L'Egypte d'aujourd'hui
L'Egypte
d'aujourd'hui
SON AGRICULTURE
SON ÉTAT ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE
SES RESSOURCES FINANCIÈRES
SA FORTUNE IMMOBILIÈRE
ET SA DETTE HYPOTHÉCAIRE
le Comte CRESSATY
PARIS
LIBRAIRIE DES SCIENCES POLITIQUES ET SOCIALES
MARCEL RIVIÈRE ET C»e
31, RUE JACOB, ET 1, RUE S.UNT-BENOIT
1912
^
^
D
L / M
A
INTRODUCTION
L'importance considérable des capitaux français qui,
depuis quelques années, ont afflué en Egypte^, le vaste
mouvement d'affaires qui s'est manifesté dans cet admi-
rable pays, les discussions passionnées que la récente
crise égyptienne a provoquées et dont on peut, aujour-
d'hui encore, percevoir les échos d'ailleurs bien affai-
blis, les bruits tendancieux dus à des calculs intéressés
ou aux suggestions de l'ignorance, les inévitables défor-
mations que subissent trop souvent, dans les esprits,
les choses lointaines, tout cela nous a engagé à publier
cette Étude, qui, sous une forme très succincte mais
aussi complète que possible, est destinée à faire appa-
raître sous son véritable jour, dans son entière réalité, la
situation économique et financière de l'Egypte.
Dans ce travail, nous nous sommes attaché à ne rien
1. L'Egypte occupe le second rang, après la Russie, parmi les débiteurs
de notre épargne nationale; toutefois, il est bon de faire observer qu'en Russie
les capitaux français sont allés, en majeure partie, à des emprunts d'État,
tandis qu'en Egypte ils ont apporté principalement leur concours au déve-
loppement du commerce et de l'agriculture. A ce point de vue, l'Egypte occupe
le premier rang.
-- 6 —
laisser à la fantaisie ; nos renseignements, nous les avons
puisés à des sources d'une autorité indiscutable ; nos
chiffres, dont il est facile de contrôler l'exactitude, nous
les avons demandés aux statistiques officielles. A défaut
d'autres mérites, ces quelques pages ont du moins celui
d'une parfaite sincérité.
Nous serions heureux si elles pouvaient contribuer
à mieux faire connaître ce beau pays d'Egypte, à mettre en
pleine lumière ses ressources, sa prospérité présente et
celle qu'il est permis d'attendre d'un avenir prochain,
et à servir ainsi, dans une mesure appréciable, les inté-
rêts de l'influence et de l'épargne françaises sur la terre des
Pharaons.
Planche il
PREMIÈRE PARTIE
CHAPITRE PREMIER
Définition géographique et économique de l'Egypte. — Le Nil, ses origines,
sa formation. — La crue ; ses causes. — Régime hydrographique du
Nil. — Formation de la vallée du Nil.- — Constitution du sol ; sa
fécondité. — Travaux hydrauliques.
L'Egypte est un vaste territoire de 930.000 kilomètres
carrés presque entièrement désertique, borné, au nord,
par la mer Méditerranée; à l'est, par la Syrie, l'Arabie,
le golfe d' Akaba et la mer Rouge ; au sud, par le Soudan,
et à l'ouest, par le désert de Lybie. Les territoires égyp-
tiens d'Asie comprennent la péninsule du Sinaï et le gou-
vernement d'El-Ariche^.
Cette définition, exacte pour le géographe, ne l'est pas
pour l'économiste qui ne considère que les terres habitées
et susceptibles de produire. Pour lui, l'Egypte se réduit à
1. Statistical Year Book of Egypt (1909). Introduction. (Voir planche I.)
— 10 —
la vallée du Nil et compte seulement 33.595 kilomètres
carrés ; « étroite bande de terre d'alluvion, longue comme
la tige filiforme d'une plante que couronnerait la fleur à
demi épanouie du Delta, elle n'est que le lit et l'estuaire
du Nili ».
«L'Egypte moderne mesure environ 1.000 milles
d'Alexandrie à Ouadi-Halfa. Sa largeur, de Port-Saïd à
Alexandrie, est d'environ 200 milles. Le sommet du Delta
du Nil se trouve un peu au nord du Caire. Au sud de ce
point, le pays habitable se rétrécit rapidement et se trouve
par endroits réduit à quelques mètres sur chaque rive du
fleuve 2 ».
On sait le rôle du Nil en Egypte et, depuis longtemps,
il est devenu banal d'en vanter les bienfaits. Il est
difficile, cependant, de n'en point parler si l'on veut
mettre en lumière les ressources exceptionnelles de
cette merveilleuse contrée qui doit tout au fleuve qui la
vivifie,
Jusqu'en ces derniers temps, les sources du Nil étaient
entourées d'un impénétrable mystère. Les anciens Égyp-
tiens ne pouvant concevoir, à la fois, la sécheresse presque
absolue de leur climat et le débit formidable du fleuve
en temps de crue, lui avaient assigné le ciel pour origine.
Cette opinion nous est révélée par leurs bas-reliefs et
leurs papyrus.
Aujourd'hui, ce mystère est presque entièrement
1. p. Arminjon, La Situation économique de l'Egypte (1911), p. 2.
2. Lord Cromer, Modem Egypt, II, p. 126.
— 11 —
dissipé, et, sauf une région restreinte mal connue encore,
tout le bassin du Nil a été exploré. Sa surface est éva-
luée à 2 millions 803.000 kilomètres carrés, la longueur
du fleuve à 5.592 kilomètres, depuis la chute du Ripou,
au sortir du lac Victoria- Nyanza, jusqu'à la Méditerra-
née, à l'embouchure de la branche de Rosette {planche II).
Avant les hardis voyageurs Livingstone et Stanley, on
savait qu'à la hauteur de Khartoum, capitale du Soudan
égyptien, le Nil se partage en deux branches : le Nil Blanc,
venu des régions équatoriales, et le Nil Bleu, descendu des
hauteurs d'Abyssinie et apportant les crues habituelles.
On savait aussi qu'à 365 kilomètres, en aval de Khartoum,
se jette une rivière, l'Atbara, qui descend également
des monts abyssins.
Depuis, de nombreux explorateurs ont parcouru en
tous sens les pays traversés par le Nil ou par ses affluents ;
les résultats de leurs recherches ont été réunis par le capi-
taine Lyons, ex- directeur du Département égyptien de
l'Arpentage, dans un livre, The Physiography of the river
Nil and its basin, qui constitue une étude approfondie
du régime hydrographique, géologique et climatologique
de la région du Nil.
D'après cette étude, quatre régions, d'inégales alti-
tudes, fournissent le Nil d'eaux pluviales :
1° La région des lacs équatoriaux (situés à une altitude
de 1.300 à 1.500 mètres) ;
20 La crête séparative du bassin du Congo d'avec celui
du Bahr-el-Ghazal (d'une altitude de 800 à 900 mètres);
— 12 —
3*^ Le plateau d'Abyssinie, dont l'altitude dépasse 2.000
mètres ;
4° Le vaste territoire (d'une altitude inférieure à 500
mètres) qui s'étend de Gondokoro à la Méditerranée.
La cause efficiente de la crue du Nil, c'est, en réalité,
l'Atbara et surtout le Nil Bleu, qui, venus des hauts pla-
teaux d'Abyssinie, se changent, au moment des pluies,
en torrents redoutables, apportant alors au Nil Blanc,
qu'ils rencontrent à Khartoum, des flots tumultueux
chargés de limon fertilisant et provoquant ainsi ses débor-
dements.
Si le volume d'eau fourni par les affluents de la région
équatoriale est très régulier et peut être évalué à 500 mètres
cubes par seconde pour l'année entière, il n'en va pas de
même pour le débit des affluents abyssins qui est extrê-
mement variable et passe de 50 mètres cubes, en étiage,
de décembre à mai, à 15.000 mètres cubes, au plus fort
de la crue, entre juillet et octobre.
Tous ces éléments sont nettement définis et exac-
tement contrôlés : 41 nilomètres, posés par l'administra-
tion, le long du fleuve, mesurent son débit ; et les 223 sta-
tions météorologiques de la région du Nil et des régions
avoisinantes donnent de précieux renseignements sur
l'importance des pluies. D'ici peu, grâce à ces données,
le service de l'arpentage sera en mesure de prévoir, d'une
saison à l'autre, les principales circonstances des crues à
venir.
Tout cela montre que l'administration, justement
— 13 —
préoccupée de suivre les mouvements quotidiens du régime
hydrographique du fleuve, ne néghge aucun moyen
pour atteindre ce but.
Gomment le Nil s' est- il frayé un chemin jusqu'à la mer?
Les principaux géologues sont aujourd'hui d'accord pour
reconnaître que la vallée et le Delta sont l'œuvre du
fleuve lui-même qui, au temps où il traçait son cours,
creusa le bas plateau désertique qui constitue le sol
général de l'Egypte et fit de la vallée actuelle son lit, et
du Delta son estuaire. A ce sujet, l'introduction du Sta-
tistical Year Book of Egypt {1910), rédigée par la section de
l'arpentage, s'exprime ainsi : contrairement à l'opinion
qui attribue l'origine de la vallée à une dépression du
sol, de nombreux éléments permettent d'affirmer qu'il
faut y voir le résultat d'un travail d'érosion produit par
le cours du Nil.
Ce travail achevé, le fleuve, passant au régime de recons-
titution, s'est livré à un travail de comblement qui se
continue encore, mais sur une moins grande échelle que
par le passé.
Chaque année, notamment pendant la période de
la crue, ses eaux, chargées des débris provenant de
la trituration [des roches, arrachées aux sommets et
aux versants nord et ouest du plateau abyssin et broyées
par le courant, viennent recouvrir le sol de la vallée et
du Delta d'une couche uniforme de limon épaisse d'un
millimètre et dont le volume, d'après la surface des terres
qu'elle recouvre, représente 33 millions de mètres cubes.
— 14 —
Gomme la plupart des grands fleuves, le Nil contient
dans ses eaux, soit en dissolution, soit en suspension,
tous les éléments fertilisants du sol^, dont la compo-
sition ne diffère de celle du limon du fleuve que dans les
proportions des matières qui les constituent. Cette com-
position varie suivant les régions, d'après la position que
celles-ci occupent par rapport aux canaux d'alimenta-
tion, les plus voisines recevant les matières plus denses,
tandis que les plus éloignées recueillent le surplus par
ordre de densité et en proportion inverse de leur éloigne-
ment de ces canaux.
La composition du sol et de l'eau du Nil étant connue,
on comprend de quelles puissantes ressources alimentaires,
sans cesse renouvelées, disposent les plantes cultivées dans
le pays. Mais voici ce qui en fera mieux encore apprécier
1. Voici, à ce sujet, un tableau comparatif de la composition des eaux
du Nil et de celle du sol que nous extrayons de The Egyptian Agriculture,
ouvrage en deux volumes publié par le Ministère égyptien de l'Instruction
publique (t. I, p. 15) :
Matières en Bon sol Bon sol
suspension dans à Tantah à Matai
les eaux du Nil (Basse- (Haute-
Éléments, pendant la crue. Egypte). Pgypte).
Potasse 0,53 0,55 0,76
Soude 0,57 0,58 0,74
Chaux 3,07 3,38 4,47
Magnésie 2,68 2,88 2,89
Oxyde de manganèse 0,25 0,22 0,26
Oxyde de fer et d'alumine.. 25,56 23,36 24,39
Acide phosphorique 0,25 0,20 0,28
Acide carbonique . . 0,73 0,67 1,10
Chlore 0,00 0,09 0,10
Matières organiques 8,82 7,79 7,78
Matières insolubles et sables. 57,54 60,28 57,23
Azote 0,146 0,07 0,095
ÏÔÔ ÎÔÔ ^ÔÔ
— 15 —
l'importance. Depuis que le Nil est entré dans son stade
de réédification, — et cela remonte à plusieurs milliers
d'années, — ses apports annuels de limon ont fini par
former une couche dont l'épaisseur varie, en moyenne,
entre 15 et 25 mètres.
Enfin, pour comprendre comment cette couche couvre
la totalité du territoire habité, il faut se rappeler que,
dans la saison de la crue, les eaux débordant de leur
lit s'étendaient des deux côtés en une nappe immense
allant d'Assouan (extrême-sud) jusqu'à la Méditerranée
sur une longueur de 1.050 kilomètres. Il est vrai qu'avec
la conversion à l'irrigation pérenne des quatre cinquièmes
de cette étendue, — travail entrepris dans la première moi-
tié du siècle dernier et achevé tout récemment, — le régime
de l'inondation ne s'observe plus que dans les quatre pro-
vinces du Sud. Malgré cette conversion, le sol n'en con-
tinue pas moins à recevoir, dans sa totalité, la couche
habituelle qui, maintenant, lui est apportée par les canaux
d'irrigation.
De tout ce qui précède ressort avec évidence la confirma-
tion de cette vérité que l'Égyptedoit tout au Nil, ou, comme
l'a dit avec tant d'élégance le père des historiens : V Egypte
est un don du Nil. Après l'avoir arrachée au désert en
sapant graduellement sa surface jusqu'au niveau naturel
de la vallée, il l'a reconstituée des matériaux d'origine
volcanique qu'il enlève chaque année au plateau d'Abys-
sinie, ainsi que des débris organiques qu'il recueille sur
sa route, et l'a dotée de tous les éléments de la vie. Nul
— 16 —
autre facteur ne collabore avec lui à son entretien. Ce n'est
pas la pluie, rare en certaines régions, presque totalement
inconnue dans les autres, qui y contribue. Le Nil supplée
à tout, et dans quelle mesure ! Et avec quel avantage !
De même que c'est à lui qu'est due la formation de la
vallée et du Delta, c'est encore à lui qu'incombe le soin
de pourvoir à leur existence.
Il faut tenir compte aussi, en dehors de la fertilisation
du sol par le Nil, d'un phénomène unique au monde qui
assure à la terre d'Egypte son extraordinaire fécondité.
Un des étonnements qu'éprouve un nouveau venu en
Egypte, c'est d'y voir des récoltes obtenues sans labour
et sans engrais, récoltes dont les résultats ne le cèdent
ni en quantité ni en qualité à celles qui, dans les autres
parties du pays, sont l'objet des soins les plus attentifs.
Dans toute la partie de la H au te- Egypte encore soumise
au régime de l'irrigation par bassin, le labourage est
inconnu. Sitôt le retrait des eaux de crue qui y ont sé-
journé trois mois et demi, les semailles sont faites sans
le moindre labour.
L'explication de ce fait a été donnée dans de nom-
breuses publications. Voici ce qu'en dit M. J. Barois^ :
« Après que les eaux se sont retirées, la terre se dessèche
« peu à peu ; au bout de quelque temps, comme elle est
« très argileuse,, elle se rétracte, se fend, est bientôt
« coupée par des crevasses nombreuses et profondes qui
1. Les Irrigations en Egypte, p. 80.
— 17 —
« s'enfoncent dans le sol et se subdivisent en fissures de
« plus en plus minces ; pendant toute la saison du repos
« de la terre, le sol est ainsi préparé pour une aération
« parfaite ; l'oxygène et l'azote de l'air pénètrent dans
« les ramifications des crevasses et entrent en contact
« intime avec les particules terreuses dans toute l'épais-
« seur de la couche active du sol. Les eaux d'inondation,
« arrivant ensuite, emprisonnent cet air qui, se trouvant
« très divisé, est évidemment plus apte à être dissous
« facilement et à être transformé en produits qui seront
« ensuite assimilés par les racines des plantes. Cette
« aération si complète de la terre pendant la période de
« sécheresse des bassins permet de supprimer tout lahou-
« rage avant l'ensemencement qui suit immédiatement
« le retrait des eaux. »
« Le sol de l'Egypte, écrit de son côté Ghélu beyi,
« peut ainsi réaliser deux récoltes sans qu'il soit besoin de
« faire intervenir la charrue, condenser dans ses pores
« le maximum d'acide carbonique, d'oxygène, d'ozone
« et d'azote prêts à se transformer et à se combiner de
« façon à former des bicarbonates, de l'acide azotique,
« des sels ammoniacaux, etc.. Notons aussi que l'action
« capillaire, parfaite dans les conditions qui viennent
« d'être indiquées, intervient pour concentrer, à la por-
« tée des plantes, les matériaux nourrissants élaborés
« et lentement aspirés. »
1. Le Nil, le Soudan et l' Egypte, p. 204 et 205.
— 18 —
Nous avons ainsi en présence les éléments que voici :
dans l'atmosphère : de l'azote, de l'oxygène, de l'ozone,
de l'acide carbonique; dans la terre, de l'argile divisée, des
sels alcalins et de l'oxyde de fer, c'est-à-dire tous les
éléments d'une nitrière artificielle intensive.
Toutefois, pour que le Nil accomplisse au mieux sa
fonction, l'aide des hommes est indispensable, sinon ses
débordements causeraient parfois des désastres. II a fallu
élever des digues, creuser des canaux, établir des réser-
voirs artificiels et combiner des systèmes d'irrigation.
Pour répondre aux besoins sans cesse grandissants du
pays, le fleuve a été aménagé selon les procédés les plus
perfectionnés de l'hydraulique. Ses eaux, toujours char-
gées des mêmes éléments et à peu près dans les mêmes
proportions, vont répandre la fécondité sur la totahté
du territoire habité qu'elles desservent. Un réservoir,
le plus vaste du genre, qui emmagasine un milliard de
mètres cubes d'eau et doit prochainement être en état
d'en recevoir / milliard SOO millions de plus, ce qui por-
tera sa capacité à '2 milliard SOO millions de mètres cubes,
pare aux insuffisances de son débit en temps d'étiage.
Quatre grands barrages {planche I), deux dans la Haute-
Egypte, à Assiout et à Esneh, et deux dans la Basse-
Egypte, ceux de Galioub et de Zifteh. régularisent le
niveau des distributions d'eau ; une multitude de canaux
de toutes sections et de toutes longueurs, depuis le canal
Ibrahimieh, long de 314 kilomètres, large de 40 mètres au
plafond, qui dessert, à la fois, trois provinces de la Haute-
— 19 —
Egypte, jusqu'à ceux qui ne font qu'un service local,
sillonnent le pays en tous sens.
Tout cet ensemble constitue un immense réseau qui
couvre le pays, lui fournissant toutes les ressources né-
cessaires aux irrigations, à l'alimentation et aux trans-
ports. A ce dernier point de vue, nous pouvons ajouter
que le développement des canaux navigables est actuel-
lement de 3.540 kilomètres, ce qui est considérable par
rapport à la surface restreinte du territoire habité.
Terminons en disant qu'un réseau de drains, qui se déve-
loppe de plus en plus, assure l'assainissement du sol
en recevant le trop-plein des eaux d'arrosage.
CHAPITRE II
CLIMAT
Conditions climatériques. — Les saisons; leur régularité. — La tempéra-
ture ; ses moyennes. — Le Khamsin. — Les trois facteurs essentiels
de la prospérité agricole.
Mais si, au point de vue de la richesse du sol et du
régime des eaux, l'Egypte est le pays le plus favorisé,
elle ne l'est pas moins au point de vue du climat.
Par sa situation géographique, l'Egypte appartient à la
zone chaude ; toutefois, par sa configuration générale,
elle jouit d'un climat qui n'a, croyons- nous, d'analogue
nulle part ailleurs. Bornée, au nord, par la Méditerranée, à
l'est, par la mer Rouge et le canal de Suez qui relie ces
deux mers, enfermée, d'autre part, entre les deux grands
déserts qui la bordent à l'est et à l'ouest, elle est, grâce
à cette situation, l'une des contrées qui offrent le moins
de variations climatériques. Non seulement les saisons y
— 21 —
sont d'une régularité presque absolue, mais il s'y rencontre
un état particulier qui en rend le séjour très supportable
même au mois de juillet, le plus chaud de l'année. Placée,
d'un côté, à la limite nord de la région parcourue par les
vents alizés 1, dont la bande, dans sa course au nord,
s'arrête à la hauteur d'Assiout, et, de l'autre, enfermée,
comme nous l'avons dit, entre deux immenses déserts
qui, la nuit, rayonnent avec intensité la chaleur reçue
pendant le jour, il s'établit, de ce double fait, àAssiout,
une zone de haute pression continue ayant pour effet
de refouler vers les régions équatoriales l'air sec et chaud
du désert, et de remplacer celui-ci par un apport d'air
frais venant de la Méditerranée.
Ainsi, malgré la chaleur parfois écrasante du jour, et
sauf dans les rares journées de Khamsin, où le phéno-
mène se produit à une heure plus avancée de la nuit,
aussitôt que le soleil est arrivé au bout de sa course, l'air
se rafraîchit par l'arrivée d'un courant continu de la
mer. Ce phénomène est tout l'opposé de celui qui se
produit partout au voisinage de celle-ci. Le jour, moins
échauffée que la terre sèche, la mer envoie une brise ra-
fraîchissante, tandis que, la nuit, c'est de la terre sèche
que souffle la brise. Grâce à cette particularité qui carac-
térise le climat de l'Egypte, il s'y produit, entre la tempé-
1. On sait que la bande des alizés, dont la largeur est d'environ 200 kilo-
mètres, suit le mouvement apparent du soleil d'un côté à l'autre de l'équateur,
passant avec lui au sud en hiver et remontant au nord en été. Dans sa course
au nord, la bande arrive jusqu'à Assiout, qui est à 270,11 de l'équateur, puis,
de là, retourne vers le sud avec le soleil.
— 22 —
rature la plus chaude et la température la plus froide, un
écart dépassant 15^ et, dans certaines régions même, 20^ en
vingt- quatre heures. A un autre point de vue, ainsi que
le fait remarquer fort justement l'Annuaire statistique de
V Egypte (1910), déjàcité, la prédominance du vent du Nord
constitue un facteur économique très important, en per-
mettant aux voiliers de remonter le fleuve pour aller au
Sud, tandis que son courant leur fait suivre le chemin
opposé pour revenir au Nord.
D'après les publications officielles i, les moyennes
de la température sont de 10° en hiver et de 30<^ en été,
sauf de faibles variations correspondant à la situation des
diverses régions. Au point de vue général, il est bien rare
que le thermomètre descende à 0° ou s'élève au-dessus
de 35»
D'autre part, le vent brûlant du désert, qui souffle
depuis le commencement du printemps jusqu'à la fm de
l'été sur les autres parties de l'Afrique du Nord et dont
les effets sont souvent désastreux pour l'agriculture de
ces contrées, est absolument inofîensif en Egypte ^ ;
outre qu'il y est beaucoup moins chaud, il ne se fait sentir
que durant une très courte période, de la seconde quin-
zaine d'avril à la première quinzaine de juin, soit pen-
1. Stalislical Year Book of Egypt (1909), p. 7.
2. Suivant une communication faite, le 11 avril dernier, à la Cairo Scien-
tific Society, par M. L. Balls, botaniste attaché au service de la Société khé-
diviale d'Agriculture, le Khamsin exercerait une influence heureuse sur le
développement du cotonnier, dont la croissance est beaucoup plus rapide
lorsque l'air est chaud et le soleil voilé. {Journal du Caire, 12 avril 1911).
— 23 —
dant une cinquantaine de jours, d'où son nom de Kham-
sin.
Son apparition n'a lieu, du reste, qu'à l'époque où,
comme l'indiquent nos tableaux, les cultures d'hiver sont
entrées dans la période de maturité, tandis que le cotonnier,
nouvellement semé, est encore dans la période de germi-
nation, ce qui, de part et d'autre, est sans conséquence
sur leur développement.
Ainsi donc, grâce à ces trois facteurs essentiels de la
prospérité agricole : la nature du sol, l'eau et la tempé-
rature, l'Egypte occupe incontestablement le premier
rang dans le monde.
« Dans aucun autre pays, écrit lord Cromer^, l'agri-
« culteur n'a moins à redouter les hasards et les troubles
« des saisons. Il est vrai que, si le Nil est extraordinaire-
« ment haut ou bas, le cultivateur est plus ou moins
« exposé aux dangers de l'inondation ou de la sécheresse.
« Mais il y a une énorme différence entre les risques de
« ce genre et ceux que court la culture dans les pays
« dépendant, pour leur approvisionnement d'eau, de la
« chute des pluies ; car, si aucune force humaine ne peut
« augmenter ou diminuer la quantité de pluie qui tombe
« des nuages, il est au pouvoir de l'homme de régler l'eau
« du Nil, comme de restreindre, sinon de conjurer, les
« dangers de l'insuffisance ou de l'excès d'eau. Dans ce
« pays extrêmement favorisé, la nature semble avoir
1. Modem Egypt, II, p. 456.
— 24 —
« dit à l'homme : « Je t'accorde les conditions les plus
« favorables pour cultiver le sol : un climat vivifiant, un
« approvisionnement d'eau assuré et un élément ferti-
« lisant naturel, qui, avec très peu d'effort de ta part,
« renouvelleront chaque année les puissances productives
« du sol ; c'est à toi de perfectionner à ton avantage les
« dons que je t'ai prodigués. »
CHAPITRE III
PRODUITS DU SOL
Les saisons agricoles. — Terres soumises au régime de l'irrigation pérenne.
— État de leur exploitation et résultats de cette exploitation par
termes de deux ans. — Combinaisons culturales ; leurs revenus compa-
ratifs.
Maintenant que nous avons exposé brièvement les con-
ditions physiques du milieu, passons à l'examen de sa
production agricole.
Dans les deux tableaux (I et II) ci- après nous avons
résumé, d'un côté, en mesures égyptiennes et, de
l'autre, en mesures françaises, les résultats de l'ex-
ploitation agricole du pays^. (Voir planches III et
IV.)
1. Nous n'y avons fait figurer que quelques-uns des principaux produits
de la grande culture. Pour compléter nos renseignements, nous croyons utile
de donner tout au moins l'indication des autres produits de cette catégorie
et des régions d'oii ils proviennent. En voici la liste telle qu'on peut la consti-
tuer d'après les ouvrages consacrés à l'agriculture égyptienne :
Sésame, cultivé dans la Basse-Egypte et dans le Fayoum ;
Indigo, cultivé au Fayoum ;
Arachide, dans les sols sablonneux ;
— 26 —
Le premier tableau fait connaître la répartition des
saisons agricoles, qui sont au nombre de trois : Nili (de
l'époque de la crue), Chetoui (d'hiver), Saifl (d'été), ainsi
que les résultats moyens des cultures de chacune d'elles.
Il a été composé, ainsi que le suivant, avec des éléments
recueillis, soit sur place, soit dans quelques publications
spéciales au nombre desquelles nous citerons VAlmanach
officiel du Service de r Arpentage et les rapports annuels
de l'Administration des Domaines de l'État Égyptien.
Nous y avons condensé toutes les indications pouvant
rendre compte de l'état de l'exploitation du sol.
Dans le second tableau, et en nous aidant des éléments
contenus dans le premier, nous avons montré les résultats
généraux de cette exploitation.
Ce tableau montre notamment qu'on peut obtenir deux
récoltes par an. Les statistiques agricoles l'établissent
par ailleurs et nous apprennent que, pour une superficie
de terre cultivée, . ayant, en 1908-1909, atteint 5.373.982
feddans, il y a eu 7. 670. 544 f eddans de cultures ; ce qui
prouve que, sur les 5.373.982 feddans ci- dessus, 2.296.562,
ou les 42,73 0/0 ont reçu plus d'une culture ^
Nos deux tableaux donnent une idée très nette de la
fertilité du sol ; remarquons toutefois que les rendements
Pois chiches, dans les terres à bassins et autour des villes ;
Fenugrec, dans la province de Queneh (Haule-Égypte) ;
Lupin, dans les terres sablonneuses ;
Henné, dans la province de Charkyeh (Basse-Egypte) ;
Carlhame, dans les provinces de Queneh et de Guirgué (Haule-Égypte) ;
Chanvre et lin, sur tout le territoire cultivé.
1. Annuaire statistique de l'Egypte (1910), p. 238.
— 27 —
qui y sont indiqués ne se rapportent qu'à la grande pro-
priété. Pour la petite propriété, en raison surtout de la
densité de la population agricole, les rendements sont
supérieurs à ceux de la grande propriété, grâce aux soins
plus minutieux qu'elle peut recevoir. En outre, aux deux
récoltes de la grande culture, elle ajoute les produits de
l'exploitation maraîchère, qui trouvent un large débouché
dans les nombreux centres du pays.
Examinons maintenant la qualité et la richesse des
produits. Le premier rang parmi ces derniers appartient
incontestablement au coton ; aussi croyons- nous devoir
lui consacrer une courte notice.
— 28 —
TABLEAU I
Agriculture Égyptienne
Terres soumises au régime de l'irrigation pérenne
État d'exploitation des terres
(en feddans et en livres égyptiennes)
-> — r - -:■ ■' ■„.-:■ - -
NATURE
des
CULTURES.
DURÉE
de
chaque
CULTURE.
RENDEMENT
MOYEN
par
feddan.
PRIX
d'expor-
tation
d'après
les
douanes.
REVENU MOYEN DU FEDDAN
PAR CULTURE
REVENU BRUT
par feddan.
FRAIS GENERAUX par feddan
compris fermage
et eau d'irrigation.
REVENU NET
non
compris
l'impôt.
Incultures d'hiver:
Blé
Jours.
180
165
135
150
85
210
) 6 ardebs de grains.
' 6 charges de paille,
10 ardebs de grains.
5 charges de paille.
8 ardebs de grains.
0 charges de paille.
^ 6 ardebs de grains.
3 charges de paille.
p. T.
100
50
68
40
83
18
100
85
P. T.
600^ QKc
255 ^ ^^^
600
1.050
P. T.
810
240
280
280
100
150
P. T.
590
640
524
625
500
900
Orge
Fèves
Lentilles
Bersim 2 coupes- . .
(espèce de trèfle)
Bersim 4 coupes
et semences
2<> Cultures d'été :
Coton
9 mois
2 ans
70 jours
180 jours ■
6 kantars bourre.
3 ardebs de graines.
2 charges bois.
Ife an. 700 kantars.
2c — 500 —
1.200
3 1/2 ard.de grains.
2 charges de paille.
5 ardebs de grains.
4 charges de paille.
(1)
300
mémoire
mémoire
3
195
8
195
8
1.800
3.600
615
1.060
830
450
1.185
2.540
(1270 parai)
368,5
557
Canne à sucre
/Sabiini
Riz.
^Sultani
3" Cultures intercalaires
de printemps ou d'automne:
Mais (Blé de Turquie)
Dourah (Sorgho)
120 jours
100 jours
8 ardebs de grains.
8 bottes de paille.
8 ardebs de grains.
6 bottes de paille.
67
7
67
7
1!l i ^»2
'Il ! "8
240
230
852
848
(1) L'usage s'est établi, en matière d'estimation, de compter le coton avec ses sous-
produits à raison de P. T. 300 le kantar ; nous nous y conformons, quoique dans ces
dernières années les cours aient de beaucoup dépassé ce chiffre. Si nous avions pro-
cédé d'après la moyenne de ces cours, le revenu net de la culture se fût élevé à près
— 29 —
TABLEAU I
Agriculture . Égyptienne
Terres soumises au régime de l'irrigation pérenne
État d'exploitation des terres
(en hectares et en francs)
NATURE
des
CULTURES.
1° Cultures
d'hiver
Blé
Orge
Fèves
Lentilles
Bersim
(espèce de trèfle)
2 coupes
4 coupes et semences
2° Cultures
d'été
Coton
Canne à sucre
V Sabiini. .
DURÉE
de
chaque
CULTURE.
RENDEMENT
MOYEN
par
hectare.
180 jours
165
135
150
85
210 jours
28,28 hectol.de grains
14,2 charges de paille.
J 47,14 hectol, degrains
( 11,9 ch. de paille.
(37,71 bectol.de grains,
( 11,9 ch. de paille.
28,28 hectol. de grains.
7,1 ch. de paille.
PRIX
d'expor •
tation
d'après
les
douanes,
Fr. c.
13,09
12,96
8,90
10,36
10,86
4,66
13,09
22,03
REVENU MOYEN PAR HECT.
PAR CULTURE
REVENU BRUT
par hectare.
Fr. c.
370.20^
184,05^^°*"*^
419.55/
123,30^^^^'^^
409,55
465,00
55,45
370,20
157,30 S ^^^'^"
370,20
648,10
^ bD.Z
«^ a ce
S s" g
Fr. c.
191,35
148,15
141,95
141,95
61,70
92,60
REVEND NET
non
compris
l'impôt.
Fr. c.
362,90
394,70
323,05
385,55
308,50
555,50
Biz.
Sultani.
70 jours
180 jours
641 kgs 828 de bourre'
173,09 »/ok.
14,i4 hectol.de graines'
mémoire
4,7 charges de bois.
mémoire
le année; 74.880 kil
2e _ 53.485,7 kil.
l,73o/ok.
Ik365,7kil.
16,50 hectol. de grains
25,53
4,7 ch.de paille.
2,07
23,57 hectol. de grains.
25,53
9,5 ch.de paille.
2,07
1.110,95
2.220,70
^^i'S! 430,95
9,70 i
601,75
19,45
621,20
379,60
654,25
203,70
277,75
731,35
1.566,45
783,225
(pour un an)
227,25
343,45
3° Cultures
intercalaires de prin-
temps et d'automne :
Maïs
(Blé de Turquie)
Donrah
(Sorgho)
1 on • i ^^'^' hectol. degrains.
■' ( 19 bottes de paille.
100 jours
37,71 hectol. degrains,
14,2 bottes de paille.
8,76
1,81
8,76
1,81
IS:!?!"»*.'^
330,35 1
27,70
356,05
148,15
141,95
216,60
214,10
de P. T. 1.400 au lieu de 1.185 que nous a données le calcul au prix global de P. T.
300.
Valeur de la livre égyptienne = p. T. 100 = 25 fr. 9235. —Valeur du franc = P. T. 3,8575. —
V aleur duf eddan = 4.200 mq. —Valeur de l'ardeb = 198 litres. — Valeur du kantar = 44 kg.928.
30 —
TABLEAU II
Agriculture Égyptienne
Résultats de l'exploitation des terres par terme de deux ans
Revenus comparatifs du sol
suivant les cultures exploitées dans la période considérée
(en feddans et en livres égyptiennes)
DÉSIGNATION
DES CULTURES
remplissant le cycle
de deux ans.
REVENU
NET
par culture
et par
feddan,
sauf déduc-
tion de
l'impôt
foncier.
IMPOT
FONCIER
(taxe
maxima
applicable
aux
terrains
de la
catégorie
étudiée).
REVENU
NET
annuel
du feddan,
toutes
charges
déduites.
VALEUR
VÉNALE
du feddan
sur la base
de L. E.
25 par
kantar
de coton
de
rendement.
VALEUR
par
capitalisation
DU REVENU
ù 6 "/c.
i''° combinaison.
Culture cotonnière :
Coton. Mars à Novembre —
Bersim (4 coupes). Nov.aJuin, .
(Repos : Juillet-Août.)
Maïs. Sept, à Décembre
(Repos: Janvier à Mars.)
Total pour 2 ans
Soit pour 1 an
P. T.
(1)
1.185
900
352
P. T.
164
P. T.
1.054,5
L. E.
150
L. E.
175,750
2.437
1.218,5
2 combinaison.
Culture cotonnière :
Coton. Mars à Novembre —
Blé. Novembre à Mai
(Repos : Juin-Nov.)
Bersim (2 coupes). Nov.-Févr. .
Total pour 2 ans
Soit pour 1 an
1.185
590
500
164
973,5
150
162,250
2.275
1.137,5
3^ combinaison.
Canne à sucre :
Occupe le sol 2 ans
Soit pour 1 an
2.540
1.270
164
1.106
150
184,333
4'^ combinaison.
Céréales :
Blé. Novembre à Mai
Maïs. Juillet à Oct
590
352
900
368
164
941
150
156,833
Bersim (4 coupes). Nov.-Juin.
Riz Sabiini. Août à Oct
Total pour 2 ans
Soit pour 1 an
2.210
1.105
(1) Comme il a été exposé en note, au bas du tableau précédent, si l'on s'était basé
sur la moyenne des cours du coton dans les dernières années, l'écart de profit entre les
deux premières combinaisons et les deux dernières tût été plus considérable.
— 31 —
TABLEAU II
Agriculture Égyptienne
Résultats de l'exploitation des terres par terme de deux ans
Revenus comparatifs du sol
suivant les cultures exploitées dans la période considérée
(en hectares et en francs)
DÉSIGNATION
DES CULTURES
REVENU
NET
MOYEN
par culture
IMPOT
FONCIER
(taxe
maxima
REVENU
NET
annuel de
VALEUR
VÉNALE
de l'hectare
sur la base
deL. E.
25 par
VALEUR
VÉNALE
par
remplissant le cycle
de deux ans.
et par
hectare non
compris
l'impôt
foncier.
applicable
aux terres
de la
catégorie
étudiée).
l'hectare,
toutes
charges
déduites.
kantar de
coton de
rendement
correspondant
à 1.543 frs.
par hect.
capitalisation
DU REVENU
à 6 »/o
V*^ combinaison.
Fr. c.
Fr. c.
Fr. c.
