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Full text of "L'Egypte d'aujourd'hui : son agriculture, son état économique et politique, ses ressources financeères, sa fortune immobilière, et sa dette hypothécaire"

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L'Egypte  d'aujourd'hui 


L'Egypte 


d'aujourd'hui 


SON  AGRICULTURE 

SON  ÉTAT  ÉCONOMIQUE  ET  POLITIQUE 

SES  RESSOURCES  FINANCIÈRES 

SA  FORTUNE  IMMOBILIÈRE 
ET  SA  DETTE  HYPOTHÉCAIRE 


le   Comte   CRESSATY 


PARIS 

LIBRAIRIE    DES    SCIENCES    POLITIQUES    ET    SOCIALES 

MARCEL   RIVIÈRE   ET    C»e 

31,   RUE  JACOB,   ET  1,   RUE  S.UNT-BENOIT 

1912 


^ 


^ 


D 


L    /    M 


A 


INTRODUCTION 


L'importance  considérable  des  capitaux  français  qui, 
depuis  quelques  années,  ont  afflué  en  Egypte^,  le  vaste 
mouvement  d'affaires  qui  s'est  manifesté  dans  cet  admi- 
rable pays,  les  discussions  passionnées  que  la  récente 
crise  égyptienne  a  provoquées  et  dont  on  peut,  aujour- 
d'hui encore,  percevoir  les  échos  d'ailleurs  bien  affai- 
blis, les  bruits  tendancieux  dus  à  des  calculs  intéressés 
ou  aux  suggestions  de  l'ignorance,  les  inévitables  défor- 
mations que  subissent  trop  souvent,  dans  les  esprits, 
les  choses  lointaines,  tout  cela  nous  a  engagé  à  publier 
cette  Étude,  qui,  sous  une  forme  très  succincte  mais 
aussi  complète  que  possible,  est  destinée  à  faire  appa- 
raître sous  son  véritable  jour,  dans  son  entière  réalité,  la 
situation  économique  et  financière  de  l'Egypte. 

Dans  ce  travail,  nous  nous  sommes  attaché  à  ne  rien 


1.  L'Egypte  occupe  le  second  rang,  après  la  Russie,  parmi  les  débiteurs 
de  notre  épargne  nationale;  toutefois,  il  est  bon  de  faire  observer  qu'en  Russie 
les  capitaux  français  sont  allés,  en  majeure  partie,  à  des  emprunts  d'État, 
tandis  qu'en  Egypte  ils  ont  apporté  principalement  leur  concours  au  déve- 
loppement du  commerce  et  de  l'agriculture.  A  ce  point  de  vue,  l'Egypte  occupe 
le  premier  rang. 


--  6  — 

laisser  à  la  fantaisie  ;  nos  renseignements,  nous  les  avons 
puisés  à  des  sources  d'une  autorité  indiscutable  ;  nos 
chiffres,  dont  il  est  facile  de  contrôler  l'exactitude,  nous 
les  avons  demandés  aux  statistiques  officielles.  A  défaut 
d'autres  mérites,  ces  quelques  pages  ont  du  moins  celui 
d'une  parfaite  sincérité. 

Nous  serions  heureux  si  elles  pouvaient  contribuer 
à  mieux  faire  connaître  ce  beau  pays  d'Egypte,  à  mettre  en 
pleine  lumière  ses  ressources,  sa  prospérité  présente  et 
celle  qu'il  est  permis  d'attendre  d'un  avenir  prochain, 
et  à  servir  ainsi,  dans  une  mesure  appréciable,  les  inté- 
rêts de  l'influence  et  de  l'épargne  françaises  sur  la  terre  des 
Pharaons. 


Planche   il 


PREMIÈRE  PARTIE 


CHAPITRE    PREMIER 


Définition  géographique  et  économique  de  l'Egypte.  —  Le  Nil,  ses  origines, 
sa  formation.  —  La  crue  ;  ses  causes.  —  Régime  hydrographique  du 
Nil.  —  Formation  de  la  vallée  du  Nil.-  —  Constitution  du  sol  ;  sa 
fécondité.  —  Travaux  hydrauliques. 


L'Egypte  est  un  vaste  territoire  de  930.000  kilomètres 
carrés  presque  entièrement  désertique,  borné,  au  nord, 
par  la  mer  Méditerranée;  à  l'est,  par  la  Syrie,  l'Arabie, 
le  golfe  d' Akaba  et  la  mer  Rouge  ;  au  sud,  par  le  Soudan, 
et  à  l'ouest,  par  le  désert  de  Lybie.  Les  territoires  égyp- 
tiens d'Asie  comprennent  la  péninsule  du  Sinaï  et  le  gou- 
vernement d'El-Ariche^. 

Cette  définition,  exacte  pour  le  géographe,  ne  l'est  pas 
pour  l'économiste  qui  ne  considère  que  les  terres  habitées 
et  susceptibles  de  produire.  Pour  lui,  l'Egypte  se  réduit  à 

1.  Statistical  Year  Book  of  Egypt  (1909).  Introduction.  (Voir  planche  I.) 


—  10  — 

la  vallée  du  Nil  et  compte  seulement  33.595  kilomètres 
carrés  ;  «  étroite  bande  de  terre  d'alluvion,  longue  comme 
la  tige  filiforme  d'une  plante  que  couronnerait  la  fleur  à 
demi  épanouie  du  Delta,  elle  n'est  que  le  lit  et  l'estuaire 
du  Nili  ». 

«L'Egypte  moderne  mesure  environ  1.000  milles 
d'Alexandrie  à  Ouadi-Halfa.  Sa  largeur,  de  Port-Saïd  à 
Alexandrie,  est  d'environ  200  milles.  Le  sommet  du  Delta 
du  Nil  se  trouve  un  peu  au  nord  du  Caire.  Au  sud  de  ce 
point,  le  pays  habitable  se  rétrécit  rapidement  et  se  trouve 
par  endroits  réduit  à  quelques  mètres  sur  chaque  rive  du 
fleuve  2  ». 

On  sait  le  rôle  du  Nil  en  Egypte  et,  depuis  longtemps, 
il  est  devenu  banal  d'en  vanter  les  bienfaits.  Il  est 
difficile,  cependant,  de  n'en  point  parler  si  l'on  veut 
mettre  en  lumière  les  ressources  exceptionnelles  de 
cette  merveilleuse  contrée  qui  doit  tout  au  fleuve  qui  la 
vivifie, 

Jusqu'en  ces  derniers  temps,  les  sources  du  Nil  étaient 
entourées  d'un  impénétrable  mystère.  Les  anciens  Égyp- 
tiens ne  pouvant  concevoir,  à  la  fois,  la  sécheresse  presque 
absolue  de  leur  climat  et  le  débit  formidable  du  fleuve 
en  temps  de  crue,  lui  avaient  assigné  le  ciel  pour  origine. 
Cette  opinion  nous  est  révélée  par  leurs  bas-reliefs  et 
leurs  papyrus. 

Aujourd'hui,    ce    mystère    est    presque    entièrement 


1.  p.  Arminjon,  La  Situation  économique  de  l'Egypte  (1911),  p.  2. 

2.  Lord  Cromer,  Modem  Egypt,  II,  p.  126. 


—  11  — 

dissipé,  et,  sauf  une  région  restreinte  mal  connue  encore, 
tout  le  bassin  du  Nil  a  été  exploré.  Sa  surface  est  éva- 
luée à  2  millions  803.000  kilomètres  carrés,  la  longueur 
du  fleuve  à  5.592  kilomètres,  depuis  la  chute  du  Ripou, 
au  sortir  du  lac  Victoria- Nyanza,  jusqu'à  la  Méditerra- 
née, à  l'embouchure  de  la  branche  de  Rosette  {planche  II). 
Avant  les  hardis  voyageurs  Livingstone  et  Stanley,  on 
savait  qu'à  la  hauteur  de  Khartoum,  capitale  du  Soudan 
égyptien,  le  Nil  se  partage  en  deux  branches  :  le  Nil  Blanc, 
venu  des  régions  équatoriales,  et  le  Nil  Bleu,  descendu  des 
hauteurs  d'Abyssinie  et  apportant  les  crues  habituelles. 
On  savait  aussi  qu'à  365  kilomètres,  en  aval  de  Khartoum, 
se  jette  une  rivière,  l'Atbara,  qui  descend  également 
des  monts  abyssins. 

Depuis,  de  nombreux  explorateurs  ont  parcouru  en 
tous  sens  les  pays  traversés  par  le  Nil  ou  par  ses  affluents  ; 
les  résultats  de  leurs  recherches  ont  été  réunis  par  le  capi- 
taine Lyons,  ex- directeur  du  Département  égyptien  de 
l'Arpentage,  dans  un  livre,  The  Physiography  of  the  river 
Nil  and  its  basin,  qui  constitue  une  étude  approfondie 
du  régime  hydrographique,  géologique  et  climatologique 
de  la  région  du  Nil. 

D'après  cette  étude,  quatre  régions,  d'inégales  alti- 
tudes, fournissent  le  Nil  d'eaux  pluviales  : 

1°  La  région  des  lacs  équatoriaux  (situés  à  une  altitude 
de  1.300  à  1.500  mètres)  ; 

20  La  crête  séparative  du  bassin  du  Congo  d'avec  celui 
du  Bahr-el-Ghazal  (d'une  altitude  de  800  à  900  mètres); 


—  12  — 

3*^  Le  plateau  d'Abyssinie,  dont  l'altitude  dépasse  2.000 
mètres  ; 

4°  Le  vaste  territoire  (d'une  altitude  inférieure  à  500 
mètres)   qui  s'étend  de  Gondokoro  à  la   Méditerranée. 

La  cause  efficiente  de  la  crue  du  Nil,  c'est,  en  réalité, 
l'Atbara  et  surtout  le  Nil  Bleu,  qui,  venus  des  hauts  pla- 
teaux d'Abyssinie,  se  changent,  au  moment  des  pluies, 
en  torrents  redoutables,  apportant  alors  au  Nil  Blanc, 
qu'ils  rencontrent  à  Khartoum,  des  flots  tumultueux 
chargés  de  limon  fertilisant  et  provoquant  ainsi  ses  débor- 
dements. 

Si  le  volume  d'eau  fourni  par  les  affluents  de  la  région 
équatoriale  est  très  régulier  et  peut  être  évalué  à  500  mètres 
cubes  par  seconde  pour  l'année  entière,  il  n'en  va  pas  de 
même  pour  le  débit  des  affluents  abyssins  qui  est  extrê- 
mement variable  et  passe  de  50  mètres  cubes,  en  étiage, 
de  décembre  à  mai,  à  15.000  mètres  cubes,  au  plus  fort 
de  la  crue,  entre  juillet  et  octobre. 

Tous  ces  éléments  sont  nettement  définis  et  exac- 
tement contrôlés  :  41  nilomètres,  posés  par  l'administra- 
tion, le  long  du  fleuve,  mesurent  son  débit  ;  et  les  223  sta- 
tions météorologiques  de  la  région  du  Nil  et  des  régions 
avoisinantes  donnent  de  précieux  renseignements  sur 
l'importance  des  pluies.  D'ici  peu,  grâce  à  ces  données, 
le  service  de  l'arpentage  sera  en  mesure  de  prévoir,  d'une 
saison  à  l'autre,  les  principales  circonstances  des  crues  à 
venir. 

Tout    cela    montre    que   l'administration,    justement 


—  13  — 

préoccupée  de  suivre  les  mouvements  quotidiens  du  régime 
hydrographique  du  fleuve,  ne  néghge  aucun  moyen 
pour  atteindre  ce  but. 

Gomment  le  Nil  s' est- il  frayé  un  chemin  jusqu'à  la  mer? 
Les  principaux  géologues  sont  aujourd'hui  d'accord  pour 
reconnaître  que  la  vallée  et  le  Delta  sont  l'œuvre  du 
fleuve  lui-même  qui,  au  temps  où  il  traçait  son  cours, 
creusa  le  bas  plateau  désertique  qui  constitue  le  sol 
général  de  l'Egypte  et  fit  de  la  vallée  actuelle  son  lit,  et 
du  Delta  son  estuaire.  A  ce  sujet,  l'introduction  du  Sta- 
tistical  Year  Book  of  Egypt  {1910),  rédigée  par  la  section  de 
l'arpentage,  s'exprime  ainsi  :  contrairement  à  l'opinion 
qui  attribue  l'origine  de  la  vallée  à  une  dépression  du 
sol,  de  nombreux  éléments  permettent  d'affirmer  qu'il 
faut  y  voir  le  résultat  d'un  travail  d'érosion  produit  par 
le  cours  du  Nil. 

Ce  travail  achevé,  le  fleuve,  passant  au  régime  de  recons- 
titution, s'est  livré  à  un  travail  de  comblement  qui  se 
continue  encore,  mais  sur  une  moins  grande  échelle  que 
par  le  passé. 

Chaque  année,  notamment  pendant  la  période  de 
la  crue,  ses  eaux,  chargées  des  débris  provenant  de 
la  trituration  [des  roches,  arrachées  aux  sommets  et 
aux  versants  nord  et  ouest  du  plateau  abyssin  et  broyées 
par  le  courant,  viennent  recouvrir  le  sol  de  la  vallée  et 
du  Delta  d'une  couche  uniforme  de  limon  épaisse  d'un 
millimètre  et  dont  le  volume,  d'après  la  surface  des  terres 
qu'elle  recouvre,  représente  33  millions  de  mètres  cubes. 


—  14  — 

Gomme  la  plupart  des  grands  fleuves,  le  Nil  contient 
dans  ses  eaux,  soit  en  dissolution,  soit  en  suspension, 
tous  les  éléments  fertilisants  du  sol^,  dont  la  compo- 
sition ne  diffère  de  celle  du  limon  du  fleuve  que  dans  les 
proportions  des  matières  qui  les  constituent.  Cette  com- 
position varie  suivant  les  régions,  d'après  la  position  que 
celles-ci  occupent  par  rapport  aux  canaux  d'alimenta- 
tion, les  plus  voisines  recevant  les  matières  plus  denses, 
tandis  que  les  plus  éloignées  recueillent  le  surplus  par 
ordre  de  densité  et  en  proportion  inverse  de  leur  éloigne- 
ment  de  ces  canaux. 

La  composition  du  sol  et  de  l'eau  du  Nil  étant  connue, 
on  comprend  de  quelles  puissantes  ressources  alimentaires, 
sans  cesse  renouvelées,  disposent  les  plantes  cultivées  dans 
le  pays.  Mais  voici  ce  qui  en  fera  mieux  encore  apprécier 

1.  Voici,  à  ce  sujet,  un  tableau  comparatif  de  la  composition  des  eaux 
du  Nil  et  de  celle  du  sol  que  nous  extrayons  de  The  Egyptian  Agriculture, 
ouvrage  en  deux  volumes  publié  par  le  Ministère  égyptien  de  l'Instruction 

publique  (t.  I,  p.  15)  : 

Matières  en             Bon  sol  Bon  sol 
suspension  dans  à  Tantah  à  Matai 
les  eaux  du  Nil            (Basse-  (Haute- 
Éléments,                       pendant  la  crue.  Egypte).  Pgypte). 

Potasse 0,53  0,55  0,76 

Soude 0,57  0,58  0,74 

Chaux 3,07  3,38  4,47 

Magnésie 2,68  2,88  2,89 

Oxyde  de  manganèse 0,25  0,22  0,26 

Oxyde  de  fer  et  d'alumine..  25,56  23,36  24,39 

Acide  phosphorique 0,25  0,20  0,28 

Acide  carbonique . .    0,73  0,67  1,10 

Chlore 0,00  0,09  0,10 

Matières  organiques 8,82  7,79  7,78 

Matières  insolubles  et  sables.  57,54  60,28  57,23 

Azote 0,146  0,07  0,095 

ÏÔÔ  ÎÔÔ  ^ÔÔ 


—  15  — 

l'importance.  Depuis  que  le  Nil  est  entré  dans  son  stade 
de  réédification,  —  et  cela  remonte  à  plusieurs  milliers 
d'années,  —  ses  apports  annuels  de  limon  ont  fini  par 
former  une  couche  dont  l'épaisseur  varie,  en  moyenne, 
entre  15  et  25  mètres. 

Enfin,  pour  comprendre  comment  cette  couche  couvre 
la  totalité  du  territoire  habité,  il  faut  se  rappeler  que, 
dans  la  saison  de  la  crue,  les  eaux  débordant  de  leur 
lit  s'étendaient  des  deux  côtés  en  une  nappe  immense 
allant  d'Assouan  (extrême-sud)  jusqu'à  la  Méditerranée 
sur  une  longueur  de  1.050  kilomètres.  Il  est  vrai  qu'avec 
la  conversion  à  l'irrigation  pérenne  des  quatre  cinquièmes 
de  cette  étendue,  —  travail  entrepris  dans  la  première  moi- 
tié du  siècle  dernier  et  achevé  tout  récemment,  —  le  régime 
de  l'inondation  ne  s'observe  plus  que  dans  les  quatre  pro- 
vinces du  Sud.  Malgré  cette  conversion,  le  sol  n'en  con- 
tinue pas  moins  à  recevoir,  dans  sa  totalité,  la  couche 
habituelle  qui,  maintenant,  lui  est  apportée  par  les  canaux 
d'irrigation. 

De  tout  ce  qui  précède  ressort  avec  évidence  la  confirma- 
tion de  cette  vérité  que  l'Égyptedoit  tout  au  Nil,  ou,  comme 
l'a  dit  avec  tant  d'élégance  le  père  des  historiens  :  V Egypte 
est  un  don  du  Nil.  Après  l'avoir  arrachée  au  désert  en 
sapant  graduellement  sa  surface  jusqu'au  niveau  naturel 
de  la  vallée,  il  l'a  reconstituée  des  matériaux  d'origine 
volcanique  qu'il  enlève  chaque  année  au  plateau  d'Abys- 
sinie,  ainsi  que  des  débris  organiques  qu'il  recueille  sur 
sa  route,  et  l'a  dotée  de  tous  les  éléments  de  la  vie.  Nul 


—  16  — 

autre  facteur  ne  collabore  avec  lui  à  son  entretien.  Ce  n'est 
pas  la  pluie,  rare  en  certaines  régions,  presque  totalement 
inconnue  dans  les  autres,  qui  y  contribue.  Le  Nil  supplée 
à  tout,  et  dans  quelle  mesure  !  Et  avec  quel  avantage  ! 
De  même  que  c'est  à  lui  qu'est  due  la  formation  de  la 
vallée  et  du  Delta,  c'est  encore  à  lui  qu'incombe  le  soin 
de  pourvoir  à  leur  existence. 

Il  faut  tenir  compte  aussi,  en  dehors  de  la  fertilisation 
du  sol  par  le  Nil,  d'un  phénomène  unique  au  monde  qui 
assure  à  la  terre  d'Egypte  son  extraordinaire  fécondité. 

Un  des  étonnements  qu'éprouve  un  nouveau  venu  en 
Egypte,  c'est  d'y  voir  des  récoltes  obtenues  sans  labour 
et  sans  engrais,  récoltes  dont  les  résultats  ne  le  cèdent 
ni  en  quantité  ni  en  qualité  à  celles  qui,  dans  les  autres 
parties  du  pays,  sont  l'objet  des  soins  les  plus  attentifs. 
Dans  toute  la  partie  de  la  H  au  te- Egypte  encore  soumise 
au  régime  de  l'irrigation  par  bassin,  le  labourage  est 
inconnu.  Sitôt  le  retrait  des  eaux  de  crue  qui  y  ont  sé- 
journé trois  mois  et  demi,  les  semailles  sont  faites  sans 
le  moindre  labour. 

L'explication  de  ce  fait  a  été  donnée  dans  de  nom- 
breuses publications.  Voici  ce  qu'en  dit  M.  J.  Barois^  : 

«  Après  que  les  eaux  se  sont  retirées,  la  terre  se  dessèche 
«  peu  à  peu  ;  au  bout  de  quelque  temps,  comme  elle  est 
«  très  argileuse,,  elle  se  rétracte,  se  fend,  est  bientôt 
«  coupée  par  des  crevasses  nombreuses  et  profondes  qui 

1.  Les  Irrigations  en  Egypte,  p.  80. 


—  17  — 

«  s'enfoncent  dans  le  sol  et  se  subdivisent  en  fissures  de 
«  plus  en  plus  minces  ;  pendant  toute  la  saison  du  repos 
«  de  la  terre,  le  sol  est  ainsi  préparé  pour  une  aération 
«  parfaite  ;  l'oxygène  et  l'azote  de  l'air  pénètrent  dans 
«  les  ramifications  des  crevasses  et  entrent  en  contact 
«  intime  avec  les  particules  terreuses  dans  toute  l'épais- 
«  seur  de  la  couche  active  du  sol.  Les  eaux  d'inondation, 
«  arrivant  ensuite,  emprisonnent  cet  air  qui,  se  trouvant 
«  très  divisé,  est  évidemment  plus  apte  à  être  dissous 
«  facilement  et  à  être  transformé  en  produits  qui  seront 
«  ensuite  assimilés  par  les  racines  des  plantes.  Cette 
«  aération  si  complète  de  la  terre  pendant  la  période  de 
«  sécheresse  des  bassins  permet  de  supprimer  tout  lahou- 
«  rage  avant  l'ensemencement  qui  suit  immédiatement 
«  le  retrait  des  eaux.  » 

«  Le  sol  de  l'Egypte,  écrit  de  son  côté  Ghélu  beyi, 
«  peut  ainsi  réaliser  deux  récoltes  sans  qu'il  soit  besoin  de 
«  faire  intervenir  la  charrue,  condenser  dans  ses  pores 
«  le  maximum  d'acide  carbonique,  d'oxygène,  d'ozone 
«  et  d'azote  prêts  à  se  transformer  et  à  se  combiner  de 
«  façon  à  former  des  bicarbonates,  de  l'acide  azotique, 
«  des  sels  ammoniacaux,  etc..  Notons  aussi  que  l'action 
«  capillaire,  parfaite  dans  les  conditions  qui  viennent 
«  d'être  indiquées,  intervient  pour  concentrer,  à  la  por- 
«  tée  des  plantes,  les  matériaux  nourrissants  élaborés 
«  et  lentement  aspirés.  » 

1.  Le  Nil,  le  Soudan  et  l' Egypte,  p.  204  et  205. 


—  18  — 

Nous  avons  ainsi  en  présence  les  éléments  que  voici  : 
dans  l'atmosphère  :  de  l'azote,  de  l'oxygène,  de  l'ozone, 
de  l'acide  carbonique;  dans  la  terre,  de  l'argile  divisée,  des 
sels  alcalins  et  de  l'oxyde  de  fer,  c'est-à-dire  tous  les 
éléments  d'une  nitrière  artificielle  intensive. 

Toutefois,  pour  que  le  Nil  accomplisse  au  mieux  sa 
fonction,  l'aide  des  hommes  est  indispensable,  sinon  ses 
débordements  causeraient  parfois  des  désastres.  II  a  fallu 
élever  des  digues,  creuser  des  canaux,  établir  des  réser- 
voirs artificiels  et  combiner  des  systèmes  d'irrigation. 
Pour  répondre  aux  besoins  sans  cesse  grandissants  du 
pays,  le  fleuve  a  été  aménagé  selon  les  procédés  les  plus 
perfectionnés  de  l'hydraulique.  Ses  eaux,  toujours  char- 
gées des  mêmes  éléments  et  à  peu  près  dans  les  mêmes 
proportions,  vont  répandre  la  fécondité  sur  la  totahté 
du  territoire  habité  qu'elles  desservent.  Un  réservoir, 
le  plus  vaste  du  genre,  qui  emmagasine  un  milliard  de 
mètres  cubes  d'eau  et  doit  prochainement  être  en  état 
d'en  recevoir  /  milliard  SOO  millions  de  plus,  ce  qui  por- 
tera sa  capacité  à  '2  milliard  SOO  millions  de  mètres  cubes, 
pare  aux  insuffisances  de  son  débit  en  temps  d'étiage. 
Quatre  grands  barrages  {planche  I),  deux  dans  la  Haute- 
Egypte,  à  Assiout  et  à  Esneh,  et  deux  dans  la  Basse- 
Egypte,  ceux  de  Galioub  et  de  Zifteh.  régularisent  le 
niveau  des  distributions  d'eau  ;  une  multitude  de  canaux 
de  toutes  sections  et  de  toutes  longueurs,  depuis  le  canal 
Ibrahimieh,  long  de  314  kilomètres,  large  de  40  mètres  au 
plafond,  qui  dessert,  à  la  fois,  trois  provinces  de  la  Haute- 


—  19  — 

Egypte,  jusqu'à  ceux  qui  ne  font  qu'un  service  local, 
sillonnent  le  pays  en  tous  sens. 

Tout  cet  ensemble  constitue  un  immense  réseau  qui 
couvre  le  pays,  lui  fournissant  toutes  les  ressources  né- 
cessaires aux  irrigations,  à  l'alimentation  et  aux  trans- 
ports. A  ce  dernier  point  de  vue,  nous  pouvons  ajouter 
que  le  développement  des  canaux  navigables  est  actuel- 
lement de  3.540  kilomètres,  ce  qui  est  considérable  par 
rapport  à  la  surface  restreinte  du  territoire  habité. 
Terminons  en  disant  qu'un  réseau  de  drains,  qui  se  déve- 
loppe de  plus  en  plus,  assure  l'assainissement  du  sol 
en  recevant  le  trop-plein  des  eaux  d'arrosage. 


CHAPITRE  II 


CLIMAT 


Conditions  climatériques.  —  Les  saisons;  leur  régularité.  —  La  tempéra- 
ture ;  ses  moyennes.  —  Le  Khamsin.  —  Les  trois  facteurs  essentiels 
de  la  prospérité  agricole. 


Mais  si,  au  point  de  vue  de  la  richesse  du  sol  et  du 
régime  des  eaux,  l'Egypte  est  le  pays  le  plus  favorisé, 
elle  ne  l'est  pas  moins  au  point  de  vue  du  climat. 

Par  sa  situation  géographique,  l'Egypte  appartient  à  la 
zone  chaude  ;  toutefois,  par  sa  configuration  générale, 
elle  jouit  d'un  climat  qui  n'a,  croyons- nous,  d'analogue 
nulle  part  ailleurs.  Bornée,  au  nord,  par  la  Méditerranée,  à 
l'est,  par  la  mer  Rouge  et  le  canal  de  Suez  qui  relie  ces 
deux  mers,  enfermée,  d'autre  part,  entre  les  deux  grands 
déserts  qui  la  bordent  à  l'est  et  à  l'ouest,  elle  est,  grâce 
à  cette  situation,  l'une  des  contrées  qui  offrent  le  moins 
de  variations  climatériques.  Non  seulement  les  saisons  y 


—  21  — 

sont  d'une  régularité  presque  absolue,  mais  il  s'y  rencontre 
un  état  particulier  qui  en  rend  le  séjour  très  supportable 
même  au  mois  de  juillet,  le  plus  chaud  de  l'année.  Placée, 
d'un  côté,  à  la  limite  nord  de  la  région  parcourue  par  les 
vents  alizés  1,  dont  la  bande,  dans  sa  course  au  nord, 
s'arrête  à  la  hauteur  d'Assiout,  et,  de  l'autre,  enfermée, 
comme  nous  l'avons  dit,  entre  deux  immenses  déserts 
qui,  la  nuit,  rayonnent  avec  intensité  la  chaleur  reçue 
pendant  le  jour,  il  s'établit,  de  ce  double  fait,  àAssiout, 
une  zone  de  haute  pression  continue  ayant  pour  effet 
de  refouler  vers  les  régions  équatoriales  l'air  sec  et  chaud 
du  désert,  et  de  remplacer  celui-ci  par  un  apport  d'air 
frais  venant  de  la  Méditerranée. 

Ainsi,  malgré  la  chaleur  parfois  écrasante  du  jour,  et 
sauf  dans  les  rares  journées  de  Khamsin,  où  le  phéno- 
mène se  produit  à  une  heure  plus  avancée  de  la  nuit, 
aussitôt  que  le  soleil  est  arrivé  au  bout  de  sa  course,  l'air 
se  rafraîchit  par  l'arrivée  d'un  courant  continu  de  la 
mer.  Ce  phénomène  est  tout  l'opposé  de  celui  qui  se 
produit  partout  au  voisinage  de  celle-ci.  Le  jour,  moins 
échauffée  que  la  terre  sèche,  la  mer  envoie  une  brise  ra- 
fraîchissante, tandis  que,  la  nuit,  c'est  de  la  terre  sèche 
que  souffle  la  brise.  Grâce  à  cette  particularité  qui  carac- 
térise le  climat  de  l'Egypte,  il  s'y  produit,  entre  la  tempé- 


1.  On  sait  que  la  bande  des  alizés,  dont  la  largeur  est  d'environ  200  kilo- 
mètres, suit  le  mouvement  apparent  du  soleil  d'un  côté  à  l'autre  de  l'équateur, 
passant  avec  lui  au  sud  en  hiver  et  remontant  au  nord  en  été.  Dans  sa  course 
au  nord,  la  bande  arrive  jusqu'à  Assiout,  qui  est  à  270,11  de  l'équateur,  puis, 
de  là,  retourne  vers  le  sud  avec  le  soleil. 


—  22  — 

rature  la  plus  chaude  et  la  température  la  plus  froide,  un 
écart  dépassant  15^  et,  dans  certaines  régions  même,  20^  en 
vingt- quatre  heures.  A  un  autre  point  de  vue,  ainsi  que 
le  fait  remarquer  fort  justement  l'Annuaire  statistique  de 
V  Egypte  (1910),  déjàcité,  la  prédominance  du  vent  du  Nord 
constitue  un  facteur  économique  très  important,  en  per- 
mettant aux  voiliers  de  remonter  le  fleuve  pour  aller  au 
Sud,  tandis  que  son  courant  leur  fait  suivre  le  chemin 
opposé  pour  revenir  au  Nord. 

D'après  les  publications  officielles i,  les  moyennes 
de  la  température  sont  de  10°  en  hiver  et  de  30<^  en  été, 
sauf  de  faibles  variations  correspondant  à  la  situation  des 
diverses  régions.  Au  point  de  vue  général,  il  est  bien  rare 
que  le  thermomètre  descende  à  0°  ou  s'élève  au-dessus 
de  35» 

D'autre  part,  le  vent  brûlant  du  désert,  qui  souffle 
depuis  le  commencement  du  printemps  jusqu'à  la  fm  de 
l'été  sur  les  autres  parties  de  l'Afrique  du  Nord  et  dont 
les  effets  sont  souvent  désastreux  pour  l'agriculture  de 
ces  contrées,  est  absolument  inofîensif  en  Egypte  ^  ; 
outre  qu'il  y  est  beaucoup  moins  chaud,  il  ne  se  fait  sentir 
que  durant  une  très  courte  période,  de  la  seconde  quin- 
zaine d'avril  à  la  première  quinzaine  de  juin,  soit  pen- 


1.  Stalislical  Year  Book  of  Egypt  (1909),  p.  7. 

2.  Suivant  une  communication  faite,  le  11  avril  dernier,  à  la  Cairo  Scien- 
tific  Society,  par  M.  L.  Balls,  botaniste  attaché  au  service  de  la  Société  khé- 
diviale  d'Agriculture,  le  Khamsin  exercerait  une  influence  heureuse  sur  le 
développement  du  cotonnier,  dont  la  croissance  est  beaucoup  plus  rapide 
lorsque  l'air  est  chaud  et  le  soleil  voilé.  {Journal  du  Caire,  12  avril  1911). 


—  23  — 

dant  une  cinquantaine  de  jours,  d'où  son  nom  de  Kham- 
sin. 

Son  apparition  n'a  lieu,  du  reste,  qu'à  l'époque  où, 
comme  l'indiquent  nos  tableaux,  les  cultures  d'hiver  sont 
entrées  dans  la  période  de  maturité,  tandis  que  le  cotonnier, 
nouvellement  semé,  est  encore  dans  la  période  de  germi- 
nation, ce  qui,  de  part  et  d'autre,  est  sans  conséquence 
sur  leur  développement. 

Ainsi  donc,  grâce  à  ces  trois  facteurs  essentiels  de  la 
prospérité  agricole  :  la  nature  du  sol,  l'eau  et  la  tempé- 
rature, l'Egypte  occupe  incontestablement  le  premier 
rang  dans  le  monde. 

«  Dans  aucun  autre  pays,  écrit  lord  Cromer^,  l'agri- 
«  culteur  n'a  moins  à  redouter  les  hasards  et  les  troubles 
«  des  saisons.  Il  est  vrai  que,  si  le  Nil  est  extraordinaire- 
«  ment  haut  ou  bas,  le  cultivateur  est  plus  ou  moins 
«  exposé  aux  dangers  de  l'inondation  ou  de  la  sécheresse. 

«  Mais  il  y  a  une  énorme  différence  entre  les  risques  de 
«  ce  genre  et  ceux  que  court  la  culture  dans  les  pays 
«  dépendant,  pour  leur  approvisionnement  d'eau,  de  la 
«  chute  des  pluies  ;  car,  si  aucune  force  humaine  ne  peut 
«  augmenter  ou  diminuer  la  quantité  de  pluie  qui  tombe 
«  des  nuages,  il  est  au  pouvoir  de  l'homme  de  régler  l'eau 
«  du  Nil,  comme  de  restreindre,  sinon  de  conjurer,  les 
«  dangers  de  l'insuffisance  ou  de  l'excès  d'eau.  Dans  ce 
«  pays  extrêmement  favorisé,   la  nature  semble  avoir 

1.  Modem  Egypt,  II,  p.  456. 


—  24  — 

«  dit  à  l'homme  :  «  Je  t'accorde  les  conditions  les  plus 
«  favorables  pour  cultiver  le  sol  :  un  climat  vivifiant,  un 
«  approvisionnement  d'eau  assuré  et  un  élément  ferti- 
«  lisant  naturel,  qui,  avec  très  peu  d'effort  de  ta  part, 
«  renouvelleront  chaque  année  les  puissances  productives 
«  du  sol  ;  c'est  à  toi  de  perfectionner  à  ton  avantage  les 
«  dons  que  je  t'ai  prodigués.  » 


CHAPITRE  III 


PRODUITS    DU     SOL 


Les  saisons  agricoles.  —  Terres  soumises  au  régime  de  l'irrigation  pérenne. 
—  État  de  leur  exploitation  et  résultats  de  cette  exploitation  par 
termes  de  deux  ans.  —  Combinaisons  culturales  ;  leurs  revenus  compa- 
ratifs. 


Maintenant  que  nous  avons  exposé  brièvement  les  con- 
ditions physiques  du  milieu,  passons  à  l'examen  de  sa 
production  agricole. 

Dans  les  deux  tableaux  (I  et  II)  ci- après  nous  avons 
résumé,  d'un  côté,  en  mesures  égyptiennes  et,  de 
l'autre,  en  mesures  françaises,  les  résultats  de  l'ex- 
ploitation agricole  du  pays^.  (Voir  planches  III  et 
IV.) 


1.  Nous  n'y  avons  fait  figurer  que  quelques-uns  des  principaux  produits 
de  la  grande  culture.  Pour  compléter  nos  renseignements,  nous  croyons  utile 
de  donner  tout  au  moins  l'indication  des  autres  produits  de  cette  catégorie 
et  des  régions  d'oii  ils  proviennent.  En  voici  la  liste  telle  qu'on  peut  la  consti- 
tuer d'après  les  ouvrages  consacrés  à  l'agriculture  égyptienne  : 

Sésame,  cultivé  dans  la  Basse-Egypte  et  dans  le  Fayoum  ; 

Indigo,  cultivé  au  Fayoum  ; 

Arachide,  dans  les  sols  sablonneux  ; 


—  26  — 

Le  premier  tableau  fait  connaître  la  répartition  des 
saisons  agricoles,  qui  sont  au  nombre  de  trois  :  Nili  (de 
l'époque  de  la  crue),  Chetoui  (d'hiver),  Saifl  (d'été),  ainsi 
que  les  résultats  moyens  des  cultures  de  chacune  d'elles. 
Il  a  été  composé,  ainsi  que  le  suivant,  avec  des  éléments 
recueillis,  soit  sur  place,  soit  dans  quelques  publications 
spéciales  au  nombre  desquelles  nous  citerons  VAlmanach 
officiel  du  Service  de  r Arpentage  et  les  rapports  annuels 
de  l'Administration  des  Domaines  de  l'État  Égyptien. 
Nous  y  avons  condensé  toutes  les  indications  pouvant 
rendre  compte  de  l'état  de  l'exploitation  du  sol. 

Dans  le  second  tableau,  et  en  nous  aidant  des  éléments 
contenus  dans  le  premier,  nous  avons  montré  les  résultats 
généraux  de  cette  exploitation. 

Ce  tableau  montre  notamment  qu'on  peut  obtenir  deux 
récoltes  par  an.  Les  statistiques  agricoles  l'établissent 
par  ailleurs  et  nous  apprennent  que,  pour  une  superficie 
de  terre  cultivée, .  ayant,  en  1908-1909,  atteint  5.373.982 
feddans,  il  y  a  eu  7. 670. 544  f eddans  de  cultures  ;  ce  qui 
prouve  que,  sur  les  5.373.982  feddans  ci- dessus,  2.296.562, 
ou  les  42,73  0/0  ont  reçu  plus  d'une  culture  ^ 

Nos  deux  tableaux  donnent  une  idée  très  nette  de  la 
fertilité  du  sol  ;  remarquons  toutefois  que  les  rendements 


Pois  chiches,  dans  les  terres  à  bassins  et  autour  des  villes  ; 

Fenugrec,  dans  la  province  de  Queneh  (Haule-Égypte)  ; 

Lupin,  dans  les  terres  sablonneuses  ; 

Henné,   dans   la   province   de   Charkyeh    (Basse-Egypte)  ; 

Carlhame,  dans  les  provinces  de  Queneh  et  de  Guirgué  (Haule-Égypte)  ; 

Chanvre  et  lin,  sur  tout  le  territoire  cultivé. 

1.  Annuaire  statistique  de  l'Egypte  (1910),  p.   238. 


—  27  — 

qui  y  sont  indiqués  ne  se  rapportent  qu'à  la  grande  pro- 
priété. Pour  la  petite  propriété,  en  raison  surtout  de  la 
densité  de  la  population  agricole,  les  rendements  sont 
supérieurs  à  ceux  de  la  grande  propriété,  grâce  aux  soins 
plus  minutieux  qu'elle  peut  recevoir.  En  outre,  aux  deux 
récoltes  de  la  grande  culture,  elle  ajoute  les  produits  de 
l'exploitation  maraîchère,  qui  trouvent  un  large  débouché 
dans  les  nombreux  centres  du  pays. 

Examinons  maintenant  la  qualité  et  la  richesse  des 
produits.  Le  premier  rang  parmi  ces  derniers  appartient 
incontestablement  au  coton  ;  aussi  croyons- nous  devoir 
lui  consacrer  une  courte  notice. 


—  28  — 

TABLEAU  I 

Agriculture  Égyptienne 


Terres  soumises  au  régime  de  l'irrigation  pérenne 
État  d'exploitation  des  terres 

(en   feddans  et  en  livres  égyptiennes) 


-> — r       -     -:■  ■' ■„.-:■  -  - 

NATURE 
des 

CULTURES. 

DURÉE 

de 
chaque 

CULTURE. 

RENDEMENT 

MOYEN 

par 
feddan. 

PRIX 

d'expor- 
tation 
d'après 
les 

douanes. 

REVENU    MOYEN    DU    FEDDAN 
PAR    CULTURE 

REVENU  BRUT 

par  feddan. 

FRAIS  GENERAUX  par  feddan 

compris  fermage 

et  eau  d'irrigation. 

REVENU  NET 

non 
compris 
l'impôt. 

Incultures  d'hiver: 

Blé 

Jours. 
180 

165 

135 

150 
85 

210 

)    6  ardebs  de  grains. 

'    6  charges  de  paille, 

10  ardebs  de  grains. 

5  charges  de  paille. 

8  ardebs  de  grains. 

0  charges  de  paille. 
^    6  ardebs  de  grains. 

3  charges  de  paille. 

p.  T. 

100 
50 

68 
40 

83 
18 

100 
85 

P.  T. 

600^ QKc 
255  ^  ^^^ 
600 

1.050 

P. T. 

810 

240 

280 

280 
100 

150 

P.  T. 
590 

640 

524 

625 
500 

900 

Orge 

Fèves 

Lentilles 

Bersim  2  coupes- . . 

(espèce  de  trèfle) 
Bersim     4    coupes 
et  semences 

2<>  Cultures  d'été  : 
Coton 

9  mois 

2  ans 

70  jours 
180  jours  ■ 

6  kantars  bourre. 

3  ardebs  de  graines. 
2  charges  bois. 

Ife  an.  700  kantars. 
2c  — 500    — 

1.200 
3 1/2  ard.de  grains. 
2  charges  de  paille. 
5  ardebs  de  grains. 

4  charges  de  paille. 

(1) 
300 

mémoire 
mémoire 

3 

195 
8 

195 
8 

1.800 
3.600 

615 
1.060 

830 
450 

1.185 

2.540 

(1270  parai) 

368,5 
557 

Canne  à  sucre 

/Sabiini 

Riz. 

^Sultani 

3"  Cultures  intercalaires 
de  printemps  ou  d'automne: 

Mais  (Blé  de  Turquie) 

Dourah  (Sorgho) 

120  jours 
100  jours 

8  ardebs  de  grains. 
8  bottes  de  paille. 
8  ardebs  de  grains. 
6  bottes  de  paille. 

67 

7 

67 

7 

1!l   i  ^»2 

'Il     !    "8 

240 
230 

852 
848 

(1)  L'usage  s'est  établi,  en  matière  d'estimation,  de  compter  le  coton  avec  ses  sous- 
produits  à  raison  de  P.  T.  300  le  kantar  ;  nous  nous  y  conformons,  quoique  dans  ces 
dernières  années  les  cours  aient  de  beaucoup  dépassé  ce  chiffre.  Si  nous  avions  pro- 
cédé d'après  la  moyenne  de  ces  cours,  le  revenu  net  de  la  culture  se  fût  élevé  à  près 


—  29  — 
TABLEAU  I 

Agriculture .  Égyptienne 


Terres  soumises  au  régime  de  l'irrigation  pérenne 

État    d'exploitation    des    terres 

(en  hectares  et  en  francs) 


NATURE 
des 

CULTURES. 


1°  Cultures 
d'hiver 

Blé 

Orge 

Fèves 

Lentilles 

Bersim 

(espèce  de  trèfle) 
2  coupes 

4  coupes  et  semences 

2°  Cultures 

d'été 
Coton 


Canne  à  sucre 
V  Sabiini. . 


DURÉE 

de 
chaque 

CULTURE. 


RENDEMENT 

MOYEN 

par 

hectare. 


180  jours 

165 

135 

150 
85 

210  jours 


28,28  hectol.de  grains 
14,2  charges  de  paille. 
J  47,14  hectol,  degrains 
(    11,9  ch.  de  paille. 
(37,71  bectol.de  grains, 
(    11,9  ch.  de  paille. 
28,28  hectol.  de  grains. 
7,1  ch.  de  paille. 


PRIX 

d'expor  • 

tation 

d'après 

les 

douanes, 


Fr.  c. 

13,09 
12,96 

8,90 
10,36 
10,86 

4,66 
13,09 
22,03 


REVENU  MOYEN  PAR  HECT. 

PAR  CULTURE 


REVENU  BRUT 

par  hectare. 


Fr.  c. 

370.20^ 
184,05^^°*"*^ 
419.55/ 
123,30^^^^'^^ 


409,55 


465,00 


55,45 
370,20 
157,30  S  ^^^'^" 
370,20 

648,10 


^    bD.Z 

«^   a   ce 


S  s"  g 


Fr.  c. 
191,35 
148,15 
141,95 

141,95 
61,70 

92,60 


REVEND  NET 

non 
compris 
l'impôt. 


Fr.    c. 

362,90 

394,70 

323,05 

385,55 
308,50 

555,50 


Biz. 


Sultani. 


70  jours 
180  jours 


641  kgs  828  de  bourre' 

173,09  »/ok. 

14,i4  hectol.de  graines' 

mémoire 

4,7  charges  de  bois. 

mémoire 

le  année;  74.880  kil 

2e    _   53.485,7  kil. 

l,73o/ok. 

Ik365,7kil. 

16,50  hectol.  de  grains 

25,53 

4,7  ch.de  paille. 

2,07 

23,57  hectol.  de  grains. 

25,53 

9,5  ch.de  paille. 

2,07 

1.110,95 


2.220,70 

^^i'S!  430,95 
9,70  i 

601,75 


19,45 


621,20 


379,60 


654,25 
203,70 

277,75 


731,35 


1.566,45 
783,225 

(pour  un  an) 

227,25 


343,45 


3°  Cultures 

intercalaires  de    prin- 
temps et  d'automne  : 

Maïs 

(Blé  de  Turquie) 

Donrah 

(Sorgho) 


1  on  •       i  ^^'^'  hectol.  degrains. 
■'       (  19  bottes  de  paille. 


100  jours 


37,71  hectol.  degrains, 
14,2  bottes  de  paille. 


8,76 
1,81 
8,76 
1,81 


IS:!?!"»*.'^ 


330,35 1 
27,70 


356,05 


148,15 
141,95 


216,60 
214,10 


de  P.  T.  1.400  au  lieu  de  1.185  que  nous  a  données  le  calcul  au  prix  global  de    P.   T. 
300. 

Valeur  de  la  livre  égyptienne  =  p.  T.  100  =  25  fr.  9235.  —Valeur  du  franc  =  P.  T.  3,8575.  — 
V aleur  duf eddan  =  4.200  mq. —Valeur  de l'ardeb  =  198  litres.  — Valeur  du  kantar  =  44  kg.928. 


30  — 


TABLEAU  II 

Agriculture  Égyptienne 


Résultats  de  l'exploitation  des  terres  par  terme  de  deux  ans 

Revenus  comparatifs  du  sol 

suivant  les  cultures  exploitées  dans  la  période  considérée 

(en  feddans  et  en  livres  égyptiennes) 


DÉSIGNATION 

DES   CULTURES 

remplissant  le  cycle 
de  deux  ans. 

REVENU 

NET 

par  culture 
et  par 
feddan, 

sauf  déduc- 
tion de 
l'impôt 
foncier. 

IMPOT 

FONCIER 

(taxe 

maxima 

applicable 

aux 
terrains 

de  la 
catégorie 
étudiée). 

REVENU 

NET 

annuel 

du  feddan, 

toutes 

charges 

déduites. 

VALEUR 

VÉNALE 

du  feddan 

sur  la  base 

de  L.   E. 

25  par 

kantar 

de  coton 

de 

rendement. 

VALEUR 

par 

capitalisation 

DU  REVENU 

ù  6  "/c. 

i''°  combinaison. 
Culture  cotonnière  : 

Coton.  Mars  à  Novembre  — 

Bersim (4 coupes).  Nov.aJuin, . 
(Repos  :  Juillet-Août.) 

Maïs.  Sept,  à  Décembre 

(Repos:  Janvier  à  Mars.) 

Total  pour  2  ans 

Soit  pour  1    an 

P.  T. 

(1) 
1.185 
900 

352 

P.  T. 
164 

P.  T. 
1.054,5 

L.  E. 

150 

L.  E. 

175,750 

2.437 
1.218,5 

2   combinaison. 

Culture  cotonnière  : 

Coton.  Mars  à  Novembre — 

Blé.  Novembre  à  Mai 

(Repos  :  Juin-Nov.) 

Bersim  (2  coupes).  Nov.-Févr. . 

Total  pour  2  ans 

Soit  pour  1  an 

1.185 
590 

500 

164 

973,5 

150 

162,250 

2.275 
1.137,5 

3^  combinaison. 
Canne  à  sucre  : 

Occupe  le  sol  2  ans 

Soit  pour  1  an 

2.540 
1.270 

164 

1.106 

150 

184,333 

4'^  combinaison. 
Céréales  : 

Blé.  Novembre  à  Mai 

Maïs.   Juillet  à  Oct 

590 
352 
900 
368 

164 

941 

150 

156,833 

Bersim   (4  coupes).  Nov.-Juin. 
Riz  Sabiini.  Août  à  Oct 

Total  pour  2  ans 

Soit  pour  1  an 

2.210 
1.105 

(1)  Comme  il  a  été  exposé  en  note,  au  bas  du  tableau  précédent,  si  l'on  s'était  basé 
sur  la  moyenne  des  cours  du  coton  dans  les  dernières  années,  l'écart  de  profit  entre  les 
deux  premières  combinaisons  et  les  deux  dernières  tût  été  plus  considérable. 


—  31  — 

TABLEAU  II 

Agriculture  Égyptienne 


Résultats  de  l'exploitation  des  terres  par  terme  de  deux  ans 

Revenus  comparatifs  du  sol 

suivant  les  cultures  exploitées  dans  la  période  considérée 

(en  hectares  et  en  francs) 


DÉSIGNATION 

DES    CULTURES 

REVENU 
NET 

MOYEN 

par  culture 

IMPOT 

FONCIER 

(taxe 
maxima 

REVENU 

NET 

annuel  de 

VALEUR 

VÉNALE 

de  l'hectare 

sur  la  base 

deL.  E. 

25  par 

VALEUR 

VÉNALE 

par 

remplissant  le  cycle 
de  deux  ans. 

et  par 

hectare  non 

compris 

l'impôt 

foncier. 

applicable 
aux    terres 

de  la 
catégorie 
étudiée). 

l'hectare, 
toutes 
charges 

déduites. 

kantar    de 

coton  de 
rendement 
correspondant 
à  1.543  frs. 
par  hect. 

capitalisation 

DU  REVENU 

à  6  »/o 

V*^  combinaison. 

Fr.  c. 

Fr.  c. 

Fr.  c. 

