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NATURALISTE VOYAGEUR
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LIBRAIRIE L HACHETTE ET C'
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Spécimen des exemplaires en couleur.
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DES OISEAU)
PAR
J. C. GHENU
MÉDECIN PRINCIPAL À L'ÉCOLE IMPÉRIALE DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE MILITAIRES
O0. DES MURS er J. VERREAUX
Ornithologiste Naturaliste voyageur
TOME PREMIER
Martinet à ventre blanc.
PARIS
LIBRAIRIE L HACHETTE ET C':
77, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 77
1862
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AVERTISSEMENT
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Les Leçons élémentaires sur l'Histoire naturelle des
Oiseaux sont publiées pour vulgariser la science, en ré-
pandre le goût et en faciliter l'étude; elles paraîtront tous
les mois par demi-volume.
Le premier volume comprend toutes les généralités In-
dispensables sur l'anatomie, la physiologie, le mode de
reproduction, les habitudes, l'instinct, la distribution géo-
graphique et le classement des oiseaux. Les suivants don-
neront l’histoire des ordres, des familles, des genres et des
espèces principales. Indépendamment de nombreuses gra-
vures dé détail à l'appui du texte, chaque volumé contiendra
a,
VI AVERTISSEMENT.
environ cinquante types spécifiques choisis surtout parmi
les oiseaux d'Europe qui seront tous figurés, et parmi ceux
qu’il est utile de connaître et qui habitent les autres parties
du monde.
Quelques exemplaires en couleur seront en dépôt chez
M. Victor Masson, libraire, place de l’École-de-Médecme.
Nous inviterons les personnes qui achèteront ces exem-
plaires retouchés au pmceau et qui voudront les faire re-
lier, à recommander au relieur le plus grand soin pour
éviter le collage des figures plus où moins gommées. On
obtient un excellent résultat de l'emploi du papier dit vé-
gétal, où d'un papier gras, mais sec, placé entre les pages,
pendant que le volume est en presse.
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MUSEE ORNITHOLOGIQUE
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ORAMERRE PAPA. Mâle et Fémelle:
Amérique intertropicale.
Roux carné très-clair sur les parties supérieures; blanc pur en dessous
Ailes noires. Un collier ardoisé au bas du cou. Bec rouge, noir à la base.
fris blanc. Œil entouré d’un cercle rouge. Crête orangée, charnue, adhé-
rente à la cire, bilobée, dentelée, non érectile. Tête et cou nus, violâtres
en avant; sommet couvert de poils ardoisés et courts. Plis charnus et oran-
gés naissant derrière l’œil. Rides de la gorge variées de rouge et de jaune.
Tarses bleuâtres.
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SPÉCIMEN DU MUSÉE ORNITHOLOGIQUE
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SARCORAMPHUS PAPA. Mäle, jeune et très-jeune.
Parties supérieures variées de noirâtre et de fauve à la troisième année:
d’un brun foncé dans le jeune âge, avec quelques plumes d’un blanc sale
et brunes au milieu, sur les flancs, les jambes et le dessous de la queue.
Vurrus Papa; Linné, Syst. nat.. 11766.
SARCORAMPHUS PAPA; Duméril, Zool. anal., 1806.
Caruartes Papa; Illiger, Prodr. mamm. et avium, 1811.
Gypacus Papa; Vieillot, Galerie des Ois., 1816.
Urvueu ou Roi nes Vaurours; Buffon. — Tae Kive Vurrur des Anglais. —
Cozcaquauarzr des Mexicains.
MUSÉE ORNITHOLOGIQUE
COLLECTION
DE
PLANCHES COLORIÉES DE TOUS LES OISEAUX CONNUS
CLASSÉS PAR ORDRES, FAMILLES ET GENRES
PAR
J. C. CHENU, O0. DES MURS ET J. VERREAUX
Cet ouvrage, destiné aux personnes qui s‘occupent spé-
cialement d’ornithologie, contient tous les détails de la
classification, la discussion sur la valeur des genres pro-
posés par les naturalistes de tous-les pays, les caractères
de divers degrés que nous croyons devoir adopter, ainsi
que la figure de tous les oiseaux connus mâle, femelle,
Jeunes et variétés. Chaque espèce est sommairement dé-
crite, et la description comprend la synonymie, la taille,
la patrie et tous les détails importants. Le premier volume
se compose de types pris dans les aivers ordres pour l’in-
_telligence des généralités sur l'ensemble de la classification:
mais les planches mobiles qui s’y trouvent n'ont reçu
qu'un numéro provisoire pour que chaque espèce figurée
puisse être placée, par la suite, à l’aide de la table, dans
le genre auquel elle appartient, comme on peut le voir sur
le spécimen que nous donnons. Les volumes suivants con-
üendront les genres de chaque famille dans l'ordre métho-
dique.
Le prix de chaque volume, de cent planches coloriées,
comprenant environ cent emquante oiseaux et le texte cor-
respondant, est de vingt francs.
PARIS. — IMPRIMERIE SIMON RAÇON ET COMP., RUE D'ERFURTH, |.
Fig. {. — Hirondelle de fenêtre.
INTRODUCTION
L'oiseau est le plus indépendant de tous les animaux : hbre
comme l'air qu'il traverse, l’espace est son domaine; toujours
admirablement orienté, 1l frauchit en peu de temps les plus
grandes distances, et ne se fixe que sur les points où son exis-
tence est assurée. Il prévoit le froid et la chaleur, le calme et
les orages; 1l pressent les changements atmosphériques qui
viennent surprendre nos sens et les instruments de précision,
dont nous sommes si fiers. Aussi, sans parler des grandes migra-
tions bisannuelles, 1l fait souvent, dans la contrée qu'il habite,
de petits voyages pour se soustraire au moindre trouble météoro-
logique, revient au lieu qu'il a momentanément quitté, prêt à
passer encore de la plaine à la montagne, ou réciproquement,
DE 1
2 INTRODUCTION.
pour chercher un abri contre le vent ou la pluie, un sol plus sec
ou plus humide, des plaines non encore moissonnées, des ver-
sers ou des vignes qui lui promettent les fruits mûrs, sur les-
quels il a bien le droit, comme nous le dirons bientôt, de préle-
ver la dime.
Souvent remarquable par la richesse de son plumage, l’élé-
gance de sa forme, le charme de sa voix et son étonnante viva-
cité, il anime, dès le lever du soleil, les bois, les champs et les
jardins, où parfois le plus sauvage, tout en conservant la hberté,
dont il est surtout jaloux, se familiarise assez pour rechercher la
présence de l'homme et lui demander quelques miettes de pain.
Fig. 2. — Chardonneret. Fig. 5. — Rouge-gorge.
Le mouvement semble lui être plus naturel que le repos, et sa
turbulente vivacité, ainsi que l'ardeur de ses petites passions,
s'explique assez par la grande quantité d'air qu'il respire, et
qui donne un excès d'énergie à sa constitution. C'est sans doute
‘aussi à la même cause qu'on doit attribuer l’imcroyable fécondité
_des plus petites espèces. Et cependant, avec uné activité aussi
épuisante et des fatigues qui semblent devoir dépasser les forces
des oiseaux, comment expliquer leur longévité? Buffon dit qu'ils
Fæ
INTRODUCTION. 5
doivent leur longue existence à la vacuité, à la légèreté de leurs os,
qui couservent plus longtemps leur vitalité; et 11 a considéré l’ac-
cumulation de la matière calcaire dans les os plus pleins et plus
lourds des autres animaux comme la cause principale de la mort
naturelle. I est néanmoins bien peu d'oiseaux qui atteignent, dans
les pays civilisés, la limite normale de leur existence. La destruc-
tion des faibles par les forts, les rivalités, les combats même entre
les individus de la même espèce, paraissent nécessaires à lharmo-
nie du monde, et ne troublent pas les proportions établies par la
divine providence. Mais la guerre incessante, si meurtrière et si
peu raisonnable, que leur fait homme sur tous les points du
globe, change complétement ces propor tions; aussi la destruction
d un ou otabte d’espèces d’oistaux entraine-t-elle le dévelop-
pement de myriades d'insectes qui dévorent les fleurs, les fruits,
les céréales, la vigne, et même les arbres des forêts,
Don de l’occasion pour faire la part réelle du bien et du
al que les oiseaux font aux récoltes, et présentons un résumé
impartial des termes du procès qu'on leur fait. Si les crimes
qu'on leur impute sont nombreux, les circonstances atténuantes,
il faut l’avouer, feront peut-être absoudre des coupables qui
obéissent à une loi de nature. |
Les oiseaux qui se nourrissent de grains, et il en est bien peu
qui soient exclusivement granivores, causent évidemment des
dommages à l’époque des semailles et au moment de la moisson.
Quelques-uns même, pendant l'hiver, quand la terre est gelée ou
couverte de neige, s’introduisent parfois dans les granges, dans
les gremiers, et la faim transforme en pillards effrontés ces pau-
vres moimeaux, oiseaux citadins, qui n'inspirent aucune pitié.
Ceux qui vivent de plantes herbacées attaquent les pousses
naissantes au moment où elles sortent de terre; souvent ils les
déracinent et dévorent le grain qui les à produites. Plus tard ils
atlaqueront aussi les sommités plus tendres, blesseront la tige,
4 INTRODUCTION.
déchireront les feuilles; c’est le fait du Pigeon Biset, qui provoque
les malédictions du cultivateur, et celui de la plupart des gallina-
cés; c'est le fait aussi de tous les Perroquets qui tombent sur les
plantations de maïs et les rizières. :
D'autres sont très-friands des bourgeons qui commencent à
s’ouvrir; on les connait dans les annales du crime sous le nom
d’ébourgeonneurs, tels sont le Gros-bec et le Bouvreuil; et, dans
les pays de montagnes où croissent les arbres verts, on signale le
Coq de bruyères et le petit Tétras.
Beaucoup de ces maraudeurs attaquent les fleurs des arbres
fruitiers, mais les plus gourmets préfèrent les fruits mûrs, le
raisin, la groseille, la figue, la cerise sauvage ou non, peu leur
unporte, la prune, etc.; tous nos oiseaux chanteurs, la Fauvette,
le Rossignol et tous les Becs-fins, peuvent être accusés indistmcte-
ment, mais les plus grands coupables sont la Grive, le Merle, le
Loriot, le Ramier, la Tourterelle, etc. Il en est un, au bec crochu et
tranchant, qui aura bien du mal à
se défendre en Normandie surtout,
où l’on est très-processif : c'est le
Bec-croisé, qui ouvre les pommes et
les poires pour en extraire les pe-
pins, dont 1l est très-friand.
Il y a encore d'autres catégories
de coupables qu'il faut bien auss;
faire connaître : commençons par
celle des oiseaux Rapaces diurnes,
pour lesquels je ne réclame pas d’in-
: dulgence. Ils sont cruels, ont un
Fig 4. — Bec-croisé grand appétit et n’attaquent généra-
lement que les fables, et, comme 1l
faut bien fare un exemple, Je l'avoue en ma qualité de chas-
seur, Je les abandonne à la vindicte publique. Ils détruisent
INTRODUCTION. 5
une énorme quantité de gibier de toute sorte, n’épargnent ni
le Faisan, m1 le Perdreau, et dévastent aussi bien le bois que
la plaine. Pas de pitié pour eux! D'ailleurs, on a renoncé de-
puis longtemps, en France, à la grande fauconner1ie et aux ser-
vices que les oiseaux de proie pouvaient rendre dans ce genre de
chasse si estimé autrefois, et beaucoup d'entre eux; lâches et
TS
ESS
>=,
Fig. 5.— Gerfaut Sors, d’après Schlegel.
paresseux, rôdent autour des fermes pour enlever Poulets, Din-
donneaux et Canetons. Quelques-uns s’établissent aux environs
d'un colombier, et leur présence y répand l’effroi. Les Pigeons
wosent en sortir ou craignent d'y rentrer, et fimssent par l’aban-
donner pour se réfugier chez le voisin. En un mot, les Rapaces
diurnes, ces brigands des forêts et des plaines, font une concur-
rence trop facile au chasseur au moment où les petits Perdreaux
viennent d'éclore.
Lorsqu'il sera question des Rapaces nobles, c’est ainsi qu'on
L
6 . INTRODUCTION.
désignait les oiseaux employés à la haute volerie, nous parlerons
en détail de l’ancienne fauconnerie encore en usage en Hollande,
en Russie, en Orient et dans certaines parties de l’Algérie. Nous
démontrerons qu'il est possible de se donner sans dépense le
plhusir d'avoir deux ou trois oiseaux de chasse; nous dirons la
manière de les dresser et de les conduire. Les jeunes chasseurs
qui ne peuvent encore suffire aux fatigues et aux dangers de la
chasse au fusil trouveront une distraction nouvelle pour” notre
époque dans la petite fauconnerie (vol de la Pie, du Gear, du
Merle, de la Grive), pour laquelle on n'emploie que des oiseaux
assez communs dans toute la France, l'Autour, l'Épervier, l'É-
mérillon, le Hobereau et même la Pie-grièche. |
Mais revenons à notre sujet, et signalons encore, comme o1-
seaux destructeurs et qu'on regarde comme nuisibles, les Pies,
les Geais, les Corbeaux, qui cherchent les nids aussi bien dans les
champs que sur les arbres, et qui mangent les œufs ou les couvées
des autres oiseaux. |
Après cet aveu, parlerons-nous de l’Aigle pêcheur, du Balbu-
zard, du Héron parmi les échassiers ; et de quelques palmipèdes,
le Pélican, le Cygne, les nombreuses espèces de Canards, le Fou,
la Frégate, l'Hirondelle de mer, qui détruisent, dit-on, beaucoup
de poissons ? Mais la mer est inépuisable, et qui ne sait que les
poissons font des millions d'œufs? On accuse même aussi de mé-
faits semblables le pauvre Martin-pêcheur ! 1l est d’un si beau
bleu, qu'il mérite bien quelques égards; et, d’ailleurs, quel tort
peut-:] faire ?
Telle est à peu près l'énumération des dommages que causent
les oiseaux; voyons maintenant si ces dommages ne sont pas
compensés, et au delà, par de nombreux services, et si les o1-
seaux ne sont pas les agents providentiels, les seuls auxiliaires
possibles qui puissent arrêter la multiplication si prodigieuse des
insectes, fléaux bien plus grands des cultivateurs.
INTRODUCTION. 7-
Dans la séance du 7 juin 1861, le Sénat a écouté avec intérêt
le rapport d’un de ses membres, M. Bonjean, sur diverses péti-
tions adressées par des comices agricoles, demandant que des
mesures soient prises. pour protéger l'existence et la propagation
des oiseaux qui détruisent les insectes nuisibles à l’agriculture.
Des réclamations nombreuses, à la suite d'observations qui ne
laissaient aucun doute, avaient été faites depuis quelques années
dans plusieurs contrées de l'Europe par des hommes considéra-
bles dans la science ou dans l'agriculture pratique, et au nombre
desquels nous citerons MM. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Florent
Prévost, Chatel, Sacc, Kœchlin, Jonquières-Antonelle, Dumast,
Gloger de Berlin, etc., etc.; mais ces réclamations avaient eu le
sort de beaucoup de vérités senties et acceptées, mais bientôt ou-
bliées avec une indifférence incroyable.
Nous voudrions pouvoir com-
muniquer à nos lecteurs tout se
le rapport de M. Bonjean; mal- #
heureus?ment, les limites de
cette introduction ne nous per-
mettent que la citation de quel-
ques passages qui se rattachent
plus particulièrement au sujet
que nous traitons. « Ces péti-
tions, dit l'honorable rappor-
teur, ne sont point inspirées
par une sensibilité platonique
en faveur d'une classe d'êtres
vivants voués à une destruc- He a oucue
tion que ne légitime pas, pour
l’homme, la loi suprême de sa propre conservation, et, si
elles vous demandent pour les oiseaux une protection plus effi-
cace que celle-résultant de la législation actuelle, c'est unique-
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NN, 1/2) 7
1
’ 4 ji)
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D
8 INTRODUCTION.
ment dans l'intérêt de l’agriculture, très-sérieusement menacée,
si l'on continue à détruire les seuls auxiliaires qui puissent ar-
rêter efficacement la propagation des insectes si nuisibles aux
cultures de toutes sortes. » Le Blé et toutes les céréales, le Colza,
les autres plantes crucifères, toutes les légumineuses, sont atta-
qués par d'innombrables espèces d'insectes, le Ver blanc (larve
du Hanneton), les Cowtihières, les Charançons, les Cécido-
myes, etc., etc. La Vigne, préservée de l’oïdium, est ravagée par
la Pyrale. Le Chêne, l'Orme, le Bouleau, les Pins, les Sapins,
l'Olivier, sont minés par le Cerf-volant (Lucane) et quelques au-
tres coléoptères xylophages et longicornes, par des mouches dip-
tères (Dacus oleæ) et par un grand nombre d'insectes de tous les
ordres. |
« Ce que ces insectes ont épargné est-1l au moins assuré au
cultivateur? Non: une multitude de petits rongeurs, Mulots,
Campagnols, Rats et Souris, après avoir vécu dans les champs,
aux dépens de la récolte, pénètrent aussi dans la grange et y pré-
lèvent une nouvelle dime sur les gerbes appauvries.
(Qui pourrait calculer les pertes qui résultent de toutes ces
causes réunies ?
(D'après un calcul fondé sur des bases fournies par l’admi-
ustration des contributions, les pertes attribuées aux larves des
Cécidomyes et subies par les cultivateurs d’un seul de nos dépar-
tements de l’est, s'élèvent à près de 4 millions de francs par an.
Les dommages causés par la Pyrale dans vingt-trois communes
du Mäconnais et du Beaujolais, représentant trois mulle hectares
de vignes, sont évaluées à plus de 3 millions de francs par an.
Un des professeurs de l’ancien Institut agronomique de Ver-
sailles a constaté, d’après des expériences faites avec le plus
grand soin, sur une récolte dépendant de cet établissement, que
les insectes ont occasionné une perte de près de 33 pour 100.
(Dans la Prusse orientale, 11 a fallu abattre, il v a quatre
INTRODUCTION. 9
ans, dans les forêts de l'État, plus de 24 millions de mètres
cubes de Sapins, uniquement drrce que ces arbres périssaient
sous les attaques des insectes.
(Enfin, 1l y a déjà de longues années, les Scolvtes ou les Bos-
* triches avaient tellement envahi la forêt de Tannesbuch, dans le
département de la Roer, qu’un décret dut ordonner d’abattre la
forêt et de brûler, sur place, les branches, racines et bruyères. »
Que ne pourrions-nous pas ajouter à ce tableau! contentons-
nous de rappeler le sort des arbres de nos promenades, et de dire
que nous voyons souvent de semblables envahissements dans les
forêts des environs de Paris,
Ces exemples, restreints à moins de la centième partie de la
France et à quelques petites provinces allemandes, suffiront-1ls
pour convaincre nos législateurs ?
« Contre des ennemis le plus souvent impercephbles et si
nombreux, l’homme reste impuissant. Son génie peut mesurer
le cours des astres, percer les montagnes, faire marcher un na-
vire contre la tempête, tuer ou soumettre certaines races d’ani-
maux; mais devant ces myriades d'insectes, qui, de tous les
points de l'horizon, viennent s’abattre sur les champs cultivés
avec tant de sueurs, sa force n’est que faiblesse. Son œil n’est pas
assez perçant pour apercevoir seulement la plupart d’entre eux;
sa main est trop lente pour les frapper; et, d’ailleurs, quand il
les écraserait par millions, ils renaissent par milliards. Den
haut, d'en bas, à droite, à gauche, leurs innombrables légions
se succèdent et se relayent sans trêve m1 repos. Dans cette in-
destructible armée, qui marche à la conquête de l’œuvre de
l’homme, chacun a son mois, son jour, sa saison, son arbre,
sa plante : chacun connaît son poste de combat, et nul ne s’y
trompe jamais. |
« Dés le commencement des âges, l'homme eût suecombé
dans cette lutte mégale, si Dieu ne lui eût donné, dans l'oiseau,
10 INTRODUCTION.
un auxiliaire puissant, un allié fidèle, qui s'acquitte à merveille
de l’œuvre que lui, homme, ne saurait accomplir.
« Cette mission providentielle de l'oiseau à pu passer long-
temps pour une exagération poétique; mais, aujourd'hui, c’est
une des vérités les mieux démontrées de la science. »
Un savant modeste, n'ayant pour fortune qu'une humble place
au Muséum, un homme remarquable par son esprit d'observation
et une persévérance que les dédains des ignorants n’ont jamais
rebuté, s’est livré, depuis bientôt quarante ans, àdes recherches in-
cessantes sur lerégime alimentaire des oiseaux aux diverses époques
de l'année, et ces recherches ont été entreprises uniquement sous
l'inspiration du bien qui pouvait en résulter pour l’agriculture.
M. Florent Prévost, dont nous voulons parler, est parvenu à con-
stater, semaine par semaine, et presque Jour par jour, le genre
d'alimentation des oiseaux qui fréquentent nos climats. Il a exa-
miné attentivement les débris trouvés dans l'estomac des espèces
sédentaires et dans celui des espèces de passage pendant leur sé-
jour en France; 1l s’est fait adresser par de nombreux correspon-
dants des estomacs des mêmes oiseaux tués avant et après la mi-
gration. Ces observations, renouvelées tous les ans sur diverses
espèces et sur dix ou douze individus de la même espèce, lui ont
permis de constater dans quelle proportion chacune d'elles se
nourrit de grains et d'insectes; quelles sont les espèces que préfère
chaque oiseau; et, les plantes sur lesquelles vivent ces insectes
étant connues, il lui fut facile de déterminer les espèces d'oiseaux
qui les protégent en particulier. Ces observations, intéressantes
pour l’agriculture, le sont à un autre titre pour l'histoire natu-
relle, car elles serviront probablement en partie à lever des doutes
sur les causes réelles qui déterminent les oiseaux à changer an-
nuellement de climat. |
Qu'il nous soit permis, tout en citant encore quelques pas-
sages du rapport au Sénat, de présenter aussi le résumé des com-
INTRODUCTION. If
munications qui nous ont été faites par M. Florent Prévost, et de
mettre nos lecteurs à même d'apprécier les immenses services
que nous rendent les oiseaux : un couple de Mésanges porte à
ses petits environ 300 chenilles par Jour.
Les Fauvettes, les Rossignols, les Rouges-gorges et tous les
Becs-fins qu’on détruit en si grand nombre dans certaines loca-
lités de l'Est et du Midi, ne se nourrissent de préférence que de
Moucherons, de vermisseaux et de chenilles, et ce n’est, faut-1l
dire, qu'à défaut de cette pâture que ces petits oiseaux se. per-
mettent de becqueter quelques fruits rouges, comme salaire de
leurs services et de leurs chants. Il n’y à pas jusqu'au Troglo-
dyte ou Petit Bœuf, le plus petit, avec le Roitelet, des oiseaux de
notre chmat, qui ne vienne au secours de l’homme. On a comptés
qu'une paire de ces charmants oiseaux fait en moyenne cin-
quante voyages par heure pour chercher la nourriture de la
- nichée. Ces cinquante voyages donnent, par semaine, 4,200 in-
sectes détruits, en ne supposant la journée que de douze heures.
Buxton, dans son Histoire de la Pensylvanie, dit que dans di-
vers États d'Amérique on a si bien reconnu le parti qu'on peut
tirer des Troglodytes, qu'on cherche à les fixer près des habi-
tations en mettant à leur disposition de petites boîtes en bois
bien couvertes de mousse ct suspendues à des perches. [ls
adoptent ces: nids artificiels pour y établir leur couvée.
L'Hirondelle, qui recherche nos habitations pour faire son
md, nous débarrasse des mouches, des cousins, des araignées,
et, quand elle ne trouve pas dans le voisinage une nourriture suf-
fisante, elle s'éloigne d’un vol rapide, suit le cours des eaux,
rase les prairies, remonte d'un bond dans les airs, ramasse dans
son large bec les Moucherons qu’elle aperçoit à des distances
incroyables et rapporte d'un seul voyage une ample provision à
ses petits toujours affamés. En temps ordinaire, une Hirondelle
mange par Jour un millier de petits insectes qui, s'ils avaient
12 . INTRODUCTION.
vécu, en auraient produit plusieurs milliards par cinq ou six
générations dans l’année. Pour protéger les Hirondelles, si utiles,
et les préserver d'une destruction facile et certame,- il a fallu
éveiller la superstition. Elles portent, a-t-on dit, bonheur aux
maisons qu'elles choisissent pour la construction de leurs mids, et
cela seul en sauve un grand nombre. |
Le Martinet ne séjourne dans nos climats que pendant les
quatre ou cinq mois les plus chauds de l’année, alors que l'air
est envahi par des nuées de Moucherons qui y tourbillonnent
sans cesse et dont la reproduction non entravée causerait des
plaies comparables à celles qui ont si cruellement éprouvé
l'Égypte
Fr
D TZ
D on
Fig. 7. — Engoulevent de la Caroline.
L’Engoulevent ne voyage qu'au crépuscule, et donne la chasse
aux phalènes et aux insectes qui ne volent qu'après le coucher
du soleil. |
Le Coucou, exclusivement insectivore, se nourrit surtout de
chemiles velues.
: INTRODUCTION. 15
Le Pie, si décrié par ceux qui ont mal mterprèté ses manœu-
vres et le jugent d’après les préjugés et les fables d'autrefois,
préserve Les arbres des forêts; 11 ne recherche que ceux attaqués
par les insectes xylophages et dont l'écorce ridée ou soulevée
abrite des larves menaçantes. C'est à tort qu'on suppose qu'il
entame le bois sain avec son bec; 1l ne lui sert réellement qu'à
mettre en mouvement les larves de ces insectes per'orants et à
faire des trous dans le bois mort pour s'y loger ou y établir son
nid. Il est très-facile de mal observer, et plus facile encore d'ac-
créditer, comme vrai, un fait qui ne paraît que vraisemblable.
Un Pic, placé dans une cage, fait tous les efforts possibles pour
reprendre sa hberté, et 1l finit par entamer effectivement même
du bois sain. Nous en avons fait l'expérience à Passy, dans notre
volière, qui a d'assez belles dimensions cependant pour tempérer
les regrets de la captivité (quinze mètres de longueur, avec une
largeur et une hauteur proportionnées, des arbustes et méme
d’assez gros troncs d'arbres); trois jeunes Pics Épeiches, achetés
au marché, ont été mis dans cette volière. La nourriture de leur
goût ne leur manqua Jamais. Un tronc d’orme vermoulu leur
permettait d'exercer leur petite industrie avec succès. L'instinct
de la liberté prit néanmoins le dessus, et nos prisonniers portè-
rent tous leurs efforts sur une poutrelle en bois de sapin de sept
centimètres, qu'ils entamèrent tous les trois à la même place,
de manière à laisser supposer qu’elle serait percée en moins
d'une semaine, tant ils y mettaient de courage. Nous avons dû
délivrer les captifs pour arrêter le dégât. Ce fait prouve ce que
peut le besoin de la liberté, mais ne prouve pas qu'à l’état de
nature ces oiseaux attaquent le bois sain sans aucune utilité
pour eux. Parce qu'un Renard ou un animal quelconque, en-
fermés dans une caisse, entament le bois et parviennent en une
nuit à faire un trou et à s'échapper, faudra-t-il en conclure que
ce Renard ou ces animaux attaquent les arbres des forêts? Il en
à LAS ©)
éd
14 | INTRODUCTION,
est de même pour le Pie. On sait que cet oiseau met une grande
patience et une grande persistance pour s'emparer de la proie
qu'il convoite, et les manœuvres qu'il emploie sont très-intelli-
gentes; mais, pour les observateurs superficiels, elles sont con-
sidérées comme très-nuisibles aux arbres. Que se passe-t-il ce-
pendant? Un insecte s'est logé dans le tronc d’un arbre, il y a
percé un trou très-petit et d’a-
bord horizontal, puis il à chan-
gé de direction et a creusé une
galerie verticale de quelques
centimètres de longueur, lors-
HA duun Pic, arrivant, reconnaît
(BA la présence de l'msecte ou de
#»,
We ses larves. À l’aide du bee, il
élargit le trou d'entrée, voit
bientôt l'impossibilité de saisir
l'insecte à cause du change-
ment de direction de la galerie.
Il frappe le bois au-dessus du
trou, et le son résultant de ces
coups d'exploration lui mdique
bientôt le point correspondant
au cul-de-sac de cette galerie.
Fig. 8. — Pic vert. | attaque alors ce point par le
dehors, le perce plus ou moins
rapidement, et, s'il s’est trompé, 1l recommence plus haut ou
plus bas, jusqu'au moment où le succès couronne ses efforts.
Il est évident que, dans ce cas, le Pic attaque la partie saine en-
core du bois, mais qu'il ne l'attaque que parce qu'il y a à
prendre un insecte, dont les ravages, au bout d’un an, seraient
bien plus compromettants pour l'arbre que l'ouverture faite par
l'oiseau. Jamais un Pic ne perd son temps à percer le bois sans
LA
%
[7
INTRODUCTION. 15
motif, et les coups répétés qu'il donne avec son bec, et qu'on en-
tend parfaitement et même de loin, n'ont d'autre but qu'une ex-
ploration bien innocente et qui n’a rien de nuisible pour les
arbres. Aussi est-il certain que si, plus épargnés, les Pics et
les Coucous osaient venir visiter ces vieux arbres des promenades
et des boulevards de Paris, on ne serait pas réduit à faire à
grands frais, depuis quelques années, la toilette du condamné à
ces respectables plantations de nos pères.
Après la saison des grains et des fruits, qui n’a qu'une durée
très-linntée, tous ces charmants maraudeurs, tous ces petits
gourmands de fruits rouges, ne vivent que de vers, de larves et
d'insectes; le Merle et la Grive les cherchent sous les feuilles,
qu'ils retournent avec une grande habileté; ils purgent les jar-
dis et les champs d'un grand nombre de Limaces.
Le Freux ou Corneille moissonneuse s’abat, en automne et en
hiver, en troupes considérables sur les plaines menacées par les
vers et surtout par le Ver blanc, et contribue ainsi à sauver une
partie de la récolte.
Les Étourneaux, les Troupiales, Pen une grande parte de
leur vie sur les on qui pâturent et fument la terre; 1ls les
débarrassent .des parasites qui les tourmentent et les rendent
malades.
Les Martins, ces oiseaux d’un autre climat, sont devenus cé-
lèbres par les services que rend à l’île Bourbon une espèce où
elle a été transportée de l'Inde; elle défend les plantations de
celte riche colonie contre les invasions si fréquentes des Saute-
relles, véritable fléau pour les pays sur lesquels elles tombent
serrées comme le ferait la grêle.
Parmi les échassiers, le Héron, la Grue, la Cigogne, ne sont
pas mois utiles à l’homme; ils vivent autant de Reptiles, de
Vers et de Rats d’eau que de Poissons. Le Balæniceps aux puis-
santes mâchoires, récemment découvert en Afrique, se nourrit
16 INTRODUCTION.
de petits Crocodiles et d'animaux aussi nuisibles. La diminution
du nombre des reptiles est un avantage peu sensible dans nos
chmats, où la Vipère seule est à redouter, les autres espèces n'é-
tant n1 nombreuses n1 malfaisantes; mais il n’en est pas de même
dans les contrées où un soleil ardent échauffe des forêts humides
si favorables au développement des reptiles venimeux. Le Plu-
vier, le Vanneau, les diverses espèces de Chevaliers, de Barges,
de Bécassines, etc., purgent les champs cultivés des larves et des
Vers qu'ils y rencontrent.
Il est un préjugé qu'il
faut combattre autant que
possible; nous voulons par-
ler de la guerre injuste
qu'on fait aux oiseaux de
uuit, Ducs, Chouettes, Hi-
boux, Effraies, qu'on ac-
cuse d'être de mauvais au-
gure, d'avoir un cri lu-
gubre et de voir pendant
la nuit. Quel est le dom-
mage qu'ils causent? Au-
cun. Quels services ren-
dent-1ls? Les voici. Leurs
plumes, par leur texture
Fig. 9. — Effraie, d'après Gould. et leur disposition, leur
permettent de voler sans
bruit; leurs yeux leur donnent la faculté de découvrir et d’at-
teindre, malgré l'obscurité, « dix fois mieux que les Chats et
sans menacer comme ceux-c1 le rôt et le fromage, » les Rats,
les Mulots, les Gampagnols, les Taupes, les Courtihières, les Sau-
terelles et tous ces maraudeurs nocturnes qu'il est si difficile de
détruire, et qui mangent les grains et les racmes. Des observa-
ë INTRODUCTION. 17
tions nombreuses ne laissent aucun doute à cet égard, ces oi-
seaux ne vivent réellement que de vermine insaisissable pen-
nu j :
LS
DS
Fig. 10. — Balæniceps-roi, d’après Gould.
dant le jour; et, si parfois, après avoir purgé le sol et trop bien
rempli leurs fonctions, la disette où la faim les obligent à faire
2
18 INTRODUCTION.
violence à leurs goûts et à manger quelque menu gibier, faut-il
les condamner à mort, les clouer comme un trophée à la porte
des fermes, à côté d'un Renard, d’une Fouime ou d’une Belette?
Il faut, pour agir ainsi, être bien superstitieux ou bien oublieux
de ses intérêts. |
Cet exposé des services que rendent les oiseaux n’est pas plus
complet que celui que nous avons donné de leurs méfaits; mais,
dans le cours de nos lecons et en faisant l'histoire de chaque
espèce, nous ne négligerons aucune occasion de réclamer plus de
justice et moins d'imprévoyanté éruauté en faveur de ceux qui
doivent être épargnés. (Et comme si ce n'était pas assez des
hommes dans cette guerre d’extermination, voilà les enfants qui
viennent y prendre part avec l’impitoyable msoucrance de leur
âge. « Cet âge est sans pitié, » a dit la Fontaine. Oh! oui, vérita-
blement sans pitié sont ces enfants des campagnes, qui font lé-
cole Buissonmière pour aller dénicher les nids, comme ils disent.
Les œufs et les Jeunes couvées, tout leur est bon : n'ont-1ls pas à
briser les uns et à faire périr misérablement les autres de faim et
de torture? Et les parents de ces jeunes drôles, au heu de les
renvoyer à l’école convenablement fustigés, assistent avec une
froide indifférence à ces actes de cruauté. » |
C'est avec intention que nous avons à peme parlé de l'oiseau
le plus commun de notre pays, du Moineau, « de celui qui est le
plus mal famé parmi les suspects, et qu'on à si souvent flétri
comme un pillard effronté. Médisance, sinon calomnie! au moins
en partie; car, dit le courageux rapporteur que nous nous plai-
sons à citer, s1 les faits mentionnés dans les pétitions adressées
au Sénat sont exacts, cet oiseau citadin vaudrait mieux que sa
réputation. On raconte, en effet, que sa tête avant été mise à
prix en Hongrie et dans le pays de Bade, cet intelligent proscrit
avait abandonné complétement ces deux pays; mais bientôt on
reconnut que lui seul pouvait soutenir la guerre contre les
INTRODUCTION. 19
Hannetons et les milie insectes ailés des basses terres; et ceux-là
mêmes qui avaient établi des primes pour le détruire durent en
établir de plus fortes pour en opérer je rapatriement. Ce fut
double dépense, châtiment ordinaire des mesures précipitées.
Fig. 11. — Momeau commun.
Le grand Frédéric avait aussi déclaré la guerre aux Moineaux,
qui ne respectaient pas son fruit favori, la Cerise. Naturellement
les Moineaux ne songèrent point à résister au vainqueur de
l'Autriche; 1ls disparurent; mais, au bout de deux ans, non-seu-
lement il n'y eut plus de cerises, mais encore il n'y eut presque
point d’autres fruits : les chenilles les mangeaient tous; et le
grand roi, vainqueur sur tant de champs de bataille, s’estima
heureux de signer la paix, au prix de quelques Cerises, avec les
Moineaux réconciliés. »
Du reste, M. Florent Prévost a constaté que, suivant les cir-
constances, les insectes entrent pour moitié au moins, souvent
dans une proportion beaucoup plus forte, dans le-régime ali-
mentaire du Moineau. « (est exclusivement avéc des insectes
que cet oïsean nourrit sa couvée; en voici une preuve remar-
20 INTRODUCTION.
quable. À Paris, où cependant les débris de nos propres aliments
fournissent au Moineau une nourriture abondante, qui semble
devoir le dispenser des fatigues de la chasse, un couple de ces
oiseaux ayant fait son nid sur une terrasse de la rue Vivienne,
chez M. Ray, ancien négociant, on recueillit les parties dures
des ailes de Hannetons, rejetées du nid; on compta 1,400 ély-
tres : c'était donc 700 Hannetons détruits par un seul ménage,
pour l'alimentation d’une seule couvée. » |
D'autres observations faites à des époques différentes de l’an-
née prouvent qu'un couple de Moimeaux ayant des petits à
nourrir détruit, pendant tout le temps où 1l les élève, plus de
3,000 chenilles par semaine, un grand nombre de papillons, de
vers et d'autres insectes.
Nous pourrions multiplier ces citations à l'infini; et, si nous
avouons que le Moineau mange annuellement plus d'un demi-
boisseau de grains, 1l faut bien dire que cette perte n’est sensible
que pour le cultivateur qui voudrait profiter des services de cet
oiseau sans Îles payer, et qui. ne réfléchit pas que, s’il lui aban-
donne un demi-boisseau de grains, ce n’est pas payer trop cher
les dix ou douze boisseaux qui, sans lui, n'auraient pas été épar-
gnés par les insectes et leur innombrable progéniture. C’est un
serviteur avec lequel 1l faut compter comme on compte, dans la
ferme, avec les autres serviteurs à gages, avec cette différence
toutefois que le Moineau dont nous prenons la défense travaille
pendant presque toute l’année, qu'il ne peut être remplacé, et
que ses gages Jui sont payés en nature.
En défimtive, d'après ce que nous venons de dire du bien et
du mal que font les oiseaux, et en comparant les services qu'ils
rendent et les dommages qu'ils causent, il semble qu'il y à une
assez large compensation, et qu’il vaut mieux encore, pour le
cultivateur, fare lé sacrifice du sac de grains que ces ouvriers
peu discrets lui dérobent ostensiblement que risquer des pertes
; INTRODUCTION. 21
toujours plus considérables et occasionnées par des ennemis aussi
nombreux qu'invisibles et insaisissables.
Les époques de migration des oiseaux sont l’occasion de la
mort du plus grand nombre de ces précieux voyageurs, et qui-
conque à pu voir, surtout sur les marchés d'Italie, du midi et de
l'est de la France, les millions de victimes qui s'y vendent cha-
que année, doit être étonné qu'il en reste encore. Est-il possible
de sacrifier à la gourmandise plutôt qu’au besoin une des ga-
ranties de la récolte, et d'oublier que ces oiseaux, qui ne repré-
sentent que du superflu, auraient sauvé assez de grains pour
nourrir un grand- nombre de familles pendant une année?
« Et cette misérable excuse de la sensualité satisfaite ne saurait
même être invoquée par ces chasseurs qui, pour faire parade
d'adresse, ou même simplement pour décharger leur arme avant
de rentrer au logis, abattent une Hirondelle au vol rapide, une
mère peut-être, qui porte la nourriture à sa jeune couvée. A ces
hommes, si cruels par irréflexion n'est-il pas permis de faire
observer qu'en détruisant cinq cents insectes dans cette Journée
que leur plomb meurtrier a faite la dernière pour elle, cette pau-
vre Hirondelle avait, certes, mieux mérité de l'humanité » qu'eux
dans une journée de distraction ?
Depuis longtemps on se plaint, avons-nous déjà dit, des pertes
annuelles des cultivateurs, pertes attribuées par l’expérience à la
multiplication des insectes.de toutes sortes et à la destruction trop
considérable des oiseaux qui s’en nourrissent. Ces plaintes, formu-
lées dans tous les pays, sont restées longtemps sans résultat. Plu-
sieurs conseils généraux, en France, ont à différentes reprises de-
mandé une loi pour interdire ou réglementer plus sagement la
chasse, ou une loi qui puisse être appliquée aux délinquants.
En 1854 un gouvernement, presque le plus petit de l'Europe, a
enfin essayé d'entrer dans la voie de la répression à ce sujet; en
effet, à principauté allemande de Schwarzbourg a donné lexem-
29 INTRODUCTION.
ple, et une loi défend en particulier la chasse de la Mésange. Les
vœux des hommes préoccupés de l’utihté indispensable des oiseaux
À la conservation des récoltes paraissent à la veille de se réaliser.
Le rapport de M. Bonjean a eu assez de succès pour qu'il soit pos-
sible d'espérer qu'il ne sera point oublié par le ministre de l'a-
griculture et du commerce. +
Nous venons de dire qu'il était indispensable de voir paraître
une loi qui puisse être appliquée aux délinquants, et le ‘rapport
cité explique complétement notre pensée : (Si les officiers de
police, dit-il, n’exécutent pas toujours scrupuleusement la loi au
sujet des oiseleurs et des dénicheurs, cela peut tenir à la gravité
des peines édictées par les articles 9, 12 et 15 de la loi du
9 mai 1844. Ces peines s'élèvent de 16 fr. à 600 fr., et, en cer-
tans cas, à 2,000 fr., et peuvent entrainer’ un emprisonnement
de six Jours à trois mois. Et, comme la contravention est le plus
souvent le fait d'enfants dont les parents sont eivilement res-
ponsables, on ferme les yeux, pour ne pas exposer à une sorte de
ruine des parents dont le seul tort, après tout, est de tolérer des
faits que semblent légitimer de vieilles habitudes. En permettant
au Juge d’abaisser la peine, une amende légère, augmentée des
frais, constituerait un avertissement paternel qui mettrait à l'aise
la conscience du juge, comme celle des officiers chargés de con-
stater Ja contravention. »
Concluons, et disons que, si l'étude de l'histoire naturelle était
rendue plus facile, mieux mise à la portée de toutes les intelligen-
ces, on verrait disparaître un grand nombre de préjugés ridicules,
on saurait mieux distinguer, parmi les êtres qui nous entourent,
ceux qui nous sont dévoués et qu'il faut protéger, et ceux qu'il
ne faut pas épargner; et ce besoin de destruction si naturel à
l’homme ne s'étendrait pas aveuglément sur tant d'espèces utiles.
On fait trop de livres pour ceux qui savent et n’en ont pas be-
soin, ne pourrait-on en faire aussi quelques-uns pour ceux qui ne
INTRODUCTION. 25
savent pas, et qui, désireux cependant d'apprendre, ne peuvent
consacrer à une distraction attrayante et profitable qu'une partie
du temps qui les fait vivre?
Il y à quatorze ans déjà que J'exposais l'utilité de l'étude des
sciences naturelles en général, dans une lettre à madame Deles-
sert, à l’occasion d'un livre que j'avais l'honneur de lui dédier,
et Je crois devoir en reproduire 1c1 quelques passages :
L'étude de la nature, disais-Je, ne peut qu'élever les pensées
de votre fille vers l'Auteur de toutes les merveilles de la création,
merveilles qu’elle appréciera d'autant plus qu'elle les connaîtra
mieux. Son esprit, son cœur et sa raison, trouveront beaucoup à
gagner dans ces douces occupations, qui, à part les avantages
réels qu'elle en retirera, auront encore le mérite de lui procurer,
pour le présent et l'avenir, des distractions toujours nouvelles,
les jouissances les plus pures, les plus indépendantes des circon-
stances et des temps, et les consolations les plus douces aux mal-
heurs qui pourraient la frapper.
En étudiant l'histoire naturelle, l'habitude qu'elle prendra
de classer dans son esprit un très-grand nombre d'idées est un
des résultats dont généralement on méconnait l'importance, et
sur lequel j'insisterais si J'avais à vous prouver que l'étude de
cette science doit être considérée comme le complément de toute
bonne éducation.
L'histoire naturelle, nous disait un de nos maîtres, est la
science qui exige les méthodes les plus précises, comme la géo-
métrie est celle qui demande les raisonnements les plus rigou-
reux; et, dès qu'on possède bien cette habitude de la méthode, on
l’applique généralement à tout ce qui nous occupe. Toute recher-
che qui suppose un classement de faits, qui exige une distribu-
tion de matières, se fait d'après les mêmes lois, et tel qui n'avait
cru faire de cette science qu'un objet d’amusement, est surpris
de la facilité qu'elle lui procure pour débrouiller tous les genres
24 | INTRODUCTION. |
d’affaires. Enfin, c'est par l'étude, et particuhèrement par celle
de l’histoire naturelle, dont les éléments se rencontrent partout
et à chaque pas, que, loin des plaisirs du monde, qu’on a si jus-
tement appelés les tyrans de la Jeunesse, on peut encore trouver
des jouissances qui ne laissent aucun regret, ajouter de l'intérêt
à ses promenades et du charme à ses voyages.
C'est ainsi que l'histoire naturelle, même dans ce qu’on lui
trouve de plus frivole, réunit les plus heureuses conditions pour
développer l'esprit d'observation et l'esprit de méthode. Il faut que
cette étude de la nature soit d’un intérêt bien puissant et bien sou-
tenu, pour se prêter aux besoins de l'intelligence à tous les âges:
car ce qui n'excite d'abord que l’active curiosité de l'enfant devient
un sujet sérieux de méditations pour l’âge mür. « Il est inconce-
vable, disait Rollin, combien les enfants pourraient apprendre de
choses, si l’on savait profiter de toutes les occasions qu’eux-mêmes
nous en fournissent. Les impressions qu'ils reçoivent sont des
germes qui, loin de se perdre, n’attendent que le moment de se
développer. C’est ainsi qu'on pourrait façonner leur intelligence
si flexible aux idées vraies, grandes et élevées; qu’on éloignerait
de leur imagination, avide d'apprendre, le danger, plus grand
quon ne pense, des impressions fantastiques, des idées fausses,
qui les habituent à considérer comme réel ce qui ne peut exister,
qui mettent en opposition les sens avec la raison, la mémoire
avec la vérité, et finissent par donner à leurs pensées la direction
la plus funeste. » Tout en reconnaissant cette vérité exprimée
par les hommes les plus éminents et placés à la tête de l’instruc-
tion publique, on est étonné de voir que, parmi tant de person-
nes, qui d'ailleurs ont reçu une brillante éducation, il s’en
trouve si peu qui possèdent les plus simples notions d’une science
qui promet de si heureux résultats. Cet état de choses s’explique
par l'absence de livres vraiment élémentaires, ou écrits dans le
but de répandre le goût de la science et de charmer l'esprit et les
INTRODUCTION. 29
yeux par des tableaux gracieux de ce que possèdent nos riches
musées. En effet, les savants qui se décident à écrire supposent
trop souvent à leurs lecteurs les connaissances indispensables
pour l'intelligence de leurs travaux, et ils oublient, dès les pre-
mières pages de leurs éléments, le but qu'ils se proposent. Ils
masquent l'agrément de la science par une exposition effrayante
de l'instabilité des principes ou par des notions insuffisantes.
Enfin, s’il existe quelques ouvrages destinés à la lecture du jeune
âge et dans lesquels on à voulu donner aux enfants des notions
plus ou moins exactes sur l’histoire naturelle, en se bornant à
leur présenter sans suite et sans méthode les richesses infinies
de la nature et la puissance du Créateur, ces livres n’intéressent
que les enfants, et font désirer plus tard un ouvrage vraiment
instructif, dans lequel la science, mise à la portée d’une intelli-
gence complétement développée, mais débarrassée encore de ces
grands mots trop multipliés et qui la surchargent, soit présentée
d'une manière assez séduisante pour captiver l'attention et exci-
ter la curiosité.
Par quelle singularité n’existe-t-1l, sur un sujet que tout le
monde voudrait connaître, que des livres qu’on ne peut com-
prendre sans une étude sérieuse? Le langage scientifique est sans
doute indispensable aux savants; mais 1l faut, pour ceux qui
n'ont pas la prétention de l'être, un langage à leur portée. « La
nature est si riche et si belle, disait une jeune dame, on a tant de :
plaisir à l’admirer! Il semble que dans l'étude de tant de mer-
veilles on va trouver ce qu'il peut y avoir de plus agréable pour
l'esprit. On ouvre un livre, et l’on n'y rencontre qu'un assem-
blage de mots barbares qu'on dit formés du grec ou du latin;
quelques-uns mêmes, ajoute-t-on, ont une origine équivoque, et
l’on ne sait trop à quel idiome sauvage ils appartiennent. Suis-je
Grecque, Latine ou Sauvage, pour comprendre ces mots, ou
faut-1l que Je le devienne pour savoir ce que c’est qu'un insecte,
Fæ
PT (a)
26 | INTRODUCTION.
un coquillage où un oiseau? Comment se fait-1l que tant de gens
d'esprit n'aient pas pu trouver dans notre langue un mot qui
valût autant qu'un mot grec et que j'aurais compris sans
peine? »
Ces exigences sont certammement exagérées, et 1l est impossible
d'éviter un grand nombre de mots composés; mais, 1l faut bien le
dire, généralement les traités d'histoire naturelle, par l'emploi
exclusif et la multiplicité des mots techniques, sont généralement
imabordables pour les gens du monde. Les mots ne se gravent
dans la mémoire qu'autant qu'ils représentent une idée; et les au-
teurs ne prennent pas la peine de donner l'explication de ceux
qu'ils sont forcés d'employer dans le langage scientifique, et dont
l’étymologie est souvent incertaine. Aussi n’hésite-t-on pas à ex-
clure les livres de science de ses lectures habituelles et à leur
préférer ceux où toutes les formes de: séduction sont employées,
quoiqu'il soit bien reconnu que ces derniers ont trop souvent le
désavantage d’égarer l'imagination, de fausser les idées et de
ne. laisser à l'esprit aucune impression utile.
Cependant, sans vouloir devenir savant naturaliste, on doit
et l’on peut facilement acquérir les connaissances qui se lient à
divers besoins, à l’agriculture, aux arts, à l’industrie; on doit
avoir certaines notions sur les animaux qui nous étonnent par
leurs formes et leur instinct, sur les diverses productions qui
nous entourent, sur la constitution du globe et sur les révolu-
tions qui ont laissé, dans les couches qui le composent, tant de
témoins de ses divers âges.
Buffon l'avait bien compris, lui dont le nom si populaire vient
à l'esprit dès qu'il est question d’une science dont il révéla tout
_ le charme par un style brillant, harmonieux et varié comme les
sujets qu'il décrit. Aussi son histoire naturelle n’a-t-elle pas été
écrite pour les savants; et ses travaux, promptement. et univer-
sellement appréciés et lus, ont-ils eu un succès aussi prodigieux
INTRODUCTION. 27
que soutenu; ils ont fait aimer la science, et valu à l'auteur
le titre bien mérité de pemtre de la nature. Buffon, malheureu-
sement, connaissait à peine le quart des espèces que nous possé-
dons aujourd'hui, et, si les travaux entrepris pour compléter son
œuvre ne présentent pas tous l'élégance ni l'attrait du modèle,
il en est cependant quelques-uns qui méritent d’être cités.
Sans vouloir faire l’histoire de l’ornithologie, nous saisirons cette
occasion pour faire connaître quelques beaux ouvrages, et surtout
les voyageurs qui, par leurs découvertes, ont bien mérité de la
sclence .
Avec le dix-neuvième siècle, l'amour des voyages et des ex-
plorations scientifiques s’est considérablement développé. On a
compris que, pour donner à la science tout l'attrait qui la fait
aimer, 1l fallait autre chose que des dépouilles inertes à nom-
mer et à classer méthodiquement. Le plus savant naturaliste
qui n’a à sa disposition que des peaux ou des squelettes d’ani-
maux apportés des diverses parties du monde ne peut, en effet,
que les classer et les décrire; 1l peut, par analogie, supposer des
instincts et des habitudes, mais la voie est glissante, et son ima-
gimation le met souvent en défaut. D'ailleurs, les détails les plus
intéressants lui échappent, et il ne peut toujours les déduire des
formes qu'il a sous les yeux. Il est un autre genre d'étude beau-
coup plus profitable à la science : c’est l'observation sur place, la
vature prise sur le fait. Pour atteindre ce but, 1l faut que des
hommes déjà initiés, intelligents, courageux et dévoués, se dé-
cident à renoncer au bonheur de la famille, et à se lancer dans
tous les hasards et tous les dangers d’une existence aventu-
reuse, mais souvent pleine de charme pour celui qui a le feu
sacré.
Cook et Forster, vers la fin du dix-huitième siècle, avaient
donné lexemple et payé largement et cruellement leur tribut.
L'intérêt qui s'attacha à l'histoire de leurs voyages et de leurs
98 INTRODUCTION.
découvertes fit naître l’idée de nouvelles explorations des ré-
gions encore peu connues, et, l'impulsion donnée, plusieurs
voyageurs, sans missions officielles, et inspirés seulement par
le désir de voir, d'apprendre et de faire à leur tour des décou-
vertes, se sont expatriés et ont été s'établir pour ‘un temps plus
ou moins long sur une terre de leur choix. Pour ne parler ici
ue des voyageurs qui se sont occupés spécialement des oiseaux,
nous citerons d'abord l'Écossais Wilson, qui, après avoir mis sa
vocation à l'épreuve et tenté sans succès la fortune en essayant
de plusieurs états, se décide à parcourir l'Amérique du Nord
pour étudier, observer, décrire et rapporter en Angleterre les
oiseaux qu'il pourra se procurer dans l'immense moitié du nou-
veau monde. Il ne fut arrêté n1 par les fatigues mi par les dan-
gers qu'il courut souvent, et revint vers 1804 en Europe avec
de précieuses collections et des notes plus précieuses encore.
Mais, usé par l'ardeur de ses recherches, 1l mourut en 1813, à
l'âge de quarante-huit ans, après avoir fait imprimer la relation
de son audacieux voyage et publié ses dessins, ses descriptions et
ses observations si nombreuses et si intéressantes.
Malgré le zèle et la persévérance de Wilson, son travail pré-
sentait d'assez nombreuses lacunes, et il était réservé à Audubon
de le compléter.
Audubon, à la différence de Wilson, avait de la fortune, et
son voyage fut entrepris dans de bonnes conditions. C’est de son
comptoir américain que, cédant à une irrésistible vocation, 1l
abandonna ses affaires pour l'étude de la nature. Il explique son
goût et sa passion pour l'étude des oiseaux par une prédestina-
tion divine. « Avec quelle ferveur je rends grâce au Tout-Puis-
sant qui m'a appelé à l'existence! avec quelle ardeur Je poursuis
la mission qu'il m'a confiée ! »
Voulant que l'exactitude de ses figures répondit à celle de ses
descriptions, Audubon dessina ses oiseaux de grandeur naturelle,
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90 INTRODECTION.
depuis le Condor et le Pélican jusqu'aux plus petites espèces, el
il Les fit graver avec un luxe extraordmaire; aussi le format de
ses planches atteint-1l les dimensions énormes du grand ouvrage
sur l'Égypte. Ses descriptions sont, comme il le dit lui-même, la
biographie des oiseaux, et 1l fait connaître dans les plus minu-
teux détails leurs mœurs et leurs habitudes.
. La publication de cet important ouvrage dura douze ans,
de 1827 à 1839. C’est, comme le dit Cuvier, le plus gigantes-
que, le plus magnifique monument élevé à la nature. On y
trouve de nombreux renseignements sur l’acchmatation et la
domestication des oiseaux qu'il serait avantageux d'importer en
Europe; et, pour n’en citer qu'un exemple, nous reproduirons
ce qu'il dit au sujet de lOie du Canada. « Aussi pensai-je que,
dans cette espèce comme dans beaucoup d'autres, 1l faut une
longue série d'années pour dompter la nature et lui faire ou-
blier ses besoins natifs et ses instincts d'indépendance. Combien
d'essais, dont le résultat devait être avantageux à l’homme, ont
été abandonnés en désespoir de cause, alors que quelques an-
nées de plus de soins persévérants eussent produit l'effet
désiré! »
Audubon avait à peine terminé son immense publication,
qu'un savant anglais, John Gould, entraîné dans la même voie,
fit paraître à Londres de magnifiques ouvrages in-folio sur les
oiseaux des Indes orientales et en partiéuhier sur ceux de l'Hi-
malaya, puis après sur les Toucans et les Couroucous, et enfin
sur les oiseaux d'Europe. Aussi bon observateur, mais plus ha-
bile que ses devanciers, comme peintre d'histoire naturelle,
Gould a, le premier, représenté des animaux réellement vivants
et saisis Sur nature mieux qu’on ne le pourrait faire à l’aide de Ia
photographie. Il a surmonté toutes les difficultés, rien n’a échappé
au coup d'œil du naturaliste, tout a été rendu par le pinceau de
l’aruste, et l’on peut étudier les oiseaux qu'il décrit aussi bien
INTRODUCTION. a)
que sur la nature mème. L’exactitude des formes, celle de la
pose et de la couleur, ne laissent rien à désirer. De tels ouvrages
peuvent remplacer une collection et devraient se trouver dans
toutes les bibliothèques des villes où l’on s'occupe de science et
d'art. Les figures que nous reproduisons, aussi exactement que
le comporte le format que nous avons adopté, ne peuvent en don-
ner qu une 1dée fort incomplète.
Fig. 15. — Thalassidrome de Wilson, d'après Gould.
Après ces premières publications, qui eurent un grand suc-
cès, Gould se rendit en Australie, et explora pendant plusieurs
années, en peintre naturaliste, une grande partie de ce vaste
pays, si riche en types nouveaux, et revint en Angleterre avec
des collections considérables et des-études aussi nombreuses que
précieuses. C est à cet infatigable voyageur qu’on doit la décou-
verte de la plus grande partie des espèces de Mammifères Mar-
92 INTRODUCTION.
supiaux et d'oiseaux de la Nouvelle-Hollande. Encouragé par les
plus brillants succès, 1l a fait paraître, depuis son retour, les
travaux les plus merveilleusement exécutés que nous possédions
sur les oiseaux d'Australie et sur les Oiseaux-mouches, si remar-
quables par la richesse, la variété et la vivacité de leurs cou-
leurs. Rien ne manque à ses descriptions, et 1l a som de donner
toutes ses observations sur les mœurs et les habitudes des ani-
maux qu’il fait connaître. On peut limiter, s'inspirer de ses ra-
vissants tableaux, mais 1l est impossible de faire mieux que lui,
ct ses peintures resteront comme des modèles offerts aux peintres
d'histoire naturelle de tous les pays.
Après avoir rendu justice à quelques voyageurs naturalistes
étrangers, nous devons au moins citer les voyageurs français
qui ont concouru aux progrès de l'ornithologie. Ce sont surtout
Levaillant, Delalande, Leschenault, Quoy, Gaimard, Lesson, Dus-
sumier, d'Orbigny, Jules et Édouard Verreaux, Goudot, Quartin-
Dillon, Hombron, : Souleyet, Jacquinot, Castelnau, etc., etc.
Parmi tous ces hommes dévoués à la science, nous signalerons
Jules Verreaux, comme le type du voyageur naturaliste. C'est
sous les auspices de Delalande, son oncle, qu'il débuta, en 1818,
bien Jeune encore, dans la carrière si pénible des découvertes
scientifiques, par un voyage au cap de Bonne-Espérance. Pen-
dant un séjour de deux ans dans l'Afrique australe, 1l prépara
et classa tous les animaux dont Delalande enrichit les galeries
du Muséum de Paris. Rentré en France, il y passa quelques an-
nées seulement, et, dominé par son goût pour l'étude de la
zoologie, il partit de nouveau pour le Cap. Après cinq années
d’excursions dans l’intérieur de l'Afrique, 1l avait recueilli des
collections si considérables, qu'il dut faire venir de Paris un de
ses frères, Édouard Verreaux, pour qu'il l’aidât à les mettre en
ordre et qu'il en surveillit le transport en France. C'est en 1830
que ces richesses scientifiques arrivèrent à Paris et furent expo-
INTRODUCTION. 39
sées dans une galerie de l'hôtel de M. le baron Benjannn Deles-
sert, le protecteur si éclairé des savants et des voyageurs natu-
ralistes. On se souvient encore de la sensation que produisit
cette exposition d'animaux pour la plupart inconnus et recueil-
lis par de simples particuliers abandonnés à leurs seules res-
sources.
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F;g. 14. — Sphénisque ondine, d'aprè Gould.
Ce fut un encouragement pour les deux frères, qui voulurent
explorer de nouveaux pays. Repartis en 1839, ils visitèrent en-
semble la Chine, la Cochinchine et les iles Philippines. Matheu-
reusement, les précieux résultats de ces voyages furent perdus :
le navire le Lucullus, qui les rapportait, périt corps et biens.
Ce fut seulement à leur retour en France que ces intrépides
voyageurs connurent le désastre qui les frappait.
Le découragement ne fut pas de longue durée; Jules Verreaux,
müri par l'expérience, pouvait encore payer quelque tribut à Ia
91 INTRODUCTION.
science. [I se prépara à de nouveaux voyages, et n'épargna rien
pour en assurer le succès. Stimulé par les collections si curieuses
et si intéressantes rapportées de la Nouvelle-Hollande par John
Gould, dont nous avons parlé, c'est vers cette terre, incompléte-
ment explorée, qu'il se dirigea, après avoir reçu une mission
spéciale de l'administration du Muséum de Paris. Ce voyage eut
les plus heureux résultats pour la zoologie, et les galeries de ce
magnifique établissement s’enrichirent d’un grand nombre de
types nouveaux. Jules Verreaux rapporta en même temps un
journal de voyage d’une grande importance par les observations
qu'il contient; mais ilne peut encore se consoler de la perte de ses
collections du sud de l'Afrique et de ses notes englouties avec
les épaves du Lucullus. Depuis son retour, ses regrets se renou-
vellent chaque jour, car 1l s'occupe de la mise en ordre de
de toutes ses observations sur les animaux qu'il a étudiés vivants
et sur place, et dont la publication sera d’un intérêt immense
pour la zoologie. Le prince Charles Bonaparte avait apprécié
les vastes connaissances de Jules Verreaux et la confiance que
les ornithologistes accordent à ses déterminations spéeifiques,
car 1] l’appela à la collaboration du Conspectus Avium, et la
seconde édition de cet ouvrage, resté malheureusement incom-
plet, devait être publiée au nom des deux éminents naturalistes.
Parmi les ouvrages importants publiés sur les oiseaux, nous
devons citer le Genera of Birds de Gray, le savant directeur
du British Museum ; la Faune du Japon et la Fauconnerie de
Schlegel; l’Iconographie de Desmurs, notre collaborateur; les
Mémoires de la Société zoologique de Londres; les [ustra-
tions zxoologiques de Swainson et celles de Smith; les belles
planches du Journal de Sclater, V'Ibis;: le Voyage en Amérique
d'Alcide d'Orbigny; les divers Voyages autour du monde pu-
bliés par les commandants et les médecins de notre marine;
l'Histoire des Paradisiers et des Oiseaux-mouches de Lesson,
INTRODUCTION. 55
celle des Pics de Malherbe, et enfin les Suites aux Planches
coloriées de Buffon par Temminck et Laugier. Cet exposé déjà
bien long nous oblige cependant à dire quelques mots de deux
ouvrages qui ont eu un succès bien mérité : le Monde des Oi-
seaux ou Ornithologie passionnelle de Toussenel, ot Oiseau
de Michelet.
Fig. 13.— Poëphile admirable, d'après Gould.
Toussenel, le plus spirituel et le plus logique peut-être des
élèves de Fourrier, a créé tout un système nouveau sous le
titre d'Ornithologie passionnelle. Cet ouvrage est en effet
un traité sérieux qui, sous une apparence de frivolité plus où
moins piquante et avec un mélange d'idées plus où moins para-
56 INTRODUCTION.
doxales, n'en renferme pas moins ce qui a été dit Jusqu'à pré-
sent de plus vrai et de plus nouveau sur cette classe de ver-
tébrés.
C'est au moyen de l'étude des mœurs, qui doivent servir L
base à une classification véritablement ii aux principes
de l’analogie passionnelle, que Toussenel, partisan, comme nous,
Buffon et Geoffroy Saint-Hilaire, de l'unité de composition, a
voulu arriver à coordonner sûrement et définitivement la classe
entière des oiseaux. Mais son point de départ est différent de
celui de la plupart des naturalistes qui l'ont précédé.
Deux systèmes se présentent en fait de classification : procé-
der du composé au simple, c’est-à-dire du plus parfait au moins.
parfait, ou du simple au Composé.
C'est le premier mode qu'ont suivi presque tous les ornitho-
logistes; seulement les uns, et c’est le plus grand nombre, ont
considéré les oiseaux de proie, ou Rapaces, comme les plus par-
faits; les autres, en plus petit nombre, ont donné le premier
rang aux Perroquets. |
Toussenel, lui, s’est attaché exclusivement à l'autre mode. Il
a done pris d’abord l’ensemble de la classe des oiseaux, dans
l'ordre selon lequel chaque groupe a dü être créé relativement
au milieu dans lequel il avait à vivre et à se mouvoir. Or, notre
planète ayant été enveloppée d’eau avant: l’émersion des parties
terreuses ou terrestres, c'est par les oiseaux d'eau que sa raison
lui dit de commencer la série, contrairement aux errements
suivis Jusqu'à ce Jour, car l’analogie passionnelle n'exclut pas
la raison, quoique l’amour en soit le génie, comme le prétend
l’auteur du monde des oiseaux.
Nous dirons cependant que la doctrine de Toussenel est fata-
lement celle de tout homme intelligent ouvrant son esprit à une
science qu'il se prend à étudier pour la première fois. Amant
passionné de la nature par ses instincts et par ses habitudes, il
_
INTRODUCTION. 91
entre d’un bond et de plain-pied dans une voie glissante. If croit
ne voir en ornithologie que désordre alors seulement qu'il y a
désaccord entre ses idées et celles des méthodistes qui l'ont pré-
cédé, et il essaye de rétablir, à sa manière, l'harmonie dans ces
éléments un peu étrangers pour lui, sans se douter que bien
d’autres ont fait le même rêve, et ont cherché, avec plus ou
moins de succès ou de bonheur, à le réaliser.
L'histoire naturelle, en effet, au point de vue de la classifica-
tion, n’a jamais été, après tout, qu'une science de rapports; or
qui dit rapport dit aussi analogie. C'est donc sous l'influence
d’un esprit des analogies plus ou moins bien entrevues qu'ont
procédé les naturalistes anciens et modernes. Les uns ont, en
conséquence, consulté les analogies anatomiques, organiques ou
physiologiques; les autres les analogies de mœurs, de nourriture,
de nidification, et d'éducation des petits chez les animaux de
chaque classe, voire même les analogies du produit ovarien
chez les oiseaux. | :
Il est évident que ces dermers se sont trouvés beaucoup
plus près de l'analogie passionnelle qu'aucun de leurs émules,
quoiqu'ils n'aient pas créé le mot. Mais il faut convenir que, si
Toussenel n’a pas inventé la chose, 1l a fondé et assis sur une
base plus certaine la science des analogies, et, on peut le dire
hardiment, 1l a, sous une apparence de Rae ouvert une
‘vole “TE l'étude de l'histoire naturelle.
Ce que nous venons de dire du livre de Foussenel peut s'appli-
quer en partie à celui de Michelet. L'éminent professeur, habitué
à peindre l'histoire en traits de feu, sentit un Jour le besoin de
se reposer de ses rudes labeurs; mais ce repos ne pouvait être
stérile. Son esprit observateur, ses souvenirs, ses conversations
ou ses lectures du soir, et, comme il Le dit lui-même, ses impres-
sions, et bien certainement une tendance toute naturelle, fixèrent
le choix du sujet, « qui devait être une heureuse et charmante
DUT. r
T8 INTRODUCTION.
transition de la pensée nationale à celle de la nature. » Toute
l’histoire naturelle apparut alors à Michelet comme une branche
de la politique. Il traite l’oiseau en historien, et les questions
. intéressantes qu'il aborde nous ont valu un charmant livre. La
tâche de l'écrivain est admirablement remplie, mais il reste celle
plus difficile peut-être du naturaliste. Il le reconnait lorsqu'il
dit, en parlant de la richesse des collections de notre Muséum et
des impressions du visiteur qui les admire : « En face de cette
énorme énigme, de cet immense hiéroglyphe, il se tiendrait heu-
reux s'il pouvait lire un caractère, épeler une lettre. Au lieu de
cela, ceux qui traversent cet océan d'objets inconnus, incompris,
sen vont fatigués et tristes. » En effet, comment se rendre
compte des rapports qui existent entre tant d'animaux aux formes
et aux couleurs variées à l’infim? C'est cette satisfaction que nous
désirons donner à l'esprit en faisant l'histoire des oiseaux au
point de vue du naturaliste; c'est cet méroglyphe qu'on lira fa-
clement, si l'on veut prendre la peme d'étudier pendant quel-
ques mstants seulement les caractères d’un alphabet aussi simple
mais plus imagé que celui qu'apprennent les enfants. Les gé-
néralités et les détails d'orgamsation par lesquels 1l faut com-
mencer ne manquent pas d'intérêt, mais 1ls plaisent moins que
les détails de mœurs; cependant il faut connaître les uns pour
mieux comprendre les autres, et, si dès les premiers pas la
route semble nécessiter quelques efforts, un peu de persévé-
rance permettra d'arriver au point où l’on ne rencontrera plus
que les compensations les plus attrayantes.
L]
PREMIÈRE LECON
Organes actifs et passifs du mouvement.
Les corps organisés animaux forment quatre grandes divisions
ou embranchements, qui représentent les quatre plans princi-
paux d'organisation d après lesquels tous les animaux semblent
avoir été modelés :
La première de ces divisions est celle des Vertébrés; elle com-
prend tous les animaux mamnufères, oiseaux, reptiles, poissons,
qui ont une charpente osseuse intérieure composée d’un plus ou
moins grand nombre de pièces solides, liées les unes aux autres,
et cependant mobiles à l’aide d’articulations; les plus impor-
tantes, celles qui protégent les centres nerveux, sont connues
sous le nom de vertèbres, et l’ensemble de ces pièces est désigné
sous le nom de dite
La seconde division est celle des Mollusques. Ce sont des ani-
maux mous et comme gélatineux, revêtus d’une peau contractile,
et le plus souvent d’un test cbr ou coquille qui leur cie
abri'et protection.
10 PREMIÈRE LEÇON.
Le troisième Lype est celui des Annelés. Les-animaux qui le
représentent ont le corps divisé par des plis transverses ou an-
neaux durs ou mous, servant de points d'insertion à des muscles
nombreux. Ces anneaux, placés à la suite les uns des autres, sont
articulés entre eux et forment une sorte de gaine ou d’étui con-
tenant les parties molles, et remplissant les fonctions analogues à
celles du squelette des Vertébrés et de la peau ou du test cal-
care des mollusques.
Enfin le quatrième type que présentent les animaux est fourni
par les Zoophytes, qui, s’éloignant des formes animales pour se
rapprocher de celles des végétaux, offrent à peine l'apparence
de Ja vie, et dont les organes sont disposés en rayons divergents
d'un pomt central.
L'organisation particulière des oiseaux les place au second
rang parmi les animaux vertébrés, et les sépare complétement
des autres animaux de la même série ou embranchement.
Ils ont, comme les mammifères, qui occupent le prenmner rang
et dont ils se distinguent par l'absence de mamelles et un mode
particulier de reproduction, 1ls ont, disons-nous, un cœur à deux
ventricules et le sang chaud, conditions qui ne se retrouvent plus
chez les reptiles, qui forment la troisième classe, ni chez les pois-
sons, qui sont à la quatrième et dernière de la série.
Les caractères principaux de la deuxième classe, dont nous
avons à nous occuper et qui comprend tous les oiseaux, sont :
une reproduction ovipare extra-utérine ; des poumons sans lo-
bes; une circulation double à sang chaud; une peau couverte
de plumes; un bec corné, dont la forme varie suivant le régime
propre à chaque espèce; des cavités aériennes qui leur donnent
une grande légèreté spécifique, en permettant l'introduction de
l'air, non-seulement dans les poumons, mais aussi dans diverses
parties du corps et même dans l'intérieur des os.
Le caractère le plus évident, et 1} n'est pas le moins certain,
ORGANES DU MOUVEMENT. 4A
est fourni par les plumes qui couvrent le corps des oiseaux. Nous
pourrions ajouter que les membres antérieurs des animaux de
EC
Fig. 16. — [lumérus de Pélican et son ouverture pour le passage de l'air.
cette classe sont, à quelques exceptions près, toujours allongés
et disposés pour la locomotion dans l'air ou le vol, mais une
Fig. 17. — Aile de rapace.
disposition analogue existe chez quelques mammifères (Chauve-
Souris), et ce caractère perd ici par cela même de sa valeur.
Nous n'avons pas l'intention d'entrer dans de minutieux dé-
tuls sur l'anatomie et la physiologie des oiseaux. Nous devons
cependant nous occuper de la description des parties du corps
qu'il est important de connaître pour avoir une idée exacte de
l’organisation particulière et si intéressante de ces animaux.
Commençons par le squelette,
PSS
[Se
PREMIÈRE LECON.
ORGANES PASSIFS DU MOUVEMENT, OU SQUELETTE.
Le squelette des oiseaux, comparé à celui des mammufères, des
reptiles et des poissons, se trouve modifié en raison de la pré-
dominance excessive de la respiration qui fait parvenir de l'air
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Fig. 18. — Sque'ette de Cygne.
dans diverses parties du corps et même à l’intérieur des os. Les
0S principaux sont généralement celluleux et légers; ceux des
membres surtout, sans que cela nuise beaucoup à leur solidité,
ORGANES DU MOUVEMENT. 43
sont nunces, creux, et organisés pour recevoir de l'air et non du
üssu médullaire. :
Cependant, chez les jeunes oiseaux qui ne peuvent encore vo-
ler, les os sont plus pleins; et 1l en est de même chez les oiseaux
coureurs, qui n'ont que des ailes rudimentaires.
LA TÊTE.
La tête de l'oiseau représente, comme dans tous les animaux,
une boite osseuse, dont toutes les parties se soudent générale-
SW
Fig. 22. — Engoulevent. Fig. 25. — Oie commune.
ment de très-bonne heure; lAutruche présente cependant une
exception, et les divers os de sa tête $e soudent assez lentement.
44 PREMIÈRE LECON.
Le crâne, arrondi en arrière, aplati en dessous, légèrement dé-
primé en dessus et sur les côtés, est anguleux et très-prolongé
Fig. 25. — Cormoran.
en avant. Les os dont 1l est formé sont plats, articulés par
des sutures peu profondes, et qui s’effacent promptement avec
l’âge; on reconnait aisément, en arrière, l'occipital, à la Ease
duquel est ouvert le trou ovale pour le passage de la moelle allon-
gée ou épinière.
Toutefois la forme du crâne varie singulièrement. Il y a des
différences considérables entre le crâne allongé des gallinacés et
des Oies, celui plus arrondi des Grues, celui également arrondi,
mais plus large, des oiseaux de proie, et le crâne extrêmement
large et aplati de l’'Engoulevent.
La surface extérieure du crâne présente aussi quelques diffé-
rences : d'ordinaire elle est parfaitement unie; mais quelquefois
ic frontal offre les empreintes de grosses glandes au bord des
orbites; parfois l'occiput et la partie moyenne de la tête sont
hérissés de fortes crêtes osseuses, destinées à l'insertion des
muscles; enfin les extrémités des plumes de la tête laissent quel-
quefois leur empreinte à la surface du crâne, ainsi que les bran-
| ORGANES DU MOUVEMENT. 49
_ches hyoïdiennes qui la parcourent, ce qui n'est, chez aucun
oiseau, plus frappant que chez les Pics. L'os hyoïde, mince,
délié, et destiné, comme dans les autres animaux, à soutenir la
base de la langue, est situé entre les deux branches du maxil-
lire inférieur. L’occiput offre encore un fait remarquable, c'est
l'existence d'une épine osseuse mobile, qui n’a encore été obser-
vée que chez le Cormoran. |
La face est formée en grande partie par le bec, qui est géné-
ralement très-développé, mais dont la forme varie à l'infini
suivant la nature des aliments que chaque oiseau préfère et qu’il
doit saisir; car le bec est, chez ces animaux, l'organe le plus
souvent unique de préhension. Il n’en est qu'un petit nombre
qui puissent saisir leur nourriture avec les pattes, et un nombre
moins grand encore qui, après l'avoir saisie avec les pattes,
puissent la porter au bec.