Fr. c.
Fr. c.
Culture cotonnière :
Coton. Mars à Novembre —
731,40
Bersim (4 coupes). Nov. à Juin. . .
(Repos : Juillet et Août.)
555,50
Maïs. Sept, à Décembre
(Repos: Janvier à Mars.)
217,25
Total pour 2 ans
1.504,15
Soit pour 1 an
752,07
101,20
650,85
9.258,40
10.847,50
2*^ combinaison.
Culture cotonnière :
Coton. Mars à Novembre —
731,40
Blé. Novembre à Mai
(Repos: Juin-Novembre.)
364,15
Bersim (2 coupes). Nov.-Jevr,.
308,60
Total pour 2 ans
1.404,15
Soit pour 1 an
702,07
101,20
600,85
9.258,40
10.014,15
S"^ combinaison.
Canne à sucre :
Occupe le sol 2 ans
1.567,75
Soit pour 1 an
783,87
101,20
682.65
9.258,40
11.377,50
4*^ combinaison.
Céréales :
Blé. Novembre à Mai
364,15
Maïs. Juillet à Octobre
217,25
Bersim (4 coupes). Novembre-Juin.
555,50
Riz Sabiini. Août à Octobre.
227,10
Total pour 2 ans
1.364,00
Soit pour 1 an
682
101,20
580,80
9.258,40
9.680
Planche III
Agriculture Egyptienne
Etat d'Exploitation des terres
1
CULTURES D'HIVER Abréviations
R.N : Revenu neldu feddansous
déduction de l'impôt»
P.T. = Piastre au tarif. 'O.fr.259)
CULTURE DE PRINTEMPS
Planche IV
Agriculture Egyptienne
Résultats de l'exploitation des terres par périodes de Pans
Revenus Comparatifs du Sol
suivant les cultures exploitées dans la période considérée
11« COMBINAISON
22COMBINAiSON
Culture Coton ni ère
Culture Coton ni ère
3?C0MBINAIS0N
4! COMBINAISON
Canne à Sucre
Céréales
Abréviations: ^Janvier. ^..Févni er,M. Mars, etc.
R.N.t Revenu net - P.T.- Piastre tarif ( Ofr. Q5^ )
CHAPITRE IV
LE COTON
Son introduction en Egypte (1820). — Son acclimatation. — Il est le pre-
mier produit du genre. — Rendements comparés de l'Egypte et de
l'Amérique. — Qualités spéciales du coton égyptien; sa prime sur le
coton américain. — Ses emplois. — Son concurrent {Sea Island) très
négligeable.
« La vallée du Nil a offert de tout temps au cotonnier
un milieu exceptionnellement favorable par la nature de
son sol, le degré de sa température, l'abondance et la régu-
larité de ses eaux. »
Quoique cultivé en Egypte dès la plus haute antiquité,
ainsi que l'a établi M. F. -Charles Roux, dans son remar-
quable ouvrage le Coton en Egypte, ce précieux textile
n'est entré dans l'exploitation agricole du pays que depuis
1820, à la suite de l'introduction d'une nouvelle variété
originaire d'Abyssinie, faite par un botaniste français,
M. Jumel, qui en entreprit la culture, sous les auspices
du grand Méhémet-Ali, fondateur de la dynastie actuelle
des Khédives.
Cet événement, qui, au point de vue économique, a eu
— 38 —
une portée énorme, se signale aussi par une autre particula-
rité digne d'être notée. Le nouveau venu, quoique d'origine
étrangère, s'est si bien comporté sur le sol égyptien qu'il
y a acquis tous les caractères d'une plante autochtone.
Semé en d'autres pays, il n'a pas répondu généralement
aux espérances que son succès en Egypte avait fait con-
cevoir. Ce succès y est tel que, malgré les efforts tentés
ailleurs pour lui susciter un rival, il reste toujours le pre-
mier produit du genre, distançant considérablement tous
les autres, et par l'importance de son rendement et par la
qualité de sa bourre. En effet, tandis que la récolte
moyenne est en Amérique de 200 livres (90 k. 6) par acre
(4.047 m. carrés), celle d'Egypte est encore aujourd'hui,
malgré la période de diminution que nous traversons et
dont nous parlons plus loin, de 4 kantars 20 (188 k. 697)
par feddan (4.200 m. carrés), soit plus du double. En ce
qui concerne la qualité, il suffît de dire que, sur tous les
marchés cotonniers, l'égyptien est coté avec une
prime qui, dans ces dernières années, a varié de 50 à
69 0/0 sur l'américain. Telle est la supériorité du
coton égyptien que les Américains, qui ne sont pas seule-
ment producteurs, mais aussi manufacturiers, se trouvent
obligés de lui payer un tribut annuel, lequel, pour 1910,
s'est traduit par une importation de 466.400 kantars.
( Voir planche V. ) Grâce à ses qualités spéciales, à la
longueur, à la finesse et à la résistance de sa fibre, le coton
égyptien est affecté à certains produits manufacturés
auxquels, seul, il peut convenir. Son emploi est indispen-
— 39 —
sahle pour la fabrication des fleurs artificielles, des fils à
coudre et à broder, pour la bonneterie, les satinettes,
les vêtements confectionnés, les articles mercerisés mi-soie,
les étoffes veloutées, les peluches et, en général, tous
les articles en coton de qualité supérieure. Dans tous les
centres manufacturiers où se fabriquent les articles fins,
le coton égyptien prédomine. Jusqu'en 1909, il avait
même joui d'un monopole au point de vue de son adap-
tation à un procédé industriel tendant à donner au coton
l'aspect de la soie. Ce procédé, appelé mercerisation, du
nom de son inventeur Mercer, a reçu, depuis lors, de nou-
veaux perfectionnements qui ont permis de l'appliquer aux
belles qualités de l'américain. Cette nouvelle extension du
procédé n'a cependant influé en rien sur les valeurs respec-
tives des deux qualités, puisque l'égyptien continue à béné-
ficier d'une prime très importante par rapport à son rival.
Mais voici mieux encore : en 1909, date de l'extension
du procédé Mercer au coton américain, la prime de
l'égyptien n'avait été que de 53 0/0; elle est remontée,
l'année dernière, à 69 0/0; ce qui prouve bien que la
mercerisation de l'américain n'a pu lui faire regagner
l'écart de prix qui le sépare de l'égyptien.
Il est vrai qu'il existe en Amérique quelques variétés
de coton très fin, telles que la Sea Island, qui pourraient,
sans contredit, remplacer le coton égyptien, mais leurs
prix sont trop élevés et la quantité produite est abso-
lument insuffisante, puisqu'elle ne représente que
0,50 0/0 de la production mondiale.
Planche V
Coton Egyptien exporté eu i9io : 6.009.4.06 kaut
j^t;GLETE/^/^^
vV
\Ji^AQ/^
'e
*^^.569 \^^^^'''
.^'^
^''H.l2s
kan^.a'"*
^^^''-'%
^^t^NCf
^\)SS/^
0^
0
0
0
Pays importateurs de Coton
égyptien .
CHAPITRE V
LE FELLAH
Ses qualités et ses défauts. — Son amour de la terre. — Comment il place
son argent. — Augmentation de la petite propriété. — Mesures prises
pour élever le niveau intellectuel du fellah, améliorer son état moral et
mettre en œuvre toute son énei^e.
Que n'a-t-on pas écrit du fellah ? Les uns l'ont dépeint
dans les ports, occupé à transporter du charbon à bord
des navires et déployant, dans cette tâche, une activité
d'autant plus surprenante pour l'étranger qu'elle s'exerce
sous un ciel accablant; d'autres le montrent en plein
champ, manœuvrant, sous le soleil de l'été, un appareil
à élever l'eau et restant des heures et des heures attelé
à cette besogne monotone autant qu'ingrate ; d'autres
enfin, prédisposés à l'admiration par les descriptions de
ceux qui les avaient devancés, ont montré en lui l'image
de l'homme de la glèbe, du travailleur sans trêve ni repos.
Pourtant, lorsqu'on l'étudié plus attentivement, lorsque
le commerce des affaires vous met en contact fréquent
avec lui, lorsqu' enfin on s'est fait graduellement aux con-
— 44 —
ditions sociales et climatériques du milieu, l'impression
se modifie et le jugement se déplace.
Alors le fellah apparaît sous son véritable aspect avec
ses qualités et ses défauts : vigueur, endurance, sobriété,
mais aussi imprévoyance, manque d'esprit de suite,
désordre, crédulité superstitieuse, apathie routinière. Com-
mandé ou stimulé par une cause agissant sur son tem-
pérament, il est bien alors tel que l'ont montré tous les
écrivains : travailleur acharné opposant à la fatigue et aux
incommodités une résistance et une endurance extraor-
dinaires. Mais aujourd'hui, le fellah est livré à lui- même;
libre, il dispose de son activité à son gré et, les stimulants
lui faisant défaut, il est loin de dépenser au profit de la
terre toute l'activité dont il est susceptible. Plus instruit,
plus intéressé surtout, il pourrait tripler le rendement
de son sol. Par intéressé, nous entendons l'homme qui
calcule, prévoit, surveille les événements, suppute sans
cesse ses gains et ses pertes, s'ingénie à grossir ses bénéfices,
surveille d'un œil jaloux l'administration de ses biens.
Tel nous apparaît le paysan d'Europe, et tel n'est pas le
fellah. Dans son fatalisme, ce dernier pousse le renon-
cement jusqu'à une résignation presque complète aux évé-
nements défavorables qui peuvent affecter ses intérêts.
Maisia où il se ressaisit 'et rachète son aveugle soumission
aux arrêts de la fortune, c'est lorsqu'il s'agit de la pos-
session de la terre.
Le fellah professe pour elle le culte de l'enfant pour sa
mère qui le nourrit et le comble de caresses. Tous ses
— 45 —
efforts sont employés à améliorer ou à étendre son champ.
Resté, jusqu'à présent, l'homme de la nature, réfractaire
au progrès économique, profondément traditionnaliste,
s'il a de l'argent d'épargne, ce n'est pas à une banque qu'il
le confiera, ce n'est pas en valeurs de Bourse qu'il le con-
vertira ; il l'emploiera soit à l'achat de nouvelles terres,
soit à l'amélioration de celles qu'il a déjà. Manque-t-il à cet
effet de l'argent nécessaire, il n'hésitera pas à emprunter ;
il ne faut pas qu'il laisse passer l'occasion qui s'offre à lui,
car la terre demeure l'objet de son ardente convoitise, et
il n'est pas de sacrifices auxquels il ne soit disposé pour
satisfaire sa passion.
Aussi, lorsque, pour une raison quelconque, une pro-
priété est mise en vente, elle ne reste pas longtemps sans
acheteur, et le nombre des compétiteurs est tel qu'elle
change rarement de maître sans bénéficier d'une plus-
value plus ou moins importante.
Certes, le paysan de tous les pays est un peu égyptien
par son âpreté à acquérir le sol. Mais nul plus que le
fellah n'y concentre sa vie, n'y borne tout son idéal. Lui
seul en est encore à enfouir son argent quand il n'en
trouve pas l'emploi dans la terre. Ne lui parlez pas d'autre
placement, il n'en a cure.
Aussi est- on frappé de ce fait que les petits proprié-
taires de moins de cinq feddans possèdent presque le quart
du sol, et qu'en moins de quatorze ans ils ont augmenté
leurs propriétés de 37,18 0/0, et cela grâce à leurs excep-
tionnelles quahtés de travail, d'endurance et de sobriété.
— 46 —
« Qui n'a pas voyagé le long du Nil, dit M. Paul Adam,
« qui n'a pas traversé ces villages de limon sec et de
« chaume, qui n'a pas visité ces fermes au mobilier som-
« maire, qui n'a pas goûté la crêpe de froment et la salade
« de graines mangées par ces familles vêtues de chemises
« noires ou bleues, de voiles simples et de maigres tur-
« bans, celui-là ignorera toujours les prodiges de renon-
« cément possibles au caractère humain. »
Mais au tableau que nous venons de tracer, il y a une
ombre. Le fellah serait le modèle achevé du parfait culti-
vateur si ses remarquables qualités n'étaient atténuées
par l'ignorance, la routine et le défaut d'esprit de suite
Une fois entré en possession de la terre qu'il a si ardem-
ment convoitée, il s'occupera de la mettre en état, c'est-à-
dire qu'il y fera les travaux nécessités par les besoins
de l'irrigation, du drainage et par les services de l'exploi-
tation. Malheureusement, cela fait, sa sollicitude s'endor-
mira. Il ne cherchera pas à tirer de la terre toutes les
ressources qu'elle est en mesure de lui donner, ne dépen-
sant à son profit qu'une parcelle de l'effort nécessaire et
dont il est éminemment capable, ne consentant à aider la
nature dans son travail de fécondation que tout juste
assez pour satisfaire ses besoins immédiats. Cette négli-
gence semble un héritage des temps où tout le pays était
au régime de l'inondation, régime qui, nous l'avons vu,
permet de se passer de toute préparation du sol et de
l'abandonner à l'action fertilisante de la nature.
Mais aujourd'hui le territoire soumis à ce régime est
— 47 —
considérablement réduit. L'irrigation pérenne et, avec elle,
le système d'assolement intensif se développent de plus en
plus. Les cultures font suite aux cultures sans intervalle de
repos pour la terre. Les matières fertilisantes apportées
par le Nil ne suffisent pas, dans ces conditions, à lui resti-
tuer celles qui sont absorbées par la végétation continue.
Or, non seulement cette restitution ne se fait pas partout,
ni dans la mesure nécessaire, mais les labours et les quasi-
labours ne sont effectués que très imparfaitement, si
même ils ne font, les uns et les autres, totalement défaut.
Ainsi donc, et sauf pour le cotonnier, qui seul reçoit en
général des soins plus attentifs, on peut dire que la terre
n'est pas de la part du fellah l'objet de tous les soins
convenables. Celui-ci s'est laissé persuader que la rente
du sol devait être uniquement fournie par le cotonnier et
que les autres cultures n'avaient d'autre raison que de
couvrir par leur produit les frais d'exploitation.
La conséquence de cet état de choses ne pouvait que
placer le pays dans la situation d'infériorité où il se trouve
au point de vue de la production, exception faite pour
celle du coton, où, comme nous l'avons vu, il occupe le
premier rang. Ne semble-t-il pas cependant que ce rang
devrait lui être acquis pour tous ses produits, étant donné
qu'il est en possession d'un milieu réunissant au plus
haut point toutes les conditions essentielles de prospérité
agricole : sol alluvial enrichi tous les ans des apports
fertilisants du Nil ; climat régulier dont la température
est particulièrement favorable aux cultures et à l'abri de
— 48 —
tous les troubles atmosphériques, gelée, grêle, ouragans ;
eau à volonté arrivant par canaux et distribuée avec toute
la méthode nécessaire par une administration vigilante ;
main-d'œuvre d'une abondance et d'un bon marché
uniques; engrais naturels formant des dépôts accumulés
depuis des siècles; voies de navigation intérieure multiples,
rendant les transports aussi économiques que possible ;
que sais- je encore ? Enfin, un ensemble d'éléments qui,
nulle part, ne se rencontrent, réunis ou isolés, au même
degré de puissance. Remarquons aussi que la réunion de
ces éléments, que ces réserves de forces enviables à tous
égards ne sont rien cependant comparées à l'énergie dont
la nature a doté le fellah, énergie qui, malheureusement,
reste à l'état potentiel, mais dont il sait à l'occasion don-
ner la mesure lorsqu'il se met au travail.
N'est- il pas déplorable que l'effet utile de toutes ces
forces soit à peine appréciable relativement à leurs inten-
sités respectives ? Que sont, en effet, les six ardebs de blé
par feddan que l'on obtient des bonnes terres ? D'ailleurs,
pour l'ensemble du pays, la moyenne n'est que de quatre
ardebs, alors qu'en Europe, particulièrement dans les
pays du Nord, la moyenne est de beaucoup supérieure,
comme le montre le tableau que nous consacrons plus
loin à la population comparée.
Est-ce qu'avec les ressources merveilleuses dont il dis
pose, le pays ne devrait pas venir en tête avec un ren-
dement moyen de dix arbeds au moins ? Est-ce que les
terres particulièrement soignées en Egypte ne donnent
— 49 —
pasjusqu'àl2 ardebs ? Est-ce que l'aptitude du sol, com-
posé partout des mêmes éléments, n'est pas la même dans
toute la vallée du Nil ? Pourquoi, aux ressources considé-
rables de la production cotonnière — principal élément de
la vie du pays dans ses rapports avec l'extérieur — ne
viendraient pas s'ajouter celles des autres produits agri-
coles, qui, sans prétendre égaler les premières, permettraient
du moins d'affranchir l'Egypte de sa dépendance vis-à-
vis de l'étranger pour les céréales ? C'est un aveu pénible
à faire, mais l'Egypte, par suite de la densité considérable
de sa population, importe, en moyenne, pour 40 millions
de francs de farine par an, sans compter les sommes
qu'elle consacre à l'achat d'autres produits ahmentaires.
Tout cela peut changer du tout au tout, à la volonté du
fellah, le jour où son esprit aura modifié son orientation.
L'effort, nous le savons, ne lui coûte presque rien, c'est à
vouloir le dépenser davantage au profit de la terre qu'on
désirerait le voir tendre. Le jour où ce désir sera devenu
une réalité et en tenant compte, d'autre part, des res-
sources que réserve à l'Egypte l'exploitation du Canal de
Suez, à l'expiration de la concession actuelle, ce pays pourra
se flatter d'avoir la situation économique la plus brillante
qu'il soit possible de posséder. Pour ceux qui suivent de
près l'évolution qui est en train de s'accomplir, il semble
que ce jour ne soit pas aussi éloigné que pourrait le faire
supposer la tyrannie des traditions millénaires sous l'em-
pire desquelles le fellah a toujours vécu. S'il est resté jus-
qu'à présent immuable dans ses habitudes, s'il s'est
— 50 —
montré insouciant de ses véritables intérêts, c'est, d'un
côté, faute d'enseignement et d'exemples, et, de l'autre,
faute de stimulants actifs. Mais, comme on le verra plus
loin, le moment semble venu où exemples, enseignement
et stimulants vont s' offrir à lui.
Depuis la crise financière de 1907, un vent régénérateur
a soufflé sur le pays. Le mouvement qu'il a imprimé et
qui a pris naissance dans les grands centres n'a pas tardé
à se propager sur toute l'étendue du territoire. Embrassant
tous les domaines de l'activité, il semble surtout s'exercer
avec plus d'énergie sur le terrain économique. Or, le terrain
économique n'est autre que le terrain agricole, base uni-
que de la richesse du pays. Après avoir longtemps résisté
aux réclamations multipliées du public, le Gouvernement,
prenant aujourd'hui la tête du mouvement, vient de
créer un Département de l'Agriculture. Pour compléter
cette œuvre, il a institué une Direction spéciale de l'En-
seignement technique, agricole et commercial. Un ex-
cellent ouvrage sur l'agriculture égyptienne, dont nous
avons déjà fait mention, vient d'être édité par ses soins.
Le public éclairé, dans un élan de générosité des plus
louable, s'est imposé des sacrifices pour améliorer la si-
tuation morale du fellah, stimuler son intérêt, aider à
son instruction. De nombreuses écoles agricoles se sont
fondées dans les divers centres, tant par les soins de l'Ad-
ministration seule qu'avec le concours de l'initiative privé?.
Allant plus avant dans cette voie, le Pouvoir exécutif
a rendu dernièrement un décret autorisant les Conseils
— 51 —
provinciaux, dont il a en même temps étendu les pouvoirs,
à percevoir une taxe additionnelle de 5 0/0 à la Cote
financière pour être employé exclusivement à la diffusion
de l'instruction publique. Détail digne d'être noté, la nou-
velle charge a été acceptée avec empressement, presque
avec joie, eu égard à sa destination, tellement on est dé-
sireux de sortir de l'ornière séculaire dans laquelle on est
resté jusqu'à présent. Aux nombreuses missions scolaires
envoyées en Europe par le Gouvernement et par certaines
Administrations universitaires, se joindront bientôt celles
que les Conseils provinciaux se proposent d'entretenir, de
leur côté, avec une partie du produit de la nouvelle taxe.
Le but spécial de ces missions sera de former des agro-
nomes et des techniciens qui, de retour au pays, seront
engagés comme professeurs dans les établissements de
nouvelle création.
De son côté, la Société khédiviale d'Agriculture, qui
a un caractère quasi officiel, est entrée dans une voie plus
active en procédant à la création de champs d'essais dont
le nombre va naturellement s'augmenter, et en s' occu-
pant, en outre, de l'élevage et de l'amélioration de la race
bovine, question delà plus haute importance pour l'agri-
culture du pays, où, en raison de l'abondance et du bon
marché de la main-d'œuvre, la machine ne jouera jamais
qu'un rôle très secondaire. Enfin, l'élan est donné et bien-
tôt le pays se trouvera doté de tous les moyens pouvant
aider à la prospérité de l'agriculture.
Il est donc permis d'espérer que l'instruction, en général,
— 52 —
et l'enseignement agricole, en particulier, pénétrant gra-
duellement dans toutes les parties du pays, trouveront
chez le fellah une intelligence apte à les recevoir et à se
les assimiler ; alors son esprit, refondu dans un nouveau
moule, prendra l'orientation nécessaire pourne plus laisser
se perdre sans profit la puissante énergie dont la nature
l'a doté.
CHAPITRE VI
TERRITOIRE ET POPULATION
Étendue totale de la vallée du Nil. — Terres cultivées et incultes. —
Densité et augmentation constante de la population. — Composition
de la population rurale et urbaine. — Répartition du sol. — Nombre
élevé des petits propriétaires.
Superficie. — L'édition de 1910 de V Annuaire statis-
tique de V Egypte nous fournit des données qui sont en
désaccord avec celles de la précédente édition. Ces der-
nières étant plus conformes à la vérité et, d'ailleurs, en
concordance avec les divers auteurs qui ont étudié la
question, nous croyons devoir nous y tenir. Suivant elles,
la superficie totale du territoire s'élève à 930. 000 kilomètres
carrés, dont 33.595, soit la 27® partie de l'ensemble, repré-
sentent la vallée du Nil. Le reste est occupé par les deux
déserts de l'Est et de l'Ouest et par la presqu'île duSinaï.
( Voir la carte, planche I. )
D'après les relevés du Ministère des Finances, la super-
ficie possédée ayant acquitté la taxe foncière, en 1909,
s'est élevée à 5.620.000 feddans, équivalant à 2.360.400
— 54 —
hectares*. D*autre part, les statistiques agricoles nous
fournissent les données suivantes pour 1908-19092.
Terres cultivées. 5 . 373 . 982 fed. 2 . 257 . 072 hectares.
Terres incultes . 1 . 101 . 712 _ 462 . 719 -^
Totaux. 6.475.694 fed. 2.719.791 hectares.
Dans ces derniers chiffres ne sont pas comprises les
terres appartenant à l'Administration des domaines de
l'État égyptien, lesquelles accusaient, au 31 décembre
1908, une superficie de 155.103 feddans (65.143 hectares).
Enfin, si nous considérons la décomposition de l'éten
due totale de la vallée, nous trouvons les chiffres suivants :
Terres cultivées, y compris celles de
V Administration des Domaines. 23.222 kilom carrés.
Terres en friches 4.627 —
Nil, canaux, plantations de dattiers
et lacs 5 . 746 —
Total 33 . 595 kilom. carrés.
Population. — « La fertilité de son sol, l'exiguïté de son
« territoire inextensible, la fécondité de la race qui l'oc-
« cupe, les obstacles opposés à l'émigration par la mer et
« les déserts, tout contribue à faire de l'Egypte un pays
« de population très dense. »
Le tableau III ci-après, GTs\^v\xniékV Annuaire statistique
de V Egypte (1910), indique les chiffres des recensements
1. Annuaire statistique de l'Egypte (1910), p. 274.
2. Ibid., p. 238.
— 55 —
de 1800, 1821, 1846 et, à la suite, le chiffre annuel de la po-
pulation depuis 1880. On y voit que le nombre total des
habitants qui, à cette époque, était de 2.460.200, avait
atteint, en 1907, date du dernier recensement, 11.287.359,
accusant ainsi une augmentation totale de 8.827.159 ha-
bitants et un accroissement annuel moyen de 83.275 ha-
bitants.
Dans les dix dernières années (1899-1908), l'augmen-
tation moyenne annuelle a été de 142.879 habitants.
Par rapport à la superficie du territoire habité qui, on
l'a vu, est de 33.595 kilomètres carrés, la population de
1907 représente donc 335 habitants par kilomètre carré,
laissant loin derrière elle celle du plus peuplé des États
européens, la Belgique, qui compte seulement 227 ha-
bitants par kilomètre carré. {Voir tableau IV.)
Nous devons faire observer que le chiffre de
11.287.359 habitants est celui du dernier recensement de
1907; d'après V Annuaire statistique de l'Egypte de 1911,
la population égyptienne est, pour l'année 1910, de
11.799.868 habitants ; ce qui représente 351,23 habitants
par kilomètre carré, au lieu de 335,98 indiqué ci- dessus.
Nous avons voulu nous en tenir à ce dernier chiffre de
335,98 afin de baser nos calculs uniquement sur les der-
niers recensements aussi bien de l'Egypte que des autres
États dont la population a également augmenté, mais
dans une proportion beaucoup moindre.
« Nulle part ailleurs au monde, en dehors du Bengale,
« on ne saurait trouver une population aussi dense étran-
— 56 —
« gère au travail industriel. Cette densité est très variable,
« et la façon dont les habitants sont répartis atteste
« l'importance vitale du Nil pour l'Egypte. Dans l'Egypte
« méridionale, où la surface cultivable forme de chaque
« côté du Nil une marge très étroite, la population est
« très dense. Mais, dans les parties de l'Egypte moins
« resserrées, on constate une diminution de densité
« d'autant plus forte que l'on s'éloigne plus ou moins du
« fleuve 1. »
Examinons maintenant la composition de la population
égyptienne.
D'après le recensement de 1907, elle se répartissait
ainsi :
Habitant les villes 1.930.137
Nomades 97.741
Habitant la campagne. . . 9.259.481
Total 11.287.359
Les habitants de la campagne représentaient donc,
en 1907, les 82 0/0 de la population totale.
L'activité de cette population se répartit comme
suit 2 :
Industrie ^11 Ail
Commerce 161.210
Mines et carrières 4.112
Ouvriers agricoles 2.440.030
1. The Census of Egypl (1907), p. 3.
2. Annuaire statistique de l'Egypte (1910), p. 25.
— 57 —
Le nombre infime des ouvriers occupés dans les mines et
les carrières montre bien qu'en dehors de l'agriculture le
pays n'a pas ou n'exploite pas de richesses naturelles.
Notons aussi que les industries dont il s'agit sont, en
général; des métiers, la grande industrie proprement dite
n'étant nullement représentée dans le pays.
Gomme on le voit, la classe qui prédomine, et par le
nombre et par la richesse, est celle des agriculteurs.
Voici, d'autre part, comment se partageait la propriété
du sol en 1909 1 :
Nombre de propriétaires. Superficie cultivée.
Indigènes .... 1.349.118 Feddans. 4.764.550
Étrangers .... 6.882 — 682.506
Domaines État. . 1 — 155.103
Totaux. . 1.356.001 — 5.602.159
Si l'on étudie le tableau V de la distribution des terres,
publié dans V Annuaire statistique de V Egypte, on
constate que le nombre des propriétaires a presque
doublé en quatorze ans. On en comptait 767.260 en 1896
et 1.356.000^ en 1909. Le sol est très morcelé : 89 0/0 de
ces propriétaires ont moins de cinq feddans de terre
chacun.
1. Annuaire statistique de l'Egypte (1910), p. 234.
— 58 —
TABLEAU III
Population de l'Egypte de 1800 à 1910 i
ANNÉES
POPULATION
ANNÉES
POPULATION
1800
2.460.200
1894
9.068.722
1821
2.536.400
1895
9.285.398
1846
4.476.440
1896
9.507.251
1880
6.516.040
1897
9.734.405
1881
6.671.726
1898
9.879.562
1882
6.831.131
1899
10.026.883
1883
6.994.345
1900
10.176.402
1884
7.161.459
1901
10.328.150
1885
7.332.556
1902
10.482.161
1886
7.507.761
1903
10.638.469
1887
7.687.142
1904
10.797.108
1888
7.870.809
1905
10.958.112
1889
8.058.864
1906
11.121.517
1890
8.251.412
1907
11.287.359
1891
8.448.561
1908
11.455.673
1892
8.650.420
1909
11.626.497
1893
8.857.102
1910
11.799.868
1. Annuaire statistique de l'Egypte (1911), p. 23 et 288.
— 59 —
TABLEAU IV
Territoires et Populations
(Statistique comparée)
DÉSIGNATION
DES
PAYS
Allemagne
Autriche
Hongrie
Belgique
Danemark
Egypte
États-Unis
France
Grande - Bretagne
et Irlande
Italie
Pays-Bas
SUPER-
FICIE (1)
EN
Km 2
540.647
300.007
824.918
29.455
88.969
33.595 (3)
.835.995 (4]
529.557
813.691
286.648
82.599
POPULATION (2)
DATE
DES
RECENSEMENTS
1910
1910
1910
1900
1906
1907
1910
1906
1901
1909
1909
POPULATION
TOTALE
64.903.423
28.567.898
20.850.700
6.693.548
2.605.268
ii. 287. 359
98.402.151
89.252.245
41.976.827
34.565.000
5.898.429
DEN-
SITÉ
PAR
Km 2
120,04
95,22
64,17
227,24
66,85
335,98
11,91
74,12
133,81
120,58
180,98
1. Statistique agricole annuelle (1909).
2. Statesmans's Yearbook (1911).
3. Statistical Yearbook of Egypt (1909).
4. Annuaire statistique de la France (1909).
— 60 —
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CHAPITRE VII
ÉTAT POLITIQUE
Suzeraineté de la Turquie. — Statut international. — Corps élus.
Divisions administratives. — Bienfaits de l'occupation anglaise.
Après avoir été pendant longtemps simple province de
l'Empire Ottoman, depuis la conquête de Sélim P^, en
1517, jusqu'à la réunion de la conférence de Londres, en
1840, l'Egypte vit reconnaître par cette dernière et sanc-
tionner par la Sublime Porte les droits à l'autonomie que
lui avait acquis la haute valeur militaire et politique de
l'illustre chef qui dirigeait ses destinées, Méhémet-Aly.
Cette autonomie, accordée au profit de la dynastie de
Méhémet-Aly, fut confirmée et étendue par firmans suc-
cessifs, puis définitivement consacrée par l'érection de
l'Egypte en khédivat (vice- royauté) sous Ismaïl- Pacha,
de fastueuse mémoire. Depuis lors, les liens de l'Egypte
avec sa suzeraine la Turquie n'ont plus consisté que dans
les trois obligations suivantes : 1^ Investiture des nou-
veaux khédives; 2° payement d'un tribut annuel de
— 62 —
150.000 bourses (17.140.207 francs) ; 3° interdiction de
conclure des traités politiques et d'avoir des représen-
tations officielles à V étranger. Pour tout le reste : admi-
nistration intérieure, émissions d'emprunts intérieurs ou
extérieurs, conclusion de traités de commerce, etc.,
l'Egypte jouit d'une liberté absolue.
Avant de passer à l'examen de ses institutions actuelles,
il convient de faire remarquer, avec tous ceux qui ont
étudié la question au point de vue juridique, que la con-
férence de Londres de 1840, en donnant un nouveau
statut à l'Egypte, a revêtu ce dernier du caractère d'acte
international. Ce caractère n'a pas cessé, depuis lors,
de s'affirmer et de se manifester dans les rapports prin-
paux de l'Egypte avec sa suzeraine (firmans divers déli-
vrés après assentiment des puissances représentées à la con-
férence, auxquelles se joignit postérieurement la France).
Depuis l'occupation anglaise, en 1882, l'Egypte est
administrée intérieurement de la façon suivante :
Corps élus. — Ils sont au nombre de trois dont un
avec voix consultative seulement : le Corps législatif, et
deux avec voix délibérative restreinte à certaines ques-
tions : l'Assemblée générale des Notables et l'ensemble
des Conseils provinciaux.
Administration proprement dite. — On divise ordinai-
rement l'Egypte en deux régions, savoir : la Haute-
Egypte, au sud, et la Basse- Egypte, au nord du Caire. Au
point de vue administratif, l'Egypte se divise en quatorze
Moudiriehs et cinq Gouvernorats (Alexandrie, El Ariche,
— 63 —
Le Caire, Sinaï et Canal). Les quatorze Moudiriehs se sub-
divisent en quatre-vingt-quatre Markaz ou districts. La
ville la plus importante et la capitale du pays, c'est
Le Caire ayant une population de 654.476 habitants. Mais
la ville principale des affaires, c'est la ville d'Alexandrie,
qui a une population de 370.009 habitants.
L'importance de la ville du Caire dérive de ce qu'elle
se trouve au point de jonction de la Haute à la Basse-
Egypte. De tout temps, il a existé à cet endroit une grande
ville. C'est là que se croise la route unissant le Nord au Sud
avec celle qui réunissait autrefois l'Orient à l'Europe et
à l'Afrique occidentale. La ville d'Alexandrie doit son
importance commerciale à son port.
En dehors de ces deux grandes villes, l'Egypte compte
43 villes ayant plus de 10.000 habitants et 3.580 villages.
Le système administratif égyptien est essentiellement
centralisateur.
Il semble inutile de faire le tableau complet des bienfaits
que l'occupation anglaise a apportés à l'administration
du pays. Il nous suffît de dire qu'en remplaçant l'ancien
État politique par un régime d'ordre, de bonne adminis-
tration financière et économique, de progrès continu, en
substituant le régime de la loi au régime de l'arbitraire,
en rassurant les intérêts et en encourageant les fécondes
initiatives, en concevant et en mettant à exécution ce
vaste ensemble de travaux publics, qui, à juste titre, fait
l'admiration du monde, l'Angleterre a ouvert à l'Egypte
une ère de prospérité jusqu'alors inconnue.
CHAPITRE VIII
FINANCES
Revenus publics. — Augmentation continue des excédents de recettes.
Un! pays qui doit sa prospérité à la sagesse de son
administration ne peut avoir de mauvaises finances;
qui peut le plus peut le moins, la tâche la plus difficile
consistant à faire passer un peuple de l'état précaire à
l'état prospère. Le tableau VI, ci- contre, montre
la progression des revenus publics de 1880 à 1909.
On les voit monter de L. E. 8.998.399 (233.270.226
francs), en 1880, à L. E. 15.402.872 (399.296.746 francs)
en 1909, accusant, entre ces deux années, un écart de
L. E. 6.404.473 (166.026.520 francs), soit une augmenta-
tion de 71 0/0 en faveur de 1909.
De même que les revenus, les dépenses ont augmenté;
c'est qu'il a fallu en même temps doter le pays de tous les
instruments économiques, organes de sa prospérité.
Malgré le développement de ces dépenses et grâce sur-
tout à la présence de la Caisse de la Dette, qui, jusqu'à la
Convention franco- anglaise de 1904, a exercé un con-
— 65 —
trôle effectif sur les finances publiques, au point de vue
des dépenses extraordinaires, les revenus généraux ont
laissé des excédents annuels pendant toute la période
qui a suivi celle de la réorganisation des finances, période
commencécv en 1889, et se continuant encore. Le ta-
bleau VII, emprunté comme le précédent à V Annuaire
statistique de V Egypte (1910), nous fait connaître les
chiffres annuels des excédents pendant cette période.
De L. E. 218.427 (5.662.397 francs), en 1889, ces excé-
dents se sont élevés progressivement d'année en année
pour atteindre L. E. 3.102.087 (80.417.031 francs), en
1904, année à partir de laquelle les pouvoirs de la Caisse
de la Dette sur le contrôle des dépenses extraordinaires
ont cessé (conséquence de l'accord franco- anglais de 1904).
Depuis lors, les excédents ont été en diminuant jus-
qu'en 1908, où ils sont tombés alors à L. E. 1.113.631
(28.869.241 francs). L'année suivante (1909), il y eut
une petite reprise: l'excédent fut de L. E. 1.161.270
(30.104.212 francs).
Il faut dire enfin que, depuis la convention, les services
publics ont beaucoup plus accentué leur développement
que dans la période antérieure, ce qui explique l'absorp-
tion par les dépenses d'une part, chaque année plus
grande, des excédents.
Au total, pour toute cette période de 1889 à 1910, les
excédents ont été de L. E. 29.780.033 (772.003.447 francs),
ce qui correspond à une moyenne annuelle de L. E.
1.418.096 ( 36.762.047 francs).
66
TABLEAU VI
Revenus du Gouvernement^
Diminution de l'impôt par rapport à la population
(en livres égyptiennes)
ANNÉES
CONTRIBUTIONS
POPULATION
TAXE
par
ENSEMBLE
des
et droits
habitant
recettes ordinaires
L.E.
L.E.Mill.
L.E.