Fr.  c. 

Fr.  c. 

Culture  cotonnière  : 

Coton.  Mars  à  Novembre  — 

731,40 

Bersim  (4  coupes).  Nov.  à  Juin.  .  . 
(Repos  :  Juillet  et  Août.) 

555,50 

Maïs.  Sept,  à  Décembre 

(Repos:  Janvier  à  Mars.) 

217,25 

Total  pour  2  ans 

1.504,15 

Soit  pour  1  an 

752,07 

101,20 

650,85 

9.258,40 

10.847,50 

2*^  combinaison. 

Culture  cotonnière  : 

Coton.  Mars  à  Novembre  — 

731,40 

Blé.  Novembre  à  Mai 

(Repos:  Juin-Novembre.) 

364,15 

Bersim  (2  coupes).  Nov.-Jevr,. 

308,60 

Total  pour  2  ans 

1.404,15 

Soit  pour  1   an 

702,07 

101,20 

600,85 

9.258,40 

10.014,15 

S"^  combinaison. 

Canne  à  sucre  : 

Occupe  le  sol  2  ans 

1.567,75 

Soit  pour  1  an 

783,87 

101,20 

682.65 

9.258,40 

11.377,50 

4*^  combinaison. 

Céréales  : 

Blé.  Novembre  à  Mai 

364,15 

Maïs.  Juillet  à  Octobre 

217,25 

Bersim  (4  coupes).  Novembre-Juin. 

555,50 

Riz  Sabiini.  Août  à  Octobre. 

227,10 

Total  pour  2  ans 

1.364,00 

Soit  pour  1  an 

682 

101,20 

580,80 

9.258,40 

9.680 

Planche  III 


Agriculture  Egyptienne 

Etat  d'Exploitation    des  terres 
1 
CULTURES    D'HIVER  Abréviations 

R.N  :  Revenu  neldu  feddansous 

déduction  de  l'impôt» 
P.T.  =  Piastre  au  tarif. 'O.fr.259) 


CULTURE  DE  PRINTEMPS 


Planche    IV 


Agriculture  Egyptienne 


Résultats  de  l'exploitation  des  terres  par  périodes  de  Pans 

Revenus     Comparatifs  du  Sol 
suivant  les  cultures  exploitées  dans  la  période  considérée 


11«  COMBINAISON 


22COMBINAiSON 


Culture  Coton  ni  ère 


Culture  Coton  ni  ère 


3?C0MBINAIS0N 


4!  COMBINAISON 


Canne  à  Sucre 


Céréales 

Abréviations:  ^Janvier.  ^..Févni er,M. Mars, etc. 

R.N.t  Revenu  net  -  P.T.-  Piastre  tarif  (  Ofr.  Q5^  ) 


CHAPITRE  IV 


LE    COTON 


Son  introduction  en  Egypte  (1820).  —  Son  acclimatation.  —  Il  est  le  pre- 
mier produit  du  genre.  —  Rendements  comparés  de  l'Egypte  et  de 
l'Amérique.  —  Qualités  spéciales  du  coton  égyptien;  sa  prime  sur  le 
coton  américain.  —  Ses  emplois.  —  Son  concurrent  {Sea  Island)  très 
négligeable. 


«  La  vallée  du  Nil  a  offert  de  tout  temps  au  cotonnier 
un  milieu  exceptionnellement  favorable  par  la  nature  de 
son  sol,  le  degré  de  sa  température,  l'abondance  et  la  régu- 
larité de  ses  eaux.   » 

Quoique  cultivé  en  Egypte  dès  la  plus  haute  antiquité, 
ainsi  que  l'a  établi  M.  F. -Charles  Roux,  dans  son  remar- 
quable ouvrage  le  Coton  en  Egypte,  ce  précieux  textile 
n'est  entré  dans  l'exploitation  agricole  du  pays  que  depuis 
1820,  à  la  suite  de  l'introduction  d'une  nouvelle  variété 
originaire  d'Abyssinie,  faite  par  un  botaniste  français, 
M.  Jumel,  qui  en  entreprit  la  culture,  sous  les  auspices 
du  grand  Méhémet-Ali,  fondateur  de  la  dynastie  actuelle 
des  Khédives. 

Cet  événement,  qui,  au  point  de  vue  économique,  a  eu 


—  38  — 

une  portée  énorme,  se  signale  aussi  par  une  autre  particula- 
rité digne  d'être  notée.  Le  nouveau  venu,  quoique  d'origine 
étrangère,  s'est  si  bien  comporté  sur  le  sol  égyptien  qu'il 
y  a  acquis  tous  les  caractères  d'une  plante  autochtone. 

Semé  en  d'autres  pays,  il  n'a  pas  répondu  généralement 
aux  espérances  que  son  succès  en  Egypte  avait  fait  con- 
cevoir. Ce  succès  y  est  tel  que,  malgré  les  efforts  tentés 
ailleurs  pour  lui  susciter  un  rival,  il  reste  toujours  le  pre- 
mier produit  du  genre,  distançant  considérablement  tous 
les  autres,  et  par  l'importance  de  son  rendement  et  par  la 
qualité  de  sa  bourre.  En  effet,  tandis  que  la  récolte 
moyenne  est  en  Amérique  de  200  livres  (90  k.  6)  par  acre 
(4.047  m.  carrés),  celle  d'Egypte  est  encore  aujourd'hui, 
malgré  la  période  de  diminution  que  nous  traversons  et 
dont  nous  parlons  plus  loin,  de  4  kantars  20  (188  k.  697) 
par  feddan  (4.200  m.  carrés),  soit  plus  du  double.  En  ce 
qui  concerne  la  qualité,  il  suffît  de  dire  que,  sur  tous  les 
marchés  cotonniers,  l'égyptien  est  coté  avec  une 
prime  qui,  dans  ces  dernières  années,  a  varié  de  50  à 
69  0/0  sur  l'américain.  Telle  est  la  supériorité  du 
coton  égyptien  que  les  Américains,  qui  ne  sont  pas  seule- 
ment producteurs,  mais  aussi  manufacturiers,  se  trouvent 
obligés  de  lui  payer  un  tribut  annuel,  lequel,  pour  1910, 
s'est  traduit  par  une  importation  de  466.400  kantars. 
(  Voir  planche  V.  )  Grâce  à  ses  qualités  spéciales,  à  la 
longueur,  à  la  finesse  et  à  la  résistance  de  sa  fibre,  le  coton 
égyptien  est  affecté  à  certains  produits  manufacturés 
auxquels,  seul,  il  peut  convenir.  Son  emploi  est  indispen- 


—  39  — 

sahle  pour  la  fabrication  des  fleurs  artificielles,  des  fils  à 
coudre  et  à  broder,  pour  la  bonneterie,  les  satinettes, 
les  vêtements  confectionnés,  les  articles  mercerisés  mi-soie, 
les  étoffes  veloutées,  les  peluches  et,  en  général,  tous 
les  articles  en  coton  de  qualité  supérieure.  Dans  tous  les 
centres  manufacturiers  où  se  fabriquent  les  articles  fins, 
le  coton  égyptien  prédomine.  Jusqu'en  1909,  il  avait 
même  joui  d'un  monopole  au  point  de  vue  de  son  adap- 
tation à  un  procédé  industriel  tendant  à  donner  au  coton 
l'aspect  de  la  soie.  Ce  procédé,  appelé  mercerisation,  du 
nom  de  son  inventeur  Mercer,  a  reçu,  depuis  lors,  de  nou- 
veaux perfectionnements  qui  ont  permis  de  l'appliquer  aux 
belles  qualités  de  l'américain.  Cette  nouvelle  extension  du 
procédé  n'a  cependant  influé  en  rien  sur  les  valeurs  respec- 
tives des  deux  qualités,  puisque  l'égyptien  continue  à  béné- 
ficier d'une  prime  très  importante  par  rapport  à  son  rival. 

Mais  voici  mieux  encore  :  en  1909,  date  de  l'extension 
du  procédé  Mercer  au  coton  américain,  la  prime  de 
l'égyptien  n'avait  été  que  de  53  0/0;  elle  est  remontée, 
l'année  dernière,  à  69  0/0;  ce  qui  prouve  bien  que  la 
mercerisation  de  l'américain  n'a  pu  lui  faire  regagner 
l'écart  de  prix  qui  le  sépare  de  l'égyptien. 

Il  est  vrai  qu'il  existe  en  Amérique  quelques  variétés 
de  coton  très  fin,  telles  que  la  Sea  Island,  qui  pourraient, 
sans  contredit,  remplacer  le  coton  égyptien,  mais  leurs 
prix  sont  trop  élevés  et  la  quantité  produite  est  abso- 
lument insuffisante,  puisqu'elle  ne  représente  que 
0,50  0/0  de  la  production  mondiale. 


Planche    V 


Coton  Egyptien  exporté  eu i9io  :  6.009.4.06  kaut 


j^t;GLETE/^/^^ 


vV 


\Ji^AQ/^ 


'e 


*^^.569  \^^^^''' 


.^'^ 


^''H.l2s 

kan^.a'"* 

^^^''-'% 

^^t^NCf 

^\)SS/^ 

0^ 

0 

0 

0 

Pays  importateurs  de  Coton 

égyptien . 

CHAPITRE  V 


LE    FELLAH 


Ses  qualités  et  ses  défauts.  —  Son  amour  de  la  terre.  —  Comment  il  place 
son  argent.  —  Augmentation  de  la  petite  propriété.  —  Mesures  prises 
pour  élever  le  niveau  intellectuel  du  fellah,  améliorer  son  état  moral  et 
mettre  en  œuvre  toute  son  énei^e. 


Que  n'a-t-on  pas  écrit  du  fellah  ?  Les  uns  l'ont  dépeint 
dans  les  ports,  occupé  à  transporter  du  charbon  à  bord 
des  navires  et  déployant,  dans  cette  tâche,  une  activité 
d'autant  plus  surprenante  pour  l'étranger  qu'elle  s'exerce 
sous  un  ciel  accablant;  d'autres  le  montrent  en  plein 
champ,  manœuvrant,  sous  le  soleil  de  l'été,  un  appareil 
à  élever  l'eau  et  restant  des  heures  et  des  heures  attelé 
à  cette  besogne  monotone  autant  qu'ingrate  ;  d'autres 
enfin,  prédisposés  à  l'admiration  par  les  descriptions  de 
ceux  qui  les  avaient  devancés,  ont  montré  en  lui  l'image 
de  l'homme  de  la  glèbe,  du  travailleur  sans  trêve  ni  repos. 
Pourtant,  lorsqu'on  l'étudié  plus  attentivement,  lorsque 
le  commerce  des  affaires  vous  met  en  contact  fréquent 
avec  lui,  lorsqu' enfin  on  s'est  fait  graduellement  aux  con- 


—  44  — 

ditions  sociales  et  climatériques  du  milieu,  l'impression 
se  modifie  et  le  jugement  se  déplace. 

Alors  le  fellah  apparaît  sous  son  véritable  aspect  avec 
ses  qualités  et  ses  défauts  :  vigueur,  endurance,  sobriété, 
mais  aussi  imprévoyance,  manque  d'esprit  de  suite, 
désordre,  crédulité  superstitieuse,  apathie  routinière.  Com- 
mandé ou  stimulé  par  une  cause  agissant  sur  son  tem- 
pérament, il  est  bien  alors  tel  que  l'ont  montré  tous  les 
écrivains  :  travailleur  acharné  opposant  à  la  fatigue  et  aux 
incommodités  une  résistance  et  une  endurance  extraor- 
dinaires. Mais  aujourd'hui,  le  fellah  est  livré  à  lui- même; 
libre,  il  dispose  de  son  activité  à  son  gré  et,  les  stimulants 
lui  faisant  défaut,  il  est  loin  de  dépenser  au  profit  de  la 
terre  toute  l'activité  dont  il  est  susceptible.  Plus  instruit, 
plus  intéressé  surtout,  il  pourrait  tripler  le  rendement 
de  son  sol.  Par  intéressé,  nous  entendons  l'homme  qui 
calcule,  prévoit,  surveille  les  événements,  suppute  sans 
cesse  ses  gains  et  ses  pertes,  s'ingénie  à  grossir  ses  bénéfices, 
surveille  d'un  œil  jaloux  l'administration  de  ses  biens. 
Tel  nous  apparaît  le  paysan  d'Europe,  et  tel  n'est  pas  le 
fellah.  Dans  son  fatalisme,  ce  dernier  pousse  le  renon- 
cement jusqu'à  une  résignation  presque  complète  aux  évé- 
nements défavorables  qui  peuvent  affecter  ses  intérêts. 
Maisia  où  il  se  ressaisit  'et  rachète  son  aveugle  soumission 
aux  arrêts  de  la  fortune,  c'est  lorsqu'il  s'agit  de  la  pos- 
session de  la  terre. 

Le  fellah  professe  pour  elle  le  culte  de  l'enfant  pour  sa 
mère  qui  le  nourrit  et  le  comble  de  caresses.  Tous  ses 


—  45  — 

efforts  sont  employés  à  améliorer  ou  à  étendre  son  champ. 
Resté,  jusqu'à  présent,  l'homme  de  la  nature,  réfractaire 
au  progrès  économique,  profondément  traditionnaliste, 
s'il  a  de  l'argent  d'épargne,  ce  n'est  pas  à  une  banque  qu'il 
le  confiera,  ce  n'est  pas  en  valeurs  de  Bourse  qu'il  le  con- 
vertira ;  il  l'emploiera  soit  à  l'achat  de  nouvelles  terres, 
soit  à  l'amélioration  de  celles  qu'il  a  déjà.  Manque-t-il  à  cet 
effet  de  l'argent  nécessaire,  il  n'hésitera  pas  à  emprunter  ; 
il  ne  faut  pas  qu'il  laisse  passer  l'occasion  qui  s'offre  à  lui, 
car  la  terre  demeure  l'objet  de  son  ardente  convoitise,  et 
il  n'est  pas  de  sacrifices  auxquels  il  ne  soit  disposé  pour 
satisfaire  sa  passion. 

Aussi,  lorsque,  pour  une  raison  quelconque,  une  pro- 
priété est  mise  en  vente,  elle  ne  reste  pas  longtemps  sans 
acheteur,  et  le  nombre  des  compétiteurs  est  tel  qu'elle 
change  rarement  de  maître  sans  bénéficier  d'une  plus- 
value  plus  ou  moins  importante. 

Certes,  le  paysan  de  tous  les  pays  est  un  peu  égyptien 
par  son  âpreté  à  acquérir  le  sol.  Mais  nul  plus  que  le 
fellah  n'y  concentre  sa  vie,  n'y  borne  tout  son  idéal.  Lui 
seul  en  est  encore  à  enfouir  son  argent  quand  il  n'en 
trouve  pas  l'emploi  dans  la  terre.  Ne  lui  parlez  pas  d'autre 
placement,  il  n'en  a  cure. 

Aussi  est- on  frappé  de  ce  fait  que  les  petits  proprié- 
taires de  moins  de  cinq  feddans  possèdent  presque  le  quart 
du  sol,  et  qu'en  moins  de  quatorze  ans  ils  ont  augmenté 
leurs  propriétés  de  37,18  0/0,  et  cela  grâce  à  leurs  excep- 
tionnelles quahtés  de  travail,  d'endurance  et  de  sobriété. 


—  46  — 

«  Qui  n'a  pas  voyagé  le  long  du  Nil,  dit  M.  Paul  Adam, 
«  qui  n'a  pas  traversé  ces  villages  de  limon  sec  et  de 
«  chaume,  qui  n'a  pas  visité  ces  fermes  au  mobilier  som- 
«  maire,  qui  n'a  pas  goûté  la  crêpe  de  froment  et  la  salade 
«  de  graines  mangées  par  ces  familles  vêtues  de  chemises 
«  noires  ou  bleues,  de  voiles  simples  et  de  maigres  tur- 
«  bans,  celui-là  ignorera  toujours  les  prodiges  de  renon- 
«  cément  possibles  au  caractère  humain.  » 

Mais  au  tableau  que  nous  venons  de  tracer,  il  y  a  une 
ombre.  Le  fellah  serait  le  modèle  achevé  du  parfait  culti- 
vateur si  ses  remarquables  qualités  n'étaient  atténuées 
par  l'ignorance,  la  routine  et  le  défaut  d'esprit  de  suite 
Une  fois  entré  en  possession  de  la  terre  qu'il  a  si  ardem- 
ment convoitée,  il  s'occupera  de  la  mettre  en  état,  c'est-à- 
dire  qu'il  y  fera  les  travaux  nécessités  par  les  besoins 
de  l'irrigation,  du  drainage  et  par  les  services  de  l'exploi- 
tation. Malheureusement,  cela  fait,  sa  sollicitude  s'endor- 
mira. Il  ne  cherchera  pas  à  tirer  de  la  terre  toutes  les 
ressources  qu'elle  est  en  mesure  de  lui  donner,  ne  dépen- 
sant à  son  profit  qu'une  parcelle  de  l'effort  nécessaire  et 
dont  il  est  éminemment  capable,  ne  consentant  à  aider  la 
nature  dans  son  travail  de  fécondation  que  tout  juste 
assez  pour  satisfaire  ses  besoins  immédiats.  Cette  négli- 
gence semble  un  héritage  des  temps  où  tout  le  pays  était 
au  régime  de  l'inondation,  régime  qui,  nous  l'avons  vu, 
permet  de  se  passer  de  toute  préparation  du  sol  et  de 
l'abandonner  à  l'action  fertilisante  de  la  nature. 

Mais  aujourd'hui  le  territoire  soumis  à  ce  régime  est 


—  47  — 

considérablement  réduit.  L'irrigation  pérenne  et,  avec  elle, 
le  système  d'assolement  intensif  se  développent  de  plus  en 
plus.  Les  cultures  font  suite  aux  cultures  sans  intervalle  de 
repos  pour  la  terre.  Les  matières  fertilisantes  apportées 
par  le  Nil  ne  suffisent  pas,  dans  ces  conditions,  à  lui  resti- 
tuer celles  qui  sont  absorbées  par  la  végétation  continue. 
Or,  non  seulement  cette  restitution  ne  se  fait  pas  partout, 
ni  dans  la  mesure  nécessaire,  mais  les  labours  et  les  quasi- 
labours  ne  sont  effectués  que  très  imparfaitement,  si 
même  ils  ne  font,  les  uns  et  les  autres,  totalement  défaut. 
Ainsi  donc,  et  sauf  pour  le  cotonnier,  qui  seul  reçoit  en 
général  des  soins  plus  attentifs,  on  peut  dire  que  la  terre 
n'est  pas  de  la  part  du  fellah  l'objet  de  tous  les  soins 
convenables.  Celui-ci  s'est  laissé  persuader  que  la  rente 
du  sol  devait  être  uniquement  fournie  par  le  cotonnier  et 
que  les  autres  cultures  n'avaient  d'autre  raison  que  de 
couvrir  par  leur  produit  les  frais  d'exploitation. 

La  conséquence  de  cet  état  de  choses  ne  pouvait  que 
placer  le  pays  dans  la  situation  d'infériorité  où  il  se  trouve 
au  point  de  vue  de  la  production,  exception  faite  pour 
celle  du  coton,  où,  comme  nous  l'avons  vu,  il  occupe  le 
premier  rang.  Ne  semble-t-il  pas  cependant  que  ce  rang 
devrait  lui  être  acquis  pour  tous  ses  produits,  étant  donné 
qu'il  est  en  possession  d'un  milieu  réunissant  au  plus 
haut  point  toutes  les  conditions  essentielles  de  prospérité 
agricole  :  sol  alluvial  enrichi  tous  les  ans  des  apports 
fertilisants  du  Nil  ;  climat  régulier  dont  la  température 
est  particulièrement  favorable  aux  cultures  et  à  l'abri  de 


—  48  — 

tous  les  troubles  atmosphériques,  gelée,  grêle,  ouragans  ; 
eau  à  volonté  arrivant  par  canaux  et  distribuée  avec  toute 
la  méthode  nécessaire  par  une  administration  vigilante  ; 
main-d'œuvre  d'une  abondance  et  d'un  bon  marché 
uniques;  engrais  naturels  formant  des  dépôts  accumulés 
depuis  des  siècles;  voies  de  navigation  intérieure  multiples, 
rendant  les  transports  aussi  économiques  que  possible  ; 
que  sais- je  encore  ?  Enfin,  un  ensemble  d'éléments  qui, 
nulle  part,  ne  se  rencontrent,  réunis  ou  isolés,  au  même 
degré  de  puissance.  Remarquons  aussi  que  la  réunion  de 
ces  éléments,  que  ces  réserves  de  forces  enviables  à  tous 
égards  ne  sont  rien  cependant  comparées  à  l'énergie  dont 
la  nature  a  doté  le  fellah,  énergie  qui,  malheureusement, 
reste  à  l'état  potentiel,  mais  dont  il  sait  à  l'occasion  don- 
ner la  mesure  lorsqu'il  se  met  au  travail. 

N'est- il  pas  déplorable  que  l'effet  utile  de  toutes  ces 
forces  soit  à  peine  appréciable  relativement  à  leurs  inten- 
sités respectives  ?  Que  sont,  en  effet,  les  six  ardebs  de  blé 
par  feddan  que  l'on  obtient  des  bonnes  terres  ?  D'ailleurs, 
pour  l'ensemble  du  pays,  la  moyenne  n'est  que  de  quatre 
ardebs,  alors  qu'en  Europe,  particulièrement  dans  les 
pays  du  Nord,  la  moyenne  est  de  beaucoup  supérieure, 
comme  le  montre  le  tableau  que  nous  consacrons  plus 
loin  à  la  population  comparée. 

Est-ce  qu'avec  les  ressources  merveilleuses  dont  il  dis 
pose,  le  pays  ne  devrait  pas  venir  en  tête  avec  un  ren- 
dement moyen  de  dix  arbeds  au  moins  ?  Est-ce  que  les 
terres  particulièrement  soignées  en  Egypte  ne  donnent 


—  49  — 

pasjusqu'àl2  ardebs  ?  Est-ce  que  l'aptitude  du  sol,  com- 
posé partout  des  mêmes  éléments,  n'est  pas  la  même  dans 
toute  la  vallée  du  Nil  ?  Pourquoi,  aux  ressources  considé- 
rables de  la  production  cotonnière  —  principal  élément  de 
la  vie  du  pays  dans  ses  rapports  avec  l'extérieur  —  ne 
viendraient  pas  s'ajouter  celles  des  autres  produits  agri- 
coles, qui,  sans  prétendre  égaler  les  premières,  permettraient 
du  moins  d'affranchir  l'Egypte  de  sa  dépendance  vis-à- 
vis  de  l'étranger  pour  les  céréales  ?  C'est  un  aveu  pénible 
à  faire,  mais  l'Egypte,  par  suite  de  la  densité  considérable 
de  sa  population,  importe,  en  moyenne,  pour  40  millions 
de  francs  de  farine  par  an,  sans  compter  les  sommes 
qu'elle  consacre  à  l'achat  d'autres  produits  ahmentaires. 
Tout  cela  peut  changer  du  tout  au  tout,  à  la  volonté  du 
fellah,  le  jour  où  son  esprit  aura  modifié  son  orientation. 
L'effort,  nous  le  savons,  ne  lui  coûte  presque  rien,  c'est  à 
vouloir  le  dépenser  davantage  au  profit  de  la  terre  qu'on 
désirerait  le  voir  tendre.  Le  jour  où  ce  désir  sera  devenu 
une  réalité  et  en  tenant  compte,  d'autre  part,  des  res- 
sources que  réserve  à  l'Egypte  l'exploitation  du  Canal  de 
Suez,  à  l'expiration  de  la  concession  actuelle,  ce  pays  pourra 
se  flatter  d'avoir  la  situation  économique  la  plus  brillante 
qu'il  soit  possible  de  posséder.  Pour  ceux  qui  suivent  de 
près  l'évolution  qui  est  en  train  de  s'accomplir,  il  semble 
que  ce  jour  ne  soit  pas  aussi  éloigné  que  pourrait  le  faire 
supposer  la  tyrannie  des  traditions  millénaires  sous  l'em- 
pire desquelles  le  fellah  a  toujours  vécu.  S'il  est  resté  jus- 
qu'à présent  immuable  dans   ses   habitudes,    s'il    s'est 


—  50  — 

montré  insouciant  de  ses  véritables  intérêts,  c'est,  d'un 
côté,  faute  d'enseignement  et  d'exemples,  et,  de  l'autre, 
faute  de  stimulants  actifs.  Mais,  comme  on  le  verra  plus 
loin,  le  moment  semble  venu  où  exemples,  enseignement 
et  stimulants  vont  s' offrir  à  lui. 

Depuis  la  crise  financière  de  1907,  un  vent  régénérateur 
a  soufflé  sur  le  pays.  Le  mouvement  qu'il  a  imprimé  et 
qui  a  pris  naissance  dans  les  grands  centres  n'a  pas  tardé 
à  se  propager  sur  toute  l'étendue  du  territoire.  Embrassant 
tous  les  domaines  de  l'activité,  il  semble  surtout  s'exercer 
avec  plus  d'énergie  sur  le  terrain  économique.  Or,  le  terrain 
économique  n'est  autre  que  le  terrain  agricole,  base  uni- 
que de  la  richesse  du  pays.  Après  avoir  longtemps  résisté 
aux  réclamations  multipliées  du  public,  le  Gouvernement, 
prenant  aujourd'hui  la  tête  du  mouvement,  vient  de 
créer  un  Département  de  l'Agriculture.  Pour  compléter 
cette  œuvre,  il  a  institué  une  Direction  spéciale  de  l'En- 
seignement technique,  agricole  et  commercial.  Un  ex- 
cellent ouvrage  sur  l'agriculture  égyptienne,  dont  nous 
avons  déjà  fait  mention,  vient  d'être  édité  par  ses  soins. 

Le  public  éclairé,  dans  un  élan  de  générosité  des  plus 
louable,  s'est  imposé  des  sacrifices  pour  améliorer  la  si- 
tuation morale  du  fellah,  stimuler  son  intérêt,  aider  à 
son  instruction.  De  nombreuses  écoles  agricoles  se  sont 
fondées  dans  les  divers  centres,  tant  par  les  soins  de  l'Ad- 
ministration seule  qu'avec  le  concours  de  l'initiative  privé?. 

Allant  plus  avant  dans  cette  voie,  le  Pouvoir  exécutif 
a  rendu  dernièrement  un  décret  autorisant  les  Conseils 


—  51  — 

provinciaux,  dont  il  a  en  même  temps  étendu  les  pouvoirs, 
à  percevoir  une  taxe  additionnelle  de  5  0/0  à  la  Cote 
financière  pour  être  employé  exclusivement  à  la  diffusion 
de  l'instruction  publique.  Détail  digne  d'être  noté,  la  nou- 
velle charge  a  été  acceptée  avec  empressement,  presque 
avec  joie,  eu  égard  à  sa  destination,  tellement  on  est  dé- 
sireux de  sortir  de  l'ornière  séculaire  dans  laquelle  on  est 
resté  jusqu'à  présent.  Aux  nombreuses  missions  scolaires 
envoyées  en  Europe  par  le  Gouvernement  et  par  certaines 
Administrations  universitaires,  se  joindront  bientôt  celles 
que  les  Conseils  provinciaux  se  proposent  d'entretenir,  de 
leur  côté,  avec  une  partie  du  produit  de  la  nouvelle  taxe. 
Le  but  spécial  de  ces  missions  sera  de  former  des  agro- 
nomes et  des  techniciens  qui,  de  retour  au  pays,  seront 
engagés  comme  professeurs  dans  les  établissements  de 
nouvelle  création. 

De  son  côté,  la  Société  khédiviale  d'Agriculture,  qui 
a  un  caractère  quasi  officiel,  est  entrée  dans  une  voie  plus 
active  en  procédant  à  la  création  de  champs  d'essais  dont 
le  nombre  va  naturellement  s'augmenter,  et  en  s' occu- 
pant, en  outre,  de  l'élevage  et  de  l'amélioration  de  la  race 
bovine,  question  delà  plus  haute  importance  pour  l'agri- 
culture du  pays,  où,  en  raison  de  l'abondance  et  du  bon 
marché  de  la  main-d'œuvre,  la  machine  ne  jouera  jamais 
qu'un  rôle  très  secondaire.  Enfin,  l'élan  est  donné  et  bien- 
tôt le  pays  se  trouvera  doté  de  tous  les  moyens  pouvant 
aider  à  la  prospérité  de  l'agriculture. 

Il  est  donc  permis  d'espérer  que  l'instruction,  en  général, 


—  52  — 

et  l'enseignement  agricole,  en  particulier,  pénétrant  gra- 
duellement dans  toutes  les  parties  du  pays,  trouveront 
chez  le  fellah  une  intelligence  apte  à  les  recevoir  et  à  se 
les  assimiler  ;  alors  son  esprit,  refondu  dans  un  nouveau 
moule,  prendra  l'orientation  nécessaire  pourne  plus  laisser 
se  perdre  sans  profit  la  puissante  énergie  dont  la  nature 
l'a  doté. 


CHAPITRE  VI 


TERRITOIRE  ET  POPULATION 


Étendue  totale  de  la  vallée  du  Nil.  —  Terres  cultivées  et  incultes.  — 
Densité  et  augmentation  constante  de  la  population.  —  Composition 
de  la  population  rurale  et  urbaine.  —  Répartition  du  sol.  —  Nombre 
élevé  des  petits  propriétaires. 


Superficie.  —  L'édition  de  1910  de  V Annuaire  statis- 
tique de  V Egypte  nous  fournit  des  données  qui  sont  en 
désaccord  avec  celles  de  la  précédente  édition.  Ces  der- 
nières étant  plus  conformes  à  la  vérité  et,  d'ailleurs,  en 
concordance  avec  les  divers  auteurs  qui  ont  étudié  la 
question,  nous  croyons  devoir  nous  y  tenir.  Suivant  elles, 
la  superficie  totale  du  territoire  s'élève  à  930. 000 kilomètres 
carrés,  dont  33.595,  soit  la  27®  partie  de  l'ensemble,  repré- 
sentent la  vallée  du  Nil.  Le  reste  est  occupé  par  les  deux 
déserts  de  l'Est  et  de  l'Ouest  et  par  la  presqu'île  duSinaï. 
(  Voir  la  carte,  planche  I.  ) 

D'après  les  relevés  du  Ministère  des  Finances,  la  super- 
ficie possédée  ayant  acquitté  la  taxe  foncière,  en  1909, 
s'est  élevée  à  5.620.000  feddans,  équivalant  à  2.360.400 


—  54  — 

hectares*.   D*autre  part,  les  statistiques  agricoles  nous 
fournissent  les  données  suivantes  pour  1908-19092. 

Terres  cultivées.    5 .  373 .  982  fed.        2 .  257 .  072  hectares. 
Terres  incultes  .     1 .  101 .  712    _  462 .  719       -^ 

Totaux.    6.475.694  fed.       2.719.791  hectares. 

Dans  ces  derniers  chiffres  ne  sont  pas  comprises  les 
terres  appartenant  à  l'Administration  des  domaines  de 
l'État  égyptien,  lesquelles  accusaient,  au  31  décembre 
1908,  une  superficie  de  155.103  feddans  (65.143  hectares). 

Enfin,  si  nous  considérons  la  décomposition  de  l'éten 
due  totale  de  la  vallée,  nous  trouvons  les  chiffres  suivants  : 

Terres  cultivées,  y  compris  celles  de 

V Administration  des  Domaines.  23.222  kilom  carrés. 

Terres  en  friches 4.627           — 

Nil,  canaux,  plantations  de  dattiers 

et  lacs 5 .  746           — 

Total 33 .  595  kilom.  carrés. 

Population.  —  «  La  fertilité  de  son  sol,  l'exiguïté  de  son 
«  territoire  inextensible,  la  fécondité  de  la  race  qui  l'oc- 
«  cupe,  les  obstacles  opposés  à  l'émigration  par  la  mer  et 
«  les  déserts,  tout  contribue  à  faire  de  l'Egypte  un  pays 
«  de  population  très  dense.  » 

Le  tableau  III  ci-après,  GTs\^v\xniékV  Annuaire  statistique 
de  V Egypte  (1910),  indique  les  chiffres  des  recensements 

1.  Annuaire  statistique  de  l'Egypte  (1910),  p.  274. 

2.  Ibid.,  p.  238. 


—  55  — 

de  1800,  1821,  1846  et,  à  la  suite,  le  chiffre  annuel  de  la  po- 
pulation depuis  1880.  On  y  voit  que  le  nombre  total  des 
habitants  qui,  à  cette  époque,  était  de  2.460.200,  avait 
atteint,  en  1907,  date  du  dernier  recensement,  11.287.359, 
accusant  ainsi  une  augmentation  totale  de  8.827.159  ha- 
bitants et  un  accroissement  annuel  moyen  de  83.275  ha- 
bitants. 

Dans  les  dix  dernières  années  (1899-1908),  l'augmen- 
tation moyenne  annuelle  a  été  de  142.879  habitants. 

Par  rapport  à  la  superficie  du  territoire  habité  qui,  on 
l'a  vu,  est  de  33.595  kilomètres  carrés,  la  population  de 
1907  représente  donc  335  habitants  par  kilomètre  carré, 
laissant  loin  derrière  elle  celle  du  plus  peuplé  des  États 
européens,  la  Belgique,  qui  compte  seulement  227  ha- 
bitants par  kilomètre  carré.  {Voir  tableau  IV.) 

Nous  devons  faire  observer  que  le  chiffre  de 
11.287.359  habitants  est  celui  du  dernier  recensement  de 
1907;  d'après  V Annuaire  statistique  de  l'Egypte  de  1911, 
la  population  égyptienne  est,  pour  l'année  1910,  de 
11.799.868  habitants  ;  ce  qui  représente  351,23  habitants 
par  kilomètre  carré,  au  lieu  de  335,98  indiqué  ci- dessus. 
Nous  avons  voulu  nous  en  tenir  à  ce  dernier  chiffre  de 
335,98  afin  de  baser  nos  calculs  uniquement  sur  les  der- 
niers recensements  aussi  bien  de  l'Egypte  que  des  autres 
États  dont  la  population  a  également  augmenté,  mais 
dans  une  proportion  beaucoup  moindre. 

«  Nulle  part  ailleurs  au  monde,  en  dehors  du  Bengale, 
«  on  ne  saurait  trouver  une  population  aussi  dense  étran- 


—  56  — 

«  gère  au  travail  industriel.  Cette  densité  est  très  variable, 
«  et  la  façon  dont  les  habitants  sont  répartis  atteste 
«  l'importance  vitale  du  Nil  pour  l'Egypte.  Dans  l'Egypte 
«  méridionale,  où  la  surface  cultivable  forme  de  chaque 
«  côté  du  Nil  une  marge  très  étroite,  la  population  est 
«  très  dense.  Mais,  dans  les  parties  de  l'Egypte  moins 
«  resserrées,  on  constate  une  diminution  de  densité 
«  d'autant  plus  forte  que  l'on  s'éloigne  plus  ou  moins  du 
«  fleuve  1.  » 

Examinons  maintenant  la  composition  de  la  population 
égyptienne. 

D'après  le  recensement  de  1907,   elle  se  répartissait 
ainsi  : 

Habitant  les  villes 1.930.137 

Nomades 97.741 

Habitant  la  campagne.  .  .       9.259.481 

Total 11.287.359 


Les   habitants  de  la  campagne  représentaient  donc, 
en  1907,  les  82  0/0  de  la  population  totale. 

L'activité    de   cette   population    se    répartit  comme 
suit  2  : 

Industrie ^11  Ail 

Commerce 161.210 

Mines  et  carrières 4.112 

Ouvriers  agricoles 2.440.030 

1.  The  Census  of  Egypl  (1907),  p.  3. 

2.  Annuaire  statistique  de  l'Egypte  (1910),  p.  25. 


—  57  — 

Le  nombre  infime  des  ouvriers  occupés  dans  les  mines  et 
les  carrières  montre  bien  qu'en  dehors  de  l'agriculture  le 
pays  n'a  pas  ou  n'exploite  pas  de  richesses  naturelles. 
Notons  aussi  que  les  industries  dont  il  s'agit  sont,  en 
général;  des  métiers,  la  grande  industrie  proprement  dite 
n'étant  nullement  représentée  dans  le  pays. 

Gomme  on  le  voit,  la  classe  qui  prédomine,  et  par  le 
nombre  et  par  la  richesse,  est  celle  des  agriculteurs. 

Voici,  d'autre  part,  comment  se  partageait  la  propriété 
du  sol  en  1909 1  : 

Nombre  de  propriétaires.  Superficie  cultivée. 

Indigènes  ....     1.349.118        Feddans.    4.764.550 
Étrangers  ....  6.882  —  682.506 

Domaines  État.  .  1  —  155.103 


Totaux.  .     1.356.001  —         5.602.159 


Si  l'on  étudie  le  tableau  V  de  la  distribution  des  terres, 
publié  dans  V Annuaire  statistique  de  V Egypte,  on 
constate  que  le  nombre  des  propriétaires  a  presque 
doublé  en  quatorze  ans.  On  en  comptait  767.260  en  1896 
et  1.356.000^  en  1909.  Le  sol  est  très  morcelé  :  89  0/0  de 
ces  propriétaires  ont  moins  de  cinq  feddans  de  terre 
chacun. 


1.  Annuaire  statistique  de  l'Egypte  (1910),  p.  234. 


—  58  — 


TABLEAU  III 

Population  de  l'Egypte  de  1800  à  1910  i 


ANNÉES 

POPULATION 

ANNÉES 

POPULATION 

1800 

2.460.200 

1894 

9.068.722 

1821 

2.536.400 

1895 

9.285.398 

1846 

4.476.440 

1896 

9.507.251 

1880 

6.516.040 

1897 

9.734.405 

1881 

6.671.726 

1898 

9.879.562 

1882 

6.831.131 

1899 

10.026.883 

1883 

6.994.345 

1900 

10.176.402 

1884 

7.161.459 

1901 

10.328.150 

1885 

7.332.556 

1902 

10.482.161 

1886 

7.507.761 

1903 

10.638.469 

1887 

7.687.142 

1904 

10.797.108 

1888 

7.870.809 

1905 

10.958.112 

1889 

8.058.864 

1906 

11.121.517 

1890 

8.251.412 

1907 

11.287.359 

1891 

8.448.561 

1908 

11.455.673 

1892 

8.650.420 

1909 

11.626.497 

1893 

8.857.102 

1910 

11.799.868 

1.  Annuaire  statistique  de  l'Egypte  (1911),  p.  23  et  288. 


—  59  — 

TABLEAU  IV 

Territoires  et  Populations 

(Statistique  comparée) 


DÉSIGNATION 


DES 

PAYS 


Allemagne 

Autriche 

Hongrie 

Belgique 

Danemark 

Egypte 

États-Unis 

France  

Grande  -  Bretagne 
et  Irlande 

Italie 

Pays-Bas 


SUPER- 
FICIE (1) 

EN 

Km  2 


540.647 
300.007 
824.918 

29.455 

88.969 
33.595  (3) 
.835.995  (4] 
529.557 

813.691 

286.648 

82.599 


POPULATION  (2) 


DATE 
DES 

RECENSEMENTS 


1910 
1910 
1910 
1900 
1906 
1907 
1910 
1906 

1901 
1909 
1909 


POPULATION 
TOTALE 


64.903.423 
28.567.898 
20.850.700 
6.693.548 
2.605.268 
ii. 287. 359 
98.402.151 
89.252.245 

41.976.827 

34.565.000 

5.898.429 


DEN- 
SITÉ 

PAR 

Km  2 


120,04 
95,22 
64,17 

227,24 
66,85 

335,98 
11,91 
74,12 

133,81 
120,58 
180,98 


1.  Statistique  agricole  annuelle  (1909). 

2.  Statesmans's  Yearbook  (1911). 

3.  Statistical  Yearbook  of  Egypt  (1909). 

4.  Annuaire  statistique  de   la  France  (1909). 


—  60  — 


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CHAPITRE  VII 


ÉTAT   POLITIQUE 


Suzeraineté   de  la    Turquie.    —    Statut   international.    —    Corps   élus. 
Divisions  administratives.  —  Bienfaits  de  l'occupation  anglaise. 


Après  avoir  été  pendant  longtemps  simple  province  de 
l'Empire  Ottoman,  depuis  la  conquête  de  Sélim  P^,  en 
1517,  jusqu'à  la  réunion  de  la  conférence  de  Londres,  en 
1840,  l'Egypte  vit  reconnaître  par  cette  dernière  et  sanc- 
tionner par  la  Sublime  Porte  les  droits  à  l'autonomie  que 
lui  avait  acquis  la  haute  valeur  militaire  et  politique  de 
l'illustre  chef  qui  dirigeait  ses  destinées,  Méhémet-Aly. 

Cette  autonomie,  accordée  au  profit  de  la  dynastie  de 
Méhémet-Aly,  fut  confirmée  et  étendue  par  firmans  suc- 
cessifs, puis  définitivement  consacrée  par  l'érection  de 
l'Egypte  en  khédivat  (vice- royauté)  sous  Ismaïl- Pacha, 
de  fastueuse  mémoire.  Depuis  lors,  les  liens  de  l'Egypte 
avec  sa  suzeraine  la  Turquie  n'ont  plus  consisté  que  dans 
les  trois  obligations  suivantes  :  1^  Investiture  des  nou- 
veaux  khédives;    2°    payement    d'un    tribut    annuel   de 


—  62  — 

150.000  bourses  (17.140.207  francs)  ;  3°  interdiction  de 
conclure  des  traités  politiques  et  d'avoir  des  représen- 
tations officielles  à  V étranger.  Pour  tout  le  reste  :  admi- 
nistration intérieure,  émissions  d'emprunts  intérieurs  ou 
extérieurs,  conclusion  de  traités  de  commerce,  etc., 
l'Egypte  jouit  d'une  liberté  absolue. 

Avant  de  passer  à  l'examen  de  ses  institutions  actuelles, 
il  convient  de  faire  remarquer,  avec  tous  ceux  qui  ont 
étudié  la  question  au  point  de  vue  juridique,  que  la  con- 
férence de  Londres  de  1840,  en  donnant  un  nouveau 
statut  à  l'Egypte,  a  revêtu  ce  dernier  du  caractère  d'acte 
international.  Ce  caractère  n'a  pas  cessé,  depuis  lors, 
de  s'affirmer  et  de  se  manifester  dans  les  rapports  prin- 
paux  de  l'Egypte  avec  sa  suzeraine  (firmans  divers  déli- 
vrés après  assentiment  des  puissances  représentées  à  la  con- 
férence, auxquelles  se  joignit  postérieurement  la  France). 

Depuis  l'occupation  anglaise,  en  1882,  l'Egypte  est 
administrée  intérieurement  de  la  façon  suivante  : 

Corps  élus.  —  Ils  sont  au  nombre  de  trois  dont  un 
avec  voix  consultative  seulement  :  le  Corps  législatif,  et 
deux  avec  voix  délibérative  restreinte  à  certaines  ques- 
tions :  l'Assemblée  générale  des  Notables  et  l'ensemble 
des  Conseils  provinciaux. 

Administration  proprement  dite.  —  On  divise  ordinai- 
rement l'Egypte  en  deux  régions,  savoir  :  la  Haute- 
Egypte,  au  sud,  et  la  Basse- Egypte,  au  nord  du  Caire.  Au 
point  de  vue  administratif,  l'Egypte  se  divise  en  quatorze 
Moudiriehs  et  cinq  Gouvernorats  (Alexandrie,  El  Ariche, 


—  63  — 

Le  Caire,  Sinaï  et  Canal).  Les  quatorze  Moudiriehs  se  sub- 
divisent en  quatre-vingt-quatre  Markaz  ou  districts.  La 
ville  la  plus  importante  et  la  capitale  du  pays,  c'est 
Le  Caire  ayant  une  population  de  654.476  habitants.  Mais 
la  ville  principale  des  affaires,  c'est  la  ville  d'Alexandrie, 
qui  a  une  population  de  370.009  habitants. 

L'importance  de  la  ville  du  Caire  dérive  de  ce  qu'elle 
se  trouve  au  point  de  jonction  de  la  Haute  à  la  Basse- 
Egypte.  De  tout  temps,  il  a  existé  à  cet  endroit  une  grande 
ville.  C'est  là  que  se  croise  la  route  unissant  le  Nord  au  Sud 
avec  celle  qui  réunissait  autrefois  l'Orient  à  l'Europe  et 
à  l'Afrique  occidentale.  La  ville  d'Alexandrie  doit  son 
importance  commerciale  à  son  port. 

En  dehors  de  ces  deux  grandes  villes,  l'Egypte  compte 
43  villes  ayant  plus  de  10.000  habitants  et  3.580  villages. 

Le  système  administratif  égyptien  est  essentiellement 
centralisateur. 

Il  semble  inutile  de  faire  le  tableau  complet  des  bienfaits 
que  l'occupation  anglaise  a  apportés  à  l'administration 
du  pays.  Il  nous  suffît  de  dire  qu'en  remplaçant  l'ancien 
État  politique  par  un  régime  d'ordre,  de  bonne  adminis- 
tration financière  et  économique,  de  progrès  continu,  en 
substituant  le  régime  de  la  loi  au  régime  de  l'arbitraire, 
en  rassurant  les  intérêts  et  en  encourageant  les  fécondes 
initiatives,  en  concevant  et  en  mettant  à  exécution  ce 
vaste  ensemble  de  travaux  publics,  qui,  à  juste  titre,  fait 
l'admiration  du  monde,  l'Angleterre  a  ouvert  à  l'Egypte 
une  ère  de  prospérité  jusqu'alors  inconnue. 


CHAPITRE  VIII 
FINANCES 

Revenus  publics.  —  Augmentation  continue  des  excédents  de  recettes. 

Un!  pays  qui  doit  sa  prospérité  à  la  sagesse  de  son 
administration  ne  peut  avoir  de  mauvaises  finances; 
qui  peut  le  plus  peut  le  moins,  la  tâche  la  plus  difficile 
consistant  à  faire  passer  un  peuple  de  l'état  précaire  à 
l'état  prospère.  Le  tableau  VI,  ci- contre,  montre 
la  progression  des  revenus  publics  de  1880  à  1909. 
On  les  voit  monter  de  L.  E.  8.998.399  (233.270.226 
francs),  en  1880,  à  L.  E.  15.402.872  (399.296.746  francs) 
en  1909,  accusant,  entre  ces  deux  années,  un  écart  de 
L.  E.  6.404.473  (166.026.520  francs),  soit  une  augmenta- 
tion de  71  0/0  en  faveur  de  1909. 

De  même  que  les  revenus,  les  dépenses  ont  augmenté; 
c'est  qu'il  a  fallu  en  même  temps  doter  le  pays  de  tous  les 
instruments  économiques,  organes  de  sa  prospérité. 

Malgré  le  développement  de  ces  dépenses  et  grâce  sur- 
tout à  la  présence  de  la  Caisse  de  la  Dette,  qui,  jusqu'à  la 
Convention   franco- anglaise  de   1904,  a  exercé  un  con- 


—  65  — 

trôle  effectif  sur  les  finances  publiques,  au  point  de  vue 
des  dépenses  extraordinaires,  les  revenus  généraux  ont 
laissé  des  excédents  annuels  pendant  toute  la  période 
qui  a  suivi  celle  de  la  réorganisation  des  finances,  période 
commencécv  en  1889,  et  se  continuant  encore.  Le  ta- 
bleau VII,  emprunté  comme  le  précédent  à  V Annuaire 
statistique  de  V  Egypte  (1910),  nous  fait  connaître  les 
chiffres  annuels  des  excédents  pendant  cette  période. 

De  L.  E.  218.427  (5.662.397  francs),  en  1889,  ces  excé- 
dents se  sont  élevés  progressivement  d'année  en  année 
pour  atteindre  L.  E.  3.102.087  (80.417.031  francs),  en 
1904,  année  à  partir  de  laquelle  les  pouvoirs  de  la  Caisse 
de  la  Dette  sur  le  contrôle  des  dépenses  extraordinaires 
ont  cessé  (conséquence  de  l'accord  franco- anglais  de  1904). 

Depuis  lors,  les  excédents  ont  été  en  diminuant  jus- 
qu'en 1908,  où  ils  sont  tombés  alors  à  L.  E.  1.113.631 
(28.869.241  francs).  L'année  suivante  (1909),  il  y  eut 
une  petite  reprise:  l'excédent  fut  de  L.  E.  1.161.270 
(30.104.212  francs). 

Il  faut  dire  enfin  que,  depuis  la  convention,  les  services 
publics  ont  beaucoup  plus  accentué  leur  développement 
que  dans  la  période  antérieure,  ce  qui  explique  l'absorp- 
tion par  les  dépenses  d'une  part,  chaque  année  plus 
grande,  des  excédents. 

Au  total,  pour  toute  cette  période  de  1889  à  1910,  les 
excédents  ont  été  de  L.  E.  29.780.033  (772.003.447  francs), 
ce  qui  correspond  à  une  moyenne  annuelle  de  L.  E. 
1.418.096  (  36.762.047  francs). 


66 


TABLEAU     VI 

Revenus  du  Gouvernement^ 

Diminution  de  l'impôt  par  rapport  à  la  population 

(en  livres   égyptiennes) 


ANNÉES 

CONTRIBUTIONS 

POPULATION 

TAXE 
par 

ENSEMBLE 
des 

et  droits 

habitant 

recettes  ordinaires 

L.E. 

L.E.Mill. 

L.E. 