Fig. 28. — Ara. Fig. 29. — Pleiodus
Le bec est composé de deux mâchoires osseuses couvertes
d'une gaine cornée parfaitement moulée sur les os, et rem-
L 4
46 PREMIÈRE LECON.
plaçant les dents des autres animaux. La dureté de cette gaine,
sa courbure plus ou moins prononcée, sa pointe plus ou moins
aiguë, ses bords tranchants et les dentelures que souvent on y
Fig. 530. — Grammicus.
remarque, en font une arme défensive et offensive autant qu'un
organe de préhension et de travail. Beaucoup d'oiseaux offrent
des exemples de dentelures saillantes et nombreuses. Quelques
rapaces diurnes ont le bec denté sur les côtés; celui du Harle
est dentelé dans presque toute sa longueur, pour pouvoir retenir
le poisson dont 1l se nourrit. Les deux mâächoires sont quelque-
fois mobiies, mais le plus souvent l'inférieure seule peut exécu-
ter des mouvements. Il faut remarquer que cette dernière ne
s'articule pas directement avec le crâne par un condyle sail'ant,
comme cela a lieu chez les mammifères, mais avec un os par-
liculier, désigné sous le nom d'os carré ou tympanique, qui
s'appuie sur le temporal et fait partie du trou auditif, comme
chez les reptiles et les poissons. Disons encore, et c'est un trait
caractéristique de l’organisation des oiseaux, que la mâchoire in-
férieure, qui, chez les autres animaux, se compose de deux par-
Lies réunies et soudées en avant, n’ést formée que d’un seul arc
maxillaire, dont les branches ne sont pas séparables. [’Autruche,
d'après Nitzsch, est le seul oiseau chez lequel la séparation anté-
rieure des deux moitiés existe et demeure reconnaissable pendant
quelque temps. Cependant, à l’état embryonnaire, chaque branche
latérale chez les oiseaux se compose de six noyaux d'ossification,
ORGANES DU MOUVEMENT. 417
qui sont réunis el complétement soudés avant l’éclosion. L'extré-
mité du bec des jeunes oiseaux encore dans l'œuf porte un petit
tubercule à l’aide duquel ils percent la coquille et qui ne tarde
pas à disparaitre.
La mâchoire supérieure, à son point de réunion avec le crâne,
conserve, en vertu de la texture élastique de cette partie et des
os du nez avec lesquels elle est cependant toujours soudée, un
certain degré de mobihté qui produit en quelque sorte l'effet
d'une charmière dont l'os carré devient le pivot, et permet de
faire relever la mandibule supérieure en même temps que l'in-
férieure s'abaisse, chaque fois que l'animal ouvre le bec.
Voici quelques-unes des différences les plus essentielles que
la moitié supérieure du bec présente dans diverses familles :
Îlest énormément gonflé ou plem de cellules osseuses contenant
de l'air, et qu'on ne peut considérer que comme des expansions
des cavités nasales, chez les Toucans et les Calaos, dont le crâne
48 PREMIÈRE LEGÇON.
parait être extrêmement petit. Il est très-long et très-orêle dans
les Colibris, la Bécasse, l’Avocette et l’Ibis; long, mais élargi et
. — Avocelte.
Fig. 36. — Engoulevent. Fig. 57. — Bécasse.
aplati à son extrémité, dans la Spatule; extrêmement fort et so-
lide dans les Gros-becs; d’une brièveté extraordinaire en propor-
tion de l’immensité des orbites dans l’Engoulevent, ete. Le bec
de la Bécasse offre d’autres particularités intéressantes : les deux
branches qui composent la mandibule supérieure jouissent d’une
mobilité très-sensible, qui permet à la pointe du bec, une fois
enfoncée dans la terre ou la vase, de faire l'office de pince sur la
mandibule inférieure, pour faciliter à l'oiseau la capture des vers
dont il se nourrit. Il est probable que le même mécanisme est
ORGANES DU MOUVEMENT. 19
commun à presque tous les échassiers à bec grêle et cylindrique.
Enfin le bec de la. Bécasse, celui des autres oiseaux de la même
famille, ainsi que le bec de la plupart des échassiers et des pal-
mipèdes, sont plus nourris, quoique durs; 1ls reçoivent, des filets
nerveux qui leur donnent une sensibilité tactile plus grande, et
permet aux uns de sentir les vers dans la terre, aux autres de
cistinguer les substances nutritives au milieu de la vase dans la-
quelle. 1ls barbotent.
Fig. 58. — Flamant.
Les ouvertures qui se trouvent sur chaque branche de la mâ-
choire inférieure servent à la pénétration de l'air.
Il est remarquable aussi que les parties latérales de la mâ-
choire inférieure demeurent quelquefois mobiles dans leur mi-
lieu, mais dans un sens inverse de celui que nous avons signalé
dans la Bécasse, et qu'alors elles offrent en cet endroit une sorte
d'articulation qui favorise l'élargissement de la mâchoire et
l'ampliation de la cavité bec : c'est ce qu’on voit dans i Engou-
levent.
À la partie supérieure du bec, on remarque des lames hori-
zontales d'avant en arrière, qui sont les os du palais; et d’autres
lames perpendiculaires percées de plusieurs trous. L'ouverture
des narines se trouve sur un de ces appendices osseux, qui re-
présentent les os maxillaires et intermaxillaires des mammi-
fères. Les os du palais ou os palatins, au nombre de deux, ont
T. EL D
50 PREMIÈRE LEÇON.
servi, l'antérieur surtout, de base à un système de classification
ormthologique exposé avec succès par un savant physiologiste de
nos amis, le docteur Cornay de Rochefort.
LE COU.
L’articulation de la tête avec la colonne vertébrale se fait par
un seul condyle, formant une sorte de pivot demi-sphérique
reçu dans une fossette correspondante de la première vertèbre
du cou, l’atlas. Cette disposition permet à la tête des mouvements
plus étendus, et l'oiseau peut tourner sa face complétement en
arrière.
Le cou est, en général, proportionné à la hauteur du membre
inférieur; quelques palmipèdes font cependant exception à cette
règle. Il est composé de douze vertèbres, mais ce nombre varie,
selon les familles et les genres, de neuf à vingt-quatre. Ainsi on
en compte onze dans le Martmet; douze dans la Hulotte et dans
le Pigeon Bizet; treize dans le Vautour Arrian, le Hibou, la Cor-
neille noire et le Casoar; quatorze dans l’Aïgle royal, la Buse
commune et le Coq domestique; dix-huit dans la Grue cendrée;
vingt et une dans l’Anhinga, et vingt-trois dans le Cygne à bec
rouge.
La forme de ces vertèbres est aussi variable que leur nombre.
Chez les uns la largeur augmente progressivement, depuis la
tête jusqu'au dos, comme dans l’Autruche, etc.; chez d’autres
elles sont partout égales, épaisses où amincies, courtes ou allon-
gées, et munies d'apophyses plus ou moins épineuses.
Par le passage que les vertèbres livrent intérieurement à la
moelle épinière, par la manière dont elles sont articulées, par
leur conformation et l'insertion que leurs apophyses fournissent
à un grand nombre de muscles, elles ne diffèrent pas beaucoup
des mêmes os examinés sur les autres animaux; mais le nombre
ORGANES DU MOUVEMENT. 51.
plus grand des vertèbres cervicales, dans les oiseaux, explique la
dimension souvent extraordinaire du cou, sa flexibilité, la facilité
qu'ils ont à l’allonger et à le raccourcir suivant que les courbes
qu'il forme s’effacent ou augmentent. Leur structure est telle
cependant, qu’elle ne permet à la partie inférieure du cou qu’une
flexion en arrière, et à sa partie supérieure qu'une flexion en
avant, d'où 1l résulte que, considéré dans son ensemble, le cou
offre une courbure ou ondulation semblable à celle de la lettre S.
Après les vertèbres cervicales, remarquables par leur mobilité,
nous avons à parler des autres parties de la colonne vertébrale,
qui sont soudées entre elles de très-bonne heure. Viennent d’a-
bord les vertèbres dorsales au nombre de sept à dix; elles sont
maintenues par de forts ligaments, et consolidées par la soudure
de leurs apophyses. Le nombre des vertèbres lombaires et sacrées
est assez variable; on ne parvient même souvent à le déterminer
que d’après celui des trous dont elles sont percées (fig. 60). Il est
d'ailleurs assez difficile d'indiquer exactement où finissent les ver-
tèbres lombaires et où commencent les vertèbres sacrées, parce
que, soudées entre elles et les os du bassin, elles paraissent
faire corps avec ces derniers, qui remontent si haut, qu'ils arri-
vent aux côtes, et ne laissent pas entre la poitrine et le bassin
cet espace vidé, ce rétrécissement qu'on remarque dans le sque-
lette de la plupart des autres animaux, dont les vertèbres lom-
baires sont dégagées et libres. Cette disposition condamne à
limmobilité ces diverses parties du dos, et 1l devait en être ainsi,
car la flexibilité aurait rendu le vol difficile ou aurait exigé un
grand, développement musculaire dorsal pour soutenir la partie’
postérieure du corps dans la position horizontale pendant le vol.
La longueur et la flexibilité du cou suppléent d’ailleurs, pour les
besoins des oiseaux, à l'immobilité du tronc. A la suite des ver-
tèbres sacrées se trouvent les vertèbres coccygiennes ou caudales,
dont le"nombre, de cinq à sept, est en rapport avec la mobilité
52 | PREMIÈRE LEÇON.
plus ou moins grande de la queue. Ces vertèbres sont dégagées
du bassin, libres, en partie mobiles. La dernière, ou os caudal,
est plus grande, aplatie sur les côtés, le plus souvent relevée, et
représente généralement un soc de charrue. |
—
= 2 S. à
Ÿ W )
NY ©
Ÿ
KE
A
D)
A
Fig. 40. — Thorax du Guillemot.
LE THORAX.
Le thorax ou cage de la poitrine, en raison de son élasticité
et de son ampleur, passe pour le plus parfait de tous ceux qu'on
rencontre dans la série animale.
1E
ss
ORGANES DU MOUVEMENT.
Il est formé, dans l'Homme et dans les mammifères, par les
côtes sur ses parties latérales, par les vertèbres thoraciques en
arrière, et par le sternum en avant; à sa partie supérieure, laté-
rale et postérieure les omoplates, et en avant les clavicules le
consolident et le complètent; mais les omoplates et les clavicules
n'appartiennent au thorax que par leurs rapports, elles consti-
tuent la charpente.de l'épaule et la base des membres supérieurs.
Dans les oiseaux ces mêmes os ferment le thorax, ou s’appli-
quent sur lui, mais 1ls subissent des modifications importantes,
et il existe en plus un os impair, qu'on désigne sous le nom de
fourchette. Nous verrons que ces modifications sont merveilleu-
sement appropriées aux fonctions des membres supérieurs, qui
ne servent plus, comme dans d’autres animaux, n1 à la station,
m1 à la marche, mais sont exclusivement destinés à la locomotion
aérienne.
Le nombre des côtes est déterminé par celui des vertè-
bres dorsales : on n’en compte pas, ordinairement, plus de sept,
huit et neuf; le Casoar est le seul oiseau qui en ait onze. Leur
forme varie presque à l'infini, et, pour ne citer que des extrêmes,
nous signalerons les énormes différences qui existent entre les
côtes larges et courtes du Vautour (fig. 41) et celles excessive-
ment longues et fiiformes du Guiliemot nain.
Toutes les côtes ne se prolongent cependant pas Jusqu'au ster-
num; et celles qui sont dans ce cas, telles que la première et
souvent la seconde, n'ont d'union avec lui que par un long
à)
J
cartilage.
Les autres côtes, et parmi elles les vraies côtes, sont compo-
sées de deux pièces osseuses, longues, plates et réunies à angle
plus où moins aigu par un cartilage intermédiaire très-court :
la première, ou pièce antérieure, se prolonge jusqu'au sternum
et s'articule avec lui; la seconde, ou pièce postérieure, s’unit aux
vertèbres rachidiennes. De plus, les côtes sont reliées entre elles
mn
J,
54 | PREMIERE LECON.
par une épine osseuse, ou espèce de petite apophyse, qui surgit
du milieu de leur bord postérieur, s'étend obliquement d'une
côte à l’autre, et s'appuie sur la côte placée Immédiatement après."
De
/ N N ù /E
N IN
28 à
A
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Fig. 41. — Partie gauche cu thorax du Vautour.
Cette disposition, et la division des côtes en deux parties, donne
une grande élasticité aux parois latérales de la cavité thoracique,
élargit et facilite l'inspiration, favorise l'introduction de la
dans les poches aériennes, dont nous parlerons plus lom, et
s'oppose à la compression de ces dermières pendant l'expiration.
Au-dessous des vraies côtes qui s'articulent avec le sternum,
il en est une beaucoup plus courte que les autres, flottante, et
qui répond aux fausses côtes. |
LE STERNUM.
De toutes les pièces du squelette des oiseaux, le sternum est
celle qui a subi la plus extraordinaire transformation. 11 forme
ORGANES DU MOUVEMENT 99
une véritable cuirasse à la partie interne et antérieure de la poi-
trine et de l'abdomen. Le développement considérable qu'il
prend répond à l’importance des fonctions qu'il doit remphr, et
ce développement, comme surface et comme fonctions, a lieu aux
dépens des omoplates, qui ne sont plus, faut-il dire, que des os
rudimentaires. Le sternum est l'os le plus grand du corps des
oiseaux; 1l est mince, aplati, évasé, un peu concave à l’intérieur,
et plus ou moins convexe à l'extérieur. Sur le milieu de sa face
externe et dans toute sa longueur, s'étend une crête plus ou
moins saillante en forme de fer de faux. Cette crête, qu’on désigne
sous le nom de bréchet, s'élève sur le corps de l’os et forme de
chaque côté une gouttière profonde destinée à loger les gros
muscles pectoraux moteurs des ailes, et elle est proportionnée
à la puissance du vol; aussi verrous-nous que le bréchet ne se
trouve plus chez les oiseaux tels que l'Autruche, le Casoar et
l’Aptéryx, privés de la faculté de voler, et qu'ils ont même un
sternum très-petit proportionnellement à leur tulle. Les crêtes
et les gouttières scapulures qu'on remarque sur les omoplates
des mammifères, et qui sont destinées à servir de point d’appui
aux gros muscles de l'épaule et à les loger, n'avaient plus de
56 PREMIÈRE LEÇON.
raison d'exister chez les oiseaux, puisque chez eux les omoplates
et les muscles de la partie postérieure de l'épaule ne devaient
plus être que des organes accessoires des mouvements de l'aile.
Fig. 45. — Sternum de Perdrix grise. Fig. 46. — Slernum d Aptéryx.
La presque totalité de la puissance musculaire nécessaire aux
mouvements des ailes étant déplacée, les points d'appui ou d'in-
sertion des muscles mis en jeu pendant le vol devaient être dé-
placés ausst.
En effet, c'est sur le sternum que les puissants muscles pec-
ae
ORGANES DU MOUVEMENT. 97
_toraux des oiseaux prennent leurs points d'appui pour pouvoir
ramer à leur manière dans les airs, dans un des temps du vol.
L’exécution du second temps n'exige plus de force, puisque la
faible résistance que rencontre l'aile en se relevant est encore
diminuée par le poids du corps qui s’abaisse en même temps,
comme nous le verrons plus tard. Nous avons dans les Crustacés
un autre exemple du déplacement des points d'appui des mus-
cles qui jouent un rôle principal pour l’existence des animaux.
En eflet, les grosses pattes du Homard contiennent un os cartila-
gineux dont la forme et les fonctions ont la plus grande analogie
avec l’omoplate de l'homme.
Le sternum est obliquement échancré en avant et de chaque
côté, pour recevoir les clavicules, et le milieu de son bord an-
térieur s’unit à la fourchette, soit par contact immédiat, soit par
l'intermédiaire de ligaments. Il reçoit aussi des deux côtés les
pièces sternales des côtes. Il est plein ou percé d’un ou plusieurs
trous; quelquefois 1! est terminé par des prolongements ou ap-
pendices plus ou moins larges et plus ou moins allongés, et
l'espace compris entre ces appendices est rempli par une mem-
brane assez fine.
Le sternum est surtout développé chez les Oiseaux-mouches,
ces pygmées de la classe, mais dont le vol est incessant; 1l est
moins développé chez plusieurs échassiers, oiseaux marcheurs, et
se trouve réduit à de faibles proportions chez les oiseaux ter-
restres qui ne volent pas.
La hauteur du bréchet varie beaucoup; ainsi une crête ster-
nale bien développée, avec un sternum large et solide, indique
un oiseau qui peut voler longtemps et au besoin rapidement,
comme les vrais Faucons, la Frégate, le Pétrel.
Une crête très-haute, avec un sternum étroit, n’est pas une
disposition très-favorable au vol; cependant on la trouve chez
les oiseaux dont le vol est vif et soutenu (les Martinets), ou
58 PREMIÈRE LECON.
pressé, mais court (les Huppes), ou lent, mais prolongé (les
Grues, les Hérons, les Cigognes). |
Toutes les fois que la longueur du sternum l'emporte de
beaucoup sur a hauteur du bréchet, on peut en conclure que
l'oiseau ne vole pas très-bien; quand, avec cela, le sternum est
très-long, on peut dire, sans crainte de se tromper, que l'oiseau
est un bon nageur, mais qu'il vole mal, ou tout au moins qu'il
uage nueux qu'il ne vole : c’est le cas des Cygnes, des Plongeons.
ILest vrai que les Pingouins ct les Manchots, qui ne volent que
peu ou point, ont une crête sternale beaucoup plus développée
qu'on ne devrait le supposer d’après ces données; mais cette
contradiction n'est qu'apparente, et s'explique quand on sait que
ces oiseaux, qui quittent peu la mer et qui nagent submergés, à
a façon des poissons ou plutôt des cétacés, se servent de leur
aile comme d’une véritable nageoire, et”se meuvent dans un
milieu bien plus résistant que l’air : il fallait donc, pour com-
penser ce désavantage, que la nauure leur donnât des muscles
puissants et des surfaces d'insertion musculaire étendues. Les
gallinacés présentent encore une exception de ce genre : leur
crête sternale est, en effet, généralement très-développée, mais
cet avantage n'est-il pas aussi compensé par le refoulement de
cette lame en arrière, et par la faiblesse des points d'appui
qu'offre aux trois muscles prmcipaux de l'aile un sternum
presque membraneux? L'absence du bréchet dans le Nandou,
l’Autruche, le Casoar, l'Ém:u et l’Aptéryx, donne au sternum
de ces oiseaux la forme d'un bouclier, ou d’une plaque assez
semblable au plastron des Tortues. Cette disposition, d'accord
avec le peu de développement des muscles pectoraux, rend bien
raison, chez ces oiseaux, de l’inutilité de l’aile pour le vol, et de
son emploi seulement comme moyen auxillaire de la course,
qu'ils exécutent, en revanche, avec tant d'avantages, qu'ils ont
mérité le nom de coureurs.
ORGANES DU MOUVEMENT. 59
Ainsi donc tout oiseau qui vole bien est pourvu d'une crête
sternale plüs où moins développée; cette pièce même existe
encore chez des oiseaux qui ne volent que médiocrement, mais
qui nagent avec beaucoup de vélocité en s’aidant de leurs ailes;
elle manque complétement chez ceux où l’ale est un organe pure-
ment accessoire et passif de locomotion analogue à la voile d’un
navire.
Fig. 47. — Sternum d’Autruche. Fig. 48. — Sternum d’Autruche.
Telles sont les différences principales que présente le sternum
dans sa forme générale, et il est facile de prévoir qu'il existe
encore de nombreuses modifications de détail. Aussi MM. de
Blainville et le docteur l'Herminier ont-ils eu l'idée d’une classi-
fication basée sur les différences que présente l'appareil sternal
et le degré d'aptitude des oiseaux pour le vol. Mais cette classifi-
cation systématique ne pouvait donner que des résultats incom-
plets.
a *
60 PREMIÈRE LEGON. |
MEMBRES SUPÉRIEURS OU AILES.
Les membres supérieurs des oiseaux sont formés par plu-
sieurs os qui sont les analogues de ceux qu'on rencontre dans
les extrémités supérieures chez l’homme, et ils sont connus
sous les mêmes noms ou à peu près.
Cependant ces os, exclusivement disposés pour la locomotion
aérienne, et par de rares exceptions pour la locomotion dans
l'eau, présentent des modifications importantes comme nombre,
comme forme et comme dimension, quelquefois même ils n’exis-
tent qu à l'état rudimentaire chez quelques oiseaux terrestres
qui ne volent pas ou ne nagent pas.
L ÉPAULE.
L'épaule comprend l'omoplate, l'os coracoïdien ou elavicule,
et la fourchette. Quelques auteurs considèrent la fourchette, cet
os spécial aux oiseaux, comme la vraie clavicule, tandis que l'os
coracoïdien, que nous regardons comme l'analogue de la elavi-
cule, parce qu'il en remplit parfaitement les fonctions, ne serait,
selon eux, qu une apophyse détachée de
l'omoplate. Quoi qu'il en soit, l'ensemble
de ces os en place est souvent désigné
sous le nom de ceinture scapulaure.
L’omoplate, chez les oiseaux, perd son
importance et ses dimensions, elle est al-
longée, étroite et atténuée en arrière, sou-
| vent plus large et plus épaisse en avant,
Fig. 49. — Sternum et épaule D ANS pe
PS où elle reçoit l'extrémité supérieure de
lhumérus; elle s'articule avec un os droit
et cr os coracoïdien ou dde accessoire, dont l'extrémité
ORGANES DU MOUVEMENT. OI
inférieure est unie à l'extrémité antérieure du sternum, et main-
tent ainsi l'épaule obliquement écartée de ce dermier os, tandis
que la fourchette, dont nous allons parler, sert, par sa forme et
son élasticité, à maintenir l'écartement des deux épaules, malgré
les efforts violents qui tendent à les rapprocher pendant le vol.
Fig. 50. — Fourchette Fig. 51. — Omoplate Fig. 32. — Fourchetle
de Faisan. de Martir-pécheur. de hibou.
La fourchette représente les clavicules, et se trouve en avant
du sternum, dans l’espace triangulaire que forme cet os avec les
deux épaules. Sa forme et celle d'un V, chez les gallinacés, les
passereaux, etc., et celle d'un U chez les oiseaux de proie. Elle
se compose de deux branches grêles, cyhindriques chez les pre-
miers, élargies, épaisses, évasées et arrondies chez les seconds.
Plus la clavicule est ouverte et arquée et plus l'oiseau a de puis-
sance de vol. Le point de jonction des branches de la fourchette
ou sa base est Le plus souvent en contact avec la partie antérieure
et médiane du sternum. La partie supérieure des branches s’ar-
ticule avec les os de l'épaule.
Quelques ciseaux n'ont pas de fourchette, ce sont ceux qui ne
volent pas, comme le Casoar, l’Aptéryx, ou volent à peine, comme
plusieurs Perroquets, les Toucans, etc. D'autres n’ont qu'une
lourchette rudimentaire soudée à l'os coracoïdien, et sans union
des branches, comme l’Autruche. Ce défaut d'union des branches
RU 6
62 PREMIÈRE LECÇON.
se remarque chez quelques espèces, qui cependant peuvent voler,
l'Effraie, par exemple. Parfois enfin Punion des branches reste
cartilagineuse, comme on le voit chez un petit nombre d'oiseaux.
Il nous reste à étudier la disposition des organes du mouve-
ment où membres qui prennent leurs attaches ou leurs points
d'appui sur l'épaule.
MEMBRES SUPÉRIEURS.
La plupart des oiseaux ont leurs ailes composées chacune de
huit os, maintenus en rapport par plusieurs articulations.
Les trois prenuers et les principaux sont : l’humérus, qui est
attaché par son extrémité supérieure à la Jonction de lomoplate
et de Ja clavicule, tandis que l'autre extrémité se lie aux deux os
de l'avant-bras; le cubitus et le radius.
Fig. 53. — Os de l'aile de l’Aigle commun.
L'humérus est en grande partie droit et plus ou moims long :
son extrémité supérieure, qui est fort large, offre une surface
articulaire oblongue et une grande ouverture pour le passage de
l'air; son extrénuté inférieure forme une poulie que reçoit la
partie arliculaire concave de l’avant-bras (fig. 16).
ORGANES DU MOUVEMENT. 65
Les os de Pavant-bras, le radius et le cubitus, laissent entre
eux un espace Imterosseux, et ne sont en contact qu'à leurs ex-
trémités. Le radius ne peut exécuter aucun mouvement de rota-
tion sur son axe, ef le cubitus, plus gros que le précédent, porte
un olécrane très-court.
Viennent ensuite les petits os de la main représentant le carpe,
le métacarpe, le pouce, le petit doigt et le grand doigt, ce dernier
composé de deux phalanges.
Fig. 54. — Os de l'extrémité de l'aile du Pélican.
Le carpe n'est formé en général que de deux os très-courts.
Le métacarpe, chez presque tous les oiseaux, est un os double,
dont le milieu forme aussi un espace interosseux; ses extré-
mités seulement sont soudées. À sa partie supérieure, on re-
marque une petite saillie qui représente un métacarpien rudi-
mentare pour le pouce, qui s’y trouve articulé.
Le pouce est composé d'une phalange longue et plate, au bout
de laquelle il n'est pas rare de voir encore une petite phalan-
gette antérieure, quelquefois même couverte de corne, et consti-
tuant alors ce qu’on appelle l'éperon de laile. Nous reviendrons
plus tard sur cet accessoire, auquel se rapportent les aiguillons
et les ongles qu'on observe sur l'aile de quelques oiseaux, tels
que les Kamichis, les Jacanas, les Vanneaux armés, ete.
Le long doigt, ou doigt médian, se distingue par deux pha-
langes, dont l’une, inférieure, est assez grosse, mais aplatie,
tandis que l’autre est petite et conique.
6# PREMIÈRE LECON.
Le pelit doigt, enfin, n'est qu'un osselet mince, en forme de
lamelle, et caché sous la peau.
Les articulations qui réunissent ces os ne permettent pas toutes
leur mobilité au même degré; aussi le métacarpe et les doigts
sont-ils presque sans mouvement direct.
_L'avant-bras porte les plumes désignées sous le nom | de rémi-
gés secondaires; le grand doigt et son métacarpien, les rémiges
primaires ; les rémiges ou pennes bâtardes tiennent au pouce.
La forme des os qui composent l'aile des oiseaux qui ont la
faculté de voler est très-suette à varier dans chaque ordre, et
même de fanulle à famille. Les os de l'aile des oiseaux qui ne
peuvent voler, tels que l’Autruche, le Casoar, les Pingouns, les
Fig. 56. — Os de l’aile du Gorfou.
Manchots, présentent une disposition particuhère; des os moins
nombreux et des doigts incomplets. Ainsi, à part les dimensions
des os de l’Autruche, le carpe, chez cet oiseau, ne se compose
que d'un seul os, et les doigts, réduits à deux, le long et le pe-
ORGANES DU MOUVEMENT. 69
Lit, ont de faibles proportions et sont composés de deux phalan-
ges. Tous les os de l'aile des Manchots sont particulièrement
remarquables par leur aplatissement, qui les transforme en
quelque sorte en une véritable nageoire. :
Fg. 51 — Aile de Gorfou.
Les dimensions proportionnelles des diverses parties des ailes
permettent de dire à premmère vue quel est le degré de puis-
sance du vol d’un oiseau. Les meilleurs voiliers ont un humérus
court, et l’avant-bras très-développé, comme on le voit chez la
frégate, le martinet. La longueur de l'humérus augmente-t-elle
proportionnellement, la puissance du vol diminue; les gallinacés
sont dans ce cas. L'humérus est-1l plus long que l'avant-bras,
l'oiseau ne vole pas; telle est l’Autruche. Le développement con-
sidérable du carpe et des doigts aux dépens de lhumérus et de
l’avant-bras s’observe chez les oiseaux essentiellement nageurs,
comme les Pingouins et les Gorfous.
BASSIN ET MEMBRES INFÉRIEUPS.
Si nous passons maintenant à l'examen des extrémités infé-
rieures, nous voyons, dans les os qui les composent, des diffé-
rences tout aussi considérables, soit comme forme, soit comme
dimension.
Les os du bassin, dont nous n'avons dit encore que quelques
mots, sont au nombre de trois de chaque côté des vertèbres lom-
66 PREMIÈRE LECON.
baires et sacrées, qu'ils immobilisent. Ce sont l'ion, Fischion et
le pubis, soudés entre eux et partageant Pimmobiité du tronc.
=
EE
D ed D
CNRS RES
=
Ta
=
= LES UT =.Æ
= SE
=
e,
Û
>
Fig C0. — Bassin
de Puffin. de Perroquet.
Fig. 58. — Bassin Fig. 59. — Bassin
de Perroquet.
24 se
Fig. 61. — Bassin de Perroquet.
L'ilion, le plus développé et le principal de ces os, est assez
large, mais surtout très-allongé. L’ischion et le pubis sont allon-
gés aussi, mais sénéralement peu développés. Le pubis forme un
arc mince, dont les extrénutés se rapprochent plus ou moins en.
avant. Ces trois os concourent à la formation d’une cavité laté-
ORGANES DU MOUVEMENT. 67
rale dans laquelle vient se placer la tête du fémur, qui s’y trouve
retenue par de forts ligaments. |
Le fémur est cylindrique, généralement court et plus volumi-
neux chez les oiseaux coureurs (fig. 66). |
Le tibia, le péroné, sont fixés à l’extrémté inférieure du f6-
mur, et peuvent se replier sur lui. La rotule est placée en avant
de l'articulation du genou. |
Le tibia offre ordinairement, à son extrémité supérieure,
plusieurs apophyses, qui tantôt font saillie en avant, sous la
forme d’une ou deux lames osseuses, comme chez les Pigeons et
les Canards, tantôt, comme chez les Manchots, se prolongent au
delà du genou.
Le péroné, fixé à la parte inférieure et moyenne du tibia, est
terminé en pointe et ne descend pas jusqu’au tarse. Dans les
oiseaux de proie nocturnes, il est presque aussi long que le
. tibia.
De toutes les parties de la jambe, le fémur est la a. longue
chez l'homme; c’est l'inverse chez les oiseaux, dont le tibia,
mais surtout le tarse, dont nous parlerons eu sont .
beaucoup plus a.
Dans les oiseaux de proie nocturnes, le übia est deux fois
plus long que le fémur, et près de trois fois plus que le tarse;
et ce caractère est plus fortement prononcé dans les perroquets
et dans la plupart des grimpeurs, qui ont le tarse plus épais et
beaucoup plus court que le tibia. La jambe de lAutruche diffère
de celle des autres oiseaux en ce que le fémur est plus gros et
plus court, le tibia plus long et le tarse plus mince. Les passe-
reaux ont ordinairement le fémur et le tarse un peu plus allon-
gés que le tibia; mais dans les échassiers, au contraire, ie fé-
mur est de moitié moins long que le tibia, et souvent beaucoup
plus petit que le tarse; ce qui Les rapproche de l’Autruche. Mais
on ne saurait conclure de cette analogie, comme l’a fait Daudin,
68 PREMIÈRE LECÇON.
Fig. 6°. — Faisan. Fig. 65. — Flamant Fig 66. — Autruche.
54 + ouh, CL
ORGANES DU MOUVEMENT. 69
que les oiseaux les plus prompts et les plus agiles à la course
sont ceux qui ont la cuisse beaucoup plus courte que la jambe
et le tarse; puisque nous voyons la même disproportion relative
chez la plus grande partie des oiseaux nageurs et plongeurs.
Chez ces derniers, trop de longueur des membres imférieurs
aurait nécessité des muscles proportionnés aux dimensions des
es, et alors nuisibles aux fonctions à remplir autant que peu en
rapport avec les habitudes des oiseaux nageurs.
La jambe des oiseaux a une organisation toute spéciale.
Ainsi, chez eux, à l’exception des Manchots, le tarse, par sa
iongueur et sa position perpendiculaire à la suite du tibia, fait
tellement partie de la jambe, qu'on le prend communément
pour la jambe elle-même. Il est constitué par un seul os simple
et long, qui tient lieu de tarse et de métatarse.
Cet os a ordinairement une longueur considérable, qui, chez
les échassiers surtout, représente eñ quelque sorte la jambe en-
üère. Sa forme est cylindrique, quoique sensiblement aplatie en
arrière; sa tête s'articule avec le tibia, mais son extrémité infé-
rieure porte une surface articulaire en forme dé poulie à deux
ou trois facettes, suivant le nombre des orteils.
— 07
A ADD LL LA
Fig. 67. — Doigts de rapace. Fig. 68. — Doigts de Foulque.
Ces poulies correspondent aux surfaces articulaires des orteils,
10 PREMIÈRE LECON.
dont le nombre et la position varient dans quelques familles.
Presque tous les oiseaux ont quatre orteils. Le pouce se dirige
presque toujours en arrière, tandis que les trois autres sont
tournés en avant. Quelques exceptions sont à signaler : ainsi,
dans le Martinet, on trouve trois orteils en avant, et le pouce
est placé un peu sur le côté, mais pas en arrière; dans les grim-
peurs, 1l y a deux orteils en avant et deux en arrière; dans le
Cormoran, les quatre orteils sont tournés en avant et unis en-
semble par une membrane natatoire. Le nombre et la position
des phalanges des orteils ne sont pas non plus toujours les
CL 1177 540 St
PETER:
PRIT 2 2
Or D
DL D
92
2
Fig. 69. — Doigis de Coq Fig. T0. — De Casoar.
de bruyères.
Fig. 72. — De Cormoran. Fig.15. — De Perroquet.
mêmes. Ainsi les phalanges des orteils de la Foulque sont dis-
posées de manière à pouvoir également se courber en dessous et
en dessus; tantôt le doigt latéral interne et le postérieur ont
ORGANES DU MOUVEMENT. gli
chacun une seule phalange et un os onguéal : tels sont ceux de
la plupart des oiseaux de proie; tantôt les deux latéraux ont
chacun trois phalanges et un os onguéal, ou bien le latéral in-
terne a une phalange de moins que l’externe, comme dans beau-
coup de passereaux. | :
Chez les oiseaux qui volent peu ou qui ne volent pas, les
membres postérieurs prennent un développement osseux et
musculaire considérable; les os sont plus forts et les muscles
plus épais; ils sont surtout remarquables chez l’Autruche. Chez
les oiseaux nageurs, les membres postérieurs sont courts, mais
VISOUTEUX.
ORGANES ACTIFS DU MOUVEMENT, OU SYSTÈME MUSCULAIRE.
Les nerfs répandent la sensibilité dans tout le corps, et don-
nent aux muscles, organes actifs du mouvement, la contractihté
qui est mdispensable au rôle qu'ils sont appelés à jouer. Chez
les oiseaux, la creulation plus rapide d’un sang très-chaud et
riche en oxygène, une respiration plus vive et plus étendue,
enfin un perfectionnement notable du systèmé nerveux, sem-
blent être les principales causes du développement extraordinaire
qu'acquièrent les organes locomoteurs en général et le système
musculaire en particulier.
Toutefois Pirritabilité musculaire proprement dite n’a pas une
bien grande persistance chez eux, et ils sont, de tous les ani-
maux, ceux chez lesquels elle se montre au plus faible degré.
Leur système musculaire, comparé à celui des autres classes
d'animaux, n'offre pas de bien grandes différences dans les di-
vers groupes qu'ils forment.
En traitant du squelette, nous avons signalé la mobilité toute
particulière des vertèbres cervicales, tandis que les vertèbres
dorsales sont peu ou même pas du tout mobiles. On trouve
12 PREMIÈRE LEÇON.
bien aussi, pour correspondance à cette disposition de la char--
pente osseuse, un nombre considérable de muscles cervicaux,
dont plusieurs sont fort longs; mais la plupart des muscles du
dos n'existent pas chez les oiseaux, car on ne rencontre qu'un
muscle cervical descendant et sacro-lombaire très-faible, qui n'ac-
quiert un certam développement que chez le Pingouin, et pro-
bablement aussi chez le Manchot, le Gorfou et tous les oiseaux
qui peuvent redresser leur corps et le maintenir dans une posi-
tion verticale.
Les muscles les plus développés sont évidemment ceux de Ia
poitrme, parmi lesquels le grand pectoral, qui détermine l’abais-
sement ou le battement de l'aile, a surtout des dimensions con-
sidérables; ces muscles sont nécessaires au mécanisme du vol,
et chaque partie osseuse de l'aile, même la plus petite, a son
muscle spécial. Par contre, les muscles pectoraux, et surtout les
muscles de l’avant-bras, chez les oiseaux qui ne volent pas, no-
tamment chez l’Autruche, sont réduits à la plus simple expres-
sion; 1l en est encore ainsi chez les Pmgouins, où l’on ne trouve
plus guère que de simples tendons.
Les muscles de la partie postérieure extrême du corps ont
une grande importance dans la direction du vol; aussi la queue
a-t-elle des muscles particuliers, qui permettent à l'oiseau d’é-
taler ses pennes, de les abaisser, de les relever, et de leur impri-
mer les mouvements nécessaires à un gouvernail.
La disposition des muscles de la cuisse et de la jambe n’a rien
de bien particulier. Cependant l’un d'eux est assez remarquable
par la longueur de son action. C’est le muscle droit antérieur
partant du pubis, et dont le tendon passe sur le geuou et s’unit
au muscle fléchisseur des orteils : comme ce dernier passe à son
tour sur l'angle du talon, il en résulte que les doigts sont néces-
sarement forcés de se ployer toutes les fois que l'articulation du
genou est dans la flexion : c’est ce dont chacun peut faire lexpé-
ORGANES DU MOUVEMENT. 13
rience avec une patte de Poule fraichement coupée. Ce muscle
manque chez quelques palmipèdes; on ne le rencontre pas non
plus chez les Macareux et les Guillemots. Cest par suite de cette
solidarité et de cette union des muscles droit antérieur de la
cuisse et fléchisseur commun des orteils que la flexion du ge-
nou entraîne nécessairement celle des orteils, et que sans effort,
sans fatigue et même sans le concours 'de la volonté, les oiseaux
peuvent, en s’accroupissant, se maintenir perchés sur les bran-
ches pendant leur sommeil. Cette disposition anatomique st mer-
veilleusement appropriée äux habitudes de ces animaux, pour la
plupart percheurs, n'exclut pas l'existence de muscles destinés à
tous les mouvements de la patte et des orteils. Il y a les muscles
du tarse, du métatarse, et les extenseurs et fléchisseurs propres
des orteils. La longueur ordinairement considérable des régions
tarsienne et métatarsienne fait que ceux de ces muscles qui sont
courts chez la plupart des animaux ont en général ici une éten-
due proporlionnelle à cette longueur. Ces muscles, amsi que
ceux des orteils, présentent des différences relativement aux
proportions de la partie charnue et de la partie tendmeuse. Chez
les rapaces, les grimpeurs et les palmipèdes, la partie charnue
a généralement beaucoup plus d’étendue, et sa forme est allon-
oée; chez les échassiers et les Autruches, les tendons sont pro-
portionnellement très-longs, et la partie charnue est courte et
épaisse; chez les passereaux ct les gallinacés, ces proportions
sont moins extrêmes.
à = È _
NKKQEER,
— Canéliphage Papou.
14.
œ
D
]
Fi
DEUXIÈME LECON
Peau, Expansions charnues, Plaques cornées, Éperons, Ergots,
Plumes,
La peau des oiseaux est généralement très-mince, et les parties
du corps où elle paraît le plus épaisse sont celles qui correspon-
dent à des faisceaux sous-cutanés de fibres musculaires plus ou
moins prononcés, et destinés à faciliter les mouvements de tres-
saillement nécessaires au Jeu de la peau et des plumes qui la re-
couvrent.
Qui n’a remarqué, en effet, la facilité avec laquelle les oiseaux
reèvent et secouent leurs plumes, en cas de dérangement ou de
désordre, pour les replacer dans leur juxtaposition naturelle, ou
pour se poudrer comme 1ls aiment à le faire chaque jour, afin
de se débarrassér des parasites qui les gênent? Ils relèvent les
plumes de la tête pour former une huppé, celles du cou pour
les développer en collerette, et ils peuvent étaler et relever en
éventail celles, souvent très-longues, de la queue, comme un
assez grand nombre d'oisaux et le Paon surtout en fournissent
des exenrples remarquables.
16 _ DEUXIÈME LEÇON.
L'épiderme se détache par petites écailles ou pellicules trans-
lucides, qui rendent la peau comme farineuse : ce qui n'est,
dans aucune famille, plus apparent que chez les Perroquets.
On à cru bien à tort, Jusqu'à ces derniers temps, que l'enve-
loppe fibreuse générale, qui se rapporte à la peau, était si fai-
blement développée, qu'il ne restait plus que quelques grands
muscles peaussiers, ayant pour usage de hérisser et d’abaisser
les plumes sur les diverses régions du corps et de la tête. Les
découvertes de Nitzsch ont prouvé
que c'était une crreur : car il a trouvé
chez plusieurs oiseaux, notamment
chez les palmipèdes, et surtout chez
ceux qu'il appelle les dermorhyn-
ques où Canards, que chaque p'ume
est munie de quatre à eng petits
inuscles destinés à la mouvoir; ce
qui porte le nombre de ces mus-
cles à plus de douze mille pour l'a-
mimal enter : nombre rmmense!
annonçant à quel degré de perfec-
tion le système musculaire est arrivé
chez les oiseaux.
Des tubercules granuleux s'observent sur presque toute la
surface de la peau dans quelques familles, mais surtout chez les
Poules et les Perroquets. Quelquefois ces tubercules sont remplaccs
par des aréoles polygones, comme on le voit chez les échassters.
Comme dépendances de la peau, nous avons à parler des ex-
pansions charnues, plaques cornées, éperons,, et des ongles ou
ergots des oiseaux. Ce sont des organes accessoires d'ornement ou
des organes auxiliaires servant d'armes offensives ou défensives.
Parmi les premiers figurent les expansions charnues où mem-
braneuses qui se trouvent sur la tête et le cou de la plupart des
Fig. 75. — Dindon.
PEAU, EXPANSIONS CHARNUES. 11
Sarcocamphes et des Vautours parmi les oiseaux de proie; sur la
tête et la face de certains Calaos; à la poitrine des Céphaloptères;
à la tête et à Ja face de quelques Mainates, Philédons ou Philé-
piltes, du Néomorphe et du Glaucope parmi les passereaux ; sur
la face, la tête et le cou de la plupart des vrais gallinacés, tels
que les Dindons, les Poules, les Faisans et les Pénélopes; sur les
mêmes parties chez les Casoars parmi les oiseaux anomaux. Elles
se remarquent encore chez un grand nombre d'échassiers,
comme les Grues et les Ibis; chez les gralles, comme les Plu-
viers, les Vanneaux et les Jacanas, et enfin chez quelques Ca-
nards. -
Fig. 77. — Anthochère.
Fig. T6. — Condor. Fig. 79. — Canard à tête
grise.
Ces expansions ne sont pas mertes; elles recoivent de nom-
breux vaisseaux sanguins et des filets nerveux, sont érectiles, se
sonflent, se colorent, ou s’affaissent et pâlissent sous l'influence
des émotions ou des impressions des oiseaux. En général, et
chez les gallinacés principalement, les mâles seuls sont pour-
vus de ces appendices.
La cire est une autre expansion membraneuse qui garnit con-
stamment [1 base du bec de tous les oiseaux de proie et de tous
les Perroquets. Elle ne se rencontre qu'exeeptionnellement dans
1.
18 _ DEUXIÈME LECON.
le reste de la série; les Canards n’en offrent qu'un seul exemple
dans les Céréops de la Nouvelle-Hollande. |
On remarque aussi sur la tête de quelques oiseaux des plaques
frontales plus ou moins dures et cornées; les Foulques, les Por-
phyrions ou Poules sultanes et les Poules d’eau en offrent de
nombreux exemples. Plusieurs espèces de Hoccos ou Pauxis, gros
Gallinacés de l'Amérique du Sud, ont à la base du bec un tuber-
cule osseux, pyriforme et parfois développé en forme de casque.
Les Phalaris ou Cérorhynques, petits plongeurs des mers polaires,
ont le bec recouvert d’une membrane calleuse et d’un appendice
long, obtus, vertical et corné.
Fig. 80. — Poule sultane. Fig. 81. — Alimoche. Fig. 82. — Foulque.
. Parmu les seconds sont les éperons et les ergots.
‘Les ongles qui se trouvent sur la partie de l'aile correspondant
à la main sont désignés sous le nom d'éperons; ceux que pré-
sentent. le tarse ou les doigts sont nommés ergots ou ongles.
Les éperons manquent chez beaucoup d'oiseaux aux phalanges
des mams où dernières parties de l'aile. Cependant ils existent
dans un assez grand nombre de fanulles : 1ls sont des organes
auxiliaires où des armes défensives ou offensives, et servent à
plusieurs fins que nous indiquerons.
Ce sont des instruments très-utiles et assez apparents chez les
jeunes de quelques espèces, qui s’en servent comme de support
pour favoriser certains mouvements dans le nid. Ils s'atropluent
et disparaissent à mesure que ces petits grandissent, mais sans
ÉPERONS, ‘ERGOTS. 19
cesser pour cela d'exister, et sans qu'il ne soit facile d'en re-
trouver la trace. Les Martinets, qui ne se reposent hors de leurs
trous qu’en s’accrochant comme les Chauves-Souris, sont pourvus
d’un ongle au pouce et d’un autre au premier doigt de l'aile.
Les Poules d’eau en ont également un qui leur sert à s’avancer
le long des talus ou des berges plus où moins inclinés, voire
même à grimper jusque sur les branches des arbres. |
Chez les Oies d'Égypte, de Gambie, et chez plusieurs espèces
de Canards, l’éperon, dont on n'a jamais bien pu constater l'u-
ühté, est tout simplement un organe aux liare dont ne pou-
vaient se passer ces espèces, qui se retirent et nichent dans des
terriers en parte faits, 1l est vrai, et abandonnés par des mam-
mifères rongeurs, mais qu'elles doivent arranger et approprier à
leurs habitudes, ce qu'elles n’eussent pu fure sans cette précau-
Lion de la nature. Cet éperon est presque toujours plus où moms
obtus, et souvent réduit à l'état de tubercule corné,; 1l sert à pro-
téger l'aile de l'oiseau qui le porté contre l'effet du frottement
Fig. 85. — Aile de Merganette.
causé par son travail de mineur. Chez la Merganette, au con-
traire, cet éperon est très-allongé, robuste, courbé en avant et
excessivement aigu; 11 devait avoir un autre usage. Et, en effet,
cet oiseau ne fréquente que les torrents et les cours d’eau tour-
mentés et brisés par des cascades, dont il remonte le courant, et
dont, à la facon des Truites, 1l escalade les barrages et les ro-
chers qui lui font obstacle, grâce au secours puissant de ces
crampons où harpons d'une nouvelle sorte.
8) DEUXIÈME LEÇON.
On voit, d’après ce que nous venons de dire, que c’est faute de
s'être bien rendu compte des habitudes de ces oiseaux que, pour
s'expliquer l'existence des éperons chez plusieurs d’entre eux,
on à supposé que ce devaient être des oiseaux querelleurs, qui
apporteraient le désordre dans nos basses-cours, si on essavait
de les y introduire. ; me
Un assez grand nombre d'oiseaux de rivages ou de marais,
tous des pays intertropieaux, présentent de fortes épines ou épe-
rons plus ou mons développés, qui sont bien réellement des
armes parfois très-redoutables. Ainsi, quoiqu'il existe des Piu-
viers et des Vanneaux dans presque toutes les parties du monde,
c'est entre Les tropiques que se trouvent principalement les es-
pèces armées : au Sénégal, dans la presqu'île et dans l’archipel
de l'Inde, à la Guyane, au Brésil, au Pérou, à la Nouvelle-Fol-
lande. Nous citerons le Vannsau à éperon de la Louisiane et celui
du Chuli, les dermers que l'on rencontre, lun vers le Nord et
l'autre vers le Sud; les Jacanas, répandus dans les parties les
plus chaudes de l'Afrique, de l'Asie et de l'Amérique, et enfin les
À NT SENS EURE SERRE
SS S > - S
ÈS à ESS RSA
PNA s > ESS
) ; = as
Kanuchis, aux armes si acérées et si redoutables, et qui se trou-
vent uniquement dans la zone intertropicale du nouveau monde.
L'éperon quelquefois double que portent ces oiseaux est une
arme qui leur devenait irdispensable. Généralement de petite
ÉPERONS, ERGOTS. | 81
taille, et ne vivant qu'au milieu des savanes inondées et des
prairies marécageuses fréquentées par de nombreux reptiles de
toute taille et de toute grosseur, leur seul moyen de défense, avec
de tels adversaires, était l'éperon dont est armé le ph de leur aile.
Ils s’en servent avec succès pour les frapper, les éloigner, les ter-
rasser ou les tuer, plutôt que pour s’en nourrir. |
L'ongle, placé à la jambe est plus particulièrement désigné
sous le nom d’ergot. Dans les espèces qui sont pourvues de cet
organe, 1l est quelquefois difficile d'en reconnaitre l'existence
chez les femelles, où il est réduit communément à un simple
tubercule, de sorte qu'on peut le considérer comme l'atiribut
exclusif des mâles; il est même remarquable qu'il ne se ren-
contre que dans l’ordre des gallinacés. Il atteint souvent un
très-grand développement, et, comme il continue à croître pen-
dant toute la durée de leur existence, il fournit parfois un
inoyen de reconnaitre leur âge.
Les espèces qui ont plus d’un ergot à chaque jambe
sont peu nombreuses : elles appartiennent toutes à la fanulle
d2s Francolins, et surtout à celle des
Éperonniers. Chez ces derniers, les er-
gots présentent celte particularité, qu'ils
sont rarement au nombre réguler de
deux ou trois à chaque jambe, et que plus
souvent 11 y en a trois à droite et deux à
gauche.
Quand les ergots sont aussi forts et
aussi acérés que chez notre Coq de basse= pig. 85. — patte d'Éperonnier.
cour, 1ls peuvent fure de profondes bles-
sures; ce sont des armes redoutables, mais qui le deviendrient
bien davantage, si elles étaient autrement disposées. En effct, ces
ergots sont bas placés et dirigés horizontalement, de sorte que
l'animal, pour en faire usage, doit sauter, le corps renversé, en
82 _ DEUXIÈME LECON.
portant les jambes en avant, ce qui expose à perdre l'équilibre.
Les éperons, placés au pli de l'aile, n'obligent point l'oiseau qui
s’en sert à prendre une position gênante. À terre, les mouve-
ments qu'il fait pour frapper de l'aile n’entravent en aucune
manière les mouvements de ses jambes; en l'air, ils se confon-
dent avec ceux du vol. ;
Ces parties, nommées éperons ou ergots, se composent d’un
noyau osseux très-solide et d’un étui de nature cornée qui le
recouvre dans toute son étendue, et se prolonge au delà en se
terminant par une pointe aiguë.
= Un autre appendice corné se voit à la tête de quelques es-
pèces, telles que les Calaos, le Tragopan, voire même le Ca-
soar. Le Kamichi porte aussi à la tête uné sorte de corne située
Fis. 86. — Tèle de Palamedea. Fig. 87. — Téle de Casoa’.
sur la ligne médiane et de quatre à six centimètres de lon-
Le
gueur. Ces appendices ne peuvent servir aucunement à leur
défense; et, jusqu'à présent, on n’en connaît point l'utilité.
Plumes. — Les plumes sont des organes protecteurs en même
temps que des auxiliures indispensables pour la locomotion
PLUMES. 83
aérienne et aquatique; aussi a rareté des plumes chez un oiseau
indique-t-elle une espèce des rég'ons les plus chaudes, et orga-
misée pour courir plutôt que pour voler. |
Fig. 88. — Autruche.
La formation des plumes, leur développement, leur colora-
* tion, leur disposition, leur texture, leur renouvellement pério-
dique ou mue, sont les faits les plus intéressants qui se ratta-
chent à l'orgamisation de la peau des oiseaux.
On remarque, sur le jeune oiseau qui vient de sortir de
l'œuf, des follicules disposés en quinconces d’où sortent des fais-
ceaux de soies duveteuses, qui ne sont en quelque sorte que la
couronne de la plume proprement dite. Ces faisceaux tombent
84 DEUXIÈME LEÇON.
aussitôt que lé tuyau de la vraie plume se développe: et celle-ci
naît dans une gaîne bulbeuse, à peu près comme naissent les
cheveux et les poils des animaux; mais la complication plus
évidente de la plume entraine naturellement celle de l'appareil
qui la produit.
Les vaisseaux sanguins et les nerfs du derme apportent au
bulbe leurs ramifications très-apparentes dans la jeune plume,
et la nourriture nécessaire au développement de l'organe. Une
jeune Corneille, dont les pennes avaient déjà de quinze à dix-sept
centimètres de longueur, a servi à l’anatomiste Carus pour dé-
montrer les rapports de la circulation du sang de la plume avec
la circulation générale. Il a injecté, par l'artère brachiale de cet
oiseau, du mercure qui est venu remplir le tuyau des pennes de
l'aule.
Fig. 89. — Jeune Pigeon. =
L'appareil qui est le siége du développement de la plume se
compose d'un follicule tapissé d'une membrane muqueuse (épi-
thelium), et contenant le germe du bulbe générateur de la
plume. Disons tout de suite qu'une plume, arrivée à son déve-
loppement complet, a : ;
1° Un tuyau dur, d'aspect corné, rempli d’une membrane ex-
cessivement mince el formée de plusieurs petits cônes s’emboi-
tant les uns dans les autres. Cette membrane se flétrit en se
PLUMES.
80
desséchant, et elle est connue sous le nom d'âme ou de moelle
du tuyau. Le tuyau d’une plume nouvellement formée est en-
core mou et contient un peu de sérosité sanguinolente; mais
… bientôt cette sérosité sera résorbée et
remplacée par de l'air, comme nous
le dirons en parlant de là pneumati-
cité des oïseaux. Enfin, chez ces ani-
maux, destinés à vivre en partie dans
les airs, le diamètre mtérieur et la
longueur des tuyaux sont d'autant plus
prononcés qu'on les examine sur des
espèces dont le vol est plus puissant,
comme l'Aigle, et surtout sur celles
dont les ailes ne sont pas aussi bien pro-
porlionnées au poids du corps, comme
le Cygne, lOie, l'Outarde, ete., nous en offrent
des exemples. | |
2° Une:tige, prolongement du nd Cette
partie de la plume est dure aussi, d’ appar nee
cornée, simple, carrée, ee arrondie à
sa he dorsale, et divisée par un sillon plus où
moins profond à sa face opposée. La tige est
pleine d’une substance (moelle de la tige) opa-
que, blanche, molle, d'une consistance analogue
à celle du hége. Le tuyau, en se confondant avec
la tige, se prolonge sur elle, surtout à sa face
supérieure, et d'autant plus loin que la plume
appartient à une espèce dont le corps est plus
lourd. À sa face mférieure et au point de jonc-
Fig. 90. — Plume
de Calao.
tion du tuyau avec la tige, à l'endroit mème où les barhbes laté-
rales de la plume se rejoignent, on remarque la trace d’une
ancienne ouverture mamtenant oblitérée : c'est l'ombilic supé-
TE I
8
86 __ DEUXIÈME LECON.
rieur. L'ombilic inférieur se trouve au bas du tuyau et à son
du de Jonction avec la papille du derme. À
5° Des barbes latérales, ou lamelles aplaties, plus ou moins
allongées et serrées les unes contre les autres. Ces barbes sont
quelquefois très-espacées, très-molles, très-duveteuses sur di-
verses parties de la plume, toujours beaucoup plus fermes et plus
serrées aux ailes et à la queue, souvent beaucoup plus grandes
au côté interne qu'au côté externe de la tige, où elles n’apparais-
sent même dans quelques espèces qu’à l’état rudimentaire. En
un mot, la dimension des barbes varie considérablement, et
donne aux plumes des formes particulières dans un grand nom-
bre de fanulles.
4° Enfin des barbules et des crochets qui se trouvent sur les
côtés des harbes, comme les barbes sont sur les côtés de la tige.
Les barbules même ont quelquefois des barbellules, nouvelles
divisions encore plus petites. Les barbules sont destinées, par
leur entre-croisement et par leurs crochets, à donner à la plume
la consistance et la légèreté qu lui permettent de frapper l’ar
sans que cet élément la traverse. Elles sont plus larges, ont une
disposition particulière, et forment de nombreuses facettes po-
les, à couleur changeante ou métallique, chez quelques oiseaux.
La plume, avons-nous dit, prend naissance sur une papille du
derme. La gaine dans laquelle elle se développe, globuleuse d’a-
bord, devient successivement conique, cylindro-conique, cylin-
drique, et elle croît dans la même proportion que la plume
qu'elle enveloppera, quelle que soit sa longueur. On n’en voit Ja-
mais, 1l est vrai, qu'une très-fable partie, parce que le contact
de l'air la dessèche à son extrémité libre, et que l'oiseau la dé-
chire et la fait tomber par petites parties, pendant qu’elle conti-
nue à croître sur la base du bulbe. En examinant une plume
sèche, on aperçoit la dernière trace de cette gaine sur le tuyau
auquel elle est adhérente; ses fibres sont transversales et non
PLUMES. 81
longitudinales, comme celles de ce dermier; c'est cette gaïne qu'on
est obligé d'enlever en la raclant, lorsqu'on veut, pour écrire,
se servir d'une plume non préparée, comrhe celles qui sont dans
le commerce.
RE
LE Na
Fig. 91. — JeunePigeon.
Toutes les plumes ont la même structure, et, quelle que soit
leur forme, elles se composent des mêmes parties essentielles et
se développent de la même manière. Il existe peu de travaux
spéciaux sur l'organisation et le mode de développement des
plumes; le Mémoire de Frédérie Cuvier les analyse tous, et fait
connaître les recherches qu'il a faites lui-même, et qui ont
_éclairé la question. Pour se rendre bien compte de la formation
et du développement des plumes, 1l faut avoir sous les veux un
Jeune oiseau d'assez forte taille, Pigeon, Poulet ‘ou Dindon, lui
enlever une grosse penne encore en partie couverte de la gaine,
qu'il sera facile de fendre dans sa longueur jusqu’à l'ombilic im-
férieur, et examiner à la loupe la disposition des parües solides et
liquides qui s’y trouvent en rapport.
Le bulbe est l'organe product ur de la plume. Il se présente
sous la forme d'une petite vessie allongée, fibreuse, et remplie
88 _ DEUXIÈME LECON.
d’une matière molle, muqueuse ou albumineuse. La membrane
fibreuse qui 12 constitu: à un feuillet externe et un feuillet in-
terne désignés aussi sous 12 nom de membranes striées. Après
avoir divisé la gaine et le bulbe qui les contient, on remarque, à
: Fig. 92. Fig. 95. Fig. 94. Fig. 93.
Plumes de Hocco.
2. — Gaîne ouverte et montrant le bulbe revêtu de la membrane striée interne.
Fig. 93. — Gaine ouverte et montrant les parois renversées de la gaine.
Fig. 9%. — À gaine; B partie inférieure du bulbe; CG ombilic inférieur; D bulbe;
E barbes repliées ; F partie supérieure du bulbe.
Fig. 95. — Plume sur laquelle on a enlevé le bulbe.
la partie dorsale et médiane, des stries longitudinales extrême-
ment fines, et, sur les côtés, des stries obliques aussi ténues,
dont la constatation facile permet de supposer par analogie
l'existence d'autres stries plus fines encore diversement dispo-
sées, mas qui échappent à nos moyens d'investigation, moins
par leur imperceptibilité que par la difficulté de les isoler.
PLUMES. 89
Ces stries indiquent les organes ou sillons dans lesquels la ma-
tière constitutive et colorante de la plume vient se déposer, ainsi
que les cloisons rmperceptibles qui séparent les barbes et leur ser-
vent en quelque sorte de moule. Le tuyau n'existe pas encore,
et le développement de la plume commence par son extrémité
terminale, c'est-à-dire par la partie la plus mince de la tige et
par les barbes et les barbules latérales. Les barbes, qu’on dis-
tingue parfaitement à la loupe quand on a ouvert la gaine d’une
Jeune plume d'un oiseau encore au nid, sont représentées par
les stries obliques dont nous venons de parler. La tige, à peme
apparente, est garnie, à droite et à gauche, dans le premuer
temps de sa formation, d'une exsudation muqueuse à peu près
de la couleur que devra avoir la plume, exsudation qui consti-
tue les barbes, prend peu à peu de la consistance, et laisse, dans
l'intérieur de la membrane enveloppée par la gaine, ces barhes
encore humides et enroulées comme une feuille naissante. La tige
et ces barbes se constituent en plusieurs jours par la succession de
petits cônes qui s’élargissent progressivement et qui poussent les
parties déjà solidifiées et prêtes à sortir du maillot que la gaine
lorme autour d'elles. Bientôt cette gaine, ouverte à son extrémité
libre, se dessèche, avons-nous déjà dit, et laisse à nu la pointe
de la plume, qui se découvre progressivement dans toute sa lon-
gueur. La matière colorante apportée par la circulation varie
comme les teintes du plumage; cependant la couleur primitive
n'est pas toujours celle que l'oiseau aura après la première mue,
et, à plus forte raison, rien n’y révèle encore les brillantes cou-
leurs que pourront avoir les plumes des oiseaux aduites. Ainsi
cette couleur est pâle d'abord, chez certains oiseaux, les rapaces
diurnes, par exemple, qui ont généralement un plumage foncé;
elle est grise, jaune ou norâtre, chez les oiseaux qui, comme les
Cygnes, auront un plumage blanc. Quand la plume a atteimt une
grande partie de son développement et que presque toutes les
8.
90 __ DEUXIÈME LEÇON.
barbes sont formées, celles qui se forment encore sont générale-
ment plus courtes, plus molles, plus. duveteuses, comme si le
bulbe qui continue à les produire avait épuisé ses sucs nourri-
aers. Le fait est qu'alors le Hulbe se simplifie, comme l'a dit
Frédéric Cuvier, «sa portion en contact avec la tige se rétrécit,
F9, 9%:
Fig. 96. — Coupe d'une capsule de Hocco.
Fig. 97. — Plume de Marabout, en partie
ouverte pour montrer la comm'mica-
tion des cônes du tube et de la tige
avec les cônes membraneux extérieurs
* enlevés, E G cônes du tube et de Ja
tige ; G cône renversé; D ombilic su-
périeure renversé.
et les deux lignes sur lesquel-
les les barbes naissent se rap-
prochent en même temps que
le tuyau commence à se for-
mer par la réumon des fibres
cornées et une disposition nou-
velle des petits cônes déjà imdi-
qués. La face dorsale de la tige
s’élargit et s’arrondit en tube
en suivant le rapprochement
des barbes au côté opposé. Un
moment arrive où le Lulbe,
comprimé par ce rapproche-
. ment, n° tent plus à la partie :
qui jusque-A a produit les bar-
bes et la couche cornée que par
un léger pédicule qui reste en-
tre la matière spongieuse et la
matière cornée, c'est-à-dire
dans Fombilicsupérieur. Ainsi,
dans les plumes à tige solide,
la partie antérieure du bulbe,
étant oblitérée en même temps
que la portion postérieure, ne produit plus de matière spon-
gieuse, d’un? manière sensible du moins, au-dessous de Fombilie
supéricur, tandis que, dans les plumes à tige tubuleuse, cette
portion antérieure, se continuant immédiatement avec le bulbe
“PE UMTES. 91
du tube, reste plus longtemps vivante, et la matière spongieuse
se dépose encore longtemps après que les barbes ne naissent plus
et que l’ombilic supérieur est fermé. Dès que les barbes cessent
d'être produites, la partie cornée de la face externe de la tige se
dépose en une sur toute la circonférenc® du bulbe, et le
tuyau se forme. Dans cette formation, les parois int°rnes de la
gaine s'unissent au tuyau et le retiennent solidement. Enfin le
moment arrive où le bulbe à produit tout ce que la somme de
vie dont il était pourvu lui permettait de produire; 11 se rétr écil
par degré, se retire en laissant une série plus ou moins nom-
breuse de petits cônes membraneux (moelle du tuyau); le tuyau
suit ce rétrécissement et se termine en une pointe obtuse au
milieu de laquelle est percé l'ombilic inférieur, » au point de
contact avec la papille du derme.
Lorsque l'oiseau vient d’éclore, 1l est couvert, excepté sous le
ventre, de soies fines, serrées et implantées par petits paquets
de quinze à vingt sur les bulbes qui contiennent le germe de Ja
plume. Nous verrons que plus tard les parties médianes du ven-
tre resteront toujours nues, et qu'elles seront seulement cou-
vertes par les plumes des flancs.
Lorsque la plume se développe, elle ne devant elle les
soies, qui ne tombent qu'après l’entier développement de celle-e1.
Dans les oiseaux de proie et dans les oiseaux aquatiques, ces soies
sont remplacées par un véritable duvet, qui recouvre entièrement
le petit, fort peu d: temps après l’éclosion. C’est chez ces oiï-
seaux que ce duvet adhère le plus longt:mps aux plumes; en
sorte qu après plusieurs jours l'animal ressemble à une pelote,
et plus tard, après un mois, 1l parait encore tout couvert de ce
duvet, flottant comme un ornement à l'extrémité de chacune de
ses plumes.
Cependant ce duvet n’est que ce que nous appellerons le duvet
cadue, où du jeune âge, commun à la généralité des oiseaux. I
92 DEUXIÈME LEÇON.
y à un vrai duvet permanent, ou duvet d'adulte, qui se trouves
surtout chez les oiseaux nageurs, et dont nous devons aussi par-
ler. Ce duvet consiste en une plume courte, adhérente à la sur-
face de la peau, à tuyau grêle, à barbes longues, égales, dés-
unies et floconneuses. C’est une fourrure chaude et légère,
placée, sans gêne pour l'animal, entre sa peau et ses véritables
plumes. Ce duvet devait naturellement être, et il est en eflet
plus fourni sur les oiseaux qui sont exposés à supporter de
grands froids, soit parce qu'ils s'élèvent souvent dans les hautes
Fis. 93. — Jeune Vautour.
régions de Pair, comme les oiseaux de proie diurues; soit parce
qu'ils ne sortent que la nuit, comme les nocturnes; ou parce
qu'ils habitent des élimats plus septentrionaux, des montagnes
élevées, ou qu'ils vivent sur les eaux, dont la température est gé-
néralement plus froide. Tel est le duvet que fournissent l'Eider,
le Cygne, lOie et la plupart des palnipèdes. Nous ferons remar-
quer que les jeunes de ces oiseaux sont couverts, dès leur sortie
de l'œuf, d'un duvet beaucoup plus épais et gras, parce qu'ils
vont tout de suite à l'eau, et que l'apparition des plumes, chez
eux, est plus tardive que dans les autres espèces; leur genre de vie
PLUMES. 93
les forçant à nager longtemps avant de voler, il leur fallait un
duvet résistant à l’eau et au froid. |
Les diverses parties des plumes varient beaucoup. Il se peut
qu'un seul tuyau porte deux tiges, comme on le remarque sur
11777
1% D À
Falcinelle. Manucode. Canéliphage.
le Casoar et sur beaucoup d'autres oiseaux, le Faisan, par exem-
ple. Les barbes offrent aussi de nombreuses différences : fré-
ai DEUXIÈME LEÇON.
quemment, en effet, elles présentent des appendices secondaires,
tertiaires et même quaternaires; de sorte qu’au lieu d'offrir
deux rangs opposés de barbes sur le même plan, ce qui est le
type ordinaire de la plume, elle en offrira un ou deux autres
rangs verticaux, c'est-à-dire perpendiculaires aux deux premiers,
et à angle droit avec eux; telles seraient, par exemple, les plu-
mes appelés marabouts, du nom de l'espèce de Grue dont elles
proviennent. Elles sont tantôt très-serrées les unes contre les
autres, et tantôt écartées, comme dans le duvet; elles présentent
souvent sur leur trajet de petits nœuds presque semblables à
ceux qui garnissent la tige d’un grand nombre de plantes; enfin,
dans les plumes remarquables par le brillant métallique ou des
couleurs irisées, elles sont ordinairement pourvues, comme l’a
remarqué Heusinger, de petites dépressions régulières, percep-
tibles seulement au microscope, et qui agissent comme autant de
miroirs, et reflètent la lumière avec plus de force.
La transformation des plumes en poils ou en soies se présente
quelquefois aussi. Le Casoar en fournit un exemple; ses plumes
peuvent être considérées comme de simples tiges sans barbes ou
sans barbules, et fables partout, si ce n’est aux ailes, où elles
ont un peu plus de force. ;
D'après les observations de Gloger, savant naturaliste de Ber-
lin, une transformation analogue, «mais accidentelle, se produit
lorsque les barbes des plumes tombent sous l'influence d'un cli-
mat très-chaud; c’est ce qu'il a vu chez de Jeunes Aigles d’Afri-
que, où les grandes plumes tectrices postérieures des ailes étaient
dépouillées de leurs barbes dans une étendue de six à huit cen-
limètres, et ressemblaient parfaitement à des piquants. À ce su-
jet, nous ferons observer que l'usure et le frottement des plumes
sur les rochers que ces oiseaux fréquentent suffisent pour produire
le même résultat. Une autre transition normale de la plume au
poil est offerte par le pinceau de crins noirs que le Dindon
PLUMES.
porte naturellement en avant de la poitrine, et qui
représente un de ces faisceaux primitifs mdiqués pré-
cédemment, et dont les soies, au lieu d’être pous-
sées par une plume, continuent à se développer et
se couvrent d’un épiderme mince, qui n'est autre
que la partie correspondante et analogue à la gaine
qui couvre le tuyau de la plume. Enfin on trouve
aussi de véritables poils sur quelques parties du
corps, notamment à la base du bec, chez le Gy-
paëte, les Corbeaux, les Céphaloptères, etc.
Les plumes, toujours dirigées d'avant en arrière
et se recouvrant pour ne pas être relevées par la ré-
sistance de l'air, subissent encore, selon les ordres,
les familles et même les genres, une foule de mo-
dfications dans leur développement et dans leur
structure intime. Ainsi 1l n'est pas rare de les voir
réduites à une simple tige flexible, plus ou moins
allongée, ressemblant, soit à du crin, soit à de la
baleme, et d’üne forme aplatie, cylindrique ou même
triangulaire : c’est ce dont la riche famille des pa-
radisiers offre de nombreux exemples; dans ce cas,
la tige seule s’est développée sans accessoire de barbes
Fig. 105. Fig. 107.
Toucan de Beauharnais. Toucan de Beauharnais.
95
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Fig. 108.
Paille en queue.
ou de barbules. Quelquefois il v a des interruptions de barbes sur
96 DEUXIÈME. LEÇON.
la tige, ou bien ces barbes ne se montrent qu'à l'extrémité, où
elles forment une sorte de palette terminale. Mais ces plumes
ne servent jamais que de parure ou d'ornement, à la tête, à la
queue et à ses couvertures, où aux ailes et à leurs couvertures.
D’autres fois, les plumes apparaissent sous la forme d’une feuille
squameuse, douce, élastique, luisante et plus ou moims rubanée
ou papillotée, tantôt couvrant seulement la tête, comme chez le
Toucan de Beauharnais, le Malkoha de Cuming; tantôt couvrant
le dos ou l'estomac, comme chez le Cotimga lamellipenne, .quel-
ques galinacés, tels que le Coq de Sonnerat, et es grands échas-
siers d'Afrique et d'Australie, l’Anastome lamelligère et l'Tbis
lamellicol. Encore, dans ces dermiers cas, n’y a-t-1l que la der-
mère moitié ou le dernier tiers des plumes, vers la pointe, qui
offre cette transformation. Il est évident que les barbes sont
restées indivises, car la plume n'en à ni plus n1 moins de lar-
geur ou de longueur (fig. 106-107).
Les plames squamiformes des Manchots se rapprochent aussi
de ces exceptions; elles ont même un point de comparaison de
plus avec la substance connue sous le nom de Baleme, car les
bords seuls de ces plumes sont amincis et effilés ou filamenteux,
comme dans les fanons de ce Cétacé.
Ces ornements, que la nature a accordés à quelques oiseaux,
et dont elle n'a cependant pas paré le plus grand nombre, ne
consistent pas en une addition de plumes que n'aient pas les es-
pèces moins luxueuses; ils ne dépendent que d'un développe-
ment plus grand des plumes qui leur correspondent chez les
oiseaux d'espèces moins ornées. Ainsi les trois filets plumeux
que le paradisier connu sous le nom de Sifilet porte de chaque
côté de la tête (fig. 110) ne sont que trois plumes étroites qui
couvrent le méat auditif de tous les oiseaux, et qui, chez
celui-ci, sont extraordinairement prolongées. Il en est de même:
des plumes brillantes qui flottent sous. les ailes et sur les deux
2 ES” #8 :
PLUMES. 01
flancs de l'oiseau de paradis désigné sous le nom d'Émeraude, et
de celles qui accompagnent sa queue; ces belles plumes, extré-
mement longues et étroites sur l'Emeraude, se trouvent à l'état
normal et plus simples chez les autres oiseaux, et sont placées
transversalement au-dessous de l'aile et dans lausselle (fig. 112).
Ces exemples suffiront pour démontrer que les parures qu'on
remarque sur un assez grand nombre d'oiseaux ne sont que des
modifications spécifiques dans la forme, la structure ou la direc-
lon de leurs plumes, et les animaux d tous les ordres nous four-
nissent de nombreux exemples de transformations analogues.
Ces parures sont plus communes, plus variées, plus riches et
plus brillantes chez les oiseaux des pays chauds; elles sont plus
rares, plus modestes, chez ceux qui habitent les climats froids ou
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Fig. 109. — Manucode mâle.
tempérés. Enfin les mâles seuls prennent ce beau plumage à l'é-
poque à laquelle ils ont surtout besoin de plaire à leurs femelles.
SE 9
O8 DEUXIÈME LECGON.
C'est surtout à l'égard de leur coloration que les plumes va-
rient. L'influence puissante et Imcontestable de la lumière et de la
chaleur pour produire les couleurs se mamifeste par la vivacité
des teintes que les plumes offrent dans leur portion découverte à
la partie supérieure du corps, chez la plupart des oiseaux
diurnes, surtout chez ceux des pays chauds. Suivant Gloger, la
chaleur du climat aviverait principalement les couleurs des
plumes du bas-ventre et de la tête, tandis que le froid affubli-
rait surtout celles du haut du corps. Cette observation nous pa-
rait peu d'accord avec ce qui se voit chez les Oiseaux de paradis
et les Oiseaux-mouches, dont la tête, la gorge, et quelquelois les
flancs, concentrent tout l'éclat du plumage.
Elle est tout aussi peu d'accord avec ce que nous savons de la
coloration de nos oiseaux du nord de l'Europe, tels notamment
que les Linots, les Bouvreuils et les Becs-croisés, tous du cercle
arctique. Il résulte, en effet, des observations faites sur @gs oi-
seaux remarquables par leurs temtes rouges, que si cette eou-
leur, ainsi que l'a fait observer le baron Muller, atteint sa plus
grande vivacité dans le Nord si froid et généralement si peu
éclairé, la lumière et unetempérature élevée sont peu nécessairés
pour la produire.
S'il en est ainsi, quelles sont les causes de la coloration du
plumage”? Quelle est la nature de la matière colorante? Com-
ment s opère cette coloration? Ces trois questions, souvent dis-
cutées, et qui se présentent naturellement ici, sont restées Jus-
qu'à ce Jour sans solution satisfaisante.