1880
7.294.500
6.516.040
1,119
8.998.399
1881
7.382.499
6.671.726
1,106
9.229.965
1882
7.172.211
6.831.131
1,050
8.852.857
1883
7.241.710
6.994.345
1,035
8.934.675
1884
7.520.642
7.161.459
1,050
9.403.294
1885
7.634.710
7.332.566
1,041
9.637.173
1886
7.834.259
7.507.761
1,043
9.574.393
1887
7.748.785
7.687.142
1,008
9.616.358
1888
7.892.980
7.870.809
1,003
9.661.436
1889
7.908.706
8.058.864
0,981
9.718.958
1890
8.286.595
8.251.412
1,004
10.236.612
1891
8.366.374
8.448.561
0,990
10.539.460
1892
8.068.657
8.650.420
0,933
10.297.312
1893
8.076.660
8.857.102
0,912
10.241.866
1894
7.903.707
9.068.722
0,871
10.161.318
1895
8.219.862
9.285.398
0,885
10.431.265
1896
8.344.942
9.507.251
0,878
10.693.597
1897
8.568.352
9.734.405
0,880
11.092.564
1898
8.489.804
9.879.562
0,859
11.131.980
1899
8.622.346
10.026.883
0,860
11.200.303
1900
8.772.903
10.176.402
0,862
11.447.095
1901
9.189.621
10.328.150
0,890
11.943.924
1902
9.214.488
10.482.161
0,879
11.933.064
1903
9.301.592
10.638.469
0,874
12.248.108
1904
10.105.389
10.797.108
0,936
13.690.560
1905
10.618.396
10.958.112
0,969
14.813.846
1906
10.891.889
11.121.517
0,979
15.337.294
1907
11.272.022
11.287.359
0,999
16.367.818
1908
10.756.137
11.455.673
0,939
15.521.775
1909
10.783.461
11.626.497
0,928
15.402.872
1. Annuaire statistique de l'Egypte (1910), p. 266.
67 —
TABLEAU VI
Revenus du Gouvernement
Diminution de l'impôt par rapport à la population
(en francs)
ANNÉES
CONTRIBUTIONS
POPULATION
TAXE
par
ENSEMBLE
des
et droits
habitant
recettes ordinaires
Francs.
Francs.
Francs.
1880
189.099.157
6.516.040
29
233.270.226
1881
191.380.401
6.671.726
28,67
239.273.233
1882
185.928.995
6.831.131
27,21
229.497.265
1883
187.730.654
6.994.345
26,83
231.618.276
1884
194.961.555
7.161.459
27,21
243.766.532
1885
197.918.600
7.332.566
26,98
249.829.500
1886
203.091.618
7.507.761
27,03
248.202.022
1887
200.875.826
7.687.142
26,13
249.289.902
1888
204.613.869
7.870.809
26
250.458.483
1889
205.021.542
8.058.864
25,43
251.949.656
1890
214.817.757
8.251.412
26,02
265.369.073
1891
216.885.910
8.448.561
25,66
273.219.961
1892
209.168.036
8.650.420
24,18
266.942.631
1893
209.375.502
8.857.102
23,64
265.505.275
1894
204.891.950
9.068.722
22,57
263.417.187
1895
213.087.802
9.285.398
22,94
270.415.165
1896
216.330.317
9.507.251
22,76
277.215.735
1897
222.121.892
9.734.405
22,81
287.558.366
1898
220.085.651
9.879.562
22,26
288.580.168
1899
223.521.607
10.026.883
22,29
290.351.341
1900
227.424.575
10.176.402
22,34
296.749.060
1901
238.227.375
10.328.150
23,07
309.628.619
1902
238.872.015
10.482.161
22,78
309.347.090
1903
241.130.058
10.638.469
22,65
317.514.141
1904
261.967.310
10.797.108
24,26
354.907.582
1905
275.266.260
10.958.112
25,11
384.014.154
1906
282.356.163
11.121.517
25,37
397.596.733
1907
292.210.550
11.287.359
25,89
424.311.548
1908
278.836.992
11.455.673
24,34
402.379.131
1909
279.545.327
11.626.497
24,05
399.296.746
68
TABLEAU VII
Excédents annuels des recettes du Gouvernement ^
ANNÉES
EXCÉDENTS
ANNÉES
SOMMES
Livres Égyptiennes.
Francs.
1889
218.427
1889
5.662.397,92
1890
646.839
1890
16.768.347,37
1891
932.862
1891
24.183.071,93
1892
745.714
1892
19.331.535,96
1893
886.880
1893
17.806.351,20
1894
691.762
1894
17.932.909,91
1895
1.002.668
1895
25.992.689,56
1896
1.088.950
1896
28.229.423,20
1897
1.383.420
1897
35.863.123,78
1898
1.331.947
1898
34.528.762,15
1899
1.270.861
1899
32.945.197,66
1900
1.551.871
1900
40.229.967,59
1901
2.020.378
1901
52.375.320,80
1902
1.892.936
1902
49.071.574,85
1903
1.986.170
1903
51.488.528,84
1904
3.102.087
1904
80.417.031,75
1905
2.688.524
1905
69.696.020,73
1906
2.175.431
1906
56.394.841,21
1907
2.087.405
1907
54.112.896,95
1908
1.113.631
1908
28.869.241,73
1909
1.161.270
1909
30.104.212,57
Total.. 772.003.447,66
Total ... 29.780.033
1. Annuaire statistique de l'Egypte (1910), p. 266.
CHAPITRE IX
IMPOTS
Leur nature. — Impôt par tête d'habitant. — Sa diminution constante.
Causes de cette diminution.
En Egypte, comme partout ailleurs, les impôts se ré-
partissent en deux classes : les impôts directs et les impôts
indirects. Seulement ceux de l'Egypte sont en nombre très
restreint. Aussi le budget de l'État, surtout sur la base
des moyennes qui servent à le préparer, est-t-il un des
plus aisés à établir.
Les impôts directs sont au nombre de trois, dont un de
répartition, l'impôt foncier, perçu sur la base de 28,55 0/0
de la valeur locative des terres, et deux de quotité,
la taxe sur les dattiers fixée à P. T. 2 1/2 (0 fr. 648) par
arbre, et l'impôtsur la propriété bâtie, porté dernièrement,
pour la ville du Caire seulement, à 11,33 0/0 de la
valeur locative.
On peut dire que l'impôt foncier d'Egypte est un
impôt à caractère particulièrement fixe de répartition.
En effet, outre que l'établissement des contingents prin-
— 70 —
cipaux remonte à une époque lointaine, on peut ajouter
que ces contingents ne sont pas appelés à subir de modi-
fications avant une nouvelle période de vingt à vingt-
cinq ans, si l'on s'en rapporte à un engagement pris
en ce sens par le Gouvernement au moment où il fit pro-
céder à la péréquation de l'impôt, opération commencée
en 1899 et achevée en 1907.
Si son produit varie chaque année, c'est parce que le
Gouvernement s'est réservé, par la même occasion, le
double droit : 1° de taxer toutes les nouvelles terres
acquises à la culture ; 2° de surélever les taxes frappant
les propriétés de la Haute- Egypte ayant appartenu au
régime des bassins, au fur et à mesure de leur conversion
à l'irrigation pérenne.
Si nous passons aux impôts indirects, nous trouvons
qu'ils sont au nombre de huit, comprenant notamment :
les droits de douane, de ports et phares, judiciaires et
d'enregistrement, une sorte de droit d'accise confondu et
perçu avec le droit de douane sur les tabacs, tombacs et
cigares, lesquels sont tous de provenance étrangère, la
culture du tabac étant interdite en Egypte.
Notons, enfin, que l'État, propriétaire du réseau des
chemins de fer d'intérêt général, en tire des revenus sans
cesse grossissants du double fait de l'accroissement delà
population et du développement du trafic, résultat de
l'augmentation de la prospérité générale du pays.
— 71 —
Pour 1909, les revenus des trois classes ont été respec-
tivement :
Contributions directes L. E. 5.447.778
— indirectes. ... — 5.335.683
Chemins de fer, postes et télé-
graphes, etc — 4.619.411
Total 15.402.872^
Le total des contributions directes et indirectes seules
s'est élevé, en 1909, à L. E. 10.783.461. Rapportant cette
somme au nombre des habitants, qui, pour la même
année, était de 11.626.497, la taxe par habitant s'établit
à L. E. 0,928 = 24 fr. 05.
Il est à remarquer que, malgré l'accroissement considé-
rable accusé, durant la période que nous examinons, par
certaines sources de revenus telles que les droits de douane,
les droits d'enregistrement, ceux des ports et phares, etc.,
accroissement caractéristique de [l'état de prospérité
du pays, l'augmentation de la population, durant la
même période, a été plus rapide encore. C'est ce que
montre l'échelle descendante de la part de chaque habitant
dans l'ensemble des contributions directes et des droits
divers. La planche VI montre bien le sens de ce
mouvement, qui s'est cependant redressé assez sen-
siblement à la suite de l'accord franco- anglais de 1904.
L'effervescence qui s'en est suivie, et qui a eu pour
1. Annuaire statistique de l'Egypte (1910), p. 270 et suiv.
— 12 —
épilogue la crise financière dont il sera question plus loin,
a laissé, comme on le voit, des traces dans l'état des
finances publiques de cette période.
Depuis 1907, les choses étant rentrées dans l'ordre,
les douanes et l'enregistrement en particulier n'ont plus
accusé de recette anormale, ce qui a abaissé, comme l'in-
dique notre graphique, la quotité d'impôt par tête
d'habitant. Le tableau VI et le graphique VI montrent
que de 29 francs, en 1880, ce chiffre, descendu à
22 fr. 34, en 1900, s'est relevé, à partir de 1903,
pour atteindre 25 fr. 89, en 1907, et redescendre
ensuite rapidement à 24 fr. 05, en 1909. Il a donc diminué
de 17,06 0/0 en près de trente ans.
Cette diminution provient de : 1^ la suppression de
certaines taxes sur les chevaux et voitures, les bateaux
naviguant sur les canaux et les droits de péage; 2° l'a-
baissement du droit de patente ; 3^ certaines réductions
opérées dans l'ensemble des rôles de l'impôt foncier qui
ont été effectués en 1891, 1893, 1894 et 1898, s' élevant à
L. E. 564.100 (14.623.460 francs).
Tandis que les puissances européennes, obligées de
faire face à des dépenses militaires de plus en plus écra-
santes, voient s'accroître, chaque année, leurs charges
fiscales, l'Egypte, qui n'a pas à se préoccuper de sa défense
et n'entretient qu'une petite armée (18.000 hommes),
réalise chaque année des excédents de recette et augmente
considérablement les réserves de son trésor. Ons'exphque,
dès lors, la constante diminution de ses impôts.
Planche VI
Finances Egyptiennes
Mouvement des Eevenus publics
Légende
: Ensemble des recettes ordinaires.
. Contributions directes et droits.
. Population.
5
aoeoaoooooeoGOooooooostnaïosnosnoscoeno
co 00 co co os
c^ieo j* \a iD P-CO03O
oooooooo»
m ai Oi
Part de chaque liabitant dans les Contributions
directes et Droits
CHAPITRE X
ÉTAT JUDICIAIRE
Juridiction mixte. — La raison de son institution. — Son organisation.
Législation.
De la situation économique et politique du pays il
convient de rapprocher sa situation judiciaire. Cette si-
tuation est très solidement assise, grâce à l'institution de
la juridiction mixte.
On sait que celle-ci fonctionne en Egypte depuis 1876.
Elle a été instituée d'accord avec quatorze puissances
étrangères, à l'époque où, la justice indigène étant encore
à l'état rudimentaire, la nécessité s'était fait sentir, pour
la sauvegarde des intérêts étrangers, d'avoir un corps
judiciaire présentant toutes les garanties nécessaires.
Aujourd'hui, il est vrai, la justice indigène a reçu une
parfaite organisation, et il a même été question de de-
mander aux puissances l'abandon de la législation mixte.
La récente publication des articles secrets de l'accord
franco- anglais de 1904 parut confirmer ces intentions —
ce qui n'était pas sans provoquer bien des inquiétudes —
— 76 —
lorsque intervint, le 20 novembre 1911, un décret khé-
divial améliorant sensiblement ce système de législation
en attribuant à la Cour d'appel mixte d'Alexandrie le
pouvoir législatif, sous certaines conditions très strictes,
et qui maintiennent intact le contrôle des puissances
européennes tout en perfectionnant un régime judiciaire
dont la rigidité ne s'adaptait plus aux besoins d'un pays
sans cesse en progrès.
La juridiction mixte comprend une Cour d'appel à
Alexandrie, trois Tribunaux de première instance au
Caire, à Alexandrie et à Mansourah et une Délégation de
justice sommaire à Port-Saïd. Les magistrats, pour tous
ces tribunaux, sont au nombre de 63, dont 40 étrangers.
Ceux-ci, ayant qualité de fonctionnaires égyptiens, sont
naturellement choisis et nommés par le Gouvernement
égyptien, mais avec l'acquiescement officieux de leur gou-
vernement.
La législation spéciale, qui règle en matière civile et
commerciale les rapports des étrangers entre eux ou avec
les indigènes, assure, notamment aux créanciers, une sûreté
et une rapidité de procédure que les pays les plus avancés
pourraient envier à l'Egypte.
Nous croyons inutile d'entrer dans plus de détails sur
ce sujet; ce que nous venons d'en dire nous parait suf-
fisant pour montrer qu'au point de vue judiciaire,
l'Egypte offre aux intérêts étrangers engagés chez elle
le maximum de sécurité.
CHAPITRE XI
ÉTAT ÉCONOMIQUE. — COMMERCE
EXTÉRIEUR
Balance du commerce extérieur. — Progression continue des importa-
tions et des exportations. — Majoration à apporter dans la valeur
des exportations par suite des sous-estimations de la douane.
La balance du commerce extérieur de l'Egypte est
facile à établir comparativement à celle des autres pays.
Toutes les marchandises importées ou exportées acquittent,
en effet, dans l'un ou l'autre cas, un droit ad valorem dont
la fixation exige une estimation sérieuse faite d'après
des procédés spéciaux impliquant, surtout à l'exporta-
tion, des sous- évaluations très importantes.
Le tableau VIII ainsi que la planche VII, relatifs au
commerce extérieur, font connaître, année par année, de
1886 à 1910, les montants respectifs des importations et
des exportations. Pour en suivre utilement le dévelop-
pement, nous avons, dans le tableau VIII, partagé cet inter-
valle en périodes de cinq ans, ce qui permet d'en saisir
— 78 —
plus facilement la marche. On remarque tout de suite que
les trois premières périodes, allant de 1886 à 1900, ne se
signalent pas par une progression très rapide, la moyenne
ayant, de l'une à l'autre de ces périodes, passé, à
l'importation, de L. E. 38.825.886 à 57.019.667 et, à l'ex-
portation, de L. E. 55.763.754 à 70.848.000, tandis qu'au
contraire les deux dernières périodes ont accusé un mou-
vement ascensionnel considérable, ayant fourni, de 1906
à 1910, L. E. 121.015.300 et L. E. 129.226.838 respecti-
vement à l'importation et à l'exportation.
Pour rendre le mouvement encore plus saisissant,
nous établirons une comparaison entre la première et la
dernière année de la série; nous trouvons ainsi : à l'im-
portationL. E. 7.848.231, en 1886, contre L. E. 23.552.826,
en 1910; et, à l'exportation. L. E. 10.198.573, en 1886,
contre 28.944.461, en 1910.
Si l'on considère l'ensemble du commerce extérieur
(importations et exportations), on voit que celui-ci est
passé de L. E. 18.046.804, en 1886, à L. E. 52.497.287,
en 1910.
Si nous totalisons les chiffres de la série de 1886 à 1910,
nous obtenons les sommes suivantes : L. E. 350.464.984,
à l'importation, et L. E. 416.125.840, à l'exportation. Pour
cette dernière, il y a lieu d'ajouter au total qui la concerne,
transcrit des publications des douanes, le montant de la
retenue que, d'accord avec le commerce d'exportation,
cette administration fait subir à la valeur de la marchan-
dise enregistrée dans ses offices. En restituant cette retenue.
— 79 —
qui est de 10 0/0 de la valeur enregistrée, au total ci-
dessus de L. E. 416.125.840, celui-ci se trouve augmenté
de L. E. 41.612.584 et porté à L. E. 457.738.424.
Déduisant de cette somme le montant correspondant
des importations, qui s'est élevé, pour la même période,
à L. E. 350.464.984, il reste L. E. 107.273.440 d'excé-
dent à l'exportation, soit une moyenne annuelle de
L. E. 4.290.937(111.236.215 fr. 15). Mais cette moyenne
ne représente pas exactement l'excédent réel de l'expor-
tation sur l'importation; en effet, le coton, qui forme nor-
malement plus de 80 0/0 de l'exportation, est tarifé
sur la base des cours du Good fair brown, qualité amé-
ricaine dont le prix est toujours inférieur à celui du coton
égyptien.
M. Roussin, dans un mémoire sur la Balance
du Commerce qui a paru en appendice au rapport de
lord Gromer, en 1906, sur l'Egypte et le Soudan, estime
que l'évaluation de la douane est de 4 0/0 inférieure au
prix réel du coton égyptien.
De plus, il y a lieu de tenir compte du gain réalisé
par l'Egypte sur la vente de son coton ; on peut sans
exagération fixer ce gain entre 5 et 6 0/0 du prix des
produits vendus ; les chiffres attribués par la douane
khédiviale à la valeur des exportations devraient dès lors
être relevés encore de 10 0/0, soit en tout une majo-
ration de 20 0/0 ; mais, dans notre tableau, nous n'avons
voulu tenir compte que de la majoration de 10 0/0 re-
présentant la retenue pratiquée parla douane sur les mar-
— 80 —
chandises exportées. Par conséquent, l'excédent annuel,
dont nous avons parlé plus haut, devrait subir une majo-
ration considérable.
Les chiffres que nous venons de donner sont assez élo-
quents et expriment suffisamment le degré de prospérité
auquel est parvenu le pays.
Combien d'États pourraient-ils présenter un tableau
aussi remarquable des progrès de leur commerce
extérieur ?
Planche VII
RÉSULTATS Généraux
DU
Commerce extérieur de lEgypte
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1884- é19W
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Commerce d'exportation
- Exportations ramenées au montant réel des
marchandises par l'addition des 10% de retenue.
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TABLEAUX VIII et IX
Commerce extérieur de l'Egypte (1886-1910).
Commerce de l'Egypte avec les Pays étrangers.
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— 84 —
TABLEAU
Commerce de l'Egypte avec
(Part proportionnelle de
ANNÉES
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quin-
quennales
Moyennes
quin-
quennales j
1885-1889.
1890-1894.
1895-1899.
1900-1904.
1905.
1906.
1907.
1908.
1909.
1885-1889.
1890-1894.
1895-1899.
1900-1904.
1905.
1906.
1907.
1908.
1909.
TOTAL
L. E.
ANGLETERRE
L. E.
0/00
FRANCE
L. E.
0/00
11.042.
12.912.
13.308.
18.335.
20.360.
24.877.
28.013.
21.315.
26.076.
798
430
097
116
285
280
185
673
239
934.609
707.150
859.083
556.390
629.853
408.986
225.116
147.800
099.910
7.946.726
8.871.804
10.259.446
16.296.954
21.564.076
24.010.795
26.120.783
25.100.397
22.230.499
2.986.
3.072.
3.488.
5.845.
6.927.
7.856.
8.492.
8.264.
6.743.
092
096
709
215
598
655
847
813
678
627,9
596,8
515,4
521,2
522
539
543,4
522,9
502,3
375,7
346,2
340
358,6
321,2
327,2
325,1
329,2
303,3
900.580
81,5
977.786
75,7
176.196
88,3
478.768
80,6
699.326
83,4
146.215
86,2
040.533
72,8
681.331
78,8
294.164
87,9
843.
860.
1.103.
1.507.
2.275,
2.742.
3.166.
2.915.
2.899.
945
810
976
073
924
559
890
817
203
106,2
97
107,6
92,4
105,5
114,2
121,2
116,1
130,4
TURQUIE
L. E.
0/00
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364.698
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330.618
18
419.827
20,6
335.927
13,5
337.410
12
385.695
18
502.404
19,2
1.482.
1.790.
1.797.
2.334.
3.078.
3.041.
2.973.
8.192.
2.642.
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IMPOR-
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175,1
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142,7
126,6
113,8
127,2
118,8
1. Numéraire non compris. [Ann. stat. de l'Egypte (1910), p. 190.]
— 85
IX
les Pays étrangers ^
chaque pays pour mille)
ADTRICHE-eONGRIE
L. E.
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ALLEMAGNE
L. E.
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RUSSIE
L. E.
0/00
ITALIE
L. E.
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AMÉRIQUE
L. E.
0/00
BELGIQUE
TAXIONS
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50,6
2.035.054
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56,2
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1.377.577
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69,7
292.838
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53,1
1.492.566
69,2
948.612
43,9
741.349
34,3
1.133.562
52,5
1.718.813
71,5
1.307.675
54,4
527.944
21,9
1.210.221
50,4
2.059.423
78,8
1.392.381
53,3
676.868
25,9
1.361.449
52,1
1.632.273
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1.118.997
44.5
974.014
38,8
1.187.786
47,3
1.432.966
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1.129.045
50,7
758.942
34,1
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44,8
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172.813
922.694
975.363
257.848
532.180
101.785
154.832
913.514
70.269
37.375
162.375
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487.685
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572.704
558.677
552. 670
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61,5
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15.8
16.2
22,6
25,3
21.9
22.2
24.8
L. E.
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41.402
92.969
42.760
141.046
111.743
165.781
90.251
81.820
85.899
97.222
266.740
493.480
547.554
828.111
229.698
027.590
725.747
678.446
3,7
7.1
3.2
7,6
5,4
6.6
3.2
3.8
8,2
12.2
30
48.1
33.5
38.4
51.2
39.3
28.9
30.5
La différence entre les °/oo de ce tableau et ceux de l'Annuaire statistique de l Egypte (p. 198 et 199)
pravient de ce que nous avons tenu compte du commerce des tabacs qui, dans la statistique officielle
a été séparé du commerce spécial.
DEUXIÈME PARTIE
CHAPITRE XII
LA CRISE EGYPTIENNE
Ses causes psychologiques et économiques. — Spéculation effrénée sur les
terrains ruraux et urbains. — Afflux énorme de capitaux étrangers
depuis l'accord franco-anglais de 1904. — Abus de crédit. — Consé-
quences de la crise. — Les richesses naturelles du pays sont restées
indemnes. — Les dernières faillites; opinion du Conseiller financier.
Parler de la crise égyptienne est devenu vraiment
fastidieux, tant il a été noirci de papier à ce sujet; d'ailleurs,
elle n'est plus pour le public qu'un vague et déjà lointain
souvenir. Si l'on en parle quelquefois, c'est pour y faire
remonter l'origine du mouvement d'évolution auquel nous
avons fait allusion. Cependant, pour rester fidèle au pro-
gramme que nous nous sommes tracé, de ne négliger
— 88 —
l'examen d'aucune question susceptible d'éclairer le
lecteur, nous nous résignons à la traiter de nouveau, mais
en essayant d'apporter autant que possible des idées
particulières dans son analyse.
Notons, en premier lieu, que cette crise relève bien plus
de la psychologie que de l'économie politique. Il est vrai
que l'une et l'autre y sont intervenues, mais il semble
impossible d'en saisir les causes et d'en suivre les déve-
loppements sans l'aide des instruments d'observation
propres à la psychologie. En effet, la crise qui a sévi en
Egypte ne rentre nullement dans la classe ordinaire des
crises économiques. Il n'y eut ni surproduction, ni pénurie
de produits, ni modification d'aucune sorte dans l'état
des richesses du pays ; telles elles étaient avant la crise,
telles elles sont restées dans la période la plus aiguë, telles
elles se retrouvent encore aujourd'hui, sauf, bien entendu,
le développement naturel qu'elles ont dû prendre. Ce n'est
pas l'industrie manufacturière, absente du pays, ce n'est
pas l'industrie minière, encore à naître, qui, trompées
dans leurs prévisions, ont fait pencher la balance d'un
côté ou de l'autre. S'il y eut déséquilibre, ce fut dans
l'état d'esprit de la population des centres, déséquilibre
provoqué par une intense suggestion qui, parvenue gra-
duellement à son paroxysme, s'empara de toutes les fa-
cultés cérébrales. Au règne de la volonté réfléchie se
substitua peu à peu celui de l'impulsion irrésistible, et
l'on eut alors le spectacle extraordinaire de toutes les
classes de la population urbaine, indigène et étrangère,
— 89 —
obéissant à la même excitation, manifestant les mêmes
symptômes de folie.
« En Egypte, autant et plus qu'en aucun autre pays en
« cours de développement économique, la partie de la
« population que les affaires intéressent en qualité de
« capitaliste ou d'intermédiaire est passible de ces em-
« ballements, soit dans un sens, soit dans l'autre. Une
« âme collective extrêmement complexe, ondoyante et
« diverse, unit ce bizarre groupement d'Européens déra-
« cinés, de Syriens, d'Hellènes, d'Arméniens, d'Israélites,
« d'indigènes plus ou moins européanisés, formée d'in-
« clinations, de dispositions et d'aptitudes, les unes heu-
« reuses, tout au moins brillantes, les autres susceptibles
« de devenir dangereuses sous l'action des circonstances :
« imagination vive, remarquable facilité de conception,
« et plus encore d'assimilation et d'expression ; mais,
« en revanche, vanité, goût de la dépense et de l'osten-
« tation, négligence mêlée d'impulsivité, dédain du béné-
« fice modeste et régulier, hantise du gros gain hasardeux,
« imprévoyance manifestée surtout par l'insouciance
« des engagements contractés, crédulité et défaut d'esprit
« critique ; enfin, ce qui est plus grave, absence aussi
« complète que possible, chez beaucoup d'entre eux, de
« sens moral. De cet ensemble de qualités attachantes
« et de défauts parfois sympathiques est résulté un tem-
« pérament de joueur surexcité par l'optimisme qui se
« dégage invinciblement, dans cette contrée bénie, du
— 90 —
« spectacle d'un ciel toujours bleu, d'une nature éter-
« nellement souriante et prodigieusement féconde ; opti-
« misme d'ailleurs bien excusable quand on songe aux pro-
« grès immenses réalisés par l'Egypte en si peu d'années.
« Que l'on joigne à cette tendance l'inexpérience auda-
ce cieuse des plus habiles parmi ces hommes d'affaires
« improvisés, lancés pour la plupart sans préparation
« au beau milieu de ce monde financier découvert, au
« début du xix^ siècle, et dans lequel nos pères ne se sont
« point acclimatés sans peine, et, tout compte fait, l'on
« s'étonnera presque que la crise égyptienne actuelle,
« cette première manifestation de la puberté économique
« d'un pays récemment né à la vie moderne, n'ait pas été
« plus violente ^ »
Que s'était-il donc passé ? Quelle était la raison de cet
état de choses ?
On sait que depuis la mainmise des Anglais sur la
haute direction des affaires du pays, leurs principaux
efforts se sont portés sur le développement de ses richesses
naturelles. A cet effet, ils ont entrepris et mené à bonne
fin l'exécution de travaux hydrauliques gigantesques qui
ont doté le pays du remarquable système d'irrigation
dont nous avons esquissé les grandes lignes. Par le déve-
loppement parallèle des voies de transport terrestres et
fluviales, l'exploitation agricole ayant été pourvue du
1. p. Arminjon, La Situation économique et financière de l'Egypte, p. 603.
— 91 —
complément de ressources générales dont elle pouvait
avoir besoin, l'Egypte se trouva dès lors dans la situation
la plus enviable.
Tandis qu'autrefois la propriété n'était pas fournie
régulièrement de l'eau nécessaire à son irrigation, et que,
faute de drains, une partie en était sacrifiée pour recevoir
les eaux de colature ; tandis que le propriétaire, n'ex-
ploitant pas lui-même ses terres, ne pouvait, faute de
moyens rapides de transport, les visiter qu'avec les plus
grandes difficultés et, par suite, en contrôler effectivement
l'administration ; tandis que les produits de son domaine
restaient longtemps sur place sans moyens de transport
économiques pour les amener sur les marchés commer-
ciaux ; aujourd'hui, grâce aux travaux récents, une trans-
formation complète s'est effectuée au profit et de la pro-
priété et^du propriétaire.
D'un autre côté, le développement de la richesse mon-
diale, la pénétration de la civilisation en de nouveaux
milieux ont eu et ont encore pour conséquence une aug-
mentation de la demande des matières premières, aug-
mentation qui n'a pu être suivie parallèlement par la pro-
duction. Au nombre de ces matières premières se trouve
le coton, produit fondamental de l'agriculture égyp-
tienne ; plus que tout autre et en raison de sa grande
nécessité, comme aussi, il faut le reconnaître, grâce à
l'habile tactique de la puissante spéculation américaine,
il a vu son prix bénéficier d'une plus-value considérable.
Ces deux causes auraient dû, combinant leurs effets,
6
— 92 —
déterminer un mouvement graduel de hausse dans le prix
de la propriété foncière. Cependant cette hausse ne se
produisit pas; il fallait le concours d'un troisième facteur,
la stabilité politique, qui faisait encore défaut; l'occu-
pation anglaise devait l'établir.
Mais cette occupation allait- elle durer ? La France
ne finirait- elle pas par passer de la protestation passive
à la politique active pour faire prévaloir ses droits qu'elle
considérait comme lésés ? N'allait- on pas retomber dans
les bouleversements et l'anarchie du passé ? Telles étaient
les raisons qui empêchaient les deux premiers facteurs
d'exercer leur action commune sur la valeur de la terre.
La convention franco- anglaise de 1904 dissipa toutes
ces appréhensions en donnant définitivement à l'Egypte
cette stabilité politique sans laquelle nul effort ne saurait
produire son plein et entier effet. Du jour où elle fut
signée, la hausse des terres, jusque-là contenue, se mani-
festa grâce à l'afflux considérable de capitaux étrangers
qui se produisit au même moment et au maintien des
cours élevés du coton. En peu de temps, les prix se
trouvèrent presque doublés. Cette augmentation était en
elle-même parfaitement justifiée non seulement parce
qu'elle correspondait étroitement aux améliorations de
toutes sortes dont la terre avait bénéficié, mais parce
que le taux de capitalisation qui servait de base à
l'établissement du prix de la propriété était alors de
beaucoup supérieur au taux actuel, lequel dépasse tou-
jours 6 0/0. Seulement cette hausse, venue brusque-
— 93 —
ment, sans transition, devait produire l'accès de folie
dont nous avons parlé et dont voici la genèse :
D a jour au lendemain, le propriétaire rural était devenu
tout d'un coup deux fois plus riche qu'il ne l'était, sans
toutefois que son revenu eût augmenté du fait de cet
accroissement de sa fortune, et sa propriété se vendait
facilement à un prix double de celui qu'il aurait pu en
obtenir auparavant. Or il y avait aussi les terrains des
villes ; sans approfondir les raisons de la hausse, sans en
rechercher l'action latente, on ne doutait point que la
propriété urbaine, comme celle des champs, dût doubler
de valeur. G' était toujours de la terre, et il n'y avait aucune
raison de les différencier. Et puis, disait- on, sur quoi
repose la valeur de la propriété urbaine ? Et qu'est-ce
qui en fait le prix ? D'une part, l'état de richesse du milieu ;
de l'autre, le nombre de ses habitants.
Riche, le milieu l'était, certes, puisque sa population,
composée en grande partie de propriétaires ruraux, avait
vu doubler sa fortune comme par un coup de baguette ;
très peuplé, il l'était aussi, puisque les divers recense-
ments effectués jusque-là avaient révélé un accroissement
considérable de la population. Ce fut ainsi que, peu à peu,
on se fit cette douce illusion que la fortune du pays n'a-
vait pas de limites et que la population ne devait pas cesser
de s'accroître, celle du Caire notamment devant bientôt
dépasser un million d'habitants. Pour ce million d'habi-
tants, que de terrains ne fallait-il pas, surtout si, dans
ce nombre, une foule de riches, à l'étroit dans leurs de-
— 94 —
meures et acquis maintenant à une civilisation plus raf-
finée, entendaient se loger grandement avec tout le confort
moderne. On supputait jusqu'aux résultats que devait
procurer à l'Egypte, en général, et aux grands centres, en
particulier, l'achèvement, qu'on disait très prochain, du
chemin de fer du Gap au Caire.
Du fait de cet achèvement. Le Caire et Alexandrie
n'auraient- ils pas bientôt à abriter une population double
de celle qu'ils renfermaient aujourd'hui ? Pourrait- on
jamais payer assez cher ces terrains, puisqu'il n'y avait là
que l'escompte d'une valeur certaine réalisable dans un
avenir très rapproché.
Et les calculs d'aller leur train, et les imaginations de
les amplifier, et les esprits de s'exciter et de s'échauffer !
Pendant ce temps, les transactions sur les terrains à bâtir
suivaient leur cours, se multipliant sans cesse et ne tar-
dant pas à englober jusqu'aux terres cultivées ou déser-
tiques de la grande banlieue que l'on faisait graduelle-
ment rentrer dans les périmètres des grands centres ; les
lots passaient de main en main, plusieurs fois même dans
une seule journée, et voyaient leur prix hausser dans des
proportions fantastiques.
Des sociétés immobilières se fondaient ; puis des so-
ciétés foncières, des sociétés urbaines et rurales, des so-
ciétés boursières, industrielles, commerciales, se suivant
les unes les autres à la course, tant et si rapidement que
leur nombre dépassa bientôt deux cent cinquante.
Mais, dira- 1- on, pour acheter, il faut avoir de l'argent :
— 95 —
cela n'est vrai que jusqu'à un certain point, puisque,
dans notre société moderne, il y a une chose qui tient lieu
d'argent, c'est le crédit. En Egypte, le crédit était dis-
tribué à tout venant ; chacun, à l'envi, se faisait ouvrir
un compte.
Les Sociétés immobilières à leur tour surenchérissaient
dans la distribution du crédit. Pour devenir leur acheteur,
il suffisait d'effectuer le versement d'une fraction quel-
conque du prix du terrain et de contracter un engagement
pour le règlement du reste. De leur côté, leurs acheteurs
revendaient dans les mêmes conditions qui leur avaient
été faites par les sociétés ; tout le monde utilisait la même
somme, qui ne faisait que changer de main. Ainsi avec
une circulation relativement restreinte, arrivait-on à aug-
menter tellement le volume des transactions qu'elles
devenaient de jour en jour plus précaires.
De leur côté, les agents de change, qui puisaient à vo-
lonté dans la caisse des banques, pour ne pas être en reste
de générosité avec elles, leur consignaient des dossiers
de titres où la variété des couleurs le disputait généra-
lement à la nullité de la valeur. Beaucoup plus conciliants
que les banques, ils allaient jusqu'à exécuter les ordres
du premier venu sans la moindre garantie. De nombreux
capitalistes étrangers, des touristes même, alléchés par
les profits extraordinaires dont ils entendaient parler, se
mêlèrent, eux aussi, à cette fête de la folie et lui appor-
tèrent un très large concours.
Enfin, et comme il fallait le prévoir, la crise survint ;
— 96 —
elle fit de grands ravages et de nombreuses victimes, mais
aussi, par un contre- coup des plus heureux, elle fut suivie
d'une réaction éminemment salutaire. Nous avons déjà
parlé des effets de cette réaction à laquelle nous continuons
d'assister et dont, avec juste raison, on attend la trans-
formation morale du pays. Cette transformation s'accom-
plit avec une rapidité remarquable, et le jour ne semble
pas éloigné où, comme nous l'avons dit, le pays se trou-
vera, au point de vue économique, doté de tous les instru-
ments de progrès.
Et le fellah, dira- 1- on ? Mais le fellah, que nous avons
vu attaché à sa terre, comme les végétaux qu'il cultive,
n'a pu naturellement prendre part à cette agitation qui
s'est localisée essentiellement dans les villes. La terre
rurale qu'il exploitait resta, elle aussi, étrangère à la
spéculation et à la crise, et il est probable que, sans le
resserrement du crédit qui se fit sentir pendant quelque
temps et dont il eut à souffrir, il aurait ignoré que son
pays avait traversé une crise.
Nous ne pouvons passer ici sous silence les retentis-
santes faillites, de la Bank of Egypt et de la Maison
Zervudachi, qui eurent lieu en automne 1911. Elles ont
provoqué bien des commentaires, la plupart défavorables
au pays, il faut le reconnaître. Pour mettre la question
au point, il nous suffira de citer l'opinion du Conseiller
financier de l'Egypte, dans sa note sur le Budget de
1912:
— 97 —
« Ces faillites, écrit- il, sont dues à des causes bien anté-
« rieures à l'année en cours, et c'est à tort que l'on en
« tirerait des conclusions défavorables à la situation éco-
« nomique de l'Egypte dans son ensemble...
« De fait, la faillite de la Bank of Egypt a été déter-
« minée par un système défectueux dans la gestion des
« affaires datant de longtemps. On ne saurait sans danger
« consentir avec des fonds empruntés à trois mois des
« prêts recouvrables à des dates relativement éloignées...