1880 

7.294.500 

6.516.040 

1,119 

8.998.399 

1881 

7.382.499 

6.671.726 

1,106 

9.229.965 

1882 

7.172.211 

6.831.131 

1,050 

8.852.857 

1883 

7.241.710 

6.994.345 

1,035 

8.934.675 

1884 

7.520.642 

7.161.459 

1,050 

9.403.294 

1885 

7.634.710 

7.332.566 

1,041 

9.637.173 

1886 

7.834.259 

7.507.761 

1,043 

9.574.393 

1887 

7.748.785 

7.687.142 

1,008 

9.616.358 

1888 

7.892.980 

7.870.809 

1,003 

9.661.436 

1889 

7.908.706 

8.058.864 

0,981 

9.718.958 

1890 

8.286.595 

8.251.412 

1,004 

10.236.612 

1891 

8.366.374 

8.448.561 

0,990 

10.539.460 

1892 

8.068.657 

8.650.420 

0,933 

10.297.312 

1893 

8.076.660 

8.857.102 

0,912 

10.241.866 

1894 

7.903.707 

9.068.722 

0,871 

10.161.318 

1895 

8.219.862 

9.285.398 

0,885 

10.431.265 

1896 

8.344.942 

9.507.251 

0,878 

10.693.597 

1897 

8.568.352 

9.734.405 

0,880 

11.092.564 

1898 

8.489.804 

9.879.562 

0,859 

11.131.980 

1899 

8.622.346 

10.026.883 

0,860 

11.200.303 

1900 

8.772.903 

10.176.402 

0,862 

11.447.095 

1901 

9.189.621 

10.328.150 

0,890 

11.943.924 

1902 

9.214.488 

10.482.161 

0,879 

11.933.064 

1903 

9.301.592 

10.638.469 

0,874 

12.248.108 

1904 

10.105.389 

10.797.108 

0,936 

13.690.560 

1905 

10.618.396 

10.958.112 

0,969 

14.813.846 

1906 

10.891.889 

11.121.517 

0,979 

15.337.294 

1907 

11.272.022 

11.287.359 

0,999 

16.367.818 

1908 

10.756.137 

11.455.673 

0,939 

15.521.775 

1909 

10.783.461 

11.626.497 

0,928 

15.402.872 

1.  Annuaire  statistique   de  l'Egypte  (1910),  p.  266. 


67  — 


TABLEAU     VI 

Revenus  du  Gouvernement 

Diminution  de  l'impôt  par  rapport  à  la  population 
(en   francs) 


ANNÉES 

CONTRIBUTIONS 

POPULATION 

TAXE 
par 

ENSEMBLE 
des 

et  droits 

habitant 

recettes   ordinaires 

Francs. 

Francs. 

Francs. 

1880 

189.099.157 

6.516.040 

29 

233.270.226 

1881 

191.380.401 

6.671.726 

28,67 

239.273.233 

1882 

185.928.995 

6.831.131 

27,21 

229.497.265 

1883 

187.730.654 

6.994.345 

26,83 

231.618.276 

1884 

194.961.555 

7.161.459 

27,21 

243.766.532 

1885 

197.918.600 

7.332.566 

26,98 

249.829.500 

1886 

203.091.618 

7.507.761 

27,03 

248.202.022 

1887 

200.875.826 

7.687.142 

26,13 

249.289.902 

1888 

204.613.869 

7.870.809 

26 

250.458.483 

1889 

205.021.542 

8.058.864 

25,43 

251.949.656 

1890 

214.817.757 

8.251.412 

26,02 

265.369.073 

1891 

216.885.910 

8.448.561 

25,66 

273.219.961 

1892 

209.168.036 

8.650.420 

24,18 

266.942.631 

1893 

209.375.502 

8.857.102 

23,64 

265.505.275 

1894 

204.891.950 

9.068.722 

22,57 

263.417.187 

1895 

213.087.802 

9.285.398 

22,94 

270.415.165 

1896 

216.330.317 

9.507.251 

22,76 

277.215.735 

1897 

222.121.892 

9.734.405 

22,81 

287.558.366 

1898 

220.085.651 

9.879.562 

22,26 

288.580.168 

1899 

223.521.607 

10.026.883 

22,29 

290.351.341 

1900 

227.424.575 

10.176.402 

22,34 

296.749.060 

1901 

238.227.375 

10.328.150 

23,07 

309.628.619 

1902 

238.872.015 

10.482.161 

22,78 

309.347.090 

1903 

241.130.058 

10.638.469 

22,65 

317.514.141 

1904 

261.967.310 

10.797.108 

24,26 

354.907.582 

1905 

275.266.260 

10.958.112 

25,11 

384.014.154 

1906 

282.356.163 

11.121.517 

25,37 

397.596.733 

1907 

292.210.550 

11.287.359 

25,89 

424.311.548 

1908 

278.836.992 

11.455.673 

24,34 

402.379.131 

1909 

279.545.327 

11.626.497 

24,05 

399.296.746 

68 


TABLEAU     VII 

Excédents  annuels  des  recettes  du  Gouvernement ^ 


ANNÉES 

EXCÉDENTS 

ANNÉES 

SOMMES 

Livres  Égyptiennes. 

Francs. 

1889 

218.427 

1889 

5.662.397,92 

1890 

646.839 

1890 

16.768.347,37 

1891 

932.862 

1891 

24.183.071,93 

1892 

745.714 

1892 

19.331.535,96 

1893 

886.880 

1893 

17.806.351,20 

1894 

691.762 

1894 

17.932.909,91 

1895 

1.002.668 

1895 

25.992.689,56 

1896 

1.088.950 

1896 

28.229.423,20 

1897 

1.383.420 

1897 

35.863.123,78 

1898 

1.331.947 

1898 

34.528.762,15 

1899 

1.270.861 

1899 

32.945.197,66 

1900 

1.551.871 

1900 

40.229.967,59 

1901 

2.020.378 

1901 

52.375.320,80 

1902 

1.892.936 

1902 

49.071.574,85 

1903 

1.986.170 

1903 

51.488.528,84 

1904 

3.102.087 

1904 

80.417.031,75 

1905 

2.688.524 

1905 

69.696.020,73 

1906 

2.175.431 

1906 

56.394.841,21 

1907 

2.087.405 

1907 

54.112.896,95 

1908 

1.113.631 

1908 

28.869.241,73 

1909 

1.161.270 

1909 

30.104.212,57 
Total..   772.003.447,66 

Total  ...       29.780.033 

1.  Annuaire  statistique  de  l'Egypte  (1910),  p.  266. 


CHAPITRE  IX 


IMPOTS 


Leur  nature.  —  Impôt  par  tête  d'habitant.  —  Sa  diminution  constante. 
Causes  de  cette  diminution. 


En  Egypte,  comme  partout  ailleurs,  les  impôts  se  ré- 
partissent en  deux  classes  :  les  impôts  directs  et  les  impôts 
indirects.  Seulement  ceux  de  l'Egypte  sont  en  nombre  très 
restreint.  Aussi  le  budget  de  l'État,  surtout  sur  la  base 
des  moyennes  qui  servent  à  le  préparer,  est-t-il  un  des 
plus  aisés  à  établir. 

Les  impôts  directs  sont  au  nombre  de  trois,  dont  un  de 
répartition,  l'impôt  foncier,  perçu  sur  la  base  de  28,55  0/0 
de  la  valeur  locative  des  terres,  et  deux  de  quotité, 
la  taxe  sur  les  dattiers  fixée  à  P.  T.  2  1/2  (0  fr.  648)  par 
arbre,  et  l'impôtsur  la  propriété  bâtie,  porté  dernièrement, 
pour  la  ville  du  Caire  seulement,  à  11,33  0/0  de  la 
valeur  locative. 

On  peut  dire  que  l'impôt  foncier  d'Egypte  est  un 
impôt  à  caractère  particulièrement  fixe  de  répartition. 
En  effet,  outre  que  l'établissement  des  contingents  prin- 


—  70  — 

cipaux  remonte  à  une  époque  lointaine,  on  peut  ajouter 
que  ces  contingents  ne  sont  pas  appelés  à  subir  de  modi- 
fications avant  une  nouvelle  période  de  vingt  à  vingt- 
cinq  ans,  si  l'on  s'en  rapporte  à  un  engagement  pris 
en  ce  sens  par  le  Gouvernement  au  moment  où  il  fit  pro- 
céder à  la  péréquation  de  l'impôt,  opération  commencée 
en  1899  et  achevée  en  1907. 

Si  son  produit  varie  chaque  année,  c'est  parce  que  le 
Gouvernement  s'est  réservé,  par  la  même  occasion,  le 
double  droit  :  1°  de  taxer  toutes  les  nouvelles  terres 
acquises  à  la  culture  ;  2°  de  surélever  les  taxes  frappant 
les  propriétés  de  la  Haute- Egypte  ayant  appartenu  au 
régime  des  bassins,  au  fur  et  à  mesure  de  leur  conversion 
à  l'irrigation  pérenne. 

Si  nous  passons  aux  impôts  indirects,  nous  trouvons 
qu'ils  sont  au  nombre  de  huit,  comprenant  notamment  : 
les  droits  de  douane,  de  ports  et  phares,  judiciaires  et 
d'enregistrement,  une  sorte  de  droit  d'accise  confondu  et 
perçu  avec  le  droit  de  douane  sur  les  tabacs,  tombacs  et 
cigares,  lesquels  sont  tous  de  provenance  étrangère,  la 
culture  du  tabac  étant  interdite  en  Egypte. 

Notons,  enfin,  que  l'État,  propriétaire  du  réseau  des 
chemins  de  fer  d'intérêt  général,  en  tire  des  revenus  sans 
cesse  grossissants  du  double  fait  de  l'accroissement  delà 
population  et  du  développement  du  trafic,  résultat  de 
l'augmentation  de  la  prospérité  générale  du  pays. 


—  71  — 

Pour  1909,  les  revenus  des  trois  classes  ont  été  respec- 
tivement : 

Contributions  directes L.  E.  5.447.778 

—          indirectes.  ...  —  5.335.683 
Chemins  de  fer,  postes  et  télé- 
graphes,  etc —  4.619.411 


Total 15.402.872^ 


Le  total  des  contributions  directes  et  indirectes  seules 
s'est  élevé,  en  1909,  à  L.  E.  10.783.461.  Rapportant  cette 
somme  au  nombre  des  habitants,  qui,  pour  la  même 
année,  était  de  11.626.497,  la  taxe  par  habitant  s'établit 
à  L.  E.  0,928  =  24  fr.  05. 

Il  est  à  remarquer  que,  malgré  l'accroissement  considé- 
rable accusé,  durant  la  période  que  nous  examinons,  par 
certaines  sources  de  revenus  telles  que  les  droits  de  douane, 
les  droits  d'enregistrement,  ceux  des  ports  et  phares,  etc., 
accroissement  caractéristique  de  [l'état  de  prospérité 
du  pays,  l'augmentation  de  la  population,  durant  la 
même  période,  a  été  plus  rapide  encore.  C'est  ce  que 
montre  l'échelle  descendante  de  la  part  de  chaque  habitant 
dans  l'ensemble  des  contributions  directes  et  des  droits 
divers.  La  planche  VI  montre  bien  le  sens  de  ce 
mouvement,  qui  s'est  cependant  redressé  assez  sen- 
siblement à  la  suite  de  l'accord  franco- anglais  de  1904. 
L'effervescence  qui  s'en   est  suivie,   et  qui  a  eu  pour 

1.  Annuaire  statistique  de  l'Egypte  (1910),  p.  270  et  suiv. 


—  12  — 

épilogue  la  crise  financière  dont  il  sera  question  plus  loin, 
a  laissé,  comme  on  le  voit,  des  traces  dans  l'état  des 
finances  publiques  de  cette  période. 

Depuis  1907,  les  choses  étant  rentrées  dans  l'ordre, 
les  douanes  et  l'enregistrement  en  particulier  n'ont  plus 
accusé  de  recette  anormale,  ce  qui  a  abaissé,  comme  l'in- 
dique notre  graphique,  la  quotité  d'impôt  par  tête 
d'habitant.  Le  tableau  VI  et  le  graphique  VI  montrent 
que  de  29  francs,  en  1880,  ce  chiffre,  descendu  à 
22  fr.  34,  en  1900,  s'est  relevé,  à  partir  de  1903, 
pour  atteindre  25  fr.  89,  en  1907,  et  redescendre 
ensuite  rapidement  à  24  fr.  05,  en  1909.  Il  a  donc  diminué 
de  17,06  0/0  en  près  de  trente  ans. 

Cette  diminution  provient  de  :  1^  la  suppression  de 
certaines  taxes  sur  les  chevaux  et  voitures,  les  bateaux 
naviguant  sur  les  canaux  et  les  droits  de  péage;  2°  l'a- 
baissement du  droit  de  patente  ;  3^  certaines  réductions 
opérées  dans  l'ensemble  des  rôles  de  l'impôt  foncier  qui 
ont  été  effectués  en  1891,  1893,  1894  et  1898,  s' élevant  à 
L.  E.  564.100  (14.623.460  francs). 

Tandis  que  les  puissances  européennes,  obligées  de 
faire  face  à  des  dépenses  militaires  de  plus  en  plus  écra- 
santes, voient  s'accroître,  chaque  année,  leurs  charges 
fiscales,  l'Egypte,  qui  n'a  pas  à  se  préoccuper  de  sa  défense 
et  n'entretient  qu'une  petite  armée  (18.000  hommes), 
réalise  chaque  année  des  excédents  de  recette  et  augmente 
considérablement  les  réserves  de  son  trésor.  Ons'exphque, 
dès  lors,  la  constante  diminution  de  ses  impôts. 


Planche    VI 

Finances  Egyptiennes 


Mouvement  des  Eevenus  publics 

Légende 

:  Ensemble  des  recettes  ordinaires. 
.  Contributions  directes  et  droits. 
.  Population. 


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Part  de  chaque  liabitant  dans  les  Contributions 
directes  et  Droits 


CHAPITRE  X 


ÉTAT  JUDICIAIRE 


Juridiction  mixte.  —  La  raison  de  son  institution.  —  Son  organisation. 

Législation. 


De  la  situation  économique  et  politique  du  pays  il 
convient  de  rapprocher  sa  situation  judiciaire.  Cette  si- 
tuation est  très  solidement  assise,  grâce  à  l'institution  de 
la  juridiction  mixte. 

On  sait  que  celle-ci  fonctionne  en  Egypte  depuis  1876. 
Elle  a  été  instituée  d'accord  avec  quatorze  puissances 
étrangères,  à  l'époque  où,  la  justice  indigène  étant  encore 
à  l'état  rudimentaire,  la  nécessité  s'était  fait  sentir,  pour 
la  sauvegarde  des  intérêts  étrangers,  d'avoir  un  corps 
judiciaire  présentant  toutes  les  garanties  nécessaires. 
Aujourd'hui,  il  est  vrai,  la  justice  indigène  a  reçu  une 
parfaite  organisation,  et  il  a  même  été  question  de  de- 
mander aux  puissances  l'abandon  de  la  législation  mixte. 
La  récente  publication  des  articles  secrets  de  l'accord 
franco- anglais  de  1904  parut  confirmer  ces  intentions  — 
ce  qui  n'était  pas  sans  provoquer  bien  des  inquiétudes  — 


—  76  — 

lorsque  intervint,  le  20  novembre  1911,  un  décret  khé- 
divial  améliorant  sensiblement  ce  système  de  législation 
en  attribuant  à  la  Cour  d'appel  mixte  d'Alexandrie  le 
pouvoir  législatif,  sous  certaines  conditions  très  strictes, 
et  qui  maintiennent  intact  le  contrôle  des  puissances 
européennes  tout  en  perfectionnant  un  régime  judiciaire 
dont  la  rigidité  ne  s'adaptait  plus  aux  besoins  d'un  pays 
sans  cesse  en  progrès. 

La  juridiction  mixte  comprend  une  Cour  d'appel  à 
Alexandrie,  trois  Tribunaux  de  première  instance  au 
Caire,  à  Alexandrie  et  à  Mansourah  et  une  Délégation  de 
justice  sommaire  à  Port-Saïd.  Les  magistrats,  pour  tous 
ces  tribunaux,  sont  au  nombre  de  63,  dont  40  étrangers. 
Ceux-ci,  ayant  qualité  de  fonctionnaires  égyptiens,  sont 
naturellement  choisis  et  nommés  par  le  Gouvernement 
égyptien,  mais  avec  l'acquiescement  officieux  de  leur  gou- 
vernement. 

La  législation  spéciale,  qui  règle  en  matière  civile  et 
commerciale  les  rapports  des  étrangers  entre  eux  ou  avec 
les  indigènes,  assure,  notamment  aux  créanciers,  une  sûreté 
et  une  rapidité  de  procédure  que  les  pays  les  plus  avancés 
pourraient  envier  à  l'Egypte. 

Nous  croyons  inutile  d'entrer  dans  plus  de  détails  sur 
ce  sujet;  ce  que  nous  venons  d'en  dire  nous  parait  suf- 
fisant pour  montrer  qu'au  point  de  vue  judiciaire, 
l'Egypte  offre  aux  intérêts  étrangers  engagés  chez  elle 
le  maximum  de  sécurité. 


CHAPITRE  XI 


ÉTAT  ÉCONOMIQUE.  —  COMMERCE 
EXTÉRIEUR 


Balance  du  commerce  extérieur.  —  Progression  continue  des  importa- 
tions et  des  exportations.  —  Majoration  à  apporter  dans  la  valeur 
des  exportations  par  suite  des  sous-estimations  de  la  douane. 


La  balance  du  commerce  extérieur  de  l'Egypte  est 
facile  à  établir  comparativement  à  celle  des  autres  pays. 
Toutes  les  marchandises  importées  ou  exportées  acquittent, 
en  effet,  dans  l'un  ou  l'autre  cas,  un  droit  ad  valorem  dont 
la  fixation  exige  une  estimation  sérieuse  faite  d'après 
des  procédés  spéciaux  impliquant,  surtout  à  l'exporta- 
tion, des  sous- évaluations  très  importantes. 

Le  tableau  VIII  ainsi  que  la  planche  VII,  relatifs  au 
commerce  extérieur,  font  connaître,  année  par  année,  de 
1886  à  1910,  les  montants  respectifs  des  importations  et 
des  exportations.  Pour  en  suivre  utilement  le  dévelop- 
pement, nous  avons,  dans  le  tableau  VIII,  partagé  cet  inter- 
valle en  périodes  de  cinq  ans,  ce  qui  permet  d'en  saisir 


—  78  — 

plus  facilement  la  marche.  On  remarque  tout  de  suite  que 
les  trois  premières  périodes,  allant  de  1886  à  1900,  ne  se 
signalent  pas  par  une  progression  très  rapide,  la  moyenne 
ayant,  de  l'une  à  l'autre  de  ces  périodes,  passé,  à 
l'importation,  de  L.  E.  38.825.886  à  57.019.667  et,  à  l'ex- 
portation, de  L.  E.  55.763.754  à  70.848.000,  tandis  qu'au 
contraire  les  deux  dernières  périodes  ont  accusé  un  mou- 
vement ascensionnel  considérable,  ayant  fourni,  de  1906 
à  1910,  L.  E.  121.015.300  et  L.  E.  129.226.838  respecti- 
vement à  l'importation  et  à  l'exportation. 

Pour  rendre  le  mouvement  encore  plus  saisissant, 
nous  établirons  une  comparaison  entre  la  première  et  la 
dernière  année  de  la  série;  nous  trouvons  ainsi  :  à  l'im- 
portationL.  E.  7.848.231,  en  1886,  contre  L.  E.  23.552.826, 
en  1910;  et,  à  l'exportation.  L.  E.  10.198.573,  en  1886, 
contre  28.944.461,  en  1910. 

Si  l'on  considère  l'ensemble  du  commerce  extérieur 
(importations  et  exportations),  on  voit  que  celui-ci  est 
passé  de  L.  E.  18.046.804,  en  1886,  à  L.  E.  52.497.287, 
en  1910. 

Si  nous  totalisons  les  chiffres  de  la  série  de  1886  à  1910, 
nous  obtenons  les  sommes  suivantes  :  L.  E.  350.464.984, 
à  l'importation,  et  L.  E.  416.125.840,  à  l'exportation.  Pour 
cette  dernière,  il  y  a  lieu  d'ajouter  au  total  qui  la  concerne, 
transcrit  des  publications  des  douanes,  le  montant  de  la 
retenue  que,  d'accord  avec  le  commerce  d'exportation, 
cette  administration  fait  subir  à  la  valeur  de  la  marchan- 
dise enregistrée  dans  ses  offices.  En  restituant  cette  retenue. 


—  79  — 

qui  est  de  10  0/0  de  la  valeur  enregistrée,  au  total  ci- 
dessus  de  L.  E.  416.125.840,  celui-ci  se  trouve  augmenté 
de  L.  E.  41.612.584  et  porté  à  L.  E.  457.738.424. 

Déduisant  de  cette  somme  le  montant  correspondant 
des  importations,  qui  s'est  élevé,  pour  la  même  période, 
à  L.  E.  350.464.984,  il  reste  L.  E.  107.273.440  d'excé- 
dent à  l'exportation,  soit  une  moyenne  annuelle  de 
L.  E.  4.290.937(111.236.215  fr.  15).  Mais  cette  moyenne 
ne  représente  pas  exactement  l'excédent  réel  de  l'expor- 
tation sur  l'importation;  en  effet,  le  coton,  qui  forme  nor- 
malement plus  de  80  0/0  de  l'exportation,  est  tarifé 
sur  la  base  des  cours  du  Good  fair  brown,  qualité  amé- 
ricaine dont  le  prix  est  toujours  inférieur  à  celui  du  coton 
égyptien. 

M.  Roussin,  dans  un  mémoire  sur  la  Balance 
du  Commerce  qui  a  paru  en  appendice  au  rapport  de 
lord  Gromer,  en  1906,  sur  l'Egypte  et  le  Soudan,  estime 
que  l'évaluation  de  la  douane  est  de  4  0/0  inférieure  au 
prix  réel  du  coton  égyptien. 

De  plus,  il  y  a  lieu  de  tenir  compte  du  gain  réalisé 
par  l'Egypte  sur  la  vente  de  son  coton  ;  on  peut  sans 
exagération  fixer  ce  gain  entre  5  et  6  0/0  du  prix  des 
produits  vendus  ;  les  chiffres  attribués  par  la  douane 
khédiviale  à  la  valeur  des  exportations  devraient  dès  lors 
être  relevés  encore  de  10  0/0,  soit  en  tout  une  majo- 
ration de  20  0/0  ;  mais,  dans  notre  tableau,  nous  n'avons 
voulu  tenir  compte  que  de  la  majoration  de  10  0/0  re- 
présentant la  retenue  pratiquée  parla  douane  sur  les  mar- 


—  80  — 

chandises  exportées.  Par  conséquent,  l'excédent  annuel, 
dont  nous  avons  parlé  plus  haut,  devrait  subir  une  majo- 
ration considérable. 

Les  chiffres  que  nous  venons  de  donner  sont  assez  élo- 
quents et  expriment  suffisamment  le  degré  de  prospérité 
auquel  est  parvenu  le  pays. 

Combien  d'États  pourraient-ils  présenter  un  tableau 
aussi  remarquable  des  progrès  de  leur  commerce 
extérieur  ? 


Planche   VII 


RÉSULTATS  Généraux 


DU 


Commerce  extérieur  de lEgypte 

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1884-  é19W 


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Légende 

„  Importations 

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intervenu  entre  l'administration   des  Douanes   &  le 

Commerce  d'exportation 
-  Exportations  ramenées  au  montant  réel  des 

marchandises    par  l'addition  des  10%  de  retenue. 


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TABLEAUX  VIII  et  IX 

Commerce  extérieur  de  l'Egypte  (1886-1910). 
Commerce  de  l'Egypte  avec  les  Pays  étrangers. 


—  82  — 


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—  84  — 


TABLEAU 

Commerce  de  l'Egypte  avec 

(Part  proportionnelle  de 


ANNÉES 


Moyennes 

quin- 
quennales 


Moyennes 

quin- 
quennales j 


1885-1889. 
1890-1894. 
1895-1899. 
1900-1904. 

1905. 

1906. 

1907. 

1908. 

1909. 


1885-1889. 
1890-1894. 
1895-1899. 
1900-1904. 

1905. 

1906. 

1907. 

1908. 

1909. 


TOTAL 


L.  E. 


ANGLETERRE 


L.  E. 


0/00 


FRANCE 


L.  E. 


0/00 


11.042. 
12.912. 
13.308. 
18.335. 
20.360. 
24.877. 
28.013. 
21.315. 
26.076. 


798 
430 
097 
116 
285 
280 
185 
673 
239 


934.609 
707.150 
859.083 
556.390 
629.853 
408.986 
225.116 
147.800 
099.910 


7.946.726 
8.871.804 
10.259.446 
16.296.954 
21.564.076 
24.010.795 
26.120.783 
25.100.397 
22.230.499 


2.986. 
3.072. 
3.488. 
5.845. 
6.927. 
7.856. 
8.492. 
8.264. 
6.743. 


092 
096 
709 
215 
598 
655 
847 
813 
678 


627,9 

596,8 

515,4 

521,2 

522 

539 

543,4 

522,9 

502,3 


375,7 

346,2 

340 

358,6 

321,2 

327,2 

325,1 

329,2 

303,3 


900.580 

81,5 

977.786 

75,7 

176.196 

88,3 

478.768 

80,6 

699.326 

83,4 

146.215 

86,2 

040.533 

72,8 

681.331 

78,8 

294.164 

87,9 

843. 

860. 
1.103. 
1.507. 
2.275, 
2.742. 
3.166. 
2.915. 
2.899. 


945 
810 
976 
073 
924 
559 
890 
817 
203 


106,2 

97 
107,6 

92,4 
105,5 
114,2 
121,2 
116,1 
130,4 


TURQUIE 


L.  E. 


0/00 


EXPOR- 


385.153 

34,8 

411.334 

31,8 

364.698 

27,4 

330.618 

18 

419.827 

20,6 

335.927 

13,5 

337.410 

12 

385.695 

18 

502.404 

19,2 

1.482. 
1.790. 
1.797. 
2.334. 
3.078. 
3.041. 
2.973. 
8.192. 
2.642. 


580 
872 
326 
628 
382 
237 
108 
976 
178 


IMPOR- 

186,5 
201,8 
175,1 
143,2 
142,7 
126,6 
113,8 
127,2 
118,8 


1.  Numéraire  non  compris.  [Ann.  stat.  de  l'Egypte  (1910),  p.  190.] 


—  85 


IX 

les  Pays   étrangers  ^ 

chaque  pays  pour  mille) 


ADTRICHE-eONGRIE 


L.  E. 


0/00 


ALLEMAGNE 


L.  E. 


o/oo 


RUSSIE 


L.  E. 


0/00 


ITALIE 


L.  E. 


o/oo 


AMÉRIQUE 


L.  E. 


0/00 


BELGIQUE 


TAXIONS 


716.607 

64,8 

14.057 

1.2 

1.010.041 

91,4 

754.284 

68,3 

606.069 

46,9 

248.465 

19,2 

1.597.679 

123,7 

662.620 

51,3 

536.167 

40,2 

530.882 

39,8 

1.514.912 

113,8 

412.041 

30,9 

784.212 

42,7 

1.339.866 

73 

1.404.881 

76,6 

694.968 

37,9 

991.177 

48,6 

1.737.350 

85.3 

1.043.096 

51,2 

629.006 

30,8 

1.259.584 

50,6 

2.035.054 

81,8 

1.399.954 

56,2 

771.757 

31 

1.315.397 

46,9 

2.252.954 

80,4 

1.599.580 

57,1 

791.044 

28,2 

1.030.072 

48,3 

1.848.932 

86,7 

1.377.577 

64,6 

704.070 

33 

1.291.848 

49,5 

2.481.826 

95,1 

1.515.614 

58,1 

736.694 

28,2 

TATIONS 


836.687 

105,2 

37.248 

4.6 

395.756 

49,8 

262.370 

33 

777.723 

87.6 

162.774 

18,3 

357.046 

40,2 

291.750 

32,8 

715.202 

69,7 

292.838 

28,5 

402.358'  39,2 

422.773 

41,2 

1.159.109 

71,1 

671.977 

41,2 

626.025 

38,4 

866.363 

53,1 

1.492.566 

69,2 

948.612 

43,9 

741.349 

34,3 

1.133.562 

52,5 

1.718.813 

71,5 

1.307.675 

54,4 

527.944 

21,9 

1.210.221 

50,4 

2.059.423 

78,8 

1.392.381 

53,3 

676.868 

25,9 

1.361.449 

52,1 

1.632.273 

65 

1.118.997 

44.5 

974.014 

38,8 

1.187.786 

47,3 

1.432.966 

64,4 

1.129.045 

50,7 

758.942 

34,1 

996.753 

44,8 

20.535 
172.813 
922.694 
975.363 
257.848 
532.180 
101.785 
154.832 
913.514 


70.269 
37.375 
162.375 
265.101 
487.685 
609.604 
572.704 
558.677 
552. 670 


1.8 
13,3 
69,3 
53,1 
61,7 
61,5 
75 
54,1 
73.3 


8.8 
4.2 
15.8 
16.2 
22,6 
25,3 
21.9 
22.2 
24.8 


L.  E. 


0/00 


41.402 

92.969 

42.760 

141.046 

111.743 

165.781 

90.251 

81.820 

85.899 


97.222 
266.740 
493.480 
547.554 
828.111 
229.698 
027.590 
725.747 
678.446 


3,7 
7.1 
3.2 
7,6 
5,4 
6.6 
3.2 
3.8 
8,2 


12.2 

30 

48.1 

33.5 

38.4 

51.2 

39.3 

28.9 

30.5 


La  différence  entre  les  °/oo  de  ce  tableau  et  ceux  de  l'Annuaire  statistique  de  l Egypte  (p.  198  et  199) 
pravient  de  ce  que  nous  avons  tenu  compte  du  commerce  des  tabacs  qui,  dans  la  statistique  officielle 
a  été  séparé  du  commerce  spécial. 


DEUXIÈME  PARTIE 


CHAPITRE  XII 


LA    CRISE    EGYPTIENNE 


Ses  causes  psychologiques  et  économiques.  —  Spéculation  effrénée  sur  les 
terrains  ruraux  et  urbains.  —  Afflux  énorme  de  capitaux  étrangers 
depuis  l'accord  franco-anglais  de  1904.  —  Abus  de  crédit.  —  Consé- 
quences de  la  crise.  —  Les  richesses  naturelles  du  pays  sont  restées 
indemnes.  —  Les  dernières  faillites;  opinion  du  Conseiller  financier. 


Parler  de  la  crise  égyptienne  est  devenu  vraiment 
fastidieux,  tant  il  a  été  noirci  de  papier  à  ce  sujet;  d'ailleurs, 
elle  n'est  plus  pour  le  public  qu'un  vague  et  déjà  lointain 
souvenir.  Si  l'on  en  parle  quelquefois,  c'est  pour  y  faire 
remonter  l'origine  du  mouvement  d'évolution  auquel  nous 
avons  fait  allusion.  Cependant,  pour  rester  fidèle  au  pro- 
gramme que  nous  nous  sommes  tracé,   de  ne  négliger 


—  88  — 

l'examen  d'aucune  question  susceptible  d'éclairer  le 
lecteur,  nous  nous  résignons  à  la  traiter  de  nouveau,  mais 
en  essayant  d'apporter  autant  que  possible  des  idées 
particulières  dans  son  analyse. 

Notons,  en  premier  lieu,  que  cette  crise  relève  bien  plus 
de  la  psychologie  que  de  l'économie  politique.  Il  est  vrai 
que  l'une  et  l'autre  y  sont  intervenues,  mais  il  semble 
impossible  d'en  saisir  les  causes  et  d'en  suivre  les  déve- 
loppements sans  l'aide  des  instruments  d'observation 
propres  à  la  psychologie.  En  effet,  la  crise  qui  a  sévi  en 
Egypte  ne  rentre  nullement  dans  la  classe  ordinaire  des 
crises  économiques.  Il  n'y  eut  ni  surproduction,  ni  pénurie 
de  produits,  ni  modification  d'aucune  sorte  dans  l'état 
des  richesses  du  pays  ;  telles  elles  étaient  avant  la  crise, 
telles  elles  sont  restées  dans  la  période  la  plus  aiguë,  telles 
elles  se  retrouvent  encore  aujourd'hui,  sauf,  bien  entendu, 
le  développement  naturel  qu'elles  ont  dû  prendre.  Ce  n'est 
pas  l'industrie  manufacturière,  absente  du  pays,  ce  n'est 
pas  l'industrie  minière,  encore  à  naître,  qui,  trompées 
dans  leurs  prévisions,  ont  fait  pencher  la  balance  d'un 
côté  ou  de  l'autre.  S'il  y  eut  déséquilibre,  ce  fut  dans 
l'état  d'esprit  de  la  population  des  centres,  déséquilibre 
provoqué  par  une  intense  suggestion  qui,  parvenue  gra- 
duellement à  son  paroxysme,  s'empara  de  toutes  les  fa- 
cultés cérébrales.  Au  règne  de  la  volonté  réfléchie  se 
substitua  peu  à  peu  celui  de  l'impulsion  irrésistible,  et 
l'on  eut  alors  le  spectacle  extraordinaire  de  toutes  les 
classes  de  la  population  urbaine,  indigène  et  étrangère, 


—  89  — 

obéissant  à  la  même  excitation,  manifestant  les  mêmes 
symptômes  de  folie. 

«  En  Egypte,  autant  et  plus  qu'en  aucun  autre  pays  en 
«  cours  de  développement  économique,  la  partie  de  la 
«  population  que  les  affaires  intéressent  en  qualité  de 
«  capitaliste  ou  d'intermédiaire  est  passible  de  ces  em- 
«  ballements,  soit  dans  un  sens,  soit  dans  l'autre.  Une 
«  âme  collective  extrêmement  complexe,  ondoyante  et 
«  diverse,  unit  ce  bizarre  groupement  d'Européens  déra- 
«  cinés,  de  Syriens,  d'Hellènes,  d'Arméniens,  d'Israélites, 
«  d'indigènes  plus  ou  moins  européanisés,  formée  d'in- 
«  clinations,  de  dispositions  et  d'aptitudes,  les  unes  heu- 
«  reuses,  tout  au  moins  brillantes,  les  autres  susceptibles 
«  de  devenir  dangereuses  sous  l'action  des  circonstances  : 
«  imagination  vive,  remarquable  facilité  de  conception, 
«  et  plus  encore  d'assimilation  et  d'expression  ;  mais, 
«  en  revanche,  vanité,  goût  de  la  dépense  et  de  l'osten- 
«  tation,  négligence  mêlée  d'impulsivité,  dédain  du  béné- 
«  fice  modeste  et  régulier,  hantise  du  gros  gain  hasardeux, 
«  imprévoyance  manifestée  surtout  par  l'insouciance 
«  des  engagements  contractés,  crédulité  et  défaut  d'esprit 
«  critique  ;  enfin,  ce  qui  est  plus  grave,  absence  aussi 
«  complète  que  possible,  chez  beaucoup  d'entre  eux,  de 
«  sens  moral.  De  cet  ensemble  de  qualités  attachantes 
«  et  de  défauts  parfois  sympathiques  est  résulté  un  tem- 
«  pérament  de  joueur  surexcité  par  l'optimisme  qui  se 
«  dégage  invinciblement,  dans  cette  contrée  bénie,   du 


—  90  — 

«  spectacle  d'un  ciel  toujours  bleu,  d'une  nature  éter- 
«  nellement  souriante  et  prodigieusement  féconde  ;  opti- 
«  misme  d'ailleurs  bien  excusable  quand  on  songe  aux  pro- 
«  grès  immenses  réalisés  par  l'Egypte  en  si  peu  d'années. 
«  Que  l'on  joigne  à  cette  tendance  l'inexpérience  auda- 
ce cieuse  des  plus  habiles  parmi  ces  hommes  d'affaires 
«  improvisés,  lancés  pour  la  plupart  sans  préparation 
«  au  beau  milieu  de  ce  monde  financier  découvert,  au 
«  début  du  xix^  siècle,  et  dans  lequel  nos  pères  ne  se  sont 
«  point  acclimatés  sans  peine,  et,  tout  compte  fait,  l'on 
«  s'étonnera  presque  que  la  crise  égyptienne  actuelle, 
«  cette  première  manifestation  de  la  puberté  économique 
«  d'un  pays  récemment  né  à  la  vie  moderne,  n'ait  pas  été 
«  plus  violente  ^  » 

Que  s'était-il  donc  passé  ?  Quelle  était  la  raison  de  cet 
état  de  choses  ? 

On  sait  que  depuis  la  mainmise  des  Anglais  sur  la 
haute  direction  des  affaires  du  pays,  leurs  principaux 
efforts  se  sont  portés  sur  le  développement  de  ses  richesses 
naturelles.  A  cet  effet,  ils  ont  entrepris  et  mené  à  bonne 
fin  l'exécution  de  travaux  hydrauliques  gigantesques  qui 
ont  doté  le  pays  du  remarquable  système  d'irrigation 
dont  nous  avons  esquissé  les  grandes  lignes.  Par  le  déve- 
loppement parallèle  des  voies  de  transport  terrestres  et 
fluviales,  l'exploitation  agricole  ayant  été  pourvue  du 

1.  p.  Arminjon,  La  Situation  économique  et  financière  de  l'Egypte,  p.  603. 


—  91  — 

complément  de  ressources  générales  dont  elle  pouvait 
avoir  besoin,  l'Egypte  se  trouva  dès  lors  dans  la  situation 
la  plus  enviable. 

Tandis  qu'autrefois  la  propriété  n'était  pas  fournie 
régulièrement  de  l'eau  nécessaire  à  son  irrigation,  et  que, 
faute  de  drains,  une  partie  en  était  sacrifiée  pour  recevoir 
les  eaux  de  colature  ;  tandis  que  le  propriétaire,  n'ex- 
ploitant pas  lui-même  ses  terres,  ne  pouvait,  faute  de 
moyens  rapides  de  transport,  les  visiter  qu'avec  les  plus 
grandes  difficultés  et,  par  suite,  en  contrôler  effectivement 
l'administration  ;  tandis  que  les  produits  de  son  domaine 
restaient  longtemps  sur  place  sans  moyens  de  transport 
économiques  pour  les  amener  sur  les  marchés  commer- 
ciaux ;  aujourd'hui,  grâce  aux  travaux  récents,  une  trans- 
formation complète  s'est  effectuée  au  profit  et  de  la  pro- 
priété et^du  propriétaire. 

D'un  autre  côté,  le  développement  de  la  richesse  mon- 
diale, la  pénétration  de  la  civilisation  en  de  nouveaux 
milieux  ont  eu  et  ont  encore  pour  conséquence  une  aug- 
mentation de  la  demande  des  matières  premières,  aug- 
mentation qui  n'a  pu  être  suivie  parallèlement  par  la  pro- 
duction. Au  nombre  de  ces  matières  premières  se  trouve 
le  coton,  produit  fondamental  de  l'agriculture  égyp- 
tienne ;  plus  que  tout  autre  et  en  raison  de  sa  grande 
nécessité,  comme  aussi,  il  faut  le  reconnaître,  grâce  à 
l'habile  tactique  de  la  puissante  spéculation  américaine, 
il  a  vu  son  prix  bénéficier  d'une  plus-value  considérable. 

Ces  deux  causes  auraient  dû,  combinant  leurs  effets, 

6 


—  92  — 

déterminer  un  mouvement  graduel  de  hausse  dans  le  prix 
de  la  propriété  foncière.  Cependant  cette  hausse  ne  se 
produisit  pas;  il  fallait  le  concours  d'un  troisième  facteur, 
la  stabilité  politique,  qui  faisait  encore  défaut;  l'occu- 
pation anglaise  devait  l'établir. 

Mais  cette  occupation  allait- elle  durer  ?  La  France 
ne  finirait- elle  pas  par  passer  de  la  protestation  passive 
à  la  politique  active  pour  faire  prévaloir  ses  droits  qu'elle 
considérait  comme  lésés  ?  N'allait- on  pas  retomber  dans 
les  bouleversements  et  l'anarchie  du  passé  ?  Telles  étaient 
les  raisons  qui  empêchaient  les  deux  premiers  facteurs 
d'exercer  leur  action  commune  sur  la  valeur  de  la  terre. 

La  convention  franco- anglaise  de  1904  dissipa  toutes 
ces  appréhensions  en  donnant  définitivement  à  l'Egypte 
cette  stabilité  politique  sans  laquelle  nul  effort  ne  saurait 
produire  son  plein  et  entier  effet.  Du  jour  où  elle  fut 
signée,  la  hausse  des  terres,  jusque-là  contenue,  se  mani- 
festa grâce  à  l'afflux  considérable  de  capitaux  étrangers 
qui  se  produisit  au  même  moment  et  au  maintien  des 
cours  élevés  du  coton.  En  peu  de  temps,  les  prix  se 
trouvèrent  presque  doublés.  Cette  augmentation  était  en 
elle-même  parfaitement  justifiée  non  seulement  parce 
qu'elle  correspondait  étroitement  aux  améliorations  de 
toutes  sortes  dont  la  terre  avait  bénéficié,  mais  parce 
que  le  taux  de  capitalisation  qui  servait  de  base  à 
l'établissement  du  prix  de  la  propriété  était  alors  de 
beaucoup  supérieur  au  taux  actuel,  lequel  dépasse  tou- 
jours 6  0/0.    Seulement    cette    hausse,    venue  brusque- 


—  93  — 

ment,  sans  transition,  devait  produire  l'accès  de  folie 
dont  nous  avons  parlé  et  dont  voici  la  genèse  : 

D  a  jour  au  lendemain,  le  propriétaire  rural  était  devenu 
tout  d'un  coup  deux  fois  plus  riche  qu'il  ne  l'était,  sans 
toutefois  que  son  revenu  eût  augmenté  du  fait  de  cet 
accroissement  de  sa  fortune,  et  sa  propriété  se  vendait 
facilement  à  un  prix  double  de  celui  qu'il  aurait  pu  en 
obtenir  auparavant.  Or  il  y  avait  aussi  les  terrains  des 
villes  ;  sans  approfondir  les  raisons  de  la  hausse,  sans  en 
rechercher  l'action  latente,  on  ne  doutait  point  que  la 
propriété  urbaine,  comme  celle  des  champs,  dût  doubler 
de  valeur.  G' était  toujours  de  la  terre,  et  il  n'y  avait  aucune 
raison  de  les  différencier.  Et  puis,  disait- on,  sur  quoi 
repose  la  valeur  de  la  propriété  urbaine  ?  Et  qu'est-ce 
qui  en  fait  le  prix  ?  D'une  part,  l'état  de  richesse  du  milieu  ; 
de  l'autre,  le  nombre  de  ses  habitants. 

Riche,  le  milieu  l'était,  certes,  puisque  sa  population, 
composée  en  grande  partie  de  propriétaires  ruraux,  avait 
vu  doubler  sa  fortune  comme  par  un  coup  de  baguette  ; 
très  peuplé,  il  l'était  aussi,  puisque  les  divers  recense- 
ments effectués  jusque-là  avaient  révélé  un  accroissement 
considérable  de  la  population.  Ce  fut  ainsi  que,  peu  à  peu, 
on  se  fit  cette  douce  illusion  que  la  fortune  du  pays  n'a- 
vait pas  de  limites  et  que  la  population  ne  devait  pas  cesser 
de  s'accroître,  celle  du  Caire  notamment  devant  bientôt 
dépasser  un  million  d'habitants.  Pour  ce  million  d'habi- 
tants, que  de  terrains  ne  fallait-il  pas,  surtout  si,  dans 
ce  nombre,  une  foule  de  riches,  à  l'étroit  dans  leurs  de- 


—  94  — 

meures  et  acquis  maintenant  à  une  civilisation  plus  raf- 
finée, entendaient  se  loger  grandement  avec  tout  le  confort 
moderne.  On  supputait  jusqu'aux  résultats  que  devait 
procurer  à  l'Egypte,  en  général,  et  aux  grands  centres,  en 
particulier,  l'achèvement,  qu'on  disait  très  prochain,  du 
chemin  de  fer  du  Gap  au  Caire. 

Du  fait  de  cet  achèvement.  Le  Caire  et  Alexandrie 
n'auraient- ils  pas  bientôt  à  abriter  une  population  double 
de  celle  qu'ils  renfermaient  aujourd'hui  ?  Pourrait- on 
jamais  payer  assez  cher  ces  terrains,  puisqu'il  n'y  avait  là 
que  l'escompte  d'une  valeur  certaine  réalisable  dans  un 
avenir  très  rapproché. 

Et  les  calculs  d'aller  leur  train,  et  les  imaginations  de 
les  amplifier,  et  les  esprits  de  s'exciter  et  de  s'échauffer  ! 
Pendant  ce  temps,  les  transactions  sur  les  terrains  à  bâtir 
suivaient  leur  cours,  se  multipliant  sans  cesse  et  ne  tar- 
dant pas  à  englober  jusqu'aux  terres  cultivées  ou  déser- 
tiques de  la  grande  banlieue  que  l'on  faisait  graduelle- 
ment rentrer  dans  les  périmètres  des  grands  centres  ;  les 
lots  passaient  de  main  en  main,  plusieurs  fois  même  dans 
une  seule  journée,  et  voyaient  leur  prix  hausser  dans  des 
proportions  fantastiques. 

Des  sociétés  immobilières  se  fondaient  ;  puis  des  so- 
ciétés foncières,  des  sociétés  urbaines  et  rurales,  des  so- 
ciétés boursières,  industrielles,  commerciales,  se  suivant 
les  unes  les  autres  à  la  course,  tant  et  si  rapidement  que 
leur  nombre  dépassa  bientôt  deux  cent  cinquante. 

Mais,  dira- 1- on,  pour  acheter,  il  faut  avoir  de  l'argent  : 


—  95  — 

cela  n'est  vrai  que  jusqu'à  un  certain  point,  puisque, 
dans  notre  société  moderne,  il  y  a  une  chose  qui  tient  lieu 
d'argent,  c'est  le  crédit.  En  Egypte,  le  crédit  était  dis- 
tribué à  tout  venant  ;  chacun,  à  l'envi,  se  faisait  ouvrir 
un  compte. 

Les  Sociétés  immobilières  à  leur  tour  surenchérissaient 
dans  la  distribution  du  crédit.  Pour  devenir  leur  acheteur, 
il  suffisait  d'effectuer  le  versement  d'une  fraction  quel- 
conque du  prix  du  terrain  et  de  contracter  un  engagement 
pour  le  règlement  du  reste.  De  leur  côté,  leurs  acheteurs 
revendaient  dans  les  mêmes  conditions  qui  leur  avaient 
été  faites  par  les  sociétés  ;  tout  le  monde  utilisait  la  même 
somme,  qui  ne  faisait  que  changer  de  main.  Ainsi  avec 
une  circulation  relativement  restreinte,  arrivait-on  à  aug- 
menter tellement  le  volume  des  transactions  qu'elles 
devenaient  de  jour  en  jour  plus  précaires. 

De  leur  côté,  les  agents  de  change,  qui  puisaient  à  vo- 
lonté dans  la  caisse  des  banques,  pour  ne  pas  être  en  reste 
de  générosité  avec  elles,  leur  consignaient  des  dossiers 
de  titres  où  la  variété  des  couleurs  le  disputait  généra- 
lement  à  la  nullité  de  la  valeur.  Beaucoup  plus  conciliants 
que  les  banques,  ils  allaient  jusqu'à  exécuter  les  ordres 
du  premier  venu  sans  la  moindre  garantie.  De  nombreux 
capitalistes  étrangers,  des  touristes  même,  alléchés  par 
les  profits  extraordinaires  dont  ils  entendaient  parler,  se 
mêlèrent,  eux  aussi,  à  cette  fête  de  la  folie  et  lui  appor- 
tèrent un  très  large  concours. 

Enfin,  et  comme  il  fallait  le  prévoir,  la  crise  survint  ; 


—  96  — 

elle  fit  de  grands  ravages  et  de  nombreuses  victimes,  mais 
aussi,  par  un  contre- coup  des  plus  heureux,  elle  fut  suivie 
d'une  réaction  éminemment  salutaire.  Nous  avons  déjà 
parlé  des  effets  de  cette  réaction  à  laquelle  nous  continuons 
d'assister  et  dont,  avec  juste  raison,  on  attend  la  trans- 
formation morale  du  pays.  Cette  transformation  s'accom- 
plit avec  une  rapidité  remarquable,  et  le  jour  ne  semble 
pas  éloigné  où,  comme  nous  l'avons  dit,  le  pays  se  trou- 
vera, au  point  de  vue  économique,  doté  de  tous  les  instru- 
ments de  progrès. 

Et  le  fellah,  dira- 1- on  ?  Mais  le  fellah,  que  nous  avons 
vu  attaché  à  sa  terre,  comme  les  végétaux  qu'il  cultive, 
n'a  pu  naturellement  prendre  part  à  cette  agitation  qui 
s'est  localisée  essentiellement  dans  les  villes.  La  terre 
rurale  qu'il  exploitait  resta,  elle  aussi,  étrangère  à  la 
spéculation  et  à  la  crise,  et  il  est  probable  que,  sans  le 
resserrement  du  crédit  qui  se  fit  sentir  pendant  quelque 
temps  et  dont  il  eut  à  souffrir,  il  aurait  ignoré  que  son 
pays  avait  traversé  une  crise. 

Nous  ne  pouvons  passer  ici  sous  silence  les  retentis- 
santes faillites,  de  la  Bank  of  Egypt  et  de  la  Maison 
Zervudachi,  qui  eurent  lieu  en  automne  1911.  Elles  ont 
provoqué  bien  des  commentaires,  la  plupart  défavorables 
au  pays,  il  faut  le  reconnaître.  Pour  mettre  la  question 
au  point,  il  nous  suffira  de  citer  l'opinion  du  Conseiller 
financier  de  l'Egypte,  dans  sa  note  sur  le  Budget  de 
1912: 


—  97  — 

«  Ces  faillites,  écrit- il,  sont  dues  à  des  causes  bien  anté- 
«  rieures  à  l'année  en  cours,  et  c'est  à  tort  que  l'on  en 
«  tirerait  des  conclusions  défavorables  à  la  situation  éco- 
«  nomique  de  l'Egypte  dans  son  ensemble... 