Les sucs nourriciers de la plume arrivent au bulbe, avons-
nous déjà dit, par les vaisseaux ramifiés du derme, et ils y dé-
posent la matière constitutive et colorante nécessaire à la forma-
tion de toutes les parties de l'organe. Cet afflux de sucs nourriciers
se continue jusqu'au développement complet de la plume. Alors
le tuyau se durcit, l'étranglement que nous avons signalé à sa
PLUMES. | ne
base (ombilie mférieur) se resserre, le sang cesse d'y arriver, la
matière l'emporte sur la vie, qui n'avait été donnée que pour
un temps limité, et, tous les ans, chaque bulbe peut donner :
naissance à une nouvelle plume pour remplacer celles qui se flé-
trissent et que la dessiccation fait tomber, comme nous le verrons
en parlant de la mue.
Quelques auteurs pensent que la circulation dont nous avons
signalé l'existence dans la Jeune plume et la cessation dans celle
complétement formée reparaît aù moment où celle-c1 doit
prendre de nouvelles couleurs, et que, dès que ce changement
(métachromatisme) doit s'opérer, on remarque que la racine de
la plume se ramollit et qu'il y arrive de nouveaux éléments li-
quides qui contiennent la nouvelle matière colorante. Nous ne
partageons pas cette manière de voir, et nous ferons connaitre
plus loin les observations concluantes faites par Jules Ver-
reaux. Nous croyons que la matière colorante, quand elle n’est
pas arrêtée par une cause accidentelle, accompagne toujours les
sucs nourriciers de la plume à l’époque de sa formation. Une
blessure légère de-la peau et des bulbes qui s’y trouvent peut
faire obstacle à la production ou à la transmission de la matière
colorante; nous avons de nombreux exemples d’arrêts de colora-
tion chez les mammufères comme chez les oiseaux. IL y a chez
ces dermiers des variétés albines, comme chez les premiers, et
ces jeux de la nature permettent de constater que l’albinisme
accidentel ou naturel, partiel ou complet, n'apporte que des
modifications de couleur et non des complications de texture
sur les parties des animaux qui en offrent l'exemple. Les albi-
nos ont un système tout aussi complétement développé que leurs
espèces similaires colorées d'une façon normale.
Le régime de la captivité pour les oiseaux sauvages et la do-
mestication pour nos oiseaux°de basse-cour produisent des ar-
rêts de développement et des variétés de couleur à l'infini. C'est
100 : DEUXIÈME LEÇON.
ainsi que quelques oiseaux sauvages, les Chevaliers entre autres,
ne revêtent pas en captivité leur Rite de noces, ‘et que les
Poules et les Pigeons domestiques présentent des exemples de
toutes les nuances possibles.
Cherchons à découvrir les moyens à l'aide desquels la nature
opère le changement de coloration des plumes.
L'expérience et l'observation de tous les jours nous appren-
nent que les oiseaux, quelque temps après leur naissance, rem-
placent le duvet blanchâtre ou jaunâtre dont ils sont couverts
par la livrée du jeune âge, qui ressemble plus ou moins à celle
de la femelle adulte, du moins en ce qui concerne la coloration.
Ce duvet est bien plus doux et plus soufflé chez le jeune oiseau, plus
rude, plus serré, plus uni et plus brillant chez l'oiseau adulte
et qui a revêtu toutes ses couleurs. Les Jeunes oiseaux, d’après
Schlegel, ne subiraient aucune mue pendant l'année de leur
éclosion, 1l se présenterait seulement un changement de colo-
ration à l'automne de cette même année, et nous entrerons plus
loin dans quelques détails à ce sujet.
Le temps nécessaire pour qu'un oiseau prenne sa livrée défnu-
tive varie beaucoup, suivant les ordres où même les groupes.
Ainsi le Milan royal n'a sa livrée complète qu'à quatre ans; les
Pygargues n'ont généralement la leur qu'à -cinq ou six ans.
Ce qui n'empêche pas ces oiseaux d'être aptes à se reproduire
dès la seconde ou la troisième année au plus tard, bien long-
temps, par conséquent, avant d’avoir leur livrée complète. Il en
est de même pour les oiseaux de rivages, de marais et pour les
oiseaux d'eau, surtout pour ceux qui portent alternativement
livrée de one ou de noces, et livrée d'automne ou d’hi-
ver. La plupart des passereaux ont, au contraire, leur livrée
d'adulte dès la première ou la deuxième année au plus tard.
_ Cette lenteur que mettent certains oiseaux, notamment les
rapaces, à parfaire leur livrée, a même toujours été et est en-
PLUMES. | 101
core une source continuelle d'erreurs pour” la science. On sait le
temps qu'il à fallu aux éminents professeurs du Muséum de
Paris, G. Cuvier, Étienne et Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, qui
se sont successivement-occupés de cette question, pour être défi-
nitivement fixés sur la spécification distincte du Pygargue à tête
blanche. |
Sans vouloir indiquer en détail les couleurs propres au plu-
mage des divers groupes d'oiseaux, ce qui nous entrainerait trop
loin, on peut dire que le noir, le brun, le gris et le blanc sont
propres à la généralité des oiseaux de proie et des oiseaux de
mer : deux genres seuls font exception parnnu ces dermers, et
pour le ton de coloration et pour les reflets métallisés; le vert
appartient, à la presque généralité des Perroquets, à l'exception
des Loris et des Cacatoës; le bleu d'outre-mer et le bleu pur sont
les couleurs que les Martins-pêcheurs semblent emprunter à l'a-
zur des eaux. |
Le groupe des Alouettes et des Pit-pits, celui des gallinacés
de la grande famille des Tétras et des Perdrix, présentent une co-
loration terreuse ou assez sombre, qui tient à une des précau-
tions prises par la Providence dans l'intérêt de la conservation
de l'espèce : cette coloration étant toujours en rapport constant
et en harmonie parfute avec la couleur des terrains sur lesquels
ces olseaux vivent.
Mais, de tous les oiseaux, ceux qui sont le plus richement
dotés, sous le rapport de la parure et de l'éclat des couleurs,
sont les Oiseaux de paradis et les Oiscaux-mouches, pour lesquels
la nature semble avoir épuisé toutes les ressources de l'art par
le choix des éléments de coloration des plumes, et par leur tex-
ture toute particulière, qui seule permet d'expliquer ces admi-
rables reflets métalliques et ces magnifiques couleurs chatoyan-
tes. En effet, la texture des plumes de ces oiseaux joue le rôle
principal, et la lumière qui frappe ct traverse les innombrables
à.
102 | DEUXIÈME LEÇON.
facettes dont les barbes et les barbules sont couvertes, s’y dé-
“smpose, comme elle le fait à travers le prisme, ou se réfléchit
et produit les tons si chauds, si variés et si brillants que nous
admirons. Audebert cherchait sans doute à donner une autre
explication des reflets métalliques lorsqu'il prétendait que les
plumes qui les produisaient avaient une pesanteur spécifique
Li
supérieure à celle des plumes ordinaires.
Fig. 110. — Sifilet mâle.
Toutes les plumes écailleuses qu'on remarque sur la tête et.
la gorge des Épimaques, des Paradisiers, des Oiseaux-mouches,
des Soui-mangas, etc., se ressemblent par le principe uniforme
qui à présidé à leur disposition. Toutes sont composées de
barbes cylindriques, roides, bordées de barbules régulières, qui
en supportent elles-mêmes des rangées plus petites; au centre de
toutes ces barbules se trouve un sillon profond, et, quand la lu-
mière glisse sur les facettes dans le sens vertical, les rayons lu-
mineux sont absorbés et produisent la sensation du noir. I n'en
De s'OONSS D :ES
PLUMES. 103
est plus de même lorsque la lumière est renvoyée par ces
mêmes facettes, qui font chacune l'office d’un réflecteur. C'est
alors que nait, par l’arrangement moléculaire des barbules,
l'aspect de l'émeraude, du rubis, etc., chatoyant très-diverse-
ment sous les incidences des rayons qui les frappent.
Pour donner un exemple de la diversité des tetes qui sont
produites par les plumes écalleuses, nous citerons la cravate
d'émeraude de quelques Oiseaux-mouches : nous la verrons
prendre tous les tons du vert, depuis les nuances les plus claires
et les plus uniformément dorées, jusqu'aux reflets sombres du
_ velours noir. Les collerettes de rubis de quelques espèces lancent
des faisceaux de lumière qui se dégradent pour donner une co-
loration orangée, puis chamoisée et ensuite rouge-noir.
Mais, à la différence des autres oiseaux, les espèces les plus
brillantes ne se présentent point constamment avec leur parure
de fête. Jeunes, leur livrée est le plus souvent sombre et sans
élégance. À la deuxième année de leur vie, quelques parties de
leur riche toilette apparaissent cà et À, et semblent protester
contre la grande simplicité du vêtement d'adolescence. Vers la
troisième année, les teintes sombres des premiers âges disparais-
sent pour toujours; l'or ou l’améthyste étincellent : c’est l’époque
des amours, de la coquetterie, du désir de plaire. Les mâles vo-
lent aux conquêtes, se choisissent une épouse, et se consacrent
avec elle aux sons qu'exige la fabrication du md et bientôt
après à ceux que réclame la Jeune famulle. Les femelles n’ont
généralement que les atours les plus modestes, lorsque leurs
époux étalent tout le luxe d’un riche et élégant plumage. On
appelle couleur fixe de la plume celle qui, sous toutes les imei-
dences de la lumière, est constamment la même, rouge, bleue,
noire, etc. On Îa dit changeante dans le cas contraire. Enfin on
remarque encore que le brillant métallisé des plumes ne se
trouve jamais qu'en bordure terminale.
104 DEUXIÈME LECON.
La coloration des plumes est généralement d'autant plus écla-
tante et d'autant plus vive que l'espèce habite les contrées les
plus chaudes du globe. On ne peut, en effet, citer qu’un très-
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Fig. 111 et 112. — Petit Émeraude mâle et femelle.
petit nombre d'oiseaux des régions polaires ou tempérées qui
aient quelques parties brillantes, tandis que, sous la zone torride,
les plumages ternes sont rares, à l’exception toutefois de ceux de
[a nombreuse tribu des oiseaux de mer.
La mamère dont les plumes sont implantées dans le derme
| PLUMES. 10
n'est pas non plus livrée à l'arbitraire, et ce mode d’implanta-
tion à une assez grande influence sur la coloration. Ainsi on à
remarqué que les plumes qui sont destinées à être recouvrantes
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Fig. 1153. — Petit Émeraude jeunes, deuxième et troisième annéé.
sont attachées obliquement une à une et en quinconce; et que
les plumes brèves, qui rappellent la douceur du velours, doivent
cette particularité à ce qu'elles sont attachées verticalement sur
les parties qu'elles revêtent.
Si les couleurs des oiseaux varient suivant l’âge et le sexe, on
sait aussi que dans plusieurs espèces les femelles prennent le
vo LE SES
106 | DEUXIÈME LECON.
plumage des mâles lorsque l’âge les rend impropres à la repro-
duction. Les oiseaux chez lesquels on à remarqué cette transtor-
mation sont plus particulièrement : le Paon, la Pintade, le Faisan
ordinaire, le Faisan doré, la Poule, la Perdrix grise, le Pigeon, é
l'Outarde, la Spatule et le Canard. On peut donc admettre théo-
riquement, dans la plupart des espèces d'oiseaux, l'existence de
deux plumages, l’un imparfait, appartenant aux Jeunes, l’autre
parfait, que les mâles prennent généralement de très-bonne
heure et que les femelles tendent à prendre aussi, mais à un
âge beaucoup plus avancé, ou dans certaines circonstances par-
ticulières.
DUR
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Fes === S SS ul a)
Fig. 11%. — Poule faisane commune à plumage de mâle.
D'après ce que nous avons dit de la parure de quelques es-
pèces, on voit que Îse oiseaux sont, parmi les animaux vertébrés,
ceux chez lesquels les couleurs arrivent au plus haut degré de
vivacité.
PLUMES. 107
Le changement de couleur des plumes des oiseaux constitue
ce que l'on désigne généralement sous le nom de mue. Mais
la mue ne s'opère pas de fa même manière chez tous les oi-
seaux : les uns, et ce ne sont peut-être pas les plus nombreux,
perdent successivement, à certaines époques de l’année, leurs
pennes et leurs plumes du premier âge; les adultes, leurs plu-
mes d'hiver ou d'été; et celles-c1, dans les deux cas, sont rem-
placées par des plumes nouvelles qui leur succèdent. C'est là
la véritable mue.
On à cru longtemps, G. Cuvier tout le premier, et beaucoup
d’ornithologistes croient encore que ce mode de substitution de
plumage est uniforme chez tous les oiseaux. Il n’en est cependant
pas ainsi; cette observation appartient en grande partie à Jules
Verreaux, qui en a donné communication à Schlegel, et ce savant
naturaliste en à fait l'objet d'un remarquable Mémoire publié
en Hollande. La découverte est le résultat des longues et conscien-
cieuses études de notre collaborateur sur les oiseaux du sud de
‘Afrique, notamment sur les Souï-mangas, à reflets brillants et
métalliques. Il a reconnu, ce qu'il est facile de vérifier, que chez
ces derniers oiseaux les plumes du prenuer âge ne tombaent
pas pour faire place à d’autres colorées différemment et plus vi-
vement, mais que ces mêmes plumes, à une certaine époque de
l'année, ou plutôt de l’âge de l'oiseau, revêtaient graduellement
leurs couleurs définitives, et se teignaient peu à peu de ces cou-
leurs en commencant par la pointe. Amsi, lorsque chez ces
oiseaux encore Jeunes, et ayant la livrée terne ct umiforme de
leur âge, on aperçoit quelques plumes portant à leur ponte un
commencement de la coloration propre à l'adulte, il ne faut pas
croire que ces plumes soient nouvellement poussées; ce sont les
mêmes, qui n'ont pas quitté la peau; 1l n’y a de nouveau que la
teinte qui vient de s'y ajouter. Un examen attentif démontre que
cette teinte augmente graduellement en remontant vers la base
108 2 DEUXIÈME LEON
de la tige; seulement cette métamorphose se produit dans l’année
chez quelques oiseaux, et seulement au bout de deux ou trois ans
“ig. 115. — Soui-mangas en changement de plumage.
chez d'autres, lenteur de coloration que nous avons indiquée déjà
pour d’autres familles.
Tel est le fait observé depuis longtemps, quoique récemment
établi dans la science, et de la réalité duquel notre ami n’a ja-
mais pu convaincre G. Cuvier, tant le résultat contrariait les
idées de l'illustre anatomiste; fait assez intéressant pour mériter
d'être spécialement étudié, et qui peut mettre. sur la voie de la
SE CARE A pad
PLUMES 109
véritable cause qui produit et ce changement de coloration et la
coloration elle-même. Ce mode de substitution d’une couleur à
une autre sur les mêmes plumes, sans renouvellement n1 cadu-
cité de celles-ci, n’est d'ailleurs pas exclusivement propre aux
oiseaux à reflets métalliques des régions intertropicales et méri-
dionales : 1l a lieu, et nous l'avons observé, sur un des oiseaux
les plus communs en Europe et en France, l'Étourneau; on peut
même dire qu'il existe chez tous les oiseaux, puisqu il se remar-
que et se produit chez les rapaces, qui mettent tant de temps à
prendre leur livrée définitive.
On voit, par ce qui précède, que si le A a pu
être or avec la mue et donner lieu à des erreurs long-
temps accréditées, 11 n'a cependant avec elle qu'une très-fausse
analogie. La mue est tout autre chose; elle existe véritablement,
mais elle n'a lieu, pour toutes les espèces, qu'une seule fois par
an; et elle se produit lorsqu'ont cessé les soins de la ponte et de
l'éducation des petits, c’est-à-dire à l'époque intermédiaire entre
l'été et l'hiver, et qu, sous toutes les latitudes, correspond à
notre automne; quelques espèces, néanmoins, muent avant la fin
de l’été; nous citerons comme exemple les Perdrix, les Faisans
et les Poules domestiques. À cette époque, la plume, dessé-
chée jusqu’à sa base. n'a plus de rapports avec Le bulbe et n’est
retenue que par des adhérences avec la gaine que lui fournit le
_derme.
La mue s'opère avec la même régularité que la formation des
plumes chez le jeune oiseau, avec cette différence que chez
le Jeune oiseau encore au nid, ou en sortant à peine, ce sont
les plumes des ailes et de la queue qui se montrent les pre-
mières, comme auxiliaires indispènsables du mouvement; tandis
que chez l'oiseau adulte ou vieux ce sont ces mêmes plumes
qui se détachent et tombent d’abord, puis successivement celles
du cou, du dos et des autres parties du corps.
Hat 10
110 DEUXIEME LEÇON.
C'est donc à tort que Buffon, Mauduyt, Daudin, et la plupart
de ceux qui ont écrit après eux, ont avancé que certains oiseaux
avaient. deux mues, une de printemps et une d'automne. La
mue véritable, comme nous l'avons déjà dit, est cette dernière:
et ce qu'ils ont, appelé, et ce que plusieurs naturalistes, d'après
eux, nomment encore mue du printemps, est un effet de méta-
chromatisme mal observé par eux, et qu'ils ont confondu avec la
mue. Cela est si vrai, que Mauduyt, sous l'empire de cette idée
dommante, avait déclaré que les jeunes oiseaux ne perdent, à la
première mue (de printemps), que les plumes du corps et non
les pennes des ailes et de la queue. Le changement de couleur
des plumes, alors que les pennes conservent la leur, qui est tou-
Jours assez invariablement la même pendant toute la durée de la
vie de l'oiseau, ce changement, disons-nous, peut en effet laisser
croire que les premières tombent. Ce quil y a de vrai, c’est que
c'est par les plumes que commence le métachromatisme, qui a
toujours fait croire à une substitution d’une plume à une autre,
tandis qu'il n’y a réellement à cette époque qu'une substitution
de couleur sur la plume qui ne tombe pas. Ce qui a probable-
ment encore servi à accréditer l'erreur, c'est qu’à toutes les épo-
ques de l’année les oiseaux perdent accidentellement quelques
plumes, et qu'1ls peuvent parfaitement bien en perdre au moment
où elles vont changer de couleur.
S1 naturel cependant que soit ce travail de la vraie mue, c’est,
pour les oiseaux, un état de maladie, un temps de silence et de
retraite : La plupart sont faibles et tristes pendant sa durée;
quelques-uns sont très-souffrants, et d’autres périssent, surtout
en domesticité; aucuns ne chantent tant qu'elle dure; ils se ca-
chent, prennent peu d'éhats, et'se jouent plus rarement dans les
airs, sur les arbres ou dans les prairies; et il n'y a que les
oiseaux tenus en cage et privés de femelles qui chantent quel-
quefois pendant la mue.
PLUMES. EUR
Après avoir si longuement parlé du mode de coloration des
plumes, nous ne pouvons nous dispenser de faire connaitre
quelques observations intéressantes sur leur matière colorante.
Cette question est d'une grande importance et mérite bien
qu'on s’en occupe encore. Elle est complexe et implique, d'une
part, la constatation et l'étude du pigment sur les plumes; de
l'autre, celle de l’mfluence des agents extérieurs sur la colora-
tion, en faisant la part de l’arrangement moléculaire des pig-
_ ments sur les barbes et les barbules, arrangement qui donne
keu à des nuances et à des reflets variés comme la texture de ces
plumes. | |
Il y a déjà longtemps qu'on avait remarqué la facilité avec la-
quelle les plumes rouges de certains oiseaux, les Touracos entre
autres, pouvaient se décolerer par le contact de l’eau. En effet,
les douze ou quatorze pennes alaires qui, chez le Touraco ou
Musophage à crête blanche, sont d’un si beau pourpre violâtre,
perdent cette couleur chez les individus vivants mouillés par la
pluie : si, dans cet état, on vient à les toucher ou à les frotter
avec les doigts, ceux-c1 se trouvent aussitôt rougis par la couleur
pourprée qui a déteint sur eux. En séchant, et en peu de temps,
ces plumes reprennent leur état primitif. Les mêmes faits ne se
produisent plus sur la dépouille morte et desséchée de l'oiseau.
Quelques chimistes ont, depuis, fait la même observation, et
l'un d'eux, M. Bogdanow, a fait des expériences sur les plumes
de divers oiseaux, et a constaté les faits suivants :
Les plumes rouges du Couroucou à tête d’or, plongées dans de
l'alcool en ébullition, perdent de leur couleur en quinze ou vingt
minutes. L'alcool prend une teinte orange rouge; une ébullition
plus prolongée les décolore complétement et donne un résidu
qui, lavé à l'eau distillée et desséché, consiste en une poudre
d'un rouge foncé, insoluble dans l’eau, mais altérable par la lu-
mière, Les plumes violet clair du Cotinga bleu, soumises à la
119 DEUXIÈME LECON.
même épreuve, ont donné un résidu à peu près de même
nuance, mas légèrement violacé.
Les mêmes plumes, traitées par l'acide acétique, ont donné
des résidus de même couleur, mais se décolorant complétement
en deux ou trois heures. Les plumes jaunes du Loriot, traïtées
aussi par l'acide acétique chaud, ont donné un dépôt Jaune
clair,
M. Bogdanow dit encore qu'il y a des plumes ordmaires (fixes)
et des plumes optiques (changeantes). Les premières ont la
même couleur vues par transparence ou vues par réflexion. Les
“secondes présentent des différences notables, suivant qu'on les
examine de l’une ou de l’autre manière. Il dit encore qu'il y a
deux groupes de pigments : les uns, dont nous venons de par-
ler, et qui s'obtiennent par l’alcool et l’éther; les autres, qu'on
n'obtient que par l’'ammoniaque, la potasse, et un peu par l’eau,
tel serait le pigment noir. Il ajoute que la couleur bleue est
toujours optique, c’est-à-dire qu'il n’y à jamais de pigment bleu
dans les plumes de cette couleur, et que l’irisation des plumes
provient, non-seulement de la constitution de la surface, mais
aussi d'un pigment 1risant. Toutes ces expériences et Les services
rendus par la chimie permettront sans doute d'arriver bientôt à
la solution de tant de questions intéressantes.
Nous terminerons cette lecon en nous demandant sil faut
admettre à titre d'espèces toutes les variétés si nombreuses que
présentent les oiseaux, comme plumage et même comme modüli-
cation légère dans la forme du bec. Il faut d’abord écarter les
variétés si multipliées dans nos oiseaux de basse-cour; car elles
dépendent de la captivité, de la domestication, de la nourriture,
et en un mot de l'influence que l’homme exerce sur des ami-
maux qu'il a éloignés des milieux dans lesquels ils auraient con-
servé les caractères du type pour les violenter souvent par sa
direction. Ne parlons que des oiseaux à l’état de liberté, et rap-
SR Cu LEE
| PLUMES. AS
pelons quelques principes qui peuvent éclairer la question. Il
est reconnu que les oiseaux, infiniment plus nombreux et pro-
duisant en bien plus grand nombre que les mammifères, sont
aussi beaucoup plus sujets à varier que ces derniers. C’est,
comme l’a fort bien dit Buffon, une conséquence nécessaire de
la loi des combinaisons, qui veut que le nombre des résultats
augmente en bien plus grande raison que celui des éléments.
Oni sait aussi que le nombre des affinités d'espèce à espèce est
d'autant plus grand que les espèces sont plus petites. On saut
enfin que les oiseaux sont très-ardents, et que, lorsqu'ils man-
quent de femelles de leur type, ils se mêlent assez volontiers
avec les espèces voisines, et peuvent produire dans ce cas plus
de métis féconds et non toujours des mulets stériles. Ces prin-
cipes admis nous permettent de penser que beaucoup d'oiseaux,
considérés comme constituant des types spécifiques distincts, ne
sont souvent que des variétés plus ou moins constantes de ces
types mélangés ou des variétés dues au climat. Qui sait, dit en-
core Buffon à l'appui de nos convictions, tout ce qui se passe en
amour au fond des bois? Qui peut nombrer les alliances en-
tre espèces différentes? Qui pourra jamais séparer toutes les
branches bâtardes des tiges légitimes; assigner le temps de leur
première origine, déterminer en un mot tous les effets du pou-
voir de la nature pour la multiplication, toutes ses ressources
dans le besoin, tous les suppléments qui en résultent et qu'elle
sait employer pour augmenter le nombre des espèces en rem-
plissant les intervalles qui semblent les séparer ?
N
tem
D,
TROISIÈME LEGON
Système nerveux et sens.
Le système nerveux des oiseaux est géné-
ralement peu développé, et les différences
quil présente n’ont d'importance qu'autant
qu'on compare le volume du cerveau à celui
du corps dans les divers ordres de lx classe.
Cette comparaison donne des proportions très-
singulières; ainsi le cerveau de l’Autruche
n’est guère plus gros que celui du Coq. L'Oie
et le Dindon ont un cerveau très-petit. Mais la
disproportion de l’encéphale avec la masse du
corps est surtout remarquable, dit Virev,
dans l’ordre entier des oiseaux de rivage, et
se reconnait au premier aspect à la petitesse
de leur tête; ce sont aussi les plus sauvages
et les moins susceptibles de domesticité. Dans
Fig. 116.
Coupe d'une tête. d’oie,
pour montrer les
proportions du. cerveau.
116 TROISIÈME LEÇON.
l'ordre des rapaces, la masse cérébrale augmente sensiblement
parmi les Faucons, par exemple; mais toutefois cette augmenta-
tion n'est bien appréciable que chez les oiseaux nocturnes, dont
la tête est fort volumineuse. Il n'existe que très-peu d'animaux
dont la tête ait plus de capacité et dont le cerveau soit plus vo-
lumineux que chez les Perroquets, et aussi chez les petits oi1-
seaux granivores et insectivores. Chez eux, la proportion de la
masse cérébrale, relativement au poids du corps, est pour le
moins aussi forte que chez l'homme.
l/
Fig. 119. — Oie cendrée.
Ca
A
(4
/,
FLE
[2
—
a —
Re,
(
2
NN, \
Fig. 121. —- Pigeon biset. Fig. 122. — Pigeon biset. Fig. 123. — Buse.
L’encéphale, vu par sa partie supérieure, est formé de deux
hémisphères, sans circonvolutions et sans corps:calleux (grande
. DeBONTE AE FER A A0 : .
commissure qui réunit ces hémisphères chez les animaux ‘de ta
1
SYSTEME NERVEUX ET SENS. 117
première classe), de deux couches optiques, du cervelet et de la
moelle allongée. La forme des hémusphères varie assez suivant
les familles : chez les passereaux, 1ls sont ordinairement, longs
et larges, et couvrent tout à fait les lobes optiques. Chez les ra-
paces, au contraire, ces dermiers font saillie sur les côtés et en
arrière, et sont remarquables par leur largeur. Chez plusieurs
palmipèdes, le Canard, par exemple, ils sont un peu oblongs. Le :
cervelet n'a qu'un lobe comprimé latéralement, avec un petit
appendice sur ses côtés. La moelle épinière se prolonge jusque
dans les os coccygiens, et présente, à la hauteur des vertèbres
sacrées, un renflement produit par l’écartement de ses cordons
postérieurs.
La distribution des nerfs dans les divers organes est la même
que dans les autres animaux, et nous n'avons à signaler que le
volume assez considérable des nerfs optiques.
Quoique notre intention soit de consacrer plusieurs leçons aux
généralités les plus importantes sur la classe des oiseaux, nous
nous garderons néanmoins d'aborder les considérations et les
développements philosophiques ou métaphysiques qui se ratta-
chent au sujet que nous traitons.
Aussi mettrons-nous de côté toutes les distinctions de nuances
séparant les idées des sensations, la connaissance du sentiment,
la raison de l'instinct, et nous nous occuperons immédiatement
des sens et de leurs organes, classés d’après leur importance re-
lative. | Axa
L'anatomiste Carus divise les sens en deux classes : ceux qui
agissent au contact immédiat de l’objet, et ceux qui agissent à
distance et ne sont susceptibles que de perceptions médiates.
La premuère classe comprend : 4° le toucher, sens pour le
rapport mécanique de la masse; 2° le goùt, sens pour le rapport
chimique; 3° le sens de la chaleur, pour le rapport thermo-
électrique.
ASE TROISIÈME LECON. Sopa
La seconde classe comprend : 1° l’ouïe, ou sens pour le mou-
vement interne et la vibration de la masse qui se propage à tra-
vers des milieux extérieurs; 2° l'odorat, ou sens pour les éma-
nations et les changements de composition d'une masse dans les
muiheux qui entourent l'être sentant: 3° la vue, ou sens pour la
tension photo-électrique de la masse, c’est-à-dire pour celle qui
- produit la lumière dans les milieux intérieurs. |
Si nous examinons chacun de ces sens en ce qui concerne les
oiseaux, nous ne les trouvons pas classés dans le même ordre
que chez les mammifères, et nous admettons aussi un sixième
sens sous le nom de thermo-barométrique ou électrique.
En effet, comme l’a reconnu Buffon, chacun des sens, chez
l’homme, peut être classé dans l’ordre suivant : le toucher, le
goût, la vue, l’ouie et l’odorat, tandis que chez l'oiseau les
sens sont placés comme 1l suit : la vue, l’ouïe, le sens thermo-
barométrique ou électrique, le toucher, l'odorat et le goût. Nous
parlerons d’abord des cinq sens déjà connus, et nous termine-
rons par ce que nous avons à dire du système nerveux par le
sens thermo-électrique.
C'est avec un admirable esprit d'induction qu'on a
dit que la portée de la vue des oiseaux est proportionnée à la
vitesse de leur vol.
« Le sens de la vue, dit Buffon, étant le seul qui produise les
idées du mouvement, le seul par lequel on puisse comparer 1m-
médiatement les espaces parcourus, et les oiseaux étant, de tous
les animaux, les plus habiles, les plus propres au mouvement, 1l
n’est pas étonnant qu'ils aient en même temps le sens qui le guide
plus parfait et plus sûr; ils peuvent parcourir en très-peu de
temps un grand espace, 1l faut donc qu'ils en voient l'étendue et
même les limites. Si la nature, en leur donnant la rapidité du vol,
les eût rendus myopes, ces deux qualités eussent été contraires;
Vue.
SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 119
l'oiseau n'aurait jamais osé se servir de sa légèreté, m1 prendre un
essor rapide; il n'aurait faut que voltiger lentement, dans la crainte
des chocs et des résistances imprévus. La seule vitesse avec la-
quelle on voit voler un oiseau peut indiquer la portée de sa
vue; non la portée absolue, mais la portée relative : un oiseau dont
le vol est très-vif, direct et soutenu, voit certainement plus loin
qu'un autre de même forme, qui néanmoins se meut plus lente-
ment et plus obliquement, et, si jamais la nature a produit des
Fig. 124. — Canard huppé.
oiseaux à vue courte et à vol très-rapide, ces espèces auront péri
par cette contrariété de qualités, dont l’une, non-seulement em-
pêche l'exercice de l’autre, mais expose l'individu à des risques
sans nombre : d'où l’on doit présumer que les oiseaux dont le vol
est le plus court et le plus lent sont ceux aussi dont la vue est
la moins étendue, comme l’on voit dans les quadrupèdes ceux
qu'on nomme paresseux (1 Unau et l’Aï), qui ne se meuvent que
lentement, avoir les veux couverts et la vue basse.
« L'idée du mouvement et toutes les autres idées qui l’accom-
pagnent ou qui en dérivent, telles que celles des vitesses relatives,
de la grandeur des espaces, de la proportion des hauteurs, des
129 TROISIÈME LECON.
profondeurs et des inégalités des surfaces, sont donc plus nettes,
et tiennent plus de place dans la tête de l'oiseau que dans celle
du quadrupède : et il semble que la nature ait voulu nous indi-
quer cette vérité par la proportion qu'elle à mise entre la gran-
deur de l'œil et celle de la tête, car, dans les oiseaux, les yeux
C2
Fig. 125 — Yunina gularis. Fig. 126. — Fringille du Népaul.
sont proportionnellement beaucoup plus grands que dans
homme et dans les animaux quadrupèdes; ils sont plus grands,
plus organisés, puisqu'il y a deux membranes de plus; ils sont
donc plus sensibles, et dès lors ce sens de la vue, plus étendu,
plus distinct et plus vif dans l'oiseau que dans le quadrupède,
doit influer en même proportion sur l'organe intérieur du sen-
timent, en sorte que l'instinct des oiseaux sera, par cette pre-
mière cause, modifié différemment de celui des quadrupèdes. »
Le volume du globe de l'œil est, en effet, hors de toute pro-
portion avec les dimensions du crâne, dont il occupe une grande
partie. Cependant ce globe est plus ou moins enfoncé dans l'or-
bite, et cela dépend de la saillie plus ou moins grande de l'arc
sourciler. Il est placé près de la commissure du bec, comme
chez les Calaos, les Grues, les Hérons et les Cigognes, où au mi-
lieu des joues, comme chez la plupart des ‘passereaux, on vers
DES TE CNRS
ÿ.
SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 121
l'occiput et presque au sommet de la tête, comme chez les Bé-
casses, ou enfin à fleur de tête, comme chez les oiseaux vérita-
blement plongeurs, particulièrement chez les sphémiscidés.
L'œil est préservé du contact des corps extérieurs par des
paupières ordinairement couvertes de petites plumes d’une na-
ture spéciale; quelques espèces, telles que celles du genre mai-
nate, en sont privées; d'autres les ont ciliées, comme on le voit
chez les Vautours, les Calaos, les Autruches, les Casoars, etc. Chez
a
=
NS
a
= a
° . Fig. 127. — Ceutropus senegalensis
la plupart des oiseaux, la paupière inférieure seule est mobile, et
s'élève pour fermer l'œil. Les deux paupières concourent au
même effet chez les rapaces nocturnes et les Engoulevents.
Indépendamment de ces paupières extérieures, horizontales,
tous les oiseaux sont pourvus d’une troisième paupière placée
verlicalement, et appelée membrane clignotante ou nyctitante,
interne, c'est-à-dire mobile et située sous les deux autres,
mince et transparente. Elle se replie vers l'angle antérieur dé
l'œil par sa propre élasticité, et peut se développer comme un
rideau par le Jeu de deux petits muscles placés en dehors de
ue | 11
199 TROISIÈME LEÇON.
l'épaisseur de cette membrane pour ne rien lui faire perdre de
sa transparence. |
Fig. 128. — Membrane nyctitante. Fig. 129. — Muscles de l'œil et de la
membrane nyctitante.
Cette troisième paupière, qu'on rencontre aussi chez d’autres
animaux, adoucit l'impression des rayons lumineux sans inter-
cepter la vue. Tous les oiseaux n’en sont cependant pas pourvus:
mais on la trouve chez un grand nombre d'espèces qui, vivant
dans les conditions les plus opposées, en avaient cependant le
plus besom; ce sont les oiseaux de proie diurnes et les oiseaux
de nuit. La membrane appelée nyctitante est mdispensable aux
premiers, qui, pendant l'éclat du Jour le plus vif, montent sou-
vent à pic vers les régions élevées; elle est nécessaire aussi aux
seconds, qui, sortant de leur retraite au crépuscule et la rega-
gnant à l'aurore, seraient éblouis par une lumière trop vive
pour eux, et qui, s'ils sortaient plus tard et rentraient plus tôt,
perdraient chaque jour une heure d'existence. C'est encore à la
faveur de cette membrane que, forcés accidentellement pendant
le jour de fuir leur sombre asile, ils parviennent à en chercher
un autre, malgré l'éclat qui les mcommode, mais qui les eût com-
plétement éblouis, sans le voile étendu sur leurs yeux. L’extrême
sensibilité de la vue des oiseaux nocturnes réclamait encore des
dispositions particulières. Léurs yeux sont en effet dirigés en avant
et placés sur le même plan, comme ceux de l'homme; ils sont
SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 123
aussi plus enfoncés dans les orbites que ceux des autres oiseaux,
et on les voit entourés par un cercle de plumes sallantes, qui ne
permettent le passage qu'aux rayons directs; quelques espèces,
telles que les Ducs, ont, en outre, sur la tête, au-dessus des
yeux, des touffes de plumes en forme d’aigrettes, qui ne sont
pas un vain ornement, car elles servent à intercepter les rayons
Fig. 130. — Hibou brachyote, d’après Gould.
perpendiculaires, qui gêneraient considérablement la vue. Enfin
tous les oiseaux nocturnes ont encore la faculté de contracter et
de dilater leurs pupilles, suivant le besoin, et de modérer ainsi
l’action d’une lumière trop vive.
L'organisation particulière du globe de l'œil est aussi remar-
quable que ceile des ‘parties accessoires dont nous vénons de
parler.
L'œit de l'oiseau est généralement très-grand, moims sphé-
rique que celui des mammifères, et la demi-sphère formée par
124 TROISIÈME LEÇON.
la cornée transparente, très-bombée, à un diamètre beaucoup
plus petit que celui de la demi-sphère du globe de Fœl. La
sclérotique offre un caractère particulier; elle est mince, flexible
et fibreuse à la partie postérieure du globe, sa couleur est
Rent ne er
|
Fig. 131. — Coupe verticale Fig. 132. — Coupe verticale Fig. 153. — Œil de moyen Duc
de l’œil de l’Aigle. de l'œil de l'Oie. el pièces osseuses.
bleuâtre et brillante; mais, à la partie antérieure et entre les
couches qui la composent, elle contient un grand nombre de pe-
_tites pièces osseuses imbriquées les unes sur les autres, qui for-
ment une gaine cylindrique assez résistante, et donnent à cette
portion de l'œil une forme imvariable. Cette disposition anato-
mique n’est pas la seule modification curieuse que présente l'œil
des oiseaux, nous y trouverons un appareil complet, tout un
système d'optique créé exclusivement à leur usage, par la pré-
voyance inépuisable de la nature.
Ainsi le nerf optique perce la sclérotique obliquement et en
bas, en glissant dans une gaine dirigée dans le même sens à tra-
vers l'épaisseur de cette membrane. Il s’'épanouit, comme dans
les mammifères, pour former la rétine, en s’entourant d'une
tache blanche et arrondie.
Mais ce qui n'existe pas dans les mammifères, dont beaucoup
ont un tapis à reflets métalliques, c’est une membrane de nature
cellulo-vasculaire, plissée, partant de la face interne du nerf
SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 125
optique et se dirigeant vers la face postérieure du cristallin, au-
quel elle parait s'attacher. On a d’abord donné à cette mem-
brane le nom de bourse conique, parce qu'elle affecte à peu près
cette forme dans la Hulotte, l’Autruche, le Casoar, qui ont été
l’objet des premières observations. Elle est aussi désignée sous le
nom de peigne, à cause de la disposition de ses rayons. Dans la
plupart des autres espèces, ces plis sont
arrondis, et leur nombre est très-varia-
ble : on en a compté seize dans la Cigogne,
quinze dans l’Autruche, dix ou douze dans
le Canard et dans le Vautour, sept dans le
grand Duc. Quoiqu'il soit assez difficile
d’assigner d'une manière certaine le vé-
ritable usage de ce peigne membraneux, NUE re si
les uns ont pensé qu'il servait unique-
ment à absorber une certaine quantité de rayons lumineux,
fonction Lien insignifiante pour un mécanisme exceptionnel; les
autres, et c’est le plus grand nombre, ont cru que, par ses con-
tractions, il pouvait raccourcir le diamètre antéro-postérieur de
l'œil, et permettre ainsi de voir les mêmes objets à des dis-
tances souvent très-différentes. Il résulte, en effet, de ce méca-
nisme que les oiseaux jouissent de l'inappréciable faculté de pou-
voir, à leur gré et selon les distances de l’objet qu'ils cherchent
à découvrir où qu'ils aperçoivent, avancer et reculer plus on
moins leurs pupilles, de la même manière que nous faisons
mouvoir les verres d’une lorgnette.
Quant aux autres parties de l’œil, elles sont, à peu de chose
près, les mêmes que chez les mammifères. Ainsi les oiseaux ont
une glande lacrymale destinée à humecter la cornée, qui est
plus dure et plus résistante dans les espèces à vol élevé. Hs ont
deux points lacrymaux et . canaux ES communication avec le
sac lacrymal. |
126 TROISIÈME LEGON.
L'iis présente beaucoup de nuances suivant les espèces, ou
plutôt suivant les genres ou les famulles : 1l est blanc, principa-
lement chez les Pics; bleu, surtout chez les Grues; gris chez
quelques oiseaux, chez les Cormorans; Jaune chez presque tous les
oiseaux de proie diurnes et nocturnes, ou même rouge, notam-
ment chez les Râles et les Poules d’eau. | ;
Ainsi l'organe de la vue des oiseaux nous offre plusieurs par-
ticularités importantes; et 1l ne nous est pas permis de mécon-
naitre qu'elles se rattachent d'une manière intime au caractère
général de l’organisation, où l’activité vasculaire, respiratoire et
locomotrice, a pris un très-grand développement.
IL est facile de juger, par ces détails, combien la nature a mis
de soin dans la construction de l'œil des oiseaux, et combien la
sensibilité de cet organe doit être grande, s'il est vrai que la
perfection soit le résultat de la complication.
C’est à cette grande perfection du sens de la vue des oiseaux
qu'on doit rapporter leurs principales déterminations et leurs
mouvements. Qu'il s'agisse d'oiseaux sylvains et forestiers, d’oi-
seaux de proie ou d'oiseaux aquatiques et marins, élevés, quand
ils le veulent, jusqu'aux nuages, ils découvrent de vastes .cam-
pagnes, ils voient des champs, des bois, l'étendue et l’état de la
mer, des rochers, des rivages, et ils se rendent dans les lieux
qui conviennent le mieux à leurs goûts, à leurs besoins, à leur
sûreté. Continuellement en action dans l’ar, ils consultent les
variations de l’atmosphère, 1ls aperçoivent les nuages se former,
et prévoient la tempête avant les autres animaux; alors 1ls volent
vers des lieux plus riants, ou bien ils cherchent une retraite
assurée contre l'orage. Qu'il s'agisse, au contraire, d'oiseaux
coureurs ou marcheurs, ou de marais, la netteté de leur coup
d'œil leur permet, indépendamment de leur vol, d’apercevoir le
danger qui les menace, pour le fuir ou s’en garantir à temps.
La portée de la vue des oiseaux est très-considérahle, surtout
SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 197
chez les rapaces. Un Épervier, dit Buffon, voit d'en haut et de
vingt fois plus loin une Alouette sur une motte de terre, qu'un
homme ou un chien ne peuvent l’apercevoir. Un Milan, qui s'é-
lève à une hauteur si grande, que nous le perdons de vue, voit
de là les petits animaux, mulots ou oiseaux dont il se nourrit, et
choisit ceux sur lesquels il veut fondre; et cette plus grande
portée de la vue est accompagnée d’une netteté, d’une précision
tout aussi grandes, parce que, l’organe étant en même temps
très-souple et très-sensible, l'œil se renfle ou s’aplatit, se couvre
ou se découvre, se rétrécit ou s’élargit, et prend aisément,
promptement et alternativement toutes les formes nécessaires
pour agir et voir parfaitement à toutes les lumières et à toutes
les distances. Qui n’a pas vu d'oiseaux de proie planer à des
distances assez grandes pour les mettre à l'abri du plomb des
chasseurs, décrire de grands cercles au-dessus d’une victime
qu ils aperçoivent, quoiqu’elle cherche à se rendre imvisible par
son immobilité en même temps qu'elle se rassemble pour perdre
de son volume, et fondre sur elle avec la rapidité de la flèche !
Tous les oiseaux n'ont cependant pas la vue aussi puissante,
mais tous l'ont parfaitement proportionnée à leurs besoins.
Fig. 155. — Bradybates phœnicuroides.
Quïe. — L'ouie est, après la vue, le sens le plus fin et le
plus délicat des oiseaux.
La première différence entre l'organe de l'ouie de ces animaux
128 TROISIÈME LECON. |
et celui de l’homme et des quadrupèdes est le défaut de pavil-
lon, ou de conque externe destinée à réumr les ondes sonores.
Les différences qu’on rencontre à l’intérieur sont aussi très-re-
marquables. Le méat auditif est ouvert dans la plupart des
oiseaux; 11 n’est fermé à son orifice par une membrane que chez |
les espèces nocturnes et quelques espèces diurnes; mais l'ouver-
ture est extérieurement recouverte par des plumes particulières
qui tiennent lieu de pavillon et de membrane. Au lieu des
quatre osselets qu'on trouve dans l'oreille de l'homme, les oi-
seaux n'en ont qu'un; 1l est grêle, coudé, et se relie d'une
Fig. 157.
Muscle et osselet de la Poule.
Fig. 136. Fig. 158.
Coupe d’une tête d’Alouette, Oreille externe du moyen Duc.
oreille interne.
part au tympan, et de l’autre au vestibule. Pour augmenter l’é-
tendue des surfaces vibrantes, la caisse du tympan communique
avec trois grandes cavités qui se prolongent plus ou moims dans
l'épaisseur des os du crâne. Cette disposition, comme le fait ob-
server M. Valenciennes, caractérise tout particuhèrement l'or-
gane de l'ouïe des oiseaux; car ces cavités sont formées de lames
minces, élastiques, et par conséquent très-sonores. Elles contri-
buent à renforcer l’action du son sur le labyrinthe qu'elles en-
veloppent de toutes parts. 7
Les canaux sémi-cireulaires sont traversés par un grand nom-
SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 125
bre de cloisons, et le limacon est fort petit et souvent très-peu
reconnaissable. |
Chez Les oiseaux de nuit, dont la partie antérieure de la tête,
plus exprimée, plus large, représente une sorte de face, les yeux
et les deux côtés de cette face sont entourés d’un large cercle de
plumes longues et minces, douces au toucher, courbées d'abord
d'avant en arrière, et ramenées en avant à leur extrémité. Ces
plumes ne sont ni tout à fait droites mi couchégg, mais à demi
inclinées. Le méat auditif est plus ample, plus ouvert que dans
les autres oiseaux. L'ouverture tortueuse et membraneuse de ce
conduit est formée par des duplicatures de la peau qui peuvent
s'approcher et s’écarter comme une véritable valvule. Les
plumes de cette partie de la tête n° couvrent donc pas le méat,
comme dans les oiseaux diurnes, mas elles l'entourent, forment
une véritable conque qui rassemble les sons, et l’on peut, ainsi
que le dit Mauduyt, les regarder comme remplaçant avantageu-
sement l'oreille des quadrupèdes. Cette disposition, à laquelle
s'ajoute la facilité du rapprochement ou de l'écartement de la
peau qui soutient les plumes, était la plus favorable pour des
animaux qu'il importait de garantir pendant le jour, temps de
leur repos, de l'impression des sons; tandis qu'il était nécessaire
de leur donner un organe très-sensible pour le temps qu'ils con-
sacrent à la chasse, c’est-à-dire pour la nuit, alors qu il leur faut
distinguer le bruit des petits animaux dont ils se nourrissent.
Les plumes sont disposées, dans les oiseaux diurnes, de façon
à couvrir exactement le méat auditif, mais le léger écartement
qui existe entre elles, et qui peut être augmenté à volonté, per-
met le passage des sons et suffit pour faire obstacle à l’introduc-
tion des petits corps étrang: rs qui voltigent dans l'air (fig. 135).
Pour donner une idée de la sensibilité de l'ouie chez les oi-
seaux en général, nous rappelierons, comme l’a fait M. Gerbe,
la faculté qu'a chaque espèce de pouvoir distinguer de fort loin
150 TROISIÈME LECON.
le chant ou les cris d'appel que font entendre les individus de la
même espèce, lorsque les chants et les cris d'appel d'un grand
nombre d’autres oiseaux se font entendre en même temps. D'ail-
leurs, serait-il possible de ne pas reconnaître une extrême
finesse de l’ouie à des animaux dont la voix offre souvent l’exemi-
ple de la plus délicieuse mélodie? |
Odorat. — Pline et Aristote ont parlé de l'extrême sensibr-
lité olfactive des Vautours et des Corbeaux; longtemps on les a
crus sur parole, et on répète que ces oiseaux sentent de fort loin
les cadavres en putréfaction. Nous sommes loin de partager cette
opimon au moins fort exagérée, et nous pensons que les sens de
l'odorat et du goût n'ont, chez les oiseaux, qu'une sensibilité
très-relative, et qu ils ne sont pas plus délicats l’un que l’autre.
« Cette finesse de l’odorat chez le Vautour, dit Audubon, Je l’ac-
ceptai comme un fait, dès ma jeunesse. J'avais lu cela étant
enfant, et bon nombre de théoriciens auxquels J'en parlai dans la
suite me répétèrent la même chose avec enthousiasme, d'autant
plus qu'ils regardaient cette faculté comme un don extraordi-
naire de la nature. Mais J'avais déjà remarqué que la nature,
quelque étonnante que fût sa bonté, n'avait pourtant point accordé
à chacun plus qu'il ne lui était nécessaire et que jamais le même
individu n’était doué à la fois de deux sens portés à un très-haut
degré de perfection; en sorte que si le Vautour possédait un
odorat si excellent, 1] ne devait pas avoir besoin d’une vue si per-
çante, ou réciproquement. »
Chez les oiseaux, les narines ne consistent qu'en deux ouver-
tures assez étroites, placées à la base du bec, sur la cire ou sur
le bec n ême; leur position et leur forme varient presque autant
que les familles et les genres, puisqu'elles ont offert des carac-
_tères qui ont paru assez importants pour servir de base à divers
systèmes de classification. Elles sont tapissées à l’intérieur par
SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 151
une membrane pituitaire incontestablement plus sèche que celle
des autres animaux, et par conséquent moins sensible. Les nerfs
PRS—
=
Fig. 142. — Eupodotis arabs.
olfacufs sont d’ailleurs moins nombreux et proportionnellement
plus courts que chez les mammifères, et ils sont en quelque
139 TROISIÈME LECON.
sorte communs aux narines et à la peau du bec, et servent dès
lors autant au toucher qu'à l’olfaction. Lx circulation artérielle
ou vemeuse s y trouve réduite à sa plus simple expression. Le
conduit nasal est aussi très-simple, et semble destiné seulement
à donner passage à l'air atmosphérique. La simplicité de lor-
gane autorise naturellement à supposer l’imperfection du sens
dont il est le siége. Faut-il néaumoins conclure de là que les
Vautours et les Corbeaux n'ont pas ce sens plus fin que la plupart
des autres oiseaux? On leur à accordé de tout temps l'instinct
de reconnaitre à de grandes distances les charognes dont 1ls se
repaissent. Est-ce à la vue ou à l’odorat qu'ils doivent cette
faculté? . | é
Il parait démontré aujourd hui que, dans ce cas, c'est la vue
qui les sert plus que l’odorat. Leur vol élevé leur permet d'a-
percevoir une pâture dès qu'elle est déposée sur le sol : nous
en donnerons la preuve en nous occupant de l’histoire des Vau-
tours et de celle des Corbeaux.
Tout en reconnaissant chez les oiseaux l'existence d’un nerf
olfacuif rudimentaire, mais jouant cependant un rôle secondaire,
il est permis de conclure que les riarines de ces animaux parais-
sent être et sont réellement, malgré l’analogie de forme et de
siége que peut présenter l'organe, plutôt destinées à la respira-
ion qu'à l’odorat. Ce qui vient à l'appui de cette conclusion,
c’est l'ampleur générale des cavités olfactives, qui est propor-
tionnée au développement considérable du système respiratoire,
auquel la nature semble avoir subordonné toute l'organisation
des animaux de cette classe.
Goût. — De même que pour l'odorat, on a beaucoup écrit
pour ou contre l'existence du goût chez les oiseaux. Les uns y
ont vu le développement de ce sens conime incontestablement
exprimé par les différences nombreuses de conformation de leur
SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 155
langue; les autres, nous sommes de ce nombre, n'ont vu dans
ces formes si singulières de la langue qu'un instrument mer-
Fig. 145.
re Re ï
Dr
SE
SE
Fig. 144. Fig. 145.
Fig. 146. Fig. 147.
Flamant. Canard. Pélican. Grèbe.
\
ÊTES
(21510
Fig. 148. Fig. 149. Fig. 130.
Gros-bec. Merle.
Fig. 152.
Martin-pêcheur.
Toucan.
veilleusement bien approprié à leurs besoins, et facilitant la cap-
ture des insectes, les mouvements des graines dans le bec et la
DSL 1
154 TROISIÈME LECON.
déglutition. Et, quoi qu’en ait dit Mauduyt, les oiseaux ne sont
pas mieux traités pour le goût que pour l’odorat. Pour en bien
juger, cependant, il faut dire un mot de l'organe et des habi-
tudes qui dépendent de sa forme.
Les oiseaux ne savourent ni ne mâchent réellement leur
nourriture, presque toujours ils l’avalent à la hâte, et c’est dans
le gésier que se fait la trituration de l'aliment. Aussi n'est-il
guère possible d'admettre chez eux un sens du goût analogue à
celui des mammifères, d'autant mieux que leur langue ne reçoit
pas le rameau nerveux lingual ou gustatif de la cinquième
pare.
L'os hyoïde, comprenant aussi los lingual, ainsi nommé parce
qu il est engagé dans la langue pour lui donner quelque solidité,
consiste, chez les oiseaux, en un corps étroit, allongé, situé sous
la base du crâne, en arrière des branches de la mandibule infé-
rieure, et présentant de chaque côté un appendice allongé, re-
courbé en arrière et en haut. Ces appendices ou cornes sont ordi-
nairement formés d'une pièce antérieure osseuse, et d’une pièce
postérieure cartilagineuse. De petits muscles umissent la partie
antérieure de l'os à la partie postérieure de la langue.
Cette dernière présente des formes diverses qui varient
autant que les familles, et, si la délicatesse du sens était en
rapport avec la variété de la forme de l'organe, la classe des o1-
seaux devrait passer pour une des mieux partagées comme per-
ception des saveurs. C’est précisément le contraire qui a lieu. La
forme de la langue est uniquement appropriée au genre de
nourriture de l’espèce, et sa sensibilité proportionnée à la variété
des aliments. Le sens gustatif se trouve donc réduit à bien peu
de chose, et la gamme des sensations est très-bornée.
La langue est en effet très-peu charnue, petite, souvent sèche,
quelquefois molle, terminée en avant par une pointe membra-
neuse, parfois obtuse, tronquée, cornée ou couverte d’une peau .
+
SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 155
épaisse. Elle a une grande mobilité d'avant en arrière et d'ar-
rière en avant; elle peut servir, comme nous le dirons plus loin,
à l'articulation de quelques sons.
Fig. 155. Fig. 134. Fig. 155. Fig. 156.
Os lingual et hyoïde Os lingualet hyoïde Langue et os hyoïde Langue de moyen Duc.
de Perroquet. d’Aigle. de Tourterelle.
Fig. 157. Fig. 158. Fig. 159. Fig. 160.
Langue de Sou-manga. Langue d'Ara. Langue de Cohbri. Langue de Paorr.
Laissant de côté tout ce qui regarde l'anatomie de la langue,
formée de deux ordres de muscles (muscles propres. et muscles
136 + + HRTROISIÈME LECON.
accessoires), examinons la membrane qui la couvre, et qui, chez
les autres animaux, est le siége du goût : on la trouve composée
de deux couches : l’une extérieure, mince, muqueuse et cou-
vrant les papilles nerveuses fournies par la seconde, plus épaisse
et plus compliquée. %
Les oiseaux à langue cornée n'ont aucune sensibilité dans la
partie recouverte par l’épithélium dura, et souvent, chez eux,
les papilles sont converties en pointes dures, qui servent à rete-
nir la proie dans le bec. On trouve des papilles dures et des pa-
pilles molles plus ou moins allongées; ces dernières sont d'autant
plus molles qu'elles sont plus près de la base de la langue, et ce
sont elles qui doivent être le siége du sens.
Les oiseaux qui se nourrissent de chair ont la langue plus
épaisse, moins sèche, plus charnue, couverte d'un épithéhu n
plus mince que ceux qui se nourrissent de grain. La forme est
d’ailleurs à peu près la même, c’est-à-dire presque triangulaire,
quoiqu'elle soit souvent aplatie, pointue, et même bifide à son
extrémité, comme chez quelques Vautours; le palais est aussi
moins aride et revêtu de membranes plus souples. Cette organi-
sation paraîtrait devoir procurer à ces oiseaux un goût plus fin :
il n'en est rien cependant, et ces apparences sont trompeuses.
La langue des Perroquets, qui sont frugivores et granivores, :
voire même insectivores, est généralement charnue, épaisse,
volumineuse, coupée à son extrémité à angle presque droit
ou très-peu arrondi, et relevée sur ses bords. Mais 1l existe
plusieurs exceptions, dont la plus remarquable est celle qui se
voit chez quelques Perroquets plus insectivores que les autres,
et dans lesquels la langue est terminée par un faisceau de
poils ou filaments cartilagineux que l’on considère comme des
papilles, à cause de l'importance des nerfs qui y aboutissent.
Mais c'est en vain, ainsi que l’observe fort bien Mauduyt, que
l'on attribuerait à la conformation généralement épaisse de la
Se hs CEA
SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 137
langue du Perroquet la faculté d’articuler quelques mots qu'il
retient par habitude, puisque d’autres oiseaux, dont la langue n’a
aucun rapport de conformation avec la sienne, ont cependant la
même facilité pour imiter la voix humaine C’est également à tort
que Lesson, plus affirmatif que Carus, qui considère à peine la
langue des oiseaux comme un organe gustatif, a avancé que les
Perroquets goûtaient leurs aliments ou les savouraient avec
plaisir. On à pris par erreur chez eux, pour l’action du goût, le
mouvement qu'ils impriment aux aliments avant de les avaler,
en les roulant entre la langue et la mandibule supérieure, ce
qui n'est qu'une action purement mécanique nécessitée par la
conformation de leur bec : la langue, dans cette opération, fai-
sant l'office d’un levier qui maintient à l’imtérieur du bec et
vers son extrémité le morceau qu'ils broient par le frottement
de la mandibule inférieure contre la supérieure.
Chez les Pics, oiseaux presque exclusivement insectivores, la
langue, longue et vermiforme, rappelle celle des serpents : grêle,
arrondie et cylindrique, elle ressemble à un dard; elle peut s’al-
longer, s'étendre beaucoup au dehors du bec et rentrer à la
volonté de l'animal. Cela tient à la disposition fort singulière des
cornes de l'os hyoïde dans le Pie. Chez cet oiseau, en effet, les
cornes hyoïdiennes sont très-longues et filiformes, comme dans
les serpents; elles partent de l'extrémité la plus postérieure du
corps de l'os, remontent sur les deux côtés du cou vers la face
postérieure du crâne, s'engagent dans des gouttières particu-
hères creusées sur celui-ci, arrivent ainsi jusqu’à la base du
bec, où elles se fixent à l’aide d'un higament. Le corps de
l'hyoïde, qui porte un os lingual étroit et lancéolé, est égale-
ment presque filiforme, et n’offre pas en arrière cette apophyse
droite qu'on rencontre chez la plupart des autres oiseaux.
La langue des Toucans, qui sont frugivores et baccivores, sè-
che, décharnée, aplatie, étroite, longue, festonnée et découpée
12.
138 TROISIÈME LECON.
profondément sur ses bords, ressemble à une plume garmie laté-
ralement, dans toute sa longueur, de barbes désunies et mégales.
Le goût n’est pas pour cela plus développé chez eux que chez
les Perroquets, malgré certains signes apparents de répugnance
ou de convoitise pour les aliments qu'on leur présente, et que
l'on a cru remarquer chez quelques-uns de ces oiseaux conser-
vés en Cages.
La langue des Oiseanx-mouches, vrais suce-fleurs, en même
temps que fins insectivores, peut aussi s’allonger et se raccour-
ar, comme celle des Pis elle est filforme, et rappelle Ja
trompe des Papillons.
Elle est extensible aussi, mais tubuleuse et bifurquée, ou
même trifide à la pointe chez les Souï-mangas; pénicillée à la
pointe chez les Philédons et chez quelques Paradisiers, tous o1-
seaux également suce-fleurs et mangeurs d'insectes microsco-
_ piques qui vivent dans le calice mêlés au pollen des fleurs. Elle
est simplement frangée à l'extrémité chez les Étourneaux et les
Grives. Elle est à bords phissés chez les Couroucous et les Mo-
mots, et ciliée chez le Glaucope.
Fig 161 Fig. 162. Fig. 165.
Langue d'Engoulevent. Langue de Fodarge. Langue de Martinet.
Mais il en est une, celle des Podarges, ces grands Engoule-
vents de la Nouvelle-Hollande et de l'Océanie, ou plutôt de la
Papouasie, dont on n’a jamais parlé, et qui est peut-être la plus
SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 139
extraordinaire dans toute la classe : elle mérite à peine le nom
de langue, et consiste tout simplement en une petite lame mem-
braneuse en forme de fer de lance, allant en s’élargissant de la
pointe à la base, et tellement mince, qu'une fois desséchée elle
a l'apparence d’une pellicule noie moins épaisse qu une
feuille de papier. On ne remarque aucune trace de papilles, soit
à sa eurface, soit sur ses bords. Son utilité parait donc assez
problématique; et c’est sans aucun doute un des types les plus
remarquables de la langue chez les oiseaux. Ce fait de la dispa-
rition de la langue, comme organe, est d'autant plus extraordi-
naire qu il est NET sur des espèces dont l'ampleur intérieure
du bec est énorme. | |
Les oiseaux qui vivent de grains, tels que la plupart des
Poules, Faisans, Dindons, Paons, Pintades et Perdrix, sont ceux
qui ont, en général, la langue moins grande, moins charnue,
plus sèche, et couverte d'une peau plus épaisse. Sa forme est à
peu près triangulaire; deux prolongements s'étendent sur les
branches de l'os hyoïde, et laissent un vide dans leur milieu.
Le palais, chez ces oiseaux, est revêtu de membranes minces et
très-peu humectées; conditions qui n'indiquent certainement
* pas un grand développement du sens du goût.
La langue est encore grêle et pointue chez les Bécasses; char-
nue, au contraire, large et pointue chez les Grues; cartilagi-
neuse, aplatie et frangée à l'extrémité chez les Agamis. Elle est
généralement petite chez l’Albatros; à bords frangés et festonnés
chez le Harle.
Mais de tous les oiscaux, et surtout de ceux qui vivent sur
l’eau, ce sont les Oies et les Canards qui ont la langue la plus
volumineuse, la plus charnue, la plus papilleuse, la plus couverte
de mucosités, et celle qui, à part la mobilité, a le plus d'analogie
avec celle des mammifères (fig. 145). Elle est terminée à sa
pointe par une sorte d'onglet cartilagineux. Cependant ces oi-
140 | TROISIÈME LECON.
seaux, qui devraient, selon toute apparence, être les plus sen-
suels, le sont le moins, et ne sont que voraces; ils semblent ne
pas choisir leurs aliments, s’accommodent généralement de
tout ce qu ils trouvent dans la vase, qu'ils fouillent et dans la-
quelle ils barbotent; les plus gros morceaux sont ceux qu'ils
préfèrent malgré la difficulté de les aväler et le temps qu'ils
passent à les dépecer. |
Ceci nous mène à dire un mot de ce qu'on a cru devoir con-
sidérer comme une preuve de la délicatesse du goût chez les
oiseaux qui vivent de grains, par opposition à la voracité des
Oies et des Canards, qui vivent de tout.
Les premiers sont délicats par sensualité, a-t-on dit, et la
simplicité de leur orgamisation nous tromperait, si leurs habi-
ludes ne nous désabusaient. Qu'on mêle en effet ensemble plu-
sieurs espèces de grains qui, séparément, sont une nourriture
également bonne pour eux, et qu’on les leur présente : ils en
préféreront une sorte qu'ils épuiseront avant de toucher aux
autres, et ils les trieront tous dans l’ordre suivant lequel ils leur
plaisent le plus. S'ils ne mangeaient que par appétit, par be-
soin, 1ls choisiraient de préférence les grains les plus gros, qui
les rassasieraient plus tôt, et cependant ils font le plus souvent
précisément le contraire. Qu'on mêle du froment, de l'orge et
du nullet, qu'on donne ces grames à des Poules, des Faisans, des
Dindons, etc., le millet sera toujours dévoré le premier, le fro-
ment ensuite, et l'orge restera le dernier; si, tandis que ces oi-
seaux trient les graines, on jette au milieu d'eux de la mue de
paim, des vers, des portions d'insectes mous, de la viande ha-
chée, les graines seraient quittées pour ces nouveaux appâts,
parmi lesquels les vers auront la préférence; les Pigeons lais-
seront de même la vesce pour le chènevis ou le mullet qu'on y
aura mêlé.
Et l'on à conclu de ces observations que les oiseaux, même
SYSTÈME NERVEUX ET SENS. LH
ceux qui sont gramivores, mettent du choix dans les aliments
qu'ils trouvent à leur portée, et que ce choix, le plus souvent en
opposition avec le simple appétit, avec le besoin de se nourrir,
ne peut être fondé que sur la sensualité. Cette manière de rai-
sonner de plusieurs naturalistes est le résultat d’une erreur, et
provient de la confusion qu'ils ont faite entre ce qui n'est que
de l'instinct et ce qui ne saurait appartenir au sens du goût,
que tout démontre, nous le disons encore, ne pas plus exister
chez les oiseaux que celui de l'odorat.
Tout ce que l’on peut dire sur ce point tant controversé, c'est
que la langue, de même que le bec, varie dans sa forme, en rai-
son des habitudes et de la manière de vivre des oiseaux, beau-
coup plus qu'en raison des besoins ou des nécessités de l'organe
du goût, que nous considérons chez eux, à l’exemple d'Isidore
Geoffroy Saint-Hilaire, comme entièrement nul et tout au plus
à l’état rudimentaire.
Ainsi les papilles si diverses de formes et plus ou moins
cornées qui se voient à la langue de la plupart des oiseaux, et
dont elle est généralement couverte ou bordée, leur servent plus
à retenir les aliments arrivés à l'arrière-bouche qu'à en appré-
cier l'odeur ou la saveur, en un mot, qu’à la perception du goût.
Il en est de même de l’organisation du palais. Nous ny
voyons rien non plus qui vienne à l'appui des explications don-
nées par Mauduyt et d’autres naturalistes pour établir l’exis-
tence du goût chez les oiseaux.
On à vu que leurs narines ne consistent qu’en deux ouver-
tures placées indistinctement à la base, au milieu, ou même à
l'extrémité du bec, et percées tantôt dans une peau membra-
neuse, tantôt dans la substance cornée de cet organe, parfois
même lui étant superposées en forme de tubes osseux. Ce qui
n'empêche pas que, s’il y a entre leur organe intérieur, pour
l'odorat et celui des mammifères, plus de conformité qu'il ne
149 TROISIÈME LECON.
s'en trouve du côté de la langue, cette conformité ne soit pure-
ment apparente.
Ce n’est pas d'abord vers le milieu du crâne, à la partie anté-
rieure, comme dans les mammifères, que l'organe de l’odorat
est à chercher dans les oiseaux; c'est à la portion subantérieure
du bee. Cette portion est bien effectivement creuse, séparée en
deux par une lame osseuse longitudinale, et partagée, par des
cloisons plus ou moins cartilagmeuses, en un grand nombre de
cavités communiquant les unes avec les autres; ces cavités sont
aussi tapissées par une membrane déliée, sorte de muqueuse, et
l’on y aperçoit bien aussi des nerfs qui s’y distribuent et s’y épa-
nouissent. Mais on ne reconnait dans ces surfaces unies. calleu-
ses ou papilleuses, rien qui serve à percevoir l'impression des
odeurs : tout ce système, tout ce mécanisme, ne concourt qu à
un seul but, celui de rendre plus facile la déglutition des ali-
ments. Il ne faut pas oublier que les cavités orale et gutturale
des oiseaux ne sont pas suffisamment distinctes l’une de l’autre,
attendu qu'il n'existe pas de voile du palais, et que l'ouverture
postérieure des narines et la glotte représentent seulement deux
fentes longitudinales qui se correspondent et qui sont ordinaire-
ment garmes de papilles fort mclinées. Or ces différences seules
et l'absence de véritable palais suffisent pour mettre en doute
la sensibilité du goût, qui ne peut se manifester, chez les o-
seaux, que par la triple combinaison des impressions de la lan-
oue, du palais et des narimes. C’est encore à cause de ces diffé-
renices, et surtout à cause de Ja forme et de la solidité du bec,
que la succion ne s'opère jamais chez les oiseaux quand ils boi-
vent : ils emplissent la cavité de la mandibule inférieure, qui leur
sert de véritable gobelet ou cuiller, et, en élevant ou renversant
même la tête, ils font écouler le liquide dans leur Jabot. Il y a
cependant une exception à signaler chez les pigeons, qui aspirent
l’eau qu'ils boivent; mais cette exception, qui, chez eux, tient à
Lt ed par
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cet eur ES É Es eee pe NES PESA
sat Lit 2
VIS RE SUIS à
_ SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 143.
une modification du mécanisme et aussi à un bec plus mou et
plus charnu, ne prouve nullement la sensibilité du sens ol-
factif.
Toucher. — Le loucher est non-seulement le plus unpar-
fait, mais encore le plus obtus des sens de l'oiseau : ce qui se
conçoit aisément. Ce sens est affecté aux impressions que le corps,
et spécialement certaines parties, peuvent éprouver au contact
des corps extérieurs. Or, chez les oiseaux, que voyons-nous ?
Une bouche remplacée par un appareil osseux recouvert d’une
membrane ou enveloppe dure et cornée, et par conséquent,
sauf quelques exceptions dont nous parlerons, impropre aux
perceptions tactiles; des membres supérieurs destmés unique-
ment à faciliter la locomotion aérienne ; des membres inférieurs
recouverts de plaques protectrices presque éornées, écailleuses
ou réticulées, imsensibles, et plus nuisibles que favorables à
l'exercice du toucher. lieste donc l'impression que peut recevoir
une peau complétement couverte de plumes insensibles, plus ou
moins "épaisses et plus où moins serrées. Sans aucun doute, l’oi-
seau est sensible aux démangeaisons et aux piqûres produites par
les parasites qui se logent sous ses plumes, 1l perçoit la sensation
des petits corps étrangers qui s'mtroduisent entre elles, mais
cela n'a qu'un très-faible rapport avec le sens du toucher, que
nous considérons ici Comme exigeant, pour s'exercer d’une ma-
mère utile, le concours de la volonté de l'animal. Aussi ne
trouvons-nous de traces de sensibilité tactile qu à l'extrémité du
bec, dans certains groupes qui ont cet organe moins sec, plus
allongé ou plus charnu, comme on le voit chez quelques échas-
siers, le Courlis, la Bécasse, le Flamant, entre autres, et surtout
chez les palmipèdes, qui barbotent. On en trouve encore d’au-
tres à la plante du pied, sous les doigts, sous les membranes
interdigitales, où se voient des papilles formant des mamelons-
144 TROISIÈME LECON.
très-rapprochés et disposés par lignes régulières et à peu près
parallèles. Ces papilles, très-apparentes chez un grand nombre
d'oiseaux, ne représentent cependant guère le toucher qu'à l’état
rudimentaire. Nous ne ferons d'exception qu'en faveur des
échassiers, parmi lesquels nous citerons les
Chevaliers, les Bécasseaux, et surtout les Bé-
casses, qui ont l'habitude de piétiner le sol,
autant pour le sonder et reconnaître s'il ren-
fernie des vers, dont ils sont friands, que pour
exciter ces vers à sortir.
4)
vi 11)
1
/
)
y EU
* Fig. 164. Fig. 165. — Malacorhynque.
Patte de Pigeon.
Il n'est personne qui n'ait constaté la répugnance des oiseaux
à se laisser passer la main sur le dos, tandis qu'ils supportent
assez bien son contact sur les autres parties du corps. Quelques-
uns même, parmi les plus apprivoisés, sollicitent un genre de
caresse qui consiste à leur gratter la peau de la tête et du cou.
Cette répugnance n’est pas le résultat d'un excès de sensibilité
tactile, mais bien celui de la crainte. Toute la confiance de l’oi-
seau est dans ses ailes, et il redoute instinctivement toute ma-
nœuvre qui peut l'empêcher de les déployer. |
Sens thermo-électrique et thermo-barométrique. —-
«
Nous som es d'autant plus porté à admettre pour les oiseaux
_un sixième sens thermo-électrique et thermo-barométrique,
SYSTÈME NERVEUX ET SENS. 145
que nous trouvons incomplètes et insuffisantes les causes in-
diquées jusqu'ici comme déterminantes des migrations si re-
marquables de ces animaux.
Carus a proposé pour l’homme l'établissement d'un sixième
sens (sens de la chaleur). «Cest à tort, dit l’anatomiste alle-
mand, que l'on confond en un seul le sens à l’aide duquel nous
apprécions là chaleur, et celui qui nous fait juger la manière
dont les corps remplissent l’espace. éprouve évidemment des
sensations tout à fait différentes quand j'approche ma main du
feu et quand je la pose sur un corps solide; quand, en un mot,
Je me sers du toucher pour apprécier la température ou la forme
d'un corps. De ce que ces deux sortes de sensations sont per-
çues par un seul organe, la peau, il ne s'ensuit pas qu'elles ne
constituent qu'un seul sens, une seule manière de sentir; c’est
seulement une preuve que ces sensations sont perçues par des
sens d’un degré peu élevé, puisqu'ils ne sont pas séparés et iso-
lés l’un de l’autre. »
Si nous n'adoptons pas complétement les vues du savant ana-
tomiste, nous acceptons du moins la dernière partie de ses con-
clusions, et nous considérons comme peu élevés dans l’échelle
de la sensibilité les sens non isolés les uns des autres : tels
sont, chez les oiseaux, l’odorat, le goût et le toucher, En effet,
nous avons vu le goût et l’odorat se confondre sur les papilles de
la partie postérieure de la langue; le goût et le toucher, et peut-
être l’odorat, avoir un siége commun à l'extrémité du bec d’un
assez bon nombre d’espèces; le toucher isolé seulement aux faces
plantaires des pattes, mais certainement et naturellement
émoussé et peu délicat sur des parties si souvent en contact avec
le sol. |
1! n'en est pas amsi du sens thermo-Larométrique ou sens gé-
néral, sens umiversel, comme Virey l'a désigné 1l y a déjà au
moins soixante ans, L'organisation si exceptionnelle des oiseaux,
nie 15
146 _ TKOISIÈME LEÇON.
l'ampleur de la respiration et la dispersion dans presque toutes
les parties du corps de l'air inspiré, les rendent excessivement
impressionnables aux variations atmosphériques ou météorolo-
giques. C’est à cette sensibiité.qu'ils doivent la faculté, non pas
de prévoir, mais de pressentir les changements thermo-baromé-
triques. Les sensations qu'ils éprouvent alors éveillent bien cer-
tamnement l'instinct qui les décide, dans l'intérêt de la conser-
vation de l'espèce, à quitter des régions troublées pour passer
dans des régions plus calmes Ils n'attendent pas le moment où
une nourriture abondante leur fera absolument défaut, comme
nous le dirons en parlant des migrations; 1ls partent ayant encore
leur existence assurée pour quelque temps; ils partent, non pas
isolément, mais en bandes plus ou moms nombreuses, et à la fois
de plusieurs points souvent éloignés les uns des autres. I faut
donc que l'impulsion qui les pousse ait une cause générale, il
faut encore que l'agent, mystérieux pour nous, qui les dirige,
leur indique le moment opportun du départ. Cet agent peut-il
être autre chose que l’état atmosphérique ou météorologique? Le
siége de cette perception peut-il être localisé, ou est-il répandu
sur toutes les surfaces internes et externes du corps? Nous
pensons que toutes les parties qui sont en contact immédiat
avec l'air atmosphérique, plumes, poumons et sacs aériens, or-
ganes particuliers aux oiseaux, et dont nous parlerons bientôt,
subissent l'influence de cet élément et produisent le trouble,
l'inquiétude et l'agitation qui rendent le départ mdispensable.