« Les autres faillites auxquelles il a été fait allusion ne
« sont qu'un résultat, longtemps différé, il est vrai, du
« mouvement de spéculation qui aboutit à la crise de
« 1907. Les lourds engagements qui avaient été pris
« avant la crise, gagés par un actif déprécié ou devenu
« momentanément irréalisable, sont demeuré s en suspens...
« S'il doit résulter de ces événements une situation plus
« claire et plus saine, le mal n'est pas sans avoir son bon
« côté. Les sources essentielles de richesse et de prospérité
« du pays n'ont pu être affectées, quel que soit le tort
« causé aux affaires et au crédit de l'Egypte, par des pro-
« cédés tels que ceux qui viennent d'être révélés. »
CHAPITRE XIII
MONOCULTURE
Pourquoi on a parlé de monoculture. — Statistique comparative des
superficies occupées par les différentes cultures ; le coton vient en
deuxième rang après le maïs; il n'entre dans l'ensemble des cul-
tures que pour 20,83 0/0. — Différence existant entre un pays à
vignobles, comme la France, si terriblement éprouvée par le phyl-
loxéra, et l'Egypte cotonnière.
Ce mot dont la résonance a frappé si désagréablement
les oreilles françaises, d'abord à propos de la garance et,
en dernier lieu, à propos de la vigne, dont heureusement
les désastres ont été réparés, a eu son écho en
Egypte. C'est à cela sans doute qu'est due l'agitation qui
s'est manifestée, dans certains milieux égyptiens, à propos
du prétendu envahissement de la culture cotonnière. Il
fut un temps où l'on n'entendait parler que de monocul-
ture ; on ne lisait que des diatribes contre la déplorable
tendance du fellah à délaisser ses cultures habituelles
au profit du cotonnier. Cette question de la monoculture,
soulevée bien souvent à l'occasion de mauvaises cam-
pagnes, a été provoquée par la place prépondérante oc-
— 99 —
cupée par le coton dans le commerce d'exportation et par
l'extension de sa culture.
Si l'on n'a devant les yeux que les tableaux statistiques
des Douanes, on est surpris d'y constater que presque tout
le commerce d'exportation est accaparé par le coton, qui
en détient les quatre cinquièmes (tableau X page 104).
Gela tient, tout simplement, à ce que presque tous les
autres produits sont consommés sur place, tandis que le
coton est exporté en totalité, le pays ne possédant, en
dehors des usines d'égrenage, aucune installation pour le
travailler \
Il est vrai encore que, depuis une quinzaine d'années, la
culture du cotonnier s'est développée considérablement '^j
— ce qui se comprend, du reste, en raison du profit
très élevé qu'en retire le pays, — mais sans pour cela
faire tort aux autres cultures. Son extension a marché
parallèlement à celle de la superficie totale cultivée qui
s'est augmentée d'une quantité un peu inférieure, de
terres autrefois en friche. C'est ce qu'établit le graphique
de la planche VIII ci-après qui nous montre d'année
en année, de 1893 à 1909, les accroissements respectifs
de la culture cotonnière et de la superficie cultivée. On y
voit qu'en 1909 les augmentations étaient de 1.320.659
feddans pour la superficie des cultures, et de 631.109 pour
la culture cotonnière. Il faut bien se garder d'en conclure
1. Il y a bien deux fabriques de tissage, dont une à Alexandrie et l'autre
au Caire, mais, pour des raisons spéciales, aucune d'elles n'a pu prospérer.
2. Voir tableau XI et planche VIII, pages 105 et 107.
— 100 —
que les nouvelles terres, seules, ont fourni l'accroisse-
ment de la culture cotonnière ; cet accroissement a été
acquis partie sur ces terres et partie sur quelques-unes de
la Moyenne- Egypte où s'est faite la conversion du régime
des bassins à celui de l'irrigation pérenne.
Sous le premier de ces régimes, on ne pouvait entre-
prendre qu'une culture par an, et, le cotonnier restant
encore sur pied au moment de l'inondation, il était impos-
sible de le cultiver. Avec la conversion à l'irrigation pé-
renne, la culture en est devenue possible, et beaucoup de
propriétaires de cette région en ont profité pour faire du
coton, mais dans une bien moindre proportion que dans
la Basse- Egypte. Quoi qu'il en soit, la conversion est
aujourd'hui terminée, et l'on est en droit d'affirmer que,
jusqu'à l'achèvement de la surélévation du réservoir
d'Assouan, il ne se produira aucune nouvelle modification
dans la répartition des cultures.
Examinons maintenant la superficie occupée par la
culture cotonnière. Ce détail a déjà trouvé sa place dans
la partie consacrée à l'exploitation du sol. Pour le rap-
peler, il vaut mieux le présenter dans un tableau d'en-
semble {tableau XII et planche IX) où figurent les princi-
pales cultures du pays. De ce tableau, emprunté à V An-
nuaire statistique de VÊgypte (1910), nous avons extrait
les chiffres des deux saisons 1907-1908 et 1908-1909.
Sur le graphique IX, la comparaison est autrement frap-
pante. La figure qui est en tête de la planche nous montre
la répartition du sol, au point de vue des cultures qu'il
— 101 —
reçoit et la place occupée par le cotonnier en particulier.
On voit que celui-ci, pour la saison 1908-1909, ne vient
qu'à la suite du maïs qui, lui, tient la tête avec ses
1.796.745 feddans représentant les 23,42 0/0 de l'en-
semble, tandis que le cotonnier ne représente que
20,83 0/0 avec ses 1.597.055 feddans. D'ailleurs, on remar-
quera que, pendant la saison précédente (1907-1908), la
superficie occupée par le cotonnier avait atteint 1.640.415
feddans ; il y eut donc, pour la saison suivante, un retour
en arrière qui se traduit par une diminution de 43.360 fed-
dans sur la superficie cultivée en 1907-1908 et qui se re-
présente presque intégralement pour la saison 1909-1910.
On voit par ces chiffres que le pays est bien loin de
l'état de monoculture, puisque le coton, au profit duquel
on suppose à tort que le pays délaisse les autres cultures,
occupe seulement le deuxième rang après le maïs et
n'entre dans l'ensemble que pour 20,83 0/0.
Viennent ensuite le blé avec 1.249.264 feddans, le ber-
sim avec 1.531.793 feddans, les fèves avec 566.688 fed-
dans, l'orge avec 423.293 feddans, le riz avec 271.820 fed-
dans, etc..
Par contre, au point de vue de la valeur commerciale,
le coton occupe le premier rang avec L. E. 26.720.880 sur
L. E. 60. 573. 577 représentant la valeur brute moyenne de
la récolte égyptienne ; il est donc loin de primer en valeur
l'ensemble des autres produits agricoles.
Mais si, par la suite, la culture du coton venait à
exclure toutes les autres, la situation économique de
— 102 —
l'Egypte serait- elle réellement compromise? Pour répon-
dre à cette question, il suffira de constater la différence
existant entre la situation d'un pays à vignobles comme
la France, si terriblement éprouvé par le phylloxéra,
et celle de l'Egypte cotonnière. Pour bien établir cette
différence, il importe de rappeler que, l'établissement
d'un vignoble exige une mise de fonds pouvant varier
de 1.500 à 3.000 francs par hectare, soit L. E. 24 1/2 à
49 par feddan.
Voyons maintenant quels sont les travaux d'aména-
gement qu'exige le sol pour la culture du coton.
Si l'on a affaire à une terre en friche, il faut qu'elle soit
parfaitement nivelée pour être apte à recevoir l'eau par
irrigation ; il faut ensuite procéder à son dessalement,
parce que tout le sol égyptien est plus ou moins impré-
gné de sel, surtout au voisinage de la mer ; ces deux opé-
rations peuvent durer de quatre à cinq ans et coûter,
suivant le relief du sol et la quantité de sel qu'il contient,
de 20 à 50 livres par feddan, y compris les autres amélio-
rations foncières.
Une fois qu'elles sont terminées, le sol a acquis toutes
aptitudes pour recevoir la semence du coton, le faire pous-
ser et fructifier à l'égal des autres terres en exploitation.
C'est donc à peu près une mise de fonds analogue à
celle qui est nécessaire pour la plantation d'un^ vignoble,
avec cette différence cependant que, pour le cotonnier, les
frais d'établissement sont presque entièrement absorbés par
la mise en état du terrain : pour le vignoble, au contraire.
— 103 —
la moitié de ces frais ne profite pas au sol, puisqu'elle est re-
présentée par des installations et du matériel complètement
inutilisables en cas d'abandon de la culture de la vigne.
D'ailleurs, pour la culture du cotonnier, la préparation
du sol est exactement la même que pour la culture du
blé, de l'orge, des fèves, du bersim, etc. Il n'y a donc lieu
à aucune préparation particulière, à aucune installation,
ni à l'acquisition d'aucun matériel. Notons encore que la
vigne ne commence à produire sérieusement qu'au bout
de quatre ou cinq ans, alors que le cotonnier donne sa
récolte dans l'année même de sa plantation. Planté en
mars ou avril, il produit son fruit, de septembre à no-
vembre, en trois cueillettes; la dernière terminée, il dépérit
et meurt. C'est donc une plante annuelle, comme toutes
celles qui sont cultivées en Egypte, sauf la canne à sucre
et l'indigo, qui, tous deux, occupent le sol pendant deux
ou trois ans ; l'une et l'autre culture, surtout la seconde,
sont, d'ailleurs, de minime importance.
Après la mort du cotonnier, on arrache les pieds, dont
le bois est vendu à raison de 2 fr. 50 la charge de 250 kilo-
grammes. Puis, suivant le système d'assolement adopté,
on passe à d'autres cultures, ou bien on laisse reposer la
terre pendant quelque temps avant de [la cultiver de
nouveau, et, passé un an ou deux, on revient au cotonnier
et ainsi de suite. // n'y a donc aucune comparaison pos-
sible entre le cotonnier et toute autre plante dont la culture
exige des aménagements spéciaux et a donné lieu, en d'autres
pays, à des déceptions ou même à de véritables désastres.
i '^h
— 104
TABLEAU X
Coton exporté^
ANNÉES.
[ 1885-1889
Moyennes \
1890-1894
quinquennales.)
11895-1899
1900-1904
1905
1906
1907
1908
1909
1910
EXPORTA
TIONS
globales
L. E.
11.042.798
12.912.630
13.308.097
18.335.116
20.360.285
24.877.280
28.013.185
21.315.673
26.076.239
28.944.461
EXPORTA-
TIONS
de coton
L. E.
7.548.161
8.561.246
9.682.572
14.227.651
15.806.440
20.528.002
23.597.844
17.091.603
21.477.739
24.241.712
0/0
68,35
66,30
72,75
77.59
77,63
82,51
84,23
80,18
82,36
83,75
1. Annuaire statistique de VÉgypte (1911), p. 226.
Planche VIIl
Augmentation de la superficie plantée en coton
et de la superficie des cultures
DE 1893-94'.A 1908-09
^.êJOM feddans
Superfïj
ô8^fe(/4
S6S.imfiddam'
'HS
Augmentation:
Su])erf]cie
des
crjltTires
L220Mi}fedÉam ^O.'/SV
/.5S7M^âfeiida/Js
Q-d- '^lO 9cn <&r- C:oo aoo> SÇ 5— âoj ^ro c*3^ -^us mco cct-~ ^oo 9oï
So> 2* ^w SSî S<" S?« SS S° S«=> So So S= So Sq So s?
— 107 —
TABLEAU XI
Extensions comparées de la superficie totale
des cultures et de la superficie de la culture cotonnière
depuis 1893-94 à 1908-09 1
ANNÉES
SURFACE
TOTALE
des
cultures
AUGMEN-
TATION
% par
rapport
à 1893-94
SURFACE
de la culture
cotonnière
AUGMEN-
TATION
% par
rapport
à 1893-94
1893-1894
Feddans.
6.349.885
6.431.808
6.552.172
6.764.401
6.848.396
7.032.711
7.160.804
7.291.267
7.429.294
7.338.685
7.583.633
7.563.119
7.480.546
7.662.317
7.597.859
7.870.544
»
1,29
3,18
6,52
7,85
10,75
12,77
14,82
16,99
15,57
19,42
19,10
17.80
20,66
19,65
20,79
Feddans.
965.946
997.735
1.050.749
1.128.151
1.121.262
1.153.307
1.230.319
1.249.884
1.275.677
1.332.510
1.436.709
1.566.602
1.506.291
1.603.224
1.640.415
1.597.055
»
3,29
8,77
16,79
16,07
19,89
27,38
29,39
32,06
37,94
48,73
62,18
55,93
65.97
69.82
65.33
1894-1895
1895-1896
1896-1897
1897-1898
1898-1899
1899-1900
1900-1901
1901-1902
1902-1903
1903-1904
1904-1905
1905-1906
1906-1907
1907-1908
1908-1909
Augmentation absolue de
1893-1894 à 1908-1909:
Feddans.
1.320.659
Feddans.
831.109
1. Annuaire statistique de l'Egypte (1909), p. 270 et 272, et (1910), p. 238 et 240.
— 108 —
TABLEAU XII
Superficies occupées par les différentes cultures ^
Coton
Maïs
Biz
Blé
Fèves
Orge
Canne à sucre
Fourragères et autres
Jardins
Totaux
1907-1908.
Feddans.
1.640.415
1.799.705
248.763
1.168.166
541.085
440.606
88.562
1.693.043
27.514
7.597.859
0,0
21,59
23,69
3,27
15,38
7,12
5,80
0,51
22,28
0,36
100 »
1908-1909.
Feddans.
1.597.055
1.796.745
271.820
1.249.264
566.688
423.293
43.982
1.691.363
30.334
7.670.544
0/0
20,83
23,42
3,54
16,28
7,39
5,52
0,57
22,05
0,40
100 ))
1. Annuaire statistique de l'Egypte (1910), p. 237.
Planche IX
Agriculture Egyptienne
Saison 190 8 -09
"^^
^Mpl
^OTAL^
CHAPITRE XIV
DIMINUTION DANS LE RENDEMENT
DU COTON
Il a diminué de 20,30 O/o à l'hectare. — Commentaires erronés de
M. Paul Deschanel et réfutation par la Chambre de Commerce
française d'Alexandrie. — Causes principales de la diminution : l'excès
d'humidité du sol ; les parasites. — Autres causes : dégénérescence de
la graine ; insuffisance des engrais.
C'est un fait indéniable que le rendement du coton est
en diminution depuis quelques années.
Le tableau XIII et le graphique de la planche X, que
l'on trouvera à la fin de ce chapitre, traduisent les
mouvements de cette diminution. Ils montrent que la
moyenne des rendements, calculée par période de cinq
années, suit une marche décroissante.
Cette moyenne pour la période quinquennale 1897-
1901 fut de 5,27 kantars par feddan ; elle n'a plus été que
de 4,20 kantars pour la période 1907-1911, soit une dimi-
nution de 20,30 0/0.
L'opinion s'est vivement émue, et avec raison, de cet
état de choses, car, selon la juste remarque d'une note
— 112 —
du Service de l'arpentage rédigée pour le Service de la
statistique, une diminution d'un kantar dans le rende-
ment moyen du feddan représente, par rapport à l'en-
semble de la récolte et aux prix moyens actuels, une perte
annuelle de L. E. 6.000.000 (155.541.000 francs).
Commentant cette diminution, M. Deschanel, dans
son rapport sur le budget des affaires étrangères pour
1911, s'est fait, à la tribune du Parlement français, le
complaisant écho des bruits alarmistes mis en circulation
à ce Sujet. L'honorable rapporteur a été induit en erreur
par des chiffres qu'il convient de rectifier.
« Tandis qu'il y a quelques années, dit-il, le rendement
« moyen des terres cultivées en coton était de 180 kilo-
ce grammes au feddan, on n'a pu, en 1909, l'estimer à plus
« de 90 kilogrammes au feddan, et cette estimation porte
« sur des terres de culture exceptionnelles comme celles
« des Domaines. »
r Outre que ces chiffres sont en retard d'une année, ils
ont le tort, même en les appliquant à l'année 1909, d'être
manifestement inexacts. C'est ce que démontre en ces
termes le Bulletin de la Chambre de Commerce française
d'Alexandrie, iP 220, de février 1911 :
« Le rendement moyen de la période quinquennale
« 1906-1910 est bien de 180 kilogrammes de coton au
« feddan (chiffre exact 183 kg. 15), soit 463 kilogrammes
« à l'hectare ; mais celui de l'année 1909 n'est pas de
« 90 kilogrammes, comme le laisserait croire le rapport de
« M. Deschanel, mais bien de 145 kilogrammes et 80/100 au
— 113 —
« feddan, soit 347 kg. 14 à l'hectare. Disons tout de suite
« qu'en 1910 ce chiffre est remonté à 495 kilogrammes à
« l'hectare. En outre, il semble tout à fait injuste de com-
« parer des chiffres moyens résultant de plusieurs années
« avec ceux d'une seule année choisie parmi celles qui ont
« exceptionnellement donné des récoltes en déficit.
« Dans toute culture industrielle, vigne, tabac, pommes
« de terre, betteraves, etc., il arrive occasionnellement
« des années déficitaires, et le manquant de la récolte est
« souvent beaucoup plus accentué qu'il ne l'a été en
« Egypte pour le coton. Il ne viendrait pourtant à l'idée
« de personne de dire, par exemple, que la productivité
« vinicole de la France est compromise parce que l'an-
« née 1910 a donné des rendements très inférieurs à
« la moyenne quinquennale.
« La seule constatation qui s'impose en matière de
« culture de coton en Egypte est que la moyenne des ren-
« déments, calculée par périodes de cinq ans, suit une
« marche décroissante. »
Constatant le superbe résultat de la récolte du coton
en 1910, le Bulletin de la Chambre de Commerce française
d'Alexandrie conclut :
« La récolte de coton de 1910 atteindra une valeur
« que l'on peut, dès à présent, estimer à L. E. 30.000.000
« au moins, soit 780.000.000 de francs.
« De sorte que M. Deschanel proclame la faillite agri-
« cole de l'Egypte, au moment précis où la récolte
« cotonnière s'élève à un chiffre qui n^ avait jamais
— 114 —
« été atteint, soit comme quantité, soit comme valeur. »
Cependant, il n'en est pas moins vrai, comme nous
venons de le constater, que, depuis quelques années, la
moyenne des rendements dans la culture du coton est en
diniinution.
Quelles sont les causes de cette diminution ?
Il faut d' abord en chercher la raison dans l' extension de la
culture cotonnière sur les terres nouvellement défrichées.
« Depuis 1890, dit le Bulletin de la Chambre de Com-
« merce d'Alexandrie (février 1911), l'amélioration duré-
« gime des irrigations, la création de nouveaux barrages, la
« consolidation des anciens ouvrages, l'établissement d'un
« réseau de drainage très étendu ont permis de mettre en
« valeur un domaine foncier extrêmement important.
« De plus, les prix du coton ont doublé, incitant ainsi
« le cultivateur à étendre cette culture sur des terrains
« médiocres, terrains dont le rendement n'aurait pas couvert
« les frais de culture, aux prix anciens, tandis qu'il laisse
(( un bénéfice, aux prix actuels.
« Les terres nouvellement défrichées ne peuvent se
« comparer, comme fertilité, aux terres dont l'exploi-
« tation remonte à des siècles. En Egypte, comme dans
« tous les pays où le sol est de formation alluviale et ma-
« rine, la terre est d'autant plus fertile qu'elle est plus
« anciennement cultivée ; il est donc normal que les cen-
« taines de milliers d'hectares défrichés durant les derniers
« vingt ans ne donnent en coton que des rendements rela-
« tivement faibles.
— 115 —
« L'introduction de surfaces ainsi acquises dans le
« calcul de la moyenne générale des rendements a
« pour résultat normal de faire figurer un rendement
« moyen plus faible à mesure que les défrichements
« s'étendent.
« Les efforts du Ministère des Travaux Publics ayant
« pour principal objet d'accroître la fourniture d'eau uti-
« lisable par la culture, il faut s'attendre à ce que les
« défrichements de nouvelles terres marchent pari passu
« avec l'augmentation de la quantité d'eau disponible.
« Et, pendant des années encore, nous constaterons que la
« moyenne générale à l'hectare du rendement cotonnier
« sera décroissante, puisqu'elle inclura des quantités
« toujours croissantes de terres nouvellement défrichées,
« terres dont la fertilité ne s'accroît qu'avec le temps.
« Il est donc normal que la récolte cotonnière en Egypte
« s'accroisse chaque année en volume, bien que le ren-
« dément à l'hectare soit diminué : ceci résulte naturel-
« lement de l'extension considérable et constante de la
« culture du coton sur des terres que l'on défriche au fur
« et à mesure des progrès du régime des irrigations. Je
« répète que les hauts prix atteints actuellement par le
« coton accentuent encore le mouvement cultural. »
Nous n'avons rien à ajouter à cet exposé si clair et si
convaincant. Toutefois, l'argument tiré de l'extension de
la culture du cotonnier à des terrains nouvellement dé-
frichés n'explique qu'en partie la diminution dans le ren-
dement du coton ; mais il ne donne pas toutes les causes
— 116 —
de la diminution qui affecte les rendements des terres
depuis longtemps mises en culture.
Ces causes principales sont :
Uexcès d'humidité du sol et les parasites.
Excès d'humidité. — On ne peut méconnaître que les
modifications profondes apportées au régime hydraulique
ont accru l'humidité du sol égyptien. La surélévation
des barrages et la création d'un vaste réseau de canaux,
en permettant l'irrigation pérenne, source de richesses
inappréciables pour le pays, a exhaussé en même temps
le plan des eaux souterraines et provoqué des infiltrations
excessives. La terre, ainsi gorgée d'eau, ne peut, faute de
drains suffisants, se débarrasser du trop- plein de ce qu'on
lui a fait absorber et, de son côté, l'évaporation n'arrive
plus à dessécher les terrains dans la mesure convenable.
Dès 1889, sir William Wilcocks, dans son ouvrage Egyp-
tian Irrigations, constatait déjà que « la hausse de Veau
du sous-sol constituait un grand danger pour le pays ». Cette
constatation est aujourd'hui expérimentalement vérifiée.
En effet, des expériences faites par l'administration
des domaines de l'État sur ses propres terres permettent
d'enregistrer les observations suivantes :
10 De toutes les plantes cultivées en Egypte, il n'y a
que le cotonnier qui ait été affecté dans son rendement.
Or, le cotonnier seul à des racines profondes qui doivent
se rapprocher sensiblement de la nappe souterraine voi-
sine du sol dans la période de la crue. Pendant cette pé-
riode, les plantes alors sur pied sont, à part le cotonnier,
— 117 —
le maïs, dont les racines fasciculées restent presque à la
surface du sol, et le riz, qui, lui, s'accommode admira-
blement d'un excès d'eau.
20 Durant toute la période de croissance, le coton se
présente dans les conditions normales. Il ne commence à
accuser des signes de faiblesse que lorsqu'il est entré en
fructification, soit à partir de la fin d'août ou du com-
mencement de septembre. A cette époque, les racines ont
atteint leur plein développement; de son côté, la nappe
souterraine, favorisée, d'une part, parle mouvement ascen-
dant de la crue, et, de l'autre, par l'action des eaux d'arro-
sage, se rapproche très sensiblement de la surface du sol.
D'après M. Barois, le niveau de la nappe souterraine
s'élève, en octobre, jusqu'à un mètre au-dessous du sol
dans la partie irriguée ^ Le voisinage de la nappe doit
certainement retarder l'infiltration des eaux d'arrosage,
de sorte que le sol et le sous- sol, trop longtemps sursaturés,
ne permettent plus aux racines la libre respiration qui
leur est indispensable. Celles-ci, gênées dans cette partie
de leur fonction, réagissent sur l'ensemble de la plante,
qui manifeste alors des signes de faiblesse et même, en
certains cas, de dépérissement.
30 Dans les années de basses crues, où le niveau de la
nappe souterraine reste éloigné de la partie terminale
des racines du cotonnier, la plante se comporte beaucoup
mieux que dans les années de hautes crues. Dans ce cas,
1. Les Irrigations en Egypte, p, 54.
— 118 —
l'imperméabilité du sol est moins contrariée et l'infiltra-
tion des eaux d'arrosage s'opère assez rapidement pour
ne pas laisser trop longtemps le sol en état de saturation.
4° La période à partir de laquelle la diminution s'est
manifestée a coïncidé avec l'augmentation de la retenue
d'eau au barrage du Delta et, par suite, avec le relèvement
du niveau de l'eau dans les canaux d'irrigation.
5° Il y a lieu de faire observer que le rendement des
céréales et légumineuses, qui sont cultivées et récoltées
de novembre à mai, au moment où le Nil et les canaux
sont àl'étiage, n'a souffert aucune diminution et que dans
certaines régions la moyenne du rendement augmente
d'une façon appréciable.
D'autres expériences, dues àM. Audebeau, l'ingénieur
en chef des Domaines de l'État, établissent que des co-
tonniers ont donné leurs meilleurs rendements dans des
fosses où leurs racines avaient pu atteindre la plus grande
profondeur, et que les plants de cotonnier les plus chétifs
et dont les rendements avaient été les plus faibles se
trouvaient dans les terres où la tranche d'eau du fond
était le plus rapprochée de la surface cultivée.
De tout ce qui précède, on peut conclure que la cause
dominante de la diminution du rendement de la culture
cotonnière réside dans la saturation du sol.
Ce mal s'aggraverait encore de ce que l'eau de la nappe
souterraine qui remonte à la surface est chargée de sel,
carie sol égyptien en contient à assez forte dose comme tout
pays conquis sur la mer ou abandonné par elle. Au temps
— 119 —
de l'irrigation par bassins, la nappe liquide déversée par
le Nil inondait la plaine et, en se retirant, entraînait
toute trace de sel ; aujourd'hui, ce lavage ne se fait qu'im-
parfaitement ; le sel reste dans la terre et la stérilise.
En effet, les eaux dont le sol est imprégné disparaissent
de deux manières ; une partie, s' écoulant par gravitation
dans la terre, vient augmenter la nappe souterraine ou
se vider dans les drains; l'autre partie, remontant à la
surface par capillarité, s'évapore dans l'atmosphère. L'éva-
poration des eaux rouges ou eaux d'arrosage, fournies
par les crues du Nil, est profitable à la terre, puisqu'elle
renouvelle constamment la provision d'azote. Mais il n'en
est pas de même des eaux composant la nappe souterraine;
ces dernières sont chargées des résidus du lavage d'une
grande masse de terres dont elles ont entraîné tout le sel
alcalin et le sel marin; leur évaporation, formant à la
surface du sol des dépôts salins, est aussi nocive que celle
des eaux rouges est bienfaisante.
De ces explications, il résulte que le relèvement du
plan des eaux souterraines, par les barrages d'Assouan,
d'Assiout, du Delta et de Ziphteh, présente, par suite
d'un drainage insuffisant, des inconvénients à un triple
point de vue : d'abord, parce qu'il arrête la nitrification
du sol et, par conséquent, son enrichissement en acide
nitrique ; ensuite, parce qu'il empoisonne les racines ar-
rivées au contact de la nappe aquifère et empêche leur
développement normal ; enfin, parce qu'il détériore le
sol en augmentant le dépôt des sels nuisibles à la surface.
— 120 —
Cet excès d'humidité, aggravé encore par les arrosages
trop copieux, souvent même intempestifs, auxquels pro-
cèdent les fellahs immédiatement après les distributions
intermittentes et alternatives du liquide, appelées ro-
tations, ne nuit pas seulement à la plante d'une façon
directe, en provoquant la chute de ses feuilles, mais il
contribue, en outre, à la pullulation des parasites dont
souffre le cotonnier.
Parasites. — Les plus redoutables de ces parasites sont
deux sortes de chenilles, — confondues généralement sous
l'unique dénomination de vers du coton, — dont l'une
s'attaque aux feuilles au printemps et l'autre aux cap-
sules en automne.
U excès d'humidité et les parasites, voilà donc les deux
grands ennemis du cotonnier. A ce sujet, nous sommes
parfaitement d'accord avec la Commission du coton qui
a été instituée par le Gouvernement, le 20 décembre 1909,
avec mission d'étudier les causes de la baisse du rende-
ment cotonnier et les mesures à prendre pour relever la
production.
*
* *
Mais il est d'autres facteurs qui ont été envisagés par
cette Commission, comme pouvant agir ensemble ou sépa-
rément sur la diminution du rendement. Ces facteurs, les
voici :
i^ D appauvrissementdusolparlasubstitution, en beaucoup
d'endroits, de V assolement biennal à V assolement triennal ;
— 121 —
2° La dégénérescence de la graine ;
3° L' insuffisance des engrais ;
4° Et des modificatio?is qui seraient survenues dans les
conditions météorologiques de V Egypte.
Les rapports de la section de l'arpentage, chargée
depuis deux ans, de la mesure des superficies occupées par
le cotonnier, écartent le dernier de ces facteurs, démentant
qu'il se soit produit aucun changement climatérique dans
le pays. La Commission n'a pas, d'ailleurs, retenu cette
prétendue cause de diminution.
Quant à V assolement biennal, tout en estimant qu'il pré-
sente des inconvénients certains, elle ne pense pas qu'il
semble « avoir donné lieu à un épuisement du sol tel qu'il
« puisse expliquer la diminution des rendements, puisque
« cette diminution s'est manifestée également sur les
« terres où l'assolement triennal a toujours été suivi »,
notamment dans des terres comme celles de l'adminis-
tration des Domaines, où le phénomène de la diminution
du rendement a été constaté avec la même proportion-
nalité que dans les terres avoisinantes, où la culture du
coton est cependant plus fréquente.
En ce qui concerne la dégénérescence de la graine, la
Commission reconnaît qu'aucun fait précis ne permet de
conclure à son existence ; elle constate même que «au con-
« traire, la marche des rendements dans un certain nombre
« de propriétés, jusqu'en 1908, semble contredire cette
« opinion » ; mais, ajoute-t-elle, « si aucune preuve n'a
« été fournie de la dégénérescence de nos cotonniers.
— 122 —
« par contre, la pratique agricole s'est rencontrée avec
« des résultats d'étude pour affirmer l'impureté de nos
« variétés actuelles ^ ».
Il semble donc qu'il faille incriminer la mauvaise qua-
lité des semences que le fellah se procure trop souvent
au hasard en s' adressant à des fournisseurs qui lui livrent
à bas prix des graines obtenues au moyen de l'hybri-
dation de variétés perfectionnées avec VHindi, espèce
de cotonnier à demi sauvage et d'un produit très inférieur.
De là un croisement qui, d'après une circulaire de la So-
ciété khédiviale d'Agriculture, « prend de telles propor-
« tions qu'il est actuellement impossible de trouver un
« échantillon de coton Afifl pur de tout mélange ».
On a accusé aussi V insuffisance des engrais. Nous avons
constaté ci- dessus que la diminution dans le rendement
du coton s'était produite aussi bien dans les terres à asso-
lement triennal que dans les terres à assolement biennal.
Est-ce à dire que le sol égyptien se soit appauvri ?
Nullement. Gomme nous l'avons dit plus haut, la dimi-
nution du rendement n'a été constatée que pour le coton;
le rendement des céréales et légumineuses a accusé, au
contraire, une sensible augmentation. La canne à sucre
et le coton sont, il est vrai, des plantes éminemment épui-
santes et les éléments nutritifs absorbés par celles-ci ne sont
pas suffisamment compensés par ceux qui sont apportés
par le Nil. On se demande, dès lors, comment les terres
1. Rapport général de la Commission du Coton, p. 16.
— 123 —
égyptiennes n'ont pas été épuisées et quelle cause entre-
tient la productivité de l'humus là où il ne reçoit pas
d'engrais ?
L'explication de ce phénomène a trouvé place dans
notre chapitre premier, où sont exposées les conditions
particulières qui, grâce au renouvellement incessant des
forces productives du sol égyptien, en font la terre la plus
fertile du monde.
Faut- il en conclure que les engrais sont inutiles? Non,
certes. Les cultivateurs en apprécient si bien les bons
effets que la consommation en augmente sans cesse. Le
fumier de ferme est en quantité fort insuffisante ; le fellah
le remplace parla colombine recueillie dans les pigeonniers,
la vase extraite des canaux, les boues de ville et surtout
les monticules d'engrais terreux {coms ou sabackh) cons-
titués par les détritus d'anciennes villes ou d'anciens vil-
lages ; or, les ressources du pays en engrais vont en di-
minuant, car ces monticules sont presque épuisés et, en
ces derniers temps, la peste bovine a décimé le bétail
égyptien. Mais, comme le constate le rapport général de
la Commission du Coton, l'importance des engrais chi-
miques importés n'a cessé de s'accroître. De 2.132 tonnes,
valant L. E. 12.912, en 1902, elle a passé, en 1909, à
21.165 tonnes d'une valeur de L. E. 178.014. Elle a plus
que décuplé en sept ans. Chaque année, la Société khédi-
viale d'Agriculture vend pour près de 100.000 livres
d'engrais chimiques. Il y a là encore un indice des plus
rassurant pour l'avenir agricole de l'Egypte.
— 124 —
TABLEAU
Extension de la culture
Mouvements comparatifs du rendement au feddan, du prix
SAISONS
(A)
SUPERFICIE
cultivée
(1)
RÉCOLTE
(2)
)
PRIX DE L'UNITÉ
Feddans.
Kantars.
P. T.
1896-1897
1.050.749
5.879.479
190 15/40 (109 fr. 84 les 100 kilos) .
1897-1898
1.128.151
6.543.628
158 28/40
1898-1899
1.121.262
5.589.314
183
1899-1900
1.153.307
6.510.050
248 11/40
1900-1901
1.230.319
5.427.338
238 22/40
1901-1902
1.249.884
6.371.643
222 15/40
1902-1903
1.275.677
5.838.090
318 30/40
1903-1904
1.332.510
6.508.947
314 15/40
1904-1905
1.436.709
6.351.878
273 23/40
1905-1906
1.566.602
5.989.883
349 12/40
1906-1907
1.506.291
6.949.383
382 15/40
1907-1908
1.603.224
7.234.669
314 20/40
1908-1909
1.640.415
6.751.133
303
1909-1910
1.597.055
4.911.631 [b]
551 24/40 (b)
1910-1911
1.603.266
7.579.355 {b)
447 18/40 {b) (258 fr. 16 les 100 kUos).
(A) Dans ce tableau, les années correspondent aux années commerciales commençant le 1<^'" sep-
tembre et se terminant le 31 août. II faut remarquer que l'année commerciale commence au
moment même où se termine l'année agricole. Ainsi le coton provenant des cultures de la saison
agricole 1909-10 (1" septembre 1909-31 août 1910), récolté en octobre-novembre 1910, figure à
l'année commerciale 1910-11 (l^'' septembre 1910-31 août 1911) : c'est pourquoi dans ce tableau
les chiffres ne concordent pas avec ceux des tableaux où l'année agricole est seule considérée.
125
XIII
du Coton en Egypte
du kantar et du revenu au feddan de 1896-97 à 1910-11.
VALEUR
totale
(3)
PRODUCTION DU FEDDAN
RENDEMENT
moyen
(2)
VALEUR
L. E.
11.193.058
Kantars.
5.59
L. E.
10,641 (656fr.78 1'hect.)
10.384.737
5.80 i
4.91 '5,27
9,205
10.227.533
8,984
16.163.448
5.64 \
14,002
12.947.332
4.42/
10,544
14.169.867
5.10 \
1
11,341
18.609.683
4.58 i
4.88 ' 4,55
14,599
20.462.502
15,342
17.251.283
4.39^
10,922
20.802.971
3.80 /
13,197
26.572.703
4.61 \
17,627
22.753.034
4.51 i
14,184
20.455.932
4.12 4,20
12,484
27.093.661
3.07)
16,934
33.915.339
4.72;
21,120 (1.303 fr. 57 l'hect.)
1. Annuaire statistique de l'Egypte (1910), p. 240.
2. Annuaire statistique de l'Egypte (1910), p. 260-61.
3. L'Egypte contemporaine, mars 1910, p. 258.
(b) Chiffres communiqués par la Chambre de Commerce française d'Alexandrie (lettre du
4 nov. 1911).
Planche X
Exploitation de la Culture Cotonnière
Mouvements comparatifs LE.21'?.''
du rendement au feddan^ du prix du Icantar &.
du revenu au feddan
de1896-37àl3l0-ll
5,S9
kantars
Reiidement
I8à-97\:S.S9
t-
Reveito aii fedjdan
1836-
1510-
au feddan
karkars
kanfars
Priyidu
1896-87:
m-ii :
•->j>^
V
kanttar
FIT
w
FT.
"i
s =:
1 feddan ih.200'^" - 1 kantar^Ws'328 - 1 livre égiyp'--WOPT.-F'': 25,9235
CHAPITRE XV
RÉFORMES ET REMÈDES
Contre l'excès d'humidité du sol : extension et perfectionnement
du drainage. — Contre l'abus des irrigations : meilleur emploi des eaux
d'arrosage. — Contre les parasites : application méthodique des
lois, décrets et arrêtés relatifs à leur destruction. — Résultats déjà
obtenus, — Contre l'impureté des graines : sélection des graines ;
extirpation des variétés de cotonniers inférieures et recherche de
variétés perfectionnées. — Réformes morales : amélioration de la
condition sociale du fellah par la diffusion des éléments d'éduca-
tion. — Création d'écoles d'agriculture. — Station agronomique
au Caire. — Fermes expérimentales. — Comité supérieur de l'Agri-
culture. — Associations agricoles de prévoyance, de production,
de consommation, d'assistance. — Banques mutuelles de crédit.