«  De  fait,  la  faillite  de  la  Bank  of  Egypt  a  été  déter- 
«  minée  par  un  système  défectueux  dans  la  gestion  des 
«  affaires  datant  de  longtemps.  On  ne  saurait  sans  danger 
«  consentir  avec  des  fonds  empruntés  à  trois  mois  des 
«  prêts  recouvrables  à  des  dates  relativement  éloignées... 

«  Les  autres  faillites  auxquelles  il  a  été  fait  allusion  ne 
«  sont  qu'un  résultat,  longtemps  différé,  il  est  vrai,  du 
«  mouvement  de  spéculation  qui  aboutit  à  la  crise  de 
«  1907.  Les  lourds  engagements  qui  avaient  été  pris 
«  avant  la  crise,  gagés  par  un  actif  déprécié  ou  devenu 
«  momentanément  irréalisable,  sont  demeuré  s  en  suspens... 
«  S'il  doit  résulter  de  ces  événements  une  situation  plus 
«  claire  et  plus  saine,  le  mal  n'est  pas  sans  avoir  son  bon 
«  côté.  Les  sources  essentielles  de  richesse  et  de  prospérité 
«  du  pays  n'ont  pu  être  affectées,  quel  que  soit  le  tort 
«  causé  aux  affaires  et  au  crédit  de  l'Egypte,  par  des  pro- 
«  cédés  tels  que  ceux  qui  viennent  d'être  révélés.  » 


CHAPITRE  XIII 


MONOCULTURE 


Pourquoi  on  a  parlé  de  monoculture.  —  Statistique  comparative  des 
superficies  occupées  par  les  différentes  cultures  ;  le  coton  vient  en 
deuxième  rang  après  le  maïs;  il  n'entre  dans  l'ensemble  des  cul- 
tures que  pour  20,83  0/0.  —  Différence  existant  entre  un  pays  à 
vignobles,  comme  la  France,  si  terriblement  éprouvée  par  le  phyl- 
loxéra, et  l'Egypte  cotonnière. 


Ce  mot  dont  la  résonance  a  frappé  si  désagréablement 
les  oreilles  françaises,  d'abord  à  propos  de  la  garance  et, 
en  dernier  lieu,  à  propos  de  la  vigne,  dont  heureusement 
les  désastres  ont  été  réparés,  a  eu  son  écho  en 
Egypte.  C'est  à  cela  sans  doute  qu'est  due  l'agitation  qui 
s'est  manifestée,  dans  certains  milieux  égyptiens,  à  propos 
du  prétendu  envahissement  de  la  culture  cotonnière.  Il 
fut  un  temps  où  l'on  n'entendait  parler  que  de  monocul- 
ture ;  on  ne  lisait  que  des  diatribes  contre  la  déplorable 
tendance  du  fellah  à  délaisser  ses  cultures  habituelles 
au  profit  du  cotonnier.  Cette  question  de  la  monoculture, 
soulevée  bien  souvent  à  l'occasion  de  mauvaises  cam- 
pagnes, a  été  provoquée  par  la  place  prépondérante  oc- 


—  99  — 

cupée  par  le  coton  dans  le  commerce  d'exportation  et  par 
l'extension  de  sa  culture. 

Si  l'on  n'a  devant  les  yeux  que  les  tableaux  statistiques 
des  Douanes,  on  est  surpris  d'y  constater  que  presque  tout 
le  commerce  d'exportation  est  accaparé  par  le  coton,  qui 
en  détient  les  quatre  cinquièmes  (tableau  X  page  104). 

Gela  tient,  tout  simplement,  à  ce  que  presque  tous  les 
autres  produits  sont  consommés  sur  place,  tandis  que  le 
coton  est  exporté  en  totalité,  le  pays  ne  possédant,  en 
dehors  des  usines  d'égrenage,  aucune  installation  pour  le 
travailler  \ 

Il  est  vrai  encore  que,  depuis  une  quinzaine  d'années,  la 
culture  du  cotonnier  s'est  développée  considérablement '^j 
—  ce  qui  se  comprend,  du  reste,  en  raison  du  profit 
très  élevé  qu'en  retire  le  pays,  —  mais  sans  pour  cela 
faire  tort  aux  autres  cultures.  Son  extension  a  marché 
parallèlement  à  celle  de  la  superficie  totale  cultivée  qui 
s'est  augmentée  d'une  quantité  un  peu  inférieure,  de 
terres  autrefois  en  friche.  C'est  ce  qu'établit  le  graphique 
de  la  planche  VIII  ci-après  qui  nous  montre  d'année 
en  année,  de  1893  à  1909,  les  accroissements  respectifs 
de  la  culture  cotonnière  et  de  la  superficie  cultivée.  On  y 
voit  qu'en  1909  les  augmentations  étaient  de  1.320.659 
feddans  pour  la  superficie  des  cultures,  et  de  631.109  pour 
la  culture  cotonnière.  Il  faut  bien  se  garder  d'en  conclure 


1.  Il  y  a  bien  deux  fabriques  de  tissage,  dont  une  à  Alexandrie  et  l'autre 
au  Caire,  mais,  pour  des  raisons  spéciales,  aucune  d'elles  n'a  pu  prospérer. 

2.  Voir  tableau  XI  et  planche  VIII,  pages  105  et  107. 


—  100  — 

que  les  nouvelles  terres,  seules,  ont  fourni  l'accroisse- 
ment de  la  culture  cotonnière  ;  cet  accroissement  a  été 
acquis  partie  sur  ces  terres  et  partie  sur  quelques-unes  de 
la  Moyenne- Egypte  où  s'est  faite  la  conversion  du  régime 
des  bassins  à  celui  de  l'irrigation  pérenne. 

Sous  le  premier  de  ces  régimes,  on  ne  pouvait  entre- 
prendre qu'une  culture  par  an,  et,  le  cotonnier  restant 
encore  sur  pied  au  moment  de  l'inondation,  il  était  impos- 
sible de  le  cultiver.  Avec  la  conversion  à  l'irrigation  pé- 
renne, la  culture  en  est  devenue  possible,  et  beaucoup  de 
propriétaires  de  cette  région  en  ont  profité  pour  faire  du 
coton,  mais  dans  une  bien  moindre  proportion  que  dans 
la  Basse- Egypte.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  conversion  est 
aujourd'hui  terminée,  et  l'on  est  en  droit  d'affirmer  que, 
jusqu'à  l'achèvement  de  la  surélévation  du  réservoir 
d'Assouan,  il  ne  se  produira  aucune  nouvelle  modification 
dans  la  répartition  des  cultures. 

Examinons  maintenant  la  superficie  occupée  par  la 
culture  cotonnière.  Ce  détail  a  déjà  trouvé  sa  place  dans 
la  partie  consacrée  à  l'exploitation  du  sol.  Pour  le  rap- 
peler, il  vaut  mieux  le  présenter  dans  un  tableau  d'en- 
semble {tableau  XII  et  planche  IX)  où  figurent  les  princi- 
pales cultures  du  pays.  De  ce  tableau,  emprunté  à  V  An- 
nuaire statistique  de  VÊgypte  (1910),  nous  avons  extrait 
les  chiffres  des  deux  saisons  1907-1908  et  1908-1909. 

Sur  le  graphique  IX,  la  comparaison  est  autrement  frap- 
pante. La  figure  qui  est  en  tête  de  la  planche  nous  montre 
la  répartition  du  sol,  au  point  de  vue  des  cultures  qu'il 


—  101  — 

reçoit  et  la  place  occupée  par  le  cotonnier  en  particulier. 
On  voit  que  celui-ci,  pour  la  saison  1908-1909,  ne  vient 
qu'à  la  suite  du  maïs  qui,  lui,  tient  la  tête  avec  ses 
1.796.745  feddans  représentant  les  23,42  0/0  de  l'en- 
semble, tandis  que  le  cotonnier  ne  représente  que 
20,83  0/0  avec  ses  1.597.055  feddans.  D'ailleurs,  on  remar- 
quera que,  pendant  la  saison  précédente  (1907-1908),  la 
superficie  occupée  par  le  cotonnier  avait  atteint  1.640.415 
feddans  ;  il  y  eut  donc,  pour  la  saison  suivante,  un  retour 
en  arrière  qui  se  traduit  par  une  diminution  de  43.360  fed- 
dans sur  la  superficie  cultivée  en  1907-1908  et  qui  se  re- 
présente presque  intégralement  pour  la  saison  1909-1910. 

On  voit  par  ces  chiffres  que  le  pays  est  bien  loin  de 
l'état  de  monoculture,  puisque  le  coton,  au  profit  duquel 
on  suppose  à  tort  que  le  pays  délaisse  les  autres  cultures, 
occupe  seulement  le  deuxième  rang  après  le  maïs  et 
n'entre  dans  l'ensemble  que  pour  20,83  0/0. 

Viennent  ensuite  le  blé  avec  1.249.264  feddans,  le  ber- 
sim  avec  1.531.793  feddans,  les  fèves  avec  566.688  fed- 
dans, l'orge  avec  423.293  feddans,  le  riz  avec  271.820  fed- 
dans, etc.. 

Par  contre,  au  point  de  vue  de  la  valeur  commerciale, 
le  coton  occupe  le  premier  rang  avec  L.  E.  26.720.880  sur 
L.  E.  60. 573. 577  représentant  la  valeur  brute  moyenne  de 
la  récolte  égyptienne  ;  il  est  donc  loin  de  primer  en  valeur 
l'ensemble  des  autres  produits  agricoles. 

Mais  si,  par  la  suite,  la  culture  du  coton  venait  à 
exclure  toutes  les   autres,   la   situation   économique  de 


—  102  — 

l'Egypte  serait- elle  réellement  compromise?  Pour  répon- 
dre à  cette  question,  il  suffira  de  constater  la  différence 
existant  entre  la  situation  d'un  pays  à  vignobles  comme 
la  France,  si  terriblement  éprouvé  par  le  phylloxéra, 
et  celle  de  l'Egypte  cotonnière.  Pour  bien  établir  cette 
différence,  il  importe  de  rappeler  que,  l'établissement 
d'un  vignoble  exige  une  mise  de  fonds  pouvant  varier 
de  1.500  à  3.000  francs  par  hectare,  soit  L.  E.  24  1/2  à 
49  par  feddan. 

Voyons  maintenant  quels  sont  les  travaux  d'aména- 
gement qu'exige  le  sol  pour  la  culture  du  coton. 

Si  l'on  a  affaire  à  une  terre  en  friche,  il  faut  qu'elle  soit 
parfaitement  nivelée  pour  être  apte  à  recevoir  l'eau  par 
irrigation  ;  il  faut  ensuite  procéder  à  son  dessalement, 
parce  que  tout  le  sol  égyptien  est  plus  ou  moins  impré- 
gné de  sel,  surtout  au  voisinage  de  la  mer  ;  ces  deux  opé- 
rations peuvent  durer  de  quatre  à  cinq  ans  et  coûter, 
suivant  le  relief  du  sol  et  la  quantité  de  sel  qu'il  contient, 
de  20  à  50  livres  par  feddan,  y  compris  les  autres  amélio- 
rations foncières. 

Une  fois  qu'elles  sont  terminées,  le  sol  a  acquis  toutes 
aptitudes  pour  recevoir  la  semence  du  coton,  le  faire  pous- 
ser et  fructifier  à  l'égal  des  autres  terres  en  exploitation. 

C'est  donc  à  peu  près  une  mise  de  fonds  analogue  à 
celle  qui  est  nécessaire  pour  la  plantation  d'un^ vignoble, 
avec  cette  différence  cependant  que,  pour  le  cotonnier,  les 
frais  d'établissement  sont  presque  entièrement  absorbés  par 
la  mise  en  état  du  terrain  :  pour  le  vignoble,  au  contraire. 


—  103  — 

la  moitié  de  ces  frais  ne  profite  pas  au  sol,  puisqu'elle  est  re- 
présentée par  des  installations  et  du  matériel  complètement 
inutilisables  en  cas  d'abandon  de  la  culture  de  la  vigne. 

D'ailleurs,  pour  la  culture  du  cotonnier,  la  préparation 
du  sol  est  exactement  la  même  que  pour  la  culture  du 
blé,  de  l'orge,  des  fèves,  du  bersim,  etc.  Il  n'y  a  donc  lieu 
à  aucune  préparation  particulière,  à  aucune  installation, 
ni  à  l'acquisition  d'aucun  matériel.  Notons  encore  que  la 
vigne  ne  commence  à  produire  sérieusement  qu'au  bout 
de  quatre  ou  cinq  ans,  alors  que  le  cotonnier  donne  sa 
récolte  dans  l'année  même  de  sa  plantation.  Planté  en 
mars  ou  avril,  il  produit  son  fruit,  de  septembre  à  no- 
vembre, en  trois  cueillettes;  la  dernière  terminée,  il  dépérit 
et  meurt.  C'est  donc  une  plante  annuelle,  comme  toutes 
celles  qui  sont  cultivées  en  Egypte,  sauf  la  canne  à  sucre 
et  l'indigo,  qui,  tous  deux,  occupent  le  sol  pendant  deux 
ou  trois  ans  ;  l'une  et  l'autre  culture,  surtout  la  seconde, 
sont,  d'ailleurs,  de  minime  importance. 

Après  la  mort  du  cotonnier,  on  arrache  les  pieds,  dont 
le  bois  est  vendu  à  raison  de  2  fr.  50  la  charge  de  250  kilo- 
grammes. Puis,  suivant  le  système  d'assolement  adopté, 
on  passe  à  d'autres  cultures,  ou  bien  on  laisse  reposer  la 
terre  pendant  quelque  temps  avant  de  [la  cultiver  de 
nouveau,  et,  passé  un  an  ou  deux,  on  revient  au  cotonnier 
et  ainsi  de  suite.  //  n'y  a  donc  aucune  comparaison  pos- 
sible entre  le  cotonnier  et  toute  autre  plante  dont  la  culture 
exige  des  aménagements  spéciaux  et  a  donné  lieu,  en  d'autres 
pays,  à  des  déceptions  ou  même  à  de  véritables  désastres. 


i  '^h 


—  104 


TABLEAU    X 

Coton  exporté^ 


ANNÉES. 


[ 1885-1889 
Moyennes     \ 

1890-1894 
quinquennales.) 

11895-1899 

1900-1904  

1905 

1906 

1907 

1908 

1909 

1910  


EXPORTA 
TIONS 
globales 


L.  E. 

11.042.798 
12.912.630 
13.308.097 
18.335.116 
20.360.285 
24.877.280 
28.013.185 
21.315.673 
26.076.239 
28.944.461 


EXPORTA- 
TIONS 
de   coton 


L.  E. 

7.548.161 
8.561.246 
9.682.572 
14.227.651 
15.806.440 
20.528.002 
23.597.844 
17.091.603 
21.477.739 
24.241.712 


0/0 


68,35 
66,30 
72,75 
77.59 
77,63 
82,51 
84,23 
80,18 
82,36 
83,75 


1.  Annuaire  statistique  de  VÉgypte  (1911),  p.  226. 


Planche   VIIl 


Augmentation  de  la  superficie  plantée  en  coton 
et  de  la  superficie  des  cultures 

DE  1893-94'.A  1908-09 

^.êJOM  feddans 


Superfïj 


ô8^fe(/4 


S6S.imfiddam' 


'HS 


Augmentation: 


Su])erf]cie 


des 


crjltTires 


L220Mi}fedÉam  ^O.'/SV 


/.5S7M^âfeiida/Js 


Q-d-     '^lO     9cn    <&r-    C:oo     aoo>     SÇ     5—    âoj     ^ro     c*3^    -^us    mco     cct-~     ^oo     9oï 

So>    2*    ^w   SSî   S<"    S?«    SS    S°   S«=>    So    So   S=   So    Sq    So    s? 


—  107  — 


TABLEAU    XI 

Extensions  comparées  de  la  superficie  totale 

des  cultures  et  de  la  superficie  de  la  culture  cotonnière 

depuis  1893-94  à  1908-09 1 


ANNÉES 

SURFACE 
TOTALE 

des 
cultures 

AUGMEN- 
TATION 
%  par 
rapport 
à  1893-94 

SURFACE 

de  la  culture 

cotonnière 

AUGMEN- 
TATION 
%  par 
rapport 
à  1893-94 

1893-1894  

Feddans. 
6.349.885 

6.431.808 
6.552.172 
6.764.401 
6.848.396 
7.032.711 
7.160.804 
7.291.267 
7.429.294 
7.338.685 
7.583.633 
7.563.119 
7.480.546 
7.662.317 
7.597.859 
7.870.544 

» 

1,29 

3,18 

6,52 

7,85 

10,75 

12,77 

14,82 

16,99 

15,57 

19,42 

19,10 

17.80 

20,66 

19,65 

20,79 

Feddans. 
965.946 

997.735 

1.050.749 

1.128.151 

1.121.262 

1.153.307 

1.230.319 

1.249.884 

1.275.677 

1.332.510 

1.436.709 

1.566.602 

1.506.291 

1.603.224 

1.640.415 

1.597.055 

» 

3,29 
8,77 
16,79 
16,07 
19,89 
27,38 
29,39 
32,06 
37,94 
48,73 
62,18 
55,93 
65.97 
69.82 
65.33 

1894-1895  

1895-1896  

1896-1897  

1897-1898  

1898-1899  

1899-1900  

1900-1901  

1901-1902  

1902-1903  

1903-1904  

1904-1905  

1905-1906  

1906-1907  

1907-1908  

1908-1909  

Augmentation  absolue  de 
1893-1894  à  1908-1909: 

Feddans. 
1.320.659 

Feddans. 
831.109 

1.  Annuaire  statistique  de  l'Egypte  (1909),  p.  270  et  272,  et  (1910),  p.  238  et  240. 


—  108  — 


TABLEAU    XII 

Superficies  occupées  par  les  différentes  cultures  ^ 


Coton 

Maïs 

Biz 

Blé 

Fèves 

Orge 

Canne  à  sucre 

Fourragères  et  autres 
Jardins  

Totaux 


1907-1908. 


Feddans. 


1.640.415 

1.799.705 

248.763 

1.168.166 

541.085 

440.606 

88.562 

1.693.043 

27.514 


7.597.859 


0,0 


21,59 

23,69 
3,27 

15,38 
7,12 
5,80 
0,51 

22,28 
0,36 


100  » 


1908-1909. 


Feddans. 


1.597.055 

1.796.745 

271.820 

1.249.264 

566.688 

423.293 

43.982 

1.691.363 

30.334 


7.670.544 


0/0 


20,83 

23,42 
3,54 

16,28 
7,39 
5,52 
0,57 

22,05 
0,40 


100    )) 


1.  Annuaire  statistique  de  l'Egypte  (1910),  p.  237. 


Planche    IX 


Agriculture  Egyptienne 


Saison    190  8 -09 


"^^ 


^Mpl 


^OTAL^ 


CHAPITRE  XIV 

DIMINUTION    DANS    LE    RENDEMENT 
DU   COTON 


Il  a  diminué  de  20,30  O/o  à  l'hectare.  —  Commentaires  erronés  de 
M.  Paul  Deschanel  et  réfutation  par  la  Chambre  de  Commerce 
française  d'Alexandrie.  —  Causes  principales  de  la  diminution  :  l'excès 
d'humidité  du  sol  ;  les  parasites.  —  Autres  causes  :  dégénérescence  de 
la  graine  ;  insuffisance  des  engrais. 


C'est  un  fait  indéniable  que  le  rendement  du  coton  est 
en  diminution  depuis  quelques  années. 

Le  tableau  XIII  et  le  graphique  de  la  planche  X,  que 
l'on  trouvera  à  la  fin  de  ce  chapitre,  traduisent  les 
mouvements  de  cette  diminution.  Ils  montrent  que  la 
moyenne  des  rendements,  calculée  par  période  de  cinq 
années,  suit  une  marche  décroissante. 

Cette  moyenne  pour  la  période  quinquennale  1897- 
1901  fut  de  5,27  kantars  par  feddan  ;  elle  n'a  plus  été  que 
de  4,20  kantars  pour  la  période  1907-1911,  soit  une  dimi- 
nution de  20,30  0/0. 

L'opinion  s'est  vivement  émue,  et  avec  raison,  de  cet 
état  de  choses,  car,  selon  la  juste  remarque  d'une  note 


—  112    — 

du  Service  de  l'arpentage  rédigée  pour  le  Service  de  la 
statistique,  une  diminution  d'un  kantar  dans  le  rende- 
ment moyen  du  feddan  représente,  par  rapport  à  l'en- 
semble de  la  récolte  et  aux  prix  moyens  actuels,  une  perte 
annuelle  de  L.  E.  6.000.000  (155.541.000  francs). 

Commentant  cette  diminution,  M.  Deschanel,  dans 
son  rapport  sur  le  budget  des  affaires  étrangères  pour 
1911,  s'est  fait,  à  la  tribune  du  Parlement  français,  le 
complaisant  écho  des  bruits  alarmistes  mis  en  circulation 
à  ce  Sujet.  L'honorable  rapporteur  a  été  induit  en  erreur 
par  des  chiffres  qu'il  convient  de  rectifier. 

«  Tandis  qu'il  y  a  quelques  années,  dit-il,  le  rendement 
«  moyen  des  terres  cultivées  en  coton  était  de  180  kilo- 
ce  grammes  au  feddan,  on  n'a  pu,  en  1909,  l'estimer  à  plus 
«  de  90  kilogrammes  au  feddan,  et  cette  estimation  porte 
«  sur  des  terres  de  culture  exceptionnelles  comme  celles 
«  des  Domaines.  » 

r  Outre  que  ces  chiffres  sont  en  retard  d'une  année,  ils 
ont  le  tort,  même  en  les  appliquant  à  l'année  1909,  d'être 
manifestement  inexacts.  C'est  ce  que  démontre  en  ces 
termes  le  Bulletin  de  la  Chambre  de  Commerce  française 
d'Alexandrie,  iP  220,  de  février  1911  : 

«  Le  rendement  moyen  de  la  période  quinquennale 
«  1906-1910  est  bien  de  180  kilogrammes  de  coton  au 
«  feddan  (chiffre  exact  183  kg.  15),  soit  463  kilogrammes 
«  à  l'hectare  ;  mais  celui  de  l'année  1909  n'est  pas  de 
«  90  kilogrammes,  comme  le  laisserait  croire  le  rapport  de 
«  M.  Deschanel,  mais  bien  de  145  kilogrammes  et  80/100  au 


—  113  — 

«  feddan,  soit  347  kg.  14  à  l'hectare.  Disons  tout  de  suite 
«  qu'en  1910  ce  chiffre  est  remonté  à  495  kilogrammes  à 
«  l'hectare.  En  outre,  il  semble  tout  à  fait  injuste  de  com- 
«  parer  des  chiffres  moyens  résultant  de  plusieurs  années 
«  avec  ceux  d'une  seule  année  choisie  parmi  celles  qui  ont 
«  exceptionnellement  donné  des  récoltes  en  déficit. 

«  Dans  toute  culture  industrielle,  vigne,  tabac,  pommes 
«  de  terre,  betteraves,  etc.,  il  arrive  occasionnellement 
«  des  années  déficitaires,  et  le  manquant  de  la  récolte  est 
«  souvent  beaucoup  plus  accentué  qu'il  ne  l'a  été  en 
«  Egypte  pour  le  coton.  Il  ne  viendrait  pourtant  à  l'idée 
«  de  personne  de  dire,  par  exemple,  que  la  productivité 
«  vinicole  de  la  France  est  compromise  parce  que  l'an- 
«  née  1910  a  donné  des  rendements  très  inférieurs  à 
«  la  moyenne  quinquennale. 

«  La  seule  constatation  qui  s'impose  en  matière  de 
«  culture  de  coton  en  Egypte  est  que  la  moyenne  des  ren- 
«  déments,  calculée  par  périodes  de  cinq  ans,  suit  une 
«  marche  décroissante.  » 

Constatant  le  superbe  résultat  de  la  récolte  du  coton 
en  1910,  le  Bulletin  de  la  Chambre  de  Commerce  française 
d'Alexandrie  conclut  : 

«  La  récolte  de  coton  de  1910  atteindra  une  valeur 
«  que  l'on  peut,  dès  à  présent,  estimer  à  L.  E.  30.000.000 
«  au  moins,  soit  780.000.000  de  francs. 

«  De  sorte  que  M.  Deschanel  proclame  la  faillite  agri- 
«  cole  de  l'Egypte,  au  moment  précis  où  la  récolte 
«  cotonnière    s'élève   à    un   chiffre    qui    n^ avait   jamais 


—  114  — 

«  été  atteint,  soit  comme  quantité,  soit  comme  valeur.  » 

Cependant,  il  n'en  est  pas  moins  vrai,  comme  nous 
venons  de  le  constater,  que,  depuis  quelques  années,  la 
moyenne  des  rendements  dans  la  culture  du  coton  est  en 
diniinution. 

Quelles  sont  les  causes  de  cette  diminution  ? 

Il  faut  d' abord  en  chercher  la  raison  dans  l' extension  de  la 
culture  cotonnière  sur  les  terres  nouvellement  défrichées. 

«  Depuis  1890,  dit  le  Bulletin  de  la  Chambre  de  Com- 
«  merce  d'Alexandrie  (février  1911),  l'amélioration  duré- 
«  gime  des  irrigations,  la  création  de  nouveaux  barrages,  la 
«  consolidation  des  anciens  ouvrages,  l'établissement  d'un 
«  réseau  de  drainage  très  étendu  ont  permis  de  mettre  en 
«  valeur  un  domaine  foncier  extrêmement  important. 

«  De  plus,  les  prix  du  coton  ont  doublé,  incitant  ainsi 
«  le  cultivateur  à  étendre  cette  culture  sur  des  terrains 
«  médiocres,  terrains  dont  le  rendement  n'aurait  pas  couvert 
«  les  frais  de  culture,  aux  prix  anciens,  tandis  qu'il  laisse 
((  un  bénéfice,  aux  prix  actuels. 

«  Les  terres  nouvellement  défrichées  ne  peuvent  se 
«  comparer,  comme  fertilité,  aux  terres  dont  l'exploi- 
«  tation  remonte  à  des  siècles.  En  Egypte,  comme  dans 
«  tous  les  pays  où  le  sol  est  de  formation  alluviale  et  ma- 
«  rine,  la  terre  est  d'autant  plus  fertile  qu'elle  est  plus 
«  anciennement  cultivée  ;  il  est  donc  normal  que  les  cen- 
«  taines  de  milliers  d'hectares  défrichés  durant  les  derniers 
«  vingt  ans  ne  donnent  en  coton  que  des  rendements  rela- 
«  tivement  faibles. 


—  115  — 

«  L'introduction  de  surfaces  ainsi  acquises  dans  le 
«  calcul  de  la  moyenne  générale  des  rendements  a 
«  pour  résultat  normal  de  faire  figurer  un  rendement 
«  moyen  plus  faible  à  mesure  que  les  défrichements 
«  s'étendent. 

«  Les  efforts  du  Ministère  des  Travaux  Publics  ayant 
«  pour  principal  objet  d'accroître  la  fourniture  d'eau  uti- 
«  lisable  par  la  culture,  il  faut  s'attendre  à  ce  que  les 
«  défrichements  de  nouvelles  terres  marchent  pari  passu 
«  avec  l'augmentation  de  la  quantité  d'eau  disponible. 
«  Et,  pendant  des  années  encore,  nous  constaterons  que  la 
«  moyenne  générale  à  l'hectare  du  rendement  cotonnier 
«  sera  décroissante,  puisqu'elle  inclura  des  quantités 
«  toujours  croissantes  de  terres  nouvellement  défrichées, 
«  terres  dont  la  fertilité  ne  s'accroît  qu'avec  le  temps. 

«  Il  est  donc  normal  que  la  récolte  cotonnière  en  Egypte 
«  s'accroisse  chaque  année  en  volume,  bien  que  le  ren- 
«  dément  à  l'hectare  soit  diminué  :  ceci  résulte  naturel- 
«  lement  de  l'extension  considérable  et  constante  de  la 
«  culture  du  coton  sur  des  terres  que  l'on  défriche  au  fur 
«  et  à  mesure  des  progrès  du  régime  des  irrigations.  Je 
«  répète  que  les  hauts  prix  atteints  actuellement  par  le 
«  coton  accentuent  encore  le  mouvement  cultural.   » 

Nous  n'avons  rien  à  ajouter  à  cet  exposé  si  clair  et  si 
convaincant.  Toutefois,  l'argument  tiré  de  l'extension  de 
la  culture  du  cotonnier  à  des  terrains  nouvellement  dé- 
frichés n'explique  qu'en  partie  la  diminution  dans  le  ren- 
dement du  coton  ;  mais  il  ne  donne  pas  toutes  les  causes 


—  116  — 

de  la  diminution  qui  affecte  les  rendements  des  terres 
depuis  longtemps  mises  en  culture. 

Ces  causes  principales  sont  : 

Uexcès  d'humidité  du  sol  et  les  parasites. 

Excès  d'humidité.  —  On  ne  peut  méconnaître  que  les 
modifications  profondes  apportées  au  régime  hydraulique 
ont  accru  l'humidité  du  sol  égyptien.  La  surélévation 
des  barrages  et  la  création  d'un  vaste  réseau  de  canaux, 
en  permettant  l'irrigation  pérenne,  source  de  richesses 
inappréciables  pour  le  pays,  a  exhaussé  en  même  temps 
le  plan  des  eaux  souterraines  et  provoqué  des  infiltrations 
excessives.  La  terre,  ainsi  gorgée  d'eau,  ne  peut,  faute  de 
drains  suffisants,  se  débarrasser  du  trop- plein  de  ce  qu'on 
lui  a  fait  absorber  et,  de  son  côté,  l'évaporation  n'arrive 
plus  à  dessécher  les  terrains  dans  la  mesure  convenable. 

Dès  1889,  sir  William  Wilcocks,  dans  son  ouvrage  Egyp- 
tian  Irrigations,  constatait  déjà  que  «  la  hausse  de  Veau 
du  sous-sol  constituait  un  grand  danger  pour  le  pays  ».  Cette 
constatation  est  aujourd'hui  expérimentalement  vérifiée. 

En  effet,  des  expériences  faites  par  l'administration 
des  domaines  de  l'État  sur  ses  propres  terres  permettent 
d'enregistrer  les  observations  suivantes  : 

10  De  toutes  les  plantes  cultivées  en  Egypte,  il  n'y  a 
que  le  cotonnier  qui  ait  été  affecté  dans  son  rendement. 
Or,  le  cotonnier  seul  à  des  racines  profondes  qui  doivent 
se  rapprocher  sensiblement  de  la  nappe  souterraine  voi- 
sine du  sol  dans  la  période  de  la  crue.  Pendant  cette  pé- 
riode, les  plantes  alors  sur  pied  sont,  à  part  le  cotonnier, 


—  117  — 

le  maïs,  dont  les  racines  fasciculées  restent  presque  à  la 
surface  du  sol,  et  le  riz,  qui,  lui,  s'accommode  admira- 
blement d'un  excès  d'eau. 

20  Durant  toute  la  période  de  croissance,  le  coton  se 
présente  dans  les  conditions  normales.  Il  ne  commence  à 
accuser  des  signes  de  faiblesse  que  lorsqu'il  est  entré  en 
fructification,  soit  à  partir  de  la  fin  d'août  ou  du  com- 
mencement de  septembre.  A  cette  époque,  les  racines  ont 
atteint  leur  plein  développement;  de  son  côté,  la  nappe 
souterraine,  favorisée,  d'une  part,  parle  mouvement  ascen- 
dant de  la  crue,  et,  de  l'autre,  par  l'action  des  eaux  d'arro- 
sage, se  rapproche  très  sensiblement  de  la  surface  du  sol. 

D'après  M.  Barois,  le  niveau  de  la  nappe  souterraine 
s'élève,  en  octobre,  jusqu'à  un  mètre  au-dessous  du  sol 
dans  la  partie  irriguée  ^  Le  voisinage  de  la  nappe  doit 
certainement  retarder  l'infiltration  des  eaux  d'arrosage, 
de  sorte  que  le  sol  et  le  sous- sol,  trop  longtemps  sursaturés, 
ne  permettent  plus  aux  racines  la  libre  respiration  qui 
leur  est  indispensable.  Celles-ci,  gênées  dans  cette  partie 
de  leur  fonction,  réagissent  sur  l'ensemble  de  la  plante, 
qui  manifeste  alors  des  signes  de  faiblesse  et  même,  en 
certains  cas,  de  dépérissement. 

30  Dans  les  années  de  basses  crues,  où  le  niveau  de  la 
nappe  souterraine  reste  éloigné  de  la  partie  terminale 
des  racines  du  cotonnier,  la  plante  se  comporte  beaucoup 
mieux  que  dans  les  années  de  hautes  crues.  Dans  ce  cas, 

1.  Les  Irrigations  en  Egypte,  p,   54. 


—  118  — 

l'imperméabilité  du  sol  est  moins  contrariée  et  l'infiltra- 
tion des  eaux  d'arrosage  s'opère  assez  rapidement  pour 
ne  pas  laisser  trop  longtemps  le  sol  en  état  de  saturation. 

4°  La  période  à  partir  de  laquelle  la  diminution  s'est 
manifestée  a  coïncidé  avec  l'augmentation  de  la  retenue 
d'eau  au  barrage  du  Delta  et,  par  suite,  avec  le  relèvement 
du  niveau  de  l'eau  dans  les  canaux  d'irrigation. 

5°  Il  y  a  lieu  de  faire  observer  que  le  rendement  des 
céréales  et  légumineuses,  qui  sont  cultivées  et  récoltées 
de  novembre  à  mai,  au  moment  où  le  Nil  et  les  canaux 
sont  àl'étiage,  n'a  souffert  aucune  diminution  et  que  dans 
certaines  régions  la  moyenne  du  rendement  augmente 
d'une  façon  appréciable. 

D'autres  expériences,  dues  àM.  Audebeau,  l'ingénieur 
en  chef  des  Domaines  de  l'État,  établissent  que  des  co- 
tonniers ont  donné  leurs  meilleurs  rendements  dans  des 
fosses  où  leurs  racines  avaient  pu  atteindre  la  plus  grande 
profondeur,  et  que  les  plants  de  cotonnier  les  plus  chétifs 
et  dont  les  rendements  avaient  été  les  plus  faibles  se 
trouvaient  dans  les  terres  où  la  tranche  d'eau  du  fond 
était  le  plus  rapprochée  de  la  surface  cultivée. 

De  tout  ce  qui  précède,  on  peut  conclure  que  la  cause 
dominante  de  la  diminution  du  rendement  de  la  culture 
cotonnière  réside  dans  la  saturation  du  sol. 

Ce  mal  s'aggraverait  encore  de  ce  que  l'eau  de  la  nappe 
souterraine  qui  remonte  à  la  surface  est  chargée  de  sel, 
carie  sol  égyptien  en  contient  à  assez  forte  dose  comme  tout 
pays  conquis  sur  la  mer  ou  abandonné  par  elle.  Au  temps 


—  119  — 

de  l'irrigation  par  bassins,  la  nappe  liquide  déversée  par 
le  Nil  inondait  la  plaine  et,  en  se  retirant,  entraînait 
toute  trace  de  sel  ;  aujourd'hui,  ce  lavage  ne  se  fait  qu'im- 
parfaitement ;  le  sel  reste  dans  la  terre  et  la  stérilise. 

En  effet,  les  eaux  dont  le  sol  est  imprégné  disparaissent 
de  deux  manières  ;  une  partie,  s' écoulant  par  gravitation 
dans  la  terre,  vient  augmenter  la  nappe  souterraine  ou 
se  vider  dans  les  drains;  l'autre  partie,  remontant  à  la 
surface  par  capillarité,  s'évapore  dans  l'atmosphère.  L'éva- 
poration  des  eaux  rouges  ou  eaux  d'arrosage,  fournies 
par  les  crues  du  Nil,  est  profitable  à  la  terre,  puisqu'elle 
renouvelle  constamment  la  provision  d'azote.  Mais  il  n'en 
est  pas  de  même  des  eaux  composant  la  nappe  souterraine; 
ces  dernières  sont  chargées  des  résidus  du  lavage  d'une 
grande  masse  de  terres  dont  elles  ont  entraîné  tout  le  sel 
alcalin  et  le  sel  marin;  leur  évaporation,  formant  à  la 
surface  du  sol  des  dépôts  salins,  est  aussi  nocive  que  celle 
des  eaux  rouges  est  bienfaisante. 

De  ces  explications,  il  résulte  que  le  relèvement  du 
plan  des  eaux  souterraines,  par  les  barrages  d'Assouan, 
d'Assiout,  du  Delta  et  de  Ziphteh,  présente,  par  suite 
d'un  drainage  insuffisant,  des  inconvénients  à  un  triple 
point  de  vue  :  d'abord,  parce  qu'il  arrête  la  nitrification 
du  sol  et,  par  conséquent,  son  enrichissement  en  acide 
nitrique  ;  ensuite,  parce  qu'il  empoisonne  les  racines  ar- 
rivées au  contact  de  la  nappe  aquifère  et  empêche  leur 
développement  normal  ;  enfin,  parce  qu'il  détériore  le 
sol  en  augmentant  le  dépôt  des  sels  nuisibles  à  la  surface. 


—  120  — 

Cet  excès  d'humidité,  aggravé  encore  par  les  arrosages 
trop  copieux,  souvent  même  intempestifs,  auxquels  pro- 
cèdent les  fellahs  immédiatement  après  les  distributions 
intermittentes  et  alternatives  du  liquide,  appelées  ro- 
tations, ne  nuit  pas  seulement  à  la  plante  d'une  façon 
directe,  en  provoquant  la  chute  de  ses  feuilles,  mais  il 
contribue,  en  outre,  à  la  pullulation  des  parasites  dont 
souffre  le  cotonnier. 

Parasites.  —  Les  plus  redoutables  de  ces  parasites  sont 
deux  sortes  de  chenilles,  —  confondues  généralement  sous 
l'unique  dénomination  de  vers  du  coton,  —  dont  l'une 
s'attaque  aux  feuilles  au  printemps  et  l'autre  aux  cap- 
sules en  automne. 

U excès  d'humidité  et  les  parasites,  voilà  donc  les  deux 
grands  ennemis  du  cotonnier.  A  ce  sujet,  nous  sommes 
parfaitement  d'accord  avec  la  Commission  du  coton  qui 
a  été  instituée  par  le  Gouvernement,  le  20  décembre  1909, 
avec  mission  d'étudier  les  causes  de  la  baisse  du  rende- 
ment cotonnier  et  les  mesures  à  prendre  pour  relever  la 
production. 

* 
*    * 

Mais  il  est  d'autres  facteurs  qui  ont  été  envisagés  par 
cette  Commission,  comme  pouvant  agir  ensemble  ou  sépa- 
rément sur  la  diminution  du  rendement.  Ces  facteurs,  les 
voici  : 

i^ D appauvrissementdusolparlasubstitution,  en  beaucoup 
d'endroits,  de  V assolement  biennal  à  V assolement  triennal  ; 


—  121  — 

2°  La  dégénérescence  de  la  graine  ; 

3°  L' insuffisance  des  engrais  ; 

4°  Et  des  modificatio?is  qui  seraient  survenues  dans  les 
conditions  météorologiques  de  V Egypte. 

Les  rapports  de  la  section  de  l'arpentage,  chargée 
depuis  deux  ans,  de  la  mesure  des  superficies  occupées  par 
le  cotonnier,  écartent  le  dernier  de  ces  facteurs,  démentant 
qu'il  se  soit  produit  aucun  changement  climatérique  dans 
le  pays.  La  Commission  n'a  pas,  d'ailleurs,  retenu  cette 
prétendue  cause  de  diminution. 

Quant  à  V assolement  biennal,  tout  en  estimant  qu'il  pré- 
sente des  inconvénients  certains,  elle  ne  pense  pas  qu'il 
semble  «  avoir  donné  lieu  à  un  épuisement  du  sol  tel  qu'il 
«  puisse  expliquer  la  diminution  des  rendements,  puisque 
«  cette  diminution  s'est  manifestée  également  sur  les 
«  terres  où  l'assolement  triennal  a  toujours  été  suivi  », 
notamment  dans  des  terres  comme  celles  de  l'adminis- 
tration des  Domaines,  où  le  phénomène  de  la  diminution 
du  rendement  a  été  constaté  avec  la  même  proportion- 
nalité que  dans  les  terres  avoisinantes,  où  la  culture  du 
coton  est  cependant  plus  fréquente. 

En  ce  qui  concerne  la  dégénérescence  de  la  graine,  la 
Commission  reconnaît  qu'aucun  fait  précis  ne  permet  de 
conclure  à  son  existence  ;  elle  constate  même  que  «au  con- 
«  traire,  la  marche  des  rendements  dans  un  certain  nombre 
«  de  propriétés,  jusqu'en  1908,  semble  contredire  cette 
«  opinion  »  ;  mais,  ajoute-t-elle,  «  si  aucune  preuve  n'a 
«  été  fournie  de  la  dégénérescence   de  nos  cotonniers. 


—  122  — 

«  par  contre,  la  pratique  agricole  s'est  rencontrée  avec 
«  des  résultats  d'étude  pour  affirmer  l'impureté  de  nos 
«  variétés  actuelles  ^  ». 

Il  semble  donc  qu'il  faille  incriminer  la  mauvaise  qua- 
lité des  semences  que  le  fellah  se  procure  trop  souvent 
au  hasard  en  s' adressant  à  des  fournisseurs  qui  lui  livrent 
à  bas  prix  des  graines  obtenues  au  moyen  de  l'hybri- 
dation de  variétés  perfectionnées  avec  VHindi,  espèce 
de  cotonnier  à  demi  sauvage  et  d'un  produit  très  inférieur. 
De  là  un  croisement  qui,  d'après  une  circulaire  de  la  So- 
ciété khédiviale  d'Agriculture,  «  prend  de  telles  propor- 
«  tions  qu'il  est  actuellement  impossible  de  trouver  un 
«  échantillon  de  coton  Afifl  pur  de  tout  mélange  ». 

On  a  accusé  aussi  V  insuffisance  des  engrais.  Nous  avons 
constaté  ci- dessus  que  la  diminution  dans  le  rendement 
du  coton  s'était  produite  aussi  bien  dans  les  terres  à  asso- 
lement triennal  que  dans  les  terres  à  assolement  biennal. 

Est-ce  à  dire  que  le  sol  égyptien  se  soit  appauvri  ? 
Nullement.  Gomme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  la  dimi- 
nution du  rendement  n'a  été  constatée  que  pour  le  coton; 
le  rendement  des  céréales  et  légumineuses  a  accusé,  au 
contraire,  une  sensible  augmentation.  La  canne  à  sucre 
et  le  coton  sont,  il  est  vrai,  des  plantes  éminemment  épui- 
santes et  les  éléments  nutritifs  absorbés  par  celles-ci  ne  sont 
pas  suffisamment  compensés  par  ceux  qui  sont  apportés 
par  le  Nil.  On  se  demande,  dès  lors,  comment  les  terres 

1.  Rapport  général  de  la  Commission  du  Coton,  p.  16. 


—  123  — 

égyptiennes  n'ont  pas  été  épuisées  et  quelle  cause  entre- 
tient la  productivité  de  l'humus  là  où  il  ne  reçoit  pas 
d'engrais  ? 

L'explication  de  ce  phénomène  a  trouvé  place  dans 
notre  chapitre  premier,  où  sont  exposées  les  conditions 
particulières  qui,  grâce  au  renouvellement  incessant  des 
forces  productives  du  sol  égyptien,  en  font  la  terre  la  plus 
fertile  du  monde. 

Faut- il  en  conclure  que  les  engrais  sont  inutiles?  Non, 
certes.  Les  cultivateurs  en  apprécient  si  bien  les  bons 
effets  que  la  consommation  en  augmente  sans  cesse.  Le 
fumier  de  ferme  est  en  quantité  fort  insuffisante  ;  le  fellah 
le  remplace  parla  colombine  recueillie  dans  les  pigeonniers, 
la  vase  extraite  des  canaux,  les  boues  de  ville  et  surtout 
les  monticules  d'engrais  terreux  {coms  ou  sabackh)  cons- 
titués par  les  détritus  d'anciennes  villes  ou  d'anciens  vil- 
lages ;  or,  les  ressources  du  pays  en  engrais  vont  en  di- 
minuant, car  ces  monticules  sont  presque  épuisés  et,  en 
ces  derniers  temps,  la  peste  bovine  a  décimé  le  bétail 
égyptien.  Mais,  comme  le  constate  le  rapport  général  de 
la  Commission  du  Coton,  l'importance  des  engrais  chi- 
miques importés  n'a  cessé  de  s'accroître.  De  2.132  tonnes, 
valant  L.  E.  12.912,  en  1902,  elle  a  passé,  en  1909,  à 
21.165  tonnes  d'une  valeur  de  L.  E.  178.014.  Elle  a  plus 
que  décuplé  en  sept  ans.  Chaque  année,  la  Société  khédi- 
viale  d'Agriculture  vend  pour  près  de  100.000  livres 
d'engrais  chimiques.  Il  y  a  là  encore  un  indice  des  plus 
rassurant  pour  l'avenir  agricole  de  l'Egypte. 


—  124  — 


TABLEAU 

Extension  de  la  culture 

Mouvements  comparatifs  du  rendement  au  feddan,  du  prix 


SAISONS 
(A) 

SUPERFICIE 
cultivée 

(1) 

RÉCOLTE 
(2) 

) 
PRIX  DE  L'UNITÉ 

Feddans. 

Kantars. 

P.  T. 

1896-1897 

1.050.749 

5.879.479 

190  15/40   (109  fr.  84  les  100  kilos) . 

1897-1898 

1.128.151 

6.543.628 

158  28/40 

1898-1899 

1.121.262 

5.589.314 

183 

1899-1900 

1.153.307 

6.510.050 

248  11/40 

1900-1901 

1.230.319 

5.427.338 

238  22/40 

1901-1902 

1.249.884 

6.371.643 

222  15/40 

1902-1903 

1.275.677 

5.838.090 

318  30/40 

1903-1904 

1.332.510 

6.508.947 

314  15/40 

1904-1905 

1.436.709 

6.351.878 

273  23/40 

1905-1906 

1.566.602 

5.989.883 

349  12/40 

1906-1907 

1.506.291 

6.949.383 

382  15/40 

1907-1908 

1.603.224 

7.234.669 

314  20/40 

1908-1909 

1.640.415 

6.751.133 

303 

1909-1910 

1.597.055 

4.911.631  [b] 

551  24/40  (b) 

1910-1911 

1.603.266 

7.579.355  {b) 

447  18/40  {b)  (258  fr.  16 les  100  kUos). 

(A)  Dans  ce  tableau,  les  années  correspondent  aux  années  commerciales  commençant  le  1<^'"  sep- 
tembre et  se  terminant  le  31  août.  II  faut  remarquer  que  l'année  commerciale  commence  au 
moment  même  où  se  termine  l'année  agricole.  Ainsi  le  coton  provenant  des  cultures  de  la  saison 
agricole  1909-10  (1"  septembre  1909-31  août  1910),  récolté  en  octobre-novembre  1910,  figure  à 
l'année  commerciale  1910-11  (l^''  septembre  1910-31  août  1911)  :  c'est  pourquoi  dans  ce  tableau 
les  chiffres  ne  concordent  pas  avec  ceux  des  tableaux  où  l'année  agricole  est  seule  considérée. 


125 


XIII 

du  Coton  en  Egypte 

du  kantar  et  du  revenu  au  feddan  de  1896-97  à  1910-11. 


VALEUR 
totale 

(3) 

PRODUCTION   DU    FEDDAN 

RENDEMENT 
moyen 

(2) 

VALEUR 

L.   E. 

11.193.058 

Kantars. 
5.59 

L.  E. 

10,641     (656fr.78  1'hect.) 

10.384.737 

5.80  i 
4.91 '5,27 

9,205 

10.227.533 

8,984 

16.163.448 

5.64  \ 

14,002 

12.947.332 

4.42/ 

10,544 

14.169.867 

5.10  \ 

1 

11,341 

18.609.683 

4.58  i 
4.88  '  4,55 

14,599 

20.462.502 

15,342 

17.251.283 

4.39^ 

10,922 

20.802.971 

3.80  / 

13,197 

26.572.703 

4.61  \ 

17,627 

22.753.034 

4.51  i 

14,184 

20.455.932 

4.12     4,20 

12,484 

27.093.661 

3.07) 

16,934 

33.915.339 

4.72; 

21,120     (1.303  fr.  57  l'hect.) 

1.  Annuaire  statistique  de  l'Egypte  (1910),  p.  240. 

2.  Annuaire  statistique  de  l'Egypte  (1910),  p.  260-61. 

3.  L'Egypte  contemporaine,  mars  1910,  p.  258. 

(b)  Chiffres  communiqués  par  la  Chambre  de   Commerce  française  d'Alexandrie  (lettre  du 
4  nov.  1911). 


Planche   X 

Exploitation  de  la  Culture  Cotonnière 

Mouvements  comparatifs  LE.21'?.'' 

du  rendement  au  feddan^  du  prix  du  Icantar  &. 
du  revenu  au  feddan 
de1896-37àl3l0-ll 


5,S9 

kantars 


Reiidement 
I8à-97\:S.S9 


t- 


Reveito  aii  fedjdan 


1836- 
1510- 


au  feddan 

karkars 

kanfars 


Priyidu 
1896-87: 

m-ii  : 


•->j>^ 


V 


kanttar 


FIT 


w 


FT. 