Nous ne croyons pas que les indications fournies par un pa-
tient observateur de Manchester, M. Blackwall, soient de nature
à infirmer notre opmion. Cet ornithologiste, dans un Mémoire
fort curieux sur les oiseaux de passage dans le comté qu'il ha-
bite, dit qu'il a noté jour par jour l’arrivée ou le départ de telle
ou telle espèce, en même temps que l’état quotidien de la tem-
pérature et du temps, et 1l présente des tableaux fort intéressants
\
UE
SYSTÈME NERVEUX ET SENS. ; 147
pour la science. 11 a constaté que les oiseaux arrivent à une
époque où la température est plus froide qu'elle ne l'était au
moment de leur départ. Cherchant à expliquer le fait, il a cru
devoir attribuer au besoin de se garantir des maladies de la
mue l'instinct qui les détermine à changer de lieu pour se ren-
dre en des climats plus favorables au développement de leurs
nouvelles plumes: Nous mettons de côté l'erreur relative à ce
genre de mue, car, dans leurs migrations, les oiseaux errati-
ques, et ce sont ceux-là seuls dont s’est occupé l'observateur de
Manchester, ne changent pas assez de latitude pour trouver une
différence bien notable dans le climat du pays où ils se ren-
dent. Ensuite, ou nous nous trompons fort, ou cette observa-
tion, étendue aux oiseaux réellement migrateurs ou voyageurs,
tels que les Martinets, les Hirondelles, les Cailles, les Grues, les
Cigognes, les Oies, etc., viendrait singulièrement à l’appui de
notre opinion, puisqu il en résulterait un véritable pressenti-
ment dû à une perception électrique ou barométrique.
Fig, 166. — Tube digestif du Dindon.
PRE PT RE PL TS
#
QUATRIÈME LEÇON
Appareil digestif.
Cœur et système vasculairé. — Organes incubateurs.
Appareil de la respiration.
Sacs aériens. — Organes de la voix et du chant.
APPAREIL DIGESTIF.
L'appareil digestif des oiseaux comprend le bec comme organe
préhenseur ou incisif; la langue comme organe de déglutition,
de préhension et de gustation; les glandes sublinguales, buc-
‘cales et sous-maxillaires, dont le produit humecte la cavité du
bec ; l’œsophage et sa dilatation désignée sous le nom de jabot ;
le ventricule succenturié ou estomac glanduleux; le gésier ou
estomac musculeux ; l’intestim grêle, le gros Intestin, les or-
ganes urinaires, et enfin le cloaque, orifice terminal commun.
Le foie et la vésicule du fiel, le pancréas et la rate, sont des an-
_nexes dont nous parlerons au sujet des sécrétions.
L'appareil digestif présente des différences notables suivant
qu'on l’examine sur des oiseaux d'ordres, de familles et même do
19%
159 QUATRIÈME LEÇON.
genres différents. Nous ne parlerons ici que des modifications
principales, qui sont toujours en rapport avec le genre de nour-
riture parüculier à à chaque groupe.
À première vue, la forme extérieure du bec et sa plus ou
moins grande Un permettent de dire quel est le genre de
nourriture propre à chaque espèce d'oiseaux. La cavité buccale
est en parful rapport avec la forme du bec; elle est plus ou
moins ample, et elle présente à sa paroi supérieure plusieurs
lignes de papilles allongées et dirigées d'avant en arrière; la
mandibule inférieure supporte quelquefois une énorme poche
membraneuse, comme on le voit chez le Pélican (fig. 139). L’ar-
rière-bouche est humectée par la sécrétion
de glandes nombreuses.
L'œsophage fait suite à la cavité buccale;
il est situé à la face antérieure des verté-
bres du cou, derrière la trachée-artère et
un peu à sa droite. En général il a beaucoup
d’ampleur et d’extensibihté, surtout chez
les Jeunes oiseaux, qui, sortis encore im-
parfaits de l'œuf, ont besoin d’être nourris
pendant quelque temps par leurs parents;
tels sont les grimpeurs et les passereaux.
Dans ces groupes, l’œsophage forme, à par-
ur de la large cavité du bec et du pha-
rynx, un sac dans lequel les parents intro-
duisent la nourriture qu'ils ont préalable-
ment triturée el humectée.
L'œsophage des rapaces, des échassiers
Fig. 167.
Œsophage et estomac
de Thalassidrome. et des palmipèdes conserve toujours une
grande ampleur, ce qui permet à ces o1-
seaux, comme à un grand nombre de poissons et de reptiles,
uon-seulement d'avaler des animaux entiers, mais encore de ré-
sis is
APPAREIL DIGESTIF. 191
eurgiter les aliments qui ont subi déjà un commencement de
digestion. Chez les rapaces diurnes et nocturnes surtout, qui
avalent leur proie avec plumes et poils qu'ils ne peuvent digé-
rer, la régurgitation était indispensable : aussi trouve-t-on sou-
vent dans les lieux fréquentés par ces animaux des pelotes
formées de débris non digérés, plumes, poils et os rendus après
la digestion des parties assimilables. Chez les oiseaux, les Hérons,
les Cigognes, etc., qui vivent de poissons ou de reptiles dont le
corps est allongé et ne peut être toujours complétement imtro-
duits au même moment dans un estomac déjà rempli, on trouve
souvent intacte la partie de ces poissons ou de ces reptiles encore .
engagée dans l’œsophage, tandis que la partie qui a pénétré dans
l'estomac est décomposée.
nt
Ti
Formes diverses d’œsophages et de gésiers.
Fig. 168.
Tétras. Ilirondelle. Martin-pêcheur.
Fig. 170.
L'œsophage présente souvent vers sa partie moyenne une di-
latation plus ou moins considérable à laquelle on à donné le nom
de jabot. On observe cette dilatation principalement chez les
olseaux granivores, que lon à comparés, sous ce rapport, aux
152 QUATRIÈME LECON.
mamnufères ruminants. On la rencontre aussi chez les oiseaux
carnivores; mais dans ce dermer cas c’est plutôt une dilatation
graduelle et uniforme du canal. Elle ne se trouve pas ou n’est
que peu apparente chez les grimpeurs, les insectivores, les
autruches, les échassiers et les palmipèdes. Cette poche, ou ja- .
bot, est tapissée intérieurement d’une membrane muqueuse qui
sécrète en abondance un liquide destiné à ramollir les aliments.
[ls y subissent une première décomposition : comme le jabot
est ample et que l’estomac, dont nous allons parler, ne l’est pas,
il sert de lieu de réserve dans lequel les aliments peuvent être
accumulés, et d’où 1ls passent dans l'estomac à mesure que ce
dernier peut les recevoir. C’est du Jabot que remonte la nour-
riture préparée pour les petits. On a constaté depuis longtemps
Œsophage et jabot du Pigeon, retournés et insufflés, pour voir les modifications de la
membrane muqueuse à l’état ordinaire et à l’époque de l'éclosion des petits.
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Fig. 172. — État ordinaire. Fig. 173. — État en nourrissant.
déjà chez les Pigeons un fait très-intéressant, et une modifica-
tion singulière du jabot pendant qu’ils nourrissent leurs petits.
Eu temps ordmaire le Jabot des Pigeons ne présente rien de par-
APPAREIL DIGESTIF. 155
ticulier ; 1l a le mème aspect que celui de la plupart des autres
oiseaux; mais, pendant l’incubation, les parois membraneuses du
jabot s’épaississent, les plis de la muqueuse se prononcent da-
vantage, des glandes nombreuses se développent, deviennent
très-apparentes et fournissent en abondance, au moment de l’é-
elosion, une sécrétion laiteuse qui ne cesse de se produire que
lorsque les Pigeonneaux commencent à sortir du nid.
tricule succenturié ou de secours, premier
Chez beaucoup d’autres oiseaux , la nourriture donnée en pa-
reil cas aux jeunes a subi une digestion plus avancée, 11 y a donc
lieu de penser qu’elle est rappelée de l'extrémité mférieure de
l’œsophage. Le jabot, placé en dehors du thorax, repose sur la
fourchette et sur la membrane élastique qui unit les deux bran-
ches de cet os. À la suite du jabot, se trouve
un rétrécissement peu étendu ou second œso-
phage qui, peu après son entrée dans la poi-
trine, se dilate de nouveau, et forme le ven-
estomac glanduleux dont la structure diffère
surtout de celle du reste du canal intestinal
par le volume et le nombre des glandes rou-
geûtres qui le tapissent. Ces glandes varient
elles-mêmes beaucoup dans leur structure sui-
vant les ordres ou les familles. Elles sont très-
développées, prriformes et bordées de franges Gophage, sabot.
libres dans la Salangane , cette petite Hirondelle ventricule succenturié
: : : RAR : et gésier
de Java qui construit ces mids gélatineux si qun granivore.
renommés en Chine. En général elles sont
simples chez les oiseaux carnivores, volumineuses et rami-
fiées chez ceux qui vivent de graines ou de feuilles. Chez ces
dermers, le ventricuie succenturié, qui prépare le suc gas-
trique, a généralement des parois plus épaisses, des glandes
plus rapprochées et plus développées, quoique assez petites.
Fig. 174.
154 QUATRIÈME LEÇON.
Chez Îles premiers et chez beaucoup d’échassiers, le ventri-
eule succenturié est extrêmement large, court, ses parois sont
minces, et 1l se continue d’une manière insensible avec le se-
cond estomac ou estomac musculeux (gésier), qui ne difère du
premier que par l'absence de glandes gastriques proprement
dites, et par sa couche musculaire, qui peut imprimer un mou-
vement rotatoire aux aliments. Le gésier, plus ou moins épais,
est couvert d'une aponévrose qui est le centre d’où rayonnent
les fibres musculaires. IL est situé à
gauche au-dessous du foie et fort en
\i, QU |. A sp e
KE de ) arrière dans la cavité abdominale. Le
= à VW mouvement rotatoire dont nous ve-
| => S7 \\ nons de parler semblerait suffisam-
ment prouvé par la forme arrondie
que prennent, dans l'estomac des oi-
seaux de proie, les corps, plumes,
poils et os qu'ils ne peuvent digérer.
Mais le fait est complétement démon-
N tré par la formation, dans l'estomac
Pig. 175. du Coucou, de pelotes composées de
Gésier de Dindon. poils de chenilles, véritables égagro-
piles tout à fait comparables à ceux
qu'on trouve dans l'estomac des chèvres. Les chenilles velues
dont se nourrissent particuhièrement les Coucous ont des poils
roides, terminés en fer de flèche et qui pénètrent assez avant
dans la membrane muqueuse, où 1ls demeurent fixés par leurs
crochets. Disons en passant que cette disposition accidentelle,
«
qui cesse quelque temps après que les Coucous ne trouvent
plus de chemilles velues, a été considérée, par erreur, comme
un état normal de l'estomac de ces oiseaux. Quoi qu'il en soit,
tous ces poils sont inclinés dans le même sens, et, pour qu'ils
se dirigent tous du même côté, il faut qu'ils reçoivent cette
APPAREIL DIGESTIF. 155
direction du mouvement rotatoire des aliments contenus dans
l'estomac.
La structure musculeuse du gésier est surtout bien prononcée
chez les oiseaux qui vivent de substances végétales, comme les
Pigeons, les Poules, les Dindons, les Oies, les Cygnes, etc. : chez
ces animaux les muscles constituent la plus grande partie de
l'estomac; leurs fibres denses et d’un rouge foncé aboutissent
à un centre tendineux très-solide, et, comme la membrane in-
terne ou muqueuse a une texture cornée, le viscère peut agir
avec une force extraordinaire sur les substances qu'il est appelé
à diviser.
Carus avait été frappé du développement énorme de l’épithe-
lium ou muqueuse du gésier chez le Pétrel glacial. Cela surprend
moins quand on sait que cet oiseau est carnivore; on trouve en
effet dans son estomac des débris de bras de Seiche divisés par
un appareil composé de sallies coniques, cornées et analogues
aux dents des poissons.
Ce fait, le prenner de ce genre observé dans l’ordre des pal-
mipèdes, a son analogue et se retrouve dans celui des pigeons,
avec des caractères tout aussi extraordinaires, si ce n'est même
plus prononcés. Nous avons eu occasion de le constater, en 1860,
sur un oiseau de la Nouvelle-Calédonie. On savait déjà que les
vrais carpophages (ou pigeons mangeurs de fruits à noyaux)
avaient un gésier plus vigoureusement constitué que celui des
autres colombidés, chez lesquels cet organe présente une mem-
brane, non-seulement très-robuste, mais encore couverte de pe-
tits tubercules cornés, constituant un appareil destiné à la tritu-
ration des corps durs renfermés dans les baies dont ces oiseaux
font leur nourriture ordmaire.
Chez l'oiseau dont nous parlons et auquel on à donné le nom
de Phœnorhine Goliath, à cause de ses amples dimensions, ce
caractère revêt une forme tout à fait anormale. Le gésier, déjà on
156 QUATRIEMNE LECGON.
ne peut plus musculeux par lui-même, a sa surface interne régu-
lièrement couverte, non plus de simples tubercules cornés, mais
de pointes véritablement osseuses, comme celles qui se voient à la
surface du corps de la Raie bouclée. Ces pointes, en cône aplati,
ont cinq millimètres à leur base et cinq ou six millimètres de
hauteur; elles sont inclinées, à droite sur l’une des parois, et à
gauche sur l’autre; de sorte que par le jeu musculaire de l’or-
gane, au premier temps de la digestion, elles s’engrènent les
unes dans les autres comme les dents d’une machine à broyer.
Lorsque l'organe est entièrement désséché, ces espèces de dents
se détachent de la membrane à laquelle elles adhéraient par un
pédicule central fibreux qui permettait leur mobilité.
Fig. 177.
Partie interne de l'estomac Partie interne de l'estomac
du Héron. du Puffin.
&
L’estomac musculeux, comme le fait observer Carus, ne se
trouve pas exclusivement chez les oiseaux granivores ou herbi-
vores. [l peut se produire jusqu’à un-certain point chez les oi-
Er
à
-1
APPAREIL DIGESTIF. 157
seaux de proie quand on Les nourrit exclusivement de grans et
d'autres substances végétales.
| N.
DE
EL
h
(NV
Fig” 178. Fig. 179. Fig. 180.
Ventricule et gésier Ventricule et gésier Gésier de Pic
de Faucon. de Faucon, divisés et vu à l'intérieur.
vus à l'intérieur.
Il est à remarquer aussi que des espèces semblables, come
forme extérieure, diffèrent cependant par la disposition de leur
estomac, approprié d’ailleurs au climat qu’elles habitent et
à la nourriture dont elles font usage. Ainsi Home a fait voir
que l’Autruche d'Afrique (Struthio camelus) a un large ven-
tricule succenturié, qui se recourbe de bas en haut, pour
s'ouvrir dans un petit gésier très-musculeux; tandis que celle
d'Amérique (Rhea Americana) a le gésier plus spacieux, mais
formé de parois plus minces, dans lesquelles Carus.a constaté la
présence d’un appareil glanduleux particulier.
Un physiologiste a dit que le gésier remplissait des fonctions
analogues à celles des dents molaires, tandis que le bec repré-
sentait des dents incisives. Quoi qu’il en soit, om sait qu’un grand
nombre d'oiseaux ont l'habitude d’avaler beaucoup de petites
pierres, afin d’armer en quelque sorte leur estomac de dents
étrangères ; et l’on a dû être surpris de voir le gésier suppor-
mere 14
158 QUATRIÈME LECON..
ter, sans inconvément souvent, mais non toujours sans danger, la
présence de morceaux de verre on de pointes métalliques, qu'il
parvient à émousser et à broyer dans un temps assez court. On a
observé, dit Buffon, que le seul frottement dans le gésier avait
rayé profondément et usé presque aux trois quarts plusieurs
pièces de monnaie qu'on avait fait avaler à une Autruche.
L'orifice pylorique du géster forme un canal à parois molles et
quelquefois assez dilaté pour être considéré comme un estomac
accessoire. Les intestins, maintenus par un mésentère, ont moins
de longueur que chez les mammifères, et le gros intestin est
généralement si court, qu'il correspond à peine au rectum de ces
derniers. Le canal intestinal est très-court chez la plupart des
rapaces. Il a au contraire une longueur extraordinaire chez les
Gorfous et Sphénisques, notamment chez le Manchot (Apteno-
dytes demersa).
Les parois musculeuses de l'intestin sont ordinairement fort
épausses, et la plupart du temps la membrane interne est cou-
verte de villosités très-longues, qui en garmissent toute l’étendue,
à l'exception seulement des cœcums.
Chez plusieurs palmipèdes, l’Oie par exemple, la partie anté-
rieure du canal intestmal est couverte de plis longitudmaux
ondulés, qu'ou rencontre fréquemment aussi chez les passereaux,
et qui disparaissent dans les cœcums, où 1ls sont remplacés par
des villosités. Il n’existe dans la plupart des animaux qu'un seul
cœcum, qui forme la première partie du gros intestin; chez les
oiseaux, 1l y en a le plus souvent deux, et leur longueur est
très-variable. Ils représentent deux appendices vermiformes pla-
cés à droite et à gauche de l’intestin. Ils sont très-longs chez les
oiseaux qui vivent de substances végétales, comme les Poules,
les Faisans, les Paons, les Pintades, les Oies, les Cygnes; plus
courts chez la Chouette, le Coucou, la Bécasse, la Grue, le
Pélican, etc.; plus courts encore chez les Pigeons, les Cor-
ÉD UE no ra 2 AC ré
APPAREIL DIGESTIF.
159
beaux, les Pies-Grièches, les Moineaux, etc.; très-courts enfin
chez les rapaces, les Mésanges, la Ci-
goghe, les Mouettes, etc. Il n’y a
qu'un seul cœcum, parfois roulé en
spirale, chez le Héron, le Butor, le
Harle. On n’en trouve aucune trace
chez les Zygodactyles, Perroquets et
Pics. Le Martin-pêcheur, la Huppe et
le Cormoran en sont aussi privés. On
ne connaît que quelques oiseaux gra-
mivores, les gallicacés, par*exemple,
chez lesquels le gros intestin soit sé-
paré de l'intestin grêle par une sorte
de valvule.
On sait combien les oiseaux ont con-
tribué et contribuent encore tous les
jours à la distribution de certaines
plantes à la surface du globe, et, sans
parler de notre Draine, dont les excré-
lions conservent intactes les baies de
gui qu'elles transportent à grande dis-
tance au détriment des arbres sur les-
quels elle les dépose, combien ne pour-
rait-on pas citer d’autres oiseaux qui
Fig. 181.
Tube digestif et foie
de la Poule commune.
ont la même mission à remplir! Les Pigeons, surtout ceux dits
Muscadivores, qui répandent et multiplient la muscade dans
toutes les iles et dans les moindres îlots de la mer des fndes et de
l'Océanie; les Pardalottes, et beaucoup d’autres petits oiseaux
qui transportent tant de plantes parasites sur les arbres des fo-
rêts de la Nouvelle-Hollande. La conservation des graines dans le
tube digestif des oiseaux ne dépend, au dire de Carus, que de
l'absence de valvules aux orifices cardiaque et pylorique, d’ail-
160 _ QUATRIÈME LEÇON.
leurs assez rapprochés l’un de l’autre pour que ces graines
passent dans l’intestin sans avoir subi -d’altérations. Banks
assure même que les graines qui ont traversé le canal alimen-
taire d’un oiseau germent beaucoup plus promptement que
d’autres. | |
Peut-être est-ce à une orgamisation semblable que les Gla-
réoles, ces oiseaux si difficiles à classer, doivent de rendre in-
tactes les carcasses des sauterelles, dont ils sont très-friands.
Ces insectes ne perdent en effet, pendant leur séjour dans le canal
intestinal des Glaréoles, que leurs parties molles internes; leur
enveloppe plus ou moins dure n’éprouve aucune altération. L’ob-
servation de ce fait est due à Jules Verreaux.
Annexes du tube digestif. — Les sécrétions chez les
oiseaux, comme chez tous les animaux, sont le produit de di-
verses glandes ou organes glanduleux, tels que le foie, le pan-
créas, les reins, etc., annexes glanduleuses du tube digestif, et
en communication avec lui par des canaux particuliers et plus
ou moins nombreux.
Quoiqu'il existe un rapport déterminé entre l'appareil sali-
vaire et celui de la mastication, la sécrétion salivaire chez les
oiseaux consiste généralement plutôt en un simple mucus qu'en
une véritable salive, car elle est épaisse et visqueuse. Elle a ce
caractère chez la plupart des Fissirostres, les Engoulevents et
surtout les Hirondelles, qui en font un si utile et s1 constant
usage pour la construction et la consolidation de leurs nids, et
aussi chez les Pics, où elle forme sur la langue un enduit gluant
dont ils se servent pour saisir leur proie.
Les glandes salivaires sont petites, et en plus grand nombre
chez les oiseaux de proie; mais elles ne sont chez aucun oiseau
plus développées et plus nombreuses que chez ceux qui vivent
de substances végétales.
OR RS APS SN PT EN TE ET PRET
APPAREIL DIGESTIF. 161
Le foie est plus volumineux relativement chez ces animaux
que chez l’homme et les mammifères, Composé de deux lobes,
il est couvert en avant par le sternum, et s'appuie en arrière sur
les poumons, où il est même retenu par les parois des cellules
aériennes qui le tapissent de leurs prolongements. Get organe
varie de grosseur selon les ordres ou les familles. Les échassiers
et les palmipèdes sont ceux qui l'ont le plus volumineux, puis-
qu'il varierait de ;# à © du poids du corps ; tandis que les ra-
paces sont ceux qui l'ont le plus petit, son poids ne variant que
de + à + de celui du corps.
La vésicule de fiel n'existe pas chez tous les oiseaux. Garus l’a
cherchée en vam dans le Perroquet et le Pigeon ; d’autres ana-
tomistes ne l'ont pas trouvée dans la Pintade, la Gélinotte, le
Paon et l’Autruche, tandis qu'on l'aurait observée chez les
Nandous et le Casoar. Dans le Toucan, cette vésicule est étroite,
mais d'une longueur remarquable, puisqu'elle s’étend à presque
toute la cavité abdominale, d’après Meckel.
Nous reviendrons sur ce fait assez remarquable de l'absence
ou de la présence de la vésicule biliaire chez les oiseaux, en trai-
tant de la coloration de leurs œufs.
On sait que c'est en augmentant la nourriture et en dimi-
nuant le mouvement musculaire que l’on parvient chez plu-
sieurs oiseaux domestiques, notamment les Oies, à faire grossir
considérablement leur foie, et à convertir sa substance en une
masse graisseuse qui conserve à peine les caractères du foie
normal.
Le pancréas, dont la sécrétion se verse dans l'intestin, suit les
mêmes proportions que le foie dans les diverses familles ornitho-
logiques. Cet organe, situé, chez les oiseaux, dans l’espace formé
par l’anse de la circonvolution intestinale, a souvent une grande
longueur, et, en général, son volume est aussi plus considérable
que dans aucune autre classe du règne animal ; très-petit chez
que
162 QUATRIÈME LEÇON.
les rapaces, il est très-gros chez les oiseaux qui vivent de végé-
aux.
Les reims, organes sécréteurs de l urine, sont Spongieux,
multilobés, et ‘d'un brun rouge foncé. Assez petits chez les oi-
sceaux de proie, ils sont plus gros chez les échassiers et les pal-
mipèdes. Chez la Cresserelle, leur poids, comparé à celui du
corps, donne 4 ; il donne Æ chez le Vanneau et Z chez le
62
Harle. Quel que soit le développement de ces organes, la sécrétion
urinaire se réduit à fort peu de chose, et elle est presque nulle
dans la plupart des oiseaux, quoique l'on ait reconnu chez pres-
que tous l'existence d’uretères descendant le long de la paroi
tergale du bassin; et, comme 1l n'y a pas de vessie, ces uretères
s'ouvrent directement dans le cloaque au bord du rectum.
L'urme ressemble beaucoup à celle des reptiles sauriens ; elle
contient une si grande quantité d'acide urique, de carbonate et de
phosphate calcaires, qu’elle ne tarde pas à se concréter, et forme
ordinairement, autour des excréments, un enduit blanc que l’ac-
tion de l'air convertit bientôt en une masse friable.
L’Autruche et le Casoar sont, d’après Cuvier, les seuls oiseaux
qui puissent évacuer séparément leur urme et leurs excréments.
Chez presque tous les oiseaux, 1l existe sur le croupion, au-
dessus des dernières vertèbres caudales, une
glande bilobée, plus ou moins développée,
mas remarquable par ses proportions, sur-
tout chez les oiseaux d’eau. Cette glande s’ou-
vre à la surface de la péau et fournit une sé-
Fig. 182. ; $
Glande du croupion. Crétion huileuse avec laquelle ces animaux
graussent et lustrent leurs plumes. Ils pren-
nent ce corps gras avec le bec et l’étalent aussi habilement
qu'on pourrait le faire avec un peigne. Chez quelques espèces,
la sécrétion fournie par la glande du croupion est odorante; le
Canard musqué en offre un exemple; chez toutes, ce corps gras.
CŒUR ET SYSTÈME VASCULAIRE. 165
couvrant les plumes, les rend impénétrables à l’eau, qui glisse
sur leur surface.
CŒUR ET SYSTÈME VASCULAIRE.
Le cœur des oiseaux ressemble beaucoup à celui des mammi-
fères. Comme chez ces derniers, il est placé sur la ligne médiane
et dans l'axe du corps; sa pointe est logée entre les lobes du foie.
Il est formé de deux moitiés, gauche et droite, sans communica-
tion, et chaque moitié comprend un ventricule et une oreillette
en communication directe. [Il devait en être ainsi chez des ani-
maux présentant l'appareil respiratoire le plus compliqué et le
plus étendu. Aussi le sang qui revient du corps au cœur pour
être revivifié par les poumons est-1l séparé de celui qui a été re-
vivifié et doit être renvoyé du cœur à toutes les parties du corps.
Parmi les vertébrés, les oiseaux et les mammifères seuls présen-
tent cette disposition, quin est qu'indiquée chez les reptiles. Mais,
chez les oiseaux, le sang s’oxygène ou se revivifie, non-seulement
daus les poumons, mais encore dans de nombreuses cellules aé-
riennes répandues dans diverses parties du corps, et dont nous
parlerons plus loin ; il y a done chez eux des surfaces bien plus
étendues pour le contact de l'air avec les vaisseaux capillaires;
c'est un moyen d'oxygénat:on du sang de plus que chez l’homme
et les mamnufères.
Nous ne dirons rien de l'appareil vasculaire des oiseaux, lequel,
pour la distribution des artères et des vemes et leurs ramifica-
tions, ne diffère pas de ce qu'on sait des mêmes organes chez les
autres animaux vertébrés. Nous parlerons néanmoins d’une dis-
position vasculaire toute particulière à la peau des oiseaux, et qui
se rattache à l'incubation. |
Il existe beaucoup de faits dont les causes sont entièrement
ignorées : tel est, entre autres, le besoin que paraissent éprouver
164 QUATRIÈME LECON.
les femelles des oiseaux à couver. Prenons pour exemple l'espèce
la plus commune, la Poule domestique. La Poule qui obéit au
besoin de couver se place et reste dans la position de couveuse,
alors même qu'elle n'a pas d'œufs sous elle; et, presque tou-
jours, 1l faut lui faire violence pour la rendre à ses habitudes;
quelquefois les violences sont inutiles, et la couveuse persiste
malgré les privations auxquelles on la soumet. Comment expli-
quer, dit Daudin, ce soin de tous les oiseaux pour construire
un nid et couver leurs œufs avec assiduité et une sorte de ten-
dresse, si nous ôtons à ces imdustrieux animaux la faculté de pré-
voir quel sera le résultat de leurs soins? Comment concevoir
cet esclavage auquel ils se condamnent volontarement pendant
plusieurs jours de suite, souvent un mois, lors même qu'ils
n'ont pu avoir appris que ces œufs doivent donner naissance à
des petits? L'incubation est un mystère pour nous : cependant,
s’il est permis de former des conjectures sur les causes qui pro-
duisent ce besoim chez l'oiseau, ne peut-on pas le regarder
comme une conséquence nécessaire de la loi de conservation de
l'espèce? Une nourriture abondante semble augmenter ce besoin
chez nos oiseaux de basse-cour. Les mères paraissent éprouver
un vif plaisir pendant l’incubation, et elles nous montrent évi-
demment par leur persévérance qu'elles prévoient le résultat de
leur ponte et de l’incubation.
On sait que la poitrine et l'abdomen des couveuses sont natu-
rellement le siége d’une irritation qui se manifeste lorsque la
ponte est terminée; et l’on produit même aruficiellement cet
état d'irritation sur les Dindes et les Poules qu’on veut forcer à
couver, en leur frottant ces parties avec des orties. Mais on
n'avait pas remarqué que cette irritation état indiquée par la
présence de taches rouges produites par des réseaux ou plexus
vasculaires découverts par Barkow, et désignés par hui sous le
nom d'organes incubateurs. Déjà cependant Fober avait reconnu
PR AT TT ee Ver D We RE AN NAN TE TE HEC
NAS ST D et 10 UE: Ne TEE
CŒUR ET SYSTÈME VASCULAIRE. 165
que les Pingouins, les Guillemots et le Macareux arctique, qui ne
pondent généralement qu'un seul œuf, avaient une tache sur
chaque côté de la poitrine, tandis que les autres oiseaux qui ne
pondent aussi qu'un seul œuf ne présentaient qu'une seule
tache, et il expliquait la présence de deux taches d’meubation
chez les premiers par la nécessité de chauffer leur œuf unique
alternativement par l’une et l’autre tache.
_ Cette observation de Fober, faite sur des oiseanx qui ont tant
d'inaptitude à couver par ne de l’organisation incomplète de
leur appareil locomoteur, devait conduire à la découverte des
mêmes organes chez d' oiseaux, et c'est
ce qui est arrivé. En effet, Barkow et Nitzsch
ont fait de nombreuses recherches, et l'on
doit au premier de ces anatomistes la des-
cription exacte de l'organe imcubateur du
Grèbe huppé. Ces plexus, qu'on rencontre
sur plusieurs points de la poitrine et du ven-
tre des oiseaux, sont formés d'une mult-
tude d’artérioles fréquemment anastomosées,
flexueuses, et d'un nombre correspondant de
veines. [ls se trouvent sous la peau, et four-
nissent du sang en abondance aux parties qui
sont destinées à l’incubation des œufs.
+ À ces organes incubateurs, dont le nombre
varie, correspondent extérieurement les ta-
ches d'incubation représentées par des por-
Lions de peau privées de plumes, et qui s'ap-
pliquent sur les œufs pour leur communiquer du Grèbe huppé.
immédiatement la chaleur nécessaire. Ces
taches sont souvent élargies par l'oiseau, qui s’arrache des plu-
mes et du duvet, ainsi qu'on le remarque chez les Oies et les
Canards. Elles se remarquent exclusivement chez les femelles
Fig. 185.
166 QUATRIÈME LECON.
dans la plupart des oiseaux qui en sont pourvus, mais elles s’ob-
servent exceptionnellement chez le mâle dans le genre phala-
rope. On sait, en effet, que dans ce genre d'oiseaux aquatiques,
c’est sur les mâles que retombe en grande partie le som de l’in-
cubation.
Pour terminer ce que nous avons à dire du système vasculaire,
nous aurions à parler des vaisseaux lymphatiques; mais nous ne
pourrions le faire sans aborder des détails sans intérêt réel pour
nos lecteurs, et nous nous bornerons à dire que les oiseaux pré-
sentent des vaisseaux Iymphatiques dans presque toutes les par-
lies du corps, et que ces vaisseaux suivent le même trajet que les
artères.
APPAREIL DE LA RESPIRATION.
Rien ne distingue mieux la classe des oiseaux de toutes les
autres classes de vertébrés que l'étendue de l’appareil de la res-
pration. Cette fonction, dit Virey, qui domime toutes les autres
chez ces habitants de l'air, imprime toute son énergie à leur
constitution; et, si l’on peut dire de quelque corps vivant qu'il
est embrasé, consumé du feu de la vie, c’est de l'oiseau qu'il faut
parler. L’étendue considérable de ses poumons, l'absence d'un
diaphragme, l'existence de nombreux sacs ou réservoirs de l'air,
celle de canaux qui distribuent cet air dans toutes les parties du’
corps, sous la peau, dans les plumes et jusque dans l'intérieur
même des os, expliquent sa pétulante mobilité, son énergie, sa
chaleur. En effet, de tous les animaux, les oiseaux sont ceux
qu développent le plus de chaleur et consomment le plus d’oxv-
gène. La température de leur corps est constamment supérieure
à celle des autres êtres vivants ; elle dépasse de deux ou trois de-
grés et plus celle de l’homme.
L'appareil de la respiration se compose d’un larynx supérieur,
|
APPAREIL DE LA RESPIRATION. 167
d’une trachée plus ou moins longue, d’un larynx inférieur, de
bronches, de poumons, de sacs aériens et de cellules osseuses.
Quelques-unes de ces parties ne se trouvent que chez les oiseaux
et seront le sujet de détails fort intéressants.
L'air introduit par les narines traverse l’ouverture nasale pos-
térieure et pénètre dans le larynx par une fente longitudinale
(glotte) placée derrière la base de la langue. Des papilles dirigées
d'avant en arrière ferment l'ouverture de la glotte pendant. la
dégiutition et remplacent l’épiglotte ou valvule qui se trouve
chez l'homme et les mammifères, et sert à empêcher les aliments
solides ou liquides de s’introduire dans le canal réservé exclusi-
vement au passage de l'air. Quelques oiseaux Sa Tu ont une
épiglotte rudimentaire.
Fig. 183.
Glotle et partie supérieure , " Cartilages du larynx supérieur, et premiers anneaux
de la trachée de l’Aigle royal. de la trachée, séparés et vus de profil et de face.
Le larynx supérieur est formé par la réunion de plusieurs
pièces cartilagineuses ; la principale présente la forme allongée
d’un bec d'aiguière et constitue avec ses accessoires la première
partie d'un tube plus ou moins long, formé d’anneaux cartilagi-
neux ou osseux souvent tr D obreae et réunis par une mem-
168 QUATRIEME LECON.
brane musculeuse qui favorise là flexibilité, l'allongement ou le
raccourcissement du tube. Ce tube est connu sous le nom de tra-
chée ou trachée-artère ; 1l présente quelquefois un renflement ou
tambour cartilagineux ou osseux vers son extrémité inférieure ou
près de sa bifurcation. La trachée est d’une lon-
gueur très-variable, mais qui n'est pas toujours
proportionnée à celle du cou; quelques espèces
ont en effet une trachée contournée et rephée de
diverses façons. Les flexuosités dont nous parlons
sont toujours plus prononcées chez les mâles;
quelquefois elles ‘sont logées dans la crête du ster-
Fig. 188.
Trachée du Trachée s'étendant jusqu dans, la crête du sternum.
Coq de bruyère. Grue.
num, comme on le voit chez la Grue et le Cygne chanteur,
ou seulement placées sous le jabot, comme chez le Coq de
bruyère et le Cassican de Kéraudren. Jusque dans ces derniers
temps, on supposait que la trachée ne présentait de flexuo-
sités que chez les oiseaux des ordres inférieurs, et le Cassi-
APPAREIL DE LA RESPIRATION. 169
cau de Kéraudren était l'unique exception citée parmi les passe-
reaux; cependant le Céphaloptère penduligère, découvert, il y a
trois ou quatre ans, dans l’Améri-
que du Sud, fournit une seconde
exception avec ce caractère particu-
lier, qu’au tiers de la trachée il
existe un renflement considérable,
sous forme globuleuse, qui fait res-
sembler la voix de cet oiseau au
mugissement d’un bœuf. La lar-
geur et la solidité des anneaux dont
la trachée se compose varient aussi
beaucoup; 1ls sont minces comme
des fils et très-flexibles chez les o1-
seaux chanteurs; larges et presque Lu
eZ : ig. 189. Fig. 190.
osseux chez ceux qui ont uné voix Mnisclécdu lame ché.
rauque et dure; ils sont même sou- |
dés entre eux chez certaines espèces à voix plus forte. Enfin la
trachée affecte des formes diverses et son diamètre peut présen-
ter des inégalités dans l'étendue du tube; elle peut être plus
large au milieu qu'aux extrémités, conique, régulière, dilatée
ou rétrécie dans certaines parties. Elle peut être allongée ou rac-
courcie par des muscles particuliers plus développés chez les o1-
seaux dont le larynx inférieur n’a pas de muscles propres que
chez les oiseaux chanteurs, qui ont, comme nous le verrons, un
appareil vocal plus compliqué et plus perfectionné. Le larynx im-
térieur, que l’on trouve chez les oiseaux seulement, est formé
par une membrane tendue à la partie mférieure de la trachée et
formant au-dessus ou au niveau de la bifurcation des bronches
une sorte de valvule circulaire plus étroite que la trachée dans
l’intérieur de laquelle elle fait saillie. Cette membrane, unique et
double suivant & position qu’elle occupe au-dessus ou au niveau
JORRIe ee 15
170 QUATRIÈME LEÇON.
de la bifurcation, présente une ouverture par laquelle l'air chassé
des poumons doit passer en imprimant des vibrations plus ou moms
fortes à la membrane et à la colonne d'air en mouvement dans
le tube trachéen et même à ses parois. La membrane constituant
le larynx inférieur est le plus souvent tendue par de petits mus-
cles dont le nombre varie beaucoup et dont le jeu, combmé avec
l'allongement ou le raccourcissement de la trachée, produit des
tons variés. Mais cette complication, nous devrions dire eette
perfection, ne se rencontre pas chez tous les oiseaux, et leur voix
présente des différences extrêmes, qui s'expliquent par des dis-
positions anatomiques dont nous allons parler. |
=
A
EE)
=
Fig. 191. — Larynx Fig. 192. Fig. 195. Fig. 194.
inférieur du Perroquet. Larynx inférieur du Rossignol, fortement grossi.
Parmi les oiseaux dont le larynx infé-
rieur est simple et n'a pas de muscles
particuliers, les uns ont vers la partie in-
férieure de la trachée des tambours ou
dlatations osseuses ou membraneuses, et,
dans ce dernier cas, soutenus par des arcs
7 “En,
CR
Fe. 184. et les Harles; ces dilatations sont beau-
Larynx inférieur du Canard. coup plus développées chez les mâles,
aussi leur voix est-elle beaucoup a
creuse que celle des femelles, qui ont la voix plus aigre et plus
osseux, comme on le voit chez les Canards :
APPAREIL DE LA RESPIRATION. 171
aiguë. La discordance dans la voix de ces animaux lient à la
position des dilatations à l’origme des bronches et à l'inéga-
lité des membranes et des tambours. Les autres n'ont pas de
dilatations, mais les anneaux de la trachée sont plus distants et
permettent une compression latérale. Cette disposition et la si-
tuation plus élevée de la membrane, qui n'a alors qu'une seule
ouverture, expliquent l’acuité du son produit; le Coq commun en
est un exemple. Les oiseaux dont le larynx mférieur a des muscles
spéciaux présentent des différences d'autant plus avantageuses à
la finesse des sons que l'appareil est plus compliqué et plus
flexible; dans ce cas, l'allongement ou Le raccourcissement de la
trachée n'apporte pas de modifications sensibles à la voix.
4° Il peut n'y avoir qu’un seul muscle : les Faucons, les Foul-
ques, les Bécasses et presque tous les oiseaux de rivage à bec
grêle sont dans ce cas. Mais la position de ce muscle varie beau-
coup, et organe entier subit l'influence de cette varaition et pro-
duit autant de voix différentes. Ce muscle, en effet, prend son
point d'appui sur le dernier anneau ou sur l’avant-dernier dans
les espèces dont nous venons de parler; et 1l peut le prendre sur
les anneaux qui suivent, de sorte que la longueur du muscles
corr.spond à la distance de trois, emq ou sept anneaux trachéens,
comme on le voit chez les Martms-pêcheurs, les Coucous et les
Chouettes. |
2° Il peut y avoir plusieurs paires de muscles : les Perroquets,
par exemple, en ont trois paires, et, quoiqu'ils n'aient pas la voix
agréable, ce qui tient à la rigidité de leur trachée, 1ls peuvent
cependant la varier beaucoup pour le ton, l'intensité, et 1ls arri-
vent à imiter les sons étrangers et souvent même la voix hu-
maine. Les oiseaux chanteurs ont Jusqu'à cinq paires de muscles;
maIs, parmi ces oiseaux, il y a de nombreuses distinctions : les
uns, Rossionols, Fauvettes, Serins, Linottes, Alouettes, sont Les
plus appréciés. Chez eux l'appareil vocal est d’une flexibilité re-
172 QUATRIÈNE LECON.
marquable : ausst leur voix est-elle plus modulée. autres,
Étourneaux, Merles, ont encore une voix agréable, mais déjà
moins Hérble: d’autres enfin, quoique réunissant É conditions
organiques nécessaires, croassent plutôt qu'ils ne chantent : ce
sont, par exemple, les Pics, les Geais, les Corbeaux.
Pour expliquer ce résultat singulier 1l faut remarquer d’abord,
dit Cuvier, que les facultés physiques apparentes ne sont pas les
seules causes qui déterminent les actions des animaux, et qu’il y
en a d’une nature plus délicate, dont on désigne l’ensemble par
le nom d'instinct, saus en connaître la nature. Ainsi il est bien
clair que c’est l'instinct seul, et non pas la forme de l'instrument
musical, qui a déterminé les airs naturels à chaque espèce d’oi-
seau, puisque ces espèces apprennent à se contrefaire l’une l’au-
tre, et qu’on en’a vu plusieurs, dont le chant naturel diffère
beaucoup, apprendre avec une facilité presque égale à chanter
les airs qui leur sont enseignés par un siffleur, par une serinette,
ou même par un autre oiseau. Les oiseleurs ont même observé
que les Rossignols, pris très-jeunes, ne chantent jamais aussi bien
ue les Rossignols sauvages, à moins qu'on ne suspende leur cage
à la campagne, dans les lieux où ils puissent entendre ces der-
mers. D'un autre côté, des oiseaux dont le ramage naturel est
assez peu agréable, tels que le Bouvreuil, qui grince comme une
scie, où l'Étourneau, qui à un cri si aigre, peuvent être perfec-
tionnés par les soins de l’homme, et d-venir d’assez jolis chan-
teurs ou siffleurs. Nous en avons de nombreux exemples : 1} y a
aux Tuileries, dans la salle à manger de madame Rollin, dont le
goût exquis a rassemblé une Imfinité de ces petits trésors natu-
rels, un Bouvreuil dont la voix mélodieuse et ravissante sur-
prend toutes les personnes qui l’entendent.
On peut dire en général que les oiseaux compris dans la série
des chanteurs sont loin d’avoir des chants ou des voix analogues
pour l'agrément, et que si les différences anatomiques qu'ils pré-
»
PANISL RSR EP Se NT PDO
APPAREIL DE LA RESPIRATION. 179
sentent ne sont pas toujours proportionnées à l'énorme diffé-
rence dans la voix, cela n’a rien qui doive surprendre. La plus
simple modification, parmi celles même qui échappent à l’appré-
cation anatomique, suffit pour transformer la voix. L'homme, qui
représente un type spécifique qu'on dit parfaitement organisé,
offre toutes les nuances possibles dans la voix et peut servir à
démontrer qu’mdépendamment de la forme organique du larynx,
il ya une aptitude musicale particulière qui n’appartient pas à
l’espèce, mais seulement à quelques individus, et que cette apti-
tude même peut se développer par l'éducation, aussi, quoique
tous les oiseaux de la même espèce aient naturellement la même
voix, 1l en est dont le chant est bien supérieur à celui des autres.
Parmi les oiseaux dont le larynx a cinq paires de muscles, on
trouve un certaur nombre d'espèces qui ne donnent jamais que
des sons faux ou au moins très-désagréables. Cela tient, dit Cu-
vier, d'une part, au timbre de leur instrument, et, de l’autre, à co
que la mobilité de leur trachée n'est pas en rapport avec celle de
leur larynx inférieur; car on comprend que si la trachée est im-
mobile dans sa longueur et ne peut s’accommoder aux vartations
de ce larynx, les sons produits seront faux et discordants. On
comprend aussi que ces sons seront désagréables toutes les fois
que le diamètre des diverses parties de l’organe n'aura pas des
dimensions convenables et présentera des renflements ou des
rétrécissements. Mais en général les oiseaux doivent la facilité
qu'ils ont de varier les sons et d’imiter plus ou moins grossière-
ment la voix humaine au nombre de muscles que présente leur
larynx inférieur.
Avant de compléter tout ce que nous avons à dire de la.voix
des oiseaux, et pour être plus facilement compris, il faut que
nous termimons la description des autres parties de l'appareil
respiratoire, | :
Fextrémité mférieure de la trachée se divise en deux branches
15.
174 QUATRIÈME LECON.
qui se dirigent obliquement à droite et à gauche vers les pou-
mons; ce sont les bronches, qui ont à peu près la même orgami-
sation que la trachée et qui conduisent l’air dans les poumons et
les sacs aériens.
Fig. 196. Fig. 197.
Côté antérieur des poumons et ouvertures Côté postérieur des poumons
de communication avec les sacs aériens, et divisions des bronches,
d'après Sappey. . d'après Sappey.
Les poumons des oiseaux représentent deux masses aplaties et
comme spongieuses, logées à la face dorsale de la poitrme, qu'ils
tapissent et sur laquelle ils se moulent, en s’enfonçant dans les
intervalles des côtes à droite et à gauche de la colonne vertébrale.
Ils diffèrent de ceux des autres animaux surtout par leurs rap-
ports avec les parois postérieures du thorax auxquelles ils sont
fixés et par leur étendue vers Le bassin; leur face antérieure,
libre et concave, correspond à des sacs aériens qui viennent s’y
appliquer. Séparés l’un de l’autre par la colonne vertébrale, les
poumons de l'oiseau sont enveloppés par une membrane (plèvre)
qui est plus apparente à leur face antérieure. L'extrémité de
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È
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À
APPAREIL DE LA RESPIRATION. 175
chaque bronche pénètre dans le poumon, qui n’a qu'un seul lobe,
et bientôt ne présente plus d’anneaux cartilagineux complets. Le
parenchyme du poumon est composé de tissu cellulaire, de ca-
naux aériens et de vaisseaux sanguins ramifiés à l'infini.
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Fig. 198. — Ouvertures des canaux aérifères, Fig. 199. — Poumons d'un Pigeon,
d’après Sappey. d’après fFlourens.
Des tubes aériens naissent un grand nombre de ramifications
secondaires formant des tubes parallèles qui distribuent l'air sur
la surface de chaque cellule pulmonaire et établissent ainsi un
contact incessant entre l'air inspiré et le sang à revivifier. Pen-
dant l’inspiration, la dilatation des poumons est favorisée par l’é-
cartement des côtes formées de deux pièces et celui du sternum ;
et, pour remplacer l’action du diaphragme, qui n'existe chez les
oiseaux qu'à l’état rudimentaire, on trouve plusieurs faisceaux
musculaires qui partent des côtes. et quelques ligaments qui
fixent ces poumons à la colonne vertébrale; Les faisceaux muscu-
176 : QUATRIÈME LECON.
laires dont nous venons de parler descendent obliquement vers la
partie inférieure des poumons, se relient à la plèvre, et, en se con-
lractant, ils tirent l'organe pulmonaire de haut en bas pour dila-
ter ses cellules et faciliter ainsi l'introduction de l'air dans toutes
ses parties. D’autres différences se présentent encore : l'air qui à
pénétré dans les poumons des oiseaux n'y est pas retenu complé-
tement dans les limites de l'organe, dont la surface présente de
nombreuses ouvertures en communication avec les sacs très-
développés dont nous allons parler et même avec les os.
Des prolongements et des replis de la membrane qui tapisse
les cavités du tronc et la masse intestinale forment des sacs con-
sidérables enveloppant tellement les viscères, qu'on pourrait dire
avec Carus que toutes les parties internes du corps des oiseaux
sont contenues dans les poumons et Les sacs aériens. Les ouvertures
de communication des poumons avec les sacs aériens sont situées
à la face interne et inférieure des premiers, et leur nombre va-
1ie de cinq à sept ou neuf. Ces ouvertures ont été découvertes par
Perrault, comme l’atteste son travail publié en 1666 dans les
Mémoires de l’Académie; depuis cette époque et tout récem-
ment encore plusieurs anatomistes se sont spécialement occupés
de ce sujet si intéressant, et l’on peut dire en général que les
principaux viscères sont enveloppés par un ou deux sacs aériens.
Il y en a deux autour du foie, un en avant et un en arrière du
cœur. Deux ou trois grands sacs abdominaux entourent les or-
ganes intestinaux et reproducteurs; il en existe même qui s’é-
tendent au delà du thorax et conduisent de l’air aux clavicules,
aux vertèbres du cou, aux humérus, aux fémurs, aux plumes et
à presque tous les os du tronc et des membres. Toutes les par-
Lies qui en sont pourvues communiquent si bien les unes avec les
autres et avec les poumons, qu'en poussant de l'air par un trou
pratiqué artificiellement au fémur ou à l’humérus par exemple,
on peut aisément insuffler le corps entier, et que l’ouverture acei-
SR er à
APPAREIL DE LA RESPIRATION. 177
dentelle d’une de ces parties suffit pour permettre à l'air chaud
contenu de s'échapper au dehors et pour ôter à l'oiseau la faculté
de voler. On peut voir aux galeries d'anatomie comparée du
Muséum le corps d’un Cygne dont tous les sacs aériens ont été
habilement insufflés et mis en évidence par le docteur Sappey.
Cette communication des os des oiseaux avec les poumons à
aussi été démontrée par les observations du docteur Pouchet. Les
recherches de notre savant confrère avaient pour but de consta-
ter la présence des corpuscules étrangers introduits avec l'air
Fig. 200. — Sacs aériens thoraciques et abdomi- Fig. 201. — Sacs aériens du cou
naux du Cygne, d'après Sappey. du Cygne, d'après Sappey.
inspiré dans les organes respiratoires de l'homme et des ani-
maux. Pour compléter ses curieuses études sur la micrographie
118 QUATRIÈME LEÇON.
atmosphérique, 1l à examiné les cellules osseuses des oiseaux, et,
comme les corpuscules une fois introduits dans les parties creu-
ses des os ne sortent que difficilement à cause de l’immobilité et
de l’irrégularité des parois, 1l y a trouvé de nombreux vestiges
de tout ce que l'air peut apporter dans l’appareil respiratoire. IL
a en effet constaté que chez les oiseaux qui vivent au milieu des
villes et surtout dans l'mtérieur des habitations on trouve, avec
une énorme quantité de fécule, des filaments d’étoffes diverses;
tandis que chez les oiseaux qui vivent libres dans les forêts on ne
trouve que des débris de matières végétales. Nous verrons bien-
tôt le rôle important que jouent les sacs aériens dans l'exécution
du vol des oiseaux; mais nous croyons devoir ajouter quelques
mots à ce que nous avons dit de la pneumaticité des os.
L'introduction de l’air dans les os ne se fait pas chez les très-
Jeunes oiseaux, souvent même les cavités aériennes ne sont pas
encore développées quand ils commencent à voler. Cette perméa-
bilité des os n’est pas au même degré dans toutes les familles; elle
est plus développée chez le Pélican, la Grue, la Gigogne, plus
bornée chez les Râles; mais, chez les Calaos, les os des mémbres
sont tous creux, voire même les phalanges onguéales des orteils.
Voici l'indication des parties du squelette dans lesquelles la
présence et la facilité d'introduction de l'air ont été constatées.
On remarque dans les parois du erâne, qui sont communé-
ment épaisses, mais sans solidité, une multitude de petites
colonnes osseuses déliées, et de nombreuses cellules communi-
quant ensemble, qui se remplissent d'air provenant soit de l'or-
gane auditif, soit des cavités nasales. La structure celluleuse des
os du crâne est surtout remarquable dans quelques Chouettes.
Les os de la face et en particulier ceux du bec admettent l'air
dans leur tissu cellulaire. Nous l'avons déjà dit en parlant du
bec des Calaos et des Toucans. Les cellules de la mêchoire infé-
rieure reçoivent de l'air de l'appareil auditif, et sont en commu
ES PE EE EPS
APPAREIL DE LA RESPIRATION. 179
nication avec celles des os du crâne. De tous les os de la face,
suivant Nitzsch, il n’y a que les zygomatiques et les sourciliers
qui soient ie
Il n’est pas rare que tous les os de l épaule, surtout les cla-
vicules postérieures ou os coracoïdiens, admettent l'air dans leurs
cavités. L'extrémité supérieure de l'humérus, qui est fort large,
offre une surface articukure oblongue et une grande ouverture
pour le passage de l'air. Les os de l’avant-bras reçoivent autant
d'air dans leur intérieur que les autres os de l'aile. Il n'est pas
jusqu'au sternum lui-même, cette plaque osseuse en apparence
inerte et passive, qui ne participe à cette faculté.
Tous les os du tronc, à l'exception de la première vertèbre cer-
vicale, ont des cellules aériennes, et sont pourvus de plusieurs
ouvertures particulières. Le fémur est ordinairement creux, et
les ouvertures par lesquelles l'air s’y introduit sont situées au voi-
sinage du trochanter. Cela cependant n'a pas lieu chez tous les
oiseaux, et 1l en est un grand nombre qui n'ont pomt d’ouver-
ture aérienne en cet endroit : tels sont la plupart des grim-
peurs et des passereaux, les gallinacés, le casoar, les échassiers
et les palmipèdes. Chez tous, au contraire, le tibia et le tarse
sont creux dans toute leur longueur. |
On ne s’est pas encore assez occupé de la distinction qu’il y au-
rait à faire dans les fonctions des sacs aériens et des cellules os-
seuses pour déternuner la part que ces organes peuvent prendre
à l’oxygénation du sang, et celle, plus importante sans doute,
qu'ils prennent à la pneumaticité qui permet à l'oiseau d'aug-
menter ou de diminuer alternativement sa pesanteur spécifique
pendant le vol. Toujours est-1l que les sacs aériens et les cellules
osseuses peuvent être Jusqu'à un certain point considérés comme
des poumons supplémentaires qui mettent le sang en contact
avec l'air sur des surfaces beaucoup plus étendues que chez les
autres animaux : car cet air essentiel à la locomotion aérienne
180 QUATRIÈME LEÇON.
de l'oiseau, et qui séjourne dans les sacs et les cellules, n’est
point encore complétement dépouillé de son oxygène, quoiqu'il
ait traversé les ponmons. On peut comparer le corps de l'oiseau
à un ballon rempli d'air et muni d’un appareil locomoteur.…
Nous verrons, dans une des leçons qui vont suivre, que ce n’est
qu'à l’aide de cet appareil pneumatique qu’on peut s'expliquer la
facilité avec laquelle se transportent à de si grandes distances et
entreprennent de si longs voyages des oiseaux fort peu organisés
en apparence pour le vol, tels que la Caille, et que des oiseaux
lourds et massifs comme les Oies et les Canards s'élèvent à de si
grandes hauteurs.
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MATIÈRES DES LECONS
DE LA SECONDE PARTIE DU PREMIER VOLUME
Suite des organes de la voix et du chant. --- Conservation et reproduction
de l'espèce. — Formation de l'œuf. — Pariades ; nidification. — Incubation:;
développement succes-if de l'embryon; éclosion. — Modes de locomotion
aérienne, terrestre et aquatique.— Distribution géographique. — Migrations;
inctinct , intelligence. — Classification. :
Cette seconde Partie est sous presse et paraîtra le 25 juillet.
PRIX :
Chaque demi- volume, fiqures noires. . . . as Le
— _ figures en couleur reouchées an pincean. 6: »
—<<}<—
MUSÉE ORNITHOLOGIQUE
PAR
J. G. CHENU, ©. DES MURS ET J. VERREAUX
Chaque volume de 100 Planches coloriées comprenant environ 150 oiseaux classés par ordres,
familles et ni avec la synonymie, la description et L'histoire sommaire de chaque espece.
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|
de
Le
MANUEL DE CONCHYLIOLOGIE
P ALÉONTOLOGIE CONCHYLIOLOGIQUE
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Oo. DES MURS J. VERREAUX
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ORNITHOLOGISTE NATURALISTE VOYAGEUR
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TOME PREMIER — DEUXIÈME PARTIE
Chardonneret.
| PARIS.
VICTOR MASSON ET
PLACE DE I ÉCOLE -DE-MÉDECINE
1862
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CINQUIÈME LECÇON
Suite des organes de la voix et du chant. — Conservation de
l'espèce. — Organes reproducteurs.
La présence des sacs aériens dont nous avons parlé dans la
lécon précédente permet de dire que le corps de l'oiseau est
un ballon rempli d'air et muni d’un appareil locomoteur. C'est
à cette pneumaticité, si exceptionnelle dans la série zoologique,
que doit être attribuée, sans aucun doute, la difficulté que l’on
éprouve à faire mourir certains oiseaux par la compression
de la trachée artère. Dans cette lutte suprême de l’instimct de
conservation contre la mort, ils emploient toute l'énergie et
toutes les ressources de leur riche constitution; et ce n’est
qu'après de longs et de persistants efforts qu'ils succombent.
Nous n'en citerons qu’un curieux exemple, rapporté par de
Humboldt.
Ce savant voyageur vit un jour des Indiens qui cherchaient à
tuer un Condor qu'ils avaient pris vivant. Après lui avoir serré
un lazzo autour du cou, ils le pendirent à un arbre et le tirèrent
par les pieds, pendant plusieurs minutes, avec une vigueur qui
ms Te 16
182 CINQUIEME LECON.
eût fait honneur à un bourreau. Lorsque l'exécution parut ter-
minée, on détacha le lazzo; l'oiseau se redressa sur ses pieds et
se mit à marcher, comme si rien ne lui fût arrivé. On lui tira
alors plusieurs coups de pistolet presque à bout portant ; il reçut
trois balles dans le cou, dans la poitrme et dans le ventre, et n’en
resta pas moins sur pied. Une quatrième balle Jui cassa la cuisse :
il tomba, mais 1l ne mourut de ses blessures qu'au bout d’une
demi-heure. Bompland voulut conserver cet oiseau.
Le docteur Colas, qui s’est occupé des organes respiratoires des
oiseaux, et à fait de nombreuses expériences sur diverses espèces,
raconte qu'il a pratiqué une ouverture sur les sacs aériens de la
partie postérieure du poumon d’une Corneille mantelée; qu'a-
près cette opération 1l a lié la trachée-artère, et que l'oiseau n'a
manifesté d'abord qu’une sorte d’étonnement, comme s’il se sen-
tait vivre d’une autre manière. Immédiatement après, 1l a mar-
ché, volé, disputé sa proie à d’autres oiseaux, et n’est mort qu'à
la fin du cinquième jour, parce que l’ouverture artificielle s’est
fermée. Il ajoute que la même expérience, faite sur un Pigeon,
un Coq et un Momeau, lui a prouvé que ces dermiers oiseaux
n'étaient pas capables de supporter aussi bien que le premier les
effets d’une telle révolution dans les fonctions respiratoires, et
qu'ils sont restés, jusqu'à la mort, plongés dans un état de grande
stupeur.
Nous avons à examiner maintenant le point de appareil vocal
où se forme la voix des oiseaux et les moyens à l’aide desquels ils
produisent et font varier les sons
Ce que nous avons dit des organes de la respiration chez ces
animaux rendra plus faciles les explications que nous devons don-
ner du mécanisme de leur voix. Ainsi nous savons que leur
trachée-artère présente diverses formes, qu’elle offre des rétré-
aissements où des dilatations plus où moins considérables, qu'elle
peut être allongée, soit par les muscles du larynx et par ceux qui
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ORGANES DE LA VOIX ET DU CHANT. | 185
prennent un point d'appui sur l'os hyoïde, soit par des muscles
particuliers partant du sternum et de la fourchette, et qu’elle
peut être raccourcie par l’élasticité des fibres tendineuses qui umis-
sent ses anneaux les uns aux autres. Gette faculté de s’allonger et
de se raccourcir, la longueur exceptionnelle de la trachée, la na-
ture cartilagmeuse et même osseuse de ses anneaux, contribuent
beaucoup à modifier le ton et le timbre de la voix.
Les oiseaux sont les seuls.animaux, avons-nous dit aussi,
chez lesquels on rencontre : 1° de nombreux et spacieux sacs
aériens qui reçoivent un volume considérable d'air destiné à
rendre l’oiseau spécifiquement plus léger, et à lui servir comme
d'un soufflet de musette pour pousser cet air dans son gosier.
20 Un second larynx à l'extrémité inférieure de la trachée.
Presque tous les oiseaux, à l'exception des Sarcoramphes, des
Autruches et des Casoars, ont ce larynx supplémentaire, qui est
plus important que le premier, puisque chez eux 1l constitue l’or-
gane de la voix ou plutôt du chant. En effet, diverses expériences,
surtout celles de G. Cuvier sur le Merle, la Pie, et le Canard, ont
démontré que les oiseaux auxquels on a coupé la trachée-artère
n'en continuent pas moins à pousser, mais plus faiblement, le er
qui leur est particulier.
Les mammifères ont, 1l est vrai, la faculté d’exprimer leurs
besoins ou leurs passions par des cris; mais 1ls sont dans l’im-
puissance, si bien organisés que soient quelques-uns d’entre eux
dans l'échelle zoologique, d'y Joindre la mélodie, encore moins
d'imiter les sons étrangers. L'homme seul peut articuler des
paroles, chanter et siffler, et 1l doit cette faculté à la grande supé-
riorité de son organisation.
Cependant, quoique le larynx de l’homme présente chez tous
le même type anatomique, il est facile de reconnaître que la voix
diffère, faut-il dire dans chaque individu, pour le timbre, la
force, la netteté et la finesse , et que la civilisation et l'éducation
- 184 CINQUIÈME LECON.
ont beaucoup contribué à donner à sa voix des formes plus douces.
Néanmoins que de différences encore même chez les hommes les
plus civilisés ! Ils sont loin d’avoir tous non-seulement l'aptitude
musicale, qui dépend autant de l'oreille que du larynx et que l’é-
ducation même ne peut pas donner, mais leur voix diffère à Pin-
fini. Si la forme de la bouche ou plutôt de la cavité buccale, la
disposition des dents, du voile du palais, la forme des os du nez,
celle de la langue et sa flexibilité, peuvent modifier considérable-
ment Le timbre de la voix humaine, il doit en être de même aussi
chez l'oiseau, qui sous tous ces rapports présente des différences
énormes d'espèce à espèce. Cependant chez beaucoup d'oiseaux
le chant est un des atiributs de leur organisation et de leur in-
stimct. Dans les bois ils chantent toujours de même; ils ne con-
naissent aucune méthode pour apprendre, 1ls solfient sans maître,
et néanmoins 1ls arrivent à chanter juste.
Le Tangara organiste doit ce nom à la faculté qu'il a de faire
entendre tous les sons de l’octave; et le Rossignol, ainsi que
d'autres Becs-fins, produisent dans leur chant tous les sons les
plus tendres; le prolongement de leur mélodie n’indique-t-1l
pas qu’ils réunissent à la douceur de leur voix toute la finesse
d’une oreille exercée? Ils mterrompent le sence des bois durant
des heures entières, et semblent prendre plaisir à s’écouter
chanter. |
L'instrument vocal des oiseaux est représenté par Cuvier
comme un tube à l'embouchure duquel est une anche membra-
neuse (membranes du larynx inférieur) placée au-dessus de la
bifurcation des bronches. Cette anche, formée par un repli de la
peau de la trachée, a deux lèvres très-flexibles et très-élastiques
qui représentent celles du joueur de cor de chasse. Il ne suffit pas,
âjoute-t-il, de souffler dans un tube pour y produire un son; ct,
quelle que soit la forme de ce tube, on n’obtiendra jamais de son si.
l’on y souffle à pleine ouverture : on ne produira qu'un transport
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ORGANES DE LA VOIX ET DU CHANT. 185
de l'air en masse, qui ne se fera pas plus entendre que le vent en
pleme campagne, lorsqu'il ne rencontre aucun corps qu'il puisse
mettre en vibration par les ébranlements qu’il lui communique
ou qui puisse le mettre lui-même en vibration par la résistance
qu'il lui oppose. Le joueur de cor, en serrant ses lèvres l’une
contre l’autre, les allongeant ou les contractant, en même temps
qu'il pousse une colonne d'air, produit des sons graves ou aigus.
Le tuyau, suivant sa nature, ne fait que modifier, diriger et aug-
menter le son produit à son embouchure par le corps sonore qui
y brise l'air et communique ses vibrations à la colonne d’air con-
tenue dans le tuyau. Le tube formé par la trachée au-dessus du la-
ryox inférieur et s'étendant jusqu'au larynx supérieur n’est pas
un simple conducteur de l'air respiré ou expulsé, mais bien aussi
un conducteur du son, un véritable porte-voix.
L’allongement, le raccourcaissement et la forme de cette tra-
chée donnent bien raison des différences de tons graves et aigus,
mais ils ne suffisent pas pour expliquer toutes les variétés des
sons produits par les oiseaux. Un des rôles que Joue le larynx
supérieur commence : la glotte, qui peut le fermer derrière la
langue, élargit ou rétrécit la fente longitudinale qui se trouve à
son centre et donne ainsi plus ou moins passage à l'air. Aucune
partie de cette glotte, qui varie fort peu d'oiseau à oiseau, ne peut
vibrer, s’allonger, se raccourcir, se tendre ou se relâcher de
manière à produire un son. Mais le jeu de ces ouvertures des
deux glottes inferieure et supérieure peut faire parcourir au son
toutes les notes d’une octave quelconque pour laquelle la trachée
et le larynx inférieur sont disposés. Il n’en faut pas davantage
pour donner à la voix des oiseaux toute la perfection imaginable,
puisque dans toute l’étendue de leur voix 1l ne sera pas une
seule note par laquelle 1ls ne puissent passer.
« Si l'oiseau veut donner le si de sa première octave, par
exemple, dit Cuvier, note qu'il ne pourrait produire que très-
16.
186 CINQUIÈME LECON.
difficilement par le raccourcissement de sa trachée, il disposera
son embouchure de manière à chanter l’ut au-dessus ; ce qu'il
fera facilement, cet ut étant l’octave, et par conséquent harmo-
nique du son fondamental. Alors il fermera un peu son larynx
supérieur, et, en baissant ainsi d’un demi-ton majeur, il donnera
le si demandé. S'il laisse à sa trachée toute sa longueur, et à
son embouchure sa disposition pour le ton le plus bas qui cor-
responde à cette longueur-là, l'oiseau pourra encore baisser pres-
que d’une octave, en fermant ainsi plus ou moins exactement son
larynx supérieur, et c’est là la mesure de l'étendue de sa voix
dans le bas. »
Rappelons-nous maintenant ce que nous avons dit du degré de
mobilité, de délicatesse, de flexibilité et en un mot de complication
ou de perfection de la glotte du larynx inférieur, et il sera facile
de comprendre que la voix d’un oiseau sera d'autant plus riche et
modulée qu'il pourra fre varier davantage le jeu de ce second
larynx. Il faut naturellement tenir compte aussi de la longueur
proportionnelle, de la forme, du diamètre des imflexions et de la
texture plus ou moins délicate de la trachée, autant que de la
nature plus ou moins cartilagmeuse ou osseuse des deux larynx.
« Ainsi les oiseaux qui ont la voix flûtée ont tous la trachée cy-
lindrique, comme les flûtes, les fifres, les flageolets. Ceux qui ont
la trachée en forme de cône, plus étroite vers le bas ou vers
l'embouchure que vers le haut, ont ce même caractère éclatant
qu’on connait aux jeux d’orgues qui ont cette forme.
« Le son est produit dans l'instrument vocal des oiseaux de la
même manière que dans les instruments à vent de la classe des
cors, des trompettes, des trombones, etc.; 1l est modifié, quant
à son ton, par les mêmes moyens que nous employons avec ces
instruments, c’est-à-dire : 1° par les variations de la glotte infé-
ricure, qui correspondent à celles des lèvres du joueur ou à celles
de la lame des jeux d’anches ; 2 par les variations de la longueur
ORGANES DE LA VOIX ET DU CHANT. 187
de la trachée, qui correspondent aux corps de rechange ou aux
différentes longueurs qu’on peut, pendant le jeu, donner à cer-
taines parties de ces instruments; 3° par le rétrécissement ou
l’élargissement de la glotte supérieure, qui correspondent à la
main du joueur de cor et à la fermeture ou aux cheminées des
tuyaux d’orgues. Enfin la voix des oiseaux est modifiée dans son
timbre par la texture plus ou moins osseuse, cartilagineuse et
délicate de toutes les parties de l'appareil vocal. Elle est d'autant
plus facilement variable qu'il y a plus de complication et de per-
fection dans cet appareil ; et enfin elle nous parait d'autant plus
agréable que leur trachée ressemble davantage aux instruments
dont les sons flattent notre oreille. »
Il faut reconnaître avec Buffon que la voix des oiseaux se mo-
difie suivant leurs affections, mais même qu'elle s’étend, se for-
üfie, s’altère, se change, s'éteint ou se renouvelle suivant les cir-
constances et le temps : comme la voix est, dit-il, de toutes les
facultés de ces animaux, l’une des plus faciles, et dont l'exercice
leur coûte le moins, 1ls s’en servent au point de paraitre en abu-
ser, et ce ne sont pas les femelles qui, comme on pourrait le
croire, abusent le plus de cet organe; elles sont bien plus silen-
cieuses que les mâles; elles jettent, comme eux, des cris de dou-
leur et de crainte, elles ont des expressions ou des murmures d’in-
quiétude ou de sollicitude, surtout quand elles ont des petits;
mais le chant paraît être interdit à laplupart d’entre elles. Le
chant est le produit naturel d’une douce émotion ; c’est l’expres-
sion agréable d’un désir tendre qui n’est qu’à demi satisfait : le
Serin dans sa cage, le Verdier dans la plaine, le Loriot dans les bois, -
chantent également leurs amours d’une voix éclatante, à laquelle
la femelle ne répond que par quelques petits sons de pur consen-
tement; dans quelques espèces la femelle applaudit au chant du
mâle par un semblable chant, mais toujours moins fort et moins
plein; le Rossignol, arrivant avec les premiers jours du printemps,
188 CINQUIÈME LECON.
ne chante point encore : 11 garde le silence jusqu'à ce qu’il soit
apparié ; son chant est d'abord assez court, incertain, peu fré-
quent, comme s’il n’était pas encore sûr de sa conquête, et sa
voix ne devient pleine, éclatante et soutenue, jour et nuit, que
quand 1l voit sa femelle s'occuper d'avance des soms maternels ;
il s'empresse à les partager ; 11 l’aide à construire le nid ; jamais
il ne chante avec plus de force et de continuité que quand il la
voit travaillée des douleurs de la ponte, et pour exciter le charme
d’une longue et continuelle incubation. Non-seulement il pour-
voit à sa subsistance, mais 1l cherche à faire paraître le temps
plus court en multipliant ses caresses, en redoublant ses accents
d'amour ; dès que les petits sont élevés, la voix du père s’affai-
blit graduellement et ne donne plus, vers la fin de l'été, que des
sons rauques, si différents des premiers, qu'on a bien de la peine
à se persuader qu'ils viennent du Rossignol, ni même d’un autre
OISEAU.
Si ce chant qui cesse pour se renouveler tous les ans, et ne
dure que deux ou trois mois ; si cette voix qui s'éteint comme un
_ feu que rien n’alimente plus, tandis que son ampleur et son éclat
ne sont complets que pendant la saison des pariades, paraissent
indiquer chez l'oiseau un rapport physique entre les organes de
la reproduction et ceux de la voix : ce rapport est mis compléte-
ment en évidence par l’altération et l’atrophie de ces organes
après ces mêmes époques ; enfin l'observation de tous les jours
démontre que les espèces domestiques et celles que nous retenons
captives en volière ne perdent n1 la faculté de chanter, ni celle de
se reproduire : les Coqs, les Serins, les Perroquets et quelques au-
tres espèces aussi famihères en a la preuve: 1ls chantent
et se reproduisent, faut-il dire, sans interruption.
Toutes ces questions been et toutes celles relatives
aux mœurs, aux instincts, n'auraient pu trouver de solution dans
l'enceinte de la plus riche collection d'oiseaux, qui ne permet de
ORGANES DE LA VOIX ET DU CHANT. ‘189
voir que leurs dépouilles inanimées rangées par groupes muets et
mélancoliques; c’est, comme nous l'avons déjà dit, dans les bois
et les campagnes qu'il faut étudier les animaux libres de toute
entrave, et quil faut observer leurs actions. C’est ainsi qu'on
donnera de l'intérêt à leur histoire. Gilbert White de Selborne,
pénétré de cette vérité, a étudié l'ornithologie sur les oiseaux
sauvages, et 1l s’est attaché à observer le caractère et la cause
des inflexions de leur voix ; il a cherché à saisir les différences
qu’elle présente à diverses époques et surtout à celles de la pa-
riade et des migrations. Il a reconnu le chant d'appel et du dé-
part, il a décrit en quelque sorte le langage qu'emploient les
oiseaux pour se communiquer leurs sensations, leurs projets, au
moyen de sons diversement modulés, et leurs émotions de joie,
de crainte et d'amour. C'est par des cris particuliers que certains
_ oiseaux s'appellent pour se rassembler sous la même feuillée, et,
au milieu de la confusion de tant de voix, on croirait remarquer
que chacun d'eux répond à un appel, comme s'il s'agissait de
constater sa présence. Les petits oiseaux font entendre une cla-
meur plaintive à la vue d'une Pie-grièche, leur ennemie. Un Éper-
vier, une Buse ou un oiseau de proie quelconque planent-ils
au-dessus d'un champ, aussitôt la perdrix Jeite un eri strident
qui rassemble rapidement et sans hésitation toute sa petite fa-
mille. Et, pour ne parler que de ce que chacun a pu ou peut ob-
server facilement, nos oiseaux de basse-cour voient-ils passer
dans les airs, au-dessus d'eux, un oiseau étranger, Pigeon,
Hirondelle, Ramier, qu'ils n'ont pas l'habitude de voir, ils font
immédiatement entendre un eri de détresse qui ne ressemble
aucunement aux gloussements de tendresse et d'mquiétude de
la poule qui promène ses poussins.
Le nom du Rossignol, a dit Buffon, nous rappelle quelques-
unes de ces belles nuits du printemps où, le ciel étant serein,
l'air calme, toute la nature en silence et pour ainsi dire atten-
190 CINQUIÈME LECON.
tive, nous avons écouté avec ravissement le ramage de ce chantre
des forêts. Le Rossignol n’est cependant pas le seul chanteur
remarquable. On pourrait en effet citer quelques autres oiseaux,
comme les Rousserolles, dont la voix le dispute à certains égards
à celle du Rossignol, et qui se font écouter avec plaisir lorsque
- celui-ci se tait. Les uns ont d'aussi beaux sons ; les autres ont
le timbre aussi pur et plus doux ; d’autres ont des gosiers aussi
flaiteurs ; mas 1l n’en est pas un seul que le Rossignol n’éclipse
par la réunion complète de ces dons divers et par la prodigieuse
variété de son ramage ; aussi la chanson entière de chacun de ces
oiseaux n’est qu’un couplet de celle du Rossignol. Il charme tou-
jours, et ne se répète Jamais, du moins Jamais servilement ; s'il
redit quelque motif, ce motif est animé d’un accent nouveau,
embelli par de nouveaux agréments; 1l réussit dans tous les
genres ; 1] rend toutes les expressions, 1l saisit tous les caractères,
et de plus il sait en augmenter l'effet par des contrastes.
Par cela même que la conformation du larynx n’est pas iden-
tique, la faculté du chant n’appartient pas également à tous les
oiseaux ; 1l en est même qui en sont privés, et qui ont seulement
une voix aigre et bruyante. Quelle immense disparité entre les
chants mélodieux des uns et les croassements discordants ou les
cris lugubres des autres! On peut donc, par suite de ces prin-
cipales différences, reconnaitre avec quelques auteurs anciens
trois prmcipales tribus parmi les oiseaux : celle des chanteurs,
celle des criards, et celle des silencieux.
