins aigu par un cartilage intermédiaire très-court : 
la première, ou pièce antérieure, se prolonge jusqu'au sternum 
et s'articule avec lui; la seconde, ou pièce postérieure, s’unit aux 
vertèbres rachidiennes. De plus, les côtes sont reliées entre elles 


mn 


J, 


54 | PREMIERE LECON. 

par une épine osseuse, ou espèce de petite apophyse, qui surgit 
du milieu de leur bord postérieur, s'étend obliquement d'une 
côte à l’autre, et s'appuie sur la côte placée Immédiatement après." 


De 
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28 à 


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Fig. 41. — Partie gauche cu thorax du Vautour. 


Cette disposition, et la division des côtes en deux parties, donne 
une grande élasticité aux parois latérales de la cavité thoracique, 
élargit et facilite l'inspiration, favorise l'introduction de la 
dans les poches aériennes, dont nous parlerons plus lom, et 
s'oppose à la compression de ces dermières pendant l'expiration. 

Au-dessous des vraies côtes qui s'articulent avec le sternum, 
il en est une beaucoup plus courte que les autres, flottante, et 
qui répond aux fausses côtes. | 


LE STERNUM. 


De toutes les pièces du squelette des oiseaux, le sternum est 
celle qui a subi la plus extraordinaire transformation. 11 forme 


ORGANES DU MOUVEMENT 99 


une véritable cuirasse à la partie interne et antérieure de la poi- 
trine et de l'abdomen. Le développement considérable qu'il 
prend répond à l’importance des fonctions qu'il doit remphr, et 
ce développement, comme surface et comme fonctions, a lieu aux 
dépens des omoplates, qui ne sont plus, faut-il dire, que des os 
rudimentaires. Le sternum est l'os le plus grand du corps des 
oiseaux; 1l est mince, aplati, évasé, un peu concave à l’intérieur, 
et plus ou moins convexe à l'extérieur. Sur le milieu de sa face 
externe et dans toute sa longueur, s'étend une crête plus ou 
moins saillante en forme de fer de faux. Cette crête, qu’on désigne 
sous le nom de bréchet, s'élève sur le corps de l’os et forme de 
chaque côté une gouttière profonde destinée à loger les gros 
muscles pectoraux moteurs des ailes, et elle est proportionnée 
à la puissance du vol; aussi verrous-nous que le bréchet ne se 
trouve plus chez les oiseaux tels que l'Autruche, le Casoar et 
l’Aptéryx, privés de la faculté de voler, et qu'ils ont même un 
sternum très-petit proportionnellement à leur tulle. Les crêtes 
et les gouttières scapulures qu'on remarque sur les omoplates 


des mammifères, et qui sont destinées à servir de point d’appui 
aux gros muscles de l'épaule et à les loger, n'avaient plus de 


56 PREMIÈRE LEÇON. 

raison d'exister chez les oiseaux, puisque chez eux les omoplates 
et les muscles de la partie postérieure de l'épaule ne devaient 
plus être que des organes accessoires des mouvements de l'aile. 


Fig. 45. — Sternum de Perdrix grise. Fig. 46. — Slernum d Aptéryx. 


La presque totalité de la puissance musculaire nécessaire aux 
mouvements des ailes étant déplacée, les points d'appui ou d'in- 
sertion des muscles mis en jeu pendant le vol devaient être dé- 
placés ausst. 

En effet, c'est sur le sternum que les puissants muscles pec- 


ae 


ORGANES DU MOUVEMENT. 97 


_toraux des oiseaux prennent leurs points d'appui pour pouvoir 


ramer à leur manière dans les airs, dans un des temps du vol. 
L’exécution du second temps n'exige plus de force, puisque la 
faible résistance que rencontre l'aile en se relevant est encore 
diminuée par le poids du corps qui s’abaisse en même temps, 
comme nous le verrons plus tard. Nous avons dans les Crustacés 
un autre exemple du déplacement des points d'appui des mus- 
cles qui jouent un rôle principal pour l’existence des animaux. 
En eflet, les grosses pattes du Homard contiennent un os cartila- 
gineux dont la forme et les fonctions ont la plus grande analogie 
avec l’omoplate de l'homme. 

Le sternum est obliquement échancré en avant et de chaque 
côté, pour recevoir les clavicules, et le milieu de son bord an- 
térieur s’unit à la fourchette, soit par contact immédiat, soit par 
l'intermédiaire de ligaments. Il reçoit aussi des deux côtés les 
pièces sternales des côtes. Il est plein ou percé d’un ou plusieurs 
trous; quelquefois 1! est terminé par des prolongements ou ap- 
pendices plus ou moins larges et plus ou moins allongés, et 
l'espace compris entre ces appendices est rempli par une mem- 


brane assez fine. 


Le sternum est surtout développé chez les Oiseaux-mouches, 
ces pygmées de la classe, mais dont le vol est incessant; 1l est 
moins développé chez plusieurs échassiers, oiseaux marcheurs, et 
se trouve réduit à de faibles proportions chez les oiseaux ter- 
restres qui ne volent pas. 

La hauteur du bréchet varie beaucoup; ainsi une crête ster- 
nale bien développée, avec un sternum large et solide, indique 
un oiseau qui peut voler longtemps et au besoin rapidement, 
comme les vrais Faucons, la Frégate, le Pétrel. 

Une crête très-haute, avec un sternum étroit, n’est pas une 
disposition très-favorable au vol; cependant on la trouve chez 
les oiseaux dont le vol est vif et soutenu (les Martinets), ou 


58 PREMIÈRE LECON. 
pressé, mais court (les Huppes), ou lent, mais prolongé (les 
Grues, les Hérons, les Cigognes). | 
Toutes les fois que la longueur du sternum l'emporte de 
beaucoup sur a hauteur du bréchet, on peut en conclure que 
l'oiseau ne vole pas très-bien; quand, avec cela, le sternum est 
très-long, on peut dire, sans crainte de se tromper, que l'oiseau 
est un bon nageur, mais qu'il vole mal, ou tout au moins qu'il 
uage nueux qu'il ne vole : c’est le cas des Cygnes, des Plongeons. 
ILest vrai que les Pingouins ct les Manchots, qui ne volent que 
peu ou point, ont une crête sternale beaucoup plus développée 
qu'on ne devrait le supposer d’après ces données; mais cette 
contradiction n'est qu'apparente, et s'explique quand on sait que 
ces oiseaux, qui quittent peu la mer et qui nagent submergés, à 
a façon des poissons ou plutôt des cétacés, se servent de leur 
aile comme d’une véritable nageoire, et”se meuvent dans un 
milieu bien plus résistant que l’air : il fallait donc, pour com- 
penser ce désavantage, que la nauure leur donnât des muscles 
puissants et des surfaces d'insertion musculaire étendues. Les 
gallinacés présentent encore une exception de ce genre : leur 
crête sternale est, en effet, généralement très-développée, mais 
cet avantage n'est-il pas aussi compensé par le refoulement de 
cette lame en arrière, et par la faiblesse des points d'appui 
qu'offre aux trois muscles prmcipaux de l'aile un sternum 
presque membraneux? L'absence du bréchet dans le Nandou, 
l’Autruche, le Casoar, l'Ém:u et l’Aptéryx, donne au sternum 
de ces oiseaux la forme d'un bouclier, ou d’une plaque assez 
semblable au plastron des Tortues. Cette disposition, d'accord 
avec le peu de développement des muscles pectoraux, rend bien 
raison, chez ces oiseaux, de l’inutilité de l’aile pour le vol, et de 
son emploi seulement comme moyen auxillaire de la course, 
qu'ils exécutent, en revanche, avec tant d'avantages, qu'ils ont 
mérité le nom de coureurs. 


ORGANES DU MOUVEMENT. 59 
Ainsi donc tout oiseau qui vole bien est pourvu d'une crête 
sternale plüs où moins développée; cette pièce même existe 
encore chez des oiseaux qui ne volent que médiocrement, mais 
qui nagent avec beaucoup de vélocité en s’aidant de leurs ailes; 
elle manque complétement chez ceux où l’ale est un organe pure- 
ment accessoire et passif de locomotion analogue à la voile d’un 
navire. 


Fig. 47. — Sternum d’Autruche. Fig. 48. — Sternum d’Autruche. 


Telles sont les différences principales que présente le sternum 
dans sa forme générale, et il est facile de prévoir qu'il existe 
encore de nombreuses modifications de détail. Aussi MM. de 
Blainville et le docteur l'Herminier ont-ils eu l'idée d’une classi- 
fication basée sur les différences que présente l'appareil sternal 
et le degré d'aptitude des oiseaux pour le vol. Mais cette classifi- 
cation systématique ne pouvait donner que des résultats incom- 


plets. 


a * 


60 PREMIÈRE LEGON. | 


MEMBRES SUPÉRIEURS OU AILES. 


Les membres supérieurs des oiseaux sont formés par plu- 
sieurs os qui sont les analogues de ceux qu'on rencontre dans 
les extrémités supérieures chez l’homme, et ils sont connus 
sous les mêmes noms ou à peu près. 

Cependant ces os, exclusivement disposés pour la locomotion 
aérienne, et par de rares exceptions pour la locomotion dans 
l'eau, présentent des modifications importantes comme nombre, 
comme forme et comme dimension, quelquefois même ils n’exis- 
tent qu à l'état rudimentaire chez quelques oiseaux terrestres 
qui ne volent pas ou ne nagent pas. 


L ÉPAULE. 


L'épaule comprend l'omoplate, l'os coracoïdien ou elavicule, 
et la fourchette. Quelques auteurs considèrent la fourchette, cet 
os spécial aux oiseaux, comme la vraie clavicule, tandis que l'os 
coracoïdien, que nous regardons comme l'analogue de la elavi- 
cule, parce qu'il en remplit parfaitement les fonctions, ne serait, 
selon eux, qu une apophyse détachée de 
l'omoplate. Quoi qu'il en soit, l'ensemble 
de ces os en place est souvent désigné 
sous le nom de ceinture scapulaure. 

L’omoplate, chez les oiseaux, perd son 
importance et ses dimensions, elle est al- 
longée, étroite et atténuée en arrière, sou- 

| vent plus large et plus épaisse en avant, 
Fig. 49. — Sternum et épaule D ANS pe 

PS où elle reçoit l'extrémité supérieure de 

lhumérus; elle s'articule avec un os droit 

et cr os coracoïdien ou dde accessoire, dont l'extrémité 


ORGANES DU MOUVEMENT. OI 
inférieure est unie à l'extrémité antérieure du sternum, et main- 
tent ainsi l'épaule obliquement écartée de ce dermier os, tandis 
que la fourchette, dont nous allons parler, sert, par sa forme et 
son élasticité, à maintenir l'écartement des deux épaules, malgré 
les efforts violents qui tendent à les rapprocher pendant le vol. 


Fig. 50. — Fourchette Fig. 51. — Omoplate Fig. 32. — Fourchetle 
de Faisan. de Martir-pécheur. de hibou. 


La fourchette représente les clavicules, et se trouve en avant 
du sternum, dans l’espace triangulaire que forme cet os avec les 
deux épaules. Sa forme et celle d'un V, chez les gallinacés, les 
passereaux, etc., et celle d'un U chez les oiseaux de proie. Elle 
se compose de deux branches grêles, cyhindriques chez les pre- 
miers, élargies, épaisses, évasées et arrondies chez les seconds. 
Plus la clavicule est ouverte et arquée et plus l'oiseau a de puis- 
sance de vol. Le point de jonction des branches de la fourchette 
ou sa base est Le plus souvent en contact avec la partie antérieure 
et médiane du sternum. La partie supérieure des branches s’ar- 
ticule avec les os de l'épaule. 

Quelques ciseaux n'ont pas de fourchette, ce sont ceux qui ne 
volent pas, comme le Casoar, l’Aptéryx, ou volent à peine, comme 
plusieurs Perroquets, les Toucans, etc. D'autres n’ont qu'une 
lourchette rudimentaire soudée à l'os coracoïdien, et sans union 
des branches, comme l’Autruche. Ce défaut d'union des branches 


RU 6 


62 PREMIÈRE LECÇON. 

se remarque chez quelques espèces, qui cependant peuvent voler, 

l'Effraie, par exemple. Parfois enfin Punion des branches reste 

cartilagineuse, comme on le voit chez un petit nombre d'oiseaux. 
Il nous reste à étudier la disposition des organes du mouve- 

ment où membres qui prennent leurs attaches ou leurs points 

d'appui sur l'épaule. 


MEMBRES SUPÉRIEURS. 


La plupart des oiseaux ont leurs ailes composées chacune de 
huit os, maintenus en rapport par plusieurs articulations. 

Les trois prenuers et les principaux sont : l’humérus, qui est 
attaché par son extrémité supérieure à la Jonction de lomoplate 
et de Ja clavicule, tandis que l'autre extrémité se lie aux deux os 
de l'avant-bras; le cubitus et le radius. 


Fig. 53. — Os de l'aile de l’Aigle commun. 


L'humérus est en grande partie droit et plus ou moims long : 
son extrémité supérieure, qui est fort large, offre une surface 
articulaire oblongue et une grande ouverture pour le passage de 
l'air; son extrénuté inférieure forme une poulie que reçoit la 
partie arliculaire concave de l’avant-bras (fig. 16). 


ORGANES DU MOUVEMENT. 65 


Les os de Pavant-bras, le radius et le cubitus, laissent entre 
eux un espace Imterosseux, et ne sont en contact qu'à leurs ex- 
trémités. Le radius ne peut exécuter aucun mouvement de rota- 
tion sur son axe, ef le cubitus, plus gros que le précédent, porte 
un olécrane très-court. 

Viennent ensuite les petits os de la main représentant le carpe, 
le métacarpe, le pouce, le petit doigt et le grand doigt, ce dernier 
composé de deux phalanges. 


Fig. 54. — Os de l'extrémité de l'aile du Pélican. 


Le carpe n'est formé en général que de deux os très-courts. 

Le métacarpe, chez presque tous les oiseaux, est un os double, 
dont le milieu forme aussi un espace interosseux; ses extré- 
mités seulement sont soudées. À sa partie supérieure, on re- 
marque une petite saillie qui représente un métacarpien rudi- 
mentare pour le pouce, qui s’y trouve articulé. 

Le pouce est composé d'une phalange longue et plate, au bout 
de laquelle il n'est pas rare de voir encore une petite phalan- 
gette antérieure, quelquefois même couverte de corne, et consti- 
tuant alors ce qu’on appelle l'éperon de laile. Nous reviendrons 
plus tard sur cet accessoire, auquel se rapportent les aiguillons 
et les ongles qu'on observe sur l'aile de quelques oiseaux, tels 
que les Kamichis, les Jacanas, les Vanneaux armés, ete. 

Le long doigt, ou doigt médian, se distingue par deux pha- 
langes, dont l’une, inférieure, est assez grosse, mais aplatie, 
tandis que l’autre est petite et conique. 


6# PREMIÈRE LECON. 

Le pelit doigt, enfin, n'est qu'un osselet mince, en forme de 
lamelle, et caché sous la peau. 

Les articulations qui réunissent ces os ne permettent pas toutes 
leur mobilité au même degré; aussi le métacarpe et les doigts 
sont-ils presque sans mouvement direct. 

_L'avant-bras porte les plumes désignées sous le nom | de rémi- 
gés secondaires; le grand doigt et son métacarpien, les rémiges 
primaires ; les rémiges ou pennes bâtardes tiennent au pouce. 

La forme des os qui composent l'aile des oiseaux qui ont la 
faculté de voler est très-suette à varier dans chaque ordre, et 
même de fanulle à famille. Les os de l'aile des oiseaux qui ne 
peuvent voler, tels que l’Autruche, le Casoar, les Pingouns, les 


Fig. 56. — Os de l’aile du Gorfou. 


Manchots, présentent une disposition particuhère; des os moins 
nombreux et des doigts incomplets. Ainsi, à part les dimensions 
des os de l’Autruche, le carpe, chez cet oiseau, ne se compose 
que d'un seul os, et les doigts, réduits à deux, le long et le pe- 


ORGANES DU MOUVEMENT. 69 


Lit, ont de faibles proportions et sont composés de deux phalan- 
ges. Tous les os de l'aile des Manchots sont particulièrement 
remarquables par leur aplatissement, qui les transforme en 
quelque sorte en une véritable nageoire. : 


Fg. 51 — Aile de Gorfou. 


Les dimensions proportionnelles des diverses parties des ailes 
permettent de dire à premmère vue quel est le degré de puis- 
sance du vol d’un oiseau. Les meilleurs voiliers ont un humérus 
court, et l’avant-bras très-développé, comme on le voit chez la 
frégate, le martinet. La longueur de l'humérus augmente-t-elle 
proportionnellement, la puissance du vol diminue; les gallinacés 
sont dans ce cas. L'humérus est-1l plus long que l'avant-bras, 
l'oiseau ne vole pas; telle est l’Autruche. Le développement con- 
sidérable du carpe et des doigts aux dépens de lhumérus et de 
l’avant-bras s’observe chez les oiseaux essentiellement nageurs, 
comme les Pingouins et les Gorfous. 


BASSIN ET MEMBRES INFÉRIEUPS. 


Si nous passons maintenant à l'examen des extrémités infé- 
rieures, nous voyons, dans les os qui les composent, des diffé- 
rences tout aussi considérables, soit comme forme, soit comme 
dimension. 

Les os du bassin, dont nous n'avons dit encore que quelques 
mots, sont au nombre de trois de chaque côté des vertèbres lom- 


66 PREMIÈRE LECON. 
baires et sacrées, qu'ils immobilisent. Ce sont l'ion, Fischion et 
le pubis, soudés entre eux et partageant Pimmobiité du tronc. 


= 
EE 
D ed D 


CNRS RES 


= 
Ta 


= 


= LES UT =.Æ 
= SE 


= 
e, 


Û 


> 


Fig C0. — Bassin 
de Puffin. de Perroquet. 


Fig. 58. — Bassin Fig. 59. — Bassin 
de Perroquet. 


24 se 


Fig. 61. — Bassin de Perroquet. 


L'ilion, le plus développé et le principal de ces os, est assez 
large, mais surtout très-allongé. L’ischion et le pubis sont allon- 
gés aussi, mais sénéralement peu développés. Le pubis forme un 
arc mince, dont les extrénutés se rapprochent plus ou moins en. 
avant. Ces trois os concourent à la formation d’une cavité laté- 


ORGANES DU MOUVEMENT. 67 
rale dans laquelle vient se placer la tête du fémur, qui s’y trouve 
retenue par de forts ligaments. | 

Le fémur est cylindrique, généralement court et plus volumi- 
neux chez les oiseaux coureurs (fig. 66). | 

Le tibia, le péroné, sont fixés à l’extrémté inférieure du f6- 
mur, et peuvent se replier sur lui. La rotule est placée en avant 
de l'articulation du genou. | 

Le tibia offre ordinairement, à son extrémité supérieure, 
plusieurs apophyses, qui tantôt font saillie en avant, sous la 
forme d’une ou deux lames osseuses, comme chez les Pigeons et 
les Canards, tantôt, comme chez les Manchots, se prolongent au 
delà du genou. 

Le péroné, fixé à la parte inférieure et moyenne du tibia, est 
terminé en pointe et ne descend pas jusqu’au tarse. Dans les 
oiseaux de proie nocturnes, il est presque aussi long que le 


. tibia. 


De toutes les parties de la jambe, le fémur est la a. longue 
chez l'homme; c’est l'inverse chez les oiseaux, dont le tibia, 
mais surtout le tarse, dont nous parlerons eu sont . 
beaucoup plus a. 

Dans les oiseaux de proie nocturnes, le übia est deux fois 
plus long que le fémur, et près de trois fois plus que le tarse; 
et ce caractère est plus fortement prononcé dans les perroquets 
et dans la plupart des grimpeurs, qui ont le tarse plus épais et 
beaucoup plus court que le tibia. La jambe de lAutruche diffère 
de celle des autres oiseaux en ce que le fémur est plus gros et 
plus court, le tibia plus long et le tarse plus mince. Les passe- 
reaux ont ordinairement le fémur et le tarse un peu plus allon- 
gés que le tibia; mais dans les échassiers, au contraire, ie fé- 
mur est de moitié moins long que le tibia, et souvent beaucoup 
plus petit que le tarse; ce qui Les rapproche de l’Autruche. Mais 
on ne saurait conclure de cette analogie, comme l’a fait Daudin, 


68 PREMIÈRE LECÇON. 


Fig. 6°. — Faisan. Fig. 65. — Flamant Fig 66. — Autruche. 


54 + ouh, CL 


ORGANES DU MOUVEMENT. 69 


que les oiseaux les plus prompts et les plus agiles à la course 
sont ceux qui ont la cuisse beaucoup plus courte que la jambe 
et le tarse; puisque nous voyons la même disproportion relative 
chez la plus grande partie des oiseaux nageurs et plongeurs. 
Chez ces derniers, trop de longueur des membres imférieurs 
aurait nécessité des muscles proportionnés aux dimensions des 
es, et alors nuisibles aux fonctions à remplir autant que peu en 
rapport avec les habitudes des oiseaux nageurs. 

La jambe des oiseaux a une organisation toute spéciale. 

Ainsi, chez eux, à l’exception des Manchots, le tarse, par sa 
iongueur et sa position perpendiculaire à la suite du tibia, fait 
tellement partie de la jambe, qu'on le prend communément 
pour la jambe elle-même. Il est constitué par un seul os simple 
et long, qui tient lieu de tarse et de métatarse. 

Cet os a ordinairement une longueur considérable, qui, chez 
les échassiers surtout, représente eñ quelque sorte la jambe en- 
üère. Sa forme est cylindrique, quoique sensiblement aplatie en 
arrière; sa tête s'articule avec le tibia, mais son extrémité infé- 
rieure porte une surface articulaire en forme dé poulie à deux 
ou trois facettes, suivant le nombre des orteils. 


— 07 
A ADD LL LA 


Fig. 67. — Doigts de rapace. Fig. 68. — Doigts de Foulque. 


Ces poulies correspondent aux surfaces articulaires des orteils, 


10 PREMIÈRE LECON. 


dont le nombre et la position varient dans quelques familles. 

Presque tous les oiseaux ont quatre orteils. Le pouce se dirige 
presque toujours en arrière, tandis que les trois autres sont 
tournés en avant. Quelques exceptions sont à signaler : ainsi, 
dans le Martinet, on trouve trois orteils en avant, et le pouce 
est placé un peu sur le côté, mais pas en arrière; dans les grim- 
peurs, 1l y a deux orteils en avant et deux en arrière; dans le 
Cormoran, les quatre orteils sont tournés en avant et unis en- 
semble par une membrane natatoire. Le nombre et la position 
des phalanges des orteils ne sont pas non plus toujours les 


CL 1177 540 St 
PETER: 
PRIT 2 2 
Or D 
DL D 
92 
2 


Fig. 69. — Doigis de Coq Fig. T0. — De Casoar. 
de bruyères. 


Fig. 72. — De Cormoran. Fig.15. — De Perroquet. 


mêmes. Ainsi les phalanges des orteils de la Foulque sont dis- 
posées de manière à pouvoir également se courber en dessous et 
en dessus; tantôt le doigt latéral interne et le postérieur ont 


ORGANES DU MOUVEMENT. gli 


chacun une seule phalange et un os onguéal : tels sont ceux de 
la plupart des oiseaux de proie; tantôt les deux latéraux ont 
chacun trois phalanges et un os onguéal, ou bien le latéral in- 
terne a une phalange de moins que l’externe, comme dans beau- 
coup de passereaux. | : 

Chez les oiseaux qui volent peu ou qui ne volent pas, les 
membres postérieurs prennent un développement osseux et 
musculaire considérable; les os sont plus forts et les muscles 
plus épais; ils sont surtout remarquables chez l’Autruche. Chez 
les oiseaux nageurs, les membres postérieurs sont courts, mais 
VISOUTEUX. 


ORGANES ACTIFS DU MOUVEMENT, OU SYSTÈME MUSCULAIRE. 


Les nerfs répandent la sensibilité dans tout le corps, et don- 
nent aux muscles, organes actifs du mouvement, la contractihté 
qui est mdispensable au rôle qu'ils sont appelés à jouer. Chez 
les oiseaux, la creulation plus rapide d’un sang très-chaud et 
riche en oxygène, une respiration plus vive et plus étendue, 
enfin un perfectionnement notable du systèmé nerveux, sem- 
blent être les principales causes du développement extraordinaire 
qu'acquièrent les organes locomoteurs en général et le système 
musculaire en particulier. 

Toutefois Pirritabilité musculaire proprement dite n’a pas une 
bien grande persistance chez eux, et ils sont, de tous les ani- 
maux, ceux chez lesquels elle se montre au plus faible degré. 

Leur système musculaire, comparé à celui des autres classes 
d'animaux, n'offre pas de bien grandes différences dans les di- 
vers groupes qu'ils forment. 

En traitant du squelette, nous avons signalé la mobilité toute 
particulière des vertèbres cervicales, tandis que les vertèbres 
dorsales sont peu ou même pas du tout mobiles. On trouve 


12 PREMIÈRE LEÇON. 

bien aussi, pour correspondance à cette disposition de la char-- 
pente osseuse, un nombre considérable de muscles cervicaux, 
dont plusieurs sont fort longs; mais la plupart des muscles du 
dos n'existent pas chez les oiseaux, car on ne rencontre qu'un 
muscle cervical descendant et sacro-lombaire très-faible, qui n'ac- 
quiert un certam développement que chez le Pingouin, et pro- 
bablement aussi chez le Manchot, le Gorfou et tous les oiseaux 
qui peuvent redresser leur corps et le maintenir dans une posi- 
tion verticale. 

Les muscles les plus développés sont évidemment ceux de Ia 
poitrme, parmi lesquels le grand pectoral, qui détermine l’abais- 
sement ou le battement de l'aile, a surtout des dimensions con- 
sidérables; ces muscles sont nécessaires au mécanisme du vol, 
et chaque partie osseuse de l'aile, même la plus petite, a son 
muscle spécial. Par contre, les muscles pectoraux, et surtout les 
muscles de l’avant-bras, chez les oiseaux qui ne volent pas, no- 
tamment chez l’Autruche, sont réduits à la plus simple expres- 
sion; 1l en est encore ainsi chez les Pmgouins, où l’on ne trouve 
plus guère que de simples tendons. 

Les muscles de la partie postérieure extrême du corps ont 
une grande importance dans la direction du vol; aussi la queue 
a-t-elle des muscles particuliers, qui permettent à l'oiseau d’é- 
taler ses pennes, de les abaisser, de les relever, et de leur impri- 
mer les mouvements nécessaires à un gouvernail. 

La disposition des muscles de la cuisse et de la jambe n’a rien 
de bien particulier. Cependant l’un d'eux est assez remarquable 
par la longueur de son action. C’est le muscle droit antérieur 
partant du pubis, et dont le tendon passe sur le geuou et s’unit 
au muscle fléchisseur des orteils : comme ce dernier passe à son 

tour sur l'angle du talon, il en résulte que les doigts sont néces- 
sarement forcés de se ployer toutes les fois que l'articulation du 
genou est dans la flexion : c’est ce dont chacun peut faire lexpé- 


ORGANES DU MOUVEMENT. 13 
rience avec une patte de Poule fraichement coupée. Ce muscle 
manque chez quelques palmipèdes; on ne le rencontre pas non 
plus chez les Macareux et les Guillemots. Cest par suite de cette 
solidarité et de cette union des muscles droit antérieur de la 
cuisse et fléchisseur commun des orteils que la flexion du ge- 
nou entraîne nécessairement celle des orteils, et que sans effort, 
sans fatigue et même sans le concours 'de la volonté, les oiseaux 
peuvent, en s’accroupissant, se maintenir perchés sur les bran- 
ches pendant leur sommeil. Cette disposition anatomique st mer- 
veilleusement appropriée äux habitudes de ces animaux, pour la 
plupart percheurs, n'exclut pas l'existence de muscles destinés à 
tous les mouvements de la patte et des orteils. Il y a les muscles 
du tarse, du métatarse, et les extenseurs et fléchisseurs propres 
des orteils. La longueur ordinairement considérable des régions 
tarsienne et métatarsienne fait que ceux de ces muscles qui sont 
courts chez la plupart des animaux ont en général ici une éten- 
due proporlionnelle à cette longueur. Ces muscles, amsi que 
ceux des orteils, présentent des différences relativement aux 
proportions de la partie charnue et de la partie tendmeuse. Chez 
les rapaces, les grimpeurs et les palmipèdes, la partie charnue 
a généralement beaucoup plus d’étendue, et sa forme est allon- 
oée; chez les échassiers et les Autruches, les tendons sont pro- 
portionnellement très-longs, et la partie charnue est courte et 
épaisse; chez les passereaux ct les gallinacés, ces proportions 
sont moins extrêmes. 


à = È _ 
NKKQEER, 


— Canéliphage Papou. 


14. 


œ 
D 


] 


Fi 


DEUXIÈME LECON 


Peau, Expansions charnues, Plaques cornées, Éperons, Ergots, 


Plumes, 


La peau des oiseaux est généralement très-mince, et les parties 
du corps où elle paraît le plus épaisse sont celles qui correspon- 
dent à des faisceaux sous-cutanés de fibres musculaires plus ou 
moins prononcés, et destinés à faciliter les mouvements de tres- 
saillement nécessaires au Jeu de la peau et des plumes qui la re- 
couvrent. 

Qui n’a remarqué, en effet, la facilité avec laquelle les oiseaux 
reèvent et secouent leurs plumes, en cas de dérangement ou de 
désordre, pour les replacer dans leur juxtaposition naturelle, ou 
pour se poudrer comme 1ls aiment à le faire chaque jour, afin 
de se débarrassér des parasites qui les gênent? Ils relèvent les 
plumes de la tête pour former une huppé, celles du cou pour 
les développer en collerette, et ils peuvent étaler et relever en 
éventail celles, souvent très-longues, de la queue, comme un 
assez grand nombre d'oisaux et le Paon surtout en fournissent 
des exenrples remarquables. 


16 _ DEUXIÈME LEÇON. 

L'épiderme se détache par petites écailles ou pellicules trans- 
lucides, qui rendent la peau comme farineuse : ce qui n'est, 
dans aucune famille, plus apparent que chez les Perroquets. 

On à cru bien à tort, Jusqu'à ces derniers temps, que l'enve- 
loppe fibreuse générale, qui se rapporte à la peau, était si fai- 
blement développée, qu'il ne restait plus que quelques grands 
muscles peaussiers, ayant pour usage de hérisser et d’abaisser 
les plumes sur les diverses régions du corps et de la tête. Les 
découvertes de Nitzsch ont prouvé 
que c'était une crreur : car il a trouvé 
chez plusieurs oiseaux, notamment 
chez les palmipèdes, et surtout chez 
ceux qu'il appelle les dermorhyn- 
ques où Canards, que chaque p'ume 
est munie de quatre à eng petits 
inuscles destinés à la mouvoir; ce 
qui porte le nombre de ces mus- 
cles à plus de douze mille pour l'a- 
mimal enter : nombre rmmense! 
annonçant à quel degré de perfec- 
tion le système musculaire est arrivé 
chez les oiseaux. 

Des tubercules granuleux s'observent sur presque toute la 
surface de la peau dans quelques familles, mais surtout chez les 
Poules et les Perroquets. Quelquefois ces tubercules sont remplaccs 
par des aréoles polygones, comme on le voit chez les échassters. 

Comme dépendances de la peau, nous avons à parler des ex- 
pansions charnues, plaques cornées, éperons,, et des ongles ou 
ergots des oiseaux. Ce sont des organes accessoires d'ornement ou 
des organes auxiliaires servant d'armes offensives ou défensives. 

Parmi les premiers figurent les expansions charnues où mem- 
braneuses qui se trouvent sur la tête et le cou de la plupart des 


Fig. 75. — Dindon. 


PEAU, EXPANSIONS CHARNUES. 11 


Sarcocamphes et des Vautours parmi les oiseaux de proie; sur la 
tête et la face de certains Calaos; à la poitrine des Céphaloptères; 
à la tête et à Ja face de quelques Mainates, Philédons ou Philé- 
piltes, du Néomorphe et du Glaucope parmi les passereaux ; sur 
la face, la tête et le cou de la plupart des vrais gallinacés, tels 
que les Dindons, les Poules, les Faisans et les Pénélopes; sur les 
mêmes parties chez les Casoars parmi les oiseaux anomaux. Elles 
se remarquent encore chez un grand nombre d'échassiers, 
comme les Grues et les Ibis; chez les gralles, comme les Plu- 
viers, les Vanneaux et les Jacanas, et enfin chez quelques Ca- 
nards. - 


Fig. 77. — Anthochère. 


Fig. T6. — Condor. Fig. 79. — Canard à tête 


grise. 


Ces expansions ne sont pas mertes; elles recoivent de nom- 
breux vaisseaux sanguins et des filets nerveux, sont érectiles, se 
sonflent, se colorent, ou s’affaissent et pâlissent sous l'influence 
des émotions ou des impressions des oiseaux. En général, et 
chez les gallinacés principalement, les mâles seuls sont pour- 
vus de ces appendices. 

La cire est une autre expansion membraneuse qui garnit con- 
stamment [1 base du bec de tous les oiseaux de proie et de tous 
les Perroquets. Elle ne se rencontre qu'exeeptionnellement dans 

1. 


18 _ DEUXIÈME LECON. 
le reste de la série; les Canards n’en offrent qu'un seul exemple 
dans les Céréops de la Nouvelle-Hollande. | 

On remarque aussi sur la tête de quelques oiseaux des plaques 
frontales plus ou moins dures et cornées; les Foulques, les Por- 
phyrions ou Poules sultanes et les Poules d’eau en offrent de 
nombreux exemples. Plusieurs espèces de Hoccos ou Pauxis, gros 
Gallinacés de l'Amérique du Sud, ont à la base du bec un tuber- 
cule osseux, pyriforme et parfois développé en forme de casque. 
Les Phalaris ou Cérorhynques, petits plongeurs des mers polaires, 
ont le bec recouvert d’une membrane calleuse et d’un appendice 
long, obtus, vertical et corné. 


Fig. 80. — Poule sultane. Fig. 81. — Alimoche. Fig. 82. — Foulque. 


. Parmu les seconds sont les éperons et les ergots. 

‘Les ongles qui se trouvent sur la partie de l'aile correspondant 
à la main sont désignés sous le nom d'éperons; ceux que pré- 
sentent. le tarse ou les doigts sont nommés ergots ou ongles. 

Les éperons manquent chez beaucoup d'oiseaux aux phalanges 
des mams où dernières parties de l'aile. Cependant ils existent 
dans un assez grand nombre de fanulles : 1ls sont des organes 
auxiliaires où des armes défensives ou offensives, et servent à 
plusieurs fins que nous indiquerons. 

Ce sont des instruments très-utiles et assez apparents chez les 
jeunes de quelques espèces, qui s’en servent comme de support 
pour favoriser certains mouvements dans le nid. Ils s'atropluent 
et disparaissent à mesure que ces petits grandissent, mais sans 


ÉPERONS, ‘ERGOTS. 19 
cesser pour cela d'exister, et sans qu'il ne soit facile d'en re- 
trouver la trace. Les Martinets, qui ne se reposent hors de leurs 
trous qu’en s’accrochant comme les Chauves-Souris, sont pourvus 
d’un ongle au pouce et d’un autre au premier doigt de l'aile. 
Les Poules d’eau en ont également un qui leur sert à s’avancer 
le long des talus ou des berges plus où moins inclinés, voire 
même à grimper jusque sur les branches des arbres. | 

Chez les Oies d'Égypte, de Gambie, et chez plusieurs espèces 
de Canards, l’éperon, dont on n'a jamais bien pu constater l'u- 
ühté, est tout simplement un organe aux liare dont ne pou- 
vaient se passer ces espèces, qui se retirent et nichent dans des 
terriers en parte faits, 1l est vrai, et abandonnés par des mam- 
mifères rongeurs, mais qu'elles doivent arranger et approprier à 
leurs habitudes, ce qu'elles n’eussent pu fure sans cette précau- 
Lion de la nature. Cet éperon est presque toujours plus où moms 
obtus, et souvent réduit à l'état de tubercule corné,; 1l sert à pro- 
téger l'aile de l'oiseau qui le porté contre l'effet du frottement 


Fig. 85. — Aile de Merganette. 


causé par son travail de mineur. Chez la Merganette, au con- 
traire, cet éperon est très-allongé, robuste, courbé en avant et 
excessivement aigu; 11 devait avoir un autre usage. Et, en effet, 
cet oiseau ne fréquente que les torrents et les cours d’eau tour- 
mentés et brisés par des cascades, dont il remonte le courant, et 
dont, à la facon des Truites, 1l escalade les barrages et les ro- 
chers qui lui font obstacle, grâce au secours puissant de ces 
crampons où harpons d'une nouvelle sorte. 


8) DEUXIÈME LEÇON. 

On voit, d’après ce que nous venons de dire, que c’est faute de 
s'être bien rendu compte des habitudes de ces oiseaux que, pour 
s'expliquer l'existence des éperons chez plusieurs d’entre eux, 
on à supposé que ce devaient être des oiseaux querelleurs, qui 
apporteraient le désordre dans nos basses-cours, si on essavait 
de les y introduire. ; me 

Un assez grand nombre d'oiseaux de rivages ou de marais, 
tous des pays intertropieaux, présentent de fortes épines ou épe- 
rons plus ou mons développés, qui sont bien réellement des 
armes parfois très-redoutables. Ainsi, quoiqu'il existe des Piu- 
viers et des Vanneaux dans presque toutes les parties du monde, 
c'est entre Les tropiques que se trouvent principalement les es- 
pèces armées : au Sénégal, dans la presqu'île et dans l’archipel 
de l'Inde, à la Guyane, au Brésil, au Pérou, à la Nouvelle-Fol- 
lande. Nous citerons le Vannsau à éperon de la Louisiane et celui 
du Chuli, les dermers que l'on rencontre, lun vers le Nord et 
l'autre vers le Sud; les Jacanas, répandus dans les parties les 
plus chaudes de l'Afrique, de l'Asie et de l'Amérique, et enfin les 


À NT SENS EURE SERRE 
SS S > - S 
ÈS à ESS RSA 
PNA s > ESS 
) ; = as 


Kanuchis, aux armes si acérées et si redoutables, et qui se trou- 
vent uniquement dans la zone intertropicale du nouveau monde. 
L'éperon quelquefois double que portent ces oiseaux est une 
arme qui leur devenait irdispensable. Généralement de petite 


ÉPERONS, ERGOTS. | 81 
taille, et ne vivant qu'au milieu des savanes inondées et des 
prairies marécageuses fréquentées par de nombreux reptiles de 
toute taille et de toute grosseur, leur seul moyen de défense, avec 
de tels adversaires, était l'éperon dont est armé le ph de leur aile. 
Ils s’en servent avec succès pour les frapper, les éloigner, les ter- 
rasser ou les tuer, plutôt que pour s’en nourrir. | 

L'ongle, placé à la jambe est plus particulièrement désigné 
sous le nom d’ergot. Dans les espèces qui sont pourvues de cet 
organe, 1l est quelquefois difficile d'en reconnaitre l'existence 
chez les femelles, où il est réduit communément à un simple 
tubercule, de sorte qu'on peut le considérer comme l'atiribut 
exclusif des mâles; il est même remarquable qu'il ne se ren- 
contre que dans l’ordre des gallinacés. Il atteint souvent un 
très-grand développement, et, comme il continue à croître pen- 
dant toute la durée de leur existence, il fournit parfois un 
inoyen de reconnaitre leur âge. 

Les espèces qui ont plus d’un ergot à chaque jambe 
sont peu nombreuses : elles appartiennent toutes à la fanulle 
d2s Francolins, et surtout à celle des 
Éperonniers. Chez ces derniers, les er- 
gots présentent celte particularité, qu'ils 
sont rarement au nombre réguler de 
deux ou trois à chaque jambe, et que plus 
souvent 11 y en a trois à droite et deux à 
gauche. 

Quand les ergots sont aussi forts et 
aussi acérés que chez notre Coq de basse= pig. 85. — patte d'Éperonnier. 
cour, 1ls peuvent fure de profondes bles- 
sures; ce sont des armes redoutables, mais qui le deviendrient 
bien davantage, si elles étaient autrement disposées. En effct, ces 
ergots sont bas placés et dirigés horizontalement, de sorte que 
l'animal, pour en faire usage, doit sauter, le corps renversé, en 


82 _ DEUXIÈME LECON. 

portant les jambes en avant, ce qui expose à perdre l'équilibre. 
Les éperons, placés au pli de l'aile, n'obligent point l'oiseau qui 
s’en sert à prendre une position gênante. À terre, les mouve- 
ments qu'il fait pour frapper de l'aile n’entravent en aucune 
manière les mouvements de ses jambes; en l'air, ils se confon- 
dent avec ceux du vol. ; 

Ces parties, nommées éperons ou ergots, se composent d’un 
noyau osseux très-solide et d’un étui de nature cornée qui le 
recouvre dans toute son étendue, et se prolonge au delà en se 
terminant par une pointe aiguë. 
= Un autre appendice corné se voit à la tête de quelques es- 
pèces, telles que les Calaos, le Tragopan, voire même le Ca- 
soar. Le Kamichi porte aussi à la tête uné sorte de corne située 


Fis. 86. — Tèle de Palamedea. Fig. 87. — Téle de Casoa’. 


sur la ligne médiane et de quatre à six centimètres de lon- 


Le 


gueur. Ces appendices ne peuvent servir aucunement à leur 


défense; et, jusqu'à présent, on n’en connaît point l'utilité. 


Plumes. — Les plumes sont des organes protecteurs en même 
temps que des auxiliures indispensables pour la locomotion 


PLUMES. 83 
aérienne et aquatique; aussi a rareté des plumes chez un oiseau 
indique-t-elle une espèce des rég'ons les plus chaudes, et orga- 
misée pour courir plutôt que pour voler. | 


Fig. 88. — Autruche. 


La formation des plumes, leur développement, leur colora- 

* tion, leur disposition, leur texture, leur renouvellement pério- 

dique ou mue, sont les faits les plus intéressants qui se ratta- 
chent à l'orgamisation de la peau des oiseaux. 

On remarque, sur le jeune oiseau qui vient de sortir de 
l'œuf, des follicules disposés en quinconces d’où sortent des fais- 
ceaux de soies duveteuses, qui ne sont en quelque sorte que la 
couronne de la plume proprement dite. Ces faisceaux tombent 


84 DEUXIÈME LEÇON. 
aussitôt que lé tuyau de la vraie plume se développe: et celle-ci 
naît dans une gaîne bulbeuse, à peu près comme naissent les 
cheveux et les poils des animaux; mais la complication plus 
évidente de la plume entraine naturellement celle de l'appareil 
qui la produit. 
Les vaisseaux sanguins et les nerfs du derme apportent au 
bulbe leurs ramifications très-apparentes dans la jeune plume, 
et la nourriture nécessaire au développement de l'organe. Une 
jeune Corneille, dont les pennes avaient déjà de quinze à dix-sept 
centimètres de longueur, a servi à l’anatomiste Carus pour dé- 
montrer les rapports de la circulation du sang de la plume avec 
la circulation générale. Il a injecté, par l'artère brachiale de cet 
oiseau, du mercure qui est venu remplir le tuyau des pennes de 
l'aule. 


Fig. 89. — Jeune Pigeon. = 


L'appareil qui est le siége du développement de la plume se 
compose d'un follicule tapissé d'une membrane muqueuse (épi- 
thelium), et contenant le germe du bulbe générateur de la 
plume. Disons tout de suite qu'une plume, arrivée à son déve- 
loppement complet, a : ; 

1° Un tuyau dur, d'aspect corné, rempli d’une membrane ex- 
cessivement mince el formée de plusieurs petits cônes s’emboi- 
tant les uns dans les autres. Cette membrane se flétrit en se 


PLUMES. 


80 


desséchant, et elle est connue sous le nom d'âme ou de moelle 
du tuyau. Le tuyau d’une plume nouvellement formée est en- 
core mou et contient un peu de sérosité sanguinolente; mais 


… bientôt cette sérosité sera résorbée et 
remplacée par de l'air, comme nous 
le dirons en parlant de là pneumati- 
cité des oïseaux. Enfin, chez ces ani- 
maux, destinés à vivre en partie dans 
les airs, le diamètre mtérieur et la 
longueur des tuyaux sont d'autant plus 
prononcés qu'on les examine sur des 
espèces dont le vol est plus puissant, 
comme l'Aigle, et surtout sur celles 
dont les ailes ne sont pas aussi bien pro- 
porlionnées au poids du corps, comme 
le Cygne, lOie, l'Outarde, ete., nous en offrent 
des exemples. | | 

2° Une:tige, prolongement du nd Cette 


partie de la plume est dure aussi, d’ appar nee 


cornée, simple, carrée, ee arrondie à 
sa he dorsale, et divisée par un sillon plus où 
moins profond à sa face opposée. La tige est 
pleine d’une substance (moelle de la tige) opa- 
que, blanche, molle, d'une consistance analogue 
à celle du hége. Le tuyau, en se confondant avec 
la tige, se prolonge sur elle, surtout à sa face 
supérieure, et d'autant plus loin que la plume 
appartient à une espèce dont le corps est plus 
lourd. À sa face mférieure et au point de jonc- 


Fig. 90. — Plume 
de Calao. 


tion du tuyau avec la tige, à l'endroit mème où les barhbes laté- 
rales de la plume se rejoignent, on remarque la trace d’une 
ancienne ouverture mamtenant oblitérée : c'est l'ombilic supé- 


TE I 


8 


86 __ DEUXIÈME LECON. 
rieur. L'ombilic inférieur se trouve au bas du tuyau et à son 
du de Jonction avec la papille du derme. À 

5° Des barbes latérales, ou lamelles aplaties, plus ou moins 
allongées et serrées les unes contre les autres. Ces barbes sont 
quelquefois très-espacées, très-molles, très-duveteuses sur di- 
verses parties de la plume, toujours beaucoup plus fermes et plus 
serrées aux ailes et à la queue, souvent beaucoup plus grandes 
au côté interne qu'au côté externe de la tige, où elles n’apparais- 
sent même dans quelques espèces qu’à l’état rudimentaire. En 
un mot, la dimension des barbes varie considérablement, et 
donne aux plumes des formes particulières dans un grand nom- 
bre de fanulles. 

4° Enfin des barbules et des crochets qui se trouvent sur les 
côtés des harbes, comme les barbes sont sur les côtés de la tige. 
Les barbules même ont quelquefois des barbellules, nouvelles 
divisions encore plus petites. Les barbules sont destinées, par 
leur entre-croisement et par leurs crochets, à donner à la plume 
la consistance et la légèreté qu lui permettent de frapper l’ar 
sans que cet élément la traverse. Elles sont plus larges, ont une 
disposition particulière, et forment de nombreuses facettes po- 
les, à couleur changeante ou métallique, chez quelques oiseaux. 

La plume, avons-nous dit, prend naissance sur une papille du 
derme. La gaine dans laquelle elle se développe, globuleuse d’a- 
bord, devient successivement conique, cylindro-conique, cylin- 
drique, et elle croît dans la même proportion que la plume 
qu'elle enveloppera, quelle que soit sa longueur. On n’en voit Ja- 
mais, 1l est vrai, qu'une très-fable partie, parce que le contact 
de l'air la dessèche à son extrémité libre, et que l'oiseau la dé- 
chire et la fait tomber par petites parties, pendant qu’elle conti- 
nue à croître sur la base du bulbe. En examinant une plume 
sèche, on aperçoit la dernière trace de cette gaine sur le tuyau 
auquel elle est adhérente; ses fibres sont transversales et non 


PLUMES. 81 
longitudinales, comme celles de ce dermier; c'est cette gaïne qu'on 
est obligé d'enlever en la raclant, lorsqu'on veut, pour écrire, 
se servir d'une plume non préparée, comrhe celles qui sont dans 
le commerce. 


RE 
LE Na 


Fig. 91. — JeunePigeon. 


Toutes les plumes ont la même structure, et, quelle que soit 
leur forme, elles se composent des mêmes parties essentielles et 
se développent de la même manière. Il existe peu de travaux 
spéciaux sur l'organisation et le mode de développement des 
plumes; le Mémoire de Frédérie Cuvier les analyse tous, et fait 
connaître les recherches qu'il a faites lui-même, et qui ont 
_éclairé la question. Pour se rendre bien compte de la formation 
et du développement des plumes, 1l faut avoir sous les veux un 
Jeune oiseau d'assez forte taille, Pigeon, Poulet ‘ou Dindon, lui 
enlever une grosse penne encore en partie couverte de la gaine, 
qu'il sera facile de fendre dans sa longueur jusqu’à l'ombilic im- 
férieur, et examiner à la loupe la disposition des parües solides et 
liquides qui s’y trouvent en rapport. 

Le bulbe est l'organe product ur de la plume. Il se présente 
sous la forme d'une petite vessie allongée, fibreuse, et remplie 


88 _ DEUXIÈME LECON. 


d’une matière molle, muqueuse ou albumineuse. La membrane 
fibreuse qui 12 constitu: à un feuillet externe et un feuillet in- 
terne désignés aussi sous 12 nom de membranes striées. Après 
avoir divisé la gaine et le bulbe qui les contient, on remarque, à 


: Fig. 92. Fig. 95. Fig. 94. Fig. 93. 
Plumes de Hocco. 
2. — Gaîne ouverte et montrant le bulbe revêtu de la membrane striée interne. 
Fig. 93. — Gaine ouverte et montrant les parois renversées de la gaine. 
Fig. 9%. — À gaine; B partie inférieure du bulbe; CG ombilic inférieur; D bulbe; 
E barbes repliées ; F partie supérieure du bulbe. 
Fig. 95. — Plume sur laquelle on a enlevé le bulbe. 


la partie dorsale et médiane, des stries longitudinales extrême- 
ment fines, et, sur les côtés, des stries obliques aussi ténues, 
dont la constatation facile permet de supposer par analogie 
l'existence d'autres stries plus fines encore diversement dispo- 
sées, mas qui échappent à nos moyens d'investigation, moins 
par leur imperceptibilité que par la difficulté de les isoler. 


PLUMES. 89 

Ces stries indiquent les organes ou sillons dans lesquels la ma- 
tière constitutive et colorante de la plume vient se déposer, ainsi 
que les cloisons rmperceptibles qui séparent les barbes et leur ser- 
vent en quelque sorte de moule. Le tuyau n'existe pas encore, 
et le développement de la plume commence par son extrémité 
terminale, c'est-à-dire par la partie la plus mince de la tige et 
par les barbes et les barbules latérales. Les barbes, qu’on dis- 
tingue parfaitement à la loupe quand on a ouvert la gaine d’une 
Jeune plume d'un oiseau encore au nid, sont représentées par 
les stries obliques dont nous venons de parler. La tige, à peme 
apparente, est garnie, à droite et à gauche, dans le premuer 
temps de sa formation, d'une exsudation muqueuse à peu près 
de la couleur que devra avoir la plume, exsudation qui consti- 
tue les barbes, prend peu à peu de la consistance, et laisse, dans 
l'intérieur de la membrane enveloppée par la gaine, ces barhes 
encore humides et enroulées comme une feuille naissante. La tige 
et ces barbes se constituent en plusieurs jours par la succession de 
petits cônes qui s’élargissent progressivement et qui poussent les 
parties déjà solidifiées et prêtes à sortir du maillot que la gaine 
lorme autour d'elles. Bientôt cette gaine, ouverte à son extrémité 
libre, se dessèche, avons-nous déjà dit, et laisse à nu la pointe 
de la plume, qui se découvre progressivement dans toute sa lon- 
gueur. La matière colorante apportée par la circulation varie 
comme les teintes du plumage; cependant la couleur primitive 
n'est pas toujours celle que l'oiseau aura après la première mue, 
et, à plus forte raison, rien n’y révèle encore les brillantes cou- 
leurs que pourront avoir les plumes des oiseaux aduites. Ainsi 
cette couleur est pâle d'abord, chez certains oiseaux, les rapaces 
diurnes, par exemple, qui ont généralement un plumage foncé; 
elle est grise, jaune ou norâtre, chez les oiseaux qui, comme les 
Cygnes, auront un plumage blanc. Quand la plume a atteimt une 
grande partie de son développement et que presque toutes les 

8. 


90 __ DEUXIÈME LEÇON. 

barbes sont formées, celles qui se forment encore sont générale- 
ment plus courtes, plus molles, plus. duveteuses, comme si le 
bulbe qui continue à les produire avait épuisé ses sucs nourri- 
aers. Le fait est qu'alors le Hulbe se simplifie, comme l'a dit 
Frédéric Cuvier, «sa portion en contact avec la tige se rétrécit, 


F9, 9%: 


Fig. 96. — Coupe d'une capsule de Hocco. 

Fig. 97. — Plume de Marabout, en partie 
ouverte pour montrer la comm'mica- 
tion des cônes du tube et de la tige 
avec les cônes membraneux extérieurs 

* enlevés, E G cônes du tube et de Ja 
tige ; G cône renversé; D ombilic su- 
périeure renversé. 


et les deux lignes sur lesquel- 
les les barbes naissent se rap- 
prochent en même temps que 
le tuyau commence à se for- 
mer par la réumon des fibres 
cornées et une disposition nou- 
velle des petits cônes déjà imdi- 
qués. La face dorsale de la tige 
s’élargit et s’arrondit en tube 
en suivant le rapprochement 
des barbes au côté opposé. Un 


moment arrive où le Lulbe, 


comprimé par ce rapproche- 


. ment, n° tent plus à la partie : 


qui jusque-A a produit les bar- 
bes et la couche cornée que par 
un léger pédicule qui reste en- 
tre la matière spongieuse et la 
matière cornée, c'est-à-dire 
dans Fombilicsupérieur. Ainsi, 
dans les plumes à tige solide, 
la partie antérieure du bulbe, 
étant oblitérée en même temps 


que la portion postérieure, ne produit plus de matière spon- 
gieuse, d’un? manière sensible du moins, au-dessous de Fombilie 
supéricur, tandis que, dans les plumes à tige tubuleuse, cette 
portion antérieure, se continuant immédiatement avec le bulbe 


“PE UMTES. 91 
du tube, reste plus longtemps vivante, et la matière spongieuse 
se dépose encore longtemps après que les barbes ne naissent plus 
et que l’ombilic supérieur est fermé. Dès que les barbes cessent 
d'être produites, la partie cornée de la face externe de la tige se 
dépose en une sur toute la circonférenc® du bulbe, et le 
tuyau se forme. Dans cette formation, les parois int°rnes de la 
gaine s'unissent au tuyau et le retiennent solidement. Enfin le 
moment arrive où le bulbe à produit tout ce que la somme de 
vie dont il était pourvu lui permettait de produire; 11 se rétr écil 
par degré, se retire en laissant une série plus ou moins nom- 
breuse de petits cônes membraneux (moelle du tuyau); le tuyau 
suit ce rétrécissement et se termine en une pointe obtuse au 
milieu de laquelle est percé l'ombilic inférieur, » au point de 
contact avec la papille du derme. 

Lorsque l'oiseau vient d’éclore, 1l est couvert, excepté sous le 
ventre, de soies fines, serrées et implantées par petits paquets 
de quinze à vingt sur les bulbes qui contiennent le germe de Ja 
plume. Nous verrons que plus tard les parties médianes du ven- 
tre resteront toujours nues, et qu'elles seront seulement cou- 
vertes par les plumes des flancs. 

Lorsque la plume se développe, elle ne devant elle les 
soies, qui ne tombent qu'après l’entier développement de celle-e1. 
Dans les oiseaux de proie et dans les oiseaux aquatiques, ces soies 
sont remplacées par un véritable duvet, qui recouvre entièrement 
le petit, fort peu d: temps après l’éclosion. C’est chez ces oiï- 
seaux que ce duvet adhère le plus longt:mps aux plumes; en 
sorte qu après plusieurs jours l'animal ressemble à une pelote, 
et plus tard, après un mois, 1l parait encore tout couvert de ce 
duvet, flottant comme un ornement à l'extrémité de chacune de 
ses plumes. 

Cependant ce duvet n’est que ce que nous appellerons le duvet 
cadue, où du jeune âge, commun à la généralité des oiseaux. I 


92 DEUXIÈME LEÇON. 

y à un vrai duvet permanent, ou duvet d'adulte, qui se trouves 
surtout chez les oiseaux nageurs, et dont nous devons aussi par- 
ler. Ce duvet consiste en une plume courte, adhérente à la sur- 
face de la peau, à tuyau grêle, à barbes longues, égales, dés- 
unies et floconneuses. C’est une fourrure chaude et légère, 

placée, sans gêne pour l'animal, entre sa peau et ses véritables 
plumes. Ce duvet devait naturellement être, et il est en eflet 
plus fourni sur les oiseaux qui sont exposés à supporter de 
grands froids, soit parce qu'ils s'élèvent souvent dans les hautes 


Fis. 93. — Jeune Vautour. 


régions de Pair, comme les oiseaux de proie diurues; soit parce 
qu'ils ne sortent que la nuit, comme les nocturnes; ou parce 
qu'ils habitent des élimats plus septentrionaux, des montagnes 
élevées, ou qu'ils vivent sur les eaux, dont la température est gé- 
néralement plus froide. Tel est le duvet que fournissent l'Eider, 
le Cygne, lOie et la plupart des palnipèdes. Nous ferons remar- 
quer que les jeunes de ces oiseaux sont couverts, dès leur sortie 
de l'œuf, d'un duvet beaucoup plus épais et gras, parce qu'ils 
vont tout de suite à l'eau, et que l'apparition des plumes, chez 
eux, est plus tardive que dans les autres espèces; leur genre de vie 


PLUMES. 93 
les forçant à nager longtemps avant de voler, il leur fallait un 
duvet résistant à l’eau et au froid. | 

Les diverses parties des plumes varient beaucoup. Il se peut 
qu'un seul tuyau porte deux tiges, comme on le remarque sur 


11777 
1% D À 


Falcinelle. Manucode. Canéliphage. 


le Casoar et sur beaucoup d'autres oiseaux, le Faisan, par exem- 
ple. Les barbes offrent aussi de nombreuses différences : fré- 


ai DEUXIÈME LEÇON. 

quemment, en effet, elles présentent des appendices secondaires, 
tertiaires et même quaternaires; de sorte qu’au lieu d'offrir 
deux rangs opposés de barbes sur le même plan, ce qui est le 
type ordinaire de la plume, elle en offrira un ou deux autres 
rangs verticaux, c'est-à-dire perpendiculaires aux deux premiers, 
et à angle droit avec eux; telles seraient, par exemple, les plu- 
mes appelés marabouts, du nom de l'espèce de Grue dont elles 
proviennent. Elles sont tantôt très-serrées les unes contre les 
autres, et tantôt écartées, comme dans le duvet; elles présentent 
souvent sur leur trajet de petits nœuds presque semblables à 
ceux qui garnissent la tige d’un grand nombre de plantes; enfin, 
dans les plumes remarquables par le brillant métallique ou des 
couleurs irisées, elles sont ordinairement pourvues, comme l’a 
remarqué Heusinger, de petites dépressions régulières, percep- 
tibles seulement au microscope, et qui agissent comme autant de 
miroirs, et reflètent la lumière avec plus de force. 

La transformation des plumes en poils ou en soies se présente 
quelquefois aussi. Le Casoar en fournit un exemple; ses plumes 
peuvent être considérées comme de simples tiges sans barbes ou 
sans barbules, et fables partout, si ce n’est aux ailes, où elles 
ont un peu plus de force. ; 

D'après les observations de Gloger, savant naturaliste de Ber- 
lin, une transformation analogue, «mais accidentelle, se produit 
lorsque les barbes des plumes tombent sous l'influence d'un cli- 
mat très-chaud; c’est ce qu'il a vu chez de Jeunes Aigles d’Afri- 
que, où les grandes plumes tectrices postérieures des ailes étaient 
dépouillées de leurs barbes dans une étendue de six à huit cen- 
limètres, et ressemblaient parfaitement à des piquants. À ce su- 
jet, nous ferons observer que l'usure et le frottement des plumes 
sur les rochers que ces oiseaux fréquentent suffisent pour produire 
le même résultat. Une autre transition normale de la plume au 
poil est offerte par le pinceau de crins noirs que le Dindon 


PLUMES. 


porte naturellement en avant de la poitrine, et qui 
représente un de ces faisceaux primitifs mdiqués pré- 


cédemment, et dont les soies, au lieu d’être pous- 


sées par une plume, continuent à se développer et 
se couvrent d’un épiderme mince, qui n'est autre 
que la partie correspondante et analogue à la gaine 
qui couvre le tuyau de la plume. Enfin on trouve 
aussi de véritables poils sur quelques parties du 
corps, notamment à la base du bec, chez le Gy- 
paëte, les Corbeaux, les Céphaloptères, etc. 

Les plumes, toujours dirigées d'avant en arrière 
et se recouvrant pour ne pas être relevées par la ré- 
 sistance de l'air, subissent encore, selon les ordres, 
les familles et même les genres, une foule de mo- 
dfications dans leur développement et dans leur 
structure intime. Ainsi 1l n'est pas rare de les voir 
réduites à une simple tige flexible, plus ou moins 
allongée, ressemblant, soit à du crin, soit à de la 
baleme, et d’üne forme aplatie, cylindrique ou même 
triangulaire : c’est ce dont la riche famille des pa- 
radisiers offre de nombreux exemples; dans ce cas, 
la tige seule s’est développée sans accessoire de barbes 


Fig. 105. Fig. 107. 
Toucan de Beauharnais. Toucan de Beauharnais. 


95 


TE = = ED | 
RTE PET Se Se SD + MR DR + + SR RS Ses nm ee 


SR CS 


SE 


LCL 
KK 


KES 


SEPT 


SRE 


Fig. 108. 
Paille en queue. 


ou de barbules. Quelquefois il v a des interruptions de barbes sur 


96 DEUXIÈME. LEÇON. 

la tige, ou bien ces barbes ne se montrent qu'à l'extrémité, où 
elles forment une sorte de palette terminale. Mais ces plumes 
ne servent jamais que de parure ou d'ornement, à la tête, à la 
queue et à ses couvertures, où aux ailes et à leurs couvertures. 
D’autres fois, les plumes apparaissent sous la forme d’une feuille 
squameuse, douce, élastique, luisante et plus ou moims rubanée 
ou papillotée, tantôt couvrant seulement la tête, comme chez le 


Toucan de Beauharnais, le Malkoha de Cuming; tantôt couvrant 


le dos ou l'estomac, comme chez le Cotimga lamellipenne, .quel- 
ques galinacés, tels que le Coq de Sonnerat, et es grands échas- 
siers d'Afrique et d'Australie, l’Anastome lamelligère et l'Tbis 
lamellicol. Encore, dans ces dermiers cas, n’y a-t-1l que la der- 
mère moitié ou le dernier tiers des plumes, vers la pointe, qui 
offre cette transformation. Il est évident que les barbes sont 


restées indivises, car la plume n'en à ni plus n1 moins de lar- 


geur ou de longueur (fig. 106-107). 

Les plames squamiformes des Manchots se rapprochent aussi 
de ces exceptions; elles ont même un point de comparaison de 
plus avec la substance connue sous le nom de Baleme, car les 
bords seuls de ces plumes sont amincis et effilés ou filamenteux, 
comme dans les fanons de ce Cétacé. 

Ces ornements, que la nature a accordés à quelques oiseaux, 
et dont elle n'a cependant pas paré le plus grand nombre, ne 
consistent pas en une addition de plumes que n'aient pas les es- 
pèces moins luxueuses; ils ne dépendent que d'un développe- 
ment plus grand des plumes qui leur correspondent chez les 
oiseaux d'espèces moins ornées. Ainsi les trois filets plumeux 
que le paradisier connu sous le nom de Sifilet porte de chaque 
côté de la tête (fig. 110) ne sont que trois plumes étroites qui 
couvrent le méat auditif de tous les oiseaux, et qui, chez 
celui-ci, sont extraordinairement prolongées. Il en est de même: 
des plumes brillantes qui flottent sous. les ailes et sur les deux 


2 ES” #8 : 


PLUMES. 01 
flancs de l'oiseau de paradis désigné sous le nom d'Émeraude, et 
de celles qui accompagnent sa queue; ces belles plumes, extré- 
mement longues et étroites sur l'Emeraude, se trouvent à l'état 
normal et plus simples chez les autres oiseaux, et sont placées 
transversalement au-dessous de l'aile et dans lausselle (fig. 112). 

Ces exemples suffiront pour démontrer que les parures qu'on 
remarque sur un assez grand nombre d'oiseaux ne sont que des 
modifications spécifiques dans la forme, la structure ou la direc- 
lon de leurs plumes, et les animaux d tous les ordres nous four- 
nissent de nombreux exemples de transformations analogues. 

Ces parures sont plus communes, plus variées, plus riches et 
plus brillantes chez les oiseaux des pays chauds; elles sont plus 
rares, plus modestes, chez ceux qui habitent les climats froids ou 


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Fig. 109. — Manucode mâle. 


tempérés. Enfin les mâles seuls prennent ce beau plumage à l'é- 
poque à laquelle ils ont surtout besoin de plaire à leurs femelles. 
SE 9 


O8 DEUXIÈME LECGON. 

C'est surtout à l'égard de leur coloration que les plumes va- 
rient. L'influence puissante et Imcontestable de la lumière et de la 
chaleur pour produire les couleurs se mamifeste par la vivacité 
des teintes que les plumes offrent dans leur portion découverte à 
la partie supérieure du corps, chez la plupart des oiseaux 
diurnes, surtout chez ceux des pays chauds. Suivant Gloger, la 
chaleur du climat aviverait principalement les couleurs des 
plumes du bas-ventre et de la tête, tandis que le froid affubli- 
rait surtout celles du haut du corps. Cette observation nous pa- 
rait peu d'accord avec ce qui se voit chez les Oiseaux de paradis 
et les Oiseaux-mouches, dont la tête, la gorge, et quelquelois les 
flancs, concentrent tout l'éclat du plumage. 

Elle est tout aussi peu d'accord avec ce que nous savons de la 
coloration de nos oiseaux du nord de l'Europe, tels notamment 
que les Linots, les Bouvreuils et les Becs-croisés, tous du cercle 
arctique. Il résulte, en effet, des observations faites sur @gs oi- 
seaux remarquables par leurs temtes rouges, que si cette eou- 
leur, ainsi que l'a fait observer le baron Muller, atteint sa plus 
grande vivacité dans le Nord si froid et généralement si peu 
éclairé, la lumière et unetempérature élevée sont peu nécessairés 
pour la produire. 

S'il en est ainsi, quelles sont les causes de la coloration du 
plumage”? Quelle est la nature de la matière colorante? Com- 
ment s opère cette coloration? Ces trois questions, souvent dis- 
cutées, et qui se présentent naturellement ici, sont restées Jus- 
qu'à ce Jour sans solution satisfaisante. 

Les sucs nourriciers de la plume arrivent au bulbe, avons- 
nous déjà dit, par les vaisseaux ramifiés du derme, et ils y dé- 
posent la matière constitutive et colorante nécessaire à la forma- 
tion de toutes les parties de l'organe. Cet afflux de sucs nourriciers 
se continue jusqu'au développement complet de la plume. Alors 
le tuyau se durcit, l'étranglement que nous avons signalé à sa 


PLUMES. | ne 
base (ombilie mférieur) se resserre, le sang cesse d'y arriver, la 
matière l'emporte sur la vie, qui n'avait été donnée que pour 
un temps limité, et, tous les ans, chaque bulbe peut donner : 
naissance à une nouvelle plume pour remplacer celles qui se flé- 
trissent et que la dessiccation fait tomber, comme nous le verrons 
en parlant de la mue. 