"i 


s        =: 


1  feddan    ih.200'^"    -      1  kantar^Ws'328     -      1  livre  égiyp'--WOPT.-F'': 25,9235 


CHAPITRE  XV 


RÉFORMES    ET    REMÈDES 


Contre  l'excès  d'humidité  du  sol  :  extension  et  perfectionnement 
du  drainage.  —  Contre  l'abus  des  irrigations  :  meilleur  emploi  des  eaux 
d'arrosage.  —  Contre  les  parasites  :  application  méthodique  des 
lois,  décrets  et  arrêtés  relatifs  à  leur  destruction.  —  Résultats  déjà 
obtenus,  —  Contre  l'impureté  des  graines  :  sélection  des  graines  ; 
extirpation  des  variétés  de  cotonniers  inférieures  et  recherche  de 
variétés  perfectionnées.  —  Réformes  morales  :  amélioration  de  la 
condition  sociale  du  fellah  par  la  diffusion  des  éléments  d'éduca- 
tion. —  Création  d'écoles  d'agriculture.  —  Station  agronomique 
au  Caire.  —  Fermes  expérimentales.  —  Comité  supérieur  de  l'Agri- 
culture. —  Associations  agricoles  de  prévoyance,  de  production, 
de    consommation,    d'assistance.    —    Banques   mutuelles  de  crédit. 


Nous  venons  d'exposer  les  causes  principales  et  secon- 
daires auxquelles  est  attribuée  la  régression  quantitative 
et  qualitative  du  rendement  du  coton  égyptien  ;  il  nous 
reste  à  examiner  les  remèdes. 

Contre  l'excès  d'humidité  du  sol,   cause  primordiale 

du  mal,  la  Commission  du  Coton  émet  les  vœux  suivants  : 

8 


—  130  — 

Procéder  le  plus  tôt  possible  à  des  expériences  scienti- 
fiques dans  diverses  localités  et  sur  des  sols  différents,  en 
vue  de  déterminer  le  volume  d'eau  nécessaire  pour  les 
arrosages  et  le  meilleur  intervalle  à  observer  entre  eux. 

En  attendant  que  ces  expériences  aient  fourni  des 
données  précises,  il  y  aurait  lieu  : 

a.  De  convaincre  les  cultivateurs  de  l'intérêt  qu'ils  ont 
à  limiter  l'eau  d'irrigation  à  la  quantité  nécessaire  au  dé- 
veloppement naturel  de  la  plante  ; 

b.  D'établir  les  rotations  d'été,  dans  les  régions  à  coton, 
de  façon  à  ne  permettre  qu'un  arrosage  tous  les  dix- huit 
jours  dans  les  terres  moyennes  ; 

c.  Faire  suivre  immédiatement,  à  l'époque  de  la  crue,  le 
système  des  rotations  d'été  d'un  système  de  rotations 
comportant  des  périodes,  de  durée  égale  autant  que 
possible,  de  distribution  de  l'eau  alternativement  à  haut 
et  à  bas  niveau  dans  les  canaux,  système  qui  serait  prolongé 
pendant  l'hiver  et  le  printemps  ; 

d.  Prévenir  les  cultivateurs  des  dangers  que  présentent 
pour  le  cotonnier  les  arrosages  excessifs  donnés  après  les 
rotations  d'été  ; 

e.  Étendre  et  perfectionner  le  plus  rapidement  possible 
le  système  de  drainage  déjà  existant. 

C'est  là,  avant  tout,  affaire  au  Gouvernement,  qui,  du 
reste,  s'en  préoccupe  très  sérieusement  ;  nous  devons 
rendre  justice  à  ses  louables  efforts;  mais,  s'il  a  donné  à 
l'irrigation  un  si  remarquable  développement,   il  s'est 


—  131  — 

beaucoup  moins  occupé  de  l'évacuation  du  précieux  li- 
quide. Le  drainage  est  le  complément  de  l'irrigation,  puis- 
qu'en  desséchant  le  sol  il  le  purge  d'une  grande  partie  de 
l'humidité  ;  or,  il  faut  convenir  que  le  système  de  drainage 
ne  répond  plus  actuellement  à  tous  les  besoins  parce  qu'il 
n'a  pas  marché  de  pair  avec  l'irrigation.  De  là  l'absolue 
nécessité  de  créer  de  nouveaux  drains  et  d'améliorer  ceux 
qui  existent.  Quant  aux  terres  basses  du  Nord,  il  est 
clair  que  le  drainage  ne  peut  y  être  effectué  qu'au  moyen 
d'appareils  élévatoires. 

En  tout  cas,  on  voit  que  la  question,  tout  en  étant  d'une 
importance  capitale,  peut  être  envisagée  en  toute  tranquil- 
lité ;  sa  solution  est  entre  les  mains  du  Gouvernement, 
et  la  vigilance  de  ce  dernier  à  l'égard  des  intérêts  écono- 
miques du  pays  est  trop  connue  pour  qu'il  la  laisse  long- 
temps en  suspens. Nous  apprenons  qu'il  vient  d'approuver 
les  plans  et  devis  relatifs  au  projet  d'irrigation  et  de 
drainage  de  la  région  au  nord  du  Delta.  Un  crédit  de 
L.  E.  300.000  aété  immédiatement  prélevé  surles  fonds  de 
la  réserve  générale  pour  faire  face  aux  premières  dépenses. 
Les  travaux,  qui  doivent  durer  quatre  ans  environ,  ont 
été  commencés,  le  23  mars  dernier,  à  Ebehan,  et  le  premier 
coup  de  pioche  a  été  l'occasion  d'une  fête  que  présidait 
lord  Kitchener  assisté  du  ministre  des  Travaux 
publics  et  de  tout  le  haut  personnel  de  ce  ministère. 

C'est  là  un  premier  pas  dans  cette  voie  où  le  Gouver- 
nement, sur  l'initiative  de  lord  Kitchener,  s'est  tracé  un 
programme  sérieux  comprenant  aussi  bien  la  réfection 


—  132  — 

et  le  curage  des  canaux  existants  que  l'adoption  d'un 
système  complet  de  drains,  dont  le  plan  d'eau  sera  tenu 
aussi  bas  que  possible  par  l'évacuation  dans  la  mer  ou 
dans  les  lacs,  au  moyen  de  pompes  aspirantes. 

Le  projet  comporte,  particulièrement  en  ce  qui  con- 
cerne la  province  de  Béhéra,  le  dessèchement  du  lac 
Mariout  et  le  creusement  dans  son  lit  d'un  canal  d'éva- 
cuation gigantesque,  d'une  profondeur  d'un  mètre. 

Quant  au  drainage  de  la  province  de  Gharbieh,  de  puis- 
santes pompes,  d'une  capacité  de  250  mètres  cubes  d'eau 
à  l'heure,  seront  placées  près  du  lac  BoroUos.  Grâce  à 
l'exécution  de  ces  travaux,  l'Egypte  verra  disparaître  le 
seul  nuage  qui  aurait  pu  assombrir  son  avenir  de  fertilité 
et  d'expansion  économique. 

Elle  bénéficiera,  en  outre,  dans  un  avenir  prochain,  de 
quatre  avantages  également  importants  : 

1^  U approfondissement  de  la  couche  accessible  aux  ra- 
cines par  V  abaissement  du  plan  des  eaux  souterraines,  et, 
comme  conséquence,  la  disparition  de  la  cause  principale 
de  la  diminution  dans  le  rendement  cotonnier  ; 

2o  L'acquisition  à  la  culture  d'un  million  de  feddans 
envahis,  une  partie  de  Vannée,  par  les  eaux  de  colature. 
Celles-ci,  se  répandant  sur  les  terres  qui  entourent  les 
lagunes  à  l'extrémité  du  Delta  et  se  mêlant  à  leurs  eaux, 
aidaient  fini  par  occuper  avec  elles  une  étendue  considérable  ; 

3^  L'amélioration  des  terres  voisines  des  précédentes, 
qui  actuellement  souffrent  d'un  excès  d'humidité  ; 

40  Enfin  une  plus  complète  fertilisation  du  sol  égyptien. 


—  133  — 

en  général   par  une  plus  grande  aération  de  ses  couches 
profondes. 

Toutefois,  le  drainage  n'est  pas  le  seul  point  sur  lequel 
doivent  se  concentrer  les  efforts  du  Gouvernement  ;  il  y  a 
encore,  nous  l'avons  déjà  indiqué,  le  ver  du  coton. 

Cette  huitième  plaie  d'Egypte,  dont  la  première 
manifestation  se  produisit  en  1878,  exerça  des  ravages 
particulièrement  graves  en  1886,  1891  et  1895.  Le  Gouver- 
nement finit  par  comprendre  que,  pour  lutter  contre  le 
fléau,  une  action  énergique  et  bien  coordonnée  était 
indispensable.  Deux  lois,  l'une  de  1905,  l'autre  de  1906, 
et  un  arrêté  en  date  de  1907  intervinrent,  obligeant  les 
propriétaires,  les  omdehs  et  cheikhs  des  villages,  à  dénoncer 
l'apparition  des  insectes,  accordant  le  droit  de  réquisi- 
tionner moyennant  salaire  les  garçons  de  dix  à  dix- huit 
ans  pour  détacher  et  brûler  les  feuilles  de  tout  cotonnier 
où  le  ver  aurait  déposé  ses  œufs,  «  sous  la  surveillance  des 
«  autorités  administratives  et,  en  cas  de  besoin,  par  leurs 
«  soins  ».  Un  corps  d'inspecteurs  fut  chargé  d'assurer 
l'exécution  de  ces  mesures,  qui,  de  1905  à  1907,  furent 
appliquées  avec  un  succès  remarquable.  Malheureusement, 
en  1908,  le  service  d'inspection  fut  supprimé  ;  abandonnés 
à  leur  insouciance  fataliste,  les  fellahs  laissèrent  les  para- 
sites se  multiplier  librement  ;  le  fléau,  un  instant  contenu, 
reprit  sa  marche  dévastatrice,  et  c'est  à  lui  qu'est  dû,  en 
grande  partie,  le  déficit  des  récoltes  de  1908  et  de  1909. 

La  leçon  porta  ses  fruits  et,  l'an  passé,  la  lutte  fut 
organisée  de  nouveau  et  menée  avec  énergie.   «  Des  me- 


—  134  — 

«  sures  spéciales,  écrit  sir  Eldon  Gorst  dans  son  dernier 
«  rapport,  furent  adoptées  en  1910  par  le  ministre  de  l'In- 
«  térieur  pour  combattre  les  vers  du  coton  et  de  la  cap- 
«  suie,  qui  avaient  causé  tant  de  dégâts  à  la  récolte  de 
«  1909.  Cinq  inspecteurs  anglais  spéciaux  furent  engagés 
«  pour  surveiller  la  lutte  contre  le  ver  du  coton.  Le  Gou- 
«  vernement  eut  la  bonne  fortune  de  s' assurer  les  services 
«  d'hommes  ayant  une  grande  connaissance  et  une  grande 
«  expérience  de  l'agriculture  du  pays,  et  trois  d'entre  eux 
«  ont  été  depuis  attachés  à  la  direction  du  nouveau  Dé- 
«  partement  de  l'agriculture.  Vingt-cinq  sous-inspecteurs, 
«  dont  vingt  européens,  ont  été  aussi  engagés,  et  ils  for- 
ce ment,  avec  trois  cent  soixante-six  moawins  et  soixan tê- 
te dix  clercs,  le  Comité  spécial  qui  assiste  les  autorités 
«  locales  pour  découvrir  la  présence  du  ver  et  assainir  les 
«  districts  contaminés,  au  moyen  de  l'effeuillage.  Le  Go- 
«  mité  de  la  Société  khédiviale  d'Agriculture  apporte 
«  également  une  aide  importante.  Les  préparatifs  de 
«  campagne  commencèrent  en  avril,  un  mois  plus  tôt 
«  qu'en  1909,  et  elle  fut  menée  jusqu'en  septembre  avec 
«  une  activité  qui  dénote  le  crédit  qu'on  y  attachait. 

a  Aucun  effort  ne  fut  épargné  pour  faire  sortir  la  popu- 
«  lation  de  son  attitude  de  fataliste  indifférence  à  la- 
«  quelle  elle  se  laisse  aller  lorsqu'il  s'agit  de  lutter  contre 
«  ce  fléau.  A  côté  du  noyau  d'inspecteurs,  beaucoup  de 
«  moudirs  eux-mêmes  aussi  bien  que  les  mamours  fai- 
«  saient  des  tournées  périodiques  dans  les  provinces, 
«  infusant  l'énergie  aux  paysans.  Le  ministre  et  le  con- 


—  135  — 

«  seiller  visitèrent  personnellement  chaque  moudirieh 
«  du  Delta.  Parfois  l'aide  de  la  police  fut  requise  pour 
«  imposer  de  force  le  nettoyage  des  champs  infestés.  Les 
«  instructions  ministérielles  et  diverses  notices  à  cet  égard 
«  circulèrent  dans  les  villages,  et  l'on  prêcha  même  dans 
«  les  mosquées  la  nécessité  d'une  action  énergique.  L'a- 
«  pathie  et  la  négligence  furent  sévèrement  traitées  ; 
«  13.570  personnes  furent  punies  pour  ne  pas  avoir  si- 
ce  gnalé  l'apparition  du  ver,  plus  de  neuf  cents  omdas  et 
«  cheikhs  pour  avoir  négligé  leur  devoir,  et  six  cent  cin- 
«  quante-neuf  travailleurs  pour  s'y  être  soustraits.  Les 
«  paysans  commencèrent  par  vouloir  se  venger  de  la 
«  pression  qui  s'exerçait  sur  eux,  mais,  au  fur  et  à  mesure 
«  que  la  campagne  avançait  et  qu'ils  étaient  à  même  d'en 
«  apprécier  les  résultats,  ils  devinrent  peu  à  peu  éner- 
«  giques  et  désireux  de  coopérer  avec  les  autorités.  Les 
«  inspecteurs,  qui  d'abord  avaient  trouvé  une  certaine 
«  hostilité,  furent  ensuite  reçus  partout  à  bras  ouverts;  et 
«  la  leçon  ainsi  donnée  facilitera  énormément  les  cam- 
«  pagnes  futures.  Les  premières  attaques  du  ver  furent 
«  annoncées  dans  la  seconde  semaine  de  mai  ;  elles  de- 
«  vinrent  plus  sérieuses  au  milieu  de  juin  et  atteignirent 
«  leur  pleine  violence  dans  les  première  et  deuxième  se- 
«  maines  de  juillet.  A  la  fin  de  ce  mois,  grâce  aux  mesures 
«  prises,  les  attaques  avaient  beaucoup  diminué  et,  en 
«  plusieurs  districts,  le  ver  avait  disparu  vers  la  fin 
«  d'août.  Au  premier  octobre,  tout  le  pays  en  était  débar- 
«  rassé.  643.000  feddans  furent  attaqués  par  le  ver  (dont 


—  136  — 

«  6.000  seulement  en  Haute- Egypte)  ;  plusieurs  le  furent 
«  plus  d'une  fois,  d'autres  plus  souvent  encore.  Dans  la 
«  seconde  semaine  de  juillet,  le  nombre  moyen  de  feddans 
«  signalés  chaque  jour  comme  attaqués  en  Basse- Egypte 
«  était  de  24.800,  et  le  nombre  moyen  de  personnes  em- 
«  ployées  chaque  jour  au  nettoyage  était  de  106.500, 
«  sans  compter  ceux  occupés  à  la  visite  des  cotonniers 
«  encore  indemnes  et  qui  tous  demandaient  la  surveil- 
«  lance  constante  de  l'administration.  Le  ver  du  coton, 
«  s'il  est  très  abondant,  dévore  non  seulement  les  feuilles 
«  des  cotonniers,  mais  aussi  les  capsules  naissantes  ;  ce- 
«  pendant,  le  principal  dégât  qu'il  cause,  c'est  qu'en 
«  affaiblissant  et  en  retardant  la  croissance  de  la  plante, 
«  il  expose  cette  dernière  aux  attaques  du  ver  de  la  cap- 
«  suie,  un  fléau  encore  plus  dangereux,  qui  ne  fait  une 
«  importante  apparition  que  tard  dans  la  saison.  En  1910, 
«  grâce  à  ces  deux  faits  que  le  ver  du  coton  fut  arrêté 
«  de  bonne  heure  et  que  la  saison  fut  exceptionnelle- 
ce  ment  favorable,  le  ver  de  la  capsule  ne  put  attaquer 
«  que  les  cueillettes  tardives  et  de  moindre  valeur.  Un 
«  Comité  composé  d'un  inspecteur,  treize  sous-inspec- 
«  teurs  et  trente- six  moawins  fut  constitué,  le  1^^  dé- 
«  cembre  1910  jusqu'au  15  janvier  dernier,  pour  com- 
te battre  le  ver  de  la  capsule  par  la  mise  en  vigueur  du 
«  décret  relatif  à  l'enlèvement  des  bois  de  cotonniers, 
«  des  chanvres  et  des  bamias,  qui  forment,  l'hiver,  l'habi- 
«  tat  et  le  terrain  de  culture  de  ce  fléau.  Le  coût  total  de 
«  cet  ensemble  de  mesures  a  dépassé  L.  E.  20.000.  Cette 


—  137  — 

«  année,  la  campagne  contre  le  ver  du  coton  et  de  la  capsule 
«  sera  conduite  de  nouveau  par  le  Ministère  de  l'Intérieur. 
«  Cependant  le  nouveau  Département  de  l'Agriculture 
«  recherchera  le  moyen  de  préserver  complètement  les 
«  cultures  et  entreprendra  des  recherches  sur  les  insecti- 
«  cides  pour  continuer  les  expériences  de  ce  genre  faites 
«  avant  sa  création.   » 

En  ce  qui  concerne  l'impureté  des  graines  du  coton, 
une  sélection  attentive  et  rigoureuse,  jointe  à  l'extir- 
pation des  variétés  inférieures,  s'impose  absolument. 

A  ce  sujet,  la  Commission  du  Coton  suggéra  les  solutions 
suivantes  : 

Les  graines,  choisies  avec  soin,  seraient  distribuées 
non  plus  au  hasard  des  demandes,  mais  soit  directement, 
soit  par  l'intermédiaire  des  maisons  de  commerce,  à  des 
cultivateurs  qualifiés  par  leurs  connaissances,  la  situation 
de  leurs  terrains  et  leurs  moyens  d'action,  de  façon  à  ce 
que  larécolte,  reprise  par  l'administration  de  l'Agriculture, 
multiplie  la  quantité  de  graines  pures  mises  à  la  dispo- 
sition du  public. 

Il  conviendrait  aussi  d'assurer,  à  l'aide  d'un  personnel 
spécial  et  de  règlements  bien  conçus,  l'arrachage  des 
plantes  étrangères  à  la  variété  voulue  sur  une  surface 
choisie  du  territoire  égyptien  suffisamment  étendue  pour 
que  sa  production  en  graines  représentât  une  proportion 
notable  de  la  quantité  requise  par  le  public. 

Sur  ce  terrain,  d'ailleurs,  les  initiatives  gouvernemen- 
tales et  privées,  réunissant  leurs  efforts,   semblent  être 


—  138  — 

arrivées  déjà  à  des  solutions  satisfaisantes.  Voici  ce  qu'en 
dit  sir  Eldon  Gorst  dans  son  rapport  déjà  cité  : 

«  L'importance  qu'il  y  a  à  préserver  la  pureté  des 
«  meilleures  variétés  de  cotonniers  et  à  en  produire 
«  d'autres  appropriées  au  pays  est  entièrement  reconnue 
«  par  le  nouveau  département.  On  a  décidé  d'établir 
«  une  station  où  des  expériences  seront  faites  pour  la 
«  production  de  nouvelles  variétés.  Les  efforts  du  Gou- 
«  vernement  doivent  être  principalement  dirigés  à  l'heure 
«  actuelle  vers  l'amélioration  des  plants  existants  plutôt 
«  que  vers  l'introduction  de  plants  nouveaux.  L'éliminà- 
«  tion  de  l'^mc^t  occupe  toute  son  attention,  et  l'arrachage 
«  de  cette  plante  dans  les  champs  de  sélection  des  graines 
«  destinées  à  la  distribution  est  étroitement  surveillé. 
«  Le  contrôle  des  distributions  de  graines  a  déj  à  fonctionné, 
«  et  ses  opérations,  réduites  momentanément  à  la  pro- 
«  vince  de  Sharkieh,  seront  plus  tard  étendues  aux  autres 
«  provinces.    » 

* 

Mais,  à  côté  des  causes  matérielles  de  la  diminution 
des  rendements  cotonniers,  il  en  est  une  autre  d'ordre 
purement  moral  :  V ignorance,  l'insouciance,  V impré- 
voyance, V  esprit  de  routine  du  fellah. 

Le  sol  de  l'Egypte  met  à  sa  disposition  des  moyens  de 
richesse  que  nul  autre  cultivateur  au  monde  ne  possède 
peut-être. 

«  En  ce  pays,  dit  avec  raison  le  très  distingué  ingénieur 


—  139  — 

«  agronome  M.  Boustani,  les  magnifiques  énergies  de  la 
«  nature  semblent  soumises  et  captées  entre  les  mains 
«  de  l'homme;  le  soleil  y  dispense  sa  chaleur  perpétuelle, 
«  et  les  eaux  maîtrisées  et  endiguées  charrient  partout 
«  la  vie  et  la  fertilité.  » 

Le  fellah,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  ne  sait  pas 
et  ne  désire  même  pas  tirer  bon  parti  des  merveilleuses 
ressources  dont  il  dispose.  Il  vit  au  jour  le  jour,  insouciant 
du  lendemain,  content  du  peu  qu'il  demande  à  la  terre  et 
qui  suffît  à  ses  modestes  besoins,  figé  dans  les  traditions 
ancestrales  et  dans  ses  vieilles  habitudes.  A  cela  il  n'y  a 
qu'un  remède  :  l'éducation. 

«  Le  succès  des  divers  projets  administratifs,  destinés 
«  à  améliorer  le  sort  des  populations  rurales,  écrit  lord 
«  Cromeri,  a,  dans  une  large  mesure,  pour  condition  la 
«  diffusion  dans  le  pays  des  éléments  d'éducation,  de 
«  manière  à  rendre  les  habitants  accessibles  à  des  idées 
«  autres  que  celles  consacrées  uniquement  par  la  tradi- 
«  tion.  La  fondation  de  Banques  et  de  Sociétés  agricoles, 
«  la  vulgarisation  des  procédés  de  culture  perfectionnés, 
«  les  plans  d'amélioration  des  conditions  sanitaires  de  la 
«  vie  rurale,  tout  cela,  ainsi  que  les  projets  du  même 
«  genre,  ne  pourra  jamais  donner  de  résultats  pleinement 
«  satisfaisants  tant  que  la  population  des  campagnes 
«  ne  sera  pas  pénétrée  de  l'influence  féconde  d'une  édu- 
«  cation  sommaire.  » 

1.  Rapport  de  1904,  p.  73. 


—  140  — 

Cette  éducation  sommaire  devrait  revêtir  évidemment 
un  caractère  pratique,  tel  que  celui  de  fermes -écoles, 
dans  lesquelles  les  élèves  partageraient  leur  temps  entre 
des  travaux  manuels  rétribués  et  un  enseignement  théo- 
rique. 

La  Commission  du  Coton  propose  en  outre  de  créer 
plusieurs  écoles  d'enseignement  secondaire  analogues  à 
celles  de  Guiseh,  et  d'adjoindre  à  cette  dernière  école  une 
section  spéciale  d'enseignement  agricole  supérieur  destinée 
à  préparer  pour  l'Egypte  un  corps  d'agronomes. 

Ces  projets  sont  sérieusement  et  activement  étudiés  : 
«  Plusieurs  Conseils  provinciaux  ont  déjà  décidé  d'établir 
«  des  fermes- écoles  dans  les  districts  ruraux,  et  le  Dépar- 
«  tement  de  l'Agriculture  va  s'efforcer  de  coopérer  avec 
«  eux  à  cet  égard.  Les  écoles  ont  pour  but  de  former  les 
«  fils  de  fellahs  et  de  petits  propriétaires  travaillant  eux- 
«  mêmes  pour  les  rendre  plus  aptes  à  leur  future  vie  des 
«  champs.  Chaque  école  comprendra  généralement  une 
«  ou  deux  salles  de  classe,  une  petite  ferme- atelier,  de 
«  simples  bâtiments  de  fermes  et  plus  de  cinq  feddans  de 
«  terre  dont  tout  le  travail  sera  fait  par  les  élèves  eux- 
«  mêmes.  L'instruction  en  classe  sera  limitée  à  des  sujets 
«  élémentaires  et  pour  faire  comprendre  intelligem- 
«  ment  le  pourquoi  et  le  comment  des  conditions  et  des 
«  travaux  agricoles.  Pour  fournir  un  corps  enseignant 
«  spécialement  formé,  cinq  étudiants  de  l'École  d'agri- 
«  culture,  qui  ont  d'ailleurs  quitté  l'établissement  en 
«  juin   dernier,   après  avoir   terminé  leurs  études,    ont 


—  141  — 

«  été  retenus  comme  student-instructors  (étudiants- 
«  intructeurs),  et  leur  nombre  sera  augmenté  en  juin 
«  prochaine   » 

En  France  et  en  Belgique,  indépendamment  de  nom- 
breuses écoles  d'agriculture,  il  y  a,  dans  chaque  départe- 
ment ou  province  et  même  dans  certains  arrondissements, 
un  professeur  chargé  d'enseigner  l'agriculture  à  l'école 
normale  d'instituteurs  et  dans  les  écoles  primaires  supé- 
rieures ;  il  va  dans  les  villages  faire  des  conférences,  des 
démonstrations,  des  expériences  de  machines,  d'outils, 
de  méthodes  ;  il  aide  à  la  création  de  syndicats,  de 
mutualités,  donne  des  conseils,  des  indications,  des 
encouragements.  Pourquoi  n'instituerait- on  pas,  en 
Egypte,  des  fonctionnaires  investis  d'attributions  ana- 
logues ? 

«  A  leur  défaut,  dit  fort  justement  M.  Arminjon, 
«  on  ne  voit  pas  qui  pourrait  instruire,  conseiller  et  di- 
«  riger  le  fellah  dans  ces  campagnes  où  il  est  abandonné 
«  à  lui-même  et  où  personne  ne  se  trouve  pour  assurer  le 
«  rôle  joué  en  Europe  par  les  grands  «  faisant  valoir  », 
«  les  citadins  propriétaires  ruraux,  l'instituteur  ou 
«  le  curé.  Petit  pays  au  climat  partout  identique,  au 
«  sol  uniforme  sur  tous  les  points,  à  la  population 
.«  rurale  parfaitement  homogène,  l'Egypte  se  prête 
«  mieux  qu'aucune  autre  région  à  une  action  cen- 
«  tralisée  par  un  système  de  mesures  générales,  et  il  est 

1.  Rapport  de  sir  Eldon  Gorst  (1910). 


—  142  — 

«  généralement  facile  de  bien  connaître  ce  qui  s'y  passe  ^ .  » 

Enfin,  à  côté  de  cet  enseignement,  la  Commission  du 
Coton  suggère  la  création,  au  Caire,  d'une  Station  agro- 
nomique chargée  de  travailler  à  la  solution  des  questions 
actuellement  non  résolues.  Les  travaux  de  la  Station 
agronomique  pourraient  être  élargis  et  amplifiés  par  les 
stations  d'essai  placées  dans  les  fermes- écoles.  Le  rapport 
de  sir  Eldon  Gorst  nous  apprend  que  quatorze  de  ces 
fermes  expérimentales  ont  déjà  été  créées. 

La  Commission  insiste  également  d'une  façon  toute 
spéciale  sur  l'urgence  et  la  nécessité  absolue  de  créer 
un  Service  de  l'Agriculture,  chargé  d'assurer  les  diffé- 
rentes mesures  proposées  en  ce  qui  concerne  le  sol,  l'eau, 
la  graine,  la  plante  et  ses  parasites,  de  diriger  l'ensei- 
gnement agricole  et  les  recherches  scientifiques  à  entre- 
prendre ou  à  poursuivre. 

La  création  de  ce  Département  de  l'Agriculture  est  main- 
tenant un  fait  accompli ,  et  il  s' est  mis  résolument  à  l' œuvre. 

«  M.  Gérald  Dudgeon  P.  E.  S.,  récemment  inspecteur 
«  d'agriculture  dans  l'Afrique  Occidentale  Anglaise,  fut 
«  nommé  directeur  général.  L'expérience  de  M.  Dudgeon 
«  en  culture  cotonnière  dans  différentes  parties  du  monde, 
«  et  ses  travaux  dans  l'Inde  et  l'Afrique  Occidentale  sur 
«  le  fléau  des  insectes  et  leurs  effets  sur  les  cultures  le 
«  désignaient  particulièrement  pour  cet  emploi.  Le 
«  nouveau  Département,  qui  a  repris  l'ensemble  du  Comité 

1.  La  Situation  économique  et  financière  de  l'Egypte,  p.  638. 


—  143  — 

«  scientifique  et  d'inspection  de  la  Société  khédiviale  d'A- 
ce griculture,  est  rattaché  au  Ministère  des  Travaux  Publics, 
«  mais  il  a  des  relations  suivies  avec  ceux  des  Finances 
«  et  de  l'Intérieur,  le  premier  lui  apportant  son  aide  dans 
«  la  distribution  de  la  graine  de  coton,  le  second  organisant 
«  la  campagne  contre  le  ver  du  coton  et  de  la  capsule.  Le 
«  Département  travaille  maintenant  régulièrement.  Des 
«  fermes  expérimentales  ont  été  créées  et  des  conventions 
«  passées  pour  la  distribution  de  bonnes  graines  aux  culti- 
«  vateurs  trop  pauvres.  Des  recherches  pratiques  vont 
«  être  entreprises  sur  quelques  sujets,  comme  le  fléau  des 
«  insectes  et  celui  des  maladies  cryptogamiques,  et  les 
«  recommandations  nécessaires  seront  faites  au  moyen 
«  de  circulaires.  La  détérioration  de  l'espèce  de  coton 
«  Mit-Afifi  est  à  l'étude,  et  les  opérations  ultérieures 
«  comprennent  des  analyses  de  sol  et  d'engrais  et  la  pu- 
«  blication  dans  un  journal  de  tout  ce  qui  intéresse 
«  l'agriculture.   » 

Un  Comité  supérieur  permanent  de  l'Agriculture  serait, 
en  outre,  institué  avec  mission  d'exercer  un  contrôle  sur 
l'enseignement  agricole  et  les  recherches  scientifiques  du 
Service  d'Agriculture. 

Il  est  évident  que  de  pareils  organismes  rendront  les 
plus  grands  services. 

Il  conviendrait  aussi  de  créer  des  Associations  agri- 
coles de  prévoyance,  de  production,  de  consommation, 
d'assistance  et  de  crédit,  dont  le  fellah  n'a  pas  la  moindre 
idée. 


—  144  — 

Introduites  en  Algérie,  en  Tunisie,  et  aussi  dans  l'Inde, 
ces  institutions  ont  donné  d'excellents  résultats  ;  elles 
permettraient  aux  fellahs  de  se  grouper  pour  acheter  au 
prix  de  gros,  vendre  sans  intermédiaire  leur  coton  et  leurs 
céréales,  acquérir  à  bien  meilleur  compte  les  instruments 
aratoires,  les  engrais,  les  semences,  tous  les  objets  néces- 
saires à  l'exploitation,  se  procurer  du  crédit  dans  des 
conditions  raisonnables  au  lieu  d'avoir  recours  à  l'usurier. 
On  doit  souhaiter  que,  d'ici  peu,  chaque  district  possède 
au  moins  un  syndicat  agricole. 

Il  faudrait  enfin  créer  des  Banques  mutuelles  de  crédit, 
qui,  placées  sous  le  contrôle  sévère  du  Gouvernement, 
pourraient  en  même  temps  servir  de  Caisses  d'Épargne. 
Le  musulman  actuellement  thésaurise  et  ne  place  pas  son 
argent  parce  que  le  Coran  le  lui  interdit  ;  il  faudrait 
l' amener  à  donner  à  son  épargne  un  emploi  [productif.  Le 
crédit  est  actuellement  distribué  au  fellah  par  VAgricultu- 
rai  Bank,  Société  de  crédit  rural,  contrôlée  et  garantie  par 
le  Gouvernement.  Elle  consent  aux  cultivateurs  solvables 
des  prêts  au  taux  de  8  0/0,  garantis  par  une  hypo- 
thèque. La  Banque  a  déjà  prêté  8  millions  de  livres.  Mais 
cet  argent  dépensé  sans  contrôle  a  été  mal  employé,  ce 
qui  n'aurait  pas  eu  lieu  dans  une  coopérative  de  crédit. 

En  résumé  : 

La  diminution  progressive  des  rendements  de  la  culture 
cotonnière  doit  être  attribuée  : 

A  r excès  d'humidité  du  sol  résultant  de  la  disproportion 
entre  l'abondance  de  Veau  et  l'efficacité  du  drainage  ; 


—  145  — 

A  ux  raclages  de  certains  parasites  ; 

A  V  impureté  de  la  graine  cotonnière  par  suite  de  V  hybri- 
dation de  variétés  de  choix  avec  des  variétés  de  qualité  infé- 
rieure ; 

Enfin,  à  V  ignorance,  à  V  insouciance  et  à  V esprit  de 
routine  du  fellah. 

Or,  ces  causes  ne  sont  pas  essentielles,  permanentes, 
irréductibles,  mais  contingentes,  accidentelles,  susceptibles 
de  disparaître,  et  nous  avons  constaté  qu'elles  ont  été 
déjà  beaucoup  atténuées. 

D'autre  part,  les  remèdes,  tels  que  nous  les  avons 
exposés,  sont  les  suivants  : 

Contre  l'excès  d'humidité,  l'extension  et  le  perfection- 
nement du  système  de  drainage  actuellement  existant  ; 
contre  l'abus  des  irrigations,  l'adoption  d'un  système  de 
rotations  plus  rationnel  pour  l'emploi  des  eaux  d'arro- 
sage. 

Contre  les  parasites,  l'application  méthodique  des  lois, 
décrets,  arrêtés  prescrivant  les  mesures  nécessaires  pour 
combattre  le  fléau,  l'examen  de  procédés  nouveaux  de 
destruction  des  insectes  et  l'essai  de  tous  ceux  qui  auraient 
paru  dignes  d'une  prise  en  considération  ; 

Contre  l'impureté  des  graines,  un  ensemble  de  mesures 
en  vue  d'une  sélection  attentive  des  semences,  de  l'extir- 
pation des  variétés  de  cotonniers  reconnues  inférieures 
et  de  la  mise  de  graines  de  choix  à  la  disposition  du  culti- 
vateur. 

Enfin,  contre  l'ignorance,  l'imprévoyance,  l'esprit  de 

9 


—  146  — 

routine  du  fellah,  la  diffusion  des  éléments  d'instruction 
par  la  création,  à  côté  de  grands  établissements  d'ensei- 
gnement secondaire  et  supérieur,  d'écoles  d'instruction 
sommaire,  de  fermes- écoles,  de  stations  d'essais  agricoles 
et  aussi,  autant  que  possible,  d'un  corps  d'instituteurs  qui 
seraient  chargés  d'aller  dans  les  villages  faire  des  confé- 
rences et  des  démonstrations,  d'éclairer,  de  conseiller,  de 
diriger,  d'encourager  les  paysans.  Il  conviendrait  encore 
de  tirer  le  fellah  de  son  isolement,  en  lui  procurant  les 
puissants  secours  de  syndicats  agricoles,  d'institutions 
mutuelles  de  prévoyance,  d'assistance,  de  production,  de 
consommation  et  de  crédit. 

Voilà  exposée  en  quelques  lignes  la  tâche  qui  s'impose 
au  Gouvernement  ;  elle  est  grande  à  coup  sûr,  mais  elle 
n'est  pas  au-dessus  de  son  dévouement  aux  intérêts  dont 
il  a  la  garde.  Par  ce  qu'il  a  déjà  fait  et  par  ce  qu'il  se  pro- 
pose de  faire  encore,  on  peut  prévoir  qu'il  ne  négligera  rien 
pour  la  mener  à  bonne  fm;  mais  il  faut  espérer  qu'il  trou- 
vera dans  les  initiatives  privées  le  concours  qu'il  est  en 
en  droit  d'attendre  de  ceux  qui  sont  les  premiers  intéressés 
au  succès  d'une  œuvre  dont  l'accomplissement  doit  gran- 
dement ajouter  à  la  prospérité  générale. 


CHAPITRE  XVI 


LA    STABILITÉ    POLITIQUE 


L'Angleterre  abandonnera-t-elle  l'Egypte?  Elle  ne  l'abandonnera  pas  de 
son  plein  gré,  et  son  expulsion,  soit  par  une  révolution  intérieure,  soit 
par  l'intervention  d'une  ou  plusieurs  puissances  européennes,  n'est  pas  à 
craindre.  —  Mais,  si  elle  évacuait  l'Egypte,  l'Europe  ne  manquerait  pas 
d'intervenir  pour  le  maintien  de  ses  garanties  et  la  sauvegarde  de  ses 
intérêts.  —  La  dette  de  l'Egypte  envers  l'Europe  est  trop  élevée  pour  que 
l'Europe  s'en  désintéresse.  —  En  cas  d'indépendance,  ou  l'Egypte  sera 
à  la  hauteur  de  sa  tâche,  ou  elle  retombera  sous  le  contrôle  des  puissances 
européennes.  —  Rien  ne  sera  changé.  —  Opinion  de  lord  Cromer. 


Nous  devons  d'abord  examiner  une  question  qui,  pour 
être  d'un  ordre  différent  de  celles  qui  précèdent,  n'en  est 
pas  moins  d'un  grand  intérêt  pour  notre  sujet. 

Si,  pour  une  raison  quelconque,  l'Angleterre  abandon- 
nait l'Egypte,  qu'adviendrait- il  des  garanties  de  sécurité 
résultant  de  son  occupation  ? 

Cette  objection  suppose  ou  que  l'Angleterre  aurait 
abandonné  l'Egypte  de  plein  gré,  ou  qu'elle  en  aurait  été 
expulsée,  soit  parle  fait  d'une  révolution  intérieure,  soit  par 
l'intervention  d'une  ou  plusieurs  puissances  européennes. 


—  148  — 

On  nous  permettra  de  ne  pas  nous  arrêter  un  seul 
instant  à  l'éventualité  d'un  abandon  volontaire.  Gomment 
admettre  que  les  Anglais  se  retireraient  bénévolement 
d'un  des  pays  les  plus  riches  du  monde,  dont  la  possession, 
tout  en  fortifiant  singulièrement  leur  position  dans  la 
Méditerranée,  leur  a  donné  la  clef  de  la  route  des  Indes, 
et  qui,  du  reste,  à  l'heure  de  l'accord  franco- anglais  de 
1904,  n'a  pas  été  sans  leur  coûter  quelques  concessions. 
Leur  diplomatie,  on  le  sait,  n'est  pas  coutumière  de  sem- 
blables actes  de  désintéressement,  de  pareils  gestes  de 
générosité. 

Quant  à  l'hypothèse  d'une  expulsion  par  une  révolution 
intérieure,  il  faudrait,  pour  l'envisager  sérieusement, 
ignorer  la  mentalité  du  peuple  égyptien  et  sa  situation 
vis-à-vis  de  l'Angleterre. 

Doux,  naturellement  respectueux  de  l'autorité,  tra- 
vailleur acharné,  préoccupé  d'agrandir  et  d'améliorer  son 
champ,  le  fellah,  qui,  nous  l'avons  dit,  forme  l'immense 
majorité  de  la  population,  est  loin  d'avoir  l'instinct  et  le 
tempérament  révolutionnaires. 

Sans  doute,  les  succès  remportés  par  les  Japonais 
contre  les  Russes,  la  guerre  du  Transvaal,  et  surtout  la 
campagne  nationaliste  menée  par  l'ardent  patriote  et 
grand  tribun  Mustafa  Kamel  Pacha  ont  pu,  un  instant,, 
agiter  plus  ou  moins  profondément  la  masse  populaire  ; 
d'autre  part,  en  éveillant  dans  les  jeunes  cerveaux  des 
sentiments  exagérés  de  grandeur  et  d'indépendance,  une 
première  initiation  scientifique  a  prédisposé  une  certaine 


—  149  — 

élite  intellectuelle  à  supporter  impatiemment  toute 
espèce  de  tutelle  étrangère  ;  enfin,  le  caractère  débonnaire 
de  l'occupation  anglaise  a  pu  être  interprété  tout  d'abord 
comme  un  indice  de  faiblesse. 

Mais,  aujourd'hui,  ces  causes  d'agitation  ont  disparu. 
Les  succès  des  Japonais,  aussi  bien  que  les  difficultés  de 
l'Angleterre  au  Transvaal,  ont  cessé  de  hanter  les  esprits  ; 
le  grand  tribun  égyptien  n'est  plus;  arrivée  au  terme  de 
ses  études,  la  jeune  génération  a  perdu  ses  ambitieuses 
illusions  du  début  ;  elle  a  compris  que  le  pays  n'est  pas 
mûr  pour  l'indépendance,  qu'il  est  loin  de  pouvoir  se 
passer  d'une  tutelle,  et,  chose  plus  curieuse  encore,  la 
politique  anglaise  a  cessé  de  paraître  débonnaire.  A  ce 
sujet,  le  dernier  rapport  du  précédent  Résident  général 
en  Egypte,  sir  Eldon  Gorst,  est  des  plus  significatif,  et 
l'envoi  au  Caire  de  lord  Kitchener,  un  des  hommes  les 
plus  énergiques  que  l'Angleterre  possède,  en  fournit  un 
témoignage  plus  significatif  encore. 

On  peut  donc  affirmer  que  la  population  égyptienne, 
sauf  quelques  tempéraments  qui  tiennent  à  rester  ou  à 
paraître  irréductibles,  est  aujourd'hui  revenue  à  la  tran- 
quillité et  au  bon  ordre.  Elle  en  témoigne,  d'ailleurs,  par 
l'évolution  morale  qui  s'opère  en  elle  et  tend  toutes  ses 
forces  vers  le  progrès. 

Mais  si,  d'aventure,  elle  s'avisait  de  se  soulever,  comment 
pourrait- elle  lutter  contre  la  formidable  puissance  britan- 
nique ?  Outre  que  le  Gouvernement  anglais  dispose 
de   forces  considérables,  il  tient  entre  ses  mains  la  vie 


—  150  — 

même  des  paysans,  puisqu'il  est  le  dispensateur  souve- 
rain de  l'eau  nécessaire  à  la  vie  du  pays. 

L'Angleterre  ne  pourrait  donc  être  dépossédée  que 
par  l'intervention  armée  d'une  ou  plusieurs  puissances 
européennes  ;  mais,  outre  que  toute  intervention  de  ce 
genre  en  pays  lointain  se  heurte  à  des  difficultés  sur  les- 
quelles il  n'est  pas  besoin  d'insister,  il  faudrait  d'abord 
que  les  Anglais  eussent  perdu  la  maîtrise  de  la  mer. 

Supposons,  cependant,  que,  par  suite,  soit  d'un  abandon 
bénévole,  soit  d'une  révolution  intérieure,  soit  d'une 
intervention  européenne,  les  Anglais  aient  évacué  l'E- 
gypte. Est- il  permis  d'admettre  que  les  puissances  sacri- 
fieraient les  nombreux  et  importants  intérêts  qu'elles  ont 
dans  la  vallée  du  Nil,  qu'elles  permettraient  l'abolition 
des  garanties  si  jalousement  maintenues,  si  attentivement 
sauvegardées  depuis  tant  de  siècles  ?  Non,  à  ce  point  de 
vue,  rien  ne  saurait  changer;  trop  d'intérêts  se  trouvent 
engagés  dans  le  pays  pour  qu'aucune  modification  de 
nature  à  leur  porter  atteinte  soit  possible. 

Il  suffit  pour  s'en  convaincre  de  considérer  l'importan- 
ce, au  point  de  vue  européen,  de  la  situation  géographique 
de  l'Egypte,  et,  d'autre  part,  sa  situation  financière  vis- 
à-vis  de  l'Europe.  De  tout  temps,  les  puissances  euro- 
péennes ont  compris  l'importance  pohtique  que  la  terre 
des  Pharaons  tire  de  sa  situation  géographique.  Grâce 
à  cette  situation,  elle  est  comme  le  carrefour  du  vieux 
monde,  le  point  de  jonction  entre  l'Europe,  l'Asie, 
rOcéanie  et  l'Afrique  Orientale  ;  elle  est  aussi  la  grande 


—  151  — 

voie  de  pénétration  dans  tous  les  pays  d'Extrême-Orient. 
Au  point  de  vue  stratégique,  cette  situation  n'est  pas 
moins  importante. 

Tout  cela  lui  assure  un  rôle  international  que  M. 
de  Freycinet  a  défini  excellemment  en  ces  termes  : 
«  Au  centre  de  l'ancien  continent,  ayant  vue  à  la  fois 
sur  l'Europe,  l'Asie  et  l'Afrique,  dominant  le  bassin 
oriental  de  la  Méditerranée  et  la  mer  des  Indes,  base 
d'opérations  incomparable  pour  envahir  la  Syrie,  me- 
nacer ou  protéger  le  Sultan,  donnant  la  maîtrise  des 
voies  de  terre  et  d'eau  entre  l'Europe  et  l'Extrême- 
Orient,  aussi  bien  du  canal  de  Suez  que  des  chemins  de 
fer  dirigés  vers  le  golfe  Persique,  l'Egypte  voit  son  rôle 
international  grandir  tous  les  jours  ^.  » 
Quant  à  la  situation  financière  de  l'Egypte  vis-à-vis 
de  l'Europe,  elle  se  présente  actuellement  de  la  sorte  : 

La  question  du  canal  de  Suez  mise  à  part,  l'Egypte  se 
trouve  en  face  d'une  dette  extérieure  qui,  au  31  décembre 
1909,  atteignait  la  somme  de  95.240.740  livres,  dont 
89.232.420  en  circulation  et  6.008.320  en  titres  détenus 
par  la  Caisse  de  la  Dette  et  par  le  Gouvernement^. 

D'autre  part,  le  montant  des  actions  des  Sociétés  ano- 
nymes, pouvant  être  considéré  comme  actuellement  dé- 
tenu en  Europe  s'élèverait,  d'après  M.  Papazian,  auteur 
de  V  Annuaire  delà  Finance  égyptienne,  à  L.  E.  21.675.000 
et  celui  des  obligations  à  L.  E.  41.062.400  ;  soit  au  total  : 


1.  La  Question  d'Egypte,  p.  5. 

2.  Annuaire  statistique  de  l'Egypte  (1910),  p.  300. 


—  152  — 

L.  E.  62.737.400  (donnant  un  revenu  de  L.  E.  3.348.400). 
Ces  deux  sommes,  dette  de  l'État  et  titres  des  Sociétés 
anonymes,  réunies,  portent  la  dette  du  pays  à  L.  E. 
157.978.140  (4.095.350.356  fr.  45). 

Gomme  nous  venons  de  l'indiquer,  la  presque  totalité 
de  cette  somme  a  été  tirée  de  l'étranger.  L'Égyptien  n'a 
presque  pas  de  capitaux  liquides  à  placer  en  titres  ;  en 
eût-il,  il  préférerait  les  confier  à  la  terre,  qui,  tout  en  lui 
offrant  une  sécurité  sans  égale,  lui  assure  un  revenu  bien 
plus  rémunérateur. 

Mais  si  l'Egypte  s'enrichit  considérablement,  si  elle 
porte  allègrement  la  charge  de  sa  dette  extérieure,  cela 
ne  veut  pas  dire  qu'elle  soit  en  état  de  se  libérer.  Sa  ri- 
chesse tout  entière  est  dans  son  sol  ;  elle  n'a  pas  de  ca- 
pitaux disponibles,  toutes  ses  réserves  étant  immobilisées. 
Or  cette  dette,  elle  se  verra  obligée  de  l'augmenter  dans 
une  forte  proportion  pour  exécuter  de  nouveaux  et  im- 
portants travaux,  absolument  indispensables,  développer 
et  perfectionner  son  outillage  économique,  mettre  en 
valeur  les  terrains  encore  en  friche  et  ceux  actuellement 
recouverts  par  les  lagunes,  qui,  réunis,  occupent  une 
superficie  de  près  de  8.000  kilomètres  carrés. 

Dans  cette  augmentation,  la  part  du  Gouvernement 
ne  sera  pas  moindre  de  400  à  500  millions  de  francs,  et  il 
est  présumable  que  celle  du  public  dépassera  le  triple  de 
cette  somme. 

Gomme  la  majeure  partie  de  la  dette  actuelle,  la  nou- 
velle, ainsi  qu'il  vient  d'être  exposé,  sera  consacrée  à  déve- 


—  153  — 

lopper  la  richesse  du  pays,  mais  elle  rendra  l'Egypte  plus 
étroitement  tributaire  des  puissances  étrangères.  Il  lui 
faudra  donc  beaucoup  de  temps  pour  se  libérer  de  sa  dette 
par  le  mécanisme  toujours  très  lent  de  l'amortissement, 
d'autant  plus  que,  concurremment  avec  les  fonds  d'em- 
prunt, elle  devra  employer  son  épargne  à  l'amélioration 
du  sol. 

Restant  ainsi  débitrice  de  l'étranger,  est- il  possible 
qu'elle  modifie  son  régime  au  détriment  des  intérêts, 
européens  ? 

Évidemment  non;  il  est  inadmissible  que  les  grandes 
puissances,  pour  qui  la  prospérité  et  la  tranquillité  de 
l'Egypte  sont  une  nécessité  rigoureuse  et  dont  la  situa- 
tion a  été  définie,  réglée,  assurée,  par  des  conventions, 
des  traités  internationaux,  des  accords  précis  et  formels 
puissent  assister  impassibles  à  l'abolition  de  leurs  préro- 
gatives. 