Parmi les oiseaux chanteurs, on doit surtout ranger la plupart
des Passereaux ; mais chacun a son chant propre, et des nuances
plus où moins radoucies. En effet, combien sont différents entre
eux le chant plus ou moins mélodieux des Alouettes, des Rossi-
gnols, des Fauvettes, les sons glapissants des Serins, la voix gut-
turale du Bouvreuil, le pipement sourd des Mésanges, le siffle- .
ment des Merles et des Loriots! Les insectivores ont un son de
ORGANES DE LA VOIX ET DU CHANT. 191
VOIX plus flûté et plus doux que les gramivores, dit Virey; 1 ils
soupirent plus tendrement ; leurs accents sont de passionnés,
plus enchanteurs. Peut-être que leur bec plus effilé contribue à
cet effet. Ils sont aussi plus vifs, plus spirituels, plus intelligents ;
il semble que cette nourriture animalisée leur communique plus
de force vitale.
La voix du Serin est souvent fort désagréable quand son chant
se prolonge trop: il étonne, mais 1l fatigue; cette faculté de ren-
dre pendant longtemps sons sans respirer tient à la provi-
sion d’air contenue dans ses sacs aériens et à l'expulsion conti-
nue de cet air comme d’une musette pleine. On peut remarquer
le gonflement de sa gorge lorsqu'il chante, gonflement qui tient,
comme nous l’avons déjà dit, à l’occlusion volontaire et presque
complète de son larynx supérieur. Il ne pourrait chanter ainsi en
volant : sa provision d'air ne suffirait pas pour les deux exercices.
Aussi l’Alouette, qui fait entendre sa voix en planant dans les
airs, est obligée de battre souvent de l'aile pour se soutenir et
respirer aussitôt que ses sacs commencent à se vider. Son chant
a des interruptions, et son corps, devenu moins léger, s'abaisse
un peu pour se relever immédiatement après l'inspiration, el
cette manœuvre se renouvellé plusieurs fois de suite.
Au nombre des oiseaux criards on doit mettre les rapaces, les
oiseaux de rivages, les nageurs, et tous ceux qui, au lieu d’une
voix inusicale, ne jettent que des cris rauques, discordants, ou
ne produisent qu'une clangueur retentissante pour s'appeler à
de grandes distances au milieu du bruit des vagues.
Enfin les oiseaux silencieux font entendre rarement de petits
sons de voix, des accents légers et comme éteints ; tels sont les
Couroucous, les Tamatias, les Jacamars, les Oiseaux-mouches, les
Soui-mangas, les Philédons, les Cotingas, les Guêpiers, et beau-
coup d’autres espèces de l’ancien et du nouveau continent; et,
de plus, presque toutes les femelles des oiseaux chanteurs.
192 CINQUIÈME LEÇON.
Dans tous les pays civilisés ou sauvages, et sous tous les cli-
mats, on trouve également des oiseaux à chant agréable, et c’est
à tort que Buffon a prétendu que les oiseaux mélodieux ne se
rencontrent que dans l’ancien continent et vivent de préférence
autour des lieux habités. Nous avons, il est vrai, en Europe, un
grand nombre de chanteurs ; mais dans l'Inde et en Amérique
on en trouve également. Les Moqueurs, suivant tous les voya-
geurs, et au témoignage du plus observateur de ous, Audu-
bon, ont un chant très-varié dans ses inflexions el un InCoMpa-
DE talent d'imitation.
Les oiseaux, par leurs chants, annoncent leurs diverses
émotions, redisons-le encore; c’est pour eux un vrai langage,
puisqu'ils peuvent correspondre entre eux et se faire part de
leurs sensations. Parmi ceux qui vivent en troupe, quelques-uns
restent perchés sur les arbres, et, à la moindre apparence de
danger, ils jettent d’abord des cris d'avertissement, puis des eris
d'épouvante. Il en existe même plusieurs dont la voix indique
assez régulièrement les principaux changements de l'atmosphère.
Ainsi, le Paon, chez nous, le Coucou de plaine, en Amérique, le
SCY non voyageur, à la Nour elle-Hollande, annoncent des jour-
nées pluvieuses.
D'après ce AISELUTS de dire de la voix des oiseaux, on
comprend que c'est Le chant surtout et la distinction du rar à
ensuite qui déterminent'le choix que nous faisons des espèces à
conserver en vohière et dont nous devons dire quelques mots.
Si l'homme a su tirer parti des divers instincts des oiseaux, il
a cherché aussi à utiliser à son profit, ou plutôt pour son plaisir,
leur sens plus ou moins musical ou imitateur. Sous ce rapport il
faut distinguer le chant naturel du chant artificiel : celui-là offre,
ainsi qu'on vient de le voir, autant de différences quil y en à
entre les oiseaux mêmes ; car nous n'avons aucune espèce indi-
gène qui ait parfaitement le chant d’une autre. On pourrait ex-
LE : Fra
de
Êz
RER LE PP TE A MIS) D
ORGANES DE LA VOIX ET DU CHANT. "193
cepter nos trois espèces de Pies-grièches, qui, par leur mémoire
prodigieuse, peuvent imiter les chants des autres oiseaux au
point de s'y méprendre. Cependant le vrai connaisseur reconnaît
facilement le moindre mélange du chant naturel avec le chant
d'imitation, et s'aperçoit bientôt si c'est la Pie-grièche qui copie,
ou si cest vraiment l’Alouette ou le Rouge-gorge qui chante.
Le chant artificiel est inuté ou d’un oiseau que les jeunes
entendent chanter dans-la chambre ou d’un instrument quel-
conque. Presque tous les oiseaux, étant jeunes, apprennent quel-
ques strophes des airs qu'on leur siffle ou qu'on leur joue régu-
lièrement tous les jours ; mais 1l n'y a que ceux dont la mémoire
est capable de conserver l'impression qui abandonnent entière-
ment le chant naturel, pour adopter couramment et répéter sans
hésitation l'air qu’on leur a enseigné. Ainsi Le jeune Chardonneret
apprend, à la vérité, quelque partie de la mélodie que l’on Joue
à un Bouvreuil , mais jamais il ne parviendra à la rendre aussi
complétement que celui-ci. La cause, dans ce cas, n’est pas tant
dans la plus ou moins grande souplesse de l’organe que dans la
force inégale de mémoire dont ces deux espèces sont douées.
On distingue. dans les oiseaux le gazouillement et le ramage,
ou le chant proprement dit; plusieurs espèces dont la langue est
large, entière et non fendue, ont la faculté de répéter des sons
articulés, ce qui fait dire qu'ils parlent : tels sont les Perroquets.
Un fait assez frappant, c’est que les oiseaux dont le chant naturel
n’est pas continué toute l’année, comme le Rouge-gorge, le
Tarin, le Chardonneret, etc., paraissent obligés, quand leur mue
est passée, de rapprendre leur ramage comme s'ils l'avaient ou-
blié; mais il est certain que cet exercice est moins une étude
qu'un travail pour assouplir l'organe; ce n’est en effet réellement
qu’une sorte de gazouillement dont les tons n’ont presque aucun
rapport avec ceux du chant parfait ; et, pour peu qu'on y fasse
attention, on observera comment le gosier parvient graduellement
ie à LEA
194 CINQUIÈME LEÇON.
à rendre les sons qui composent le chant ordinaire. Cette manière *
d'apprendre derechef annonce donc moins un manque ou une
lublesse de mémoire qu'une espèce de roideur occasionnée par
le défaut d'exercice dans le gosier de l'oiseau. C'est ainsi que le
Pinson essaye chaque année pendant quelques semaines de suite,
avant d'arriver à la perfection qu'il connaît et qu'il veut attem-
dre; c’est ainsi que le Rossignol module aussi les strophes de
son superbe chant, avant de le rendre complet et dans toute son
étendue. |
La portée de la voix des oiseaux n'est pas toujours en rapport
avec le petit volume de, leur corps. Les oiseaux dont nous enten-
dons la voix d’en haut, dit Buffon, et souvent sans les apercevoir,
sont alors à une hauteur égale à trois mille quatre cent trente-
six fois leur diamètre, puisque ce n’est qu'à cette distance que
l'œil humain cesse de voir les objets. Supposons done que l’oi-
seau, avec ses ailes étendues, fasse un objet de quatre pieds de
diamètre : il ne disparaîtra qu'à la hauteur de treize mille sept cent
quarante-quatre pieds ou plus de quatre mille mètres; et, si nous
supposons une troupe de trois ou quatre cents gros oiseaux, tels
que des Gigognes, des Oies, des Canards, dont quelquefois nous
entendons la voix avant de les apercevoir, l’on ne pourra nier que
la hauteur à laquelle ils s'élèvent ne soit encore plus grande,
puisque la troupe, pour peu qu’elle soit serrée, forme un objet
dont le diamètre est bien plus grand. Ainsi l'oiseau, en se faisant
entendre d’une lieue du haut des airs, et produisant des sons
dans un milieu qui en diminue l'intensité et en raccourcit de
plus de moitié la propagation, a par conséquent la voix quatre
fois plus forte que l’homme ou le quadrupède, qui ne peut se faire
entendre à une demi-lieue sur la surface de la terre : ainsi un
paon, qui est beaucoup plus petit qu’un bœuf, se fait entendre de
plus loin; et cette estimation est peut-être plus faible que trop
forte, car, indépendamment de ce que nous venons d'exposer, il
ORGANES DE LA VOIX ET DU CHANT. 195
y à encore une considération qui vient à l'appui de nos conclu-
sions : c'est que le son rendu dans le milieu des airs doit, en se
propageant, remplir une sphère dont l’oiseau est le centre, tandis
que le son produit à la surface de la terre ne remplit qu'une
demi-sphère, et que la partie du son qui se réfléchit contre la
terre aide et sert à la propagation de celui qui s'étend en haut ct
à côté. C’est par cette raison qu'on dit que la voix monte, et que,
de deux personnes qui se parlent du haut d’une tour en bas, celle
qui est au-dessus est forcée d’é'ever la voix beaucoup plus ne
l’autre si elle veut s’en faire également entendre.
Terminons cette leçon par des observations curieuses et intéres-
santes faites par M. Dureau de la Malle sur les heures du réveil
_et du chant de quelques oiseaux ; il a constaté ce qui suit :
Le Pinson s’évaille d’une heure à une heure et demie du matin;
La Fauvette à tête noire, de deux à trois heures;
La Calle, de deux heures et demie à trois heures;
Le Rossignol de murailles, de trois heures à trois heures et
demie ; |
Le Merle, de trois heures et demie à quatre heures,
Le Pouillot, à quatre heures ;
La Mésange charbonnière, de quatre à cinq heures;
Le Moineau, de cinq heures à cmgq heures et demie.
On voit que le Pinson est le plus matinal et le Moineau le plus
paresseux des oiseaux qu'il a observés. Est-ce de cette habitude
reconnue qu'est venu le dicton : Gat, éveillé comme un Pin-
son ? Quant au Moineau, qui vit dans la société de l’homme et
pullule dans les villes, aurait-il contracté, par cette cohabita-
tion, les habitudes paresseuses des oisifs et des citadins ?
Le savant académicien que nous venons de citer avait disposé
dans son jardin un appareil pour garantir contre les attaques des
chats les familles des oiseaux qui venaient lui demander l’hos-
pitahité. Ces oiseaux reconnaissaient leur protecteur, étaient de-
196 CINQUIÈME LECON.
venus familiers avec lui, et il a pu, en visitant leurs nids, déter-
miner la cause du réveil plus ou moins hâtif de chaque espèce.
Un jour, le 4 juin, la Mésange et le Merle ont commencé à chan-
ter à deux heures et demie du matin. Frappé de cette anomalie,
il va inspecter leurs nids et trouve leurs petits éclos. IL pensa
d'abord que c'était une manifestation de la joie paternelle; mais
bientôt il s’est convaincu de son erreur. Le besoin de plus d'heures
de veille, pour nourrir la famille augmentée, avait avancé leur
réveil. IL faisait alors un beau clair de lune, et il a pu voir les
pères et mères de ces deux espèces occupés constamment à cher-
cher sur le gazon et les plates-bandes les insectes et les aliments
qui devaient servir aux premiers repas de la mchée.
Le même observateur raconte que son portier nourrissait en
cage un Merle privé auquel 1l avait appris à siffler la Marseillaise
et la Carmagnole. La cage, pendant le jour, était placée dans une
cour près des fenêtres du cabinet de travail de l’académicien, et
pendant la nuit elle était rentrée dans une chambre obscure. Le
8 juin, on oublie de rentrer le Merle, et dès minuit et quart,
trompé par l'éclat d’une lampe apportée dans le cabinet de tra-
vail, 1l éveille toute la maison en chantant à gorge déployée les
airs qu'on lui avait enseignés. À ces chants Imusités à cette heure,
les Merles libres répondent; et de minuit et quart à sept heures
du matin leurs voix n'ont cessé de se faire entendre. Les Merles
libres ont été certainement entrainés par la voix du captif; et ce
n'était pas le sens de la vue frappé par la lumière qui détermina
cette explosion musicale ; car le nid des Merles libres était placé
à trente mètres de la fenètre. Mais laissons parler M. Dureau de
la Malle : « Le 17 jum, dit-il, le Merle républicam est encore oublié
dans la cour ; il renouvelle la scène du 9 juin, met en voix tous
les Merles du voismage et réveille de nouveau tous les habitants
de ma maison. Je descends et je l’enferme dans un endroit obscur.
Au bout d'une heure, je le remets à sa place dans ma cour ; un
LL
CONSERVATION ET REPRODUCTION
quart d'heure s'écoule à peine, et le républicain chante de nou-
veu à tue-tête le Ca ira et la Marseillaise.
«Les vieux Merles libres ont toujours résisté à imiter ces chants;
mais un couple de ceux-ci avait produit trois générations succes-
sives dans mon jardin, dans la même allée, sur le même tilleul et
dans le même nid, protégé par moi contre la griffe des chats.
Comme l’espace est borné et qu'il n’offrait pas sans doute une
nourriture suffisante à une famille de quinze Merles arrivés à l’état
adulte, mes jeunes élèves m'avaient abandonné depuis Le 10 mars,
et j'attendais impatiemment leur retour, qui eut lieu le 18 juin.
J'étais curieux de savoir si le chant artificiel du Merle privé, qui
avait frappé leurs oreilles pendant leur enfance et leur adoles-
cence, l'emporterait sur le langage qu'ils avaient appris de leurs
parents. Enfin, le 48 et le 20 juin, à quatre heures du matin, le
Merle privé étant renfermé et couvert, J'entends retentir dans
mon Jardim les deux phrases des chants populaires Ça ira et
Aux armes, citoyens, que leur avait sifflées tant de fois le Merle
républicain. » (Annales des sciences naturelles, 1848.)
Conservation et reproduction. Nous avons parlé du
rapport physique des organes de la voix avec les organes repro-
ducteurs et dit que l’oiseau, à l’état de libérté, ne possède toute
l’ampleur de sa voix qu'à l’époque des pariades; nous avons dit
encore que la cessation du chant correspondait à l'atrophie des
organes de reproduction. Disons maintenant quelques mots de
la conservation de l'espèce et des organes reproducteurs.
L'espèce est un type primordial transmettant tous ses carac-
tères organiques de générations en générations. Sous le nom
d'espèce on désigne aussi tous les individus qui se reproduisent
par voie de génération sans subir de modification essentielle, et
de manière à être regardés comme originairement sortis d’une
souche unique.
17,
198
e
CINQUIÈME LECON.
La nature a établi des lois inflexibles et immuables pour la
conservation et la propagation de l'espèce, et elle met tout en
œuvre pour que rien ne s'oppose à cette condition de l'harmonie
du monde. Toutes les espèces ohéissent à ces lois et se reproduisent
quand les conditions de leur existence ne sont pas modifiées par la
captivité ou un changement de climat.
Les organes reproducteurs chez les oiseaux aboutissent au
cloaque ou vestibule génito-excrémentitiel s'ouvrant à l'extrémité
1
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Fig. 202.
Grappe de l'ovaire
et oviducte de la poule.
postérieure du corps, sous les vertèbres coc-
cygiennes, dont nous avons fait connaître la
mobilité. L'organe femelle se compose de
l'oviducte et de l'ovaire, enveloppés et fixés
par une membrane vasculaire, repli pro-
longé du péritoine. Tous deux sont 1m-
pairs, non symétriques, et si, par exception
ou par anomalhe, 1l se trouve deux ovaires
et deux oviductes, ceux placés à droite sont
toujours rudimentaires, très-accessoires et
sans fonctions. L'oviducte s'ouvre au côté
gauche du cloaque, forme un canal con-
tractile, allongé, plus ou moins large, très-
sinueux, et remonte au côté gauche des ré-
gions sacrée et lombaire pour se terminer
sous l'ovaire, avec lequel il est en rapport par
un orifice (ouverture ovarienne), trompe
qui se resserre ou se dilate an besoin, ainsi
que nous le verrons bientôt. L’ovaire est si-
tué sous la colonne vertébrale et les reins,
et au-dessous du foie. Il consiste en une ag-
olomération de petits globules ou ovules
blancs, quelquefois légèrement teintés de Jaune et représentant
tous les œufs que l'oiseau doit pondre pendant sa vie. Aux épo-
a
son, où 1l présente deux rétrécisse-
CONSERVATION ET REPRODUCTION. 199
ques fixées pour les pariades chez les oiseaux sauvages et pen-
dant une grande partie de l’année chez les oiseaux domestiques,
l'ovaire se gonfle; quelques-uns des ovules qu'il contient au
milieu d’une substance fibro-celluleuse grossissent ; ce sont ceux
qui doivent faire leur évolution complète dans la saison; la mem-
brane qui les couvre et les maintient s’ammocit pour suivre leur
développement, et bientôt 1lsse dégagent de la masse, à laquelle
ils semblent ne plus tenir que par un pédicule, et leurs dimen-
sions inégales indiquent leur degré de maturité. En cet état
l'ovaire est comparé à une grappe de raisin à grains inégaux, et
l'on dit la grappe de l’ovaure.
L'ouverture ovarienne de l’oviducte à un bord simple et non
frangé comme l'est le pavillon des
trompes chez les mammifères; elle
est plus ou moins bäüllante, et le ca-
nal qu’elle commence forme des an-
ses comme un intestin et s’élargit-
progressivement jusqu à sa termuinai-
ments avant de s'ouvrir dans le cloa-
que. Les parties constituantes de
l'oviducte sont : 1° la membrane
péritonéale séreuse, qui l'enveloppe He
ainsi que l'ovaire, et les maintient à plusieurs degrés de maturité.
fixés en rapport l’un avec l’autre.
90 Une couche de fibres musculaires longitudinales et de tissu cel-
lulaire. 3° Enfin une membrane interne muqueuse qui tapisse tout
l'organe. Cette muqueuse présente des plis plus ou moins nom-
breux, plus ou moins prononcés, suivant la partie qu’on examine,
assez larges, obliques, longitudinaux ou un peu transverses, paral-
lèles et imterrompus dans le dernier tiers de sa surface. Ces plis
se prêtent merveilleusement à la dilatation de l’oviducte pendant
200 CINQUIÈME LECON.
le passage de l'œuf, dont la marche est d’ailleurs favorisée par
des mouvements péristaltiques propres au canal qui le contient
momentanément, le complète et l'expulse. On trouve dans la
forme de l’oviducte, comme le fait remarquer Cuvier, dans sa
disposition générale et dans sa structure, toutes les conditions
organiques propres à fare comprendre les différentes fonctions
qu'il doit remplir.
L’oviducte, examiné en place et sans préparation, ressemble
beaucoup à une portion d’intestin; on ne
distingue pas de rétrécissement, et le canal
qu'il forme n'offre qu'un calibre graduelle-
ment mais insensiblement plus large à me-
sure qu'il se rapproche du cloaque. Les
circonvolutions assez nombreuses qu’il pré-
sente sont maintenues par le mésoviducte
ou repli de la membrane péritonéale, qui
remplit ‘les mêmes fonctions envers l’ovi-
ducte que le mésentère envers les intestins.
Les membranes qui composent l’oviducte
semblent néanmoins plus épaisses, plus blan-
ches que les membranes intestinales, et il
Fig. 204 — Iotestins, devait en être ainsi dans l’état de repos;
” ovaire et oviducte. mais, lorsqu'un œuf est engagé dans le canal
| qu'il forme, ses parois plissées et extensibles
s’amincissent considérablement en proportion de la grosseur de
cet œuf auquel elles donnent passage. Si l’on insuffle un oviducte
par l'ouverture inférieure, on voit cet organe prendre immédia-
tement un développement énorme, former deux étranglements
vers son Liers inférieur et devenir assez transparent pour per-
mettre de distinguer la disposition des faisceaux musculaires.
Ces faisceaux, distants les uns des autres, sont longitudinaux et
un peu obliques dans la partie supérieure du canal jusqu'au pre-
CONSERVATION ET REPRODUCTION. 201
mier rétrécissement ; là, 1ls disparaissent, et la dilatation qui suit
ce rétrécissement n'a de lanières musculaires qu à sa partie infé-
rieure et Jusqu'au delà du second rétrécissement ; et, dans cette
partie, les lanières musculaires, au lieu d’être obliques, sont
transversales jusqu’à l’orifice garni d’un sphincter et qui s'ouvre
dans le cloaque. La membrane interne ou muqueuse présente
aussi dans son étendue des différences d’orgamsation qu'il est
important de connaître pour comprendre la formation complé-
mentaire de l'œuf. À sa partie supérieure on remarque des vil-
losités analogues à celles des intestins; plus bas, les plis seuls ap-
paraissent ; plus bas encore et au point où l’œuf doit s'arrêter
quelque temps, on voit reparaître de longues villosités; enfin des
plis transverses se montrent vers la partie inférieure.
À part quelques exceptions que
présentent certaines espèces, entre
autres le Canard et l'Autruche, l'or-
gane reproducteur mâle consiste en
un petit tubercule conique où ma-
melon vasculaire linguiforme qu'on
aperçoit au fond du cloaque entre
deux papilles à l'extrémité desquel-
les sont les ouvertures des canaux
communiquant avec deux glandes sé-
minales logées dans la cavité abdo-
minale, en arrière des poumons et
sous les reins. Cet organe varie un
peu suivant les familles et n’est ap-
Fig. 205.
ne chez les espèces sauvages, organes reproducteurs du Coq.
qu'aux époques de pariade, ut
qu'il est plus facile de le distinguer presque en tout temps di.
les espèces domestiques.
_ it side
après Gould
d’
L
vnome
J
Fig. 206. — Nid de Colibri Eur
SIXIÈME LECON
: «
Formation et développement de l’œuf; sa forme, sa couleur.
Ce que nous avons dit des organes reproducteurs des oiseaux
indique un accouplement bien simple. L'élément fécondant ab-
sorbé par l’oviducte est transmis sans impulsion apparente autre
que des mouvements péristaltiques inverses jusqu'à l'ovaire,
où l’imprégnation des ovules mürs peut être multiple et per-
mettre à une poule, que dès lors on isolerait, de pondre un cer-
tan nombre d'œufs fécondés, observation souvent faite, mais seu-
lement sur des oiseaux de basse-cour.
Cette description des organes reproducteurs était indispensa-
ble avant d'expliquer le développement de l'œuf, et 1l nous reste
à dire quelques mots des ovules. Avant leur maturité, les ovules
contenus dans l'ovaire sont peu apparents, ils ont des dimensions
qui varient suivant les époques et Les espèces, et qui, même dans
les plus grosses, n’atteignent pas le diamètre d’un grain de millet.
Ils forment de nombreuses petites bosselures qui soulèvent la
membrane qui les protége. Aux époques fixées par la nature pour
204 SIXIÈME LECON.
la reproduction des espèces, l'ovaire et la membrane vasculaire
qui l’enveloppe deviennent le siége d’une congestion ; les ovules,
qui ont un peu grossi, parce qu'ils doivent subir l’évolution an-
nuelle, et qui ne sont jusqu'alors formés que d'albumine, prin-
cipe immédiat des animaux, ne tar-
dent pas à présenter, sous l'influence
d'une circulation ovarienne plus ac-
tive, quelques petites globules de
graisse où d'huile, dont le nombre
augmente avec le temps au point de
les rendre opaques d’abord, puis
Fig. 207. — Ovules avant maturit COMplétement jaunes. Chaque ovule
A A est composé d’une partie centrale ou
germinative, d'une sphère vitelline
ou nutritive, et d'une membrane propre, extrêmement mince,
à peme perceptible, mais cependant évidente, qui empêche la
diffusion du liquide jaune qu'elle contient.
Dès que l’ovule commence à se développer, la partie centrale
ou sphère germinative tend à quitter le centre pour se rapprocher
de la circonférence, qu'elle atteint complétement quand l’ovule
est mûr, et 1l est mür avant d’avoir le volume qu'il aura au mo-
ment de se séparer de la grappe; mais cette sphère germinative
ne croît pas dans les mêmes proportions que la sphère vitelline,
qui seule prend les dimensions qu'elle doit avoir dans l’œuf par-
fait. Ce déplacement de la sphère germinative laisse dans le vitel-
lus la trace de son premier siége et de son passage; on peut, en
effet, remarquer dans le vitellus une cavité centrale s’ouvrant
dans un canal ascendant, comme le rayon d’un cercle, et rempli
d’un liquide plus clair que les autres parties du jaune. La mem-
brane propre est, d’après Cuvier, composée de deux feuillets
dont l'interne se replie autour de la sphère germinative, de
manière à former un cul-de-sac pour la contenir et un pédi-
FORMATION ET DÉVELOPPEMENT DE L’ŒUF. 205
cule qui la soutient et la dirigera dans son mouvement as-
cendant. |
Fig. 208. — Déplacement de la sphère germinative.
Aussitôt que l’ovule prend la teinte jaune, alors qu'il est encore
peu développé et adhérent à la grappe, on peut distinguer sur le
point de sa surface correspondant à sa partie supérieure une
petite tache blanche désignée sous le nom de cicatricule et qui
indique le point où la sphère germinative s’est arrêtée. Cette
cicatricule loge donc le germe déplacé du centre, et elle se trouve
dès lors toujours à la partie supérieure du jaune, parce que les
parties de ce jaune qui l’entourent sont les plus légères de celles
qui le composent et que, ne pouvant se mélanger, elles obéissent
aux lois de la pesanteur. Le vitellus est en effet formé, comme l’a
fait observer M. Sacc, d'un réseau albumineux dont les mailles
enferment la matière grasse, et les filets d albumine qui forment
ce réseau deviendront, sous l'influence orgamisante, les voies in-
dispensables au développement de l'embryon. L'analyse chimique
du jaune démontre qu’il est composé des éléments qu’on retrouve
dans toutes les parties des animaux, qu’il contient assez d’albu-
mine pour la production de la fibre musculaire et assez de
matières grasses pour suffire aux besoins de la respiration de
l'embryon. Le même auteur fait remarquer que le vitellus se
développe avec une grande lenteur, et 1l ajoute que les diverses
mn. 18
206 SIXIÈME LECON.
parties d’un œuf mettent d'autant plus de temps à se former
qu'elles sont plus immédiatement essentielles au développement
de l'embryon. | |
Le concours du mâle.chez les oiseaux n'est pas plus indispen-
sable au développement des ovules qu'il ne l'est à la formation
complète des œufs, puisque les œufs, Inféconds, 1l est vrai, que
t
Fig. 909. — Germe d'un œuf non fécondé.
peuvent pondre des femelles isolées, sont parfaitement semblables
aux œufs fécondés. Le germe est dans l’ovule, la fécondation le
vivifie. La cicatricule, dans les œufs fécondés, avant l’incubation,
est, dit-on, plus apparente; elle a, d'après les observations de
MM. Dumas et Prévost, cinq à six millimètres de diamètre; le
centre est occupé par un disque niembraneux de un à deux nulli-
mètres ; 1l est entouré par une zone plus compacte et plus blanche,
limitée par deux cercles concentriques d’un blane mat. On y
peut distinguer un corps blanc un peu allongé et placé comme
un rayon entre la circonférence et le centre où se trouverait le
vestige de la tête du futur embryon.
Plus l’ovule approche de sa maturité, plus la partie de l'ovaire
qui le supporte se gonfle de manière à le pousser et à le laisser
alors comme suspendu par un pédicule. Dans cette position,
l’ovule est contenu par cette pellicule péritonéale, extensible et
A è à :
FORMATION ET DÉVELOPPEMENT DE L’ŒUF. 207
amincie dont nous avons parlé, et qui est généralement désignée
sous le nom de calice. Le calice forme donc une poche arrondie’et
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Fig. 210. — Evolutions de l’œuf, d’après M. Coste. — L’oviducte est ouvert en pa
pour laisser voir la direction des plis de la muqueuse.
rlie
complétement remplie. On y remarque une ligne circulaire,
blanchâtre et assez large, qui semble le diviser en deux parties
égales : c’est la partie la plus mince (cicatrice) de la poche, le
Bis. + SIXIÈME LEÇON.
point où elle se séparera pour abandonner l’ovule. Après cette
séparation, le calice, désormais inutile, se flétrit et s’atrophie:
l'ovule libre rencontre le pavillon élargi de l'oviducte qui le
reçoit. Dans ce temps de son évolution l’ovule ne se compose
encore que du jaune de l'œuf (vitellus); il manque de parties
essentielles, mdépendantes de l’action du mâle, telles que l’albu-
mine ou blanc de l'œuf, les membranes qui doivent la contenir
et la coquille qui doit protéger le tout. Ces parties se formeront
dans l’oviducte, comme nous allons le dire : aussitôt que l'ovule
est engagé dans l’oviducte, il y détermine par sa présence une
sorte d’orgasme et par suite une sécrétion d’albumine prompte-
ment mais très-légèrement coagulable, qui se moule sur le ca-
libre intérieur du canal et ferme un tube mou, cylindrique, ou
sac à deux-ouvertures, plus long que le globe vitellin, parce que
la sécrétion se fait en decà et au delà des parties en contact. L’o-
vule, sollicité par des mouvements péristaltiques obliques, chemine
très-lentement en tournant en spirale et sur lui-même; il en-
traine dans sa marche, bien lente sans doute, cette première
Fig. 211. — Membrane chalazifère en partie ouverte.
couche d’albumine coagulée formant une pellicule excessivement
mince et diaphane; mais, comme le vitellus est sphérique et que
le tube qu'il entraine avec lui dans ses mouvements de rotation
est cylindrique; que, de plus, les portions débordantes du tube en
deçà et au delà ne sont pas assez consistantes pour se soutenir,
FORMATION ET DEVELOPPEMENT DE L’ŒUF. . 209
elles n’obéissent au mouvement en spirale qu’en se tordant sur
elles-mêmes plusieurs fois et elles enferment ainsi le vitellus dans
un sac diaphane dont les deux extrémités tordues forment deux
cordons transparents qui correspondent aux deux pôles du jaune.
La densité et la texture assez compacte de ces cordons permetten
de les apercevoir quand on ouvre un œuf frais, et beaucoup de
personnes croient à tort que c’est le germe. Le sac est bien visible
quand on vide un œuf frais dans un vase rempli d’eau, ce sac,
dis-je, uniquement protecteur, car 1l n’est pas vasculaire, est dé-
signé sous le nom de membrane chalazifère, et les cordons tordus
qui le terminent en avant et en arrière sont appelés chalazes.
Nous verrons bientôt quel est le rôle qu’ils doivent jouer. :
Le jaune ainsi complétement enfermé continue à cheminer len-
tement dans l’oviducte de plus en plus congestionné ;. la sécrétion
augmente dans la même proportion et forme bientôt plusieurs
couches d’albumine d’abord assez épaisses, puis plus fluides, qui
constituent le blanc de l’œuf; elles ne sont réellement apparentes
que sur un œuf cuit dur ; l'albumine, tout en s’accumulant au-
tour du jaune, se trouve resserrée par les parois de l’oviducte et
un peu refoulée en avant et en arrière. La forme elliptique ou
ovoide qu'aura l'œuf complet est dès lors déterminée par la pres-
sion latérale d’une part et par celle exercée aux deux pôles de la
masse albumineuse par les parois de l’oviducte, non encore
écartées en avant et se contractant en arrière. La partie de la
. muqueuse du canal qui va se trouver en contact avec la masse
albumineuse dont le volume à augmenté sera naturellement
plus distendue, et cette tension plus grande d’une membrane
mince et contractile la force à se mouler sur la masse peu résis-
tante, qu'elle comprime de toutes parts. Le mouvement de l'œuf
incomplet et très-mou se trouve alors ralenti par la rencontre d’un
premuer rétrécissement. La sécrétion fournie par la muqueuse
dans cette partie de l’oviducte est toujours de l’albumine, mais
18.
910 . : SIXIÈME LECON.
de l’albumine coagulable contenant une petite proportion de
carbonate de chaux. C’est alors que se forme la membrane opa-
que, blanche, molle (membrane commune), qui enferme toutes
les parties de l'œuf comme dans un sac sans ouverture, parce que
toutes les surfaces sécrétantes de la muqueuse sont en contact
avec l’albumine fluide. Cette sécrétion se fait en deux temps,
car la membrane qu'elle forme a deux feuillets adhérents qui
conservent l'empreinte de la surface qui les a produits. En effet,
en examinant par transparence les feuillets de cètte membrane,
on constate des différences d’opacté qui indiquent les empreintes
des petites lanières musculaires de cette partie de l’oviducte.
L'œuf couvért de cette double membrane est encore incomplet,
mals il est déjà résistant, et, poussé par les contractions muscu-
laires, il peut ainsi, sans danger de diffusion, franchir le premier
rétrécissement. Il se trouve alors dans la partie imférieure et la
plus large de l’oviducte, où il séjournera pendant dix ou vingt
heures, suivant les espèces. Cette partie du canal forme une po-
che dont la moitié supérieure ne présente plus de fibres muscu-
laires apparentes. Là, un liquide blanc, laiteux, résultant d’une
sécrétion plus chargée encore de carbonate de chaux, se dépose
assez promptement sous forme de petits cristaux qui se superpo-
sent et se confondent pour constituer la coquille. Elle conserve
souvent la trace évidente de la formation du dépôt, et présente
parfois des granulations qui font une légère saillie à sa surface.
Une fois ainsi complété, l'œuf franchit facilement le second rétré-
cissement, moins étranglé que le premuer, et 1l est expulsé. Quel-
ques auteurs pensent que tous les éléments qui doivent entrer
dans la composition de la coquille existent déjà lorsque l'œuf est
encore dans l'ovaire. Nous reviendrons sur ce sujet en parlant
des causes de la coloration de certains œufs. |
En attendant, on sait que la coquille est blanche, uniformé-
ment ou diversement colorée, suivant les espèces. Les couleurs et
FORMATION ET DÉVELOPPEMENT DE L’ŒUF. 91
leur disposition, la forme et le volume de l’œuf, ont des caractères
constants qui appartiennent à chaque espèce, et qui tiennent à
l'organisation spéciale du canal qui les reproduit régulièrement.
919. — Derniers temps de l'évolution de l'œuf, d'après M. Coste. — L'oviducte
est ouvert pour laisser voir la disposition des papilles de la muqueuse.
Voilà l'exposé de la formation et des évolutions de l'œuf; nous avons
déjà fixé l'attention sur les différences organiques que présentent
les diverses parties de l’oviducte, et l’on a pu en déduire des mo-
SA AR | SIXIÈME LEÇON.
difications dans la nature des sécrétions de ces parties. Nous
voyons en effet que les portions supérieure et inférieure de ce
canal sécrètent de l’albumine coagulable à divers degrés, tandis
que ses parties moyennes fournissent une sécrétion plus abon-
dante de la même substance, mais qui n’est point coagulable.
L'albumine est la sécrétion normale de l'oiseau, qui avale une
grande quantité de matières calcaires et de graviers qu’on trouve
mélés aux aliments qu'il a pris. Ces matières calcaires et ces gra-
viers jouent des rôles distincts dans l’économie de l’oiseau, et, pour
ne nous occuper que des réactions chimiques qui se rattachent
au sujet de cette leçon, nous dirons en deux mots que la chaux
dissoute dans l'estomac par l'acide carbonique est absorbée et
portée par la circulation jusque dans l'oviducte, et qu’en pré-
sence des sels alcalins de l’albumine, cette chaux perd plus ou
moins de son acide et se dépose en plus grande quantité à la
partie inférieure de l’oviducte que sur tout autre pot de la
surface de cet organe. Quoique nous ne puissions pas suivre les
molécules organiques ou inorganiques divisées par l'estomac et
absorbées par le tube digestif, 1l n’est pas plus difficile de com-
prendre le transport de l'élément calcaire dans certaines parties
de l’oviducte que le passage du même élément et sa fixation dans
les trames celluleuses des os de tous les vertébrés, ou la distri-
bution des molécules nutritives dans toutes les parties du corps.
Le fait est qu’une poule qui serait nourrie sans pouvoir avaler
de matières calcaires ne tarderait pas à pondre des œufs sans co-
quille, comme on en fait quelquefois l'observation sur des poules
trop grasses ou malades.
Un de nos amis, professeur agrégé de chimie à l’école de méde-
cime militaire, M. Poussin, a fait de nombreuses expériences sur
l'isomorphisme chimique et physiologique de certains sels. Ces
expériences, entreprises sur des poules, mais, comme on le voit,
dans un ordre d'idées étranger à notre sujet, s’y rattachent cepen-
FORMATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ŒUF. 213
dant par les résultats obtenus. Notre savant ami a placé des poules
dans des cages éloignées du sol et de manière à pouvoir les sou-
mettre à un récime déterminé à l'abri de tout mélange des sub-
stances généralement préférées par ces oiseaux. Il a remplacé
dans la nourriture de ces poules les matières calcaires qu'elles
ramassent en liberté par des carbonates de baryte, de stron-
tiane, de magnésie, etc, et, après plusieurs jours de ce régime
nouveau, 1l a analysé les coquilles des œufs pondus par chacune
d'elles, et a trouvé qu'elles étaient composées de carbonates à
base de baryte, de strontiane, de magnésie, etc. D’autres œufs
fécondés, obtenus de ces poules ans les mêmes conditions, ont été
soumis à l'incubalion, et rien n’a arrêté le développement der em-
bryon. Enfin 1l a soumis encore d’autres poules à l'usage d'io-
dures, de bromures et de fluorures alcalins qui ont été facilement
| ik et se sont retrouvés dans les parties internes et fluides
des œufs.
La coquille est poreuse et perméable aux gaz; sa surface exté-
rieure est plus où moins lisse ou rugueuse. L'interne est comme
creusée de petits sillons qui logent les expansions à l’aide des-
quelles le feuillet externe de la membrane commune adhère à la
coquille. Depuis longtemps des expériences concluantes prou-
vaient la porosité de la coquille; ainsi un médecm allemand, le
docteur Stohelin, montra à Haller des œufs qu'il était parvenu à
injecter en les plongeant en partie dans un liquide coloré et en
les soumettant à l’action de la machine pneumatique. Des expé-
riences plus récentes démontrent même l'indispensable nécessité
de la porosité de la coquille pour le développement du germe et
de l'embryon. En 1736, Réaumur a fait connaître le résultat des
expériences qu'il fit au sujet de la conservation des œufs desti-
nés à être mangés et qui s'altèrent au contact de l'air: Il avait
imaginé de les enduire d’un vernis. Ce moyen lui permit, dit-il,
de conserver des œufs à peu près frais pendant plusieurs années.
214 SIXIÈME LECON.
Mais il avait déjà remarqué que ces œufs, soumis à l’incubation,
ne permettaient aucun développement du germe. Cependant il
obtint ce développement en enlevant le vernis sur des œufs con-
servés pendant plus de deux mois et soumis à l’incubation. Il
ajoute, et il faut bien le croire, que les œufs vernis complétement
et soumis à l’incubation pendant un temps assez long ne perdent
pas leurs qualités et que la chaleur de la couveuse n’a aucune
action sur eux. « Un œuf, dit-1}, qui avait été couvé pendant plus
de trente-huit jours, me parut un très-bon œuf, et tel que ceux
que nous mangeons habituellement. Il n'y avait cependant plus
moyen de le faire cuire à la coque, mais on le fit cuire avec du
beurre, comme ceux qu'on appelle œufs au miroir. Je ne crains
point à présent de dire, continue Réaumur, qu'on peut porter les
œufs vernis au bout du monde; qu’on peut leur faire passer Ja
ligne, sous laquelle 1ls ne seront pas exposés à une chaleur plus
grande que celle qu'ils éprouvent sous la poule; le vermis les dé-
lendra. » (Mémoires pour servir à l'hist. des Insectes, t. I,
p. 99.) Malgré le respect que nous professons pour Réaumur,
nous douterons de l'efficacité du vernis pour conserver aussi
longtemps les qualités comestibles des œufs. Nous donnerons
cependant la formule du vernis qu’il employait :
Gomme laque. #7 7/7 "00 Grammmes
:Colophane is #0 Rss
AlGOOP® & Gius, rte om
Avant de passer à un autre sujet, et sans vouloir rappeler les
moyens proposés pour la conservation des œufs, nous dirons que
les œufs fécondés se conservent moins bien que ceux pondus par des
poules privées de coq. Ceux mis dans l’eau immédiatement après
ja ponte conservent pendant plusieurs jours l'apparence de la
fraicheur. Les œufs complétement vernis ou couverts d’une couche
de collodion peuvent se conserver longtemps, à la condition que
FORMATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ŒUF. 215
le vernis ou le collodion ne s’écailleront pas par place. Enfin les
- œufs plongés dans l'huile ou seulement huilés sur toute leur sur-
face se conservent frais pendant plusieurs jours, et perdent peu
de leurs qualités même après un temps plus long.
Étienne Geoffroy Saint-Hilaire renouvela les expériences de
Réaumur, mais dans un autre but. Il mit du vernis sur une par-
tie de la coquille d'œufs soumis depuis deux ou trois jours à l'in-
cubation de manière à rendre les parties enduites imperméables à
l'air extérieur, et il a obtenu, suivant le degré de développement
de l’embryon au moment de l'expérience, un assez grand nombre
de monstruosités ou d'anomalies, correspondant toutes, par arrêt
de développement, aux portions de la coquille privées de commu-
mication avec l’air extérieur.
Tout récémment, M. Dareste, poursuivant les mêmes recher-
ches, est arrivé à obtenir un plus grand nombre d'anomalies, en
employant au même usage et par le même procédé l'huile de
préférence au vernis. Les œufs ainsi préparés et soumis à l’incu-
bation artificielle lui ont présenté trois ordres de faits bien diffé-
rents. Tantôt l'embryon ne s’est point développé, tantôt il s’est
développé d’une manière normale, mais il a toujours péri plus
tôt où plus tard, et sans avoir jamais atteint l’époque de l’éclosion ;
tantôt enfin le développement s’est opéré d’une manière anomale.
Si la perméabilité de la coquille n’était suffisamment indiquée
par la raison, les expériences que nous venons de citer ne laisse-
raient aucun doute.
Revenons à la question, et terminons l’histoire de l’œuf en par-
lant de sa forme et de sa coloration : la forme de l'œuf varie de-
puis la sphère la plus parfaite jusqu’à l’ovale le plus allongé et
l’elhpse là plus aiguë. Cette variation a été remarquée par la plu-
part des auteurs qui ont traité de l'œuf des oiseaux ; mais tous
l'ont attribuée à un pur caprice de la nature. Cependant la forme
de l'œuf est constante chez les individus . un mème groupe :
216 . SIXIÈME LECON.
toujours sphérique chez les uns, ovalaire chez les autres :
figurant parfois un cylindre plus ou moins allongé, avec les
deux extrémités arrondies; représentant le plus souvent l'ovoïde,
elle est chez plusieurs très-aiguë à un pôle et obtuse à l’autre, et
chez quelques-uns renflée vers le milieu de la longueur, et se
terminant en pointe plus ou moins arrondie aux deux extrémi-
tés. Ces six formes sont les principales et les seules vraiment
caractéristiques pour les groupes d'oiseaux; mais on retrouve
dans les divers genres qui composent cette série zoologique
toutes les nuances de forme mtermédiaires, et tous les degrés de
transition de l’une à l’autre, ce qui n'arrive alors qu’accidentelle-
ment et par exception au principe général que nous avons posé
depuis longtemps. C’est ce qui nous à fait donner un nom à ces
formes typiques réduites à six : 1° sphérique; 2 ovalaire;
9° cylindrique; 4° ovée ; 3° ovoiconique, et 6° elliptique.
À la forme sphérique se rapportent les œufs de presque tous
les rapaces nocturnes, ceux de la plupart des Gorfous ou Manchots,
des Couroucous, des Martins-pêcheurs, des Guêpiers et des Tou-
racos ; à la forme ovalare, ceux de presque tous les rapaces diur-
nes, des Perroquets, des Oiseaux-mouches, des Pigeons, des
Tinamous, des Outardes, des Autruches, des Casoars, des Hérons,
des Canards et des Pétrels; à la forme cylindrique, ceux des En-
goulevents, des Mégapodes et des Gangas; à la forme ovée, la
plus générale, les œufs de presque tous les Passereaux, de presque
tous les Gallinacés et de tous les Goëlands et Hirondelles de
mer; à la forme ovoïconique, la presque totalité des Échassierss ;
enfin à la forme elliptique, ceux des Pélicans, des Frégates, des
Fous, des Anhingas et des Cormorans.
La coloration de la coquille présente aussi de nombreuses varié-
tés. 11 faut distinguer d'abord les œufs sur lesquels elle est uni-
forme de ton, et ceux sur lesquels ce même ton est recouvert de
taches de couleurs différentes et affectant des formes de macu-
FORMATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ŒUF. 217
lature qui aident smgulièrement à distinguer certaines fanulles
entre elles.
On ne paraît pas encore fixé sur la cause des diverses formes
des œufs. Tant que l’ovule reste attaché à la grappe de l'ovaire,
il est de forme sphérique ou globuleuse; mais, une fois qu'il s’est
détaché pour glisser dans l’oviducte, et qu'il s’est enveloppé des
diverses couches d’albumine, 11 subit toutes les influences de la
forme et des dimensions de ce conduit tubuleux : s’allongeant
si celui-ci est plus ou moins étroit et allongé, conservant au con-
trare sa figure sphéroïdale s'il est plus court ou plus large.
L’œuf, sous ce rapport, n’est donc pas soumis exclusivement à la
seule action de la pesanteur, comme on l’a supposé. Cette forme
variant d'ailleurs dans les différents groupes ornithologiques, tout
en demeurant, sous ces diverses modifications, fixe pour chacun
d'eux, 1l en résulte qu'il faut admettre à priori que ces varia-
tions dépendent de celles que subit l’oviducte lui-même, et qui
se trouveraient en rapport avec les différences et Les modifications
organiques ou morphologiques auxquelles sont soumis les types
de ces groupes.
On n’est pas plus édifié sur la cause et l’origine des couleurs de
la coquille que sur celles de sa forme. Jusqu'à ces derniers temps,
on à toujours cru, nous les premiers depuis plus de vingt ans,
et nous sommes disposés à admettre encore, que les différentes
teintes que présentent les taches superficielles de la coquille ne se
forment que dans l’oviducte, et à l'instant où l’œuf, en le parcou-
rant pour arriver au cloaque, en distend les parois par son vo-
lume et provoque les sécrétions de la partie inférieure de ce
canal; l'effet de cette exsudation met en présence les particules
ferrugineuses et calcaires, dont la combinaison s’opère immédia-
tement, mais doit être modifiée par l’action des gaz propres à
chacune des substances en contact. Cela est d'autant plus vrai-
semblable que la forme des taches déposées sur la coquille repro-
T. !. 19
218 - SIXIÈME LECON.
duit généralement l'impression exacte et l’image parfaite des
gouttes de sang exsudées, soit des parois de l'oviducte, soit de
celles des fausses membranes refoulées au dehors. Ces inrges
se montrent tantôt régulièrement dessinées, et plus où moins
arrondies où oblongues, si la résistance dans la marche de l'œuf
est fable; tantôt sous l'aspect d’une éclaboussure ou d’une goutte
comprimée, si celte résistance est forte; tantôt, et plus rarement,
sous forme de lignes plus ou moins sinucuses, ce qui dénote une
exsudation qui se continue sur le même point pendant tout le
temps que l’œuf met à le franchir. Une des raisons les plus puis-
santes à l’appui de cette théorie, c’est que la coquille a déjà at-
teint son entier développement et presque toute sa solidité à la
partie mférieure de l'oviducte, et qu’on n’y aperçoit encore au-
cune trace de coloration. On peut encore dire que les taches colo-
rées nie sont pas toutes à la surface de la coquille ; quelques-unes
sont comme entre deux couches calcaires, à travers lesquelles
elles paraissent en demi-teinte, d'où l’on conclut que la matière
calcaire se dépose progressivement et en avançant vers l’extré-
mité inférieure de l’oviducte.
Le docteur Cornay, conséquent dans son système, à cherché à
détruire cette explication, en disant que la membrane qui re-
tient l'œuf attaché à l'ovaire sécrète la matière calcaire ainsi que
la matière colorante, mais les faits semblent démontrer le con-
traire.
Si l’on n’a vu une collection assez complète de ces œufs, 1l est
impossible de soupçonner la richesse et la variété des teintes qui
ornent cette enveloppe calcaire en apparence si msignifiante. Une
collection de ee genre devrait figurer dans nos musées pour com-
pléter celle des oiseaux. : |
Les couleurs, soit simples, soit composées, dont les peintres cou-
vrent leur palette se rencontrent diversement réparties sur la
coquille des œufs. Les uns sont blancs, les autres verts, ceux-ei
FORMATION ET DÉVELOPPEMENT DE L'ŒUF, 9219
bleus, ceux-là maculés de rouge; quelques-uns sont roses, d’au-
tres orangés; d’autres ont des taches ou de brun, ou d'ocre
rouge, ou de gris ou de noir; on en voit de vert olive, de brun
uni, de couleur fauve, enfin de toutes les combinaisons de cou-
leurs dont la nature a fait un si bel emploi dans les œuvres de la
création.
La coquille des œuf d'oiseaux est, en général, ou d’une couleur
unie et sans tache, ou diversement maculée sur un fond plus ou
moins clair. Les nuances affectées par les œufs teintés d’une ma-
mère umforme sont : le blanc pur, le blanc bleuâtre, le blanc
verdâtre, le vert d'eau, le vert de mer, le vert olive, le brun-
jaune, le brun-rouge, le rose, le lilas, le gris de fer. Cette
unité de teinte parait émmemment caractéristique pour la distinc-
tion de certaines familles ou de certains ordres : elle est constante,
comme Ja forme de l'œuf, dans les espèces ou genres d'une
même famille, et ne varie que dans sa nuance ou son degré
d'intensité.
Quant aux couleurs des taches superposées à cette teinte, elles
passent par toutes les nuances intermédiaires que nous venons
d'indiquer. Mais c’est moins la teinte sous laquelle elles apparais-
sent à la surface de la coquille qui est à remarquer que leur
forme ou leur disposition, Les unes sont rondes ou arrondies, les
autres anguleuses ou carrées ; 1l y en a qui ne présentent que des
raies très-fines en forme de chevelure, et en zigzag, ou des es-
pèces de veines marbrées ou onduleuses. Elles sont, en outre,
plus ou moins détachées du fond de la coquille : les unes y parais-
sent appliquées après coup, les autres semblent se fondre d’une
manière insensible dans la nuance qui en décore la surface. Enfin
ces taches ne sont pas toutes réparties de la même façon sur l’en-
veloppe calcaire de l'œuf: tantôt elles la couvrent uniformément,
tantôt, et plus généralement, elles n’en garnissent qu’un bout en
forme de couronne, ou le centre en guise de zone; circonstances
220 SIXIÈME LEÇON.
importantes à bien observer pour distinguer les genres et les
familles, et qui, combinées avec la nuance de la couleur du fond,
sont autant de moyens presque Infullibles de parvenir à cette dis-
tmction.
Nos études sur la coloration des coquilles nous ont permis d’é-
tablir depuis plus de vingt ans, 1° qu’il n'existe pas un seul oiseau
aquatique dont les œufs aient une coquille luisante et lustrée :
cette qualité n'étant propre, dans des degrés infiniment variés,
qu'aux œufs des oiseaux terrestres ; 2° que la couleur des œufs ne
varie en aucune manière, dans la même espèce, d’un climat à un
autre; 9° que le mode de coloration, tout en variant indéfini-
ment d’une espèce à une autre, est cependant constant dans plu-
sieurs groupes ; 4° que la forme des taches, à part leurs couleurs,
est également constante dans plusieurs groupes.
L'œuf des oiseaux peut donc, à l’aide de ces principes, fournir
des caractères assez fixes pour figurer avec avantage au nombre
des éléments si divers d’une bonne classification naturelle.
Fig. 213. — Nid de Roitelet huppé.
SEPTIÈME LECON
Fabrication du nid.
Nous ne prêterons pas aux oiseaux plus de sentiments n1 d'in-
stincts qu’ils n’en ont. On connaît leur insouciance et leur légè-
reté, résultat de la mobilité de leur nature, dont le mouvement
est la condition première. Cependant 1l arrive un moment où se
fait sentir un besoin impérieux qui, chez les oiseaux, domine
toutes les autres affections : ce moment est notre printemps, ou la
saison qui y correspond dans toutes les parties du globe; ce be-
soin est celui de la reproduction de l’espèce.
Dès que le soleil commence à exercer son influence vivifiante
sur les plantes et les animaux, la plupart des oiseaux s’assem-
blent par couples, et se préoccupent pendant quelques jours de
‘endroit où 1ls pourront déposer leur précieux dépôt, et c’est ici
que se montre dans tout son Jour l’admirable providence qui pré-
side à la reproduction et à la Conservation des diverses espèces.
Il faut que l'attrait le plus puissant contraigne l'oiseau à l’exé-
cution de cette loi; car, depuis le jour où le berceau de la future
19.
999 : SEPTIÈME LEGON.
famille sera commencé, Jusqu'à celui où tous les petits seront en
état de pourvoir à leur subsistance et à leur défense, que de pri-
vations, que de cruelles inquiétudes pour les parents! Heureuse,
en effet, la couvée qui échappera tout entière aux nombreux dan-
ders qui se succéderont !
Une fois le lieu choisi, le mâle et la femelle consacreront tous
leurs instants à rassembler des matériaux convenables, tels que
des feuilles, des herbes, des mousses, des matières cotonneuses
et des aigrettes de végétaux, des flocons de laine, du duvet,
des crins où même de petites branches; on les voit travailler sans
relâche et mettre en œuvre toutes ces matières.
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Fig. 214. Fig. 215.
Nid de Bec-fin phragmite. Nid de Pie-crièche grise.
C'est que, indépendamment du besoin de s'unir, dit Buffon,
tout mariage suppose une nécessité d’arrangement pour soi-
même et pour ce qui doit en résulter. Les oiscaux, qui sont for-
cés pour déposer leurs œufs de construire un n'd que la femelle
commence par nécessité, et auquel le mâle amoureux travaille par
complaisance, s'occupent ensemble de cet ouvrage, prennent de
l'attachement l’un pour l’autre ; les soins multipliés, les secours
mutuels, les inquiétudes communes, fortifient ce sentiment, qui
FABRICATION DU NID. 223
augmente encore et qui devient plus durable par une seconde né-
cessité : celle de ne pas laisser refroidir les œufs, ni perdre le
fruit de leurs amours, pour lequel ils ont déjà pris tant de soins.
La femelle ne pouvant les quitter, le mâle va chercher et ln
apporte sa subsistance ; quelquefois même 1l la remplace, ou se
place à côté d’elle pour augmenter la chaleur du nid et partager
les ennuis de la situation. L’attachement qui vient de succéder à
l’amour subsiste dans toute sa force pendant le temps de l’incu-
bation, et il parait s’accroître encore et s'épanouir davantage à la
Fig. 216. Fig. 217.
Nid de Tourierelle. Nid d'Hirondelle rousseline.
naissance des petits : c’est une autre jouissance, mais en même
femps ce sont de nouveaux liens; leur éducation devient l’objet
de la plus vive sollicitude, et pendant toute la durée de ces soins
les oiseaux nous offrent l'exemple des plus heureux ménages.
Il y a néanmoins des exceptions : quelques oiseaux sont incon-
stants et abandonnent leurs femelles dès qu’elles commencent
à couver ; d’autres, comme nous le dirons plus loin, ne font point
de nid et sont presque toujours polygames, ce qui tendrait à prou-
ver, dit encore Buffon, que le principal mobile des pariades chez
les oiseaux se trouve dans la nécessité d'un travail en commun.
924 SEPTIÈME LECON.
Quoique les oiseaux dont les petits sont trop faibles pour se
soutenir sur leurs pieds dès l’instant de leur naissance placent
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Fig. 218. Fig. 219.
Nid de Troglodyte. Nid d’Oisean-mouche.
leurs nids sur des arbres, parmi des rochers et dans des lieux
élevés, et que ceux dont les petits sont déjà forts et agiles à la
sortie de l'œuf nichent ordinawement dans des lieux bas, au
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Fig. 220. — Nid de Cincle plongeur.
pied des buissons, ou près des eaux, cependant chaque genre,
chaque famille, a des usages différents ; ce qui n'empêche pas
que chaque espèce ait aussi sa manière particulière de fabri-
FABRICATION DU NID. 225
- quer son nid, dont la forme et les éléments sont toujours les
mêmes. On ne peut se lasser d'admirer le talent des oiseaux et
l'instinct avec lequel ils satisfont à ces divers besoms. Ils trou-
vent dans leur propre industrie des moyens de remédier aux
obstacles qui se présentent, soit en plaçant leur nid dans des
endroits inaccessibles, soit en l’exposant au sommet des arbres
et dans des lieux où notre vue mi celle de leurs ennemis ne
peuvent attemdre. | |
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Fig. 221. — Nid de Corbeau freux.
Les nids diffèrent entre eux principalement par leur composi-
tion, par leur forme et par leur situation. Ils sont séparés ou
groupés, à une seule loge ou divisés par chambrées, placés sur la
cime des arbres, sur des branches, dans les buissons, dans des
trous, sous des racines: tantôt suspendus par une anse comme des
berceaux allant au gré du vent, et tantôt flottant sur les eaux
226 SEPTIÈME LECON.
comme une nacelle. On les trouve aussi attachés entre des roseaux,
déposés dans les creux des rochers, dans des terriers, dans des
buttes de sable ou des meules de foin ramassé par eux-mêmes,
sur la terre nue ou parmi les herbes. |
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Fig. 225.
Nid de Gobe-mouche huppé. k Nid de Mésange à longue queue.
Leur forme n'est pas moins variée : elle est plate, concave,
arrondie, globuleuse, cylindrique, ouverte ou sur les côtés ou en
dessous, et quelquefois semblable à un entonnoir, à une cornue,
ou à un nautile.
Les nids ou aires de la plupart des oiseaux de proie diurnes
ont une forme large, évasée, et sont composés d’un amas de bü-
chettes garniés de feuillages : on les voit au sommet des rochers
ou sur les arbres élevés des forêts; c’est le fait de presque tous les
Vautours, des Aïgles et de la plupart des Faucons : cependant les
Cresserelles nichent dans des trous de ruines ou de vieux murs et
à nu, sans aucune préparation, les Busards et le Messager nichent
sur les buissons ou sur le sol.
Les oiseaux de proie nocturnes nichent généralement dans
FABRICATION DU NID. 221
des trous d'arbres; quelques-uns disposent des brindilles, des
feuiiles sèches, à l'enfourchure
des branches; d’autres dans les
clochers ou les vieux murs;
un plus petit nombre dans des
trous en terre ou dans des ter-
riers abandonnés par certams
mammifères fouisseurs , de
même que d’autres profitent
des anciens mids de Buses ou
de Pies.
Tous les zygodactyles, tels
que les Musophages, les Per- Fig. 29%. — Nid de Hibou.
roquets, les Pics, les Toucans,
les Couroucous, les Barbus et les Tamatias, nichent exclusivement
dans des trous d'arbres. Il n'y a d'exception, dans cet ordre, que
pour les Coucous, dont le plus grand nombre déposent leurs œufs
dans les nids d’autres oiseaux; d’autres enfin, tels que les Anis
ou Crotophages, forment une petite société de plusieurs couples
pour construire un seul nid, dans lequel ils pondent, couvent en
commun, et partagent les soms à donner à tous les petits.
Les Martins-pêcheurs et les Guêpiers michent dans des trous
qu'ils pratiquent horizontalement dans les sables des rochers ou
dans eeux des rives des fleuves.
Les Podarges s’établissent dans des trous d'arbres ; les Engou-
levents pondent et nichent presque tous à terre ; et le Stéatornis
ou Guacharo construit un nid moitié en terre, moitié en brin-
dilles végétales, dans un trou ou renfoncement de rochers, ettou-
jours sous les cavernes ou au flanc des précipices Les plus pro-
fonds et les plus obscurs.
Les Martinets nichent, sans préparation, dans les trous de ro-
chers et de hautes murailles, ou même de clochers. Quant aux Hi-
998 SEPTIÈME LECON.
rondelles, tout le monde sait comment procèdent les nôtres ; mais
il en est un grand nombre qui michent dans des trous profonds,
horizontalement percés sur le flanc de terres ou roches sableuses,
et plusieurs, dans ce cas, font précéder ce trou d’un long tuyau
extérieur égaléement en sable, mais mastiqué et solidifié par elles,
et dont l’orifice leur sert d'entrée et les préserve ainsi elles et
leurs couvées de l'atteinte des reptiles ou des rongeurs. À propos
des Hirondelles, nous devons signaler les Salanganes, dont le nid
gélatineux, si recherché par les Chinois et les Javanais, fournit,
dit-on, un assaisonnement délicieux.
Fig. 225. — Nid de Salangane.
Les Calaos se distinguent par une singulière habitude : ils mi-
chent dans des trous d'arbres dont le mâle maconne l'entrée
pour emprisonner la femelle pendant toute la durée de l’incuba-
tion et de la première éducation des petits. Il ne laisse qu’une
ouverture suffisante pour passer le bec et la nourriture qu'il
apporte. Quand les petits sont assez forts, la muraille est démolie
et la prisonnière rendue avec sa couvée à la hberté. C’est un mode
de nidification et une particularité de mœurs qui rapprochent
beaucoup, ainsi que nous avons eu déjà plus d’une occasion de
l'observer, notre Huppe ou Pu-pu des Calaos.
La tribu des Oiseaux-mouches, si uniforme dans son orgänisa-
FABRICATION DU NID. 299
tion et sa manière de vivre, offre la plus grande variété de nids :
ils sont en forme de coupe, de boule ou de longs cornets. Il en
est de même des Soui-mangas et des Philédons.
Fig. 226. —- Nid de Colibri ermite, d'après Gould.
Les Fourmers sont ainsi nommés par les colons d'Amérique à
cause de la forme smgulière qu'ils donnent à leur nid, qui rap-
pelle celle d’un four construit en terre mouillée, et dont la galerie
intérieure se contourne en spirale comme la coquille du Limaçon.
Qui n'a vu et admiré le nid des Mésanges, surtout celui de la
Penduline, composé avec la bourre soyeuse de chatons du saule
et du peuplier blanc, qu’elle suspend à l'extrémité d'une branche
très-flexible? La Penduline du Cap construit sur les mimosas un
j EM I, 20
930 SEPTIÈME LECON.
nid à peu près semblable et encore plus délicat, tant 11 est petit ;
mais elle y ajoute en dehors une petite cupule, une petite retraite,
destinée à recevoir tour à tour le mâle et la femelle pendant
qu'ils se partagent les fatigues de l'incubation. |
Règle générale : tous les oiseaux dont le mid a la forme allongée
et l'ouverture tournée en bas habitent les tropiques ou les par-
ties les plus chaudes des deux mondes, et ne construisent ainsi
DEUX Y EL AN NA NY
RUQS)) A (I I, AS ( S KA
NS KIA Il JEK \ ù ea \
WE \\ NX )
\\) (it
Fig. 227. Fig. 228.
Nid de Tisserin mahali. Nid de Tisserin à tête jaune.
qu'afin de mettre leurs œuis et leurs couvées à l'abri des mam-
mifères grimpeurs et des reptiles de toute sorte qui abondent
dans ces régions.
Îl en est encore ainsi des Cassiques, des Carouges et des Trou-
piales de l'Amérique : leurs nids sont faits avec encore plus d'art.
Composés avec des tiges de graminées fort longues, 1ls ont une
{orme ovale ou allongée et sont établis en tubes cylindriques. Le
nid, fortement attaché par une extrémité À une branche, flotte
FABRICATION DU NID. : 951
librement dans le reste de sa longueur, qui a quelquefois de un
à deux mètres. Il n’est ouvert qu’à son extrémité inférieure; et
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Fig. 229. — Nid de Tisserin nélicourvi.
l'endroit destiné à la nichée et à la couveuse est renflé et forme
une retraite à quarante ou cinquante centimètres de cette ou-
verture, par laquelle chaque couple monte pour arriver jusqu'au
nid : sa forme générale constitue une espèce d’alambie, et l’on
en compte souvent plusieurs centaines suspendns aux branches
d’un seul arbre. Quelques-uns de ces oiseaux donnent à leur nid
la forme d’une bourse, avec deux ouvertures, l’une à son extré-
mité et l’autre sur le côté; quelques espèces donnent à leurs nids
la forme d’une demi-sphère garnie en dedans de quatre loges.
232 SEPTIÈME LECON.
Il en est encore de même des oiseaux que pour cette cause on
nomme Tisserims (ou Tisserands) en Afrique et dans l'Inde. Ils
vivent en société et sont connus aussi sous le nom de Républi-
cains. On trouve fréquemment plus de cinquante ou soixante de
ces mds sur le même arbre, ie
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Fig. 250. — Nids de Républicains.
Parmi les Fauvettes, celles de roseaux sont remarquables pour
leur mode de mdification. Notre Effarvatte, par exemple, enlace le
sien autour de sept à huit tiges du même pied de roseau; et ces
tiges, au milieu desquelles se trouve placé le nid, sont assez peu
serrées par cet entrelacement pour permettre au md de monter
ou de descendre selon que le niveau de l’eau, qui en touche le
fond, s'élève ou s’abaisse. |
C’est ce que font aussi, mais d’une manière beaucoup moins
parfaite, quelques espèces d'oiseaux d'ordres différents, telles:
que des Maroucttes, des Râles, des Poules d’eau et certains Ca-
nards,
FABRICATION DU NID. 233
Les Orthotomes, autre famille de Fauvettes de l'Inde, dont
le nom latin et anglais peut se traduire par couturière, ne sont
pas moins remarquables. Une de ces espèces place son nid dans
une feuille large, pliée en cornet, parce que l'oiseau prend som
d'en rapprocher les deux bords, en les cousant ensemble au
moyen d’un brin d'herbe qui lui sert de fil, et qu'il passe dans
Fig. 231. Fig. 232.
Nid de Fauvette de roseaux. Nid de Troupiale baltimore.
des trous percés successivement à l’aide du bec. Une autre le place
entre deux feuilles, dont la supérieure sert de toiture au nid,
sur les bords duquel elle est cousue tout autour de sa circonfé-
rence de la même manière, mais avec une substance cotonneuse,
ne laissant qu'un petit espace sans couture qui sert d'entrée à
l'oiseau.
Les Corbeaux et les Pigeons, lorsqu'ils nichent sur les arbres,
ont un nid très-grossier : ils ne le composent que de quelques bü-
20.
23% SEPTIÈME LEÇON
chettes formant une claire-voie qui permet souvent de voir la
couveuse et ses œufs.
Les Moineaux donnent à leur nid la forme d’une boule avec une
entrée latérale; et, loin des habitations, ces derniers en réunis-
sent plusieurs sur le même arbre.
Les grands Coureurs, les Gallinacés et presque tous les Échas-
siers passent pour construire leur nid avec peu de som : les pre-
miers, dans les déserts et dans les champs ; les seconds, sur les
rivages, dans les marais, on même sur les rochers à fleur d’eau. Il
en est de même de presque tous les oiseaux à pieds palmés.
Les Autruches et les Casoars se bornent à creuser, avec leurs
pieds, dans le sable ou au milieu des herbes, un nt trou circu-
lire destiné à recevoir leurs œufs. Mais les Mégapodes et Les Talé-
galles, ces oiseaux demi-gallinacés et demi-coureurs, des Célèbes,
de l'Océanie et de l'Australie, se donnent un peu plus de peme.
Les premiers déposent leurs œufs sur une couche de sable, et les
recouvrent d’un monticule, abandonnant ensuite le som de l’é-
closion à l’action du soleil. Les seconds, au lieu d'un monticule
de sable, forment d'énormes meules de foin au milieu desquelles
se trouvent leurs œufs. Mais ces meules sont l’œuvre de plu-
sieurs couples de ces oiseaux réunis, qui ont soin de procéder par
couches successives d'œufs, alternées de couches de foin; ils y
placent les œufs dans une position perpendiculaire, et l’action
combinée de la chaleur résultant de la fermentation de l'herbe
ainsi accumulée et de la chaleur du soleil produit le résultat
d’une incubation naturelle et suffit pour amener l’éclosion.
Enfin les Goëlands, les Hirondelles de mer, les Macareux, les
Pingouins, les Guillemots et les Pétrels, ne font pas de mids : ils
pondent indistinctement sur le sable, sur la grève ou sur la roche
nue, parfois dans des trous de rochers. Parmi les Manchots, les
uns se comportent de même, les autres se pratiquent des terriers
ou profitent de terriers abandonnés. |
+
FABRICATION DU NID. 245
Quant aux Cygnes, aux Oies et aux Canards, les uns construi-
sent leurs nids avec des graminées, du goëmon ou du varech; Îles
autres michent sur les arbres ; plusieurs font des terriers, tels que
l'Oie d'Égypte, le Canard tadorne, etc. :
En général, les besoins ordinaires de la vie et les moyens d’y
pourvoir, qui seront pour les petits les mêmes que pour les pa-
rents, décident du lieu où le nid doit être placé, tandis que la
facon dont il doit être construit est subordonnée aux soins parti-
culiers que nécessiteront les petits.
Toutefois la constance des procédés pour édifier les mids pré-
sente, chez les oiseaux, de nombreuses exceptions; leur con-
struction n’est pas toujours la même pour chaque individu d’une
même espèce, en sorte que l’on pourrait dire que, jusqu'à un
certain point, les oiseaux ne sont pas astreints d'une manière
absolue à des règles fixes. C'est ce qu'on peut souvent obser-
ver sous le rapport de l'emplacement. Une foule de causes di-
verses, que nous ne pouvons facilement discerner, les guident
dans leur choix; et souvent ce choix nous paraît surprenant, sans
que nous puissions deviner pourquoi 1ls s’écartent tant de leurs
habitudes. d
Autant les oiseaux mettent de som dans le choix d’un empla-
cement pour la construction de leur nid, autant ils en appor-
tent dans le choix des matériaux qui le composent. Ils bâtissent
un nid pour conserver la chaleur nécessaire à l'incubation, et
pour offrir aux petits une couche molle et douce. C'est pour ces
deux raisons que les nids imgénieux des petits oiseaux des bois
sont rembourrés si délicatement, leurs petits naissant entière-
ment privés de plumes. Quant aux gallinacés, aux oiseaux nageurs
et de marais, dont les petits sont, pour la plupart, revêtus, à la
sortie de l'œuf, d'un duvet tendre semblable à de la soie, ils n’ont
pas besoin d’un lit aussi chaud; et d’ailleurs ils sortent tout de
suite avec leur mère à la recherche de leur nourriture, tandis que
936 | - SEPTIÈME LECON.
pendant longtemps il faut l’apporter aux premiers, qui restent
dans leur berceau.
La grande préoccupation des oiseaux est de cacher leurs nids
aux yeux de leurs ennemis, et d’en rendre l’abord difficile. L o1-
seau parvient le plus souvent à remplir ces conditions, non-seu-
lement par-la forme, mais encore par la composition du nid.
Ordinairement, le nid se compose de deux ou trois couches de
matériaux différents : la couche extérieure, celle qui doit soute-
mir l'édifice, se compose des plus grossiers; puis la seconde cou-
che, de matériaux plus fins; et enfin, à l’intérieur, se trouvent
les plus mous. La plupart des nids qui sont sur des arbres ou des
branches sont construits d’après ces règles, et les grands oiseaux
emploient des matériaux plus grossiers que les petits. Les nids des
oiseaux de proie et des Corneilles se composent extérieurement
de rameaux secs, forts et faibles, puis de tiges et de racines plus
fines, et, à l’intérieur, de mousse, de poils, etc.; souvent la
couche du mihiéu est mêlée de terre et d'argile, ce qui donne plus
de solidité à la construction. |
La plupart des nids des petits oiseaux sont construits suivant le
même mode, mais seulement avec des matériaux plus fins : car,
tandis que la Corneille emporte dans son nid des paquets entiers
de soies de porc, la Pie-grièche-écorcheur met dans le sien quel-
que crins de cheval. L'intérieur du nid d'un grand nombre de
petits oiseaux chanteurs est tapissé avec une délicatesse extraor-
dinaire, mais chaque espèce a ses matériaux particuliers. Plu-
sieurs emploient des plumes, de la laine, du coton, des poils;
d'autres, seulement une seule de ces matières, et toujours la
même. Ainsi dans le nid de la Fauvette babillarde on ne trouve
que quelques crins; dans celui du Linot, toujours de la laine ou
du coton, rarement quelques poils; dans celui de la Mésange à
longue queue il n'y a que des plumes; mais, dans beaucoup
d’autres nids, on trouve toutes ces matières réunies. Il y a parmi
FABRICATION DU NID. 937
eux des architectes si capricieux, que, dans le choix de ces ma-
tières, 1ls montrent un goût tout particulier : le Pouillot : par
exemple, ne met dans son nid que des plumes de Perdrix.
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3. — Nid de Mérion azuré, d’après Gould.
O1
Fig. 2
Ainsi plusieurs espèces d'oiseaux ont leurs matériaux de
prédilection, et, quand ils en trouvent dans leur voisinage, ils
258 SEPTIÈME LECON.
s’en servent exclusivement pour la construction de leur nid. Le
Linot, par exemple, trouve en quantité, dans les lieux qu’il fré-
quente, une certaine plante, le gnaphalium dioïcum, cotonnière
ou pied-de-chat : aussi tous les individus de l'espèce qui nichent
dans nos contrées, en Allemagne surtout, recouvrent leur nid de
cette petite plante molle. Le Merle enduit de terre trempée l’inté-
rieur du sien quand 1l le construit sur des branches; mais, quand
il le place dans un trou d’arbre ou dans un tronc creux, il n'y
met plus d’enduit, 1l le tapisse de mousse. La Grive choisit une
matière toute particulière pour façonner l’intérieur de son nid :
on à cru que c'était de la bouse de vache, mais à tort; c’est sim-
plement du bois pourri bien trituré, rarement mêlé de glaise et
d'argile. L'oiseau l’agglutine avec sa salive et 1l l’étend et le lisse
avec son bec.
Pour le choix des matériaux extérieurs, nous trouvons les o1-
seaux non-‘MOoIns capricieux. Ainsi, au nid assez artistement tra-
vaillé de la Fauvette à poitrine jaune, il y a toujours une foule de
petits morceaux d'écorce ou plutôt de la pellicule blanche du
bouleau; et, quand cet arbre ne se trouve pas dans le voismage,
loiseau emploie la dépouille des chrysalides et la soie ou le fil de
divers insectes. La Pie bâtit son nid avec des épines, le tapisse
intérieurement de terre ; et sur cette couche elle place des racines
tendres et de petites fibrilles de végétaux, pour y déposer ses
œuls : le tout est recouvert d'un dôme ou toiture en épines;
l'entrée est sur le côté. Les nids de Corbeau sont dans le même
genre, mais ils n'ont pas de toit. Beaucoup d'oiseaux qui nichent
sur les arbres et les branches se bâtissent un nid, mais à parois
si minces, que l’on peut voir au travers et que l’on a peine à con-
cevoir comment ils parviennent à y faire éclore leurs œufs et à
garantir leurs petits du froid. |
Les matériaux pour la construction du nid sont toujours choi-
sis selon le lieu et le temps du séjour de l'oiseau. Cette remarque
FABRICATION DU NID 239
s'applique particulièrement à la couche extérieure, et souvent le
nid à encore une enveloppe spéciale composée de ce qui se trouve
Fig. 254. — Nid de Rhipidure ou Queue en éventail, d’après Goulü.
le plus en abondance dans les environs : mesure de précaution
contre les regards de l’homme et des autres ennenus. Comment
240 SEPTIÈME LEGON.
ne pas adnurer l’art prodigieux avec lequel la Mésange à longue
queue et le Pinson commun revêtent l'extérieur de leur nid de
ces mousses grises ou lichens qui croissent sur l'arbre même où
il est construit ou sur d'autres arbres de la même essence?