Nous venons d'exposer les causes principales et secon-
daires auxquelles est attribuée la régression quantitative
et qualitative du rendement du coton égyptien ; il nous
reste à examiner les remèdes.
Contre l'excès d'humidité du sol, cause primordiale
du mal, la Commission du Coton émet les vœux suivants :
8
— 130 —
Procéder le plus tôt possible à des expériences scienti-
fiques dans diverses localités et sur des sols différents, en
vue de déterminer le volume d'eau nécessaire pour les
arrosages et le meilleur intervalle à observer entre eux.
En attendant que ces expériences aient fourni des
données précises, il y aurait lieu :
a. De convaincre les cultivateurs de l'intérêt qu'ils ont
à limiter l'eau d'irrigation à la quantité nécessaire au dé-
veloppement naturel de la plante ;
b. D'établir les rotations d'été, dans les régions à coton,
de façon à ne permettre qu'un arrosage tous les dix- huit
jours dans les terres moyennes ;
c. Faire suivre immédiatement, à l'époque de la crue, le
système des rotations d'été d'un système de rotations
comportant des périodes, de durée égale autant que
possible, de distribution de l'eau alternativement à haut
et à bas niveau dans les canaux, système qui serait prolongé
pendant l'hiver et le printemps ;
d. Prévenir les cultivateurs des dangers que présentent
pour le cotonnier les arrosages excessifs donnés après les
rotations d'été ;
e. Étendre et perfectionner le plus rapidement possible
le système de drainage déjà existant.
C'est là, avant tout, affaire au Gouvernement, qui, du
reste, s'en préoccupe très sérieusement ; nous devons
rendre justice à ses louables efforts; mais, s'il a donné à
l'irrigation un si remarquable développement, il s'est
— 131 —
beaucoup moins occupé de l'évacuation du précieux li-
quide. Le drainage est le complément de l'irrigation, puis-
qu'en desséchant le sol il le purge d'une grande partie de
l'humidité ; or, il faut convenir que le système de drainage
ne répond plus actuellement à tous les besoins parce qu'il
n'a pas marché de pair avec l'irrigation. De là l'absolue
nécessité de créer de nouveaux drains et d'améliorer ceux
qui existent. Quant aux terres basses du Nord, il est
clair que le drainage ne peut y être effectué qu'au moyen
d'appareils élévatoires.
En tout cas, on voit que la question, tout en étant d'une
importance capitale, peut être envisagée en toute tranquil-
lité ; sa solution est entre les mains du Gouvernement,
et la vigilance de ce dernier à l'égard des intérêts écono-
miques du pays est trop connue pour qu'il la laisse long-
temps en suspens. Nous apprenons qu'il vient d'approuver
les plans et devis relatifs au projet d'irrigation et de
drainage de la région au nord du Delta. Un crédit de
L. E. 300.000 aété immédiatement prélevé surles fonds de
la réserve générale pour faire face aux premières dépenses.
Les travaux, qui doivent durer quatre ans environ, ont
été commencés, le 23 mars dernier, à Ebehan, et le premier
coup de pioche a été l'occasion d'une fête que présidait
lord Kitchener assisté du ministre des Travaux
publics et de tout le haut personnel de ce ministère.
C'est là un premier pas dans cette voie où le Gouver-
nement, sur l'initiative de lord Kitchener, s'est tracé un
programme sérieux comprenant aussi bien la réfection
— 132 —
et le curage des canaux existants que l'adoption d'un
système complet de drains, dont le plan d'eau sera tenu
aussi bas que possible par l'évacuation dans la mer ou
dans les lacs, au moyen de pompes aspirantes.
Le projet comporte, particulièrement en ce qui con-
cerne la province de Béhéra, le dessèchement du lac
Mariout et le creusement dans son lit d'un canal d'éva-
cuation gigantesque, d'une profondeur d'un mètre.
Quant au drainage de la province de Gharbieh, de puis-
santes pompes, d'une capacité de 250 mètres cubes d'eau
à l'heure, seront placées près du lac BoroUos. Grâce à
l'exécution de ces travaux, l'Egypte verra disparaître le
seul nuage qui aurait pu assombrir son avenir de fertilité
et d'expansion économique.
Elle bénéficiera, en outre, dans un avenir prochain, de
quatre avantages également importants :
1^ U approfondissement de la couche accessible aux ra-
cines par V abaissement du plan des eaux souterraines, et,
comme conséquence, la disparition de la cause principale
de la diminution dans le rendement cotonnier ;
2o L'acquisition à la culture d'un million de feddans
envahis, une partie de Vannée, par les eaux de colature.
Celles-ci, se répandant sur les terres qui entourent les
lagunes à l'extrémité du Delta et se mêlant à leurs eaux,
aidaient fini par occuper avec elles une étendue considérable ;
3^ L'amélioration des terres voisines des précédentes,
qui actuellement souffrent d'un excès d'humidité ;
40 Enfin une plus complète fertilisation du sol égyptien.
— 133 —
en général par une plus grande aération de ses couches
profondes.
Toutefois, le drainage n'est pas le seul point sur lequel
doivent se concentrer les efforts du Gouvernement ; il y a
encore, nous l'avons déjà indiqué, le ver du coton.
Cette huitième plaie d'Egypte, dont la première
manifestation se produisit en 1878, exerça des ravages
particulièrement graves en 1886, 1891 et 1895. Le Gouver-
nement finit par comprendre que, pour lutter contre le
fléau, une action énergique et bien coordonnée était
indispensable. Deux lois, l'une de 1905, l'autre de 1906,
et un arrêté en date de 1907 intervinrent, obligeant les
propriétaires, les omdehs et cheikhs des villages, à dénoncer
l'apparition des insectes, accordant le droit de réquisi-
tionner moyennant salaire les garçons de dix à dix- huit
ans pour détacher et brûler les feuilles de tout cotonnier
où le ver aurait déposé ses œufs, « sous la surveillance des
« autorités administratives et, en cas de besoin, par leurs
« soins ». Un corps d'inspecteurs fut chargé d'assurer
l'exécution de ces mesures, qui, de 1905 à 1907, furent
appliquées avec un succès remarquable. Malheureusement,
en 1908, le service d'inspection fut supprimé ; abandonnés
à leur insouciance fataliste, les fellahs laissèrent les para-
sites se multiplier librement ; le fléau, un instant contenu,
reprit sa marche dévastatrice, et c'est à lui qu'est dû, en
grande partie, le déficit des récoltes de 1908 et de 1909.
La leçon porta ses fruits et, l'an passé, la lutte fut
organisée de nouveau et menée avec énergie. « Des me-
— 134 —
« sures spéciales, écrit sir Eldon Gorst dans son dernier
« rapport, furent adoptées en 1910 par le ministre de l'In-
« térieur pour combattre les vers du coton et de la cap-
« suie, qui avaient causé tant de dégâts à la récolte de
« 1909. Cinq inspecteurs anglais spéciaux furent engagés
« pour surveiller la lutte contre le ver du coton. Le Gou-
« vernement eut la bonne fortune de s' assurer les services
« d'hommes ayant une grande connaissance et une grande
« expérience de l'agriculture du pays, et trois d'entre eux
« ont été depuis attachés à la direction du nouveau Dé-
« partement de l'agriculture. Vingt-cinq sous-inspecteurs,
« dont vingt européens, ont été aussi engagés, et ils for-
ce ment, avec trois cent soixante-six moawins et soixan tê-
te dix clercs, le Comité spécial qui assiste les autorités
« locales pour découvrir la présence du ver et assainir les
« districts contaminés, au moyen de l'effeuillage. Le Go-
« mité de la Société khédiviale d'Agriculture apporte
« également une aide importante. Les préparatifs de
« campagne commencèrent en avril, un mois plus tôt
« qu'en 1909, et elle fut menée jusqu'en septembre avec
« une activité qui dénote le crédit qu'on y attachait.
a Aucun effort ne fut épargné pour faire sortir la popu-
« lation de son attitude de fataliste indifférence à la-
« quelle elle se laisse aller lorsqu'il s'agit de lutter contre
« ce fléau. A côté du noyau d'inspecteurs, beaucoup de
« moudirs eux-mêmes aussi bien que les mamours fai-
« saient des tournées périodiques dans les provinces,
« infusant l'énergie aux paysans. Le ministre et le con-
— 135 —
« seiller visitèrent personnellement chaque moudirieh
« du Delta. Parfois l'aide de la police fut requise pour
« imposer de force le nettoyage des champs infestés. Les
« instructions ministérielles et diverses notices à cet égard
« circulèrent dans les villages, et l'on prêcha même dans
« les mosquées la nécessité d'une action énergique. L'a-
« pathie et la négligence furent sévèrement traitées ;
« 13.570 personnes furent punies pour ne pas avoir si-
ce gnalé l'apparition du ver, plus de neuf cents omdas et
« cheikhs pour avoir négligé leur devoir, et six cent cin-
« quante-neuf travailleurs pour s'y être soustraits. Les
« paysans commencèrent par vouloir se venger de la
« pression qui s'exerçait sur eux, mais, au fur et à mesure
« que la campagne avançait et qu'ils étaient à même d'en
« apprécier les résultats, ils devinrent peu à peu éner-
« giques et désireux de coopérer avec les autorités. Les
« inspecteurs, qui d'abord avaient trouvé une certaine
« hostilité, furent ensuite reçus partout à bras ouverts; et
« la leçon ainsi donnée facilitera énormément les cam-
« pagnes futures. Les premières attaques du ver furent
« annoncées dans la seconde semaine de mai ; elles de-
« vinrent plus sérieuses au milieu de juin et atteignirent
« leur pleine violence dans les première et deuxième se-
« maines de juillet. A la fin de ce mois, grâce aux mesures
« prises, les attaques avaient beaucoup diminué et, en
« plusieurs districts, le ver avait disparu vers la fin
« d'août. Au premier octobre, tout le pays en était débar-
« rassé. 643.000 feddans furent attaqués par le ver (dont
— 136 —
« 6.000 seulement en Haute- Egypte) ; plusieurs le furent
« plus d'une fois, d'autres plus souvent encore. Dans la
« seconde semaine de juillet, le nombre moyen de feddans
« signalés chaque jour comme attaqués en Basse- Egypte
« était de 24.800, et le nombre moyen de personnes em-
« ployées chaque jour au nettoyage était de 106.500,
« sans compter ceux occupés à la visite des cotonniers
« encore indemnes et qui tous demandaient la surveil-
« lance constante de l'administration. Le ver du coton,
« s'il est très abondant, dévore non seulement les feuilles
« des cotonniers, mais aussi les capsules naissantes ; ce-
« pendant, le principal dégât qu'il cause, c'est qu'en
« affaiblissant et en retardant la croissance de la plante,
« il expose cette dernière aux attaques du ver de la cap-
« suie, un fléau encore plus dangereux, qui ne fait une
« importante apparition que tard dans la saison. En 1910,
« grâce à ces deux faits que le ver du coton fut arrêté
« de bonne heure et que la saison fut exceptionnelle-
ce ment favorable, le ver de la capsule ne put attaquer
« que les cueillettes tardives et de moindre valeur. Un
« Comité composé d'un inspecteur, treize sous-inspec-
« teurs et trente- six moawins fut constitué, le 1^^ dé-
« cembre 1910 jusqu'au 15 janvier dernier, pour com-
te battre le ver de la capsule par la mise en vigueur du
« décret relatif à l'enlèvement des bois de cotonniers,
« des chanvres et des bamias, qui forment, l'hiver, l'habi-
« tat et le terrain de culture de ce fléau. Le coût total de
« cet ensemble de mesures a dépassé L. E. 20.000. Cette
— 137 —
« année, la campagne contre le ver du coton et de la capsule
« sera conduite de nouveau par le Ministère de l'Intérieur.
« Cependant le nouveau Département de l'Agriculture
« recherchera le moyen de préserver complètement les
« cultures et entreprendra des recherches sur les insecti-
« cides pour continuer les expériences de ce genre faites
« avant sa création. »
En ce qui concerne l'impureté des graines du coton,
une sélection attentive et rigoureuse, jointe à l'extir-
pation des variétés inférieures, s'impose absolument.
A ce sujet, la Commission du Coton suggéra les solutions
suivantes :
Les graines, choisies avec soin, seraient distribuées
non plus au hasard des demandes, mais soit directement,
soit par l'intermédiaire des maisons de commerce, à des
cultivateurs qualifiés par leurs connaissances, la situation
de leurs terrains et leurs moyens d'action, de façon à ce
que larécolte, reprise par l'administration de l'Agriculture,
multiplie la quantité de graines pures mises à la dispo-
sition du public.
Il conviendrait aussi d'assurer, à l'aide d'un personnel
spécial et de règlements bien conçus, l'arrachage des
plantes étrangères à la variété voulue sur une surface
choisie du territoire égyptien suffisamment étendue pour
que sa production en graines représentât une proportion
notable de la quantité requise par le public.
Sur ce terrain, d'ailleurs, les initiatives gouvernemen-
tales et privées, réunissant leurs efforts, semblent être
— 138 —
arrivées déjà à des solutions satisfaisantes. Voici ce qu'en
dit sir Eldon Gorst dans son rapport déjà cité :
« L'importance qu'il y a à préserver la pureté des
« meilleures variétés de cotonniers et à en produire
« d'autres appropriées au pays est entièrement reconnue
« par le nouveau département. On a décidé d'établir
« une station où des expériences seront faites pour la
« production de nouvelles variétés. Les efforts du Gou-
« vernement doivent être principalement dirigés à l'heure
« actuelle vers l'amélioration des plants existants plutôt
« que vers l'introduction de plants nouveaux. L'éliminà-
« tion de l'^mc^t occupe toute son attention, et l'arrachage
« de cette plante dans les champs de sélection des graines
« destinées à la distribution est étroitement surveillé.
« Le contrôle des distributions de graines a déj à fonctionné,
« et ses opérations, réduites momentanément à la pro-
« vince de Sharkieh, seront plus tard étendues aux autres
« provinces. »
*
Mais, à côté des causes matérielles de la diminution
des rendements cotonniers, il en est une autre d'ordre
purement moral : V ignorance, l'insouciance, V impré-
voyance, V esprit de routine du fellah.
Le sol de l'Egypte met à sa disposition des moyens de
richesse que nul autre cultivateur au monde ne possède
peut-être.
« En ce pays, dit avec raison le très distingué ingénieur
— 139 —
« agronome M. Boustani, les magnifiques énergies de la
« nature semblent soumises et captées entre les mains
« de l'homme; le soleil y dispense sa chaleur perpétuelle,
« et les eaux maîtrisées et endiguées charrient partout
« la vie et la fertilité. »
Le fellah, comme nous l'avons dit plus haut, ne sait pas
et ne désire même pas tirer bon parti des merveilleuses
ressources dont il dispose. Il vit au jour le jour, insouciant
du lendemain, content du peu qu'il demande à la terre et
qui suffît à ses modestes besoins, figé dans les traditions
ancestrales et dans ses vieilles habitudes. A cela il n'y a
qu'un remède : l'éducation.
« Le succès des divers projets administratifs, destinés
« à améliorer le sort des populations rurales, écrit lord
« Cromeri, a, dans une large mesure, pour condition la
« diffusion dans le pays des éléments d'éducation, de
« manière à rendre les habitants accessibles à des idées
« autres que celles consacrées uniquement par la tradi-
« tion. La fondation de Banques et de Sociétés agricoles,
« la vulgarisation des procédés de culture perfectionnés,
« les plans d'amélioration des conditions sanitaires de la
« vie rurale, tout cela, ainsi que les projets du même
« genre, ne pourra jamais donner de résultats pleinement
« satisfaisants tant que la population des campagnes
« ne sera pas pénétrée de l'influence féconde d'une édu-
« cation sommaire. »
1. Rapport de 1904, p. 73.
— 140 —
Cette éducation sommaire devrait revêtir évidemment
un caractère pratique, tel que celui de fermes -écoles,
dans lesquelles les élèves partageraient leur temps entre
des travaux manuels rétribués et un enseignement théo-
rique.
La Commission du Coton propose en outre de créer
plusieurs écoles d'enseignement secondaire analogues à
celles de Guiseh, et d'adjoindre à cette dernière école une
section spéciale d'enseignement agricole supérieur destinée
à préparer pour l'Egypte un corps d'agronomes.
Ces projets sont sérieusement et activement étudiés :
« Plusieurs Conseils provinciaux ont déjà décidé d'établir
« des fermes- écoles dans les districts ruraux, et le Dépar-
« tement de l'Agriculture va s'efforcer de coopérer avec
« eux à cet égard. Les écoles ont pour but de former les
« fils de fellahs et de petits propriétaires travaillant eux-
« mêmes pour les rendre plus aptes à leur future vie des
« champs. Chaque école comprendra généralement une
« ou deux salles de classe, une petite ferme- atelier, de
« simples bâtiments de fermes et plus de cinq feddans de
« terre dont tout le travail sera fait par les élèves eux-
« mêmes. L'instruction en classe sera limitée à des sujets
« élémentaires et pour faire comprendre intelligem-
« ment le pourquoi et le comment des conditions et des
« travaux agricoles. Pour fournir un corps enseignant
« spécialement formé, cinq étudiants de l'École d'agri-
« culture, qui ont d'ailleurs quitté l'établissement en
« juin dernier, après avoir terminé leurs études, ont
— 141 —
« été retenus comme student-instructors (étudiants-
« intructeurs), et leur nombre sera augmenté en juin
« prochaine »
En France et en Belgique, indépendamment de nom-
breuses écoles d'agriculture, il y a, dans chaque départe-
ment ou province et même dans certains arrondissements,
un professeur chargé d'enseigner l'agriculture à l'école
normale d'instituteurs et dans les écoles primaires supé-
rieures ; il va dans les villages faire des conférences, des
démonstrations, des expériences de machines, d'outils,
de méthodes ; il aide à la création de syndicats, de
mutualités, donne des conseils, des indications, des
encouragements. Pourquoi n'instituerait- on pas, en
Egypte, des fonctionnaires investis d'attributions ana-
logues ?
« A leur défaut, dit fort justement M. Arminjon,
« on ne voit pas qui pourrait instruire, conseiller et di-
« riger le fellah dans ces campagnes où il est abandonné
« à lui-même et où personne ne se trouve pour assurer le
« rôle joué en Europe par les grands « faisant valoir »,
« les citadins propriétaires ruraux, l'instituteur ou
« le curé. Petit pays au climat partout identique, au
« sol uniforme sur tous les points, à la population
.« rurale parfaitement homogène, l'Egypte se prête
« mieux qu'aucune autre région à une action cen-
« tralisée par un système de mesures générales, et il est
1. Rapport de sir Eldon Gorst (1910).
— 142 —
« généralement facile de bien connaître ce qui s'y passe ^ . »
Enfin, à côté de cet enseignement, la Commission du
Coton suggère la création, au Caire, d'une Station agro-
nomique chargée de travailler à la solution des questions
actuellement non résolues. Les travaux de la Station
agronomique pourraient être élargis et amplifiés par les
stations d'essai placées dans les fermes- écoles. Le rapport
de sir Eldon Gorst nous apprend que quatorze de ces
fermes expérimentales ont déjà été créées.
La Commission insiste également d'une façon toute
spéciale sur l'urgence et la nécessité absolue de créer
un Service de l'Agriculture, chargé d'assurer les diffé-
rentes mesures proposées en ce qui concerne le sol, l'eau,
la graine, la plante et ses parasites, de diriger l'ensei-
gnement agricole et les recherches scientifiques à entre-
prendre ou à poursuivre.
La création de ce Département de l'Agriculture est main-
tenant un fait accompli , et il s' est mis résolument à l' œuvre.
« M. Gérald Dudgeon P. E. S., récemment inspecteur
« d'agriculture dans l'Afrique Occidentale Anglaise, fut
« nommé directeur général. L'expérience de M. Dudgeon
« en culture cotonnière dans différentes parties du monde,
« et ses travaux dans l'Inde et l'Afrique Occidentale sur
« le fléau des insectes et leurs effets sur les cultures le
« désignaient particulièrement pour cet emploi. Le
« nouveau Département, qui a repris l'ensemble du Comité
1. La Situation économique et financière de l'Egypte, p. 638.
— 143 —
« scientifique et d'inspection de la Société khédiviale d'A-
ce griculture, est rattaché au Ministère des Travaux Publics,
« mais il a des relations suivies avec ceux des Finances
« et de l'Intérieur, le premier lui apportant son aide dans
« la distribution de la graine de coton, le second organisant
« la campagne contre le ver du coton et de la capsule. Le
« Département travaille maintenant régulièrement. Des
« fermes expérimentales ont été créées et des conventions
« passées pour la distribution de bonnes graines aux culti-
« vateurs trop pauvres. Des recherches pratiques vont
« être entreprises sur quelques sujets, comme le fléau des
« insectes et celui des maladies cryptogamiques, et les
« recommandations nécessaires seront faites au moyen
« de circulaires. La détérioration de l'espèce de coton
« Mit-Afifi est à l'étude, et les opérations ultérieures
« comprennent des analyses de sol et d'engrais et la pu-
« blication dans un journal de tout ce qui intéresse
« l'agriculture. »
Un Comité supérieur permanent de l'Agriculture serait,
en outre, institué avec mission d'exercer un contrôle sur
l'enseignement agricole et les recherches scientifiques du
Service d'Agriculture.
Il est évident que de pareils organismes rendront les
plus grands services.
Il conviendrait aussi de créer des Associations agri-
coles de prévoyance, de production, de consommation,
d'assistance et de crédit, dont le fellah n'a pas la moindre
idée.
— 144 —
Introduites en Algérie, en Tunisie, et aussi dans l'Inde,
ces institutions ont donné d'excellents résultats ; elles
permettraient aux fellahs de se grouper pour acheter au
prix de gros, vendre sans intermédiaire leur coton et leurs
céréales, acquérir à bien meilleur compte les instruments
aratoires, les engrais, les semences, tous les objets néces-
saires à l'exploitation, se procurer du crédit dans des
conditions raisonnables au lieu d'avoir recours à l'usurier.
On doit souhaiter que, d'ici peu, chaque district possède
au moins un syndicat agricole.
Il faudrait enfin créer des Banques mutuelles de crédit,
qui, placées sous le contrôle sévère du Gouvernement,
pourraient en même temps servir de Caisses d'Épargne.
Le musulman actuellement thésaurise et ne place pas son
argent parce que le Coran le lui interdit ; il faudrait
l' amener à donner à son épargne un emploi [productif. Le
crédit est actuellement distribué au fellah par VAgricultu-
rai Bank, Société de crédit rural, contrôlée et garantie par
le Gouvernement. Elle consent aux cultivateurs solvables
des prêts au taux de 8 0/0, garantis par une hypo-
thèque. La Banque a déjà prêté 8 millions de livres. Mais
cet argent dépensé sans contrôle a été mal employé, ce
qui n'aurait pas eu lieu dans une coopérative de crédit.
En résumé :
La diminution progressive des rendements de la culture
cotonnière doit être attribuée :
A r excès d'humidité du sol résultant de la disproportion
entre l'abondance de Veau et l'efficacité du drainage ;
— 145 —
A ux raclages de certains parasites ;
A V impureté de la graine cotonnière par suite de V hybri-
dation de variétés de choix avec des variétés de qualité infé-
rieure ;
Enfin, à V ignorance, à V insouciance et à V esprit de
routine du fellah.
Or, ces causes ne sont pas essentielles, permanentes,
irréductibles, mais contingentes, accidentelles, susceptibles
de disparaître, et nous avons constaté qu'elles ont été
déjà beaucoup atténuées.
D'autre part, les remèdes, tels que nous les avons
exposés, sont les suivants :
Contre l'excès d'humidité, l'extension et le perfection-
nement du système de drainage actuellement existant ;
contre l'abus des irrigations, l'adoption d'un système de
rotations plus rationnel pour l'emploi des eaux d'arro-
sage.
Contre les parasites, l'application méthodique des lois,
décrets, arrêtés prescrivant les mesures nécessaires pour
combattre le fléau, l'examen de procédés nouveaux de
destruction des insectes et l'essai de tous ceux qui auraient
paru dignes d'une prise en considération ;
Contre l'impureté des graines, un ensemble de mesures
en vue d'une sélection attentive des semences, de l'extir-
pation des variétés de cotonniers reconnues inférieures
et de la mise de graines de choix à la disposition du culti-
vateur.
Enfin, contre l'ignorance, l'imprévoyance, l'esprit de
9
— 146 —
routine du fellah, la diffusion des éléments d'instruction
par la création, à côté de grands établissements d'ensei-
gnement secondaire et supérieur, d'écoles d'instruction
sommaire, de fermes- écoles, de stations d'essais agricoles
et aussi, autant que possible, d'un corps d'instituteurs qui
seraient chargés d'aller dans les villages faire des confé-
rences et des démonstrations, d'éclairer, de conseiller, de
diriger, d'encourager les paysans. Il conviendrait encore
de tirer le fellah de son isolement, en lui procurant les
puissants secours de syndicats agricoles, d'institutions
mutuelles de prévoyance, d'assistance, de production, de
consommation et de crédit.
Voilà exposée en quelques lignes la tâche qui s'impose
au Gouvernement ; elle est grande à coup sûr, mais elle
n'est pas au-dessus de son dévouement aux intérêts dont
il a la garde. Par ce qu'il a déjà fait et par ce qu'il se pro-
pose de faire encore, on peut prévoir qu'il ne négligera rien
pour la mener à bonne fm; mais il faut espérer qu'il trou-
vera dans les initiatives privées le concours qu'il est en
en droit d'attendre de ceux qui sont les premiers intéressés
au succès d'une œuvre dont l'accomplissement doit gran-
dement ajouter à la prospérité générale.
CHAPITRE XVI
LA STABILITÉ POLITIQUE
L'Angleterre abandonnera-t-elle l'Egypte? Elle ne l'abandonnera pas de
son plein gré, et son expulsion, soit par une révolution intérieure, soit
par l'intervention d'une ou plusieurs puissances européennes, n'est pas à
craindre. — Mais, si elle évacuait l'Egypte, l'Europe ne manquerait pas
d'intervenir pour le maintien de ses garanties et la sauvegarde de ses
intérêts. — La dette de l'Egypte envers l'Europe est trop élevée pour que
l'Europe s'en désintéresse. — En cas d'indépendance, ou l'Egypte sera
à la hauteur de sa tâche, ou elle retombera sous le contrôle des puissances
européennes. — Rien ne sera changé. — Opinion de lord Cromer.
Nous devons d'abord examiner une question qui, pour
être d'un ordre différent de celles qui précèdent, n'en est
pas moins d'un grand intérêt pour notre sujet.
Si, pour une raison quelconque, l'Angleterre abandon-
nait l'Egypte, qu'adviendrait- il des garanties de sécurité
résultant de son occupation ?
Cette objection suppose ou que l'Angleterre aurait
abandonné l'Egypte de plein gré, ou qu'elle en aurait été
expulsée, soit parle fait d'une révolution intérieure, soit par
l'intervention d'une ou plusieurs puissances européennes.
— 148 —
On nous permettra de ne pas nous arrêter un seul
instant à l'éventualité d'un abandon volontaire. Gomment
admettre que les Anglais se retireraient bénévolement
d'un des pays les plus riches du monde, dont la possession,
tout en fortifiant singulièrement leur position dans la
Méditerranée, leur a donné la clef de la route des Indes,
et qui, du reste, à l'heure de l'accord franco- anglais de
1904, n'a pas été sans leur coûter quelques concessions.
Leur diplomatie, on le sait, n'est pas coutumière de sem-
blables actes de désintéressement, de pareils gestes de
générosité.
Quant à l'hypothèse d'une expulsion par une révolution
intérieure, il faudrait, pour l'envisager sérieusement,
ignorer la mentalité du peuple égyptien et sa situation
vis-à-vis de l'Angleterre.
Doux, naturellement respectueux de l'autorité, tra-
vailleur acharné, préoccupé d'agrandir et d'améliorer son
champ, le fellah, qui, nous l'avons dit, forme l'immense
majorité de la population, est loin d'avoir l'instinct et le
tempérament révolutionnaires.
Sans doute, les succès remportés par les Japonais
contre les Russes, la guerre du Transvaal, et surtout la
campagne nationaliste menée par l'ardent patriote et
grand tribun Mustafa Kamel Pacha ont pu, un instant,,
agiter plus ou moins profondément la masse populaire ;
d'autre part, en éveillant dans les jeunes cerveaux des
sentiments exagérés de grandeur et d'indépendance, une
première initiation scientifique a prédisposé une certaine
— 149 —
élite intellectuelle à supporter impatiemment toute
espèce de tutelle étrangère ; enfin, le caractère débonnaire
de l'occupation anglaise a pu être interprété tout d'abord
comme un indice de faiblesse.
Mais, aujourd'hui, ces causes d'agitation ont disparu.
Les succès des Japonais, aussi bien que les difficultés de
l'Angleterre au Transvaal, ont cessé de hanter les esprits ;
le grand tribun égyptien n'est plus; arrivée au terme de
ses études, la jeune génération a perdu ses ambitieuses
illusions du début ; elle a compris que le pays n'est pas
mûr pour l'indépendance, qu'il est loin de pouvoir se
passer d'une tutelle, et, chose plus curieuse encore, la
politique anglaise a cessé de paraître débonnaire. A ce
sujet, le dernier rapport du précédent Résident général
en Egypte, sir Eldon Gorst, est des plus significatif, et
l'envoi au Caire de lord Kitchener, un des hommes les
plus énergiques que l'Angleterre possède, en fournit un
témoignage plus significatif encore.
On peut donc affirmer que la population égyptienne,
sauf quelques tempéraments qui tiennent à rester ou à
paraître irréductibles, est aujourd'hui revenue à la tran-
quillité et au bon ordre. Elle en témoigne, d'ailleurs, par
l'évolution morale qui s'opère en elle et tend toutes ses
forces vers le progrès.
Mais si, d'aventure, elle s'avisait de se soulever, comment
pourrait- elle lutter contre la formidable puissance britan-
nique ? Outre que le Gouvernement anglais dispose
de forces considérables, il tient entre ses mains la vie
— 150 —
même des paysans, puisqu'il est le dispensateur souve-
rain de l'eau nécessaire à la vie du pays.
L'Angleterre ne pourrait donc être dépossédée que
par l'intervention armée d'une ou plusieurs puissances
européennes ; mais, outre que toute intervention de ce
genre en pays lointain se heurte à des difficultés sur les-
quelles il n'est pas besoin d'insister, il faudrait d'abord
que les Anglais eussent perdu la maîtrise de la mer.
Supposons, cependant, que, par suite, soit d'un abandon
bénévole, soit d'une révolution intérieure, soit d'une
intervention européenne, les Anglais aient évacué l'E-
gypte. Est- il permis d'admettre que les puissances sacri-
fieraient les nombreux et importants intérêts qu'elles ont
dans la vallée du Nil, qu'elles permettraient l'abolition
des garanties si jalousement maintenues, si attentivement
sauvegardées depuis tant de siècles ? Non, à ce point de
vue, rien ne saurait changer; trop d'intérêts se trouvent
engagés dans le pays pour qu'aucune modification de
nature à leur porter atteinte soit possible.
Il suffit pour s'en convaincre de considérer l'importan-
ce, au point de vue européen, de la situation géographique
de l'Egypte, et, d'autre part, sa situation financière vis-
à-vis de l'Europe. De tout temps, les puissances euro-
péennes ont compris l'importance pohtique que la terre
des Pharaons tire de sa situation géographique. Grâce
à cette situation, elle est comme le carrefour du vieux
monde, le point de jonction entre l'Europe, l'Asie,
rOcéanie et l'Afrique Orientale ; elle est aussi la grande
— 151 —
voie de pénétration dans tous les pays d'Extrême-Orient.
Au point de vue stratégique, cette situation n'est pas
moins importante.
Tout cela lui assure un rôle international que M.
de Freycinet a défini excellemment en ces termes :
« Au centre de l'ancien continent, ayant vue à la fois
sur l'Europe, l'Asie et l'Afrique, dominant le bassin
oriental de la Méditerranée et la mer des Indes, base
d'opérations incomparable pour envahir la Syrie, me-
nacer ou protéger le Sultan, donnant la maîtrise des
voies de terre et d'eau entre l'Europe et l'Extrême-
Orient, aussi bien du canal de Suez que des chemins de
fer dirigés vers le golfe Persique, l'Egypte voit son rôle
international grandir tous les jours ^. »
Quant à la situation financière de l'Egypte vis-à-vis
de l'Europe, elle se présente actuellement de la sorte :
La question du canal de Suez mise à part, l'Egypte se
trouve en face d'une dette extérieure qui, au 31 décembre
1909, atteignait la somme de 95.240.740 livres, dont
89.232.420 en circulation et 6.008.320 en titres détenus
par la Caisse de la Dette et par le Gouvernement^.
D'autre part, le montant des actions des Sociétés ano-
nymes, pouvant être considéré comme actuellement dé-
tenu en Europe s'élèverait, d'après M. Papazian, auteur
de V Annuaire delà Finance égyptienne, à L. E. 21.675.000
et celui des obligations à L. E. 41.062.400 ; soit au total :
1. La Question d'Egypte, p. 5.
2. Annuaire statistique de l'Egypte (1910), p. 300.
— 152 —
L. E. 62.737.400 (donnant un revenu de L. E. 3.348.400).
Ces deux sommes, dette de l'État et titres des Sociétés
anonymes, réunies, portent la dette du pays à L. E.
157.978.140 (4.095.350.356 fr. 45).
Gomme nous venons de l'indiquer, la presque totalité
de cette somme a été tirée de l'étranger. L'Égyptien n'a
presque pas de capitaux liquides à placer en titres ; en
eût-il, il préférerait les confier à la terre, qui, tout en lui
offrant une sécurité sans égale, lui assure un revenu bien
plus rémunérateur.
Mais si l'Egypte s'enrichit considérablement, si elle
porte allègrement la charge de sa dette extérieure, cela
ne veut pas dire qu'elle soit en état de se libérer. Sa ri-
chesse tout entière est dans son sol ; elle n'a pas de ca-
pitaux disponibles, toutes ses réserves étant immobilisées.
Or cette dette, elle se verra obligée de l'augmenter dans
une forte proportion pour exécuter de nouveaux et im-
portants travaux, absolument indispensables, développer
et perfectionner son outillage économique, mettre en
valeur les terrains encore en friche et ceux actuellement
recouverts par les lagunes, qui, réunis, occupent une
superficie de près de 8.000 kilomètres carrés.
Dans cette augmentation, la part du Gouvernement
ne sera pas moindre de 400 à 500 millions de francs, et il
est présumable que celle du public dépassera le triple de
cette somme.
Gomme la majeure partie de la dette actuelle, la nou-
velle, ainsi qu'il vient d'être exposé, sera consacrée à déve-
— 153 —
lopper la richesse du pays, mais elle rendra l'Egypte plus
étroitement tributaire des puissances étrangères. Il lui
faudra donc beaucoup de temps pour se libérer de sa dette
par le mécanisme toujours très lent de l'amortissement,
d'autant plus que, concurremment avec les fonds d'em-
prunt, elle devra employer son épargne à l'amélioration
du sol.
Restant ainsi débitrice de l'étranger, est- il possible
qu'elle modifie son régime au détriment des intérêts,
européens ?
Évidemment non; il est inadmissible que les grandes
puissances, pour qui la prospérité et la tranquillité de
l'Egypte sont une nécessité rigoureuse et dont la situa-
tion a été définie, réglée, assurée, par des conventions,
des traités internationaux, des accords précis et formels
puissent assister impassibles à l'abolition de leurs préro-
gatives.
Admettons, cependant, que, dans un avenir plus ou
moins éloigné, l'Egypte vienne à recouvrer son indépen-
dance. De deux choses l'une : ou elle sera à la hauteur de
sa tâche pour sauvegarder les intérêts de l'Europe et
conservera son indépendance ; ou elle tombera dans le
désordre, et alors l'Europe interviendra, comme elle
intervint déjà, en 1876, pour la réforme financière, et,
en 1879, lors de la déposition du Khédive.
Dans les deux cas, il n'y aura rien de changé au point
de vue de la sécurité des placements, et la prospérité égyp-
tienne ne sera pas arrêtée dans son essor.
— 154 —
C'est ce qu'indique fort nettement lord Gromer, dans
Son rapport de 1906, lorsque, après avoir constaté la pro-
gression continue de cette prospérité, il ajoute :
« Quelles sont les circonstances qui pourraient arrêter
« cette progression ? En premier lieu, on observera que
« le retrait complet et soudain du contrôle européen ou
« l'adoption précipitée d'institutions trop avancées pour
« être en ce moment assimilées par les Égyptiens pour-
ce raient, l'un et l'autre, amener des conséquences désas-
« treuses. Il surviendrait alors probablement une rechute
« dans la mauvaise administration du passé. Je ne vois
« pas cependant de raison pour que l'une ou l'autre de
« ces deux éventualités arrive. Il est facile de prédire
« l'avenir immédiat de l'Egypte, le régime actuel ne su-
ce bira aucun changement radical.