Admettons,  cependant,  que,  dans  un  avenir  plus  ou 
moins  éloigné,  l'Egypte  vienne  à  recouvrer  son  indépen- 
dance. De  deux  choses  l'une  :  ou  elle  sera  à  la  hauteur  de 
sa  tâche  pour  sauvegarder  les  intérêts  de  l'Europe  et 
conservera  son  indépendance  ;  ou  elle  tombera  dans  le 
désordre,  et  alors  l'Europe  interviendra,  comme  elle 
intervint  déjà,  en  1876,  pour  la  réforme  financière,  et, 
en  1879,  lors  de  la  déposition  du  Khédive. 

Dans  les  deux  cas,  il  n'y  aura  rien  de  changé  au  point 
de  vue  de  la  sécurité  des  placements,  et  la  prospérité  égyp- 
tienne ne  sera  pas  arrêtée  dans  son  essor. 


—  154  — 

C'est  ce  qu'indique  fort  nettement  lord  Gromer,  dans 
Son  rapport  de  1906,  lorsque,  après  avoir  constaté  la  pro- 
gression continue  de  cette  prospérité,  il  ajoute  : 

«  Quelles  sont  les  circonstances  qui  pourraient  arrêter 
«  cette  progression  ?  En  premier  lieu,  on  observera  que 
«  le  retrait  complet  et  soudain  du  contrôle  européen  ou 
«  l'adoption  précipitée  d'institutions  trop  avancées  pour 
«  être  en  ce  moment  assimilées  par  les  Égyptiens  pour- 
ce  raient,  l'un  et  l'autre,  amener  des  conséquences  désas- 
«  treuses.  Il  surviendrait  alors  probablement  une  rechute 
«  dans  la  mauvaise  administration  du  passé.  Je  ne  vois 
«  pas  cependant  de  raison  pour  que  l'une  ou  l'autre  de 
«  ces  deux  éventualités  arrive.  Il  est  facile  de  prédire 
«  l'avenir  immédiat  de  l'Egypte,  le  régime  actuel  ne  su- 
ce bira  aucun  changement  radical. 

«  Je  ne  saurais  entreprendre  de  prédire  l'avenir  éloi- 
«  gné  du  pays,  mais  il  est  permis  d'affirmer,  en  consi- 
«  dération  des  grands  intérêts  engagés,  tant  européens  qu'  in- 
«  digènes,  qu'on  ne  le  laissera  jamais  choir  de  nouveau 
«  dans  son  état  antérieur.  » 


TROISIÈME  PARTIE 


CHAPITRE  XVII 


FORTUNE    IMMOBILIÈRE    DE    L'EGYPTE 


Évaluation  de  la  propriété  rurale  d'après  l'impôt  foncier,  la  valeur 
locative  et  le  revenu  des  terres.  —  Évaluation  de  la  propriété  urbaine 
au  moyen  de  la  capitalisation  du  revenu  des  loyers,  accusé  par 
l'impôt.  —  Valeur  totale  de  la  fortune  immobilière,  déduction  faite 
de  l'impôt  capitalisé  et  des  wakfs  (biens  de  mainmorte)  publics, 
khédiviaux  et  privés. 


Il  nous  reste  une  étape  à  parcourir  pour  terminer  notre 
Étude,  et  ce  n'est  ni  la  moins  importante,  ni  la  moins 
intéressante  pour  les  capitalistes  français,  puisque  la 
majeure  partie  des  capitaux  français  placés  en  Egypte 
sont  engagés  dans  des  placements  hypothécaires.  Nous 
voulons  parler  de  la  dette  hypothécaire  de  l'Egypte,  de 
son  importance  et  de  son  rapport  avec  la  fortune  immobi- 
lière qui  lui  sert  de  gage. 

La  fortune  immobilière  de  l'Egypte  se  compose  de  deux 


—  156  — 

parties  bien  distinctes:  la  fortune  rurale  et  \di  fortune  urbaine. 
Essayons  de  déterminer  la  valeur  de  chacune  d'elles. 

I 
ÉVALUATION  DE  LA  PROPRIÉTÉ  RURALE 

Trois  éléments    se    présentent   à  nous  pour  procéder 
à  l'évaluation  de  la  propriété  rurale: 
10  L'impôt  foncier; 

2^  La  valeur  locative  moyenne  des  terres  ; 
3°  Le  revenu  du  sol. 
Nous  allons  les  employer  successivement  : 

1°  Évaluation  par  l'impôt  foncier 

Nous  rappelons  que  les  contingents  principaux  de  l'im- 
pôt ont  été  fixés  il  y  a  très  longtemps.  Déjà  Ismaïl- 
Pacha,  à  l'article  8  du  décret  du  2  mai  1876,  instituant 
la  Caisse  de  la  Dette,  s'exprimait  ainsi  :  «  Le  Gouver- 
«  nement  ne  pourra,  sans  l'avis  conforme  des  Commis- 
«  saires  qui  dirigent  la  Caisse  de  la  Dette  Publique,  pris 
«  à  la  majorité,  porter,  dans  aucun  des  impôts  affectés 
«  à  la  Dette,  des  modifications  qui  pourraient  avoir  pour 
«  résultat  une  diminution  de  la  rente  de  cet  impôt.  » 

Cette  stipulation  fut  observée  rigoureusement  jusqu'à 
l'établissement  de  la  taxe  spéciale  à  l'entrée  des  tabacs, 
taxe  qui  eut  pour  conséquence  l'interdiction  de  la  culture 
de  cette  plante  en  Egypte.  En  dédommagement  du  sacri- 


—  157  — 

fice  imposé  aux  cultivateurs,  le  Gouvernement  prit  l'en- 
gagement d'employer  une  partie  de  l'excédent  de  recettes 
devant  provenir  de  cette  taxe  d'entrée  à  certains  dégrè- 
vements de  la  propriété  foncière.  En  exécution  de  cet 
engagement,  des  réductions  d'impôts  furent  faites  à  quatre 
reprises  successives,  de  1891  à  1898;  elles  atteignirent, 
dans  leur  ensemble,  la  somme  de  L.  E.  564.100. 

D'autre  part,  les  opérations  de  la  péréquation  de  l'im- 
pôt, dont  il  a  été  déjà  fait  mention,  n'ont  apporté  aucune 
modification  à  l'ensemble  ni,  par  suite,  à  la  répartition 
générale.  Le  rôle  de  la  Commission  instituée  à  cet  effet 
devait  se  borner  :  1°  à  supprimer  la  distinction  entre  les 
terres,  établie  jusque-là  par  le  fisc,  et  qui  en  faisait  deux 
classes  séparées  :  les  terres  Ouchoury  et  les  terres  Kharadji 
inégalement  taxées  ;  2^  à  faire  une  répartition  équitable  de 
la  cote  de  chaque  contribuable  en  prenant  pour  base  la 
valeur  locative  de  la  terre.  Ces  conditions  posées,  il  s'a- 
gissait tout  d'abord,  pour  la  Commission,  d'établir  le 
rapport  qui  devait  exister  entre  le  montant  total  de  l'im- 
pôt et  celui  du  revenu  du  sol.  Le  premier  étant  connu,  et 
ayant  été  fixé,  pour  1894,  à  L.  E.  4.611.216  (sauf  dimi- 
nution de  L.  E.  102.800  consentie  par  le  Gouvernement 
en  faveur  des  contribuables),  il  ne  restait  plus  qu'à  déter- 
miner l'autre.  Les  enquêtes  auxquelles  il  fut  procédé  à 
cet  effet  permirent  de  fixer  le  revenu  du  sol,  pour  la  même 
année,  à  L.  E.   16.147.824. 

Connaissant  ces  données,  il  était  facile  à  la  Commis- 
sion d'en  calculer  le  rapport.  Ce  rapport  s'établit  ainsi 


—  158  — 

à  28,55  0/0,  taux  qui  fut  adopté  comme  assiette  de  l'impôt 
foncier.  Sur  cette  base,  et  en  ne  perdant  pas  de  vue  que 
le  contingent  des  villages  ne  devait  pas  subir  de  modi- 
fication, la  Commission  divisa  les  terres  en  vingt- deux 
catégories  et  attribua,  suivant  les  résultats  du  calcul,  à 
la  première  catégorie  une  valeur  locative  de  P.  T.  575 
(149  fr.  06)  par  feddan  et,  à  la  dernière,  une  valeur  locative 
de  P.  T.  50  (12  fr.  96). 

Nous  donnons  ces  détails  pour  montrer  que,  si,  dans 
l'évaluation  de  la  propriété  rurale,  on  prend  pour  base 
de  calcul  les  chiffres  absolus  de  l'impôt  dans  l'année  en 
cours,  on  commet  une  grave  erreur,  ces  chiffres  ayant 
cessé  depuis  longtemps  de  correspondre  à  la  valeur  locative 
des  terres.  En  effet,  depuis  1895,  de  nombreux  change- 
ments se  sont  produits  dans  le  mode  d'exploitation  du  sol. 

En  premier  lieu,  la  conversion  à  l'irrigation  pérenne 
de  toutes  les  terres  de  la  Moyenne- Egypte,  depuis  le 
barrage  d'Assiout  jusqu'au  Caire,  a  eu  pour  effet  d'ac- 
croître à  la  fois  la  proportion  des  terres  cultivées  en 
coton,  passée,  de  1895  à  1909,  de  15,51  0/0  à  20,83  0/0, 
et  celle  des  terres  cultivées  plus  d'une  fois  qui,  en  1895, 
couvraient  1.557.352  feddans,  pour  un  total  de  5.640.226 
feddans,  soit  les  27,60  0/0,  tandis  que,  pour  1909,  elles 
étaient  de  2.296.562  feddans  pour  un  ensemble  de 
6.475.694  feddans,  ce  qui  en  a  fait  remonter  le  rapport 
à  35,46  0/0. 

En  second  lieu,  la  sole  du  coton,  qui  était  généralement 
de  trois  ans  pour  toute  l'Egypte,  a  été  presque  partout 


—  159  — 

abaissée  à  deux  ans,  ce  qui  a  sensiblement  influé  sur 
l'augmentation  de  la  proportion  des  terres  cultivées  en 
coton. 

En  troisième  lieu,  l'amélioration  de  l'exploitation  ca- 
ractérisée surtout  par  l'emploi  des  engrais  chimiques, 
inconnus  dans  le  pays  avant  1900,  alors  qu'aujourd'hui, 
en  dehors  de  ceux  qui  sont  fabriqués  sur  place,  il  en  est 
importé  pour  près  de  L.  E.  300.000  par  an,  a  eu  pour 
effet  d'augmenter  sensiblement  les  rendements  des  pro- 
duits du  sol,  exception  faite  du  coton. 

Enfin  la  hausse  considérable,  qui,  depuis  quelques 
années,  s'est  fait  sentir  sur  le  prix  du  coton,  a  non  seu- 
lement contrebalancé  l'effet  de  la  diminution  du  rende- 
ment de  la  plante,  mais  déterminé  une  augmentation 
sensible  du  revenu  de  la  terre.  Pour  la  valeur  de  la 
récolte  totale  du  coton,  on  voit  que  de  L.  E.  11.193.058 
en  1896-1897,  elle  est  arrivée  à  L.  E.  33.915.339  en  1910- 
1911  et  que  le  rendement  à  l'hectare  qui,  en  1896-1897, 
était  de  656  fr.  78  est  passé,  en  1910-1911,  à  1.303  fr.  57, 
soit  près  du  double.  (Voir  tableau  XIII,  p.  125.) 

Ajoutons,  en  ce  qui  concerne  la  valeur  de  la  propriété, 
et  malgré  les  titres  qu'elle  avait  acquis  à  la  hausse 
antérieurement  à  l'accord  franco- anglais  de  1904,  que  ce 
fut  seulement  à  partir  de  ce  moment  que  cette  hausse 
se  produisit. 

Pour  nous  résumer,  nous  pouvons  dire,  avec  tous  ceux 
qui  connaissent  tant  soit  peu  le  sol  égyptien,  que  les 
28,55  0/0  de  l'assiette  de  l'impôt  n'ont  plus  qu'un  rap- 


—  160  — 

port  lointain  avec  le  revenu  du  sol.  Le  tableau  que  nous 

consacrons  plus  loin  à  cette  question  montre,  en  effet, 

qu'aujourd'hui    celui-ci    dépasse   de   plus    du   double  le 

chiffre  qui  a  servi  de  base  à  l'établissement  de  l'assiette 

de  l'impôt.  Si  donc  nous  voulons  prendre  le  chiffre  de 

l'impôt  pour  base  d'évaluation  de  la  propriété  rurale, 

nous  devons  lui  appliquer  une  majoration  qui  corresponde 

autant  que  possible  à  l'augmentation  de  son  revenu  ou,  ce 

qui  revient  au  même,  à  la  plus-value  générale  dont  a  fort 

justement  bénéficié  la  terre  depuis  1895.  En  aucune  façon 

cette  majoration  ne  saurait  être   inférieure    à  7,5  OjO  et, 

en  V  adoptant,  on  peut  se  flatter  de  rester  dans  des  limites 

modestes.    Si    nous    prenons    le    dernier    chiffre    connu 

de  l'impôt,   celui   de   l'année  1909 1,    qui    s'est  élevé  à 

L.  E.  5.059.231,  et  si  nous  lui  appliquons  la  majoration 

de  75  0/0  qui  s'établit  à  L.  E.  3.794.423,  nous  obtenons 

L.    E.      8.853.654    représentant     plus    justement     les 

28,55  0/0  de  la  valeur  locative  des  terres. 

Pour  avoir  cette  valeur  locative,  nous  procéderons  de 
la  sorte  : 

100  X  8853.654  ^  ^^_^^^_^^^_ 

28,55 

Capitalisée  à  6  0/0,  cette  somme  représente  : 

31.011.047  X  100  ^  5,6,g5o_,83 
6 

1.  Annuaire  statistique  de  l'Egypte  (1910),  p.  270. 


—  161  — 

Il  en  ressort  que  la  valeur  de  la  propriété  rurale 
s'établissait,  en  1909,  à  L.  E.  516.850.783,  soit  : 
13.398.594.504  francs. 

Cette  somme  doit  encore  s'augmenter  de  la  valeur  des 
dattiers,  complètement  indépendante  de  la  valeur  des 
terres  qui  les  portent. 

Les  dattiers  sont  soumis  au  paiement  de  la  dîme  fixée, 
une  fois  pour  toutes,  à  P.  T.  2  1/2  par  arbre,  ce  qui  leur 
donne  un  revenu  moyen  de  P.  T.  25  et  une  valeur  moyenne 
de  L.  E.  4,167  en  capitalisant  à  6  0/0.  Le  coefficient 
par  lequel  il  faut  multiplier  l'impôt  pour  en  établir  la 
valeur  totale  est  166,67  ou  le  produit  de  10  (dîme)  par 
16,67  (denier)  au  taux  de  6  0/0.  D'après  cela,  l'impôt 
s' étant  établi,  pour  1909,  à  L.  E.  139.543,  la  valeur  corres- 
pondante des  arbres  s'établit  à  L.  E.  23.257.632 1. 

'  Cette  somme,  ajoutée  au  total  trouvé  plus  haut 
de  L.  Ë.  516.850.783,  donne  pour  total  définitif 
L.   E.   540.108.415. 

2"  Évaluation  de  la  propriété  rurale 
par  la  valeur  locative 

Comme  on  le  conçoit  aisément,  la  valeur  locative  des 
terres  est  très  variable  ;  elle  varie  de  L.  E.  20  autour  des 
grands  centres,  eu  égard  au  grand  débouché  des  fourra- 
gères, qui  rapportent  autant  sinon  plus  que  le  coton, 
jusqu'à  L.  E.  2  dans  les  régions  éloignées  où  la  culture 

1.  D'après  l'Annuaire  statistique  de  l'Egypte  (1910),  le  nombre  des  dattiers 
recensés  en  1907  s'est  élevé  à  5.966.010,  ce  qui,  pour  la  va  eur  totale  ci- 
dessus  de  L.  E.  23.257.632  déduite  de  l'impôt,  fait  ressortir  la  valeur  de 
l'arbre  à  L.  E.  3,898. 

10 


—  162  — 

est  encore  à  l'état  rudimentaire.  Dans  cette  diversité  de 
prix,  il  faut  tenir  compte  également  du  régime  d'eau 
auquel  les  terres  sont  soumises;  celles  dépendant  du 
régime  des  bassins  ou  de  l'inondation  ne  donnent  qu'une 
récolte  par  an,  très  abondante  il  est  vrai,  alors  que  les 
terres  sillonnées  par  les  canaux  d'irrigation  en  donnent 
deux  et  même  davantage,  en  même  temps  qu'elles  sont 
les  seules  à  produire  le  coton  et  la  canne  à  sucre,  cul- 
tures les  plus  rémunératrices.  Cela  posé,  quelle  serait  la 
valeur  locative  moyenne  de  l'une  et  de  l'autre  de  ces  deux 
classes  de  terre  ?  Si  nous  nous  en  rapportons  aux  taux 
actuels  des  locations,  qui  oscillent  entre  8  et  10  livres 
pour  les  terres  irriguées  et  entre  4  et  6  pour  les  terres  à 
bassins,  on  ne  peut  attribuer  moins  de  7  livres  aux  terres 
irriguées  et  de  3  1/2  aux  terres  à  bassins,  sauf  déduction  de 
l'impôt.  Mais,  en  matière  d'évaluation,  il  vaut  mieux  se  ' 
montrer  modeste  et  ne  pas  hésiter  à  pécher  par  défaut 
plutôt  que  par  excès.  Aussi  croyons- nous  devoir  réduire 
les  chiffres  ci- dessus  à  L.  E.  6  1/2  et  à  3  respectivement. 
Voici  dès  lors  comment  s'établissent  les  calculs  : 

Terres  à  bassins  :  943  609  feddans 

à  L.  E.  3  =  L.E.  2.830.827. 

Capitalisées  à  6  0/0 L.E.      47.180.450 

Faisant  ressortir  la  valeur  de  l'unité 

à  L.  E.  501. 

1.  La  valeur  de  l'unité  pour  chacune  des  catégories  des  terres  à  bassins  et 
des  terres  irriguées  doit  subir  une  réduction  représentant  la  capitalisation  de 
l'impôt  foncier  au  taux  de  9  0/0.  Nous  avons  fait  cette  réduction  à  la  fin  du 
présent  chapitre  dans  l'évaluation  totale  de  la  propriété  immobilière. 


—  163  — 

Report:    47.180.450 

Terres  irriguées  :  4.676.391  feddans 

à  L.  E.  6  1/2  =  L.  E.  30.396.542 . 

Capitalisées  à  6  0/0 L.  E.     506 .  609 .  033 

Faisant  ressortir  la  valeur  de  l'unité 

à  L.  E.  108,333. 


Total L.  E.     553.789.483 


Ce  total,  divisé  par  la  superficie  totale  imposée 
en  1909,  ramène  la  valeur  moyenne  du  feddan  à 
L.  E.  98,539. 

3°  Évaluation  de  la  propriété  rurale  par  le  revenu 
des  terres 

C'est  là  la  partie  la  plus  délicate  de  notre  travail.  En 
effet,  les  seules  statistiques  que  nous  possédions  sur  la 
matière  sont  relatives  à  la  superficie  des  cultures;  il  n'en 
existe  pas  sur  la  production.  Nous  avons  essayé  d'y  sup- 
pléer par  un  travail  personnel  de  recherches  et  d'en- 
quêtes ;  la  difficulté  de  la  tâche  et  l'impossibilité  d'obtenir 
une  concordance  acceptable  dans  les  chiffres  recueillis 
nous  ont  obhgé  à  y  renoncer.  Nous  eûmes  alors  l'heureuse 
inspiration  de  nous  adresser  à  la  nouvelle  Direction  de 
l'Agriculture,  qui,  avec  un  empressement  dont  nous  ne 
saurions  assez  la  remercier,  nous  a  répondu  par  la  lettre 
suivante  : 


—  164  — 


Ministry  of  public  Works 


Department  of  Agriculture 


«  Le  Caire,  le  30  mai  1911. 


a  Monsieur, 


«  En  réponse  à  votre  lettre  du  24  courant,  j'ai  l'honneur 
de  vous  informer  que  mon  Département  s'efforce  d'ob- 
tenir des  états  des  rendements  approximatifs  des  cul- 
tures pour  cette  année,  mais  ils  ne  sont  pas  encore  com- 
plets. En  attendant,  j'ai  le  plaisir  de  vous  communiquer 
les  moyennes  approximatives  des  rendements  pour  les 
cultures  énumérées  dans  votre  lettre,  savoir  : 

Ardebs. 

Blé 4 

Orge 7 

Fèves 8 

Maïs 6  1/2 

Millet 10 

LentUles 3  1/2 

Riz 5 

Arachides 16 

Quantars. 

Oignons 100 

Canne  à  sucre.  Première  poussée 600 

—  Deuxième  poussée. 400 

«  Veuillez  agréer.  Monsieur,  l'assurance  de  ma  consi- 
dération distinguée.  » 

Signé  :  Le  Directeur  général. 


—  165  — 

Aux  indications  ci- dessus,  nous  avons  nous- même 
ajouté  les  suivantes,  qui  nous  ont  semblé  correspondre  le 
plus  possible  à  la  réalité. 

Bersim  (espèce  de  trèfle),  revenu  net  du  feddan  : 
L.  E.  5  ; 

Cultures  diverses  comprenant  lentilles,  pois  chiches, 
sésames,  arachides,  indigo,  etc.,  revenu  du  feddan  : 
L.  E.  3/12  ; 

Vergers  et  potagers,  revenu  du  feddan  :  L.  E.  15. 

La  récolte  entière  du  coton  étant  exportée,  il  s'ensuit 
qu'on  en  connaît  le  chiffre  avec  la  plus  grande  exactitude. 
Pour  cette  culture,  nous  avons  pris  comme  chiffre  moyen 
du  rendement  4,20  kantars,  rendement  moyen  des  cinq 
dernières  années. 

Quant  aux  frais  correspondant  aux  différentes  cultures, 
on  peut  en  fixer  les  moyennes,  en  tenant  compte  de  ce  que 
les  céréales,  —  sauf  l'orge,  cultivée  en  général  dans  les 
terres  non  encore  améliorées  de  la  Basse- Egypte,  — étant 
produites  en  égales  quantités  dans  les  régions  irriguées 
et  dans  celles  des  bassins  où  le  sol  ne  reçoit  aucune  pré- 
paration, il  en  résulte  que  les  frais  moyens  se  trouvent 
considérablement  réduits.  D'ailleurs,  pour  ces  cultures 
comme  pour  les  autres,  les  frais  moyens  diffèrent  sensi- 
blement de  ceux  que  nous  avons  donnés,  au  début  de  ce 
travail,  pour  une  exploitation  normale,  en  ce  sens  que  ces 
derniers  comprennent  le  prix  des  engrais  ;  chacun  sait 
cependant  que  l'emploi  des  engrais,  déjà  entré  dans  la 
pratique  agricole,  est  loin  de  s'être  généralisé.   Il  faut 


—  166  — 

enfin  observer  que,  dans  le  tableau  de  l'exploitation  (/, 
pages  28  et  29),  nous  avons  fait  entrer  le  prix  de  revient 
de  l'eau  d'irrigation  en  la  supposant  élevée  par  machine, 
alors  que,  dans  un  grand  nombre  de  terres,  l'eau  coule 
par  gravitation,  d'où  économie  assez  sensible  dans  les  frais. 
Ces  réserves  faites,  voici  les  frais  moyens  des  diverses 
cultures  par  feddan  : 

Piastres  tarif. 

Coton 450 

Mais 145 

Riz 300 

Blé 170 

Fèves 120 

Orge 120 

Canne  à  sucre 580 

Oignons 400 

Bersim 75 

Divers 150 

Vergers  et  Potagers 800 

Les  trois  tableaux  XIV,  XV  et  XVI  et  la  planche  XI 
qui  suivent  font  connaître  les  résultats  unitaires  et  géné- 
raux des  cultures,  d'après  les  bases  indiquées  ci- dessus. 

Les  prix  des  produits  étant  sujets  à  variations  au  cours 
de  l'année,  nous  avons  adopté  ceux  des  exportations 
ramenés  à  des  moyennes  annuelles  d'après  les  valeurs 
enregistrées.  Pour  les  pailles,  nous  avons  établi  nos 
moyennes  sur  les  prix  des  six  dernières  années. 

On  voit,  au  bas  de  la  dernière  colonne  du  tableau  XVI, 
que  la  valeur  nette  de  l'ensemble  des  récoltes  s'est 
élevée,   d'après  nos  calculs,   à  L.   E.   44.729.501,   soit, 


—  167  — 

comme  nous  l'avons  déjà  dit,  à  près  de  trois  fois  celle  de 
1894,  quia  serçidebaseà  rétablissement  du  taux  de  r impôt. 
Il  nous  reste  à  déterminer  la  valeur  de  la  propriété 
d'après  le  montant  ainsi  établi  de  ses  revenus. 

Revenu  des  terres  net L.  E.       44.729.501 

Capitalisé  à  7  0/0 L.  E.     638.992.871 

Ce  chiffre  est  sensiblement  supérieur  à  celui  que  nous 
a  donné  la  valeur  locative  des  terres  (L.E.  553.789.483). 
L'écart  de  15,38  0/0  se  conçoit  sans  peine,  puisqu'il  doit 
représenter  la  part  de  l'exploitant  dans  les  revenus  du 
sol. 

Procédons  maintenant  à  la  récapitulation  des  résultats 
que  nous  ont  donnés  nos  trois  modes  d'évaluation,  afin 
d'en  déduire  une  moyenne  définitive  pouvant  être  consi- 
dérée comme  représentant  la  valeur  la  plus  approchée  de 
la  propriété  rurale. 

Récapitulation. 

lo  Résultat  de  l'évaluation  par 

l'impôt L.  E.  540.108.415 

20  Par  la  valeur  locative 553 .  789 .  483 

30  Par  le  revenu  du  sol 638 .  992 .  871 


Total L.E.     1.732.890.769 


Ce  qui  nous  donne  une  moyenne 
de L.E.        577.630.256 


—  168  — 

De  ce  total  nous  pouvons  tirer  par  une  simple  règle 
de  trois  la  valeur  moyenne  du  feddan  pour  chacune  des 
deux  classes  de  terres  :  terres  irriguées  et  terres  à  bassins. 
Nous  obtiendrons  les  résultats  suivants  : 

10  Valeur  des  terres  irriguées L.  E.     528.418.722 

faisant  ressortir  le  feddan  à  : 


528.418.722 
4.676.391    -L-E.  112,997. 


2°  Valeur  des  terres  à  bassins L.  E.     49.211.534 

faisant  ressortir  le  feddan  à  : 


49.211.534  _ 
943.609     -L.  t.  52,152, 


30  Valeur  moyenne  du  feddan  pour  les  deux  catégories 
réunies  : 


577.630.256  _ 
5.620.000    "  ^-  ^  ^°^''®^- 


Au  total  général  de  L.E.  577.630.256  il  nous  faut  ajouter 
la  valeur  des  terres  incultes  estimées  L.  E.  10  le  feddan. 
La  superficie  de  ces  terres  étant  de  1.102.000  feddans, 
leur  valeur  est  donc  de  L.  E.  11.020.000,  qui,  ajoutées 
aux  L.  E.  577.630.256,  forment  un  total  de  L.  E. 
588.650.256. 


—  169  — 

ÉVALUATION    DE  LA   PROPRIÉTÉ    URBAINE 

D'après  un  travail  récent,  la  valeur  de  la  propriété 
urbaine  s'élèverait  à  6.054  millions  de  francs;  ce  chiffre 
nous  parait  fort  exagéré. 

D'après  nos  calculs,  elle  ne  serait  que  de  L.  E.  77.813.750 
(2.017.206.740  francs). 

Soucieux  de  nous  en  tenir  aux  évaluations  les  plus  mo- 
destes et  considérant,  d'autre  part,  que,  depuis  la  crise, 
le  prix  des  immeubles  urbains  a  beaucoup  diminué,  nous 
croyons  que  la  valeur  la  plus  rationnelle  serait  celle  dont 
la  base  se  rapprocherait  le  plus  du  chiffre  de  l'impôt.  Or 
nous  savons,  d'après  V Annuaire  statistique  de  l'Egypte 
(1910),  que  l'impôt  payé  par  la  propriété  bâtie  a  été,  en 
1909,  de  L.E.  249.0041. 

Aux  termes  d'une  disposition  du  décret  du  13  mars 
1884,  réglementant  l'impôt  sur  la  propriété  bâtie,  cet 
impôt  est  égal  au  douzième  de  la  valeur  locative  2.  Nous 
aurons  donc  : 

L.  E.  249.004  x  12  =  2.988.048. 

En  capitalisant  ce  revenu  à  6  0/0,  on  trouve  : 

^00  ^f^-*^^  =  49.800.800, 

représentant  la  valeur  des  immeubles  bâtis. 

1.  Page  270. 

2.  L'impôt  sur  la  propriété  bâtie  a  été  tout  récemment  augmenté  de  3  °/o 
dans  la  ville  du  Caire,  afin  de  pourvoir  aux  charges  devant  résulter  de  l'établis- 
sement d'un  réseau  d'égouts  en  cours  d'exécution. 


—  170  — 

Il  y  a  lieu  cependant  de  tenir  compte  de  ce  que  les  dé- 
clarations des  propriétaires,  en  général,  sont  inférieures 
au  revenu  des  loyers,  et  que,  dans  leur  ensemble  et  en 
raisonnant  par  analogie  avec  les  faits  parvenus  à  notre 
connaissance,  elles  doivent  tout  au  plus  représenter  les 
75  0/0  de  ces  revenus.  Il  suit  de  là  que,  pour  avoir  la 
valeur  réelle  de  la  propriété  bâtie,  il  faut  majorer  la  somme 
ci- dessus  d'au  moins  25  0/0;  ce  qui  donne  :  L.  E. 
62.251.000  (soit  1.613.765.392  francs). 

Ce  chiffre  ne  représente  pas  encore  la  valeur  exacte  de 
la  propriété  urbaine,  puisque  celle-ci  se  compose  aussi 
bien  des  immeubles  bâtis  que  des  terrains  vagues  auxquels 
s' ajoutent  d'autres  catégories  d'immeubles  urbains  exempts 
d'impôts  comme  ces  terrains,  savoir  : 

1°  Les  cabanes  non  productives  de  re^^enu  ; 

2°  Les  maisons  dont  la  valeur  locative  est  inférieure 
à  P,  T,500  {130  francs)  ; 

3®  Tous  les  immeubles  qui  sont  situés  en  dehors  des 
villes  et  localités  désignées  par  le  décret  comme  devant  payer 
V  impôt  ; 

40  Les  nombreux  enclos  de  terrains  non  bâtis  qu'on 
trouve  dans  tous  les  quartiers  et  qui,  pour  ne  pas  payer 
V impôt,  n'en  représentent  pas  moins  une  valeur  consi- 
dérable ; 

50  Les  palais  et  les  maisons  habités  par  leurs  proprié- 
taires, lesquels  ne  paient  qu'une  taxe  dérisoire. 

En  raison  de  ces  importants  facteurs,  nous  estimons 


—  171  — 

qu'il  convient  de  majorer  de  25  0/0  au  moins  la  valeur 
déjà  établie  de  la  propriété  urbaine. 

Nous  obtiendrons  ainsi  un  total  de  L.  E.  77.813.750, 
soit  2.017.206.740  francs,  que  l'on  peut  considérer  comme 
la  valeur  minima  de  la  propriété  urbaine. 

En  résumé,  la  valeur  globale  de  la  propriété  immobi- 
lière d'Egypte  s'élève  actuellement  : 

Pour  la  propriété  urbaine  à. .     L.  E.       77.813.750 
Pour  la  propriété  rurale  à. .     L.  E.    588.650.256 


Total L.  E.     666.464.006 


\ 


—  172  — 

BIENS  WAKFS  (Biens  de  mainmorte) 

Les  Wakfs  se  partagent  en  trois  classes  :  les  Wakfs  pu- 
blics, les  Wakfs  khédiviaux  et  les  Wakfs  privés. 

Les  Wakfs  publics  sont  des  donations  faites  au  profit 
de  mosquées,  d'écoles  et  d' œuvres  pies.  La  plupart  ont 
un  passé  ancien  remontant  aux  souverains  arabes  ou 
turcs,  surtout  turcs,  qui,  après  s'être  chargé  la  conscience 
de  beaucoup  d'injustices  à  l'égard  de  leurs  sujets,  pen- 
saient racheter  leurs  fautes  en  instituant  une  partie  de 
leurs  biens  en  Wakfs.  Ces  biens  ont  été,  depuis  une  qua- 
rantaine d'années,  placés  sous  la  tutelle  d'une  adminis- 
tration spéciale  dont  le  chef  légal  est  le  Khédive,  lequel 
délègue  son  autorité  à  un  directeur  général.  Chaque 
année,  cette  administration  publie  un  budget  qu'elle 
accompagne  d'un  long  rapport  de  gestion.  Pourl'année  qui 
vient  de  s'écouler,  les  comptes  publiés  ont  accusé  un  en- 
semble de  revenus  s' élevant  à  la  sonune  de  L.  E.  502.904 

La  seconde  classe  de  Wakfs,  les  Wakfs  khédiviaux, 
forme  une  administration  à  part,  ayant  un  directeur 
général  se  rattachant  plus  directement  à  la  personne  du 
Khédive.  Elle  comprend  les  donations  faites  par  les 
membres  de  la  famille  khédiviale  ou  par  d'anciens  ser- 
viteurs de  cette  famille,  et  les  revenus  en  sont  attribués 
soit  à  des  œuvres  pies  (érections  de  mosquées  ou  autres 
monuments  de  caractère  religieux  ou  humanitaire),  soit 
à  certains  membres  de  la  famille  khédiviale,  soit  enfin  à 
d'anciens  serviteurs  de  cette  famille.  L'ensemble  des  Wakfs 


—  173  — 

khédiviaux  se  compose  de  domaines  ruraux  ayant  une 
superficie  de  65.000  feddans  et  d'un  certain  nombre  d'édi- 
fices urbains.  Le  revenu  moyen  annuel  de  cette  adminis- 
tration s'élève  à  L.  E.  :  250.000. 

Pour  les  Wakfs  privés,  l'origine  en  est  presque  récente. 
La  propriété  du  sol  avait  été,  dès  la  plus  haute  antiquité, 
réservée  à  l'État,  et,  sous  les  différents  régimes  par  lesquels 
avait  passé  le  pays,  les  possesseurs  ne  l'avaient  occupé  qu'à 
titre  de  tenanciers  ou  d'usufruitiers  à  vie.  Ce  n'est  qu'à 
partir  de  1854  qu'un  décret  de  Saïd  Pacha  accorda  la  pro- 
priété pleine  et  entière  du  sol  à  ses  possesseurs.  C'est  donc  à 
partir  de  cette  date  que  desWakf  s  privés  purent  se  constituer. 

Il  y  en  eut  fort  peu  dans  les  premières  années  et,  si 
leur  nombre  a  acquis  une  certaine  importance,  c'est  sur- 
tout depuis  quelque  temps.  Quoi  qu'il  en  soit  et  quoiqu'on 
n'ait  aucune  donnée  sur  la  valeur  de  ces  biens,  il  n'y  a 
pas  à  supposer  qu'elle  atteigne  même  celle  des  Wakfs 
khédiviaux.  En  l'estimant  aux  deux  cinquièmes  des  Wakfs 
publics,  on  commettrait  peut-être  une  exagération.  Les 
Wakfs  publics,  ayant  donné  un  revenu  de  L.  E.  503.000, 
en  1910,  les  2/5  de  cette  somme,  L.  E.  200.000  environ, 
représenteraient  l'ensemble  des  revenus  des  Wakfs  privés. 

Faisons  la  récapitulation  des  revenus  de  chacune  des 
trois  classes  de  Wakfs  : 

Wakfs  publics L.  E.    502.904 

—  khédiviaux —       250.000 

—  privés —       200.000 


Total L.  E.    952.904 


—  174  — 

En  ce  qui  concerne  les  revenus  des  biens  Wakfs,  une 
remarque  s'impose,  c'est  que  leur  gestion  ne  ressemble  en 
rien  à  celle  des  biens  d'un  particulier  naturellement  plus 
vigilant  et  plus  soigneux  qu'une  administration.  Si  donc, 
conformément  à  l'usage  en  matière  de  transactions  im- 
mobilières, nous  avons  adopté  le  6  0/0  pour  la  capitalisa- 
tion des  revenus  de  la  propriété  privée,  nous  devons,  en  ce 
qui  concerne  les  biens  Wakfs,  réduire  ce  taux  à  3  0/0. 

Le  denier  de  3  0/0  étant  de  33,33,  le  produit  de  ce 
coefficient  par  L.  E.  952.904  nous  donne  L.  E.  31.763.490 
comme  valeur  des  biens  des  trois  classes  de  Wakfs,  tant 
ruraux  qu'urbains.  Il  ne  nous  reste  plus  qu'à  défalquer 
cette  somme  de  la  valeur  globale  de  la  propriété  immo- 
bilière rurale  et  urbaine,  soit  666.464.006,  ce  qui  laisse 
pour  la  valeur  de  la  propriété  libre  L.  E.  634.700.516 
(16.453.675.074  francs). 

Ici  une  autre  considération  s'impose.  Qu'est-ce  que 
l'impôt  foncier  au  point  de  vue  économique  ?  Ce  n'est  ni 
plus  ni  moins,  comme  on  le  sait,  qu'une  expropriation  au 
profit  de  l'État  d'une  part  indivise  du  sol,  dont  la  valeur 
correspond  au  montant  de  l'impôt  capitalisé.  En  effet  lors- 
qu'on achète  une  terre,  on  ne  manque  jamais  d'en  déter- 
miner la  valeur  par  le  revenu,  de  faire  la  part  de  l'État, 
en  déduisant  de  ce  denier  le  montant  de  l'impôt  auquel 
elle  est  assujettie  et  en  capitalisant  le  solde  au  denier 
courant.  Cette  défalcation,  qui  accompagne  toute  mu- 
tation de  propriété,  n'est  que  la  simple  reconnaissance 
du  droit  de  l'État  dans  la  propriété  du  sol  pour  une  part 


—  175  — 

correspondant  à  la  valeur,  en  capital,  de  l'impôt  qui  le 
frappe.  Or,  le  domaine  de  l'État  étant  inaliénable,  il  s'en- 
suit qu'on  ne  petit  le  comprendre  dans  la  partie  libre 
susceptible  d'hypothèques.  Mais  à  quel  taux  capitaliser 
l'impôt  pour  cette  défalcation  ?  On  doit  le  calculer 
au  taux  en  usage  à  l'époque  de  son  établissement  et, 
comme  cette  époque,  déjà  lointaine,  se  signalait  par  la 
grande  cherté  de  l'argent,  le  taux  le  moins  élevé  qui  y 
eut  cours  fut  celui  de  9  0/0.  L'impôt,  s' étant  élevé,  en 
1909,  à  5.447.778,  représente  au  taux  de  9  0/0  un  capi- 
tal de  L.  E.  60.530.866.  Déduisant  cette  somme  de  la 
valeur  de  la  propriété  libre,  nous  obtenons  comme  résultat 
final  L.  E.  574J69.650  (14.884.501.620  francs). 


177 


TABLEAU     XIV 

Production  agricole  d'après  les    superficies  des  cultures 

Revenus  unitaires  des  cultures 


CULTURES 


Coton 

(  grains 

Maïs.  I 

(  paille 

(  grains 

Riz. . . 

(  paille 

(  grains 

Blé... 

(  paille 

(  grains 

Fèves 

i  paille 

(  grains 

Orge. 

(  paille 

Canne  à  sucre 

Oignons 

Bersim 

Divers  (2) 

Vergers  et  potagers 


RENDEMENT 

MOYEN  DU  FEDDAN 

d'après  le 

Département 

de  l'Agriculture  (B) 


4,20  kantars(r 
6,5  ardebs 
8  charges 
g  ardebs 

2  charges 
4  ardebs 

3  1/2  charges 

6  ardebs 

4  charges 

7  ardebs 
4  charges 

500  kantars 
100     — 


PRIX 
de 

l'exportation 
d'après 
les    douanes 


L.  E. 

3,997(1 

0,670 

0,070 

1,950 

0,080 

1,000 

0,500 

0,830 

0,180 

0,680 

0,400 

0,030 

0,130 


REVENU 

BRUT 

de  la  culture 

par 

feddan 


L.E. 
16,787 

4,355 

0,210 

9,750 

0,160 

4,000 

1,750 

4,980 

0,720 

4,760 

1,600 
15,000 
13,000 

5,000 

5,500 
15,000 


4,565 
9,910 
5,750 
5,700 
6,360 


FRMS  de 
chaque 
culture 

par 
feddan 


REVENU 

NET 

de  la  cul- 
ture par 
feddan 


L.E. 

4,500 
1,450 

3,000 

1,700 

1,200 

1,200 

5,300 
4,000 
0,750 
1,500 
8,000 


L.  E. 

12,287 
3,115 

6,910 

4,050 

4,500 

5,160 

9,700 
9,000 
4,250 
4,000 
7,000 


PRODUIT 

NET 

de 
l'unité 


L.E. 
2,925 

0,479 
1,382 
1,012 
0,750 

0,737 

0,019 
0,090 


(B)  Ces  chiffres  diffèrent  de  ceux  du  tableau  I,  car  ils  s'appliquent  à  toutes  les  terres,  irriguées 
ou  non,  alors  que  les  rendements  du  tableau  I  sont  exclusivement  ceux  des  bonnes  terres  soumises 
au  régime  de  l'irrigation  pérenne. 

1.  Moyenne  des  cinq  dernières  années. 

2.  Lentilles,  pois  chiches,  sésame,  arachides,  millet,  indigo,  lupin,  fenugrec,  chanvre,  lin,  henneb, 
me'.ons  et  pastèques. 

11 


178  — 

TABLEAU 
Production  agricole  d'après 

Résultats   généraux 


CULTURES 


Coton 

C  grains 

Maïs .  < 

(  paille 

(  grains 

Riz. . .  ] 

(  paille 

(  grains 

Blé. . .  ] 

(  paille 

C  grains 

Fèves  < 

(  paille 

i  grains 
paille 

Canne  à  sucre 

Oignons 

Bersim 

Divers  (1). 

Vergers  et  potagers 


SUPERFICIE 
TOTALE 

de  la  culture 
en  feddans 


1.590.050 
1.796.745 

271.820 

1.249.264 

566.688 

423.293 

43.982 

26.660 

1.531.793 

132.910 

30.334 


RENDEMENT  MOYEN 

du  feddan, 

d'après  le  Département 

^de   l'Agriculture 


4,20  kantars 
6  1/2  ardebs 

3  charges 

5  ardebs 

2  charges 

4  ardebs 

3  1/2  charges 

6  ardebs 

4  charges 

7  ardebs 
4  charges 

500  kantars 
100      — 


1.  Lentilles,  pois  chiches,  sésame,  arachides,  lupin,  millet,  indigo,  fenugrec,  chanvre,  lin,  henneh, 
melons  et  pastèques. 


—  179 


XV 

les  superficies  des   cultures 
bruts  des  cultures  (a). 


RÉCOLTE    TOTALE 

PRIX 

de  l'exportation 

d'après 

les  douanes 

VALEUR  BRUTE 

de 
la  récolte 

L.  E. 

L.  E. 

6.685.234  kantars 

3,997 

26.720.880 

11.678.843  ardebs 

0.670 

7.824.824 

5.390.235  charges 

0,070 

377.316 

1.359.100  ardebs 

1,950 

2.650.245 

543.640  charges 

0,080 

43.491 

4.997.056  ardebs 

1,000 

4.997.056 

4.372.424  charges 

0,500 

2.186.212 

3.400.128  ardebs 

0,830 

2.822.106 

2.266.752  charges 

0,180 

408.015 

2.963.051  ardebs 

0,680 

2.014.874 

1.693.172  charges 

0,400 

677.268 

21.991.000  kantars 

0,080 

659.730 

2.666.000        — 

0,130 

346.580 

5,000 

7.658.965 

5,500 

731.005 

15,000 

455.010 

L.  E.  60.573.577 

(a)  Chiffres  de  la  saison  agricole  1908-1909,  sauf  pour  le  coton,  dont  les  chiffres  représentent  la 
moyenne  des  cinq  dernières  années. 


—  180  — 

TABLEAU  XVI 

Résultats  nets  des  cultures,  tous  frais  déduits, 
sauf  déduction  de  l'impôt  (a) 


CULTURES 


Coton 

Maïs,  grains  et  paille. 

Riz 

Blé 

Fèves 

Orge 

Canne  à  sucre 

Oignons 

Bersim 

Divers 

Vergers  et  potagers . . 


SUPERFICIE 

TOTALE 

de  la  culture 

en 

feddans 


1.590.050(1 

1.796.745 

271.820 

1.249.264 

566.688 

423.293 

43.982 

26.660 

1.531.793 

132.910 

30.334 


RENDEMENT 

MOYEN  parfeddan 

d'après  le 

Département 

de  l'Agriculture 


4,20  kantars  (1 
6  1/2  ardebs 

5  — 
4  — 

6  — 

7  — 
500  kantars 
100    — 


RÉCOLTE 


6. 685. 234k.  (Il 
11.678.843  ar. 
1.359.100  — 
4.997.056  — 
3.400.128  — 
2.963.051  — 
21.991.000  k. 
2.666.000  — 


PRODUIT 

NET 

de 
l'unité 


L.  E. 

2,925 
0,479 
1,382 
1,012 
0,750 
0,737 
0,019 
0,090 


VALEUR 

NETTE 

de  la 
Récolte 


L.  E. 
19.554.309 

5.594.165 

1.878.276 

5.057.020 

2.550.096 

2.183.768 

417.829 

239.940 

6.510.120 

531.640 

212.338 


Total 44.729.501 


Valeur  brute.     L.  E.     60.573.577 
Valeur  nette.       —       44.729.501 


Différence  ...     L.  E.     15 . 844 . 076 


Cette  différence  de  L.  E.  15.844.076  (ou  26,15  o/o)  représente  les  frais  généraux  de  culture. 


(A)  Chiffres  de  la  saison  1908-1909,  sauf  pour  le  coton,  dont  les  chiffres  représentent  la  moyenne 
des  cinq  dernières  années. 
(1)  Moyenne  des  cinq  dernières  années. 


COTON    I 

Moyenne     | 

des 
Cinq  dernières  | 
années       =■ 


Planche   XI 


Agriculture  Egyptienne 


Les  Récoltes  ^  leur  \;d/eur  nette 
Saiso9  1Q0Û  -10 


MAIS 


R.a 585^34- Kr.  Rjl. 6/8.845 Âpd.  R.1.35^.10ÛArd.  R,4.^97.056Ard 

V.LE.  I9.554-.309  V.LE.5.594.165  V.L.E.1.878.276  V.L.E.5.057.020 


FEVES 


ORGE 


CANNE  A  SUCRE 


OIGNONS 


R,  992.000  i^ï  R.3.400.128Ani  R.2.9  63.051  R.2B66.00Û 

démêlasse  V.L.E.417.829  V.L.E. 2.550.096  V.L.E.2.183.768  V.L.E.239.940 


BERSIM 


CULTURES 
DIVERSES 


VERGERS 
&  POTAGERS 


V.L.E.  6.510120 


V.L.E.531.640 


V.L.E.212338 


R,  RECOLTE.  Kr:  KANTAR.(  44- Kll.  928  )„y.,r„B„„Tc    .r  uwdc  è/^voT.c^i.,:  ,n     «c 
Q-QU  INTAUX. Ard.:ARDES.U98  litres)  '•'"'•^"'^  NETTE a.E: LIVRE  EGYPTIENNE  (Fc^-. 25, 9235) 


CHAPITRE   XVIII 
DETTE  HYPOTHÉCAIRE  DE  L'EGYPTE 

Son  rapport  avec  la  valeur  de  la  propriété. 


Prêts  hypothécaires  :  engagements  par  prêts  sur  la  propriété  et  enga- 
gements par  privilège  du  vendeur  sur  les  ventes  à  terme.  — Évaluation 
de  la  dette  hypothécaire  égyptienne.  —  Son  rapport  avec  la  fortune 
immobilière  de  l'Egypte,  —  Sa  comparaison  avec  celles  des  autres 
pays.  —  Raisons  pour  lesquelles  l'écart  entre  la  valeur  de  la  fortune 
immobilière  et  celle  de  la  dette  hypothécaire  s'augmentera  encore. 


La  fortune  immobilière  de  l'Egypte,  dont  nous  venons 
de  fixer  la  valeur,  supporte  des  engagements  de  deux 
sortes  :  engagements  par  prêts  sur  la  propriété  et  enga- 
gements par  privilèges  du  vendeur  sur  les  ventes  à  terme. 
Ces  engagements  sont  effectués  par  différentes  catégories 
de  prêteurs,  que  nous  allons  successivement  passer  en 
revue  et  dont  le  chiffre  d'affaires  nous  permettra  d'é- 
valuer la  dette  hypothécaire  de  l'Egypte  et  de  déterminer 
son  rapport  avec  la  valeur  de  la  propriété. 

PRÊTS   HYPOTHÉCAIRES 

On  peut  classer  en  deux  groupes  les  prêteurs  hypothé- 
caires opérant  sur  les  immeubles  d'Egypte,  suivant  qu'ils 


—  184  — 

font  connaître  ou  non  le  résultat  de  leurs   opérations. 