L'œil le plus exercé ne s’y arrête pas, et croit voir une branche
couverte de mousse. Naumann dit avoir vu un jour un nid de
Mésange à longue queue placé au milieu de tiges de houblon, et
sans aucune trace extérieure de mousse sèche mi de lichen.
C'est qu’en effet cela n'était pas nécessaire : car dans les bran-
ches vertes et les feuilles du houblon il ne croît aucun de ces
cryptogames; et si le nid, comme d'habitude, en avait été re-
vêtu, 1l aurait bien plus frappé les yeux. Il fallait donc que l’oi-
seau employât un autre moyen pour attemdre son but, et l’ingé-
nieux architecte avait construit le sien en mousse toute verte qui
ne paraissait nullement au milieu des feuilles. |
Beaucoup d'oiseaux qui construisent leurs nids avec moins
d'art que les précédents choisissent de même, toujours de préfé-
rence, les matériaux qui se trouvent le plus à leur portée : ainsi
nous les voyons construits, au milieu du gazon, avec des brins
d'herbe sèche ; au milieu de la mousse, avec de la mousse, etc.
Les espèces qui mchent dans les marais et les eaux prennent des
plantes aquatiques, des roseaux, des Jones, ete., comme le Buzard
et les espèces de Passereaux de roseaux.
Les oiseaux d’eau et la plupart des oiseaux de marais, ainsi que
les gallimacés, nichent toujours dans le voisinage des lieux où
les matériaux qui leur conviennent se trouvent en abondance, et
ils les apportent dans leur bec, soit en nageant, soit en mar-
chant. Les plumes que l’on trouve dans les nids des Canards
sont les plumes mêmes de la femelle, qu'elle s'arrache en cou-
vant. L'Oie sauvage commune emporte souvent du Jonc sec sur la
cime des vieux saules, mais jamais elle ne va le chercher loin ;
elle le prend le plus près possible, l'apporte, en courant, au pied
FABRICATION DU NID. 241
de l'arbre, et alors l’enlève jusqu’au haut en volant. Les Plon-
seurs vont chercher leurs matériaux au fond de Peau; ils y ar-
rachent les plantes aquatiques qui commencent à pourrir, puis
les apportent à la surface de l'eau. On voit le mâle et la femelle
s'occuper de ce travail ét ramener souvent ensemble de grandes
masses de ces plantes de diverses espèces pour en former un nid
flottant
es oiseaux de proie emportent les matériaux de leurs nids dans
leurs serres ; presque tous les autres oiseaux dans leur bec.
Quelquefois les oiseaux vont chercher cés matériaux très-loin,
surtout ceux qui ne se trouvent pas partout en abondance ; et l’on
a souvent peine à comprendre que tant de petits oiseaux puissent
se procurer la quantité de plumes, de lame ou de poils qu’on
trouve dans leurs mids. Ils déploient tant d'activité dans cette re-
cherche, qu'à peine se laissent-1ils effrayer par la présence des
hommes; mais 1ls n'aiment pas à être observés pendant leur
travail, qu'ils suspendent par moments quand ils voient qu'on
fait attention à eux. Cette remarque s’applique non-seulement aux
petits oiseaux des bois, généralement plus habitués à la vue des
passants ou des bücherons, mais aussi à beaucoup d'autres
oiseaux plus grands, qui se montrent bien moins farouches
pendant lincubation qu'à toute autre époque. Il est vraiment
intéressant d'assister dans nos jardins à la construction du nid
d’un couple de petits oiseaux chanteurs. Tous leurs mouve-
ments marquent la Joie et le bien-être : 1ls traînent les maté-
riaux de leur petit édifice avec les plus grands efforts, tout vit
en eux, tout est dans la plus active ardeur; et souvent leur ap-
phcation est telle, qu'ils semblent ne pas voir le promeneur qui
passe à chaque instant près d'eux. Les premières fondations sont
posées en commun par le mâle et la femelle: ensuite la femelle
se place dessus, dispose les matériaux apportés par le mâle,
les range autour d'elle et les entrelace. On la voit dans une
RUE 21
242 SEPTIÈME LECON.
agitation «ontinuelle ; elle se meut et tourne en cercle, afin de
donner ainsi au nid une forme arrondie et la dimension conve-
nable. Si le mâle ne peut pas apporter les matériaux assez Tapl-
dement, la femelle s'envole aussi et va chercher elle-même ce
dont elle a besoin. Naturellement les nids peu artistement travail-
lés sont bientôt achevés; tandis que les mids les plus industrieux
demandent plusieurs jours, et même jusqu’à deux semaines pour
être entièrement terminés. Du reste, la durée de ce travail varie
selon que le temps est plus ou moins beau : car en temps de pluie
le travail cesse, et les variations de la température retardent .sou-
vent la fin de l'opération.
Quant à la vie sociale des oiseaux et au temps de la pariade,
nous remarquerons que souvent ceux qui, à d’autres époques de
l'année, surtout à celle de leur départ, sont très-sociables,
deviennent fort capricieux au moment de la couvée; et alors
chaque oiseau chasse de son voisinage tout autre couple de la
même espèce. Le Pinson et l'Alouette peuvent être cités comme
exemples, entre beaucoup d’autres. En général, la plupart des
espèces se réunissent de préférence à plusieurs couples, pour
nicher dans toute une contrée; mais, dans tous les cas, chaque
couple à son petit canton dans lequel 11 construit un nid, et au-
cun autre oiseau de la même espèce ne peut s’y établir. Cependant
plusieurs d’entre eux aiment un peu plus la société, et se plai-
sent, quand c’est possible, à micher les uns près des autres,
et en grand nombre : comme nos Hirondelles et quelques oiseaux
d’eau. D’autres ont tellement besoin de la société de leurs sem-
blables, qu'ils nichent toujours les uns à côté des autres, en assez
grand nombre, mais couple par couple, et qu'ils se comportent
très-bien entre eux, sauf quelques petits vols qu'ils se font pour
les matériaux de leurs nids. A cette catégorie appartiennent les
Freux, les Troupiales d'Amérique, les Tisserins de l'Afrique et de
l'Inde, mème nos Momeaux, les Hérons cendrés, les Mouettes
FABRICATION DU NID. . 243
rieuses et plusieurs autres. Les exceptions sont très-rares, et ne
peuvent être amenées que par des circonstances toutes particu-
lières. Il parait, du reste, que c’est une mesure de sûreté de ces
oiseaux, soit pour se soustraire plus promptement à un danger
imminent, soit pour se défendre en commun et par conséquent
plus vigoureusement contre leurs ennemis. Les Mouettes, par
exemple, sont continuellement sur leurs gardes, et, dès qu'un
oiseau suspect approche de leurs nids, elles le harcèlent avec
d'horribles cris et d’effrayants coups de bec, jusqu’à ce qu'il
abandonne la place; les Freux agissent de même. On trouve
quelquefois quinze ou trente de leurs nids réunis sur un seul
grand arbre, ainsi que d’autres oiseaux qui nichent en société
avec eux. |
Disons en terminant que tous les jeunes oiseaux bâtissent dès
qu'ils sont aptes à se reproduire, avec un art instinctif, de la
même mamière, et exactement sur le même plan que leurs pa-
rents, sans les avoir vus faire et sans avoir rien appris d'eux.
Cependant quelques auteurs pensent qu'ils conservent le sou-
venir de leur berceau et qu'ils cherchent à en faire un sem-
blable, quand pour la première fois ils doivent pondre.
Nous aurons encore plus d’une occasion d'entrer dans le
détail des merveilles de ces constructions, en traitant des habi-
tudes de chaque famille, de chaque genre, ou de chaque espèce
d'oiseaux.
Fig. 255.— Nid de Zanthomize phrygia, d’après Gould.
HUITIEME LEÇON
Ponte. — Incubation. — Développement de l'embryon.
Une fois le nid construit, les œufs pondus, arrive pour la fe-
melle Le travail long et pénible de lincubation.
Le nombre des œufs que peuvent pondre les femelles varie beau-
coup suivant les fanulles et les genres d'oiseaux. Quelques-uns,
tels que les Manchots, n’en pondent qu'un; d’autres, comme les
grandes espèces d'oiseaux de proie, deux ou trois ; les Passereaux,
en général, font cinq ou sept œufs, mais les Mésanges en ont jus-
qu à quinze ou dix-huit; chez les Gallinacés, le nombre est quel-
quefois de vingt à vingt-cinq. La femelle, toutefois, ne pond
ordinairement qu'un œuf chaque jour; les petites espèces font
leur ponte en quatre, cinq ou six Jours, suivant le nombre des
œufs que doit donner chaque couvée; mais 1l y a un Jour de repos,
pour la plupart des grandes espèces, entre chacun de ceux où
la femelle pond. On vient de voir que les petites espèces sont plus
fécondes, en général, que les grandes, mais sans qu'il y ait
des proportions bien établies. En effet, beaucoup de petits oiseaux
21
246 HUITIÈME LECON.
font, en été, quatre pontes de quatre ou cinq œufs chacune ; les
Perdrix, les Faisans, qui ne font généralement qu'une ponte, pro-
duisent à peu près autant. Ce qui paraît le mieux constaté à cet
égard, c’est que les oiseaux de proie sont beaucoup moins féconds,
puisque les grandes espèces ne font qu'une ponte de deux œufs,
et que les petites n’ont aussi qu’une ponte de trois ou quatre œufs,
et qu'ils ne font guère au delà de deux pontes en une saison.
Quel que soit le nombre des œufs à produire, la femelle ne
commence à les couver régulièrement que quand la ponte est ter-
minée; alors elle ne quitte plus le nid que pour prendre de la
nourriture deux ou trois fois chaque jour : le mâle se tient aux
environs, veille à ce qui peut arriver, ne craint aucun ennenn,
brave les plus dangereux, s'il ne peut les écarter ou leur résis-
ter. Lorsque aucun accident, aucun danger, ne trouble son bon-
heur, 1l en exprime souvent le sentiment par son chant, quil
n'interrompt que pour chercher de la nourriture; il apporte à sa
compagne une partie de celle qu'il a trouvée : c'est quelques
grains qu'il a soin de brover, un ver, un msecte, une portion de
fruit ; la femelle les reçoit avec des battements d'ales et un ga-
zouillement qui paraissent être l’expression de sa satisfaction et
de sa reconnaissance. À part le temps qu'exige la recherche de fa
nourriture quotidienne, le mâle reste jour et nuit à peu de dis-
tance de son nid. La femelle n’est le plus souvent occupée que du
soin de couver, de remuer de tempsen temps ses œufs et de les
changer de côté ou de position. Ces occupations continuent pendant
tout le temps de l’incubation, dont la durée varie selon les espèces.
La doi de nature qui veut la conservation et la reproduction de
l'espèce est tellement impérieuse, que si, malgré les précautions
prises pour cacher le nid et le mettre à labri des mille dangers
qui le menacent, 1l est découvert, renversé et ravagé, les malheu-
_reux parents s'éloignent, et, après quelques jours de tourments
et de tristesse, ils construisent un autre nid et pondent de nou-
PONTE. | 217
veaux œufs, mais en moins grand nombre. Si ce second nid a le
même sort que le premier et que la saison ne soit pas trop avancée,
il y aura une troisième et même une quatrième ponte; tandis que,
si la première réussit, les jeunes oiseaux absorbent toutes les
affections du père et de la mère pendant tout Le temps nécessaire
à leur développement, et ce n'est que lorsque les petits peuvent
pourvoir complétement à leur subsistance que les parents s'appré-
tent à faire un autre md et à élever une seconde couvée.
Nous avons déjà dit que, parmi les oiseaux, les uns, et c’est le
plus grand nombre, sont monogames, et les autres polygames.
Les premiers partagent en commun les soins de la famille, et les
petits en naissant sont nus, faibles, ne peuvent sortir du nid et
ont besoin pnedant quelque temps de recevoir une nourriture
préparée et d’être garantis du froid. Les seconds font rarement
un nid, et la femelle seule est généralement chargée des soins
du ménage. Ses œufs sont le plus souvent déposés dans une dé-
pression du sol, sur de la mousse, au pied d’un arbre ou sous un
buisson. Le mâle se contente de veiller à distance, soit pour pro-
téger ses femelles, soit par Jalousie. Le temps de l’incubation est
plus long, les petits marchent, et souvent, dès la sortie de l'œuf,
ils sont couverts d'un chaud duvet : comme ils sont nombreux, il
fallait bien qu'ils fussent en état de suivre leur mère, qui n’au-
rait pu suffire à leurs besoins, s’il avait fallu leur apporter la
nourriture. (Ainsi, quand la conservation des petits n’est pas ga-
rantie par l’'umion et la tendresse mutuelle des parents, les oi-
sceaux naissent plus forts, plus couverts et en état de prendre
eux-mêmes la nourriture qu'ils cherchent avec eux. »
Avant de nous occuper des détails de l'incubation, disons en-
core quelques mots de l'œuf, et parlons de la disposition des par-
ties qui entrent dans sa composition. Prenons pour exemple un
œuf de poule.
En enlevant avec som une partie de la coquille dans son dia-
918 HUITIÈME LECON. :
mètre longitudinal et la portion de membrane qui la tapisse, on
voit le jaune enveloppé d’une membrane excessivement mince,
transparente, et flottant au centre de l'œuf; 1} est mamtenu à
égale distance des pôles par les chalazes, dont nous n'avons indi-
qué que la formation, mais dont les fonctions consistent à main-
tenir le jaune plus léger au centre de l'albumine qui remplit
La
Fig. 236. — Chalazes et membrane chalazifère. Fig. 257. — Tache germinative,
après 3 heures d'incubation.
l'œuf, et à distance à peu près égale de tous les points de la co-
quille, et à le mettre à l'abri de la pression produite par le déve-
loppement de la chambre à air, qui ne se trouve pas encore dans
l'œuf fraîchement pondu et ne parait qu'après quelques Jours. Au
milieu de la surface visible du jaune, on aperçoit une petite
tache blanche ou germinative qui, en raison de la légèreté des
parties qui la supportent, comparée à celles du reste du jaune,
tourne toujours vers le côté supérieur du flanc de l'œuf; cette
tache assez distincte entoure le germe. Quelquefois on peut dis-
tinguer sur la membrane (chalazifère) qui enveloppe le jaune
une ligne blanche qui, lorsqu'elle est visible, forme autour du
jaune, d'une chalaze à l’autre, une ceinture qui semble rappeler
la ligne blanche du calice de l'ovaire (fig. 211). |
Au moment de la ponte l'œuf est à la température de la mère
et il est plein, mais il ne tarde pas à se refrordir, et les parties les
plus fluides, qu'on voit encore pendant deux ou trois jours et qu’on
désigne sous le nom de lait de l’œuf, disparaissent par évapora-
INCUBATION. 249
tion. Il se forme alors au gros bout de l’œuf, entre les deux
feuillets dédoublés de la membrane commune, une chambre qui,
après quelques jours, s'agrandit assez pour contenir deux centi-
mètres cubes d'air atmosphérique. Quelques observateurs pen-
sent même que l'air de cette chambre contient plus d'oxygène
que l'air atmosphérique. Si l'on analyse l'air de la chambre d’un
œuf conservé pendant un mois, on le trouve composé de seize ou
dix-sept parties d'oxygène, de deux ou trois parties d'acide car-
bonique, et de quatre-vingts ou quatre-vingt-deux parties d'azote.
On pense que cet air doit servir à la respiration du Poulet; nous
en reparlerons plus lom.
Après quelques heures d’incubation, une évaporation nouvelle
de parties fluides à travers les membranes et la coquille agrandit
encore un peu la chambre à &r, et l'œuf perd de son poids. Cette
perte est évaluée à cinq pour cent pendant la première semaine, à
neuf pour cent pendant la seconde, et à trois pour cent pendant la
troisième. Ces données suffisent pour le moment. Le germe orga-
nique est prêt à s’animer, il n'attend que la chaleur et l'impulsion
donnée, le développement se fera sous l'influence du même agent.
Le mode d’incubation varie presque autant que le nombre des
œufs. Il n'est personne qui n'ait fait attention aux différences qui
existent dans la longueur des membres inférieurs des diverses
familles d'oiseaux, et dans la position de ces membres par rapport
à la direction du corps, ainsi qu'aux disproportions que souvent
elles présentent avec le corps lui-même. Ces variations ou ces dis-
proportions produisent des différences essentielles dans le mode
d'incubation ; car tous les oiseaux, en couvant, ne font pas égale-
ment porter le poids du corps sur leurs œufs, ni de la même ma-
mière : la longueur de la jambe par rapport à la cuisse apporte
des modifications assez intéressantes. Ainsi les Macareux, par
exemple, les Pingouims, les Guillemots, dont les jambes sont ex-
cessivement courtes, couvent dans la position qu'exigent et la
250 © HUITIÈME LECON.
brièveté et le mode d'insertion de leurs pattes placées hors du
centre de gravité et à l'extrémité postérieure du corps. Dans l’im-
possibilité presque absolue de s’aider de leurs jambes pour sou-
tenir leur propre poids, ils sont réduits à le faire porter, en
grande partie, sur leurs œufs. C’est, sans aucun doute, à cette
conformation particulière et à ce mode obligé d’incubation qu'il
faut attribuer le petit nombre d'œufs que pondent ces oiseaux,
puisqu'il est rare qu'ils en fassent plus de deux. II leur serait dif-
ficile en effet d'en couver davantage dans cette position, leur
corps et la conformation de leurs ailes incomplètes n'offrant
pont une surface assez étendue, et la brièveté de leurs pattes
s’opposant à ce qu'ils puissent les écarter suffisamment. Il en est
de même pour la plupart des Manchots, qui couvent accroupis.
Les Flamants et quelques autres échassiers, au contraire, dont
les jambes sont démesurémentlongues, ne peuvent s’accroupir com-
modément; aussi sont-ils forcés de déposer leurs œufs sur un mon-
ticule qu'ils élèvent eux-mêmes, et 1ls les couvent presque debout,
en les couvrant seulement de la partie postérieure de leur corps.
Chez les gallinacés et la plupart des autres oiseaux, la lon-
gueur proportionnée des pattes et leur position au centre du
corps ne s'opposent pas à leur écartement, aussi peuvent-ils cou-
vrir avec leur ventre et leur poitrine un bien plus grand nombre
d'œufs, sur lesquels repose le poids du corps. Les Tinamous, les
Outardes et les Bécassines ont des pattes placées à peu près de
même que chez les gallinacés, mais elles sont conformées d’une
manière plus avantageuse. Quoique accroupis comme ces der-
mers, ils reposent en partie sur elles pendant l’mcubation, et
leurs œufs ne supportent pas tout le poids du corps. Il en est au-
trement chez les Goëlands, les Mouettes et les Hirondelles de
mer, dont les œufs à coquille généralement délicate seraient
souvent compromis s'ils n'étaient sauvegardés par leur forme
arrondie et par l'épaisseur et la mollesse des plumes du ventre
INCUBATION. 251
de la couveuse. Les pattes de ces oiseaux, quoique placées au
centre du corps, sont tellement courtes, qu’elles ne peuvent ser-
vir de soutien. On voit que la nature a combiné de la manière la
plus heureuse la force de résistance de la coquille et la forme
de l’œuf avec les divers degrés de pression que les proportions
des membres postérieurs obligent les oiseaux à exercer sur les
œufs qu'ils couvent et dont l'épaisseur n’est pas toujours en rap-
port avec le volume. |
Indépendamment de l’industrie si variée qu'ils déploient dans
la construction de leurs nids, plusieurs oiseaux ont de grandes
précautions à prendre pendant l’imcubation. Ce sont surtout ceux
dont les femelles, ayant besoin d’aller chercher leur nourriture
elles-mêmes, sont forcées de quitter momentanément leurs œufs.
Dans ce cas, avant de s'éloigner, elles couvrent le nid avec des
feuilles sèches, des brins d'herbes, des plantes aquatiques et sur-
tout avec le duvet qu'elles s’arrachent à la poitrine et au ventre.
Ce nest donc pas positivement pour empêcher le refroidisse-
ment des œufs, mais bien pour cacher le nid, qu'elles agissent
ainsi. Leur instinct ne s'exerce véritablement et n’est admirable
qu en ce qui concerne la conservation de l'espèce. Tous ont con-
science de l'ennemi qui menace chacun d'eux; et c'est en cela
qu'ils développent une richesse d'imagination ou de ruse, à peine
croyable, pour conjurer le danger. Ce serait donc une erreur de
croire que la plupart des Canards, qui, comme l’Eider, enfouissent
leurs œufs dans le fin duvet dont ils les recouvrent pendant leur
absence du nid, agissent ainsi afin d’en empêcher le refroidisse-
ment : cela, sans aucun doute, peut y contribuer ; mais e’est uni-
quement pour les soustraire à la vue de leurs ennemis, dont les
plus nombreux et les plus acharnés sont les oiseaux de proie et
les Corbeaux.
Plus la forme du danger se multiplie, et plus les oiseaux mettent
de soins pour cacher leurs nids; aussi c’est dans les régions les
252 HUITIÈME LEÇON.
plus chaudes du globe, où se trouvent en grand nombre des
singes et d'autres mammifères grimpeurs, ainsi que des reptiles,
que les oiseaux emploient le plus de ruses pour mettre leurs nids
à l'abri des attaques. C'est là surtout que l’on a le plus de pente
de l'instinct des oiseaux.
Quel que soit le nombre des œufs, la duréede l'incubation, à part
quelques rares exceptions, est en rapport avec la taille de l'oiseau.
Ainsi les Oiseaux-mouches couvent douze jours, les Mésanges
onze Jours, les Pinsons quatorze, les Pies, les Geais, dix-sept à
vingt et un, le Coq de Bruyères vingt-sept, l'Outarde vingt-huit,
le Cygne quarante à quarante-cmq, tandis que les œufs d’Autru-
ches exigent une incubation du cinquante-cinû à soixante Jours.
L'époque de la ponte peut varier de quelque jours, mais elle est
généralement la même pour tous les oiseaux ; et, dans toutes les
parties du monde, le printemps en donne en quelque sorte le si-
gnal comme la fin de l'été y metun terme.
Développement de l’oiseau dans l'œuf pendant l’incu-
bation, — Nous connaissons la formation et la composition de
l'œuf; nous savons le soin que la femelle met à le couver ; 1l faut
maintenant suivre le développement du germe qu'il renferme et
qui doit donner le jeune oiseau. C’est sur l'œuf de la Poule, le
plus commun et le plus facile à observer, que l'étude de la tor-
mation de l'oiseau a étéle plus suivie, aussi le prendrons-nous
comme exemple de ce que nous avons à dire des diverses phases
de lincubation.
L'embryon de la Poule met vingt et un jours pour arriver au
dév eloppement que nous allons suivre, d'abord presque heure par
heure, et puis Jour par Jour, d’après 12 expériences intéressantes
fuites à ce sujet par MM. Prévost et Dumas, Martm Sant-Ange,
Duvernoy et Sacc.
La tache germinative dont nous avons parlé est le point
INCUBATION. : 253
sur lequel doit se porter toute l'attention. Nous verrons que,
sous l'influence de la chaleur communiquée, il se formera une
gangue neue sorte de réseau qui entourera le germe et
viendra concourir à son développement en Îe faisant passer par
Fig. 258. — Tache germinative au 2° jour. Fig. 239.— Situation de l'embryon au 5° jour.
Ë :
toutes les phases de la vie fœtale. Disons encore, et pour ne plus
être obligé d'y revenir dans le cours de cette leçon, que pendant
l'incubation les œufs perdent en moyenne un cinquième de leur
poids par des causes qui se rattachent au développement de l'em-
bryon et à la porosité de la coquille, qui permet une évaporation
des parties fluides. Mais cette évaporation n’est pas la seule cause
de la perte de poids qu'éprouvent les œufs pendant l'incubation,
comme le dit avec raison M. Dareste dans son intéressant Mémoire
sur le développement du Poulet, car l'existence de la respiration
embryonnaire nous montre qu'il y a dans l'œuf en incubation
une absorption d'oxygène et une exhalation d'acide carbonique,
et que, par conséquent, il faut ajouter au poids de la vapeur
d'eau perdue par évaporation l’excédant du poids de l'acide
carbon: ue exhalé sur le poids de l'oxygène absorbé.
Lorsqu'un œuf bien conformé et fécondé est soumis à une cha-
leur continue, la vie s’éveille en lui, le germe qu'il contient se
développe avec assez de rapidité et présente quatre périodes ja ill
cipales, que M. Sace établit ainsi qu'il suit :
1° La première période commence dès que la température de
Doi 22
254 AUITIÈME LECON.
l'œuf, élevée de trente-deux à quarante degrés, est maintenue
sans refroidissement; cette première période se termine avec la
formation du premier système circulatoire et embrasse à peu
près deux Jours. |
Pendant les premières heures, le germe tend à se détacher de
plus en plus du vitellus et de la pellicule vitelline, à laquelle il
| reste cependant toujours un peu adhé-
rent; il prend une consistance plus
O) membraneuse, et l’espace rempli de
((D)) fluide qui l'entoure s'agrandit. Cette
métamorphose du germe continue d’u-
Fig. 240. Fig. 241.
UN DA ne façon très-régulière; et, à mesure
A la5weheure. A la 12e heure. qu'il se développe, 11 tend à se rappfo-
cher toujours davantage de la mem-
brane qui tapisse la coquille.
Après douze ou quinze heures d’incubation, le germe, qui a pris
la forme aplatie d’une feuille, s'est assez complétement détaché
SEL
Ai) Ur 4
=
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AN . H 1) }: ÿ
No Ter it
S Se 27;
Grossissement considérable du germe.
A la 16° heure. A la 17e heure. À la 72e heure.
de la pellicule vitelline pour qu'on puisse l'en séparer. De la
quatorzième à la seizième heure se montre la première trace de
l'embryon, sous forme de tache blanche placée dans axe trans-
versal de l'œuf. Pendant le second jour, l'embryon, qui est alors
long de cinq à six millimètres, continue à se détacher du vitellus,
INCUBATION. 299
au-dessus duquel il s'élève. On peut déjà voir les lobes du cer-
veau, et reconnaitre les parties destinées à former plus tard les
côtes et les parois abdominales ; c’est alors qu'apparaït le cœur,
qui se trouve logé dans une petite cavité sous la tête de l'em-
bryon. De la fin du premier jour au milieu du second, s’opèrent,
dans les parties du vitellus qui entourent l'embryon, des chan-
gements bien intéressants. Cette portion de sa surface s'étend,
AV.
HIENKI
Jo IN
Fi]
OA
I
Fig. 245. Fig. 246. Fig. 247.
Germe à la 50" heure. Germe à la 55e heure. Germe à la 60e heure.
et 1l se forme autour du vitellus de petits nuages de couleur
foncée. On y distingue bientôt de petites taches séparées les unes
des autres par de légères fissures, qui ne tardent pas à se réumir
pour former des canaux, dont l’ensemble représente un système
.de mailles où canalicules remplis d’un fluide limpide, Imcolore
ou jaune très-clair ; c’est le premier sang. Le cœur continue à se
développer; bientôt apparaissent les deux gros troncs veineux,
dans lesquels il chasse, en se contractant, ce même fluide inco-
lore qui remplit les canalicules entourant l'embryon. Tout à
coup, etsans qu'aucune observation ait pu faire connaître jusqu'ici
de quelle manière se fait cette brusque métamorphose, le sang
incolore devient rouge, et les canaux dans lesquels il coule de-
viennent de véritables vaisseaux qu’on distingue déjà bien nette-
ment autour de l'embryon, après trente-six heures d’incubation.
Le système vasculaire qui entoure l'embryon se développe et il
256 HUITIÈME LECON.
se forme à sa périphérie un canal circulaire qui deviendra plus
tard la veine dite primogéniale. |
Revenons un instant sur les premières phases du développe-
ment de l'embryon et suivons-les de trois heures en trois heures.
Trois heures d'incubation. La tache germinative, qui présen-
tait prinutivement six millimètres de diamètre, s’élargit après
trois heures d'incubation; on lui trouve huit millimètres : sa par-
lie interne et transparente en a trois et l'embryon en a un peu
plus d’un; il flotte dans la sérosité qui s’est formée entre lui et
la membrane qui le couvre et qui, soulevée par cette sérosité, de-
vient légèrement convexe. L’embryon, vu par transparence, re-
présente une ligne notrâtre terminée par un petit renflement à sa
partie antérieure (fig. 240).
Six heures. Le diamètre de la tache germinative a très-peu
augmenté, mais l'embryon a près de deux millimètres; sa forme,
à peu près la même, devient cependant plus distincte ; 1l se forme
de petits nuages ou flocons dans l'aire transparente.
Neuf heures. La tache germinative s'agrandit d’un millimètre,
et l'embryon s’allonge d'autant. La forme ovale se prononce da-
L GI, 1j »
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Fig. 248. Fig. 249.
Germe à la 9" heure. Le même détaché et fortement grossi.
vantage, le nuage qui entoure l'embryon a queique chose de
moins confus, et ses bords sont mieux arrêtés.
Douxe heures. La tache germinative à onze millimètres; l'aire
INCUBATION 957
transparente cinq, et l'embryon trois. Sa position est toujours la
même à la partie moyenne du disque, et le nuage qui l'entoure
s'accroît en diamètre (fig. 242).
Quinze heures. Accroissement de toutes les parties, mais au-
cun changement notable ; la forme allongée se prononce davan-
tage.
T
1
Pit
Fig. 250. Fig. 251. Fig. 252.
Le même, isolé Germe à la 15° heure. Le même, découvert,
et fortement .grossi. fortement grossi.
Dix-huit heures. Les globules qui forment le nuage s’éloignent
du germe et viennent se réunir par masse vers la‘circonférence,
cui devient par cela même plus opaque. Ils se fondent les uns dans
les autres pour former des globules plus gros et même des tubes plus
ou moins allongés. Le disque s’est rétréc1 en s’arrondissant, et le
pli que la membrane a formé eu exécutant ce changement s’est
rabattu comme une toile au-devant de l'extrémité
céphalique de l'embryon. Les bords latéraux du dis- FX
que sont devenus très-concaves à la partie moyenne; / j
plus bas, ils reprennent leur convexité. La bordure | |
opaque qui entoure le germe forme de chaque côté, | l |
dans ses deux tiers inférieurs, deux petits bourre- Va
lets entre lesquels elle est reçue comme dans une .
petite gouttière. C’est là l’origine du canal vertébral, ; 1a 18me heure.
que nous verrons bientôt s'achever. |
Vingt et une heures. L'embryon a un peu plus de six millimè-
22.
258 HVITIÈNE LEGON.
tres. Le pli supérieur, qui a commencé à se rabattre vers la dix-
huitième heure, descend encore. Les deux bourrelets, qui doivent
. former le canal vertébral, se rapprochent davantage, et, à leur
extrémité inférieure, deux plis qui se dirigent en bas et en dehors
constituent les premières traces du bassin. Entre les deux feuil-
lets de l’aire transparente et intérieurement au cercle qui la cnr-
conscrit, il s’est développé une lame de tissu spongieux qui, plus
épaisse extérieurement, finit par se perdre en s’avançant vers la
partie où est placé l'embryon. Cest à que parai-
G5N\ - tront bientôt les premiers globules sanguins.
| Vingt-quatre heures. Peu de changements dans
| les dimensions de l'embryon. Mais il est déjà possible
| de reconnaître, sur les renflements longitudinaux
SZ qui courent parallèlement au corps de l'embryou,
tros points arrondis, plus consistants, dont on voit
à la2umeheure. plus tard le nombre s’accroïtre avec rapidité. Ce
sont les rudiments des vertèbres.
Deuxième jour. Pendant les trois heures qui précèdent, l’em-
bryon n’a pas pris de développement; mais, pendant
le second jour, il grandit de trois millimètres. Le
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Fig. 255. Fig. 256. Fig. 257. Fig. 258.
États du germe aux heures suivantes :
A la 23me heure. A la 26me heure. À la 27e heure. A la 55"e heure.
nombre des plaques vertébrales augmente successivement. Le
INCUBATION. 259
cœur se développe sous la forme d’un petit tube et laisse voir des
mouvements d’ondulation; le sang est encore clair. Le vitellus
prend une apparence tachetée par des points, entre lesquels nais-
sent des traits qui forment des mailles, rudiments des vaisseaux.
Le canal alimentaire forme un tube allongé. L'embryon présente
trois courbures marquant la tête, la nuque et le dos. Un vaisseau
circulaire se forme autour de la tache germinative, mais ce vais-
seau n’achève pas complétement le cercle; ses extrémités initiale et
terminale ne se joignent pas (fig. 244). Vers la trentième heureun
réseau vasculaire commence à paraître sur la tache ou cicatricule;
le sang semble partir à droite et à gauche de l'embryon, se divise
dans un lacis de capillaires, puis arrive dans un vaisseau général
qui le ramène en haut ou le dirige en bas; de là 1l revient au cœur.
Les globes oculaires se dégagent de la cellule cérébrale; l'organe
de l’ouïe s'élève, comme une vessie, de la cellule de la moelle al-
longée, et l’on commence à reconnaître un rudiment de cervelet.
Etat du germe à la 56"° heure.
20 La deuxième période, qui commence avec le troisième Jour
de l’imcubation et finit du quatrième au cinquième, s'étend de-
puis l'apparition du système cireulatoire dans le vitellus jusqu’au
moment où l’allantoïde, allant s'appliquer contre la membrane de
la coquille, donne naissance au nouveau système respiratoire ; le
primitif disparait alors.
269 HUITIÈME LECON.
C’est le troisième Jour qui est le plus remarquable dans l’his-
toire du développement de l'embryon, dont toutes les parties sont
alors bien nettement distinctes. L’embryon s’enveloppe peu à
peu d'une membrane remplie d’eau (amnios), au sem de laquelle
il continue à se développer. Les yeux et le bec deviennent de plus
en plus distincts. Le quatrième jour, le premier système circu-
latoire (circulation vitellme) est dans toute sa force ; on aperçoit
Fig. 262. Fig. 265.
Embryon au 5"e jour.
au-dessous de la tête de l'embryon trois pomts gorgés de sang,
qui s'élèvent et s'abaissent alternativement; ce sont les trois
divisions du cœur. À cette époque, le cœur ne cesse pour ainsi
dire pas un instant de changer de forme et de position ; et c’est
au quatrième Jour qu'il se transforme de canal en véritable cœur,
dont la forme ne changera plus, mais qui se complétera pendant
les Jours suivants, On distingue alors les corps de Wolff sous la
forme de petits éœcums, qui, au cinquième jour, se replient sur
eux-mêmes et qui forment plus tard les reims. |
Les intestins se forment pendant le quatrième Jour de l’incu-
bation. La gouttière qui représente le canal intestimal, et qui est
presque fermée au commencement du quatrième Jour, ne tarde
- pas à L'être tout à fait et à envelopper la totalité du vitellus. Le
bec et la gorge, qui sont béants, aboutissent à un petit tube, le
larynæ, à l'autre bout duquel on voit attachées deux petites pro-
INCUBATION. 261
tubérances qui sont les premiers rudiments des poumons. Toutes
les différentes parties du canal intestinal on ensuite les
unes après les autres.
Revenons un instant en arrière. Dans la seconde moitié du trot-
sième jour, il s'élève de l'extrémité intestinale inférieure au rec-
tum une excroissance vésicoïde; c’est l’allantoïde, qui, sous la
forme de sac, s'étend et s'élève au-dessus et autour de la partie
postérieure de l'embryon. L'allantoïde est très-riche en vaisseaux
sanguins. (Ce nouvel organe croît rapidement et s’allonge en
forme de poire. Au quatrième jour, on voit à sa surface un su-
perbe lacis de vaisseaux sanguins, qui nait d’une des branches
de l'aorte; 1l part donc directement du cœur. Au cinquième
Jour, l’allantoïide a l'aspect d’une grosse vessie portée sur un pé-
dicule qui sort dif nombril. A cette époque, l’allantoïde à, comme
l'embryon lui-même, onze millimètres de longueur.
Fig. 266.
Divers états de l’embryon du 5"° au 5"e jour, fortement grossi.
Quelques détails doivent compléter ce qu'il,
est nécessaire de connaître sur le développe- fi
ment progressif de l'embryon pendant cette
période; ajoutons donc quelques mots sur ce
}
Vè=
z
0
(ee ÿ } sn
ui se passe pendant le troisième jour. L'em- *® ON Vi À ay
q P . P (s J UT. RL ve SE > 4
bryon continue à s’allonger de trois milli-
; RE , : Fig. 268.— Coupe
mêtres. Les deux extrémités du vaisseau cir- de l'embryon au 5° jour.
262 HUITIÈME LEÇON.
culaire dont nous avons parlé s’infléchissent vers l’intérieur du
cercle, dans la direction de la partie supérieure de l'embryon,
autour duquel on distingue six troncs vasculaires principaux
dont les ramifications vont se perdre dans le vaisseau circulaire
désigné sous le nom de veine primogéniale.
On distinguera bientôt les formes de l'embryon, qui ne parait
pas vivre encore par lui-même; 1l présente une tête grosse indi-
quée par l'œil et fortement recourbée sur le corps, dont on ne
voit que le centre vertébral. Les deux extrémités de la veine pri-
mogéniale avancent de plus en plus vers le centre, et bientôt elles
Fig, 269.
État de l'embryon le 4e jour.
atteignent l'embryon. Des six troncs vasculaires principaux, deux
présentent un courant qui se dirige vers l'embryon, tandis que
dans les quatre autres le courant va du centre à la circonférence.
Tout À coup ce mode de circulation change : la rencontre des
troncs avec la veine primogéniale se fait aux environs du point
que doit occuper le cœur. Il semble que cette rencontre occa-
sionne un choc dans les molécules cireulantes, lequel choc, arré-
tant brusquement le fluide qui arrive des deux côtés, lui fait re-
brousser chemin et le force à refluer dans les troncs ombilicaux.
Dès ce moment, l'embryon va vivre de sa vie propre en assimi-
lant à sa substance les molécules extérieures; car l'impulsion qui
vient de se faire dans la marche du fluide circulant dans des ca-
INCUBATION. 265
. naux qui lui étaient jusqu'alors étrangers est pour lui l'impul-
sion vitale ; toute circulation se fera désormais à son profit et ne
cessera qu'à sa mort : le cœur est formé par le seul fat de eette
rencontre. Les troncs, en s’abouchant avec la veme primogéniale
Fig: 271.
État de embryon le 5" jour.
après l'avoir croisée, déterminent un enroulement qui est la pre-
muère forme du cœur. Les deux troncs supérieurs disparaissent
bientôt, les mférieurs seuls restent et vont servir de lien entre le
nouvel individu et le jaune ou vitellus, qui est destiné à lui four-
nir un aliment jusqu’à son entier développement dans la coquille,
Le foie commence aussi à se former, il se présente sous forme de
deux petites vésicules annexées à l'intestin; lesang est rouge, et l’on
- peut reconnaitre l'apparition des membres. Pendant le quatrième
et le cmquième jour, l'embryon présente à l’état rudimentaire
toutes les parties de son organisation et développe celles précé-
demment formées.
9° La troisième période commence au sixième jour, avec l'ap-
parition de la circulation allantoïdienne, et se prolonge jusqu’au
vingt et umième jour, au moment de la naissance du Poulet. I n°y
à guère que les changements qui s’effectuent dans les deux pre-
miers jours de cette période qui aient quelque intérêt au point de
264 | HUITIÈME LECON. |
vue physiologique. Pendant les seize jours qu'elle embrasse,
tous les organes qui étaient déjà formés ne font que se dévelop-
per, etceux qui naissent alors ne sont plus aussi importants.
Lorsqu'on ouvre un œuf au commencement de cette période,
il faut le faire avec toutes les précautions possibles. Comme il
n'y a plus d'albumine au dessus de l'embryon, et que ce dernier
est tout près de la coquille; comme, de plus, la pellicule vitelline
s’est excessivement amincie, 1l est très-facile de déchirer l'un et
l'autre. L'espace rempli d'air qui se trouve au gros bout de l'œuf
a beaucoup augmenté; à mesure que le réseau de vaisseaux san-
euins qui enveloppait presque les deux tiers du vitellus s'efface,
l’allantoide croit et s’étend. Le sixième jour, l'allantoïde a la
forme d'une grande vessie aplatie, dont les dimensions ont pres-
que doublé au septième Jour. Il se couche un peu à droite de
l'embryon, qui disparait sous lui avec son ammios, et il est à re-
marquer que c'est la partie supérieure de l’allantoïde qui est La
plus riche en vaisseaux. La pellicule vitelline se déchire ; Palbu-
mine s'approche du petit bout de l'œuf, où on la retrouve sous
forme de masse jaunâtre et assez consistante. Le vitellus à perdu
au contraire sa consistance prinutive, 1l est devenu beaucoup
plus fluide, et l'embryon s'approche du gros bout de l'œuf.
Lorsqu'au sixième Jour on ouvre un œuf, on voit les membres
du Poulet s’agiter au moment où l’on écarte les pars de la co-
quille. Du sixième au septième jour, l’amnios se gonfle toujours.
davantage; 1l se resserre vis-à-vis de l’abdomen de l'embryon, et
en s'étranglant il forme le nombril, au travers duquel passent Le
pédicule de l’allantoïde et une circonvolution de l'intestin. Cette
disposition permet au sac vitellin de rester en communication di-
recte avec l'intestin pour continuer les moyens de nutrition. Du
neuvième au onzième Jour apparaissent les tuyaux des premières
plumes sur la ligne médiane du dos. L'allantoïde continue à en-
velopper toujours plus complétement l'embryon ; ce sont surtout
INCUBATION. | 265
les. téguments épidermiques qui se forment dans les derniers
Jours de la seconde semaine. Au commencement de la troisième
semaine, l'embryon, manquant de place, quitte peu à peu l'axe
État de l'embryon le 6"e jour.
transversal de l'œuf pour s'étendre dans son axe longitudinal. Il
est ainsi enveloppé avec le sac vitellin par l’allantoïde. Cet organe,
soudé de toutes parts avec l'embryon, forme autour de lui une
K NS Æ Pad,
IÈ
État de l'embryon le T"e jour.
enveloppe continue, qui, d'autre part, s'applique avec tant de
force contre la membrane de la coquille, qu'on ne peut plus l'en
séparer. On voit nager dans l’eau qui remplit l'allantoïde des flo-
cons d'une substance blanche plus ou moins abondante provenant
TU | 25
266 HUITIÈME LECON.
de l'urine du poulet et que Jacobson prétend formés d'acide uri-
que libre. Aussitôt que l’allantoïde enveloppe la totalité de l’'em-
bryon, on le désigne sous le nom de chortoïi, parce que ses fonc-
Fig. 278
État de Pembryon le 8"e jour.
tions deviennent anaiogues à celles de cette membrane, enveloppe
extérieure du fœtus des autres animaux. Le sac vitellin diminue
Fig. 279. Fig, 280.
État de l'embryon le ge jour.
alors rapidement, parce que son contenu est absorbé et parce que
ce qui y reste se solidifie. L’albumine et le fluide ammotique
diminuent aussi de plus en plus, et, au dix-neuvième jour, les
D CN TE
.
INCUBATION. 267
intestins, qui pendaient au dehors de la cavité abdominale, y en-
trent, entrainant le vitellus avec eux.
Dans cette période le réseau vasculaire du vitellus disparaît
successivement au profit de la circulation générale, et 11 devait en
| À }
Z EI \{L
< A
État de l'embryon le 10e jour,
être ainsi, puisque le vitellus, dès lors recouvert par le blasto-
derme ou peau du germe, n’est plus apte à fure respirer le sang
qui y cireulerait encore. Mais, en compensation, lallantoïde, ce
KZ
ARS
>
SE
(f
ET
NK SA LS
7,
EX
TL
LS
(ill
=
—————
poumon extérieur de l'embryon, se développe rapidement et°s’é-
tend sous la coquille. Les membres se sont développés aussi, et on
a pu distinguer successivement les doigts des ailes et Les orteils.
La trachée-artère et les poumons, dans lesquels se sont formés peu
à peu les canaux aériens, se sont séparés de l’œsophage, avec le-
268 HUITIÈME LEÇON.
quel ils semblaient se confondre. Les organes des sens sont deve
nus plus apparents, les yeux surtout ont atteint un volume con-
sidérable, et les paupières se sont mon-
trées comme un pli circulaire de la peau.
Les muscles ont pris du développement et
Fig. 284. Fig. 283.
État de l'embryon le 15e jour. Embryon d’un petit Passereau
‘ à la période correspondante.
ont commencé à fonctionner en même temps que les trames des
os s'ossifiaient. Les écailles des jambes et les ongles, ainsi que les
Embryon le 18e jour. Embryon à la fin du 20e jour,
organes reproducteurs, ont été formés en même temps que les
muscles. L’ossification s’est continuée, toutes les parties se sont
lortifiées. Le système nerveux s’est développé dans les mêmes
INCUBATION. | 269
proportions, et l'oiseau, la tête rephiée sous l'aile droite, et déjà
couvert d’un duvet encore humide, remplit l'œuf, après avoir ab-
sorhé successivemeut le vitellus et l’albumine contenus dans la
coquille avant l’incubation. |
4° La quatrième période commence à la naissance du Poulet.
On entend quelquefois le poulet crier dans l'œuf, deux Jours
avant sa naissance, Cela a lieu toutes les fois qu'il réussit à per-
cer le chorion avec son bec, et à communiquer ainsi avec l’es-
pace plein d'air qui se trouve au gros bout de l'œuf. Malgré ce
contact incomplet des poumons avec l'atmosphère. la circulation
Fip 288. … Fig. 289.
Embryon le 21° jour. Œuf ouvert par le Poulet et divisé
par la Poule.
continue à se faire par les vaisseaux ombilicaux. Plus tard, les
violents mouvements du Poulet déterminent dans la coquille des
fentes qu'il élargit avec son bec, muni, dans ce but, d’une espèce
de petit bouton corné qui ne tarde pas à tomber. L’éclosion du
Poulet s'opère aussi un peu autrement : la tête de l'oiseau étant
enfermée, à droite par le coude et à gauche par le genou, qui se
touchent en voûte au-dessus d'elle, la tête se porte, le bec en bas,
sur Ja poitrine. Dans cette situation, chaque fois que le Poulet crie,
Van: chassé dans le larynx par les poumons oblige la tête à se
relever et.le bec à frapper avec force contre la coquille, avec lap-
pendice calcaire dont nous venons de parler. Ce n’est point en
23.
910 HUITIÈME LECON.
usant la coquille par le frottement du bec que le Poulet fait une
ouverture, mais bien par des chocs répétés. On s'assure qu’il en
est bien ainsi, en voyant que beaucoup d'œufs, près d’éclore, ont
la coquille brisée au-dessus du point où appuie le bec, lorsqu'il
relève la tête, sans que pour cela le chorion, qui sépare encore le
bec de la coquille, soit déchiré ; ce qui ne pourrait pas se faire si
le Poulet ouvrait la coquille en l’usant avec son bec. La mère
aide alors beaucoup la sortie du Poulet, en cassant avec précau-
tion la coquille tout autour du point où 1l s’est fait Jour. Le bec
des Poulets est si faible au moment de leur naissance, qu’il leur
serait absolument impossible de briser la coquille, s'ils n'avaient
pas ce petit tubercule caleare, et tous ceux auxquels 11 manque
périssent dans l’œuf, où ils font de tels eflorts pour arriver à ce
but, qu’on les trouve toujours avec les mandibules renversées
et déietées à droite ou à gauche par la violence des coups qu’ils
ont donnés à la coquiile.
il est probable que ce qui force le Poulet à quitter son enve-
loppe, c’est qu’elle devient trop petite pour lu; car ce n’est point
le manque de nourriture, puisque les intestins en sont garmis ; il
y à peut-être une autre cause bien plus pressante de la sortie du
Poulet, c’est le transport aux poumons des fonctions respiratoires,
dont l’allantoïde avait été chargé jusque-là. Aussi, du moment
que les vaisseaux allantoïdiens sont oblitérés, le Poulet doit étouf-
fer ou briser sa coquille en faisant des efforts désespérés.
Dans l'étude du développement de l'œuf, dit encore M. Sacc,
auquel nous devons une grande partie de ces détails, le fait le
plus sullant, celui qui doit frapper le plus vivement l’observa-
teur, est la présence de ces deux circulations qu’on voit se suc-
céder chez l'embryon. La première, incomplète, ne s'étend pas
au delà du vitellus, à la surface duquel on la voit apparaître; la
seconde, répondant à un besoin plus impérieux d'oxygène, dé-
passe le blanc de l'œuf et vient s'épanouir sur la face interne de
Dr = TOC
INCUBATION. | ou
_ Ja coquille, à travers les pores de laquelle se fait une absorption
d'oxygène et une sécrétion d'acide carbonique et d’eau. Ea co-
quille est, au Poulet d’un certain âge, à la fois l'organe des sé-
crétions gazeuse pulmonaire et cutanée.
Le sang est mcolore, au moment où on le voit circuler pour la
première fois au milieu des îlots graisseux du vitellus; jouit-il
déjà de toutes les propriétés qu'il aura plus tard, ou bien n'est-ce
qu'une espèce de chyle destiné à produire bientôt après le fluide
vital, sous l’influence d’une action aussi mystérieuse que difficile
à étudier ?
C’est le troisième jour, comme nous l'avons dit, qui est le plus
intéressant de tous ceux du développement embryonnaire. L'em-
bryon s'enveloppe alors de lamnios, qui est une espèce de vessie
remplie d’eau, au milieu de laquelle il nage, libre dans tous ses
mouvements. En effet, c’est dans la seconde moitié du troisième
Jour qu'apparaît la prenuère trace de la seconde cireulation qui
doit remplacer la première, trop imparfaite pour suffire aux be-
soins actuels du jeune oiseau.
Pendant le développement de l’embryon, le fait de la dispari-
üon du blanc d'œuf est fort remarquable. Cette partie de l'œuf
devient de plus en plus Ti à mesure qu'elle cède davan-
tage de son eau au vitellus, qui s'accroît à ses dépens. On sait que
le blanc d'œuf finit par être absorbé en totalité et qu'il ne reste
de lui que le réseau membraneux qui enveloppait l’albuminate
sodique. Le blanc d'œuf n’est point brûlé, comme l'huile du vi-
tellus : 11 s’umit directement à l’albumine de ce dernier, pour
contribuer avec elle à la formation du Poulet.
Comme, du sixième au septième jour de l’incubation, l’amnios
prend de plus en plus l'aspect d’un sac fermé de toutes parts, ex-
cepté sur un seul point au travers duquel passent les vaisseaux
sanguins du Poulet, ce n’est qu'alors seulement que l'embryon
cesse d'absorber et de sécréter par toute sa surface. C’est done à
272 | HUITIÈME LECÇON.
cette époque que tous ceux des organes de lembryon qui peuvent
agir déjà dans l’intérieur de l'œuf remplissent les fonctions spé-
ciales auxquelles ils sont destinés et que la vraie circulation ali-
mente la vie.
L’allantoïde, dont le développement est aussi complet que pos-
sible, apparaît, sillonné dans tous les sens par des vaisseaux
gorgés de sang. Cet organe Joue le rôle de poumons par sa face
externe, tandis que sa face interne est en contact direct avec les
excrétions du Poulet, auquel 11 sert de cloaque. L'allantoïde est
donc chargé à lui seul, pendant les derniers temps de la vie em-
bryonnaire, de la double fonction de recueilhr les produits so-
lides, liquides et gazeux, des sécrétions pulmonaire, cutanée et
urinaire. |
Tous les soins de la Poule couveuse ne se bornent pas, comme
on pourrait le croire, à une incubation automatique et machinale
d'immobilité. Sa sollicitude est incessante pendant toute la durée
de lincubation. Chaque jour elle retourne ses œufs, à Paide du
bec et des pattes, afin de leur communiquer une chaleur égale ;
et, quand le moment de l’éclosion approche, la mère attentive
guette le moindre bruit, le moindre mouvement que peut faire
le jeune Poulet dans son œuf, et, dans son impatience, 1] Fui ar-
rive souvent d'élargir le trou fait par.
le petit à la coquille qui le retient cap-
tif. Elle fait à l'aide de son bec de pe-
tites entailles sur l'œuf, forme une sec-
tion circulaire complète qui délivre le
prisonnier, rassemble les deux portions
de la coquille, emboîte la plus petite
dans la plus grande, et débarrasse le nid
de ces débris désormais inutiles. Lors-
que l'oiseau se trouve en contact avec
l'air extérieur, sa respiration devient
INCUBATION. 275
plus complète, se régularise, et ses organes sont prêts à remplir
leurs fonctions.
En parlant du développement de l'embryon au sixième jour
de l'incubation, nous avons dit que le vitellus était en commu-
nication avec l'intestin pour fournir au jeune Poulet les moyens
de nutrition, et que l’ombilic restait ouvert et laissait passer
une anse intestinale presque jusqu'au moment de l’éclosion;
mais, à cette époque, l'intestin, jusque-là au dehors, prend sa
place dans l'abdomen et entraîne avec lui dans le corps du
Poulet le vitellus appauvri et sa membrane. La résorption de ces
Divers états de la vésicule ombilicale après l’éclosion, d’après M. Flourens.
P ;
Fig. 291. Fig. 292, : Fig. 295.
A la 16%° heure, A la 90e heure. Le $me jour.
Fig. 294. Fig. 295. Fig. 296.
Le 10%e jour. ERA TS Chez l’adulte.
organes devenus inutiles se fait alors pendant un temps qui re-
présente à peu près celui de la durée de l’incubation. Le petit
Poulet peut rester trente-six heures et même quarante-huit
heures sans prendre de nourriture, puisqu'il absorbe pendant
ce premier temps de son existence ce qui reste du vitellus, et ce
274 HUITIÈME LECON. |
n'est guère que le second Jour que toutes les parties du tube
digestif commencent à fonctionner normalement. L'intestin du
poulet devenu adulte conserve la trace de ces premiers moyens
de nutrition dans l'œuf. | |
Tous les oiseaux n’ont pas, avons-nous déjà dit, le même dévelop-
pement en sortant de l'œuf et tous ne.sont pas prêts à suivre leurs
parents. Ainsi les petits des oiseaux de proie, des Passereaux, des
Pigcons, de la pluplart des échassiers et ceux de tous les oiseaux
de mer ont des jambes encore trop fubles pour les soutenir, ils
sont nus et leurs yeux ne s'ouvrent que quelques jours après leur
naissance. La mère, dont ils ne peuvent se passer, est forcée d’en
prendre un soin tout particulier, de les réchauffer, de les cou-
vrir de son corps et de ses ailes, et de leur apporter une nourri-
ture en partie digérée : devenus plus forts, elle leur procure des
aliments plus substantiels pour hâter leur accroissement et pour
fortifier peu à peu leur estomac encore faible.
Chaque oiseau, suivant l’ordre auquel 1l appartient, emploie
toujours les mêmes aliments pour ses petits. Les oiseaux de
proie, à cause de leur naturel carnassier, apportent aux leurs des
lambeaux de chair et même des petits animaux vivants, pour les
accoutumer de bonne heure à connaître les seuls objets qui puis-
sent les nourrir. Les Passereaux remplissent leur jabot de grains
ou de petits insectes, et les dégorgent, en partie macérés, dans le .
bec de leurs nourrissons. Les Pigeons dégorgent bien aussi le
produit de leur jabot dans le gosier de leurs petits, mais é’est en
prenant le bec de ceux-c1 dans le leur. Les petits des échassiers,
à la sortie de l'œuf, sont aussi débiles, et ils ne quittent le nid
que lorsqu'ils sont couverts de plumes. Les petits de tous les
gallinacés, des Autruches et des Casoars, ceux des Gralles, tels
que les Outardes, les Pluviers, les Bécasses, les Chevaliers, les
Râles et les Poules d’eau, et ceux de tous les Canards, Cygnes
et Oies, sont, à la sortie de l’œuf, beaucoup plus parfaits : leur
INCUBATION. 275
corps est couvert de duvet, leurs yeux sont ouverts, leurs Jjam-
bes sont robustes, et ils peuvent se procurer leur nourriture sous
la direction de leur mère. |
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Fig. 297. — Poussins.
Si l’on se transporte, au printemps, dans lintérieur d'une
basse-cour, on voit la Poule se promener en triomphe, suivie de
ses nombreux Poussins : tantôt elle les rassemble sous son ven-
tre, elle les couvre de ses «les, et son courage devient extraordi-
naure s’il faut les défendre; tantôt elle Les appelle par des glous-
sements vers les granges et les étables; elle leur montre du bec
les menus grains qui servent à les nourrir; sa sollicitude et son
attachement lui font braver tous les dangers : sauvage et timide
216 HUITIÈME LEGON.
avant la ponte, elle se hâte d'éviter nos approches; mais, lors-
qu'elle est devenue mère de famille, elle devient courageuse et
même témérare; elle attaque Les Chiens à coups de bec, elle les
harcèle et les chasse loin d'elle. Les petits Canards nagent et s’a-
gitent en tout sens sur les mares : ils s’élancent sur l’eau après
les Moucherons et les insectes, puis 1ls vont sur la terre se repo-
ser et se sécher au soleil.
Ces soins des mères pour leurs petits ne subsistent qu’autant
qu'ils paraissent avair besom d'elles. À mesure que les petits
prennent des forces et lorsqu'ils sont en état de pourvoir à leur
conservation et de satisfaire à leurs divers besoins, les attentions
de la mère diminuent peu à peu; elle se fatigue de les voir,
puisque ses soins leur sont désormais inutiles. On reconnait
qu'alors Îes liens qui unissent les pères et les mères avec leurs
petits sont rompus; les mères, épuisées par de longues fatigues,
par la construction de leur nid, par les soins de l’incubation et
par leurs allées et venues continuelles, ont alors besoim de repos
et de se nourrir pour reprendre des forces.
Après avoir fait connaître les résultats habituels de lincubation
normale, nous croyons devoir ajouter quelques mots sur certains
accidents qui peuvent survenir et donner lieu à des déforma-
tions de l'embryon ou le faire mourir dans une des périodes de
son développement.
On sait qu'un fœtus éprouve dans le sein maternel les mêmes
alternatives de santé et de maladie que sa mère : c'est, comme
l’a fait observer Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, qu'il n’est pas À
seulement dans une poche d'incubation, mais dans un nulieu
dont les parties avec lesquelles il est en rapport lui fournissent
les éléments de sa nutrition; et alors 1l est tout simple que son
développement régulier ou irrégulier dépende des conditions
bonnes ou mauvaises de ces éléments qu'il puise chez sa mère.
On ne peut, ajoute le même savant, appliquer le même raison-
| INCUBATION. 277
nement à un fœtus qui se dégage de la vie utérine à la manière
du fœtus de Poulet, puisque les parties de l’ovule qui devront se
transformer en organes sont, chez tous les ovipares, rassemblés
à une époque où 1l n’y a pas encore d'existence fœtale perceptible
pour nos sens. La mère, dans ce cas, reste donc étrangère au
développement de son fruit, qui croît pendant l’incubation, ou
du moins ne lui devient utile que mécaniquement, pour lui
communiquer et lui conserver un certain degré de chaleur; c'est
ce qu'établissent sans réplique les incubations artificielles.
D'où proviennent donc les anomalies qu'on observe si fré-
quemment chez les petits Poulets qui naissent dans nos basses-
cours? Elles dépendent de causes le plus souvent accidentelles.
Le même œuf peut contenir deux jaunes ou ovules entraïnés
en même temps dans l’oviducte et enveloppés là par la même
coquille. Les ménagères savent même souvent que telle poule
pond fréquemment des œufs à deux jaunes. Soumis à l'incuba-
tion, cet œuf à deux ovules pourra donner un Poulet à deux
corps unis l’un à l’autre et présentant quatre pattes, quatre
ailes, etc. Ces monstruosités se remarquent assez souvent et
s’expliquent par la pression des deux germes, dès le début et
pendant la durée de leur développement; Geoffroy Saint-Hilaire
les désigne sous le nom de pygomèles ou à membres supplémen-
taires. |
D'autres déformations se présentent encore et dépendent, sans
aucun doute, de circonstances fortuites et d’influences extérieu-
res. Ces mêmes circonstances peuvent même entrainer la mort
du germe; ainsi on a souvent l’occasion de constater que l’élec-
tricité, pendant un orage, fait mourir les petits dans les œufs
soumis à l'incubation; et c’est pour neutraliser, dit-on, cette in-
fluence qu’on a, dans quelques localités, l'habitude de placer un
morceau de fer dans les nids.
Il se peut encore qu'une influence locale et restreinte à une
Le 24
7e HUITIÈME LECON.
partie de la surface de l'œuf devienne la cause de déformations
parbelles, en gênant le développement d’une partie du côté
droit du germe, sans atteindre la même partie du côté gauche.
Il y a parfois alors arrêt de développement d'un côté et excès de
l'autre. Au nombre des causes qui donnent lieu à de semblables
monstruosités, on signale une saleté adhérente à une partie de
la coquille, de la boue desséchée, de l'albumine venant d’un
œuf cassé, le contact d'un corps gras qui bouche les pores de
l'œuf, une légère dépression, une fissure, enfin tout ce qui peut
modifier l’action de la chaleur communiquée ou apporter quel-
que trouble à la circulation des fluides et intercepter les com-
munications de lPintérieur de l'œuf avec l'extérieur. Voulant se
rendre compte de l'effet de ces influences si légères en apparence,
Étienne Geoffroy Saint-Hilaire a mis du vernis sur un assez grand
nombre d'œufs de la même Poule, en ayant l'attention de laisser |
intacts les deux tiers à peu près de leur surface, et 1l les a pla-
cés sous une couveuse avec des œufs de la même mère n'ayant
subi aucune préparation. Après quelques Jours, un de ces œufs
fut ouvert et examiné par M. Serres, qui ignorait l'intention de
son collègue et ne fit aucune attention à la présence du vernis
sur la coquille. Il remarqua que cet œuf contenait un embryon
dont la moelle épinière était plus renflée, la colonne vertébrale
plus forte, et les points osseux des vertèbres cervicales si écartés,
que celles-ci avaient tout à fait le caractère d’un spina bifida.
Trois autres Poulets provenant de ces œufs vernis, comparés à
d’autres Poulets de la même mère, présentaient des altérations
notables des os maxillaires.
L'inconstance possible de la température à laquelle les œufs
doivent, pendant un temps, rester soumis, l'humidité ou la sé-
cheresse plus ou moins grandes du fond sur lequel 1ls reposent
pendant l'imcubation, peuvent agir sur une partie seulement
d'un œuf, malgré le soin que prend la mère, comme nous l'a-
*
INCUBATION. | 2179
vons déjà dit, de les retourner de temps à autre, à l’aide du bec
et des pattes, pendant qu’elle les couve. Ces petites infractions
accidentelles peuvent produire des vices de conformation. C’est
ainsi que dans une couvée de Poulets, de Canards, de Faisans,
de Perdrix élevés dans nos basses-cours ou nos faisanderies, on
remarque quelquelois aux pattes ou au bec des déviations assez
importantes pour entrainer quelquefois la mort de ces petits es-
tropiés par des difficultés de locomotion ou de nutrition.
Les mêmes effets se produisent-ils chez ces oiseaux à l’état
sauvage? Nous le supposons, car nous avons tué, à diverses épo-
ques, plusieurs Perdreaux et un Faisan qui présentaient des dé-
formations, des renversements congénitaux d’une patte. Ce ne
serait cependant pas une preuve suffisante, car ces oiseaux pou-
vaient avoir élé élevés dans une faisanderie et mis en liberté,
comme cela se fait souvent; mais 1l faut ajouter que si les chas-
seurs ne constatent généralement pas des déformations de ce
genre, c’est parce qu’une déviation qui gêne la marche d’un oi-
seau le livre en quelque sorte à ses ennemis naturels dans Îles
prenuers temps de son existence, et que si, parvenu à échapper
à ce premier danger, il tombe plus tard sous le plomb d’un
chasseur, 1l est mis dans le sac sans examen, et la cuisimière
qui le prépare n’y attache pas grande importance. Les déviations
dont nous venons de parler s’observent plus souvent sur les pe-
Lits nés après une incubation artificielle; et ce mode d’ineubation
donne surtout souvent lieu, sur le tube digestif et la peau, à
une altération qui fait périr un grand nombre de petits pendant
les quelques jours qui suivent l'éclosion.
On cite enfin quelques singularités inexplicables dont nous
croyons cependant devoir dire un mot, parce qu'elles ne man-
queraient pas d'intérêt si elles étaient mieux constatées et mieux
étudiées. Buffon a dit, mais sans preuves, que si un obstacle
naturel ou artificiel s'opposait à la ponte chez une Poule, et la
—
280 HUITIÈME LEÇON.
forçcait à garder son œuf fécondé pendant vingt et un jours dans
l'oviducte, on verrait alors le petit sortir vivant, si, ajoute-t-il,
la chaleur intérieure, trop forte, ne l'avait fait périr. Cette opinion
a pu trouver quelque crédit chez les amis du merveilleux, mais,
hâtons-nous de le dire, avec les 1dées admises sur l'existence de
la respiration de l'embryon de l'oiseau dans l’œuf, elle ne sup-
porte pas la discussion, même en ne l’appliquant qu'aux pre-
mières heures du séjour accidentel d’un œuf dans l’oviducte,
séjour équivalant au premier temps de l’incubation normale.
Aussi nous contenterons-nous de dire qu'on cite, sans garanties
suffisantes, plusieurs exemples de développement complet ou
presque complet que des embryons auraient atteint dans des
œufs retenus par une cause quelconque et pendant un temps plus
ou moins long dans la partie inférieure de l’oviducte de Poules
ordinaires et de Poules d'Inde. Les expériences faites dans le but:
d'éclairer la question par Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, sur des
Poules dont l’oviducte fut artificiellement fermé au moment où
l'œuf allait en sortir, prouvent, par leurs résultats, que l’incu-
bation intérieure entraine la décomposition des parties fluides de
l'œuf, et que si l'embryon a pu commencer à se former sous
l'influence de la chaleur, il ne laisse aucune trace appréciable
de ce commencement de développement. Ce fait nous rappelle
_les expériences déjà citées du même savant, et qui prouvent que
l'embryon peut se former dans des œufs vernis et privés ainsi
de communication avec l'air extérieur, mais que ce développe-
ment s'arrête à la douzième ou quimzième heure, et l'embryon
meurt asphyxié.
NEUVIÈME LECON
Modes de locomotion : vol, marche, natation.
Tout mouvement ou Jeu d'un membre suppose nécessaire-
ment un appareil musculaire approprié et spécial.
La description que nous avons donnée des diverses parties du
squelette et des muscles puissants des ailes et des cuisses des o1-
seaux nous permettra d'expliquer les divers mouvements de ces
animaux . -
La faculté de voler donne à l'oiseau un caractère tout particu-
lier. La configuration des membres antérieurs ou ailes, les plu-
mes qui les garnissent, la situation du centre de gravité entre
les ailes, la longueur plus ou moins grande du cou pour fare
contre-poids, celle de la queue qui représente un gouvernail,
limmobilité de la colonne vertébrale jusqu'aux vertèbres cau-
dales, qui seules sont mobiles, et la pneumaticité si exceptionnelle
des animaux de cette classe, sont les éléments principaux du vol.
Dans l'exécution du vol 1l y a une résistance à vaincre, des puis-
sances détermimantes et un point d'appui indispensable. La résis-
| 24.
LA
282 = NEUVIÈME LEÇON.
tance ne se trouve pas seulement dans l’air qui fait obstacle, en
même temps qu'il sert de point d'appui, mais bien plus dans le
poids du corps, plus lourd que le milieu dans lequel il peut néan-
moins rester suspendu. Les puissances sont les ailes, dont le déve-
loppement n’est pas toujours proportionné au poids du corps, et
dont la forme présente de nombreuses variations. Après s'être
élancé par un saut, l’oiseau s'élève dans les airs à l’aide du mou-
vement que les muscles pectoraux impriment aux ailes ; 1l se
dirige dans l’espace au moyen d’un gouvernail horizontal que
constituent merveilleusement les plumes de la queue. Il plane
en étalant largement ses ailes et sa queue, et en remplissant ses
nombreuses cellules aériennes; 1l se précipite avec plus ou moins
de rapidité en comprimant ces
cellules et en cessant d’agiter ses
ailes.
Lorsque les ailes sont peu dé-
veloppées, comme dans l’Autru-
che, le Casoar et les Pingouins,
le vol est impossible ; mais 1l ac-
quiert, au contraire, une rapi-
dité excessive quand la confor-
mation des ailes et la puissance
musculaire réunissent les condi-
tions les plus favorables à son
accomplissement. On peut ad-
mettre qu'un oiseau de proie
15 7 peut parcourir deux cents lieues
Hteoe Meoira a caute en dix heures, rapidité qui dé-
passe de plus du double celle
du meilleur cheval de course.
C'est la force du point d'appui que l'aile trouve dans l’attache
des muscles pectoraux fixés au sternum, et des deux côtés du
©
MODES DE LOCOMOTION. 985
bréchet, qui lui donne son ressort, modifié, selon les besoins de
l'oiseau, par les divers mouvements osallatoires que sa volonté
du —
Ne 1e
es NE
a \ ct > ti 2.
Fig. 299. — Frégate.
ee 2)
parvient à leur imprimer. Mais, avant d'aborder la question,
disons quelques mots des plumes, considérées comme le plus
puissant auxiliaire du vol. Dirigées d'avant en arrière et se mou-
lant sur le corps, elles offrent à l'air, dans le temps du vol, la
moindre résistance possible.
Elles sont de deux sortes : les plumes proprement dites, et
les pennes, qui sont les grandes plumes des ailes et de la queue.
Les plumes proprement dites couvrent tout le corps. Elles sont
en général plus petites aux parties antérieures et plus grandes
aux parties postérieures. Toutes ces plumes n’ont d’adhérence
qu'avec la peau; leur tuyau n'y est enfoncé que peu profondé-
ment, leurs barbes sont à peu près d'égale longueur des deux
côtés; plus bas que les barbes, ou mieux, à l'origine de la plume,
il y a un léger duvet. Ces plumes sont disposées, du sommet de
284 NEUVIÈME LECON.
, |
la tête à la queue, de manière à se recouvrir en partie les unes
les autres, à peu près comme des écailles. Cette disposition et leur:
légère courbure permet à l'air de glisser sur elles pendant le vol.
Les plumes qui couvrent l'aile depuis son attache au corps jus-
qu’au pli qui correspond au poignet sont dites les couvertures
des ailes. Les unes sont placées au-dessus de l'aile et les autres
au-dessous. On distingue celles qui sont au-dessus en grandes,
moyennes et petites. Les petites couvertures couvrent toute la
parie supérieure et le ph de l'aile; les grandes, plus éloignées
du corps, couvrent les pennes; enfin les moyennes couvertures
méritent ce nom par leur volume et par leur position entre les
grandes et les petites.
ii
ja AN PNUTRS
hi
IAA (1
1) D
LE
l
Fig. 300. — Aile de Rapace; voilier.
Les plumes scapulaires se trouvent près de l’attache de l'aile
avec le corps, à la partie qui correspond à l’omoplate. Elles sont
beaucoup plus nombreuses et plus développées dans certames
espèces que dans d’autres, et elles sont dirigées suivant la lon-
gueur du corps, interposées de chaque côté, et flottantes entre
l'aile et le dos, qu’elles couvrent en partie. Dans plusieurs espèces
elles sont aussi longues et même plus longues que les ailes. Gette
MODES DE LOCOMOTION. 285
sorte de luxe, ou plutôt de nécessité, est assez ordinaire dans les
espèces de la fanulle des Hérons, nous pourrions même dire dans
l'ordre entier des gralles et des échassiers. Ce sont quelques-unes
de ces plumes très-développées, à barbes fort longues, fines et
désunies, qui se trouvent sur l’Aigrette et qui sont recherchées
comme ornement.
Les couvertures internes de l'aile la couvrent en dessous, de-
puis son attache avec Le corps Jusqu'à son pli. Elles sont oblongues,
douces au toucher, légèrement courbées d'avant en arrière et
de dehors en dedans ; leurs barbes, peu serrées, sont plus courtes
du côté mterne, leur tuyau est fort petit, et ces plumes sont géné-
ralement molles; elles ne s'étendent guère au delà de l’origine
des premières pennes de l'aile.
Fig, 501. — Tachyphone xanthopyge.
Au-dessous des couvertures de la partie inférieure, et à la jonc-
tion de l’aile avec le corps, naissent des plumes presque toujours
passées Imaperçues dans les descriptions et qui n’ont guère été
observées que par Mauduyt, qui en à fait l’objet d’une savante
dissertation; elles méritent cependant qu'on en parle. Il est
vrai qu'elles ne sont pas également remarquables dans tous les .
286 NEUVIÈME LECON.
oiseaux, qu'elles manquent à un grand nombre, et que leur exi-
guité dans beaucoup d'espèces à dû les faire négliger. Mais leur
développement, leur usage méconnu ou ignoré dans certains
oiseaux, dans ceux de proie en général, dans les oiseaux voya-
geurs, dans ceux qui, sans changer de demeure, entreprennent
de hauts et longs vols, sont des motifs bien fondés pour les
étudier.
Ces plumes, que nous nommerons auxiliaires, forment ce
que Wilhugby appelait l'aile intérieure ; on les trouve sur les
oiseaux qui volent très-haut et très-longtemps. Elles sont le plus
ordinairement étroites et de forme allongée; roides et souvent
lancéolées ; leur tuyau est gros et très-fort ; leur extrémité est
plus ou moins arrondie ; leurs barbes sont de longueur égale des
deux côtés de la tige, et très-serrées ; leur direction est d'avant
en arrière, et elles sont sur une même ligne transversale; leur
nombre, leur longueur, leur forme même, varient dans certains
genres. Quand l'aile est phée, elles sont couchées contre le corps ;
mais elles s’en écartent quand l'aile est étendue ; alors, si l'oi-
seau vole vent debout, ces plumes, dont la direction est d'avant
en arrière, ne font pas obstacle à l'air; mais, si l'oiseau vole vent
arrière, l'air, rencontrant ces plumes, les pousse contre leur di-
rection, les relève, les écarte, et elles constituent alors une véri-
table voile, sur laquelle il porte son impulsion. Ce sont ces
plumes qui, très-nombreuses et très-remarquables par leur dé-
veloppement dans l’Oiseau de Paradis, forment de chaque côté le
panache qui accompagne, qui masque et dépasse la queue ; ce:
sont elles qui, exceptionnellement chargées des plus riches cou-
leurs, forment comme une seconde aile auxiliaire de l'aile véri-
table. :
On désigne encore sous le nom de couvertures les plumes
qui enveloppent la base de la queue, soit en dessus, soit en des-
sous; celles du dessus sont en général longues, larges et arron-
PT SO OT RS 2 | # p.
MODES DE LOCOMOTION. A
dies à leur extrémité, souples et douces au toucher. Parmi celles
du dessous, les premières, qui entourent l'anus, sont encore plus
molles et plus douces, et fourmissent les panaches appelés mara-
bouts, du nom de la Cigogne qui en est ornée. Mais celles qui
Fig. 502. — Veuve à colher d’or.
sont plus en arrière et qui s'étendent davantage au delà de la
queue sont plus fermes, plus longues et plus larges. Ce sont les”
couvertures supérieures de la queue qui, dans l'oiseau connu sous
le nom de Veuve, se prolongent excessivement, et forment cette
fausse queue si longue et flottante qui entoure et qui cache la vé-
ritable, Ce sont aussi les couvertures supérieures de la queue
qui, se prolongeant et prenant une forme étroite chez le Coq,
288 NEUVIÈME LEÇON.
fournissent ces plumes ondoyantes qui accompagnent des deux
côtés l’origine de la queue. Ce sont encore les mêmes plumes qui,
prolongées excessivement chez le Paon, composent la riche pa-
rure qu'il déploie. On prend généralement ces belles plumes
pour la queue, qu’elles couvrent et qu'elles cachent. Chez cet
oiseau, la queue est brune, courte, sert de soutien au pompeux
ornement fourni par ses couvertures, et on ne l’aperçoit que
lorsque ces couvertures sont relevées et étalées.