Quelques auteurs pensent que la circulation dont nous avons 
signalé l'existence dans la Jeune plume et la cessation dans celle 
complétement formée reparaît aù moment où celle-c1 doit 
prendre de nouvelles couleurs, et que, dès que ce changement 
(métachromatisme) doit s'opérer, on remarque que la racine de 
la plume se ramollit et qu'il y arrive de nouveaux éléments li- 
quides qui contiennent la nouvelle matière colorante. Nous ne 
partageons pas cette manière de voir, et nous ferons connaitre 
plus loin les observations concluantes faites par Jules Ver- 
reaux. Nous croyons que la matière colorante, quand elle n’est 
pas arrêtée par une cause accidentelle, accompagne toujours les 
sucs nourriciers de la plume à l’époque de sa formation. Une 
blessure légère de-la peau et des bulbes qui s’y trouvent peut 
faire obstacle à la production ou à la transmission de la matière 
colorante; nous avons de nombreux exemples d’arrêts de colora- 
tion chez les mammufères comme chez les oiseaux. IL y a chez 
ces dermiers des variétés albines, comme chez les premiers, et 
ces jeux de la nature permettent de constater que l’albinisme 
accidentel ou naturel, partiel ou complet, n'apporte que des 
modifications de couleur et non des complications de texture 
sur les parties des animaux qui en offrent l'exemple. Les albi- 
nos ont un système tout aussi complétement développé que leurs 
espèces similaires colorées d'une façon normale. 

Le régime de la captivité pour les oiseaux sauvages et la do- 
mestication pour nos oiseaux°de basse-cour produisent des ar- 
rêts de développement et des variétés de couleur à l'infini. C'est 


100 : DEUXIÈME LEÇON. 


ainsi que quelques oiseaux sauvages, les Chevaliers entre autres, 
ne revêtent pas en captivité leur Rite de noces, ‘et que les 
Poules et les Pigeons domestiques présentent des exemples de 
toutes les nuances possibles. 

Cherchons à découvrir les moyens à l'aide desquels la nature 
opère le changement de coloration des plumes. 

L'expérience et l'observation de tous les jours nous appren- 
nent que les oiseaux, quelque temps après leur naissance, rem- 
placent le duvet blanchâtre ou jaunâtre dont ils sont couverts 
par la livrée du jeune âge, qui ressemble plus ou moins à celle 
de la femelle adulte, du moins en ce qui concerne la coloration. 
Ce duvet est bien plus doux et plus soufflé chez le jeune oiseau, plus 
rude, plus serré, plus uni et plus brillant chez l'oiseau adulte 
et qui a revêtu toutes ses couleurs. Les Jeunes oiseaux, d’après 
Schlegel, ne subiraient aucune mue pendant l'année de leur 
éclosion, 1l se présenterait seulement un changement de colo- 
ration à l'automne de cette même année, et nous entrerons plus 
loin dans quelques détails à ce sujet. 

Le temps nécessaire pour qu'un oiseau prenne sa livrée défnu- 
tive varie beaucoup, suivant les ordres où même les groupes. 
Ainsi le Milan royal n'a sa livrée complète qu'à quatre ans; les 
Pygargues n'ont généralement la leur qu'à -cinq ou six ans. 
Ce qui n'empêche pas ces oiseaux d'être aptes à se reproduire 
dès la seconde ou la troisième année au plus tard, bien long- 
temps, par conséquent, avant d’avoir leur livrée complète. Il en 
est de même pour les oiseaux de rivages, de marais et pour les 
oiseaux d'eau, surtout pour ceux qui portent alternativement 
livrée de one ou de noces, et livrée d'automne ou d’hi- 
ver. La plupart des passereaux ont, au contraire, leur livrée 
d'adulte dès la première ou la deuxième année au plus tard. 

_ Cette lenteur que mettent certains oiseaux, notamment les 
rapaces, à parfaire leur livrée, a même toujours été et est en- 


PLUMES. | 101 
core une source continuelle d'erreurs pour” la science. On sait le 
temps qu'il à fallu aux éminents professeurs du Muséum de 
Paris, G. Cuvier, Étienne et Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, qui 
se sont successivement-occupés de cette question, pour être défi- 
nitivement fixés sur la spécification distincte du Pygargue à tête 
blanche. | 

Sans vouloir indiquer en détail les couleurs propres au plu- 
mage des divers groupes d'oiseaux, ce qui nous entrainerait trop 
loin, on peut dire que le noir, le brun, le gris et le blanc sont 
propres à la généralité des oiseaux de proie et des oiseaux de 
mer : deux genres seuls font exception parnnu ces dermers, et 
pour le ton de coloration et pour les reflets métallisés; le vert 
appartient, à la presque généralité des Perroquets, à l'exception 
des Loris et des Cacatoës; le bleu d'outre-mer et le bleu pur sont 
les couleurs que les Martins-pêcheurs semblent emprunter à l'a- 
zur des eaux. | 

Le groupe des Alouettes et des Pit-pits, celui des gallinacés 
de la grande famille des Tétras et des Perdrix, présentent une co- 
loration terreuse ou assez sombre, qui tient à une des précau- 
tions prises par la Providence dans l'intérêt de la conservation 
de l'espèce : cette coloration étant toujours en rapport constant 
et en harmonie parfute avec la couleur des terrains sur lesquels 
ces olseaux vivent. 

Mais, de tous les oiseaux, ceux qui sont le plus richement 
dotés, sous le rapport de la parure et de l'éclat des couleurs, 
sont les Oiseaux de paradis et les Oiscaux-mouches, pour lesquels 
la nature semble avoir épuisé toutes les ressources de l'art par 
le choix des éléments de coloration des plumes, et par leur tex- 
ture toute particulière, qui seule permet d'expliquer ces admi- 
rables reflets métalliques et ces magnifiques couleurs chatoyan- 
tes. En effet, la texture des plumes de ces oiseaux joue le rôle 
principal, et la lumière qui frappe ct traverse les innombrables 

à. 


102 | DEUXIÈME LEÇON. 

facettes dont les barbes et les barbules sont couvertes, s’y dé- 
“smpose, comme elle le fait à travers le prisme, ou se réfléchit 
et produit les tons si chauds, si variés et si brillants que nous 
admirons. Audebert cherchait sans doute à donner une autre 
explication des reflets métalliques lorsqu'il prétendait que les 


plumes qui les produisaient avaient une pesanteur spécifique 


Li 


supérieure à celle des plumes ordinaires. 


Fig. 110. — Sifilet mâle. 


Toutes les plumes écailleuses qu'on remarque sur la tête et. 


la gorge des Épimaques, des Paradisiers, des Oiseaux-mouches, 
des Soui-mangas, etc., se ressemblent par le principe uniforme 
qui à présidé à leur disposition. Toutes sont composées de 
barbes cylindriques, roides, bordées de barbules régulières, qui 
en supportent elles-mêmes des rangées plus petites; au centre de 


toutes ces barbules se trouve un sillon profond, et, quand la lu- 


mière glisse sur les facettes dans le sens vertical, les rayons lu- 
mineux sont absorbés et produisent la sensation du noir. I n'en 


De s'OONSS D :ES 


PLUMES. 103 
est plus de même lorsque la lumière est renvoyée par ces 
mêmes facettes, qui font chacune l'office d’un réflecteur. C'est 
alors que nait, par l’arrangement moléculaire des barbules, 
l'aspect de l'émeraude, du rubis, etc., chatoyant très-diverse- 
ment sous les incidences des rayons qui les frappent. 

Pour donner un exemple de la diversité des tetes qui sont 
produites par les plumes écalleuses, nous citerons la cravate 
d'émeraude de quelques Oiseaux-mouches : nous la verrons 
prendre tous les tons du vert, depuis les nuances les plus claires 
et les plus uniformément dorées, jusqu'aux reflets sombres du 
_ velours noir. Les collerettes de rubis de quelques espèces lancent 
des faisceaux de lumière qui se dégradent pour donner une co- 
loration orangée, puis chamoisée et ensuite rouge-noir. 

Mais, à la différence des autres oiseaux, les espèces les plus 
brillantes ne se présentent point constamment avec leur parure 
de fête. Jeunes, leur livrée est le plus souvent sombre et sans 
élégance. À la deuxième année de leur vie, quelques parties de 
leur riche toilette apparaissent cà et À, et semblent protester 
contre la grande simplicité du vêtement d'adolescence. Vers la 
troisième année, les teintes sombres des premiers âges disparais- 
sent pour toujours; l'or ou l’améthyste étincellent : c’est l’époque 
des amours, de la coquetterie, du désir de plaire. Les mâles vo- 
lent aux conquêtes, se choisissent une épouse, et se consacrent 
avec elle aux sons qu'exige la fabrication du md et bientôt 
après à ceux que réclame la Jeune famulle. Les femelles n’ont 
généralement que les atours les plus modestes, lorsque leurs 
époux étalent tout le luxe d’un riche et élégant plumage. On 
appelle couleur fixe de la plume celle qui, sous toutes les imei- 
dences de la lumière, est constamment la même, rouge, bleue, 
noire, etc. On Îa dit changeante dans le cas contraire. Enfin on 
remarque encore que le brillant métallisé des plumes ne se 
trouve jamais qu'en bordure terminale. 


104 DEUXIÈME LECON. 

La coloration des plumes est généralement d'autant plus écla- 
tante et d'autant plus vive que l'espèce habite les contrées les 
plus chaudes du globe. On ne peut, en effet, citer qu’un très- 


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Fig. 111 et 112. — Petit Émeraude mâle et femelle. 


petit nombre d'oiseaux des régions polaires ou tempérées qui 
aient quelques parties brillantes, tandis que, sous la zone torride, 


les plumages ternes sont rares, à l’exception toutefois de ceux de 


[a nombreuse tribu des oiseaux de mer. 
La mamère dont les plumes sont implantées dans le derme 


| PLUMES. 10 
n'est pas non plus livrée à l'arbitraire, et ce mode d’implanta- 
tion à une assez grande influence sur la coloration. Ainsi on à 
remarqué que les plumes qui sont destinées à être recouvrantes 


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Fig. 1153. — Petit Émeraude jeunes, deuxième et troisième annéé. 


sont attachées obliquement une à une et en quinconce; et que 
les plumes brèves, qui rappellent la douceur du velours, doivent 
cette particularité à ce qu'elles sont attachées verticalement sur 
les parties qu'elles revêtent. 

Si les couleurs des oiseaux varient suivant l’âge et le sexe, on 
sait aussi que dans plusieurs espèces les femelles prennent le 


vo LE SES 


106 | DEUXIÈME LECON. 

plumage des mâles lorsque l’âge les rend impropres à la repro- 
duction. Les oiseaux chez lesquels on à remarqué cette transtor- 

mation sont plus particulièrement : le Paon, la Pintade, le Faisan 
ordinaire, le Faisan doré, la Poule, la Perdrix grise, le Pigeon, é 
l'Outarde, la Spatule et le Canard. On peut donc admettre théo- 
riquement, dans la plupart des espèces d'oiseaux, l'existence de 

deux plumages, l’un imparfait, appartenant aux Jeunes, l’autre 
parfait, que les mâles prennent généralement de très-bonne 

heure et que les femelles tendent à prendre aussi, mais à un 

âge beaucoup plus avancé, ou dans certaines circonstances par- 
ticulières. 


DUR 


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À 
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SS S D = 
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Fig. 11%. — Poule faisane commune à plumage de mâle. 


D'après ce que nous avons dit de la parure de quelques es- 
pèces, on voit que Îse oiseaux sont, parmi les animaux vertébrés, 
ceux chez lesquels les couleurs arrivent au plus haut degré de 
vivacité. 


PLUMES. 107 

Le changement de couleur des plumes des oiseaux constitue 
ce que l'on désigne généralement sous le nom de mue. Mais 
la mue ne s'opère pas de fa même manière chez tous les oi- 
seaux : les uns, et ce ne sont peut-être pas les plus nombreux, 
perdent successivement, à certaines époques de l’année, leurs 
pennes et leurs plumes du premier âge; les adultes, leurs plu- 
mes d'hiver ou d'été; et celles-c1, dans les deux cas, sont rem- 
placées par des plumes nouvelles qui leur succèdent. C'est là 
la véritable mue. 

On à cru longtemps, G. Cuvier tout le premier, et beaucoup 
d’ornithologistes croient encore que ce mode de substitution de 
plumage est uniforme chez tous les oiseaux. Il n’en est cependant 
pas ainsi; cette observation appartient en grande partie à Jules 
Verreaux, qui en a donné communication à Schlegel, et ce savant 
naturaliste en à fait l'objet d'un remarquable Mémoire publié 
en Hollande. La découverte est le résultat des longues et conscien- 
cieuses études de notre collaborateur sur les oiseaux du sud de 
‘Afrique, notamment sur les Souï-mangas, à reflets brillants et 
métalliques. Il a reconnu, ce qu'il est facile de vérifier, que chez 
ces derniers oiseaux les plumes du prenuer âge ne tombaent 
pas pour faire place à d’autres colorées différemment et plus vi- 
vement, mais que ces mêmes plumes, à une certaine époque de 
l'année, ou plutôt de l’âge de l'oiseau, revêtaient graduellement 
leurs couleurs définitives, et se teignaient peu à peu de ces cou- 
leurs en commencant par la pointe. Amsi, lorsque chez ces 
oiseaux encore Jeunes, et ayant la livrée terne ct umiforme de 
leur âge, on aperçoit quelques plumes portant à leur ponte un 
commencement de la coloration propre à l'adulte, il ne faut pas 
croire que ces plumes soient nouvellement poussées; ce sont les 
mêmes, qui n'ont pas quitté la peau; 1l n’y a de nouveau que la 
teinte qui vient de s'y ajouter. Un examen attentif démontre que 
cette teinte augmente graduellement en remontant vers la base 


108 2 DEUXIÈME LEON 
de la tige; seulement cette métamorphose se produit dans l’année 
chez quelques oiseaux, et seulement au bout de deux ou trois ans 


“ig. 115. — Soui-mangas en changement de plumage. 


chez d'autres, lenteur de coloration que nous avons indiquée déjà 


pour d’autres familles. 

Tel est le fait observé depuis longtemps, quoique récemment 
établi dans la science, et de la réalité duquel notre ami n’a ja- 
mais pu convaincre G. Cuvier, tant le résultat contrariait les 
idées de l'illustre anatomiste; fait assez intéressant pour mériter 
d'être spécialement étudié, et qui peut mettre. sur la voie de la 


SE CARE A pad 


PLUMES 109 


véritable cause qui produit et ce changement de coloration et la 
coloration elle-même. Ce mode de substitution d’une couleur à 
une autre sur les mêmes plumes, sans renouvellement n1 cadu- 
cité de celles-ci, n’est d'ailleurs pas exclusivement propre aux 
oiseaux à reflets métalliques des régions intertropicales et méri- 
dionales : 1l a lieu, et nous l'avons observé, sur un des oiseaux 
les plus communs en Europe et en France, l'Étourneau; on peut 
même dire qu'il existe chez tous les oiseaux, puisqu il se remar- 
que et se produit chez les rapaces, qui mettent tant de temps à 
prendre leur livrée définitive. 

On voit, par ce qui précède, que si le A a pu 
être or avec la mue et donner lieu à des erreurs long- 
temps accréditées, 11 n'a cependant avec elle qu'une très-fausse 
analogie. La mue est tout autre chose; elle existe véritablement, 
mais elle n'a lieu, pour toutes les espèces, qu'une seule fois par 
an; et elle se produit lorsqu'ont cessé les soins de la ponte et de 
l'éducation des petits, c’est-à-dire à l'époque intermédiaire entre 
l'été et l'hiver, et qu, sous toutes les latitudes, correspond à 
notre automne; quelques espèces, néanmoins, muent avant la fin 
de l’été; nous citerons comme exemple les Perdrix, les Faisans 
et les Poules domestiques. À cette époque, la plume, dessé- 
chée jusqu’à sa base. n'a plus de rapports avec Le bulbe et n’est 

retenue que par des adhérences avec la gaine que lui fournit le 
_derme. 

La mue s'opère avec la même régularité que la formation des 
plumes chez le jeune oiseau, avec cette différence que chez 
le Jeune oiseau encore au nid, ou en sortant à peine, ce sont 
les plumes des ailes et de la queue qui se montrent les pre- 
mières, comme auxiliaires indispènsables du mouvement; tandis 
que chez l'oiseau adulte ou vieux ce sont ces mêmes plumes 
qui se détachent et tombent d’abord, puis successivement celles 
du cou, du dos et des autres parties du corps. 

Hat 10 


110 DEUXIEME LEÇON. 

C'est donc à tort que Buffon, Mauduyt, Daudin, et la plupart 
de ceux qui ont écrit après eux, ont avancé que certains oiseaux 
avaient. deux mues, une de printemps et une d'automne. La 
mue véritable, comme nous l'avons déjà dit, est cette dernière: 
et ce qu'ils ont, appelé, et ce que plusieurs naturalistes, d'après 
eux, nomment encore mue du printemps, est un effet de méta- 
chromatisme mal observé par eux, et qu'ils ont confondu avec la 
mue. Cela est si vrai, que Mauduyt, sous l'empire de cette idée 
dommante, avait déclaré que les jeunes oiseaux ne perdent, à la 
première mue (de printemps), que les plumes du corps et non 
les pennes des ailes et de la queue. Le changement de couleur 
des plumes, alors que les pennes conservent la leur, qui est tou- 
Jours assez invariablement la même pendant toute la durée de la 
vie de l'oiseau, ce changement, disons-nous, peut en effet laisser 
croire que les premières tombent. Ce quil y a de vrai, c’est que 
c'est par les plumes que commence le métachromatisme, qui a 
toujours fait croire à une substitution d’une plume à une autre, 
tandis qu'il n’y a réellement à cette époque qu'une substitution 
de couleur sur la plume qui ne tombe pas. Ce qui a probable- 
ment encore servi à accréditer l'erreur, c'est qu’à toutes les épo- 
ques de l’année les oiseaux perdent accidentellement quelques 
plumes, et qu'1ls peuvent parfaitement bien en perdre au moment 
où elles vont changer de couleur. 

S1 naturel cependant que soit ce travail de la vraie mue, c’est, 
pour les oiseaux, un état de maladie, un temps de silence et de 
retraite : La plupart sont faibles et tristes pendant sa durée; 
quelques-uns sont très-souffrants, et d’autres périssent, surtout 
en domesticité; aucuns ne chantent tant qu'elle dure; ils se ca- 
chent, prennent peu d'éhats, et'se jouent plus rarement dans les 
airs, sur les arbres ou dans les prairies; et il n'y a que les 
oiseaux tenus en cage et privés de femelles qui chantent quel- 
quefois pendant la mue. 


PLUMES. EUR 

Après avoir si longuement parlé du mode de coloration des 
plumes, nous ne pouvons nous dispenser de faire connaitre 
quelques observations intéressantes sur leur matière colorante. 

Cette question est d'une grande importance et mérite bien 
qu'on s’en occupe encore. Elle est complexe et implique, d'une 
part, la constatation et l'étude du pigment sur les plumes; de 
l'autre, celle de l’mfluence des agents extérieurs sur la colora- 
tion, en faisant la part de l’arrangement moléculaire des pig- 
_ ments sur les barbes et les barbules, arrangement qui donne 
keu à des nuances et à des reflets variés comme la texture de ces 
plumes. | | 

Il y a déjà longtemps qu'on avait remarqué la facilité avec la- 
quelle les plumes rouges de certains oiseaux, les Touracos entre 
autres, pouvaient se décolerer par le contact de l’eau. En effet, 
les douze ou quatorze pennes alaires qui, chez le Touraco ou 
Musophage à crête blanche, sont d’un si beau pourpre violâtre, 
perdent cette couleur chez les individus vivants mouillés par la 
pluie : si, dans cet état, on vient à les toucher ou à les frotter 
avec les doigts, ceux-c1 se trouvent aussitôt rougis par la couleur 
pourprée qui a déteint sur eux. En séchant, et en peu de temps, 
ces plumes reprennent leur état primitif. Les mêmes faits ne se 
produisent plus sur la dépouille morte et desséchée de l'oiseau. 
Quelques chimistes ont, depuis, fait la même observation, et 
l'un d'eux, M. Bogdanow, a fait des expériences sur les plumes 
de divers oiseaux, et a constaté les faits suivants : 

Les plumes rouges du Couroucou à tête d’or, plongées dans de 
l'alcool en ébullition, perdent de leur couleur en quinze ou vingt 
minutes. L'alcool prend une teinte orange rouge; une ébullition 
plus prolongée les décolore complétement et donne un résidu 
qui, lavé à l'eau distillée et desséché, consiste en une poudre 
d'un rouge foncé, insoluble dans l’eau, mais altérable par la lu- 
mière, Les plumes violet clair du Cotinga bleu, soumises à la 


119 DEUXIÈME LECON. 
même épreuve, ont donné un résidu à peu près de même 
nuance, mas légèrement violacé. 

Les mêmes plumes, traitées par l'acide acétique, ont donné 
des résidus de même couleur, mais se décolorant complétement 
en deux ou trois heures. Les plumes jaunes du Loriot, traïtées 
aussi par l'acide acétique chaud, ont donné un dépôt Jaune 
clair, 

M. Bogdanow dit encore qu'il y a des plumes ordmaires (fixes) 
et des plumes optiques (changeantes). Les premières ont la 
même couleur vues par transparence ou vues par réflexion. Les 
“secondes présentent des différences notables, suivant qu'on les 
examine de l’une ou de l’autre manière. Il dit encore qu'il y a 


deux groupes de pigments : les uns, dont nous venons de par- 


ler, et qui s'obtiennent par l’alcool et l’éther; les autres, qu'on 
n'obtient que par l’'ammoniaque, la potasse, et un peu par l’eau, 
tel serait le pigment noir. Il ajoute que la couleur bleue est 
toujours optique, c’est-à-dire qu'il n’y à jamais de pigment bleu 
dans les plumes de cette couleur, et que l’irisation des plumes 
provient, non-seulement de la constitution de la surface, mais 
aussi d'un pigment 1risant. Toutes ces expériences et Les services 
rendus par la chimie permettront sans doute d'arriver bientôt à 
la solution de tant de questions intéressantes. 

Nous terminerons cette lecon en nous demandant sil faut 
admettre à titre d'espèces toutes les variétés si nombreuses que 
présentent les oiseaux, comme plumage et même comme modüli- 
cation légère dans la forme du bec. Il faut d’abord écarter les 
variétés si multipliées dans nos oiseaux de basse-cour; car elles 
dépendent de la captivité, de la domestication, de la nourriture, 
et en un mot de l'influence que l’homme exerce sur des ami- 
maux qu'il a éloignés des milieux dans lesquels ils auraient con- 
servé les caractères du type pour les violenter souvent par sa 
direction. Ne parlons que des oiseaux à l’état de liberté, et rap- 


SR Cu LEE 


| PLUMES. AS 
pelons quelques principes qui peuvent éclairer la question. Il 
est reconnu que les oiseaux, infiniment plus nombreux et pro- 
duisant en bien plus grand nombre que les mammifères, sont 
aussi beaucoup plus sujets à varier que ces derniers. C’est, 
comme l’a fort bien dit Buffon, une conséquence nécessaire de 
la loi des combinaisons, qui veut que le nombre des résultats 
augmente en bien plus grande raison que celui des éléments. 
Oni sait aussi que le nombre des affinités d'espèce à espèce est 
d'autant plus grand que les espèces sont plus petites. On saut 
enfin que les oiseaux sont très-ardents, et que, lorsqu'ils man- 
quent de femelles de leur type, ils se mêlent assez volontiers 
avec les espèces voisines, et peuvent produire dans ce cas plus 
de métis féconds et non toujours des mulets stériles. Ces prin- 
cipes admis nous permettent de penser que beaucoup d'oiseaux, 
considérés comme constituant des types spécifiques distincts, ne 
sont souvent que des variétés plus ou moins constantes de ces 
types mélangés ou des variétés dues au climat. Qui sait, dit en- 
core Buffon à l'appui de nos convictions, tout ce qui se passe en 
amour au fond des bois? Qui peut nombrer les alliances en- 
tre espèces différentes? Qui pourra jamais séparer toutes les 
branches bâtardes des tiges légitimes; assigner le temps de leur 
première origine, déterminer en un mot tous les effets du pou- 
voir de la nature pour la multiplication, toutes ses ressources 
dans le besoin, tous les suppléments qui en résultent et qu'elle 
sait employer pour augmenter le nombre des espèces en rem- 
plissant les intervalles qui semblent les séparer ? 


N 


tem 


D, 


TROISIÈME LEGON 


Système nerveux et sens. 


Le système nerveux des oiseaux est géné- 
ralement peu développé, et les différences 


quil présente n’ont d'importance qu'autant 
qu'on compare le volume du cerveau à celui 


du corps dans les divers ordres de lx classe. 


Cette comparaison donne des proportions très- 


singulières; ainsi le cerveau de l’Autruche 
n’est guère plus gros que celui du Coq. L'Oie 
et le Dindon ont un cerveau très-petit. Mais la 
disproportion de l’encéphale avec la masse du 
corps est surtout remarquable, dit Virev, 
dans l’ordre entier des oiseaux de rivage, et 
se reconnait au premier aspect à la petitesse 
de leur tête; ce sont aussi les plus sauvages 
et les moins susceptibles de domesticité. Dans 


Fig. 116. 


Coupe d'une tête. d’oie, 
pour montrer les 
proportions du. cerveau. 


116 TROISIÈME LEÇON. 

l'ordre des rapaces, la masse cérébrale augmente sensiblement 
parmi les Faucons, par exemple; mais toutefois cette augmenta- 
tion n'est bien appréciable que chez les oiseaux nocturnes, dont 
la tête est fort volumineuse. Il n'existe que très-peu d'animaux 
dont la tête ait plus de capacité et dont le cerveau soit plus vo- 
lumineux que chez les Perroquets, et aussi chez les petits oi1- 
seaux granivores et insectivores. Chez eux, la proportion de la 
masse cérébrale, relativement au poids du corps, est pour le 
moins aussi forte que chez l'homme. 


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Fig. 119. — Oie cendrée. 


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Fig. 121. —- Pigeon biset. Fig. 122. — Pigeon biset. Fig. 123. — Buse. 


L’encéphale, vu par sa partie supérieure, est formé de deux 
hémisphères, sans circonvolutions et sans corps:calleux (grande 
. DeBONTE AE FER A A0 : . 
commissure qui réunit ces hémisphères chez les animaux ‘de ta 


1 


SYSTEME NERVEUX ET SENS. 117 
première classe), de deux couches optiques, du cervelet et de la 
moelle allongée. La forme des hémusphères varie assez suivant 
les familles : chez les passereaux, 1ls sont ordinairement, longs 
et larges, et couvrent tout à fait les lobes optiques. Chez les ra- 
paces, au contraire, ces dermiers font saillie sur les côtés et en 
arrière, et sont remarquables par leur largeur. Chez plusieurs 
palmipèdes, le Canard, par exemple, ils sont un peu oblongs. Le : 
cervelet n'a qu'un lobe comprimé latéralement, avec un petit 
appendice sur ses côtés. La moelle épinière se prolonge jusque 
dans les os coccygiens, et présente, à la hauteur des vertèbres 
sacrées, un renflement produit par l’écartement de ses cordons 
postérieurs. 

La distribution des nerfs dans les divers organes est la même 
que dans les autres animaux, et nous n'avons à signaler que le 
volume assez considérable des nerfs optiques. 

Quoique notre intention soit de consacrer plusieurs leçons aux 
généralités les plus importantes sur la classe des oiseaux, nous 
nous garderons néanmoins d'aborder les considérations et les 
développements philosophiques ou métaphysiques qui se ratta- 
chent au sujet que nous traitons. 

Aussi mettrons-nous de côté toutes les distinctions de nuances 
séparant les idées des sensations, la connaissance du sentiment, 
la raison de l'instinct, et nous nous occuperons immédiatement 
des sens et de leurs organes, classés d’après leur importance re- 
lative. | Axa 

L'anatomiste Carus divise les sens en deux classes : ceux qui 
agissent au contact immédiat de l’objet, et ceux qui agissent à 
distance et ne sont susceptibles que de perceptions médiates. 

La premuère classe comprend : 4° le toucher, sens pour le 
rapport mécanique de la masse; 2° le goùt, sens pour le rapport 


chimique; 3° le sens de la chaleur, pour le rapport thermo- 
électrique. 


ASE TROISIÈME LECON. Sopa 

La seconde classe comprend : 1° l’ouïe, ou sens pour le mou- 
vement interne et la vibration de la masse qui se propage à tra- 
vers des milieux extérieurs; 2° l'odorat, ou sens pour les éma- 
nations et les changements de composition d'une masse dans les 
muiheux qui entourent l'être sentant: 3° la vue, ou sens pour la 
tension photo-électrique de la masse, c’est-à-dire pour celle qui 
- produit la lumière dans les milieux intérieurs. | 

Si nous examinons chacun de ces sens en ce qui concerne les 
oiseaux, nous ne les trouvons pas classés dans le même ordre 
que chez les mammifères, et nous admettons aussi un sixième 
sens sous le nom de thermo-barométrique ou électrique. 

En effet, comme l’a reconnu Buffon, chacun des sens, chez 
l’homme, peut être classé dans l’ordre suivant : le toucher, le 
goût, la vue, l’ouie et l’odorat, tandis que chez l'oiseau les 
sens sont placés comme 1l suit : la vue, l’ouïe, le sens thermo- 
barométrique ou électrique, le toucher, l'odorat et le goût. Nous 
parlerons d’abord des cinq sens déjà connus, et nous termine- 
rons par ce que nous avons à dire du système nerveux par le 
sens thermo-électrique. 


C'est avec un admirable esprit d'induction qu'on a 
dit que la portée de la vue des oiseaux est proportionnée à la 
vitesse de leur vol. 

« Le sens de la vue, dit Buffon, étant le seul qui produise les 
idées du mouvement, le seul par lequel on puisse comparer 1m- 
médiatement les espaces parcourus, et les oiseaux étant, de tous 
les animaux, les plus habiles, les plus propres au mouvement, 1l 
n’est pas étonnant qu'ils aient en même temps le sens qui le guide 
plus parfait et plus sûr; ils peuvent parcourir en très-peu de 
temps un grand espace, 1l faut donc qu'ils en voient l'étendue et 
même les limites. Si la nature, en leur donnant la rapidité du vol, 
les eût rendus myopes, ces deux qualités eussent été contraires; 


Vue. 


SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 119 
l'oiseau n'aurait jamais osé se servir de sa légèreté, m1 prendre un 
essor rapide; il n'aurait faut que voltiger lentement, dans la crainte 
des chocs et des résistances imprévus. La seule vitesse avec la- 
quelle on voit voler un oiseau peut indiquer la portée de sa 
vue; non la portée absolue, mais la portée relative : un oiseau dont 
le vol est très-vif, direct et soutenu, voit certainement plus loin 
qu'un autre de même forme, qui néanmoins se meut plus lente- 
ment et plus obliquement, et, si jamais la nature a produit des 


Fig. 124. — Canard huppé. 


oiseaux à vue courte et à vol très-rapide, ces espèces auront péri 
par cette contrariété de qualités, dont l’une, non-seulement em- 
pêche l'exercice de l’autre, mais expose l'individu à des risques 
sans nombre : d'où l’on doit présumer que les oiseaux dont le vol 
est le plus court et le plus lent sont ceux aussi dont la vue est 
la moins étendue, comme l’on voit dans les quadrupèdes ceux 
qu'on nomme paresseux (1 Unau et l’Aï), qui ne se meuvent que 
lentement, avoir les veux couverts et la vue basse. 

« L'idée du mouvement et toutes les autres idées qui l’accom- 
pagnent ou qui en dérivent, telles que celles des vitesses relatives, 
de la grandeur des espaces, de la proportion des hauteurs, des 


129 TROISIÈME LECON. 

profondeurs et des inégalités des surfaces, sont donc plus nettes, 
et tiennent plus de place dans la tête de l'oiseau que dans celle 
du quadrupède : et il semble que la nature ait voulu nous indi- 
quer cette vérité par la proportion qu'elle à mise entre la gran- 
deur de l'œil et celle de la tête, car, dans les oiseaux, les yeux 


C2 


Fig. 125 — Yunina gularis. Fig. 126. — Fringille du Népaul. 


sont proportionnellement beaucoup plus grands que dans 
homme et dans les animaux quadrupèdes; ils sont plus grands, 
plus organisés, puisqu'il y a deux membranes de plus; ils sont 
donc plus sensibles, et dès lors ce sens de la vue, plus étendu, 
plus distinct et plus vif dans l'oiseau que dans le quadrupède, 
doit influer en même proportion sur l'organe intérieur du sen- 
timent, en sorte que l'instinct des oiseaux sera, par cette pre- 
mière cause, modifié différemment de celui des quadrupèdes. » 

Le volume du globe de l'œil est, en effet, hors de toute pro- 
portion avec les dimensions du crâne, dont il occupe une grande 
partie. Cependant ce globe est plus ou moins enfoncé dans l'or- 
bite, et cela dépend de la saillie plus ou moins grande de l'arc 
sourciler. Il est placé près de la commissure du bec, comme 
chez les Calaos, les Grues, les Hérons et les Cigognes, où au mi- 
lieu des joues, comme chez la plupart des ‘passereaux, on vers 


DES TE CNRS 
ÿ. 


SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 121 
l'occiput et presque au sommet de la tête, comme chez les Bé- 
casses, ou enfin à fleur de tête, comme chez les oiseaux vérita- 
blement plongeurs, particulièrement chez les sphémiscidés. 

L'œil est préservé du contact des corps extérieurs par des 
paupières ordinairement couvertes de petites plumes d’une na- 
ture spéciale; quelques espèces, telles que celles du genre mai- 
nate, en sont privées; d'autres les ont ciliées, comme on le voit 
chez les Vautours, les Calaos, les Autruches, les Casoars, etc. Chez 


a 


= 
NS 


a 
= a 


° . Fig. 127. — Ceutropus senegalensis 


la plupart des oiseaux, la paupière inférieure seule est mobile, et 
s'élève pour fermer l'œil. Les deux paupières concourent au 
même effet chez les rapaces nocturnes et les Engoulevents. 
Indépendamment de ces paupières extérieures, horizontales, 
tous les oiseaux sont pourvus d’une troisième paupière placée 
verlicalement, et appelée membrane clignotante ou nyctitante, 
interne, c'est-à-dire mobile et située sous les deux autres, 
mince et transparente. Elle se replie vers l'angle antérieur dé 
l'œil par sa propre élasticité, et peut se développer comme un 
rideau par le Jeu de deux petits muscles placés en dehors de 
ue | 11 


199 TROISIÈME LEÇON. 
l'épaisseur de cette membrane pour ne rien lui faire perdre de 
sa transparence. | 


Fig. 128. — Membrane nyctitante. Fig. 129. — Muscles de l'œil et de la 
membrane nyctitante. 


Cette troisième paupière, qu'on rencontre aussi chez d’autres 
animaux, adoucit l'impression des rayons lumineux sans inter- 
cepter la vue. Tous les oiseaux n’en sont cependant pas pourvus: 
mais on la trouve chez un grand nombre d'espèces qui, vivant 
dans les conditions les plus opposées, en avaient cependant le 
plus besom; ce sont les oiseaux de proie diurnes et les oiseaux 
de nuit. La membrane appelée nyctitante est mdispensable aux 
premiers, qui, pendant l'éclat du Jour le plus vif, montent sou- 
vent à pic vers les régions élevées; elle est nécessaire aussi aux 
seconds, qui, sortant de leur retraite au crépuscule et la rega- 
gnant à l'aurore, seraient éblouis par une lumière trop vive 
pour eux, et qui, s'ils sortaient plus tard et rentraient plus tôt, 
perdraient chaque jour une heure d'existence. C'est encore à la 
faveur de cette membrane que, forcés accidentellement pendant 
le jour de fuir leur sombre asile, ils parviennent à en chercher 
un autre, malgré l'éclat qui les mcommode, mais qui les eût com- 
plétement éblouis, sans le voile étendu sur leurs yeux. L’extrême 
sensibilité de la vue des oiseaux nocturnes réclamait encore des 
dispositions particulières. Léurs yeux sont en effet dirigés en avant 
et placés sur le même plan, comme ceux de l'homme; ils sont 


SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 123 
aussi plus enfoncés dans les orbites que ceux des autres oiseaux, 
et on les voit entourés par un cercle de plumes sallantes, qui ne 
permettent le passage qu'aux rayons directs; quelques espèces, 
telles que les Ducs, ont, en outre, sur la tête, au-dessus des 
yeux, des touffes de plumes en forme d’aigrettes, qui ne sont 
pas un vain ornement, car elles servent à intercepter les rayons 


Fig. 130. — Hibou brachyote, d’après Gould. 


perpendiculaires, qui gêneraient considérablement la vue. Enfin 
tous les oiseaux nocturnes ont encore la faculté de contracter et 
de dilater leurs pupilles, suivant le besoin, et de modérer ainsi 
l’action d’une lumière trop vive. 

L'organisation particulière du globe de l'œil est aussi remar- 
quable que ceile des ‘parties accessoires dont nous vénons de 
parler. 

L'œit de l'oiseau est généralement très-grand, moims sphé- 
rique que celui des mammifères, et la demi-sphère formée par 


124 TROISIÈME LEÇON. 

la cornée transparente, très-bombée, à un diamètre beaucoup 
plus petit que celui de la demi-sphère du globe de Fœl. La 
sclérotique offre un caractère particulier; elle est mince, flexible 
et fibreuse à la partie postérieure du globe, sa couleur est 


Rent ne er 


| 


Fig. 131. — Coupe verticale Fig. 132. — Coupe verticale Fig. 153. — Œil de moyen Duc 
de l’œil de l’Aigle. de l'œil de l'Oie. el pièces osseuses. 


bleuâtre et brillante; mais, à la partie antérieure et entre les 
couches qui la composent, elle contient un grand nombre de pe- 
_tites pièces osseuses imbriquées les unes sur les autres, qui for- 
ment une gaine cylindrique assez résistante, et donnent à cette 
portion de l'œil une forme imvariable. Cette disposition anato- 


mique n’est pas la seule modification curieuse que présente l'œil 


des oiseaux, nous y trouverons un appareil complet, tout un 
système d'optique créé exclusivement à leur usage, par la pré- 
voyance inépuisable de la nature. 

Ainsi le nerf optique perce la sclérotique obliquement et en 
bas, en glissant dans une gaine dirigée dans le même sens à tra- 
vers l'épaisseur de cette membrane. Il s’'épanouit, comme dans 
les mammifères, pour former la rétine, en s’entourant d'une 
tache blanche et arrondie. 


Mais ce qui n'existe pas dans les mammifères, dont beaucoup 


ont un tapis à reflets métalliques, c’est une membrane de nature 
cellulo-vasculaire, plissée, partant de la face interne du nerf 


SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 125 
optique et se dirigeant vers la face postérieure du cristallin, au- 
quel elle parait s'attacher. On a d’abord donné à cette mem- 
brane le nom de bourse conique, parce qu'elle affecte à peu près 
cette forme dans la Hulotte, l’Autruche, le Casoar, qui ont été 
l’objet des premières observations. Elle est aussi désignée sous le 
nom de peigne, à cause de la disposition de ses rayons. Dans la 
plupart des autres espèces, ces plis sont 
arrondis, et leur nombre est très-varia- 
ble : on en a compté seize dans la Cigogne, 
quinze dans l’Autruche, dix ou douze dans 
le Canard et dans le Vautour, sept dans le 
grand Duc. Quoiqu'il soit assez difficile 
d’assigner d'une manière certaine le vé- 
ritable usage de ce peigne membraneux, NUE re si 
les uns ont pensé qu'il servait unique- 
ment à absorber une certaine quantité de rayons lumineux, 
fonction Lien insignifiante pour un mécanisme exceptionnel; les 
autres, et c’est le plus grand nombre, ont cru que, par ses con- 
tractions, il pouvait raccourcir le diamètre antéro-postérieur de 
l'œil, et permettre ainsi de voir les mêmes objets à des dis- 
tances souvent très-différentes. Il résulte, en effet, de ce méca- 
nisme que les oiseaux jouissent de l'inappréciable faculté de pou- 
voir, à leur gré et selon les distances de l’objet qu'ils cherchent 
à découvrir où qu'ils aperçoivent, avancer et reculer plus on 
moins leurs pupilles, de la même manière que nous faisons 
mouvoir les verres d’une lorgnette. 

Quant aux autres parties de l’œil, elles sont, à peu de chose 
près, les mêmes que chez les mammifères. Ainsi les oiseaux ont 
une glande lacrymale destinée à humecter la cornée, qui est 
plus dure et plus résistante dans les espèces à vol élevé. Hs ont 
deux points lacrymaux et . canaux ES communication avec le 
sac lacrymal. | 


126 TROISIÈME LEGON. 

L'iis présente beaucoup de nuances suivant les espèces, ou 
plutôt suivant les genres ou les famulles : 1l est blanc, principa- 
lement chez les Pics; bleu, surtout chez les Grues; gris chez 
quelques oiseaux, chez les Cormorans; Jaune chez presque tous les 
oiseaux de proie diurnes et nocturnes, ou même rouge, notam- 
ment chez les Râles et les Poules d’eau. | ; 

Ainsi l'organe de la vue des oiseaux nous offre plusieurs par- 
ticularités importantes; et 1l ne nous est pas permis de mécon- 
naitre qu'elles se rattachent d'une manière intime au caractère 
général de l’organisation, où l’activité vasculaire, respiratoire et 
locomotrice, a pris un très-grand développement. 

IL est facile de juger, par ces détails, combien la nature a mis 
de soin dans la construction de l'œil des oiseaux, et combien la 
sensibilité de cet organe doit être grande, s'il est vrai que la 
perfection soit le résultat de la complication. 

C’est à cette grande perfection du sens de la vue des oiseaux 
qu'on doit rapporter leurs principales déterminations et leurs 
mouvements. Qu'il s'agisse d'oiseaux sylvains et forestiers, d’oi- 
seaux de proie ou d'oiseaux aquatiques et marins, élevés, quand 
ils le veulent, jusqu'aux nuages, ils découvrent de vastes .cam- 
pagnes, ils voient des champs, des bois, l'étendue et l’état de la 
mer, des rochers, des rivages, et ils se rendent dans les lieux 
qui conviennent le mieux à leurs goûts, à leurs besoins, à leur 
sûreté. Continuellement en action dans l’ar, ils consultent les 
variations de l’atmosphère, 1ls aperçoivent les nuages se former, 
et prévoient la tempête avant les autres animaux; alors 1ls volent 
vers des lieux plus riants, ou bien ils cherchent une retraite 
assurée contre l'orage. Qu'il s'agisse, au contraire, d'oiseaux 
coureurs ou marcheurs, ou de marais, la netteté de leur coup 
d'œil leur permet, indépendamment de leur vol, d’apercevoir le 
danger qui les menace, pour le fuir ou s’en garantir à temps. 

La portée de la vue des oiseaux est très-considérahle, surtout 


SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 197 
chez les rapaces. Un Épervier, dit Buffon, voit d'en haut et de 
vingt fois plus loin une Alouette sur une motte de terre, qu'un 
homme ou un chien ne peuvent l’apercevoir. Un Milan, qui s'é- 
lève à une hauteur si grande, que nous le perdons de vue, voit 
de là les petits animaux, mulots ou oiseaux dont il se nourrit, et 
choisit ceux sur lesquels il veut fondre; et cette plus grande 
portée de la vue est accompagnée d’une netteté, d’une précision 
tout aussi grandes, parce que, l’organe étant en même temps 
très-souple et très-sensible, l'œil se renfle ou s’aplatit, se couvre 
ou se découvre, se rétrécit ou s’élargit, et prend aisément, 
promptement et alternativement toutes les formes nécessaires 
pour agir et voir parfaitement à toutes les lumières et à toutes 
les distances. Qui n’a pas vu d'oiseaux de proie planer à des 
distances assez grandes pour les mettre à l'abri du plomb des 
chasseurs, décrire de grands cercles au-dessus d’une victime 
qu ils aperçoivent, quoiqu’elle cherche à se rendre imvisible par 
son immobilité en même temps qu'elle se rassemble pour perdre 
de son volume, et fondre sur elle avec la rapidité de la flèche ! 

Tous les oiseaux n'ont cependant pas la vue aussi puissante, 
mais tous l'ont parfaitement proportionnée à leurs besoins. 


Fig. 155. — Bradybates phœnicuroides. 


Quïe. — L'ouie est, après la vue, le sens le plus fin et le 
plus délicat des oiseaux. 
La première différence entre l'organe de l'ouie de ces animaux 


128 TROISIÈME LECON. | 

et celui de l’homme et des quadrupèdes est le défaut de pavil- 
lon, ou de conque externe destinée à réumr les ondes sonores. 
Les différences qu’on rencontre à l’intérieur sont aussi très-re- 
marquables. Le méat auditif est ouvert dans la plupart des 
oiseaux; 11 n’est fermé à son orifice par une membrane que chez | 
les espèces nocturnes et quelques espèces diurnes; mais l'ouver- 
ture est extérieurement recouverte par des plumes particulières 
qui tiennent lieu de pavillon et de membrane. Au lieu des 
quatre osselets qu'on trouve dans l'oreille de l'homme, les oi- 
seaux n'en ont qu'un; 1l est grêle, coudé, et se relie d'une 


Fig. 157. 
Muscle et osselet de la Poule. 


Fig. 136. Fig. 158. 
Coupe d’une tête d’Alouette, Oreille externe du moyen Duc. 
oreille interne. 


part au tympan, et de l’autre au vestibule. Pour augmenter l’é- 
tendue des surfaces vibrantes, la caisse du tympan communique 
avec trois grandes cavités qui se prolongent plus ou moims dans 
l'épaisseur des os du crâne. Cette disposition, comme le fait ob- 
server M. Valenciennes, caractérise tout particuhèrement l'or- 
gane de l'ouïe des oiseaux; car ces cavités sont formées de lames 
minces, élastiques, et par conséquent très-sonores. Elles contri- 
buent à renforcer l’action du son sur le labyrinthe qu'elles en- 
veloppent de toutes parts. 7 

Les canaux sémi-cireulaires sont traversés par un grand nom- 


SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 125 
bre de cloisons, et le limacon est fort petit et souvent très-peu 
reconnaissable. | 

Chez Les oiseaux de nuit, dont la partie antérieure de la tête, 
plus exprimée, plus large, représente une sorte de face, les yeux 
et les deux côtés de cette face sont entourés d’un large cercle de 
plumes longues et minces, douces au toucher, courbées d'abord 
d'avant en arrière, et ramenées en avant à leur extrémité. Ces 
plumes ne sont ni tout à fait droites mi couchégg, mais à demi 
inclinées. Le méat auditif est plus ample, plus ouvert que dans 
les autres oiseaux. L'ouverture tortueuse et membraneuse de ce 
conduit est formée par des duplicatures de la peau qui peuvent 
s'approcher et s’écarter comme une véritable valvule. Les 
plumes de cette partie de la tête n° couvrent donc pas le méat, 
comme dans les oiseaux diurnes, mas elles l'entourent, forment 
une véritable conque qui rassemble les sons, et l’on peut, ainsi 
que le dit Mauduyt, les regarder comme remplaçant avantageu- 
sement l'oreille des quadrupèdes. Cette disposition, à laquelle 
s'ajoute la facilité du rapprochement ou de l'écartement de la 
peau qui soutient les plumes, était la plus favorable pour des 
animaux qu'il importait de garantir pendant le jour, temps de 
leur repos, de l'impression des sons; tandis qu'il était nécessaire 
de leur donner un organe très-sensible pour le temps qu'ils con- 
sacrent à la chasse, c’est-à-dire pour la nuit, alors qu il leur faut 
distinguer le bruit des petits animaux dont ils se nourrissent. 

Les plumes sont disposées, dans les oiseaux diurnes, de façon 
à couvrir exactement le méat auditif, mais le léger écartement 
qui existe entre elles, et qui peut être augmenté à volonté, per- 
met le passage des sons et suffit pour faire obstacle à l’introduc- 
tion des petits corps étrang: rs qui voltigent dans l'air (fig. 135). 

Pour donner une idée de la sensibilité de l'ouie chez les oi- 
seaux en général, nous rappelierons, comme l’a fait M. Gerbe, 
la faculté qu'a chaque espèce de pouvoir distinguer de fort loin 


150 TROISIÈME LECON. 


le chant ou les cris d'appel que font entendre les individus de la 
même espèce, lorsque les chants et les cris d'appel d'un grand 
nombre d’autres oiseaux se font entendre en même temps. D'ail- 
leurs, serait-il possible de ne pas reconnaître une extrême 
finesse de l’ouie à des animaux dont la voix offre souvent l’exemi- 
ple de la plus délicieuse mélodie? | 


Odorat. — Pline et Aristote ont parlé de l'extrême sensibr- 
lité olfactive des Vautours et des Corbeaux; longtemps on les a 
crus sur parole, et on répète que ces oiseaux sentent de fort loin 
les cadavres en putréfaction. Nous sommes loin de partager cette 
opimon au moins fort exagérée, et nous pensons que les sens de 
l'odorat et du goût n'ont, chez les oiseaux, qu'une sensibilité 
très-relative, et qu ils ne sont pas plus délicats l’un que l’autre. 
« Cette finesse de l’odorat chez le Vautour, dit Audubon, Je l’ac- 
ceptai comme un fait, dès ma jeunesse. J'avais lu cela étant 
enfant, et bon nombre de théoriciens auxquels J'en parlai dans la 
suite me répétèrent la même chose avec enthousiasme, d'autant 
plus qu'ils regardaient cette faculté comme un don extraordi- 
naire de la nature. Mais J'avais déjà remarqué que la nature, 
quelque étonnante que fût sa bonté, n'avait pourtant point accordé 
à chacun plus qu'il ne lui était nécessaire et que jamais le même 
individu n’était doué à la fois de deux sens portés à un très-haut 
degré de perfection; en sorte que si le Vautour possédait un 
odorat si excellent, 1] ne devait pas avoir besoin d’une vue si per- 
çante, ou réciproquement. » 

Chez les oiseaux, les narines ne consistent qu'en deux ouver- 
tures assez étroites, placées à la base du bec, sur la cire ou sur 
le bec n ême; leur position et leur forme varient presque autant 
que les familles et les genres, puisqu'elles ont offert des carac- 
_tères qui ont paru assez importants pour servir de base à divers 
systèmes de classification. Elles sont tapissées à l’intérieur par 


SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 151 
une membrane pituitaire incontestablement plus sèche que celle 
des autres animaux, et par conséquent moins sensible. Les nerfs 


PRS— 


= 


Fig. 142. — Eupodotis arabs. 


olfacufs sont d’ailleurs moins nombreux et proportionnellement 
plus courts que chez les mammifères, et ils sont en quelque 


139 TROISIÈME LECON. 

sorte communs aux narines et à la peau du bec, et servent dès 
lors autant au toucher qu'à l’olfaction. Lx circulation artérielle 
ou vemeuse s y trouve réduite à sa plus simple expression. Le 
conduit nasal est aussi très-simple, et semble destiné seulement 
à donner passage à l'air atmosphérique. La simplicité de lor- 
gane autorise naturellement à supposer l’imperfection du sens 
dont il est le siége. Faut-il néaumoins conclure de là que les 


Vautours et les Corbeaux n'ont pas ce sens plus fin que la plupart 


des autres oiseaux? On leur à accordé de tout temps l'instinct 
de reconnaitre à de grandes distances les charognes dont 1ls se 
repaissent. Est-ce à la vue ou à l’odorat qu'ils doivent cette 
faculté? . | é 

Il parait démontré aujourd hui que, dans ce cas, c'est la vue 
qui les sert plus que l’odorat. Leur vol élevé leur permet d'a- 
percevoir une pâture dès qu'elle est déposée sur le sol : nous 
en donnerons la preuve en nous occupant de l’histoire des Vau- 
tours et de celle des Corbeaux. 


Tout en reconnaissant chez les oiseaux l'existence d’un nerf 


olfacuif rudimentaire, mais jouant cependant un rôle secondaire, 
il est permis de conclure que les riarines de ces animaux parais- 
sent être et sont réellement, malgré l’analogie de forme et de 
siége que peut présenter l'organe, plutôt destinées à la respira- 
ion qu'à l’odorat. Ce qui vient à l'appui de cette conclusion, 
c’est l'ampleur générale des cavités olfactives, qui est propor- 
tionnée au développement considérable du système respiratoire, 
auquel la nature semble avoir subordonné toute l'organisation 
des animaux de cette classe. 


Goût. — De même que pour l'odorat, on a beaucoup écrit 


pour ou contre l'existence du goût chez les oiseaux. Les uns y 
ont vu le développement de ce sens conime incontestablement 


exprimé par les différences nombreuses de conformation de leur 


SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 155 
langue; les autres, nous sommes de ce nombre, n'ont vu dans 


ces formes si singulières de la langue qu'un instrument mer- 


Fig. 145. 


re Re ï 
Dr 


SE 
SE 


Fig. 144. Fig. 145. 


Fig. 146. Fig. 147. 
Flamant. Canard. Pélican. Grèbe. 
\ 


ÊTES 


(21510 


Fig. 148. Fig. 149. Fig. 130. 
Gros-bec. Merle. 


Fig. 152. 
Martin-pêcheur. 


Toucan. 


veilleusement bien approprié à leurs besoins, et facilitant la cap- 
ture des insectes, les mouvements des graines dans le bec et la 


DSL 1 


154 TROISIÈME LECON. 

déglutition. Et, quoi qu’en ait dit Mauduyt, les oiseaux ne sont 
pas mieux traités pour le goût que pour l’odorat. Pour en bien 
juger, cependant, il faut dire un mot de l'organe et des habi- 
tudes qui dépendent de sa forme. 

Les oiseaux ne savourent ni ne mâchent réellement leur 
nourriture, presque toujours ils l’avalent à la hâte, et c’est dans 
le gésier que se fait la trituration de l'aliment. Aussi n'est-il 
guère possible d'admettre chez eux un sens du goût analogue à 
celui des mammifères, d'autant mieux que leur langue ne reçoit 
pas le rameau nerveux lingual ou gustatif de la cinquième 
pare. 

L'os hyoïde, comprenant aussi los lingual, ainsi nommé parce 
qu il est engagé dans la langue pour lui donner quelque solidité, 
consiste, chez les oiseaux, en un corps étroit, allongé, situé sous 
la base du crâne, en arrière des branches de la mandibule infé- 
rieure, et présentant de chaque côté un appendice allongé, re- 
courbé en arrière et en haut. Ces appendices ou cornes sont ordi- 
nairement formés d'une pièce antérieure osseuse, et d’une pièce 
postérieure cartilagineuse. De petits muscles umissent la partie 
antérieure de l'os à la partie postérieure de la langue. 

Cette dernière présente des formes diverses qui varient 
autant que les familles, et, si la délicatesse du sens était en 
rapport avec la variété de la forme de l'organe, la classe des o1- 
seaux devrait passer pour une des mieux partagées comme per- 
ception des saveurs. C’est précisément le contraire qui a lieu. La 
forme de la langue est uniquement appropriée au genre de 
nourriture de l’espèce, et sa sensibilité proportionnée à la variété 
des aliments. Le sens gustatif se trouve donc réduit à bien peu 
de chose, et la gamme des sensations est très-bornée. 

La langue est en effet très-peu charnue, petite, souvent sèche, 
quelquefois molle, terminée en avant par une pointe membra- 
neuse, parfois obtuse, tronquée, cornée ou couverte d’une peau . 


+ 


SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 155 
épaisse. Elle a une grande mobilité d'avant en arrière et d'ar- 
rière en avant; elle peut servir, comme nous le dirons plus loin, 
à l'articulation de quelques sons. 


Fig. 155. Fig. 134. Fig. 155. Fig. 156. 


Os lingual et hyoïde Os lingualet hyoïde Langue et os hyoïde Langue de moyen Duc. 
de Perroquet. d’Aigle. de Tourterelle. 


Fig. 157. Fig. 158. Fig. 159. Fig. 160. 
Langue de Sou-manga. Langue d'Ara. Langue de Cohbri. Langue de Paorr. 


Laissant de côté tout ce qui regarde l'anatomie de la langue, 
formée de deux ordres de muscles (muscles propres. et muscles 


136 + + HRTROISIÈME LECON. 

accessoires), examinons la membrane qui la couvre, et qui, chez 
les autres animaux, est le siége du goût : on la trouve composée 
de deux couches : l’une extérieure, mince, muqueuse et cou- 
vrant les papilles nerveuses fournies par la seconde, plus épaisse 
et plus compliquée. % 

Les oiseaux à langue cornée n'ont aucune sensibilité dans la 
partie recouverte par l’épithélium dura, et souvent, chez eux, 
les papilles sont converties en pointes dures, qui servent à rete- 
nir la proie dans le bec. On trouve des papilles dures et des pa- 
pilles molles plus ou moins allongées; ces dernières sont d'autant 
plus molles qu'elles sont plus près de la base de la langue, et ce 
sont elles qui doivent être le siége du sens. 

Les oiseaux qui se nourrissent de chair ont la langue plus 
épaisse, moins sèche, plus charnue, couverte d'un épithéhu n 
plus mince que ceux qui se nourrissent de grain. La forme est 
d’ailleurs à peu près la même, c’est-à-dire presque triangulaire, 
quoiqu'elle soit souvent aplatie, pointue, et même bifide à son 
extrémité, comme chez quelques Vautours; le palais est aussi 
moins aride et revêtu de membranes plus souples. Cette organi- 
sation paraîtrait devoir procurer à ces oiseaux un goût plus fin : 
il n'en est rien cependant, et ces apparences sont trompeuses. 


La langue des Perroquets, qui sont frugivores et granivores, : 


voire même insectivores, est généralement charnue, épaisse, 
volumineuse, coupée à son extrémité à angle presque droit 
ou très-peu arrondi, et relevée sur ses bords. Mais 1l existe 
plusieurs exceptions, dont la plus remarquable est celle qui se 
voit chez quelques Perroquets plus insectivores que les autres, 
et dans lesquels la langue est terminée par un faisceau de 
poils ou filaments cartilagineux que l’on considère comme des 
papilles, à cause de l'importance des nerfs qui y aboutissent. 
Mais c'est en vain, ainsi que l’observe fort bien Mauduyt, que 
l'on attribuerait à la conformation généralement épaisse de la 


Se hs CEA 


SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 137 
langue du Perroquet la faculté d’articuler quelques mots qu'il 
retient par habitude, puisque d’autres oiseaux, dont la langue n’a 
aucun rapport de conformation avec la sienne, ont cependant la 
même facilité pour imiter la voix humaine C’est également à tort 
que Lesson, plus affirmatif que Carus, qui considère à peine la 
langue des oiseaux comme un organe gustatif, a avancé que les 
Perroquets goûtaient leurs aliments ou les savouraient avec 
plaisir. On à pris par erreur chez eux, pour l’action du goût, le 
mouvement qu'ils impriment aux aliments avant de les avaler, 
en les roulant entre la langue et la mandibule supérieure, ce 
qui n'est qu'une action purement mécanique nécessitée par la 
conformation de leur bec : la langue, dans cette opération, fai- 
sant l'office d’un levier qui maintient à l’imtérieur du bec et 
vers son extrémité le morceau qu'ils broient par le frottement 
de la mandibule inférieure contre la supérieure. 

Chez les Pics, oiseaux presque exclusivement insectivores, la 
langue, longue et vermiforme, rappelle celle des serpents : grêle, 
arrondie et cylindrique, elle ressemble à un dard; elle peut s’al- 
longer, s'étendre beaucoup au dehors du bec et rentrer à la 
volonté de l'animal. Cela tient à la disposition fort singulière des 
cornes de l'os hyoïde dans le Pie. Chez cet oiseau, en effet, les 
cornes hyoïdiennes sont très-longues et filiformes, comme dans 
les serpents; elles partent de l'extrémité la plus postérieure du 
corps de l'os, remontent sur les deux côtés du cou vers la face 
postérieure du crâne, s'engagent dans des gouttières particu- 
hères creusées sur celui-ci, arrivent ainsi jusqu’à la base du 
bec, où elles se fixent à l’aide d'un higament. Le corps de 
l'hyoïde, qui porte un os lingual étroit et lancéolé, est égale- 
ment presque filiforme, et n’offre pas en arrière cette apophyse 
droite qu'on rencontre chez la plupart des autres oiseaux. 

La langue des Toucans, qui sont frugivores et baccivores, sè- 
che, décharnée, aplatie, étroite, longue, festonnée et découpée 

12. 


138 TROISIÈME LECON. 

profondément sur ses bords, ressemble à une plume garmie laté- 
ralement, dans toute sa longueur, de barbes désunies et mégales. 
Le goût n’est pas pour cela plus développé chez eux que chez 
les Perroquets, malgré certains signes apparents de répugnance 
ou de convoitise pour les aliments qu'on leur présente, et que 
l'on a cru remarquer chez quelques-uns de ces oiseaux conser- 
vés en Cages. 

La langue des Oiseanx-mouches, vrais suce-fleurs, en même 
temps que fins insectivores, peut aussi s’allonger et se raccour- 
ar, comme celle des Pis elle est filforme, et rappelle Ja 
trompe des Papillons. 

Elle est extensible aussi, mais tubuleuse et bifurquée, ou 
même trifide à la pointe chez les Souï-mangas; pénicillée à la 
pointe chez les Philédons et chez quelques Paradisiers, tous o1- 
seaux également suce-fleurs et mangeurs d'insectes microsco- 
_ piques qui vivent dans le calice mêlés au pollen des fleurs. Elle 
est simplement frangée à l'extrémité chez les Étourneaux et les 
Grives. Elle est à bords phissés chez les Couroucous et les Mo- 
mots, et ciliée chez le Glaucope. 


Fig 161 Fig. 162. Fig. 165. 
Langue d'Engoulevent. Langue de Fodarge. Langue de Martinet. 


Mais il en est une, celle des Podarges, ces grands Engoule- 
vents de la Nouvelle-Hollande et de l'Océanie, ou plutôt de la 
Papouasie, dont on n’a jamais parlé, et qui est peut-être la plus 


SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 139 


extraordinaire dans toute la classe : elle mérite à peine le nom 
de langue, et consiste tout simplement en une petite lame mem- 
braneuse en forme de fer de lance, allant en s’élargissant de la 
pointe à la base, et tellement mince, qu'une fois desséchée elle 
a l'apparence d’une pellicule noie moins épaisse qu une 
feuille de papier. On ne remarque aucune trace de papilles, soit 
à sa eurface, soit sur ses bords. Son utilité parait donc assez 
problématique; et c’est sans aucun doute un des types les plus 
remarquables de la langue chez les oiseaux. Ce fait de la dispa- 
rition de la langue, comme organe, est d'autant plus extraordi- 
naire qu il est NET sur des espèces dont l'ampleur intérieure 
du bec est énorme. | | 

Les oiseaux qui vivent de grains, tels que la plupart des 
Poules, Faisans, Dindons, Paons, Pintades et Perdrix, sont ceux 
qui ont, en général, la langue moins grande, moins charnue, 
plus sèche, et couverte d'une peau plus épaisse. Sa forme est à 
peu près triangulaire; deux prolongements s'étendent sur les 
branches de l'os hyoïde, et laissent un vide dans leur milieu. 
Le palais, chez ces oiseaux, est revêtu de membranes minces et 
très-peu humectées; conditions qui n'indiquent certainement 
* pas un grand développement du sens du goût. 

La langue est encore grêle et pointue chez les Bécasses; char- 
nue, au contraire, large et pointue chez les Grues; cartilagi- 
neuse, aplatie et frangée à l'extrémité chez les Agamis. Elle est 
généralement petite chez l’Albatros; à bords frangés et festonnés 
chez le Harle. 

Mais de tous les oiscaux, et surtout de ceux qui vivent sur 
l’eau, ce sont les Oies et les Canards qui ont la langue la plus 
volumineuse, la plus charnue, la plus papilleuse, la plus couverte 
de mucosités, et celle qui, à part la mobilité, a le plus d'analogie 
avec celle des mammifères (fig. 145). Elle est terminée à sa 
pointe par une sorte d'onglet cartilagineux. Cependant ces oi- 


140 | TROISIÈME LECON. 


seaux, qui devraient, selon toute apparence, être les plus sen- 
suels, le sont le moins, et ne sont que voraces; ils semblent ne 
pas choisir leurs aliments, s’accommodent généralement de 
tout ce qu ils trouvent dans la vase, qu'ils fouillent et dans la- 
quelle ils barbotent; les plus gros morceaux sont ceux qu'ils 
préfèrent malgré la difficulté de les aväler et le temps qu'ils 
passent à les dépecer. | 

Ceci nous mène à dire un mot de ce qu'on a cru devoir con- 
sidérer comme une preuve de la délicatesse du goût chez les 
oiseaux qui vivent de grains, par opposition à la voracité des 
Oies et des Canards, qui vivent de tout. 

Les premiers sont délicats par sensualité, a-t-on dit, et la 
simplicité de leur orgamisation nous tromperait, si leurs habi- 
ludes ne nous désabusaient. Qu'on mêle en effet ensemble plu- 
sieurs espèces de grains qui, séparément, sont une nourriture 
également bonne pour eux, et qu’on les leur présente : ils en 
préféreront une sorte qu'ils épuiseront avant de toucher aux 
autres, et ils les trieront tous dans l’ordre suivant lequel ils leur 
plaisent le plus. S'ils ne mangeaient que par appétit, par be- 
soin, 1ls choisiraient de préférence les grains les plus gros, qui 
les rassasieraient plus tôt, et cependant ils font le plus souvent 
précisément le contraire. Qu'on mêle du froment, de l'orge et 
du nullet, qu'on donne ces grames à des Poules, des Faisans, des 
Dindons, etc., le millet sera toujours dévoré le premier, le fro- 
ment ensuite, et l'orge restera le dernier; si, tandis que ces oi- 
seaux trient les graines, on jette au milieu d'eux de la mue de 
paim, des vers, des portions d'insectes mous, de la viande ha- 
chée, les graines seraient quittées pour ces nouveaux appâts, 
parmi lesquels les vers auront la préférence; les Pigeons lais- 
seront de même la vesce pour le chènevis ou le mullet qu'on y 
aura mêlé. 


Et l'on à conclu de ces observations que les oiseaux, même 


SYSTÈME NERVEUX ET SENS. LH 
ceux qui sont gramivores, mettent du choix dans les aliments 
qu'ils trouvent à leur portée, et que ce choix, le plus souvent en 
opposition avec le simple appétit, avec le besoin de se nourrir, 
ne peut être fondé que sur la sensualité. Cette manière de rai- 
sonner de plusieurs naturalistes est le résultat d’une erreur, et 
provient de la confusion qu'ils ont faite entre ce qui n'est que 
de l'instinct et ce qui ne saurait appartenir au sens du goût, 
que tout démontre, nous le disons encore, ne pas plus exister 
chez les oiseaux que celui de l'odorat. 

Tout ce que l’on peut dire sur ce point tant controversé, c'est 
que la langue, de même que le bec, varie dans sa forme, en rai- 
son des habitudes et de la manière de vivre des oiseaux, beau- 
coup plus qu'en raison des besoins ou des nécessités de l'organe 
du goût, que nous considérons chez eux, à l’exemple d'Isidore 
Geoffroy Saint-Hilaire, comme entièrement nul et tout au plus 
à l’état rudimentaire. 