« Je ne saurais entreprendre de prédire l'avenir éloi-
« gné du pays, mais il est permis d'affirmer, en consi-
« dération des grands intérêts engagés, tant européens qu' in-
« digènes, qu'on ne le laissera jamais choir de nouveau
« dans son état antérieur. »
TROISIÈME PARTIE
CHAPITRE XVII
FORTUNE IMMOBILIÈRE DE L'EGYPTE
Évaluation de la propriété rurale d'après l'impôt foncier, la valeur
locative et le revenu des terres. — Évaluation de la propriété urbaine
au moyen de la capitalisation du revenu des loyers, accusé par
l'impôt. — Valeur totale de la fortune immobilière, déduction faite
de l'impôt capitalisé et des wakfs (biens de mainmorte) publics,
khédiviaux et privés.
Il nous reste une étape à parcourir pour terminer notre
Étude, et ce n'est ni la moins importante, ni la moins
intéressante pour les capitalistes français, puisque la
majeure partie des capitaux français placés en Egypte
sont engagés dans des placements hypothécaires. Nous
voulons parler de la dette hypothécaire de l'Egypte, de
son importance et de son rapport avec la fortune immobi-
lière qui lui sert de gage.
La fortune immobilière de l'Egypte se compose de deux
— 156 —
parties bien distinctes: la fortune rurale et \di fortune urbaine.
Essayons de déterminer la valeur de chacune d'elles.
I
ÉVALUATION DE LA PROPRIÉTÉ RURALE
Trois éléments se présentent à nous pour procéder
à l'évaluation de la propriété rurale:
10 L'impôt foncier;
2^ La valeur locative moyenne des terres ;
3° Le revenu du sol.
Nous allons les employer successivement :
1° Évaluation par l'impôt foncier
Nous rappelons que les contingents principaux de l'im-
pôt ont été fixés il y a très longtemps. Déjà Ismaïl-
Pacha, à l'article 8 du décret du 2 mai 1876, instituant
la Caisse de la Dette, s'exprimait ainsi : « Le Gouver-
« nement ne pourra, sans l'avis conforme des Commis-
« saires qui dirigent la Caisse de la Dette Publique, pris
« à la majorité, porter, dans aucun des impôts affectés
« à la Dette, des modifications qui pourraient avoir pour
« résultat une diminution de la rente de cet impôt. »
Cette stipulation fut observée rigoureusement jusqu'à
l'établissement de la taxe spéciale à l'entrée des tabacs,
taxe qui eut pour conséquence l'interdiction de la culture
de cette plante en Egypte. En dédommagement du sacri-
— 157 —
fice imposé aux cultivateurs, le Gouvernement prit l'en-
gagement d'employer une partie de l'excédent de recettes
devant provenir de cette taxe d'entrée à certains dégrè-
vements de la propriété foncière. En exécution de cet
engagement, des réductions d'impôts furent faites à quatre
reprises successives, de 1891 à 1898; elles atteignirent,
dans leur ensemble, la somme de L. E. 564.100.
D'autre part, les opérations de la péréquation de l'im-
pôt, dont il a été déjà fait mention, n'ont apporté aucune
modification à l'ensemble ni, par suite, à la répartition
générale. Le rôle de la Commission instituée à cet effet
devait se borner : 1° à supprimer la distinction entre les
terres, établie jusque-là par le fisc, et qui en faisait deux
classes séparées : les terres Ouchoury et les terres Kharadji
inégalement taxées ; 2^ à faire une répartition équitable de
la cote de chaque contribuable en prenant pour base la
valeur locative de la terre. Ces conditions posées, il s'a-
gissait tout d'abord, pour la Commission, d'établir le
rapport qui devait exister entre le montant total de l'im-
pôt et celui du revenu du sol. Le premier étant connu, et
ayant été fixé, pour 1894, à L. E. 4.611.216 (sauf dimi-
nution de L. E. 102.800 consentie par le Gouvernement
en faveur des contribuables), il ne restait plus qu'à déter-
miner l'autre. Les enquêtes auxquelles il fut procédé à
cet effet permirent de fixer le revenu du sol, pour la même
année, à L. E. 16.147.824.
Connaissant ces données, il était facile à la Commis-
sion d'en calculer le rapport. Ce rapport s'établit ainsi
— 158 —
à 28,55 0/0, taux qui fut adopté comme assiette de l'impôt
foncier. Sur cette base, et en ne perdant pas de vue que
le contingent des villages ne devait pas subir de modi-
fication, la Commission divisa les terres en vingt- deux
catégories et attribua, suivant les résultats du calcul, à
la première catégorie une valeur locative de P. T. 575
(149 fr. 06) par feddan et, à la dernière, une valeur locative
de P. T. 50 (12 fr. 96).
Nous donnons ces détails pour montrer que, si, dans
l'évaluation de la propriété rurale, on prend pour base
de calcul les chiffres absolus de l'impôt dans l'année en
cours, on commet une grave erreur, ces chiffres ayant
cessé depuis longtemps de correspondre à la valeur locative
des terres. En effet, depuis 1895, de nombreux change-
ments se sont produits dans le mode d'exploitation du sol.
En premier lieu, la conversion à l'irrigation pérenne
de toutes les terres de la Moyenne- Egypte, depuis le
barrage d'Assiout jusqu'au Caire, a eu pour effet d'ac-
croître à la fois la proportion des terres cultivées en
coton, passée, de 1895 à 1909, de 15,51 0/0 à 20,83 0/0,
et celle des terres cultivées plus d'une fois qui, en 1895,
couvraient 1.557.352 feddans, pour un total de 5.640.226
feddans, soit les 27,60 0/0, tandis que, pour 1909, elles
étaient de 2.296.562 feddans pour un ensemble de
6.475.694 feddans, ce qui en a fait remonter le rapport
à 35,46 0/0.
En second lieu, la sole du coton, qui était généralement
de trois ans pour toute l'Egypte, a été presque partout
— 159 —
abaissée à deux ans, ce qui a sensiblement influé sur
l'augmentation de la proportion des terres cultivées en
coton.
En troisième lieu, l'amélioration de l'exploitation ca-
ractérisée surtout par l'emploi des engrais chimiques,
inconnus dans le pays avant 1900, alors qu'aujourd'hui,
en dehors de ceux qui sont fabriqués sur place, il en est
importé pour près de L. E. 300.000 par an, a eu pour
effet d'augmenter sensiblement les rendements des pro-
duits du sol, exception faite du coton.
Enfin la hausse considérable, qui, depuis quelques
années, s'est fait sentir sur le prix du coton, a non seu-
lement contrebalancé l'effet de la diminution du rende-
ment de la plante, mais déterminé une augmentation
sensible du revenu de la terre. Pour la valeur de la
récolte totale du coton, on voit que de L. E. 11.193.058
en 1896-1897, elle est arrivée à L. E. 33.915.339 en 1910-
1911 et que le rendement à l'hectare qui, en 1896-1897,
était de 656 fr. 78 est passé, en 1910-1911, à 1.303 fr. 57,
soit près du double. (Voir tableau XIII, p. 125.)
Ajoutons, en ce qui concerne la valeur de la propriété,
et malgré les titres qu'elle avait acquis à la hausse
antérieurement à l'accord franco- anglais de 1904, que ce
fut seulement à partir de ce moment que cette hausse
se produisit.
Pour nous résumer, nous pouvons dire, avec tous ceux
qui connaissent tant soit peu le sol égyptien, que les
28,55 0/0 de l'assiette de l'impôt n'ont plus qu'un rap-
— 160 —
port lointain avec le revenu du sol. Le tableau que nous
consacrons plus loin à cette question montre, en effet,
qu'aujourd'hui celui-ci dépasse de plus du double le
chiffre qui a servi de base à l'établissement de l'assiette
de l'impôt. Si donc nous voulons prendre le chiffre de
l'impôt pour base d'évaluation de la propriété rurale,
nous devons lui appliquer une majoration qui corresponde
autant que possible à l'augmentation de son revenu ou, ce
qui revient au même, à la plus-value générale dont a fort
justement bénéficié la terre depuis 1895. En aucune façon
cette majoration ne saurait être inférieure à 7,5 OjO et,
en V adoptant, on peut se flatter de rester dans des limites
modestes. Si nous prenons le dernier chiffre connu
de l'impôt, celui de l'année 1909 1, qui s'est élevé à
L. E. 5.059.231, et si nous lui appliquons la majoration
de 75 0/0 qui s'établit à L. E. 3.794.423, nous obtenons
L. E. 8.853.654 représentant plus justement les
28,55 0/0 de la valeur locative des terres.
Pour avoir cette valeur locative, nous procéderons de
la sorte :
100 X 8853.654 ^ ^^_^^^_^^^_
28,55
Capitalisée à 6 0/0, cette somme représente :
31.011.047 X 100 ^ 5,6,g5o_,83
6
1. Annuaire statistique de l'Egypte (1910), p. 270.
— 161 —
Il en ressort que la valeur de la propriété rurale
s'établissait, en 1909, à L. E. 516.850.783, soit :
13.398.594.504 francs.
Cette somme doit encore s'augmenter de la valeur des
dattiers, complètement indépendante de la valeur des
terres qui les portent.
Les dattiers sont soumis au paiement de la dîme fixée,
une fois pour toutes, à P. T. 2 1/2 par arbre, ce qui leur
donne un revenu moyen de P. T. 25 et une valeur moyenne
de L. E. 4,167 en capitalisant à 6 0/0. Le coefficient
par lequel il faut multiplier l'impôt pour en établir la
valeur totale est 166,67 ou le produit de 10 (dîme) par
16,67 (denier) au taux de 6 0/0. D'après cela, l'impôt
s' étant établi, pour 1909, à L. E. 139.543, la valeur corres-
pondante des arbres s'établit à L. E. 23.257.632 1.
' Cette somme, ajoutée au total trouvé plus haut
de L. Ë. 516.850.783, donne pour total définitif
L. E. 540.108.415.
2" Évaluation de la propriété rurale
par la valeur locative
Comme on le conçoit aisément, la valeur locative des
terres est très variable ; elle varie de L. E. 20 autour des
grands centres, eu égard au grand débouché des fourra-
gères, qui rapportent autant sinon plus que le coton,
jusqu'à L. E. 2 dans les régions éloignées où la culture
1. D'après l'Annuaire statistique de l'Egypte (1910), le nombre des dattiers
recensés en 1907 s'est élevé à 5.966.010, ce qui, pour la va eur totale ci-
dessus de L. E. 23.257.632 déduite de l'impôt, fait ressortir la valeur de
l'arbre à L. E. 3,898.
10
— 162 —
est encore à l'état rudimentaire. Dans cette diversité de
prix, il faut tenir compte également du régime d'eau
auquel les terres sont soumises; celles dépendant du
régime des bassins ou de l'inondation ne donnent qu'une
récolte par an, très abondante il est vrai, alors que les
terres sillonnées par les canaux d'irrigation en donnent
deux et même davantage, en même temps qu'elles sont
les seules à produire le coton et la canne à sucre, cul-
tures les plus rémunératrices. Cela posé, quelle serait la
valeur locative moyenne de l'une et de l'autre de ces deux
classes de terre ? Si nous nous en rapportons aux taux
actuels des locations, qui oscillent entre 8 et 10 livres
pour les terres irriguées et entre 4 et 6 pour les terres à
bassins, on ne peut attribuer moins de 7 livres aux terres
irriguées et de 3 1/2 aux terres à bassins, sauf déduction de
l'impôt. Mais, en matière d'évaluation, il vaut mieux se '
montrer modeste et ne pas hésiter à pécher par défaut
plutôt que par excès. Aussi croyons- nous devoir réduire
les chiffres ci- dessus à L. E. 6 1/2 et à 3 respectivement.
Voici dès lors comment s'établissent les calculs :
Terres à bassins : 943 609 feddans
à L. E. 3 = L.E. 2.830.827.
Capitalisées à 6 0/0 L.E. 47.180.450
Faisant ressortir la valeur de l'unité
à L. E. 501.
1. La valeur de l'unité pour chacune des catégories des terres à bassins et
des terres irriguées doit subir une réduction représentant la capitalisation de
l'impôt foncier au taux de 9 0/0. Nous avons fait cette réduction à la fin du
présent chapitre dans l'évaluation totale de la propriété immobilière.
— 163 —
Report: 47.180.450
Terres irriguées : 4.676.391 feddans
à L. E. 6 1/2 = L. E. 30.396.542 .
Capitalisées à 6 0/0 L. E. 506 . 609 . 033
Faisant ressortir la valeur de l'unité
à L. E. 108,333.
Total L. E. 553.789.483
Ce total, divisé par la superficie totale imposée
en 1909, ramène la valeur moyenne du feddan à
L. E. 98,539.
3° Évaluation de la propriété rurale par le revenu
des terres
C'est là la partie la plus délicate de notre travail. En
effet, les seules statistiques que nous possédions sur la
matière sont relatives à la superficie des cultures; il n'en
existe pas sur la production. Nous avons essayé d'y sup-
pléer par un travail personnel de recherches et d'en-
quêtes ; la difficulté de la tâche et l'impossibilité d'obtenir
une concordance acceptable dans les chiffres recueillis
nous ont obhgé à y renoncer. Nous eûmes alors l'heureuse
inspiration de nous adresser à la nouvelle Direction de
l'Agriculture, qui, avec un empressement dont nous ne
saurions assez la remercier, nous a répondu par la lettre
suivante :
— 164 —
Ministry of public Works
Department of Agriculture
« Le Caire, le 30 mai 1911.
a Monsieur,
« En réponse à votre lettre du 24 courant, j'ai l'honneur
de vous informer que mon Département s'efforce d'ob-
tenir des états des rendements approximatifs des cul-
tures pour cette année, mais ils ne sont pas encore com-
plets. En attendant, j'ai le plaisir de vous communiquer
les moyennes approximatives des rendements pour les
cultures énumérées dans votre lettre, savoir :
Ardebs.
Blé 4
Orge 7
Fèves 8
Maïs 6 1/2
Millet 10
LentUles 3 1/2
Riz 5
Arachides 16
Quantars.
Oignons 100
Canne à sucre. Première poussée 600
— Deuxième poussée. 400
« Veuillez agréer. Monsieur, l'assurance de ma consi-
dération distinguée. »
Signé : Le Directeur général.
— 165 —
Aux indications ci- dessus, nous avons nous- même
ajouté les suivantes, qui nous ont semblé correspondre le
plus possible à la réalité.
Bersim (espèce de trèfle), revenu net du feddan :
L. E. 5 ;
Cultures diverses comprenant lentilles, pois chiches,
sésames, arachides, indigo, etc., revenu du feddan :
L. E. 3/12 ;
Vergers et potagers, revenu du feddan : L. E. 15.
La récolte entière du coton étant exportée, il s'ensuit
qu'on en connaît le chiffre avec la plus grande exactitude.
Pour cette culture, nous avons pris comme chiffre moyen
du rendement 4,20 kantars, rendement moyen des cinq
dernières années.
Quant aux frais correspondant aux différentes cultures,
on peut en fixer les moyennes, en tenant compte de ce que
les céréales, — sauf l'orge, cultivée en général dans les
terres non encore améliorées de la Basse- Egypte, — étant
produites en égales quantités dans les régions irriguées
et dans celles des bassins où le sol ne reçoit aucune pré-
paration, il en résulte que les frais moyens se trouvent
considérablement réduits. D'ailleurs, pour ces cultures
comme pour les autres, les frais moyens diffèrent sensi-
blement de ceux que nous avons donnés, au début de ce
travail, pour une exploitation normale, en ce sens que ces
derniers comprennent le prix des engrais ; chacun sait
cependant que l'emploi des engrais, déjà entré dans la
pratique agricole, est loin de s'être généralisé. Il faut
— 166 —
enfin observer que, dans le tableau de l'exploitation (/,
pages 28 et 29), nous avons fait entrer le prix de revient
de l'eau d'irrigation en la supposant élevée par machine,
alors que, dans un grand nombre de terres, l'eau coule
par gravitation, d'où économie assez sensible dans les frais.
Ces réserves faites, voici les frais moyens des diverses
cultures par feddan :
Piastres tarif.
Coton 450
Mais 145
Riz 300
Blé 170
Fèves 120
Orge 120
Canne à sucre 580
Oignons 400
Bersim 75
Divers 150
Vergers et Potagers 800
Les trois tableaux XIV, XV et XVI et la planche XI
qui suivent font connaître les résultats unitaires et géné-
raux des cultures, d'après les bases indiquées ci- dessus.
Les prix des produits étant sujets à variations au cours
de l'année, nous avons adopté ceux des exportations
ramenés à des moyennes annuelles d'après les valeurs
enregistrées. Pour les pailles, nous avons établi nos
moyennes sur les prix des six dernières années.
On voit, au bas de la dernière colonne du tableau XVI,
que la valeur nette de l'ensemble des récoltes s'est
élevée, d'après nos calculs, à L. E. 44.729.501, soit,
— 167 —
comme nous l'avons déjà dit, à près de trois fois celle de
1894, quia serçidebaseà rétablissement du taux de r impôt.
Il nous reste à déterminer la valeur de la propriété
d'après le montant ainsi établi de ses revenus.
Revenu des terres net L. E. 44.729.501
Capitalisé à 7 0/0 L. E. 638.992.871
Ce chiffre est sensiblement supérieur à celui que nous
a donné la valeur locative des terres (L.E. 553.789.483).
L'écart de 15,38 0/0 se conçoit sans peine, puisqu'il doit
représenter la part de l'exploitant dans les revenus du
sol.
Procédons maintenant à la récapitulation des résultats
que nous ont donnés nos trois modes d'évaluation, afin
d'en déduire une moyenne définitive pouvant être consi-
dérée comme représentant la valeur la plus approchée de
la propriété rurale.
Récapitulation.
lo Résultat de l'évaluation par
l'impôt L. E. 540.108.415
20 Par la valeur locative 553 . 789 . 483
30 Par le revenu du sol 638 . 992 . 871
Total L.E. 1.732.890.769
Ce qui nous donne une moyenne
de L.E. 577.630.256
— 168 —
De ce total nous pouvons tirer par une simple règle
de trois la valeur moyenne du feddan pour chacune des
deux classes de terres : terres irriguées et terres à bassins.
Nous obtiendrons les résultats suivants :
10 Valeur des terres irriguées L. E. 528.418.722
faisant ressortir le feddan à :
528.418.722
4.676.391 -L-E. 112,997.
2° Valeur des terres à bassins L. E. 49.211.534
faisant ressortir le feddan à :
49.211.534 _
943.609 -L. t. 52,152,
30 Valeur moyenne du feddan pour les deux catégories
réunies :
577.630.256 _
5.620.000 " ^- ^ ^°^''®^-
Au total général de L.E. 577.630.256 il nous faut ajouter
la valeur des terres incultes estimées L. E. 10 le feddan.
La superficie de ces terres étant de 1.102.000 feddans,
leur valeur est donc de L. E. 11.020.000, qui, ajoutées
aux L. E. 577.630.256, forment un total de L. E.
588.650.256.
— 169 —
ÉVALUATION DE LA PROPRIÉTÉ URBAINE
D'après un travail récent, la valeur de la propriété
urbaine s'élèverait à 6.054 millions de francs; ce chiffre
nous parait fort exagéré.
D'après nos calculs, elle ne serait que de L. E. 77.813.750
(2.017.206.740 francs).
Soucieux de nous en tenir aux évaluations les plus mo-
destes et considérant, d'autre part, que, depuis la crise,
le prix des immeubles urbains a beaucoup diminué, nous
croyons que la valeur la plus rationnelle serait celle dont
la base se rapprocherait le plus du chiffre de l'impôt. Or
nous savons, d'après V Annuaire statistique de l'Egypte
(1910), que l'impôt payé par la propriété bâtie a été, en
1909, de L.E. 249.0041.
Aux termes d'une disposition du décret du 13 mars
1884, réglementant l'impôt sur la propriété bâtie, cet
impôt est égal au douzième de la valeur locative 2. Nous
aurons donc :
L. E. 249.004 x 12 = 2.988.048.
En capitalisant ce revenu à 6 0/0, on trouve :
^00 ^f^-*^^ = 49.800.800,
représentant la valeur des immeubles bâtis.
1. Page 270.
2. L'impôt sur la propriété bâtie a été tout récemment augmenté de 3 °/o
dans la ville du Caire, afin de pourvoir aux charges devant résulter de l'établis-
sement d'un réseau d'égouts en cours d'exécution.
— 170 —
Il y a lieu cependant de tenir compte de ce que les dé-
clarations des propriétaires, en général, sont inférieures
au revenu des loyers, et que, dans leur ensemble et en
raisonnant par analogie avec les faits parvenus à notre
connaissance, elles doivent tout au plus représenter les
75 0/0 de ces revenus. Il suit de là que, pour avoir la
valeur réelle de la propriété bâtie, il faut majorer la somme
ci- dessus d'au moins 25 0/0; ce qui donne : L. E.
62.251.000 (soit 1.613.765.392 francs).
Ce chiffre ne représente pas encore la valeur exacte de
la propriété urbaine, puisque celle-ci se compose aussi
bien des immeubles bâtis que des terrains vagues auxquels
s' ajoutent d'autres catégories d'immeubles urbains exempts
d'impôts comme ces terrains, savoir :
1° Les cabanes non productives de re^^enu ;
2° Les maisons dont la valeur locative est inférieure
à P, T,500 {130 francs) ;
3® Tous les immeubles qui sont situés en dehors des
villes et localités désignées par le décret comme devant payer
V impôt ;
40 Les nombreux enclos de terrains non bâtis qu'on
trouve dans tous les quartiers et qui, pour ne pas payer
V impôt, n'en représentent pas moins une valeur consi-
dérable ;
50 Les palais et les maisons habités par leurs proprié-
taires, lesquels ne paient qu'une taxe dérisoire.
En raison de ces importants facteurs, nous estimons
— 171 —
qu'il convient de majorer de 25 0/0 au moins la valeur
déjà établie de la propriété urbaine.
Nous obtiendrons ainsi un total de L. E. 77.813.750,
soit 2.017.206.740 francs, que l'on peut considérer comme
la valeur minima de la propriété urbaine.
En résumé, la valeur globale de la propriété immobi-
lière d'Egypte s'élève actuellement :
Pour la propriété urbaine à. . L. E. 77.813.750
Pour la propriété rurale à. . L. E. 588.650.256
Total L. E. 666.464.006
\
— 172 —
BIENS WAKFS (Biens de mainmorte)
Les Wakfs se partagent en trois classes : les Wakfs pu-
blics, les Wakfs khédiviaux et les Wakfs privés.
Les Wakfs publics sont des donations faites au profit
de mosquées, d'écoles et d' œuvres pies. La plupart ont
un passé ancien remontant aux souverains arabes ou
turcs, surtout turcs, qui, après s'être chargé la conscience
de beaucoup d'injustices à l'égard de leurs sujets, pen-
saient racheter leurs fautes en instituant une partie de
leurs biens en Wakfs. Ces biens ont été, depuis une qua-
rantaine d'années, placés sous la tutelle d'une adminis-
tration spéciale dont le chef légal est le Khédive, lequel
délègue son autorité à un directeur général. Chaque
année, cette administration publie un budget qu'elle
accompagne d'un long rapport de gestion. Pourl'année qui
vient de s'écouler, les comptes publiés ont accusé un en-
semble de revenus s' élevant à la sonune de L. E. 502.904
La seconde classe de Wakfs, les Wakfs khédiviaux,
forme une administration à part, ayant un directeur
général se rattachant plus directement à la personne du
Khédive. Elle comprend les donations faites par les
membres de la famille khédiviale ou par d'anciens ser-
viteurs de cette famille, et les revenus en sont attribués
soit à des œuvres pies (érections de mosquées ou autres
monuments de caractère religieux ou humanitaire), soit
à certains membres de la famille khédiviale, soit enfin à
d'anciens serviteurs de cette famille. L'ensemble des Wakfs
— 173 —
khédiviaux se compose de domaines ruraux ayant une
superficie de 65.000 feddans et d'un certain nombre d'édi-
fices urbains. Le revenu moyen annuel de cette adminis-
tration s'élève à L. E. : 250.000.
Pour les Wakfs privés, l'origine en est presque récente.
La propriété du sol avait été, dès la plus haute antiquité,
réservée à l'État, et, sous les différents régimes par lesquels
avait passé le pays, les possesseurs ne l'avaient occupé qu'à
titre de tenanciers ou d'usufruitiers à vie. Ce n'est qu'à
partir de 1854 qu'un décret de Saïd Pacha accorda la pro-
priété pleine et entière du sol à ses possesseurs. C'est donc à
partir de cette date que desWakf s privés purent se constituer.
Il y en eut fort peu dans les premières années et, si
leur nombre a acquis une certaine importance, c'est sur-
tout depuis quelque temps. Quoi qu'il en soit et quoiqu'on
n'ait aucune donnée sur la valeur de ces biens, il n'y a
pas à supposer qu'elle atteigne même celle des Wakfs
khédiviaux. En l'estimant aux deux cinquièmes des Wakfs
publics, on commettrait peut-être une exagération. Les
Wakfs publics, ayant donné un revenu de L. E. 503.000,
en 1910, les 2/5 de cette somme, L. E. 200.000 environ,
représenteraient l'ensemble des revenus des Wakfs privés.
Faisons la récapitulation des revenus de chacune des
trois classes de Wakfs :
Wakfs publics L. E. 502.904
— khédiviaux — 250.000
— privés — 200.000
Total L. E. 952.904
— 174 —
En ce qui concerne les revenus des biens Wakfs, une
remarque s'impose, c'est que leur gestion ne ressemble en
rien à celle des biens d'un particulier naturellement plus
vigilant et plus soigneux qu'une administration. Si donc,
conformément à l'usage en matière de transactions im-
mobilières, nous avons adopté le 6 0/0 pour la capitalisa-
tion des revenus de la propriété privée, nous devons, en ce
qui concerne les biens Wakfs, réduire ce taux à 3 0/0.
Le denier de 3 0/0 étant de 33,33, le produit de ce
coefficient par L. E. 952.904 nous donne L. E. 31.763.490
comme valeur des biens des trois classes de Wakfs, tant
ruraux qu'urbains. Il ne nous reste plus qu'à défalquer
cette somme de la valeur globale de la propriété immo-
bilière rurale et urbaine, soit 666.464.006, ce qui laisse
pour la valeur de la propriété libre L. E. 634.700.516
(16.453.675.074 francs).
Ici une autre considération s'impose. Qu'est-ce que
l'impôt foncier au point de vue économique ? Ce n'est ni
plus ni moins, comme on le sait, qu'une expropriation au
profit de l'État d'une part indivise du sol, dont la valeur
correspond au montant de l'impôt capitalisé. En effet lors-
qu'on achète une terre, on ne manque jamais d'en déter-
miner la valeur par le revenu, de faire la part de l'État,
en déduisant de ce denier le montant de l'impôt auquel
elle est assujettie et en capitalisant le solde au denier
courant. Cette défalcation, qui accompagne toute mu-
tation de propriété, n'est que la simple reconnaissance
du droit de l'État dans la propriété du sol pour une part
— 175 —
correspondant à la valeur, en capital, de l'impôt qui le
frappe. Or, le domaine de l'État étant inaliénable, il s'en-
suit qu'on ne petit le comprendre dans la partie libre
susceptible d'hypothèques. Mais à quel taux capitaliser
l'impôt pour cette défalcation ? On doit le calculer
au taux en usage à l'époque de son établissement et,
comme cette époque, déjà lointaine, se signalait par la
grande cherté de l'argent, le taux le moins élevé qui y
eut cours fut celui de 9 0/0. L'impôt, s' étant élevé, en
1909, à 5.447.778, représente au taux de 9 0/0 un capi-
tal de L. E. 60.530.866. Déduisant cette somme de la
valeur de la propriété libre, nous obtenons comme résultat
final L. E. 574J69.650 (14.884.501.620 francs).
177
TABLEAU XIV
Production agricole d'après les superficies des cultures
Revenus unitaires des cultures
CULTURES
Coton
( grains
Maïs. I
( paille
( grains
Riz. . .
( paille
( grains
Blé...
( paille
( grains
Fèves
i paille
( grains
Orge.
( paille
Canne à sucre
Oignons
Bersim
Divers (2)
Vergers et potagers
RENDEMENT
MOYEN DU FEDDAN
d'après le
Département
de l'Agriculture (B)
4,20 kantars(r
6,5 ardebs
8 charges
g ardebs
2 charges
4 ardebs
3 1/2 charges
6 ardebs
4 charges
7 ardebs
4 charges
500 kantars
100 —
PRIX
de
l'exportation
d'après
les douanes
L. E.
3,997(1
0,670
0,070
1,950
0,080
1,000
0,500
0,830
0,180
0,680
0,400
0,030
0,130
REVENU
BRUT
de la culture
par
feddan
L.E.
16,787
4,355
0,210
9,750
0,160
4,000
1,750
4,980
0,720
4,760
1,600
15,000
13,000
5,000
5,500
15,000
4,565
9,910
5,750
5,700
6,360
FRMS de
chaque
culture
par
feddan
REVENU
NET
de la cul-
ture par
feddan
L.E.
4,500
1,450
3,000
1,700
1,200
1,200
5,300
4,000
0,750
1,500
8,000
L. E.
12,287
3,115
6,910
4,050
4,500
5,160
9,700
9,000
4,250
4,000
7,000
PRODUIT
NET
de
l'unité
L.E.
2,925
0,479
1,382
1,012
0,750
0,737
0,019
0,090
(B) Ces chiffres diffèrent de ceux du tableau I, car ils s'appliquent à toutes les terres, irriguées
ou non, alors que les rendements du tableau I sont exclusivement ceux des bonnes terres soumises
au régime de l'irrigation pérenne.
1. Moyenne des cinq dernières années.
2. Lentilles, pois chiches, sésame, arachides, millet, indigo, lupin, fenugrec, chanvre, lin, henneb,
me'.ons et pastèques.
11
178 —
TABLEAU
Production agricole d'après
Résultats généraux
CULTURES
Coton
C grains
Maïs . <
( paille
( grains
Riz. . . ]
( paille
( grains
Blé. . . ]
( paille
C grains
Fèves <
( paille
i grains
paille
Canne à sucre
Oignons
Bersim
Divers (1).
Vergers et potagers
SUPERFICIE
TOTALE
de la culture
en feddans
1.590.050
1.796.745
271.820
1.249.264
566.688
423.293
43.982
26.660
1.531.793
132.910
30.334
RENDEMENT MOYEN
du feddan,
d'après le Département
^de l'Agriculture
4,20 kantars
6 1/2 ardebs
3 charges
5 ardebs
2 charges
4 ardebs
3 1/2 charges
6 ardebs
4 charges
7 ardebs
4 charges
500 kantars
100 —
1. Lentilles, pois chiches, sésame, arachides, lupin, millet, indigo, fenugrec, chanvre, lin, henneh,
melons et pastèques.
— 179
XV
les superficies des cultures
bruts des cultures (a).
RÉCOLTE TOTALE
PRIX
de l'exportation
d'après
les douanes
VALEUR BRUTE
de
la récolte
L. E.
L. E.
6.685.234 kantars
3,997
26.720.880
11.678.843 ardebs
0.670
7.824.824
5.390.235 charges
0,070
377.316
1.359.100 ardebs
1,950
2.650.245
543.640 charges
0,080
43.491
4.997.056 ardebs
1,000
4.997.056
4.372.424 charges
0,500
2.186.212
3.400.128 ardebs
0,830
2.822.106
2.266.752 charges
0,180
408.015
2.963.051 ardebs
0,680
2.014.874
1.693.172 charges
0,400
677.268
21.991.000 kantars
0,080
659.730
2.666.000 —
0,130
346.580
5,000
7.658.965
5,500
731.005
15,000
455.010
L. E. 60.573.577
(a) Chiffres de la saison agricole 1908-1909, sauf pour le coton, dont les chiffres représentent la
moyenne des cinq dernières années.
— 180 —
TABLEAU XVI
Résultats nets des cultures, tous frais déduits,
sauf déduction de l'impôt (a)
CULTURES
Coton
Maïs, grains et paille.
Riz
Blé
Fèves
Orge
Canne à sucre
Oignons
Bersim
Divers
Vergers et potagers . .
SUPERFICIE
TOTALE
de la culture
en
feddans
1.590.050(1
1.796.745
271.820
1.249.264
566.688
423.293
43.982
26.660
1.531.793
132.910
30.334
RENDEMENT
MOYEN parfeddan
d'après le
Département
de l'Agriculture
4,20 kantars (1
6 1/2 ardebs
5 —
4 —
6 —
7 —
500 kantars
100 —
RÉCOLTE
6. 685. 234k. (Il
11.678.843 ar.
1.359.100 —
4.997.056 —
3.400.128 —
2.963.051 —
21.991.000 k.
2.666.000 —
PRODUIT
NET
de
l'unité
L. E.
2,925
0,479
1,382
1,012
0,750
0,737
0,019
0,090
VALEUR
NETTE
de la
Récolte
L. E.
19.554.309
5.594.165
1.878.276
5.057.020
2.550.096
2.183.768
417.829
239.940
6.510.120
531.640
212.338
Total 44.729.501
Valeur brute. L. E. 60.573.577
Valeur nette. — 44.729.501
Différence ... L. E. 15 . 844 . 076
Cette différence de L. E. 15.844.076 (ou 26,15 o/o) représente les frais généraux de culture.
(A) Chiffres de la saison 1908-1909, sauf pour le coton, dont les chiffres représentent la moyenne
des cinq dernières années.
(1) Moyenne des cinq dernières années.
COTON I
Moyenne |
des
Cinq dernières |
années =■
Planche XI
Agriculture Egyptienne
Les Récoltes ^ leur \;d/eur nette
Saiso9 1Q0Û -10
MAIS
R.a 585^34- Kr. Rjl. 6/8.845 Âpd. R.1.35^.10ÛArd. R,4.^97.056Ard
V.LE. I9.554-.309 V.LE.5.594.165 V.L.E.1.878.276 V.L.E.5.057.020
FEVES
ORGE
CANNE A SUCRE
OIGNONS
R, 992.000 i^ï R.3.400.128Ani R.2.9 63.051 R.2B66.00Û
démêlasse V.L.E.417.829 V.L.E. 2.550.096 V.L.E.2.183.768 V.L.E.239.940
BERSIM
CULTURES
DIVERSES
VERGERS
& POTAGERS
V.L.E. 6.510120
V.L.E.531.640
V.L.E.212338
R, RECOLTE. Kr: KANTAR.( 44- Kll. 928 )„y.,r„B„„Tc .r uwdc è/^voT.c^i.,: ,n «c
Q-QU INTAUX. Ard.:ARDES.U98 litres) '•'"'•^"'^ NETTE a.E: LIVRE EGYPTIENNE (Fc^-. 25, 9235)
CHAPITRE XVIII
DETTE HYPOTHÉCAIRE DE L'EGYPTE
Son rapport avec la valeur de la propriété.
Prêts hypothécaires : engagements par prêts sur la propriété et enga-
gements par privilège du vendeur sur les ventes à terme. — Évaluation
de la dette hypothécaire égyptienne. — Son rapport avec la fortune
immobilière de l'Egypte, — Sa comparaison avec celles des autres
pays. — Raisons pour lesquelles l'écart entre la valeur de la fortune
immobilière et celle de la dette hypothécaire s'augmentera encore.
La fortune immobilière de l'Egypte, dont nous venons
de fixer la valeur, supporte des engagements de deux
sortes : engagements par prêts sur la propriété et enga-
gements par privilèges du vendeur sur les ventes à terme.
Ces engagements sont effectués par différentes catégories
de prêteurs, que nous allons successivement passer en
revue et dont le chiffre d'affaires nous permettra d'é-
valuer la dette hypothécaire de l'Egypte et de déterminer
son rapport avec la valeur de la propriété.
PRÊTS HYPOTHÉCAIRES
On peut classer en deux groupes les prêteurs hypothé-
caires opérant sur les immeubles d'Egypte, suivant qu'ils
— 184 —
font connaître ou non le résultat de leurs opérations.
Le premier groupe se compose des Sociétés par actions
travaillant exclusivement dans le pays et qui, par leurs
bilans annuels, nous renseignent sur les résultats de leur
activité dans cette branche d'affaires. Dans ce groupe,
figurent les banques hypothécaires proprement dites, les
banques de commerce ou de spéculation, enfin les Sociétés
soit foncières, soit industrielles, ayant employé une partie
de leurs capitaux en prêts hypothécaires.
Quant au second groupe, il se compose de deux caté-
gories de prêteurs :
1° Des Compagnies d'assurances étrangères qui placent
une portion de leurs réserves en prêts hypothécaires avec
ou sans combinaisons d'assurances;
2^ Des particuliers, qui eux-mêmes se partagent en deux
classes : les prêteurs étrangers et les prêteurs égyptiens.