Le  premier  groupe  se  compose  des  Sociétés  par  actions 
travaillant  exclusivement  dans  le  pays  et  qui,  par  leurs 
bilans  annuels,  nous  renseignent  sur  les  résultats  de  leur 
activité  dans  cette  branche  d'affaires.  Dans  ce  groupe, 
figurent  les  banques  hypothécaires  proprement  dites,  les 
banques  de  commerce  ou  de  spéculation,  enfin  les  Sociétés 
soit  foncières,  soit  industrielles,  ayant  employé  une  partie 
de  leurs  capitaux  en  prêts  hypothécaires. 

Quant  au  second  groupe,  il  se  compose  de  deux  caté- 
gories de  prêteurs  : 

1°  Des  Compagnies  d'assurances  étrangères  qui  placent 
une  portion  de  leurs  réserves  en  prêts  hypothécaires  avec 
ou  sans  combinaisons  d'assurances; 

2^  Des  particuliers,  qui  eux-mêmes  se  partagent  en  deux 
classes  :  les  prêteurs  étrangers  et  les  prêteurs  égyptiens. 

Si  nous  nous  livrons  à  cette  décomposition,  c'est 
qu'entrant  avec  ce  groupe  dans  le  domaine  des  conjec- 
tures, nous  ne  pouvons  nous  rapprocher  de  la  vérité, 
qu'en  procédant  par  divisions  aussi  nombreuses  que  peut 
le  comporter  le  sujet. 


—  185  — 

PREMIER   GROUPE 
Sociétés   faisant   connaître   leurs  opérations 

Le  tableau  XVII  ci- après,  extrait  des  bilans  des  So- 
ciétés engagées  dans  les  placements  hypothécaires,  nous 
montre  que  l'ensemble  de  leurs  placements  s'élevait,  en 
principal,  arriérés  d'annuités  et  annuités  en  cours,  à 
L.  E.  44.227.012,  aux  dates  de  clôture  de  leurs  derniers 
bilans.  Admettons  que,  depuis  la  clôture  de  ces  bilans,  les 
placements  des  Sociétés  aient  continué  de  suivre  leur 
marche  ascendante  et,  que,  de  ce  fait,  ils  aient  augmenté 
de  la  somme  nécessaire  pour  porter  le  total  ci- dessus  à 
L.  E.  45.000.000,  nous  pourrons  ainsi  inscrire,  pour  l'en- 
semble des  prêts  connus  par  les  bilans,  cette  somme  de 
L.  E.  45.000.000. 

DEUXIÈME    GROUPE 
Prêteurs  ne   faisant   pas   connaître    leurs  opérations 

lo  Compagnies  d'assurances 

Il  n'y  en  a  que  trois,  toutes  anglaises,  qui  se  soient 
intéressées  aux  affaires  hypothécaires  : 

Ce  sont  la  Gresham,  la  Standard  Life  et  la  Union 
Crown.  Ces  Compagnies,  au  début  de  leur  participation 
aux  affaires  hypothécaires,  avaient  déployé  une  assez 
grande  activité  ;   depuis  quelque  temps,  elles  semblent 


—  186  — 

avoir  ralenti  considérablement  leurs  opérations  dans  cette 
branche.  Il  est  probable  qu'elles  auront  épuisé  la  portion 
disponible  de  leurs  réserves.  Notons  aussi  que  l'une  d'elles, 
la  Gresham,  vient  de  construire  un  important  immeuble 
de  rapport  qui  a  dû  absorber  une  bonne  part  de  ses  ré- 
serves, étant  donné  surtout  que  le  terrain,  acquis  au  plus 
fort  de  l'effervescence  qui  a  précédé  la  crise,  a  été  payé 
par  elle  un  prix  très  élevé.  Dans  ces  conditions,  il  est 
raisonnable  de  ne  pas  évaluer  les  placements  des  Com- 
pagnies d'assurances  à  plus  de  L.  E.  1.500.000. 

2o  Prêteurs  particuliers 
A.  —  Prêteurs  étrangers 

Première  catégorie  :  gros  prêteurs,  pour  des  sommes  de 
L.  E.  200.000  et  au  delà. 

Ceux-ci  ont  généralement  pour  clients  de  gros  person- 
nages qui  traitent  avec  eux  à  des  taux  plus  réduits  que 
ceux  offerts  par  les  Établissements  d'Egypte.  L'impor- 
tance des  prêts  de  cette  classe  explique  leur  très  petit 
nombre.  Nous  ne  pensons  pas  que  leur  chiffre  atteigne 
L.  E.  2.000.000,  mais  il  ne  doit  pas  en  être  éloigné. 

Deuxième  catégorie  :  prêteurs  moyens,  pour  des  sommes 
variant  entre  1.000  et  4.000  livres,  mais  dont  la  moyenne 
peut  être  fixée  à  1.500  livres. 

D'après  les  renseignements  très  minutieux  que  nous 
avons  puisés  auprès  des  intermédiaires  chargés  de  ces  pla- 
cements, le  nombre  des  prêts  effectués  par  leurs  soins  ne 


—  187  — 

dépasserait  pas  250.  Le  produit  de  ce  nombre  par  1.500 
livres,  valeur  moyenne  des  prêts  de  cette  classe,  nous 
donne  pour  l'ensemble  L.  E.  375.000. 

B.  —  Prêteurs  égyptiens 

Première  catégorie  :  les  prêteurs  de  cette  classe,  coptes 
pour  la  plupart,  exercent  dans  certaines  parties  de  la 
Haute- Egypte  trop  éloignées  des  grands  centres  et  où,  en 
outre,  le  sol  est  à  tel  point  morcelé  que  les  Banques  hypo- 
thécaires ne  trouvent  aucun  intérêt  à  y  engager  leurs  capi- 
taux. Ce  sont,  en  général,  de  très  gros  propriétaires  qui 
ont  pour  clients  des  cultivateurs  engagés  dans  leurs 
terres  comme  colons  partiaires  et  qui  tiennent  un  peu 
sous  leur  dépendance  les  omdehs,  chefs  de  villages, 
investis  de  l'autorité  officielle. 

Cette  double  circonstance  fait  que  leurs  avances  sont 
rarement  garanties  par  des  hypothèques,  la  situation  de 
ces  prêteurs  leur  permettant  de  rentrer  dans  leurs  avances 
sans  garanties  réelles.  Il  s'ensuit  que,  dans  ces  régions, 
les  prêts  établis  sur  hypothèques  sont  en  très  petit  nombre, 
et  de  minime  importance,  ne  dépassant  pas  100  livres 
en  moyenne  ;  il  n'y  a  donc  pas  Heu  d'en  estimer  l'ensemble 
à  plus  de  250.000  livres. 

Deuxième  catégorie  :  les  opérations  de  cette  classe 
de  prêteurs  portent  sur  trois  sortes  de  biens  : 

Ceux  hypothéqués  en  premier  rang  dans  les  Banques 
et  sur  lesquels  ils  consentent  des  suppléments  d'avance 
en  deuxième  rang. 


—  188  — 

Ceux  n'offrant  pas  toutes  les  garanties  exigées  par  les 
Banques  ; 

Ceux,  enfin,  n'ayant  pas  obtenu  des  Banques  l'offre  d'un 
chiffre  d'avance  considéré  comme  suffisant  par  le  de- 
mandeur. 

Inutile  d'ajouter  que  nous  nous  trouvons  ici  en  plein 
domaine  de  l'usure  et  de  l'inconnu  ;  nous  n'avons  donc 
aucune  donnée  particulière  qui  puisse  nous  servir  de  base 
sérieuse  d'estimation. 

Plusieurs  considérations  peuvent  cependant  nous 
guider  : 

1°  Les  capitaux  disponibles  appartenant  en  propre  à 
l'épargne  du  pays  sont  de  faible  importance,  fait  nette- 
ment mis  en  relief  par  la  dernière  crise  financière  ; 

2®  Les  disponibilités  de  cette  classe  de  prêteurs  des- 
tinées à  être  investies  en  prêts  hypothécaires  n'atteignent 
pas  un  chiffre  très  élevé  ; 

3°  Si  l'on  estime  à  L.  E.  750  la  valeur  moyenne  des 
prêts  de  cette  classe,  on  ne  peut,  en  aucun  cas,  supposer 
que  leur  nombre  dépasse  trois  mille  ;  on  est  ainsi  amené 
à  prendre  pour  maximum  de  la  valeur  globale  de  ces  prêts 
la  somme  de  L.  E.  2.500.000.  Atteignent- ils  ce  chiffre  ? 
Restent-ils  plus  ou  moins  en  deçà  ?  Voilà  ce  qu'il  nous 
est  impossible  de  savoir.  Acceptons  néanmoins  le  chiffre 
de  L.  E.  2.500.000  et  procédons  à  la  récapitulation  : 

1°  Prêts  connus  par  les  Bilans  et  comprenant  les  sommes 
restant  dues,  les  arriérés  d'annuités  et  les  annuités  en 


—  189  — 

cours L.  E.  45.000.000 

2°  Prêts  des  Compagnies  d'assu- 
rances    —  1 .500.000 

3^  Gros  prêts  contractés  à  l' étranger .  —  2 .  000 .  000 

4°   Prêts   moyens  pour   compte  de 

prêteurs  étrangers —  375 .  000 

50  Prêts  des  Égyptiens (l'« catégorie).  —  250.000 

60  Prêts  des  Égyptiens  (  2"  catégorie  ) .  —  2 .  500 .  000 

Total L.  E.  51.625.000 


VENTES   A  TERME. 

Les  derniers  bilans  des  Sociétés  immobilières  que  nous 
avons  dépouillés  nous  ont  permis  d'établir  le  total  des 
sommes  qui  leur  sont  dues  sur  le  prix  des  terres  de  culture 
ou  des  terrains  à  bâtir  vendus  par  elles  à  échéances  succes- 
sives. Le  tableau  XVIII  ci- après,  dans  lequel  nous  avons 
condensé  les  indications  des  bilans,  nous  montre  qu'à  la 
clôture  de  ces  derniers  il  restait  dû  par  l'ensemble  des 
acheteurs  une  somme  de  L.  E.  2.024.313. 

Comme,  à  la  suite  de  la  crise,  cette  branche  d'affaires 
est  restée  presque  inactive,  il  n'y  a  pas  lieu  de  supposer 
que,  depuis  la  clôture  des  bilans,  il  se  soit  produit  quelque 
modification  sensible  dans  la  situation  des  Sociétés  par 
rapport  à  leurs  ventes  à  terme.  Nous  nous  croyons  donc 
fondé  à  conserver  tel  quel  le  total  ci- dessus.  Il  ne  nous 
reste  plus  qu'à  l'ajouter  à  celui  de  la  dette  hypothécaire 
arrêtée  plus  haut  à  L.  E.  51.625.000  ;  ce  qui  nous  donne 


—  190  — 

un  total  général  de  L.  E.  53.649.313,  soit  en  chiffres  ronds 
L.  E.  54.000.000,  représentant  très  approximativement 
l'ensemble  des  engagements  hypothécaires.  (Voir 
ci- après  planche  XII). 

Gomme,  d'autre  part,  la  fortune  immobilière  de 
l'Egypte  s'élève,  d'après  nos  calculs,  à  environ 
L.  E.  574.169.650,  le  rapport  entre  la  dette  hypothécaire 
(L.  E.  54.000.000)  et  la  propriété  immobilière  ressort 
à  9,41  0/0. 

Au  moment  où  nous  mettons  sous  presse,  nous  rece- 
vons les  derniers  bilans  de  quelques  sociétés  hypothé- 
caires. Ces  bilans  font  ressortir  une  augmentation  de  leurs 
placements  dont  nous  avons  tenu  compte  en  portant  le 
total  des  opérations  hypothécaires  de  L.  E.  44.  222.  012  à 
L.  E.  45.000.000. 

Nous  recevons  également  V Annuaire  statistique  de  VÊ- 
gypte  pour  1911.  Les  impôts,  sur  lesquels  nous  nous 
sommes  basé  pour  l'estimation  de  la  propriété,  se  sont 
augmentés  par  suite  de  l'augmentation  de  la  valeur  de  la 
propriété,  résultant  de  la  construction  de  nouveaux  immeu- 
bles et  de  r  amélioration  des  terres  actuellement  cultivées 
ou  de  la  mise  en  valeur  de  nouvelles  terres.  Ces  impôts  ont 
passé,  de  1909-1910,  de  L.  E.  5.059.231  à  L.  E.  5.118.887 
pour  les  biens  ruraux,  et  de  L.  E.  249.004  à  L.  E.  282.410 
pour  les  biens  urbains.  Par  suite,  la  valeur  de  la  pro- 
priété rurale,  que  nous  avons  établie  d'après  les  impôts 
à  L.  E.  540.108.415  (dattiers  compris),  devrait  être 
actuellement  de  L.  E.  545.924.034,    et  la  valeur  de  la 


—  191  — 

propriété  urbaine  devrait  passer  de  L.  E.  77.813.750  à 
L.  E.  88.253.125;  soit,  en  tout,  une  augmentation  de 
la  propriété  rurale  et  urbaine  de  L.  E.  16.254.994 
(frs.  421.386.753)  équivalant  à  2,56  0/0. 

La  dette  hypothécaire  est  loin  d'avoir  augmenté  dans 
de  semblables  proportions.  Son  rapport  avec  la  propriété 
immobilière,  que  nous  avons  établi  à  9,41  0/0,  doit  encore 
être  diminué  ;  mais  nous  le  maintenons  à  ce  chiffre  au 
risque  d'être  au-dessous  de  la  vérité. 

Si  l'on  compare  cette  dette  avec  celle  des  autres  pays, 
elle  apparaît  bien  peu  considérable.  Voici,  en  effet,  les 
rapports  existant  entre  la  dette  hypothécaire  et  la  ri- 
chesse immobilière  de  quelques  Etats  d'Europe  et  d'Amé- 
rique {planche  XIII)  : 

Espagne 10  0/0 

France 10,80  — 

Argentine 11,14  — 

Italie 16  — 

États-Unis 17  — 

Hongrie 20,37  — 

Roamanie 22  — 

Autriche 37  — 

Norwège 37  — 

Prusse 39,30  — 

Russie 40  — 

Angleterre, 50  — 

Danemark 50 1  — 

1.  Ces  chiffres  ont  été  puisés  :  1°  dans  un  rapport  du  Comité  spécial  élu  par 
l'Institut  international  de  Statistique  tenu  à  Berlin  en  1903;  2"  dans  un 
article  de  M.  de  Folleville  publié  dans  V Économiste  Français  (24  janvier  et 
21  Février  1903);  3°  dans  une  étude  sur  la  Dette  hypothécaire  elles  Charges  des 
immeubles  en  Hongrie,  par  Frédéric  Fellener  (1909)  ;  4°  dans  le  Bulletin  de  l'Ins- 
titut international  d' Agriculture  de  Rome  (Bureau  des  institutions  économiques 
et  sociales,  août  1911). 


—  192  — 

En  regard  des  charges  qui  pèsent  si  lourdement  sur 
des  pays  dont  le  sol  ne  peut  soutenir,  au  point  de  vue  de 
la  fertilité,  aucune  comparaison  avec  celui  de  l'Egypte, 
la  dette  hypothécaire  de  cette  dernière  apparaît  bien 
modeste. 

Cela  est  d'autant  plus  vrai  que  le  rapport  actuel  entre 
cette  dette  et  la  fortune  immobilière  du  pays  est  appelé 
à  diminuer  dans  un  avenir  très  prochain,  lorsqu'aux  terres 
actuellement  en  exploitation  seront  venues  s'adjoindre 
celles  qui  sont  encore  soit  en  friche,  soit  à  l'état  de 
marécages. 

Rappelons  que  les  premières,  dont  la  superficie  s'élève 
à  1.102.000  feddans  (hectares  462.840),  n'attendent,  pour 
être  mises  en  valeur,  que  l'achèvement  des  travaux  de 
surélévation  du  réservoir  d'Assouan.  Ces  travaux,  qui 
seront  terminés  dans  deux  ans,  permettront  d'emmaga- 
siner 2.300  millions  de  mètres  cubes  d'eau  au  lieu  d'un 
milliard  actuellement.  Une  fois  cette  œuvre  réalisée,  il 
restera  à  procéder  au  dessèchement  des  lagunes  qui  sé- 
parent le  Delta  de  la  Méditerranée  et  qui  sont  connues 
sous  le  nom  de  lacs  Menzaleh,  Borollos,  Edkou  et  Mariout. 
Ces  terres,  couvertes  par  les  lagunes,  ont  une  superficie 
de  719.100  feddans  (302.022  hectares). 

Afin  de  les  pourvoir  de  l'eau  nécessaire  à  leur  irrigation, 
plusieurs  projets  ont  été  présentés.  Le  dernier  en  date  et 
qui  paraît  avoir  obtenu  le  plus  de  faveur  est  dû  à  Sir 
W.  Garstin,  ex- sous- secrétaire  d'État  aux  Travaux  pu- 
blics; ce  dernier  a  proposé  l'établissement  d'un  réservoir 


—  193  — 

sous  forme  de  canal  dérivé  du  Nil  Blanc  entre  le  9°  et  le 
IQo  de  latitude  Nord  {Voir  planche  II,  p.  7),  soit  à  la 
jonction  des  trois  grands  affluents  du  fleuve,  le  Bahr-el- 
Zaraf,  le  Bahr-el-Ghazal  et  le  Bahr-el- Djebel,  canal  devant 
avoir  une  capacité  suffisante  pour  servir  à  l'irrigation  du 
Soudan  en  même  temps  qu'à  celle  de  la  partie  de  la 
vallée  d'Egypte  occupée  actuellement  par  les  lagunes. 

C'est  donc  2  millions  de  feddans  environ  qui  vien- 
dront s'ajouter  à  la  superficie  de  la  propriété  rurale 
actuelle  de  l'Egypte. 

Notre  tableau  II,  page  30,  de  l'état  de  l'exploitation  delà 
propriété  rurale  nous  a  donné  pour  valeur  minimum  du 
feddan  L.  E.  156,833,  prix  applicable  aux  bonnes  terres. 
D'un  autre  côté,  notre  estimation  de  l'ensemble  de  la  pro- 
priété rurale  nous  a  conduit  à  attribuer  au  feddan  une 
valeur  moyenne  de  L.  E.  102,781.  L'écart  entre  ces  deux 
chiffres  s'explique  par  la  différence  de  qualité  des  terres, 
dont  les  unes  sont  parvenues  à  l'extrême  degré  d'amélio- 
ration, tandis  que  les  autres  sont  encore  à  des  étapes 
diverses  dans  cette  voie.  Mettons  cependant  que,  pour  tenir 
compte  de  certains  aléas  auxquels  l'exploitation  peut 
être  sujette,  il  faille  diminuer  le  prix  du  feddan  de  bonne 
terre  de  25  0/0  environ  ;  nous  aurons  alors,  pour  valeur 
moyenne  du  feddan  de  cette  catégorie,  L.  E.  120,  qui 
est  justement  son  prix  vénal  actuel.  Pour  l'ensemble 
de  la  propriété,  le  jour  où  les  grands  travaux  auront 
été  exécutés,  où  les  terres  en  friche  et  les  terres  ma- 
récageuses   auront  été    mises   en  culture,   leur   valeur 


—  194  — 

sera  à  peu  près  égale  à  celle  des  terres  aujourd'hui 
cultivées,  puisque  toutes  les  terres,  formées  du  limon 
du  Nil,  ont  la  même  origine,  la  même  constitution  et  la 
même  nature. 

Dès  lors,  au  lieu  que  les  terres  déjà  en  valeur  soient 
estimées,  en  moyenne,  L.  E.  102,781  le  feddan,  et  que  les 
terres  incultes  soient  estimées  seulement  L.  E.  10  le  fed- 
dan, les  deux  catégories  de  ces  terres  pourront  justifier 
largement  le  prix  de  L.  E.  112,997  que  nous  a  donné  le  cal- 
cul pour  la  classe  des  terres  irriguées. 

Nous  aurons  ainsi  : 

Terres  déjà  en  chaleur  : 

Fed.  5.620.000  à  L.  E.  112,997  =  635.043.140 
Terres  nouvelles  : 

Fed.  1.821.100  à  L.  E.  112,997  =  205.778.836 

Total  : 

Fed.  7.441.100        =^        L.  E.        840.821.976 

Équivalant  à  :  21.797.070.019  francs. 

Sans  doute,  pour  amener  les  terres  nouvelles  au  même 
état  que  celui  des  terres  actuellement  en  exploitation,  il 
faudra  des  dépenses  considérables  ;  mais,  û„  de  ce  fait,  la 
dette  hypothécaire  du  pays  s'augmente,  la  valeur  de 
la  propriété  s'accroîtra  elle-même  dans  une  proportion 
bien  plus  importante  encore. 


195  -^ 


TABLEAU  XVII 

Engagements  hypothécaires 

Extraits  des  bilans  des  Sociétés  par  actions 
Prêts  hypothécaires 


ARRÊTÉS 

des 

bilans 

DÉSIGNATION 

des 

Sociétés  prêteuses 

Montant  en  livres 
égyptiennes 

31  octobre 
31  mars 
31  mars 
31  mars 

31  janvier 

31  déc. 

31  déc  . 

30  juin 

31  juillet 
31  déc. 

31  mars 

30  juin 

31  mars 

31  déc. 
31  déc. 

1910 
1911 
1910 
1910 

1911 

1910 

1910 

1911 

1910 

1910 

1910 
1911 

1910 

1910 
1910 

Crédit  foncier  égyptien  .... 
The  Land  Bank  of  Egypt. 
The  Mortgage  Coy  Of  Egypt. 
The  Land  et  Mortgage  Coy 
of  Egypt 

27.640.220 
3.581.538 
1.177.924 

500.314 

8.302.944 

1.718.839 

500.728 
110.782 

43.533.289 

290.232 
403.491 

The   Agricultural   Bank   of 
Egypt 

Caisse     hypothécaire     d'E- 
gypte,   prêts    pour     son 
compte.  L.  E.  1.448.683 

prêts  pour  le  com- 
pte de  tiers. . .     270.156 

Crédit  hypothécaire  agricole 
et  urbain,  prêts  pour  son 
compte.     L.  E.     351.861 

prêts  pour  le  com- 
pte de  tiers 148,867 

Banque  hypothécaire  Fran- 
co-Egyptienne ^  

Comptoir  financier  et  com- 
mercial   

60.402 

7.197 

161.318 

61.315 

Banque  égyptienne  de  com- 
merce   

Crédit  franco-égyptien 

Banque  française  d'Egypte. 

Société    agricole    et   indus- 
trielle d'Egypte 

Egyptian  Delta  Land 

Société   des  Oasis  d'Hélio- 
polis 

364.717 
28.870 

9.904 

Total 

' 

44.227.012 

(1)  La  Banque  hypothécaire  Franco-Égyptienne  a  été  fondée  en  1910  au 
capital  de  15.000.000  de  francs  avec  autorisation  donnée  au  conseil  d'admi- 
nistration de  le  porter  à  50.000.000  de  francs. 

12 


—  196  — 

TABLEAU    XVIII 

Engagements  hypothécaires 

Extraits  des  bilans  des  Sociétés  par  actions 
Ventes  à  termes 


ARRÊTÉS 

des 

bilans 

31  déc. 

1910 

31  déc. 

1909 

31  mars 

1910 

31  octobre 

1910 

31  déc. 

1910 

31  déc. 

1909 

31  déc. 

1910 

31  janvier 

1911 

31  déc. 

1910 

31  déc. 

1910 

31  déc. 

1910 

31  mars 

1910 

31  mars 

1910 

30  juin 

1910 

31  déc. 

1909 

DÉSIGNATION 

des 
Sociétés  vendeuses 


31  déc. 


1910 


Aboukyr  Co 

Cie  Immobilière  d'Egypte 

Gie  Agricole  du  Nil 

Sucreries  et  raffineries  d'Egypte 

Egyptian  Delta  Land 

The  Gharbieh  Land  C° 

Béhéira  Société  Anonyme 

Agricultural  Bank  of  Egypt 

Union  foncière  d'Egypte 

The  Wardan  Estate : 

Société  foncière  d'Egypte 

Société  agricole  et  industrielle  d'Egypte. 

Société  agricole  de  Kafr-el-Dawar 

New  Egyptian  Co 

Administration  des  Domaines  de  l'Ëtat 

égyptien 

The  Gairo  Electric  Railway  &  Heliopolis 

Oases  Co 


Total. 


Montant 

en 

L.  E. 


19.510 

204.678 
71.020 
59.780 

299.963 
48.375 

753.184 
17.933 

123.291 
5.366 
86.308 
99.868 
27.736 
11.096 

226.807 

69.398 
2.024.313 


Planche    XI! 


Engagements  Hypothécaires 

Extraits  des  Bilans  des  Sociétés  par  Ac  Lions 
PRÊTS  HYP0THÉCAIRES:le.44.227.oi2 


^Mbliss^ 


o  Soc/àrés  urbaines 


\ 


L^,  274.076 
S^-^^ DIVERSES   IE:  77.7/3 


S^^^  Urbaines  a,  Rurales 

LE.    3aa.  079 


SoctÉTÉs    Rurales 

L£U  l.290.4*S 


VENTES  A  TERME  :  Le.2. 024-313 


Planche  XIII 


Dette   Hypothécaire 


Rapport  de  la  dette  hypothécaire  de  quelques  Etats  à 
leur  fortune  immobilière . 


eo 

^ 

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CHAPITRE  XIX 


STABILITE    ET    AUGMENTATION 
DE    LA    VALEUR    DU   GAGE 


Augmentation  de  la  valeur  de  la  propriété,  assurée  par  l'accroissement 
continu  de  la  population,  de  la  productivité  du  sol,  de  la  valeur 
vénale  de  ses  produits,  notamment  du  coton.  —  Résultats  à  attendre 
de  la  culture  intensive.  —  Raisons  pour  lesquelles  il  n'y  a  pas  lieu  de 
craindre  l'avilissement  du  prix  du  coton,  mais  de  prévoir,  au  contraire, 
sa  plus-value  constante.  —  La  fortune  de  l'Egypte  n'est  pas  liée, 
d'ailleurs,  à  la  seule  culture  cotonnière.  En  cas  d'abandon  de  cette 
culture,  facilité  de  lui  en  substituer  d'autres  également  rémunératrices. 
—  Valeur  vénale  et  valeur  locative  de  la  terre  avec  ou  sans  la  culture 
du  cotonnier.  —  Conclusion  en  faveur  de  l'augmentation  de  la 
valeur  de  la  terre  et,  par  suite,  de  la  stabilité  et  de  la  sécurité  du  gage 
hypothécaire. 


Nous  avons  étudié  plus  haut  les  causes  delà  diminution 
dans  le  rendement  moyen  du  coton  et  indiqué  les  mesures 
projetées  ou  déjà  en  voie  d'application  afin  d'y  porter 
remède.  Examinons  maintenant  si  les  placements  hypo- 
thécaires présentent,  en  Egypte,  toutes  les  conditions  de 
sécurité  désirables  tant  pour  V  avenir  que  pour  le  présent. 

Pour  bien  saisir  l'importance  de  cette  question,  il  faut 
considérer  que,  dans  la  vallée  du  Nil,  la  presque  totalité 
des  capitaux  français  sont  placés  en  prêts  hypothécaires 


—  202  — 

consentis  pour  de  longues  périodes,  et  que,  dès  lors,  il  im- 
porte au  plus  haut  point  de  sai>oir  si  la  propriété  égyp- 
tienne est  menacée  dans  V avenir  d'une  diminution  de 
valeur  ou  si,  au  contraire,  elle  est  assurée  d'une  plus-value. 
Il  n'est  pas  besoin  de  rappeler,  à  ce  sujet,  les  ravages  cau- 
sés, dans  les  régions  viticoles  de  la  France,  par  le  phyl- 
loxéra, la  dépréciation  de  la  propriété  qui  en  fut  la  con- 
séquence, et  les  pertes  que  dut  subir  de  ce  fait  le  Crédit 
Foncier  1. 

Or  il  est  bien  évident  que  la  valeur  du  gage  est  étroi- 
tement subordonnée  à  la  valeur  de  la  terre  elle-même. 

Trois  facteurs  principaux  concourent,  en  Egypte,  à 
l'augmentation  de  la  valeur  de  la  propriété  : 

1^  L'accroissement  continu  de  la  population  sur  un  terri- 
toire dont  la  superficie  cultivée  ou  cultivable  est  des  plus 
limitées  ; 

2°  L'augmentation  de  la  productivité  du  sol,  conséquence 
nécessaire  de  V accroissement  de  la  population  et  de  l'emploi 
de  procédés  de  culture  perfectionnés  ; 

3°  L'augmentation  de  la  valeur  vénale  des  produits  agri- 
coles de  l'Egypte  et  notamment  de  son  coton. 

Dans  notre  chapitre  VI,  nous  avons  constaté  que  la 
population  en  Egypte  a  presque  doublé  depuis  trente  ans  ; 
or,  pour  subvenir  aux  besoins  sans  cesse  grandissants  de 
cette  population,  il  faut  que  le  sol  augmente  continuel- 
lement sa  production.  On  y  parviendra  grâce  à  la  mise  en 

1.  Dans  notre  chapitre  XIII,  nous  avons  montré  qu'il  n'y  avait  aucune 
parité  à  établir  entre  les  pays  de  monoculture  et  l'Egypte  et,  plus  particuliè- 
rement, entre  la  culture  de  la  vigne  et  celle  du  cotonnier. 


—  203  — 

exploitation  de  nouvelles  terres  et  à  la  culture  intensive» 
dont  le  résultat  immédiat  est  d'augmenter  la  valeur  de 
la  terre  en  même  temps  que  son  revenu. 

On  comprend  mieux,  dès  lors,  la  nécessité  de  la  trans- 
formation que  nous  réclamons  ailleurs  dans  le  mode  d'ex- 
ploitation du  sol. 

En  effet,  quelles  que  soient,  d'une  part,  l'importance 
des  revenus  de  la  culture  cotonnière,  même  avec  adjonc- 
tion à  cette  culture  des  terres  en  friches  ou  en  lagunes 
de  l'autre,  les  facultés  productives  du  sol  et  la  sobriété 
proverbiale  du  fellah,  il  viendra  nécessairement  un  moment 
où  cet  admirable  équilibre  sera  rompu.  Or  nous  savons 
l'attachement  du  fellah  pour  la  terre,  attachement  si 
profond  que  sa  personne  semble  se  confondre  avec  elle  ; 
qui  dit  fellah  dit  terre  égyptienne.  Il  lui  faudra,  pour  con- 
tinuer à  vivre  sur  cette  terre,  mettre  en  œuvre  la  puis- 
sante énergie  dont  il  dispose,  tirer  parti  des  nouveaux 
procédés  de  la  science  agricole  pour  multiplier  à  son  gré 
les  ressources  que  la  terre  lui  procure  et,  parla,  s'identifier 
plus  encore  avec  elle.  Alors,  on  verra  se  réaliser  la  loi  dé 
Ricardo  sur  la  rente,  non  seulement  par  l'effet  direct  de 
l'accroissement  delapopulation,  mais  encore  par  l'action 
que  cet  accroissement  exercera  sur  la  productivité  du  sol, 
dont  l'augmentation  fera  bénéficier  le  fonds  d'une  plus- 
value  correspondante. 

Ici  se  pose  tout  naturellement  cette  question  :  Quels 
résultats  l'Egypte  est- elle  en  droit  d'attendre  de  la  cul- 
ture intensive  ?  Pour  y  répondre,  nous  avons  dressé  notre 


—  204  — 

tableau  XIX,  où  nous  avons  mis  en  parallèle  les  situa- 
tions agricoles  respectives  des  divers  pays  et  les  résultats 
obtenus. 

Les  données  de  ce  tableau  sont  empruntées  à  différentes 
sources  telles  que  le  Bulletin  de  V  Institut  international 
d' Agriculture  de  Rome  (Essai  d'inventaire  d'après  les  do- 
cuments publiés  par  les  pays  adhérents,  Rome,  1910),  le 
Statesman's  Year  Book  (1911),  la  Statistique  agricole  an- 
nuelle (1909)  (Ministère  français  de  l'Agriculture),  etc.  ; 
et,  pour  éviter  un  encombrement  de  données  qui  auraient 
nui  à  sa  clarté,  nous  n'avons  fait  figurer  dans  notre  tableau 
que  quelques  pays  choisis  parmi  les  plus  remarquables- 
au  point  de  vue  agricole. 

La  planche  XIV  montre  le  sol  réparti  en  deux  divisions 
principales  :  le  territoire  habité,  —  comprenant  les  terres 
arables,  les  prairies  artificielles,  les  forêts,  —  les  étendues- 
d'eau  et  le  sol  improductif.  Dans  la  terre  arable,  il  ne  faut 
compter,  bien  entendu,  que  les  terres  en  culture  ou  en 
jachère. 

On  y  voit  qu'au  point  de  vue  du  territoire  habité  le 
premier  rang  appartient  aux  États-Unis  d'Amérique 
avec  leurs  783.599.500  hectares,  dont  114.663.034  de  sur- 
face cultivée,  tandis  que  le  dernier  est  occupé  par  la  Bel- 
gique avec  2.945.557  hectares,  dont  1.767.216  en  état  de 
culture,  représentant  les  quatre  cinquièmes  de  la  surface 
cultivée  de  l'Egypte. 

Mais,  si  nous  considérons  la  densité  de  la  population  et 
la  production  de  la  terre  cultivée  en  céréales  (  Voir  planche 


—  205  — 

XV),  les  situations  changent.  Pour  la  densité,  c'est  l'E- 
gypte qui  vient  en  tête,  aussi  bien  pour  la  population 
totale  que  pour  la  population  ouvrière  ou  agricole.  Par 
contre,  le  rendement  du  blé  à  l'hectare  place  le  Danemark 
au  premier  rang  avec  27,81  quintaux  (1904-1908),  alors 
que  le  dernier  rang  est  détenu  par  les  États-Unis  où,  en 
raison  de  la  rareté  de  la  main-d'œuvre  et  de  l'éten- 
due du  territoire,  on  ne  peut  se  livrer  à  la  culture 
intensive. 

L'Allemagne  du  Nord,  de  son  côté,  a  également  opéré 
des  miracles,  puisqu'en  fort  peu  de  temps,  grâce  à  l'emploi 
de  la  méthode  intensive,  sa  production,  dont  le  rendement 
moyen  arrivait  à  peine,  avant  1870,  à  9  ou  10  quintaux 
à  l'hectare,  a  passé  à  19,7  quintaux  dans  la  période  1904- 
1908. 

Or  l'Egypte,  si  exceptionnellement  favorisée  au  point 
de  vue  du  sol,  ne  produit  que  14,28  quintaux  à  l'hectare, 
c'est-à-dire  moins  que  l'Allemagne  du  Nord  et  à  peu  près 
la  moitié  du  rendement  du  Danemark. 

Voilà  de  quoi  faire  réfléchir,  surtout  si  l'on  veut  bien 
considérer  que  le  sol  danois,  composé,  comme  celui  de 
l'Allemagne  du  Nord,  de  terre  blanche,  est  des  plus 
pauvre. 

S'il  en  est  ainsi  dans  des  pays  où  la  nature  s'est  montrée 
particuHèrement  ingrate,  que  n'est- on  pas  en  droit  d'es- 
pérer de  l'Egypte,  où  la  nature  s'est  montrée  prodigue 
à  l'excès,  la  dotant  d'un  sol,  d'un  fleuve,  d'un  climat, 
d'une  population  agricole  qui  la  placent  à  la  tête  des  pays 


—  206  — 

les  plus  favorisés  ?  Et  que  ne  pourra- 1- on  pas  attendre 
de  la  terre  égyptienne  le  jour  où,  grâce  à  l'usage  de  pro- 
cédés de  culture  perfectionnés,  ses  cultivateurs,  toujours 
de  plus  en  plus  nombreux,  mettront  en  pleine  exploitation 
ses  incomparables  richesses  naturelles  ? 

En  ce  qui  concerne  particulièrement  la  production 
cotonnière,  des  études  dues  aux  personnes  les  plus  com- 
pétentes, entre  autres  le  rapport  de  la  Commission  du 
Coton,  établissent  surabondamment  que  les  récoltes  peu- 
vent s'accroître  dans  une  très  large  proportion.  Il  suffît 
d'ailleurs  de  comparer  les  récoltes  obtenues  par  une 
bonne  exploitation  et  celles  produites  par  une  exploi- 
tation négligée  pour  se  rendre  compte  des  résultats  qu'on 
est  en  droit  d'attendre  d'une  meilleure  culture.  Les  écarts 
observés,  notamment  entre  les  rendements  des  terres 
bien  drainées  et  ceux  des  terres  drainées  insuffisamment, 
fournissent  déjà,  à  cet  égard,  d'utiles  constatations. 

Partant  de  ce  point  de  vue,  M.  E.  Gatzeflis,  le  distingué 
ingénieur  agronome,  fait  ces  observations  intéressantes  : 
«  Nous  considérons  communément  qu'un  rendement  au 
«  feddan  de  5  à  6  kantars  de  coton  est  très  satisfaisant, 
«  tandis  que  nous  devrions  tâcher  d' arriver  à  des  rendements 
«  de 9  à  10  kantars.  Dans  certaines  régions  d'Europe,  il  y  a 
«  une  trentaine  d'années,  on  estimait  comme  très  bonne 
«  une  récolte  de  25  quintaux  de  blé  à  l'hectare  ;  or  voici 
«  que,  par  la  sélection  des  semences,  le  perfectionne- 
«  ment  des  modes  de  culture,  l'emploi  plus  abondant 
«  des  engrais,  on  est  arrivé  à  obtenir  fréquemment  34  et 


TERRITO''" 


as 


tark 


Aile 

5.7:  54 
SX.  35 


le 


ne 


he 


ine 


Bretagne       | 


{ 


HECTARES 


ST. 
se, 

ST. 
S,C. 

S.T. 
S£. 

ST. 
SX. 


7  67.  21  6 


3.  259.982 
2. / *3.e*8 

3.859.500 
2.237.735 

Z.BS6.9SS 
2 ,739.825 


S.T.   28.  664-84-3 
S.C.  1  B.k-  19,0  00 


S.T.  30.  000.  793 
se.  18.  1  73/2  / 


5.7.    31    8  69.  1  38 
S.C.    18.9  19.3^7 


S.T.    32  .^9  1  .8^3 
S.C.    12,9  1  S.  24-9 


Abréviations:  S.T.    Superficie    totale 
S.C.   Superficie    cultivée 


Planch 


SUPERFICIES     COMPARÉES     DES 
TERRITOIRES    HABITÉS  ET  DES    TERRES    CULTIVÉES 

Mâk   ri-'parSO.OOO'^"'- 


AI  lemagne 

5.7:  6^.06^.785    hectares 

SX.  35.055.337  __<yi_ 


France 

S.T. 52.965.76^  hectares 
S.C.36. 56^.^71  _^o_ 


Etats-Unis 

SX  785.539.S00  hectares. 
S.CJl^.663.034-  ^d?_ 


XIV 


Belgique 


HECTARES 

ST.      Z.9  ^  S  ;S  57 
se,      1  .7  Ç7.  21  6 


Pays-Bas 


ST.       3.  2  S  9.98  2 
S.C.      2,  1  *hS.6^9 


©  Eg;ypte 


S.T.      3.  &  S  9. S  00 
SX.      2.237.735 


Danemark 


5.7.       3.  8  3  6.  93  S 
S.C.      2.739.826 


Italii 


S.T.   28.  66^.84-3 
S.C.  7  S.  4-  1  9.000 


Autriche 


G'**^Bretagne       { 


Honqrie 


S.T.  30.  000.  793 
S.C.  18.  1  73!21 


SJ.    31    869.  i  38 
S.C.    18.9  1  9.34-7 


S.T.    32  .4^91  .84-3 
S.C.    12.9  15.  24-9 


Abréviations  -.  S. T,    Superficie    totale 
S.C.   Superficie    cuittvée 


—  209  — 

«  40  quintaux  de  blé  à  l'hectare;  et  ainsi  en  est- il  de 
«  beaucoup  d'autres  plantes.  Pourquoi  n'en  serait- il  pas 
«  de  même  pour  nos  cultures  de  coton  ?  D'ailleurs  les 
«  rendements  de  9  à  10  kantars  indiqués  plus  haut  ont 
«  été  déjà  obtenus  en  Egypte,  dans  certaines  exploita- 
«  tions  et  sur  des  champs  d'expérience i.  » 

Sir  W.  Willcocks,  la  plus  haute  autorité  en  la  matière, 
dans  une  importante  communication  faite  à  l'Institut 
égyptien,  exprime,  lui  aussi,  l'avis  que,  moyennant  une 
judicieuse  extension  du  régime  des  canaux  et  des 
drains  et  une  meilleure  utilisation  des  eaux,  l'Egypte 
peut  considérablement  augmenter  sa  production  coton- 
nière . 

«  En  dotant  les  terres,  dit- il,  dans  les  parties  élevées,  de 
«  canaux,  et,  dans  les  bas- fonds,  de  voies  de  drainage  ;  en^ 
«  complétant  les  canaux  par  des  fuites  qui  permettent 
«  à  la  féconde  eau  rouge  de  la  crue  d'atteindre  les  champs 
«  les  plus  éloignés,  en  maintenant  le  niveau  de  printemps, 
«  dans  le  sud,  assez  bas  par  une  irrigation  adroite  et,  dans 
«  le  nord,  par  un  drainage  bien  compris  ;  en  précipitant 
«  l'eau  des  réservoirs  vers  les  friches  du  nord,  en  rendant 
«  à  la  zone  cotonnière  du  sud  un  été  aussi  chaud  et  sec 
«  que  les  saisons  le  permettent  ;  en  utilisant  la  crue  à  son 
«  heure  naturelle  et  inévitable,  nous  ne  pouvons  manquer 
«  de  ramener  les  jours  de  la  dernière  décade  du  siècle 
«  passé   (1890-1900).     Et,    rattrapant    l'ancien   rende- 

1.  Bulletin  de  V  Union  syndicale  des  Agriculteurs  d' Egypte,  décembre  1909. 


—  210  — 

«  ment  de  5  1/2  kantars  par  acre  financière,  avec  une  su- 
«  perficie  cultivée  en  coton  de  1.600.000  acres  dans  la 
«  Basse- Egypte,  nous  pouvons  à  coup  sûr  atteindre  un  ren- 
«  dément  total  de  9.000.000  de  kantars  en  Basse- Egypte, 
«  qui,  grossi  du  contingent  de  1.000.000  de  kantars  de  la 
«  Haute-Egypte,  porterait  la  récolte  totale  au  chiffre  de 
«  10.000.000  de  kantars  que  fai  prédit  en  1902 1.  » 

Il  est  évident  que  l'augmentation  continue  de  la  popu- 
lation sur  un  territoire  dont  l'exiguïté  ne  saurait,  nulle 
part  ailleurs,  se  concilier  avec  la  satisfaction  des  besoins 
toujours  croissants  des  habitants,  aura  pour  effet  d'aug- 
menter non  seulement  la  main-d'œuvre  agricole  —  et,  par 
suite,  de  réduire  ou  tout  au  moins  de  maintenir  aux  taux 
actuels  les  salaires,  c'est-à-dire  les  frais  d'exploitation,  — 
mais  encore  la  productivité  et  la  valeur  du  sol.  En  matière 
de  propriété,  personne  ne  l'ignore,  il  est  une  loi  immuable, 
précise  comme  un  axiome  de  géométrie,  en  vertu  de  laquelle 
la  çaleur  foncière,  comme  toutes  les  valeurs  soumises  aux 
fluctuations  de  V  offre  et  de  la  demande,  progresse  en  raison 
de  l'accroissement  direct  de  la  population. 

A  cette  cause  de  la  stabilité  et  de  l'augmentation  de  la 
valeur  de  la  terre,  il  en  faut  joindre  une  autre  non  moins 
importante  :  l'augmentation  de  la  valeur  des  produits  du 
sol  égyptien  et  notamment  de  son  coton. 

Le  coton,  nous  l'avons  vu,  s'il  n'est  pas  le  principal  de 
ses  produits  proportionnellement  à  la  surface  cultivée  et 


1.  Une  Récolte  de  dix  millions  de  kantars  (Bulletin  de  l'Union  des  Agricul- 
teurs d'Egypte,  décembre  1911,  p.  312  et  313). 


—  211  — 

à  la  production  agricole,  est  le  principal  élément  du  com- 
merce extérieur  de  l'Egypte.  La  terre  égyptienne  subira 
donc  nécessairement,  au  point  de  vue  de  son  revenu  et, 
partant,  de  sa  valeur  vénale,  l'influence  de  toute  modi- 
fication survenue  dans  le  marché  du  coton,  où  le  produit 
égyptien  occupe  une  situation  prépondérante  par  ses  qua* 
lités,  sinon  par  sa  quantité. 

Mais  si,  plus  tard,  la  culture  du  cotonnier  prenait,  au 
détriment  des  autres  cultures,  une  extension  beaucoup 
plus  considérable,  devrait- on  craindre  l'avilissement  du 
prix  du  coton,  et,  par  suite,  de  la  valeur  de  la  terre  ?  II 
suffît  d'examiner  le  tableau  XX  et  le  graphique  de  la 
planche  XVI,  consacrés  à  la  production  et  à  la  consom- 
mation mondiales  du  coton,  pour  comprendre  que  cette 
éventualité  n'est  pas  à  redouter,  et  cela  pour  deux  raisons: 

1°  L'augmentation  toujours  croissante  de  cette  consom- 
mation ;  * 

2°  Les  qualités  particulières  du  coton  égyptien. 

La  consommation  mondiale  du  coton  augmente  sans 
cesse.  Sur  le  marché,  la  demande  absorbe  entièrement 
l'offre,  et  elle  est  loin  de  répondre  aux  besoins  de  la  popu- 
lation du  globe.  Les  manufacturiers  vont  même  jusqu'à 
craindre  que  la  production  du  coton  ne  puisse  suivre  les 
demandes  de  la  consommation. 

«  L'année  dernière,  au  Congrès  des  Filateurs  de  Coton, 
«  M.  Alexandre  Kusnetzoff  calculait  que,  sur  les  1,600 
«  millions  d'habitants  du  globe,  il  n'y  en  avait  que 
«  500  millions  vêtus  complètement  ;  750  millions  étaient 


212  — 


TABLEAU 


Territoires  et  Populations  agricoles. 


DÉSIGNATION 

DES 

PAYS 


Allemagne 

Autriche 

Hongrie 

Belgique 

Danemark 

Egypte  (4) 

États-Unis 

France  

Italie 

Grande-Bretagne  et 
Irlande 

Pays-Bas 


SUPERFICIE  (1) 


En  hectares. 
54.064.785 

30.000.793 

32.491.843 

2.945.557 

3.896.935 

3.359.500 

783.599.500 

52.955.764 

28.664.843 

31.369.138 
3.259.982 


CULTIVÉE 


En  hectares. 
35.055.397 

18.173.121 

12.915.249 

1.767.216 

2.739.826 

2.237.135 

(a)114.663.034 

36.564.472 

15.419.000 

18.919.347 
2.143.648 


POPU 


Dates 


1910 
1910 
1910 
1900 
1906 
1907 
1910 
1906 
1909 

1901 
1909 


64.903.423 
28.567.898 
20.850.700 
6.693.548 
2.605.268 
11.287.359 
93.402.151 
39.252.245 
34.565.000 

41.976.827 
5.898.429 


(1)  Ministère  de  l'Agriculture,  statistique  agricole  annuelle  (1909)  :  pour  l'Egypte,  d'après  Statis- 
iical  Y  car  Book  of  Egypt  (1909). 

(4)  The  Statistical  Year  Book  of  Egypt  (1909).  Population  agricole  d'après  The  Census  of 
Egypt  (1907). 

(a)  Statistique  générale  de  la  France.  Annuaire  statistique  (1909). 


—  213  — 


XIX 


Rendements  du  Blé  à  l'Hectare 


LATION  (2) 

DI 

Générale 
par  Km  2 

:nsité 

de  la  pop.  agric. 

par  rapport  à  la 

surface  cultivée 

par    Km2 

Rapport  "''o 

de  la  popul. 

agr.  à  la 

population 

totale 

RENDEMENT 

A    l'HECTAB 
DATES 

DU  BLÉ 

E   (3) 

PRO- 
DUITS 

AGRICOLE 

9.732.472 

120,04 

27,76 

14,99 

1904-1908 

19,7 

13.709.204 

95,22 

75,43 

47,98 

1904-1908 

13,24 

13.175.083 

64,17 

102,01 

63,18 

1904-1908 

11,95 

449.902 

227,24 

25,45 

6,72 

1903-1907 

23,62 

977.808 

66,85 

35,68 

37,53 

1904-1908 

27,81 

9.259.481 

335,98 

413,89 

82,03 

»         » 

14,28 

10.381.765 

11,91 

9,05 

11,11 

1904-1908 

9.74 

8.714.625  (b) 

74,12 

23,83 

22,20 

1903-1907 

14,24 

9.611.003 

120,58 

62,33 

27,80 

»          » 

» 

2.265.868 

133,81 

11,97 

5,39 

1903-1907 

21,21 

3.688.377 

180,93 

172,06 

62,53 

1904-1908 

23,84 

(2)  The  Statesman's  Year  Book  (1911). 

(3)  Institut  international  d'Agriculture,  statistique  des  superficies  cultivées,  de  la  production  végé- 
tale, etc.  (Rome,  1910). 

(b)  Recensement  général  de  la  population  (1906). 


É    A    L' 

Hectare 

i 

Rend^  du  Blé 

(en  Quintaux  a  l'Hectàrej 

i 

DANEMARK      f         j      27,81 

i 

PAYS-BAS         Ç^      23,84 

BELGIQUE           (       J       23,62 

i 
1 

1 

1 

ANGLETERRE       f      J       21,21 
ALLEMAGNE         Ç     J        1  9,7  0 
EGYPTE                 ^         14,28 

FRANCE                   Q         14,24 
AUTRICHE               (/)         13,24 
HONGRIE                ^         1  1  ,95 

F  déterre  cultivée. 