Ainsi les papilles si diverses de formes et plus ou moins 
cornées qui se voient à la langue de la plupart des oiseaux, et 
dont elle est généralement couverte ou bordée, leur servent plus 
à retenir les aliments arrivés à l'arrière-bouche qu'à en appré- 
cier l'odeur ou la saveur, en un mot, qu’à la perception du goût. 

Il en est de même de l’organisation du palais. Nous ny 
voyons rien non plus qui vienne à l'appui des explications don- 
nées par Mauduyt et d’autres naturalistes pour établir l’exis- 
tence du goût chez les oiseaux. 

On à vu que leurs narines ne consistent qu’en deux ouver- 
tures placées indistinctement à la base, au milieu, ou même à 
l'extrémité du bec, et percées tantôt dans une peau membra- 
neuse, tantôt dans la substance cornée de cet organe, parfois 
même lui étant superposées en forme de tubes osseux. Ce qui 
n'empêche pas que, s’il y a entre leur organe intérieur, pour 
l'odorat et celui des mammifères, plus de conformité qu'il ne 


149 TROISIÈME LECON. 


s'en trouve du côté de la langue, cette conformité ne soit pure- 


ment apparente. 

Ce n’est pas d'abord vers le milieu du crâne, à la partie anté- 
rieure, comme dans les mammifères, que l'organe de l’odorat 
est à chercher dans les oiseaux; c'est à la portion subantérieure 
du bee. Cette portion est bien effectivement creuse, séparée en 
deux par une lame osseuse longitudinale, et partagée, par des 
cloisons plus ou moins cartilagmeuses, en un grand nombre de 
cavités communiquant les unes avec les autres; ces cavités sont 
aussi tapissées par une membrane déliée, sorte de muqueuse, et 
l’on y aperçoit bien aussi des nerfs qui s’y distribuent et s’y épa- 
nouissent. Mais on ne reconnait dans ces surfaces unies. calleu- 
ses ou papilleuses, rien qui serve à percevoir l'impression des 
odeurs : tout ce système, tout ce mécanisme, ne concourt qu à 
un seul but, celui de rendre plus facile la déglutition des ali- 
ments. Il ne faut pas oublier que les cavités orale et gutturale 
des oiseaux ne sont pas suffisamment distinctes l’une de l’autre, 
attendu qu'il n'existe pas de voile du palais, et que l'ouverture 
postérieure des narines et la glotte représentent seulement deux 
fentes longitudinales qui se correspondent et qui sont ordinaire- 
ment garmes de papilles fort mclinées. Or ces différences seules 
et l'absence de véritable palais suffisent pour mettre en doute 
la sensibilité du goût, qui ne peut se manifester, chez les o- 
seaux, que par la triple combinaison des impressions de la lan- 
oue, du palais et des narimes. C’est encore à cause de ces diffé- 
renices, et surtout à cause de Ja forme et de la solidité du bec, 
que la succion ne s'opère jamais chez les oiseaux quand ils boi- 
vent : ils emplissent la cavité de la mandibule inférieure, qui leur 
sert de véritable gobelet ou cuiller, et, en élevant ou renversant 
même la tête, ils font écouler le liquide dans leur Jabot. Il y a 
cependant une exception à signaler chez les pigeons, qui aspirent 
l’eau qu'ils boivent; mais cette exception, qui, chez eux, tient à 


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VIS RE SUIS à 


_ SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 143. 
une modification du mécanisme et aussi à un bec plus mou et 


plus charnu, ne prouve nullement la sensibilité du sens ol- 
factif. 


Toucher. — Le loucher est non-seulement le plus unpar- 
fait, mais encore le plus obtus des sens de l'oiseau : ce qui se 
conçoit aisément. Ce sens est affecté aux impressions que le corps, 
et spécialement certaines parties, peuvent éprouver au contact 
des corps extérieurs. Or, chez les oiseaux, que voyons-nous ? 

Une bouche remplacée par un appareil osseux recouvert d’une 
membrane ou enveloppe dure et cornée, et par conséquent, 
sauf quelques exceptions dont nous parlerons, impropre aux 
perceptions tactiles; des membres supérieurs destmés unique- 
ment à faciliter la locomotion aérienne ; des membres inférieurs 
recouverts de plaques protectrices presque éornées, écailleuses 
ou réticulées, imsensibles, et plus nuisibles que favorables à 
l'exercice du toucher. lieste donc l'impression que peut recevoir 
une peau complétement couverte de plumes insensibles, plus ou 
moins "épaisses et plus où moins serrées. Sans aucun doute, l’oi- 
seau est sensible aux démangeaisons et aux piqûres produites par 
les parasites qui se logent sous ses plumes, 1l perçoit la sensation 
des petits corps étrangers qui s'mtroduisent entre elles, mais 
cela n'a qu'un très-faible rapport avec le sens du toucher, que 
nous considérons ici Comme exigeant, pour s'exercer d’une ma- 
mère utile, le concours de la volonté de l'animal. Aussi ne 
trouvons-nous de traces de sensibilité tactile qu à l'extrémité du 
bec, dans certains groupes qui ont cet organe moins sec, plus 
allongé ou plus charnu, comme on le voit chez quelques échas- 
siers, le Courlis, la Bécasse, le Flamant, entre autres, et surtout 
chez les palmipèdes, qui barbotent. On en trouve encore d’au- 
tres à la plante du pied, sous les doigts, sous les membranes 
interdigitales, où se voient des papilles formant des mamelons- 


144 TROISIÈME LECON. 

très-rapprochés et disposés par lignes régulières et à peu près 
parallèles. Ces papilles, très-apparentes chez un grand nombre 
d'oiseaux, ne représentent cependant guère le toucher qu'à l’état 
rudimentaire. Nous ne ferons d'exception qu'en faveur des 
échassiers, parmi lesquels nous citerons les 
Chevaliers, les Bécasseaux, et surtout les Bé- 
casses, qui ont l'habitude de piétiner le sol, 
autant pour le sonder et reconnaître s'il ren- 
fernie des vers, dont ils sont friands, que pour 
exciter ces vers à sortir. 


4) 
vi 11) 
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) 


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* Fig. 164. Fig. 165. — Malacorhynque. 

Patte de Pigeon. 

Il n'est personne qui n'ait constaté la répugnance des oiseaux 
à se laisser passer la main sur le dos, tandis qu'ils supportent 
assez bien son contact sur les autres parties du corps. Quelques- 
uns même, parmi les plus apprivoisés, sollicitent un genre de 
caresse qui consiste à leur gratter la peau de la tête et du cou. 
Cette répugnance n’est pas le résultat d'un excès de sensibilité 
tactile, mais bien celui de la crainte. Toute la confiance de l’oi- 
seau est dans ses ailes, et il redoute instinctivement toute ma- 
nœuvre qui peut l'empêcher de les déployer. | 


Sens thermo-électrique et thermo-barométrique. —- 


« 


Nous som es d'autant plus porté à admettre pour les oiseaux 
_un sixième sens thermo-électrique et thermo-barométrique, 


SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 145 
que nous trouvons incomplètes et insuffisantes les causes in- 
diquées jusqu'ici comme déterminantes des migrations si re- 
marquables de ces animaux. 

Carus a proposé pour l’homme l'établissement d'un sixième 
sens (sens de la chaleur). «Cest à tort, dit l’anatomiste alle- 
mand, que l'on confond en un seul le sens à l’aide duquel nous 
apprécions là chaleur, et celui qui nous fait juger la manière 
dont les corps remplissent l’espace. éprouve évidemment des 
sensations tout à fait différentes quand j'approche ma main du 
feu et quand je la pose sur un corps solide; quand, en un mot, 
Je me sers du toucher pour apprécier la température ou la forme 
d'un corps. De ce que ces deux sortes de sensations sont per- 
çues par un seul organe, la peau, il ne s'ensuit pas qu'elles ne 
constituent qu'un seul sens, une seule manière de sentir; c’est 
seulement une preuve que ces sensations sont perçues par des 
sens d’un degré peu élevé, puisqu'ils ne sont pas séparés et iso- 
lés l’un de l’autre. » 

Si nous n'adoptons pas complétement les vues du savant ana- 
tomiste, nous acceptons du moins la dernière partie de ses con- 
clusions, et nous considérons comme peu élevés dans l’échelle 
de la sensibilité les sens non isolés les uns des autres : tels 
sont, chez les oiseaux, l’odorat, le goût et le toucher, En effet, 
nous avons vu le goût et l’odorat se confondre sur les papilles de 
la partie postérieure de la langue; le goût et le toucher, et peut- 
être l’odorat, avoir un siége commun à l'extrémité du bec d’un 
assez bon nombre d’espèces; le toucher isolé seulement aux faces 
plantaires des pattes, mais certainement et naturellement 
émoussé et peu délicat sur des parties si souvent en contact avec 
le sol. | 

1! n'en est pas amsi du sens thermo-Larométrique ou sens gé- 
néral, sens umiversel, comme Virey l'a désigné 1l y a déjà au 
moins soixante ans, L'organisation si exceptionnelle des oiseaux, 

nie 15 


146 _ TKOISIÈME LEÇON. 
l'ampleur de la respiration et la dispersion dans presque toutes 
les parties du corps de l'air inspiré, les rendent excessivement 
impressionnables aux variations atmosphériques ou météorolo- 
giques. C’est à cette sensibiité.qu'ils doivent la faculté, non pas 
de prévoir, mais de pressentir les changements thermo-baromé- 
triques. Les sensations qu'ils éprouvent alors éveillent bien cer- 
tamnement l'instinct qui les décide, dans l'intérêt de la conser- 
vation de l'espèce, à quitter des régions troublées pour passer 
dans des régions plus calmes Ils n'attendent pas le moment où 
une nourriture abondante leur fera absolument défaut, comme 
nous le dirons en parlant des migrations; 1ls partent ayant encore 
leur existence assurée pour quelque temps; ils partent, non pas 
isolément, mais en bandes plus ou moms nombreuses, et à la fois 
de plusieurs points souvent éloignés les uns des autres. I faut 
donc que l'impulsion qui les pousse ait une cause générale, il 
faut encore que l'agent, mystérieux pour nous, qui les dirige, 
leur indique le moment opportun du départ. Cet agent peut-il 
être autre chose que l’état atmosphérique ou météorologique? Le 
siége de cette perception peut-il être localisé, ou est-il répandu 
sur toutes les surfaces internes et externes du corps? Nous 
pensons que toutes les parties qui sont en contact immédiat 
avec l'air atmosphérique, plumes, poumons et sacs aériens, or- 
ganes particuliers aux oiseaux, et dont nous parlerons bientôt, 
subissent l'influence de cet élément et produisent le trouble, 
l'inquiétude et l'agitation qui rendent le départ mdispensable. 
Nous ne croyons pas que les indications fournies par un pa- 
tient observateur de Manchester, M. Blackwall, soient de nature 
à infirmer notre opmion. Cet ornithologiste, dans un Mémoire 


fort curieux sur les oiseaux de passage dans le comté qu'il ha- 


bite, dit qu'il a noté jour par jour l’arrivée ou le départ de telle 


ou telle espèce, en même temps que l’état quotidien de la tem- 


pérature et du temps, et 1l présente des tableaux fort intéressants 


\ 


UE 


SYSTÈME NERVEUX ET SENS. ; 147 
pour la science. 11 a constaté que les oiseaux arrivent à une 
époque où la température est plus froide qu'elle ne l'était au 
moment de leur départ. Cherchant à expliquer le fait, il a cru 
devoir attribuer au besoin de se garantir des maladies de la 
mue l'instinct qui les détermine à changer de lieu pour se ren- 
dre en des climats plus favorables au développement de leurs 
nouvelles plumes: Nous mettons de côté l'erreur relative à ce 
genre de mue, car, dans leurs migrations, les oiseaux errati- 
ques, et ce sont ceux-là seuls dont s’est occupé l'observateur de 
Manchester, ne changent pas assez de latitude pour trouver une 
différence bien notable dans le climat du pays où ils se ren- 
dent. Ensuite, ou nous nous trompons fort, ou cette observa- 
tion, étendue aux oiseaux réellement migrateurs ou voyageurs, 
tels que les Martinets, les Hirondelles, les Cailles, les Grues, les 
Cigognes, les Oies, etc., viendrait singulièrement à l’appui de 
notre opinion, puisqu il en résulterait un véritable pressenti- 
ment dû à une perception électrique ou barométrique. 


Fig, 166. — Tube digestif du Dindon. 


PRE PT RE PL TS 


# 


QUATRIÈME LEÇON 


Appareil digestif. 
Cœur et système vasculairé. — Organes incubateurs. 
Appareil de la respiration. 
Sacs aériens. — Organes de la voix et du chant. 


APPAREIL DIGESTIF. 


L'appareil digestif des oiseaux comprend le bec comme organe 
préhenseur ou incisif; la langue comme organe de déglutition, 
de préhension et de gustation; les glandes sublinguales, buc- 
‘cales et sous-maxillaires, dont le produit humecte la cavité du 
bec ; l’œsophage et sa dilatation désignée sous le nom de jabot ; 
le ventricule succenturié ou estomac glanduleux; le gésier ou 
estomac musculeux ; l’intestim grêle, le gros Intestin, les or- 
ganes urinaires, et enfin le cloaque, orifice terminal commun. 
Le foie et la vésicule du fiel, le pancréas et la rate, sont des an- 
_nexes dont nous parlerons au sujet des sécrétions. 

L'appareil digestif présente des différences notables suivant 
qu'on l’examine sur des oiseaux d'ordres, de familles et même do 


19% 


159 QUATRIÈME LEÇON. 


genres différents. Nous ne parlerons ici que des modifications 
principales, qui sont toujours en rapport avec le genre de nour- 
riture parüculier à à chaque groupe. 

À première vue, la forme extérieure du bec et sa plus ou 
moins grande Un permettent de dire quel est le genre de 


nourriture propre à chaque espèce d'oiseaux. La cavité buccale 


est en parful rapport avec la forme du bec; elle est plus ou 
moins ample, et elle présente à sa paroi supérieure plusieurs 
lignes de papilles allongées et dirigées d'avant en arrière; la 
mandibule inférieure supporte quelquefois une énorme poche 
membraneuse, comme on le voit chez le Pélican (fig. 139). L’ar- 
rière-bouche est humectée par la sécrétion 
de glandes nombreuses. 

L'œsophage fait suite à la cavité buccale; 
il est situé à la face antérieure des verté- 
bres du cou, derrière la trachée-artère et 
un peu à sa droite. En général il a beaucoup 
d’ampleur et d’extensibihté, surtout chez 
les Jeunes oiseaux, qui, sortis encore im- 
parfaits de l'œuf, ont besoin d’être nourris 
pendant quelque temps par leurs parents; 
tels sont les grimpeurs et les passereaux. 
Dans ces groupes, l’œsophage forme, à par- 
ur de la large cavité du bec et du pha- 
rynx, un sac dans lequel les parents intro- 
duisent la nourriture qu'ils ont préalable- 
ment triturée el humectée. 

L'œsophage des rapaces, des échassiers 


Fig. 167. 
Œsophage et estomac 


de Thalassidrome. et des palmipèdes conserve toujours une 
grande ampleur, ce qui permet à ces o1- 

seaux, comme à un grand nombre de poissons et de reptiles, 
uon-seulement d'avaler des animaux entiers, mais encore de ré- 


sis is 


APPAREIL DIGESTIF. 191 


eurgiter les aliments qui ont subi déjà un commencement de 
digestion. Chez les rapaces diurnes et nocturnes surtout, qui 
avalent leur proie avec plumes et poils qu'ils ne peuvent digé- 
rer, la régurgitation était indispensable : aussi trouve-t-on sou- 
vent dans les lieux fréquentés par ces animaux des pelotes 
formées de débris non digérés, plumes, poils et os rendus après 
la digestion des parties assimilables. Chez les oiseaux, les Hérons, 
les Cigognes, etc., qui vivent de poissons ou de reptiles dont le 
corps est allongé et ne peut être toujours complétement imtro- 
duits au même moment dans un estomac déjà rempli, on trouve 
souvent intacte la partie de ces poissons ou de ces reptiles encore . 
engagée dans l’œsophage, tandis que la partie qui a pénétré dans 
l'estomac est décomposée. 


nt 


Ti 


Formes diverses d’œsophages et de gésiers. 


Fig. 168. 
Tétras. Ilirondelle. Martin-pêcheur. 


Fig. 170. 


L'œsophage présente souvent vers sa partie moyenne une di- 
latation plus ou moins considérable à laquelle on à donné le nom 
de jabot. On observe cette dilatation principalement chez les 
olseaux granivores, que lon à comparés, sous ce rapport, aux 


152 QUATRIÈME LECON. 

mamnufères ruminants. On la rencontre aussi chez les oiseaux 
carnivores; mais dans ce dermer cas c’est plutôt une dilatation 
graduelle et uniforme du canal. Elle ne se trouve pas ou n’est 
que peu apparente chez les grimpeurs, les insectivores, les 
autruches, les échassiers et les palmipèdes. Cette poche, ou ja- . 
bot, est tapissée intérieurement d’une membrane muqueuse qui 
sécrète en abondance un liquide destiné à ramollir les aliments. 
[ls y subissent une première décomposition : comme le jabot 
est ample et que l’estomac, dont nous allons parler, ne l’est pas, 
il sert de lieu de réserve dans lequel les aliments peuvent être 
accumulés, et d’où 1ls passent dans l'estomac à mesure que ce 
dernier peut les recevoir. C’est du Jabot que remonte la nour- 
riture préparée pour les petits. On a constaté depuis longtemps 


Œsophage et jabot du Pigeon, retournés et insufflés, pour voir les modifications de la 
membrane muqueuse à l’état ordinaire et à l’époque de l'éclosion des petits. 


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Fig. 172. — État ordinaire. Fig. 173. — État en nourrissant. 


déjà chez les Pigeons un fait très-intéressant, et une modifica- 
tion singulière du jabot pendant qu’ils nourrissent leurs petits. 
Eu temps ordmaire le Jabot des Pigeons ne présente rien de par- 


APPAREIL DIGESTIF. 155 
ticulier ; 1l a le mème aspect que celui de la plupart des autres 
oiseaux; mais, pendant l’incubation, les parois membraneuses du 
jabot s’épaississent, les plis de la muqueuse se prononcent da- 
vantage, des glandes nombreuses se développent, deviennent 
très-apparentes et fournissent en abondance, au moment de l’é- 
elosion, une sécrétion laiteuse qui ne cesse de se produire que 


lorsque les Pigeonneaux commencent à sortir du nid. 


tricule succenturié ou de secours, premier 


Chez beaucoup d’autres oiseaux , la nourriture donnée en pa- 
reil cas aux jeunes a subi une digestion plus avancée, 11 y a donc 
lieu de penser qu’elle est rappelée de l'extrémité mférieure de 
l’œsophage. Le jabot, placé en dehors du thorax, repose sur la 
fourchette et sur la membrane élastique qui unit les deux bran- 
ches de cet os. À la suite du jabot, se trouve 
un rétrécissement peu étendu ou second œso- 
phage qui, peu après son entrée dans la poi- 
trine, se dilate de nouveau, et forme le ven- 


estomac glanduleux dont la structure diffère 
surtout de celle du reste du canal intestinal 
par le volume et le nombre des glandes rou- 
geûtres qui le tapissent. Ces glandes varient 
elles-mêmes beaucoup dans leur structure sui- 
vant les ordres ou les familles. Elles sont très- 
développées, prriformes et bordées de franges  Gophage, sabot. 
libres dans la Salangane , cette petite Hirondelle ventricule succenturié 
: : : RAR : et gésier 

de Java qui construit ces mids gélatineux si  qun granivore. 
renommés en Chine. En général elles sont 

simples chez les oiseaux carnivores, volumineuses et rami- 
fiées chez ceux qui vivent de graines ou de feuilles. Chez ces 
dermers, le ventricuie succenturié, qui prépare le suc gas- 
trique, a généralement des parois plus épaisses, des glandes 
plus rapprochées et plus développées, quoique assez petites. 


Fig. 174. 


154  QUATRIÈME LEÇON. 

Chez Îles premiers et chez beaucoup d’échassiers, le ventri- 
eule succenturié est extrêmement large, court, ses parois sont 
minces, et 1l se continue d’une manière insensible avec le se- 
cond estomac ou estomac musculeux (gésier), qui ne difère du 
premier que par l'absence de glandes gastriques proprement 


dites, et par sa couche musculaire, qui peut imprimer un mou- 


vement rotatoire aux aliments. Le gésier, plus ou moins épais, 
est couvert d'une aponévrose qui est le centre d’où rayonnent 
les fibres musculaires. IL est situé à 
gauche au-dessous du foie et fort en 


\i, QU |. A sp e 
KE de ) arrière dans la cavité abdominale. Le 
= à VW mouvement rotatoire dont nous ve- 
| => S7 \\ nons de parler semblerait suffisam- 


ment prouvé par la forme arrondie 
que prennent, dans l'estomac des oi- 
seaux de proie, les corps, plumes, 
poils et os qu'ils ne peuvent digérer. 
Mais le fait est complétement démon- 
N tré par la formation, dans l'estomac 
Pig. 175. du Coucou, de pelotes composées de 

Gésier de Dindon. poils de chenilles, véritables égagro- 
piles tout à fait comparables à ceux 

qu'on trouve dans l'estomac des chèvres. Les chenilles velues 
dont se nourrissent particuhièrement les Coucous ont des poils 
roides, terminés en fer de flèche et qui pénètrent assez avant 
dans la membrane muqueuse, où 1ls demeurent fixés par leurs 
crochets. Disons en passant que cette disposition accidentelle, 


« 


qui cesse quelque temps après que les Coucous ne trouvent 


plus de chemilles velues, a été considérée, par erreur, comme 
un état normal de l'estomac de ces oiseaux. Quoi qu'il en soit, 
tous ces poils sont inclinés dans le même sens, et, pour qu'ils 
se dirigent tous du même côté, il faut qu'ils reçoivent cette 


APPAREIL DIGESTIF. 155 
direction du mouvement rotatoire des aliments contenus dans 
l'estomac. 

La structure musculeuse du gésier est surtout bien prononcée 
chez les oiseaux qui vivent de substances végétales, comme les 
Pigeons, les Poules, les Dindons, les Oies, les Cygnes, etc. : chez 
ces animaux les muscles constituent la plus grande partie de 
l'estomac; leurs fibres denses et d’un rouge foncé aboutissent 
à un centre tendineux très-solide, et, comme la membrane in- 
terne ou muqueuse a une texture cornée, le viscère peut agir 
avec une force extraordinaire sur les substances qu'il est appelé 
à diviser. 

Carus avait été frappé du développement énorme de l’épithe- 
lium ou muqueuse du gésier chez le Pétrel glacial. Cela surprend 
moins quand on sait que cet oiseau est carnivore; on trouve en 
effet dans son estomac des débris de bras de Seiche divisés par 
un appareil composé de sallies coniques, cornées et analogues 
aux dents des poissons. 

Ce fait, le prenner de ce genre observé dans l’ordre des pal- 
mipèdes, a son analogue et se retrouve dans celui des pigeons, 
avec des caractères tout aussi extraordinaires, si ce n'est même 
plus prononcés. Nous avons eu occasion de le constater, en 1860, 
sur un oiseau de la Nouvelle-Calédonie. On savait déjà que les 
vrais carpophages (ou pigeons mangeurs de fruits à noyaux) 
avaient un gésier plus vigoureusement constitué que celui des 
autres colombidés, chez lesquels cet organe présente une mem- 
brane, non-seulement très-robuste, mais encore couverte de pe- 
tits tubercules cornés, constituant un appareil destiné à la tritu- 
ration des corps durs renfermés dans les baies dont ces oiseaux 
font leur nourriture ordmaire. 

Chez l'oiseau dont nous parlons et auquel on à donné le nom 
de Phœnorhine Goliath, à cause de ses amples dimensions, ce 
caractère revêt une forme tout à fait anormale. Le gésier, déjà on 


156 QUATRIEMNE LECGON. 

ne peut plus musculeux par lui-même, a sa surface interne régu- 
lièrement couverte, non plus de simples tubercules cornés, mais 
de pointes véritablement osseuses, comme celles qui se voient à la 
surface du corps de la Raie bouclée. Ces pointes, en cône aplati, 
ont cinq millimètres à leur base et cinq ou six millimètres de 
hauteur; elles sont inclinées, à droite sur l’une des parois, et à 
gauche sur l’autre; de sorte que par le jeu musculaire de l’or- 
gane, au premier temps de la digestion, elles s’engrènent les 
unes dans les autres comme les dents d’une machine à broyer. 
Lorsque l'organe est entièrement désséché, ces espèces de dents 
se détachent de la membrane à laquelle elles adhéraient par un 
pédicule central fibreux qui permettait leur mobilité. 


Fig. 177. 
Partie interne de l'estomac Partie interne de l'estomac 
du Héron. du Puffin. 


& 
L’estomac musculeux, comme le fait observer Carus, ne se 
trouve pas exclusivement chez les oiseaux granivores ou herbi- 
vores. [l peut se produire jusqu’à un-certain point chez les oi- 


Er 
à 


-1 


APPAREIL DIGESTIF. 157 
seaux de proie quand on Les nourrit exclusivement de grans et 
d'autres substances végétales. 


| N. 


DE 
EL 
h 


(NV 


Fig” 178. Fig. 179. Fig. 180. 
Ventricule et gésier Ventricule et gésier Gésier de Pic 
de Faucon. de Faucon, divisés et vu à l'intérieur. 


vus à l'intérieur. 


Il est à remarquer aussi que des espèces semblables, come 
forme extérieure, diffèrent cependant par la disposition de leur 
estomac, approprié d’ailleurs au climat qu’elles habitent et 
à la nourriture dont elles font usage. Ainsi Home a fait voir 
que l’Autruche d'Afrique (Struthio camelus) a un large ven- 
tricule succenturié, qui se recourbe de bas en haut, pour 
s'ouvrir dans un petit gésier très-musculeux; tandis que celle 
d'Amérique (Rhea Americana) a le gésier plus spacieux, mais 
formé de parois plus minces, dans lesquelles Carus.a constaté la 
présence d’un appareil glanduleux particulier. 

Un physiologiste a dit que le gésier remplissait des fonctions 
analogues à celles des dents molaires, tandis que le bec repré- 
sentait des dents incisives. Quoi qu’il en soit, om sait qu’un grand 
nombre d'oiseaux ont l'habitude d’avaler beaucoup de petites 
pierres, afin d’armer en quelque sorte leur estomac de dents 
étrangères ; et l’on a dû être surpris de voir le gésier suppor- 


mere 14 


158 QUATRIÈME LECON.. 


ter, sans inconvément souvent, mais non toujours sans danger, la 
présence de morceaux de verre on de pointes métalliques, qu'il 
parvient à émousser et à broyer dans un temps assez court. On a 
observé, dit Buffon, que le seul frottement dans le gésier avait 
rayé profondément et usé presque aux trois quarts plusieurs 
pièces de monnaie qu'on avait fait avaler à une Autruche. 
L'orifice pylorique du géster forme un canal à parois molles et 
quelquefois assez dilaté pour être considéré comme un estomac 
accessoire. Les intestins, maintenus par un mésentère, ont moins 
de longueur que chez les mammifères, et le gros intestin est 


généralement si court, qu'il correspond à peine au rectum de ces 


derniers. Le canal intestinal est très-court chez la plupart des 
rapaces. Il a au contraire une longueur extraordinaire chez les 
Gorfous et Sphénisques, notamment chez le Manchot (Apteno- 
dytes demersa). 

Les parois musculeuses de l'intestin sont ordinairement fort 
épausses, et la plupart du temps la membrane interne est cou- 


verte de villosités très-longues, qui en garmissent toute l’étendue, 


à l'exception seulement des cœcums. 

Chez plusieurs palmipèdes, l’Oie par exemple, la partie anté- 
rieure du canal intestmal est couverte de plis longitudmaux 
ondulés, qu'ou rencontre fréquemment aussi chez les passereaux, 
et qui disparaissent dans les cœcums, où 1ls sont remplacés par 
des villosités. Il n’existe dans la plupart des animaux qu'un seul 
cœcum, qui forme la première partie du gros intestin; chez les 
oiseaux, 1l y en a le plus souvent deux, et leur longueur est 
très-variable. Ils représentent deux appendices vermiformes pla- 
cés à droite et à gauche de l’intestin. Ils sont très-longs chez les 
oiseaux qui vivent de substances végétales, comme les Poules, 
les Faisans, les Paons, les Pintades, les Oies, les Cygnes; plus 


courts chez la Chouette, le Coucou, la Bécasse, la Grue, le 


Pélican, etc.; plus courts encore chez les Pigeons, les Cor- 


ÉD UE no ra 2 AC ré 


APPAREIL DIGESTIF. 


159 


beaux, les Pies-Grièches, les Moineaux, etc.; très-courts enfin 


chez les rapaces, les Mésanges, la Ci- 


goghe, les Mouettes, etc. Il n’y a 


qu'un seul cœcum, parfois roulé en 
spirale, chez le Héron, le Butor, le 
Harle. On n’en trouve aucune trace 
chez les Zygodactyles, Perroquets et 
Pics. Le Martin-pêcheur, la Huppe et 
le Cormoran en sont aussi privés. On 
ne connaît que quelques oiseaux gra- 
mivores, les gallicacés, par*exemple, 
chez lesquels le gros intestin soit sé- 
paré de l'intestin grêle par une sorte 
de valvule. 
On sait combien les oiseaux ont con- 
tribué et contribuent encore tous les 
jours à la distribution de certaines 
plantes à la surface du globe, et, sans 
parler de notre Draine, dont les excré- 
lions conservent intactes les baies de 
gui qu'elles transportent à grande dis- 
tance au détriment des arbres sur les- 
quels elle les dépose, combien ne pour- 
rait-on pas citer d’autres oiseaux qui 


Fig. 181. 


Tube digestif et foie 
de la Poule commune. 


ont la même mission à remplir! Les Pigeons, surtout ceux dits 
Muscadivores, qui répandent et multiplient la muscade dans 
toutes les iles et dans les moindres îlots de la mer des fndes et de 
l'Océanie; les Pardalottes, et beaucoup d’autres petits oiseaux 
qui transportent tant de plantes parasites sur les arbres des fo- 
rêts de la Nouvelle-Hollande. La conservation des graines dans le 
tube digestif des oiseaux ne dépend, au dire de Carus, que de 
l'absence de valvules aux orifices cardiaque et pylorique, d’ail- 


160 _ QUATRIÈME LEÇON. 

leurs assez rapprochés l’un de l’autre pour que ces graines 
passent dans l’intestin sans avoir subi -d’altérations. Banks 
assure même que les graines qui ont traversé le canal alimen- 
taire d’un oiseau germent beaucoup plus promptement que 
d’autres. | | 


Peut-être est-ce à une orgamisation semblable que les Gla- 
réoles, ces oiseaux si difficiles à classer, doivent de rendre in- 
tactes les carcasses des sauterelles, dont ils sont très-friands. 
Ces insectes ne perdent en effet, pendant leur séjour dans le canal 
intestinal des Glaréoles, que leurs parties molles internes; leur 
enveloppe plus ou moins dure n’éprouve aucune altération. L’ob- 
servation de ce fait est due à Jules Verreaux. 


Annexes du tube digestif. — Les sécrétions chez les 
oiseaux, comme chez tous les animaux, sont le produit de di- 
verses glandes ou organes glanduleux, tels que le foie, le pan- 
créas, les reins, etc., annexes glanduleuses du tube digestif, et 
en communication avec lui par des canaux particuliers et plus 
ou moins nombreux. 

Quoiqu'il existe un rapport déterminé entre l'appareil sali- 
vaire et celui de la mastication, la sécrétion salivaire chez les 
oiseaux consiste généralement plutôt en un simple mucus qu'en 
une véritable salive, car elle est épaisse et visqueuse. Elle a ce 
caractère chez la plupart des Fissirostres, les Engoulevents et 
surtout les Hirondelles, qui en font un si utile et s1 constant 
usage pour la construction et la consolidation de leurs nids, et 
aussi chez les Pics, où elle forme sur la langue un enduit gluant 
dont ils se servent pour saisir leur proie. 

Les glandes salivaires sont petites, et en plus grand nombre 
chez les oiseaux de proie; mais elles ne sont chez aucun oiseau 
plus développées et plus nombreuses que chez ceux qui vivent 
de substances végétales. 


OR RS APS SN PT EN TE ET PRET 


APPAREIL DIGESTIF. 161 

Le foie est plus volumineux relativement chez ces animaux 
que chez l’homme et les mammifères, Composé de deux lobes, 
il est couvert en avant par le sternum, et s'appuie en arrière sur 
les poumons, où il est même retenu par les parois des cellules 
aériennes qui le tapissent de leurs prolongements. Get organe 
varie de grosseur selon les ordres ou les familles. Les échassiers 
et les palmipèdes sont ceux qui l'ont le plus volumineux, puis- 
qu'il varierait de ;# à © du poids du corps ; tandis que les ra- 
paces sont ceux qui l'ont le plus petit, son poids ne variant que 
de + à + de celui du corps. 

La vésicule de fiel n'existe pas chez tous les oiseaux. Garus l’a 
cherchée en vam dans le Perroquet et le Pigeon ; d’autres ana- 
tomistes ne l'ont pas trouvée dans la Pintade, la Gélinotte, le 
Paon et l’Autruche, tandis qu'on l'aurait observée chez les 
Nandous et le Casoar. Dans le Toucan, cette vésicule est étroite, 
mais d'une longueur remarquable, puisqu'elle s’étend à presque 
toute la cavité abdominale, d’après Meckel. 

Nous reviendrons sur ce fait assez remarquable de l'absence 
ou de la présence de la vésicule biliaire chez les oiseaux, en trai- 
tant de la coloration de leurs œufs. 

On sait que c'est en augmentant la nourriture et en dimi- 
nuant le mouvement musculaire que l’on parvient chez plu- 
sieurs oiseaux domestiques, notamment les Oies, à faire grossir 
considérablement leur foie, et à convertir sa substance en une 
masse graisseuse qui conserve à peine les caractères du foie 
normal. 

Le pancréas, dont la sécrétion se verse dans l'intestin, suit les 
mêmes proportions que le foie dans les diverses familles ornitho- 
logiques. Cet organe, situé, chez les oiseaux, dans l’espace formé 
par l’anse de la circonvolution intestinale, a souvent une grande 
longueur, et, en général, son volume est aussi plus considérable 
que dans aucune autre classe du règne animal ; très-petit chez 

que 


162 QUATRIÈME LEÇON. 
les rapaces, il est très-gros chez les oiseaux qui vivent de végé- 
aux. 

Les reims, organes sécréteurs de l urine, sont Spongieux, 
multilobés, et ‘d'un brun rouge foncé. Assez petits chez les oi- 
sceaux de proie, ils sont plus gros chez les échassiers et les pal- 


mipèdes. Chez la Cresserelle, leur poids, comparé à celui du 
corps, donne 4 ; il donne Æ chez le Vanneau et Z chez le 


62 
Harle. Quel que soit le développement de ces organes, la sécrétion 


urinaire se réduit à fort peu de chose, et elle est presque nulle 
dans la plupart des oiseaux, quoique l'on ait reconnu chez pres- 
que tous l'existence d’uretères descendant le long de la paroi 
tergale du bassin; et, comme 1l n'y a pas de vessie, ces uretères 
s'ouvrent directement dans le cloaque au bord du rectum. 

L'urme ressemble beaucoup à celle des reptiles sauriens ; elle 
contient une si grande quantité d'acide urique, de carbonate et de 
phosphate calcaires, qu’elle ne tarde pas à se concréter, et forme 
ordinairement, autour des excréments, un enduit blanc que l’ac- 
tion de l'air convertit bientôt en une masse friable. 

L’Autruche et le Casoar sont, d’après Cuvier, les seuls oiseaux 
qui puissent évacuer séparément leur urme et leurs excréments. 

Chez presque tous les oiseaux, 1l existe sur le croupion, au- 
dessus des dernières vertèbres caudales, une 
glande bilobée, plus ou moins développée, 
mas remarquable par ses proportions, sur- 
tout chez les oiseaux d’eau. Cette glande s’ou- 
vre à la surface de la péau et fournit une sé- 


Fig. 182. ; $ 
Glande du croupion.  Crétion huileuse avec laquelle ces animaux 


graussent et lustrent leurs plumes. Ils pren- 
nent ce corps gras avec le bec et l’étalent aussi habilement 
qu'on pourrait le faire avec un peigne. Chez quelques espèces, 
la sécrétion fournie par la glande du croupion est odorante; le 
Canard musqué en offre un exemple; chez toutes, ce corps gras. 


CŒUR ET SYSTÈME VASCULAIRE. 165 
couvrant les plumes, les rend impénétrables à l’eau, qui glisse 
sur leur surface. 


CŒUR ET SYSTÈME VASCULAIRE. 


Le cœur des oiseaux ressemble beaucoup à celui des mammi- 
fères. Comme chez ces derniers, il est placé sur la ligne médiane 
et dans l'axe du corps; sa pointe est logée entre les lobes du foie. 
Il est formé de deux moitiés, gauche et droite, sans communica- 
tion, et chaque moitié comprend un ventricule et une oreillette 
en communication directe. [Il devait en être ainsi chez des ani- 
maux présentant l'appareil respiratoire le plus compliqué et le 
plus étendu. Aussi le sang qui revient du corps au cœur pour 
être revivifié par les poumons est-1l séparé de celui qui a été re- 
vivifié et doit être renvoyé du cœur à toutes les parties du corps. 
Parmi les vertébrés, les oiseaux et les mammifères seuls présen- 
tent cette disposition, quin est qu'indiquée chez les reptiles. Mais, 
chez les oiseaux, le sang s’oxygène ou se revivifie, non-seulement 
daus les poumons, mais encore dans de nombreuses cellules aé- 
riennes répandues dans diverses parties du corps, et dont nous 
parlerons plus loin ; il y a done chez eux des surfaces bien plus 
étendues pour le contact de l'air avec les vaisseaux capillaires; 
c'est un moyen d'oxygénat:on du sang de plus que chez l’homme 
et les mamnufères. 

Nous ne dirons rien de l'appareil vasculaire des oiseaux, lequel, 
pour la distribution des artères et des vemes et leurs ramifica- 
tions, ne diffère pas de ce qu'on sait des mêmes organes chez les 
autres animaux vertébrés. Nous parlerons néanmoins d’une dis- 
position vasculaire toute particulière à la peau des oiseaux, et qui 
se rattache à l'incubation. | 

Il existe beaucoup de faits dont les causes sont entièrement 
ignorées : tel est, entre autres, le besoin que paraissent éprouver 


164 QUATRIÈME LECON. 

les femelles des oiseaux à couver. Prenons pour exemple l'espèce 
la plus commune, la Poule domestique. La Poule qui obéit au 
besoin de couver se place et reste dans la position de couveuse, 
alors même qu'elle n'a pas d'œufs sous elle; et, presque tou- 
jours, 1l faut lui faire violence pour la rendre à ses habitudes; 


quelquefois les violences sont inutiles, et la couveuse persiste 


malgré les privations auxquelles on la soumet. Comment expli- 
quer, dit Daudin, ce soin de tous les oiseaux pour construire 
un nid et couver leurs œufs avec assiduité et une sorte de ten- 
dresse, si nous ôtons à ces imdustrieux animaux la faculté de pré- 
voir quel sera le résultat de leurs soins? Comment concevoir 


cet esclavage auquel ils se condamnent volontarement pendant 


plusieurs jours de suite, souvent un mois, lors même qu'ils 
n'ont pu avoir appris que ces œufs doivent donner naissance à 
des petits? L'incubation est un mystère pour nous : cependant, 
s’il est permis de former des conjectures sur les causes qui pro- 
duisent ce besoim chez l'oiseau, ne peut-on pas le regarder 
comme une conséquence nécessaire de la loi de conservation de 
l'espèce? Une nourriture abondante semble augmenter ce besoin 
chez nos oiseaux de basse-cour. Les mères paraissent éprouver 


un vif plaisir pendant l’incubation, et elles nous montrent évi- 


demment par leur persévérance qu'elles prévoient le résultat de 
leur ponte et de l’incubation. 

On sait que la poitrine et l'abdomen des couveuses sont natu- 
rellement le siége d’une irritation qui se manifeste lorsque la 
ponte est terminée; et l’on produit même aruficiellement cet 
état d'irritation sur les Dindes et les Poules qu’on veut forcer à 
couver, en leur frottant ces parties avec des orties. Mais on 
n'avait pas remarqué que cette irritation état indiquée par la 
présence de taches rouges produites par des réseaux ou plexus 
vasculaires découverts par Barkow, et désignés par hui sous le 


nom d'organes incubateurs. Déjà cependant Fober avait reconnu 


PR AT TT ee Ver D We RE AN NAN TE TE HEC 


NAS ST D et 10 UE: Ne TEE 


CŒUR ET SYSTÈME VASCULAIRE. 165 

que les Pingouins, les Guillemots et le Macareux arctique, qui ne 
pondent généralement qu'un seul œuf, avaient une tache sur 
chaque côté de la poitrine, tandis que les autres oiseaux qui ne 
pondent aussi qu'un seul œuf ne présentaient qu'une seule 
tache, et il expliquait la présence de deux taches d’meubation 
chez les premiers par la nécessité de chauffer leur œuf unique 
alternativement par l’une et l’autre tache. 
_ Cette observation de Fober, faite sur des oiseanx qui ont tant 
d'inaptitude à couver par ne de l’organisation incomplète de 
leur appareil locomoteur, devait conduire à la découverte des 
mêmes organes chez d' oiseaux, et c'est 
ce qui est arrivé. En effet, Barkow et Nitzsch 
ont fait de nombreuses recherches, et l'on 
doit au premier de ces anatomistes la des- 
cription exacte de l'organe imcubateur du 
Grèbe huppé. Ces plexus, qu'on rencontre 
sur plusieurs points de la poitrine et du ven- 
tre des oiseaux, sont formés d'une mult- 
tude d’artérioles fréquemment anastomosées, 
flexueuses, et d'un nombre correspondant de 
veines. [ls se trouvent sous la peau, et four- 
nissent du sang en abondance aux parties qui 
sont destinées à l’incubation des œufs. 

+ À ces organes incubateurs, dont le nombre 
varie, correspondent extérieurement les ta- 
ches d'incubation représentées par des por- 
Lions de peau privées de plumes, et qui s'ap- 
pliquent sur les œufs pour leur communiquer du Grèbe huppé. 
immédiatement la chaleur nécessaire. Ces 
taches sont souvent élargies par l'oiseau, qui s’arrache des plu- 
mes et du duvet, ainsi qu'on le remarque chez les Oies et les 
Canards. Elles se remarquent exclusivement chez les femelles 


Fig. 185. 


166 QUATRIÈME LECON. 

dans la plupart des oiseaux qui en sont pourvus, mais elles s’ob- 
servent exceptionnellement chez le mâle dans le genre phala- 
rope. On sait, en effet, que dans ce genre d'oiseaux aquatiques, 
c’est sur les mâles que retombe en grande partie le som de l’in- 
cubation. 

Pour terminer ce que nous avons à dire du système vasculaire, 
nous aurions à parler des vaisseaux lymphatiques; mais nous ne 
pourrions le faire sans aborder des détails sans intérêt réel pour 
nos lecteurs, et nous nous bornerons à dire que les oiseaux pré- 
sentent des vaisseaux Iymphatiques dans presque toutes les par- 
lies du corps, et que ces vaisseaux suivent le même trajet que les 
artères. 


APPAREIL DE LA RESPIRATION. 


Rien ne distingue mieux la classe des oiseaux de toutes les 
autres classes de vertébrés que l'étendue de l’appareil de la res- 
pration. Cette fonction, dit Virey, qui domime toutes les autres 
chez ces habitants de l'air, imprime toute son énergie à leur 
constitution; et, si l’on peut dire de quelque corps vivant qu'il 
est embrasé, consumé du feu de la vie, c’est de l'oiseau qu'il faut 
parler. L’étendue considérable de ses poumons, l'absence d'un 
diaphragme, l'existence de nombreux sacs ou réservoirs de l'air, 


celle de canaux qui distribuent cet air dans toutes les parties du’ 


corps, sous la peau, dans les plumes et jusque dans l'intérieur 
même des os, expliquent sa pétulante mobilité, son énergie, sa 
chaleur. En effet, de tous les animaux, les oiseaux sont ceux 
qu développent le plus de chaleur et consomment le plus d’oxv- 
gène. La température de leur corps est constamment supérieure 
à celle des autres êtres vivants ; elle dépasse de deux ou trois de- 
grés et plus celle de l’homme. 


L'appareil de la respiration se compose d’un larynx supérieur, 


| 


APPAREIL DE LA RESPIRATION. 167 
d’une trachée plus ou moins longue, d’un larynx inférieur, de 
bronches, de poumons, de sacs aériens et de cellules osseuses. 
Quelques-unes de ces parties ne se trouvent que chez les oiseaux 
et seront le sujet de détails fort intéressants. 

L'air introduit par les narines traverse l’ouverture nasale pos- 
térieure et pénètre dans le larynx par une fente longitudinale 
(glotte) placée derrière la base de la langue. Des papilles dirigées 
d'avant en arrière ferment l'ouverture de la glotte pendant. la 
dégiutition et remplacent l’épiglotte ou valvule qui se trouve 
chez l'homme et les mammifères, et sert à empêcher les aliments 
solides ou liquides de s’introduire dans le canal réservé exclusi- 
vement au passage de l'air. Quelques oiseaux Sa Tu ont une 
épiglotte rudimentaire. 


Fig. 183. 
Glotle et partie supérieure , " Cartilages du larynx supérieur, et premiers anneaux 
de la trachée de l’Aigle royal. de la trachée, séparés et vus de profil et de face. 


Le larynx supérieur est formé par la réunion de plusieurs 
pièces cartilagineuses ; la principale présente la forme allongée 
d’un bec d'aiguière et constitue avec ses accessoires la première 
partie d'un tube plus ou moins long, formé d’anneaux cartilagi- 
neux ou osseux souvent tr D obreae et réunis par une mem- 


168 QUATRIEME LECON. 


brane musculeuse qui favorise là flexibilité, l'allongement ou le 
 raccourcissement du tube. Ce tube est connu sous le nom de tra- 
chée ou trachée-artère ; 1l présente quelquefois un renflement ou 
tambour cartilagineux ou osseux vers son extrémité inférieure ou 
près de sa bifurcation. La trachée est d’une lon- 
gueur très-variable, mais qui n'est pas toujours 
proportionnée à celle du cou; quelques espèces 
ont en effet une trachée contournée et rephée de 
diverses façons. Les flexuosités dont nous parlons 
sont toujours plus prononcées chez les mâles; 
quelquefois elles ‘sont logées dans la crête du ster- 


Fig. 188. 
Trachée du Trachée s'étendant jusqu dans, la crête du sternum. 
Coq de bruyère. Grue. 


num, comme on le voit chez la Grue et le Cygne chanteur, 
ou seulement placées sous le jabot, comme chez le Coq de 
bruyère et le Cassican de Kéraudren. Jusque dans ces derniers 
temps, on supposait que la trachée ne présentait de flexuo- 
sités que chez les oiseaux des ordres inférieurs, et le Cassi- 


APPAREIL DE LA RESPIRATION. 169 
cau de Kéraudren était l'unique exception citée parmi les passe- 
reaux; cependant le Céphaloptère penduligère, découvert, il y a 
trois ou quatre ans, dans l’Améri- 
que du Sud, fournit une seconde 
exception avec ce caractère particu- 
lier, qu’au tiers de la trachée il 
existe un renflement considérable, 
sous forme globuleuse, qui fait res- 
sembler la voix de cet oiseau au 
mugissement d’un bœuf. La lar- 
geur et la solidité des anneaux dont 
la trachée se compose varient aussi 
beaucoup; 1ls sont minces comme 
des fils et très-flexibles chez les o1- 
seaux chanteurs; larges et presque Lu 

eZ : ig. 189. Fig. 190. 
osseux chez ceux qui ont uné voix Mnisclécdu lame ché. 
rauque et dure; ils sont même sou- | 
dés entre eux chez certaines espèces à voix plus forte. Enfin la 
trachée affecte des formes diverses et son diamètre peut présen- 
ter des inégalités dans l'étendue du tube; elle peut être plus 
large au milieu qu'aux extrémités, conique, régulière, dilatée 
ou rétrécie dans certaines parties. Elle peut être allongée ou rac- 
courcie par des muscles particuliers plus développés chez les o1- 
seaux dont le larynx inférieur n’a pas de muscles propres que 
chez les oiseaux chanteurs, qui ont, comme nous le verrons, un 
appareil vocal plus compliqué et plus perfectionné. Le larynx im- 
térieur, que l’on trouve chez les oiseaux seulement, est formé 
par une membrane tendue à la partie mférieure de la trachée et 
formant au-dessus ou au niveau de la bifurcation des bronches 
une sorte de valvule circulaire plus étroite que la trachée dans 
l’intérieur de laquelle elle fait saillie. Cette membrane, unique et 
double suivant & position qu’elle occupe au-dessus ou au niveau 

JORRIe ee 15 


170 QUATRIÈME LEÇON. 

de la bifurcation, présente une ouverture par laquelle l'air chassé 
des poumons doit passer en imprimant des vibrations plus ou moms 
fortes à la membrane et à la colonne d'air en mouvement dans 
le tube trachéen et même à ses parois. La membrane constituant 
le larynx inférieur est le plus souvent tendue par de petits mus- 


cles dont le nombre varie beaucoup et dont le jeu, combmé avec 


l'allongement ou le raccourcissement de la trachée, produit des 
tons variés. Mais cette complication, nous devrions dire eette 
perfection, ne se rencontre pas chez tous les oiseaux, et leur voix 
présente des différences extrêmes, qui s'expliquent par des dis- 
positions anatomiques dont nous allons parler. | 


= 
A 
EE) 


= 
Fig. 191. — Larynx Fig. 192. Fig. 195. Fig. 194. 
inférieur du Perroquet. Larynx inférieur du Rossignol, fortement grossi. 


Parmi les oiseaux dont le larynx infé- 
rieur est simple et n'a pas de muscles 
particuliers, les uns ont vers la partie in- 
férieure de la trachée des tambours ou 
dlatations osseuses ou membraneuses, et, 
dans ce dernier cas, soutenus par des arcs 


7 “En, 


CR 


Fe. 184. et les Harles; ces dilatations sont beau- 

Larynx inférieur du Canard. coup plus développées chez les mâles, 
aussi leur voix est-elle beaucoup a 

creuse que celle des femelles, qui ont la voix plus aigre et plus 


osseux, comme on le voit chez les Canards : 


APPAREIL DE LA RESPIRATION. 171 


aiguë. La discordance dans la voix de ces animaux lient à la 
position des dilatations à l’origme des bronches et à l'inéga- 
lité des membranes et des tambours. Les autres n'ont pas de 
dilatations, mais les anneaux de la trachée sont plus distants et 
permettent une compression latérale. Cette disposition et la si- 
tuation plus élevée de la membrane, qui n'a alors qu'une seule 
ouverture, expliquent l’acuité du son produit; le Coq commun en 
est un exemple. Les oiseaux dont le larynx mférieur a des muscles 
spéciaux présentent des différences d'autant plus avantageuses à 
la finesse des sons que l'appareil est plus compliqué et plus 
flexible; dans ce cas, l'allongement ou Le raccourcissement de la 
trachée n'apporte pas de modifications sensibles à la voix. 

4° Il peut n'y avoir qu’un seul muscle : les Faucons, les Foul- 
ques, les Bécasses et presque tous les oiseaux de rivage à bec 
grêle sont dans ce cas. Mais la position de ce muscle varie beau- 
coup, et organe entier subit l'influence de cette varaition et pro- 
duit autant de voix différentes. Ce muscle, en effet, prend son 
point d'appui sur le dernier anneau ou sur l’avant-dernier dans 
les espèces dont nous venons de parler; et 1l peut le prendre sur 
les anneaux qui suivent, de sorte que la longueur du muscles 
corr.spond à la distance de trois, emq ou sept anneaux trachéens, 
comme on le voit chez les Martms-pêcheurs, les Coucous et les 
Chouettes. | 

2° Il peut y avoir plusieurs paires de muscles : les Perroquets, 
par exemple, en ont trois paires, et, quoiqu'ils n'aient pas la voix 
agréable, ce qui tient à la rigidité de leur trachée, 1ls peuvent 
cependant la varier beaucoup pour le ton, l'intensité, et 1ls arri- 
vent à imiter les sons étrangers et souvent même la voix hu- 
maine. Les oiseaux chanteurs ont Jusqu'à cinq paires de muscles; 
maIs, parmi ces oiseaux, il y a de nombreuses distinctions : les 
uns, Rossionols, Fauvettes, Serins, Linottes, Alouettes, sont Les 
plus appréciés. Chez eux l'appareil vocal est d’une flexibilité re- 


172 QUATRIÈNE LECON. 


marquable : ausst leur voix est-elle plus modulée. autres, 
Étourneaux, Merles, ont encore une voix agréable, mais déjà 
moins Hérble: d’autres enfin, quoique réunissant É conditions 
organiques nécessaires, croassent plutôt qu'ils ne chantent : ce 
sont, par exemple, les Pics, les Geais, les Corbeaux. 

Pour expliquer ce résultat singulier 1l faut remarquer d’abord, 
dit Cuvier, que les facultés physiques apparentes ne sont pas les 
seules causes qui déterminent les actions des animaux, et qu’il y 
en a d’une nature plus délicate, dont on désigne l’ensemble par 
le nom d'instinct, saus en connaître la nature. Ainsi il est bien 
clair que c’est l'instinct seul, et non pas la forme de l'instrument 
musical, qui a déterminé les airs naturels à chaque espèce d’oi- 
seau, puisque ces espèces apprennent à se contrefaire l’une l’au- 
tre, et qu’on en’a vu plusieurs, dont le chant naturel diffère 
beaucoup, apprendre avec une facilité presque égale à chanter 
les airs qui leur sont enseignés par un siffleur, par une serinette, 
ou même par un autre oiseau. Les oiseleurs ont même observé 
que les Rossignols, pris très-jeunes, ne chantent jamais aussi bien 
ue les Rossignols sauvages, à moins qu'on ne suspende leur cage 
à la campagne, dans les lieux où ils puissent entendre ces der- 
mers. D'un autre côté, des oiseaux dont le ramage naturel est 
assez peu agréable, tels que le Bouvreuil, qui grince comme une 
scie, où l'Étourneau, qui à un cri si aigre, peuvent être perfec- 
tionnés par les soins de l’homme, et d-venir d’assez jolis chan- 
teurs ou siffleurs. Nous en avons de nombreux exemples : 1} y a 
aux Tuileries, dans la salle à manger de madame Rollin, dont le 
goût exquis a rassemblé une Imfinité de ces petits trésors natu- 
rels, un Bouvreuil dont la voix mélodieuse et ravissante sur- 
prend toutes les personnes qui l’entendent. 

On peut dire en général que les oiseaux compris dans la série 
des chanteurs sont loin d’avoir des chants ou des voix analogues 
pour l'agrément, et que si les différences anatomiques qu'ils pré- 


» 
PANISL RSR EP Se NT PDO 


APPAREIL DE LA RESPIRATION. 179 


sentent ne sont pas toujours proportionnées à l'énorme diffé- 
rence dans la voix, cela n’a rien qui doive surprendre. La plus 
simple modification, parmi celles même qui échappent à l’appré- 
cation anatomique, suffit pour transformer la voix. L'homme, qui 
représente un type spécifique qu'on dit parfaitement organisé, 
offre toutes les nuances possibles dans la voix et peut servir à 
démontrer qu’mdépendamment de la forme organique du larynx, 
il ya une aptitude musicale particulière qui n’appartient pas à 
l’espèce, mais seulement à quelques individus, et que cette apti- 
tude même peut se développer par l'éducation, aussi, quoique 
tous les oiseaux de la même espèce aient naturellement la même 
voix, 1l en est dont le chant est bien supérieur à celui des autres. 
Parmi les oiseaux dont le larynx a cinq paires de muscles, on 
trouve un certaur nombre d'espèces qui ne donnent jamais que 
des sons faux ou au moins très-désagréables. Cela tient, dit Cu- 
vier, d'une part, au timbre de leur instrument, et, de l’autre, à co 
que la mobilité de leur trachée n'est pas en rapport avec celle de 
leur larynx inférieur; car on comprend que si la trachée est im- 
mobile dans sa longueur et ne peut s’accommoder aux vartations 
de ce larynx, les sons produits seront faux et discordants. On 
comprend aussi que ces sons seront désagréables toutes les fois 
que le diamètre des diverses parties de l’organe n'aura pas des 
dimensions convenables et présentera des renflements ou des 
rétrécissements. Mais en général les oiseaux doivent la facilité 
qu'ils ont de varier les sons et d’imiter plus ou moins grossière- 
ment la voix humaine au nombre de muscles que présente leur 
larynx inférieur. 

Avant de compléter tout ce que nous avons à dire de la.voix 
des oiseaux, et pour être plus facilement compris, il faut que 
nous termimons la description des autres parties de l'appareil 
respiratoire, | : 

Fextrémité mférieure de la trachée se divise en deux branches 


15. 


174  QUATRIÈME LECON. 
qui se dirigent obliquement à droite et à gauche vers les pou- 
mons; ce sont les bronches, qui ont à peu près la même orgami- 


sation que la trachée et qui conduisent l’air dans les poumons et 
les sacs aériens. 


Fig. 196. Fig. 197. 


Côté antérieur des poumons et ouvertures Côté postérieur des poumons 
de communication avec les sacs aériens, et divisions des bronches, 
d'après Sappey. . d'après Sappey. 


Les poumons des oiseaux représentent deux masses aplaties et 
comme spongieuses, logées à la face dorsale de la poitrme, qu'ils 
tapissent et sur laquelle ils se moulent, en s’enfonçant dans les 
intervalles des côtes à droite et à gauche de la colonne vertébrale. 
Ils diffèrent de ceux des autres animaux surtout par leurs rap- 
ports avec les parois postérieures du thorax auxquelles ils sont 
fixés et par leur étendue vers Le bassin; leur face antérieure, 
libre et concave, correspond à des sacs aériens qui viennent s’y 
appliquer. Séparés l’un de l’autre par la colonne vertébrale, les 
poumons de l'oiseau sont enveloppés par une membrane (plèvre) 
qui est plus apparente à leur face antérieure. L'extrémité de 


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À 


APPAREIL DE LA RESPIRATION. 175 


chaque bronche pénètre dans le poumon, qui n’a qu'un seul lobe, 
et bientôt ne présente plus d’anneaux cartilagineux complets. Le 
parenchyme du poumon est composé de tissu cellulaire, de ca- 
naux aériens et de vaisseaux sanguins ramifiés à l'infini. 


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Fig. 198. — Ouvertures des canaux aérifères, Fig. 199. — Poumons d'un Pigeon, 
d’après Sappey. d’après fFlourens. 


Des tubes aériens naissent un grand nombre de ramifications 
secondaires formant des tubes parallèles qui distribuent l'air sur 
la surface de chaque cellule pulmonaire et établissent ainsi un 
contact incessant entre l'air inspiré et le sang à revivifier. Pen- 
dant l’inspiration, la dilatation des poumons est favorisée par l’é- 
cartement des côtes formées de deux pièces et celui du sternum ; 
et, pour remplacer l’action du diaphragme, qui n'existe chez les 
oiseaux qu'à l’état rudimentaire, on trouve plusieurs faisceaux 
musculaires qui partent des côtes. et quelques ligaments qui 
fixent ces poumons à la colonne vertébrale; Les faisceaux muscu- 


176 : QUATRIÈME LECON. 

laires dont nous venons de parler descendent obliquement vers la 

partie inférieure des poumons, se relient à la plèvre, et, en se con- 
lractant, ils tirent l'organe pulmonaire de haut en bas pour dila- 

ter ses cellules et faciliter ainsi l'introduction de l'air dans toutes 
ses parties. D’autres différences se présentent encore : l'air qui à 


pénétré dans les poumons des oiseaux n'y est pas retenu complé- 


tement dans les limites de l'organe, dont la surface présente de 
nombreuses ouvertures en communication avec les sacs très- 
développés dont nous allons parler et même avec les os. 

Des prolongements et des replis de la membrane qui tapisse 
les cavités du tronc et la masse intestinale forment des sacs con- 
sidérables enveloppant tellement les viscères, qu'on pourrait dire 


avec Carus que toutes les parties internes du corps des oiseaux 


sont contenues dans les poumons et Les sacs aériens. Les ouvertures 
de communication des poumons avec les sacs aériens sont situées 
à la face interne et inférieure des premiers, et leur nombre va- 
1ie de cinq à sept ou neuf. Ces ouvertures ont été découvertes par 
Perrault, comme l’atteste son travail publié en 1666 dans les 
Mémoires de l’Académie; depuis cette époque et tout récem- 
ment encore plusieurs anatomistes se sont spécialement occupés 
de ce sujet si intéressant, et l’on peut dire en général que les 
principaux viscères sont enveloppés par un ou deux sacs aériens. 
Il y en a deux autour du foie, un en avant et un en arrière du 
cœur. Deux ou trois grands sacs abdominaux entourent les or- 
ganes intestinaux et reproducteurs; il en existe même qui s’é- 
tendent au delà du thorax et conduisent de l’air aux clavicules, 
aux vertèbres du cou, aux humérus, aux fémurs, aux plumes et 
à presque tous les os du tronc et des membres. Toutes les par- 
Lies qui en sont pourvues communiquent si bien les unes avec les 
autres et avec les poumons, qu'en poussant de l'air par un trou 
pratiqué artificiellement au fémur ou à l’humérus par exemple, 
on peut aisément insuffler le corps entier, et que l’ouverture acei- 


SR er à 


APPAREIL DE LA RESPIRATION. 177 


dentelle d’une de ces parties suffit pour permettre à l'air chaud 
contenu de s'échapper au dehors et pour ôter à l'oiseau la faculté 
de voler. On peut voir aux galeries d'anatomie comparée du 
Muséum le corps d’un Cygne dont tous les sacs aériens ont été 
habilement insufflés et mis en évidence par le docteur Sappey. 
Cette communication des os des oiseaux avec les poumons à 
aussi été démontrée par les observations du docteur Pouchet. Les 
recherches de notre savant confrère avaient pour but de consta- 
ter la présence des corpuscules étrangers introduits avec l'air 


Fig. 200. — Sacs aériens thoraciques et abdomi- Fig. 201. — Sacs aériens du cou 
naux du Cygne, d'après Sappey. du Cygne, d'après Sappey. 


inspiré dans les organes respiratoires de l'homme et des ani- 
maux. Pour compléter ses curieuses études sur la micrographie 


118 QUATRIÈME LEÇON. 


atmosphérique, 1l à examiné les cellules osseuses des oiseaux, et, 


comme les corpuscules une fois introduits dans les parties creu- 
ses des os ne sortent que difficilement à cause de l’immobilité et 
de l’irrégularité des parois, 1l y a trouvé de nombreux vestiges 


de tout ce que l'air peut apporter dans l’appareil respiratoire. IL 


a en effet constaté que chez les oiseaux qui vivent au milieu des 
villes et surtout dans l'mtérieur des habitations on trouve, avec 
une énorme quantité de fécule, des filaments d’étoffes diverses; 
tandis que chez les oiseaux qui vivent libres dans les forêts on ne 
trouve que des débris de matières végétales. Nous verrons bien- 
tôt le rôle important que jouent les sacs aériens dans l'exécution 
du vol des oiseaux; mais nous croyons devoir ajouter quelques 
mots à ce que nous avons dit de la pneumaticité des os. 
L'introduction de l’air dans les os ne se fait pas chez les très- 
Jeunes oiseaux, souvent même les cavités aériennes ne sont pas 
encore développées quand ils commencent à voler. Cette perméa- 
bilité des os n’est pas au même degré dans toutes les familles; elle 
est plus développée chez le Pélican, la Grue, la Gigogne, plus 
bornée chez les Râles; mais, chez les Calaos, les os des mémbres 
sont tous creux, voire même les phalanges onguéales des orteils. 
Voici l'indication des parties du squelette dans lesquelles la 
présence et la facilité d'introduction de l'air ont été constatées. 
On remarque dans les parois du erâne, qui sont communé- 
ment épaisses, mais sans solidité, une multitude de petites 
colonnes osseuses déliées, et de nombreuses cellules communi- 
quant ensemble, qui se remplissent d'air provenant soit de l'or- 
gane auditif, soit des cavités nasales. La structure celluleuse des 
os du crâne est surtout remarquable dans quelques Chouettes. 
Les os de la face et en particulier ceux du bec admettent l'air 
dans leur tissu cellulaire. Nous l'avons déjà dit en parlant du 
bec des Calaos et des Toucans. Les cellules de la mêchoire infé- 
rieure reçoivent de l'air de l'appareil auditif, et sont en commu 


ES PE EE EPS 


APPAREIL DE LA RESPIRATION. 179 


nication avec celles des os du crâne. De tous les os de la face, 
suivant Nitzsch, il n’y a que les zygomatiques et les sourciliers 
qui soient ie 

Il n’est pas rare que tous les os de l épaule, surtout les cla- 
vicules postérieures ou os coracoïdiens, admettent l'air dans leurs 
cavités. L'extrémité supérieure de l'humérus, qui est fort large, 
offre une surface articukure oblongue et une grande ouverture 
pour le passage de l'air. Les os de l’avant-bras reçoivent autant 
d'air dans leur intérieur que les autres os de l'aile. Il n'est pas 
jusqu'au sternum lui-même, cette plaque osseuse en apparence 
inerte et passive, qui ne participe à cette faculté. 

Tous les os du tronc, à l'exception de la première vertèbre cer- 
vicale, ont des cellules aériennes, et sont pourvus de plusieurs 
ouvertures particulières. Le fémur est ordinairement creux, et 
les ouvertures par lesquelles l'air s’y introduit sont situées au voi- 
sinage du trochanter. Cela cependant n'a pas lieu chez tous les 
oiseaux, et 1l en est un grand nombre qui n'ont pomt d’ouver- 
ture aérienne en cet endroit : tels sont la plupart des grim- 
peurs et des passereaux, les gallinacés, le casoar, les échassiers 
et les palmipèdes. Chez tous, au contraire, le tibia et le tarse 
sont creux dans toute leur longueur. | 

On ne s’est pas encore assez occupé de la distinction qu’il y au- 
rait à faire dans les fonctions des sacs aériens et des cellules os- 
seuses pour déternuner la part que ces organes peuvent prendre 
à l’oxygénation du sang, et celle, plus importante sans doute, 
qu'ils prennent à la pneumaticité qui permet à l'oiseau d'aug- 
menter ou de diminuer alternativement sa pesanteur spécifique 
pendant le vol. Toujours est-1l que les sacs aériens et les cellules 
osseuses peuvent être Jusqu'à un certain point considérés comme 
des poumons supplémentaires qui mettent le sang en contact 
avec l'air sur des surfaces beaucoup plus étendues que chez les 
autres animaux : car cet air essentiel à la locomotion aérienne 


180 QUATRIÈME LEÇON. 
de l'oiseau, et qui séjourne dans les sacs et les cellules, n’est 
point encore complétement dépouillé de son oxygène, quoiqu'il 
ait traversé les ponmons. On peut comparer le corps de l'oiseau 
à un ballon rempli d'air et muni d’un appareil locomoteur.… 
Nous verrons, dans une des leçons qui vont suivre, que ce n’est 
qu'à l’aide de cet appareil pneumatique qu’on peut s'expliquer la 
facilité avec laquelle se transportent à de si grandes distances et 
entreprennent de si longs voyages des oiseaux fort peu organisés 
en apparence pour le vol, tels que la Caille, et que des oiseaux 
lourds et massifs comme les Oies et les Canards s'élèvent à de si 
grandes hauteurs. 