Les plumes qui servent particulièrement au vol sont les pennes
des ailes ou rémiges, et celles de la queue ou rectrices. On dis-
tingue celles des ailes en grandes ou primaires, et en moyennes
ou secondaires. Ces dernières naissent de la partie postérieure de
l'aile, depuis son attache avec le corps jusqu'à son pli; elles sont
ordmarement larges à proportion de leur longueur, et leur extré-
mité est arrondie; leurs barbes sont beaucoup plus longues du
côté du corps que du côté externe. Les grandes pennes des ailes
ou rémiges primaires se trouvent depuis le ph de l’aile jusqu'à
son extrémité. Elles sont grandes et résistantes ; leur tuyau est
plus gros, leurs barbes, quoique assez longues, sont fortes, ont
beaucoup de ressort, et sont très-intimement unies entre elles.
Fig. 503 — Hirondelle de mer Pierre-Garin, d’après Gould.
Ces plumes sont plus moins longues et larges, et différemment
MODES DE LOCOMOTION. 289
échancrées ou figurées dans divers genres d'oiseaux, sans que
leurs dimensions soient en proportion de la grosseur du corps.
Ainsi de très-petits oiseaux ont parfois les pennes des ailes plus
longues ou aussi longues que des oiseaux dont le corps est d’une
grosseur moyenne : les Mouettes, les Hirondelles de mer les plus
petites, ont les pennes des ailes plus longues ou aussi longues
que celles des Pigeons, dont le corps est beaucoup plus gros que
le leur.
La longueur, la forme des pennes, sont deux des conditions 1m-
portantes du vol. En général, plus les pennes de l’aile sont
longues, plus le vol peut être élevé, soutenu et rapide; mais cela
ne suffit pas, 1l faut encore certaines conditions de forme qu'il
est important de connaître, et qui présentent un grand nombre
de nuances. En effet, la forme des pennes rend le vol ou supérieur
ou inférieur, suivant que leurs barbes sont régulières et décrois-
sent insensiblement de la base à la pointe de la plume, ou
suivant qu'elles se raccourcissent tout à coup, le plus ordinaire-
ment du côté du corps, et quelquefois des deux côtés, de
manière à former de brusques échancrures. Dans le premier
cas, l’aile présente les conditions les plus favorables pour le vol,
parce qu'elle frappe l'air par une surface plus étendue, plus con-
nue et non interrompue. Dans le second cas, plus il y a de
pennes échancrées et plus les échancrures sont fortes, et moins le
vol sera puissant. Les oiseaux qui s'élèvent très-haut, qui forcent
le vent et se soutiennent en l'air longtemps, ont toutes les pennes
entières ; ceux qui volent bas, qui ne sauraient forcer le vent, et
dont le vol est court, ont les pennes plus ou moins échancrées ;
ce résultat est facile à comprendre : lorsque l’aile s’abaisse pour
frapper l'air, une partie de cet air passe par Les espaces vides que
les échancrures laissent entre les pennes, et le point d'appui
manque de solidité. C'est ce qui, dans les usages de l'ancienne
fauconnerie, avait fait diviser les oiseaux, d’après la disposition
tits 29
290 NEUVIÈME LEÇON.
de leurs pennes alaires, en oiseaux de haut ou de bas vol (fig. 1
et 500).
7
Fig. 504. — Faucon cresserelle.
On conçoit qu'il y ait des différences infinies dans le vol des
divers genres et même des diverses familles. Ainsi, parmi les
oiseaux de proie diurnes, cette forme et cette disposition ne se-
ront pas les mêmes pour les vrais faucons, dont le vol à pour but
la chasse dans le haut des airs, et qui s’alattent sur la terre avec
leur proie, que pour les Aigles, qui, au contraire, poursuivent
cette proie sur le sol ou au milieu des rochers, et qui, après s’en
être emparés, l’enlèvent avec leurs serres.
La puissance du vol est même favorisée dans certaines espèces
MODES DE LOCOMOTION. 961
par une disposition anatomique qui n’a pas encore fixé l’atten-
tion : nous voulons parler du point d'appui que les rémiges se-
condaires prennent jusque sur le cubitus, où leurs tuyaux laissent
la trace de leur implantation, comme si cet os avait servi de ma-
trice à leurs bulbes.
K ant
K NN
N\
N \
Fig. 305. — Avant-bras de Pélican.
Chez les gallinacés, la difficulté du vol ne vient pas seulement
de la forme obtuse ou concave des ailes, mais bien plutôt de l’é-
loignement du sternum, plus membraneux qu'osseux, de l’extré-
mité de la fourchette et des clavicules. Cette disposition recule en
effet le centre de gravité du corps des pomts d’attache des mus-
cles moteurs et extenseurs de l’aile. C’est pour mettre ces oiseaux
à même de balancer ce déplacement désavantageux du centre de
gravité qu'ils ont été pourvus d'ules dont la forme peut paraître
incomplète comme instrument voilier, mais qui est ce qu'elle de-
vait être pour les aider à supporter le poids de leuï corps : car,
indépendamment de leur forme, l'allongement gradué de leurs
pennes, à tiges solides, et dessinant presque le demi-cercle, et
surtout leur concavité, conditions auxquelles 1! faut ajouter le
rapprochement exact des pennes, leur superposition et l’engrène-
ment de leurs barbules, viennent augmenter leur force de résis-
tance et les aider à soutemr leur vol.
Les pennes de la queue, ou rectrices, sont généralement plus
longues et plus larges que celles des ailes; leurs barbes sont
égales des deux côtés ; chaque penne va en s’élargissant de la base
à l'extrémité, et se termine le plus souvent en un épanouissement
299 NEUVIÈME LECON.
plus ou moins arrondi, ou dont les angles sont émoussés. Ces
plumes sont profondément implantées dans le eroupion et pénè-
trent jusqu'au périoste, qui revêt le coccyx. Elles sont rangées sur
un segment de cercle et peuvent à volonté s’écarter en éventail
ou se rapprocher. Cette disposition permet à l'oiseau de présen-
ter à l'air une plus grande surface, de devenir plus léger, de
s'élever plus aisément ou de descendre plus facilement ; tandis
que le mouvement de la queue, à droite ou à gauche, semblable
à celui du gouvernail d’un navire, le dirige suivant son désir.
Fig. 506. —. Platycerques à ventre jaune et flavéole.
Presque tous les oiseaux dont le vol est élevé, long et rapide,
et qui en volant retirent leurs pieds sous l'abdomen, ont les
pennes de la queue disposées comme nous venons de le dire.
Quelques-uns cependant, avec un vol aussi élevé et aussi soutenu,
MODES DE LOCOMOTION. 295
comme les Hérons et les Cigognes, ont la queue très-courte; mais
leurs longues pattes qu'ils étendent en arrière en volant, et
+
Fig. 507. — Grue cendrée, d’après Gould.
qu'ils portent parallèlement au corps, suppléent à ce qui manque
en longueur, comme gouvernail, aux pennes de leur queue, et
de plus, chez ces oiseaux, les couvertures des ailes, ces plumes
‘auxiliaires dont nous avons parlé, très-longues aussi, font par-
fois l'office de voile en prenant le vent, et compensent l’exiguité
de la queue, comme on peut le reconnaitre en observant le vol
de tous les grands échassiers. $ |
Les différences nombreuses que présente la queue des oiseaux
ont fourni un caractère de plus aux classificateurs ; mais, lors-
29.
294 NEUVIÈME LECON
qu'on parle de sa forme, c'est toujours en la considérant sur
l'oiseau à l’état de repos. Ainsi on dit que la queue du Condor
est carrée, parce que, les pennes étant rapprochées, leur extré-
mité se trouve sur une même ligne droite; ce qui ne veut: pas
dire que lorsque l'oiseau vole ou plane l'étalage de sa queue ne
représente alors une portion de cercle. La queue arrondie est
celle dont les rectrices médianes, légèrement plus longues que les
latérales, représentent l'extrémité de la lame d'un couteau à pa-
pier : telle est la queue du dindon. Lorsque la diminution dans
la longueur des plumes
latérales, au lieu d’être
peu sensible, se fait assez
rapidement pour que les
rémiges ies plus externes
soient de moitié ou même
de deux tiers plus courtes
que celles du milieu, la
queue est ce qu'on nom-
me étagée : celle de la Pie
commune nous offre un
exemple de cette forme;
seulement la gradation n’y
Fig. 308. — Synallaxe de Tupinier, est pas complétement ré-
gulière, les deux rectrices
médianes étant un peu plus longues que toutes les autres. Dans le
cas où les rectrices diminuent de longueur non-seulement du
milieu vers les bords, mais alors que chacune d’elles se rétrécit
depuis la base jusqu'au sommet, il en résulte une queue aigué,
comme celle des Aras et de beaucoup de Perruches. Une forme
assez remarquable et qui tient un peu de celle que nous indi-
quons chez les Pies nous est présentée par certains oiseaux de
l'Amérique du Sud, les Momots : chez eux, les deux rectrices
MODES DE LOCOMOTION. 295
médianes, qui dépassent de beaucoup leurs voisines, sont privées
de barbes dans presque toute cette portion, et ne les reprennent
que vers l'extrémité. Certains Gobe-mouches de l'Inde, les Dron-
gos, plusieurs Oiseaux-mouches, une Perruche de Mindanao, ap-
pelée à cause de cela Perruche à palettes, sans parler de quelques
Paradisiers et de plusieurs autres oiseaux, nous offrent cette dis-
position encore imexplicable, mais dont la cause doit se trouver
probablement dans les moyens de fabrication du nid. H n’est guère
plus facile de se rendre compte de l'u-
lité que peut avoir pour l'oiseau de
mer des tropiques appelé Paille-en-queue
ou Phaéton l'allongement excessif et la
conformation des deux rectrices média-
nes. Ces deux plumes, qui sont presque
réduités à la tige, car elles ne présentent
de chaque côté que des rudiments de
barbes très-courtes, atteignent presque
soixante-six centimètres de longueur,
tandis que toutes les autres n’ont que A.
quelques centimètres. Chez PArgus, les Spathure roux botté.
deux rectrices moyennes, longues de près
de cent trente-trois centimètres, sont aussi très-disproportionnées
par rapport aux autres; mais, au lieu d'être grêles comme celles
de l’oiseau des tropiques, elles sont larges. Lorsque l’Argus re-
lève la queue et l’étale, toutes les rectrices sont sur le même plan;
mais, àu repos, les pennes retombent à droite et à gauche en
forme de toit, et c’est ainsi que la portent presque tous les Faï-
sans. Enfin, on nomme queue fourchue celle dont les rectrices
latérales sont beaucoup plus longues que les médianes; cette dis-
position se remarque chez les oiseaux dont le vol est le plus sou-
tenu, le plus rapide et le plus aisé. Ainsi on en trouve des exem-
ples chez les Hirondelles, les Engoulevents les plus agiles; chez
#
290. NEUVIÈME LECON. |
les Sternes ou Hirondelles de mer, chez les Frégates, chez les
Milans, et particulièrement chez ceux qui passent la plus grande
partie de leur vie dans les airs,
comme le Milan de la Caroline.
Cette disposition gracieuse de la
queue n'est cependant pas une
conséquence rigoureuse de l’exis-
tence aérienne, car quelques es-
pèces d'Hirondelles, même parmi
S celles qui volent le mieux, les Pé-
Fig. 510. — Typhaëne de Dupont. trels, les Albatros et beaucoup
d’autres oiseaux grands voiliers,
ont une queue de forme bien opposée à celle dont nous parlons.
Nous verrons aussi que la queue chez certains oiseaux remplit
les fonctions d'un véritable balancier ou sert d'appui.
On distingue, dans l'organe mécanique du vol, l'aile propre-
ment dite et la fausse aile, ou aile bâtarde. Gette dernière con-
siste en un appendice situé au-dessous du pli, à peu près à l’ori-
gine et au bord externe de la première rémige, ordinairement la
plus courte. Cet appendice, ou aile bäâtarde, est formé imté-
rieurement par cet os oblong, étroit, externe, qui, dans le
squelette de l'aile, représente, comme on peut se le rappeler,
une sorte de doigt ; l'aile bâtarde est composée de quatre à cmq
plumes roides, taillées en lame un peu courbée du côté interne et
dont les barbes externes sont fort courtes et les internes plus
longues. Ces plumes, par leur structure, par leur roïdeur, ont
beaucoup de rapport avec les pennes, mais elles sont beaucoup
plus petites. C'est cette partie que les oiseleurs nomment le fouet
de l'aile. Mais ils comprennent souvent aussi sous ce nom toute
la partie qui correspond au poignet et qu'ils amputent pour em-
pêcher les oiseaux de voler au loin. Cette opération, sans danger
pour la santé, les rend à tout jamais impropres au long vol et ne
MODES DE LOCOMOTION. : 997
laisse aucune trace bien apparente; le vol alors ne consiste plus
qu'en des sauts courts, pesants, sans possibilité de s'élever. L’aile
ne présente à l'air, en s’élevant, qu'un bord mince et tranchant,
et, en s'abaissant, elle Le frappe de toute l'étendue de sa surface.
C'est une rame, qui comme le dit ingémieusement Mauduyt, est
très-longue, très-légère, et cependant très-forte. En s’abaissant,
suivant les angles qu'elle forme et suivant les temps de son
mouvement, elle frappe l'air de haut en bas et d’avant.en
arrière, et, par cette double action, elle soulève ou soutient le
corps et le porte en avant. Mais, lorsque, content de la hauteur à
laquelle il est parvenu, l’oiseau ne veut que s’avancer horizonta-
lement, il porte en avant et obliquement la partie de l'aile qui
forme la rame, sans beaucoup l’élever, et la ramène en arrière
en la baissant. S'il veut se soutenir à la même hauteur et planer,
il ralentit et adoucit ses mouvements, dont les uns lui font rega-
gner ce qu'il perd en hauteur par son poids dans un temps
donné, et les autres le poussent lentement au-dessus du lieu sur
lequel il plane. L'oiseau dont l'aile est composée de pennes non
échancrées à un grand avantage sur celui dont la même partie se
compose de pennes échancrées qui laissent entre elles des vide
plus ou moins larges. Le premier frappe l'air par une surface
continue et plus étendue, c’est l'oiseau de haut vol ou le ra-
meur; tels sont, par exemple, tous les Faucons. Le second perd
une partie de ses efforts, puisque l'air qu'il frappe passe entre
les extrémités des pennes; aussi ne peut-il s'élever qu'à une hau-
teur moyenne; c’est l'oiseau de bas vol, synonyme du nom de
voilier, applicable à tous les Autours et à tous les Éperviers.
La même distinction peut s'appliquer à tous les autres oiseaux,
surtout à ceux qui entreprennent de longs voyages.
Lorsque l'oiseau plane et dessine des spirales gracieuses, l'aile
placée extérieurement au cercle décrit manœuvre seule et pres-
que imperceptiblement pour régler le mouvement rotatoire au-
298 .. NEUVIÈME LECON.
quel concourt. aussi la queue par la forme et la direction qu'elle
prend.
Ainsi, quoique les ailes soient les parties essentielles pour le
vol, la queue, malgré ce qu'en à pu dire Borel, y contribue
aussi beaucoup ; elle sert à élever le corps, à régler la direction
du vol, à modérer ou à précipiter la descente de l'oiseau. Lors-
qu'il quitte le sol ou la branche sur lesquels il reposait, l'oiseau
étale les pennes de sa queue, qui devient un auxiliaire du vol, soit
en formant une voile horizontale mobile dans tous les sens, soit
en augmentant la surface du corps et par conséquent sa légèreté.
Les angles plus ou moms exprimés qu'elle peut former avec le
corps favorisent les divers mouvements à exécuter et servent
surtout à les diriger. L'oiseau veut-il descendre des airs sur le
sol, 11 ramasse ses ailes, resserre les pennes de sa queue, plie en
quelque sorte toutes ses voiles et laisse agir le poids de son corps,
qui accélère cette chute d’après les lois connues. La descente
doit-elle être lente, une légère différence dans le reploiement des
ailes et de la queue suffit pour la modérer. Les pennes de la
queue restent néanmoins un peu écartées les unes des autres, jus-
qu'au moment où les pieds vont rencontrer le sol, parce qu’elle
détermine la position du corps, dont les parties antérieures sont
dirigées en bas; mais, dès que le corps va toucher le but, la queue
se resserre tout à coup et s'incline de façon à permettre au corps
de reprendre son équilibre et la position horizontale.
Disons pour nous résumer que le vol s'exécute presque sans
efforts, en partie à voile et en partie à rame, et qu'il est réglé par
les divers mouvements de la queue. Les oiseaux qui ont des
rames puissantes affrontent le vent et s’élèvent autant qu'il leur
plait; ils sont les souverains de l’ar. Ceux qui n'ont que des
rames échancrées luttent mal contre le vent et tirent plus parti
que les premiers des moyens accessoires, qui sont loin de compen-
ser la perfection de l’aile.
MODES DE LOCOMOTION. 299
Le vol ordinaire fatigue peu l'oiseau, et c’est souvent du haut
des airs qu'il fait entendre des cris continus de satisfaction ou
de rappel.
= Organisés généralement pour passer d'un lieu à un autre
en traversant l'air plutôt que pour vivre sur le sol, les oiseaux
marchent moins la plupart du temps qu'ils ne volent, et souvent
semblent marcher sans grâce, parce qu'ils paraissent le faire avec
difficulté.
Le corps des oiseaux, ayant sa moitié supérieure beaucoup plus
pesante que l'inférieure, a une situation oblique. Cette position
fait tomber le centre de gravité du corps sur sa base naturelle,
mais la marche est loin d’être facile chez beaucoup d’entre eux,
surtout chez ceux dont les ailes sont très-allongées.
Fig. 511. — Alélornis squamigère,
La disposition des orteils élargit considérablement leurs pieds
sans nuire à la légèreté ; le doigt postérieur, souvent très-long,
500 NEUVIÈME LECÇON.
représente un calcanéum très-favorable à la station. Ainsi l’A-
louette, qui marche avec plus de facilité que beaucoup d’autres
Fig. 512. — Dryocope à bec d'ivoire.
oiseaux, à un doigt postérieur dont [a dimension est encore aug-
mentée par un ongle très-long, et la queue, souvent fort longue,
remplit dans certaines espèces le rôle d’un balancier. Les Berge-
ronnettes et les Lavandières, que l’on désigne sous le nom de
Hoche-queues, marchent ou courent à pas lents ou pressés, mais
toujours faciles, pendant qu’elles remuent continuellement la
queue de haut en bas. Les mouvements alternatifs de ce balan-
cer, continuellement répétés, redressent à chaque instant le
corps près de fléchir en avant sur ses appuis; et l'habitude de
leur jeu donne à tous les mouvements du corps une précision sin-
gulière. Mais ce balancier même ne suffit pas pour fixer le Tra-
quet, qui ne cesse d'agiter ses ailes et sa queue Mn le temps
toujours court où 1l dau posé.
IL est aisé de reconnaître l’insuffisance de ces moyens pour
assurer la station des oiseaux dès qu'ils veulent faire quelque
MODES DE LOCOMOTION. 301
effort en marchant. Mais un fait remarquable de la station de ces
animaux, c’est qu'ils peuvent se soutenir sans fatigue et même
Fig. 515. — Jacana à nuque blanche.
dornur sur les branches qu'ils embrassent avec le doigt; nous
avons déjà dit à ce sujet que les muscles fléchisseurs des pattes et
des doigts sont plus forts que les extenseurs leurs antagonistes.
Cette supériorité des fléchisseurs subsiste et doit être même en-
core plus forte pendant le sommeil. On sait que la mort même
de l'oiseau surpris dans cet état d'inégale distribution des forces
ne fut pas toujours cesser l’action des fléchisseurs, qui, par leur
Je 26
302 NEUVIÈME LEÇON.
contraction naturelle, retiennent la victime à la branche qui la
supportait vivante. On sait aussi que les oiseaux dorment la tête
placée sous une des ailes : ce qui est indispensable pour que le
centre de gravité tombe sur l'intervalle des pieds qui supportent
le corps. |
Divers oiseaux, en marchant, abaissent à chaque pas la tête et
le cou et les étendent en avant. Cette manœuvre est nécessaire à
l'équilibre du corps, qui reste soutenu sur une jambe, pendant
que l’autre jambe s’avance, se fixe et se redresse pour le soute-
nir à son tour. La projection qui précède chaque pas de ces oi-
seaux est naturellement plus sensible lorsque le sol est en pente,
puisque dans ce cas l'équilibre est plus difficile à obtenir. I y à
des oiseaux dont le corps est naturellement si porté en avant, dans
la station, qu'il s'abattrait à chaque pas dans le mouvement
alternatif des jambes. Tels sont les Moineaux, les Merles, les
Pies, etc. Ges oiseaux doivent donc mouvoir les deux Jambes à la
fois ; aussi ne marchent-ils réellement pas et s’avancent-ils sur le
sol par de petits sauts bas et répétés. Mais, dans le mode de pro-
gression du plus grand nombre des oiseaux, les jambes ont un
mouvement alternatif. Elles se meuvent comme des échasses chez
ceux qui sont haut montés, tels que les Grues, les Gigognes, dont
la marche grave et mesurée ne manque pas d'aisance; on à pu
remarquer que ces oiseaux se soutiennent fréquemment sur une
seule jambe et qu'ils dorment le plus souvent dans cette position.
Chez les oiseaux qui ont le corps gros et pesant, comme l'Oie
et le Canard, qui marchent lentement, chaque pas est accompa-
gné d’une vacillation latérale du corps sur la jambe qui doit le
soutenir. Chez les oiseaux lourds encore, mais dont la marche est
assez rapide pour que le corps ne pose pas longtemps sur la jambe
fixe, les poules par exemple, il y a une allure toute particulière
qui porte le COrps alternativement à droite et à gauche, de façon à
fire croire qu’à chaque pas elles vont changer de direction. La
MODES DE LOCOMOTION. 303 :
marche du Casoar et de l’Autruche a aussi un cachet tout parti-
cubier : il y a un mélange peu gracieux du pas et du saut, ce qui
ne les empêche pas d'avancer plus vite que le meilleur coursier.
Fig. 314. — Pénélope noire.
Les oiseaux dont la cuisse est articulée en arrière du centre de
gravité, comme les Canards, ont généralement les jambes fort
courtes; leur corps est horizontalement porté à sa partie antérieure,
si lourde, qu'elle semble les entrainer malgré eux. Ils avancent
peu, même en se hâtant, et perdent l’'équihbre devant le moindre
obstacle. IL est évident qu'ils ne sont pas organisés pour marcher.
Ces conditions sont même encore exagérées chez les Grèbes, les
Plongeons, les Pmgouins, les Manchots, etc., dont les membres
fort courts sont articulés à l’extrémité postérieure du corps. Mais,
304 NEUVIÈME LECON.
en compensation, ces oiseaux sont d'excellents nageurs. La terre
est l'élément qu'ils habitent le moins, tandis que l’eau est celui
sur lequel 1ls passent la plus grande partie de leur vie. Leurs
pieds, par leur forme particulière et par leur position, sont de vé-
ritables rames. Les Pétrels, avec la même conformation des extré-
mités, courent légèrement à la surface des mers les plus agitées,
en frappant précipitamment les flots du plat de leurs pieds pal-
més, tandis qu'une partie de leur corps est soutenue sur l’eau par
le mouvement de leurs ailes.
Les oiseaux dont la cuisse n’est articulée que peu au delà du
centre de gravité jettent leurs pieds de côté en nageant, tandis
que ceux qui ont la cuisse placée tout à fait à l'extrémité du corps
les jettent droit en arrière : les uns et les autres plongent plus ou
moins facilement; les derniers cependant sont et meilleurs na-
geurs et surtout excellents plongeurs. Le poids de leur corps,
Fig. 315. — Plongeon Lumme, d’après Gould.
rendu plus léger par une couche de duvet et une couche de plu-
mes épaisses, ne suffirait pas pour leur permettre d’enfoncer dans
MODES DE LOCOMOTION. 305
l’eau : ils y arrivent cependant en plongeant perpendiculaire-
ment la tête et le cou, qui entraînent le corps dans un mouve-
ment de bascule aidé par quelques coups de leurs pieds palmés.
Le premier temps de ce mouvement est celui qui exige le plus
d'efforts ; le second, qui les engage sous l’eau, est plus simple.
C'est ainsi que procède le Canard plongeur (Anas mersa de
Pallas), qui ne peut marcher, et qui, en nageant, a la région
postérieure du corps beaucoup plus enfoncée dans l’eau que
l’antérieure, aussi plonge-t1l avec une grande facilité. Nous
_mentionnerons seulement 1c1 les Manchots et les Gorfous, qui ont
une organisation tout exceptionnelle parmi les oiseaux, car leurs
ailes, impropres au vol, sont transformées en rames. : +
26
Fig. 316. — Canard sauvage commun.
DIXIÈME LEÇON
Distribution géographique.
L'époque à laquelle les oiseaux ont paru sur le globe est très-
ancienne. La création de ces animaux a dû être successive et non
simultanée, et les espèces aquatiques ont précédé les espèces ter-
_restres. L'ordre probable suivi par la nature est suffisamment
indiqué par la structure, les aptitudes, les mœurs et le régime
des groupes assez nombreux et assez variés de la elasse. Les Man-
chots ont sans doute paru les premiers, et à leur suite les autres
oiseaux nageurs; puis sont venus les échassiers, les oiseaux de
rivage et de marais. Dès qu'une partie de la surface du globe à
été mise à nu et desséchée, ont apparu les oiseaux coureurs ;
après eux les gallinacés et les colombidés, ce type intermédiaure
entre les gallinacés et les passereaux, qui ont dû les suivre, ainsi
que les grimpeurs ; mais leur existence n’a pu être assurée qu’a-
près le développement des arbres; enfin les oiseaux de proie ont,
selon toute probabilité, couronné l’œuvre. Les restes fossiles des
oiseaux pourraient seuls nous Indiquer l’ordre chronologique que
308 DIXIÈME LECON.
nous cherchons à établir; mais, beaucoup moins nombreux que
ceux des autres animaux, les débris fossiles des oiseaux ne se
prêtent pas à une détermination facile. En effet, l'absence de
dents, le peu d'épaisseur des os, les parties cornées du bec et des
doigts, ainsi que les plumes qui se décomposent en peu de temps,
laissent l'étude paléontologique des oiseaux dans une grande in-
certitude. Cependant les os de ces animaux sont bien distincts
et ne peuvent être confondus avec ceux des animaux des autres
classes. |
Les oiseaux aquatiques ont été, disons-nous, créés les pre-
miers, alors que la terre était encore couverte d’eau, et leurs os
fossilisés devraient être assez répandus ; 1l n’en est cependant pas
ainsi : leur organisation leur a donné le moyen d'éviter les inon-
dations qui ont détruit et submergé tant d'animaux privés de la
faculté de fuir le danger en s’élevant dans les airs pour se por-
ter sur les points qui pouvaient leur offrir quelque sécurité,
quelque refuge au milieu des cataclysmes des premiers temps du
monde. La nature même de cette organisation, comme le fait
observer M. Pictet, peut avoir été une cause le plus souvent suffi-
sante pour empêcher leur enfouissement, car leur pesanteur spé-
cifique, moindre que celle de l'eau, a dû les faire surnager, et 1ls
ont pu devenir plus facilement la proie des poissons et des rep-
tiles, moins exposés qu'eux aux effets des mondations.
Les premières traces fossiles laissées par les oiseaux sont des em-
preintes de pas observées dans les terrains anciens, sur le grès rouge
de la vallée du Connecticut. Ces empreintes, considérées comme re
présentant le moule des pattes d’échassiers et quelques-unes seu-
lement comme faites par des pattes de palmipèdes, feraient con-
clure que la première apparition des oiseaux sur le globe remonte
à l’époque triasique. Il se présente néanmoins une difficulté qui
éveillé des doutes sur l'existence des oiseaux à une époque aussi
reculée : c’est qu'ils ont dû vraisemblablement: être plus nom-
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 309
breux à l'époque suivante, et qu'on n’en trouve aucune trace dans
les terrains jurassiques. Mais, dit M. Pictet, quelle que soit l’opi-
nion que l’on se forme sur le moment de la première apparition
des oiseaux, leur existence à l’époque crétacée est incontestable-
ment démontrée par des ossements qui ne peuvent laisser aucune
incertitude, et il n’est plus permis de douter que les oiseaux
n'aient déjà vécu pendant l'époque secondare, et qu'ils n'aient
par conséquent été contemporains des grands reptiles et des Am-
monites. Cuvier a décrit plusieurs espèces fossiles de l'époque
tertiaire, et d’autres savants en ont trouvé sur presque tous les
continents. L'époque diluvienne est la plus riche de toutes, et
quelques découvertes importantes ont été faites à la Nouvelle-
Zélande, qui fournit des espèces fossiles voisines des Autruches,
_des Casoars et des Aptérix. Ces oiseaux ont été décrits par Owen,
sous les noms de Dmornis, de Notornis et de Palapteryx, et ce
célèbre paléontologiste anglais compte plusieurs espèces de cha-
cun de ces types. Plus récemment, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire
a donné la description d'œufs fossiles de trente-deux centimè-
tres de longueur et d’une capacité de près de neuf litres, appar-
tenant à un oiseau gigantesque de Madagascar, l'Épyornis, dont
la race est éteinte probablement depuis peu.
D’après les recherches d’un grand nombre de paléontologistes,
tous les ordres et même quelques grandes familles établies aujour-
d'hui sur les espèces vivantes, ont des représentants fossiles dans
les dépôts diluviens anciens et modernes de tous les pays. Ges
quelques mots sur les espèces fossiles parmi les oiseaux suffisent
pour donner l’idée des connaissances sur ce sujet, et nous condui-
sent naturellement à parler de la dispersion des oiseaux à la sur-
face du globe et de leur distribution géographique.
Le type zoologique est, on le sait, représenté dans toutes les par-
ties du globe ; pas une n’en a été déshéritée, et ne pouvait l'être,
puisque c’est une des conditions de l'équilibre et de l'harmonie
310 | DIXIÈME LEÇON.
qui ont présidé aux lois de la création. Mais ce type a subi, moins
en raison de ces contrées par elles-mêmes qu'en raison de leurs
()
1
EN
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A+
ah
su
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Fig. 517. — Indopic sphilolophe.
conditions de climature et de latitude, des modifications sensibles,
quand 1l n’est pas resté spécial à la contrée qui le produit. Il en
me
si DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 911
a élé ainsi de la classe des oiseaux; et c’est à leur égard que la
question de la distribution géographique à la surface du globe
prend un intérêt tout particulier.
On conçoit en effet qu’organisés essentiellement, ou accessoire-
ment selon les ordres auxquels ils appartiennent, pour Ja locomo-
tion aérienne, la limite d'habitat des divers genres ou espèces
soit plus difficile à établir et à fixer. Car tout ne se borne pas pour
eux uniquement à des lignes ou zones isothermes: 11 faut temr
compte, indépendamment des climats et des latitudes, des éten-
dues d’eau qui séparent les contiments, et aussi des montagnes
qui les coupent et les divisent.
Fig. 518, — Canard Eider, variété.
Disons d’abord qu'en général les animaux qui n’ont aucun
moyen de quitter le sol sont fatalement soumis à des limites 260-
graphiques, mais que ceux que nul obstacle n’arrète y sont peut-
être plus soumis encore. Ainsi les oiseaux les plus aptes au vol el
les plus habiles nageurs se trouvent exclusivement confinés aux
pôles; et, si nous recherchons les types spécialement propres
soit à chacun des grands continents, soit à chacun des espaces
Es
312. DIXIÈME LEGON.
que l’on est convenu d'appeler les centres decréation, voici ce
que nous voyons.
Fig. 319. — Geai.
L'Europe n'a aucun oiseau qui lui soit exclusivement particu-
e D e « ® L L L , L2 L2
ler, ce qui tient probablement à sa position intermédiaire entre
SRE
fl
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rat
Fig. 520, — Pie.
la partie boréale de l'Asie et celle de l'Amérique, avec lesquelles
elle est en communication presque continue. -
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 515
I n’en est plus ainsi des autres continents : en Asie, apparais-
‘sent les Paons, les Faisans et les Lophophores, les plus riches et
les plus brillants des gallinacés ; en Afrique, de curieux types
uniques, parmi les oiseaux de proie, le Messager ou Serpentaire ;
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hophore resplendissant.
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les Musophages parmi les zygodactyles ; et, parmi les gralles,
l’Ombrette et le Balæmiceps. L'Amérique, ce continent multiple
qui embrasse presque la moitié de la terre, est celui qui renferme
le plus grand nombre de types : amsi, le Condor et le Vautour-
Papa ; le Stéatornis-Guacharo; la riche famille des Oiseaux-mou-
ches, dont on connait aujourd’hui près de quatre cents espèces:
celles des Rupicoles et des Manakins, celles des Toucans et des
Anis; celles des Motmots et des Jacamars ; celle plus modeste et
Te 2
514 DIXIÈME LECON.
si curieuse des Picucules; la belle famille des Tangaras ; celle
des Géospizes; les Gymnocéphales et les Céphaloptères, ces cor-
beaux si remarquables par leur plumage. Parmi les gallinacés,
les Tinamous, représentants des Outardes de l’ancien continent ;
parmi les gralles, enfin, le Cariama, représentant du Messager
africain; les Kamichis et les Chionis, ces derniers moitié rive-
rains et moitié aquatiques. |
Dans l'ile de Madagascar, ce centre de création malheureuse-
ment encore si peu connu, mais qui commence à nous ouvrir ses
ports, on trouve le Vouroudriou, les Philépittes, la Falculie, le
Brachyptérolle, ete.
Il est remarquable, en effet, que cette ile immense, placée
entre Maurice et l'Afrique australe, et peu éloignée de ce vaste
continent, ait une faune toute différente. Presque tous ceux de
ses oIsCaux qui, pourvus d'ailes courtes où même médiocres,
n'ont pu se répandre à de grandes distances, ne se retrouvent sur
aucune autre terre ; et si, comme l'a dit Isidore Geoffroy Sant-
Hilaire, lou avait à classer l'ile de Madagascar d'après ses pro-
ductions ornithologiques, et sans tenir compte de son étendue el
de sa situation géographique, on devrait ne voir en elle, ni une
Je asiatique, ni une île africaine, mais bien une terre isolée et
presque un autre continent, qui diffère comme faune, beaucoup
plus de l'Afrique, dont il est voisin, que de l'Inde, dont il est sé-
paré par une distance considérable.
En Océanie, ou plutôt en Papouasie, se trouvent Les imcompa-
rables Paradisiers ; et à la Nouvelle-Galédome les types curieux
et uniques du Goliath, parmi les colombidés, et, parmi les
échassiers, du Rhynochésos, que nous avons fait connaitre avec
J. Verreaux, et pour lequel nous avons dû établir un genre. La
Nouvelle-Calédonie mérite mème une attention particuhère ; elle
est aussi remarquable, comme centre de création dans ses petites
proportions, si on la compare à Madagascar, que l’est celle-ci re-
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 315
lativement aux autres parties du monde. Ainsi, à l'époque où nous
abordions l’étude de ses productions, nous nous sommes demandé
si elle n'aurait pas, par sa faune, un caractère presque exelusif,
Fig. 522. — Carpophage Gohath.
comme cela a lieu pour les autres centres de création que nous
venons de citer ; eu si elle n'aurait pas des points de contact sai-
sissables avec d’autres centres, tels que la Nouvelle-Hollande,
l'archipel de la Sonde ou l'archipel Polynésien.
Les nombreuses espèces d'oiseaux dont nous devons la connais-
sance et la communication aux voyages de MM. Aubry-Lecomte et
Deplanche n'ont pas tardé à nous édifier sur ce pot. Il résulte
en effet jusqu’à présent de nos études sur cette nouvelle colonie
française que sur quatre-vingt-deux espèces d'oiseaux, qui en ont
316 | | DIXIÈME LECON.
été rapportées et qui ont passé sous nos yeux, quarante-six sont
exclusivement propres à cette île ; dix-neuf lui sont communes
avec la Nouvelle-Hoilande, dont une avec la.terre de Van-Diémen ;
et seize seulement se retrouvent dans la Polynésie proprement
dite, en y comprenant la Nouvelle-Guinée.
. conclusion à tirer de cette comparaison, c'est que la faune
ornithologique de la Nouvelle-Calédonie est join de se comporter,
ainsi qu'on aurait pu le supposer, comme sa flore, et qu'au lieu
de se rapprocher, comme celle-ci, beaucoup plus de l'Australie
orientale et tropicale que des archipels océaniens, elle se tient à
une distance presque égale de l’une et des es et offre un
caractère et une bone ie qui lui sont propres et que confir-
meront sans doute les découvertes ormthologiques à faire encore
dans ce centre nouveau, si restreint et si singulier de création,
passé Jusqu'à présent inaperçu.
Enfin, à la Nouvelle-Hollande, en y comprenant la Tasmanie,
on rencontre les types si rares du Philesturne, du Glaucope,
du Néomorphe, du Strigops, du Scythrops, du Ménure ou Lyre,
du Néothornis, cet” oiseau qu'on ne connut d’abord qu'à l’état
fossile et qu'on découvrit ensuite à l’état vivant; et, parmi les
anomaux, les Aptéryx, ces géants des Gralles vermivores.
IL est curieux de voir, d’après cet aperçu, qu'en comparant
l'importance et l'étendue des continents, ce soit le plus petit,
et le plus vierge encore, Madagascar, qui fournisse le plus
orand nombre relatif de types spéciaux, c’est-à-dire sans ana-
logie avec aucun autre. |
Maintenant, si nous examinons la répartition des diverses
familles ou divers genres communs à plusieurs continents, nous
remarquerons qu'une des familles les plus nettement tranchées
de toute la classe des oiseaux, celle que caractérisent le mieux
des formes spéciales et des attributs propres, est celle des Perro-
quets, très-riche en genres, plus riehe encore en espèces variées
d Es
AR OR
: DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 5AT
de toute taille et de toutes couleurs. Cette famille, dont les es-
pèces se comptent par centaines, habite également l'Asie, l'Océa-
nie, l'Afrique, l'Amérique, et la Nouvelle-Hollande : L'Europe
seule en est privée. Les oiseaux de proie diurnes, nocturnes et
crépusculaires, se retrouvent partout et à toutes les latitudes. Ilen
Fig. 525. — Perruche mélanure.
est de même des Engoulevents, cependant avec des modifications
diverses, dont la plus importante est celle qui constitue les mon-
21.
318 DIXIÈME LECON.
o
strueux Podarges propres à la Papouasie et à l'Australie. L’Eu-
rope cependant n’en possède que deux espèces. Le type des Hiron-
delles est partout uniforme. Parnu les zygodactyles, les Coucous
diversement caractérisés existent également partout en grand
nombre, excepté en Europe, où l’on n'en compte que deux es-
_pèces. Mais les Coucales ne se rencontrent que dans la Malaisie et
l'Afrique. La nombreuse famille des Pics à aussi des représen-
tants dans toutes les parties du monde, à l'exception de l'Austra-
lie. Les Barbus se trouvent en Asie, en Afrique et en Amérique.
Les Couroucous, découverts d'abord dans les régions chaudes
de l'Amérique, ont été retrouvés ensuite dans les îles de la Sonde
et à l'extrémité australe de l'Afrique, jusqu'au cap de Bonne-
L2
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 319
Espérance. Les Calaos, ces oiseaux au bec monstrueux; sont res-
treints à l’Asie, aux îles de la Sonde et à l’Afrique. Les Guêpiers
sont exclusivement de l’ancien continent, surtout de l'Afrique et
de l’Asie; l'Europe n'en comptant que deux espèces. Les Martins-
pêcheurs, qui constituent une famulle naturelle composée de
groupes distincts, ont envoyé des colonies sur les bords de toutes
les eaux douces du monde, dans les zones chaudes et tempérées;
et cependant une seule espèce les représente en Europe. Les
Soui-Mangas, représentants. de fort loin, puisque leur type est
umforme, des Oiseaux-Mouches d'Amérique, sont communs à
l'Asie et à l'Afrique. Les Corbeaux, les Pies et les Geais sont ré-
partis partout. Les Rolliers sont les mêmes en Europe, où une
seule espèce les repré-ente, en Asie et en Afrique. Les Langrayens
ou Ocyptères, sorte de Pies-grièches qui rappellent la forme des
Hirondelles, et qui vivent d'insectes sur les côtes boisées des terres
Fig. 525. — Chloropic minium.
situées sous l'équateur, n'ont encore été rencontrés qu'en Asie,
en Océanie et en Australie. Les Brèves, si éclatants de couleurs,
520 DIXIÈME LECON. ;
appartiennent en commun à l'Asie, aux îles de la Sonde et à
l'Afrique. [l en est de même des Marüns, dont un représentant
Fig. 526. — Colombe à couronne pourprée.
cependant se trouve en Europe. De même que les Alouettes, les
Fauvettes sont de toutes les contrées. Il en est amsi des Gros-
Becs, ainsi des Pigeons, dont les plus riches de plumage n'existent
cependant que dans toute l'Océanie.
Les Mégapodes, ce type si curieux par ses mœurs, sont dela
Malaisie et de l'Australie. Les Autruches sont communes à
l'Afrique et à l'Amérique seulement. Les Casoars sont partagés
entre l'Asie, dans les îles de la Sonde, et l'Australie. Les Gallina-
cés sont de toutes les régions, excepté les Tétras, qui n’ont aucuns
représentants en Australie. Parmi les échassiers, les Outardes
sont de l’ancien continent, et communes à l'Europe, quin'en à
que deux types, à l'Afrique, qu en offre le plus grand nombre,
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 921
et à l'Asie. Mais les Hérons, les Vanneaux, les Pluviers, se retrou-
vent en Amérique et eu Australie.
Fig. 527. — Mégapode de Cuminc.
Les oiseaux d’eau ou palmipèdes, sauf quelques espèces ex-
clusivement propres à chacun des continents, sont cosmopo-
lites.
S'1l est remarquable, d'après ce qui précède, que l'Europe n'ait
aucun type ormthologique qui lui soit réellement propre, il est
aussi facile de se rendre compte et de cette pauvreté et de l’ab-
sence de tout plumage brillant dans cette partie de l’ancien
monde. On ne peut nier que la puissance de la chaleur, tout au-
tant et beaucoup plus encore que celle de la lumière, ne Joue,
ainsi que nous l’avons déjà dit, le principal rôle pour le développe-
ment des couleurs éclatantes. Il suffit de reconnaitre la situation de
322 DIXIÈME LECON.
l'Europe en latitude pour s'expliquer cette absence. Ainsi ce con-
tinent, dans ses points ou sullies extrêmes, au sud, descend à
peine vers le 35° degré de latitude au-dessus du tropique du Can-
cer, où dans l'intervalle occupé par la partie septentrionale de
l'Afrique, entre ce tropique et le point extrême de l'Europe;
les formes spécifiques restent les mêmes pour l’une comme pour
l’autre de ces deux parties du monde. Ge n'est done qu’à
compter de ce tropique que commence le changement de
formes et de couleurs, si général dans tout le globe, en Afrique,
aux Indes, ou en Asie, en Amérique, pour se concentrer partout
entre ce tropique et celui du Capricorne. L’écliptique même ne
change rien à cet état de choses; car il traverse obliquement
toute cette région sans en sortir. On est donc fondé à soutenir,
Fig. 528. — Toucan à gorge jaune, d'après Gould.
et la proposition est incontestable, que c’est à l'action de la cha-
leur vivifiante et concentrée sur tout le parcours de la ligne équa-
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 923
toriale qu'est due cette exubérance et cette riche profusion de la
nature dans tous les règnes.
Fig. 529. — Oiseau-mouche Sapho.
Üne autre considération vient encore à l'appui de ce que nous
avançons 1c1. L'observation, comme les chiffres, démontre d'une
manière évidente que le nombre des espèces et des genres
ornithologiques est en proportion inverse de la population et en
proportion directe des espaces du globe occupés par les forêts, les
524 ._ DIXIÈME LEÇON.
eaux et les marécages. La population, ce signe constant, sinou
de l'amélioration de la race humaine, du moins de sa civilisation,
est effectivement plus agglomérée en Europe, en Asie, au-nord
de l'Afrique et dans l'Amérique septentrionale, que nulle part
ailleurs. De R le nombre restreint de leurs types spécifiques.
Voyons, au contraire, la Malaisie, l'Océanie, la Polynésie et le vaste
continent de l'Amérique du Sud : quelle surabondance de vie
dans le règne animal seulement! quelle multiplication des
lormes, quel fuxe et quelies merveilles dans la parure des aui-
maux |
Fig. 350. — Perruche splendide.
Ce qui fournit, à notre sens, une des preuves les plus mani
festes que l'oiseau, puisque nous ne nous occupons que de lui,
n'existe partout que comme auxiliaire utile, actif et puissant de
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE 325
Fig. 551. — Dronte, espèce éteinte de l'île de France.
la nature, c’est que où elle n'a plus besoin de son concours il
se retire et disparait. Ainsi s'expliquerait, selon nous, la dispa-
P. I. 28
526 DIXIÈME LECON.
rition de types qui ne se retrouvent plus qu'à l’état fossile, et ne
représentent que des rapports assez éloignés avec les types vi=
vants : c'est que le but pour lequel ils avaient été créés a été
atteint; en un mot, qu'ils n'avaient plus aucune raison d’être,
par cela même qu'ils n'avaient plus de rôle à remplir.
Afin de mieux fure apprécier la valeur de ces divers aperçus
et de les rendre plus frappants, nous les réduirons en chiffres.
Sur plus de 8,000 espèces admises par la science, l'Amérique en
possède à elle seule en propre, et ne se retrouvant nulle part
ailleurs, 2,560 environ; elle en a en commun avec divers autres
continents, 719 ; maintenant, sur ces 8,000 espèces, 2,127 sont
cosmopolites ou peuvent se trouver indifféremment partout. On
voit que nous n'avons rien exagéré, et que, tout compte fuit, le
contment américain peut fournir presque la moitié du nombre
total des espèces ornithologiques.
Enfin, quant aux divers centres de création zoologique dont
nous avons parlé, 1l y en à trois bien remarquables : 1° l'Amé-
rique, pour les Perroquets, puisque sur trois cents espèces envi-
ron celle en nourrit cent vingt-cinq, plus du tiers ; 2° l’Océamie,
pour les Colombes ou Pigeons, puisque nulle part on n’en ren-
contre davantage ni de plus richement tentés ; 3° Asie, pour
les Gallinacés, puisqu'elle en possède presque les deux tiers.
Ces données sont si positives, que, lorsqu'on examine une espèce
nouvelle d’un de ces trois ordres et que les renseignements sur
son origine sont incertains, l'esprit de l'observateur se porte
tout naturellement sur l’une des parties du monde que nous ve-
nons d'indiquer.
Quoi qu'il en soit, ces connaissances générales admises, on a été
nécessairement conduit à l’idée de l'établissement dé groupes ou
genres en rapport avec la distribution géographique des oiseaux;
car, à quelques exceptions près, chaque type spécifique a su,
d'une contrée à l’autre, même à latitude égale, des modifications
DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE. 597
LLLLLLILLLIL IDD
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Fig. 352, — Aras bleu et rouge.
328 DIXIÈME LEÇON.
plus où moins caractéristiques dont la science à dû tenir compte.
Pouvait-1l en être autrement en présence de. formes ou de ca-
ractères nouveaux qui semblent dépendre des latitudes mêmes?
On comprend dès lors la nécessité démontrée de la connaissance
exacte des localités qui les produisent ; et plus cette connaissance
s est répandue et s’est montrée précise, plus l’ornithologie à fait
de progrès. Les sciences naturelles doivent donc le degré d'exac-
titude qu'elles ont attemt de nos jours aux voyages de décou-
vertes, et, avant tout, aux renseignements certains sur la prove-
nance des espèces : ces renseignements sur l'ensemble de ja classe
des oiseaux ont en effet permis d'établir une classification métho-
dique plus naturelle, que nous exposerons bientôt.
ONZIÈME LEÇON
Migrations.
Parmi les phénomènes variés que nous présente fa nature, les
voyages annuels des oiseaux sont sans contredit des plus curieux,
et ils ont de tout temps mérité l'attention des naturalistes. Toute
la surface du globe est le théâtre de ces nugrations, et les causes .
qui les déterminent sont probablement multiples ; mais la plus
puissante ne se trouve pas dans les changements atmosphériques
agissant sur la sensibilité si remarquable de ces animaux, n1 dans
les besoins de l'alimentation. Orgamisés, par-dessus tout, pour
la locomotion aérienne, et par conséquent pour une existence
constamment mobile, quelles que soient les habitudes terrestres
de chacun d’eux, les oiseaux ne pouvaient tous être fixés au sol
qui les a vus naître : aussi distingue-t on parmi les groupes nom-
breux qu'ils forment des espèces sédentaires, des espèces erra-
tiques, et des oiseaux dits de passage ou migrateurs.
Nous ne parlerons pas ict de l’apparition tout accidentelle
de bandes plus ou moims nombreuses d'oiseaux Jetées sur nos
| 28
330 ONZIÈME LECON.
côtes par les tempêtes. Ces arrivages, aussi imprévus que la cause
qui les occasionne, sont indépendants de la volonté de l'oiseau, et
son instinct, mis en défaut par la soudaineté et la violence d’un
ouragan, ne le sert que pour chercher forcément un refuge, un
asile passager qui le mette à l'abri du danger. Dans ce cas l'asile
est la côte la plus voisine, voire même les mâts et le pont d’un
navire, comme nous pourrions en citer de nombreux exemples.
Nous n'avons à nous occuper que des voyages ou migrations en-
trepris avec toute hberté d'action. |
Les oiseaux sédentaires sont ceux qui ne s’éloignent du pays
où 1ls sont nés qu'à des distances très-bornées, et passent leur vie
entière dans la même grande contrée. Ils s’éloignent de proche
en proche, mais 1ls demeurent comme confinés dans les limites
de la région dont la température et les ressources alimentaires
suffisent à leurs besoins. Parvenus à ces limites, l'instinct les
arrête et les fait même rétrograder un peu pour se soustraire à
l'influence de conditions nouvelles. Les oiseaux qui procèdent
ainsi appartiennent à un petit nombre d'espèces, parmi lesquelles
nous citerons, pour la France, le Rouge-Gorge, la Fauvette traïne-
. buisson, le Troglodyte, etc.
D’autres oiseaux, plus fortement constitués que les premiers,
trouvant partout une température et les aliments qui leur convien-
nent, n'adoptent point de patrie, ne se fixent nulle part; vont en
avant, et continuent leur route, selon qu'ils y sont déterminés
par l'abondance ou la disette ; retournent également sur leurs pas,
suivant les circonstances, mais, parvenus au point d’où ils étaient
partis, 1ls tournent d'un autre côté, ou reprennent indifférem-
ment la route qu'ils avaient suivie une première fois ; ils ne s’ar-
rêtent que pour multpher, et ne se fixent que le temps né-
cessaire pour élever leur famille. Aussitôt qu'elle est en état, les
petits se séparent et se répandent chacun de leur côté. Ces o1-
seaux, que cette existence vagabonde a fait désigner sous le nom
MIGRATIONS. 991
_d'erratiques, pénètrent dans tous les pays et dans tous les eli-
mas, parce qu'ils y sont également bien ; on les voit partout,
parce que les père et mère, cheminant chaque jour en avant,
Spy
=
——
Fig. 354. — Colombe émigrante, d’après Audubon.
s'éloignent à des distances souvent très-grandes du lieu d'où ils
sont paris, et que, s'arrêtant indifféremment dans diverses
régions pour établir leurs nids, quand la nature leur en fat
éprouver le besoin, les petits se trouvent dispersés sur un grand
nombre de points, qu'ils quittent eux-mêmes avec la plus grande
332 | ONZIÈME LECGON.
facilité. Mais, à la différence des vieux, qui voyagent presque 1SO-
lément, les jeunes se réunissent régulièrement pour ces change-
ments de lieux et se séparent tout à fait des adultes; ce qui
explique ce fait, qui a longtemps paru singulier, que, dans telle
contrée, comme l’a dit Temminck, on ne tue que des jeunes,
tandis que, dans d'autres, les individus adultes sont seuls obser-
vés, el Jamais les jeunes. Ainsi, en hiver, on. voit beaucoup
d'Eiders et plusieurs autres espèces de Canards sur les lacs de la
Suisse; mais ce ne sont que des jeunes : Les vieux suivent le bord
de la mer et ne pénètrent que rarement dans l’intérieur du con-
tnent. Il n'y à pas un seul exemple d’un Eider adulte pris en
Suisse. L'Orfraie se répand en hiver dans toute l'Allemagne,
mais ce ne sont que de jeunes Imdividus, faciles à reconnaître à
leur queue tachetée de noir. Les vieux sont, au contraire, très-
communs sur les côtes de la Baltique. Il en est de même des Plon-
geons à gorge rouge, dont les jeunes se voient communément
sur les lacs ét les rivières d'Allemagne, tandis qu'il est extrême-
ment rare d'y trouver un adulte. [résulte de là qu’on peut dire
que beaucoup d'oiseaux doivent faire dans leur première année
un voyage qu'ils ne feront plus de leur vie. On compte au nombre
des oiseaux erratiques, dans nos contrées : les Linots, les Pinsons,
les Tarins, les Sizerins, les Bruants, les Alouettes, les Pitpits, les
Merles, les Draines, les Pluviers, les Vanneaux, les Chevaliers, etc.
Les Merles, après avoir erré pendant l'été sur tout le contment,
se réfugient, en hiver, dans les îles de la Méditerranée, où 1ls
semblent se donner rendez-vous; c’est ainsi qu'on en voit un
grand nombre en Corse et en Sardaigne, où 1ls trouvent une nour-
riture abondante et de leur goût, et où on leur fait une chasse
très-productive.
Nous venons de dire qu'il est très-rare de voir les jeunes de l’an-
née et les vieux exécuter, de concert et en commun, leur voyage
plus où moins long, selon que la nécessité les décide à se mettre
MIGRATIONS. , 999
en route. Temminck trouvait la raison de cette séparation des
membres de la famille, et de la réunion en bandes des âges plus on
moins assortis ou égaux, dans une cause bien naturelle, produite
par la différence de l’époque de la mue des vieux et des jeunes :
ce qui expliquerait aussi pourquoi les bandes composées d'mdi-
vidus adultes vont. bien plus loin dans leur migration, en au-
tomne, ou bien à leur retour au printemps, que les bandes com-
posées des jeunes, qui, soit dans l’une ou dans l’autre saison, ne
”
Fig. 555. — Canard Eider adulte, d'après Gould.
s’éloignent pas autant. L'apparition irrégulière et en tout temps
des oiseaux que nous venons de citer, sans parler de beaucoup
d’autres, ne permet pas qu'on les range parmi les oiseaux de
passage, et leur rencontre dans tous les pays oblige à supposer
que leurs espèces se sont étendues de proche en proche, ou que
les mdividus passent eux-mêmes leur vie à errer et à voyager, à
l'exception du temps de la reproduction. Leur manière de vivre
rend plus probable cette dernière supposition, qui peut égale-
ment expliquer comment des individus de la même espèce se
334 _ ONZIÈME LECON.
trouvent dans tous les pays : car, si on les y voyait parce qu'elles
se sont étendues de proche en proche, une fois qu'on les aurait
découvertes, on pourrait les observer et les retrouver constam-
ment dans une certame latitude; tandis que les oiseaux errati-
ques paraissent inopimément, demeurent quelque temps aux
environs du même lieu, disparaissent mopinément aussi, et l’on
est quelquefois longtemps sans les revoir.
Les oiseaux réellement migrateurs, ou de passage, sont ceux
qui entreprennent de longs voyages dont nous ignorons souvent
les points de départ. Les uns arrivent dans nos contrées au prin-
temps et ils partent à l'automne ; les autres, au contraire, vien-
nent dans les pays tempérés à l'approche de l'hiver, et les quit-
tent lorsque le froid cesse de se faire sentir.
L'histoire des oiseaux de passage ou migrateurs est, à l'heure
qu'il est, plus avancée qu'on ne pense, et l'explication de leurs
voyages beaucoup mieux assise qu'elle ne l'était encore au com-
mencement de ce siècle.
Les émigrations sont généralement le résultat d’un besom qui
porte certains oiseaux à se (ransporter, en automne, du nord au
midi, et, au printemps, du midi au nord. Cette première obser-
vation semble indiquer qu'ils eraignent le froid à l'approche de
l'hiver, et la chaleur au retour du printemps. Mais, si l'on faut
attention au genre de nourriture qui leur convient, aux besoins
qu'exige l'éducation des petits, on sera porté à croire que les ex-
trêmes de la température ne sont pas les seules causes qui déter-
minent beaucoup d'espèces à changer de lieu à lPautomne; ces
causes sont multiples, comme nous allons le voir.
Les naturalistes sont loin d’être d'accord sur les causes déter-
minantes des migrations, aussi ont-elles donné lieu à de nom-
breuses supposiions plus ou moins fondées. Presque toutes ces
suppositions, dit un observateur sérieux, M. Brehm, sont plus
faciles à réfuter qu'il n’est facile de leur en substituer une qui
+
MIGRATIONS. 999
soif satisfaisante sous tous les rapports. La question est assez inté-
ressante pour que nous rappelions et discutions les diverses
opinions proposées. Parmi les causes déterminantes des migra-
Lions des oiseaux, on a placé en première ligne le changement de
eaison, la différence de température et les besoins de l’alimenta-
tion qui en sont les conséquences naturelles. On a dit que les
grandes pluies qui tombent pendant plusieurs mois dans les ré-
gions voisines de l'équateur, ou que la grande chaleur qui, dans
les mêmes régions, produit la sécheresse et brûle les végétaux,
devaient être rangées parmi les causes les plus importantes.
Quelques naturalistes ont pensé que les changements qui survien-
nent aux temps des équinoxes avaient une grosse influence, parce
que, les nuits devenant trop longues, les oiseaux éprouvaient,
chaque matm, de très-bonne heure, le besoin de manger sans
pouvoir le satisfaire assez tôt. D’autres ont trouvé la cause des
migrations dans la prévision des modifications de toutes sortes
qui vont survenir dans leur existence. Il en est qui ont pensé
qu'après avoir fait dans nos climats une ou deux pontes, les oi-
seaux se dirigeaient à l’imstant vers des régions plus chaudes pour
pouvoir élever encore une ou deux couvées, D’autres enfin ont
considéré la sensibilité exquise des oiseaux à l'approche de la
mue comme la cause la plus réelle de leurs voyages.
Examinons maintenant la valeur de chacune de ces opinions,
qui toutes peuvent être fondées en les appliquant chacune à cer-
taines espèces, mais dont l'application générale nous paraït diffi-
cile, Nous aimons mieux rapporter le besoin de changer de
climat qu'éprouvent les oiseaux à l'effet d’une loi d'harmonie à
laquelle ils sont soumis, à laquelle ils ne peuvent se soustraire et
dont l'effet se confond avec les autres facultés dont l’ensemble
constitue ce que nous appelons l'instinct des animaux. Il ne faut
pas en eflet que l'imagination, souvent trop prompte, de certains
auteurs cherche à deviner la cause des migrations, 1l faut au
336 ONZIÈME LEGON.
contraire la découvrir en rassemblant des futs, et c'est ce que
nous nous proposons de fre. |
Si nous passons en revue toutes les opinions que nous venons
d'exposer, nous voyons qu'elles sont toutes des conséquences du
changement de saison, qui cependant ne suffit pas dans tous les
cas pour expliquer le départ et l'arrivée des oiseaux migrateurs.
Car, ainsi que le fait observer M. Brehm, d'après des observa-
tions faites au centre de l’Europe, beaucoup d'oiseaux partent
quand le temps est encore bien beau, et d’autres arrivent souvent
alors que la saison est encore mauvaise, Les influences atmo-
sphériques peuvent tout au plus, selon lui, accélérer la migration
en automne et la retarder ou la déranger au printemps. Les Ber-
geronnettes jaunes ou grises arrivent quelquefois lorsqu'il y a
encore de la neige. Audubon a constaté, après plusieurs années
d'examen et d'observations répétées, que les oiseaux migrateurs
qui s'éloignaient le plus des États-Unis partaient plus tôt que ceux
qui se rendaient seulement sur leurs confins. fl a remarqué que
l'Hirondelle verte de Wilson, connue à la basse Louisiane sous le
nom de petit Martinet à ventre blanc, demeurait dans les envi-
rons de la Nouvelle-Orléans bien plus tard qu'aucune autre espèce;
il tint un journal soigné, d’après lequel 1l résulte qu'au plus fort
de l'hiver les Hirondelles n’abandonnent pont cette partie. de
l'Amérique, quoique la glace y atteigne une certame épaisseur.
Plusieurs de ces oiseaux se retirent dans les ouvertures des mai-
sons; un plus grand nombre fréquentent le bord des lacs, et s'ac-
crochent, pendant la nuit, aux branches du cirier, myrica ceri-
fera. Il ajoute que la char de ces oiseaux est très-estimée et que
les marchés en sont alors abondamment fournis.
Les observations de M. Blackwal, de Manchester, sur les oiseaux
qui émigrent dans le Lancashire, prouvent que la température
sénérale est considérablement plus élevée lorsque les oiseaux d'été
partent que lorsqu'ils arrivent ; et les oiseaux d'hiver quittent le
»
MIGRATIONS. - - 991
même pays par une température plus basse que celle que pré-
sente l’époque de leur arrivée. Cette observation conduit l’auteur
À penser que ce n’est pas le besoin d’une température plus chaude
qui détermine le départ des oiseaux d'été, ni le manque de nour-
riture, puisqu’au moment de leur émigration les insectes et
les grains ou les fruits sont plus ahondants qu'à l'époque de
leur arrivée. IL croit aussi que ce changement de lieu est déter-
miné par l'approche de la mue, opération qui ne s'effectue sans
danger pour les oiseaux que sous une température élevée, néces-
sare pour faciliter la sécrétion de la matière dont les plumes sont
formées. Il appuie cette opinion sur plusieurs observations qui
lui sont propres, et entre autres sur ce que les oiseaux de passage
d'été ne muent point, suivant lui, dans le lieu où 1ls passent
cette saison. Il à reconnu, par exemple, que le Coucou et le Mar-
tinet sont dans ce cas, et il les cite de préférence parce qu'ils
partent de très-bonne heure : le Coucou dès la fin de juin ou le
commencement de juillet, et le Martinet vers le milieu d’août.
IL attribue aussi le prompt départ de ces deux oiseaux à ce que
le travail de la ponte, qui précède la mue, est bientôt terminé
pour eux, le Coucou ne couvant pas et le Martinet n'ayant qu'une
couvée par an, tandis que les Hirondelles en ont deux.
D’après d’autres observations scrupuleuses faites dans lé War-
_wickshire, point central de la Grande-Bretagne, par M. Brée, pen-
dant vingt-huit ans, de 1800 à 1828, l'hirondelle de cheminée
est arrivée du 3 au 25 avril et est partie du 9 octobre au 9 no-
vembre. L'Hirondelle de fenêtre s'est montrée du 3 avril au
À mai et a disparu du 11 octobre au 14 novembre. L'Hiron-
delle de rivage est arrivée du 31 mars au 27 avril, mais on
n'a jamais pu constater l’époque du départ, qui ne s’est pas effec-
tué par bandes. Enfin le Martinet noir à paru du 27 avril au
15 mai et ilest parti du 9 août au 15 septembre. Les mêmes ob-
servations, faites en Suède par M. Ekstroem, donnent, pour l'an-
DAS 29
à ‘ONZIÈME LEÇON. ;
née 1827 seulement, les résultats suivants, que nous mettons en
regard de ceux obtenus la même année par M. Brée, en Angle-
terres
SUÈDE. ANGLETERRE.
Arrivée. Départ. Arrivée. Départ.
Hirondelle de cheminée. 6 mai. 1% septemb. 19 avril. 11 octobre.
Hirondelle de fenêtre. . 11 » 5) » EU) 1 novemb.
Hirondelle de rivage. . .. 18 ». ? » 21:80 LR)
Martinet noir, 44207. Een 90 » 15 août.
Ce petit tableau permet de voir que ces oiseaux arrivent beau-
coup plus tôt en Angleterre qu'en Suède et qu'ils quittent aussi
pius tard l'Angleterre que la Suède, à l'exception du Martinet.
L'illustre médecin auquel on doit la découverte de la vaccme,
Édouard Jenner, a laissé dans ses papiers un Mémoire intéressant
sur les migrations des oiseaux. Ce Mémoire a été publié en An-
eleterre. Ce n’est point une histoire générale des voyages de ces
animaux, mais seulement un exposé de ses idées sur la cause
qui détermine quelques espèces à quitter nos climats à certames
époques de l'année. Émerveillé de voir des Pigeons qui, trans-
portés pendant la nuit à plusieurs milles de leurs pigeonmiers et
mis en liberté, reviennent immédiatement et sans hésitation à
leur domicile, 1l a voulu se rendre compte de l’instinct qui les
dirige. ( Comment ces petits seigneurs de la création, dit-il, peu-
vent-ils retrouver si facilement leur tourelle? est-ce le regret du
lieu qui les a vus naître? ont-ils des idées, des facultés supé-
rieures à celles de l’homme placé dans la même situation? » Bien-
tôt ses recherches se sont étendues à quelques autres oiseaux qui
entreprennent spontanément de longs voyages. Il examine les di-
verses opinions émises sur la disparition de certaines espèces aux
approches de l'hiver, et il les réfute les unes après les autres, tout
en reconnaissant que quelques-unes des causes indiquées peuvent
avoir une part dans la détermination que prènnent les oiseaux;
s . MIGRATIONS. | 999
mais la plus puissante, suivant lui, se trouve dans des modifica-
tions subies par l'appareil reproducteur. Le besoin de s’apparier
de nouveau arrivant lorsque la saison n’est plus favorable à la re-
production, les oiseaux sont poussés à rechercher des tempéra-
tures plus chaudes. Jenner tient compte aussi des difficultés de
l'alimentation, car il admire l’arrangement de la Providence dans
les rapports mutuels des créatures qui se servent de nourriture les
unes aux autres, de telle façon que les consommateurs arrivent
Fig. 536. — Petite Sarcelle Crecca, d’après Gould.
aux: époques où pullulent tant de races superflues et parasites
d'insectes, de vermisseaux, de plantes, et nous apportent d’har-
monieux concerts qui réjouissent les campagnes. Tel est l'ordre
divin qui forme entre les êtres une sage harmonie de rapports.
Les auteurs, et 1ls sont nombreux, qui trouvent la cause des
migrations dans le besom de nourriture s'appuient sur des faits
très-vrais, sans.doute, mais 1ls ont le tort de vouloir les appliquer
à toutes les espèces émigrantes. Ils disent avec raison que, lorsque
les nourritures diverses propres aux oiseaux se développent au
printemps par l'influence du soleil sur les végétaux et les insectes
dans nos climats, là se porte l'oiseau qui doit les consommer; il
340 __ ONZIÈME LECON.
s’enfuit en automne par la raison contraire. Les oiseaux du Nord
arriven{ alors sur nos côtes, riches en vermisseaux aquatiques,
et fuient des climats qui leur refusent en hiver leur subsistance.
Les migrations des poissons sont dues aux mêmes causes, ajou-
tent-1ls, puisque les rivages des mers et des fleuves se remplissent,
à des époques déterminées, d'herbes et d'animalcules qui les atti-
rent. Ils s’en relournent quand ces lieux sont épuisés, ainsi que le
font les Tartares et les Arabes nomades dans leurs vastes plaines.
Que les oiseaux se livrent à leurs amours dans les lieux fertiles,
c’est la conséquence et non la cause de leur arrivée et de l’alimen-
tation aFondante qu'ils trouvent dans ces régions. Nous allons
voir maintenant l'influence que la nourriture, dans quelques cas
seulement, peut avoir sur certaines espèces.
Un grand nombre d’oiseaux de passage $e nourrissent d’in-
sectes, de vers, de reptiles ; plusieurs de baes, de fruits; d’au-
tres de certaines semences ou de graines pour lesquelles ils ont un
goût particulier. Les derniers peuvent, à la vérité, vivre de dif-
férentes sortes de graines, et même se passer de celles pour les-
quelles ils ont une préférence; mais ce sont celles-à même qu'ils
cherchent dans l’état de liberté, et le désir réuni à la facilité de
satisfaire leur goût peut suffire pour les déterminer à quitter un
lieu où 1ls ne trouvent plus l'aliment qui leur plait pour le cher-
cher dans un autre où 1lest abondant. Ceux qui vivent de fruits et
d'insectes sont plus contraints dans leur changement de séjour.
C'est pour eux un acte forcé, au lieu d'être volontaire comme
pour les premiers. Aussi voit-on quelques-uns de ces ommivores
rester tous les ans dans le pays, abandonné par le plus grand
nombre des individus de l'espèce, tandis qu'il ne reste aucun de
ceux qui ne vivent que de baes, de fruits ou d'insectes. On
trouve quelquefois, en hiver, dans nos campagnes, des Cailles qui
n'ont pas suivi leur espèce à son départ; mais personne n’a ja-
mais dit avoir rencontré pendant la saison froide un Loriot, une
æ”
MIGRATIONS. 341
Huppe, une Hirondelle, ou, si l'on a observé quelquefois de ces
oiseaux au commencement de l'hiver, on s’est aperçu qu'ils ont
péri peu après leur apparition.
- À mesure que les grains pour lesquels les oiseaux ont un goût
de prédilection müûrissent et disparaissent en avançant du midi
au nord, soit que l’homme lies ait récoltés et mis à l'abri, soit
que la maturité les ait répandus sur la terre, dans le sem de la-
quelle ils ont germé, les oiseaux dont ils excitent l'appétit sui-
vent le développement de ces grains de contrées en contrées : c’est
ainsi que procèdent les oiseaux de l'Amérique du Nord, nommés
par Catesby mangeurs de riz, les Agripennes de Vieillot, es-
pèce de Bruants voyageurs et véritablement erratiques. On en
voit, au mois de septembre, des troupes nombreuses, ou plutôt
on les entend passer la nuit, venant de l'ile de Cuba, où le riz
commence à durer, et se rendant à la Caroline, où cette graine
est encore tendre ; 1ls y restent que trois semaines, et contmuent
leur route vers le Nord, cherchant toujours des graines moins
dures ; ils vont ainsi de stations en stations jusqu’au Canada. Le
Perroquet de Levaillant, comme tous les Perroquets, vit en
grandes bandes, en Afrique, et émigre du nord au sud et du
sud au nord, deux fois l'année, de façon à se rapprocher de la
ligne dans le temps des moussons pluvieuses, et à passer la belle
saison, c’est-à-dire celle des chaleurs et celle où sa nourriture est
plus abondante, dans les forêts des environs du Cap. Enfin les
Perroquets de l'Amérique méridionale se rassemblent en troupes à
la Guyane, dans les lieux où les graines qu'ils recherchent sont
müres et abondantes, et ils quittent ces stations quand les se-
mences commencent à devenir rares, pour aller s'établir dans les
endroits où les appelle la maturité d'autres semences de leur
goût. C'est aussi ce que fait le Jaseur, qui ne fait pas non plus de
voyages de long cours, mais seulement des tournées périodiques
qui se renferment dans un cercle assez étroit, et s'étendent de
29,
51 ONZIÈME LECON.
l'Asie septentrionale à l'Europe orientale et quelquefois même
occidentale.
Ces voyages, courts et bornés, ne méritent certainement pas le
nom d'émigrations; mais ils permettent de supposer que le goût
pour certame nourriture de prédilection peut déterminer les o1-
seaux à passer d’un lieu dans un autre; et à plus forte raison si
la vie dépend absolument de la rencontre de cette nourriture spé-
ciale. Cette loi imposée par le besoin est surtout sensible pour
les espèces qui vivent de fruits ou d'insectes. Ces deux sortes d'ali-
ments disparaissent chaque année, sous les zones tempérées et
froides, pendant une partie de l'a année, tandis qu'on peut les re-
trouver dans d’autres régions:
Ainsi le Loriot, qui vit d'insectes à défaut des fruits qu 1l aime
de préférence, surtout ceux auxquels on donne le nom de fruits
rouges, arrive en nos climats dans la saison qui précède la matu-
rité de ces fruits ; 1l travaille presque aussitôt à la propagation de
son espèce ; ses petits acquièrent de la force en peu de teraps, et
partent, ainsi que leurs parents, quand la saison des fruits qu’ils
aiment est passée. On ignore encore en quels lieux ils se retirent,
de même qu'on ne sait pas de quels pays ils sont véhus.
Les plus remarquables parmi les oiseaux voyageurs sont, on le
sait, les Hirondelles, les Cailles, les Grues, les Cigognes, les Hé-
rons, les Oies, ete. Tous, à l’époque du départ, ont un lieu de
réunion générale ; tous partent en masse ; presque tous observent
une disposition régulière dans leur marche aérienne. Mais, en
ce qui concerne les Oies et les Canards, les observations faites sur
tous les points du globe, notamment celles faites par Audubon
en Amérique, démontrent que les inondations même irrégulières,
et le débordement périodique de certains fleuves, influent sur
le moment de leur départ ; et ce ne sont pas les seuls qui obéis-
sent à cette loi de périodicité, puisqu'il faut y joindre Ibis, SI
constant à à suivre la crue du Nil en Égypte.
MIGRATIONS. ee 0us
Le docteur J. Francklin ne trouve pas que l'alimentation
comme cause des migrations soit une raison plus satisfaisante
que celles qui ont été données par d’autres auteurs, et 1l pré-
sente les objections suivantes. C'est surtout, dit-1l, dans la classe
Fig. 357. — Ibis sacré.
des oiseaux qu'il est intéressant d'étudier les lois relatives à la
distribution géographique des êtres créés. Tant qu'il s’agit seu-
lement des quadrupèdes, on peut dire que les moyens bornés de
leur locomotion les ont attachés à certaines parties du globe et
ont marqué la limite des milieux qu'ils devaient parcourir. Bonne
ou mauvaise, cette raison ne saurait, dans tous les cas, être ap-
plicable à l'oiseau ; l'Iirondelle, lancée dans l’a comme une
flèche à raison de six milles par heure, semble se moquer de nos
plus rapides vaisseaux. Mille petits oiseaux chétifs font au prin-
temps et à l'automne des voyages dont un seul serait pour nous
DE ONZIÈME LECON.
l'occupation de toute une année. Des êtres si libéralement doués,
par la nature, de moyens de locomotion sembleraient avoir été
conformés pour être les citoyens universels du globe. Ils de-
vraient, au moins, répandre leur race dans toutes les régions de
la terre qui leur fourniraient une nourriture et une température
convenables. En théorie, cela serait*raisonnable à supposer; en
fait, c’est le contraire qui est vrai. Les oiseaux de proie, par
la force de leurs ailes, devraient jouir, parmi les autres oiseaux,
d’une liberté cosmopolite, et ils se trouvent, au contraire, en-
chaïnés à des éirconscriptions géographiques très-limitées. De huit
espèces de Faucons qui habitent l'Europe et le nord de l'Afrique,
deux seulement ont été trouvées dans le nouveau monde. L'Fi-
rondelle pourrait gagner l'Amérique ou l'Asie en un temps aussi
court que celui qu'elle met à se rendre au centre de l'Afrique ;
dans l’un et dans l’autre des deux continents elle trouverait
une nourriture et une chaleur qui conviendraient à ses goûts ;
mais une main invisible a, pour ainsi dire, tracé au compas la
ligne qu’elle doit parcourir, et de cette direction-À l’Hirondelle
ne dévie point. Il faut bien qu’elle ait ses raisons pour agir ainsi:
mais quelles sont ces raisons, voilà ce qu'il est difficile de péné-
trer. res
La température, le régime alimentaire, la physionomie des
lieux, ne sont certes point des causes qui expliquent d’une manière
satisfaisante, chez l'oiseau, cette prédilection pour certaines ré-
gions du globe. I faut bien qu'il y ait autre chose. On n'a pu, en
eflet, expliquer comment et pourquoi des êtres «1 bien pourvus de
la faculté du mouvement à grande distance se trouvent en même
temps confinés dans certames limites géographiques, relative-
ment étroites. ; |
S1 la doi qui met un frem à l’ubiquité inscrite, pour ainsi dire,
dans les organes locomoteurs de l'oiseau, nous échappe, 1l n'en
est pas moins curieux d'étudier le fait en lui-même. Les limites
MIGRATIONS. 949
dans lesquelles se trouve renfermée la présence de chaque être
vivant à la surface du globe ont été fixées dès l’origine des
choses. 11 doit aller jusque-là, mais pas plus loin. L'homme a,
cependant, changé cette loi à l'égard des animaux domestiques ; 1l
a remanié, étendu la distribution des oiseaux à la surface du globe.