ÉTATS-UNIS          O             9,74 

Pla 


Populations  Comparées  &  RepI: 

POPULATION 


ETATS-UNIS 


ALLEMAGNE 


ANGLETERRE 


FRANCE 


ITALIE 


AUTRICHE 


HONGRIE 


EGYPTE 


BELGIQUE 


PAYS-BAS 


DANEMARK 


p.r. 

P.A, 

93.4-08.  151 
10.381.  765 

P.T. 
P.A. 

64.903.423 
9.732v472 

P.T. 
P.A. 

41  .976. 827 
2.265.868 

P.T. 
P.A. 

39.25 
8  .71^ 

1 

2-245 
k.625 

P.T. 
P.A. 

34^ 
9 

.  565.000 
.611.003 

p.t: 

P.A. 

28 
13 

.  567.  898 
.709  20 A 

P,  t, 
P,  A. 

20.850.700 
13.176.083 

■ 

1 

P.T. 

P.A. 

11.987.dS» 
8.259.461 

P.T. 
P.A. 

6.693.548 
449. 30S 

— *■ 

P.T. 
P.A. 

5.898.429 
3.688  377 

*■ 

P.T. 
P.A. 

2.( 

{ 

Î05 
)77 

.26 
.80 

8 

8 

LEGENDE: 


,  P.T.=  Populalion  toLak 
P.  A.i  Population  agricole 


EGYPTE 


PAYS-BAS 


HONGRIE 


AUTRICHE 


ITALIE 


DANEMARK 


ALLEMAGNE 


BELGIQUE 


FRANCE 


ANGLETERRE 


ETATS-UNIS 


LEGENDE 


che   XV 


3EMENTS     DU     BlÉ     A    L  HECTARE 


DEN  SITE 


D.G.      335^88 
OA.     4-19^89 


D.G.     iao,9a 

D>A.        172^0© 


D.G  .  64-^17 

D.A  .       102^01 


D.G.        95,22 
D.A.       75,4-3 


DG.         120.58 
D.A.  62,33 


D.G.        66,85 
D.A.        3  5,68 


D.G, 

120,04- 

D.A. 

27,  76 

r 

D.G. 

227^24- 

D.A. 

25,4-5 

■     D.G.       74-,  12 
DA         23,03 


D.G.       133,81 
D.A,  11,97 


D.G.        11  ,©1 
Dw^.  9,  OS 


Rend"^  du  Blé 

(en  Quintaux  à  l'hectare) 


DANEMARK 


BELGIQUE 


EGYPTE 


AUTRICHE 


HONGRIE 


D.  G. r  Densité  âénépale 

D.A.=  Densité  de  la  population  agricole  par  K~  déterre  cultivée 


27,81 


PAYS-BAS         (       )       23,84 


23,62 


ANGLETERRE       (      j       21,21 
ALLEMAGNE        (     J        19,70 


14.28 


FRANCE  Q         14,24 


O      13-24 


O      11-95 


ÉTATS-UNIS  O  9,74 


217 


TABLEAU    XX 


Production   et    Consommation   mondiales   du     coton 

d'après  John's  Handbook  et  la  Fédération  internationale  ' 

(En  milliers  de  balles  de  500  Ibs.) 


Z 

PRODUCTION. 

O 

o 
o 

SAISONS. 

ÉTATS- 
UNIS. 

INDES. 

O 
•H 

TOTAL. 

1902-1903... 

10.758 

3.085 

1.115 

264 

1.541 

16.763 

13.476 

1903-1904... 

10.124 

3.577 

1.157 

181 

1.657 

16.596 

13.268 

1904-1905 . . . 

13.557 

3.249 

1.224 

175 

1.182 

19.387 

14.368 

1905-1906... 

11.320 

3.838 

1.159 

263 

1.307 

17.887 

15.200 

1906-1907... 

13.550 

4.158 

1.345 

249 

1.495 

20.797 

16.743 

1907-1908... 

11.582 

8.556 

1.401 

169 

1.644 

18.352 

16.779 

1908-1909... 

13 . 829 

3.823 

1.321 

156 

1.671 

20.800 

16.667 

1909-1910... 

10.651 

4.186 

985 

108 

1.721 

17.652 

17.031 

Moyenne   des 
8  saisons. . 

11.921 

3.684 

1.213 

195 

1.514 

18.529 

16.191 

Pourcentage . 

64,33 

19,88 

6,54 

1,05 

8,17 

»       » 

81,98 

1.  Pour  la  production,  les  poids  des  balles  variant  avec  chaque  provenance 
et  les  statistiques  douanières  et  autres  d'où  ont  été  relevés  les  chiffres  de  chaque 
pays,  portant  les  quantités  des  balles  avec  leurs  poids  locaux,  il  a  fallu,  pour 
arriver  à  la  totalisation,  ramener  tous  les  poids  à  un  type  unique,  celui  de 
500  livres  anglaises  équivalant  à  226  kil.  5. 


Planche  XVI 


Productions  Consommation  mondiales  du  Coton 

Moyennes  comparatives  des  Pays  ppoducteups 
pourlapériode  180o-1910 


^ç,XP^^^oyenne:U3'^^'        ^^^S/^ 


6..5*7o 


l.057o 

O 

I9G.000  balles 


Production      ôy^ 
mondiale  :    0> 


\^4D£:s 


y^ 


8.\7«/o 


>•  Consommation 


mondiale: 


18.529.000  balles     ^rf^T^— — -— "^^^        ISJdl. 000  balles 


Rapport  de  la  consommation  à  la  production 
81.38  % 


_  221  — 

•«  vêtus  en  partie  et  le  reste,  soit  plus  de  300  millions,  était 
«  dans  un  état  habituel  de  nudité.  Il  estimait  que,  pour 
«  les  vêtir  tous  tant  bien  que  mal,  il  faudrait  porter  à 
«  plus  de  42.000.000  de  balles  de  coton  la  production, 
«  qui,    en   1908-1909,    était    de   22.467.000    balles  \  yy 

Il  y  aurait  donc  une  longue  étape  à  parcourir  avant 
qu'il  y  eût  excès  de  l'offre. 

Tout,  du  reste,  tend  à  l'augmentation  de  la  consom- 
mation du  coton  :  l'accroissement  de  la  fortune  publique, 
«  l'amélioration  de  la  condition  des  classes  laborieuses, 
«  le  besoin  sans  cesse  grandissant  du  bien-être  et  de  l'é- 
«  légance,  enfin,  et  surtout,  les  progrès  de  la  coloni- 
se sation^  ». 

Quel  sera,  dès  lors,  le  sort  du  coton  égyptien?  Dans  le 
-chapitre  où  nous  l'avons  spécialement  étudié,  nous  avons 
montré  qu'il  était  spécialement  recherché  pour  les  articles 
de  luxe  et  que  son  prix  faisait  prime  de  69  0/0  sur  celui  de 
l'américain. 

Ce  prix  ne  fera  évidemment  que  s'accroître  au  fur  et  à 
mesure  que  la  consommation  mondiale  s'accroîtra  elle- 
même,  à  la  seule  condition  que  le  coton  égyptien  conserve 
«es  qualités,  et  nous  avons  vu  que  l'on  faisait  tout  pour 
parvenir  à  les  lui  conserver. 

La  planche  XVI  nous  montre  le  rang  infime  occupé  par 
l'Egypte,  par  rapport  aux  États-Unis,  dans  la  production 
mondiale.  Le  coton  égyptien  ne  rentre  que  pour  6,54  0/0 

1,  A  propos  du  danger  de  l'augmentation  de  l'or,  par  Y.  Guyot  {Informa- 
lion,  17  mai  1911). 

2.  P.  Arminjon,  La  Situation  économique  de  l'Egypte,  p.  214. 

13 


—  222  — 

dans  l'ensemble  de  cette  production.  Or,  quelle  que 
soit  l'extension  qui  puisse  être  donnée,  dans  la  vallée  du 
Nil,  à  la  culture  du  cotonnier,  il  ne  faut  pas  perdre  de 
vue  que  cette  extension  sera  toujours  limitée  par  V exi- 
guïté du  sol  cultivable  auquel  les  déserts  et  la  mer  opposent 
des  barrières  infranchissables,  sans  parler  des  nécessités 
de  V  assolement  qui,  elles  aussi,  limitent  Vaire  disponible 
de  la  culture  cotonnier e. 

Est-ce  à  dire  que  la  production  de  cette  culture  doive 
rester  stationnaire  ?  Assurément  non  ;  lorsque  les  terres 
actuellement  stériles  auront  été  mises  en  valeur,  elle 
augmentera  certainement  d'une  façon  très  appréciable, 
mais,  en  raison  de  l'exiguïté  du  sol  cultivable,  elle  sera 
encore  inférieure  proportionnellement  à  la  production 
totale  du  globe. 

Ainsi,  au  point  de  vue  cultural,  il  est  impossible  que 
le  cotonnier  d'Egypte  voie  se  modifier  sensiblement  le 
rang  qu'il  occupe  dans  la  production  mondiale.  Il  y  aurait 
lieu  plutôt,  à  notre  avis,  d'envisager  l'éventualité  con- 
traire, par  suite  non  seulement  de  nouveaux  facteurs  de 
production,  mais  encore  de  l'extension  de  la  culture  du 
coton  dans  les  deux  pays  qui  en  fournissent  actuellement 
la  majeure  partie  :  nous  voulons  parler  des  États-Unis  et 
des  Indes,  où  le  sol  apte  à  cette  culture  peut  s'étendre 
encore  dans  des  proportions  considérables. 

La  production  cotonnière  de  l'Egypte  devant  rester,  tout  en 
s' augmentant,  relativement  restreinte  en  regard  des  besoins 
toujours  croissants  de  la  consommation  et  de  la  production 


_  223  — 

totales  du  globe,  son  prix  est  donc  assuré  d'une  plus-value 
continue. 

Ainsi,  au  point  de  vue  purement  économique,  nous 
pouvons  répéter  que  la  valeur  du  coton  suit  le  mouvement 
d'augmentation  de  la  consommation  mondiale.  [Voir 
tableau  XX  et  planches  XVI  et  XVII.) 

Enfin,  au  point  de  vue  de  la  fabrication,  nous  savons 
déjà  que  les  qualités  particulières  du  coton  égyptien, 
notamment  la  longueur  et  la  résistance  de  sa  fibre,  lui 
assurent  une  place  privilégiée  qu'il  sera  impossible  de 
lui  ravir. 

Non  seulement  les  pays  qui  l'emploient  déjà  augmen- 
tent, chaque  année,  leurs  demandes,  mais  ses  acheteurs  se 
multiplient;  parmi  ces  nouveaux  venus,  il  faut  citer  l'Al- 
lemagne, qui  absorbe  8  à  9  0/0  de  la  production  égyp- 
tienne, l'Amérique  (8,7  0/0),  quelques  autres  pays  d'Eu- 
rope moins  importants,  et,  enfin,  chose  très  remarquable, 
l'Extrême-Orient,  qui,  en  1909,  acheta  pour  L.  E.  437.774 
de  coton  égyptien. 

De  quelque  côté  qu'on  envisage  la  question  des  prix, 
on  voit  que  la  situation  de  choix  occupée  par  le  coton 
d'Egypte  repose  sur  des  bases  trop  solides  pour  être  sus- 
ceptible de  recevoir  le  moindre  ébranlement. 

Nous  pouvons  donc  conclure  qu'on  n'a  pas  à  craindre 
l'avilissement  des  prix  du  coton  et,  partant,  de  la  valeur 
de  la  terre. 

Supposons  cependant  que,  pour  une  raison  quelconque, 
une  manœuvre  de  spéculation  par  exemple,  la  culture  du 


_  224  — 

cotonnier  cesse  d'être  rémunératrice  pendant  une  ou  deux 
saisons  et  que,  de  ce  fait,  l'Egypte  se  voie  dans  la  néces- 
sité de  l'abandonner  jusqu'àl'assainissementdelasituation 
commerciale  ;  pourrait- elle  le  faire  sans  s'imposer  de  no- 
tables sacrifices  ?  Assurément,  puisque,  encore  une  fois, 
la  terre  à  cotonnier  est  la  même  terre  qui,  par  rotation, 
reçoit  le  blé,  l'orge,  les  fèves,  etc.  ;  puisque,  en  outre, 
l'exploitation  du  cotonnier,  plante  annuelle,  n'exige  ni 
installation,  ni  matériel  particulier  d'aucune  sorte  ;  puis- 
que, enfin,  au  moment  où,  suivant  le  système  d'assolement 
adopté,  le  tour  du  cotonnier  arriverait,  il  n'y  aurait  qu'à 
lui  substituer  une  autre  semence. 

En  d'autres  termes,  il  n'existe,  au  point  de  vue  de 
l'exploitation  des  terres,  aucune  différence  entre  le  coton- 
nier et  toute  autre  culture  du  pays,  hormis  la  canne  à  sucre. 

Abandonnée,  puis  reprise,  sa  culture  ne  peut  amener 
aucun  trouble  sérieux  dans  l'exploitation  agricole;  sauf 
une  légère  différence  de  rémunération,  celle-ci  continue- 
rait comme  par  le  passé. 

D'ailleurs,  nos  tableaux  I  et II  de  l'exploitation  actuelle 
nous  ont  déjà  montré  qu'avec  les  combinaisons  cultu- 
rales  dans  lesquelles  le  coton  est  absent,  la  rémunération 
ne  diffère  pas  très  sensiblement  de  celles  dont  le  cotonnier 
fait  la  base.  En  prenant  pour  prix  du  kantar  le  chiffre 
de  P.  T.  300  adopté  par  l'usage  en  matière  d'estimation, 
on  y  voit  que  si,  avec  le  coton,  le  revenu  net  de  l'hec- 
tare est,  en  moyenne,  de  625  francs,  avec  les  produits 
autres  que  le  coton,  ce  revenu  est  de  682  fr.  65  pour  la 


Planche   XVII 


\L.e.  33.915.339 
hs:873.205.l56J 


Exploitation  de  la  Culture 
cotonnière 

Mouvements  Comparatifs  des  Superficies 
culti vees ,  des  récoltes  et  de  leurs  resulta ts 

riHANCIERS   DE  189S-96  À     J910-11 


LE  11.813.147 
FcS.m6.23d.4-W 


KanLars -.5.256.128 
(  Qumtaux: 
2.361.  473) 


reddans -.997.7^5 
(Hec  tiares: 


SUPèRFICIE     €U^Tiy£^ 


KaniarsJ  S73.3SS 
(Quintaux: 
3.405. 952) 


Mdans  1603.266 


(Hectares: 
673.371J 


41 3^  04S  J    '^^   ^f"    *^*0  «s®    w»   o—    «^fN    Mnj   m*  *«>    UiV)    tot^    n.«o  qoco    o>o    o^ 

«5<J>     C^Ca      OiO^     0>0l     (J>0     OO     OO     OO     OO    OO     OO     CSO      QO     OO      Q"--      --  — 
flO  ,      09         05         C5         aoOi     05  Oli      0),       0>,      05'.       05,       O)          (J5,      Cf5i       C5,       0)0> 


—  227  — 

canne    à    sucre    et   de    580    fr.    80    pour   les  céréales. 

De  même,  le  prix  de  la  terre,  avec  la  culture  cotonnière 
et  sur  la  base  des  transactions  courantes,  s'établit  à 
9.258  francs  l'hectare,  et,  par  capitalisation  du  revenu, 
au  taux  de  6  0/0,  il  peut  varier  entre  10.014  et 
10.847  francs,  tandis  qu'avec  un  autre  système  de  cul- 
ture, où  n'entre  pas  le  coton,  le  prix  est  respectivement 
de  9.258  et  de  11.377  francs  pour  la  canne  à  sucre,  et  de 
9.258  et  de  9.680  francs  pour  les  céréales. 

Certes,  la  culture  du  coton  est  extrêmement  rémuné- 
ratrice ;  elle  a  modifié  la  situation  économique  de  l'E- 
gypte, et  c'est  par  elle  surtout  que  ce  pays  est  arrivé  au 
degré  de  prospérité  qui  le  signale  à  l'attention  ;  cependant 
la  fortune  de  l'Egypte  n'est  pas  liée,  comme  on  essaie  très 
souvent  de  le  persuader,  à  la  seule  exploitation  du 
cotonnier. 

Ce  qui,  du  reste,  montre  que,  pour  nos  chiffres,  nous  nous 
en  sommes  tenus  à  des  données  aussi  modestes  que  possible, 
c'est  leur  comparaison  avec  ceux  des  locations.  Les 
bonnes  terres,  dont  il  est  question  dans  nos  tableaux  I  et  II, 
se  louent  communément  à  raison  de  12  ou  14  livres  égyp- 
tiennes par  feddan  (740  à  864  francs  l'hectare)  ;  or,  nos 
calculs  nous  ont  donné  un  revenu  net  de  580  à  682  francs 
par  hectare.  Ils  sont  bien  inférieurs,  on  le  voit,  au  prix  des 
locations. 

Mais,  en  dehors  des  produits  de  grande  culture,  il  en 
est  d'autres  qui  peuvent  ajouter  beaucoup  encore  au 
revenu  et,  partant,  à  la  valeur  de  la  terre  égyptienne  : 


—  228  — 

les  légumes,    les   fruits,    les   menus   produits    de    ferme. 

«  S'il  est  une  région,  fait  observer  M.  Arminjon,  où  la 
«  culture  des  légumes  et  des  fruits  devrait  prospérer  et 
«  faire  l'objet  d'une  exportation  abondante,  c'est  bien  la 
«  vallée  du  Nil.  Cette  culture  y  est,  au  contraire,  si  étran- 
«  gement  négligée  que  l'Egypte,  loin  de  satisfaire  à  ses 
«  propres  besoins,  n'a  pas  payé  à  l'étranger,  en  1909,  moins 
«  de  L.  E.  64.040  pour  ces  articles  de  consommation, 
«  de  L.  E.  78.069  pour  les  pommes  de  terre,  et  de 
«  L.  E.  43.226  pour  les  conserves  alimentaires  végétales  ^  » 

De  son  côté,  M.  Léopold  JuUien  montre  les  précieuses 
ressources  que  le  cultivateur  égyptien  peut  trouver  dans 
la  production  des  fruits  et  des  légumes  : 

«  La  culture  arbustive,  dit-il,  peut  être  largement  dé- 
«  veloppée  :  les  provinces  de  Galioubieh  et  Menoufieh,  le 
«  Sud  de  la  Gharbieh,  l'Est  Béhéra  et  l'Ouest  Gharkieh 
«  et  Dakahlieh  offrent  plus  de  500.000  feddans  où  l'on 
«  peut  produire  en  grand  l'orange,  la  mandarine,  le  citron, 
«  la  mangue,  l'abricot,  la  pêche,  le  raisin,  etc.  Sur  le 
«  reste  du  territoire,  le  bananier,  le  dattier,  le  figuier,  le 
«  néflier  peuvent  conquérir  une  large  place.  Tous  ces  fruits, 
«  convenablement  traités,  peuvent  faire  l'objet  d'une 
«  exportation  intéressante  vers  les  marchés  européens. 

«  La  culture  maraîchère  est  également  susceptible  d'une 
«  très  large  extension  ;  citons  l'oignon,  la  tomate,  la 
«  pomme  de  terre,  l'artichaut,  le  chou  de  Bruxelles,  leme- 

1.  p.  Arminjon,  La  Situation  économique  et  financière  de  l'Egypte,  p.  624, 


—  229  -^ 

«  Ion,  le  cornichon.  Tous  ces  produits,  convenablement  for- 
«■  ces,  pourraient  se  vendre  avantageusement  en  Europe  i.  » 

L'exportation  des  légumes  représente  environ  1  ou  2  0/0 
de  l'exportation  totale,  et  celle  des  fruits  est  insignifiante. 

Il  semble,  d'autre  part,  que,  dans  un  pays  si  essentiel- 
lement agricole,  où  la  propriété  est  si  morcelée,  les  menus 
produits  de  ferme  (beurre,  volaille,  œufs,  lapins,  etc.) 
■devraient  donner  un  revenu  énorme.  Il  n'en  est  rien. 

Cependant,  l'exemple  du  Danemark  est  là  pour  dé- 
montrer qu'une  exploitation  agricole  bien  entendue  et 
bien  soutenue  peut  donner,  avec  des  systèmes  communs, 
des  résultats  satisfaisants  à  tous  égards.  Avec  ses  2.739.826 
hectares  de  terres  cultivées  et  ses  977.808  ouvriers  agri- 
coles, ce  petit  pays  tient  non  seulement  le  record  du  ren- 
dement du  blé  avec  ses  27,81  quintaux  à  l'hectare  (Voir 
le  tableau  XIX  et  les  graphiques  des  planches  XIV  et 
XV),  mais  encore  il  importe  annuellement  en  Angleterre 
pour  plus  de  £  18.000.000  de  beurre,  œufs  et  petit- salé. 
De  ces  trois  chefs,  ses  exportations,  en  1908,  ont  été  de  : 

Beurre £        10.984.721 

Œufs —         1.824.273 

Petit-Salé —        5.685.526 

Total £        18.494.520 

Or  l'exportation  égyptienne  des  produits  de  ce  genre 
se  réduit  à  celle  des  œufs,  qui  ne  figure  que  pour 
L.  E.  126.572  dans   les   chiffres   du  commerce  de  1909, 

1.  L'Egypte  sans  le  coton  (Bulletin  de  l'Union  des  Agriculteurs   d'Egypte 
mars  1912,  p.  55). 


—  230  — 

et    pour    L.    E.    111.581     dans    les  chiffres  de   1910, 

A  quoi  faut-il  attribuer  cet  état  d'infériorité  ?  Sans 
doute,  pour  la  majeure  part,  à  l'ignorance,  à  l'insou- 
ciance, à  l'incurie  du  fellah  et  à  l'absence,  dans  les  cam- 
pagnes, de  toute  organisation  coopérative  ;  mais,  nous 
l'avons  dit  plus  haut,  le  Gouvernement  s'occupe  de  ré- 
pandre l'instruction,  de  favoriser  les  institutions  coopé- 
ratives ;  on  peut  prévoir  dès  lors  que,  dans  un  avenir 
assez  prochain,  les  fruits,  les  légumes,  les  menus  produits 
de  ferme  viendront  augmenter,  dans  une  mesure  considé- 
rable, les  revenus  du  sol  égyptien. 

D'autres  produits,  au  premier  rang  desquels  on  peut 
placer  le  tabac,  dont  la  culture  n'est  pas  aujourd'hui  auto- 
risée, pourront  très  sérieusement  les  augmenter  encore. 
Si,  comme  le  constate  M.  Léopold  Jullien,  toutes  les  terres 
d'Egypte  ne  sont  pas  aptes  à  produire  un  tabac  apprécié, 
il  y  a  au  moins  100.000  feddans  de  terres  alluviales  propres- 
à  donner  un  produit  rémunérateur  ;  et,  parmi  les  autres- 
cultures,  qui  semblent  devoir  réussir,  apparaissent  la  soja, 
le  tournesol,  le  ricin,  la  ramie,  l'agave,  le  safran,  etc. 

Le  prêteur  hypothécaire  peut  donc  s'affranchir  de  toute 
inquiétude,  car,  dans  le  cas,  absolument  invraisemblable, 
où  la  culture  du  coton  cesserait  d'être  rémunératrice,  la 
terre,  au  point  de  vue  de  la  valeur  du  gage,  présenterait 
encore  toutes  les  garanties  désirables. 

Des  considérations  exposées  dans  ce  chapitre,  aussi 
bien  que  dans  les  chapitres  précédents,  résultent  les  con- 
clusions suivantes  : 


—  231  — 

ïo  La  valeur  de  la  terre  égyptienne  repose  intrinsè- 
quement sur  des  bases  permanentes  et  inébranlables  : 
nature  particulière  du  sol,  clémence  et  uniformité  du 
climat,  action  fertilisante  du  Nil,  densité  de  la  popu- 
lation avec,  pour  conséquence,  l'abondance  et  le  bon 
marché  de  la  main-d'œuvre. 

2°  Cette  valeur  s'augmentera  encore  grâce  à  l'accrois- 
sement continu  de  la  population,  au  morcellement  de 
plus  en  plus  accentué  de  la  propriété,  aux  grands  travaux 
en  cours  d'exécution  ou  en  projet  (exhaussement  de  bar- 
rages déjà  existants,  et  création  de  nouveaux  barrages, 
canaux,  routes,  chemins  de  fer),  à  l'amélioration  des  terres 
actuellement  cultivées,  au  perfectionnement  des  méthodes 
de  culture  qui,  en  bien  des  endroits,  sont  encore  en  enfance. 

S^  L'extension  de  la  culture  cotonnière,  en  Egypte,  ne 
saurait  entraîner  l'avilissement  du  prix  du  coton  égyptien, 
et,  par  suite,  de  la  valeur  de  la  terre. 

40  Si  le  coton  a  été  jusqu'à  présent  et  promet  d'être 
longtemps  encore  le  facteur  principal  de  la  richesse  du 
pays,  il  ne  s'ensuit  pas  que  la  prospérité  de  l'Egypte  soit 
nécessairement  subordonnée  à  sa  culture. 

Dans  l'hypothèse,  d'ailleurs  inadmissible,  où,  pour 
une  cause  quelconque,  cette  culture  viendrait  à  dispa- 
raître momentanément  ou  définitivement,  on  pourrait  Lui 
substituer  d'autres  cultures  également  rémunératrices. 

Donc  la  valeur  de  la  terre  égyptienne,  loin  de  diminuer, 
ne  fera  que  s'augmenter,  de  telle  sorte  que  le  gage  hypothé- 
caire offrira  toujours  le  maximum  de  stabilité  et  de  sécurité. 


CHAPITRE  XX 


EXPROPRIATION   POUR    DÉFAUT 
DE  PAIEMENT 


En  Egypte,  les  propriétés  expropriées  trouvent  facilement  des  acqué- 
reurs. —  Insignifiance,  dans  les  bilans  des  Sociétés  hypothécaires, 
du  chapitre  réservé  à  l'actif  immobilier  laissé  pour  compte  par  suite 
d'expropriations. 


Quand  on  a  sous  les  yeux  les  bilans  des  diverses  banques 
hypothécaires  qui  fonctionnent  en  Egypte,  on  est  frappé 
de  l'insignifiance  du  chapitre  réservé  à  l'actif  immobilier 
laissé  pour  compte  par  l'expropriation  de  débiteurs  insol- 
vables. 

Gomme  partout  ailleurs,  il  y  a,  en  Egypte,  des  débiteurs 
qui  contraignent  leurs  créanciers  à  les  exproprier  pour 
sauvegarder  leurs  avances  ;  la  seule  différence  —  et  elle 
est  capitale  —  c'est  que,  dans  ce  pays,  une  propriété 
expropriée  ne  reste  pas  longtemps  entre  les  mains  de 
l'expropriateur. 

Nous  avons  constaté  plus  haut  l'attachement  passionné 
du  fellah  au  sol  ;  nous  avons  dit  comment  il  emploie  exclu- 


—  233  — 

sivement  son  argent  en  achats  de  terres  et  en  améliora- 
tions foncières  générales  et  quel  revenu  exceptionnel- 
lement rémunérateur  il  en  retire.  Il  est  donc  facile  de  com- 
prendre que,  lorsqu'un  ou  plusieurs  lots  de  terrains  sont 
mis  en  vente,  ils  trouvent  aussitôt  acquéreurs  ;  on  peut 
même  ajouter  qu'en  raison  des  nombreuses  compétitions 
il  se  produit  le  plus  souvent  des  surenchères  sen- 
sibles. 

On  conçoit,  dès  lors,  que  les  Sociétés  hypothécaires 
n'aient  eu  à  faire  figurer  à  l'actif  de  leurs  bilans,  par  suite 
d'expropriation,  que  des  immobilisations  d'une  très  faible 
importance. 

En  dehors  des  raisons  toutes  particulières  qui,  en  ce 
pays,  concourent  au  maintien  et  à  l'augmentation  de  la 
valeur  des  terres,  c'est-à-dire  de  la  valeur  du  gage,  il  ne 
faut  pas  perdre  de  vue  ce  point  capital  que  les  Sociétés 
hypothécaires  n'avancent  pas  plus  de  40  à  50  0/0  de  la 
valeur  des  immeubles  et  que  leurs  risques  diminuent 
d'année  en  année  du  fait  des  amortissements. 

Si  l'on  considère  que  les  Banques  hypothécaires  euro- 
péennes, moins  heureuses,  ont  été  réduites  à  devenir  pro- 
priétaires d'immeubles  en  nombre  si  considérable  qu'elles 
ont  dû  créer,  dans  leurs  Administrations,  de  dispendieux 
services  uniquement  préposés  à  la  gérance  de  ces  im- 
meubles, le  contraste  entre  les  Établissements  fonciers 
d'Egypte  et  ceux  d'Europe  n'apparaît- il  pas  d'une  ma- 
nière saisissante  ? 

En  Egypte,  comme  nous  l'avons  vu,  il  n'y  a  pas  à  redou- 


—  234  — 

ter  une  diminution  de  la  valeur  du  sol.  Il  ne  faut  pas  en 
conclure,  néanmoins,  que  toutes  les  terres  expropriées  se 
vendent  avec  bénéfice  :  ce  serait  excessif  et  inexact.  Si 
un  prêteur  prudent  n'avance  jamais  plus  de  50  à  60  0/0 
de  la  valeur  de  la  propriété,  tous  ne  suivent  pas  cette 
règle  et,  lorsqu'il  y  a  perte,  on  peut  affirmer  de  la  façon  la 
plus  formelle  que  l'affaire  a  été  mal  engagée  dès  le  début 
et  que  l'on  a  dépassé  les  limites  de  la  prudence  même  la 
plus  élémentaire. 


CONCLUSION 

Nous  voici  arrivé  au  terme  de  cette  Étude.  Quelles 
conclusions  convient- il  d'en  dégager  ? 

La  nature,  nous  l'avons  vu,  s'est  plu  à  combler  de  ses 
dons  cette  terre  d'Egypte  dont  la  prodigieuse  fertilité 
est,  depuis  des  siècles,  devenue  légendaire.  Par  un  phéno- 
mène dont  nous  avons  examiné  les  causes,  le  sol  égyptien, 
sous  la  double  action  d'une  eau  abondante  et  d'un  climat 
sans  égal,  renouvelle  sans  cesse  de  lui-même,  et  pour  ains 
dire  automatiquement,  les  éléments  de  sa  perpétuelle 
fécondité,  et  ce  sol,  cultivé  par  une  race,  à  coup  sûr  igno- 
rante, imprévoyante,  livrée  à  l'esprit  de  routine,  mais 
forte,  sobre,  endurante,  laborieuse,  passionnément  atta- 
chée à  la  terre,  donne  jusqu'à  deux  ou  trois  récoltes  an- 
nuelles et  produit  ce  coton  sans  rival,  source  principale 
de  la  richesse  du  pays. 

Mais,  pour  mettre  sérieusement  en  œuvre  ces  puissants 
éléments  de  prospérité,  il  fallait  un  Gouvernement  ca- 
pable de  faire  régner  partout  l'ordre,  la  justice,  la  sécurité, 
de  rétablir  et  de  maintenir  les  finances  publiques,  d'ins- 
pirer confiance  aux  capitaux  étrangers  et  aux  vastes 
entreprises,  de  favoriser  l'action  de  la  nature  par  un  en- 
semble de  travaux  publics,  de  faire  enfin  jaillir  de  ce  sol 


—  236  — 

privilégié  les  trésors  enfermés  dans  ses  entrailles.  Ce  Gou- 
vernement, l'occupation  anglaise  est  venue  le  donner  à 
l'Egypte. 

De  quel  développement  est  susceptible,  aux  mains  des 
Anglais,  la  fortune  du  pays  égyptien,  nos  statistiques  sont 
là  pour  en  donner  une  première  indication  et  permettre 
de  prévoir  les  résultats  de  l'avenir. 

Si  grande  qu'elle  soit  à  cette  heure,  elle  est  bien  loin 
d'avoir  atteint  à  son  apogée.  Les  nouveaux  travaux  en 
cours  d'exécution  ou  en  projet  étendront,  dans  de  vastes 
proportions,  le  domaine  des  terres  cultivables,  tout  en 
permettant  aux  propriétaires  de  transformer  des  terrains 
de  peu  de  valeur  en  des  terres  de  première  qualité  ;  le 
morcellement  de  la  propriété,  qui  s'accentue  chaque  jour 
grâce  à  l'augmentation  de  la  population,  aura  pour  iné- 
vitable conséquence  une  exploitation  plus  attentive,  plus 
soigneuse  et  plus  intensive  de  la  terre  ;  le  relèvement  du 
niveau  intellectuel  du  fellah,  par  la  diffusion  des  éléments 
d'instruction,  le  disposera  à  l'emploi  de  méthodes  de  cul- 
ture perfectionnées.  Tout  cela  contribuera  à  augmenter, 
c'est-à-dire  à  doubler  ou  tripler  la  production  agricole,  et, 
par  suite,  à  assurer  au  pays,  dans  un  avenir  prochain,  une 
prospérité  sans  égale  ;  cette  prospérité  sera  favorisée 
encore  par  la  diminution  de  plus  en  plus  accentuée  de  la 
Dette  de  l'État,  par  l'absence  de  ces  dépenses  militaires 
et  navales  qui  écrasent  les  nations  européennes,  par 
une  situation  politique  qui  met  l'Egypte  à  l'abri  des 
crises   sociales,    des    guerres  étrangères    ou  intérieures. 


—  237  — 

Un  instant,  à  des  esprits  mal  renseignés  ou  superficiels 
la  fortune  de  l'Egypte  put,  en  ces  dernières  années,  pa- 
raître quelque  peu  compromise,  mais  ce  ne  fut  qu'une 
fausse  apparence.  La  crise  de  1907  a  été,  nous  l'avons 
expliqué,  une  simple  crise  de  spéculation  qui  ne  pouvait 
atteindre  et  n'a  pas  atteint  les  couches  profondes,  les 
forces  vives  du  pays.  L'orage  passé,  on  s'aperçut  qu'il 
n'avait  laissé  de  ruines  que  parmi  les  spéculateurs  des 
grands  centres  et  qu'en  somme  il  avait  assaini  le  terrain 
des  affaires  ;  depuis,  l'Egypte  poursuit  tranquillement 
le  cours  de  ses  heureuses  destinées. 

Est-ce  à  dire  qu'il  n'y  ait  pas,  aujourd'hui  encore, 
quelques  ombres  au  tableau  de  sa  prospérité  ?  Nous  gardant 
d'un  optimisme  systématique,  aussi  bien  que  d'un  pessi- 
misme exagéré,  nous  avons  constaté  qu'en  Egypte  comme 
partout  ailleurs  il  y  avait  des  maux  à  conjurer  ou  à  guérir, 
et  que,  à  côté  des  progrès  réalisés,  il  en  restait  beaucoup 
à  accomplir  ;  mais  aussi  nous  avons  montré  que  ces 
maux  étaient  guérissables,  que  ces  progrès  étaient  en 
bonne  voie  d'accomplissement,  et  qu'on  pouvait  compter 
sur  la  ferme  volonté  des  pouvoirs  publics,  — volonté  déjà 
traduite  par  des  actes  nombreux,  —  pour  assurer  toutes 
les  réformes  nécessaires  au  plein  développement  de  la 
prospérité  nationale. 

Résolu  à  faire  avant  tout  œuvre  de  parfaite  sincérité, 
nous  n'avons  voulu  dissimuler  aucune  difîîculté,  ni  laisser 
dans  l'ombre  aucune  objection,  nous  attachant  à  mettre 
toutes  choses  au  point,  à  dissiper  toutes  les  ignorances,  à 


—  238  — 

détruire  tous  les  préjugés  touchant  la  situation  politique 
et  économique  du  pays. 

Ce  travail  nous  a  été  tout  particulièrement  inspiré  par 
le  souci  des  intérêts  français,  car  c'est  surtout  l'épargne 
française  qui  alimente  la  richesse  agricole  de  l'Egypte. 
Les  capitalistes  français,  il  faut  qu'on  le  sache,  sont 
les  créanciers  de  la  presque  totalité  de  la  dette  hypo- 
thécaire égyptienne.  Or,  de  l'examen  des  diverses  ques- 
tions traitées  par  nous,  il  ressort,  avec  la  dernière  évi- 
dence, la  confirmation  de  ce  fait  que,  si  les  placements 
hypothécaires  sont,  en  général,  les  plus  sûrs,  l'Egypte  est 
de  tous  les  pays  du  monde  celui  qui,  pour  ces  opérations, 
offre  la  plus  grande  somme  de  garanties. 

La  fertilité  proverbiale  de  son  sol,  son  admirable  si- 
tuation géographique,  politique  et  économique,  l'unifor- 
mité et  la  douceur  de  son  climat,  l'importance  et  la 
valeur  de  ses  produits  agricoles,  l'extrême  faveur  dont 
jouit  son  coton  sur  tous  les  marchés,  le  caractère  de  ses 
habitants,  l'exiguïté  de  son  territoire  cultivable  par 
rapport  à  l'accroissement  constant  de  sa  population,  tout 
concourt  à  faire  de  l'Egypte  un  champ  d'opérations 
«nique  pour  les  placements  hypothécaires. 


TABLE    DES    PLANCHES 


I.  —  Carte  générale  de  l'Egypte 3 

n.  —  Carte  du  Nil 7 

in. — Agriculture    égyptienne.    État    d'exploitation    des 

terres 33 

IV.  —  Agriculture  égyptienne.  Résultats  de  l'exploitation 
des  terres  par  périodes  de  deux  ans.  Revenus 
comparatifs  du  sol  suivant  les  cultures  exploitées 

dans  la  période  considérée 35 

V.  —  Coton  égyptien  exporté  en  1910  (pays  importa- 
teurs de  coton  égyptien) 41 

VI.  —  Finances    égyptiennes.    Mouvement    des    revenus 

publics 73 

VII.  —  Résultats    généraux    du    commerce    extérieur    de 

l'Egypte  de  1884  à  1910 81 

VIII. — Augmentation  de  la  superficie  plantée  en  coton  et 
de    la   superficie    des    cultures    de    1893-1894   à 

1908-1909 105 

IX.  —  Agriculture  égyptienne  (saison  1908-1909).  —  Répar- 
tition des  cultures  et  des  terres 109 

X.  —  Exploitation  de  la  culture  cotonnière.  Mouvements 
comparatifs  du  rendement  du  feddan,  du  prix  du 
kantar  et  du  revenu  au  feddan  de  1896-1897  à 

1910-1911 127 

XL  —  Agriculture  égyptienne.  Les  récoltes  et  leur  valeur 

nette  (saison   1909-1910) 181 

XII.  —  Engagements    hypothécaires.    Extraits    des   bilans 
des    Sociétés    par   actions.    Prêts    hypothécaires 

et  ventes  à  terme 197 

14 


—  240  — 

XIII.  —  Dette    hypothécaire.    Rapport   de    la   dette    hypo- 

thécaire de  quelques  États  à  leur  fortune  immo- 
bilière      199 

XIV.  —  Superficies  comparées  des  territoires  habités  et  des 

terres  cultivées 207 

XV.  —  Populations    comparées    et    rendement    du    blé    à 

l'hectare 215 

XVI.  —  Production  et  consommation  mondiales  du  coton. 
Moyennes    comparatives    des    pays    producteurs 

pour  la  période  1903-1910 219 

XVII.  —  Exploitation  de  la  culture  cotonnière.  Mouvements 
comparatifs  des  superficies  cultivées,  des  récoltes 
et  de  leurs  résultats  financiers  de  1895-1896  à 
1910-1911 225 


TABLE     DES     MATIERES 


Introduction 


CHAPITRE  PREMIER 

Définition  géographique  et  économique  de  l'Egypte.  —  Le  Nil,  ses 
origines,  sa  formation.  —  La  crue  ;  ses  causes.  —  Régime  hydro- 
graphique du  Nil.  —  Formation  de  la  vallée  du  Nil.  —  Consti- 
tution du  sol  ;  sa  fécondité.  —  Travaux  hydrauliques 9 

CHAPITRE  II 
Climat. 

Conditions  climatériques.  —  Les  saisons  ;  leur  régularité.  —  La 
température  ;  ses  moyennes.  —  Le  Khamsin.  —  Los  trois  facteurs 
essentiels  de  la  prospérité  agricole 20 

CHAPITRE  III 
Produits  du  sol. 

Les  saisons  agricoles.  —  Terres  soumises  au  régime  de  l'irrigation 
pérenne.  —  État  de  leur  exploitation  et  résultats  de  cette 
exploitation  par  termes  de  deux  ans.  —  Combinaisons  culturales  ; 
leurs  revenus  comparatifs 25 

CHAPITRE  IV 
Le  Coton. 

Son  introduction  en  Egypte  (1820).  —  Son  acclimatation.  —  Il  est 
le  premier  produit  du  genre.  —  Rendements  comparés  de 
l'Egypte  et  de  l'Amérique.  —  Qualités  spéciales  du  coton  égyptien; 
sa  prime  sur  le  coton  américain.  —  Ses  emplois.  —  Son  con- 
current [Sea  Island)  très  négligeable 37 


—  242  — 

CHAPITRE  V 

Le  Fellah. 

Ses  qualités  et  ses  défauts.  —  Son  amour  de  la  terre.  —  Comment 
il  place  son  argent.  —  Augmentation  de  la  petite  propriété.  — 
Mesures  prises  pour  élever  le  niveau  intellectuel  du  Fellah,  amé- 
liorer son  état  moral  et  mettre  en  œuvre  toute  son  énergie 43 

CHAPITRE  VI 
Territoire  et  Population. 

Étendue  totale  de  la  vallée  du  Nil.  —  Terres  cultivées  et  incultes. 

—  Densité  et  augmentation  constante  de  la  population.  —  Com- 
position de  la  population  rurale  et  urbaine.  —  Répartition  du 

sol.  —  Nombre  élevé  des  petits  propriétaires 53 

CHAPITRE  VII 
État  Politique. 

Suzeraineté  de  la  Turquie.  —  Statut  international.  —  Corps  élus. 

—  Divisions    administratives.    —    Bienfaits    de    l'occupation 
anglaise 61 

CHAPITRE  VIII 
Finances. 

Revenus  publics.  —  Augmentation  continue  des  excédents  de 
recettes   64 

CHAPITRE  IX 
Impôts. 

Leur  nature.  —  Impôt  par  tête  d'habitant.  —  Sa  diminution 
constante.  —  Causes  de  cette  diminution 69 

CHAPITRE  X 
Etat  judiciaire. 

Juridiction  mixte.  —  La  raison  de  son  institution.  —  Son  orga- 
nisation. —  Législation 75 


—  243  — 

CHAPITRE  XI 

État  économique.  —   Commerce  extérieur. 

Balance  du  commerce  extérieur,  —  Progression  continue  des 
importations  et  des  exportations.  — ■  Majoration  à  apporter  dans 
la  valeur  des  exportations  par  suite  des  sous-estimations  de 
la  douane 77 

CHAPITRE  XII 

La  Crise  égyptienne. 

Ses  causes  psychologiques  et  économiques.  —  Spéculation  effrénée 
sur  les  terrains  ruraux  et  urbains.  —  Afflux  énorme  des  capitaux 
étrangers  depuis  l'accord  franco-anglais  de  1904. —  Abus  de 
crédit.  —  Conséquences  de  la  crise.  —  Les  richesses  naturelles 
du  pays  sont  restées  indemnes.  —  Les  dernières  faillites  ;  opinion 
du  Conseiller  financier 87 

CHAPITRE  XIII 

Monoculture. 

Pourquoi  on  a  parlé  de  monoculture,  —  Statistique  comparative 
des  superficies  occupées  par  les  différentes  cultures  ;  le  coton 
vient  en  deuxième  rang  après  le  maïs  et  n'entre  dans  l'ensemble 
des  cultures  que  pour  20,83  0/0.  —  Différence  existant  entre 
les  pays  à  vignobles,  comme  la  France,  si  terriblement  éprouvée 
par  le  phylloxéra,  et  l'Egypte  cotonnière 98 

CHAPITRE  XIV 

Diminution  dans  le  rendement  du  coton. 

Il  a  diminué  de  20,30  0/0  à  l'hectare.  —  Commentaires  erronés  de 
M.  Paul  Deschanel  et  réfutation  par  la  Chambre  de  Commerce 
française  d'Alexandrie.  —  Causes  principales  de  la  diminution  : 
l'excès  d'humidité  du  sol  ;  les  parasites.  —  Autres  causes  : 
dégénérescence  de  la  graine  ;  insuffisance  des  engrais 111 


_  244  — 

CHAPITRE  XV 

Réformes  et  Remèdes. 

Contre  l'humidité  du  sol  :  extension  et  perfectionnement  du 
drainage.  —  Contre  l'abus  des  irrigations  :  meilleur  emploi  des 
eaux  d'arrosage.  —  Contre  les  parasites  :  application  métho- 
dique des  lois,  décrets  et  arrêtés  relatifs  à  leur  destruction.  — 
Résultats  déjà  obtenus.  —  Contre  l'impureté  des  graines  : 
sélection  des  graines  ;  extirpation  des  variétés  de  cotonniers 
inférieures  et  recherche  de  variétés  perfectionnées.  —  Réformes 
morales  :  amélioration  de  la  condition  sociale  du  fellah  par 
la  diffusion  des  éléments  d'éducation.  —  Création  d'écoles 
d'agriculture.  —  Station  agronomique  au  Caire.  —  Fermes  expé- 
rimentales. —  Comité  supérieur  de  l'Agriculture.  —  Associations 
agricoles  de  prévoyance,  de  production,  de  consommation, 
d'assistance.  —  Banques  mutuelles  de  crédit 129 

CHAPITRE  XVI 

La   Stabilité   politique. 

L'Angleterre  abandonnera-t-elle  l'Egypte  ?  —  Elle  ne  l'aban- 
donnera pas  de  son  plein  gré,  et  son  expulsion,  soit  par  une 
révolution  intérieure,  soit  par  l'intervention  d'une  ou  plusieurs 
puissances  européennes,  n'est  pas  à  craindre.  —  Mais,  si  elle 
évacuait  l'Egypte,  l'Europe  ne  manquerait  pas  d'intervenir 
pour  le  maintien  de  ses  garanties  et  la  sauvegarde  de  ses 
intérêts.  —  La  dette  de  l'Egypte  envers  l'Europe  est  trop 
élevée  pour  que  l'Europe  s'en  désintéresse.  —  En  cas  d'indé- 
pendance, ou  l'Egypte  sera  à  la  hauteur  de  sa  tâche,  ou  elle 
retombera  sous  le  contrôle  des  puissances  européennes.  —  Rien  ne 
sera  changé.  Opinion  de  lord  Gromer 147 

CHAPITRE  XVII 

Fortune  immobilière  de  l'Egypte. 

Évaluation  de  la  propriété  rurale  d'après  l'impôt  foncier,  la  valeur 
locative  et  le  revenu  des  terres.  —  Évaluation  de  la  propriété 
urbaine  au  moyen  de  la  capitalisation  du  revenu  des  loyers, 
accusé  par  l'impôt.  —  Valeur  totale  de  la  fortune  immobilière, 
déduction  faite  de  l'impôt  capitalisé  et  des  wakfs  (biens  de  main- 
morte) publics,  khédiviaux  et  privés 155 


—  245  — 

CHAPITRE  XVIII 

Dette  hypothécaire  de  l'Egypte. 
Son  rapport  avec  la  valeur  de  la  propriété. 

Prêts  hypothécaires  :  engagements  par  prêts  sur  la  propriété 
et  engagements  par  privilège  du  vendeur  sur  les  ventes  à  terme. 

—  Évaluation  de  la  dette  hypothécaire  égyptienne.  —  Son 
rapport  avec  la  fortune  immobilière  de  l'Egypte,  —  Sa  com- 
paraison avec  celles  des  autres  pays.  —  Raisons  pour  lesquelles 
l'écart  entre  la  valeur  de  la  fortune  immobilière  et  celle  de  la 
dette  hypothécaire  s'augmentera  encore 183 

CHAPITRE  XIX 
Stabilité  et  augmentation  de  la  valeur  du  gage. 

Augmentation  de  la  valeur  de  la  propriété,  assurée  par  l'accrois- 
sement continu  de  la  population,  de  la  productivité  du  sol, 
de  la  valeur  vénale  de  ses  produits,  notamment  du  coton.  — 
Résultats  à  attendre  de  la  culture  intensive.  —  Raisons  pour 
lesquelles  il  n'y  a  pas  lieu  de  craindre  l'avilissement  du  prix 
du  coton  mais  de  prévoir,  au  contraire,  sa  plus-value  constante, 

—  La  fortune  de  l'Egypte  n'est  pas  liée,  d'ailleurs,  à  la  seule 
culture  cotonnière.  En  cas  d'abandon  de  cette  culture,  facilité 
de  lui  en  substituer  d'autres  également  rémunératrices.  — 
Valeur  vénale  et  valeur  locative  de  la  terre  avec  ou  sans  la 
culture  du  cotonnier.  —  Conclusion  en  faveur  de  l'augmentation 
de  la  valeur  de  la  terre  et,  par  suite,  de  la  stabilité  et  de  la  sécurité 

du    gage    hypothécaire 201 

CHAPITRE  XX 
Expropriation  pour  défaut  de  paiement. 

En  Egypte,  les  propriétés  expropriées  trouvent  facilement 
des  acquéreurs.  —  Insignifiance,  dans  les  bilans  des  Sociétés 
hypothécaires,  du  chapitre  réservé  à  l'actif  immobilier  laissé 
pour  compte  par  suite   d'expropriations 232 

Conclusion    235 


V'e  PitiDovË.  —  tirav. -Imprimeur,  101,  rue  des  Boulets.  Paris  (XI*).