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DE LA SECONDE PARTIE DU PREMIER VOLUME 


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de l'espèce. — Formation de l'œuf. — Pariades ; nidification. — Incubation:; 


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CINQUIÈME LECÇON 


Suite des organes de la voix et du chant. — Conservation de 
l'espèce. — Organes reproducteurs. 


La présence des sacs aériens dont nous avons parlé dans la 
lécon précédente permet de dire que le corps de l'oiseau est 
un ballon rempli d'air et muni d’un appareil locomoteur. C'est 
à cette pneumaticité, si exceptionnelle dans la série zoologique, 
que doit être attribuée, sans aucun doute, la difficulté que l’on 
éprouve à faire mourir certains oiseaux par la compression 
de la trachée artère. Dans cette lutte suprême de l’instimct de 
conservation contre la mort, ils emploient toute l'énergie et 
toutes les ressources de leur riche constitution; et ce n’est 
qu'après de longs et de persistants efforts qu'ils succombent. 
Nous n'en citerons qu’un curieux exemple, rapporté par de 
Humboldt. 

Ce savant voyageur vit un jour des Indiens qui cherchaient à 
tuer un Condor qu'ils avaient pris vivant. Après lui avoir serré 
un lazzo autour du cou, ils le pendirent à un arbre et le tirèrent 
par les pieds, pendant plusieurs minutes, avec une vigueur qui 

ms Te 16 


182 CINQUIEME LECON. 

eût fait honneur à un bourreau. Lorsque l'exécution parut ter- 
minée, on détacha le lazzo; l'oiseau se redressa sur ses pieds et 
se mit à marcher, comme si rien ne lui fût arrivé. On lui tira 
alors plusieurs coups de pistolet presque à bout portant ; il reçut 
trois balles dans le cou, dans la poitrme et dans le ventre, et n’en 


resta pas moins sur pied. Une quatrième balle Jui cassa la cuisse : 


il tomba, mais 1l ne mourut de ses blessures qu'au bout d’une 
demi-heure. Bompland voulut conserver cet oiseau. 

Le docteur Colas, qui s’est occupé des organes respiratoires des 
oiseaux, et à fait de nombreuses expériences sur diverses espèces, 
raconte qu'il a pratiqué une ouverture sur les sacs aériens de la 
partie postérieure du poumon d’une Corneille mantelée; qu'a- 
près cette opération 1l a lié la trachée-artère, et que l'oiseau n'a 
manifesté d'abord qu’une sorte d’étonnement, comme s’il se sen- 
tait vivre d’une autre manière. Immédiatement après, 1l a mar- 
ché, volé, disputé sa proie à d’autres oiseaux, et n’est mort qu'à 
la fin du cinquième jour, parce que l’ouverture artificielle s’est 
fermée. Il ajoute que la même expérience, faite sur un Pigeon, 
un Coq et un Momeau, lui a prouvé que ces dermiers oiseaux 
n'étaient pas capables de supporter aussi bien que le premier les 
effets d’une telle révolution dans les fonctions respiratoires, et 
qu'ils sont restés, jusqu'à la mort, plongés dans un état de grande 
stupeur. 

Nous avons à examiner maintenant le point de appareil vocal 
où se forme la voix des oiseaux et les moyens à l’aide desquels ils 
produisent et font varier les sons 


Ce que nous avons dit des organes de la respiration chez ces 


animaux rendra plus faciles les explications que nous devons don- 
ner du mécanisme de leur voix. Ainsi nous savons que leur 
trachée-artère présente diverses formes, qu’elle offre des rétré- 
aissements où des dilatations plus où moins considérables, qu'elle 
peut être allongée, soit par les muscles du larynx et par ceux qui 


DRE ES D en YOUR PONS RIRES TU VE M TEE 


ORGANES DE LA VOIX ET DU CHANT. | 185 


prennent un point d'appui sur l'os hyoïde, soit par des muscles 
particuliers partant du sternum et de la fourchette, et qu’elle 
peut être raccourcie par l’élasticité des fibres tendineuses qui umis- 
sent ses anneaux les uns aux autres. Gette faculté de s’allonger et 
de se raccourcir, la longueur exceptionnelle de la trachée, la na- 
ture cartilagmeuse et même osseuse de ses anneaux, contribuent 
beaucoup à modifier le ton et le timbre de la voix. 

Les oiseaux sont les seuls.animaux, avons-nous dit aussi, 
chez lesquels on rencontre : 1° de nombreux et spacieux sacs 
aériens qui reçoivent un volume considérable d'air destiné à 
rendre l’oiseau spécifiquement plus léger, et à lui servir comme 
d'un soufflet de musette pour pousser cet air dans son gosier. 

20 Un second larynx à l'extrémité inférieure de la trachée. 
Presque tous les oiseaux, à l'exception des Sarcoramphes, des 
Autruches et des Casoars, ont ce larynx supplémentaire, qui est 
plus important que le premier, puisque chez eux 1l constitue l’or- 
gane de la voix ou plutôt du chant. En effet, diverses expériences, 
surtout celles de G. Cuvier sur le Merle, la Pie, et le Canard, ont 
démontré que les oiseaux auxquels on a coupé la trachée-artère 
n'en continuent pas moins à pousser, mais plus faiblement, le er 
qui leur est particulier. 

Les mammifères ont, 1l est vrai, la faculté d’exprimer leurs 
besoins ou leurs passions par des cris; mais 1ls sont dans l’im- 
puissance, si bien organisés que soient quelques-uns d’entre eux 
dans l'échelle zoologique, d'y Joindre la mélodie, encore moins 
d'imiter les sons étrangers. L'homme seul peut articuler des 
paroles, chanter et siffler, et 1l doit cette faculté à la grande supé- 
riorité de son organisation. 

Cependant, quoique le larynx de l’homme présente chez tous 
le même type anatomique, il est facile de reconnaître que la voix 
diffère, faut-il dire dans chaque individu, pour le timbre, la 
force, la netteté et la finesse , et que la civilisation et l'éducation 


- 184 CINQUIÈME LECON. 

ont beaucoup contribué à donner à sa voix des formes plus douces. 
Néanmoins que de différences encore même chez les hommes les 
plus civilisés ! Ils sont loin d’avoir tous non-seulement l'aptitude 
musicale, qui dépend autant de l'oreille que du larynx et que l’é- 


ducation même ne peut pas donner, mais leur voix diffère à Pin- 


fini. Si la forme de la bouche ou plutôt de la cavité buccale, la 
disposition des dents, du voile du palais, la forme des os du nez, 
celle de la langue et sa flexibilité, peuvent modifier considérable- 
ment Le timbre de la voix humaine, il doit en être de même aussi 
chez l'oiseau, qui sous tous ces rapports présente des différences 
énormes d'espèce à espèce. Cependant chez beaucoup d'oiseaux 
le chant est un des atiributs de leur organisation et de leur in- 
stimct. Dans les bois ils chantent toujours de même; ils ne con- 
naissent aucune méthode pour apprendre, 1ls solfient sans maître, 
et néanmoins 1ls arrivent à chanter juste. 

Le Tangara organiste doit ce nom à la faculté qu'il a de faire 
entendre tous les sons de l’octave; et le Rossignol, ainsi que 
d'autres Becs-fins, produisent dans leur chant tous les sons les 
plus tendres; le prolongement de leur mélodie n’indique-t-1l 
pas qu’ils réunissent à la douceur de leur voix toute la finesse 
d’une oreille exercée? Ils mterrompent le sence des bois durant 
des heures entières, et semblent prendre plaisir à s’écouter 
chanter. | 

L'instrument vocal des oiseaux est représenté par Cuvier 
comme un tube à l'embouchure duquel est une anche membra- 


neuse (membranes du larynx inférieur) placée au-dessus de la 


bifurcation des bronches. Cette anche, formée par un repli de la 
peau de la trachée, a deux lèvres très-flexibles et très-élastiques 
qui représentent celles du joueur de cor de chasse. Il ne suffit pas, 
âjoute-t-il, de souffler dans un tube pour y produire un son; ct, 


quelle que soit la forme de ce tube, on n’obtiendra jamais de son si. 


l’on y souffle à pleine ouverture : on ne produira qu'un transport 


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Or de act 


ORGANES DE LA VOIX ET DU CHANT. 185 


de l'air en masse, qui ne se fera pas plus entendre que le vent en 
pleme campagne, lorsqu'il ne rencontre aucun corps qu'il puisse 
mettre en vibration par les ébranlements qu’il lui communique 
ou qui puisse le mettre lui-même en vibration par la résistance 
qu'il lui oppose. Le joueur de cor, en serrant ses lèvres l’une 
contre l’autre, les allongeant ou les contractant, en même temps 
qu'il pousse une colonne d'air, produit des sons graves ou aigus. 
Le tuyau, suivant sa nature, ne fait que modifier, diriger et aug- 
menter le son produit à son embouchure par le corps sonore qui 
y brise l'air et communique ses vibrations à la colonne d’air con- 
tenue dans le tuyau. Le tube formé par la trachée au-dessus du la- 
ryox inférieur et s'étendant jusqu'au larynx supérieur n’est pas 
un simple conducteur de l'air respiré ou expulsé, mais bien aussi 
un conducteur du son, un véritable porte-voix. 

L’allongement, le raccourcaissement et la forme de cette tra- 
chée donnent bien raison des différences de tons graves et aigus, 
mais ils ne suffisent pas pour expliquer toutes les variétés des 
sons produits par les oiseaux. Un des rôles que Joue le larynx 
supérieur commence : la glotte, qui peut le fermer derrière la 
langue, élargit ou rétrécit la fente longitudinale qui se trouve à 
son centre et donne ainsi plus ou moins passage à l'air. Aucune 
partie de cette glotte, qui varie fort peu d'oiseau à oiseau, ne peut 
vibrer, s’allonger, se raccourcir, se tendre ou se relâcher de 
manière à produire un son. Mais le jeu de ces ouvertures des 
deux glottes inferieure et supérieure peut faire parcourir au son 
toutes les notes d’une octave quelconque pour laquelle la trachée 
et le larynx inférieur sont disposés. Il n’en faut pas davantage 
pour donner à la voix des oiseaux toute la perfection imaginable, 
puisque dans toute l’étendue de leur voix 1l ne sera pas une 
seule note par laquelle 1ls ne puissent passer. 

« Si l'oiseau veut donner le si de sa première octave, par 
exemple, dit Cuvier, note qu'il ne pourrait produire que très- 

16. 


186 CINQUIÈME LECON. 


difficilement par le raccourcissement de sa trachée, il disposera 
son embouchure de manière à chanter l’ut au-dessus ; ce qu'il 
fera facilement, cet ut étant l’octave, et par conséquent harmo- 
nique du son fondamental. Alors il fermera un peu son larynx 
supérieur, et, en baissant ainsi d’un demi-ton majeur, il donnera 
le si demandé. S'il laisse à sa trachée toute sa longueur, et à 
son embouchure sa disposition pour le ton le plus bas qui cor- 
responde à cette longueur-là, l'oiseau pourra encore baisser pres- 
que d’une octave, en fermant ainsi plus ou moins exactement son 
larynx supérieur, et c’est là la mesure de l'étendue de sa voix 
dans le bas. » 

Rappelons-nous maintenant ce que nous avons dit du degré de 
mobilité, de délicatesse, de flexibilité et en un mot de complication 
ou de perfection de la glotte du larynx inférieur, et il sera facile 
de comprendre que la voix d’un oiseau sera d'autant plus riche et 
modulée qu'il pourra fre varier davantage le jeu de ce second 
larynx. Il faut naturellement tenir compte aussi de la longueur 
proportionnelle, de la forme, du diamètre des imflexions et de la 
texture plus ou moins délicate de la trachée, autant que de la 
nature plus ou moins cartilagmeuse ou osseuse des deux larynx. 
« Ainsi les oiseaux qui ont la voix flûtée ont tous la trachée cy- 
lindrique, comme les flûtes, les fifres, les flageolets. Ceux qui ont 
la trachée en forme de cône, plus étroite vers le bas ou vers 
l'embouchure que vers le haut, ont ce même caractère éclatant 
qu’on connait aux jeux d’orgues qui ont cette forme. 

« Le son est produit dans l'instrument vocal des oiseaux de la 
même manière que dans les instruments à vent de la classe des 
cors, des trompettes, des trombones, etc.; 1l est modifié, quant 
à son ton, par les mêmes moyens que nous employons avec ces 
instruments, c’est-à-dire : 1° par les variations de la glotte infé- 
ricure, qui correspondent à celles des lèvres du joueur ou à celles 
de la lame des jeux d’anches ; 2 par les variations de la longueur 


ORGANES DE LA VOIX ET DU CHANT. 187 


de la trachée, qui correspondent aux corps de rechange ou aux 
différentes longueurs qu’on peut, pendant le jeu, donner à cer- 
taines parties de ces instruments; 3° par le rétrécissement ou 
l’élargissement de la glotte supérieure, qui correspondent à la 
main du joueur de cor et à la fermeture ou aux cheminées des 
tuyaux d’orgues. Enfin la voix des oiseaux est modifiée dans son 
timbre par la texture plus ou moins osseuse, cartilagineuse et 
délicate de toutes les parties de l'appareil vocal. Elle est d'autant 
plus facilement variable qu'il y a plus de complication et de per- 
fection dans cet appareil ; et enfin elle nous parait d'autant plus 
agréable que leur trachée ressemble davantage aux instruments 
dont les sons flattent notre oreille. » 

Il faut reconnaître avec Buffon que la voix des oiseaux se mo- 
difie suivant leurs affections, mais même qu'elle s’étend, se for- 
üfie, s’altère, se change, s'éteint ou se renouvelle suivant les cir- 
constances et le temps : comme la voix est, dit-il, de toutes les 
facultés de ces animaux, l’une des plus faciles, et dont l'exercice 
leur coûte le moins, 1ls s’en servent au point de paraitre en abu- 
ser, et ce ne sont pas les femelles qui, comme on pourrait le 
croire, abusent le plus de cet organe; elles sont bien plus silen- 
cieuses que les mâles; elles jettent, comme eux, des cris de dou- 
leur et de crainte, elles ont des expressions ou des murmures d’in- 
quiétude ou de sollicitude, surtout quand elles ont des petits; 
mais le chant paraît être interdit à laplupart d’entre elles. Le 
chant est le produit naturel d’une douce émotion ; c’est l’expres- 
sion agréable d’un désir tendre qui n’est qu’à demi satisfait : le 
Serin dans sa cage, le Verdier dans la plaine, le Loriot dans les bois, - 
chantent également leurs amours d’une voix éclatante, à laquelle 
la femelle ne répond que par quelques petits sons de pur consen- 
tement; dans quelques espèces la femelle applaudit au chant du 
mâle par un semblable chant, mais toujours moins fort et moins 
plein; le Rossignol, arrivant avec les premiers jours du printemps, 


188 CINQUIÈME LECON. 


ne chante point encore : 11 garde le silence jusqu'à ce qu’il soit 
apparié ; son chant est d'abord assez court, incertain, peu fré- 
quent, comme s’il n’était pas encore sûr de sa conquête, et sa 
voix ne devient pleine, éclatante et soutenue, jour et nuit, que 
quand 1l voit sa femelle s'occuper d'avance des soms maternels ; 
il s'empresse à les partager ; 11 l’aide à construire le nid ; jamais 
il ne chante avec plus de force et de continuité que quand il la 
voit travaillée des douleurs de la ponte, et pour exciter le charme 
d’une longue et continuelle incubation. Non-seulement il pour- 
voit à sa subsistance, mais 1l cherche à faire paraître le temps 
plus court en multipliant ses caresses, en redoublant ses accents 
d'amour ; dès que les petits sont élevés, la voix du père s’affai- 
blit graduellement et ne donne plus, vers la fin de l'été, que des 
sons rauques, si différents des premiers, qu'on a bien de la peine 
à se persuader qu'ils viennent du Rossignol, ni même d’un autre 
OISEAU. 

Si ce chant qui cesse pour se renouveler tous les ans, et ne 
dure que deux ou trois mois ; si cette voix qui s'éteint comme un 
_ feu que rien n’alimente plus, tandis que son ampleur et son éclat 
ne sont complets que pendant la saison des pariades, paraissent 
indiquer chez l'oiseau un rapport physique entre les organes de 
la reproduction et ceux de la voix : ce rapport est mis compléte- 
ment en évidence par l’altération et l’atrophie de ces organes 
après ces mêmes époques ; enfin l'observation de tous les jours 
démontre que les espèces domestiques et celles que nous retenons 
captives en volière ne perdent n1 la faculté de chanter, ni celle de 
se reproduire : les Coqs, les Serins, les Perroquets et quelques au- 
tres espèces aussi famihères en a la preuve: 1ls chantent 
et se reproduisent, faut-il dire, sans interruption. 

Toutes ces questions been et toutes celles relatives 
aux mœurs, aux instincts, n'auraient pu trouver de solution dans 
l'enceinte de la plus riche collection d'oiseaux, qui ne permet de 


ORGANES DE LA VOIX ET DU CHANT. ‘189 


voir que leurs dépouilles inanimées rangées par groupes muets et 
mélancoliques; c’est, comme nous l'avons déjà dit, dans les bois 
et les campagnes qu'il faut étudier les animaux libres de toute 
entrave, et quil faut observer leurs actions. C’est ainsi qu'on 
donnera de l'intérêt à leur histoire. Gilbert White de Selborne, 
pénétré de cette vérité, a étudié l'ornithologie sur les oiseaux 
sauvages, et 1l s’est attaché à observer le caractère et la cause 
des inflexions de leur voix ; il a cherché à saisir les différences 
qu’elle présente à diverses époques et surtout à celles de la pa- 
riade et des migrations. Il a reconnu le chant d'appel et du dé- 
part, il a décrit en quelque sorte le langage qu'emploient les 
oiseaux pour se communiquer leurs sensations, leurs projets, au 
moyen de sons diversement modulés, et leurs émotions de joie, 
de crainte et d'amour. C'est par des cris particuliers que certains 
_ oiseaux s'appellent pour se rassembler sous la même feuillée, et, 
au milieu de la confusion de tant de voix, on croirait remarquer 
que chacun d'eux répond à un appel, comme s'il s'agissait de 
constater sa présence. Les petits oiseaux font entendre une cla- 
meur plaintive à la vue d'une Pie-grièche, leur ennemie. Un Éper- 
vier, une Buse ou un oiseau de proie quelconque planent-ils 
au-dessus d'un champ, aussitôt la perdrix Jeite un eri strident 
qui rassemble rapidement et sans hésitation toute sa petite fa- 
mille. Et, pour ne parler que de ce que chacun a pu ou peut ob- 
server facilement, nos oiseaux de basse-cour voient-ils passer 
dans les airs, au-dessus d'eux, un oiseau étranger, Pigeon, 
Hirondelle, Ramier, qu'ils n'ont pas l'habitude de voir, ils font 
immédiatement entendre un eri de détresse qui ne ressemble 
aucunement aux gloussements de tendresse et d'mquiétude de 
la poule qui promène ses poussins. 

Le nom du Rossignol, a dit Buffon, nous rappelle quelques- 
unes de ces belles nuits du printemps où, le ciel étant serein, 
l'air calme, toute la nature en silence et pour ainsi dire atten- 


190 CINQUIÈME LECON. 


tive, nous avons écouté avec ravissement le ramage de ce chantre 
des forêts. Le Rossignol n’est cependant pas le seul chanteur 
remarquable. On pourrait en effet citer quelques autres oiseaux, 
comme les Rousserolles, dont la voix le dispute à certains égards 
à celle du Rossignol, et qui se font écouter avec plaisir lorsque 
- celui-ci se tait. Les uns ont d'aussi beaux sons ; les autres ont 
le timbre aussi pur et plus doux ; d’autres ont des gosiers aussi 
flaiteurs ; mas 1l n’en est pas un seul que le Rossignol n’éclipse 
par la réunion complète de ces dons divers et par la prodigieuse 
variété de son ramage ; aussi la chanson entière de chacun de ces 
oiseaux n’est qu’un couplet de celle du Rossignol. Il charme tou- 
jours, et ne se répète Jamais, du moins Jamais servilement ; s'il 
redit quelque motif, ce motif est animé d’un accent nouveau, 

embelli par de nouveaux agréments; 1l réussit dans tous les 

genres ; 1] rend toutes les expressions, 1l saisit tous les caractères, 

et de plus il sait en augmenter l'effet par des contrastes. 

Par cela même que la conformation du larynx n’est pas iden- 
tique, la faculté du chant n’appartient pas également à tous les 
oiseaux ; 1l en est même qui en sont privés, et qui ont seulement 
une voix aigre et bruyante. Quelle immense disparité entre les 
chants mélodieux des uns et les croassements discordants ou les 
cris lugubres des autres! On peut donc, par suite de ces prin- 
cipales différences, reconnaitre avec quelques auteurs anciens 
trois prmcipales tribus parmi les oiseaux : celle des chanteurs, 
celle des criards, et celle des silencieux. 

Parmi les oiseaux chanteurs, on doit surtout ranger la plupart 
des Passereaux ; mais chacun a son chant propre, et des nuances 
plus où moins radoucies. En effet, combien sont différents entre 
eux le chant plus ou moins mélodieux des Alouettes, des Rossi- 
gnols, des Fauvettes, les sons glapissants des Serins, la voix gut- 
turale du Bouvreuil, le pipement sourd des Mésanges, le siffle- . 
ment des Merles et des Loriots! Les insectivores ont un son de 


ORGANES DE LA VOIX ET DU CHANT. 191 


VOIX plus flûté et plus doux que les gramivores, dit Virey; 1 ils 
soupirent plus tendrement ; leurs accents sont de passionnés, 
plus enchanteurs. Peut-être que leur bec plus effilé contribue à 
cet effet. Ils sont aussi plus vifs, plus spirituels, plus intelligents ; 
il semble que cette nourriture animalisée leur communique plus 
de force vitale. 

La voix du Serin est souvent fort désagréable quand son chant 
se prolonge trop: il étonne, mais 1l fatigue; cette faculté de ren- 
dre pendant longtemps sons sans respirer tient à la provi- 
sion d’air contenue dans ses sacs aériens et à l'expulsion conti- 
nue de cet air comme d’une musette pleine. On peut remarquer 
le gonflement de sa gorge lorsqu'il chante, gonflement qui tient, 
comme nous l’avons déjà dit, à l’occlusion volontaire et presque 
complète de son larynx supérieur. Il ne pourrait chanter ainsi en 
volant : sa provision d'air ne suffirait pas pour les deux exercices. 
Aussi l’Alouette, qui fait entendre sa voix en planant dans les 
airs, est obligée de battre souvent de l'aile pour se soutenir et 
respirer aussitôt que ses sacs commencent à se vider. Son chant 
a des interruptions, et son corps, devenu moins léger, s'abaisse 
un peu pour se relever immédiatement après l'inspiration, el 
cette manœuvre se renouvellé plusieurs fois de suite. 

Au nombre des oiseaux criards on doit mettre les rapaces, les 
oiseaux de rivages, les nageurs, et tous ceux qui, au lieu d’une 
voix inusicale, ne jettent que des cris rauques, discordants, ou 
ne produisent qu'une clangueur retentissante pour s'appeler à 
de grandes distances au milieu du bruit des vagues. 

Enfin les oiseaux silencieux font entendre rarement de petits 
sons de voix, des accents légers et comme éteints ; tels sont les 
Couroucous, les Tamatias, les Jacamars, les Oiseaux-mouches, les 
Soui-mangas, les Philédons, les Cotingas, les Guêpiers, et beau- 
coup d’autres espèces de l’ancien et du nouveau continent; et, 
de plus, presque toutes les femelles des oiseaux chanteurs. 


192 CINQUIÈME LEÇON. 

Dans tous les pays civilisés ou sauvages, et sous tous les cli- 
mats, on trouve également des oiseaux à chant agréable, et c’est 
à tort que Buffon a prétendu que les oiseaux mélodieux ne se 
rencontrent que dans l’ancien continent et vivent de préférence 
autour des lieux habités. Nous avons, il est vrai, en Europe, un 


grand nombre de chanteurs ; mais dans l'Inde et en Amérique 


on en trouve également. Les Moqueurs, suivant tous les voya- 
geurs, et au témoignage du plus observateur de ous, Audu- 
bon, ont un chant très-varié dans ses inflexions el un InCoMpa- 
DE talent d'imitation. 

Les oiseaux, par leurs chants, annoncent leurs diverses 
émotions, redisons-le encore; c’est pour eux un vrai langage, 
puisqu'ils peuvent correspondre entre eux et se faire part de 
leurs sensations. Parmi ceux qui vivent en troupe, quelques-uns 
restent perchés sur les arbres, et, à la moindre apparence de 
danger, ils jettent d’abord des cris d'avertissement, puis des eris 


d'épouvante. Il en existe même plusieurs dont la voix indique 


assez régulièrement les principaux changements de l'atmosphère. 
Ainsi, le Paon, chez nous, le Coucou de plaine, en Amérique, le 
SCY non voyageur, à la Nour elle-Hollande, annoncent des jour- 
nées pluvieuses. 

D'après ce AISELUTS de dire de la voix des oiseaux, on 
comprend que c'est Le chant surtout et la distinction du rar à 
ensuite qui déterminent'le choix que nous faisons des espèces à 
conserver en vohière et dont nous devons dire quelques mots. 
Si l'homme a su tirer parti des divers instincts des oiseaux, il 
a cherché aussi à utiliser à son profit, ou plutôt pour son plaisir, 
leur sens plus ou moins musical ou imitateur. Sous ce rapport il 
faut distinguer le chant naturel du chant artificiel : celui-là offre, 
ainsi qu'on vient de le voir, autant de différences quil y en à 
entre les oiseaux mêmes ; car nous n'avons aucune espèce indi- 


gène qui ait parfaitement le chant d’une autre. On pourrait ex- 


LE : Fra 
de 
Êz 
RER LE PP TE A MIS) D 


ORGANES DE LA VOIX ET DU CHANT. "193 
cepter nos trois espèces de Pies-grièches, qui, par leur mémoire 
prodigieuse, peuvent imiter les chants des autres oiseaux au 
point de s'y méprendre. Cependant le vrai connaisseur reconnaît 
facilement le moindre mélange du chant naturel avec le chant 
d'imitation, et s'aperçoit bientôt si c'est la Pie-grièche qui copie, 
ou si cest vraiment l’Alouette ou le Rouge-gorge qui chante. 

Le chant artificiel est inuté ou d’un oiseau que les jeunes 
entendent chanter dans-la chambre ou d’un instrument quel- 
conque. Presque tous les oiseaux, étant jeunes, apprennent quel- 
ques strophes des airs qu'on leur siffle ou qu'on leur joue régu- 
lièrement tous les jours ; mais 1l n'y a que ceux dont la mémoire 
est capable de conserver l'impression qui abandonnent entière- 
ment le chant naturel, pour adopter couramment et répéter sans 
hésitation l'air qu’on leur a enseigné. Ainsi Le jeune Chardonneret 
apprend, à la vérité, quelque partie de la mélodie que l’on Joue 
à un Bouvreuil , mais jamais il ne parviendra à la rendre aussi 
complétement que celui-ci. La cause, dans ce cas, n’est pas tant 
dans la plus ou moins grande souplesse de l’organe que dans la 
force inégale de mémoire dont ces deux espèces sont douées. 

On distingue. dans les oiseaux le gazouillement et le ramage, 
ou le chant proprement dit; plusieurs espèces dont la langue est 
large, entière et non fendue, ont la faculté de répéter des sons 
articulés, ce qui fait dire qu'ils parlent : tels sont les Perroquets. 
Un fait assez frappant, c’est que les oiseaux dont le chant naturel 
n’est pas continué toute l’année, comme le Rouge-gorge, le 
Tarin, le Chardonneret, etc., paraissent obligés, quand leur mue 
est passée, de rapprendre leur ramage comme s'ils l'avaient ou- 
blié; mais il est certain que cet exercice est moins une étude 
qu'un travail pour assouplir l'organe; ce n’est en effet réellement 
qu’une sorte de gazouillement dont les tons n’ont presque aucun 
rapport avec ceux du chant parfait ; et, pour peu qu'on y fasse 


attention, on observera comment le gosier parvient graduellement 
ie à LEA 


194 CINQUIÈME LEÇON. 
à rendre les sons qui composent le chant ordinaire. Cette manière * 
d'apprendre derechef annonce donc moins un manque ou une 
lublesse de mémoire qu'une espèce de roideur occasionnée par 
le défaut d'exercice dans le gosier de l'oiseau. C'est ainsi que le 
Pinson essaye chaque année pendant quelques semaines de suite, 
avant d'arriver à la perfection qu'il connaît et qu'il veut attem- 
dre; c’est ainsi que le Rossignol module aussi les strophes de 
son superbe chant, avant de le rendre complet et dans toute son 
étendue. | 
La portée de la voix des oiseaux n'est pas toujours en rapport 
avec le petit volume de, leur corps. Les oiseaux dont nous enten- 
dons la voix d’en haut, dit Buffon, et souvent sans les apercevoir, 
sont alors à une hauteur égale à trois mille quatre cent trente- 
six fois leur diamètre, puisque ce n’est qu'à cette distance que 
l'œil humain cesse de voir les objets. Supposons done que l’oi- 
seau, avec ses ailes étendues, fasse un objet de quatre pieds de 
diamètre : il ne disparaîtra qu'à la hauteur de treize mille sept cent 
quarante-quatre pieds ou plus de quatre mille mètres; et, si nous 
supposons une troupe de trois ou quatre cents gros oiseaux, tels 
que des Gigognes, des Oies, des Canards, dont quelquefois nous 
entendons la voix avant de les apercevoir, l’on ne pourra nier que 
la hauteur à laquelle ils s'élèvent ne soit encore plus grande, 
puisque la troupe, pour peu qu’elle soit serrée, forme un objet 
dont le diamètre est bien plus grand. Ainsi l'oiseau, en se faisant 
entendre d’une lieue du haut des airs, et produisant des sons 
dans un milieu qui en diminue l'intensité et en raccourcit de 
plus de moitié la propagation, a par conséquent la voix quatre 
fois plus forte que l’homme ou le quadrupède, qui ne peut se faire 
entendre à une demi-lieue sur la surface de la terre : ainsi un 
paon, qui est beaucoup plus petit qu’un bœuf, se fait entendre de 
plus loin; et cette estimation est peut-être plus faible que trop 
forte, car, indépendamment de ce que nous venons d'exposer, il 


ORGANES DE LA VOIX ET DU CHANT. 195 


y à encore une considération qui vient à l'appui de nos conclu- 
sions : c'est que le son rendu dans le milieu des airs doit, en se 
propageant, remplir une sphère dont l’oiseau est le centre, tandis 
que le son produit à la surface de la terre ne remplit qu'une 
demi-sphère, et que la partie du son qui se réfléchit contre la 
terre aide et sert à la propagation de celui qui s'étend en haut ct 
à côté. C’est par cette raison qu'on dit que la voix monte, et que, 
de deux personnes qui se parlent du haut d’une tour en bas, celle 
qui est au-dessus est forcée d’é'ever la voix beaucoup plus ne 
l’autre si elle veut s’en faire également entendre. 

Terminons cette leçon par des observations curieuses et intéres- 
santes faites par M. Dureau de la Malle sur les heures du réveil 
_et du chant de quelques oiseaux ; il a constaté ce qui suit : 

Le Pinson s’évaille d’une heure à une heure et demie du matin; 

La Fauvette à tête noire, de deux à trois heures; 

La Calle, de deux heures et demie à trois heures; 

Le Rossignol de murailles, de trois heures à trois heures et 
demie ; | 

Le Merle, de trois heures et demie à quatre heures, 

Le Pouillot, à quatre heures ; 

La Mésange charbonnière, de quatre à cinq heures; 

Le Moineau, de cinq heures à cmgq heures et demie. 

On voit que le Pinson est le plus matinal et le Moineau le plus 
paresseux des oiseaux qu'il a observés. Est-ce de cette habitude 
reconnue qu'est venu le dicton : Gat, éveillé comme un Pin- 
son ? Quant au Moineau, qui vit dans la société de l’homme et 
pullule dans les villes, aurait-il contracté, par cette cohabita- 
tion, les habitudes paresseuses des oisifs et des citadins ? 

Le savant académicien que nous venons de citer avait disposé 
dans son jardin un appareil pour garantir contre les attaques des 
chats les familles des oiseaux qui venaient lui demander l’hos- 
pitahité. Ces oiseaux reconnaissaient leur protecteur, étaient de- 


196 CINQUIÈME LECON. 


venus familiers avec lui, et il a pu, en visitant leurs nids, déter- 
miner la cause du réveil plus ou moins hâtif de chaque espèce. 
Un jour, le 4 juin, la Mésange et le Merle ont commencé à chan- 
ter à deux heures et demie du matin. Frappé de cette anomalie, 
il va inspecter leurs nids et trouve leurs petits éclos. IL pensa 
d'abord que c'était une manifestation de la joie paternelle; mais 
bientôt il s’est convaincu de son erreur. Le besoin de plus d'heures 
de veille, pour nourrir la famille augmentée, avait avancé leur 
réveil. IL faisait alors un beau clair de lune, et il a pu voir les 
pères et mères de ces deux espèces occupés constamment à cher- 
cher sur le gazon et les plates-bandes les insectes et les aliments 
qui devaient servir aux premiers repas de la mchée. 

Le même observateur raconte que son portier nourrissait en 
cage un Merle privé auquel 1l avait appris à siffler la Marseillaise 
et la Carmagnole. La cage, pendant le jour, était placée dans une 
cour près des fenêtres du cabinet de travail de l’académicien, et 
pendant la nuit elle était rentrée dans une chambre obscure. Le 
8 juin, on oublie de rentrer le Merle, et dès minuit et quart, 
trompé par l'éclat d’une lampe apportée dans le cabinet de tra- 
vail, 1l éveille toute la maison en chantant à gorge déployée les 
airs qu'on lui avait enseignés. À ces chants Imusités à cette heure, 
les Merles libres répondent; et de minuit et quart à sept heures 
du matin leurs voix n'ont cessé de se faire entendre. Les Merles 
libres ont été certainement entrainés par la voix du captif; et ce 
n'était pas le sens de la vue frappé par la lumière qui détermina 
cette explosion musicale ; car le nid des Merles libres était placé 
à trente mètres de la fenètre. Mais laissons parler M. Dureau de 
la Malle : « Le 17 jum, dit-il, le Merle républicam est encore oublié 
dans la cour ; il renouvelle la scène du 9 juin, met en voix tous 
les Merles du voismage et réveille de nouveau tous les habitants 
de ma maison. Je descends et je l’enferme dans un endroit obscur. 
Au bout d'une heure, je le remets à sa place dans ma cour ; un 


LL 


CONSERVATION ET REPRODUCTION 


quart d'heure s'écoule à peine, et le républicain chante de nou- 
veu à tue-tête le Ca ira et la Marseillaise. 

«Les vieux Merles libres ont toujours résisté à imiter ces chants; 
mais un couple de ceux-ci avait produit trois générations succes- 
sives dans mon jardin, dans la même allée, sur le même tilleul et 
dans le même nid, protégé par moi contre la griffe des chats. 
Comme l’espace est borné et qu'il n’offrait pas sans doute une 
nourriture suffisante à une famille de quinze Merles arrivés à l’état 
adulte, mes jeunes élèves m'avaient abandonné depuis Le 10 mars, 
et j'attendais impatiemment leur retour, qui eut lieu le 18 juin. 
J'étais curieux de savoir si le chant artificiel du Merle privé, qui 
avait frappé leurs oreilles pendant leur enfance et leur adoles- 
cence, l'emporterait sur le langage qu'ils avaient appris de leurs 
parents. Enfin, le 48 et le 20 juin, à quatre heures du matin, le 
Merle privé étant renfermé et couvert, J'entends retentir dans 
mon Jardim les deux phrases des chants populaires Ça ira et 
Aux armes, citoyens, que leur avait sifflées tant de fois le Merle 
républicain. » (Annales des sciences naturelles, 1848.) 


Conservation et reproduction. Nous avons parlé du 
rapport physique des organes de la voix avec les organes repro- 
ducteurs et dit que l’oiseau, à l’état de libérté, ne possède toute 
l’ampleur de sa voix qu'à l’époque des pariades; nous avons dit 
encore que la cessation du chant correspondait à l'atrophie des 
organes de reproduction. Disons maintenant quelques mots de 
la conservation de l'espèce et des organes reproducteurs. 

L'espèce est un type primordial transmettant tous ses carac- 
tères organiques de générations en générations. Sous le nom 
d'espèce on désigne aussi tous les individus qui se reproduisent 
par voie de génération sans subir de modification essentielle, et 
de manière à être regardés comme originairement sortis d’une 


souche unique. 
17, 


198 


e 


CINQUIÈME LECON. 


La nature a établi des lois inflexibles et immuables pour la 
conservation et la propagation de l'espèce, et elle met tout en 
œuvre pour que rien ne s'oppose à cette condition de l'harmonie 
du monde. Toutes les espèces ohéissent à ces lois et se reproduisent 
quand les conditions de leur existence ne sont pas modifiées par la 
captivité ou un changement de climat. 

Les organes reproducteurs chez les oiseaux aboutissent au 
cloaque ou vestibule génito-excrémentitiel s'ouvrant à l'extrémité 


1 
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Fig. 202. 


Grappe de l'ovaire 
et oviducte de la poule. 


postérieure du corps, sous les vertèbres coc- 
cygiennes, dont nous avons fait connaître la 
mobilité. L'organe femelle se compose de 
l'oviducte et de l'ovaire, enveloppés et fixés 
par une membrane vasculaire, repli pro- 
longé du péritoine. Tous deux sont 1m- 
pairs, non symétriques, et si, par exception 
ou par anomalhe, 1l se trouve deux ovaires 
et deux oviductes, ceux placés à droite sont 
toujours rudimentaires, très-accessoires et 
sans fonctions. L'oviducte s'ouvre au côté 
gauche du cloaque, forme un canal con- 
tractile, allongé, plus ou moins large, très- 
sinueux, et remonte au côté gauche des ré- 
gions sacrée et lombaire pour se terminer 
sous l'ovaire, avec lequel il est en rapport par 
un orifice (ouverture ovarienne), trompe 
qui se resserre ou se dilate an besoin, ainsi 
que nous le verrons bientôt. L’ovaire est si- 
tué sous la colonne vertébrale et les reins, 
et au-dessous du foie. Il consiste en une ag- 
olomération de petits globules ou ovules 


blancs, quelquefois légèrement teintés de Jaune et représentant 
tous les œufs que l'oiseau doit pondre pendant sa vie. Aux épo- 


a 


son, où 1l présente deux rétrécisse- 


CONSERVATION ET REPRODUCTION. 199 


ques fixées pour les pariades chez les oiseaux sauvages et pen- 
dant une grande partie de l’année chez les oiseaux domestiques, 
l'ovaire se gonfle; quelques-uns des ovules qu'il contient au 
milieu d’une substance fibro-celluleuse grossissent ; ce sont ceux 
qui doivent faire leur évolution complète dans la saison; la mem- 
brane qui les couvre et les maintient s’ammocit pour suivre leur 
développement, et bientôt 1lsse dégagent de la masse, à laquelle 
ils semblent ne plus tenir que par un pédicule, et leurs dimen- 
sions inégales indiquent leur degré de maturité. En cet état 
l'ovaire est comparé à une grappe de raisin à grains inégaux, et 
l'on dit la grappe de l’ovaure. 

L'ouverture ovarienne de l’oviducte à un bord simple et non 
frangé comme l'est le pavillon des 
trompes chez les mammifères; elle 
est plus ou moins bäüllante, et le ca- 
nal qu’elle commence forme des an- 
ses comme un intestin et s’élargit- 
progressivement jusqu à sa termuinai- 


ments avant de s'ouvrir dans le cloa- 
que. Les parties constituantes de 
l'oviducte sont : 1° la membrane 
péritonéale séreuse, qui l'enveloppe He 

ainsi que l'ovaire, et les maintient à plusieurs degrés de maturité. 
fixés en rapport l’un avec l’autre. 

90 Une couche de fibres musculaires longitudinales et de tissu cel- 
lulaire. 3° Enfin une membrane interne muqueuse qui tapisse tout 
l'organe. Cette muqueuse présente des plis plus ou moins nom- 
breux, plus ou moins prononcés, suivant la partie qu’on examine, 
assez larges, obliques, longitudinaux ou un peu transverses, paral- 
lèles et imterrompus dans le dernier tiers de sa surface. Ces plis 
se prêtent merveilleusement à la dilatation de l’oviducte pendant 


200 CINQUIÈME LECON. 

le passage de l'œuf, dont la marche est d’ailleurs favorisée par 
des mouvements péristaltiques propres au canal qui le contient 
momentanément, le complète et l'expulse. On trouve dans la 
forme de l’oviducte, comme le fait remarquer Cuvier, dans sa 
disposition générale et dans sa structure, toutes les conditions 
organiques propres à fare comprendre les différentes fonctions 
qu'il doit remplir. 

L’oviducte, examiné en place et sans préparation, ressemble 
beaucoup à une portion d’intestin; on ne 
distingue pas de rétrécissement, et le canal 
qu'il forme n'offre qu'un calibre graduelle- 
ment mais insensiblement plus large à me- 
sure qu'il se rapproche du cloaque. Les 
circonvolutions assez nombreuses qu’il pré- 
sente sont maintenues par le mésoviducte 
ou repli de la membrane péritonéale, qui 
remplit ‘les mêmes fonctions envers l’ovi- 
ducte que le mésentère envers les intestins. 

Les membranes qui composent l’oviducte 
semblent néanmoins plus épaisses, plus blan- 
ches que les membranes intestinales, et il 

Fig. 204 — Iotestins, devait en être ainsi dans l’état de repos; 
” ovaire et oviducte. mais, lorsqu'un œuf est engagé dans le canal 
| qu'il forme, ses parois plissées et extensibles 
s’amincissent considérablement en proportion de la grosseur de 
cet œuf auquel elles donnent passage. Si l’on insuffle un oviducte 
par l'ouverture inférieure, on voit cet organe prendre immédia- 
tement un développement énorme, former deux étranglements 
vers son Liers inférieur et devenir assez transparent pour per- 
mettre de distinguer la disposition des faisceaux musculaires. 
Ces faisceaux, distants les uns des autres, sont longitudinaux et 
un peu obliques dans la partie supérieure du canal jusqu'au pre- 


CONSERVATION ET REPRODUCTION. 201 
mier rétrécissement ; là, 1ls disparaissent, et la dilatation qui suit 
ce rétrécissement n'a de lanières musculaires qu à sa partie infé- 
rieure et Jusqu'au delà du second rétrécissement ; et, dans cette 
partie, les lanières musculaires, au lieu d’être obliques, sont 
transversales jusqu’à l’orifice garni d’un sphincter et qui s'ouvre 
dans le cloaque. La membrane interne ou muqueuse présente 
aussi dans son étendue des différences d’orgamsation qu'il est 
important de connaître pour comprendre la formation complé- 
mentaire de l'œuf. À sa partie supérieure on remarque des vil- 
losités analogues à celles des intestins; plus bas, les plis seuls ap- 
paraissent ; plus bas encore et au point où l’œuf doit s'arrêter 
quelque temps, on voit reparaître de longues villosités; enfin des 
plis transverses se montrent vers la partie inférieure. 

À part quelques exceptions que 
présentent certaines espèces, entre 
autres le Canard et l'Autruche, l'or- 
gane reproducteur mâle consiste en 
un petit tubercule conique où ma- 
melon vasculaire linguiforme qu'on 
aperçoit au fond du cloaque entre 
deux papilles à l'extrémité desquel- 
les sont les ouvertures des canaux 
communiquant avec deux glandes sé- 
minales logées dans la cavité abdo- 
minale, en arrière des poumons et 
sous les reins. Cet organe varie un 
peu suivant les familles et n’est ap- 


Fig. 205. 
ne chez les espèces sauvages, organes reproducteurs du Coq. 


qu'aux époques de pariade, ut 
qu'il est plus facile de le distinguer presque en tout temps di. 
les espèces domestiques. 


_ it side 


après Gould 


d’ 


L 


vnome 


J 


Fig. 206. — Nid de Colibri Eur 


SIXIÈME LECON 


: « 
Formation et développement de l’œuf; sa forme, sa couleur. 


Ce que nous avons dit des organes reproducteurs des oiseaux 
indique un accouplement bien simple. L'élément fécondant ab- 
sorbé par l’oviducte est transmis sans impulsion apparente autre 
que des mouvements péristaltiques inverses jusqu'à l'ovaire, 
où l’imprégnation des ovules mürs peut être multiple et per- 
mettre à une poule, que dès lors on isolerait, de pondre un cer- 
tan nombre d'œufs fécondés, observation souvent faite, mais seu- 
lement sur des oiseaux de basse-cour. 

Cette description des organes reproducteurs était indispensa- 
ble avant d'expliquer le développement de l'œuf, et 1l nous reste 
à dire quelques mots des ovules. Avant leur maturité, les ovules 
contenus dans l'ovaire sont peu apparents, ils ont des dimensions 
qui varient suivant les époques et Les espèces, et qui, même dans 
les plus grosses, n’atteignent pas le diamètre d’un grain de millet. 
Ils forment de nombreuses petites bosselures qui soulèvent la 
membrane qui les protége. Aux époques fixées par la nature pour 


204 SIXIÈME LECON. 


la reproduction des espèces, l'ovaire et la membrane vasculaire 
qui l’enveloppe deviennent le siége d’une congestion ; les ovules, 
qui ont un peu grossi, parce qu'ils doivent subir l’évolution an- 
nuelle, et qui ne sont jusqu'alors formés que d'albumine, prin- 
cipe immédiat des animaux, ne tar- 
dent pas à présenter, sous l'influence 
d'une circulation ovarienne plus ac- 
tive, quelques petites globules de 
graisse où d'huile, dont le nombre 
augmente avec le temps au point de 
les rendre opaques d’abord, puis 
Fig. 207. — Ovules avant maturit  COMplétement jaunes. Chaque ovule 
A A est composé d’une partie centrale ou 
germinative, d'une sphère vitelline 
ou nutritive, et d'une membrane propre, extrêmement mince, 
à peme perceptible, mais cependant évidente, qui empêche la 
diffusion du liquide jaune qu'elle contient. 

Dès que l’ovule commence à se développer, la partie centrale 
ou sphère germinative tend à quitter le centre pour se rapprocher 
de la circonférence, qu'elle atteint complétement quand l’ovule 
est mûr, et 1l est mür avant d’avoir le volume qu'il aura au mo- 
ment de se séparer de la grappe; mais cette sphère germinative 
ne croît pas dans les mêmes proportions que la sphère vitelline, 
qui seule prend les dimensions qu'elle doit avoir dans l’œuf par- 
fait. Ce déplacement de la sphère germinative laisse dans le vitel- 
lus la trace de son premier siége et de son passage; on peut, en 
effet, remarquer dans le vitellus une cavité centrale s’ouvrant 
dans un canal ascendant, comme le rayon d’un cercle, et rempli 
d’un liquide plus clair que les autres parties du jaune. La mem- 
brane propre est, d’après Cuvier, composée de deux feuillets 
dont l'interne se replie autour de la sphère germinative, de 
manière à former un cul-de-sac pour la contenir et un pédi- 


FORMATION ET DÉVELOPPEMENT DE L’ŒUF. 205 
cule qui la soutient et la dirigera dans son mouvement as- 
cendant. | 


Fig. 208. — Déplacement de la sphère germinative. 


Aussitôt que l’ovule prend la teinte jaune, alors qu'il est encore 
peu développé et adhérent à la grappe, on peut distinguer sur le 
point de sa surface correspondant à sa partie supérieure une 
petite tache blanche désignée sous le nom de cicatricule et qui 
indique le point où la sphère germinative s’est arrêtée. Cette 
cicatricule loge donc le germe déplacé du centre, et elle se trouve 
dès lors toujours à la partie supérieure du jaune, parce que les 
parties de ce jaune qui l’entourent sont les plus légères de celles 
qui le composent et que, ne pouvant se mélanger, elles obéissent 
aux lois de la pesanteur. Le vitellus est en effet formé, comme l’a 
fait observer M. Sacc, d'un réseau albumineux dont les mailles 
enferment la matière grasse, et les filets d albumine qui forment 
ce réseau deviendront, sous l'influence orgamisante, les voies in- 
dispensables au développement de l'embryon. L'analyse chimique 
du jaune démontre qu’il est composé des éléments qu’on retrouve 
dans toutes les parties des animaux, qu’il contient assez d’albu- 
mine pour la production de la fibre musculaire et assez de 
matières grasses pour suffire aux besoins de la respiration de 
l'embryon. Le même auteur fait remarquer que le vitellus se 
développe avec une grande lenteur, et 1l ajoute que les diverses 

mn. 18 


206 SIXIÈME LECON. 
parties d’un œuf mettent d'autant plus de temps à se former 
qu'elles sont plus immédiatement essentielles au développement 
de l'embryon. | | 

Le concours du mâle.chez les oiseaux n'est pas plus indispen- 
sable au développement des ovules qu'il ne l'est à la formation 
complète des œufs, puisque les œufs, Inféconds, 1l est vrai, que 


t 


Fig. 909. — Germe d'un œuf non fécondé. 


peuvent pondre des femelles isolées, sont parfaitement semblables 
aux œufs fécondés. Le germe est dans l’ovule, la fécondation le 
vivifie. La cicatricule, dans les œufs fécondés, avant l’incubation, 
est, dit-on, plus apparente; elle a, d'après les observations de 
MM. Dumas et Prévost, cinq à six millimètres de diamètre; le 
centre est occupé par un disque niembraneux de un à deux nulli- 
mètres ; 1l est entouré par une zone plus compacte et plus blanche, 
limitée par deux cercles concentriques d’un blane mat. On y 
peut distinguer un corps blanc un peu allongé et placé comme 
un rayon entre la circonférence et le centre où se trouverait le 
vestige de la tête du futur embryon. 

Plus l’ovule approche de sa maturité, plus la partie de l'ovaire 
qui le supporte se gonfle de manière à le pousser et à le laisser 
alors comme suspendu par un pédicule. Dans cette position, 
l’ovule est contenu par cette pellicule péritonéale, extensible et 


A è à : 
FORMATION ET DÉVELOPPEMENT DE L’ŒUF. 207 


amincie dont nous avons parlé, et qui est généralement désignée 
sous le nom de calice. Le calice forme donc une poche arrondie’et 


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Fig. 210. — Evolutions de l’œuf, d’après M. Coste. — L’oviducte est ouvert en pa 
pour laisser voir la direction des plis de la muqueuse. 


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complétement remplie. On y remarque une ligne circulaire, 
blanchâtre et assez large, qui semble le diviser en deux parties 
égales : c’est la partie la plus mince (cicatrice) de la poche, le 


Bis. + SIXIÈME LEÇON. 

point où elle se séparera pour abandonner l’ovule. Après cette 
séparation, le calice, désormais inutile, se flétrit et s’atrophie: 
l'ovule libre rencontre le pavillon élargi de l'oviducte qui le 
reçoit. Dans ce temps de son évolution l’ovule ne se compose 
encore que du jaune de l'œuf (vitellus); il manque de parties 
essentielles, mdépendantes de l’action du mâle, telles que l’albu- 
mine ou blanc de l'œuf, les membranes qui doivent la contenir 
et la coquille qui doit protéger le tout. Ces parties se formeront 
dans l’oviducte, comme nous allons le dire : aussitôt que l'ovule 
est engagé dans l’oviducte, il y détermine par sa présence une 
sorte d’orgasme et par suite une sécrétion d’albumine prompte- 
ment mais très-légèrement coagulable, qui se moule sur le ca- 
libre intérieur du canal et ferme un tube mou, cylindrique, ou 
sac à deux-ouvertures, plus long que le globe vitellin, parce que 
la sécrétion se fait en decà et au delà des parties en contact. L’o- 
vule, sollicité par des mouvements péristaltiques obliques, chemine 
très-lentement en tournant en spirale et sur lui-même; il en- 
traine dans sa marche, bien lente sans doute, cette première 


Fig. 211. — Membrane chalazifère en partie ouverte. 


couche d’albumine coagulée formant une pellicule excessivement 
mince et diaphane; mais, comme le vitellus est sphérique et que 
le tube qu'il entraine avec lui dans ses mouvements de rotation 
est cylindrique; que, de plus, les portions débordantes du tube en 
deçà et au delà ne sont pas assez consistantes pour se soutenir, 


FORMATION ET DEVELOPPEMENT DE L’ŒUF. . 209 


elles n’obéissent au mouvement en spirale qu’en se tordant sur 
elles-mêmes plusieurs fois et elles enferment ainsi le vitellus dans 
un sac diaphane dont les deux extrémités tordues forment deux 
cordons transparents qui correspondent aux deux pôles du jaune. 
La densité et la texture assez compacte de ces cordons permetten 
de les apercevoir quand on ouvre un œuf frais, et beaucoup de 
personnes croient à tort que c’est le germe. Le sac est bien visible 
quand on vide un œuf frais dans un vase rempli d’eau, ce sac, 
dis-je, uniquement protecteur, car 1l n’est pas vasculaire, est dé- 
signé sous le nom de membrane chalazifère, et les cordons tordus 
qui le terminent en avant et en arrière sont appelés chalazes. 
Nous verrons bientôt quel est le rôle qu’ils doivent jouer. : 

Le jaune ainsi complétement enfermé continue à cheminer len- 
tement dans l’oviducte de plus en plus congestionné ;. la sécrétion 
augmente dans la même proportion et forme bientôt plusieurs 
couches d’albumine d’abord assez épaisses, puis plus fluides, qui 
constituent le blanc de l’œuf; elles ne sont réellement apparentes 
que sur un œuf cuit dur ; l'albumine, tout en s’accumulant au- 
tour du jaune, se trouve resserrée par les parois de l’oviducte et 
un peu refoulée en avant et en arrière. La forme elliptique ou 
ovoide qu'aura l'œuf complet est dès lors déterminée par la pres- 
sion latérale d’une part et par celle exercée aux deux pôles de la 
masse albumineuse par les parois de l’oviducte, non encore 
écartées en avant et se contractant en arrière. La partie de la 
. muqueuse du canal qui va se trouver en contact avec la masse 
albumineuse dont le volume à augmenté sera naturellement 
plus distendue, et cette tension plus grande d’une membrane 
mince et contractile la force à se mouler sur la masse peu résis- 
tante, qu'elle comprime de toutes parts. Le mouvement de l'œuf 
incomplet et très-mou se trouve alors ralenti par la rencontre d’un 
premuer rétrécissement. La sécrétion fournie par la muqueuse 
dans cette partie de l’oviducte est toujours de l’albumine, mais 

18. 


910 . : SIXIÈME LECON. 


de l’albumine coagulable contenant une petite proportion de 
carbonate de chaux. C’est alors que se forme la membrane opa- 
que, blanche, molle (membrane commune), qui enferme toutes 
les parties de l'œuf comme dans un sac sans ouverture, parce que 
toutes les surfaces sécrétantes de la muqueuse sont en contact 
avec l’albumine fluide. Cette sécrétion se fait en deux temps, 
car la membrane qu'elle forme a deux feuillets adhérents qui 
conservent l'empreinte de la surface qui les a produits. En effet, 
en examinant par transparence les feuillets de cètte membrane, 
on constate des différences d’opacté qui indiquent les empreintes 
des petites lanières musculaires de cette partie de l’oviducte. 
L'œuf couvért de cette double membrane est encore incomplet, 
mals il est déjà résistant, et, poussé par les contractions muscu- 
laires, il peut ainsi, sans danger de diffusion, franchir le premier 
rétrécissement. Il se trouve alors dans la partie imférieure et la 
plus large de l’oviducte, où il séjournera pendant dix ou vingt 
heures, suivant les espèces. Cette partie du canal forme une po- 
che dont la moitié supérieure ne présente plus de fibres muscu- 
laires apparentes. Là, un liquide blanc, laiteux, résultant d’une 
sécrétion plus chargée encore de carbonate de chaux, se dépose 
assez promptement sous forme de petits cristaux qui se superpo- 
sent et se confondent pour constituer la coquille. Elle conserve 
souvent la trace évidente de la formation du dépôt, et présente 
parfois des granulations qui font une légère saillie à sa surface. 
Une fois ainsi complété, l'œuf franchit facilement le second rétré- 
cissement, moins étranglé que le premuer, et 1l est expulsé. Quel- 
ques auteurs pensent que tous les éléments qui doivent entrer 
dans la composition de la coquille existent déjà lorsque l'œuf est 
encore dans l'ovaire. Nous reviendrons sur ce sujet en parlant 
des causes de la coloration de certains œufs. | 
En attendant, on sait que la coquille est blanche, uniformé- 
ment ou diversement colorée, suivant les espèces. Les couleurs et 


FORMATION ET DÉVELOPPEMENT DE L’ŒUF. 91 
leur disposition, la forme et le volume de l’œuf, ont des caractères 
constants qui appartiennent à chaque espèce, et qui tiennent à 
l'organisation spéciale du canal qui les reproduit régulièrement. 


919. — Derniers temps de l'évolution de l'œuf, d'après M. Coste. — L'oviducte 
est ouvert pour laisser voir la disposition des papilles de la muqueuse. 


Voilà l'exposé de la formation et des évolutions de l'œuf; nous avons 
déjà fixé l'attention sur les différences organiques que présentent 
les diverses parties de l’oviducte, et l’on a pu en déduire des mo- 


SA AR | SIXIÈME LEÇON. 


difications dans la nature des sécrétions de ces parties. Nous 
voyons en effet que les portions supérieure et inférieure de ce 
canal sécrètent de l’albumine coagulable à divers degrés, tandis 
que ses parties moyennes fournissent une sécrétion plus abon- 
dante de la même substance, mais qui n’est point coagulable. 

L'albumine est la sécrétion normale de l'oiseau, qui avale une 
grande quantité de matières calcaires et de graviers qu’on trouve 
mélés aux aliments qu'il a pris. Ces matières calcaires et ces gra- 
viers jouent des rôles distincts dans l’économie de l’oiseau, et, pour 
ne nous occuper que des réactions chimiques qui se rattachent 
au sujet de cette leçon, nous dirons en deux mots que la chaux 
dissoute dans l'estomac par l'acide carbonique est absorbée et 
portée par la circulation jusque dans l'oviducte, et qu’en pré- 
sence des sels alcalins de l’albumine, cette chaux perd plus ou 
moins de son acide et se dépose en plus grande quantité à la 
partie inférieure de l’oviducte que sur tout autre pot de la 
surface de cet organe. Quoique nous ne puissions pas suivre les 
molécules organiques ou inorganiques divisées par l'estomac et 
absorbées par le tube digestif, 1l n’est pas plus difficile de com- 
prendre le transport de l'élément calcaire dans certaines parties 
de l’oviducte que le passage du même élément et sa fixation dans 
les trames celluleuses des os de tous les vertébrés, ou la distri- 
bution des molécules nutritives dans toutes les parties du corps. 

Le fait est qu’une poule qui serait nourrie sans pouvoir avaler 
de matières calcaires ne tarderait pas à pondre des œufs sans co- 
quille, comme on en fait quelquefois l'observation sur des poules 
trop grasses ou malades. 

Un de nos amis, professeur agrégé de chimie à l’école de méde- 
cime militaire, M. Poussin, a fait de nombreuses expériences sur 
l'isomorphisme chimique et physiologique de certains sels. Ces 
expériences, entreprises sur des poules, mais, comme on le voit, 
dans un ordre d'idées étranger à notre sujet, s’y rattachent cepen- 


FORMATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ŒUF. 213 


dant par les résultats obtenus. Notre savant ami a placé des poules 
dans des cages éloignées du sol et de manière à pouvoir les sou- 
mettre à un récime déterminé à l'abri de tout mélange des sub- 
stances généralement préférées par ces oiseaux. Il a remplacé 
dans la nourriture de ces poules les matières calcaires qu'elles 
ramassent en liberté par des carbonates de baryte, de stron- 
tiane, de magnésie, etc, et, après plusieurs jours de ce régime 
nouveau, 1l a analysé les coquilles des œufs pondus par chacune 
d'elles, et a trouvé qu'elles étaient composées de carbonates à 
base de baryte, de strontiane, de magnésie, etc. D’autres œufs 
fécondés, obtenus de ces poules ans les mêmes conditions, ont été 
soumis à l'incubalion, et rien n’a arrêté le développement der em- 
bryon. Enfin 1l a soumis encore d’autres poules à l'usage d'io- 
dures, de bromures et de fluorures alcalins qui ont été facilement 
| ik et se sont retrouvés dans les parties internes et fluides 
des œufs. 

La coquille est poreuse et perméable aux gaz; sa surface exté- 
rieure est plus où moins lisse ou rugueuse. L'interne est comme 
creusée de petits sillons qui logent les expansions à l’aide des- 
quelles le feuillet externe de la membrane commune adhère à la 
coquille. Depuis longtemps des expériences concluantes prou- 

vaient la porosité de la coquille; ainsi un médecm allemand, le 
docteur Stohelin, montra à Haller des œufs qu'il était parvenu à 
injecter en les plongeant en partie dans un liquide coloré et en 
les soumettant à l’action de la machine pneumatique. Des expé- 
riences plus récentes démontrent même l'indispensable nécessité 
de la porosité de la coquille pour le développement du germe et 
de l'embryon. En 1736, Réaumur a fait connaître le résultat des 
expériences qu'il fit au sujet de la conservation des œufs desti- 
nés à être mangés et qui s'altèrent au contact de l'air: Il avait 
imaginé de les enduire d’un vernis. Ce moyen lui permit, dit-il, 
de conserver des œufs à peu près frais pendant plusieurs années. 


214 SIXIÈME LECON. 

Mais il avait déjà remarqué que ces œufs, soumis à l’incubation, 
ne permettaient aucun développement du germe. Cependant il 
obtint ce développement en enlevant le vernis sur des œufs con- 
servés pendant plus de deux mois et soumis à l’incubation. Il 
ajoute, et il faut bien le croire, que les œufs vernis complétement 
et soumis à l’incubation pendant un temps assez long ne perdent 
pas leurs qualités et que la chaleur de la couveuse n’a aucune 
action sur eux. « Un œuf, dit-1}, qui avait été couvé pendant plus 
de trente-huit jours, me parut un très-bon œuf, et tel que ceux 
que nous mangeons habituellement. Il n'y avait cependant plus 
moyen de le faire cuire à la coque, mais on le fit cuire avec du 
beurre, comme ceux qu'on appelle œufs au miroir. Je ne crains 
point à présent de dire, continue Réaumur, qu'on peut porter les 
œufs vernis au bout du monde; qu’on peut leur faire passer Ja 
ligne, sous laquelle 1ls ne seront pas exposés à une chaleur plus 
grande que celle qu'ils éprouvent sous la poule; le vermis les dé- 
lendra. » (Mémoires pour servir à l'hist. des Insectes, t. I, 
p. 99.) Malgré le respect que nous professons pour Réaumur, 
nous douterons de l'efficacité du vernis pour conserver aussi 
longtemps les qualités comestibles des œufs. Nous donnerons 
cependant la formule du vernis qu’il employait : 


Gomme laque. #7 7/7 "00 Grammmes 
:Colophane is #0 Rss 
AlGOOP® & Gius, rte om 


Avant de passer à un autre sujet, et sans vouloir rappeler les 
moyens proposés pour la conservation des œufs, nous dirons que 
les œufs fécondés se conservent moins bien que ceux pondus par des 
poules privées de coq. Ceux mis dans l’eau immédiatement après 
ja ponte conservent pendant plusieurs jours l'apparence de la 
fraicheur. Les œufs complétement vernis ou couverts d’une couche 
de collodion peuvent se conserver longtemps, à la condition que 


FORMATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ŒUF. 215 


le vernis ou le collodion ne s’écailleront pas par place. Enfin les 
- œufs plongés dans l'huile ou seulement huilés sur toute leur sur- 
face se conservent frais pendant plusieurs jours, et perdent peu 
de leurs qualités même après un temps plus long. 

Étienne Geoffroy Saint-Hilaire renouvela les expériences de 
Réaumur, mais dans un autre but. Il mit du vernis sur une par- 
tie de la coquille d'œufs soumis depuis deux ou trois jours à l'in- 
cubation de manière à rendre les parties enduites imperméables à 
l'air extérieur, et il a obtenu, suivant le degré de développement 
de l’embryon au moment de l'expérience, un assez grand nombre 
de monstruosités ou d'anomalies, correspondant toutes, par arrêt 
de développement, aux portions de la coquille privées de commu- 
mication avec l’air extérieur. 

Tout récémment, M. Dareste, poursuivant les mêmes recher- 
ches, est arrivé à obtenir un plus grand nombre d'anomalies, en 
employant au même usage et par le même procédé l'huile de 
préférence au vernis. Les œufs ainsi préparés et soumis à l’incu- 
bation artificielle lui ont présenté trois ordres de faits bien diffé- 
rents. Tantôt l'embryon ne s’est point développé, tantôt il s’est 
développé d’une manière normale, mais il a toujours péri plus 
tôt où plus tard, et sans avoir jamais atteint l’époque de l’éclosion ; 
tantôt enfin le développement s’est opéré d’une manière anomale. 
Si la perméabilité de la coquille n’était suffisamment indiquée 
par la raison, les expériences que nous venons de citer ne laisse- 
raient aucun doute. 

Revenons à la question, et terminons l’histoire de l’œuf en par- 
lant de sa forme et de sa coloration : la forme de l'œuf varie de- 
puis la sphère la plus parfaite jusqu’à l’ovale le plus allongé et 
l’elhpse là plus aiguë. Cette variation a été remarquée par la plu- 
part des auteurs qui ont traité de l'œuf des oiseaux ; mais tous 
l'ont attribuée à un pur caprice de la nature. Cependant la forme 
de l'œuf est constante chez les individus . un mème groupe : 


216 . SIXIÈME LECON. 


toujours sphérique chez les uns, ovalaire chez les autres : 
figurant parfois un cylindre plus ou moins allongé, avec les 
deux extrémités arrondies; représentant le plus souvent l'ovoïde, 
elle est chez plusieurs très-aiguë à un pôle et obtuse à l’autre, et 
chez quelques-uns renflée vers le milieu de la longueur, et se 


terminant en pointe plus ou moins arrondie aux deux extrémi- 


tés. Ces six formes sont les principales et les seules vraiment 
caractéristiques pour les groupes d'oiseaux; mais on retrouve 
dans les divers genres qui composent cette série zoologique 
toutes les nuances de forme mtermédiaires, et tous les degrés de 
transition de l’une à l’autre, ce qui n'arrive alors qu’accidentelle- 
ment et par exception au principe général que nous avons posé 
depuis longtemps. C’est ce qui nous à fait donner un nom à ces 
formes typiques réduites à six : 1° sphérique; 2 ovalaire; 
9° cylindrique; 4° ovée ; 3° ovoiconique, et 6° elliptique. 