Cette diffusion tout artificielle des espèces utiles et cultivées par
les différents peuples de la terre n’en rend que plus extraordi-
naure la localisation de ces mêmes espèces dans l’état de nature.
Mauduyt, Temminck, et plus récemment Brehm, sont, de tous
les ormithologistes, ceux qui ont le mieux observé les migrations
des oiseaux, et c’est à ces savants distingués qu’on doit les don-
nées les plus exactes que nous possédions sur ce sujet si intéres-
sant, mais leurs conclusions sont incomplètes et peu satisfai-
santes. Résumons leurs observations.
[MÈRES
ES
Fig. 558. — Canard sauvage commun ou col vert, d’après Gould.
Le plus grand nombre de nos grandes espèces d'oiseaux aqua-
tiques choisissent pour se fixer, en hiver, les contrées situées au
delà des mers qui séparent l’Europe de l'Afrique septentrionale.
346 | ONZIÈME LECON.
C'est de ces contrées ou bien des nombreuses îles de l'Archipel, et
de celles de la Méditerranée et du golfe de Venise, qu'ils opèrent
leur retour au printemps. On voit alors des rassemblements nom-
breux sur toutes nos côtes méridionales, particulièrement sur
celles où la mer forme de grands golfes, tels que le golfe Adria-
tique, ceux de Gênes et du Lion; ces rassemblements durent
huit, dix, ou au plus quinze jours, temps où le passage est ter-
miné pour ces contrées.
Les routes que suivent alors ces oiseaux en Europe sont
celles indiquées par le cours des rivières et la direction des
grands lacs : les eaux devant fournir à chaque espèce la nourri-
ture qui lui convient, toutes semblent se trouver guidées par
un instinct merveilleux, comme dit Temminck, et choisissent
pour point de ralliement et de départ les endroits où le passage
de la grande mer aux lacs et aux fleuves est le moins long et le
moins coupé par des terres : la même observation a été faite par
Audubon pour les oiseaux de l'Amérique septentrionale.
C'est ainsi que les bandes qui se réumissent dans les environs
de Gênes et de Savonne se rendent d’abord sur le Pô, suivent
ensuite les gorges des grandes vallées de l’Apennim, et
sent ces montagnes ou s'élèvent au-dessus d'elles. Il ne peut res-
ter aucun doute de leur passage sur ces monts élevés, car elles y
laissent chaque année de nombreuses victimes. De ces points elles
semblent diriger leur vol vers les grands lacs de la Suisse, parti-
culièrement celui de Genève, où presque tous les oiseaux d’eau
et de marais d'Europe semblent se donner rendez-vous; de À
elles continuent leur voyage par les lacs de Morat, de Neufchà-
tel et de Bienne, pour se rendre au Rhin, dont elles suivent le
cours, et parviennent ainsi à la Baltique et à la mer du Nord. Ces
bandes, déjà moms nombreuses lorsqu'elles arrivent dans le Nord,
parce qu'elles ont été décimées pendant le voyage, se dispersent
bientôt après leur arrivée, pour s’accoupler.
MIGRATIONS. 941
La route suivie par beaucoup d'oiseaux d'eau est le bord
de la mer. Ceux qui viennent des côtes d'Afrique et du golfe
de Gascogne paraissent ne fréquenter que le littoral; plusieurs
espèces de Gralles la suivent également, et c'est encore la route
que tiennent tous les oiseaux dépourvus de moyens puissants
de vol. Les Plongeons, les Grèbes et autres oiseaux d’eau douce, .
qui volent peu, en temps ordinaire, sont cependapt suffisam-
ment doués pour une translation lomtane; leur vol est vi-
goureux et longtemps soutenu; 1ls s'élèvent même au-dessus des
hautes montagnes, car 1l n'est pas rare de trouver des mdividus
de ces espèces sur les lacs des Alpes, où l’on tue souvent des
Gralles et des Palmipèdes.
Il parait que les grands rassemblements qui ont lieu dans les
iles foniennes et dans les vastes marais entre Venise et Trieste
suivent, dans leur voyage, le cours du Tagliamento, pour se
rendre aux lacs des environs de Villach et de Klagenfurt ; ils vi
sitent les immenses marais que forment les lacs Balaton et Neu-
siedel, où plusieurs espèces séjournent, tandis que d’autres re-
montent le Danube et poussent leur voyage jusqu à la Baltique.
On trouve sur les lacs de Hongrie et sur le Danube plusieurs
espèces qui visitent aussi les côtes de FOcéan.
D'après Les observations de Temminck, les espèces plus particu-
lièrement propres aux contrées orientales se rassemblent dans
l’archipel et sur les bords de la mer Noire; elles remontent le
Danube et se rendent, en suivant le cours de ce fleuve, en Hon-
grie et en Autriche.
Après avoir faut connaitre le so des observations de plu-
sieurs savants naturalistes, voyons ce que dit M. Brebhm, qui n'a
pas non plus tranché la question, mais qui la considérablement
éclairée. :
Chaque oiseau, dit-il, à sa patrie et son pays natal, là 1
se reproduit librement ; là 1l séjourne une partie de l’année;
548 ONZIEME LECON. |
l'autre partie est consacrée aux voyages. Mas les uns ont une
patrie fixe, constante, c’est-à-dire qu’ils reviennent toujours dans
la même contrée pour se reproduire, tandis que d’autres mènent
une existence vagabonde, comme nous l'avons déjà dit, et choi-
sissent chaque année, selon les circonstances, telle ou telle con-
trée pour élever leur progéniture. Le temps que les oiseaux
passent dans la contrée vers laquelle 1ls ont dirigé leur vol varie
beaucoup; ainsi le Loriot ne reste dans le milieu de l'Europe que
trois mois, temps strictement nécessaire pour l'acvouplement, la
construction du nid, la ponte, l'incubation et l'éducation des
petits. Ceux qui retournent tous les ans dans la même contrée
paraissent en plus grand nombre pendant certains étés; et cela
dépend du plus où moins de difficultés ou d'accidents auxquels
ils ont été exposés durant leur voyage. Cest ce qu'on remarque
pour beaucoup d'oiseaux de proie, de Corbeaux, d'oiseaux chan-
teurs, de Cigognes, de Canards, et pour la plupart des espèces
aquatiques. Les espèces vagabondes, comme plusieurs oiseaux de
nuit, les Gros-becs, les Pmsons, les Chardonnerets, les Pigeons,
le Râle de genêt, plusieurs Hérons, les Grues, les Œdicnèmes,
beaucoup de Bécasseaux, plusieurs Oies, des Canards, des Hiron-
delles de mer, etc., établissent leurs nids tantôt dans une con-
trée et tantôt dans une autre, selon les circonstances et toujours là
où ils trouvent le plus de quoi se nourrir. Or, comme leur nour-
riture dépend de la réussite de certaines graines, de l'humidité
ou de la sécheresse de l’année, de la présence de certams in-
sectes, etc., 1l s'ensuit qu'ils ne peuvent avoir de stations bien
fixes. Ainsi, en 1818, la semence de pin n'avait pas réussi dans
le Nord, tandis qu'il y en eut beaucoup dans le milieu de l'Europe;
aussi vit-on en Allemagne, dès le mois de juin, un nombre 1m-
mense de Becs-croisés. Pendant l'été de 1849 il y eut, dans les
vallées du Rhin, beaucoup plus de Râles de genêt qu'à l’ordi-
naire, tandis qu'il n’y en eut presque pas dans les environs d’Al-
MIGRATIONS. 949
tenbourg, où 1ls sont habituellement très-communs. Cela ‘tenait
à ce que les prairies de cette dernière contrée étaient devenues
arides par suite des sécheresses de l'été, tandis que les vallées du
Rhin, constamment plus humides, offraient une riche végétation.
I est tout naturel que la différence du point de station pendant
l'été entraîne des différences dans la direction du voyage ; aussi,
dans certaines années, voyons-nous nos contrées traversées par
des oiseaux qui ne s'y voient jamais. Mais la nature de l'hiver,
non moins que celle de l'été, produit de grandes modifications
dans le passage des oiseaux. L'hiver de 1821 à 1822 fut un des
plus doux dans les contrées moyennes de l’Europe, et néanmoins
les oiseaux du Nord sont venus en Allemagne ; les Jaseurs de
Bohême sont venus jusqu’en Suisse, les Bouvreuils jusqu’auprès
de Wittenberg, et les Busards même jusque dans nos forêts, ce
que peu de personnes avaient encore vu. La raison de tout cela,
c’est que l’hiver, si tempéré cette année dans nos elimats, état
un des plus rigoureux qu'on se soit rappelés dans les pays septen-
trionaux, et avait par conséquent repoussé chez nous ces hôtes du
Nord. L'hiver de 1822 à 1823 fut tout différent : tandis qu’en
Allemagne il y avait vingt-cinq degrés de froid, il n’y en avait
que cinq en Suède‘et en Dannemark; aussi l'Allemagne fût-elle
_délaissée; les Alouettes ont passés l'hiver dans le Séeland et le
Jutland, et chez nous les Merles sont morts de faim.
On sait que le passage prématuré de certaines espèces, les
Grues, les Oies, etc., annonce un hiver rigoureux; s’il passe chez
nous beaucoup de Fauvettes de roseaux, et si les Stercoraires
se montrent, c'est le signe certain d’un hiver froid, Le fait est
d'autant plus surprenant que la migration habituelle des Fau-
vettes de roseaux se fait en août et en septembre, et que les Ster-
coraires passent vers le milieu d'octobre. Le temps qu'il fut
à l’époque de la migration est encore une des circonstances
qui exercent une grande influence sur cette dernière; ainsi,
Ts Le | 90
550 ONZIÈME LECON.
pour ne citer qu'un des nombreux exemples que M. Brehm
rapporte à l'appui de cette assertion, on a vu en Allemagne des
Fauvettes à gorge bleue dès les premiers jours d'avril 1895,
tandis que plus tard, lorsque la véritable époque du passage de
ces oiseaux est arrivée, il ne s’en est montré aucun. Il en fut
de même des Bécasses. Le froid qui était survenu, la neige qui
couvrait encore les montagnes des deux côtés du Rhin, empêcha
ces oiseaux vermivores de vemir en Allersagne, et, contrairement
aux habitudes, leur passage s’est effectué plus au sud ; nous avons :
eu, par contre, le passage des Gobe-mouches noirs, oiseaux qui
passent habituellement plus au nord. a
L'influence du temps-reconnue, comment le voyage s’effec-
tue-t-11? Certains oiseaux voyagent pendant la journée, le plus
grand nombre pendant la nuit. Ceux qui voyagent pendant le jour
sont les oiseaux de proie diurnes, les Corbeaux, les Pies, les Sit-
telles, les Mésanges, les Roitelets, les Pinsons, les Chardonnerets,
les Alouettes, les Hirondelles, etc., etc.; ceux qui voyagent pen-
dant la nuit sont les oiseaux de proie nocturnes, les Pie-grièches,
les Martins-pêcheurs, les Merles, les Traquets, les. Sylvies, les
Gobe-mouches, les Engoulevents, les Merles d’eau et un grand
nombre d'oiseaux aquatiques. Il Y en à qui voyagent aussi bien
pendant Le jour que pendant la nuit : de ce nombre sont les Berge-
ronnettes, les Fauvettes des Alpes, les Bruants, les Pluviers, les C:-
gognes, les Hérons, les Grues, les Hirondelles de mer, les Mouettes,
les Oies, les Cygnes, les Harles, etc.; mais certaines circonstances
peuvent encore fure varier cette règle : ainsi, lorsque le voyage
est rapide, pressé, certaines espèces, qui, comme les Merles, ne
voyagent ordinairement que pendant la nuit, continuent leurroute
en plein jour et prennent à peine le temps de manger. Cepen-
dant les véritables chanteurs, comme les Rossignols, les Rubiettes
à gorge bleue, Les Rouges-gorges et toutes les Fauvettes, ne voya-
gent Jamais pendant le jour. On ne conçoit guère comment tous
MIGRATIONS. 991
_ces oiseaux peuvent effectuer le voyage sans dormir, et ce qu'il
y a de plus remarquable, c’est que cette insomnie n'est pas ob-
servée seulement sur les individus libres, mais bien encore chez
les oiseaux de même espèce gardés en cages. Pendant la journée,
ces derniers cherchent leur nourriture et sont alertes; mais, pen-
dant la nuit, ils sont inquiets, éveillés et comme tourmentés
pendant tout le temps que dure le passage des oiseaux de leur
espèce. Malgré l'obscurité, 1ls chantent dans leur cage, et leur
inquiétude semble encore plus grande lorsque la nuit est éclai-
rée par la lune.
Beaucoup d'oiseaux cherchent leur nourriture tout en voya-
geant ; ainsi les Hrondelles prennent constamment des insectes
pendant leur traversée; les Mésanges, ies Roitelets, les Sittelles,
les Grimpereaux, les Pics, s'arrêtent un moment sur les arbres
qui semblent leur promettre quelque nourriture et continuent
presque aussitôt leur route; les Hirondelles de mer, les Mouettes,
les Plongeons, péchent en cheminant. Tous les oiseaux de passage
s'arrêtent dans certaines localités qui leur offrent de quoi se
nourrir; on dirait qu'ils veulent s’y arrêter définitivement; mais,
si le temps a été favorable, 1ls ont tous disparu le lendemain.
Lorsque la migration n’est pas troublée par des accidents, aucun
oiseau ne s'arrête deux jours au même endroit. Beaucoup d’es-
pèces font entendre pendant leur voyage des sons qu'elles ne
rendent jamais à une autre époque, de sorte que ces cris peu-
vent tromper ceux qui les entendent sur la nature de l'espèce
qui passe pendant la nuit.
Les oiseaux qui émigrent se tiennent ordinairement très-haut
dans les airs, et toujours à peu près à la même distance du sol.
Ainsi ils s'élèvent pour passer au-dessus des montagnes et ils
descendent pour traverser les vallées. Cependant quand il y a des
brouillards, leur vol est toujours plus bas et ils passent alors si
peu au-dessus des montagnes, qu'ils semblent raser le sommet des
SEE ONZIÈME LEÇON.
arbres, et 1ls s'arrêtent généralement pendant les grosses plunes.
Contrairement à ce qui favorise la navigation, les oiseaux
voyagent plus facilement vent debout; ce fait est bien connu des
chasseurs, qui, pour les tirer à portée en bateau, se laissent
aller au vent. Ne pouvant en effet s'élever qu'avec un vent con-
traire, 1l faut de toute nécessité que les oiseaux s’approchent du
bateau que le vent pousse à leur rencontre : cela tient à ce que
l'aile des oiseaux est plus ou moins concave en dessous et plus
ouverte en avant qu'en arrière, aussi, lorsque le vent vient arrière,
il souffle sur la face supérieure des ailes déployées, déprime le vol,
relève les plumes, et ce n’est qu'avec de grands efforts que l'oi-
seau peut se maintenir en l'air. Lorsque au contraire le vent arrive
en face, 1l remplit les ailes, les soulève, et soutient amsi l'oiseau,
qui na presque pas d'efforts à faire pour avancer, puisque sa pe-
santeur el l’action du vent sous les ailes obliques d'avant en arrière
constituent deux forces, dont la combinaison à pour résultat le
mouvement en avant. Nous voyons, en effet, les grands oiseaux
de nos pays parcourir au vol des distances considérables sans
remuer les ailes; ce qui ne pourrait avoir lieu avec un vent ar-
rière. Pendant qu'ils volent ainsi, les ailes étendues et immo-
Piles, ils descendent insensiblement. On voit souvent des faisans
et des perdrix qui, après avoir reçu un coup de fusil, soutenus
par un vent debout et leurs poches aériennes, volent encore à
d'assez grandes distances, quoique leurs forces ne leur permet-
tent plus de mouvoir les ailes.
Il faut aussi constater l'importance de la direction du vent pour
la migration des oiseaux et pour la direction de la route consé-
quemment variable qu'ils pourront suivre. Au commencement
d'avril 1822, dit encore M. Brehm, nous avions le vent ouest et
sud-ouest; plusieurs espèces printanières n’arrivèrent point. À
peine le vent est-1l changé en celui du nord-est, que tous ces o1-
seaux arrivèrent en colonnes serrées et passèrent en peu de Jours.
MIGRATIONS. _ 909
Mais, quand le vent leur est constamment défavorable, 1l faut
bien cependant qu'ils se mettent en route : c’est ce qu'on a vu au
printemps de 1823, où nous avions constamment le vent d'ouest
et de sud-ouest. Les oiseaux du printemps arrivèrent néanmoins,
mais plus tard, plus en désordre, un à un, et tous plus maigres
qu'à l'ordinaire, ce qu'il faut attribuer aux fatigues d’un voyage
exécuté dans de mauvaises conditions. Mais l’on ne conçoit guère
comment beaucoup de petites espèces peuvent supporter les
fatigues du voyage; comment elles peuvent se hasarder sur la
mer au mépris des tempêtes. Il n y a aucun doute qu’elles ne
passent l'Océan. Faber a vu un Pipi au nuilieu de sa route entre
le Danemark et l'Islande. M. Brehm a reçu un Roitelet qui à
été pris au milieu de la mer Baltique. Des Fauvettes vont jusqu’à
l'extrémité nord de la Norvége, et on sait que des Hochequeues et
des Traquets arrivent jusqu'en [slande. Les Cailles, dont les
ailes sont très-courtes et peu en proportion avec le poids du
corps, traversent cependant la Méditerranée. Elles attendent le
vent favorable pendant des semaines entières, et, ce vent arrivé,
elles en profitent le plus vite possible, se reposant néanmoins
sur chaque petite île; et non-seulement elles laissent de nom-
breuses victimes sur toutes les côtes qu’elles quittent et qu’elles
abordent, mais encore elles périssent en grand nombre si, pen-
dant ur vol, le vent vient à changer brusquement de di
tion.
Il y a des oiseaux qui effectuent une grande partie de leur
voyage sans voler, tels sont les Poules d’eau, les Râles d’eau et de
genêt, qui n'ont qu'un vol très-court. D’autres font le voyage en
nageant, tels sont les Pingoums, les PIOnSeQnE, les Guillemots,
les Grébes, ete.
Quant à lx direction du voyage, on peut dire que, dans l’an-
cien continent, les oiscaux gagnent le Sud-Ouest en automne et
le Nord-Est au printemps. Cependant les déviations ne sont pas
90.
554 La ONZIÈME LEÇON.
rares : beaucoup d'oiseaux aquatiques, après avoir suivi en au-
tomne les côtes -de la Baltique et de la mer du Nord, changent
subitement de direction en arrivant en Hollande, remontent le
Rhin et vont passer l'hiver sur les lacs de la Suisse. C’est ce que
font surtout plusieurs Canards et certains Plongeons. Les oiseaux
du nouveau continent ne suivent point dans leurs voyages la
même direction que ceux de l’ancien monde. Les espèces aqua-
tiques du Groenland vont vers le Sua-Est.
Suivant M. Brehm, c’est un pressentiment qui détermine les
oiseaux à se mettre en route, et 1l regarde cette opinion comme
étant le plus en harmonie avec les faits. Lorsque, pendant l’au-
tomne de 1829, il vit tous les Canards quitter le lac de Griessnitz
et qu'il apprit l’arrivée des Pingouins du Nord sur les côtes
d'Allemagne, 1l s’attendit à un hiver rigoureux, et la suite con-
firma sa prévision. S1 nous conservons chez nous pendant l'hiver,
ajoute-t-il, beaucoup de Pinsons, de Linottes, de Verdiers, on
peut être sûr qu'il n’y aura pas beaucoup de neige ou que le
froid ne sera pas durable. Il y a donc chez les oiseaux un instinct
qui les fait partir et qui les initie aux événements météorolo-
giques qui se préparent ; 1l y a chez eux une faculté particulière
de pressentir tout ce que la saison doit avoir de rigoureux ; une
sensibilité esquise pour les changements atmosphériques qui se
préparent. C’est ainsi que nous voyons, tous les jours, certaines
affections rhumatismales avertir ceux qui en sont atteints du
temps qui va survenir.
D'après cet exposé, déjà bien long, nous voyons que les opinions
des divers observateurs dont nous venons de parler varient comme
les espèces qui ont fait le sujet de leurs observations, et que beau-
coup d’entre eux, comme nôus l'avons déjà dit, se sont trompés
en voulant généraliser des faits seulement particuliers à certaines
espèces. Nous pensons que les causes qui détermment les oiseaux
à voyager sont de deux ordres : les unes, impérieuses, dépendent
MIGRATIONS. 999
d’une loi d'harmonie à laquelle tous les êtres sont soumis, et
qu'il est plus facile de concevoir que d'expliquer; les autres, plus
saisissables et auxquelles on est disposé à attacher trop d’impor-
tance, ne sont que la conséquence des premières. La Providence,
toujours si sage et si prévoyante, ne pouvait imposer aux oiseaux
un changement de climat, une répartition à époque fixe, dans
plusieurs régions où leur présence est utile pour maintenir l’é-
quilibre et modérer l’accroissement des espèces animales et végé-
tales nuisibles, sans assurer à ces précieux auxiliaires la tempé-
rature et l'alimentation qui leur est nécessaire. Ce qui doit le plus
exciter notreadmiration, c’est moins le fait en lui-même quela puis-
sance qui préside à son exécution, malgré toutes les difficultés que
cette exécution rencontre. Les oiseaux migrateurs viennent de ré-
gions généralement peu habitées par l'espèce humaine : ce sont,
ou les régions polaires pour la plupart des palmipèdes, ou les forêts
vierges et les vastes plames des parties tropicales des continents
pour les autres oiseaux. Si la conservation de l'espèce exige des
_ lieux presque inaccessibles à ce besoin de destruction si naturel
à l'homme, une patrie protectrice où les oiseaux puissent se re-
produire en nombre suffisant pour la mission qu’ils doivent rem-
plir, ce ne peut être pour agglomérer sur ces régions éloignées
des masses inutiles et qui bientôt finiraient par se nuire. Tout est
parfaitement équilibré dans la nature, et, si nous ne comprenons
pas toujours le but de la puissance qui dirige l’harmonie des
mondes, 1l faut au moins reconnaitre que ce n'est pas trop mal
combiné, quoique tout ne marche pas toujours au gré de nos dé-
sirs ou de nos besoins présents.
Les oiseaux émigrent pour se répandre partout où leur pré-
sence est utile. Quelle est donc l'espèce appétissante qui résiste-
rait à Ja destruction, en France, par exemple, si la loi ne la proté-
_geait pendant une partie de l’année ? quelle est l’espèce émigrante
ou de passage qui ne serait détruite, si son séjour était plus pro-
356 ONZIÈME LEÇON.
longé et si tous les individus suivaient la même route? Il y a des
Bécasses, des Cailles, des Alouettes et des Becs-fins dans tous les
pays, et cette répartition n'est pas exclusivement le fait d’un be-
soin d'alimentation pour tous ces oiseaux. Ils viennent manger :
les vers, les nombreux insectes de toutes sortes, qui sans eux
rendraient un pays imhabitable et improductf; c'est ce que nous
avons cherché à établir dans notre introduction.
Fig. 339. — Caille.
Cette cause générale reconnue, passons à l'examen des causes
secondaires. Le besoin de nourriture explique-t-il suffisamment
les migrations des oiseaux? Cela pourrait être, comme nous l’a-
vons dit, pour quelques espèces erratiques ; mais cela est moins
vrai pour les espèces émigrantes. Les Cailles, qui vivent de vers
et de graines, partent à l’époque des semailles, alors qu’elles au-
raient encore à vivre pendant un mois dans l'abondance; elles
partent très-grasses et n’ont pas encore souffert, et leur départ
précipité a lieu au moment où arrivent les Alouettes, qui vivent
aussi de vers et de grains et qui trouvent à manger jusqu’après les
premières gelées. 11 faut cependant dire que les Cailles partent
MIGRATIONS. 391
aussi parce quelles manquent d’abri : les blés sont coupés et les
plaines n’ont plus que des couverts de trèfles ou‘ de luzernes qui
ne leur suffisent plus. On à remarqué que les Cailles prolongeaient
de beaucoup leur séjour dans nos plaines lorsque autrefois les mois-
sonneurs laissaient de grands chaumes. Le départ de ces oiseaux
s’expliquerait donc mieux, au besoin, par l’absence d'un abri con-
venable que par l'insuffisance de la nourriture. Les changements
atmosphériques peuvent-ils les pousser à partir ? mais il fait sou-
vent encore très-chaud longtemps après leur départ, et elles sont
arrivées à une époque à laquelle la température était encore froide,
mais alors que les plaines étaient déjà couvertes de verdure.
a — = ss
Fig. 340. — Sarcelle d’été. Querquedula, d'après Gould.
La prévision de la mue, la longueur relative des nuits, le be-
soin de reproduction, les courants atmosphériques, la sensibilité
augmentée, l'hygrométricaté des plumes, les pluies, la chute des
feuilles, la flétrissure de tous les végétaux, peuvent bien agir un
peu sur les dispositions de ces oiseaux, que nous avons choisis pour
discuter la question, parce qu’il est plus facile de les observer:
358 ONZIÈME LECON,.
mais véritablement il ne faut pas accorder à ces causes toutes se-
condaires une importance qu'elles n’ont pas, et qui n’expliquerait
jamais cette nostalgie dont les Galles captives, au moment du dé-
part, donnent de si remarquables exemples. Elles ne manquent
n1 de nourriture m1 d'abri, rien ne gêne leur nature paresseuse,
et cependant la nécessité qui les pousse est si impérieuse, qu'elles
n'ont plus un moment de repos; elles sont mquiètes, font des efforts
désespérés pour suivre l'instinct qui les entraine; elles s’enlèvent
dans leurs cages, s’écorchent la tête, et ne suspendent leurs ma-
nœuvres que lorsque, épuisées et le crâne brisé, elles n’ont plus
la force de se soutenir; aussi en est-1l bien peu qui survivent
à d’aussi dures épreuves.
Nous ne pouvons, sans nous exposer à des répétitions inutiles,
dire en ce moment tout ce qui à rapport aux migrations, dont
nous parlerons en détail en fusant l'histoire particulière des oi-
SCEAUX. |
Na,
#4
DOUZIÈME LEÇON
Instinct, intelligence. — Classification.
L'instinct dépend de l’organisation, car 1l se mamfeste sponta-
nément et avant qu'aucun raisonnement ait pu avoir lieu chez
les animaux, qui, à l'état parfait, pourront s'élever à un certain
degré d'intelligence. Aussi l'on peut dire que, toutes Les fois que
les sens agissent sans la participation de la pensée, c’est de l’in-
stinct, et qu'il est d'autant plus vif que les objets qui peuvent im-
téresser les animaux sont moins nombreux.
Le sentiment, ou plutôt la faculté de sentir, dit Buffon, l'in-
stinct, qui n'est que le résultat de cette faculté, et lenaturel, qu
n'est que l'exercice habituel de l’mstmct guidé et même produit
par le sentiment, ne sont pas, à beaucoup près, les mêmes dans
les différents êtres ; ces qualités intérieures dépendent de l'orga-
nisation en général et sont relatives, non-seulement au degré de
perfection des sens, mais encore à l’ordre de supériorité que met
entre eux ce degré de perfection. Cependant il n’est guère pos-
sible d’avoir sur l'intelligence des oiscaux une idée aussi com-
plète que sur celle des mammifères, dont l’organisation a bien
560 DOUZIÈME LECON.
plus de rapports avec l'organisation humaine. Les comparaisons
que nous pouvons faire seront toujours inexactes, tant que nos
moyens d'appréciation ne descendront pas au niveau de la nature
des oiseaux, si éloignée de la nôtre. Leurs actions n’ont pas le
même but, leur voix ne traduit pour nous que quelques-uns de
leurs désirs où de leurs craintes; leurs douleurs sont le plus
souvent mucttes et mcomprises, de même que nous sommes sans
moyens pour leur faire comprendre nos volontés. La faim et la
privation de sommeil ou de lumière solaire peuvent bien les sou-
mettre; mais, dans ce cas, 1ls se résignent par faiblesse, et leurs
instincts se modifient, se perdent, pour faire place à des instincts
de circonstance que quelques heures de hberté leur font oublier.
Un oiseau dont l'oreille est assez délicate, assez précise pour
saisir et retenir une suite de sons ressemblant aux paroles, et
dont la voix est assez flexible pour les répéter plus ou moins dis-
tinctement, reçoit ces paroles sans les comprendre et les rend
comme il les a reçues : quoiqu'il articule des mots, dit encore
Buffon, 1l ne parle pas, parce que cette articulation de mots n'é-
mane pas du principe de la parole, et n’en est qu'une imitation
qui n’exprime rien de ce qui se passe à l'intérieur de l'animal et
ne représente aucune de ses affections. L'homme a pu modifier
dans Les oiseaux quelques puissances physiques, quelques quali-
Lés extérieures, telles que celles de l'oreille et de la voix, mais il
a moins influé sur les qualités intérieures. On en instruit
quelques-uns à chasser; on en apprivoise quelques autres assez
pour les rendre familiers ; à force d'habitude on les amène au
point de s'attacher à leur prison, de reconnaitre la personne qui
les soigne; mais tous ces sentiments sont bien légers, bien peu
profonds en comparaison de ceux que nous transmettons à cer-
tas mammifères, et que nous leur communiquons en moins de
temps et avec bien plus de succès Quelle comparaison peut-on
fire entre l'attachement si dévoué d’un Chien et la famiharité
INSTINCT, INTELLIGENCE. 361
capricieuse d'un serin, entre l'intelligence de l’un et les effets de
l'habitude de l’autre ?
Peut-on mvoquer à l'appui de l'intelligence des oiseaux l’af-
fection et les soins dont ils entourent leur couvée? Ils sont, pour
ces soins, soumis à cette loi générale de conservation de l'espèce
qui s'étend à tous les êtres vivants. Nous pouvons admirer ce
sentiment qui fait naître chez l'oiseau une affection toute particu-
lière pour des œufs en apparence sans vie et qu'il couve avec tant
de sollicitude ; nous pouvons nous demander quelle peut être la
compensation des peines de la couveuse, quelle volupté peut être
le prix de soins si tendres. Nous pouvons dire avec Virey : D'où
vient ce besoin qui oblige les oiseaux à couver, qui les prive de
toute liberté, qui-enchaine leur inconstance, modifie en un
instant toutes leurs habitudes, les expose souvent à la faim, à tous
les dangers, et les retient sur leurs œufs? Mais toute cette ten-
dresse instinctive n'est pas de l'intelligence. Elle ne commence à
paraître momentanément, mais loujours sous l'influence de la
même loi, qu'à la naissance des petits, et disparait dès que les
jeunes n'ont plus besom de la mère, qui revient alors à ses
instincts vulgaires. On ne peut, en effet, re‘user à la Poule qui
a des Poussins une certaine intelligence, provoquée par les sensa-
tions diverses qu’elle éprouve. Elle les appelle par des glousse-
ments qui expriment ces sensations, et dont on peut saisir
facilement Les différences. Les Poussins comprennent immédiate-
ment le langage de leur mère : a-t-elle trouvé quelque vermis-
seau, son cri d'appel est doux; voit-elle un danger, son er1 n'est
plus le même, 1l est précipité, aigu, strident; les petits accourent
à l’un et à l’autre, mais avec des allures bien différentes, dans l’un
ou l’autre cas. Souvent le cri de la mère veut dire : Accourez sous
mon aile ; parfois aussi 1l veut dire : Cachez-vous; et les petits,
au lieu d’accouri, s'arrêtent sur place, s'aplatissent, et par
leur immobilité on voit qu'ils ont compris et qu'ils cherchent à
US | Vol
362 DOUZIÈME LECGON :
se dérober aux regards de l'ennemi qui les menace. C’est moins
dans une basse-cour que dans les champs qu'on peut observer
ces intelligentes manœuvres, dont la Perdrix surtout fournit de
nombreux exemples. Qui lui apprend à abandonner un instant
ses petits dans un blé où elle Les croit bien cachés, à simuler
une impossibilité de vol, à se trainer en battant de l’aile pour
attirer les regards qui l'inquiètent? Qui apprend aux petits à
rester blottis Jusqu'au retour de leur mère? Pouvons-nous éta-
blir pour ces divers actes ce qu'il y a d’instinctif et ce qu'il y à
d'appris? L'intelligence se montre encore chez la Poule, qui,
pour défendre sa couvée, ne craint pas d'attaquer des animaux
plus forts qu'elle, et qui s’éloignent plutôt fascinés par cette lé-
gitime fureur que par la réalité du mal qu'ils ont à redouter.
S1 l'amour maternel inspire des sentiments violents chez les oi-
seaux comme chez les autres animaux, nous voyons qu'il peut
aussi inspirer le respect. Mais l'intelligence de la Poule est bien
plus évidente lorsqu'elle a couvé des œufs de Cane : son mstinet
est mis en défaut par celui de ses petits, qui, gênés dans leurs
allures sur-terre, et n'y trouvant pas la nourriture qui se prête
à leur barbotage, cherchent aussitôt à se mettre à l’eau : quelle
n'est pas alors l'inquiétude de la mère devant d’indociles Cane-
tons qui ne comprennent pas plus son langage qu'elle ne com-
prend le leur! Elle maîtrise sa frayeur, s’avance le plus qu’elle
peut avec l'espoir de ramener ses petits et IX pensée de les secou-
rir ; mais ses cris de rappel et ses accents de douleur n’ont aucun
succès : les Canetons ne reviennent que lorsqu'ils ont besom de
la chaleur de leur mère, qui cherche à les entrainer lom du ri-
vage et ne peut s’habituer à des instincts, à des besoins qu'elle
ne Colinait pas. |
Lacépède, comparant à l'intelligence des animaux supérieurs
l'mstimcet des oiseaux et les actes qui en sont la conséquence, crut
pouvoir établir le degré de sensibilité de ces derniers d’après la
INSTINCT, INTELLIGENCE. * 965
constance et l'étendue de leurs soins pour leurs compagnes et
leurs petits, et il proposa les distinctions suivantes, en commen-
cant par le degré le plus bas de l'échelle :
1° Oiscaux dont les mâles abandonnent les femelles avant
qu’elles s'occupent de la retraite dans laquelle elles déposeront
leurs œufs ;
2° Ceux qui quittent les femelles pendant qu'elles s'occu-
pent de la préparation du nid ;
3° Ceux qui s'occupent avec femelles de la fabrication du
nid ;
2 Ceux qui gardent et protégent les femelles pendant l’mcu-
bation, leur apportent une partie de la nourriture dont elles ont
besoin et chantent auprès du nid;
5° Ceux qui partagent avec les femelles les soins de l’incuba-
tion ;
6° Ceux qui prennent part à l’assiduité mquiète de la femelle
auprès des petits ;
7° Ceux qui préparent dans leur jabot là première nourriture
des petits ;
8° Ceux qui demeurent avec leurs Haba les aident et les dé-
fendent même alors qu'ils sont en état de se suffire à eux-mêmes.
Il estimait aussi le degré de leur industrie d’après la perfection
plus ou moins grande apportée par eux à la fabrication du nid,
et ces dernières conditions, ajoutées à celles de la sensibilité, lui
servaient à distinguer les oiseaux supérieurs :
1° Oiseaux qui ne construisent pas de nid ou s'emparent d’un
md étranger ;
2° Ceux qui composent leur nid de matériaux grossiers,
TÉUNIS SANS SOIN ; |
5° Ceux dont le nid est formé de matières choisies après exa-
men, préparées avec attention et apportées de lom ;
4° Ceux qui fabriquent leur nid avec des matériaux qu'ils
364 DOUZIÈME LECON.
enlacent et qu'ils tissent souvent avec une merveilleuse habileté ;
5° Ceux qui mettent une recherche particulière, une sorte
d'attention, de discernement, à placer le md dans la position la
plus convenable, à l’extrémité d’une branche ou sous des feuilles
pour garantir les petits du danger ;
6° Ceux dont le nid a une entrée étroite, un auvent, des con-
duits tortueux, plusieurs compartiments ;
1° Ceux qui se réumissent à d’autres couples pour construire
des nids qui se touchent et qui reçoivent ainsi plusieurs mé-
nages ;
8° Ceux enfin qui forment des sociétés nombreuses, et dont
les nids sont couverts d’une enveloppe commune due à un concert
de volonté, de ressources et d'adresse. |
[l'est facile de concevoir, ajoute le savant naturaliste, que, pour
établir une comparaison rigoureuse entre les espèces dont on veut
indiquer le degré d'industrie ou de sensibilité, 1l faudra recher-
cher dans les résultats de ces deux facultés ce qui devra être
rapporté à l'influence du climat, à l'élévation de la température
pendant le temps de la ponte, à la solitude de la retraite, au
nombre des ennemis à redouter, à la puissance des armes pour
attaquer ou pour se défendre, à la vitesse du vol, à la forme du
bec et des pattes, instruments dont l'oiseau a été pourvu aussi
pour ramasser, préparer, réunir et arranger les matériaux du
nid.
C'est à dessein qu’en traitant de la voix et du chant des oiseaux
nous avons réservé ce que nous avions à dire de leur langage pour
en parler à l’occasion de leur mtelligence. Chaque espèce, à n’en
pas douter, a le moyen de se faire comprendre par tous les indi-
vidus qui la constituent. Les migrations ne commencent pas,
comme nous l’avons vu, sans être précédées d’un conseil général
souvent lrès-bruyant ; et, pendant le voyage, les émigrants ne
cessent de se faire entendre pour régler la vitesse du vol, afin
INSTINCT, INTELLIGENCE. 365
que les plus faibles puissent suivre les plus forts et aussi pour
rappeler les égarés. Chaque ton de leur voix a sans doute une
signification parliculière qui leur sert de moyen de communica-
cation. S'il en était autrement, comment ceux qui vivent en
société s’entendraient-ils? comment construiraient-ils ces nids
compliqués et si artistement arrangés? comment dans ces tra-
vaux d'architecture chacun aurait-1l sa tâche? Tout travail en
commun nécessite une entente chez les animaux peut-être plus
encore que chez les hommes, et nos livres sacrés nous appren-
nent que la tour de Babel n'a pu être construite.
Dupont de Nemours à écrit plusieurs Mémoires sur l’'intelli-
sence des oiseaux, sur leur instinct et leur langage; 1l nous serait
impossible de le suivre dans tous les détails de ses observations,
mais nous lui emprunterons quelques passages au moins très-
Curieux. |
Il est beaucoup plus commode d'étudier les animaux après leur
mort que de leur vivant, dit le savant académicien : ils ne peu-
vent alors fuir ni résister. On les dessine, on les décrit, on les
dissèque, et on les empaille à l’aise dans son cabinet. C’est un
travail facile qui fait si bien connaitre leur corps, qu'on ne se
soucie presque plus de leurs mœurs, qui sont cependant une
des parties les plus intéressantes de leur histoire.
Je crois voir quelques-uns de mes respectables collègues sou-
_rire à ce que Je vais dire sur les dialogues des Corbeaux, auxquels
ils ne connaissent qu'un assez vilain cri. Je voudrais vivre aux
champs avec mes savants amis, afin de m'éclairer de leurs lumières
et de les mener quelquefois loin du village, dans un sauvage ré-
duit, bien immobiles, bien silencieux, l'œil au guet, l'oreille at-
tentive, un crayon et un petit livre à feuillets blancs à la main;
à, Je les inviterais à étudier la nature vivante et à noter leurs re-
marques sous sa correcte dictée. [ls apprendraient beaucoup de
mots du dictionnaire de plusieurs espèces. C'est un travail
91.
366 DOUZIÈME LECON.
long ; les Corbeaux m'ont coûté deux hivers et ‘grand froid
aux ee et aux mains. Voici ce que j'ai recueilli de leur voix,
qu'on croit toujours la même, quand on écoute rarement et avec
_ distraction
era, grass, GrA6, 0 C0, Craou,
cré, oœress, créa, créé, créo,
Cro, STOSS, croa, Croé, CTO0,
CTOU, CTOUSS, Croua, croué, crou0,
CrOUOU, gTOUOUSS, grouass, TOUESS, oTOUOSS.
Ce sont vingt-cinq mots dont l’analogie est très-grammaticale et
qu'ils peuvent peut-être combiner à l’mfini, comme nous le fai-
sons à l’aide de nos chiffres arabes. Mais même sans combinai-
sons ces vingt-cinq mots suffisent bien pour exprimer : ici, là,
droite, gauche, en avant, halte, pâture, garde à vous, froid,
chaud, partir, je l'aime, mot aussi, nid, et une de
d’autres avis qu'ils ont à se donner selon leurs besoins. :
Voilà un exemple de la prose vulgaire des oiseaux, mais il fut
aussi parler de leurs poésies. Ils aiment, et doivent ous. leur
flamme; ils doivent ajouter à la pensée même par le rhythme et
par l’intonation. Ils ont des poëtes de tous les ordres : les uns
abordent le genre trivial, leurs chansons sont courtes, mais
bruyantes ; elles n’expriment que la satisfaction sensuelle. Ainsi
chante le Coq sur un fumier au milieu de ses Poules. Le Pinson
a déjà une poésie plus relevée ; l’Alouette, en s’élevant dans les
airs, chante un hymne sur les beautés de la nature. On a cherché
à imiter son chant par la phrase suivante :
La gentile Alouette, avec son tirelire
Tirelire, relire, et tireirant, tire
Vers la voûte du ciel : puis son vol vers ce lieu
Vire et désire dire : Adieu! adieu! adieu!
L'Hirondelle, toute tendresse et tout affection, chante rare-
INSTINCT, INTELLIGENCE. 907
ment seule, comme nous le dirons plus loin, mais en duo, en
trio, en quatuor, en sextuor, en autant de parties qu'il y a
de membres dans la fanulle, et c'est le bonheur domestique
qui est le sujet de son poëme. Sa gamme n’a que peu d’éten-
due, et pourtant son petit concert est plein de douceur et de
charme. :
Le Rossignol aborde de plus grandes difficultés, comme chant
et comme poésie : 1l a trois chansons distinctes pour ceux qui
l’écoutent attentivement. Celle de l'amour suppliant, d’abord
langoureuse, puis mêlée d'accents d'impatience très-vifs, qui se
terminent par des sons filés, respectueux, qui vont au cœur.
Dans cette chanson, la Rossignole fait sa partie en interrompant le
couplet par des non très-doux auxquels succède un out timide
et plem d'expression. Elle feint alors une fuite vers un buisson
voisin, où le Rossignol la suit et qu'ils quittent bientôt tous deux,
l’un en faisant entendre quelques paroles rapides, saccadées,
éclatantes, et que leur vivacité ferait prendre pour de la colère :
aimable colère! C'est la seconde chanson, à laquelle la femelle
répond par des mots plus courts encore, qui se traduisent par
ami, mon ami... ah! mon ami! Enfin l’on travaille au nid.
C'est une affaire très-importante, aussi Les chants sont suspendus.
Cependant le dialogue continue, mais 1l n'est que parlé, et au-
cune différence d’accent ne distingue plus les interlocuteurs.
C'est pendant la ponte et l'incubation que, perché sur une bran-
che voisine de celle qui porte son nid, un peu au-dessus de lui,
battant la mesure par le petit balancement qu'il imprime au ra-
. meau et quelquefois par un léger mouvement des ailes, 1} distrait
sa femelle par son chant, la félicite et l’encourage. J'ai tâché de
traduire cette troisième chanson, et, quoique ce soit très-impar-
faitement, — on m'arrète et l’on me demande « comment on
peut apprendre des langues d'animaux et parvenir à se former
de leurs discours une idée qui en approche. » Je réponds que
368 DOUZIÈME LECON
le premier point pour réussir était d'observer soigneusement les
animaux; de remarquer que ceux qui produisent des sons y at-
tachent eux-mêmes et entre eux une signification, et que des
cris originairement arrachés par des passions, puis recommencés
en pareille circonstance, sont, par un mélange de la nature et
de l'habitude, devenus l'expression constante des passions qui les
ont fait naître. Lorsque l’on vit familièrement avec des ani-
maux, pour peu que l’on soit susceptible d'attention, il est im-
possible de ne pas demeurer convaincu de cette vérité. — Ces
langues reconnues, comment les apprendre? comme nous appre-
nons celles des populations sauvages ou même celles de toute
nation étrangère dont nous n'avons pas le dictionnaire et dont
nous ignorons la grammaire : en écoutant le son, nous le gravant
dans la mémoire, le reconnaissant lorsqu'il est répété, le discer-
nant de ceux qui ont avec lui quelques rapports sans être exacte-
ment les mêmes, l’écrivant quand il est constaté, et à l’occasion
de chaque sori observant la chose avec laquelle 1l coincide, et le
geste ou mouvement dont 1l est accompagné.
Les animaux n'ont que très-peu de besoins et de passions;
mais ces besoins sont impérieux et ces passions vives. L'expression
est donc assez marquée; par compensation les idées sont peu
nombreuses et le dictionnaire court; la grammaire plus que
simple : très-peu de noms, environ le double d’adjectifs, le verbe
presque toujours sous-entendu ; des interjections qui sont en un
seul mot des phrases entières : aussi ne distmgus-t-on dans leur
langage aucune autre partie du discours. |
Je désire que cette explication paraisse satisfaisante, et Je re-
viens à ce quil m'a été possible de comprendre de la chanson du
Rossignol. Mais je réclame votre mdulgence, et, si vous étiez des
Rossignols, je l’invoquerais encore bien plus. Vous savez combien
toute traduction affaiblit l'origmal. Je ne puis rendre que les pa-
roles, et tout au plus saisir très-faiblement ce qu'en musique on
INSTINCT, INTELLIGENCE. 969
appelle le motif. Oter à un Rossignol sa musique véritable, c'est
lui faire un tort affreux !
Dors, dors, dors, dors, dors, dors, ma douce amie;
Amie, amie,
Si belle et si chérie :
Dors en aimant,
Dors en couvant,
Ma belle amie,
Nos jolis enfants;
Nos jolis, jolis, jolis, jolis, jolis, jolis,
S1 jolis, si jolis, si jolis,
Petits enfants.
(Un petit silence.)
Mon amie,
Ma belle amie,
À l'amour,
À l’amour ils doivent la vie,
À tes soins 1ls devront le jour,
Dors, dors, dors, dors, dors, dors, ma douce anne;
Auprès de toi veille l'amour,
L'amour,
Auprès de toi veille amour.
Tel est l'esprit et le fond des paroles de la chanson, qui, selon
la sensibilité de l'âme du chanteur, est sujette à beaucoup de
variations ; car il ne faut pas croire que tous les individus chan-
tent exactement les mêmes paroles : ils ont le même sentiment
et le manifestent à peu près de la même façon. Les différences
échappent le plus souvent à nos observations imparfaites ou né-
gligées. Un autre animal, qui aurait même autant d’esprit que
nous, mais dont l’espèce serait aussi éloignée de la nôtre que nous
le sommes des oiseaux, et qui ne saurait pas plus le français que
nous ne savons le rossignol, confondrait aisément Campistron et
Racme, Desfontaines et Virgile. Il suffit, à ces énormes distances,
4
€
d'arriver à comprendre à peu près ce dont 1l est question, et Je
310 DOUZIÈME LEÇON. |
ne prétends à rien de plus dans les traductions que J'ai essayées
de quelques discours ou dialogues d'animaux.
On à cherché à noter le chant du Rossignol, mais sans succès :
les modulations de sa voix ne peuvent être reproduites par au-
cun instrument, par aucun son; nous en donnerons pour preuve
limitation un peu tudesque de Bechstein :
Tiounou, tiouou, tiouou, tiouou,
shpe tiou tokoua,
tio, tio, tio, tio,
kououtio, kououtiou, kououtiou, kououtiou,
tskouo, tskouo, tskouo, tskouo,
tsu, tsii, tsii, ts, ts1i, ts, tsui, tsii, tsui, tsui,
kouvror tiou tskoua pipitskouisi
tso, tso, tso, {so, tso, tso, tso, tso, iso, ts0, tso, tso,
tsirrhading.
Tsisi si tosi si si si si si si si
tsorre, tsorre, isorre, tsorrehi,
tsatn, tsatn, tsatn, teatn, tsatn, tsatn, tsaln, (si.
Dlo dlo dlo dla dlo dlo dlo dlo dlo
kouioo trrrrrrrritst
Lu lu lulyly will
kouioo didl li loulgli
ha guour, guour, koui kouio !
Kouio, kououi kououi kououi koui koui kout kout.
Ghi, ge1, ghi.
Gholl gholl gholl gholl ghia hududoi
Koui koui horr ha dia dia dilly!
Iets, hets, hets, hets, hets, hets, hets, hets, hets, hets
hets, hets, hets, hets, hets.
Touarrho hostesroi
kouia kouia kouia kouïa kouia kouïa, kouia kouiati;
koui koui koui 10 10 io 10 10 io 10 koui
lu lyle lolo didi 10 kioua
Higuai guai guai guai guai guai guai guai kowor
tstiotsiop1.
D
Il y a des oiseaux qui chantent sans attacher d'importance aux
paroles que peuvent représenter les notes, pour le seul plaisir de
pl
INSTINCT, INTELLIGENCE. 911.
produire et de répéter des sons plus ou moims harmonieux. Tel
est le Perroquet ; sa véritable langue n’a aucun rapport avec son
caquet. En est-il de même du Moqueur d'Amérique, cet espiègle
qui abuse de la facilité de son organe pour attirer les autres oi-
seaux dont il imite le chant et le cri, et qui semble se divertir et
les railler de leur méprise? |
Nous ne pouvons en ce moment dire tout ce qu'on sait des
exemples d'intelligence fournis par les oiseaux, nous réservant
d'en parler en faisant l'histoire de chacun d’eux ; nous nous bor-
nerons donc à citer quelques faits assez remarquables.
L'Hirondelle de fenêtre, notre aimable commensale, dit en-
core Dupont de Nemours, est très-distinguée parmi les oiseaux
par son imtelligence et par sa moralité. Les idées arrivent à son
cerveau avec une extrême promplitude, et ses organes obéissent
de même aux volontés qu'elles y font naître. Sa tendresse pour
ses petits, la reconnaissance de ceux-ci, l'amour conjugal, filial,
paternel, s'épanchent sans cesse dans Le nid, par une multitude
d'expressions affectueuses et douces qui se confondent. Tous les
membres de la famille éprouvent un sentiment qu'ils ne peuvent
contenir et qu'ils manifestent à la fois par un charmant gazouil-
lement. Tous semblent encore plus pressés de dire : Je t'aime,
tu es beau, tu es bon, ah! combien je t'aime! que d'écouter ce
que disent les autres. |
Cependant, lorsqu'il s’agit de rendre service à la voisme, la voix
qui demande le secours est entendue; celle qui l’accorde et qui
le commande est écoutée. J'ai vu une Hirondelle qui, ayant, je ne
sais comment, un fil à la patte, s'était accrochée accidentellement
À une gouttière du collége des Quatre-Nations. Sa force épuisée,
elle pendait au bout du fil, qu'elle relevait quelquefois en voulant
voler, et jetait de plaintifs gémissements. Toutes les Hirondelles
du vaste bassin entre le pont des Tuileries et le pont Neuf, et
peut-être de plus loin, s'étaient réunies au nombre de plusieurs
312 DOUZIÈME LECON.
milliers. Elles formaient un nuage, et toutes poussaient des cris
d'alarme et de pitié. Après une assez longue hésitation et un
conseil tumultueux, lune d’entre elles inventa le moyen de déli-
vrer leur malheureuse compagne; elle communiqua sans doute
ce moyen aux autres et le mit à exécution. On fit place : toutes
celles qui étaient à portée vinrent à leur tour, comme à une course
de bague, donner en passant un coup de bec au fil. Ces coups,
dirigés sur le même point, se succédaient de seconde en seconde
et incommodaient très-fort la pauvre captive, mais en peu de
temps le fil fut coupé et la pendue délivrée. La troupe, seulement
un peu éclaircie, resta jusqu'à la nuit, parlant toujours, mais
d’une voix qui n’avait plus d’anxiété, et exprimant comme des
félicitations mutuelles.
Nous ne reviendrons pas sur l’habileté de ces oiseaux pour Ja
construction de leurs nids, mais nous dirons comment elles en-
tendent le droit de propriété acquis par un ingénieux et pénible
travail. On sait qu'à l’arrivée des Hirondelles chaque: ménage
reprend le md qu'il a construit ou occupé l’année précédente.
Chacun reconnait son domicile et en prend possession. Si l’édi-
fice n'a éprouvé que quelque légère dégradation, les propriétaires
le réparent. Mais, s’il est détruit complétement, ils trouvent aide
et assistance chez les parents et les voisins, qui concourent avec
empressement à la nouvelle construction. Batgowki a communi-
qué un autre exemple de cet esprit de fraternité et de secours
mutuels entre les Hirondelles dans le malheur. Un Moimeau s'é-
tait emparé d’un nid d'Hirondelle et le défendait vigoureusement.
Les anciens maîtrés, n'ayant pu rentrer dans leur héritage, mvo-
quèrent leurs confédérés, dont la foule et les menaces ne purent
pas davantage faire déloger l’usurpateur. Toutes les tentatives
restaient sans résultat. Tout à coup la manœuvre change; l’as-
saut est suspendu; le siége est converti en blocus : quelques
braves Hirondelles surveillent l'ouverture, et, chacune des autres
/
INSTINCT, INTELLIGENCE. sr
apportant sa becquée de mortier, le nid se trouve en peu d’in-
stants muré comme la fatale prison d'Ugolin; les cris des vain-
queurs continuant d'intimider le Moineau et l'empêchant de
tenter une sortie, la consolidation du mur fut bientôt complète
et l'usurpateur puni. On comprend ce que ce fait suppose de
réflexion, d'énergie, d'umion, de subordination, d'esprit social
employé à la défense commune, à l'intérêt général. Quand il faut
émigrer, les Hirondelles se rassemblent sur des points convenus
d'avance ou déterminés par l'influence de celle dont les autres
reconnaissent la supériorité. Après de longs discours qui occupent
des journées entières, on part, et l'on part en troupe, comme le
plus grand nombre des oiseaux voyageurs, avec la même dis-
cipline : ce qui prouve des conventions, des grades, des magistra-
tures, au moins du genre de celles auxquelles les peuplades
sauvages obéissent dans leurs expéditions.
Le même observateur cite un fait qui montre la discipline des
Corbeaux et avec quelle sagacité ils jugent la nature du danger
auquel nos armes les exposent. Un chêne touffu et très-élevé,
élo‘gné des habitations, servait la nuit d'asile à un grand nombre
de Corbeaux. On les voyait s’y retirer tous les soirs. On y va
deux heures après le coucher du soleil par une nuit assez clure,
et on lâche sur l'arbre un coup de fusil chargé de gros plomb.
Les Corbeaux partent, mais aucun en fuyant horizontalement ;
tous au contraire s'élèvent en ligne presque perpendiculaire,
comme une gerbe d'artifice. Leur calcul unanime avait été que,
le coup de fusil partant du pied de l'arbre et pouvant être suivi
d’un second sur ceux qui auraient filé, l'intérêt commun était de
se mettre en hauteur, hors de portée, dans une direction où les
branches pouvaient les garantir et intercepter la vue; et ils ne
commencèrent à se disperser qu'à une très-grande élévation et
choisirent un autre domicile. Dans le jour, lorsque la troupe s'a-
battait et.se répandait dans les champs pour chercher sa subsis-
DE 22
314 DOUZIÈME LECGON.
tance, quatre ou six éclaireurs restaient toujours en l'air, volant
doucement de côté et d'autre, observant ce qui se passait et char-
gés d'en donner avis. Ces éclaireurs étaient relevés d'heure en
heure. Les bandes d’Oies, de Canards, de Grues, ont toujours
aussi des sentimelles, qui, à l'apparence du moindre danger,
donnent le signal d'alarme. Les Corbeaux, les Pies, les Étour-
neaux, les Rarmmers, etc., savent parfaitement reconnaître si
l'homme qui vient à eux n’est porteur que d’un bâton ou s’il est
armé d'un fusil. Dans le premier cas, ils se laissent approcher;
dans le second, ils semblent très-bien calculer la distance, et
s’éloignent presque au moment où le chasseur allait pouvoir se
servir de son arme. I y a dans ce fait plusieurs idées : l’homme
est armé ou non; son arme agit à telle distance, 1l est temps de
fuir. Est-il possible que ce soit l'expérience individuelle qui at
éveillé cet mstinct? Il n’est pas probable que tous ces oiseaux ne
partent que parce qu'ils ont éprouvé l'effet des armes; mais ceux
d’entre eux qui en ont subi l'épreuve avertssent les autres du
danger. L'intelligence des oiseaux se montre encore de diverses
manières .
Les Buses et les Busards, de même que quelques oiseaux de
proie de l'Afrique et de l'Amérique, savent très-bien se réumir en
troupe pour se diviser ensuite sur un large espace, former le
cercle, et rabattre, en le rétrécissant toujours vers le centre, les
Perdrix ou les Alouettes qui s’y trouvent comme fascimées par la
présence et le mouvement d'ailes de leurs ennemis naturels, dont
elles deviennent facilement la proie.
Les Flamants et les Pélicans, dans les marais et les eaux qu'ils
fréquentent, font le même manége que les oiseaux de proie dont
nous venons de parler, pour étourdir et ramener au nulieu d'eux
le poisson dont ils veulent s'emparer.
Les grands échassiers, tels que les Grues, les Cigognes et les
Hérons, ont des chefs de file qui les guident et les dirigent dans
INSTINCT, INTELLIGENCE. 315.
leurs longues pérégrinations aériennes, et des vedettes qui les
gardent pendant leurs stations à terre. Il en est de même des
Cygnes, des Oies et des Canards. Ils voyagent en suivant un or-
dre nn : leurs bandes sont rangées en triangle
plus ou moins aigu, suivant l’état de l'atmosphère; quelquefois
en colonne sur une seule ligne, quand les bandes sont peu nom-
breuses et se composent d'individus du même âge; parfois en
bataille ou en demi-cercle par les temps calmes et après un re-
pos de la troupe. Quel que soit le nombre, ils évoluent dans les
airs à la voix des anciens et passent de l’ordre en bataille à l’or-
dre en colonne ou en triangle, suivant les dificultés et la lon-
gueur de l'étape.
. Quor de plus surprenant que la rapidité d'exécution et l’en-
semble des mouvements, chez un grand nombre d'espèces qui
volent en bandes nombreuses? À un signal, pendant le vol, tous
donnent en même temps le même coup d’aile, présentent le flanc
et reprennent tout de suite leur position normale. Tels sont, par
exemple, les Étourneaux, dont les couleurs miroitent si bien au
soleil. Pour exécuter cette manœuvre avec autant d'ensemble, il
faut sans doute un commandement préparatoire et un autre com-
mandement d'exécution donnés par un chef auquel toute la
bande obéit de la façon la plus merveilleuse.
L'instinct des oiseaux est susceptible de se pr êter, au Moyen
d'une certaine domestication, à nos besoins comme à nos plaisirs.
Aussi l’homme a-t-11 su en tirer parti en le développant à son
profit. C'est ainsi qu'est né et s’est perfectionné l’art de la faucon-
nerie, devenu presque une science. L'instinct particulier propre
aux Rapaces, et qui pousse les uns à la poursuite d’une proie vi-
vante, tandis qu'il réduit les autres à la recherche des proies
mortes où incapables de fuir et de se défendre, a naturellement
indiqué qu’il ne fallait se servir que des premiers comme auxi-
haies de la chasse.
316 DOUZIÈME LEÇON.
L'instinct imitateur des Perroquets et celui d’autres oiseaux de
l'ordre des Passereaux fournit des moyens de distraction et de
plaisir. Profitant de cet instinct qui attache les Pigeons plus
qu'aucun autre oiseau aux lieux qui les ont vus naïtre, instinct
parfaitement secondé par la régularité et la rapidité du vol,
l’homme s’est fait des messagers pour la prompte transmission
de dépêches ou de nouvelles importantes, et cette application de
messages souvent mystérieux a certainement précédé l'institution
des postes. Marie Stuart, prisonnière d'Élisabeth d'Angleterre à
Tutbury, entretint pendant quelque temps une correspondance
avec Babington, le chef du complot formé pour la sauver, et
c’est par une colombe, que la fille du concierge de la prison lui
portait chaque jour, qu'elle était instruite de ce qui se passait et
qu'elle communiquait ses réponses en donnant la liberté à l’o:-
seau. |
Les instimcts essentiellement pêcheurs des Pélicans et des Cor-
morans ont fourni des auxiliaires uties pour les besoms de l'ali-
mentation et le plaisir de la. pêche. Les Pélicans conservent une
grande quantité de poissons dans l'énorme poche membraneuse
de leur bec et on les habitue à rapporter ces provisions à leur
maître. Il n’en est plus de même des Cormorans : plus gloutons
que les premiers et organisés pour une mgurgitation immédiate,
ils ne seraient d'aucune utilité si l’on n'avait imaginé de leur pas-
ser au cou un anneau qui les met dans l'impossibilité d'avaler le
poisson, aussi le rapportent-ils forcément à leur maitre, avec
l'espoir d’une part du butin. L'instinct, à n’en pas douter, peut
donc se perfectionner par l'expérience et se modifier momenta-
nément par une sorte d'éducation. :
L'intelligence chez les oiseaux est assurément moins dévelop-
pée que chez les mammifères, dont quelques-uns nous étonnent
par les raisonnements qu'ils doivent faire avant d'agir; mais 1l
est facile d’en constater l'existence dans une mesure assez large.
INSTINCT, INTELLIGENCE. 377
Nous avons à Nogent-le-Rotrou une Cigogne, libre dans un petit
pare, et nous lui donnons quelquefois des croûtes de pain dur
qu'elle ne peut manger, puisque son bec ne peut les écraser,
mais dont elle est assez friande. Elle sait parfaitement bien que
pour amollir ces croûtes 1l faut les porter à l’eau et attendre
leur imbibition. Ce fait a tout autant le caractère de l’intelli-
gence que celui cité par Plutarque, d'un chien qui, désirant
boire de l'huile au fond d’un vase trop profond pour qu'il pût at-
teindre le niveau de l'huile, imagina, pour élever ce niveau, de
laisser tomber des petits he au fond du vase.
N'est-ce pas encore un signe d'intelligence que donnent les di-
vers oiseaux que nous retenons captifs et que nous condamnons
à gagner leur nourriture par diverses manœuvres assez difficiles,
et qui consistent à tirer à l’aide d'une chaine de petits seaux
contenant la graine et l’eau qui leur sont destinées ?
Mais l’oiseau le plus remarquable comme auxiliaire mtelligent
est l’Agami, de l’ordre des échassiers et voisin des Cigognes : par
les services qu’il rend, par sa sociabilité et par sa soumission, il
est comparable au Chien. Non-seulement l’Agami s'apprivoise
aisément, mais 1l est, comme le Chien, éducable et affectueux. I
obéit à la voix de son maître; il le suit, reçoit ses caresses ; 1l
lui en rend ou le prévient ; il les lui prodigue à son retour quand
il a été absent; 1l paraït sensible à celles qu'on lui accorde; sa
jalousie se manifeste envers ceux qui pourraient les partager, 1l
chasse les autres animaux domestiques et poursuit même, dans
les colomes, les nègres qui font le service. Seul, 1l s'éloigne sans
s’égarer et revient chez son maitre. Sans nous étendre davantage
sur ces détails, qui reviendront plus tard quand nous parlerons
de cet oiseau, disons qu’à Cayenne on confie à un Agami une
bande de Dimdons ou de Canards ; qu'il les mène au pâturage dès
le matin, les veille pendant la journée et les ramène le soir ; on
en a même élevé à conduire un troupeau de moutons. Dans la
32.
318 7 © DOUZIÈME LEÇON.
basse-cour, il se rend maître : le matin, 1l fait sortir tous les oi-
seaux, et, le soir, 1l oblige les trainards à rentrer. Un autre genre L:
d'échassier, encore plus grand, de l'Amérique du Sud, le Ka-
michi, élevé en domesticité, est susceptible aussr des mêmes af
fections, doué des mêmes qualités, et rend les mêmes services
que l’Agami. Ce sont bien là les caractères de l'intelligence éle-
vée à sa plus haute puissance chez un oiseau.
Tous les instmcts industrieux, à dit un ancien auteur, tendent
à la conservation de l'individu et de l'espèce. Ils ne s'étendent
pas au delà des besoins sensuels. Ils ont en eux quelque chose
de plus que le simple empressement d'obtenir, ce sont les
moyens de parvenir à ce but. Aucune espèce n’a d’instincts inu-
ules ou superflus. Le mécanisme du corps des oiseaux, soit dans
les organes des sens, soit dans ceux du mouvement, à la plus
parfaite harmonie avec la perception recue, et les conduit tou-
jours à l’accomplissement spontané des désirs qu’elle fait naître, |
Les instincts industrieux des individus de la même espèce, dans
l'état de liberté, agissent toujours d’après les mêmes règles dé-
terminées, au moins en ce qui est essentiel; des accidents peu-
vent seuls donner lieu à d’autres déterminations. C’est pourquoi
l'on n'aperçoit aucune différence dans les instincts imdustrieux
d’une espèce, quelle que soit la contrée qu’elle habite. Les géné-
rations présentes et celles à venir ne perfectionneront point les
instincts des générations passées; mais aussi elles ne perdront
rien de la finesse de ces instincts. Enfin on trouve dans quelques
espèces l'instinct de faire un emploi déterminé de leurs organes,
même avant que ces organes soient développés; par conséquent,
ce nest point la possession de ces organes qui les engage à en
faire usage, mais le vif empressement de s'en servir démontre
qu'il est dans la nature de ces animaux d’en connaître l'emploi,
même avant qu'ils soient assez forts pour leur être effectivement
utiles.
CLASSIFICATION. : 3719
Nous terminerons cette leçon par quelques mots sur la mé-
thode de classification des oiseaux. |
Les productions de la nature sont trop nombreuses pour qu'il
soit possible de les bien connaître, si l’on ne parvenait à rappro-
cher les unes des autres celles qui présentent des rapports géné-
raux et à grouper ensuite dans des divisions toujours plus étroites
celles que des analogies plus évidentes doivent réumr. L'ordre
qui s'établit alors assez facilement est indispensable pour pouvoir
embrasser l'ensemble et saisir les différences.
IL y a deux movens de classification : l’un artificiel, et qui ne
prend pour base de ses divisions qu'un ou deux points de compa-
raison entre les objets qu'il faut classer ; ce moyen, très-commode
parfois, mais aussi très-incomplet et donnant lieu à de nom-
breuses erreurs, est connu sous le nom de système, du mot grec
cvstaua, Qui veut dire assemblage; l’autre naturel, et auquel on a
donné le nom de méthode — pero, suivant, et ôd6s, route ou bonne
route, — établit des divisions bien plus exactes en se basant sur
des caractères tirés de l'ensemble de toutes les parties du corps.
D'après cette explication sommaire, 1l est facile de comprendre
que*les. systèmes employés pour l'étude d’une branche quel-
conque de l’histoire naturelle sont toujours insuffisants, parce
qu'ils ne servent à distinguer ou à grouper les corps que d’après
des données incomplètes, isolées et par conséquent peu impor-
tantes, et surtout enfin parce que beaucoup de rapports essentiels
restent méconnus ; tandis que la méthode est l'expression la plus
exacte et la plus complète des analogies et des différences que
présentent les divers objets qu'on veut classer : les modifications
principales les plus saillantes servent de base aux grandes divi-
sions ou divisions du degré supérieur; et les modifications secon-
dures par ordre d'importance décroissante à celles des degrés
suivants et inférieurs. [1 y a, comme on le voit, subordination
des caractères, puisque les grandes divisions sont établies sur l’é-
580 DOUZIÈME LECON.
tude des parties les plus importantes des corps, et les divisions de
second, de troisième ou de quatrième ordre sur celle des parties.
graduellement moins importantes. On admet les divisions sui-
vantes : le règne, l'embranchement, la classe, l’ordre, la famille,
le genre. Toutes ces divisions peuvent elles-mêmes être subdivi-
sées, quand des caractères particuliers distinguent les corps qui
en font partie ; on dit alors la sous-classe, le sous-ordre, etc., etc.
Ces coupes ne sont en réalité que des abstractions qui servent de
jalons et facilitent l'étude en indiquant la réunion d'individus
groupés d’après les caractères communs qu'ils présentent et la
valeur décroissante de leurs analogies et de leurs différences.
L'espèce, dont nous n’avons pas parlé dans l'exposé qui précède,
est le dermier degré de la méthode. C’est, au point de vue z0olo-
gique, un type primordial transmettant tous ses caractères orga-
niques par voie de génération. Lorsque des déviations légères,
mais permanentes, sont produites par le climat, la domestication
ou toute autre influence, on a la variété, qui peut n'être que pas-
sagère ou accidentelle. Sous le nom d'espèce on comprend donc
tous les mdividus produits de la même souche et identiquement
semblables. Le genre est le groupe le plus inférieur; il se com-
pose d’un nombre plus ou moins considérable d’espèces présen-
tant des ressemblances de formes et d'organisation, et des diffé-
rences permanentes de couleur, de volume, d'accessoires, mais
souvent sans importance et quelquefois peu apparentes à première
vue. |
La famille est la réunion de genres que des analogies d'orga-
misation, de formes et de mœurs, rapprochent les uns des autres.
Entre la famille et le groupe désigné sous le nom d'ordre, on
admet quelquefois une division intermédiaire qui n’est pas abso-
lument mdispensable, puisque les caractères d’après lesquels on
l'établit sont souvent très-accessoires: mais elle est utile surtout
dans les ordres nombreux, parce qu'elle repose l'esprit en permet-
ES
CLASSIFICATION. 381
tant de reconnaître les rapports que plusieurs familles ont entre
elles. C’est la tribu.
L'ordre est une réunion de familles présentant entre elles des
analogies d'organisation frappantes et qui ne se retrouvent pas
dans les autres familles ; 1l comprend, par conséquent, tous les
animaux qui, comparés à tous ceux de la même classe, présentent
une différence sallante d'organisation et un aspect particulier.
La classe enfin est la réunion de tous les ordres et comprend,
par conséquent, tous les animaux d’un même type.
Si nous suivons maintenant une marche inverse, nous verrons
que le règne animal comprend tous les corps organisés animaux
et se divise en quatre embranchements, comme nous l'avons dit
au début de notre première leçon. Le premier de ces embranche-
ments est composé d'animaux ayant tous des vertèbres, mais ap-
partenant à quatre types différents et formant quatre classes dis-
timctes : ce sont les mammifères, les oiseaux, les reptiles et les
poissons. Dans la seconde classe — oiseaux — se trouvent : 1° les
oiseaux de proie ou accipitres, 2° les passereaux, 3° les pigeons,
4° les gallinacés, 5° les gralles ou échassiers, 6° enfin les pal-
mipèdes ou nageurs, formant six ordres bien reconnaissables.
Prenons le premier de ces ordres, et examinons la valeur de
ses divisions ; nous voyons d'abord que parmi les accipitres les
uns sont diurnes et les autres nocturnes. La forme du bec et des
. pattes de ces oiseaux indique l'usage qu’ils peuvent tous en faire,
mais la différence de leur organisation et leur existence diurne
ou nocturne les sépare assez les uns des autres pour permettre de
subdiviser l’ordre en deux sous-ordres : accipitres diurnes, acci-
pitres nocturnes. Le premier de ces sous-ordres se compose d’oi-
seaux ayant des habitudes bien différentes que traduisent parfai-
tement diverses modifications du bec, des pattes, etc. On a dû
alors former des subdivisions pour réunir tous ceux qui vivent de
proie morte et les distinguer de ceux qui attaquent et saisis-
382 DOUZIÈME LEÇON.
sent une proie vivante : ces divisions ou tribus sont établies, l’une
pour les Vautours, l'autre pour les Faucons et les Aigles.
Mais les Vautours, caractérisés surtout par la nudité de la tête
et du cou, la forme et la force du bec, des ongles faibles et peu
crochus, présentent cependant des différences essentielles : ainsi
les uns ont des membranes charnues ou caroncules plus où moins
développées sur la tête et le cou : tels sont les Condors; les antres
n'ont pas de membranes charnues ou n’ont que des plis de la peau
sur la tête et le cou, qui sont couverts d’un duvet court et rare ;
leur bec est plus fort : ce sont les vrais Vautours ; d’autres ont le
bec plus faible, plus charnu, plus allongé : ce sont les Cathartes;
d’autres enfin, avec des habitudes analogues et la plupart des ca-
ractères de la tribu, ont, par exception, la tête et le cou couverts
de plumes et Ia base du bec garnie de faisceaux de poils roïdes et
durs : ce sont les Gypaëtes. Voilà les caractères principaux qui
ont servi à l'établissement de quatre familles. La première de ces
familles ne se compose que d'un genre — Sarcoramphe, compre-
nant deux espèces différentes, le Sarcoramphe-Condor et le Sarco-
ramphe-Papa. La seconde se compose de quatre genres et d’un
plus grand nombre d'espèces, etc. À ces quelques mots sur la
classification, nous ajouterons qu’on ne peut se passer de mé-
thodes lorsque les objets à classer sont multipliés et que beaucoup
se ressemblent et se confondent aux yeux de l'observateur. Elles
ménagent le temps et facihtent l'étude, mais nous verrons qu’elles
ne sont pas l'expression absolue de la marche suivie par la na-
ture. Dans la leçon suivante, nous commencerons l’histoire des
oiseaux de proie, accipitres diurnes.
FIN DU TOME PREMIER.
TABLE DES MATIÈRES
DU TOME PREMIER
DDÉODUURION. SUN He ne co
PRemIÈRE LEÇON. — Organes actifs el passifs du mouvement.
Deuxième LEcox. — Peau, expansions charnues, plaques cornées, épe-
DNS CT AULS DIUNES 17, CA ne re CUIR,
Troisième LEcox. — Système nerveux et sens.
Quarriëne Lecox. Appareil digestif, — Cœur et système vasculaire.
— Organes incubateurs. — Appareil de la respiration. -— Sacs
aériens. — Organes de la voix et du chant. ,
Cinquième LEecon. — Suite des organes de la voix et du chant. —
Conservation de l’espèce. — Organes reproducteurs. . .
SIXIÈNE LEÇON. — Formation et développement de lPœuf; sa forme,
SACOUICUL.6 0 AU
DébHEne dJecon — Fabrication du midi: 2... 6 1
À
; 3
"ii
ET TABLE DES MATIERES. *
Hurriène Leçox. — Ponte. — Incubation. -— Développement de l’em-
HV OU he PR Sn Re Pi NN RP er
Neuvièue Leçon. — Modes dé locomotion : vol, marche, natation. . 281
Dixiène Leçon. -— Distribution géographique. . . . . . . . . . . 507
OA TEEN ES IR NUNS #47 Re 520
Douaëne LEecox. — Instinct, intelligence. — Classification. . . . . 359
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