Si nous nous livrons à cette décomposition, c'est
qu'entrant avec ce groupe dans le domaine des conjec-
tures, nous ne pouvons nous rapprocher de la vérité,
qu'en procédant par divisions aussi nombreuses que peut
le comporter le sujet.
— 185 —
PREMIER GROUPE
Sociétés faisant connaître leurs opérations
Le tableau XVII ci- après, extrait des bilans des So-
ciétés engagées dans les placements hypothécaires, nous
montre que l'ensemble de leurs placements s'élevait, en
principal, arriérés d'annuités et annuités en cours, à
L. E. 44.227.012, aux dates de clôture de leurs derniers
bilans. Admettons que, depuis la clôture de ces bilans, les
placements des Sociétés aient continué de suivre leur
marche ascendante et, que, de ce fait, ils aient augmenté
de la somme nécessaire pour porter le total ci- dessus à
L. E. 45.000.000, nous pourrons ainsi inscrire, pour l'en-
semble des prêts connus par les bilans, cette somme de
L. E. 45.000.000.
DEUXIÈME GROUPE
Prêteurs ne faisant pas connaître leurs opérations
lo Compagnies d'assurances
Il n'y en a que trois, toutes anglaises, qui se soient
intéressées aux affaires hypothécaires :
Ce sont la Gresham, la Standard Life et la Union
Crown. Ces Compagnies, au début de leur participation
aux affaires hypothécaires, avaient déployé une assez
grande activité ; depuis quelque temps, elles semblent
— 186 —
avoir ralenti considérablement leurs opérations dans cette
branche. Il est probable qu'elles auront épuisé la portion
disponible de leurs réserves. Notons aussi que l'une d'elles,
la Gresham, vient de construire un important immeuble
de rapport qui a dû absorber une bonne part de ses ré-
serves, étant donné surtout que le terrain, acquis au plus
fort de l'effervescence qui a précédé la crise, a été payé
par elle un prix très élevé. Dans ces conditions, il est
raisonnable de ne pas évaluer les placements des Com-
pagnies d'assurances à plus de L. E. 1.500.000.
2o Prêteurs particuliers
A. — Prêteurs étrangers
Première catégorie : gros prêteurs, pour des sommes de
L. E. 200.000 et au delà.
Ceux-ci ont généralement pour clients de gros person-
nages qui traitent avec eux à des taux plus réduits que
ceux offerts par les Établissements d'Egypte. L'impor-
tance des prêts de cette classe explique leur très petit
nombre. Nous ne pensons pas que leur chiffre atteigne
L. E. 2.000.000, mais il ne doit pas en être éloigné.
Deuxième catégorie : prêteurs moyens, pour des sommes
variant entre 1.000 et 4.000 livres, mais dont la moyenne
peut être fixée à 1.500 livres.
D'après les renseignements très minutieux que nous
avons puisés auprès des intermédiaires chargés de ces pla-
cements, le nombre des prêts effectués par leurs soins ne
— 187 —
dépasserait pas 250. Le produit de ce nombre par 1.500
livres, valeur moyenne des prêts de cette classe, nous
donne pour l'ensemble L. E. 375.000.
B. — Prêteurs égyptiens
Première catégorie : les prêteurs de cette classe, coptes
pour la plupart, exercent dans certaines parties de la
Haute- Egypte trop éloignées des grands centres et où, en
outre, le sol est à tel point morcelé que les Banques hypo-
thécaires ne trouvent aucun intérêt à y engager leurs capi-
taux. Ce sont, en général, de très gros propriétaires qui
ont pour clients des cultivateurs engagés dans leurs
terres comme colons partiaires et qui tiennent un peu
sous leur dépendance les omdehs, chefs de villages,
investis de l'autorité officielle.
Cette double circonstance fait que leurs avances sont
rarement garanties par des hypothèques, la situation de
ces prêteurs leur permettant de rentrer dans leurs avances
sans garanties réelles. Il s'ensuit que, dans ces régions,
les prêts établis sur hypothèques sont en très petit nombre,
et de minime importance, ne dépassant pas 100 livres
en moyenne ; il n'y a donc pas Heu d'en estimer l'ensemble
à plus de 250.000 livres.
Deuxième catégorie : les opérations de cette classe
de prêteurs portent sur trois sortes de biens :
Ceux hypothéqués en premier rang dans les Banques
et sur lesquels ils consentent des suppléments d'avance
en deuxième rang.
— 188 —
Ceux n'offrant pas toutes les garanties exigées par les
Banques ;
Ceux, enfin, n'ayant pas obtenu des Banques l'offre d'un
chiffre d'avance considéré comme suffisant par le de-
mandeur.
Inutile d'ajouter que nous nous trouvons ici en plein
domaine de l'usure et de l'inconnu ; nous n'avons donc
aucune donnée particulière qui puisse nous servir de base
sérieuse d'estimation.
Plusieurs considérations peuvent cependant nous
guider :
1° Les capitaux disponibles appartenant en propre à
l'épargne du pays sont de faible importance, fait nette-
ment mis en relief par la dernière crise financière ;
2® Les disponibilités de cette classe de prêteurs des-
tinées à être investies en prêts hypothécaires n'atteignent
pas un chiffre très élevé ;
3° Si l'on estime à L. E. 750 la valeur moyenne des
prêts de cette classe, on ne peut, en aucun cas, supposer
que leur nombre dépasse trois mille ; on est ainsi amené
à prendre pour maximum de la valeur globale de ces prêts
la somme de L. E. 2.500.000. Atteignent- ils ce chiffre ?
Restent-ils plus ou moins en deçà ? Voilà ce qu'il nous
est impossible de savoir. Acceptons néanmoins le chiffre
de L. E. 2.500.000 et procédons à la récapitulation :
1° Prêts connus par les Bilans et comprenant les sommes
restant dues, les arriérés d'annuités et les annuités en
— 189 —
cours L. E. 45.000.000
2° Prêts des Compagnies d'assu-
rances — 1 .500.000
3^ Gros prêts contractés à l' étranger . — 2 . 000 . 000
4° Prêts moyens pour compte de
prêteurs étrangers — 375 . 000
50 Prêts des Égyptiens (l'« catégorie). — 250.000
60 Prêts des Égyptiens ( 2" catégorie ) . — 2 . 500 . 000
Total L. E. 51.625.000
VENTES A TERME.
Les derniers bilans des Sociétés immobilières que nous
avons dépouillés nous ont permis d'établir le total des
sommes qui leur sont dues sur le prix des terres de culture
ou des terrains à bâtir vendus par elles à échéances succes-
sives. Le tableau XVIII ci- après, dans lequel nous avons
condensé les indications des bilans, nous montre qu'à la
clôture de ces derniers il restait dû par l'ensemble des
acheteurs une somme de L. E. 2.024.313.
Comme, à la suite de la crise, cette branche d'affaires
est restée presque inactive, il n'y a pas lieu de supposer
que, depuis la clôture des bilans, il se soit produit quelque
modification sensible dans la situation des Sociétés par
rapport à leurs ventes à terme. Nous nous croyons donc
fondé à conserver tel quel le total ci- dessus. Il ne nous
reste plus qu'à l'ajouter à celui de la dette hypothécaire
arrêtée plus haut à L. E. 51.625.000 ; ce qui nous donne
— 190 —
un total général de L. E. 53.649.313, soit en chiffres ronds
L. E. 54.000.000, représentant très approximativement
l'ensemble des engagements hypothécaires. (Voir
ci- après planche XII).
Gomme, d'autre part, la fortune immobilière de
l'Egypte s'élève, d'après nos calculs, à environ
L. E. 574.169.650, le rapport entre la dette hypothécaire
(L. E. 54.000.000) et la propriété immobilière ressort
à 9,41 0/0.
Au moment où nous mettons sous presse, nous rece-
vons les derniers bilans de quelques sociétés hypothé-
caires. Ces bilans font ressortir une augmentation de leurs
placements dont nous avons tenu compte en portant le
total des opérations hypothécaires de L. E. 44. 222. 012 à
L. E. 45.000.000.
Nous recevons également V Annuaire statistique de VÊ-
gypte pour 1911. Les impôts, sur lesquels nous nous
sommes basé pour l'estimation de la propriété, se sont
augmentés par suite de l'augmentation de la valeur de la
propriété, résultant de la construction de nouveaux immeu-
bles et de r amélioration des terres actuellement cultivées
ou de la mise en valeur de nouvelles terres. Ces impôts ont
passé, de 1909-1910, de L. E. 5.059.231 à L. E. 5.118.887
pour les biens ruraux, et de L. E. 249.004 à L. E. 282.410
pour les biens urbains. Par suite, la valeur de la pro-
priété rurale, que nous avons établie d'après les impôts
à L. E. 540.108.415 (dattiers compris), devrait être
actuellement de L. E. 545.924.034, et la valeur de la
— 191 —
propriété urbaine devrait passer de L. E. 77.813.750 à
L. E. 88.253.125; soit, en tout, une augmentation de
la propriété rurale et urbaine de L. E. 16.254.994
(frs. 421.386.753) équivalant à 2,56 0/0.
La dette hypothécaire est loin d'avoir augmenté dans
de semblables proportions. Son rapport avec la propriété
immobilière, que nous avons établi à 9,41 0/0, doit encore
être diminué ; mais nous le maintenons à ce chiffre au
risque d'être au-dessous de la vérité.
Si l'on compare cette dette avec celle des autres pays,
elle apparaît bien peu considérable. Voici, en effet, les
rapports existant entre la dette hypothécaire et la ri-
chesse immobilière de quelques Etats d'Europe et d'Amé-
rique {planche XIII) :
Espagne 10 0/0
France 10,80 —
Argentine 11,14 —
Italie 16 —
États-Unis 17 —
Hongrie 20,37 —
Roamanie 22 —
Autriche 37 —
Norwège 37 —
Prusse 39,30 —
Russie 40 —
Angleterre, 50 —
Danemark 50 1 —
1. Ces chiffres ont été puisés : 1° dans un rapport du Comité spécial élu par
l'Institut international de Statistique tenu à Berlin en 1903; 2" dans un
article de M. de Folleville publié dans V Économiste Français (24 janvier et
21 Février 1903); 3° dans une étude sur la Dette hypothécaire elles Charges des
immeubles en Hongrie, par Frédéric Fellener (1909) ; 4° dans le Bulletin de l'Ins-
titut international d' Agriculture de Rome (Bureau des institutions économiques
et sociales, août 1911).
— 192 —
En regard des charges qui pèsent si lourdement sur
des pays dont le sol ne peut soutenir, au point de vue de
la fertilité, aucune comparaison avec celui de l'Egypte,
la dette hypothécaire de cette dernière apparaît bien
modeste.
Cela est d'autant plus vrai que le rapport actuel entre
cette dette et la fortune immobilière du pays est appelé
à diminuer dans un avenir très prochain, lorsqu'aux terres
actuellement en exploitation seront venues s'adjoindre
celles qui sont encore soit en friche, soit à l'état de
marécages.
Rappelons que les premières, dont la superficie s'élève
à 1.102.000 feddans (hectares 462.840), n'attendent, pour
être mises en valeur, que l'achèvement des travaux de
surélévation du réservoir d'Assouan. Ces travaux, qui
seront terminés dans deux ans, permettront d'emmaga-
siner 2.300 millions de mètres cubes d'eau au lieu d'un
milliard actuellement. Une fois cette œuvre réalisée, il
restera à procéder au dessèchement des lagunes qui sé-
parent le Delta de la Méditerranée et qui sont connues
sous le nom de lacs Menzaleh, Borollos, Edkou et Mariout.
Ces terres, couvertes par les lagunes, ont une superficie
de 719.100 feddans (302.022 hectares).
Afin de les pourvoir de l'eau nécessaire à leur irrigation,
plusieurs projets ont été présentés. Le dernier en date et
qui paraît avoir obtenu le plus de faveur est dû à Sir
W. Garstin, ex- sous- secrétaire d'État aux Travaux pu-
blics; ce dernier a proposé l'établissement d'un réservoir
— 193 —
sous forme de canal dérivé du Nil Blanc entre le 9° et le
IQo de latitude Nord {Voir planche II, p. 7), soit à la
jonction des trois grands affluents du fleuve, le Bahr-el-
Zaraf, le Bahr-el-Ghazal et le Bahr-el- Djebel, canal devant
avoir une capacité suffisante pour servir à l'irrigation du
Soudan en même temps qu'à celle de la partie de la
vallée d'Egypte occupée actuellement par les lagunes.
C'est donc 2 millions de feddans environ qui vien-
dront s'ajouter à la superficie de la propriété rurale
actuelle de l'Egypte.
Notre tableau II, page 30, de l'état de l'exploitation delà
propriété rurale nous a donné pour valeur minimum du
feddan L. E. 156,833, prix applicable aux bonnes terres.
D'un autre côté, notre estimation de l'ensemble de la pro-
priété rurale nous a conduit à attribuer au feddan une
valeur moyenne de L. E. 102,781. L'écart entre ces deux
chiffres s'explique par la différence de qualité des terres,
dont les unes sont parvenues à l'extrême degré d'amélio-
ration, tandis que les autres sont encore à des étapes
diverses dans cette voie. Mettons cependant que, pour tenir
compte de certains aléas auxquels l'exploitation peut
être sujette, il faille diminuer le prix du feddan de bonne
terre de 25 0/0 environ ; nous aurons alors, pour valeur
moyenne du feddan de cette catégorie, L. E. 120, qui
est justement son prix vénal actuel. Pour l'ensemble
de la propriété, le jour où les grands travaux auront
été exécutés, où les terres en friche et les terres ma-
récageuses auront été mises en culture, leur valeur
— 194 —
sera à peu près égale à celle des terres aujourd'hui
cultivées, puisque toutes les terres, formées du limon
du Nil, ont la même origine, la même constitution et la
même nature.
Dès lors, au lieu que les terres déjà en valeur soient
estimées, en moyenne, L. E. 102,781 le feddan, et que les
terres incultes soient estimées seulement L. E. 10 le fed-
dan, les deux catégories de ces terres pourront justifier
largement le prix de L. E. 112,997 que nous a donné le cal-
cul pour la classe des terres irriguées.
Nous aurons ainsi :
Terres déjà en chaleur :
Fed. 5.620.000 à L. E. 112,997 = 635.043.140
Terres nouvelles :
Fed. 1.821.100 à L. E. 112,997 = 205.778.836
Total :
Fed. 7.441.100 =^ L. E. 840.821.976
Équivalant à : 21.797.070.019 francs.
Sans doute, pour amener les terres nouvelles au même
état que celui des terres actuellement en exploitation, il
faudra des dépenses considérables ; mais, û„ de ce fait, la
dette hypothécaire du pays s'augmente, la valeur de
la propriété s'accroîtra elle-même dans une proportion
bien plus importante encore.
195 -^
TABLEAU XVII
Engagements hypothécaires
Extraits des bilans des Sociétés par actions
Prêts hypothécaires
ARRÊTÉS
des
bilans
DÉSIGNATION
des
Sociétés prêteuses
Montant en livres
égyptiennes
31 octobre
31 mars
31 mars
31 mars
31 janvier
31 déc.
31 déc .
30 juin
31 juillet
31 déc.
31 mars
30 juin
31 mars
31 déc.
31 déc.
1910
1911
1910
1910
1911
1910
1910
1911
1910
1910
1910
1911
1910
1910
1910
Crédit foncier égyptien ....
The Land Bank of Egypt.
The Mortgage Coy Of Egypt.
The Land et Mortgage Coy
of Egypt
27.640.220
3.581.538
1.177.924
500.314
8.302.944
1.718.839
500.728
110.782
43.533.289
290.232
403.491
The Agricultural Bank of
Egypt
Caisse hypothécaire d'E-
gypte, prêts pour son
compte. L. E. 1.448.683
prêts pour le com-
pte de tiers. . . 270.156
Crédit hypothécaire agricole
et urbain, prêts pour son
compte. L. E. 351.861
prêts pour le com-
pte de tiers 148,867
Banque hypothécaire Fran-
co-Egyptienne ^
Comptoir financier et com-
mercial
60.402
7.197
161.318
61.315
Banque égyptienne de com-
merce
Crédit franco-égyptien
Banque française d'Egypte.
Société agricole et indus-
trielle d'Egypte
Egyptian Delta Land
Société des Oasis d'Hélio-
polis
364.717
28.870
9.904
Total
'
44.227.012
(1) La Banque hypothécaire Franco-Égyptienne a été fondée en 1910 au
capital de 15.000.000 de francs avec autorisation donnée au conseil d'admi-
nistration de le porter à 50.000.000 de francs.
12
— 196 —
TABLEAU XVIII
Engagements hypothécaires
Extraits des bilans des Sociétés par actions
Ventes à termes
ARRÊTÉS
des
bilans
31 déc.
1910
31 déc.
1909
31 mars
1910
31 octobre
1910
31 déc.
1910
31 déc.
1909
31 déc.
1910
31 janvier
1911
31 déc.
1910
31 déc.
1910
31 déc.
1910
31 mars
1910
31 mars
1910
30 juin
1910
31 déc.
1909
DÉSIGNATION
des
Sociétés vendeuses
31 déc.
1910
Aboukyr Co
Cie Immobilière d'Egypte
Gie Agricole du Nil
Sucreries et raffineries d'Egypte
Egyptian Delta Land
The Gharbieh Land C°
Béhéira Société Anonyme
Agricultural Bank of Egypt
Union foncière d'Egypte
The Wardan Estate :
Société foncière d'Egypte
Société agricole et industrielle d'Egypte.
Société agricole de Kafr-el-Dawar
New Egyptian Co
Administration des Domaines de l'Ëtat
égyptien
The Gairo Electric Railway & Heliopolis
Oases Co
Total.
Montant
en
L. E.
19.510
204.678
71.020
59.780
299.963
48.375
753.184
17.933
123.291
5.366
86.308
99.868
27.736
11.096
226.807
69.398
2.024.313
Planche XI!
Engagements Hypothécaires
Extraits des Bilans des Sociétés par Ac Lions
PRÊTS HYP0THÉCAIRES:le.44.227.oi2
^Mbliss^
o Soc/àrés urbaines
\
L^, 274.076
S^-^^ DIVERSES IE: 77.7/3
S^^^ Urbaines a, Rurales
LE. 3aa. 079
SoctÉTÉs Rurales
L£U l.290.4*S
VENTES A TERME : Le.2. 024-313
Planche XIII
Dette Hypothécaire
Rapport de la dette hypothécaire de quelques Etats à
leur fortune immobilière .
eo
^
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ce
ce
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z
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CHAPITRE XIX
STABILITE ET AUGMENTATION
DE LA VALEUR DU GAGE
Augmentation de la valeur de la propriété, assurée par l'accroissement
continu de la population, de la productivité du sol, de la valeur
vénale de ses produits, notamment du coton. — Résultats à attendre
de la culture intensive. — Raisons pour lesquelles il n'y a pas lieu de
craindre l'avilissement du prix du coton, mais de prévoir, au contraire,
sa plus-value constante. — La fortune de l'Egypte n'est pas liée,
d'ailleurs, à la seule culture cotonnière. En cas d'abandon de cette
culture, facilité de lui en substituer d'autres également rémunératrices.
— Valeur vénale et valeur locative de la terre avec ou sans la culture
du cotonnier. — Conclusion en faveur de l'augmentation de la
valeur de la terre et, par suite, de la stabilité et de la sécurité du gage
hypothécaire.
Nous avons étudié plus haut les causes delà diminution
dans le rendement moyen du coton et indiqué les mesures
projetées ou déjà en voie d'application afin d'y porter
remède. Examinons maintenant si les placements hypo-
thécaires présentent, en Egypte, toutes les conditions de
sécurité désirables tant pour V avenir que pour le présent.
Pour bien saisir l'importance de cette question, il faut
considérer que, dans la vallée du Nil, la presque totalité
des capitaux français sont placés en prêts hypothécaires
— 202 —
consentis pour de longues périodes, et que, dès lors, il im-
porte au plus haut point de sai>oir si la propriété égyp-
tienne est menacée dans V avenir d'une diminution de
valeur ou si, au contraire, elle est assurée d'une plus-value.
Il n'est pas besoin de rappeler, à ce sujet, les ravages cau-
sés, dans les régions viticoles de la France, par le phyl-
loxéra, la dépréciation de la propriété qui en fut la con-
séquence, et les pertes que dut subir de ce fait le Crédit
Foncier 1.
Or il est bien évident que la valeur du gage est étroi-
tement subordonnée à la valeur de la terre elle-même.
Trois facteurs principaux concourent, en Egypte, à
l'augmentation de la valeur de la propriété :
1^ L'accroissement continu de la population sur un terri-
toire dont la superficie cultivée ou cultivable est des plus
limitées ;
2° L'augmentation de la productivité du sol, conséquence
nécessaire de V accroissement de la population et de l'emploi
de procédés de culture perfectionnés ;
3° L'augmentation de la valeur vénale des produits agri-
coles de l'Egypte et notamment de son coton.
Dans notre chapitre VI, nous avons constaté que la
population en Egypte a presque doublé depuis trente ans ;
or, pour subvenir aux besoins sans cesse grandissants de
cette population, il faut que le sol augmente continuel-
lement sa production. On y parviendra grâce à la mise en
1. Dans notre chapitre XIII, nous avons montré qu'il n'y avait aucune
parité à établir entre les pays de monoculture et l'Egypte et, plus particuliè-
rement, entre la culture de la vigne et celle du cotonnier.
— 203 —
exploitation de nouvelles terres et à la culture intensive»
dont le résultat immédiat est d'augmenter la valeur de
la terre en même temps que son revenu.
On comprend mieux, dès lors, la nécessité de la trans-
formation que nous réclamons ailleurs dans le mode d'ex-
ploitation du sol.
En effet, quelles que soient, d'une part, l'importance
des revenus de la culture cotonnière, même avec adjonc-
tion à cette culture des terres en friches ou en lagunes
de l'autre, les facultés productives du sol et la sobriété
proverbiale du fellah, il viendra nécessairement un moment
où cet admirable équilibre sera rompu. Or nous savons
l'attachement du fellah pour la terre, attachement si
profond que sa personne semble se confondre avec elle ;
qui dit fellah dit terre égyptienne. Il lui faudra, pour con-
tinuer à vivre sur cette terre, mettre en œuvre la puis-
sante énergie dont il dispose, tirer parti des nouveaux
procédés de la science agricole pour multiplier à son gré
les ressources que la terre lui procure et, parla, s'identifier
plus encore avec elle. Alors, on verra se réaliser la loi dé
Ricardo sur la rente, non seulement par l'effet direct de
l'accroissement delapopulation, mais encore par l'action
que cet accroissement exercera sur la productivité du sol,
dont l'augmentation fera bénéficier le fonds d'une plus-
value correspondante.
Ici se pose tout naturellement cette question : Quels
résultats l'Egypte est- elle en droit d'attendre de la cul-
ture intensive ? Pour y répondre, nous avons dressé notre
— 204 —
tableau XIX, où nous avons mis en parallèle les situa-
tions agricoles respectives des divers pays et les résultats
obtenus.
Les données de ce tableau sont empruntées à différentes
sources telles que le Bulletin de V Institut international
d' Agriculture de Rome (Essai d'inventaire d'après les do-
cuments publiés par les pays adhérents, Rome, 1910), le
Statesman's Year Book (1911), la Statistique agricole an-
nuelle (1909) (Ministère français de l'Agriculture), etc. ;
et, pour éviter un encombrement de données qui auraient
nui à sa clarté, nous n'avons fait figurer dans notre tableau
que quelques pays choisis parmi les plus remarquables-
au point de vue agricole.
La planche XIV montre le sol réparti en deux divisions
principales : le territoire habité, — comprenant les terres
arables, les prairies artificielles, les forêts, — les étendues-
d'eau et le sol improductif. Dans la terre arable, il ne faut
compter, bien entendu, que les terres en culture ou en
jachère.
On y voit qu'au point de vue du territoire habité le
premier rang appartient aux États-Unis d'Amérique
avec leurs 783.599.500 hectares, dont 114.663.034 de sur-
face cultivée, tandis que le dernier est occupé par la Bel-
gique avec 2.945.557 hectares, dont 1.767.216 en état de
culture, représentant les quatre cinquièmes de la surface
cultivée de l'Egypte.
Mais, si nous considérons la densité de la population et
la production de la terre cultivée en céréales ( Voir planche
— 205 —
XV), les situations changent. Pour la densité, c'est l'E-
gypte qui vient en tête, aussi bien pour la population
totale que pour la population ouvrière ou agricole. Par
contre, le rendement du blé à l'hectare place le Danemark
au premier rang avec 27,81 quintaux (1904-1908), alors
que le dernier rang est détenu par les États-Unis où, en
raison de la rareté de la main-d'œuvre et de l'éten-
due du territoire, on ne peut se livrer à la culture
intensive.
L'Allemagne du Nord, de son côté, a également opéré
des miracles, puisqu'en fort peu de temps, grâce à l'emploi
de la méthode intensive, sa production, dont le rendement
moyen arrivait à peine, avant 1870, à 9 ou 10 quintaux
à l'hectare, a passé à 19,7 quintaux dans la période 1904-
1908.
Or l'Egypte, si exceptionnellement favorisée au point
de vue du sol, ne produit que 14,28 quintaux à l'hectare,
c'est-à-dire moins que l'Allemagne du Nord et à peu près
la moitié du rendement du Danemark.
Voilà de quoi faire réfléchir, surtout si l'on veut bien
considérer que le sol danois, composé, comme celui de
l'Allemagne du Nord, de terre blanche, est des plus
pauvre.
S'il en est ainsi dans des pays où la nature s'est montrée
particuHèrement ingrate, que n'est- on pas en droit d'es-
pérer de l'Egypte, où la nature s'est montrée prodigue
à l'excès, la dotant d'un sol, d'un fleuve, d'un climat,
d'une population agricole qui la placent à la tête des pays
— 206 —
les plus favorisés ? Et que ne pourra- 1- on pas attendre
de la terre égyptienne le jour où, grâce à l'usage de pro-
cédés de culture perfectionnés, ses cultivateurs, toujours
de plus en plus nombreux, mettront en pleine exploitation
ses incomparables richesses naturelles ?
En ce qui concerne particulièrement la production
cotonnière, des études dues aux personnes les plus com-
pétentes, entre autres le rapport de la Commission du
Coton, établissent surabondamment que les récoltes peu-
vent s'accroître dans une très large proportion. Il suffît
d'ailleurs de comparer les récoltes obtenues par une
bonne exploitation et celles produites par une exploi-
tation négligée pour se rendre compte des résultats qu'on
est en droit d'attendre d'une meilleure culture. Les écarts
observés, notamment entre les rendements des terres
bien drainées et ceux des terres drainées insuffisamment,
fournissent déjà, à cet égard, d'utiles constatations.
Partant de ce point de vue, M. E. Gatzeflis, le distingué
ingénieur agronome, fait ces observations intéressantes :
« Nous considérons communément qu'un rendement au
« feddan de 5 à 6 kantars de coton est très satisfaisant,
« tandis que nous devrions tâcher d' arriver à des rendements
« de 9 à 10 kantars. Dans certaines régions d'Europe, il y a
« une trentaine d'années, on estimait comme très bonne
« une récolte de 25 quintaux de blé à l'hectare ; or voici
« que, par la sélection des semences, le perfectionne-
« ment des modes de culture, l'emploi plus abondant
« des engrais, on est arrivé à obtenir fréquemment 34 et
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S.C. 1 B.k- 19,0 00
S.T. 30. 000. 793
se. 18. 1 73/2 /
5.7. 31 8 69. 1 38
S.C. 18.9 19.3^7
S.T. 32 .^9 1 .8^3
S.C. 12,9 1 S. 24-9
Abréviations: S.T. Superficie totale
S.C. Superficie cultivée
Planch
SUPERFICIES COMPARÉES DES
TERRITOIRES HABITÉS ET DES TERRES CULTIVÉES
Mâk ri-'parSO.OOO'^"'-
AI lemagne
5.7: 6^.06^.785 hectares
SX. 35.055.337 __<yi_
France
S.T. 52.965.76^ hectares
S.C.36. 56^.^71 _^o_
Etats-Unis
SX 785.539.S00 hectares.
S.CJl^.663.034- ^d?_
XIV
Belgique
HECTARES
ST. Z.9 ^ S ;S 57
se, 1 .7 Ç7. 21 6
Pays-Bas
ST. 3. 2 S 9.98 2
S.C. 2, 1 *hS.6^9
© Eg;ypte
S.T. 3. & S 9. S 00
SX. 2.237.735
Danemark
5.7. 3. 8 3 6. 93 S
S.C. 2.739.826
Italii
S.T. 28. 66^.84-3
S.C. 7 S. 4- 1 9.000
Autriche
G'**^Bretagne {
Honqrie
S.T. 30. 000. 793
S.C. 18. 1 73!21
SJ. 31 869. i 38
S.C. 18.9 1 9.34-7
S.T. 32 .4^91 .84-3
S.C. 12.9 15. 24-9
Abréviations -. S. T, Superficie totale
S.C. Superficie cuittvée
— 209 —
« 40 quintaux de blé à l'hectare; et ainsi en est- il de
« beaucoup d'autres plantes. Pourquoi n'en serait- il pas
« de même pour nos cultures de coton ? D'ailleurs les
« rendements de 9 à 10 kantars indiqués plus haut ont
« été déjà obtenus en Egypte, dans certaines exploita-
« tions et sur des champs d'expérience i. »
Sir W. Willcocks, la plus haute autorité en la matière,
dans une importante communication faite à l'Institut
égyptien, exprime, lui aussi, l'avis que, moyennant une
judicieuse extension du régime des canaux et des
drains et une meilleure utilisation des eaux, l'Egypte
peut considérablement augmenter sa production coton-
nière .
« En dotant les terres, dit- il, dans les parties élevées, de
« canaux, et, dans les bas- fonds, de voies de drainage ; en^
« complétant les canaux par des fuites qui permettent
« à la féconde eau rouge de la crue d'atteindre les champs
« les plus éloignés, en maintenant le niveau de printemps,
« dans le sud, assez bas par une irrigation adroite et, dans
« le nord, par un drainage bien compris ; en précipitant
« l'eau des réservoirs vers les friches du nord, en rendant
« à la zone cotonnière du sud un été aussi chaud et sec
« que les saisons le permettent ; en utilisant la crue à son
« heure naturelle et inévitable, nous ne pouvons manquer
« de ramener les jours de la dernière décade du siècle
« passé (1890-1900). Et, rattrapant l'ancien rende-
1. Bulletin de V Union syndicale des Agriculteurs d' Egypte, décembre 1909.
— 210 —
« ment de 5 1/2 kantars par acre financière, avec une su-
« perficie cultivée en coton de 1.600.000 acres dans la
« Basse- Egypte, nous pouvons à coup sûr atteindre un ren-
« dément total de 9.000.000 de kantars en Basse- Egypte,
« qui, grossi du contingent de 1.000.000 de kantars de la
« Haute-Egypte, porterait la récolte totale au chiffre de
« 10.000.000 de kantars que fai prédit en 1902 1. »
Il est évident que l'augmentation continue de la popu-
lation sur un territoire dont l'exiguïté ne saurait, nulle
part ailleurs, se concilier avec la satisfaction des besoins
toujours croissants des habitants, aura pour effet d'aug-
menter non seulement la main-d'œuvre agricole — et, par
suite, de réduire ou tout au moins de maintenir aux taux
actuels les salaires, c'est-à-dire les frais d'exploitation, —
mais encore la productivité et la valeur du sol. En matière
de propriété, personne ne l'ignore, il est une loi immuable,
précise comme un axiome de géométrie, en vertu de laquelle
la çaleur foncière, comme toutes les valeurs soumises aux
fluctuations de V offre et de la demande, progresse en raison
de l'accroissement direct de la population.
A cette cause de la stabilité et de l'augmentation de la
valeur de la terre, il en faut joindre une autre non moins
importante : l'augmentation de la valeur des produits du
sol égyptien et notamment de son coton.
Le coton, nous l'avons vu, s'il n'est pas le principal de
ses produits proportionnellement à la surface cultivée et
1. Une Récolte de dix millions de kantars (Bulletin de l'Union des Agricul-
teurs d'Egypte, décembre 1911, p. 312 et 313).
— 211 —
à la production agricole, est le principal élément du com-
merce extérieur de l'Egypte. La terre égyptienne subira
donc nécessairement, au point de vue de son revenu et,
partant, de sa valeur vénale, l'influence de toute modi-
fication survenue dans le marché du coton, où le produit
égyptien occupe une situation prépondérante par ses qua*
lités, sinon par sa quantité.
Mais si, plus tard, la culture du cotonnier prenait, au
détriment des autres cultures, une extension beaucoup
plus considérable, devrait- on craindre l'avilissement du
prix du coton, et, par suite, de la valeur de la terre ? II
suffît d'examiner le tableau XX et le graphique de la
planche XVI, consacrés à la production et à la consom-
mation mondiales du coton, pour comprendre que cette
éventualité n'est pas à redouter, et cela pour deux raisons:
1° L'augmentation toujours croissante de cette consom-
mation ; *
2° Les qualités particulières du coton égyptien.
La consommation mondiale du coton augmente sans
cesse. Sur le marché, la demande absorbe entièrement
l'offre, et elle est loin de répondre aux besoins de la popu-
lation du globe. Les manufacturiers vont même jusqu'à
craindre que la production du coton ne puisse suivre les
demandes de la consommation.
« L'année dernière, au Congrès des Filateurs de Coton,
« M. Alexandre Kusnetzoff calculait que, sur les 1,600
« millions d'habitants du globe, il n'y en avait que
« 500 millions vêtus complètement ; 750 millions étaient
212 —
TABLEAU
Territoires et Populations agricoles.
DÉSIGNATION
DES
PAYS
Allemagne
Autriche
Hongrie
Belgique
Danemark
Egypte (4)
États-Unis
France
Italie
Grande-Bretagne et
Irlande
Pays-Bas
SUPERFICIE (1)
En hectares.
54.064.785
30.000.793
32.491.843
2.945.557
3.896.935
3.359.500
783.599.500
52.955.764
28.664.843
31.369.138
3.259.982
CULTIVÉE
En hectares.
35.055.397
18.173.121
12.915.249
1.767.216
2.739.826
2.237.135
(a)114.663.034
36.564.472
15.419.000
18.919.347
2.143.648
POPU
Dates
1910
1910
1910
1900
1906
1907
1910
1906
1909
1901
1909
64.903.423
28.567.898
20.850.700
6.693.548
2.605.268
11.287.359
93.402.151
39.252.245
34.565.000
41.976.827
5.898.429
(1) Ministère de l'Agriculture, statistique agricole annuelle (1909) : pour l'Egypte, d'après Statis-
iical Y car Book of Egypt (1909).
(4) The Statistical Year Book of Egypt (1909). Population agricole d'après The Census of
Egypt (1907).
(a) Statistique générale de la France. Annuaire statistique (1909).
— 213 —
XIX
Rendements du Blé à l'Hectare
LATION (2)
DI
Générale
par Km 2
:nsité
de la pop. agric.
par rapport à la
surface cultivée
par Km2
Rapport "''o
de la popul.
agr. à la
population
totale
RENDEMENT
A l'HECTAB
DATES
DU BLÉ
E (3)
PRO-
DUITS
AGRICOLE
9.732.472
120,04
27,76
14,99
1904-1908
19,7
13.709.204
95,22
75,43
47,98
1904-1908
13,24
13.175.083
64,17
102,01
63,18
1904-1908
11,95
449.902
227,24
25,45
6,72
1903-1907
23,62
977.808
66,85
35,68
37,53
1904-1908
27,81
9.259.481
335,98
413,89
82,03
» »
14,28
10.381.765
11,91
9,05
11,11
1904-1908
9.74
8.714.625 (b)
74,12
23,83
22,20
1903-1907
14,24
9.611.003
120,58
62,33
27,80
» »
»
2.265.868
133,81
11,97
5,39
1903-1907
21,21
3.688.377
180,93
172,06
62,53
1904-1908
23,84
(2) The Statesman's Year Book (1911).
(3) Institut international d'Agriculture, statistique des superficies cultivées, de la production végé-
tale, etc. (Rome, 1910).
(b) Recensement général de la population (1906).
É A L'
Hectare
i
Rend^ du Blé
(en Quintaux a l'Hectàrej
i
DANEMARK f j 27,81
i
PAYS-BAS Ç^ 23,84
BELGIQUE ( J 23,62
i
1
1
1
ANGLETERRE f J 21,21
ALLEMAGNE Ç J 1 9,7 0
EGYPTE ^ 14,28
FRANCE Q 14,24
AUTRICHE (/) 13,24
HONGRIE ^ 1 1 ,95
F déterre cultivée.
ÉTATS-UNIS O 9,74
Pla
Populations Comparées & RepI:
POPULATION
ETATS-UNIS
ALLEMAGNE
ANGLETERRE
FRANCE
ITALIE
AUTRICHE
HONGRIE
EGYPTE
BELGIQUE
PAYS-BAS
DANEMARK
p.r.