À la forme sphérique se rapportent les œufs de presque tous 
les rapaces nocturnes, ceux de la plupart des Gorfous ou Manchots, 
des Couroucous, des Martins-pêcheurs, des Guêpiers et des Tou- 
racos ; à la forme ovalare, ceux de presque tous les rapaces diur- 
nes, des Perroquets, des Oiseaux-mouches, des Pigeons, des 
Tinamous, des Outardes, des Autruches, des Casoars, des Hérons, 
des Canards et des Pétrels; à la forme cylindrique, ceux des En- 
goulevents, des Mégapodes et des Gangas; à la forme ovée, la 
plus générale, les œufs de presque tous les Passereaux, de presque 
tous les Gallinacés et de tous les Goëlands et Hirondelles de 
mer; à la forme ovoïconique, la presque totalité des Échassierss ; 
enfin à la forme elliptique, ceux des Pélicans, des Frégates, des 
Fous, des Anhingas et des Cormorans. 

La coloration de la coquille présente aussi de nombreuses varié- 
tés. 11 faut distinguer d'abord les œufs sur lesquels elle est uni- 
forme de ton, et ceux sur lesquels ce même ton est recouvert de 
taches de couleurs différentes et affectant des formes de macu- 


FORMATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ŒUF. 217 
lature qui aident smgulièrement à distinguer certaines fanulles 
entre elles. 

On ne paraît pas encore fixé sur la cause des diverses formes 
des œufs. Tant que l’ovule reste attaché à la grappe de l'ovaire, 
il est de forme sphérique ou globuleuse; mais, une fois qu'il s’est 
détaché pour glisser dans l’oviducte, et qu'il s’est enveloppé des 
diverses couches d’albumine, 11 subit toutes les influences de la 
forme et des dimensions de ce conduit tubuleux : s’allongeant 
si celui-ci est plus ou moins étroit et allongé, conservant au con- 
trare sa figure sphéroïdale s'il est plus court ou plus large. 
L’œuf, sous ce rapport, n’est donc pas soumis exclusivement à la 
seule action de la pesanteur, comme on l’a supposé. Cette forme 
variant d'ailleurs dans les différents groupes ornithologiques, tout 
en demeurant, sous ces diverses modifications, fixe pour chacun 
d'eux, 1l en résulte qu'il faut admettre à priori que ces varia- 
tions dépendent de celles que subit l’oviducte lui-même, et qui 
se trouveraient en rapport avec les différences et Les modifications 
organiques ou morphologiques auxquelles sont soumis les types 
de ces groupes. 

On n’est pas plus édifié sur la cause et l’origine des couleurs de 
la coquille que sur celles de sa forme. Jusqu'à ces derniers temps, 
on à toujours cru, nous les premiers depuis plus de vingt ans, 
et nous sommes disposés à admettre encore, que les différentes 
teintes que présentent les taches superficielles de la coquille ne se 
forment que dans l’oviducte, et à l'instant où l’œuf, en le parcou- 
rant pour arriver au cloaque, en distend les parois par son vo- 
lume et provoque les sécrétions de la partie inférieure de ce 
canal; l'effet de cette exsudation met en présence les particules 
ferrugineuses et calcaires, dont la combinaison s’opère immédia- 
tement, mais doit être modifiée par l’action des gaz propres à 
chacune des substances en contact. Cela est d'autant plus vrai- 
semblable que la forme des taches déposées sur la coquille repro- 

T. !. 19 


218 - SIXIÈME LECON. 

duit généralement l'impression exacte et l’image parfaite des 
gouttes de sang exsudées, soit des parois de l'oviducte, soit de 
celles des fausses membranes refoulées au dehors. Ces inrges 
se montrent tantôt régulièrement dessinées, et plus où moins 
arrondies où oblongues, si la résistance dans la marche de l'œuf 
est fable; tantôt sous l'aspect d’une éclaboussure ou d’une goutte 
comprimée, si celte résistance est forte; tantôt, et plus rarement, 
sous forme de lignes plus ou moins sinucuses, ce qui dénote une 
exsudation qui se continue sur le même point pendant tout le 
temps que l’œuf met à le franchir. Une des raisons les plus puis- 
santes à l’appui de cette théorie, c’est que la coquille a déjà at- 
teint son entier développement et presque toute sa solidité à la 
partie mférieure de l'oviducte, et qu’on n’y aperçoit encore au- 
cune trace de coloration. On peut encore dire que les taches colo- 
rées nie sont pas toutes à la surface de la coquille ; quelques-unes 
sont comme entre deux couches calcaires, à travers lesquelles 
elles paraissent en demi-teinte, d'où l’on conclut que la matière 
calcaire se dépose progressivement et en avançant vers l’extré- 
mité inférieure de l’oviducte. 

Le docteur Cornay, conséquent dans son système, à cherché à 
détruire cette explication, en disant que la membrane qui re- 
tient l'œuf attaché à l'ovaire sécrète la matière calcaire ainsi que 
la matière colorante, mais les faits semblent démontrer le con- 
traire. 

Si l’on n’a vu une collection assez complète de ces œufs, 1l est 
impossible de soupçonner la richesse et la variété des teintes qui 
ornent cette enveloppe calcaire en apparence si msignifiante. Une 
collection de ee genre devrait figurer dans nos musées pour com- 
pléter celle des oiseaux. : | 

Les couleurs, soit simples, soit composées, dont les peintres cou- 
vrent leur palette se rencontrent diversement réparties sur la 
coquille des œufs. Les uns sont blancs, les autres verts, ceux-ei 


FORMATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ŒUF, 9219 


bleus, ceux-là maculés de rouge; quelques-uns sont roses, d’au- 
tres orangés; d’autres ont des taches ou de brun, ou d'ocre 
rouge, ou de gris ou de noir; on en voit de vert olive, de brun 
uni, de couleur fauve, enfin de toutes les combinaisons de cou- 
leurs dont la nature a fait un si bel emploi dans les œuvres de la 
création. 

La coquille des œuf d'oiseaux est, en général, ou d’une couleur 
unie et sans tache, ou diversement maculée sur un fond plus ou 
moins clair. Les nuances affectées par les œufs teintés d’une ma- 
mère umforme sont : le blanc pur, le blanc bleuâtre, le blanc 
verdâtre, le vert d'eau, le vert de mer, le vert olive, le brun- 
jaune, le brun-rouge, le rose, le lilas, le gris de fer. Cette 
unité de teinte parait émmemment caractéristique pour la distinc- 
tion de certaines familles ou de certains ordres : elle est constante, 
comme Ja forme de l'œuf, dans les espèces ou genres d'une 
même famille, et ne varie que dans sa nuance ou son degré 
d'intensité. 

Quant aux couleurs des taches superposées à cette teinte, elles 
passent par toutes les nuances intermédiaires que nous venons 
d'indiquer. Mais c’est moins la teinte sous laquelle elles apparais- 
sent à la surface de la coquille qui est à remarquer que leur 
forme ou leur disposition, Les unes sont rondes ou arrondies, les 
autres anguleuses ou carrées ; 1l y en a qui ne présentent que des 
raies très-fines en forme de chevelure, et en zigzag, ou des es- 
pèces de veines marbrées ou onduleuses. Elles sont, en outre, 
plus ou moins détachées du fond de la coquille : les unes y parais- 
sent appliquées après coup, les autres semblent se fondre d’une 
manière insensible dans la nuance qui en décore la surface. Enfin 
ces taches ne sont pas toutes réparties de la même façon sur l’en- 
veloppe calcaire de l'œuf: tantôt elles la couvrent uniformément, 
tantôt, et plus généralement, elles n’en garnissent qu’un bout en 
forme de couronne, ou le centre en guise de zone; circonstances 


220 SIXIÈME LEÇON. 

importantes à bien observer pour distinguer les genres et les 
familles, et qui, combinées avec la nuance de la couleur du fond, 
sont autant de moyens presque Infullibles de parvenir à cette dis- 
tmction. 

Nos études sur la coloration des coquilles nous ont permis d’é- 
tablir depuis plus de vingt ans, 1° qu’il n'existe pas un seul oiseau 
aquatique dont les œufs aient une coquille luisante et lustrée : 
cette qualité n'étant propre, dans des degrés infiniment variés, 
qu'aux œufs des oiseaux terrestres ; 2° que la couleur des œufs ne 
varie en aucune manière, dans la même espèce, d’un climat à un 
autre; 9° que le mode de coloration, tout en variant indéfini- 
ment d’une espèce à une autre, est cependant constant dans plu- 
sieurs groupes ; 4° que la forme des taches, à part leurs couleurs, 
est également constante dans plusieurs groupes. 

L'œuf des oiseaux peut donc, à l’aide de ces principes, fournir 
des caractères assez fixes pour figurer avec avantage au nombre 
des éléments si divers d’une bonne classification naturelle. 


Fig. 213. — Nid de Roitelet huppé. 


SEPTIÈME LECON 


Fabrication du nid. 


Nous ne prêterons pas aux oiseaux plus de sentiments n1 d'in- 
stincts qu’ils n’en ont. On connaît leur insouciance et leur légè- 
reté, résultat de la mobilité de leur nature, dont le mouvement 
est la condition première. Cependant 1l arrive un moment où se 
fait sentir un besoin impérieux qui, chez les oiseaux, domine 
toutes les autres affections : ce moment est notre printemps, ou la 
saison qui y correspond dans toutes les parties du globe; ce be- 
soin est celui de la reproduction de l’espèce. 

Dès que le soleil commence à exercer son influence vivifiante 
sur les plantes et les animaux, la plupart des oiseaux s’assem- 
blent par couples, et se préoccupent pendant quelques jours de 

‘endroit où 1ls pourront déposer leur précieux dépôt, et c’est ici 
que se montre dans tout son Jour l’admirable providence qui pré- 
side à la reproduction et à la Conservation des diverses espèces. 

Il faut que l'attrait le plus puissant contraigne l'oiseau à l’exé- 
cution de cette loi; car, depuis le jour où le berceau de la future 

19. 


999 : SEPTIÈME LEGON. 

famille sera commencé, Jusqu'à celui où tous les petits seront en 
état de pourvoir à leur subsistance et à leur défense, que de pri- 
vations, que de cruelles inquiétudes pour les parents! Heureuse, 
en effet, la couvée qui échappera tout entière aux nombreux dan- 
ders qui se succéderont ! 

Une fois le lieu choisi, le mâle et la femelle consacreront tous 
leurs instants à rassembler des matériaux convenables, tels que 
des feuilles, des herbes, des mousses, des matières cotonneuses 
et des aigrettes de végétaux, des flocons de laine, du duvet, 
des crins où même de petites branches; on les voit travailler sans 
relâche et mettre en œuvre toutes ces matières. 


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Fig. 214. Fig. 215. 
Nid de Bec-fin phragmite. Nid de Pie-crièche grise. 


C'est que, indépendamment du besoin de s'unir, dit Buffon, 
tout mariage suppose une nécessité d’arrangement pour soi- 
même et pour ce qui doit en résulter. Les oiscaux, qui sont for- 
cés pour déposer leurs œufs de construire un n'd que la femelle 
commence par nécessité, et auquel le mâle amoureux travaille par 
complaisance, s'occupent ensemble de cet ouvrage, prennent de 
l'attachement l’un pour l’autre ; les soins multipliés, les secours 
mutuels, les inquiétudes communes, fortifient ce sentiment, qui 


FABRICATION DU NID. 223 


augmente encore et qui devient plus durable par une seconde né- 
cessité : celle de ne pas laisser refroidir les œufs, ni perdre le 
fruit de leurs amours, pour lequel ils ont déjà pris tant de soins. 
La femelle ne pouvant les quitter, le mâle va chercher et ln 
apporte sa subsistance ; quelquefois même 1l la remplace, ou se 
place à côté d’elle pour augmenter la chaleur du nid et partager 
les ennuis de la situation. L’attachement qui vient de succéder à 
l’amour subsiste dans toute sa force pendant le temps de l’incu- 
bation, et il parait s’accroître encore et s'épanouir davantage à la 


Fig. 216. Fig. 217. 
Nid de Tourierelle. Nid d'Hirondelle rousseline. 


naissance des petits : c’est une autre jouissance, mais en même 
femps ce sont de nouveaux liens; leur éducation devient l’objet 
de la plus vive sollicitude, et pendant toute la durée de ces soins 
les oiseaux nous offrent l'exemple des plus heureux ménages. 

Il y a néanmoins des exceptions : quelques oiseaux sont incon- 
stants et abandonnent leurs femelles dès qu’elles commencent 
à couver ; d’autres, comme nous le dirons plus loin, ne font point 
de nid et sont presque toujours polygames, ce qui tendrait à prou- 
ver, dit encore Buffon, que le principal mobile des pariades chez 
les oiseaux se trouve dans la nécessité d'un travail en commun. 


924 SEPTIÈME LECON. 
Quoique les oiseaux dont les petits sont trop faibles pour se 
soutenir sur leurs pieds dès l’instant de leur naissance placent 


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Fig. 218. Fig. 219. 
Nid de Troglodyte. Nid d’Oisean-mouche. 


leurs nids sur des arbres, parmi des rochers et dans des lieux 
élevés, et que ceux dont les petits sont déjà forts et agiles à la 
sortie de l'œuf nichent ordinawement dans des lieux bas, au 


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Fig. 220. — Nid de Cincle plongeur. 


pied des buissons, ou près des eaux, cependant chaque genre, 
chaque famille, a des usages différents ; ce qui n'empêche pas 
que chaque espèce ait aussi sa manière particulière de fabri- 


FABRICATION DU NID. 225 


- quer son nid, dont la forme et les éléments sont toujours les 
mêmes. On ne peut se lasser d'admirer le talent des oiseaux et 
l'instinct avec lequel ils satisfont à ces divers besoms. Ils trou- 
vent dans leur propre industrie des moyens de remédier aux 
obstacles qui se présentent, soit en plaçant leur nid dans des 
endroits inaccessibles, soit en l’exposant au sommet des arbres 
et dans des lieux où notre vue mi celle de leurs ennemis ne 
peuvent attemdre. | | 


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Fig. 221. — Nid de Corbeau freux. 


Les nids diffèrent entre eux principalement par leur composi- 
tion, par leur forme et par leur situation. Ils sont séparés ou 
groupés, à une seule loge ou divisés par chambrées, placés sur la 
cime des arbres, sur des branches, dans les buissons, dans des 
trous, sous des racines: tantôt suspendus par une anse comme des 
berceaux allant au gré du vent, et tantôt flottant sur les eaux 


226 SEPTIÈME LECON. 

comme une nacelle. On les trouve aussi attachés entre des roseaux, 
déposés dans les creux des rochers, dans des terriers, dans des 
buttes de sable ou des meules de foin ramassé par eux-mêmes, 
sur la terre nue ou parmi les herbes. | 


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Fig. 225. 


Nid de Gobe-mouche huppé. k Nid de Mésange à longue queue. 


Leur forme n'est pas moins variée : elle est plate, concave, 
arrondie, globuleuse, cylindrique, ouverte ou sur les côtés ou en 
dessous, et quelquefois semblable à un entonnoir, à une cornue, 
ou à un nautile. 

Les nids ou aires de la plupart des oiseaux de proie diurnes 
ont une forme large, évasée, et sont composés d’un amas de bü- 
chettes garniés de feuillages : on les voit au sommet des rochers 
ou sur les arbres élevés des forêts; c’est le fait de presque tous les 
Vautours, des Aïgles et de la plupart des Faucons : cependant les 
Cresserelles nichent dans des trous de ruines ou de vieux murs et 
à nu, sans aucune préparation, les Busards et le Messager nichent 
sur les buissons ou sur le sol. 

Les oiseaux de proie nocturnes nichent généralement dans 


FABRICATION DU NID. 221 
des trous d'arbres; quelques-uns disposent des brindilles, des 
feuiiles sèches, à l'enfourchure 
des branches; d’autres dans les 
clochers ou les vieux murs; 
un plus petit nombre dans des 
trous en terre ou dans des ter- 
riers abandonnés par certams 
mammifères fouisseurs , de 
même que d’autres profitent 
des anciens mids de Buses ou 
de Pies. 

Tous les zygodactyles, tels 
que les Musophages, les Per- Fig. 29%. — Nid de Hibou. 

 roquets, les Pics, les Toucans, 
les Couroucous, les Barbus et les Tamatias, nichent exclusivement 
dans des trous d'arbres. Il n'y a d'exception, dans cet ordre, que 
pour les Coucous, dont le plus grand nombre déposent leurs œufs 
dans les nids d’autres oiseaux; d’autres enfin, tels que les Anis 
ou Crotophages, forment une petite société de plusieurs couples 
pour construire un seul nid, dans lequel ils pondent, couvent en 

commun, et partagent les soms à donner à tous les petits. 

Les Martins-pêcheurs et les Guêpiers michent dans des trous 
qu'ils pratiquent horizontalement dans les sables des rochers ou 
dans eeux des rives des fleuves. 

Les Podarges s’établissent dans des trous d'arbres ; les Engou- 
levents pondent et nichent presque tous à terre ; et le Stéatornis 
ou Guacharo construit un nid moitié en terre, moitié en brin- 
dilles végétales, dans un trou ou renfoncement de rochers, ettou- 
jours sous les cavernes ou au flanc des précipices Les plus pro- 
fonds et les plus obscurs. 

Les Martinets nichent, sans préparation, dans les trous de ro- 
chers et de hautes murailles, ou même de clochers. Quant aux Hi- 


998 SEPTIÈME LECON. 

rondelles, tout le monde sait comment procèdent les nôtres ; mais 
il en est un grand nombre qui michent dans des trous profonds, 
horizontalement percés sur le flanc de terres ou roches sableuses, 
et plusieurs, dans ce cas, font précéder ce trou d’un long tuyau 
extérieur égaléement en sable, mais mastiqué et solidifié par elles, 
et dont l’orifice leur sert d'entrée et les préserve ainsi elles et 
leurs couvées de l'atteinte des reptiles ou des rongeurs. À propos 
des Hirondelles, nous devons signaler les Salanganes, dont le nid 
gélatineux, si recherché par les Chinois et les Javanais, fournit, 
dit-on, un assaisonnement délicieux. 


Fig. 225. — Nid de Salangane. 


Les Calaos se distinguent par une singulière habitude : ils mi- 
chent dans des trous d'arbres dont le mâle maconne l'entrée 
pour emprisonner la femelle pendant toute la durée de l’incuba- 
tion et de la première éducation des petits. Il ne laisse qu’une 
ouverture suffisante pour passer le bec et la nourriture qu'il 
apporte. Quand les petits sont assez forts, la muraille est démolie 
et la prisonnière rendue avec sa couvée à la hberté. C’est un mode 
de nidification et une particularité de mœurs qui rapprochent 
beaucoup, ainsi que nous avons eu déjà plus d’une occasion de 
l'observer, notre Huppe ou Pu-pu des Calaos. 

La tribu des Oiseaux-mouches, si uniforme dans son orgänisa- 


FABRICATION DU NID. 299 
tion et sa manière de vivre, offre la plus grande variété de nids : 
ils sont en forme de coupe, de boule ou de longs cornets. Il en 
est de même des Soui-mangas et des Philédons. 


Fig. 226. —- Nid de Colibri ermite, d'après Gould. 


Les Fourmers sont ainsi nommés par les colons d'Amérique à 
cause de la forme smgulière qu'ils donnent à leur nid, qui rap- 
pelle celle d’un four construit en terre mouillée, et dont la galerie 
intérieure se contourne en spirale comme la coquille du Limaçon. 

Qui n'a vu et admiré le nid des Mésanges, surtout celui de la 
Penduline, composé avec la bourre soyeuse de chatons du saule 
et du peuplier blanc, qu’elle suspend à l'extrémité d'une branche 


très-flexible? La Penduline du Cap construit sur les mimosas un 
j EM I, 20 


930 SEPTIÈME LECON. 
nid à peu près semblable et encore plus délicat, tant 11 est petit ; 
mais elle y ajoute en dehors une petite cupule, une petite retraite, 
destinée à recevoir tour à tour le mâle et la femelle pendant 
qu'ils se partagent les fatigues de l'incubation. | 
Règle générale : tous les oiseaux dont le mid a la forme allongée 
et l'ouverture tournée en bas habitent les tropiques ou les par- 
ties les plus chaudes des deux mondes, et ne construisent ainsi 


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Fig. 227. Fig. 228. 
Nid de Tisserin mahali. Nid de Tisserin à tête jaune. 


qu'afin de mettre leurs œuis et leurs couvées à l'abri des mam- 
mifères grimpeurs et des reptiles de toute sorte qui abondent 
dans ces régions. 

Îl en est encore ainsi des Cassiques, des Carouges et des Trou- 
piales de l'Amérique : leurs nids sont faits avec encore plus d'art. 
Composés avec des tiges de graminées fort longues, 1ls ont une 
{orme ovale ou allongée et sont établis en tubes cylindriques. Le 
nid, fortement attaché par une extrémité À une branche, flotte 


FABRICATION DU NID. : 951 


librement dans le reste de sa longueur, qui a quelquefois de un 
à deux mètres. Il n’est ouvert qu’à son extrémité inférieure; et 


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Fig. 229. — Nid de Tisserin nélicourvi. 


l'endroit destiné à la nichée et à la couveuse est renflé et forme 
une retraite à quarante ou cinquante centimètres de cette ou- 
verture, par laquelle chaque couple monte pour arriver jusqu'au 
nid : sa forme générale constitue une espèce d’alambie, et l’on 
en compte souvent plusieurs centaines suspendns aux branches 
d’un seul arbre. Quelques-uns de ces oiseaux donnent à leur nid 

la forme d’une bourse, avec deux ouvertures, l’une à son extré- 
mité et l’autre sur le côté; quelques espèces donnent à leurs nids 
la forme d’une demi-sphère garnie en dedans de quatre loges. 


232 SEPTIÈME LECON. 

Il en est encore de même des oiseaux que pour cette cause on 
nomme Tisserims (ou Tisserands) en Afrique et dans l'Inde. Ils 
vivent en société et sont connus aussi sous le nom de Républi- 
cains. On trouve fréquemment plus de cinquante ou soixante de 
ces mds sur le même arbre, ie 


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Fig. 250. — Nids de Républicains. 


Parmi les Fauvettes, celles de roseaux sont remarquables pour 
leur mode de mdification. Notre Effarvatte, par exemple, enlace le 
sien autour de sept à huit tiges du même pied de roseau; et ces 
tiges, au milieu desquelles se trouve placé le nid, sont assez peu 
serrées par cet entrelacement pour permettre au md de monter 
ou de descendre selon que le niveau de l’eau, qui en touche le 
fond, s'élève ou s’abaisse. | 

C’est ce que font aussi, mais d’une manière beaucoup moins 
parfaite, quelques espèces d'oiseaux d'ordres différents, telles: 
que des Maroucttes, des Râles, des Poules d’eau et certains Ca- 
nards, 


FABRICATION DU NID. 233 


Les Orthotomes, autre famille de Fauvettes de l'Inde, dont 
le nom latin et anglais peut se traduire par couturière, ne sont 
pas moins remarquables. Une de ces espèces place son nid dans 
une feuille large, pliée en cornet, parce que l'oiseau prend som 
d'en rapprocher les deux bords, en les cousant ensemble au 
moyen d’un brin d'herbe qui lui sert de fil, et qu'il passe dans 


Fig. 231. Fig. 232. 
Nid de Fauvette de roseaux. Nid de Troupiale baltimore. 


des trous percés successivement à l’aide du bec. Une autre le place 
entre deux feuilles, dont la supérieure sert de toiture au nid, 
sur les bords duquel elle est cousue tout autour de sa circonfé- 
rence de la même manière, mais avec une substance cotonneuse, 
ne laissant qu'un petit espace sans couture qui sert d'entrée à 
l'oiseau. 

Les Corbeaux et les Pigeons, lorsqu'ils nichent sur les arbres, 
ont un nid très-grossier : ils ne le composent que de quelques bü- 

20. 


23% SEPTIÈME LEÇON 
chettes formant une claire-voie qui permet souvent de voir la 
couveuse et ses œufs. 


Les Moineaux donnent à leur nid la forme d’une boule avec une 


entrée latérale; et, loin des habitations, ces derniers en réunis- 
sent plusieurs sur le même arbre. 

Les grands Coureurs, les Gallinacés et presque tous les Échas- 
siers passent pour construire leur nid avec peu de som : les pre- 
miers, dans les déserts et dans les champs ; les seconds, sur les 
rivages, dans les marais, on même sur les rochers à fleur d’eau. Il 
en est de même de presque tous les oiseaux à pieds palmés. 

Les Autruches et les Casoars se bornent à creuser, avec leurs 
pieds, dans le sable ou au milieu des herbes, un nt trou circu- 
lire destiné à recevoir leurs œufs. Mais les Mégapodes et Les Talé- 
galles, ces oiseaux demi-gallinacés et demi-coureurs, des Célèbes, 
de l'Océanie et de l'Australie, se donnent un peu plus de peme. 
Les premiers déposent leurs œufs sur une couche de sable, et les 
recouvrent d’un monticule, abandonnant ensuite le som de l’é- 
closion à l’action du soleil. Les seconds, au lieu d'un monticule 
de sable, forment d'énormes meules de foin au milieu desquelles 
se trouvent leurs œufs. Mais ces meules sont l’œuvre de plu- 
sieurs couples de ces oiseaux réunis, qui ont soin de procéder par 
couches successives d'œufs, alternées de couches de foin; ils y 
placent les œufs dans une position perpendiculaire, et l’action 
combinée de la chaleur résultant de la fermentation de l'herbe 
ainsi accumulée et de la chaleur du soleil produit le résultat 
d’une incubation naturelle et suffit pour amener l’éclosion. 

Enfin les Goëlands, les Hirondelles de mer, les Macareux, les 
Pingouins, les Guillemots et les Pétrels, ne font pas de mids : ils 
pondent indistinctement sur le sable, sur la grève ou sur la roche 
nue, parfois dans des trous de rochers. Parmi les Manchots, les 
uns se comportent de même, les autres se pratiquent des terriers 
ou profitent de terriers abandonnés. | 


+ 


FABRICATION DU NID. 245 


Quant aux Cygnes, aux Oies et aux Canards, les uns construi- 
sent leurs nids avec des graminées, du goëmon ou du varech; Îles 
autres michent sur les arbres ; plusieurs font des terriers, tels que 
l'Oie d'Égypte, le Canard tadorne, etc. : 

En général, les besoins ordinaires de la vie et les moyens d’y 
pourvoir, qui seront pour les petits les mêmes que pour les pa- 
rents, décident du lieu où le nid doit être placé, tandis que la 
facon dont il doit être construit est subordonnée aux soins parti- 
culiers que nécessiteront les petits. 

Toutefois la constance des procédés pour édifier les mids pré- 
sente, chez les oiseaux, de nombreuses exceptions; leur con- 
struction n’est pas toujours la même pour chaque individu d’une 
même espèce, en sorte que l’on pourrait dire que, jusqu'à un 
certain point, les oiseaux ne sont pas astreints d'une manière 
absolue à des règles fixes. C'est ce qu'on peut souvent obser- 
ver sous le rapport de l'emplacement. Une foule de causes di- 
verses, que nous ne pouvons facilement discerner, les guident 
dans leur choix; et souvent ce choix nous paraît surprenant, sans 
que nous puissions deviner pourquoi 1ls s’écartent tant de leurs 
habitudes. d 

Autant les oiseaux mettent de som dans le choix d’un empla- 
cement pour la construction de leur nid, autant ils en appor- 
tent dans le choix des matériaux qui le composent. Ils bâtissent 
un nid pour conserver la chaleur nécessaire à l'incubation, et 
pour offrir aux petits une couche molle et douce. C'est pour ces 
deux raisons que les nids imgénieux des petits oiseaux des bois 
sont rembourrés si délicatement, leurs petits naissant entière- 
ment privés de plumes. Quant aux gallinacés, aux oiseaux nageurs 
et de marais, dont les petits sont, pour la plupart, revêtus, à la 
sortie de l'œuf, d'un duvet tendre semblable à de la soie, ils n’ont 
pas besoin d’un lit aussi chaud; et d’ailleurs ils sortent tout de 
suite avec leur mère à la recherche de leur nourriture, tandis que 


936 | - SEPTIÈME LECON. 


pendant longtemps il faut l’apporter aux premiers, qui restent 
dans leur berceau. 

La grande préoccupation des oiseaux est de cacher leurs nids 
aux yeux de leurs ennemis, et d’en rendre l’abord difficile. L o1- 
seau parvient le plus souvent à remplir ces conditions, non-seu- 
lement par-la forme, mais encore par la composition du nid. 
Ordinairement, le nid se compose de deux ou trois couches de 
matériaux différents : la couche extérieure, celle qui doit soute- 
mir l'édifice, se compose des plus grossiers; puis la seconde cou- 
che, de matériaux plus fins; et enfin, à l’intérieur, se trouvent 
les plus mous. La plupart des nids qui sont sur des arbres ou des 
branches sont construits d’après ces règles, et les grands oiseaux 
emploient des matériaux plus grossiers que les petits. Les nids des 
oiseaux de proie et des Corneilles se composent extérieurement 
de rameaux secs, forts et faibles, puis de tiges et de racines plus 
fines, et, à l’intérieur, de mousse, de poils, etc.; souvent la 
couche du mihiéu est mêlée de terre et d'argile, ce qui donne plus 
de solidité à la construction. | 

La plupart des nids des petits oiseaux sont construits suivant le 
même mode, mais seulement avec des matériaux plus fins : car, 
tandis que la Corneille emporte dans son nid des paquets entiers 
de soies de porc, la Pie-grièche-écorcheur met dans le sien quel- 
que crins de cheval. L'intérieur du nid d'un grand nombre de 
petits oiseaux chanteurs est tapissé avec une délicatesse extraor- 
dinaire, mais chaque espèce a ses matériaux particuliers. Plu- 
sieurs emploient des plumes, de la laine, du coton, des poils; 
d'autres, seulement une seule de ces matières, et toujours la 
même. Ainsi dans le nid de la Fauvette babillarde on ne trouve 
que quelques crins; dans celui du Linot, toujours de la laine ou 
du coton, rarement quelques poils; dans celui de la Mésange à 
longue queue il n'y a que des plumes; mais, dans beaucoup 
d’autres nids, on trouve toutes ces matières réunies. Il y a parmi 


FABRICATION DU NID. 937 


eux des architectes si capricieux, que, dans le choix de ces ma- 
tières, 1ls montrent un goût tout particulier : le Pouillot : par 
exemple, ne met dans son nid que des plumes de Perdrix. 


A — 


LZ 


>" 


= 


3. — Nid de Mérion azuré, d’après Gould. 


O1 


Fig. 2 


Ainsi plusieurs espèces d'oiseaux ont leurs matériaux de 
prédilection, et, quand ils en trouvent dans leur voisinage, ils 


258 SEPTIÈME LECON. 


s’en servent exclusivement pour la construction de leur nid. Le 
Linot, par exemple, trouve en quantité, dans les lieux qu’il fré- 
quente, une certaine plante, le gnaphalium dioïcum, cotonnière 
ou pied-de-chat : aussi tous les individus de l'espèce qui nichent 
dans nos contrées, en Allemagne surtout, recouvrent leur nid de 
cette petite plante molle. Le Merle enduit de terre trempée l’inté- 
rieur du sien quand 1l le construit sur des branches; mais, quand 
il le place dans un trou d’arbre ou dans un tronc creux, il n'y 
met plus d’enduit, 1l le tapisse de mousse. La Grive choisit une 
matière toute particulière pour façonner l’intérieur de son nid : 
on à cru que c'était de la bouse de vache, mais à tort; c’est sim- 
plement du bois pourri bien trituré, rarement mêlé de glaise et 
d'argile. L'oiseau l’agglutine avec sa salive et 1l l’étend et le lisse 
avec son bec. 

Pour le choix des matériaux extérieurs, nous trouvons les o1- 
seaux non-‘MOoIns capricieux. Ainsi, au nid assez artistement tra- 
vaillé de la Fauvette à poitrine jaune, il y a toujours une foule de 
petits morceaux d'écorce ou plutôt de la pellicule blanche du 
bouleau; et, quand cet arbre ne se trouve pas dans le voismage, 
loiseau emploie la dépouille des chrysalides et la soie ou le fil de 
divers insectes. La Pie bâtit son nid avec des épines, le tapisse 
intérieurement de terre ; et sur cette couche elle place des racines 
tendres et de petites fibrilles de végétaux, pour y déposer ses 
œuls : le tout est recouvert d'un dôme ou toiture en épines; 
l'entrée est sur le côté. Les nids de Corbeau sont dans le même 
genre, mais ils n'ont pas de toit. Beaucoup d'oiseaux qui nichent 
sur les arbres et les branches se bâtissent un nid, mais à parois 
si minces, que l’on peut voir au travers et que l’on a peine à con- 
cevoir comment ils parviennent à y faire éclore leurs œufs et à 
garantir leurs petits du froid. | 

Les matériaux pour la construction du nid sont toujours choi- 
sis selon le lieu et le temps du séjour de l'oiseau. Cette remarque 


FABRICATION DU NID 239 
s'applique particulièrement à la couche extérieure, et souvent le 
nid à encore une enveloppe spéciale composée de ce qui se trouve 


Fig. 254. — Nid de Rhipidure ou Queue en éventail, d’après Goulü. 


le plus en abondance dans les environs : mesure de précaution 
contre les regards de l’homme et des autres ennenus. Comment 


240 SEPTIÈME LEGON. 

ne pas adnurer l’art prodigieux avec lequel la Mésange à longue 
queue et le Pinson commun revêtent l'extérieur de leur nid de 
ces mousses grises ou lichens qui croissent sur l'arbre même où 
il est construit ou sur d'autres arbres de la même essence? 
L'œil le plus exercé ne s’y arrête pas, et croit voir une branche 
couverte de mousse. Naumann dit avoir vu un jour un nid de 
Mésange à longue queue placé au milieu de tiges de houblon, et 
sans aucune trace extérieure de mousse sèche mi de lichen. 
C'est qu’en effet cela n'était pas nécessaire : car dans les bran- 
ches vertes et les feuilles du houblon il ne croît aucun de ces 
cryptogames; et si le nid, comme d'habitude, en avait été re- 
vêtu, 1l aurait bien plus frappé les yeux. Il fallait donc que l’oi- 
seau employât un autre moyen pour attemdre son but, et l’ingé- 
nieux architecte avait construit le sien en mousse toute verte qui 
ne paraissait nullement au milieu des feuilles. | 

Beaucoup d'oiseaux qui construisent leurs nids avec moins 
d'art que les précédents choisissent de même, toujours de préfé- 
rence, les matériaux qui se trouvent le plus à leur portée : ainsi 
nous les voyons construits, au milieu du gazon, avec des brins 
d'herbe sèche ; au milieu de la mousse, avec de la mousse, etc. 
Les espèces qui mchent dans les marais et les eaux prennent des 
plantes aquatiques, des roseaux, des Jones, ete., comme le Buzard 
et les espèces de Passereaux de roseaux. 

Les oiseaux d’eau et la plupart des oiseaux de marais, ainsi que 
les gallimacés, nichent toujours dans le voisinage des lieux où 
les matériaux qui leur conviennent se trouvent en abondance, et 
ils les apportent dans leur bec, soit en nageant, soit en mar- 
chant. Les plumes que l’on trouve dans les nids des Canards 
sont les plumes mêmes de la femelle, qu'elle s'arrache en cou- 
vant. L'Oie sauvage commune emporte souvent du Jonc sec sur la 
cime des vieux saules, mais jamais elle ne va le chercher loin ; 
elle le prend le plus près possible, l'apporte, en courant, au pied 


FABRICATION DU NID. 241 
de l'arbre, et alors l’enlève jusqu’au haut en volant. Les Plon- 
seurs vont chercher leurs matériaux au fond de Peau; ils y ar- 
rachent les plantes aquatiques qui commencent à pourrir, puis 
les apportent à la surface de l'eau. On voit le mâle et la femelle 
s'occuper de ce travail ét ramener souvent ensemble de grandes 
masses de ces plantes de diverses espèces pour en former un nid 
flottant 

es oiseaux de proie emportent les matériaux de leurs nids dans 
leurs serres ; presque tous les autres oiseaux dans leur bec. 
Quelquefois les oiseaux vont chercher cés matériaux très-loin, 
surtout ceux qui ne se trouvent pas partout en abondance ; et l’on 
a souvent peine à comprendre que tant de petits oiseaux puissent 
se procurer la quantité de plumes, de lame ou de poils qu’on 
trouve dans leurs mids. Ils déploient tant d'activité dans cette re- 
cherche, qu'à peine se laissent-1ils effrayer par la présence des 
hommes; mais 1ls n'aiment pas à être observés pendant leur 
travail, qu'ils suspendent par moments quand ils voient qu'on 
fait attention à eux. Cette remarque s’applique non-seulement aux 
petits oiseaux des bois, généralement plus habitués à la vue des 
passants ou des bücherons, mais aussi à beaucoup d'autres 
oiseaux plus grands, qui se montrent bien moins farouches 
pendant lincubation qu'à toute autre époque. Il est vraiment 
intéressant d'assister dans nos jardins à la construction du nid 
d’un couple de petits oiseaux chanteurs. Tous leurs mouve- 
ments marquent la Joie et le bien-être : 1ls traînent les maté- 
riaux de leur petit édifice avec les plus grands efforts, tout vit 
en eux, tout est dans la plus active ardeur; et souvent leur ap- 
phcation est telle, qu'ils semblent ne pas voir le promeneur qui 
passe à chaque instant près d'eux. Les premières fondations sont 
posées en commun par le mâle et la femelle: ensuite la femelle 
se place dessus, dispose les matériaux apportés par le mâle, 
les range autour d'elle et les entrelace. On la voit dans une 
RUE 21 


242 SEPTIÈME LECON. 

agitation «ontinuelle ; elle se meut et tourne en cercle, afin de 
donner ainsi au nid une forme arrondie et la dimension conve- 
nable. Si le mâle ne peut pas apporter les matériaux assez Tapl- 
dement, la femelle s'envole aussi et va chercher elle-même ce 
dont elle a besoin. Naturellement les nids peu artistement travail- 
lés sont bientôt achevés; tandis que les mids les plus industrieux 
demandent plusieurs jours, et même jusqu’à deux semaines pour 
être entièrement terminés. Du reste, la durée de ce travail varie 
selon que le temps est plus ou moins beau : car en temps de pluie 
le travail cesse, et les variations de la température retardent .sou- 
vent la fin de l'opération. 

Quant à la vie sociale des oiseaux et au temps de la pariade, 
nous remarquerons que souvent ceux qui, à d’autres époques de 
l'année, surtout à celle de leur départ, sont très-sociables, 
deviennent fort capricieux au moment de la couvée; et alors 
chaque oiseau chasse de son voisinage tout autre couple de la 
même espèce. Le Pinson et l'Alouette peuvent être cités comme 
exemples, entre beaucoup d’autres. En général, la plupart des 
espèces se réunissent de préférence à plusieurs couples, pour 
nicher dans toute une contrée; mais, dans tous les cas, chaque 
couple à son petit canton dans lequel 11 construit un nid, et au- 
cun autre oiseau de la même espèce ne peut s’y établir. Cependant 
plusieurs d’entre eux aiment un peu plus la société, et se plai- 
sent, quand c’est possible, à micher les uns près des autres, 
et en grand nombre : comme nos Hirondelles et quelques oiseaux 
d’eau. D’autres ont tellement besoin de la société de leurs sem- 
blables, qu'ils nichent toujours les uns à côté des autres, en assez 
grand nombre, mais couple par couple, et qu'ils se comportent 
très-bien entre eux, sauf quelques petits vols qu'ils se font pour 
les matériaux de leurs nids. A cette catégorie appartiennent les 
Freux, les Troupiales d'Amérique, les Tisserins de l'Afrique et de 
l'Inde, mème nos Momeaux, les Hérons cendrés, les Mouettes 


FABRICATION DU NID. . 243 


rieuses et plusieurs autres. Les exceptions sont très-rares, et ne 
peuvent être amenées que par des circonstances toutes particu- 
lières. Il parait, du reste, que c’est une mesure de sûreté de ces 
oiseaux, soit pour se soustraire plus promptement à un danger 
imminent, soit pour se défendre en commun et par conséquent 
plus vigoureusement contre leurs ennemis. Les Mouettes, par 
exemple, sont continuellement sur leurs gardes, et, dès qu'un 
oiseau suspect approche de leurs nids, elles le harcèlent avec 
d'horribles cris et d’effrayants coups de bec, jusqu’à ce qu'il 
abandonne la place; les Freux agissent de même. On trouve 
quelquefois quinze ou trente de leurs nids réunis sur un seul 
grand arbre, ainsi que d’autres oiseaux qui nichent en société 
avec eux. | 

Disons en terminant que tous les jeunes oiseaux bâtissent dès 
qu'ils sont aptes à se reproduire, avec un art instinctif, de la 
même mamière, et exactement sur le même plan que leurs pa- 
rents, sans les avoir vus faire et sans avoir rien appris d'eux. 
Cependant quelques auteurs pensent qu'ils conservent le sou- 
venir de leur berceau et qu'ils cherchent à en faire un sem- 
blable, quand pour la première fois ils doivent pondre. 

Nous aurons encore plus d’une occasion d'entrer dans le 
détail des merveilles de ces constructions, en traitant des habi- 
tudes de chaque famille, de chaque genre, ou de chaque espèce 
d'oiseaux. 


Fig. 255.— Nid de Zanthomize phrygia, d’après Gould. 


HUITIEME LEÇON 
Ponte. — Incubation. — Développement de l'embryon. 


Une fois le nid construit, les œufs pondus, arrive pour la fe- 
melle Le travail long et pénible de lincubation. 

Le nombre des œufs que peuvent pondre les femelles varie beau- 
coup suivant les fanulles et les genres d'oiseaux. Quelques-uns, 
tels que les Manchots, n’en pondent qu'un; d’autres, comme les 
grandes espèces d'oiseaux de proie, deux ou trois ; les Passereaux, 
en général, font cinq ou sept œufs, mais les Mésanges en ont jus- 
qu à quinze ou dix-huit; chez les Gallinacés, le nombre est quel- 
quefois de vingt à vingt-cinq. La femelle, toutefois, ne pond 
ordinairement qu'un œuf chaque jour; les petites espèces font 
leur ponte en quatre, cinq ou six Jours, suivant le nombre des 
œufs que doit donner chaque couvée; mais 1l y a un Jour de repos, 

pour la plupart des grandes espèces, entre chacun de ceux où 

la femelle pond. On vient de voir que les petites espèces sont plus 

fécondes, en général, que les grandes, mais sans qu'il y ait 

des proportions bien établies. En effet, beaucoup de petits oiseaux 
21 


246 HUITIÈME LECON. 
font, en été, quatre pontes de quatre ou cinq œufs chacune ; les 
Perdrix, les Faisans, qui ne font généralement qu'une ponte, pro- 
duisent à peu près autant. Ce qui paraît le mieux constaté à cet 
égard, c’est que les oiseaux de proie sont beaucoup moins féconds, 
puisque les grandes espèces ne font qu'une ponte de deux œufs, 
et que les petites n’ont aussi qu’une ponte de trois ou quatre œufs, 
et qu'ils ne font guère au delà de deux pontes en une saison. 
Quel que soit le nombre des œufs à produire, la femelle ne 
commence à les couver régulièrement que quand la ponte est ter- 
minée; alors elle ne quitte plus le nid que pour prendre de la 
nourriture deux ou trois fois chaque jour : le mâle se tient aux 
environs, veille à ce qui peut arriver, ne craint aucun ennenn, 
brave les plus dangereux, s'il ne peut les écarter ou leur résis- 
ter. Lorsque aucun accident, aucun danger, ne trouble son bon- 
heur, 1l en exprime souvent le sentiment par son chant, quil 
n'interrompt que pour chercher de la nourriture; il apporte à sa 
compagne une partie de celle qu'il a trouvée : c'est quelques 
grains qu'il a soin de brover, un ver, un msecte, une portion de 
fruit ; la femelle les reçoit avec des battements d'ales et un ga- 
zouillement qui paraissent être l’expression de sa satisfaction et 
de sa reconnaissance. À part le temps qu'exige la recherche de fa 
nourriture quotidienne, le mâle reste jour et nuit à peu de dis- 
tance de son nid. La femelle n’est le plus souvent occupée que du 
soin de couver, de remuer de tempsen temps ses œufs et de les 
changer de côté ou de position. Ces occupations continuent pendant 
tout le temps de l’incubation, dont la durée varie selon les espèces. 
La doi de nature qui veut la conservation et la reproduction de 
l'espèce est tellement impérieuse, que si, malgré les précautions 
prises pour cacher le nid et le mettre à labri des mille dangers 
qui le menacent, 1l est découvert, renversé et ravagé, les malheu- 
_reux parents s'éloignent, et, après quelques jours de tourments 
et de tristesse, ils construisent un autre nid et pondent de nou- 


PONTE. | 217 
veaux œufs, mais en moins grand nombre. Si ce second nid a le 
même sort que le premier et que la saison ne soit pas trop avancée, 
il y aura une troisième et même une quatrième ponte; tandis que, 
si la première réussit, les jeunes oiseaux absorbent toutes les 
affections du père et de la mère pendant tout Le temps nécessaire 
à leur développement, et ce n'est que lorsque les petits peuvent 
pourvoir complétement à leur subsistance que les parents s'appré- 
tent à faire un autre md et à élever une seconde couvée. 

Nous avons déjà dit que, parmi les oiseaux, les uns, et c’est le 
plus grand nombre, sont monogames, et les autres polygames. 
Les premiers partagent en commun les soins de la famille, et les 
petits en naissant sont nus, faibles, ne peuvent sortir du nid et 
ont besoin pnedant quelque temps de recevoir une nourriture 
préparée et d’être garantis du froid. Les seconds font rarement 
un nid, et la femelle seule est généralement chargée des soins 
du ménage. Ses œufs sont le plus souvent déposés dans une dé- 
pression du sol, sur de la mousse, au pied d’un arbre ou sous un 
buisson. Le mâle se contente de veiller à distance, soit pour pro- 
téger ses femelles, soit par Jalousie. Le temps de l’incubation est 
plus long, les petits marchent, et souvent, dès la sortie de l'œuf, 
ils sont couverts d'un chaud duvet : comme ils sont nombreux, il 
fallait bien qu'ils fussent en état de suivre leur mère, qui n’au- 
rait pu suffire à leurs besoins, s’il avait fallu leur apporter la 
nourriture. (Ainsi, quand la conservation des petits n’est pas ga- 
rantie par l’'umion et la tendresse mutuelle des parents, les oi- 
sceaux naissent plus forts, plus couverts et en état de prendre 
eux-mêmes la nourriture qu'ils cherchent avec eux. » 

Avant de nous occuper des détails de l'incubation, disons en- 
core quelques mots de l'œuf, et parlons de la disposition des par- 
ties qui entrent dans sa composition. Prenons pour exemple un 
œuf de poule. 

En enlevant avec som une partie de la coquille dans son dia- 


918  HUITIÈME LECON. : 

mètre longitudinal et la portion de membrane qui la tapisse, on 
voit le jaune enveloppé d’une membrane excessivement mince, 

transparente, et flottant au centre de l'œuf; 1} est mamtenu à 

égale distance des pôles par les chalazes, dont nous n'avons indi- 

qué que la formation, mais dont les fonctions consistent à main- 
tenir le jaune plus léger au centre de l'albumine qui remplit 


La 


Fig. 236. — Chalazes et membrane chalazifère. Fig. 257. — Tache germinative, 
après 3 heures d'incubation. 


l'œuf, et à distance à peu près égale de tous les points de la co- 
quille, et à le mettre à l'abri de la pression produite par le déve- 
loppement de la chambre à air, qui ne se trouve pas encore dans 
l'œuf fraîchement pondu et ne parait qu'après quelques Jours. Au 
milieu de la surface visible du jaune, on aperçoit une petite 
tache blanche ou germinative qui, en raison de la légèreté des 
parties qui la supportent, comparée à celles du reste du jaune, 
tourne toujours vers le côté supérieur du flanc de l'œuf; cette 
tache assez distincte entoure le germe. Quelquefois on peut dis- 
tinguer sur la membrane (chalazifère) qui enveloppe le jaune 
une ligne blanche qui, lorsqu'elle est visible, forme autour du 
jaune, d'une chalaze à l’autre, une ceinture qui semble rappeler 
la ligne blanche du calice de l'ovaire (fig. 211). | 
Au moment de la ponte l'œuf est à la température de la mère 
et il est plein, mais il ne tarde pas à se refrordir, et les parties les 
plus fluides, qu'on voit encore pendant deux ou trois jours et qu’on 
désigne sous le nom de lait de l’œuf, disparaissent par évapora- 


INCUBATION. 249 


tion. Il se forme alors au gros bout de l’œuf, entre les deux 
feuillets dédoublés de la membrane commune, une chambre qui, 
après quelques jours, s'agrandit assez pour contenir deux centi- 
mètres cubes d'air atmosphérique. Quelques observateurs pen- 
sent même que l'air de cette chambre contient plus d'oxygène 
que l'air atmosphérique. Si l'on analyse l'air de la chambre d’un 
œuf conservé pendant un mois, on le trouve composé de seize ou 
dix-sept parties d'oxygène, de deux ou trois parties d'acide car- 
bonique, et de quatre-vingts ou quatre-vingt-deux parties d'azote. 
On pense que cet air doit servir à la respiration du Poulet; nous 
en reparlerons plus lom. 

Après quelques heures d’incubation, une évaporation nouvelle 
de parties fluides à travers les membranes et la coquille agrandit 
encore un peu la chambre à &r, et l'œuf perd de son poids. Cette 
perte est évaluée à cinq pour cent pendant la première semaine, à 
neuf pour cent pendant la seconde, et à trois pour cent pendant la 
troisième. Ces données suffisent pour le moment. Le germe orga- 
nique est prêt à s’animer, il n'attend que la chaleur et l'impulsion 
donnée, le développement se fera sous l'influence du même agent. 

Le mode d’incubation varie presque autant que le nombre des 
œufs. Il n'est personne qui n'ait fait attention aux différences qui 
existent dans la longueur des membres inférieurs des diverses 
familles d'oiseaux, et dans la position de ces membres par rapport 
à la direction du corps, ainsi qu'aux disproportions que souvent 
elles présentent avec le corps lui-même. Ces variations ou ces dis- 
proportions produisent des différences essentielles dans le mode 
d'incubation ; car tous les oiseaux, en couvant, ne font pas égale- 
ment porter le poids du corps sur leurs œufs, ni de la même ma- 
mière : la longueur de la jambe par rapport à la cuisse apporte 
des modifications assez intéressantes. Ainsi les Macareux, par 
exemple, les Pingouims, les Guillemots, dont les jambes sont ex- 
cessivement courtes, couvent dans la position qu'exigent et la 


250 © HUITIÈME LECON. 


brièveté et le mode d'insertion de leurs pattes placées hors du 
centre de gravité et à l'extrémité postérieure du corps. Dans l’im- 
possibilité presque absolue de s’aider de leurs jambes pour sou- 
tenir leur propre poids, ils sont réduits à le faire porter, en 
grande partie, sur leurs œufs. C’est, sans aucun doute, à cette 
conformation particulière et à ce mode obligé d’incubation qu'il 
faut attribuer le petit nombre d'œufs que pondent ces oiseaux, 
puisqu'il est rare qu'ils en fassent plus de deux. II leur serait dif- 
ficile en effet d'en couver davantage dans cette position, leur 
corps et la conformation de leurs ailes incomplètes n'offrant 
pont une surface assez étendue, et la brièveté de leurs pattes 
s’opposant à ce qu'ils puissent les écarter suffisamment. Il en est 
de même pour la plupart des Manchots, qui couvent accroupis. 
Les Flamants et quelques autres échassiers, au contraire, dont 
les jambes sont démesurémentlongues, ne peuvent s’accroupir com- 
modément; aussi sont-ils forcés de déposer leurs œufs sur un mon- 
ticule qu'ils élèvent eux-mêmes, et 1ls les couvent presque debout, 
en les couvrant seulement de la partie postérieure de leur corps. 
Chez les gallinacés et la plupart des autres oiseaux, la lon- 
gueur proportionnée des pattes et leur position au centre du 
corps ne s'opposent pas à leur écartement, aussi peuvent-ils cou- 
vrir avec leur ventre et leur poitrine un bien plus grand nombre 
d'œufs, sur lesquels repose le poids du corps. Les Tinamous, les 
Outardes et les Bécassines ont des pattes placées à peu près de 
même que chez les gallinacés, mais elles sont conformées d’une 
manière plus avantageuse. Quoique accroupis comme ces der- 
mers, ils reposent en partie sur elles pendant l’mcubation, et 
leurs œufs ne supportent pas tout le poids du corps. Il en est au- 
trement chez les Goëlands, les Mouettes et les Hirondelles de 
mer, dont les œufs à coquille généralement délicate seraient 
souvent compromis s'ils n'étaient sauvegardés par leur forme 
arrondie et par l'épaisseur et la mollesse des plumes du ventre 


INCUBATION. 251 
de la couveuse. Les pattes de ces oiseaux, quoique placées au 
centre du corps, sont tellement courtes, qu’elles ne peuvent ser- 
vir de soutien. On voit que la nature a combiné de la manière la 
plus heureuse la force de résistance de la coquille et la forme 
de l’œuf avec les divers degrés de pression que les proportions 
des membres postérieurs obligent les oiseaux à exercer sur les 
œufs qu'ils couvent et dont l'épaisseur n’est pas toujours en rap- 
port avec le volume. | 

Indépendamment de l’industrie si variée qu'ils déploient dans 
la construction de leurs nids, plusieurs oiseaux ont de grandes 
précautions à prendre pendant l’imcubation. Ce sont surtout ceux 
dont les femelles, ayant besoin d’aller chercher leur nourriture 
elles-mêmes, sont forcées de quitter momentanément leurs œufs. 
Dans ce cas, avant de s'éloigner, elles couvrent le nid avec des 
feuilles sèches, des brins d'herbes, des plantes aquatiques et sur- 
tout avec le duvet qu'elles s’arrachent à la poitrine et au ventre. 
Ce nest donc pas positivement pour empêcher le refroidisse- 
ment des œufs, mais bien pour cacher le nid, qu'elles agissent 
ainsi. Leur instinct ne s'exerce véritablement et n’est admirable 
qu en ce qui concerne la conservation de l'espèce. Tous ont con- 
science de l'ennemi qui menace chacun d'eux; et c'est en cela 
qu'ils développent une richesse d'imagination ou de ruse, à peine 
croyable, pour conjurer le danger. Ce serait donc une erreur de 
croire que la plupart des Canards, qui, comme l’Eider, enfouissent 
leurs œufs dans le fin duvet dont ils les recouvrent pendant leur 
absence du nid, agissent ainsi afin d’en empêcher le refroidisse- 
ment : cela, sans aucun doute, peut y contribuer ; mais e’est uni- 
quement pour les soustraire à la vue de leurs ennemis, dont les 
plus nombreux et les plus acharnés sont les oiseaux de proie et 
les Corbeaux. 

Plus la forme du danger se multiplie, et plus les oiseaux mettent 
de soins pour cacher leurs nids; aussi c’est dans les régions les 


252 HUITIÈME LEÇON. 
plus chaudes du globe, où se trouvent en grand nombre des 
singes et d'autres mammifères grimpeurs, ainsi que des reptiles, 
que les oiseaux emploient le plus de ruses pour mettre leurs nids 
à l'abri des attaques. C'est là surtout que l’on a le plus de pente 
de l'instinct des oiseaux. 

Quel que soit le nombre des œufs, la duréede l'incubation, à part 
quelques rares exceptions, est en rapport avec la taille de l'oiseau. 

Ainsi les Oiseaux-mouches couvent douze jours, les Mésanges 
onze Jours, les Pinsons quatorze, les Pies, les Geais, dix-sept à 
vingt et un, le Coq de Bruyères vingt-sept, l'Outarde vingt-huit, 
le Cygne quarante à quarante-cmq, tandis que les œufs d’Autru- 
ches exigent une incubation du cinquante-cinû à soixante Jours. 
L'époque de la ponte peut varier de quelque jours, mais elle est 
généralement la même pour tous les oiseaux ; et, dans toutes les 
parties du monde, le printemps en donne en quelque sorte le si- 
gnal comme la fin de l'été y metun terme. 


Développement de l’oiseau dans l'œuf pendant l’incu- 
bation, — Nous connaissons la formation et la composition de 
l'œuf; nous savons le soin que la femelle met à le couver ; 1l faut 
maintenant suivre le développement du germe qu'il renferme et 
qui doit donner le jeune oiseau. C’est sur l'œuf de la Poule, le 
plus commun et le plus facile à observer, que l'étude de la tor- 
mation de l'oiseau a étéle plus suivie, aussi le prendrons-nous 
comme exemple de ce que nous avons à dire des diverses phases 
de lincubation. 

L'embryon de la Poule met vingt et un jours pour arriver au 
dév eloppement que nous allons suivre, d'abord presque heure par 
heure, et puis Jour par Jour, d’après 12 expériences intéressantes 
fuites à ce sujet par MM. Prévost et Dumas, Martm Sant-Ange, 
Duvernoy et Sacc. 

La tache germinative dont nous avons parlé est le point 


INCUBATION. : 253 
sur lequel doit se porter toute l'attention. Nous verrons que, 
sous l'influence de la chaleur communiquée, il se formera une 
gangue neue sorte de réseau qui entourera le germe et 
viendra concourir à son développement en Îe faisant passer par 


Fig. 258. — Tache germinative au 2° jour. Fig. 239.— Situation de l'embryon au 5° jour. 
Ë : 


toutes les phases de la vie fœtale. Disons encore, et pour ne plus 
être obligé d'y revenir dans le cours de cette leçon, que pendant 
l'incubation les œufs perdent en moyenne un cinquième de leur 
poids par des causes qui se rattachent au développement de l'em- 
bryon et à la porosité de la coquille, qui permet une évaporation 
des parties fluides. Mais cette évaporation n’est pas la seule cause 
de la perte de poids qu'éprouvent les œufs pendant l'incubation, 
comme le dit avec raison M. Dareste dans son intéressant Mémoire 
sur le développement du Poulet, car l'existence de la respiration 
embryonnaire nous montre qu'il y a dans l'œuf en incubation 
une absorption d'oxygène et une exhalation d'acide carbonique, 
et que, par conséquent, il faut ajouter au poids de la vapeur 
d'eau perdue par évaporation l’excédant du poids de l'acide 
carbon: ue exhalé sur le poids de l'oxygène absorbé. 

Lorsqu'un œuf bien conformé et fécondé est soumis à une cha- 
leur continue, la vie s’éveille en lui, le germe qu'il contient se 
développe avec assez de rapidité et présente quatre périodes ja ill 
cipales, que M. Sace établit ainsi qu'il suit : 

1° La première période commence dès que la température de 

Doi 22 


254 AUITIÈME LECON. 
l'œuf, élevée de trente-deux à quarante degrés, est maintenue 
sans refroidissement; cette première période se termine avec la 
formation du premier système circulatoire et embrasse à peu 
près deux Jours. | 

Pendant les premières heures, le germe tend à se détacher de 
plus en plus du vitellus et de la pellicule vitelline, à laquelle il 
| reste cependant toujours un peu adhé- 
rent; il prend une consistance plus 


O) membraneuse, et l’espace rempli de 
((D)) fluide qui l'entoure s'agrandit. Cette 

métamorphose du germe continue d’u- 
Fig. 240. Fig. 241. 


UN DA ne façon très-régulière; et, à mesure 
A la5weheure. A la 12e heure. qu'il se développe, 11 tend à se rappfo- 
cher toujours davantage de la mem- 

brane qui tapisse la coquille. 
Après douze ou quinze heures d’incubation, le germe, qui a pris 
la forme aplatie d’une feuille, s'est assez complétement détaché 


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S Se 27; 


Grossissement considérable du germe. 
A la 16° heure. A la 17e heure. À la 72e heure. 


de la pellicule vitelline pour qu'on puisse l'en séparer. De la 
quatorzième à la seizième heure se montre la première trace de 
l'embryon, sous forme de tache blanche placée dans axe trans- 
versal de l'œuf. Pendant le second jour, l'embryon, qui est alors 
long de cinq à six millimètres, continue à se détacher du vitellus, 


INCUBATION. 299 


au-dessus duquel il s'élève. On peut déjà voir les lobes du cer- 
veau, et reconnaitre les parties destinées à former plus tard les 
côtes et les parois abdominales ; c’est alors qu'apparaït le cœur, 
qui se trouve logé dans une petite cavité sous la tête de l'em- 
bryon. De la fin du premier jour au milieu du second, s’opèrent, 
dans les parties du vitellus qui entourent l'embryon, des chan- 
gements bien intéressants. Cette portion de sa surface s'étend, 


AV. 
HIENKI 
Jo IN 


Fi] 
OA 


I 


Fig. 245. Fig. 246. Fig. 247. 
Germe à la 50" heure. Germe à la 55e heure. Germe à la 60e heure. 


et 1l se forme autour du vitellus de petits nuages de couleur 
foncée. On y distingue bientôt de petites taches séparées les unes 
des autres par de légères fissures, qui ne tardent pas à se réumir 
pour former des canaux, dont l’ensemble représente un système 
.de mailles où canalicules remplis d’un fluide limpide, Imcolore 
ou jaune très-clair ; c’est le premier sang. Le cœur continue à se 
développer; bientôt apparaissent les deux gros troncs veineux, 
dans lesquels il chasse, en se contractant, ce même fluide inco- 
lore qui remplit les canalicules entourant l'embryon. Tout à 
coup, etsans qu'aucune observation ait pu faire connaître jusqu'ici 
de quelle manière se fait cette brusque métamorphose, le sang 
incolore devient rouge, et les canaux dans lesquels il coule de- 
viennent de véritables vaisseaux qu’on distingue déjà bien nette- 
ment autour de l'embryon, après trente-six heures d’incubation. 
Le système vasculaire qui entoure l'embryon se développe et il 


256 HUITIÈME LECON. 
se forme à sa périphérie un canal circulaire qui deviendra plus 
tard la veine dite primogéniale. | 

Revenons un instant sur les premières phases du développe- 
ment de l'embryon et suivons-les de trois heures en trois heures. 

Trois heures d'incubation. La tache germinative, qui présen- 
tait prinutivement six millimètres de diamètre, s’élargit après 
trois heures d'incubation; on lui trouve huit millimètres : sa par- 
lie interne et transparente en a trois et l'embryon en a un peu 
plus d’un; il flotte dans la sérosité qui s’est formée entre lui et 
la membrane qui le couvre et qui, soulevée par cette sérosité, de- 
vient légèrement convexe. L’embryon, vu par transparence, re- 
présente une ligne notrâtre terminée par un petit renflement à sa 
partie antérieure (fig. 240). 

Six heures. Le diamètre de la tache germinative a très-peu 
augmenté, mais l'embryon a près de deux millimètres; sa forme, 
à peu près la même, devient cependant plus distincte ; 1l se forme 
de petits nuages ou flocons dans l'aire transparente. 

Neuf heures. La tache germinative s'agrandit d’un millimètre, 
et l'embryon s’allonge d'autant. La forme ovale se prononce da- 


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Fig. 248. Fig. 249. 
Germe à la 9" heure. Le même détaché et fortement grossi. 


vantage, le nuage qui entoure l'embryon a queique chose de 
moins confus, et ses bords sont mieux arrêtés. 
Douxe heures. La tache germinative à onze millimètres; l'aire 


INCUBATION 957 


transparente cinq, et l'embryon trois. Sa position est toujours la 
même à la partie moyenne du disque, et le nuage qui l'entoure 
s'accroît en diamètre (fig. 242). 

Quinze heures. Accroissement de toutes les parties, mais au- 
cun changement notable ; la forme allongée se prononce davan- 
tage. 


T 
1 
Pit 
Fig. 250. Fig. 251. Fig. 252. 
Le même, isolé Germe à la 15° heure. Le même, découvert, 
et fortement .grossi. fortement grossi. 


Dix-huit heures. Les globules qui forment le nuage s’éloignent 
du germe et viennent se réunir par masse vers la‘circonférence, 
cui devient par cela même plus opaque. Ils se fondent les uns dans 
les autres pour former des globules plus gros et même des tubes plus 
ou moins allongés. Le disque s’est rétréc1 en s’arrondissant, et le 
pli que la membrane a formé eu exécutant ce changement s’est 
rabattu comme une toile au-devant de l'extrémité 


céphalique de l'embryon. Les bords latéraux du dis- FX 
que sont devenus très-concaves à la partie moyenne; / j 
plus bas, ils reprennent leur convexité. La bordure | | 
opaque qui entoure le germe forme de chaque côté, | l | 
dans ses deux tiers inférieurs, deux petits bourre- Va 


lets entre lesquels elle est reçue comme dans une  . 
petite gouttière. C’est là l’origine du canal vertébral, ; 1a 18me heure. 
que nous verrons bientôt s'achever. | 

Vingt et une heures. L'embryon a un peu plus de six millimè- 


22. 


258  HVITIÈNE LEGON. 
tres. Le pli supérieur, qui a commencé à se rabattre vers la dix- 
huitième heure, descend encore. Les deux bourrelets, qui doivent 
. former le canal vertébral, se rapprochent davantage, et, à leur 
extrémité inférieure, deux plis qui se dirigent en bas et en dehors 
constituent les premières traces du bassin. Entre les deux feuil- 
lets de l’aire transparente et intérieurement au cercle qui la cnr- 
conscrit, il s’est développé une lame de tissu spongieux qui, plus 
épaisse extérieurement, finit par se perdre en s’avançant vers la 
partie où est placé l'embryon. Cest à que parai- 

G5N\  - tront bientôt les premiers globules sanguins. 
| Vingt-quatre heures. Peu de changements dans 
| les dimensions de l'embryon. Mais il est déjà possible 
| de reconnaître, sur les renflements longitudinaux 
SZ qui courent parallèlement au corps de l'embryou, 
tros points arrondis, plus consistants, dont on voit 
à la2umeheure. plus tard le nombre s’accroïtre avec rapidité. Ce 

sont les rudiments des vertèbres. 

Deuxième jour. Pendant les trois heures qui précèdent, l’em- 
bryon n’a pas pris de développement; mais, pendant 
le second jour, il grandit de trois millimètres. Le 


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Fig. 255. Fig. 256. Fig. 257. Fig. 258. 
États du germe aux heures suivantes : 
A la 23me heure. A la 26me heure. À la 27e heure. A la 55"e heure. 


nombre des plaques vertébrales augmente successivement. Le 


INCUBATION. 259 


cœur se développe sous la forme d’un petit tube et laisse voir des 
mouvements d’ondulation; le sang est encore clair. Le vitellus 
prend une apparence tachetée par des points, entre lesquels nais- 
sent des traits qui forment des mailles, rudiments des vaisseaux. 
Le canal alimentaire forme un tube allongé. L'embryon présente 
trois courbures marquant la tête, la nuque et le dos. Un vaisseau 
circulaire se forme autour de la tache germinative, mais ce vais- 
seau n’achève pas complétement le cercle; ses extrémités initiale et 
terminale ne se joignent pas (fig. 244). Vers la trentième heureun 
réseau vasculaire commence à paraître sur la tache ou cicatricule; 
le sang semble partir à droite et à gauche de l'embryon, se divise 
dans un lacis de capillaires, puis arrive dans un vaisseau général 
qui le ramène en haut ou le dirige en bas; de là 1l revient au cœur. 
Les globes oculaires se dégagent de la cellule cérébrale; l'organe 
de l’ouïe s'élève, comme une vessie, de la cellule de la moelle al- 
longée, et l’on commence à reconnaître un rudiment de cervelet. 


Etat du germe à la 56"° heure. 


20 La deuxième période, qui commence avec le troisième Jour 
de l’imcubation et finit du quatrième au cinquième, s'étend de- 
puis l'apparition du système cireulatoire dans le vitellus jusqu’au 
moment où l’allantoïde, allant s'appliquer contre la membrane de 
la coquille, donne naissance au nouveau système respiratoire ; le 
primitif disparait alors. 


269 HUITIÈME LECON. 

C’est le troisième Jour qui est le plus remarquable dans l’his- 
toire du développement de l'embryon, dont toutes les parties sont 
alors bien nettement distinctes. L’embryon s’enveloppe peu à 
peu d'une membrane remplie d’eau (amnios), au sem de laquelle 
il continue à se développer. Les yeux et le bec deviennent de plus 
en plus distincts. Le quatrième jour, le premier système circu- 
latoire (circulation vitellme) est dans toute sa force ; on aperçoit 


Fig. 262. Fig. 265. 


Embryon au 5"e jour. 


au-dessous de la tête de l'embryon trois pomts gorgés de sang, 
qui s'élèvent et s'abaissent alternativement; ce sont les trois 
divisions du cœur. À cette époque, le cœur ne cesse pour ainsi 
dire pas un instant de changer de forme et de position ; et c’est 
au quatrième Jour qu'il se transforme de canal en véritable cœur, 
dont la forme ne changera plus, mais qui se complétera pendant 
les Jours suivants, On distingue alors les corps de Wolff sous la 
forme de petits éœcums, qui, au cinquième jour, se replient sur 
eux-mêmes et qui forment plus tard les reims. | 
Les intestins se forment pendant le quatrième Jour de l’incu- 
bation. La gouttière qui représente le canal intestimal, et qui est 
presque fermée au commencement du quatrième Jour, ne tarde 
- pas à L'être tout à fait et à envelopper la totalité du vitellus. Le 
bec et la gorge, qui sont béants, aboutissent à un petit tube, le 
larynæ, à l'autre bout duquel on voit attachées deux petites pro- 


INCUBATION. 261 


tubérances qui sont les premiers rudiments des poumons. Toutes 
les différentes parties du canal intestinal on ensuite les 
unes après les autres. 

Revenons un instant en arrière. Dans la seconde moitié du trot- 
sième jour, il s'élève de l'extrémité intestinale inférieure au rec- 
tum une excroissance vésicoïde; c’est l’allantoïde, qui, sous la 
forme de sac, s'étend et s'élève au-dessus et autour de la partie 
postérieure de l'embryon. L'allantoïde est très-riche en vaisseaux 
sanguins. (Ce nouvel organe croît rapidement et s’allonge en 
forme de poire. Au quatrième jour, on voit à sa surface un su- 
perbe lacis de vaisseaux sanguins, qui nait d’une des branches 
de l'aorte; 1l part donc directement du cœur. Au cinquième 
Jour, l’allantoïide a l'aspect d’une grosse vessie portée sur un pé- 
dicule qui sort dif nombril. A cette époque, l’allantoïde à, comme 
l'embryon lui-même, onze millimètres de longueur. 


Fig. 266. 
Divers états de l’embryon du 5"° au 5"e jour, fortement grossi. 


Quelques détails doivent compléter ce qu'il, 
est nécessaire de connaître sur le développe- fi 
ment progressif de l'embryon pendant cette 
période; ajoutons donc quelques mots sur ce 


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ui se passe pendant le troisième jour. L'em- *® ON Vi À ay 
q P . P (s J UT. RL ve SE > 4 


bryon continue à s’allonger de trois milli- 
; RE , : Fig. 268.— Coupe 
mêtres. Les deux extrémités du vaisseau cir- de l'embryon au 5° jour. 


262 HUITIÈME LEÇON. 


culaire dont nous avons parlé s’infléchissent vers l’intérieur du 
cercle, dans la direction de la partie supérieure de l'embryon, 
autour duquel on distingue six troncs vasculaires principaux 
dont les ramifications vont se perdre dans le vaisseau circulaire 
désigné sous le nom de veine primogéniale. 

On distinguera bientôt les formes de l'embryon, qui ne parait 
pas vivre encore par lui-même; 1l présente une tête grosse indi- 
quée par l'œil et fortement recourbée sur le corps, dont on ne 
voit que le centre vertébral. Les deux extrémités de la veine pri- 
mogéniale avancent de plus en plus vers le centre, et bientôt elles 


Fig, 269. 
État de l'embryon le 4e jour. 


atteignent l'embryon. Des six troncs vasculaires principaux, deux 
présentent un courant qui se dirige vers l'embryon, tandis que 
dans les quatre autres le courant va du centre à la circonférence. 
Tout À coup ce mode de circulation change : la rencontre des 
troncs avec la veine primogéniale se fait aux environs du point 
que doit occuper le cœur. Il semble que cette rencontre occa- 
sionne un choc dans les molécules cireulantes, lequel choc, arré- 
tant brusquement le fluide qui arrive des deux côtés, lui fait re- 
brousser chemin et le force à refluer dans les troncs ombilicaux. 
Dès ce moment, l'embryon va vivre de sa vie propre en assimi- 
lant à sa substance les molécules extérieures; car l'impulsion qui 
vient de se faire dans la marche du fluide circulant dans des ca- 


INCUBATION. 265 
. naux qui lui étaient jusqu'alors étrangers est pour lui l'impul- 
sion vitale ; toute circulation se fera désormais à son profit et ne 
cessera qu'à sa mort : le cœur est formé par le seul fat de eette 
rencontre. Les troncs, en s’abouchant avec la veme primogéniale 


Fig: 271. 
État de embryon le 5" jour. 


après l'avoir croisée, déterminent un enroulement qui est la pre- 
muère forme du cœur. Les deux troncs supérieurs disparaissent 
bientôt, les mférieurs seuls restent et vont servir de lien entre le 
nouvel individu et le jaune ou vitellus, qui est destiné à lui four- 
nir un aliment jusqu’à son entier développement dans la coquille, 
Le foie commence aussi à se former, il se présente sous forme de 
deux petites vésicules annexées à l'intestin; lesang est rouge, et l’on 
- peut reconnaitre l'apparition des membres. Pendant le quatrième 
et le cmquième jour, l'embryon présente à l’état rudimentaire 
toutes les parties de son organisation et développe celles précé- 
demment formées. 

9° La troisième période commence au sixième jour, avec l'ap- 
parition de la circulation allantoïdienne, et se prolonge jusqu’au 
vingt et umième jour, au moment de la naissance du Poulet. I n°y 
à guère que les changements qui s’effectuent dans les deux pre- 
miers jours de cette période qui aient quelque intérêt au point de 


264 | HUITIÈME LECON. | 
vue physiologique. Pendant les seize jours qu'elle embrasse, 
tous les organes qui étaient déjà formés ne font que se dévelop- 
per, etceux qui naissent alors ne sont plus aussi importants. 
Lorsqu'on ouvre un œuf au commencement de cette période, 
il faut le faire avec toutes les précautions possibles. Comme il 
n'y a plus d'albumine au dessus de l'embryon, et que ce dernier 
est tout près de la coquille; comme, de plus, la pellicule vitelline 
s’est excessivement amincie, 1l est très-facile de déchirer l'un et 
l'autre. L'espace rempli d'air qui se trouve au gros bout de l'œuf 
a beaucoup augmenté; à mesure que le réseau de vaisseaux san- 
euins qui enveloppait presque les deux tiers du vitellus s'efface, 
l’allantoide croit et s’étend. Le sixième jour, l'allantoïde a la 
forme d'une grande vessie aplatie, dont les dimensions ont pres- 
que doublé au septième Jour. Il se couche un peu à droite de 
l'embryon, qui disparait sous lui avec son ammios, et il est à re- 
marquer que c'est la partie supérieure de l’allantoïde qui est La 
plus riche en vaisseaux. La pellicule vitelline se déchire ; Palbu- 
mine s'approche du petit bout de l'œuf, où on la retrouve sous 
forme de masse jaunâtre et assez consistante. Le vitellus à perdu 
au contraire sa consistance prinutive, 1l est devenu beaucoup 
plus fluide, et l'embryon s'approche du gros bout de l'œuf. 
Lorsqu'au sixième Jour on ouvre un œuf, on voit les membres 
du Poulet s’agiter au moment où l’on écarte les pars de la co- 
quille. Du sixième au septième jour, l’amnios se gonfle toujours. 
davantage; 1l se resserre vis-à-vis de l’abdomen de l'embryon, et 
en s'étranglant il forme le nombril, au travers duquel passent Le 
pédicule de l’allantoïde et une circonvolution de l'intestin. Cette 
disposition permet au sac vitellin de rester en communication di- 
recte avec l'intestin pour continuer les moyens de nutrition. Du 
neuvième au onzième Jour apparaissent les tuyaux des premières 
plumes sur la ligne médiane du dos. L'allantoïde continue à en- 
velopper toujours plus complétement l'embryon ; ce sont surtout 


INCUBATION. | 265 

les. téguments épidermiques qui se forment dans les derniers 
Jours de la seconde semaine. Au commencement de la troisième 
semaine, l'embryon, manquant de place, quitte peu à peu l'axe 


État de l'embryon le 6"e jour. 


transversal de l'œuf pour s'étendre dans son axe longitudinal. Il 
est ainsi enveloppé avec le sac vitellin par l’allantoïde. Cet organe, 
soudé de toutes parts avec l'embryon, forme autour de lui une 


K NS Æ Pad, 
IÈ 


État de l'embryon le T"e jour. 


enveloppe continue, qui, d'autre part, s'applique avec tant de 

force contre la membrane de la coquille, qu'on ne peut plus l'en 

séparer. On voit nager dans l’eau qui remplit l'allantoïde des flo- 

cons d'une substance blanche plus ou moins abondante provenant 
TU | 25 


266 HUITIÈME LECON. 


de l'urine du poulet et que Jacobson prétend formés d'acide uri- 


que libre. Aussitôt que l’allantoïde enveloppe la totalité de l’'em- 


bryon, on le désigne sous le nom de chortoïi, parce que ses fonc- 


Fig. 278 
État de Pembryon le 8"e jour. 


tions deviennent anaiogues à celles de cette membrane, enveloppe 
extérieure du fœtus des autres animaux. Le sac vitellin diminue 


Fig. 279. Fig, 280. 
État de l'embryon le ge jour. 


alors rapidement, parce que son contenu est absorbé et parce que 
ce qui y reste se solidifie. L’albumine et le fluide ammotique 
diminuent aussi de plus en plus, et, au dix-neuvième jour, les 


D CN TE 


. 


INCUBATION. 267 


intestins, qui pendaient au dehors de la cavité abdominale, y en- 
trent, entrainant le vitellus avec eux. 

Dans cette période le réseau vasculaire du vitellus disparaît 
successivement au profit de la circulation générale, et 11 devait en 


| À } 
Z EI \{L 
< A 


État de l'embryon le 10e jour, 


être ainsi, puisque le vitellus, dès lors recouvert par le blasto- 
derme ou peau du germe, n’est plus apte à fure respirer le sang 
qui y cireulerait encore. Mais, en compensation, lallantoïde, ce 


KZ 
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TL 
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poumon extérieur de l'embryon, se développe rapidement et°s’é- 
tend sous la coquille. Les membres se sont développés aussi, et on 
a pu distinguer successivement les doigts des ailes et Les orteils. 
La trachée-artère et les poumons, dans lesquels se sont formés peu 
à peu les canaux aériens, se sont séparés de l’œsophage, avec le- 


268 HUITIÈME LEÇON. 


quel ils semblaient se confondre. Les organes des sens sont deve 
nus plus apparents, les yeux surtout ont atteint un volume con- 
sidérable, et les paupières se sont mon- 
trées comme un pli circulaire de la peau. 
Les muscles ont pris du développement et 


Fig. 284. Fig. 283. 
État de l'embryon le 15e jour. Embryon d’un petit Passereau 
‘ à la période correspondante. 


ont commencé à fonctionner en même temps que les trames des 
os s'ossifiaient. Les écailles des jambes et les ongles, ainsi que les 


Embryon le 18e jour. Embryon à la fin du 20e jour, 


organes reproducteurs, ont été formés en même temps que les 
muscles. L’ossification s’est continuée, toutes les parties se sont 
lortifiées. Le système nerveux s’est développé dans les mêmes 


INCUBATION. | 269 
proportions, et l'oiseau, la tête rephiée sous l'aile droite, et déjà 
couvert d’un duvet encore humide, remplit l'œuf, après avoir ab- 
sorhé successivemeut le vitellus et l’albumine contenus dans la 
coquille avant l’incubation. | 

4° La quatrième période commence à la naissance du Poulet. 
On entend quelquefois le poulet crier dans l'œuf, deux Jours 
avant sa naissance, Cela a lieu toutes les fois qu'il réussit à per- 
cer le chorion avec son bec, et à communiquer ainsi avec l’es- 
pace plein d'air qui se trouve au gros bout de l'œuf. Malgré ce 
contact incomplet des poumons avec l'atmosphère. la circulation 


Fip 288. … Fig. 289. 
Embryon le 21° jour. Œuf ouvert par le Poulet et divisé 
par la Poule. 


continue à se faire par les vaisseaux ombilicaux. Plus tard, les 
violents mouvements du Poulet déterminent dans la coquille des 
fentes qu'il élargit avec son bec, muni, dans ce but, d’une espèce 
de petit bouton corné qui ne tarde pas à tomber. L’éclosion du 
Poulet s'opère aussi un peu autrement : la tête de l'oiseau étant 
enfermée, à droite par le coude et à gauche par le genou, qui se 
touchent en voûte au-dessus d'elle, la tête se porte, le bec en bas, 
sur Ja poitrine. Dans cette situation, chaque fois que le Poulet crie, 
Van: chassé dans le larynx par les poumons oblige la tête à se 
relever et.le bec à frapper avec force contre la coquille, avec lap- 
pendice calcaire dont nous venons de parler. Ce n’est point en 
23. 


910 HUITIÈME LECON. 

usant la coquille par le frottement du bec que le Poulet fait une 
ouverture, mais bien par des chocs répétés. On s'assure qu’il en 
est bien ainsi, en voyant que beaucoup d'œufs, près d’éclore, ont 
la coquille brisée au-dessus du point où appuie le bec, lorsqu'il 
relève la tête, sans que pour cela le chorion, qui sépare encore le 


bec de la coquille, soit déchiré ; ce qui ne pourrait pas se faire si 


le Poulet ouvrait la coquille en l’usant avec son bec. La mère 
aide alors beaucoup la sortie du Poulet, en cassant avec précau- 
tion la coquille tout autour du point où 1l s’est fait Jour. Le bec 
des Poulets est si faible au moment de leur naissance, qu’il leur 
serait absolument impossible de briser la coquille, s'ils n'avaient 
pas ce petit tubercule caleare, et tous ceux auxquels 11 manque 
périssent dans l’œuf, où ils font de tels eflorts pour arriver à ce 
but, qu’on les trouve toujours avec les mandibules renversées 
et déietées à droite ou à gauche par la violence des coups qu’ils 
ont donnés à la coquiile. 

il est probable que ce qui force le Poulet à quitter son enve- 
loppe, c’est qu’elle devient trop petite pour lu; car ce n’est point 
le manque de nourriture, puisque les intestins en sont garmis ; il 
y à peut-être une autre cause bien plus pressante de la sortie du 
Poulet, c’est le transport aux poumons des fonctions respiratoires, 
dont l’allantoïde avait été chargé jusque-là. Aussi, du moment 
que les vaisseaux allantoïdiens sont oblitérés, le Poulet doit étouf- 
fer ou briser sa coquille en faisant des efforts désespérés. 

Dans l'étude du développement de l'œuf, dit encore M. Sacc, 
auquel nous devons une grande partie de ces détails, le fait le 
plus sullant, celui qui doit frapper le plus vivement l’observa- 
teur, est la présence de ces deux circulations qu’on voit se suc- 
céder chez l'embryon. La première, incomplète, ne s'étend pas 
au delà du vitellus, à la surface duquel on la voit apparaître; la 
seconde, répondant à un besoin plus impérieux d'oxygène, dé- 
passe le blanc de l'œuf et vient s'épanouir sur la face interne de 


Dr = TOC 


INCUBATION. | ou 


_ Ja coquille, à travers les pores de laquelle se fait une absorption 
d'oxygène et une sécrétion d'acide carbonique et d’eau. Ea co- 
quille est, au Poulet d’un certain âge, à la fois l'organe des sé- 
crétions gazeuse pulmonaire et cutanée. 

Le sang est mcolore, au moment où on le voit circuler pour la 
première fois au milieu des îlots graisseux du vitellus; jouit-il 
déjà de toutes les propriétés qu'il aura plus tard, ou bien n'est-ce 
qu'une espèce de chyle destiné à produire bientôt après le fluide 
vital, sous l’influence d’une action aussi mystérieuse que difficile 
à étudier ? 

C’est le troisième jour, comme nous l'avons dit, qui est le plus 
intéressant de tous ceux du développement embryonnaire. L'em- 
bryon s'enveloppe alors de lamnios, qui est une espèce de vessie 
remplie d’eau, au milieu de laquelle il nage, libre dans tous ses 
mouvements. En effet, c’est dans la seconde moitié du troisième 
Jour qu'apparaît la prenuère trace de la seconde cireulation qui 
doit remplacer la première, trop imparfaite pour suffire aux be- 
soins actuels du jeune oiseau. 

Pendant le développement de l’embryon, le fait de la dispari- 
üon du blanc d'œuf est fort remarquable. Cette partie de l'œuf 
devient de plus en plus Ti à mesure qu'elle cède davan- 

tage de son eau au vitellus, qui s'accroît à ses dépens. On sait que 

le blanc d'œuf finit par être absorbé en totalité et qu'il ne reste 
de lui que le réseau membraneux qui enveloppait l’albuminate 
sodique. Le blanc d'œuf n’est point brûlé, comme l'huile du vi- 
tellus : 11 s’umit directement à l’albumine de ce dernier, pour 
contribuer avec elle à la formation du Poulet. 

Comme, du sixième au septième jour de l’incubation, l’amnios 
prend de plus en plus l'aspect d’un sac fermé de toutes parts, ex- 
cepté sur un seul point au travers duquel passent les vaisseaux 
sanguins du Poulet, ce n’est qu'alors seulement que l'embryon 
cesse d'absorber et de sécréter par toute sa surface. C’est done à 


272 | HUITIÈME LECÇON. 

cette époque que tous ceux des organes de lembryon qui peuvent 
agir déjà dans l’intérieur de l'œuf remplissent les fonctions spé- 
ciales auxquelles ils sont destinés et que la vraie circulation ali- 
mente la vie. 

L’allantoïde, dont le développement est aussi complet que pos- 
sible, apparaît, sillonné dans tous les sens par des vaisseaux 
gorgés de sang. Cet organe Joue le rôle de poumons par sa face 
externe, tandis que sa face interne est en contact direct avec les 
excrétions du Poulet, auquel 11 sert de cloaque. L'allantoïde est 
donc chargé à lui seul, pendant les derniers temps de la vie em- 
bryonnaire, de la double fonction de recueilhr les produits so- 
lides, liquides et gazeux, des sécrétions pulmonaire, cutanée et 
urinaire. | 

Tous les soins de la Poule couveuse ne se bornent pas, comme 
on pourrait le croire, à une incubation automatique et machinale 
d'immobilité. Sa sollicitude est incessante pendant toute la durée 
de lincubation. Chaque jour elle retourne ses œufs, à Paide du 
bec et des pattes, afin de leur communiquer une chaleur égale ; 
et, quand le moment de l’éclosion approche, la mère attentive 
guette le moindre bruit, le moindre mouvement que peut faire 
le jeune Poulet dans son œuf, et, dans son impatience, 1] Fui ar- 
rive souvent d'élargir le trou fait par. 
le petit à la coquille qui le retient cap- 
tif. Elle fait à l'aide de son bec de pe- 
tites entailles sur l'œuf, forme une sec- 
tion circulaire complète qui délivre le 
prisonnier, rassemble les deux portions 
de la coquille, emboîte la plus petite 
dans la plus grande, et débarrasse le nid 
de ces débris désormais inutiles. Lors- 
que l'oiseau se trouve en contact avec 
l'air extérieur, sa respiration devient 


INCUBATION. 275 
plus complète, se régularise, et ses organes sont prêts à remplir 
leurs fonctions. 

En parlant du développement de l'embryon au sixième jour 
de l'incubation, nous avons dit que le vitellus était en commu- 
nication avec l'intestin pour fournir au jeune Poulet les moyens 
de nutrition, et que l’ombilic restait ouvert et laissait passer 
une anse intestinale presque jusqu'au moment de l’éclosion; 
mais, à cette époque, l'intestin, jusque-là au dehors, prend sa 
place dans l'abdomen et entraîne avec lui dans le corps du 
Poulet le vitellus appauvri et sa membrane. La résorption de ces 


Divers états de la vésicule ombilicale après l’éclosion, d’après M. Flourens. 
P ; 


Fig. 291. Fig. 292, : Fig. 295. 
A la 16%° heure, A la 90e heure. Le $me jour. 


Fig. 294. Fig. 295. Fig. 296. 
Le 10%e jour. ERA TS Chez l’adulte. 


organes devenus inutiles se fait alors pendant un temps qui re- 
présente à peu près celui de la durée de l’incubation. Le petit 
Poulet peut rester trente-six heures et même quarante-huit 
heures sans prendre de nourriture, puisqu'il absorbe pendant 
ce premier temps de son existence ce qui reste du vitellus, et ce 


274 HUITIÈME LECON. | 
n'est guère que le second Jour que toutes les parties du tube 
digestif commencent à fonctionner normalement. L'intestin du 
poulet devenu adulte conserve la trace de ces premiers moyens 
de nutrition dans l'œuf. | | 

Tous les oiseaux n’ont pas, avons-nous déjà dit, le même dévelop- 


pement en sortant de l'œuf et tous ne.sont pas prêts à suivre leurs 


parents. Ainsi les petits des oiseaux de proie, des Passereaux, des 
Pigcons, de la pluplart des échassiers et ceux de tous les oiseaux 
de mer ont des jambes encore trop fubles pour les soutenir, ils 
sont nus et leurs yeux ne s'ouvrent que quelques jours après leur 
naissance. La mère, dont ils ne peuvent se passer, est forcée d’en 
prendre un soin tout particulier, de les réchauffer, de les cou- 
vrir de son corps et de ses ailes, et de leur apporter une nourri- 
ture en partie digérée : devenus plus forts, elle leur procure des 
aliments plus substantiels pour hâter leur accroissement et pour 
fortifier peu à peu leur estomac encore faible. 

Chaque oiseau, suivant l’ordre auquel 1l appartient, emploie 
toujours les mêmes aliments pour ses petits. Les oiseaux de 
proie, à cause de leur naturel carnassier, apportent aux leurs des 
lambeaux de chair et même des petits animaux vivants, pour les 
accoutumer de bonne heure à connaître les seuls objets qui puis- 
sent les nourrir. Les Passereaux remplissent leur jabot de grains 


ou de petits insectes, et les dégorgent, en partie macérés, dans le . 


bec de leurs nourrissons. Les Pigeons dégorgent bien aussi le 
produit de leur jabot dans le gosier de leurs petits, mais é’est en 
prenant le bec de ceux-c1 dans le leur. Les petits des échassiers, 
à la sortie de l'œuf, sont aussi débiles, et ils ne quittent le nid 
que lorsqu'ils sont couverts de plumes. Les petits de tous les 
gallinacés, des Autruches et des Casoars, ceux des Gralles, tels 
que les Outardes, les Pluviers, les Bécasses, les Chevaliers, les 
Râles et les Poules d’eau, et ceux de tous les Canards, Cygnes 
et Oies, sont, à la sortie de l’œuf, beaucoup plus parfaits : leur 


INCUBATION. 275 
corps est couvert de duvet, leurs yeux sont ouverts, leurs Jjam- 
bes sont robustes, et ils peuvent se procurer leur nourriture sous 
la direction de leur mère. | 


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Fig. 297. — Poussins. 


Si l’on se transporte, au printemps, dans lintérieur d'une 
basse-cour, on voit la Poule se promener en triomphe, suivie de 
ses nombreux Poussins : tantôt elle les rassemble sous son ven- 
tre, elle les couvre de ses «les, et son courage devient extraordi- 
naure s’il faut les défendre; tantôt elle Les appelle par des glous- 
sements vers les granges et les étables; elle leur montre du bec 
les menus grains qui servent à les nourrir; sa sollicitude et son 
attachement lui font braver tous les dangers : sauvage et timide 


216 HUITIÈME LEGON. 

avant la ponte, elle se hâte d'éviter nos approches; mais, lors- 
qu'elle est devenue mère de famille, elle devient courageuse et 
même témérare; elle attaque Les Chiens à coups de bec, elle les 
harcèle et les chasse loin d'elle. Les petits Canards nagent et s’a- 
gitent en tout sens sur les mares : ils s’élancent sur l’eau après 
les Moucherons et les insectes, puis 1ls vont sur la terre se repo- 
ser et se sécher au soleil. 

Ces soins des mères pour leurs petits ne subsistent qu’autant 
qu'ils paraissent avair besom d'elles. À mesure que les petits 
prennent des forces et lorsqu'ils sont en état de pourvoir à leur 
conservation et de satisfaire à leurs divers besoins, les attentions 
de la mère diminuent peu à peu; elle se fatigue de les voir, 
puisque ses soins leur sont désormais inutiles. On reconnait 
qu'alors Îes liens qui unissent les pères et les mères avec leurs 
petits sont rompus; les mères, épuisées par de longues fatigues, 
par la construction de leur nid, par les soins de l’incubation et 
par leurs allées et venues continuelles, ont alors besoim de repos 
et de se nourrir pour reprendre des forces. 

Après avoir fait connaître les résultats habituels de lincubation 
normale, nous croyons devoir ajouter quelques mots sur certains 
accidents qui peuvent survenir et donner lieu à des déforma- 
tions de l'embryon ou le faire mourir dans une des périodes de 
son développement. 

On sait qu'un fœtus éprouve dans le sein maternel les mêmes 
alternatives de santé et de maladie que sa mère : c'est, comme 
l’a fait observer Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, qu'il n’est pas À 
seulement dans une poche d'incubation, mais dans un nulieu 
dont les parties avec lesquelles il est en rapport lui fournissent 
les éléments de sa nutrition; et alors 1l est tout simple que son 
développement régulier ou irrégulier dépende des conditions 
bonnes ou mauvaises de ces éléments qu'il puise chez sa mère. 
On ne peut, ajoute le même savant, appliquer le même raison- 


| INCUBATION. 277 
nement à un fœtus qui se dégage de la vie utérine à la manière 
du fœtus de Poulet, puisque les parties de l’ovule qui devront se 
transformer en organes sont, chez tous les ovipares, rassemblés 
à une époque où 1l n’y a pas encore d'existence fœtale perceptible 
pour nos sens. La mère, dans ce cas, reste donc étrangère au 
développement de son fruit, qui croît pendant l’incubation, ou 
du moins ne lui devient utile que mécaniquement, pour lui 
communiquer et lui conserver un certain degré de chaleur; c'est 
ce qu'établissent sans réplique les incubations artificielles. 

D'où proviennent donc les anomalies qu'on observe si fré- 
quemment chez les petits Poulets qui naissent dans nos basses- 
cours? Elles dépendent de causes le plus souvent accidentelles. 

Le même œuf peut contenir deux jaunes ou ovules entraïnés 
en même temps dans l’oviducte et enveloppés là par la même 
coquille. Les ménagères savent même souvent que telle poule 
pond fréquemment des œufs à deux jaunes. Soumis à l'incuba- 
tion, cet œuf à deux ovules pourra donner un Poulet à deux 
corps unis l’un à l’autre et présentant quatre pattes, quatre 
ailes, etc. Ces monstruosités se remarquent assez souvent et 
s’expliquent par la pression des deux germes, dès le début et 
pendant la durée de leur développement; Geoffroy Saint-Hilaire 
les désigne sous le nom de pygomèles ou à membres supplémen- 
taires. | 

D'autres déformations se présentent encore et dépendent, sans 
aucun doute, de circonstances fortuites et d’influences extérieu- 
res. Ces mêmes circonstances peuvent même entrainer la mort 
du germe; ainsi on a souvent l’occasion de constater que l’élec- 
tricité, pendant un orage, fait mourir les petits dans les œufs 
soumis à l'incubation; et c’est pour neutraliser, dit-on, cette in- 
fluence qu’on a, dans quelques localités, l'habitude de placer un 
morceau de fer dans les nids. 

Il se peut encore qu'une influence locale et restreinte à une 

Le 24 


7e HUITIÈME LECON. 
partie de la surface de l'œuf devienne la cause de déformations 
parbelles, en gênant le développement d’une partie du côté 
droit du germe, sans atteindre la même partie du côté gauche. 
Il y a parfois alors arrêt de développement d'un côté et excès de 
l'autre. Au nombre des causes qui donnent lieu à de semblables 
monstruosités, on signale une saleté adhérente à une partie de 
la coquille, de la boue desséchée, de l'albumine venant d’un 
œuf cassé, le contact d'un corps gras qui bouche les pores de 
l'œuf, une légère dépression, une fissure, enfin tout ce qui peut 
modifier l’action de la chaleur communiquée ou apporter quel- 
que trouble à la circulation des fluides et intercepter les com- 
munications de lPintérieur de l'œuf avec l'extérieur. Voulant se 
rendre compte de l'effet de ces influences si légères en apparence, 
Étienne Geoffroy Saint-Hilaire a mis du vernis sur un assez grand 
nombre d'œufs de la même Poule, en ayant l'attention de laisser | 
intacts les deux tiers à peu près de leur surface, et 1l les a pla- 
cés sous une couveuse avec des œufs de la même mère n'ayant 
subi aucune préparation. Après quelques Jours, un de ces œufs 
fut ouvert et examiné par M. Serres, qui ignorait l'intention de 
son collègue et ne fit aucune attention à la présence du vernis 
sur la coquille. Il remarqua que cet œuf contenait un embryon 
dont la moelle épinière était plus renflée, la colonne vertébrale 
plus forte, et les points osseux des vertèbres cervicales si écartés, 
que celles-ci avaient tout à fait le caractère d’un spina bifida. 
Trois autres Poulets provenant de ces œufs vernis, comparés à 
d’autres Poulets de la même mère, présentaient des altérations 
notables des os maxillaires. 
L'inconstance possible de la température à laquelle les œufs 
doivent, pendant un temps, rester soumis, l'humidité ou la sé- 
cheresse plus ou moins grandes du fond sur lequel 1ls reposent 
pendant l'imcubation, peuvent agir sur une partie seulement 
d'un œuf, malgré le soin que prend la mère, comme nous l'a- 


* 


INCUBATION. | 2179 
vons déjà dit, de les retourner de temps à autre, à l’aide du bec 
et des pattes, pendant qu’elle les couve. Ces petites infractions 
accidentelles peuvent produire des vices de conformation. C’est 
ainsi que dans une couvée de Poulets, de Canards, de Faisans, 
de Perdrix élevés dans nos basses-cours ou nos faisanderies, on 
remarque quelquelois aux pattes ou au bec des déviations assez 
importantes pour entrainer quelquefois la mort de ces petits es- 
tropiés par des difficultés de locomotion ou de nutrition. 

Les mêmes effets se produisent-ils chez ces oiseaux à l’état 
sauvage? Nous le supposons, car nous avons tué, à diverses épo- 
ques, plusieurs Perdreaux et un Faisan qui présentaient des dé- 
formations, des renversements congénitaux d’une patte. Ce ne 
serait cependant pas une preuve suffisante, car ces oiseaux pou- 
vaient avoir élé élevés dans une faisanderie et mis en liberté, 
comme cela se fait souvent; mais 1l faut ajouter que si les chas- 
seurs ne constatent généralement pas des déformations de ce 
genre, c’est parce qu’une déviation qui gêne la marche d’un oi- 


seau le livre en quelque sorte à ses ennemis naturels dans Îles 


prenuers temps de son existence, et que si, parvenu à échapper 
à ce premier danger, il tombe plus tard sous le plomb d’un 
chasseur, 1l est mis dans le sac sans examen, et la cuisimière 
qui le prépare n’y attache pas grande importance. Les déviations 
dont nous venons de parler s’observent plus souvent sur les pe- 
Lits nés après une incubation artificielle; et ce mode d’ineubation 
donne surtout souvent lieu, sur le tube digestif et la peau, à 
une altération qui fait périr un grand nombre de petits pendant 
les quelques jours qui suivent l'éclosion. 

On cite enfin quelques singularités inexplicables dont nous 
croyons cependant devoir dire un mot, parce qu'elles ne man- 
queraient pas d'intérêt si elles étaient mieux constatées et mieux 
étudiées. Buffon a dit, mais sans preuves, que si un obstacle 
naturel ou artificiel s'opposait à la ponte chez une Poule, et la 


— 


280 HUITIÈME LEÇON. 


forçcait à garder son œuf fécondé pendant vingt et un jours dans 
l'oviducte, on verrait alors le petit sortir vivant, si, ajoute-t-il, 
la chaleur intérieure, trop forte, ne l'avait fait périr. Cette opinion 
a pu trouver quelque crédit chez les amis du merveilleux, mais, 
hâtons-nous de le dire, avec les 1dées admises sur l'existence de 
la respiration de l'embryon de l'oiseau dans l’œuf, elle ne sup- 
porte pas la discussion, même en ne l’appliquant qu'aux pre- 
mières heures du séjour accidentel d’un œuf dans l’oviducte, 
séjour équivalant au premier temps de l’incubation normale. 
Aussi nous contenterons-nous de dire qu'on cite, sans garanties 
suffisantes, plusieurs exemples de développement complet ou 
presque complet que des embryons auraient atteint dans des 
œufs retenus par une cause quelconque et pendant un temps plus 
ou moins long dans la partie inférieure de l’oviducte de Poules 
ordinaires et de Poules d'Inde. Les expériences faites dans le but: 
d'éclairer la question par Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, sur des 
Poules dont l’oviducte fut artificiellement fermé au moment où 
l'œuf allait en sortir, prouvent, par leurs résultats, que l’incu- 
bation intérieure entraine la décomposition des parties fluides de 
l'œuf, et que si l'embryon a pu commencer à se former sous 
l'influence de la chaleur, il ne laisse aucune trace appréciable 
de ce commencement de développement. Ce fait nous rappelle 
_les expériences déjà citées du même savant, et qui prouvent que 
l'embryon peut se former dans des œufs vernis et privés ainsi 
de communication avec l'air extérieur, mais que ce développe- 
ment s'arrête à la douzième ou quimzième heure, et l'embryon 
meurt asphyxié. 


NEUVIÈME LECON 


Modes de locomotion : vol, marche, natation. 


Tout mouvement ou Jeu d'un membre suppose nécessaire- 
ment un appareil musculaire approprié et spécial. 

La description que nous avons donnée des diverses parties du 
squelette et des muscles puissants des ailes et des cuisses des o1- 
seaux nous permettra d'expliquer les divers mouvements de ces 
animaux . - 

La faculté de voler donne à l'oiseau un caractère tout particu- 
lier. La configuration des membres antérieurs ou ailes, les plu- 
mes qui les garnissent, la situation du centre de gravité entre 
les ailes, la longueur plus ou moins grande du cou pour fare 
contre-poids, celle de la queue qui représente un gouvernail, 
limmobilité de la colonne vertébrale jusqu'aux vertèbres cau- 
dales, qui seules sont mobiles, et la pneumaticité si exceptionnelle 
des animaux de cette classe, sont les éléments principaux du vol. 
Dans l'exécution du vol 1l y a une résistance à vaincre, des puis- 
sances détermimantes et un point d'appui indispensable. La résis- 

| 24. 


LA 


282 = NEUVIÈME LEÇON. 


tance ne se trouve pas seulement dans l’air qui fait obstacle, en 
même temps qu'il sert de point d'appui, mais bien plus dans le 
poids du corps, plus lourd que le milieu dans lequel il peut néan- 
moins rester suspendu. Les puissances sont les ailes, dont le déve- 
loppement n’est pas toujours proportionné au poids du corps, et 
dont la forme présente de nombreuses variations. Après s'être 


élancé par un saut, l’oiseau s'élève dans les airs à l’aide du mou- 


vement que les muscles pectoraux impriment aux ailes ; 1l se 
dirige dans l’espace au moyen d’un gouvernail horizontal que 
constituent merveilleusement les plumes de la queue. Il plane 
en étalant largement ses ailes et sa queue, et en remplissant ses 
nombreuses cellules aériennes; 1l se précipite avec plus ou moins 
de rapidité en comprimant ces 
cellules et en cessant d’agiter ses 
ailes. 

Lorsque les ailes sont peu dé- 
veloppées, comme dans l’Autru- 
che, le Casoar et les Pingouins, 
le vol est impossible ; mais 1l ac- 
quiert, au contraire, une rapi- 
dité excessive quand la confor- 
mation des ailes et la puissance 
musculaire réunissent les condi- 
tions les plus favorables à son 
accomplissement. On peut ad- 
mettre qu'un oiseau de proie 
15 7 peut parcourir deux cents lieues 

Hteoe  Meoira a caute en dix heures, rapidité qui dé- 
passe de plus du double celle 
du meilleur cheval de course. 

C'est la force du point d'appui que l'aile trouve dans l’attache 
des muscles pectoraux fixés au sternum, et des deux côtés du 


© 


MODES DE LOCOMOTION. 985 


bréchet, qui lui donne son ressort, modifié, selon les besoins de 
l'oiseau, par les divers mouvements osallatoires que sa volonté 


du — 


Ne 1e 
es NE 


a \ ct > ti 2. 


Fig. 299. — Frégate. 


ee 2) 


parvient à leur imprimer. Mais, avant d'aborder la question, 
disons quelques mots des plumes, considérées comme le plus 
puissant auxiliaire du vol. Dirigées d'avant en arrière et se mou- 
lant sur le corps, elles offrent à l'air, dans le temps du vol, la 
moindre résistance possible. 

Elles sont de deux sortes : les plumes proprement dites, et 
les pennes, qui sont les grandes plumes des ailes et de la queue. 
Les plumes proprement dites couvrent tout le corps. Elles sont 
en général plus petites aux parties antérieures et plus grandes 
aux parties postérieures. Toutes ces plumes n’ont d’adhérence 
qu'avec la peau; leur tuyau n'y est enfoncé que peu profondé- 
ment, leurs barbes sont à peu près d'égale longueur des deux 
côtés; plus bas que les barbes, ou mieux, à l'origine de la plume, 
il y a un léger duvet. Ces plumes sont disposées, du sommet de 


284 NEUVIÈME LECON. 


, | 
la tête à la queue, de manière à se recouvrir en partie les unes 


les autres, à peu près comme des écailles. Cette disposition et leur: 
légère courbure permet à l'air de glisser sur elles pendant le vol. 

Les plumes qui couvrent l'aile depuis son attache au corps jus- 
qu’au pli qui correspond au poignet sont dites les couvertures 
des ailes. Les unes sont placées au-dessus de l'aile et les autres 
au-dessous. On distingue celles qui sont au-dessus en grandes, 
moyennes et petites. Les petites couvertures couvrent toute la 
parie supérieure et le ph de l'aile; les grandes, plus éloignées 
du corps, couvrent les pennes; enfin les moyennes couvertures 
méritent ce nom par leur volume et par leur position entre les 
grandes et les petites. 


ii 


ja AN PNUTRS 
hi 


IAA (1 


1) D 
LE 
l 


Fig. 300. — Aile de Rapace; voilier. 


Les plumes scapulaires se trouvent près de l’attache de l'aile 
avec le corps, à la partie qui correspond à l’omoplate. Elles sont 
beaucoup plus nombreuses et plus développées dans certames 
espèces que dans d’autres, et elles sont dirigées suivant la lon- 
gueur du corps, interposées de chaque côté, et flottantes entre 
l'aile et le dos, qu’elles couvrent en partie. Dans plusieurs espèces 
elles sont aussi longues et même plus longues que les ailes. Gette 


MODES DE LOCOMOTION. 285 


sorte de luxe, ou plutôt de nécessité, est assez ordinaire dans les 
espèces de la fanulle des Hérons, nous pourrions même dire dans 
l'ordre entier des gralles et des échassiers. Ce sont quelques-unes 
de ces plumes très-développées, à barbes fort longues, fines et 
désunies, qui se trouvent sur l’Aigrette et qui sont recherchées 
comme ornement. 

Les couvertures internes de l'aile la couvrent en dessous, de- 
puis son attache avec Le corps Jusqu'à son pli. Elles sont oblongues, 
douces au toucher, légèrement courbées d'avant en arrière et 
de dehors en dedans ; leurs barbes, peu serrées, sont plus courtes 
du côté mterne, leur tuyau est fort petit, et ces plumes sont géné- 
ralement molles; elles ne s'étendent guère au delà de l’origine 
des premières pennes de l'aile. 


Fig, 501. — Tachyphone xanthopyge. 


Au-dessous des couvertures de la partie inférieure, et à la jonc- 
tion de l’aile avec le corps, naissent des plumes presque toujours 
passées Imaperçues dans les descriptions et qui n’ont guère été 
observées que par Mauduyt, qui en à fait l’objet d’une savante 
dissertation; elles méritent cependant qu'on en parle. Il est 
vrai qu'elles ne sont pas également remarquables dans tous les . 


286 NEUVIÈME LECON. 


oiseaux, qu'elles manquent à un grand nombre, et que leur exi- 
guité dans beaucoup d'espèces à dû les faire négliger. Mais leur 
développement, leur usage méconnu ou ignoré dans certains 
oiseaux, dans ceux de proie en général, dans les oiseaux voya- 


geurs, dans ceux qui, sans changer de demeure, entreprennent 


de hauts et longs vols, sont des motifs bien fondés pour les 
étudier. 
Ces plumes, que nous nommerons auxiliaires, forment ce 


que Wilhugby appelait l'aile intérieure ; on les trouve sur les 


oiseaux qui volent très-haut et très-longtemps. Elles sont le plus 
ordinairement étroites et de forme allongée; roides et souvent 
lancéolées ; leur tuyau est gros et très-fort ; leur extrémité est 
plus ou moins arrondie ; leurs barbes sont de longueur égale des 
deux côtés de la tige, et très-serrées ; leur direction est d'avant 
en arrière, et elles sont sur une même ligne transversale; leur 
nombre, leur longueur, leur forme même, varient dans certains 
genres. Quand l'aile est phée, elles sont couchées contre le corps ; 
mais elles s’en écartent quand l'aile est étendue ; alors, si l'oi- 
seau vole vent debout, ces plumes, dont la direction est d'avant 
en arrière, ne font pas obstacle à l'air; mais, si l'oiseau vole vent 
arrière, l'air, rencontrant ces plumes, les pousse contre leur di- 
rection, les relève, les écarte, et elles constituent alors une véri- 
table voile, sur laquelle il porte son impulsion. Ce sont ces 
plumes qui, très-nombreuses et très-remarquables par leur dé- 


veloppement dans l’Oiseau de Paradis, forment de chaque côté le 
panache qui accompagne, qui masque et dépasse la queue ; ce: 


sont elles qui, exceptionnellement chargées des plus riches cou- 
leurs, forment comme une seconde aile auxiliaire de l'aile véri- 
table. : 
On désigne encore sous le nom de couvertures les plumes 
qui enveloppent la base de la queue, soit en dessus, soit en des- 
sous; celles du dessus sont en général longues, larges et arron- 


PT SO OT RS 2 | # p. 


MODES DE LOCOMOTION. A 
dies à leur extrémité, souples et douces au toucher. Parmi celles 
du dessous, les premières, qui entourent l'anus, sont encore plus 
molles et plus douces, et fourmissent les panaches appelés mara- 
bouts, du nom de la Cigogne qui en est ornée. Mais celles qui 


Fig. 502. — Veuve à colher d’or. 


sont plus en arrière et qui s'étendent davantage au delà de la 
queue sont plus fermes, plus longues et plus larges. Ce sont les” 
couvertures supérieures de la queue qui, dans l'oiseau connu sous 
le nom de Veuve, se prolongent excessivement, et forment cette 
fausse queue si longue et flottante qui entoure et qui cache la vé- 
ritable, Ce sont aussi les couvertures supérieures de la queue 
qui, se prolongeant et prenant une forme étroite chez le Coq, 


288 NEUVIÈME LEÇON. 


fournissent ces plumes ondoyantes qui accompagnent des deux 
côtés l’origine de la queue. Ce sont encore les mêmes plumes qui, 
prolongées excessivement chez le Paon, composent la riche pa- 
rure qu'il déploie. On prend généralement ces belles plumes 
pour la queue, qu’elles couvrent et qu'elles cachent. Chez cet 
oiseau, la queue est brune, courte, sert de soutien au pompeux 
ornement fourni par ses couvertures, et on ne l’aperçoit que 
lorsque ces couvertures sont relevées et étalées. 

Les plumes qui servent particulièrement au vol sont les pennes 
des ailes ou rémiges, et celles de la queue ou rectrices. On dis- 
tingue celles des ailes en grandes ou primaires, et en moyennes 
ou secondaires. Ces dernières naissent de la partie postérieure de 
l'aile, depuis son attache avec le corps jusqu'à son pli; elles sont 
ordmarement larges à proportion de leur longueur, et leur extré- 
mité est arrondie; leurs barbes sont beaucoup plus longues du 
côté du corps que du côté externe. Les grandes pennes des ailes 
ou rémiges primaires se trouvent depuis le ph de l’aile jusqu'à 
son extrémité. Elles sont grandes et résistantes ; leur tuyau est 
plus gros, leurs barbes, quoique assez longues, sont fortes, ont 
beaucoup de ressort, et sont très-intimement unies entre elles. 


Fig. 503 — Hirondelle de mer Pierre-Garin, d’après Gould. 


Ces plumes sont plus moins longues et larges, et différemment 


MODES DE LOCOMOTION. 289 


échancrées ou figurées dans divers genres d'oiseaux, sans que 
leurs dimensions soient en proportion de la grosseur du corps. 
Ainsi de très-petits oiseaux ont parfois les pennes des ailes plus 
longues ou aussi longues que des oiseaux dont le corps est d’une 
grosseur moyenne : les Mouettes, les Hirondelles de mer les plus 
petites, ont les pennes des ailes plus longues ou aussi longues 
que celles des Pigeons, dont le corps est beaucoup plus gros que 
le leur. 

La longueur, la forme des pennes, sont deux des conditions 1m- 
portantes du vol. En général, plus les pennes de l’aile sont 
longues, plus le vol peut être élevé, soutenu et rapide; mais cela 
ne suffit pas, 1l faut encore certaines conditions de forme qu'il 
est important de connaître, et qui présentent un grand nombre 
de nuances. En effet, la forme des pennes rend le vol ou supérieur 
ou inférieur, suivant que leurs barbes sont régulières et décrois- 
sent insensiblement de la base à la pointe de la plume, ou 
suivant qu'elles se raccourcissent tout à coup, le plus ordinaire- 
ment du côté du corps, et quelquefois des deux côtés, de 
manière à former de brusques échancrures. Dans le premier 
cas, l’aile présente les conditions les plus favorables pour le vol, 
parce qu'elle frappe l'air par une surface plus étendue, plus con- 
nue et non interrompue. Dans le second cas, plus il y a de 
pennes échancrées et plus les échancrures sont fortes, et moins le 
vol sera puissant. Les oiseaux qui s'élèvent très-haut, qui forcent 
le vent et se soutiennent en l'air longtemps, ont toutes les pennes 
entières ; ceux qui volent bas, qui ne sauraient forcer le vent, et 
dont le vol est court, ont les pennes plus ou moins échancrées ; 
ce résultat est facile à comprendre : lorsque l’aile s’abaisse pour 
frapper l'air, une partie de cet air passe par Les espaces vides que 
les échancrures laissent entre les pennes, et le point d'appui 
manque de solidité. C'est ce qui, dans les usages de l'ancienne 
fauconnerie, avait fait diviser les oiseaux, d’après la disposition 

tits 29 


290 NEUVIÈME LEÇON. 
de leurs pennes alaires, en oiseaux de haut ou de bas vol (fig. 1 


et 500). 


7 


Fig. 504. — Faucon cresserelle. 


On conçoit qu'il y ait des différences infinies dans le vol des 
divers genres et même des diverses familles. Ainsi, parmi les 
oiseaux de proie diurnes, cette forme et cette disposition ne se- 
ront pas les mêmes pour les vrais faucons, dont le vol à pour but 
la chasse dans le haut des airs, et qui s’alattent sur la terre avec 
leur proie, que pour les Aigles, qui, au contraire, poursuivent 
cette proie sur le sol ou au milieu des rochers, et qui, après s’en 
être emparés, l’enlèvent avec leurs serres. 

La puissance du vol est même favorisée dans certaines espèces 


MODES DE LOCOMOTION. 961 


par une disposition anatomique qui n’a pas encore fixé l’atten- 
tion : nous voulons parler du point d'appui que les rémiges se- 
condaires prennent jusque sur le cubitus, où leurs tuyaux laissent 
la trace de leur implantation, comme si cet os avait servi de ma- 
trice à leurs bulbes. 


K ant 

K NN 

N\ 
N \ 


Fig. 305. — Avant-bras de Pélican. 


Chez les gallinacés, la difficulté du vol ne vient pas seulement 
de la forme obtuse ou concave des ailes, mais bien plutôt de l’é- 
loignement du sternum, plus membraneux qu'osseux, de l’extré- 

 mité de la fourchette et des clavicules. Cette disposition recule en 
effet le centre de gravité du corps des pomts d’attache des mus- 
cles moteurs et extenseurs de l’aile. C’est pour mettre ces oiseaux 
à même de balancer ce déplacement désavantageux du centre de 
gravité qu'ils ont été pourvus d'ules dont la forme peut paraître 
incomplète comme instrument voilier, mais qui est ce qu'elle de- 
vait être pour les aider à supporter le poids de leuï corps : car, 
indépendamment de leur forme, l'allongement gradué de leurs 
pennes, à tiges solides, et dessinant presque le demi-cercle, et 
surtout leur concavité, conditions auxquelles 1! faut ajouter le 
rapprochement exact des pennes, leur superposition et l’engrène- 
ment de leurs barbules, viennent augmenter leur force de résis- 
tance et les aider à soutemr leur vol. 

Les pennes de la queue, ou rectrices, sont généralement plus 
longues et plus larges que celles des ailes; leurs barbes sont 
égales des deux côtés ; chaque penne va en s’élargissant de la base 
à l'extrémité, et se termine le plus souvent en un épanouissement 


299 NEUVIÈME LECON. 


plus ou moins arrondi, ou dont les angles sont émoussés. Ces 
plumes sont profondément implantées dans le eroupion et pénè- 
trent jusqu'au périoste, qui revêt le coccyx. Elles sont rangées sur 
un segment de cercle et peuvent à volonté s’écarter en éventail 
ou se rapprocher. Cette disposition permet à l'oiseau de présen- 
ter à l'air une plus grande surface, de devenir plus léger, de 
s'élever plus aisément ou de descendre plus facilement ; tandis 
que le mouvement de la queue, à droite ou à gauche, semblable 
à celui du gouvernail d’un navire, le dirige suivant son désir. 


Fig. 506. —. Platycerques à ventre jaune et flavéole. 


Presque tous les oiseaux dont le vol est élevé, long et rapide, 
et qui en volant retirent leurs pieds sous l'abdomen, ont les 
pennes de la queue disposées comme nous venons de le dire. 
Quelques-uns cependant, avec un vol aussi élevé et aussi soutenu, 


MODES DE LOCOMOTION. 295 


comme les Hérons et les Cigognes, ont la queue très-courte; mais 
leurs longues pattes qu'ils étendent en arrière en volant, et 


+ 


Fig. 507. — Grue cendrée, d’après Gould. 


qu'ils portent parallèlement au corps, suppléent à ce qui manque 
en longueur, comme gouvernail, aux pennes de leur queue, et 
de plus, chez ces oiseaux, les couvertures des ailes, ces plumes 
‘auxiliaires dont nous avons parlé, très-longues aussi, font par- 
fois l'office de voile en prenant le vent, et compensent l’exiguité 
de la queue, comme on peut le reconnaitre en observant le vol 
de tous les grands échassiers. $ | 

Les différences nombreuses que présente la queue des oiseaux 
ont fourni un caractère de plus aux classificateurs ; mais, lors- 

29. 


294 NEUVIÈME LECON 
qu'on parle de sa forme, c'est toujours en la considérant sur 
l'oiseau à l’état de repos. Ainsi on dit que la queue du Condor 
est carrée, parce que, les pennes étant rapprochées, leur extré- 
mité se trouve sur une même ligne droite; ce qui ne veut: pas 
dire que lorsque l'oiseau vole ou plane l'étalage de sa queue ne 
représente alors une portion de cercle. La queue arrondie est 
celle dont les rectrices médianes, légèrement plus longues que les 
latérales, représentent l'extrémité de la lame d'un couteau à pa- 
pier : telle est la queue du dindon. Lorsque la diminution dans 
la longueur des plumes 
latérales, au lieu d’être 
peu sensible, se fait assez 
rapidement pour que les 
rémiges ies plus externes 
soient de moitié ou même 
de deux tiers plus courtes 
que celles du milieu, la 
queue est ce qu'on nom- 
me étagée : celle de la Pie 
commune nous offre un 
exemple de cette forme; 
seulement la gradation n’y 
Fig. 308. — Synallaxe de Tupinier, est pas complétement ré- 
gulière, les deux rectrices 
médianes étant un peu plus longues que toutes les autres. Dans le 
cas où les rectrices diminuent de longueur non-seulement du 
milieu vers les bords, mais alors que chacune d’elles se rétrécit 
depuis la base jusqu'au sommet, il en résulte une queue aigué, 
comme celle des Aras et de beaucoup de Perruches. Une forme 
assez remarquable et qui tient un peu de celle que nous indi- 
quons chez les Pies nous est présentée par certains oiseaux de 
l'Amérique du Sud, les Momots : chez eux, les deux rectrices 


MODES DE LOCOMOTION. 295 


médianes, qui dépassent de beaucoup leurs voisines, sont privées 
de barbes dans presque toute cette portion, et ne les reprennent 
que vers l'extrémité. Certains Gobe-mouches de l'Inde, les Dron- 
gos, plusieurs Oiseaux-mouches, une Perruche de Mindanao, ap- 
pelée à cause de cela Perruche à palettes, sans parler de quelques 
Paradisiers et de plusieurs autres oiseaux, nous offrent cette dis- 
position encore imexplicable, mais dont la cause doit se trouver 
probablement dans les moyens de fabrication du nid. H n’est guère 
plus facile de se rendre compte de l'u- 
lité que peut avoir pour l'oiseau de 
mer des tropiques appelé Paille-en-queue 
ou Phaéton l'allongement excessif et la 
conformation des deux rectrices média- 
nes. Ces deux plumes, qui sont presque 
réduités à la tige, car elles ne présentent 
de chaque côté que des rudiments de 
barbes très-courtes, atteignent presque 
soixante-six centimètres de longueur, 
tandis que toutes les autres n’ont que A. 
quelques centimètres. Chez PArgus, les Spathure roux botté. 
deux rectrices moyennes, longues de près 

de cent trente-trois centimètres, sont aussi très-disproportionnées 
par rapport aux autres; mais, au lieu d'être grêles comme celles 
de l’oiseau des tropiques, elles sont larges. Lorsque l’Argus re- 
lève la queue et l’étale, toutes les rectrices sont sur le même plan; 
mais, àu repos, les pennes retombent à droite et à gauche en 
forme de toit, et c’est ainsi que la portent presque tous les Faï- 
sans. Enfin, on nomme queue fourchue celle dont les rectrices 
latérales sont beaucoup plus longues que les médianes; cette dis- 
position se remarque chez les oiseaux dont le vol est le plus sou- 
tenu, le plus rapide et le plus aisé. Ainsi on en trouve des exem- 
ples chez les Hirondelles, les Engoulevents les plus agiles; chez 


# 


290. NEUVIÈME LECON. | 
les Sternes ou Hirondelles de mer, chez les Frégates, chez les 
Milans, et particulièrement chez ceux qui passent la plus grande 
partie de leur vie dans les airs, 
comme le Milan de la Caroline. 
Cette disposition gracieuse de la 
queue n'est cependant pas une 
conséquence rigoureuse de l’exis- 
tence aérienne, car quelques es- 
pèces d'Hirondelles, même parmi 
S celles qui volent le mieux, les Pé- 
Fig. 510. — Typhaëne de Dupont.  trels, les Albatros et beaucoup 
d’autres oiseaux grands voiliers, 
ont une queue de forme bien opposée à celle dont nous parlons. 
Nous verrons aussi que la queue chez certains oiseaux remplit 
les fonctions d'un véritable balancier ou sert d'appui. 

On distingue, dans l'organe mécanique du vol, l'aile propre- 
ment dite et la fausse aile, ou aile bâtarde. Gette dernière con- 
siste en un appendice situé au-dessous du pli, à peu près à l’ori- 
gine et au bord externe de la première rémige, ordinairement la 
plus courte. Cet appendice, ou aile bäâtarde, est formé imté- 
rieurement par cet os oblong, étroit, externe, qui, dans le 
squelette de l'aile, représente, comme on peut se le rappeler, 
une sorte de doigt ; l'aile bâtarde est composée de quatre à cmq 
plumes roides, taillées en lame un peu courbée du côté interne et 
dont les barbes externes sont fort courtes et les internes plus 
longues. Ces plumes, par leur structure, par leur roïdeur, ont 
beaucoup de rapport avec les pennes, mais elles sont beaucoup 
plus petites. C'est cette partie que les oiseleurs nomment le fouet 
de l'aile. Mais ils comprennent souvent aussi sous ce nom toute 
la partie qui correspond au poignet et qu'ils amputent pour em- 
pêcher les oiseaux de voler au loin. Cette opération, sans danger 
pour la santé, les rend à tout jamais impropres au long vol et ne 


MODES DE LOCOMOTION. : 997 


laisse aucune trace bien apparente; le vol alors ne consiste plus 
qu'en des sauts courts, pesants, sans possibilité de s'élever. L’aile 
ne présente à l'air, en s’élevant, qu'un bord mince et tranchant, 
et, en s'abaissant, elle Le frappe de toute l'étendue de sa surface. 
C'est une rame, qui comme le dit ingémieusement Mauduyt, est 
très-longue, très-légère, et cependant très-forte. En s’abaissant, 
suivant les angles qu'elle forme et suivant les temps de son 
mouvement, elle frappe l'air de haut en bas et d’avant.en 
arrière, et, par cette double action, elle soulève ou soutient le 
corps et le porte en avant. Mais, lorsque, content de la hauteur à 
laquelle il est parvenu, l’oiseau ne veut que s’avancer horizonta- 
lement, il porte en avant et obliquement la partie de l'aile qui 
forme la rame, sans beaucoup l’élever, et la ramène en arrière 
en la baissant. S'il veut se soutenir à la même hauteur et planer, 
il ralentit et adoucit ses mouvements, dont les uns lui font rega- 
gner ce qu'il perd en hauteur par son poids dans un temps 
donné, et les autres le poussent lentement au-dessus du lieu sur 
lequel il plane. L'oiseau dont l'aile est composée de pennes non 
échancrées à un grand avantage sur celui dont la même partie se 
compose de pennes échancrées qui laissent entre elles des vide 
plus ou moins larges. Le premier frappe l'air par une surface 
continue et plus étendue, c’est l'oiseau de haut vol ou le ra- 
meur; tels sont, par exemple, tous les Faucons. Le second perd 
une partie de ses efforts, puisque l'air qu'il frappe passe entre 
les extrémités des pennes; aussi ne peut-il s'élever qu'à une hau- 
teur moyenne; c’est l'oiseau de bas vol, synonyme du nom de 
voilier, applicable à tous les Autours et à tous les Éperviers. 
La même distinction peut s'appliquer à tous les autres oiseaux, 
surtout à ceux qui entreprennent de longs voyages. 

Lorsque l'oiseau plane et dessine des spirales gracieuses, l'aile 
placée extérieurement au cercle décrit manœuvre seule et pres- 
que imperceptiblement pour régler le mouvement rotatoire au- 


298 .. NEUVIÈME LECON. 
quel concourt. aussi la queue par la forme et la direction qu'elle 
prend. 

Ainsi, quoique les ailes soient les parties essentielles pour le 
vol, la queue, malgré ce qu'en à pu dire Borel, y contribue 
aussi beaucoup ; elle sert à élever le corps, à régler la direction 
du vol, à modérer ou à précipiter la descente de l'oiseau. Lors- 
qu'il quitte le sol ou la branche sur lesquels il reposait, l'oiseau 
étale les pennes de sa queue, qui devient un auxiliaire du vol, soit 
en formant une voile horizontale mobile dans tous les sens, soit 
en augmentant la surface du corps et par conséquent sa légèreté. 
Les angles plus ou moms exprimés qu'elle peut former avec le 
corps favorisent les divers mouvements à exécuter et servent 
surtout à les diriger. L'oiseau veut-il descendre des airs sur le 
sol, 11 ramasse ses ailes, resserre les pennes de sa queue, plie en 
quelque sorte toutes ses voiles et laisse agir le poids de son corps, 
qui accélère cette chute d’après les lois connues. La descente 
doit-elle être lente, une légère différence dans le reploiement des 
ailes et de la queue suffit pour la modérer. Les pennes de la 
queue restent néanmoins un peu écartées les unes des autres, jus- 
qu'au moment où les pieds vont rencontrer le sol, parce qu’elle 
détermine la position du corps, dont les parties antérieures sont 
dirigées en bas; mais, dès que le corps va toucher le but, la queue 
se resserre tout à coup et s'incline de façon à permettre au corps 
de reprendre son équilibre et la position horizontale. 

Disons pour nous résumer que le vol s'exécute presque sans 
efforts, en partie à voile et en partie à rame, et qu'il est réglé par 
les divers mouvements de la queue. Les oiseaux qui ont des 
rames puissantes affrontent le vent et s’élèvent autant qu'il leur 
plait; ils sont les souverains de l’ar. Ceux qui n'ont que des 
rames échancrées luttent mal contre le vent et tirent plus parti 
que les premiers des moyens accessoires, qui sont loin de compen- 
ser la perfection de l’aile. 


MODES DE LOCOMOTION. 299 


Le vol ordinaire fatigue peu l'oiseau, et c’est souvent du haut 
des airs qu'il fait entendre des cris continus de satisfaction ou 
de rappel. 
= Organisés généralement pour passer d'un lieu à un autre 
en traversant l'air plutôt que pour vivre sur le sol, les oiseaux 
marchent moins la plupart du temps qu'ils ne volent, et souvent 
semblent marcher sans grâce, parce qu'ils paraissent le faire avec 
difficulté. 

Le corps des oiseaux, ayant sa moitié supérieure beaucoup plus 
pesante que l'inférieure, a une situation oblique. Cette position 
fait tomber le centre de gravité du corps sur sa base naturelle, 
mais la marche est loin d’être facile chez beaucoup d’entre eux, 
surtout chez ceux dont les ailes sont très-allongées. 


Fig. 511. — Alélornis squamigère, 


La disposition des orteils élargit considérablement leurs pieds 
sans nuire à la légèreté ; le doigt postérieur, souvent très-long, 


500 NEUVIÈME LECÇON. 
représente un calcanéum très-favorable à la station. Ainsi l’A- 
louette, qui marche avec plus de facilité que beaucoup d’autres 


Fig. 512. — Dryocope à bec d'ivoire. 


oiseaux, à un doigt postérieur dont [a dimension est encore aug- 
mentée par un ongle très-long, et la queue, souvent fort longue, 
remplit dans certaines espèces le rôle d’un balancier. Les Berge- 
ronnettes et les Lavandières, que l’on désigne sous le nom de 
Hoche-queues, marchent ou courent à pas lents ou pressés, mais 
toujours faciles, pendant qu’elles remuent continuellement la 
queue de haut en bas. Les mouvements alternatifs de ce balan- 
cer, continuellement répétés, redressent à chaque instant le 
corps près de fléchir en avant sur ses appuis; et l'habitude de 
leur jeu donne à tous les mouvements du corps une précision sin- 
gulière. Mais ce balancier même ne suffit pas pour fixer le Tra- 
quet, qui ne cesse d'agiter ses ailes et sa queue Mn le temps 
toujours court où 1l dau posé. 

IL est aisé de reconnaître l’insuffisance de ces moyens pour 
assurer la station des oiseaux dès qu'ils veulent faire quelque 


MODES DE LOCOMOTION. 301 


effort en marchant. Mais un fait remarquable de la station de ces 
animaux, c’est qu'ils peuvent se soutenir sans fatigue et même 


Fig. 515. — Jacana à nuque blanche. 


dornur sur les branches qu'ils embrassent avec le doigt; nous 
avons déjà dit à ce sujet que les muscles fléchisseurs des pattes et 
des doigts sont plus forts que les extenseurs leurs antagonistes. 
Cette supériorité des fléchisseurs subsiste et doit être même en- 
core plus forte pendant le sommeil. On sait que la mort même 
de l'oiseau surpris dans cet état d'inégale distribution des forces 
ne fut pas toujours cesser l’action des fléchisseurs, qui, par leur 
Je 26 


302 NEUVIÈME LEÇON. 
contraction naturelle, retiennent la victime à la branche qui la 
supportait vivante. On sait aussi que les oiseaux dorment la tête 
placée sous une des ailes : ce qui est indispensable pour que le 
centre de gravité tombe sur l'intervalle des pieds qui supportent 
le corps. | 
Divers oiseaux, en marchant, abaissent à chaque pas la tête et 
le cou et les étendent en avant. Cette manœuvre est nécessaire à 
l'équilibre du corps, qui reste soutenu sur une jambe, pendant 
que l’autre jambe s’avance, se fixe et se redresse pour le soute- 
nir à son tour. La projection qui précède chaque pas de ces oi- 
seaux est naturellement plus sensible lorsque le sol est en pente, 
puisque dans ce cas l'équilibre est plus difficile à obtenir. I y à 
des oiseaux dont le corps est naturellement si porté en avant, dans 
la station, qu'il s'abattrait à chaque pas dans le mouvement 
alternatif des jambes. Tels sont les Moineaux, les Merles, les 
Pies, etc. Ges oiseaux doivent donc mouvoir les deux Jambes à la 
fois ; aussi ne marchent-ils réellement pas et s’avancent-ils sur le 
sol par de petits sauts bas et répétés. Mais, dans le mode de pro- 
gression du plus grand nombre des oiseaux, les jambes ont un 
mouvement alternatif. Elles se meuvent comme des échasses chez 
ceux qui sont haut montés, tels que les Grues, les Gigognes, dont 
la marche grave et mesurée ne manque pas d'aisance; on à pu 
remarquer que ces oiseaux se soutiennent fréquemment sur une 
seule jambe et qu'ils dorment le plus souvent dans cette position. 
Chez les oiseaux qui ont le corps gros et pesant, comme l'Oie 
et le Canard, qui marchent lentement, chaque pas est accompa- 
gné d’une vacillation latérale du corps sur la jambe qui doit le 
soutenir. Chez les oiseaux lourds encore, mais dont la marche est 
assez rapide pour que le corps ne pose pas longtemps sur la jambe 
fixe, les poules par exemple, il y a une allure toute particulière 
qui porte le COrps alternativement à droite et à gauche, de façon à 
fire croire qu’à chaque pas elles vont changer de direction. La 


MODES DE LOCOMOTION. 303 : 


marche du Casoar et de l’Autruche a aussi un cachet tout parti- 
cubier : il y a un mélange peu gracieux du pas et du saut, ce qui 
ne les empêche pas d'avancer plus vite que le meilleur coursier. 