P.A,
93.4-08. 151
10.381. 765
P.T.
P.A.
64.903.423
9.732v472
P.T.
P.A.
41 .976. 827
2.265.868
P.T.
P.A.
39.25
8 .71^
1
2-245
k.625
P.T.
P.A.
34^
9
. 565.000
.611.003
p.t:
P.A.
28
13
. 567. 898
.709 20 A
P, t,
P, A.
20.850.700
13.176.083
■
1
P.T.
P.A.
11.987.dS»
8.259.461
P.T.
P.A.
6.693.548
449. 30S
— *■
P.T.
P.A.
5.898.429
3.688 377
*■
P.T.
P.A.
2.(
{
Î05
)77
.26
.80
8
8
LEGENDE:
, P.T.= Populalion toLak
P. A.i Population agricole
EGYPTE
PAYS-BAS
HONGRIE
AUTRICHE
ITALIE
DANEMARK
ALLEMAGNE
BELGIQUE
FRANCE
ANGLETERRE
ETATS-UNIS
LEGENDE
che XV
3EMENTS DU BlÉ A L HECTARE
DEN SITE
D.G. 335^88
OA. 4-19^89
D.G. iao,9a
D>A. 172^0©
D.G . 64-^17
D.A . 102^01
D.G. 95,22
D.A. 75,4-3
DG. 120.58
D.A. 62,33
D.G. 66,85
D.A. 3 5,68
D.G,
120,04-
D.A.
27, 76
r
D.G.
227^24-
D.A.
25,4-5
■ D.G. 74-, 12
DA 23,03
D.G. 133,81
D.A, 11,97
D.G. 11 ,©1
Dw^. 9, OS
Rend"^ du Blé
(en Quintaux à l'hectare)
DANEMARK
BELGIQUE
EGYPTE
AUTRICHE
HONGRIE
D. G. r Densité âénépale
D.A.= Densité de la population agricole par K~ déterre cultivée
27,81
PAYS-BAS ( ) 23,84
23,62
ANGLETERRE ( j 21,21
ALLEMAGNE ( J 19,70
14.28
FRANCE Q 14,24
O 13-24
O 11-95
ÉTATS-UNIS O 9,74
217
TABLEAU XX
Production et Consommation mondiales du coton
d'après John's Handbook et la Fédération internationale '
(En milliers de balles de 500 Ibs.)
Z
PRODUCTION.
O
o
o
SAISONS.
ÉTATS-
UNIS.
INDES.
O
•H
TOTAL.
1902-1903...
10.758
3.085
1.115
264
1.541
16.763
13.476
1903-1904...
10.124
3.577
1.157
181
1.657
16.596
13.268
1904-1905 . . .
13.557
3.249
1.224
175
1.182
19.387
14.368
1905-1906...
11.320
3.838
1.159
263
1.307
17.887
15.200
1906-1907...
13.550
4.158
1.345
249
1.495
20.797
16.743
1907-1908...
11.582
8.556
1.401
169
1.644
18.352
16.779
1908-1909...
13 . 829
3.823
1.321
156
1.671
20.800
16.667
1909-1910...
10.651
4.186
985
108
1.721
17.652
17.031
Moyenne des
8 saisons. .
11.921
3.684
1.213
195
1.514
18.529
16.191
Pourcentage .
64,33
19,88
6,54
1,05
8,17
» »
81,98
1. Pour la production, les poids des balles variant avec chaque provenance
et les statistiques douanières et autres d'où ont été relevés les chiffres de chaque
pays, portant les quantités des balles avec leurs poids locaux, il a fallu, pour
arriver à la totalisation, ramener tous les poids à un type unique, celui de
500 livres anglaises équivalant à 226 kil. 5.
Planche XVI
Productions Consommation mondiales du Coton
Moyennes comparatives des Pays ppoducteups
pourlapériode 180o-1910
^ç,XP^^^oyenne:U3'^^' ^^^S/^
6..5*7o
l.057o
O
I9G.000 balles
Production ôy^
mondiale : 0>
\^4D£:s
y^
8.\7«/o
>• Consommation
mondiale:
18.529.000 balles ^rf^T^— — -— "^^^ ISJdl. 000 balles
Rapport de la consommation à la production
81.38 %
_ 221 —
•« vêtus en partie et le reste, soit plus de 300 millions, était
« dans un état habituel de nudité. Il estimait que, pour
« les vêtir tous tant bien que mal, il faudrait porter à
« plus de 42.000.000 de balles de coton la production,
« qui, en 1908-1909, était de 22.467.000 balles \ yy
Il y aurait donc une longue étape à parcourir avant
qu'il y eût excès de l'offre.
Tout, du reste, tend à l'augmentation de la consom-
mation du coton : l'accroissement de la fortune publique,
« l'amélioration de la condition des classes laborieuses,
« le besoin sans cesse grandissant du bien-être et de l'é-
« légance, enfin, et surtout, les progrès de la coloni-
se sation^ ».
Quel sera, dès lors, le sort du coton égyptien? Dans le
-chapitre où nous l'avons spécialement étudié, nous avons
montré qu'il était spécialement recherché pour les articles
de luxe et que son prix faisait prime de 69 0/0 sur celui de
l'américain.
Ce prix ne fera évidemment que s'accroître au fur et à
mesure que la consommation mondiale s'accroîtra elle-
même, à la seule condition que le coton égyptien conserve
«es qualités, et nous avons vu que l'on faisait tout pour
parvenir à les lui conserver.
La planche XVI nous montre le rang infime occupé par
l'Egypte, par rapport aux États-Unis, dans la production
mondiale. Le coton égyptien ne rentre que pour 6,54 0/0
1, A propos du danger de l'augmentation de l'or, par Y. Guyot {Informa-
lion, 17 mai 1911).
2. P. Arminjon, La Situation économique de l'Egypte, p. 214.
13
— 222 —
dans l'ensemble de cette production. Or, quelle que
soit l'extension qui puisse être donnée, dans la vallée du
Nil, à la culture du cotonnier, il ne faut pas perdre de
vue que cette extension sera toujours limitée par V exi-
guïté du sol cultivable auquel les déserts et la mer opposent
des barrières infranchissables, sans parler des nécessités
de V assolement qui, elles aussi, limitent Vaire disponible
de la culture cotonnier e.
Est-ce à dire que la production de cette culture doive
rester stationnaire ? Assurément non ; lorsque les terres
actuellement stériles auront été mises en valeur, elle
augmentera certainement d'une façon très appréciable,
mais, en raison de l'exiguïté du sol cultivable, elle sera
encore inférieure proportionnellement à la production
totale du globe.
Ainsi, au point de vue cultural, il est impossible que
le cotonnier d'Egypte voie se modifier sensiblement le
rang qu'il occupe dans la production mondiale. Il y aurait
lieu plutôt, à notre avis, d'envisager l'éventualité con-
traire, par suite non seulement de nouveaux facteurs de
production, mais encore de l'extension de la culture du
coton dans les deux pays qui en fournissent actuellement
la majeure partie : nous voulons parler des États-Unis et
des Indes, où le sol apte à cette culture peut s'étendre
encore dans des proportions considérables.
La production cotonnière de l'Egypte devant rester, tout en
s' augmentant, relativement restreinte en regard des besoins
toujours croissants de la consommation et de la production
_ 223 —
totales du globe, son prix est donc assuré d'une plus-value
continue.
Ainsi, au point de vue purement économique, nous
pouvons répéter que la valeur du coton suit le mouvement
d'augmentation de la consommation mondiale. [Voir
tableau XX et planches XVI et XVII.)
Enfin, au point de vue de la fabrication, nous savons
déjà que les qualités particulières du coton égyptien,
notamment la longueur et la résistance de sa fibre, lui
assurent une place privilégiée qu'il sera impossible de
lui ravir.
Non seulement les pays qui l'emploient déjà augmen-
tent, chaque année, leurs demandes, mais ses acheteurs se
multiplient; parmi ces nouveaux venus, il faut citer l'Al-
lemagne, qui absorbe 8 à 9 0/0 de la production égyp-
tienne, l'Amérique (8,7 0/0), quelques autres pays d'Eu-
rope moins importants, et, enfin, chose très remarquable,
l'Extrême-Orient, qui, en 1909, acheta pour L. E. 437.774
de coton égyptien.
De quelque côté qu'on envisage la question des prix,
on voit que la situation de choix occupée par le coton
d'Egypte repose sur des bases trop solides pour être sus-
ceptible de recevoir le moindre ébranlement.
Nous pouvons donc conclure qu'on n'a pas à craindre
l'avilissement des prix du coton et, partant, de la valeur
de la terre.
Supposons cependant que, pour une raison quelconque,
une manœuvre de spéculation par exemple, la culture du
_ 224 —
cotonnier cesse d'être rémunératrice pendant une ou deux
saisons et que, de ce fait, l'Egypte se voie dans la néces-
sité de l'abandonner jusqu'àl'assainissementdelasituation
commerciale ; pourrait- elle le faire sans s'imposer de no-
tables sacrifices ? Assurément, puisque, encore une fois,
la terre à cotonnier est la même terre qui, par rotation,
reçoit le blé, l'orge, les fèves, etc. ; puisque, en outre,
l'exploitation du cotonnier, plante annuelle, n'exige ni
installation, ni matériel particulier d'aucune sorte ; puis-
que, enfin, au moment où, suivant le système d'assolement
adopté, le tour du cotonnier arriverait, il n'y aurait qu'à
lui substituer une autre semence.
En d'autres termes, il n'existe, au point de vue de
l'exploitation des terres, aucune différence entre le coton-
nier et toute autre culture du pays, hormis la canne à sucre.
Abandonnée, puis reprise, sa culture ne peut amener
aucun trouble sérieux dans l'exploitation agricole; sauf
une légère différence de rémunération, celle-ci continue-
rait comme par le passé.
D'ailleurs, nos tableaux I et II de l'exploitation actuelle
nous ont déjà montré qu'avec les combinaisons cultu-
rales dans lesquelles le coton est absent, la rémunération
ne diffère pas très sensiblement de celles dont le cotonnier
fait la base. En prenant pour prix du kantar le chiffre
de P. T. 300 adopté par l'usage en matière d'estimation,
on y voit que si, avec le coton, le revenu net de l'hec-
tare est, en moyenne, de 625 francs, avec les produits
autres que le coton, ce revenu est de 682 fr. 65 pour la
Planche XVII
\L.e. 33.915.339
hs:873.205.l56J
Exploitation de la Culture
cotonnière
Mouvements Comparatifs des Superficies
culti vees , des récoltes et de leurs resulta ts
riHANCIERS DE 189S-96 À J910-11
LE 11.813.147
FcS.m6.23d.4-W
KanLars -.5.256.128
( Qumtaux:
2.361. 473)
reddans -.997.7^5
(Hec tiares:
SUPèRFICIE €U^Tiy£^
KaniarsJ S73.3SS
(Quintaux:
3.405. 952)
Mdans 1603.266
(Hectares:
673.371J
41 3^ 04S J '^^ ^f" *^*0 «s® w» o— «^fN Mnj m* *«> UiV) tot^ n.«o qoco o>o o^
«5<J> C^Ca OiO^ 0>0l (J>0 OO OO OO OO OO OO CSO QO OO Q"-- -- —
flO , 09 05 C5 aoOi 05 Oli 0), 0>, 05'. 05, O) (J5, Cf5i C5, 0)0>
— 227 —
canne à sucre et de 580 fr. 80 pour les céréales.
De même, le prix de la terre, avec la culture cotonnière
et sur la base des transactions courantes, s'établit à
9.258 francs l'hectare, et, par capitalisation du revenu,
au taux de 6 0/0, il peut varier entre 10.014 et
10.847 francs, tandis qu'avec un autre système de cul-
ture, où n'entre pas le coton, le prix est respectivement
de 9.258 et de 11.377 francs pour la canne à sucre, et de
9.258 et de 9.680 francs pour les céréales.
Certes, la culture du coton est extrêmement rémuné-
ratrice ; elle a modifié la situation économique de l'E-
gypte, et c'est par elle surtout que ce pays est arrivé au
degré de prospérité qui le signale à l'attention ; cependant
la fortune de l'Egypte n'est pas liée, comme on essaie très
souvent de le persuader, à la seule exploitation du
cotonnier.
Ce qui, du reste, montre que, pour nos chiffres, nous nous
en sommes tenus à des données aussi modestes que possible,
c'est leur comparaison avec ceux des locations. Les
bonnes terres, dont il est question dans nos tableaux I et II,
se louent communément à raison de 12 ou 14 livres égyp-
tiennes par feddan (740 à 864 francs l'hectare) ; or, nos
calculs nous ont donné un revenu net de 580 à 682 francs
par hectare. Ils sont bien inférieurs, on le voit, au prix des
locations.
Mais, en dehors des produits de grande culture, il en
est d'autres qui peuvent ajouter beaucoup encore au
revenu et, partant, à la valeur de la terre égyptienne :
— 228 —
les légumes, les fruits, les menus produits de ferme.
« S'il est une région, fait observer M. Arminjon, où la
« culture des légumes et des fruits devrait prospérer et
« faire l'objet d'une exportation abondante, c'est bien la
« vallée du Nil. Cette culture y est, au contraire, si étran-
« gement négligée que l'Egypte, loin de satisfaire à ses
« propres besoins, n'a pas payé à l'étranger, en 1909, moins
« de L. E. 64.040 pour ces articles de consommation,
« de L. E. 78.069 pour les pommes de terre, et de
« L. E. 43.226 pour les conserves alimentaires végétales ^ »
De son côté, M. Léopold JuUien montre les précieuses
ressources que le cultivateur égyptien peut trouver dans
la production des fruits et des légumes :
« La culture arbustive, dit-il, peut être largement dé-
« veloppée : les provinces de Galioubieh et Menoufieh, le
« Sud de la Gharbieh, l'Est Béhéra et l'Ouest Gharkieh
« et Dakahlieh offrent plus de 500.000 feddans où l'on
« peut produire en grand l'orange, la mandarine, le citron,
« la mangue, l'abricot, la pêche, le raisin, etc. Sur le
« reste du territoire, le bananier, le dattier, le figuier, le
« néflier peuvent conquérir une large place. Tous ces fruits,
« convenablement traités, peuvent faire l'objet d'une
« exportation intéressante vers les marchés européens.
« La culture maraîchère est également susceptible d'une
« très large extension ; citons l'oignon, la tomate, la
« pomme de terre, l'artichaut, le chou de Bruxelles, leme-
1. p. Arminjon, La Situation économique et financière de l'Egypte, p. 624,
— 229 -^
« Ion, le cornichon. Tous ces produits, convenablement for-
«■ ces, pourraient se vendre avantageusement en Europe i. »
L'exportation des légumes représente environ 1 ou 2 0/0
de l'exportation totale, et celle des fruits est insignifiante.
Il semble, d'autre part, que, dans un pays si essentiel-
lement agricole, où la propriété est si morcelée, les menus
produits de ferme (beurre, volaille, œufs, lapins, etc.)
■devraient donner un revenu énorme. Il n'en est rien.
Cependant, l'exemple du Danemark est là pour dé-
montrer qu'une exploitation agricole bien entendue et
bien soutenue peut donner, avec des systèmes communs,
des résultats satisfaisants à tous égards. Avec ses 2.739.826
hectares de terres cultivées et ses 977.808 ouvriers agri-
coles, ce petit pays tient non seulement le record du ren-
dement du blé avec ses 27,81 quintaux à l'hectare (Voir
le tableau XIX et les graphiques des planches XIV et
XV), mais encore il importe annuellement en Angleterre
pour plus de £ 18.000.000 de beurre, œufs et petit- salé.
De ces trois chefs, ses exportations, en 1908, ont été de :
Beurre £ 10.984.721
Œufs — 1.824.273
Petit-Salé — 5.685.526
Total £ 18.494.520
Or l'exportation égyptienne des produits de ce genre
se réduit à celle des œufs, qui ne figure que pour
L. E. 126.572 dans les chiffres du commerce de 1909,
1. L'Egypte sans le coton (Bulletin de l'Union des Agriculteurs d'Egypte
mars 1912, p. 55).
— 230 —
et pour L. E. 111.581 dans les chiffres de 1910,
A quoi faut-il attribuer cet état d'infériorité ? Sans
doute, pour la majeure part, à l'ignorance, à l'insou-
ciance, à l'incurie du fellah et à l'absence, dans les cam-
pagnes, de toute organisation coopérative ; mais, nous
l'avons dit plus haut, le Gouvernement s'occupe de ré-
pandre l'instruction, de favoriser les institutions coopé-
ratives ; on peut prévoir dès lors que, dans un avenir
assez prochain, les fruits, les légumes, les menus produits
de ferme viendront augmenter, dans une mesure considé-
rable, les revenus du sol égyptien.
D'autres produits, au premier rang desquels on peut
placer le tabac, dont la culture n'est pas aujourd'hui auto-
risée, pourront très sérieusement les augmenter encore.
Si, comme le constate M. Léopold Jullien, toutes les terres
d'Egypte ne sont pas aptes à produire un tabac apprécié,
il y a au moins 100.000 feddans de terres alluviales propres-
à donner un produit rémunérateur ; et, parmi les autres-
cultures, qui semblent devoir réussir, apparaissent la soja,
le tournesol, le ricin, la ramie, l'agave, le safran, etc.
Le prêteur hypothécaire peut donc s'affranchir de toute
inquiétude, car, dans le cas, absolument invraisemblable,
où la culture du coton cesserait d'être rémunératrice, la
terre, au point de vue de la valeur du gage, présenterait
encore toutes les garanties désirables.
Des considérations exposées dans ce chapitre, aussi
bien que dans les chapitres précédents, résultent les con-
clusions suivantes :
— 231 —
ïo La valeur de la terre égyptienne repose intrinsè-
quement sur des bases permanentes et inébranlables :
nature particulière du sol, clémence et uniformité du
climat, action fertilisante du Nil, densité de la popu-
lation avec, pour conséquence, l'abondance et le bon
marché de la main-d'œuvre.
2° Cette valeur s'augmentera encore grâce à l'accrois-
sement continu de la population, au morcellement de
plus en plus accentué de la propriété, aux grands travaux
en cours d'exécution ou en projet (exhaussement de bar-
rages déjà existants, et création de nouveaux barrages,
canaux, routes, chemins de fer), à l'amélioration des terres
actuellement cultivées, au perfectionnement des méthodes
de culture qui, en bien des endroits, sont encore en enfance.
S^ L'extension de la culture cotonnière, en Egypte, ne
saurait entraîner l'avilissement du prix du coton égyptien,
et, par suite, de la valeur de la terre.
40 Si le coton a été jusqu'à présent et promet d'être
longtemps encore le facteur principal de la richesse du
pays, il ne s'ensuit pas que la prospérité de l'Egypte soit
nécessairement subordonnée à sa culture.
Dans l'hypothèse, d'ailleurs inadmissible, où, pour
une cause quelconque, cette culture viendrait à dispa-
raître momentanément ou définitivement, on pourrait Lui
substituer d'autres cultures également rémunératrices.
Donc la valeur de la terre égyptienne, loin de diminuer,
ne fera que s'augmenter, de telle sorte que le gage hypothé-
caire offrira toujours le maximum de stabilité et de sécurité.
CHAPITRE XX
EXPROPRIATION POUR DÉFAUT
DE PAIEMENT
En Egypte, les propriétés expropriées trouvent facilement des acqué-
reurs. — Insignifiance, dans les bilans des Sociétés hypothécaires,
du chapitre réservé à l'actif immobilier laissé pour compte par suite
d'expropriations.
Quand on a sous les yeux les bilans des diverses banques
hypothécaires qui fonctionnent en Egypte, on est frappé
de l'insignifiance du chapitre réservé à l'actif immobilier
laissé pour compte par l'expropriation de débiteurs insol-
vables.
Gomme partout ailleurs, il y a, en Egypte, des débiteurs
qui contraignent leurs créanciers à les exproprier pour
sauvegarder leurs avances ; la seule différence — et elle
est capitale — c'est que, dans ce pays, une propriété
expropriée ne reste pas longtemps entre les mains de
l'expropriateur.
Nous avons constaté plus haut l'attachement passionné
du fellah au sol ; nous avons dit comment il emploie exclu-
— 233 —
sivement son argent en achats de terres et en améliora-
tions foncières générales et quel revenu exceptionnel-
lement rémunérateur il en retire. Il est donc facile de com-
prendre que, lorsqu'un ou plusieurs lots de terrains sont
mis en vente, ils trouvent aussitôt acquéreurs ; on peut
même ajouter qu'en raison des nombreuses compétitions
il se produit le plus souvent des surenchères sen-
sibles.
On conçoit, dès lors, que les Sociétés hypothécaires
n'aient eu à faire figurer à l'actif de leurs bilans, par suite
d'expropriation, que des immobilisations d'une très faible
importance.
En dehors des raisons toutes particulières qui, en ce
pays, concourent au maintien et à l'augmentation de la
valeur des terres, c'est-à-dire de la valeur du gage, il ne
faut pas perdre de vue ce point capital que les Sociétés
hypothécaires n'avancent pas plus de 40 à 50 0/0 de la
valeur des immeubles et que leurs risques diminuent
d'année en année du fait des amortissements.
Si l'on considère que les Banques hypothécaires euro-
péennes, moins heureuses, ont été réduites à devenir pro-
priétaires d'immeubles en nombre si considérable qu'elles
ont dû créer, dans leurs Administrations, de dispendieux
services uniquement préposés à la gérance de ces im-
meubles, le contraste entre les Établissements fonciers
d'Egypte et ceux d'Europe n'apparaît- il pas d'une ma-
nière saisissante ?
En Egypte, comme nous l'avons vu, il n'y a pas à redou-
— 234 —
ter une diminution de la valeur du sol. Il ne faut pas en
conclure, néanmoins, que toutes les terres expropriées se
vendent avec bénéfice : ce serait excessif et inexact. Si
un prêteur prudent n'avance jamais plus de 50 à 60 0/0
de la valeur de la propriété, tous ne suivent pas cette
règle et, lorsqu'il y a perte, on peut affirmer de la façon la
plus formelle que l'affaire a été mal engagée dès le début
et que l'on a dépassé les limites de la prudence même la
plus élémentaire.
CONCLUSION
Nous voici arrivé au terme de cette Étude. Quelles
conclusions convient- il d'en dégager ?
La nature, nous l'avons vu, s'est plu à combler de ses
dons cette terre d'Egypte dont la prodigieuse fertilité
est, depuis des siècles, devenue légendaire. Par un phéno-
mène dont nous avons examiné les causes, le sol égyptien,
sous la double action d'une eau abondante et d'un climat
sans égal, renouvelle sans cesse de lui-même, et pour ains
dire automatiquement, les éléments de sa perpétuelle
fécondité, et ce sol, cultivé par une race, à coup sûr igno-
rante, imprévoyante, livrée à l'esprit de routine, mais
forte, sobre, endurante, laborieuse, passionnément atta-
chée à la terre, donne jusqu'à deux ou trois récoltes an-
nuelles et produit ce coton sans rival, source principale
de la richesse du pays.
Mais, pour mettre sérieusement en œuvre ces puissants
éléments de prospérité, il fallait un Gouvernement ca-
pable de faire régner partout l'ordre, la justice, la sécurité,
de rétablir et de maintenir les finances publiques, d'ins-
pirer confiance aux capitaux étrangers et aux vastes
entreprises, de favoriser l'action de la nature par un en-
semble de travaux publics, de faire enfin jaillir de ce sol
— 236 —
privilégié les trésors enfermés dans ses entrailles. Ce Gou-
vernement, l'occupation anglaise est venue le donner à
l'Egypte.
De quel développement est susceptible, aux mains des
Anglais, la fortune du pays égyptien, nos statistiques sont
là pour en donner une première indication et permettre
de prévoir les résultats de l'avenir.
Si grande qu'elle soit à cette heure, elle est bien loin
d'avoir atteint à son apogée. Les nouveaux travaux en
cours d'exécution ou en projet étendront, dans de vastes
proportions, le domaine des terres cultivables, tout en
permettant aux propriétaires de transformer des terrains
de peu de valeur en des terres de première qualité ; le
morcellement de la propriété, qui s'accentue chaque jour
grâce à l'augmentation de la population, aura pour iné-
vitable conséquence une exploitation plus attentive, plus
soigneuse et plus intensive de la terre ; le relèvement du
niveau intellectuel du fellah, par la diffusion des éléments
d'instruction, le disposera à l'emploi de méthodes de cul-
ture perfectionnées. Tout cela contribuera à augmenter,
c'est-à-dire à doubler ou tripler la production agricole, et,
par suite, à assurer au pays, dans un avenir prochain, une
prospérité sans égale ; cette prospérité sera favorisée
encore par la diminution de plus en plus accentuée de la
Dette de l'État, par l'absence de ces dépenses militaires
et navales qui écrasent les nations européennes, par
une situation politique qui met l'Egypte à l'abri des
crises sociales, des guerres étrangères ou intérieures.
— 237 —
Un instant, à des esprits mal renseignés ou superficiels
la fortune de l'Egypte put, en ces dernières années, pa-
raître quelque peu compromise, mais ce ne fut qu'une
fausse apparence. La crise de 1907 a été, nous l'avons
expliqué, une simple crise de spéculation qui ne pouvait
atteindre et n'a pas atteint les couches profondes, les
forces vives du pays. L'orage passé, on s'aperçut qu'il
n'avait laissé de ruines que parmi les spéculateurs des
grands centres et qu'en somme il avait assaini le terrain
des affaires ; depuis, l'Egypte poursuit tranquillement
le cours de ses heureuses destinées.
Est-ce à dire qu'il n'y ait pas, aujourd'hui encore,
quelques ombres au tableau de sa prospérité ? Nous gardant
d'un optimisme systématique, aussi bien que d'un pessi-
misme exagéré, nous avons constaté qu'en Egypte comme
partout ailleurs il y avait des maux à conjurer ou à guérir,
et que, à côté des progrès réalisés, il en restait beaucoup
à accomplir ; mais aussi nous avons montré que ces
maux étaient guérissables, que ces progrès étaient en
bonne voie d'accomplissement, et qu'on pouvait compter
sur la ferme volonté des pouvoirs publics, — volonté déjà
traduite par des actes nombreux, — pour assurer toutes
les réformes nécessaires au plein développement de la
prospérité nationale.
Résolu à faire avant tout œuvre de parfaite sincérité,
nous n'avons voulu dissimuler aucune difîîculté, ni laisser
dans l'ombre aucune objection, nous attachant à mettre
toutes choses au point, à dissiper toutes les ignorances, à
— 238 —
détruire tous les préjugés touchant la situation politique
et économique du pays.
Ce travail nous a été tout particulièrement inspiré par
le souci des intérêts français, car c'est surtout l'épargne
française qui alimente la richesse agricole de l'Egypte.
Les capitalistes français, il faut qu'on le sache, sont
les créanciers de la presque totalité de la dette hypo-
thécaire égyptienne. Or, de l'examen des diverses ques-
tions traitées par nous, il ressort, avec la dernière évi-
dence, la confirmation de ce fait que, si les placements
hypothécaires sont, en général, les plus sûrs, l'Egypte est
de tous les pays du monde celui qui, pour ces opérations,
offre la plus grande somme de garanties.
La fertilité proverbiale de son sol, son admirable si-
tuation géographique, politique et économique, l'unifor-
mité et la douceur de son climat, l'importance et la
valeur de ses produits agricoles, l'extrême faveur dont
jouit son coton sur tous les marchés, le caractère de ses
habitants, l'exiguïté de son territoire cultivable par
rapport à l'accroissement constant de sa population, tout
concourt à faire de l'Egypte un champ d'opérations
«nique pour les placements hypothécaires.
TABLE DES PLANCHES
I. — Carte générale de l'Egypte 3
n. — Carte du Nil 7
in. — Agriculture égyptienne. État d'exploitation des
terres 33
IV. — Agriculture égyptienne. Résultats de l'exploitation
des terres par périodes de deux ans. Revenus
comparatifs du sol suivant les cultures exploitées
dans la période considérée 35
V. — Coton égyptien exporté en 1910 (pays importa-
teurs de coton égyptien) 41
VI. — Finances égyptiennes. Mouvement des revenus
publics 73
VII. — Résultats généraux du commerce extérieur de
l'Egypte de 1884 à 1910 81
VIII. — Augmentation de la superficie plantée en coton et
de la superficie des cultures de 1893-1894 à
1908-1909 105
IX. — Agriculture égyptienne (saison 1908-1909). — Répar-
tition des cultures et des terres 109
X. — Exploitation de la culture cotonnière. Mouvements
comparatifs du rendement du feddan, du prix du
kantar et du revenu au feddan de 1896-1897 à
1910-1911 127
XL — Agriculture égyptienne. Les récoltes et leur valeur
nette (saison 1909-1910) 181
XII. — Engagements hypothécaires. Extraits des bilans
des Sociétés par actions. Prêts hypothécaires
et ventes à terme 197
14
— 240 —
XIII. — Dette hypothécaire. Rapport de la dette hypo-
thécaire de quelques États à leur fortune immo-
bilière 199
XIV. — Superficies comparées des territoires habités et des
terres cultivées 207
XV. — Populations comparées et rendement du blé à
l'hectare 215
XVI. — Production et consommation mondiales du coton.
Moyennes comparatives des pays producteurs
pour la période 1903-1910 219
XVII. — Exploitation de la culture cotonnière. Mouvements
comparatifs des superficies cultivées, des récoltes
et de leurs résultats financiers de 1895-1896 à
1910-1911 225
TABLE DES MATIERES
Introduction
CHAPITRE PREMIER
Définition géographique et économique de l'Egypte. — Le Nil, ses
origines, sa formation. — La crue ; ses causes. — Régime hydro-
graphique du Nil. — Formation de la vallée du Nil. — Consti-
tution du sol ; sa fécondité. — Travaux hydrauliques 9
CHAPITRE II
Climat.
Conditions climatériques. — Les saisons ; leur régularité. — La
température ; ses moyennes. — Le Khamsin. — Los trois facteurs
essentiels de la prospérité agricole 20
CHAPITRE III
Produits du sol.
Les saisons agricoles. — Terres soumises au régime de l'irrigation
pérenne. — État de leur exploitation et résultats de cette
exploitation par termes de deux ans. — Combinaisons culturales ;
leurs revenus comparatifs 25
CHAPITRE IV
Le Coton.
Son introduction en Egypte (1820). — Son acclimatation. — Il est
le premier produit du genre. — Rendements comparés de
l'Egypte et de l'Amérique. — Qualités spéciales du coton égyptien;
sa prime sur le coton américain. — Ses emplois. — Son con-
current [Sea Island) très négligeable 37
— 242 —
CHAPITRE V
Le Fellah.
Ses qualités et ses défauts. — Son amour de la terre. — Comment
il place son argent. — Augmentation de la petite propriété. —
Mesures prises pour élever le niveau intellectuel du Fellah, amé-
liorer son état moral et mettre en œuvre toute son énergie 43
CHAPITRE VI
Territoire et Population.
Étendue totale de la vallée du Nil. — Terres cultivées et incultes.
— Densité et augmentation constante de la population. — Com-
position de la population rurale et urbaine. — Répartition du
sol. — Nombre élevé des petits propriétaires 53
CHAPITRE VII
État Politique.
Suzeraineté de la Turquie. — Statut international. — Corps élus.
— Divisions administratives. — Bienfaits de l'occupation
anglaise 61
CHAPITRE VIII
Finances.
Revenus publics. — Augmentation continue des excédents de
recettes 64
CHAPITRE IX
Impôts.
Leur nature. — Impôt par tête d'habitant. — Sa diminution
constante. — Causes de cette diminution 69
CHAPITRE X
Etat judiciaire.
Juridiction mixte. — La raison de son institution. — Son orga-
nisation. — Législation 75
— 243 —
CHAPITRE XI
État économique. — Commerce extérieur.
Balance du commerce extérieur, — Progression continue des
importations et des exportations. — ■ Majoration à apporter dans
la valeur des exportations par suite des sous-estimations de
la douane 77
CHAPITRE XII
La Crise égyptienne.
Ses causes psychologiques et économiques. — Spéculation effrénée
sur les terrains ruraux et urbains. — Afflux énorme des capitaux
étrangers depuis l'accord franco-anglais de 1904. — Abus de
crédit. — Conséquences de la crise. — Les richesses naturelles
du pays sont restées indemnes. — Les dernières faillites ; opinion
du Conseiller financier 87
CHAPITRE XIII
Monoculture.
Pourquoi on a parlé de monoculture, — Statistique comparative
des superficies occupées par les différentes cultures ; le coton
vient en deuxième rang après le maïs et n'entre dans l'ensemble
des cultures que pour 20,83 0/0. — Différence existant entre
les pays à vignobles, comme la France, si terriblement éprouvée
par le phylloxéra, et l'Egypte cotonnière 98
CHAPITRE XIV
Diminution dans le rendement du coton.
Il a diminué de 20,30 0/0 à l'hectare. — Commentaires erronés de
M. Paul Deschanel et réfutation par la Chambre de Commerce
française d'Alexandrie. — Causes principales de la diminution :
l'excès d'humidité du sol ; les parasites. — Autres causes :
dégénérescence de la graine ; insuffisance des engrais 111
_ 244 —
CHAPITRE XV
Réformes et Remèdes.
Contre l'humidité du sol : extension et perfectionnement du
drainage. — Contre l'abus des irrigations : meilleur emploi des
eaux d'arrosage. — Contre les parasites : application métho-
dique des lois, décrets et arrêtés relatifs à leur destruction. —
Résultats déjà obtenus. — Contre l'impureté des graines :
sélection des graines ; extirpation des variétés de cotonniers
inférieures et recherche de variétés perfectionnées. — Réformes
morales : amélioration de la condition sociale du fellah par
la diffusion des éléments d'éducation. — Création d'écoles
d'agriculture. — Station agronomique au Caire. — Fermes expé-
rimentales. — Comité supérieur de l'Agriculture. — Associations
agricoles de prévoyance, de production, de consommation,
d'assistance. — Banques mutuelles de crédit 129
CHAPITRE XVI
La Stabilité politique.
L'Angleterre abandonnera-t-elle l'Egypte ? — Elle ne l'aban-
donnera pas de son plein gré, et son expulsion, soit par une
révolution intérieure, soit par l'intervention d'une ou plusieurs
puissances européennes, n'est pas à craindre. — Mais, si elle
évacuait l'Egypte, l'Europe ne manquerait pas d'intervenir
pour le maintien de ses garanties et la sauvegarde de ses
intérêts. — La dette de l'Egypte envers l'Europe est trop
élevée pour que l'Europe s'en désintéresse. — En cas d'indé-
pendance, ou l'Egypte sera à la hauteur de sa tâche, ou elle
retombera sous le contrôle des puissances européennes. — Rien ne
sera changé. Opinion de lord Gromer 147
CHAPITRE XVII
Fortune immobilière de l'Egypte.
Évaluation de la propriété rurale d'après l'impôt foncier, la valeur
locative et le revenu des terres. — Évaluation de la propriété
urbaine au moyen de la capitalisation du revenu des loyers,
accusé par l'impôt. — Valeur totale de la fortune immobilière,
déduction faite de l'impôt capitalisé et des wakfs (biens de main-
morte) publics, khédiviaux et privés 155
— 245 —
CHAPITRE XVIII
Dette hypothécaire de l'Egypte.
Son rapport avec la valeur de la propriété.
Prêts hypothécaires : engagements par prêts sur la propriété
et engagements par privilège du vendeur sur les ventes à terme.
— Évaluation de la dette hypothécaire égyptienne. — Son
rapport avec la fortune immobilière de l'Egypte, — Sa com-
paraison avec celles des autres pays. — Raisons pour lesquelles
l'écart entre la valeur de la fortune immobilière et celle de la
dette hypothécaire s'augmentera encore 183
CHAPITRE XIX
Stabilité et augmentation de la valeur du gage.
Augmentation de la valeur de la propriété, assurée par l'accrois-
sement continu de la population, de la productivité du sol,
de la valeur vénale de ses produits, notamment du coton. —
Résultats à attendre de la culture intensive. — Raisons pour
lesquelles il n'y a pas lieu de craindre l'avilissement du prix
du coton mais de prévoir, au contraire, sa plus-value constante,
— La fortune de l'Egypte n'est pas liée, d'ailleurs, à la seule
culture cotonnière. En cas d'abandon de cette culture, facilité
de lui en substituer d'autres également rémunératrices. —
Valeur vénale et valeur locative de la terre avec ou sans la
culture du cotonnier. — Conclusion en faveur de l'augmentation
de la valeur de la terre et, par suite, de la stabilité et de la sécurité
du gage hypothécaire 201
CHAPITRE XX
Expropriation pour défaut de paiement.
En Egypte, les propriétés expropriées trouvent facilement
des acquéreurs. — Insignifiance, dans les bilans des Sociétés
hypothécaires, du chapitre réservé à l'actif immobilier laissé
pour compte par suite d'expropriations 232
Conclusion 235
V'e PitiDovË. — tirav. -Imprimeur, 101, rue des Boulets. Paris (XI*).