Fig. 314. — Pénélope noire. 


Les oiseaux dont la cuisse est articulée en arrière du centre de 
gravité, comme les Canards, ont généralement les jambes fort 
courtes; leur corps est horizontalement porté à sa partie antérieure, 
si lourde, qu'elle semble les entrainer malgré eux. Ils avancent 
peu, même en se hâtant, et perdent l’'équihbre devant le moindre 
obstacle. IL est évident qu'ils ne sont pas organisés pour marcher. 
Ces conditions sont même encore exagérées chez les Grèbes, les 
Plongeons, les Pmgouins, les Manchots, etc., dont les membres 
fort courts sont articulés à l’extrémité postérieure du corps. Mais, 


304 NEUVIÈME LECON. 

en compensation, ces oiseaux sont d'excellents nageurs. La terre 
est l'élément qu'ils habitent le moins, tandis que l’eau est celui 
sur lequel 1ls passent la plus grande partie de leur vie. Leurs 
pieds, par leur forme particulière et par leur position, sont de vé- 
ritables rames. Les Pétrels, avec la même conformation des extré- 
mités, courent légèrement à la surface des mers les plus agitées, 
en frappant précipitamment les flots du plat de leurs pieds pal- 
més, tandis qu'une partie de leur corps est soutenue sur l’eau par 
le mouvement de leurs ailes. 

Les oiseaux dont la cuisse n’est articulée que peu au delà du 
centre de gravité jettent leurs pieds de côté en nageant, tandis 
que ceux qui ont la cuisse placée tout à fait à l'extrémité du corps 
les jettent droit en arrière : les uns et les autres plongent plus ou 
moins facilement; les derniers cependant sont et meilleurs na- 
geurs et surtout excellents plongeurs. Le poids de leur corps, 


Fig. 315. — Plongeon Lumme, d’après Gould. 


rendu plus léger par une couche de duvet et une couche de plu- 
mes épaisses, ne suffirait pas pour leur permettre d’enfoncer dans 


MODES DE LOCOMOTION. 305 
l’eau : ils y arrivent cependant en plongeant perpendiculaire- 
ment la tête et le cou, qui entraînent le corps dans un mouve- 
ment de bascule aidé par quelques coups de leurs pieds palmés. 
Le premier temps de ce mouvement est celui qui exige le plus 
d'efforts ; le second, qui les engage sous l’eau, est plus simple. 
C'est ainsi que procède le Canard plongeur (Anas mersa de 
Pallas), qui ne peut marcher, et qui, en nageant, a la région 
postérieure du corps beaucoup plus enfoncée dans l’eau que 
l’antérieure, aussi plonge-t1l avec une grande facilité. Nous 
_mentionnerons seulement 1c1 les Manchots et les Gorfous, qui ont 
une organisation tout exceptionnelle parmi les oiseaux, car leurs 
ailes, impropres au vol, sont transformées en rames. : + 


26 


Fig. 316. — Canard sauvage commun. 


DIXIÈME LEÇON 


Distribution géographique. 


L'époque à laquelle les oiseaux ont paru sur le globe est très- 
ancienne. La création de ces animaux a dû être successive et non 
simultanée, et les espèces aquatiques ont précédé les espèces ter- 
_restres. L'ordre probable suivi par la nature est suffisamment 
indiqué par la structure, les aptitudes, les mœurs et le régime 
des groupes assez nombreux et assez variés de la elasse. Les Man- 
chots ont sans doute paru les premiers, et à leur suite les autres 
oiseaux nageurs; puis sont venus les échassiers, les oiseaux de 
rivage et de marais. Dès qu'une partie de la surface du globe à 
été mise à nu et desséchée, ont apparu les oiseaux coureurs ; 
après eux les gallinacés et les colombidés, ce type intermédiaure 
entre les gallinacés et les passereaux, qui ont dû les suivre, ainsi 
que les grimpeurs ; mais leur existence n’a pu être assurée qu’a- 
près le développement des arbres; enfin les oiseaux de proie ont, 
selon toute probabilité, couronné l’œuvre. Les restes fossiles des 
oiseaux pourraient seuls nous Indiquer l’ordre chronologique que 


308 DIXIÈME LECON. 


nous cherchons à établir; mais, beaucoup moins nombreux que 
ceux des autres animaux, les débris fossiles des oiseaux ne se 
prêtent pas à une détermination facile. En effet, l'absence de 
dents, le peu d'épaisseur des os, les parties cornées du bec et des 
doigts, ainsi que les plumes qui se décomposent en peu de temps, 
laissent l'étude paléontologique des oiseaux dans une grande in- 
certitude. Cependant les os de ces animaux sont bien distincts 
et ne peuvent être confondus avec ceux des animaux des autres 
classes. | 

Les oiseaux aquatiques ont été, disons-nous, créés les pre- 
miers, alors que la terre était encore couverte d’eau, et leurs os 
fossilisés devraient être assez répandus ; 1l n’en est cependant pas 
ainsi : leur organisation leur a donné le moyen d'éviter les inon- 
dations qui ont détruit et submergé tant d'animaux privés de la 
faculté de fuir le danger en s’élevant dans les airs pour se por- 
ter sur les points qui pouvaient leur offrir quelque sécurité, 
quelque refuge au milieu des cataclysmes des premiers temps du 
monde. La nature même de cette organisation, comme le fait 
observer M. Pictet, peut avoir été une cause le plus souvent suffi- 
sante pour empêcher leur enfouissement, car leur pesanteur spé- 
cifique, moindre que celle de l'eau, a dû les faire surnager, et 1ls 
ont pu devenir plus facilement la proie des poissons et des rep- 
tiles, moins exposés qu'eux aux effets des mondations. 

Les premières traces fossiles laissées par les oiseaux sont des em- 
preintes de pas observées dans les terrains anciens, sur le grès rouge 
de la vallée du Connecticut. Ces empreintes, considérées comme re 
présentant le moule des pattes d’échassiers et quelques-unes seu- 
lement comme faites par des pattes de palmipèdes, feraient con- 
clure que la première apparition des oiseaux sur le globe remonte 
à l’époque triasique. Il se présente néanmoins une difficulté qui 
éveillé des doutes sur l'existence des oiseaux à une époque aussi 
reculée : c’est qu'ils ont dû vraisemblablement: être plus nom- 


DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 309 


breux à l'époque suivante, et qu'on n’en trouve aucune trace dans 
les terrains jurassiques. Mais, dit M. Pictet, quelle que soit l’opi- 
nion que l’on se forme sur le moment de la première apparition 
des oiseaux, leur existence à l’époque crétacée est incontestable- 
ment démontrée par des ossements qui ne peuvent laisser aucune 
incertitude, et il n’est plus permis de douter que les oiseaux 
n'aient déjà vécu pendant l'époque secondare, et qu'ils n'aient 
par conséquent été contemporains des grands reptiles et des Am- 
monites. Cuvier a décrit plusieurs espèces fossiles de l'époque 
tertiaire, et d’autres savants en ont trouvé sur presque tous les 
continents. L'époque diluvienne est la plus riche de toutes, et 
quelques découvertes importantes ont été faites à la Nouvelle- 
Zélande, qui fournit des espèces fossiles voisines des Autruches, 
_des Casoars et des Aptérix. Ces oiseaux ont été décrits par Owen, 
sous les noms de Dmornis, de Notornis et de Palapteryx, et ce 
célèbre paléontologiste anglais compte plusieurs espèces de cha- 
cun de ces types. Plus récemment, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire 
a donné la description d'œufs fossiles de trente-deux centimè- 
tres de longueur et d’une capacité de près de neuf litres, appar- 
tenant à un oiseau gigantesque de Madagascar, l'Épyornis, dont 
la race est éteinte probablement depuis peu. 

D’après les recherches d’un grand nombre de paléontologistes, 
tous les ordres et même quelques grandes familles établies aujour- 
d'hui sur les espèces vivantes, ont des représentants fossiles dans 
les dépôts diluviens anciens et modernes de tous les pays. Ges 
quelques mots sur les espèces fossiles parmi les oiseaux suffisent 
pour donner l’idée des connaissances sur ce sujet, et nous condui- 
sent naturellement à parler de la dispersion des oiseaux à la sur- 
face du globe et de leur distribution géographique. 

Le type zoologique est, on le sait, représenté dans toutes les par- 
ties du globe ; pas une n’en a été déshéritée, et ne pouvait l'être, 
puisque c’est une des conditions de l'équilibre et de l'harmonie 


310 | DIXIÈME LEÇON. 


qui ont présidé aux lois de la création. Mais ce type a subi, moins 
en raison de ces contrées par elles-mêmes qu'en raison de leurs 


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Fig. 517. — Indopic sphilolophe. 


conditions de climature et de latitude, des modifications sensibles, 
quand 1l n’est pas resté spécial à la contrée qui le produit. Il en 


me 


si DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 911 
a élé ainsi de la classe des oiseaux; et c’est à leur égard que la 
question de la distribution géographique à la surface du globe 
prend un intérêt tout particulier. 

On conçoit en effet qu’organisés essentiellement, ou accessoire- 
ment selon les ordres auxquels ils appartiennent, pour Ja locomo- 
tion aérienne, la limite d'habitat des divers genres ou espèces 
soit plus difficile à établir et à fixer. Car tout ne se borne pas pour 
eux uniquement à des lignes ou zones isothermes: 11 faut temr 
compte, indépendamment des climats et des latitudes, des éten- 
dues d’eau qui séparent les contiments, et aussi des montagnes 
qui les coupent et les divisent. 


Fig. 518, — Canard Eider, variété. 


Disons d’abord qu'en général les animaux qui n’ont aucun 
moyen de quitter le sol sont fatalement soumis à des limites 260- 
graphiques, mais que ceux que nul obstacle n’arrète y sont peut- 
être plus soumis encore. Ainsi les oiseaux les plus aptes au vol el 
les plus habiles nageurs se trouvent exclusivement confinés aux 
pôles; et, si nous recherchons les types spécialement propres 
soit à chacun des grands continents, soit à chacun des espaces 


Es 


312. DIXIÈME LEGON. 


que l’on est convenu d'appeler les centres decréation, voici ce 
que nous voyons. 


Fig. 319. — Geai. 


L'Europe n'a aucun oiseau qui lui soit exclusivement particu- 
e D e « ® L L L , L2 L2 
ler, ce qui tient probablement à sa position intermédiaire entre 


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rat 


Fig. 520, — Pie. 


la partie boréale de l'Asie et celle de l'Amérique, avec lesquelles 
elle est en communication presque continue. - 


DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 515 

I n’en est plus ainsi des autres continents : en Asie, apparais- 
‘sent les Paons, les Faisans et les Lophophores, les plus riches et 
les plus brillants des gallinacés ; en Afrique, de curieux types 
uniques, parmi les oiseaux de proie, le Messager ou Serpentaire ; 


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hophore resplendissant. 


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les Musophages parmi les zygodactyles ; et, parmi les gralles, 
l’Ombrette et le Balæmiceps. L'Amérique, ce continent multiple 
qui embrasse presque la moitié de la terre, est celui qui renferme 
le plus grand nombre de types : amsi, le Condor et le Vautour- 
Papa ; le Stéatornis-Guacharo; la riche famille des Oiseaux-mou- 
ches, dont on connait aujourd’hui près de quatre cents espèces: 
celles des Rupicoles et des Manakins, celles des Toucans et des 
Anis; celles des Motmots et des Jacamars ; celle plus modeste et 
Te 2 


514 DIXIÈME LECON. 

si curieuse des Picucules; la belle famille des Tangaras ; celle 
des Géospizes; les Gymnocéphales et les Céphaloptères, ces cor- 
beaux si remarquables par leur plumage. Parmi les gallinacés, 
les Tinamous, représentants des Outardes de l’ancien continent ; 
parmi les gralles, enfin, le Cariama, représentant du Messager 
africain; les Kamichis et les Chionis, ces derniers moitié rive- 
rains et moitié aquatiques. | 

Dans l'ile de Madagascar, ce centre de création malheureuse- 
ment encore si peu connu, mais qui commence à nous ouvrir ses 
ports, on trouve le Vouroudriou, les Philépittes, la Falculie, le 
Brachyptérolle, ete. 

Il est remarquable, en effet, que cette ile immense, placée 
entre Maurice et l'Afrique australe, et peu éloignée de ce vaste 
continent, ait une faune toute différente. Presque tous ceux de 
ses oIsCaux qui, pourvus d'ailes courtes où même médiocres, 
n'ont pu se répandre à de grandes distances, ne se retrouvent sur 
aucune autre terre ; et si, comme l'a dit Isidore Geoffroy Sant- 
Hilaire, lou avait à classer l'ile de Madagascar d'après ses pro- 
ductions ornithologiques, et sans tenir compte de son étendue el 
de sa situation géographique, on devrait ne voir en elle, ni une 
Je asiatique, ni une île africaine, mais bien une terre isolée et 
presque un autre continent, qui diffère comme faune, beaucoup 
plus de l'Afrique, dont il est voisin, que de l'Inde, dont il est sé- 
paré par une distance considérable. 

En Océanie, ou plutôt en Papouasie, se trouvent Les imcompa- 
rables Paradisiers ; et à la Nouvelle-Galédome les types curieux 
et uniques du Goliath, parmi les colombidés, et, parmi les 
échassiers, du Rhynochésos, que nous avons fait connaitre avec 
J. Verreaux, et pour lequel nous avons dû établir un genre. La 
Nouvelle-Calédonie mérite mème une attention particuhère ; elle 
est aussi remarquable, comme centre de création dans ses petites 
proportions, si on la compare à Madagascar, que l’est celle-ci re- 


DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 315 


lativement aux autres parties du monde. Ainsi, à l'époque où nous 
abordions l’étude de ses productions, nous nous sommes demandé 
si elle n'aurait pas, par sa faune, un caractère presque exelusif, 


Fig. 522. — Carpophage Gohath. 


comme cela a lieu pour les autres centres de création que nous 
venons de citer ; eu si elle n'aurait pas des points de contact sai- 
sissables avec d’autres centres, tels que la Nouvelle-Hollande, 
l'archipel de la Sonde ou l'archipel Polynésien. 

Les nombreuses espèces d'oiseaux dont nous devons la connais- 
sance et la communication aux voyages de MM. Aubry-Lecomte et 
Deplanche n'ont pas tardé à nous édifier sur ce pot. Il résulte 
en effet jusqu’à présent de nos études sur cette nouvelle colonie 
française que sur quatre-vingt-deux espèces d'oiseaux, qui en ont 


316 | | DIXIÈME LECON. 

été rapportées et qui ont passé sous nos yeux, quarante-six sont 
exclusivement propres à cette île ; dix-neuf lui sont communes 
avec la Nouvelle-Hoilande, dont une avec la.terre de Van-Diémen ; 
et seize seulement se retrouvent dans la Polynésie proprement 
dite, en y comprenant la Nouvelle-Guinée. 

. conclusion à tirer de cette comparaison, c'est que la faune 
ornithologique de la Nouvelle-Calédonie est join de se comporter, 
ainsi qu'on aurait pu le supposer, comme sa flore, et qu'au lieu 
de se rapprocher, comme celle-ci, beaucoup plus de l'Australie 
orientale et tropicale que des archipels océaniens, elle se tient à 
une distance presque égale de l’une et des es et offre un 
caractère et une bone ie qui lui sont propres et que confir- 
meront sans doute les découvertes ormthologiques à faire encore 
dans ce centre nouveau, si restreint et si singulier de création, 
passé Jusqu'à présent inaperçu. 

Enfin, à la Nouvelle-Hollande, en y comprenant la Tasmanie, 
on rencontre les types si rares du Philesturne, du Glaucope, 
du Néomorphe, du Strigops, du Scythrops, du Ménure ou Lyre, 
du Néothornis, cet” oiseau qu'on ne connut d’abord qu'à l’état 
fossile et qu'on découvrit ensuite à l’état vivant; et, parmi les 
anomaux, les Aptéryx, ces géants des Gralles vermivores. 

IL est curieux de voir, d’après cet aperçu, qu'en comparant 
l'importance et l'étendue des continents, ce soit le plus petit, 
et le plus vierge encore, Madagascar, qui fournisse le plus 
orand nombre relatif de types spéciaux, c’est-à-dire sans ana- 
logie avec aucun autre. | 

Maintenant, si nous examinons la répartition des diverses 
familles ou divers genres communs à plusieurs continents, nous 
remarquerons qu'une des familles les plus nettement tranchées 
de toute la classe des oiseaux, celle que caractérisent le mieux 
des formes spéciales et des attributs propres, est celle des Perro- 
quets, très-riche en genres, plus riehe encore en espèces variées 


d Es 
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: DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 5AT 


de toute taille et de toutes couleurs. Cette famille, dont les es- 
pèces se comptent par centaines, habite également l'Asie, l'Océa- 
nie, l'Afrique, l'Amérique, et la Nouvelle-Hollande : L'Europe 
seule en est privée. Les oiseaux de proie diurnes, nocturnes et 
crépusculaires, se retrouvent partout et à toutes les latitudes. Ilen 


Fig. 525. — Perruche mélanure. 


est de même des Engoulevents, cependant avec des modifications 
diverses, dont la plus importante est celle qui constitue les mon- 
21. 


318 DIXIÈME LECON. 


o 


strueux Podarges propres à la Papouasie et à l'Australie. L’Eu- 
rope cependant n’en possède que deux espèces. Le type des Hiron- 


delles est partout uniforme. Parnu les zygodactyles, les Coucous 
diversement caractérisés existent également partout en grand 
nombre, excepté en Europe, où l’on n'en compte que deux es- 
_pèces. Mais les Coucales ne se rencontrent que dans la Malaisie et 
l'Afrique. La nombreuse famille des Pics à aussi des représen- 
tants dans toutes les parties du monde, à l'exception de l'Austra- 
lie. Les Barbus se trouvent en Asie, en Afrique et en Amérique. 
Les Couroucous, découverts d'abord dans les régions chaudes 
de l'Amérique, ont été retrouvés ensuite dans les îles de la Sonde 
et à l'extrémité australe de l'Afrique, jusqu'au cap de Bonne- 


L2 


DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 319 


Espérance. Les Calaos, ces oiseaux au bec monstrueux; sont res- 
treints à l’Asie, aux îles de la Sonde et à l’Afrique. Les Guêpiers 
sont exclusivement de l’ancien continent, surtout de l'Afrique et 
de l’Asie; l'Europe n'en comptant que deux espèces. Les Martins- 
pêcheurs, qui constituent une famulle naturelle composée de 
groupes distincts, ont envoyé des colonies sur les bords de toutes 
les eaux douces du monde, dans les zones chaudes et tempérées; 
et cependant une seule espèce les représente en Europe. Les 
Soui-Mangas, représentants. de fort loin, puisque leur type est 
umforme, des Oiseaux-Mouches d'Amérique, sont communs à 
l'Asie et à l'Afrique. Les Corbeaux, les Pies et les Geais sont ré- 
partis partout. Les Rolliers sont les mêmes en Europe, où une 
seule espèce les repré-ente, en Asie et en Afrique. Les Langrayens 
ou Ocyptères, sorte de Pies-grièches qui rappellent la forme des 
Hirondelles, et qui vivent d'insectes sur les côtes boisées des terres 


Fig. 525. — Chloropic minium. 


situées sous l'équateur, n'ont encore été rencontrés qu'en Asie, 
en Océanie et en Australie. Les Brèves, si éclatants de couleurs, 


520 DIXIÈME LECON. ; 


appartiennent en commun à l'Asie, aux îles de la Sonde et à 
l'Afrique. [l en est de même des Marüns, dont un représentant 


Fig. 526. — Colombe à couronne pourprée. 


cependant se trouve en Europe. De même que les Alouettes, les 
Fauvettes sont de toutes les contrées. Il en est amsi des Gros- 
Becs, ainsi des Pigeons, dont les plus riches de plumage n'existent 
cependant que dans toute l'Océanie. 

Les Mégapodes, ce type si curieux par ses mœurs, sont dela 
Malaisie et de l'Australie. Les Autruches sont communes à 
l'Afrique et à l'Amérique seulement. Les Casoars sont partagés 
entre l'Asie, dans les îles de la Sonde, et l'Australie. Les Gallina- 
cés sont de toutes les régions, excepté les Tétras, qui n’ont aucuns 
représentants en Australie. Parmi les échassiers, les Outardes 
sont de l’ancien continent, et communes à l'Europe, quin'en à 
que deux types, à l'Afrique, qu en offre le plus grand nombre, 


DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 921 


et à l'Asie. Mais les Hérons, les Vanneaux, les Pluviers, se retrou- 
vent en Amérique et eu Australie. 


Fig. 527. — Mégapode de Cuminc. 


Les oiseaux d’eau ou palmipèdes, sauf quelques espèces ex- 
clusivement propres à chacun des continents, sont cosmopo- 
lites. 

S'1l est remarquable, d'après ce qui précède, que l'Europe n'ait 
aucun type ormthologique qui lui soit réellement propre, il est 
aussi facile de se rendre compte et de cette pauvreté et de l’ab- 
sence de tout plumage brillant dans cette partie de l’ancien 
monde. On ne peut nier que la puissance de la chaleur, tout au- 
tant et beaucoup plus encore que celle de la lumière, ne Joue, 
ainsi que nous l’avons déjà dit, le principal rôle pour le développe- 
ment des couleurs éclatantes. Il suffit de reconnaitre la situation de 


322 DIXIÈME LECON. 

l'Europe en latitude pour s'expliquer cette absence. Ainsi ce con- 
tinent, dans ses points ou sullies extrêmes, au sud, descend à 
peine vers le 35° degré de latitude au-dessus du tropique du Can- 
cer, où dans l'intervalle occupé par la partie septentrionale de 
l'Afrique, entre ce tropique et le point extrême de l'Europe; 
les formes spécifiques restent les mêmes pour l’une comme pour 
l’autre de ces deux parties du monde. Ge n'est done qu’à 
compter de ce tropique que commence le changement de 
formes et de couleurs, si général dans tout le globe, en Afrique, 
aux Indes, ou en Asie, en Amérique, pour se concentrer partout 
entre ce tropique et celui du Capricorne. L’écliptique même ne 
change rien à cet état de choses; car il traverse obliquement 
toute cette région sans en sortir. On est donc fondé à soutenir, 


Fig. 528. — Toucan à gorge jaune, d'après Gould. 


et la proposition est incontestable, que c’est à l'action de la cha- 
leur vivifiante et concentrée sur tout le parcours de la ligne équa- 


DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 923 
toriale qu'est due cette exubérance et cette riche profusion de la 
nature dans tous les règnes. 


Fig. 529. — Oiseau-mouche Sapho. 


Üne autre considération vient encore à l'appui de ce que nous 
avançons 1c1. L'observation, comme les chiffres, démontre d'une 
manière évidente que le nombre des espèces et des genres 
ornithologiques est en proportion inverse de la population et en 
proportion directe des espaces du globe occupés par les forêts, les 


524 ._ DIXIÈME LEÇON. 

eaux et les marécages. La population, ce signe constant, sinou 
de l'amélioration de la race humaine, du moins de sa civilisation, 
est effectivement plus agglomérée en Europe, en Asie, au-nord 
de l'Afrique et dans l'Amérique septentrionale, que nulle part 
ailleurs. De R le nombre restreint de leurs types spécifiques. 
Voyons, au contraire, la Malaisie, l'Océanie, la Polynésie et le vaste 
continent de l'Amérique du Sud : quelle surabondance de vie 
dans le règne animal seulement! quelle multiplication des 
lormes, quel fuxe et quelies merveilles dans la parure des aui- 
maux | 


Fig. 350. — Perruche splendide. 


Ce qui fournit, à notre sens, une des preuves les plus mani 
festes que l'oiseau, puisque nous ne nous occupons que de lui, 
n'existe partout que comme auxiliaire utile, actif et puissant de 


DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE 325 


Fig. 551. — Dronte, espèce éteinte de l'île de France. 


la nature, c’est que où elle n'a plus besoin de son concours il 
se retire et disparait. Ainsi s'expliquerait, selon nous, la dispa- 


P. I. 28 


526 DIXIÈME LECON. 
rition de types qui ne se retrouvent plus qu'à l’état fossile, et ne 
représentent que des rapports assez éloignés avec les types vi= 
vants : c'est que le but pour lequel ils avaient été créés a été 
atteint; en un mot, qu'ils n'avaient plus aucune raison d’être, 
par cela même qu'ils n'avaient plus de rôle à remplir. 

Afin de mieux fure apprécier la valeur de ces divers aperçus 
et de les rendre plus frappants, nous les réduirons en chiffres. 
Sur plus de 8,000 espèces admises par la science, l'Amérique en 
possède à elle seule en propre, et ne se retrouvant nulle part 
ailleurs, 2,560 environ; elle en a en commun avec divers autres 
continents, 719 ; maintenant, sur ces 8,000 espèces, 2,127 sont 
cosmopolites ou peuvent se trouver indifféremment partout. On 
voit que nous n'avons rien exagéré, et que, tout compte fuit, le 
contment américain peut fournir presque la moitié du nombre 
total des espèces ornithologiques. 

Enfin, quant aux divers centres de création zoologique dont 
nous avons parlé, 1l y en à trois bien remarquables : 1° l'Amé- 
rique, pour les Perroquets, puisque sur trois cents espèces envi- 
ron celle en nourrit cent vingt-cinq, plus du tiers ; 2° l’Océamie, 
pour les Colombes ou Pigeons, puisque nulle part on n’en ren- 
contre davantage ni de plus richement tentés ; 3° Asie, pour 
les Gallinacés, puisqu'elle en possède presque les deux tiers. 

Ces données sont si positives, que, lorsqu'on examine une espèce 
nouvelle d’un de ces trois ordres et que les renseignements sur 
son origine sont incertains, l'esprit de l'observateur se porte 
tout naturellement sur l’une des parties du monde que nous ve- 
nons d'indiquer. 

Quoi qu'il en soit, ces connaissances générales admises, on a été 
nécessairement conduit à l’idée de l'établissement dé groupes ou 
genres en rapport avec la distribution géographique des oiseaux; 
car, à quelques exceptions près, chaque type spécifique a su, 
d'une contrée à l’autre, même à latitude égale, des modifications 


DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 597 


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Fig. 352, — Aras bleu et rouge. 


328 DIXIÈME LEÇON. 

plus où moins caractéristiques dont la science à dû tenir compte. 
Pouvait-1l en être autrement en présence de. formes ou de ca- 
ractères nouveaux qui semblent dépendre des latitudes mêmes? 
On comprend dès lors la nécessité démontrée de la connaissance 
exacte des localités qui les produisent ; et plus cette connaissance 
s est répandue et s’est montrée précise, plus l’ornithologie à fait 
de progrès. Les sciences naturelles doivent donc le degré d'exac- 
titude qu'elles ont attemt de nos jours aux voyages de décou- 
vertes, et, avant tout, aux renseignements certains sur la prove- 
nance des espèces : ces renseignements sur l'ensemble de ja classe 
des oiseaux ont en effet permis d'établir une classification métho- 
dique plus naturelle, que nous exposerons bientôt. 


ONZIÈME LEÇON 


Migrations. 


Parmi les phénomènes variés que nous présente fa nature, les 
voyages annuels des oiseaux sont sans contredit des plus curieux, 
et ils ont de tout temps mérité l'attention des naturalistes. Toute 
la surface du globe est le théâtre de ces nugrations, et les causes . 
qui les déterminent sont probablement multiples ; mais la plus 
puissante ne se trouve pas dans les changements atmosphériques 
agissant sur la sensibilité si remarquable de ces animaux, n1 dans 
les besoins de l'alimentation. Orgamisés, par-dessus tout, pour 
la locomotion aérienne, et par conséquent pour une existence 
constamment mobile, quelles que soient les habitudes terrestres 
de chacun d’eux, les oiseaux ne pouvaient tous être fixés au sol 
qui les a vus naître : aussi distingue-t on parmi les groupes nom- 
breux qu'ils forment des espèces sédentaires, des espèces erra- 
tiques, et des oiseaux dits de passage ou migrateurs. 

Nous ne parlerons pas ict de l’apparition tout accidentelle 
de bandes plus ou moims nombreuses d'oiseaux Jetées sur nos 

| 28 


330 ONZIÈME LECON. 


côtes par les tempêtes. Ces arrivages, aussi imprévus que la cause 
qui les occasionne, sont indépendants de la volonté de l'oiseau, et 
son instinct, mis en défaut par la soudaineté et la violence d’un 
ouragan, ne le sert que pour chercher forcément un refuge, un 
asile passager qui le mette à l'abri du danger. Dans ce cas l'asile 
est la côte la plus voisine, voire même les mâts et le pont d’un 
navire, comme nous pourrions en citer de nombreux exemples. 
Nous n'avons à nous occuper que des voyages ou migrations en- 
trepris avec toute hberté d'action. | 

Les oiseaux sédentaires sont ceux qui ne s’éloignent du pays 
où 1ls sont nés qu'à des distances très-bornées, et passent leur vie 
entière dans la même grande contrée. Ils s’éloignent de proche 
en proche, mais 1ls demeurent comme confinés dans les limites 
de la région dont la température et les ressources alimentaires 
suffisent à leurs besoins. Parvenus à ces limites, l'instinct les 
arrête et les fait même rétrograder un peu pour se soustraire à 
l'influence de conditions nouvelles. Les oiseaux qui procèdent 
ainsi appartiennent à un petit nombre d'espèces, parmi lesquelles 
nous citerons, pour la France, le Rouge-Gorge, la Fauvette traïne- 
. buisson, le Troglodyte, etc. 

D’autres oiseaux, plus fortement constitués que les premiers, 
trouvant partout une température et les aliments qui leur convien- 
nent, n'adoptent point de patrie, ne se fixent nulle part; vont en 
avant, et continuent leur route, selon qu'ils y sont déterminés 
par l'abondance ou la disette ; retournent également sur leurs pas, 
suivant les circonstances, mais, parvenus au point d’où ils étaient 
partis, 1ls tournent d'un autre côté, ou reprennent indifférem- 
ment la route qu'ils avaient suivie une première fois ; ils ne s’ar- 
rêtent que pour multpher, et ne se fixent que le temps né- 
cessaire pour élever leur famille. Aussitôt qu'elle est en état, les 
petits se séparent et se répandent chacun de leur côté. Ces o1- 
seaux, que cette existence vagabonde a fait désigner sous le nom 


MIGRATIONS. 991 

_d'erratiques, pénètrent dans tous les pays et dans tous les eli- 
mas, parce qu'ils y sont également bien ; on les voit partout, 
parce que les père et mère, cheminant chaque jour en avant, 


Spy 


= 
—— 


Fig. 354. — Colombe émigrante, d’après Audubon. 


s'éloignent à des distances souvent très-grandes du lieu d'où ils 
sont paris, et que, s'arrêtant indifféremment dans diverses 
régions pour établir leurs nids, quand la nature leur en fat 
éprouver le besoin, les petits se trouvent dispersés sur un grand 
nombre de points, qu'ils quittent eux-mêmes avec la plus grande 


332 | ONZIÈME LECGON. 
facilité. Mais, à la différence des vieux, qui voyagent presque 1SO- 
lément, les jeunes se réunissent régulièrement pour ces change- 
ments de lieux et se séparent tout à fait des adultes; ce qui 
explique ce fait, qui a longtemps paru singulier, que, dans telle 
contrée, comme l’a dit Temminck, on ne tue que des jeunes, 
tandis que, dans d'autres, les individus adultes sont seuls obser- 
vés, el Jamais les jeunes. Ainsi, en hiver, on. voit beaucoup 
d'Eiders et plusieurs autres espèces de Canards sur les lacs de la 
Suisse; mais ce ne sont que des jeunes : Les vieux suivent le bord 
de la mer et ne pénètrent que rarement dans l’intérieur du con- 
tnent. Il n'y à pas un seul exemple d’un Eider adulte pris en 
Suisse. L'Orfraie se répand en hiver dans toute l'Allemagne, 
mais ce ne sont que de jeunes Imdividus, faciles à reconnaître à 
leur queue tachetée de noir. Les vieux sont, au contraire, très- 
communs sur les côtes de la Baltique. Il en est de même des Plon- 
geons à gorge rouge, dont les jeunes se voient communément 
sur les lacs ét les rivières d'Allemagne, tandis qu'il est extrême- 
ment rare d'y trouver un adulte. [résulte de là qu’on peut dire 
que beaucoup d'oiseaux doivent faire dans leur première année 
un voyage qu'ils ne feront plus de leur vie. On compte au nombre 
des oiseaux erratiques, dans nos contrées : les Linots, les Pinsons, 
les Tarins, les Sizerins, les Bruants, les Alouettes, les Pitpits, les 
Merles, les Draines, les Pluviers, les Vanneaux, les Chevaliers, etc. 
Les Merles, après avoir erré pendant l'été sur tout le contment, 
se réfugient, en hiver, dans les îles de la Méditerranée, où 1ls 
semblent se donner rendez-vous; c’est ainsi qu'on en voit un 
grand nombre en Corse et en Sardaigne, où 1ls trouvent une nour- 
riture abondante et de leur goût, et où on leur fait une chasse 
très-productive. 

Nous venons de dire qu'il est très-rare de voir les jeunes de l’an- 
née et les vieux exécuter, de concert et en commun, leur voyage 
plus où moins long, selon que la nécessité les décide à se mettre 


MIGRATIONS. , 999 


en route. Temminck trouvait la raison de cette séparation des 
membres de la famille, et de la réunion en bandes des âges plus on 
moins assortis ou égaux, dans une cause bien naturelle, produite 
par la différence de l’époque de la mue des vieux et des jeunes : 
ce qui expliquerait aussi pourquoi les bandes composées d'mdi- 
vidus adultes vont. bien plus loin dans leur migration, en au- 
tomne, ou bien à leur retour au printemps, que les bandes com- 
posées des jeunes, qui, soit dans l’une ou dans l’autre saison, ne 


” 


Fig. 555. — Canard Eider adulte, d'après Gould. 


s’éloignent pas autant. L'apparition irrégulière et en tout temps 
des oiseaux que nous venons de citer, sans parler de beaucoup 
d’autres, ne permet pas qu'on les range parmi les oiseaux de 
passage, et leur rencontre dans tous les pays oblige à supposer 
que leurs espèces se sont étendues de proche en proche, ou que 
les mdividus passent eux-mêmes leur vie à errer et à voyager, à 
l'exception du temps de la reproduction. Leur manière de vivre 
rend plus probable cette dernière supposition, qui peut égale- 
ment expliquer comment des individus de la même espèce se 


334 _ ONZIÈME LECON. 


trouvent dans tous les pays : car, si on les y voyait parce qu'elles 
se sont étendues de proche en proche, une fois qu'on les aurait 
découvertes, on pourrait les observer et les retrouver constam- 
ment dans une certame latitude; tandis que les oiseaux errati- 
ques paraissent inopimément, demeurent quelque temps aux 
environs du même lieu, disparaissent mopinément aussi, et l’on 
est quelquefois longtemps sans les revoir. 

Les oiseaux réellement migrateurs, ou de passage, sont ceux 
qui entreprennent de longs voyages dont nous ignorons souvent 
les points de départ. Les uns arrivent dans nos contrées au prin- 
temps et ils partent à l'automne ; les autres, au contraire, vien- 
nent dans les pays tempérés à l'approche de l'hiver, et les quit- 
tent lorsque le froid cesse de se faire sentir. 

L'histoire des oiseaux de passage ou migrateurs est, à l'heure 
qu'il est, plus avancée qu'on ne pense, et l'explication de leurs 
voyages beaucoup mieux assise qu'elle ne l'était encore au com- 
mencement de ce siècle. 

Les émigrations sont généralement le résultat d’un besom qui 
porte certains oiseaux à se (ransporter, en automne, du nord au 
midi, et, au printemps, du midi au nord. Cette première obser- 
vation semble indiquer qu'ils eraignent le froid à l'approche de 
l'hiver, et la chaleur au retour du printemps. Mais, si l'on faut 
attention au genre de nourriture qui leur convient, aux besoins 
qu'exige l'éducation des petits, on sera porté à croire que les ex- 
trêmes de la température ne sont pas les seules causes qui déter- 
minent beaucoup d'espèces à changer de lieu à lPautomne; ces 
causes sont multiples, comme nous allons le voir. 

Les naturalistes sont loin d’être d'accord sur les causes déter- 
minantes des migrations, aussi ont-elles donné lieu à de nom- 
breuses supposiions plus ou moins fondées. Presque toutes ces 
suppositions, dit un observateur sérieux, M. Brehm, sont plus 
faciles à réfuter qu'il n’est facile de leur en substituer une qui 


+ 


MIGRATIONS. 999 
soif satisfaisante sous tous les rapports. La question est assez inté- 
ressante pour que nous rappelions et discutions les diverses 
opinions proposées. Parmi les causes déterminantes des migra- 
Lions des oiseaux, on a placé en première ligne le changement de 
eaison, la différence de température et les besoins de l’alimenta- 
tion qui en sont les conséquences naturelles. On a dit que les 
grandes pluies qui tombent pendant plusieurs mois dans les ré- 
gions voisines de l'équateur, ou que la grande chaleur qui, dans 
les mêmes régions, produit la sécheresse et brûle les végétaux, 
devaient être rangées parmi les causes les plus importantes. 
Quelques naturalistes ont pensé que les changements qui survien- 
nent aux temps des équinoxes avaient une grosse influence, parce 
que, les nuits devenant trop longues, les oiseaux éprouvaient, 
chaque matm, de très-bonne heure, le besoin de manger sans 
pouvoir le satisfaire assez tôt. D’autres ont trouvé la cause des 
migrations dans la prévision des modifications de toutes sortes 
qui vont survenir dans leur existence. Il en est qui ont pensé 
qu'après avoir fait dans nos climats une ou deux pontes, les oi- 
seaux se dirigeaient à l’imstant vers des régions plus chaudes pour 
pouvoir élever encore une ou deux couvées, D’autres enfin ont 
considéré la sensibilité exquise des oiseaux à l'approche de la 
mue comme la cause la plus réelle de leurs voyages. 

Examinons maintenant la valeur de chacune de ces opinions, 
qui toutes peuvent être fondées en les appliquant chacune à cer- 
taines espèces, mais dont l'application générale nous paraït diffi- 
cile, Nous aimons mieux rapporter le besoin de changer de 
climat qu'éprouvent les oiseaux à l'effet d’une loi d'harmonie à 
laquelle ils sont soumis, à laquelle ils ne peuvent se soustraire et 
dont l'effet se confond avec les autres facultés dont l’ensemble 
constitue ce que nous appelons l'instinct des animaux. Il ne faut 
pas en eflet que l'imagination, souvent trop prompte, de certains 
auteurs cherche à deviner la cause des migrations, 1l faut au 


336 ONZIÈME LEGON. 
contraire la découvrir en rassemblant des futs, et c'est ce que 
nous nous proposons de fre. | 

Si nous passons en revue toutes les opinions que nous venons 
d'exposer, nous voyons qu'elles sont toutes des conséquences du 
changement de saison, qui cependant ne suffit pas dans tous les 
cas pour expliquer le départ et l'arrivée des oiseaux migrateurs. 
Car, ainsi que le fait observer M. Brehm, d'après des observa- 
tions faites au centre de l’Europe, beaucoup d'oiseaux partent 
quand le temps est encore bien beau, et d’autres arrivent souvent 
alors que la saison est encore mauvaise, Les influences atmo- 
sphériques peuvent tout au plus, selon lui, accélérer la migration 
en automne et la retarder ou la déranger au printemps. Les Ber- 
geronnettes jaunes ou grises arrivent quelquefois lorsqu'il y a 
encore de la neige. Audubon a constaté, après plusieurs années 
d'examen et d'observations répétées, que les oiseaux migrateurs 
qui s'éloignaient le plus des États-Unis partaient plus tôt que ceux 
qui se rendaient seulement sur leurs confins. fl a remarqué que 
l'Hirondelle verte de Wilson, connue à la basse Louisiane sous le 
nom de petit Martinet à ventre blanc, demeurait dans les envi- 
rons de la Nouvelle-Orléans bien plus tard qu'aucune autre espèce; 
il tint un journal soigné, d’après lequel 1l résulte qu'au plus fort 
de l'hiver les Hirondelles n’abandonnent pont cette partie. de 
l'Amérique, quoique la glace y atteigne une certame épaisseur. 
Plusieurs de ces oiseaux se retirent dans les ouvertures des mai- 
sons; un plus grand nombre fréquentent le bord des lacs, et s'ac- 
crochent, pendant la nuit, aux branches du cirier, myrica ceri- 
fera. Il ajoute que la char de ces oiseaux est très-estimée et que 
les marchés en sont alors abondamment fournis. 

Les observations de M. Blackwal, de Manchester, sur les oiseaux 
qui émigrent dans le Lancashire, prouvent que la température 
sénérale est considérablement plus élevée lorsque les oiseaux d'été 
partent que lorsqu'ils arrivent ; et les oiseaux d'hiver quittent le 


» 


MIGRATIONS. - - 991 
même pays par une température plus basse que celle que pré- 
sente l’époque de leur arrivée. Cette observation conduit l’auteur 
À penser que ce n’est pas le besoin d’une température plus chaude 
qui détermine le départ des oiseaux d'été, ni le manque de nour- 
riture, puisqu’au moment de leur émigration les insectes et 
les grains ou les fruits sont plus ahondants qu'à l'époque de 
leur arrivée. IL croit aussi que ce changement de lieu est déter- 
miné par l'approche de la mue, opération qui ne s'effectue sans 
danger pour les oiseaux que sous une température élevée, néces- 
sare pour faciliter la sécrétion de la matière dont les plumes sont 
formées. Il appuie cette opinion sur plusieurs observations qui 
lui sont propres, et entre autres sur ce que les oiseaux de passage 
d'été ne muent point, suivant lui, dans le lieu où 1ls passent 
cette saison. Il à reconnu, par exemple, que le Coucou et le Mar- 
tinet sont dans ce cas, et il les cite de préférence parce qu'ils 
partent de très-bonne heure : le Coucou dès la fin de juin ou le 
commencement de juillet, et le Martinet vers le milieu d’août. 
IL attribue aussi le prompt départ de ces deux oiseaux à ce que 
le travail de la ponte, qui précède la mue, est bientôt terminé 
pour eux, le Coucou ne couvant pas et le Martinet n'ayant qu'une 
couvée par an, tandis que les Hirondelles en ont deux. 

D’après d’autres observations scrupuleuses faites dans lé War- 
_wickshire, point central de la Grande-Bretagne, par M. Brée, pen- 
dant vingt-huit ans, de 1800 à 1828, l'hirondelle de cheminée 
est arrivée du 3 au 25 avril et est partie du 9 octobre au 9 no- 
vembre. L'Hirondelle de fenêtre s'est montrée du 3 avril au 
À mai et a disparu du 11 octobre au 14 novembre. L'Hiron- 
delle de rivage est arrivée du 31 mars au 27 avril, mais on 
n'a jamais pu constater l’époque du départ, qui ne s’est pas effec- 
tué par bandes. Enfin le Martinet noir à paru du 27 avril au 
15 mai et ilest parti du 9 août au 15 septembre. Les mêmes ob- 
servations, faites en Suède par M. Ekstroem, donnent, pour l'an- 

DAS 29 


à ‘ONZIÈME LEÇON. ; 

née 1827 seulement, les résultats suivants, que nous mettons en 
regard de ceux obtenus la même année par M. Brée, en Angle- 
terres 


SUÈDE. ANGLETERRE. 

Arrivée. Départ. Arrivée. Départ. 
Hirondelle de cheminée. 6 mai. 1% septemb. 19 avril. 11 octobre. 
Hirondelle de fenêtre. . 11 » 5) » EU) 1 novemb. 

Hirondelle de rivage. . .. 18 ». ? » 21:80 LR) 

Martinet noir, 44207. Een 90 » 15 août. 


Ce petit tableau permet de voir que ces oiseaux arrivent beau- 
coup plus tôt en Angleterre qu'en Suède et qu'ils quittent aussi 
pius tard l'Angleterre que la Suède, à l'exception du Martinet. 

L'illustre médecin auquel on doit la découverte de la vaccme, 
Édouard Jenner, a laissé dans ses papiers un Mémoire intéressant 
sur les migrations des oiseaux. Ce Mémoire a été publié en An- 
eleterre. Ce n’est point une histoire générale des voyages de ces 
animaux, mais seulement un exposé de ses idées sur la cause 
qui détermine quelques espèces à quitter nos climats à certames 
époques de l'année. Émerveillé de voir des Pigeons qui, trans- 
portés pendant la nuit à plusieurs milles de leurs pigeonmiers et 
mis en liberté, reviennent immédiatement et sans hésitation à 
leur domicile, 1l a voulu se rendre compte de l’instinct qui les 
dirige. ( Comment ces petits seigneurs de la création, dit-il, peu- 
vent-ils retrouver si facilement leur tourelle? est-ce le regret du 
lieu qui les a vus naître? ont-ils des idées, des facultés supé- 
rieures à celles de l’homme placé dans la même situation? » Bien- 
tôt ses recherches se sont étendues à quelques autres oiseaux qui 
entreprennent spontanément de longs voyages. Il examine les di- 
verses opinions émises sur la disparition de certaines espèces aux 
approches de l'hiver, et il les réfute les unes après les autres, tout 
en reconnaissant que quelques-unes des causes indiquées peuvent 
avoir une part dans la détermination que prènnent les oiseaux; 


s . MIGRATIONS. | 999 


mais la plus puissante, suivant lui, se trouve dans des modifica- 
tions subies par l'appareil reproducteur. Le besoin de s’apparier 
de nouveau arrivant lorsque la saison n’est plus favorable à la re- 
production, les oiseaux sont poussés à rechercher des tempéra- 
tures plus chaudes. Jenner tient compte aussi des difficultés de 
l'alimentation, car il admire l’arrangement de la Providence dans 
les rapports mutuels des créatures qui se servent de nourriture les 
unes aux autres, de telle façon que les consommateurs arrivent 


Fig. 536. — Petite Sarcelle Crecca, d’après Gould. 


aux: époques où pullulent tant de races superflues et parasites 
d'insectes, de vermisseaux, de plantes, et nous apportent d’har- 
monieux concerts qui réjouissent les campagnes. Tel est l'ordre 
divin qui forme entre les êtres une sage harmonie de rapports. 
Les auteurs, et 1ls sont nombreux, qui trouvent la cause des 
migrations dans le besom de nourriture s'appuient sur des faits 
très-vrais, sans.doute, mais 1ls ont le tort de vouloir les appliquer 
à toutes les espèces émigrantes. Ils disent avec raison que, lorsque 
les nourritures diverses propres aux oiseaux se développent au 
printemps par l'influence du soleil sur les végétaux et les insectes 
dans nos climats, là se porte l'oiseau qui doit les consommer; il 


340 __ ONZIÈME LECON. 


s’enfuit en automne par la raison contraire. Les oiseaux du Nord 
arriven{ alors sur nos côtes, riches en vermisseaux aquatiques, 
et fuient des climats qui leur refusent en hiver leur subsistance. 
Les migrations des poissons sont dues aux mêmes causes, ajou- 
tent-1ls, puisque les rivages des mers et des fleuves se remplissent, 
à des époques déterminées, d'herbes et d'animalcules qui les atti- 
rent. Ils s’en relournent quand ces lieux sont épuisés, ainsi que le 
font les Tartares et les Arabes nomades dans leurs vastes plaines. 
Que les oiseaux se livrent à leurs amours dans les lieux fertiles, 
c’est la conséquence et non la cause de leur arrivée et de l’alimen- 
tation aFondante qu'ils trouvent dans ces régions. Nous allons 
voir maintenant l'influence que la nourriture, dans quelques cas 
seulement, peut avoir sur certaines espèces. 

Un grand nombre d’oiseaux de passage $e nourrissent d’in- 
sectes, de vers, de reptiles ; plusieurs de baes, de fruits; d’au- 
tres de certaines semences ou de graines pour lesquelles ils ont un 
goût particulier. Les derniers peuvent, à la vérité, vivre de dif- 
férentes sortes de graines, et même se passer de celles pour les- 
quelles ils ont une préférence; mais ce sont celles-à même qu'ils 
cherchent dans l’état de liberté, et le désir réuni à la facilité de 
satisfaire leur goût peut suffire pour les déterminer à quitter un 
lieu où 1ls ne trouvent plus l'aliment qui leur plait pour le cher- 
cher dans un autre où 1lest abondant. Ceux qui vivent de fruits et 
d'insectes sont plus contraints dans leur changement de séjour. 
C'est pour eux un acte forcé, au lieu d'être volontaire comme 
pour les premiers. Aussi voit-on quelques-uns de ces ommivores 
rester tous les ans dans le pays, abandonné par le plus grand 
nombre des individus de l'espèce, tandis qu'il ne reste aucun de 
ceux qui ne vivent que de baes, de fruits ou d'insectes. On 
trouve quelquefois, en hiver, dans nos campagnes, des Cailles qui 
n'ont pas suivi leur espèce à son départ; mais personne n’a ja- 
mais dit avoir rencontré pendant la saison froide un Loriot, une 


æ” 


MIGRATIONS. 341 


Huppe, une Hirondelle, ou, si l'on a observé quelquefois de ces 
oiseaux au commencement de l'hiver, on s’est aperçu qu'ils ont 
péri peu après leur apparition. 

- À mesure que les grains pour lesquels les oiseaux ont un goût 
de prédilection müûrissent et disparaissent en avançant du midi 
au nord, soit que l’homme lies ait récoltés et mis à l'abri, soit 
que la maturité les ait répandus sur la terre, dans le sem de la- 
quelle ils ont germé, les oiseaux dont ils excitent l'appétit sui- 
vent le développement de ces grains de contrées en contrées : c’est 
ainsi que procèdent les oiseaux de l'Amérique du Nord, nommés 
par Catesby mangeurs de riz, les Agripennes de Vieillot, es- 
pèce de Bruants voyageurs et véritablement erratiques. On en 
voit, au mois de septembre, des troupes nombreuses, ou plutôt 
on les entend passer la nuit, venant de l'ile de Cuba, où le riz 
commence à durer, et se rendant à la Caroline, où cette graine 
est encore tendre ; 1ls y restent que trois semaines, et contmuent 
leur route vers le Nord, cherchant toujours des graines moins 
dures ; ils vont ainsi de stations en stations jusqu’au Canada. Le 
Perroquet de Levaillant, comme tous les Perroquets, vit en 
grandes bandes, en Afrique, et émigre du nord au sud et du 
sud au nord, deux fois l'année, de façon à se rapprocher de la 
ligne dans le temps des moussons pluvieuses, et à passer la belle 
saison, c’est-à-dire celle des chaleurs et celle où sa nourriture est 
plus abondante, dans les forêts des environs du Cap. Enfin les 
Perroquets de l'Amérique méridionale se rassemblent en troupes à 
la Guyane, dans les lieux où les graines qu'ils recherchent sont 
müres et abondantes, et ils quittent ces stations quand les se- 
mences commencent à devenir rares, pour aller s'établir dans les 
endroits où les appelle la maturité d'autres semences de leur 
goût. C'est aussi ce que fait le Jaseur, qui ne fait pas non plus de 
voyages de long cours, mais seulement des tournées périodiques 
qui se renferment dans un cercle assez étroit, et s'étendent de 

29, 


51 ONZIÈME LECON. 
l'Asie septentrionale à l'Europe orientale et quelquefois même 
occidentale. 

Ces voyages, courts et bornés, ne méritent certainement pas le 
nom d'émigrations; mais ils permettent de supposer que le goût 
pour certame nourriture de prédilection peut déterminer les o1- 
seaux à passer d’un lieu dans un autre; et à plus forte raison si 
la vie dépend absolument de la rencontre de cette nourriture spé- 
ciale. Cette loi imposée par le besoin est surtout sensible pour 
les espèces qui vivent de fruits ou d'insectes. Ces deux sortes d'ali- 
ments disparaissent chaque année, sous les zones tempérées et 
froides, pendant une partie de l'a année, tandis qu'on peut les re- 
trouver dans d’autres régions: 

Ainsi le Loriot, qui vit d'insectes à défaut des fruits qu 1l aime 
de préférence, surtout ceux auxquels on donne le nom de fruits 
rouges, arrive en nos climats dans la saison qui précède la matu- 
rité de ces fruits ; 1l travaille presque aussitôt à la propagation de 
son espèce ; ses petits acquièrent de la force en peu de teraps, et 
partent, ainsi que leurs parents, quand la saison des fruits qu’ils 
aiment est passée. On ignore encore en quels lieux ils se retirent, 
de même qu'on ne sait pas de quels pays ils sont véhus. 

Les plus remarquables parmi les oiseaux voyageurs sont, on le 
sait, les Hirondelles, les Cailles, les Grues, les Cigognes, les Hé- 
rons, les Oies, ete. Tous, à l’époque du départ, ont un lieu de 
réunion générale ; tous partent en masse ; presque tous observent 
une disposition régulière dans leur marche aérienne. Mais, en 
ce qui concerne les Oies et les Canards, les observations faites sur 
tous les points du globe, notamment celles faites par Audubon 
en Amérique, démontrent que les inondations même irrégulières, 
et le débordement périodique de certains fleuves, influent sur 
le moment de leur départ ; et ce ne sont pas les seuls qui obéis- 
sent à cette loi de périodicité, puisqu'il faut y joindre Ibis, SI 
constant à à suivre la crue du Nil en Égypte. 


MIGRATIONS. ee 0us 

Le docteur J. Francklin ne trouve pas que l'alimentation 
comme cause des migrations soit une raison plus satisfaisante 
que celles qui ont été données par d’autres auteurs, et 1l pré- 
sente les objections suivantes. C'est surtout, dit-1l, dans la classe 


Fig. 357. — Ibis sacré. 


des oiseaux qu'il est intéressant d'étudier les lois relatives à la 
distribution géographique des êtres créés. Tant qu'il s’agit seu- 
lement des quadrupèdes, on peut dire que les moyens bornés de 
leur locomotion les ont attachés à certaines parties du globe et 

ont marqué la limite des milieux qu'ils devaient parcourir. Bonne 
ou mauvaise, cette raison ne saurait, dans tous les cas, être ap- 
plicable à l'oiseau ; l'Iirondelle, lancée dans l’a comme une 
flèche à raison de six milles par heure, semble se moquer de nos 
plus rapides vaisseaux. Mille petits oiseaux chétifs font au prin- 
temps et à l'automne des voyages dont un seul serait pour nous 


DE ONZIÈME LECON. 
l'occupation de toute une année. Des êtres si libéralement doués, 
par la nature, de moyens de locomotion sembleraient avoir été 
conformés pour être les citoyens universels du globe. Ils de- 
vraient, au moins, répandre leur race dans toutes les régions de 
la terre qui leur fourniraient une nourriture et une température 
convenables. En théorie, cela serait*raisonnable à supposer; en 
fait, c’est le contraire qui est vrai. Les oiseaux de proie, par 
la force de leurs ailes, devraient jouir, parmi les autres oiseaux, 
d’une liberté cosmopolite, et ils se trouvent, au contraire, en- 
chaïnés à des éirconscriptions géographiques très-limitées. De huit 
espèces de Faucons qui habitent l'Europe et le nord de l'Afrique, 
deux seulement ont été trouvées dans le nouveau monde. L'Fi- 
rondelle pourrait gagner l'Amérique ou l'Asie en un temps aussi 
court que celui qu'elle met à se rendre au centre de l'Afrique ; 
dans l’un et dans l’autre des deux continents elle trouverait 
une nourriture et une chaleur qui conviendraient à ses goûts ; 
mais une main invisible a, pour ainsi dire, tracé au compas la 
ligne qu’elle doit parcourir, et de cette direction-À l’Hirondelle 
ne dévie point. Il faut bien qu’elle ait ses raisons pour agir ainsi: 
mais quelles sont ces raisons, voilà ce qu'il est difficile de péné- 
trer. res 
La température, le régime alimentaire, la physionomie des 
lieux, ne sont certes point des causes qui expliquent d’une manière 
satisfaisante, chez l'oiseau, cette prédilection pour certaines ré- 
gions du globe. I faut bien qu'il y ait autre chose. On n'a pu, en 
eflet, expliquer comment et pourquoi des êtres «1 bien pourvus de 
la faculté du mouvement à grande distance se trouvent en même 
temps confinés dans certames limites géographiques, relative- 
ment étroites. ; | 
S1 la doi qui met un frem à l’ubiquité inscrite, pour ainsi dire, 
dans les organes locomoteurs de l'oiseau, nous échappe, 1l n'en 
est pas moins curieux d'étudier le fait en lui-même. Les limites 


MIGRATIONS. 949 


dans lesquelles se trouve renfermée la présence de chaque être 
vivant à la surface du globe ont été fixées dès l’origine des 
choses. 11 doit aller jusque-là, mais pas plus loin. L'homme a, 
cependant, changé cette loi à l'égard des animaux domestiques ; 1l 
a remanié, étendu la distribution des oiseaux à la surface du globe. 
Cette diffusion tout artificielle des espèces utiles et cultivées par 
les différents peuples de la terre n’en rend que plus extraordi- 
naure la localisation de ces mêmes espèces dans l’état de nature. 

Mauduyt, Temminck, et plus récemment Brehm, sont, de tous 
les ormithologistes, ceux qui ont le mieux observé les migrations 
des oiseaux, et c’est à ces savants distingués qu’on doit les don- 
nées les plus exactes que nous possédions sur ce sujet si intéres- 
sant, mais leurs conclusions sont incomplètes et peu satisfai- 
santes. Résumons leurs observations. 


[MÈRES 
ES 


Fig. 558. — Canard sauvage commun ou col vert, d’après Gould. 


Le plus grand nombre de nos grandes espèces d'oiseaux aqua- 
tiques choisissent pour se fixer, en hiver, les contrées situées au 
delà des mers qui séparent l’Europe de l'Afrique septentrionale. 


346 | ONZIÈME LECON. 


C'est de ces contrées ou bien des nombreuses îles de l'Archipel, et 
de celles de la Méditerranée et du golfe de Venise, qu'ils opèrent 
leur retour au printemps. On voit alors des rassemblements nom- 
breux sur toutes nos côtes méridionales, particulièrement sur 
celles où la mer forme de grands golfes, tels que le golfe Adria- 
tique, ceux de Gênes et du Lion; ces rassemblements durent 
huit, dix, ou au plus quinze jours, temps où le passage est ter- 
miné pour ces contrées. 

Les routes que suivent alors ces oiseaux en Europe sont 
celles indiquées par le cours des rivières et la direction des 
grands lacs : les eaux devant fournir à chaque espèce la nourri- 
ture qui lui convient, toutes semblent se trouver guidées par 
un instinct merveilleux, comme dit Temminck, et choisissent 
pour point de ralliement et de départ les endroits où le passage 
de la grande mer aux lacs et aux fleuves est le moins long et le 
moins coupé par des terres : la même observation a été faite par 
Audubon pour les oiseaux de l'Amérique septentrionale. 

C'est ainsi que les bandes qui se réumissent dans les environs 
de Gênes et de Savonne se rendent d’abord sur le Pô, suivent 
ensuite les gorges des grandes vallées de l’Apennim, et 
sent ces montagnes ou s'élèvent au-dessus d'elles. Il ne peut res- 
ter aucun doute de leur passage sur ces monts élevés, car elles y 
laissent chaque année de nombreuses victimes. De ces points elles 
semblent diriger leur vol vers les grands lacs de la Suisse, parti- 
culièrement celui de Genève, où presque tous les oiseaux d’eau 
et de marais d'Europe semblent se donner rendez-vous; de À 
elles continuent leur voyage par les lacs de Morat, de Neufchà- 
tel et de Bienne, pour se rendre au Rhin, dont elles suivent le 
cours, et parviennent ainsi à la Baltique et à la mer du Nord. Ces 
bandes, déjà moms nombreuses lorsqu'elles arrivent dans le Nord, 
parce qu'elles ont été décimées pendant le voyage, se dispersent 
bientôt après leur arrivée, pour s’accoupler. 


MIGRATIONS. 941 


La route suivie par beaucoup d'oiseaux d'eau est le bord 
de la mer. Ceux qui viennent des côtes d'Afrique et du golfe 
de Gascogne paraissent ne fréquenter que le littoral; plusieurs 
espèces de Gralles la suivent également, et c'est encore la route 
que tiennent tous les oiseaux dépourvus de moyens puissants 
de vol. Les Plongeons, les Grèbes et autres oiseaux d’eau douce, . 
qui volent peu, en temps ordinaire, sont cependapt suffisam- 
ment doués pour une translation lomtane; leur vol est vi- 
goureux et longtemps soutenu; 1ls s'élèvent même au-dessus des 
hautes montagnes, car 1l n'est pas rare de trouver des mdividus 
de ces espèces sur les lacs des Alpes, où l’on tue souvent des 
Gralles et des Palmipèdes. 

Il parait que les grands rassemblements qui ont lieu dans les 
iles foniennes et dans les vastes marais entre Venise et Trieste 
suivent, dans leur voyage, le cours du Tagliamento, pour se 
rendre aux lacs des environs de Villach et de Klagenfurt ; ils vi 
sitent les immenses marais que forment les lacs Balaton et Neu- 
siedel, où plusieurs espèces séjournent, tandis que d’autres re- 
montent le Danube et poussent leur voyage jusqu à la Baltique. 
On trouve sur les lacs de Hongrie et sur le Danube plusieurs 
espèces qui visitent aussi les côtes de FOcéan. 

D'après Les observations de Temminck, les espèces plus particu- 
lièrement propres aux contrées orientales se rassemblent dans 
l’archipel et sur les bords de la mer Noire; elles remontent le 
Danube et se rendent, en suivant le cours de ce fleuve, en Hon- 
grie et en Autriche. 

Après avoir faut connaitre le so des observations de plu- 
sieurs savants naturalistes, voyons ce que dit M. Brebhm, qui n'a 
pas non plus tranché la question, mais qui la considérablement 
éclairée. : 

Chaque oiseau, dit-il, à sa patrie et son pays natal, là 1 
se reproduit librement ; là 1l séjourne une partie de l’année; 


548 ONZIEME LECON. | 
l'autre partie est consacrée aux voyages. Mas les uns ont une 
patrie fixe, constante, c’est-à-dire qu’ils reviennent toujours dans 
la même contrée pour se reproduire, tandis que d’autres mènent 
une existence vagabonde, comme nous l'avons déjà dit, et choi- 
sissent chaque année, selon les circonstances, telle ou telle con- 
trée pour élever leur progéniture. Le temps que les oiseaux 
passent dans la contrée vers laquelle 1ls ont dirigé leur vol varie 
beaucoup; ainsi le Loriot ne reste dans le milieu de l'Europe que 
trois mois, temps strictement nécessaire pour l'acvouplement, la 
construction du nid, la ponte, l'incubation et l'éducation des 
petits. Ceux qui retournent tous les ans dans la même contrée 
paraissent en plus grand nombre pendant certains étés; et cela 
dépend du plus où moins de difficultés ou d'accidents auxquels 
ils ont été exposés durant leur voyage. Cest ce qu'on remarque 
pour beaucoup d'oiseaux de proie, de Corbeaux, d'oiseaux chan- 
teurs, de Cigognes, de Canards, et pour la plupart des espèces 
aquatiques. Les espèces vagabondes, comme plusieurs oiseaux de 
nuit, les Gros-becs, les Pmsons, les Chardonnerets, les Pigeons, 
le Râle de genêt, plusieurs Hérons, les Grues, les Œdicnèmes, 
beaucoup de Bécasseaux, plusieurs Oies, des Canards, des Hiron- 
delles de mer, etc., établissent leurs nids tantôt dans une con- 
trée et tantôt dans une autre, selon les circonstances et toujours là 
où ils trouvent le plus de quoi se nourrir. Or, comme leur nour- 
riture dépend de la réussite de certaines graines, de l'humidité 
ou de la sécheresse de l’année, de la présence de certams in- 
sectes, etc., 1l s'ensuit qu'ils ne peuvent avoir de stations bien 
fixes. Ainsi, en 1818, la semence de pin n'avait pas réussi dans 
le Nord, tandis qu'il y en eut beaucoup dans le milieu de l'Europe; 
aussi vit-on en Allemagne, dès le mois de juin, un nombre 1m- 
mense de Becs-croisés. Pendant l'été de 1849 il y eut, dans les 
vallées du Rhin, beaucoup plus de Râles de genêt qu'à l’ordi- 
naire, tandis qu'il n’y en eut presque pas dans les environs d’Al- 


MIGRATIONS. 949 


tenbourg, où 1ls sont habituellement très-communs. Cela ‘tenait 
à ce que les prairies de cette dernière contrée étaient devenues 
arides par suite des sécheresses de l'été, tandis que les vallées du 
Rhin, constamment plus humides, offraient une riche végétation. 
I est tout naturel que la différence du point de station pendant 
l'été entraîne des différences dans la direction du voyage ; aussi, 
dans certaines années, voyons-nous nos contrées traversées par 
des oiseaux qui ne s'y voient jamais. Mais la nature de l'hiver, 
non moins que celle de l'été, produit de grandes modifications 
dans le passage des oiseaux. L'hiver de 1821 à 1822 fut un des 
plus doux dans les contrées moyennes de l’Europe, et néanmoins 
les oiseaux du Nord sont venus en Allemagne ; les Jaseurs de 
Bohême sont venus jusqu’en Suisse, les Bouvreuils jusqu’auprès 
de Wittenberg, et les Busards même jusque dans nos forêts, ce 
que peu de personnes avaient encore vu. La raison de tout cela, 
c’est que l’hiver, si tempéré cette année dans nos elimats, état 
un des plus rigoureux qu'on se soit rappelés dans les pays septen- 
trionaux, et avait par conséquent repoussé chez nous ces hôtes du 
Nord. L'hiver de 1822 à 1823 fut tout différent : tandis qu’en 
Allemagne il y avait vingt-cinq degrés de froid, il n’y en avait 
que cinq en Suède‘et en Dannemark; aussi l'Allemagne fût-elle 
_délaissée; les Alouettes ont passés l'hiver dans le Séeland et le 
Jutland, et chez nous les Merles sont morts de faim. 

On sait que le passage prématuré de certaines espèces, les 
Grues, les Oies, etc., annonce un hiver rigoureux; s’il passe chez 
nous beaucoup de Fauvettes de roseaux, et si les Stercoraires 
se montrent, c'est le signe certain d’un hiver froid, Le fait est 
d'autant plus surprenant que la migration habituelle des Fau- 
vettes de roseaux se fait en août et en septembre, et que les Ster- 
coraires passent vers le milieu d'octobre. Le temps qu'il fut 
à l’époque de la migration est encore une des circonstances 
qui exercent une grande influence sur cette dernière; ainsi, 

Ts Le | 90 


550 ONZIÈME LECON. 


pour ne citer qu'un des nombreux exemples que M. Brehm 
rapporte à l'appui de cette assertion, on a vu en Allemagne des 
Fauvettes à gorge bleue dès les premiers jours d'avril 1895, 
tandis que plus tard, lorsque la véritable époque du passage de 
ces oiseaux est arrivée, il ne s’en est montré aucun. Il en fut 
de même des Bécasses. Le froid qui était survenu, la neige qui 
couvrait encore les montagnes des deux côtés du Rhin, empêcha 
ces oiseaux vermivores de vemir en Allersagne, et, contrairement 
aux habitudes, leur passage s’est effectué plus au sud ; nous avons : 
eu, par contre, le passage des Gobe-mouches noirs, oiseaux qui 
passent habituellement plus au nord. a 

L'influence du temps-reconnue, comment le voyage s’effec- 
tue-t-11? Certains oiseaux voyagent pendant la journée, le plus 
grand nombre pendant la nuit. Ceux qui voyagent pendant le jour 
sont les oiseaux de proie diurnes, les Corbeaux, les Pies, les Sit- 
telles, les Mésanges, les Roitelets, les Pinsons, les Chardonnerets, 
les Alouettes, les Hirondelles, etc., etc.; ceux qui voyagent pen- 
dant la nuit sont les oiseaux de proie nocturnes, les Pie-grièches, 
les Martins-pêcheurs, les Merles, les Traquets, les. Sylvies, les 
Gobe-mouches, les Engoulevents, les Merles d’eau et un grand 
nombre d'oiseaux aquatiques. Il Y en à qui voyagent aussi bien 
pendant Le jour que pendant la nuit : de ce nombre sont les Berge- 
ronnettes, les Fauvettes des Alpes, les Bruants, les Pluviers, les C:- 
gognes, les Hérons, les Grues, les Hirondelles de mer, les Mouettes, 
les Oies, les Cygnes, les Harles, etc.; mais certaines circonstances 
peuvent encore fure varier cette règle : ainsi, lorsque le voyage 
est rapide, pressé, certaines espèces, qui, comme les Merles, ne 
voyagent ordinairement que pendant la nuit, continuent leurroute 
en plein jour et prennent à peine le temps de manger. Cepen- 
dant les véritables chanteurs, comme les Rossignols, les Rubiettes 
à gorge bleue, Les Rouges-gorges et toutes les Fauvettes, ne voya- 
gent Jamais pendant le jour. On ne conçoit guère comment tous 


MIGRATIONS. 991 


_ces oiseaux peuvent effectuer le voyage sans dormir, et ce qu'il 
y a de plus remarquable, c’est que cette insomnie n'est pas ob- 
servée seulement sur les individus libres, mais bien encore chez 
les oiseaux de même espèce gardés en cages. Pendant la journée, 
ces derniers cherchent leur nourriture et sont alertes; mais, pen- 
dant la nuit, ils sont inquiets, éveillés et comme tourmentés 
pendant tout le temps que dure le passage des oiseaux de leur 
espèce. Malgré l'obscurité, 1ls chantent dans leur cage, et leur 
inquiétude semble encore plus grande lorsque la nuit est éclai- 
rée par la lune. 

Beaucoup d'oiseaux cherchent leur nourriture tout en voya- 
geant ; ainsi les Hrondelles prennent constamment des insectes 
pendant leur traversée; les Mésanges, ies Roitelets, les Sittelles, 
les Grimpereaux, les Pics, s'arrêtent un moment sur les arbres 
qui semblent leur promettre quelque nourriture et continuent 

presque aussitôt leur route; les Hirondelles de mer, les Mouettes, 
les Plongeons, péchent en cheminant. Tous les oiseaux de passage 
s'arrêtent dans certaines localités qui leur offrent de quoi se 
nourrir; on dirait qu'ils veulent s’y arrêter définitivement; mais, 
si le temps a été favorable, 1ls ont tous disparu le lendemain. 
Lorsque la migration n’est pas troublée par des accidents, aucun 
oiseau ne s'arrête deux jours au même endroit. Beaucoup d’es- 
pèces font entendre pendant leur voyage des sons qu'elles ne 
rendent jamais à une autre époque, de sorte que ces cris peu- 
vent tromper ceux qui les entendent sur la nature de l'espèce 
qui passe pendant la nuit. 

Les oiseaux qui émigrent se tiennent ordinairement très-haut 
dans les airs, et toujours à peu près à la même distance du sol. 
Ainsi ils s'élèvent pour passer au-dessus des montagnes et ils 
descendent pour traverser les vallées. Cependant quand il y a des 
brouillards, leur vol est toujours plus bas et ils passent alors si 
peu au-dessus des montagnes, qu'ils semblent raser le sommet des 


SEE ONZIÈME LEÇON. 
arbres, et 1ls s'arrêtent généralement pendant les grosses plunes. 

Contrairement à ce qui favorise la navigation, les oiseaux 
voyagent plus facilement vent debout; ce fait est bien connu des 
chasseurs, qui, pour les tirer à portée en bateau, se laissent 
aller au vent. Ne pouvant en effet s'élever qu'avec un vent con- 
traire, 1l faut de toute nécessité que les oiseaux s’approchent du 
bateau que le vent pousse à leur rencontre : cela tient à ce que 
l'aile des oiseaux est plus ou moins concave en dessous et plus 
ouverte en avant qu'en arrière, aussi, lorsque le vent vient arrière, 
il souffle sur la face supérieure des ailes déployées, déprime le vol, 
relève les plumes, et ce n’est qu'avec de grands efforts que l'oi- 
seau peut se maintenir en l'air. Lorsque au contraire le vent arrive 
en face, 1l remplit les ailes, les soulève, et soutient amsi l'oiseau, 
qui na presque pas d'efforts à faire pour avancer, puisque sa pe- 
santeur el l’action du vent sous les ailes obliques d'avant en arrière 
constituent deux forces, dont la combinaison à pour résultat le 
mouvement en avant. Nous voyons, en effet, les grands oiseaux 
de nos pays parcourir au vol des distances considérables sans 
remuer les ailes; ce qui ne pourrait avoir lieu avec un vent ar- 
rière. Pendant qu'ils volent ainsi, les ailes étendues et immo- 
Piles, ils descendent insensiblement. On voit souvent des faisans 
et des perdrix qui, après avoir reçu un coup de fusil, soutenus 
par un vent debout et leurs poches aériennes, volent encore à 
d'assez grandes distances, quoique leurs forces ne leur permet- 
tent plus de mouvoir les ailes. 

Il faut aussi constater l'importance de la direction du vent pour 
la migration des oiseaux et pour la direction de la route consé- 
quemment variable qu'ils pourront suivre. Au commencement 
d'avril 1822, dit encore M. Brehm, nous avions le vent ouest et 
sud-ouest; plusieurs espèces printanières n’arrivèrent point. À 
peine le vent est-1l changé en celui du nord-est, que tous ces o1- 
seaux arrivèrent en colonnes serrées et passèrent en peu de Jours. 


MIGRATIONS. _ 909 


Mais, quand le vent leur est constamment défavorable, 1l faut 
bien cependant qu'ils se mettent en route : c’est ce qu'on a vu au 
printemps de 1823, où nous avions constamment le vent d'ouest 
et de sud-ouest. Les oiseaux du printemps arrivèrent néanmoins, 
mais plus tard, plus en désordre, un à un, et tous plus maigres 
qu'à l'ordinaire, ce qu'il faut attribuer aux fatigues d’un voyage 
exécuté dans de mauvaises conditions. Mais l’on ne conçoit guère 
comment beaucoup de petites espèces peuvent supporter les 
fatigues du voyage; comment elles peuvent se hasarder sur la 
mer au mépris des tempêtes. Il n y a aucun doute qu’elles ne 
passent l'Océan. Faber a vu un Pipi au nuilieu de sa route entre 
le Danemark et l'Islande. M. Brehm a reçu un Roitelet qui à 
été pris au milieu de la mer Baltique. Des Fauvettes vont jusqu’à 
l'extrémité nord de la Norvége, et on sait que des Hochequeues et 
des Traquets arrivent jusqu'en [slande. Les Cailles, dont les 
ailes sont très-courtes et peu en proportion avec le poids du 
corps, traversent cependant la Méditerranée. Elles attendent le 
vent favorable pendant des semaines entières, et, ce vent arrivé, 
elles en profitent le plus vite possible, se reposant néanmoins 
sur chaque petite île; et non-seulement elles laissent de nom- 
breuses victimes sur toutes les côtes qu’elles quittent et qu’elles 
abordent, mais encore elles périssent en grand nombre si, pen- 
dant ur vol, le vent vient à changer brusquement de di 
tion. 

Il y a des oiseaux qui effectuent une grande partie de leur 
voyage sans voler, tels sont les Poules d’eau, les Râles d’eau et de 
genêt, qui n'ont qu'un vol très-court. D’autres font le voyage en 
nageant, tels sont les Pingoums, les PIOnSeQnE, les Guillemots, 
les Grébes, ete. 

Quant à lx direction du voyage, on peut dire que, dans l’an- 
cien continent, les oiscaux gagnent le Sud-Ouest en automne et 
le Nord-Est au printemps. Cependant les déviations ne sont pas 

90. 


554 La ONZIÈME LEÇON. 
rares : beaucoup d'oiseaux aquatiques, après avoir suivi en au- 
tomne les côtes -de la Baltique et de la mer du Nord, changent 
subitement de direction en arrivant en Hollande, remontent le 
Rhin et vont passer l'hiver sur les lacs de la Suisse. C’est ce que 
font surtout plusieurs Canards et certains Plongeons. Les oiseaux 
du nouveau continent ne suivent point dans leurs voyages la 
même direction que ceux de l’ancien monde. Les espèces aqua- 
tiques du Groenland vont vers le Sua-Est. 

Suivant M. Brehm, c’est un pressentiment qui détermine les 
oiseaux à se mettre en route, et 1l regarde cette opinion comme 
étant le plus en harmonie avec les faits. Lorsque, pendant l’au- 
tomne de 1829, il vit tous les Canards quitter le lac de Griessnitz 
et qu'il apprit l’arrivée des Pingouins du Nord sur les côtes 
d'Allemagne, 1l s’attendit à un hiver rigoureux, et la suite con- 
firma sa prévision. S1 nous conservons chez nous pendant l'hiver, 
ajoute-t-il, beaucoup de Pinsons, de Linottes, de Verdiers, on 
peut être sûr qu'il n’y aura pas beaucoup de neige ou que le 
froid ne sera pas durable. Il y a donc chez les oiseaux un instinct 
qui les fait partir et qui les initie aux événements météorolo- 
giques qui se préparent ; 1l y a chez eux une faculté particulière 
de pressentir tout ce que la saison doit avoir de rigoureux ; une 
sensibilité esquise pour les changements atmosphériques qui se 
préparent. C’est ainsi que nous voyons, tous les jours, certaines 
affections rhumatismales avertir ceux qui en sont atteints du 
temps qui va survenir. 

D'après cet exposé, déjà bien long, nous voyons que les opinions 
des divers observateurs dont nous venons de parler varient comme 
les espèces qui ont fait le sujet de leurs observations, et que beau- 
coup d’entre eux, comme nôus l'avons déjà dit, se sont trompés 
en voulant généraliser des faits seulement particuliers à certaines 
espèces. Nous pensons que les causes qui détermment les oiseaux 
à voyager sont de deux ordres : les unes, impérieuses, dépendent 


MIGRATIONS. 999 


d’une loi d'harmonie à laquelle tous les êtres sont soumis, et 
qu'il est plus facile de concevoir que d'expliquer; les autres, plus 
saisissables et auxquelles on est disposé à attacher trop d’impor- 
tance, ne sont que la conséquence des premières. La Providence, 
toujours si sage et si prévoyante, ne pouvait imposer aux oiseaux 
un changement de climat, une répartition à époque fixe, dans 
plusieurs régions où leur présence est utile pour maintenir l’é- 
quilibre et modérer l’accroissement des espèces animales et végé- 
tales nuisibles, sans assurer à ces précieux auxiliaires la tempé- 
rature et l'alimentation qui leur est nécessaire. Ce qui doit le plus 
exciter notreadmiration, c’est moins le fait en lui-même quela puis- 
sance qui préside à son exécution, malgré toutes les difficultés que 
cette exécution rencontre. Les oiseaux migrateurs viennent de ré- 
gions généralement peu habitées par l'espèce humaine : ce sont, 
ou les régions polaires pour la plupart des palmipèdes, ou les forêts 
vierges et les vastes plames des parties tropicales des continents 
pour les autres oiseaux. Si la conservation de l'espèce exige des 
_ lieux presque inaccessibles à ce besoin de destruction si naturel 
à l'homme, une patrie protectrice où les oiseaux puissent se re- 
produire en nombre suffisant pour la mission qu’ils doivent rem- 
plir, ce ne peut être pour agglomérer sur ces régions éloignées 
des masses inutiles et qui bientôt finiraient par se nuire. Tout est 
parfaitement équilibré dans la nature, et, si nous ne comprenons 
pas toujours le but de la puissance qui dirige l’harmonie des 
mondes, 1l faut au moins reconnaitre que ce n'est pas trop mal 
combiné, quoique tout ne marche pas toujours au gré de nos dé- 
sirs ou de nos besoins présents. 

Les oiseaux émigrent pour se répandre partout où leur pré- 
sence est utile. Quelle est donc l'espèce appétissante qui résiste- 
rait à Ja destruction, en France, par exemple, si la loi ne la proté- 
_geait pendant une partie de l’année ? quelle est l’espèce émigrante 
ou de passage qui ne serait détruite, si son séjour était plus pro- 


356 ONZIÈME LEÇON. 


longé et si tous les individus suivaient la même route? Il y a des 
Bécasses, des Cailles, des Alouettes et des Becs-fins dans tous les 
pays, et cette répartition n'est pas exclusivement le fait d’un be- 
soin d'alimentation pour tous ces oiseaux. Ils viennent manger : 
les vers, les nombreux insectes de toutes sortes, qui sans eux 
rendraient un pays imhabitable et improductf; c'est ce que nous 
avons cherché à établir dans notre introduction. 


Fig. 339. — Caille. 


Cette cause générale reconnue, passons à l'examen des causes 
secondaires. Le besoin de nourriture explique-t-il suffisamment 
les migrations des oiseaux? Cela pourrait être, comme nous l’a- 
vons dit, pour quelques espèces erratiques ; mais cela est moins 
vrai pour les espèces émigrantes. Les Cailles, qui vivent de vers 
et de graines, partent à l’époque des semailles, alors qu’elles au- 
raient encore à vivre pendant un mois dans l'abondance; elles 
partent très-grasses et n’ont pas encore souffert, et leur départ 
précipité a lieu au moment où arrivent les Alouettes, qui vivent 
aussi de vers et de grains et qui trouvent à manger jusqu’après les 
premières gelées. 11 faut cependant dire que les Cailles partent 


MIGRATIONS. 391 


aussi parce quelles manquent d’abri : les blés sont coupés et les 
plaines n’ont plus que des couverts de trèfles ou‘ de luzernes qui 
ne leur suffisent plus. On à remarqué que les Cailles prolongeaient 
de beaucoup leur séjour dans nos plaines lorsque autrefois les mois- 
sonneurs laissaient de grands chaumes. Le départ de ces oiseaux 
s’expliquerait donc mieux, au besoin, par l’absence d'un abri con- 
venable que par l'insuffisance de la nourriture. Les changements 
atmosphériques peuvent-ils les pousser à partir ? mais il fait sou- 
vent encore très-chaud longtemps après leur départ, et elles sont 
arrivées à une époque à laquelle la température était encore froide, 
mais alors que les plaines étaient déjà couvertes de verdure. 


a  — = ss 


Fig. 340. — Sarcelle d’été. Querquedula, d'après Gould. 


La prévision de la mue, la longueur relative des nuits, le be- 
soin de reproduction, les courants atmosphériques, la sensibilité 
augmentée, l'hygrométricaté des plumes, les pluies, la chute des 
feuilles, la flétrissure de tous les végétaux, peuvent bien agir un 
peu sur les dispositions de ces oiseaux, que nous avons choisis pour 
discuter la question, parce qu’il est plus facile de les observer: 


358 ONZIÈME LECON,. 


mais véritablement il ne faut pas accorder à ces causes toutes se- 
condaires une importance qu'elles n’ont pas, et qui n’expliquerait 
jamais cette nostalgie dont les Galles captives, au moment du dé- 
part, donnent de si remarquables exemples. Elles ne manquent 


n1 de nourriture m1 d'abri, rien ne gêne leur nature paresseuse, 


et cependant la nécessité qui les pousse est si impérieuse, qu'elles 
n'ont plus un moment de repos; elles sont mquiètes, font des efforts 
désespérés pour suivre l'instinct qui les entraine; elles s’enlèvent 
dans leurs cages, s’écorchent la tête, et ne suspendent leurs ma- 
nœuvres que lorsque, épuisées et le crâne brisé, elles n’ont plus 
la force de se soutenir; aussi en est-1l bien peu qui survivent 
à d’aussi dures épreuves. 

Nous ne pouvons, sans nous exposer à des répétitions inutiles, 
dire en ce moment tout ce qui à rapport aux migrations, dont 
nous parlerons en détail en fusant l'histoire particulière des oi- 
SCEAUX. | 


Na, 
#4 


DOUZIÈME LEÇON 


Instinct, intelligence. — Classification. 


L'instinct dépend de l’organisation, car 1l se mamfeste sponta- 
nément et avant qu'aucun raisonnement ait pu avoir lieu chez 
les animaux, qui, à l'état parfait, pourront s'élever à un certain 
degré d'intelligence. Aussi l'on peut dire que, toutes Les fois que 
les sens agissent sans la participation de la pensée, c’est de l’in- 
stinct, et qu'il est d'autant plus vif que les objets qui peuvent im- 
téresser les animaux sont moins nombreux. 

Le sentiment, ou plutôt la faculté de sentir, dit Buffon, l'in- 
stinct, qui n'est que le résultat de cette faculté, et lenaturel, qu 
n'est que l'exercice habituel de l’mstmct guidé et même produit 
par le sentiment, ne sont pas, à beaucoup près, les mêmes dans 
les différents êtres ; ces qualités intérieures dépendent de l'orga- 
nisation en général et sont relatives, non-seulement au degré de 
perfection des sens, mais encore à l’ordre de supériorité que met 
entre eux ce degré de perfection. Cependant il n’est guère pos- 
sible d’avoir sur l'intelligence des oiscaux une idée aussi com- 
plète que sur celle des mammifères, dont l’organisation a bien 


560 DOUZIÈME LECON. 


plus de rapports avec l'organisation humaine. Les comparaisons 
que nous pouvons faire seront toujours inexactes, tant que nos 
moyens d'appréciation ne descendront pas au niveau de la nature 
des oiseaux, si éloignée de la nôtre. Leurs actions n’ont pas le 
même but, leur voix ne traduit pour nous que quelques-uns de 
leurs désirs où de leurs craintes; leurs douleurs sont le plus 
souvent mucttes et mcomprises, de même que nous sommes sans 
moyens pour leur faire comprendre nos volontés. La faim et la 
privation de sommeil ou de lumière solaire peuvent bien les sou- 
mettre; mais, dans ce cas, 1ls se résignent par faiblesse, et leurs 
instincts se modifient, se perdent, pour faire place à des instincts 
de circonstance que quelques heures de hberté leur font oublier. 

Un oiseau dont l'oreille est assez délicate, assez précise pour 
saisir et retenir une suite de sons ressemblant aux paroles, et 
dont la voix est assez flexible pour les répéter plus ou moins dis- 
tinctement, reçoit ces paroles sans les comprendre et les rend 
comme il les a reçues : quoiqu'il articule des mots, dit encore 
Buffon, 1l ne parle pas, parce que cette articulation de mots n'é- 
mane pas du principe de la parole, et n’en est qu'une imitation 
qui n’exprime rien de ce qui se passe à l'intérieur de l'animal et 
ne représente aucune de ses affections. L'homme a pu modifier 
dans Les oiseaux quelques puissances physiques, quelques quali- 
Lés extérieures, telles que celles de l'oreille et de la voix, mais il 
a moins influé sur les qualités intérieures. On en instruit 
quelques-uns à chasser; on en apprivoise quelques autres assez 
pour les rendre familiers ; à force d'habitude on les amène au 
point de s'attacher à leur prison, de reconnaitre la personne qui 
les soigne; mais tous ces sentiments sont bien légers, bien peu 
profonds en comparaison de ceux que nous transmettons à cer- 
tas mammifères, et que nous leur communiquons en moins de 
temps et avec bien plus de succès Quelle comparaison peut-on 
fire entre l'attachement si dévoué d’un Chien et la famiharité 


INSTINCT, INTELLIGENCE. 361 


capricieuse d'un serin, entre l'intelligence de l’un et les effets de 
l'habitude de l’autre ? 

Peut-on mvoquer à l'appui de l'intelligence des oiseaux l’af- 
fection et les soins dont ils entourent leur couvée? Ils sont, pour 
ces soins, soumis à cette loi générale de conservation de l'espèce 
qui s'étend à tous les êtres vivants. Nous pouvons admirer ce 
sentiment qui fait naître chez l'oiseau une affection toute particu- 
lière pour des œufs en apparence sans vie et qu'il couve avec tant 
de sollicitude ; nous pouvons nous demander quelle peut être la 
compensation des peines de la couveuse, quelle volupté peut être 
le prix de soins si tendres. Nous pouvons dire avec Virey : D'où 
vient ce besoin qui oblige les oiseaux à couver, qui les prive de 
toute liberté, qui-enchaine leur inconstance, modifie en un 
instant toutes leurs habitudes, les expose souvent à la faim, à tous 
les dangers, et les retient sur leurs œufs? Mais toute cette ten- 
dresse instinctive n'est pas de l'intelligence. Elle ne commence à 
paraître momentanément, mais loujours sous l'influence de la 
même loi, qu'à la naissance des petits, et disparait dès que les 
jeunes n'ont plus besom de la mère, qui revient alors à ses 
instincts vulgaires. On ne peut, en effet, re‘user à la Poule qui 
a des Poussins une certaine intelligence, provoquée par les sensa- 
tions diverses qu’elle éprouve. Elle les appelle par des glousse- 
ments qui expriment ces sensations, et dont on peut saisir 
facilement Les différences. Les Poussins comprennent immédiate- 
ment le langage de leur mère : a-t-elle trouvé quelque vermis- 
seau, son cri d'appel est doux; voit-elle un danger, son er1 n'est 
plus le même, 1l est précipité, aigu, strident; les petits accourent 
à l’un et à l’autre, mais avec des allures bien différentes, dans l’un 
ou l’autre cas. Souvent le cri de la mère veut dire : Accourez sous 
mon aile ; parfois aussi 1l veut dire : Cachez-vous; et les petits, 
au lieu d’accouri, s'arrêtent sur place, s'aplatissent, et par 
leur immobilité on voit qu'ils ont compris et qu'ils cherchent à 

US | Vol 


362 DOUZIÈME LECGON : 
se dérober aux regards de l'ennemi qui les menace. C’est moins 
dans une basse-cour que dans les champs qu'on peut observer 
ces intelligentes manœuvres, dont la Perdrix surtout fournit de 
nombreux exemples. Qui lui apprend à abandonner un instant 
ses petits dans un blé où elle Les croit bien cachés, à simuler 
une impossibilité de vol, à se trainer en battant de l’aile pour 
attirer les regards qui l'inquiètent? Qui apprend aux petits à 
rester blottis Jusqu'au retour de leur mère? Pouvons-nous éta- 
blir pour ces divers actes ce qu'il y a d’instinctif et ce qu'il y à 
d'appris? L'intelligence se montre encore chez la Poule, qui, 
pour défendre sa couvée, ne craint pas d'attaquer des animaux 
plus forts qu'elle, et qui s’éloignent plutôt fascinés par cette lé- 
gitime fureur que par la réalité du mal qu'ils ont à redouter. 
S1 l'amour maternel inspire des sentiments violents chez les oi- 
seaux comme chez les autres animaux, nous voyons qu'il peut 
aussi inspirer le respect. Mais l'intelligence de la Poule est bien 
plus évidente lorsqu'elle a couvé des œufs de Cane : son mstinet 
est mis en défaut par celui de ses petits, qui, gênés dans leurs 
allures sur-terre, et n'y trouvant pas la nourriture qui se prête 
à leur barbotage, cherchent aussitôt à se mettre à l’eau : quelle 
n'est pas alors l'inquiétude de la mère devant d’indociles Cane- 
tons qui ne comprennent pas plus son langage qu'elle ne com- 
prend le leur! Elle maîtrise sa frayeur, s’avance le plus qu’elle 
peut avec l'espoir de ramener ses petits et IX pensée de les secou- 
rir ; mais ses cris de rappel et ses accents de douleur n’ont aucun 
succès : les Canetons ne reviennent que lorsqu'ils ont besom de 
la chaleur de leur mère, qui cherche à les entrainer lom du ri- 
vage et ne peut s’habituer à des instincts, à des besoins qu'elle 
ne Colinait pas. | 

Lacépède, comparant à l'intelligence des animaux supérieurs 
l'mstimcet des oiseaux et les actes qui en sont la conséquence, crut 
pouvoir établir le degré de sensibilité de ces derniers d’après la 


INSTINCT, INTELLIGENCE. * 965 
constance et l'étendue de leurs soins pour leurs compagnes et 
leurs petits, et il proposa les distinctions suivantes, en commen- 
cant par le degré le plus bas de l'échelle : 

1° Oiscaux dont les mâles abandonnent les femelles avant 
qu’elles s'occupent de la retraite dans laquelle elles déposeront 
leurs œufs ; 

2° Ceux qui quittent les femelles pendant qu'elles s'occu- 
pent de la préparation du nid ; 

3° Ceux qui s'occupent avec femelles de la fabrication du 
nid ; 
2 Ceux qui gardent et protégent les femelles pendant l’mcu- 
bation, leur apportent une partie de la nourriture dont elles ont 
besoin et chantent auprès du nid; 

5° Ceux qui partagent avec les femelles les soins de l’incuba- 
tion ; 

6° Ceux qui prennent part à l’assiduité mquiète de la femelle 
auprès des petits ; 

7° Ceux qui préparent dans leur jabot là première nourriture 
des petits ; 

8° Ceux qui demeurent avec leurs Haba les aident et les dé- 
fendent même alors qu'ils sont en état de se suffire à eux-mêmes. 

Il estimait aussi le degré de leur industrie d’après la perfection 
plus ou moins grande apportée par eux à la fabrication du nid, 
et ces dernières conditions, ajoutées à celles de la sensibilité, lui 
servaient à distinguer les oiseaux supérieurs : 

1° Oiseaux qui ne construisent pas de nid ou s'emparent d’un 
md étranger ; 

2° Ceux qui composent leur nid de matériaux grossiers, 
TÉUNIS SANS SOIN ; | 

5° Ceux dont le nid est formé de matières choisies après exa- 
men, préparées avec attention et apportées de lom ; 

4° Ceux qui fabriquent leur nid avec des matériaux qu'ils 


364 DOUZIÈME LECON. 

enlacent et qu'ils tissent souvent avec une merveilleuse habileté ; 
5° Ceux qui mettent une recherche particulière, une sorte 

d'attention, de discernement, à placer le md dans la position la 

plus convenable, à l’extrémité d’une branche ou sous des feuilles 

pour garantir les petits du danger ; 

6° Ceux dont le nid a une entrée étroite, un auvent, des con- 
duits tortueux, plusieurs compartiments ; 

1° Ceux qui se réumissent à d’autres couples pour construire 
des nids qui se touchent et qui reçoivent ainsi plusieurs mé- 
nages ; 

8° Ceux enfin qui forment des sociétés nombreuses, et dont 
les nids sont couverts d’une enveloppe commune due à un concert 
de volonté, de ressources et d'adresse. | 

[l'est facile de concevoir, ajoute le savant naturaliste, que, pour 
établir une comparaison rigoureuse entre les espèces dont on veut 
indiquer le degré d'industrie ou de sensibilité, 1l faudra recher- 
cher dans les résultats de ces deux facultés ce qui devra être 
rapporté à l'influence du climat, à l'élévation de la température 
pendant le temps de la ponte, à la solitude de la retraite, au 
nombre des ennemis à redouter, à la puissance des armes pour 
attaquer ou pour se défendre, à la vitesse du vol, à la forme du 
bec et des pattes, instruments dont l'oiseau a été pourvu aussi 
pour ramasser, préparer, réunir et arranger les matériaux du 
nid. 

C'est à dessein qu’en traitant de la voix et du chant des oiseaux 
nous avons réservé ce que nous avions à dire de leur langage pour 
en parler à l’occasion de leur mtelligence. Chaque espèce, à n’en 
pas douter, a le moyen de se faire comprendre par tous les indi- 
vidus qui la constituent. Les migrations ne commencent pas, 
comme nous l’avons vu, sans être précédées d’un conseil général 
souvent lrès-bruyant ; et, pendant le voyage, les émigrants ne 
cessent de se faire entendre pour régler la vitesse du vol, afin 


INSTINCT, INTELLIGENCE. 365 


que les plus faibles puissent suivre les plus forts et aussi pour 
rappeler les égarés. Chaque ton de leur voix a sans doute une 
signification parliculière qui leur sert de moyen de communica- 
cation. S'il en était autrement, comment ceux qui vivent en 
société s’entendraient-ils? comment construiraient-ils ces nids 
compliqués et si artistement arrangés? comment dans ces tra- 
vaux d'architecture chacun aurait-1l sa tâche? Tout travail en 
commun nécessite une entente chez les animaux peut-être plus 
encore que chez les hommes, et nos livres sacrés nous appren- 
nent que la tour de Babel n'a pu être construite. 

Dupont de Nemours à écrit plusieurs Mémoires sur l’'intelli- 
sence des oiseaux, sur leur instinct et leur langage; 1l nous serait 
impossible de le suivre dans tous les détails de ses observations, 
mais nous lui emprunterons quelques passages au moins très- 
Curieux. | 

Il est beaucoup plus commode d'étudier les animaux après leur 
mort que de leur vivant, dit le savant académicien : ils ne peu- 
vent alors fuir ni résister. On les dessine, on les décrit, on les 
dissèque, et on les empaille à l’aise dans son cabinet. C’est un 
travail facile qui fait si bien connaitre leur corps, qu'on ne se 
soucie presque plus de leurs mœurs, qui sont cependant une 
des parties les plus intéressantes de leur histoire. 

Je crois voir quelques-uns de mes respectables collègues sou- 
_rire à ce que Je vais dire sur les dialogues des Corbeaux, auxquels 
ils ne connaissent qu'un assez vilain cri. Je voudrais vivre aux 
champs avec mes savants amis, afin de m'éclairer de leurs lumières 
et de les mener quelquefois loin du village, dans un sauvage ré- 
duit, bien immobiles, bien silencieux, l'œil au guet, l'oreille at- 
tentive, un crayon et un petit livre à feuillets blancs à la main; 
à, Je les inviterais à étudier la nature vivante et à noter leurs re- 
marques sous sa correcte dictée. [ls apprendraient beaucoup de 
mots du dictionnaire de plusieurs espèces. C'est un travail 


91. 


366 DOUZIÈME LECON. 


long ; les Corbeaux m'ont coûté deux hivers et ‘grand froid 
aux ee et aux mains. Voici ce que j'ai recueilli de leur voix, 
qu'on croit toujours la même, quand on écoute rarement et avec 
_ distraction 


era, grass, GrA6, 0 C0, Craou, 
cré, oœress, créa, créé, créo, 
Cro, STOSS, croa, Croé, CTO0, 
CTOU, CTOUSS, Croua, croué, crou0, 
CrOUOU,  gTOUOUSS,  grouass, TOUESS, oTOUOSS. 


Ce sont vingt-cinq mots dont l’analogie est très-grammaticale et 
qu'ils peuvent peut-être combiner à l’mfini, comme nous le fai- 
sons à l’aide de nos chiffres arabes. Mais même sans combinai- 
sons ces vingt-cinq mots suffisent bien pour exprimer : ici, là, 
droite, gauche, en avant, halte, pâture, garde à vous, froid, 
chaud, partir, je l'aime, mot aussi, nid, et une de 
d’autres avis qu'ils ont à se donner selon leurs besoins. : 

Voilà un exemple de la prose vulgaire des oiseaux, mais il fut 
aussi parler de leurs poésies. Ils aiment, et doivent ous. leur 
flamme; ils doivent ajouter à la pensée même par le rhythme et 
par l’intonation. Ils ont des poëtes de tous les ordres : les uns 
abordent le genre trivial, leurs chansons sont courtes, mais 
bruyantes ; elles n’expriment que la satisfaction sensuelle. Ainsi 
chante le Coq sur un fumier au milieu de ses Poules. Le Pinson 

a déjà une poésie plus relevée ; l’Alouette, en s’élevant dans les 
airs, chante un hymne sur les beautés de la nature. On a cherché 
à imiter son chant par la phrase suivante : 


La gentile Alouette, avec son tirelire 

Tirelire, relire, et tireirant, tire 

Vers la voûte du ciel : puis son vol vers ce lieu 
Vire et désire dire : Adieu! adieu! adieu! 


L'Hirondelle, toute tendresse et tout affection, chante rare- 


INSTINCT, INTELLIGENCE. 907 


ment seule, comme nous le dirons plus loin, mais en duo, en 
trio, en quatuor, en sextuor, en autant de parties qu'il y a 
de membres dans la fanulle, et c'est le bonheur domestique 
qui est le sujet de son poëme. Sa gamme n’a que peu d’éten- 
due, et pourtant son petit concert est plein de douceur et de 
charme. : 

Le Rossignol aborde de plus grandes difficultés, comme chant 
et comme poésie : 1l a trois chansons distinctes pour ceux qui 
l’écoutent attentivement. Celle de l'amour suppliant, d’abord 
langoureuse, puis mêlée d'accents d'impatience très-vifs, qui se 
terminent par des sons filés, respectueux, qui vont au cœur. 
Dans cette chanson, la Rossignole fait sa partie en interrompant le 
couplet par des non très-doux auxquels succède un out timide 
et plem d'expression. Elle feint alors une fuite vers un buisson 
voisin, où le Rossignol la suit et qu'ils quittent bientôt tous deux, 
l’un en faisant entendre quelques paroles rapides, saccadées, 
éclatantes, et que leur vivacité ferait prendre pour de la colère : 
aimable colère! C'est la seconde chanson, à laquelle la femelle 
répond par des mots plus courts encore, qui se traduisent par 
ami, mon ami... ah! mon ami! Enfin l’on travaille au nid. 
C'est une affaire très-importante, aussi Les chants sont suspendus. 
Cependant le dialogue continue, mais 1l n'est que parlé, et au- 
cune différence d’accent ne distingue plus les interlocuteurs. 
C'est pendant la ponte et l'incubation que, perché sur une bran- 
che voisine de celle qui porte son nid, un peu au-dessus de lui, 
battant la mesure par le petit balancement qu'il imprime au ra- 
. meau et quelquefois par un léger mouvement des ailes, 1} distrait 
sa femelle par son chant, la félicite et l’encourage. J'ai tâché de 
traduire cette troisième chanson, et, quoique ce soit très-impar- 
faitement, — on m'arrète et l’on me demande « comment on 
peut apprendre des langues d'animaux et parvenir à se former 
de leurs discours une idée qui en approche. » Je réponds que 


368 DOUZIÈME LECON 

le premier point pour réussir était d'observer soigneusement les 
animaux; de remarquer que ceux qui produisent des sons y at- 
tachent eux-mêmes et entre eux une signification, et que des 
cris originairement arrachés par des passions, puis recommencés 
en pareille circonstance, sont, par un mélange de la nature et 
de l'habitude, devenus l'expression constante des passions qui les 
ont fait naître. Lorsque l’on vit familièrement avec des ani- 
maux, pour peu que l’on soit susceptible d'attention, il est im- 
possible de ne pas demeurer convaincu de cette vérité. — Ces 
langues reconnues, comment les apprendre? comme nous appre- 
nons celles des populations sauvages ou même celles de toute 
nation étrangère dont nous n'avons pas le dictionnaire et dont 
nous ignorons la grammaire : en écoutant le son, nous le gravant 
dans la mémoire, le reconnaissant lorsqu'il est répété, le discer- 
nant de ceux qui ont avec lui quelques rapports sans être exacte- 
ment les mêmes, l’écrivant quand il est constaté, et à l’occasion 
de chaque sori observant la chose avec laquelle 1l coincide, et le 
geste ou mouvement dont 1l est accompagné. 

Les animaux n'ont que très-peu de besoins et de passions; 
mais ces besoins sont impérieux et ces passions vives. L'expression 
est donc assez marquée; par compensation les idées sont peu 
nombreuses et le dictionnaire court; la grammaire plus que 
simple : très-peu de noms, environ le double d’adjectifs, le verbe 
presque toujours sous-entendu ; des interjections qui sont en un 
seul mot des phrases entières : aussi ne distmgus-t-on dans leur 
langage aucune autre partie du discours. | 

Je désire que cette explication paraisse satisfaisante, et Je re- 
viens à ce quil m'a été possible de comprendre de la chanson du 
Rossignol. Mais je réclame votre mdulgence, et, si vous étiez des 
Rossignols, je l’invoquerais encore bien plus. Vous savez combien 
toute traduction affaiblit l'origmal. Je ne puis rendre que les pa- 
roles, et tout au plus saisir très-faiblement ce qu'en musique on 


INSTINCT, INTELLIGENCE. 969 


appelle le motif. Oter à un Rossignol sa musique véritable, c'est 
lui faire un tort affreux ! 


Dors, dors, dors, dors, dors, dors, ma douce amie; 

Amie, amie, 

Si belle et si chérie : 

Dors en aimant, 
Dors en couvant, 
Ma belle amie, 

Nos jolis enfants; 

Nos jolis, jolis, jolis, jolis, jolis, jolis, 
S1 jolis, si jolis, si jolis, 

Petits enfants. 


(Un petit silence.) 


Mon amie, 
Ma belle amie, 
À l'amour, 
À l’amour ils doivent la vie, 
À tes soins 1ls devront le jour, 
Dors, dors, dors, dors, dors, dors, ma douce anne; 
Auprès de toi veille l'amour, 
L'amour, 
Auprès de toi veille amour. 


Tel est l'esprit et le fond des paroles de la chanson, qui, selon 
la sensibilité de l'âme du chanteur, est sujette à beaucoup de 
variations ; car il ne faut pas croire que tous les individus chan- 
tent exactement les mêmes paroles : ils ont le même sentiment 
et le manifestent à peu près de la même façon. Les différences 
échappent le plus souvent à nos observations imparfaites ou né- 
gligées. Un autre animal, qui aurait même autant d’esprit que 
nous, mais dont l’espèce serait aussi éloignée de la nôtre que nous 
le sommes des oiseaux, et qui ne saurait pas plus le français que 
nous ne savons le rossignol, confondrait aisément Campistron et 
Racme, Desfontaines et Virgile. Il suffit, à ces énormes distances, 


4 
€ 


d'arriver à comprendre à peu près ce dont 1l est question, et Je 


310 DOUZIÈME LEÇON. | 
ne prétends à rien de plus dans les traductions que J'ai essayées 
de quelques discours ou dialogues d'animaux. 

On à cherché à noter le chant du Rossignol, mais sans succès : 
les modulations de sa voix ne peuvent être reproduites par au- 
cun instrument, par aucun son; nous en donnerons pour preuve 
limitation un peu tudesque de Bechstein : 


Tiounou, tiouou, tiouou, tiouou, 
shpe tiou tokoua, 
tio, tio, tio, tio, 
kououtio, kououtiou, kououtiou, kououtiou, 
tskouo, tskouo, tskouo, tskouo, 
tsu, tsii, tsii, ts, ts1i, ts, tsui, tsii, tsui, tsui, 
kouvror tiou tskoua pipitskouisi 
tso, tso, tso, {so, tso, tso, tso, tso, iso, ts0, tso, tso, 
tsirrhading. 
Tsisi si tosi si si si si si si si 
tsorre, tsorre, isorre, tsorrehi, 
tsatn, tsatn, tsatn, teatn, tsatn, tsatn, tsaln, (si. 
Dlo dlo dlo dla dlo dlo dlo dlo dlo 
kouioo trrrrrrrritst 
Lu lu lulyly will 
kouioo didl li loulgli 
ha guour, guour, koui kouio ! 
Kouio, kououi kououi kououi koui koui kout kout. 
Ghi, ge1, ghi. 
Gholl gholl gholl gholl ghia hududoi 
Koui koui horr ha dia dia dilly! 
Iets, hets, hets, hets, hets, hets, hets, hets, hets, hets 
hets, hets, hets, hets, hets. 
Touarrho hostesroi 
kouia kouia kouia kouïa kouia kouïa, kouia kouiati; 
koui koui koui 10 10 io 10 10 io 10 koui 
lu lyle lolo didi 10 kioua 
Higuai guai guai guai guai guai guai guai kowor 
tstiotsiop1. 


D 


Il y a des oiseaux qui chantent sans attacher d'importance aux 
paroles que peuvent représenter les notes, pour le seul plaisir de 


pl 


INSTINCT, INTELLIGENCE. 911. 


produire et de répéter des sons plus ou moims harmonieux. Tel 
est le Perroquet ; sa véritable langue n’a aucun rapport avec son 
caquet. En est-il de même du Moqueur d'Amérique, cet espiègle 
qui abuse de la facilité de son organe pour attirer les autres oi- 
seaux dont il imite le chant et le cri, et qui semble se divertir et 
les railler de leur méprise? | 

Nous ne pouvons en ce moment dire tout ce qu'on sait des 
exemples d'intelligence fournis par les oiseaux, nous réservant 
d'en parler en faisant l'histoire de chacun d’eux ; nous nous bor- 
nerons donc à citer quelques faits assez remarquables. 

L'Hirondelle de fenêtre, notre aimable commensale, dit en- 
core Dupont de Nemours, est très-distinguée parmi les oiseaux 
par son imtelligence et par sa moralité. Les idées arrivent à son 
cerveau avec une extrême promplitude, et ses organes obéissent 
de même aux volontés qu'elles y font naître. Sa tendresse pour 
ses petits, la reconnaissance de ceux-ci, l'amour conjugal, filial, 
paternel, s'épanchent sans cesse dans Le nid, par une multitude 
d'expressions affectueuses et douces qui se confondent. Tous les 
membres de la famille éprouvent un sentiment qu'ils ne peuvent 
contenir et qu'ils manifestent à la fois par un charmant gazouil- 
lement. Tous semblent encore plus pressés de dire : Je t'aime, 
tu es beau, tu es bon, ah! combien je t'aime! que d'écouter ce 
que disent les autres. | 

Cependant, lorsqu'il s’agit de rendre service à la voisme, la voix 
qui demande le secours est entendue; celle qui l’accorde et qui 
le commande est écoutée. J'ai vu une Hirondelle qui, ayant, je ne 
sais comment, un fil à la patte, s'était accrochée accidentellement 
À une gouttière du collége des Quatre-Nations. Sa force épuisée, 
elle pendait au bout du fil, qu'elle relevait quelquefois en voulant 
voler, et jetait de plaintifs gémissements. Toutes les Hirondelles 
du vaste bassin entre le pont des Tuileries et le pont Neuf, et 
peut-être de plus loin, s'étaient réunies au nombre de plusieurs 


312 DOUZIÈME LECON. 


milliers. Elles formaient un nuage, et toutes poussaient des cris 
d'alarme et de pitié. Après une assez longue hésitation et un 
conseil tumultueux, lune d’entre elles inventa le moyen de déli- 
vrer leur malheureuse compagne; elle communiqua sans doute 
ce moyen aux autres et le mit à exécution. On fit place : toutes 
celles qui étaient à portée vinrent à leur tour, comme à une course 
de bague, donner en passant un coup de bec au fil. Ces coups, 
dirigés sur le même point, se succédaient de seconde en seconde 
et incommodaient très-fort la pauvre captive, mais en peu de 
temps le fil fut coupé et la pendue délivrée. La troupe, seulement 
un peu éclaircie, resta jusqu'à la nuit, parlant toujours, mais 
d’une voix qui n’avait plus d’anxiété, et exprimant comme des 
félicitations mutuelles. 

Nous ne reviendrons pas sur l’habileté de ces oiseaux pour Ja 
construction de leurs nids, mais nous dirons comment elles en- 
tendent le droit de propriété acquis par un ingénieux et pénible 
travail. On sait qu'à l’arrivée des Hirondelles chaque: ménage 
reprend le md qu'il a construit ou occupé l’année précédente. 
Chacun reconnait son domicile et en prend possession. Si l’édi- 
fice n'a éprouvé que quelque légère dégradation, les propriétaires 
le réparent. Mais, s’il est détruit complétement, ils trouvent aide 
et assistance chez les parents et les voisins, qui concourent avec 
empressement à la nouvelle construction. Batgowki a communi- 
qué un autre exemple de cet esprit de fraternité et de secours 
mutuels entre les Hirondelles dans le malheur. Un Moimeau s'é- 
tait emparé d’un nid d'Hirondelle et le défendait vigoureusement. 
Les anciens maîtrés, n'ayant pu rentrer dans leur héritage, mvo- 
quèrent leurs confédérés, dont la foule et les menaces ne purent 
pas davantage faire déloger l’usurpateur. Toutes les tentatives 
restaient sans résultat. Tout à coup la manœuvre change; l’as- 
saut est suspendu; le siége est converti en blocus : quelques 
braves Hirondelles surveillent l'ouverture, et, chacune des autres 


/ 


INSTINCT, INTELLIGENCE. sr 


apportant sa becquée de mortier, le nid se trouve en peu d’in- 
stants muré comme la fatale prison d'Ugolin; les cris des vain- 
queurs continuant d'intimider le Moineau et l'empêchant de 
tenter une sortie, la consolidation du mur fut bientôt complète 
et l'usurpateur puni. On comprend ce que ce fait suppose de 
réflexion, d'énergie, d'umion, de subordination, d'esprit social 
employé à la défense commune, à l'intérêt général. Quand il faut 
émigrer, les Hirondelles se rassemblent sur des points convenus 
d'avance ou déterminés par l'influence de celle dont les autres 
reconnaissent la supériorité. Après de longs discours qui occupent 
des journées entières, on part, et l'on part en troupe, comme le 
plus grand nombre des oiseaux voyageurs, avec la même dis- 
cipline : ce qui prouve des conventions, des grades, des magistra- 
tures, au moins du genre de celles auxquelles les peuplades 
sauvages obéissent dans leurs expéditions. 

Le même observateur cite un fait qui montre la discipline des 
Corbeaux et avec quelle sagacité ils jugent la nature du danger 
auquel nos armes les exposent. Un chêne touffu et très-élevé, 
élo‘gné des habitations, servait la nuit d'asile à un grand nombre 
de Corbeaux. On les voyait s’y retirer tous les soirs. On y va 
deux heures après le coucher du soleil par une nuit assez clure, 
et on lâche sur l'arbre un coup de fusil chargé de gros plomb. 
Les Corbeaux partent, mais aucun en fuyant horizontalement ; 
tous au contraire s'élèvent en ligne presque perpendiculaire, 
comme une gerbe d'artifice. Leur calcul unanime avait été que, 
le coup de fusil partant du pied de l'arbre et pouvant être suivi 
d’un second sur ceux qui auraient filé, l'intérêt commun était de 
se mettre en hauteur, hors de portée, dans une direction où les 
branches pouvaient les garantir et intercepter la vue; et ils ne 
commencèrent à se disperser qu'à une très-grande élévation et 
choisirent un autre domicile. Dans le jour, lorsque la troupe s'a- 
battait et.se répandait dans les champs pour chercher sa subsis- 

DE 22 


314 DOUZIÈME LECGON. 


tance, quatre ou six éclaireurs restaient toujours en l'air, volant 
doucement de côté et d'autre, observant ce qui se passait et char- 
gés d'en donner avis. Ces éclaireurs étaient relevés d'heure en 
heure. Les bandes d’Oies, de Canards, de Grues, ont toujours 
aussi des sentimelles, qui, à l'apparence du moindre danger, 
donnent le signal d'alarme. Les Corbeaux, les Pies, les Étour- 
neaux, les Rarmmers, etc., savent parfaitement reconnaître si 
l'homme qui vient à eux n’est porteur que d’un bâton ou s’il est 
armé d'un fusil. Dans le premier cas, ils se laissent approcher; 
dans le second, ils semblent très-bien calculer la distance, et 
s’éloignent presque au moment où le chasseur allait pouvoir se 
servir de son arme. I y a dans ce fait plusieurs idées : l’homme 
est armé ou non; son arme agit à telle distance, 1l est temps de 
fuir. Est-il possible que ce soit l'expérience individuelle qui at 
éveillé cet mstinct? Il n’est pas probable que tous ces oiseaux ne 
partent que parce qu'ils ont éprouvé l'effet des armes; mais ceux 
d’entre eux qui en ont subi l'épreuve avertssent les autres du 
danger. L'intelligence des oiseaux se montre encore de diverses 
manières . 

Les Buses et les Busards, de même que quelques oiseaux de 
proie de l'Afrique et de l'Amérique, savent très-bien se réumir en 
troupe pour se diviser ensuite sur un large espace, former le 
cercle, et rabattre, en le rétrécissant toujours vers le centre, les 
Perdrix ou les Alouettes qui s’y trouvent comme fascimées par la 
présence et le mouvement d'ailes de leurs ennemis naturels, dont 
elles deviennent facilement la proie. 

Les Flamants et les Pélicans, dans les marais et les eaux qu'ils 
fréquentent, font le même manége que les oiseaux de proie dont 
nous venons de parler, pour étourdir et ramener au nulieu d'eux 
le poisson dont ils veulent s'emparer. 

Les grands échassiers, tels que les Grues, les Cigognes et les 
Hérons, ont des chefs de file qui les guident et les dirigent dans 


INSTINCT, INTELLIGENCE. 315. 
leurs longues pérégrinations aériennes, et des vedettes qui les 
gardent pendant leurs stations à terre. Il en est de même des 
Cygnes, des Oies et des Canards. Ils voyagent en suivant un or- 
dre nn : leurs bandes sont rangées en triangle 
plus ou moins aigu, suivant l’état de l'atmosphère; quelquefois 
en colonne sur une seule ligne, quand les bandes sont peu nom- 
breuses et se composent d'individus du même âge; parfois en 
bataille ou en demi-cercle par les temps calmes et après un re- 
pos de la troupe. Quel que soit le nombre, ils évoluent dans les 
airs à la voix des anciens et passent de l’ordre en bataille à l’or- 
dre en colonne ou en triangle, suivant les dificultés et la lon- 
gueur de l'étape. 

. Quor de plus surprenant que la rapidité d'exécution et l’en- 
semble des mouvements, chez un grand nombre d'espèces qui 
volent en bandes nombreuses? À un signal, pendant le vol, tous 
donnent en même temps le même coup d’aile, présentent le flanc 
et reprennent tout de suite leur position normale. Tels sont, par 
exemple, les Étourneaux, dont les couleurs miroitent si bien au 
soleil. Pour exécuter cette manœuvre avec autant d'ensemble, il 
faut sans doute un commandement préparatoire et un autre com- 
mandement d'exécution donnés par un chef auquel toute la 
bande obéit de la façon la plus merveilleuse. 

L'instinct des oiseaux est susceptible de se pr êter, au Moyen 
d'une certaine domestication, à nos besoins comme à nos plaisirs. 
Aussi l’homme a-t-11 su en tirer parti en le développant à son 
profit. C'est ainsi qu'est né et s’est perfectionné l’art de la faucon- 
nerie, devenu presque une science. L'instinct particulier propre 
aux Rapaces, et qui pousse les uns à la poursuite d’une proie vi- 
vante, tandis qu'il réduit les autres à la recherche des proies 
mortes où incapables de fuir et de se défendre, a naturellement 
indiqué qu’il ne fallait se servir que des premiers comme auxi- 
haies de la chasse. 


316 DOUZIÈME LEÇON. 
L'instinct imitateur des Perroquets et celui d’autres oiseaux de 
l'ordre des Passereaux fournit des moyens de distraction et de 
plaisir. Profitant de cet instinct qui attache les Pigeons plus 
qu'aucun autre oiseau aux lieux qui les ont vus naïtre, instinct 
parfaitement secondé par la régularité et la rapidité du vol, 
l’homme s’est fait des messagers pour la prompte transmission 
de dépêches ou de nouvelles importantes, et cette application de 
messages souvent mystérieux a certainement précédé l'institution 
des postes. Marie Stuart, prisonnière d'Élisabeth d'Angleterre à 
Tutbury, entretint pendant quelque temps une correspondance 
avec Babington, le chef du complot formé pour la sauver, et 
c’est par une colombe, que la fille du concierge de la prison lui 
portait chaque jour, qu'elle était instruite de ce qui se passait et 
qu'elle communiquait ses réponses en donnant la liberté à l’o:- 
seau. | 
Les instimcts essentiellement pêcheurs des Pélicans et des Cor- 
morans ont fourni des auxiliaires uties pour les besoms de l'ali- 
mentation et le plaisir de la. pêche. Les Pélicans conservent une 
grande quantité de poissons dans l'énorme poche membraneuse 
de leur bec et on les habitue à rapporter ces provisions à leur 
maître. Il n’en est plus de même des Cormorans : plus gloutons 
que les premiers et organisés pour une mgurgitation immédiate, 
ils ne seraient d'aucune utilité si l’on n'avait imaginé de leur pas- 
ser au cou un anneau qui les met dans l'impossibilité d'avaler le 
poisson, aussi le rapportent-ils forcément à leur maitre, avec 
l'espoir d’une part du butin. L'instinct, à n’en pas douter, peut 
donc se perfectionner par l'expérience et se modifier momenta- 
nément par une sorte d'éducation. : 
L'intelligence chez les oiseaux est assurément moins dévelop- 
pée que chez les mammifères, dont quelques-uns nous étonnent 
par les raisonnements qu'ils doivent faire avant d'agir; mais 1l 
est facile d’en constater l'existence dans une mesure assez large. 


INSTINCT, INTELLIGENCE. 377 
Nous avons à Nogent-le-Rotrou une Cigogne, libre dans un petit 
pare, et nous lui donnons quelquefois des croûtes de pain dur 
qu'elle ne peut manger, puisque son bec ne peut les écraser, 
mais dont elle est assez friande. Elle sait parfaitement bien que 
pour amollir ces croûtes 1l faut les porter à l’eau et attendre 
leur imbibition. Ce fait a tout autant le caractère de l’intelli- 
gence que celui cité par Plutarque, d'un chien qui, désirant 
boire de l'huile au fond d’un vase trop profond pour qu'il pût at- 
teindre le niveau de l'huile, imagina, pour élever ce niveau, de 
laisser tomber des petits he au fond du vase. 

N'est-ce pas encore un signe d'intelligence que donnent les di- 
vers oiseaux que nous retenons captifs et que nous condamnons 
à gagner leur nourriture par diverses manœuvres assez difficiles, 
et qui consistent à tirer à l’aide d'une chaine de petits seaux 
contenant la graine et l’eau qui leur sont destinées ? 

Mais l’oiseau le plus remarquable comme auxiliaire mtelligent 
est l’Agami, de l’ordre des échassiers et voisin des Cigognes : par 
les services qu’il rend, par sa sociabilité et par sa soumission, il 
est comparable au Chien. Non-seulement l’Agami s'apprivoise 
aisément, mais 1l est, comme le Chien, éducable et affectueux. I 
obéit à la voix de son maître; il le suit, reçoit ses caresses ; 1l 
lui en rend ou le prévient ; il les lui prodigue à son retour quand 
il a été absent; 1l paraït sensible à celles qu'on lui accorde; sa 
jalousie se manifeste envers ceux qui pourraient les partager, 1l 
chasse les autres animaux domestiques et poursuit même, dans 
les colomes, les nègres qui font le service. Seul, 1l s'éloigne sans 
s’égarer et revient chez son maitre. Sans nous étendre davantage 
sur ces détails, qui reviendront plus tard quand nous parlerons 
de cet oiseau, disons qu’à Cayenne on confie à un Agami une 
bande de Dimdons ou de Canards ; qu'il les mène au pâturage dès 
le matin, les veille pendant la journée et les ramène le soir ; on 
en a même élevé à conduire un troupeau de moutons. Dans la 

32. 


318 7 © DOUZIÈME LEÇON. 


basse-cour, il se rend maître : le matin, 1l fait sortir tous les oi- 
seaux, et, le soir, 1l oblige les trainards à rentrer. Un autre genre L: 
d'échassier, encore plus grand, de l'Amérique du Sud, le Ka- 
michi, élevé en domesticité, est susceptible aussr des mêmes af 
fections, doué des mêmes qualités, et rend les mêmes services 
que l’Agami. Ce sont bien là les caractères de l'intelligence éle- 
vée à sa plus haute puissance chez un oiseau. 

Tous les instmcts industrieux, à dit un ancien auteur, tendent 
à la conservation de l'individu et de l'espèce. Ils ne s'étendent 
pas au delà des besoins sensuels. Ils ont en eux quelque chose 
de plus que le simple empressement d'obtenir, ce sont les 
moyens de parvenir à ce but. Aucune espèce n’a d’instincts inu- 
ules ou superflus. Le mécanisme du corps des oiseaux, soit dans 
les organes des sens, soit dans ceux du mouvement, à la plus 
parfaite harmonie avec la perception recue, et les conduit tou- 
jours à l’accomplissement spontané des désirs qu’elle fait naître, | 
Les instincts industrieux des individus de la même espèce, dans 
l'état de liberté, agissent toujours d’après les mêmes règles dé- 
terminées, au moins en ce qui est essentiel; des accidents peu- 
vent seuls donner lieu à d’autres déterminations. C’est pourquoi 
l'on n'aperçoit aucune différence dans les instincts imdustrieux 
d’une espèce, quelle que soit la contrée qu’elle habite. Les géné- 
rations présentes et celles à venir ne perfectionneront point les 
instincts des générations passées; mais aussi elles ne perdront 
rien de la finesse de ces instincts. Enfin on trouve dans quelques 
espèces l'instinct de faire un emploi déterminé de leurs organes, 
même avant que ces organes soient développés; par conséquent, 
ce nest point la possession de ces organes qui les engage à en 
faire usage, mais le vif empressement de s'en servir démontre 
qu'il est dans la nature de ces animaux d’en connaître l'emploi, 


même avant qu'ils soient assez forts pour leur être effectivement 
utiles. 


CLASSIFICATION. : 3719 


Nous terminerons cette leçon par quelques mots sur la mé- 
thode de classification des oiseaux. | 

Les productions de la nature sont trop nombreuses pour qu'il 
soit possible de les bien connaître, si l’on ne parvenait à rappro- 
cher les unes des autres celles qui présentent des rapports géné- 
raux et à grouper ensuite dans des divisions toujours plus étroites 
celles que des analogies plus évidentes doivent réumr. L'ordre 
qui s'établit alors assez facilement est indispensable pour pouvoir 
embrasser l'ensemble et saisir les différences. 

IL y a deux movens de classification : l’un artificiel, et qui ne 
prend pour base de ses divisions qu'un ou deux points de compa- 
raison entre les objets qu'il faut classer ; ce moyen, très-commode 
parfois, mais aussi très-incomplet et donnant lieu à de nom- 
breuses erreurs, est connu sous le nom de système, du mot grec 
cvstaua, Qui veut dire assemblage; l’autre naturel, et auquel on a 
donné le nom de méthode — pero, suivant, et ôd6s, route ou bonne 
route, — établit des divisions bien plus exactes en se basant sur 
des caractères tirés de l'ensemble de toutes les parties du corps. 

D'après cette explication sommaire, 1l est facile de comprendre 
que*les. systèmes employés pour l'étude d’une branche quel- 
conque de l’histoire naturelle sont toujours insuffisants, parce 
qu'ils ne servent à distinguer ou à grouper les corps que d’après 
des données incomplètes, isolées et par conséquent peu impor- 
tantes, et surtout enfin parce que beaucoup de rapports essentiels 
restent méconnus ; tandis que la méthode est l'expression la plus 
exacte et la plus complète des analogies et des différences que 
présentent les divers objets qu'on veut classer : les modifications 
principales les plus saillantes servent de base aux grandes divi- 
sions ou divisions du degré supérieur; et les modifications secon- 
dures par ordre d'importance décroissante à celles des degrés 
suivants et inférieurs. [1 y a, comme on le voit, subordination 
des caractères, puisque les grandes divisions sont établies sur l’é- 


580 DOUZIÈME LECON. 

tude des parties les plus importantes des corps, et les divisions de 
second, de troisième ou de quatrième ordre sur celle des parties. 
graduellement moins importantes. On admet les divisions sui- 


vantes : le règne, l'embranchement, la classe, l’ordre, la famille, 


le genre. Toutes ces divisions peuvent elles-mêmes être subdivi- 
sées, quand des caractères particuliers distinguent les corps qui 
en font partie ; on dit alors la sous-classe, le sous-ordre, etc., etc. 
Ces coupes ne sont en réalité que des abstractions qui servent de 
jalons et facilitent l'étude en indiquant la réunion d'individus 
groupés d’après les caractères communs qu'ils présentent et la 
valeur décroissante de leurs analogies et de leurs différences. 
L'espèce, dont nous n’avons pas parlé dans l'exposé qui précède, 
est le dermier degré de la méthode. C’est, au point de vue z0olo- 
gique, un type primordial transmettant tous ses caractères orga- 
niques par voie de génération. Lorsque des déviations légères, 
mais permanentes, sont produites par le climat, la domestication 
ou toute autre influence, on a la variété, qui peut n'être que pas- 
sagère ou accidentelle. Sous le nom d'espèce on comprend donc 
tous les mdividus produits de la même souche et identiquement 
semblables. Le genre est le groupe le plus inférieur; il se com- 
pose d’un nombre plus ou moins considérable d’espèces présen- 
tant des ressemblances de formes et d'organisation, et des diffé- 
rences permanentes de couleur, de volume, d'accessoires, mais 
souvent sans importance et quelquefois peu apparentes à première 
vue. | 
La famille est la réunion de genres que des analogies d'orga- 
misation, de formes et de mœurs, rapprochent les uns des autres. 
Entre la famille et le groupe désigné sous le nom d'ordre, on 
admet quelquefois une division intermédiaire qui n’est pas abso- 
lument mdispensable, puisque les caractères d’après lesquels on 
l'établit sont souvent très-accessoires: mais elle est utile surtout 
dans les ordres nombreux, parce qu'elle repose l'esprit en permet- 


ES 


CLASSIFICATION. 381 


tant de reconnaître les rapports que plusieurs familles ont entre 
elles. C’est la tribu. 

L'ordre est une réunion de familles présentant entre elles des 
analogies d'organisation frappantes et qui ne se retrouvent pas 
dans les autres familles ; 1l comprend, par conséquent, tous les 
animaux qui, comparés à tous ceux de la même classe, présentent 
une différence sallante d'organisation et un aspect particulier. 

La classe enfin est la réunion de tous les ordres et comprend, 
par conséquent, tous les animaux d’un même type. 

Si nous suivons maintenant une marche inverse, nous verrons 
que le règne animal comprend tous les corps organisés animaux 
et se divise en quatre embranchements, comme nous l'avons dit 
au début de notre première leçon. Le premier de ces embranche- 
ments est composé d'animaux ayant tous des vertèbres, mais ap- 
partenant à quatre types différents et formant quatre classes dis- 
timctes : ce sont les mammifères, les oiseaux, les reptiles et les 
poissons. Dans la seconde classe — oiseaux — se trouvent : 1° les 
oiseaux de proie ou accipitres, 2° les passereaux, 3° les pigeons, 
4° les gallinacés, 5° les gralles ou échassiers, 6° enfin les pal- 
mipèdes ou nageurs, formant six ordres bien reconnaissables. 

Prenons le premier de ces ordres, et examinons la valeur de 
ses divisions ; nous voyons d'abord que parmi les accipitres les 
uns sont diurnes et les autres nocturnes. La forme du bec et des 
. pattes de ces oiseaux indique l'usage qu’ils peuvent tous en faire, 
mais la différence de leur organisation et leur existence diurne 
ou nocturne les sépare assez les uns des autres pour permettre de 
subdiviser l’ordre en deux sous-ordres : accipitres diurnes, acci- 
pitres nocturnes. Le premier de ces sous-ordres se compose d’oi- 
seaux ayant des habitudes bien différentes que traduisent parfai- 
tement diverses modifications du bec, des pattes, etc. On a dû 
alors former des subdivisions pour réunir tous ceux qui vivent de 
proie morte et les distinguer de ceux qui attaquent et saisis- 


382 DOUZIÈME LEÇON. 
sent une proie vivante : ces divisions ou tribus sont établies, l’une 
pour les Vautours, l'autre pour les Faucons et les Aigles. 
Mais les Vautours, caractérisés surtout par la nudité de la tête 
et du cou, la forme et la force du bec, des ongles faibles et peu 
crochus, présentent cependant des différences essentielles : ainsi 
les uns ont des membranes charnues ou caroncules plus où moins 
développées sur la tête et le cou : tels sont les Condors; les antres 
n'ont pas de membranes charnues ou n’ont que des plis de la peau 
sur la tête et le cou, qui sont couverts d’un duvet court et rare ; 
leur bec est plus fort : ce sont les vrais Vautours ; d’autres ont le 
bec plus faible, plus charnu, plus allongé : ce sont les Cathartes; 
d’autres enfin, avec des habitudes analogues et la plupart des ca- 
ractères de la tribu, ont, par exception, la tête et le cou couverts 
de plumes et Ia base du bec garnie de faisceaux de poils roïdes et 
durs : ce sont les Gypaëtes. Voilà les caractères principaux qui 
ont servi à l'établissement de quatre familles. La première de ces 
familles ne se compose que d'un genre — Sarcoramphe, compre- 
nant deux espèces différentes, le Sarcoramphe-Condor et le Sarco- 
ramphe-Papa. La seconde se compose de quatre genres et d’un 
plus grand nombre d'espèces, etc. À ces quelques mots sur la 
classification, nous ajouterons qu’on ne peut se passer de mé- 
thodes lorsque les objets à classer sont multipliés et que beaucoup 
se ressemblent et se confondent aux yeux de l'observateur. Elles 
ménagent le temps et facihtent l'étude, mais nous verrons qu’elles 
ne sont pas l'expression absolue de la marche suivie par la na- 
ture. Dans la leçon suivante, nous commencerons l’histoire des 
oiseaux de proie, accipitres diurnes. 


FIN DU TOME PREMIER. 


TABLE DES MATIÈRES 


DU TOME PREMIER 


DDÉODUURION. SUN He ne co 

PRemIÈRE LEÇON. — Organes actifs el passifs du mouvement. 

Deuxième LEcox. — Peau, expansions charnues, plaques cornées, épe- 
DNS CT AULS  DIUNES 17, CA ne re CUIR, 

Troisième LEcox. — Système nerveux et sens. 

Quarriëne Lecox. Appareil digestif, — Cœur et système vasculaire. 
— Organes incubateurs. — Appareil de la respiration. -— Sacs 
aériens. — Organes de la voix et du chant. , 

Cinquième LEecon. — Suite des organes de la voix et du chant. — 
Conservation de l’espèce. — Organes reproducteurs. . . 
SIXIÈNE LEÇON. — Formation et développement de lPœuf; sa forme, 

SACOUICUL.6 0 AU 


DébHEne dJecon — Fabrication du midi: 2... 6 1 


À 

; 3 

"ii 

ET TABLE DES MATIERES. * 


Hurriène Leçox. — Ponte. — Incubation. -— Développement de l’em- 
HV OU he PR Sn Re Pi NN RP er 


Neuvièue Leçon. — Modes dé locomotion : vol, marche, natation. . 281 
Dixiène Leçon. -— Distribution géographique. . . . . . . . . . . 507 
OA TEEN ES IR NUNS #47 Re 520 


Douaëne LEecox. — Instinct, intelligence. — Classification. . . . . 359 


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